Chapelle de la Fontaine Blanche à Plougastel : la divinité masculine du culte de la fécondité.
Itron varia ar Feunteun-Wenn.
Interrogeant un Plougastel sur cette chapelle, celui-ci me raconta que, petit , il avait été trempé dans l'eau de la fontaine ; il en ignorait les bienfaits éventuels, mais lorsque je lui signalais l'existence d'un culte de la fécondité, il ne me laissa pas terminer ma phrase : "Fécondité ? C'est pour ça ! J'avais à peine posé mon pantalon sur le montant de la chaise que ma femme était déjà enceinte!".
Ces effets miraculeux méritaient une enquête.
I. PRESENTATION.
Cette chapelle est l'une des huit chapelles de Plougastel, et la plus proche du bourg. Son Pardon a lieu le 15 août.
Au flan d'un vallon exposé au midi, cette chapelle appartient à la même kortennad (quartier) "Bourg-Fontaine-Blanche" que le bourg de Plougastel, situé à l'ouest et dont elle est distante de deux kilomètres. Elle est entourée par les lieux-dits Difrout, Les Rosiers, au sud, et Lesquivit au nord, et elle appartient au même breuriez que Rozeg (Les Rosiers, ancienne seigneurie d'un ramage des comtes du Léon), Vern, Keravili et Diffroud (Difrout). Sur le plan hydrographique, à une altitude de 50 mètres, les eaux de sa fontaine alimentent la rivière de l'Auberlac'h.
C' est un ancien prieuré dépendant de l'abbaye de Daoulas, et construit au XVe siècle sur un ancien édifice. Il forme un ensemble avec le placître planté de hêtres et de chataîgniers, le calvaire, mais aussi surtout la fontaine à qui il doit son nom. Il comprend une nef à cinq travées à bas-cotés, un choeur dont le maître-autel est dédié à Notre-Dame et deux autels en bas-cotés, l'un dédié à saint Laurent et l'autre à sainte Madeleine.
Le pignon ouest, dépourvu de porche, supporte le clocher gothique du XVe à chambre des cloches à deux ouvertures.
II. Le Dieu de la fécondité de La Fontaine-Blanche.
La civilisation agraire issue de la période néolithique favorise les croyances liées à la fécondité de la nature. L'image de la Grande-Mère, déification de la fertilité du sol, apparaît souvent symbolisée par sa capacité à allaiter, et Lavieb-aile a largement exploré la christianisation de ces cultes dans les articles sur les Vierges allaitantes.Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes., les Vierges couchées Vierges couchées de Bretagne : Le Yaudet, Guiaudet et Kergrist., Sainte Gwen aux trois mamelles pour l'allaitement, Vierges allaitantes V : Saint-Venec à Briec : sainte Gwen Trois-mamelles et ses fils le culte rendu à sainte Barbe Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, Ste Barbe. , ou à sainte Marguerite (patronne des sages-femmes et garante de l'eutocie des délivrances), à sainte Catherine pour protéger des fausses-couches et des dangers de la grossesse, à saint Gilles ou à sainte Brigitte pour l'allaitement encore, à sainte Anne qui est au premier plan pour les problèmes de stérilité ( Groupes de Sainte-Anne Trinitaire de la vallée de l'Aulne.) , à sainte Agathe pour les problèmes mammaires, etc...
Les réceptacles de ce culte de la fécondité sont souvent les eaux, principales éléments fécondants de la nature, et les sources, fons, fontis en latin, lieu tangible où se manifeste la grande Déesse-mère génitrice et dispensatrices de nourriture, celle de qui l'on vient et vers laquelle on retourne au moment du trépas, celle que l'on identifie à la terre, matrice de la vie à travers la mort. A proximité des sources, la société gallo-romaine développe une dévotion populaire matérialisée par des statuettes de terre cuite moulée, exécutées en grande série le long de la vallée de l'Allier et représentant le plus souvent des femmes assises dans un siège en osier tressé et allaitant un ou deux enfants . Groupées le plus souvent par trois, ces Matrae, Matres ou Matronae furent vénérées dans le Nord-Ouest de l'Europe du 1er au 5ème siècle de notre ère, pour demander tant la protection des enfants, que l'assurance de fécondité ou comme déesses nourricières. Elles exerçaient une force tutélaire et on plaçait leurs figurines dans les sources, dans les laraires (petite chapelle domestique où l'on plaçait les lares), ou dans les sépultures.
Auprès de ces Déesses-Mères se trouvent aussi en grand nombre des Vénus anadyomènes (sortant nues de l'écume de la mer) ou "Vénus à gaine", destinées également à trouver place dans les laraires ou à servir d'ex-voto placé dans les sources en formulant un vœu. (Par exemple, les statues trouvées à Tronoën (29) et exposées au Musée de St-Germain-en-Laye).
Mais à coté de ces divinités féminines, on vénérait aussi des divinités masculines, comme en témoigne la statue découverte à La Fontaine-Blanche tout près de la chapelle.
La divinité ithyphallique de la Fontaine-Blanche.
Il s'agit d'une statue de kersanton mesurant 0,60m dans l'état actuel, mais dont la hauteur initiale est présumée de 1, 30m. C'est le plus ancien spécimen connu de sculpture en kersantite, roche éruptive effleurant dans la rade de Brest notamment sur le lieu-dit éponyme de la rivière de Daoulas, très résistante et au grain plus fin que le granit.
Elle a subi des mutilations successives : d'abord brisée au niveau des jambes, puis au niveau du phallus et de la main droite qui a été martelée et arrachée jusqu'à l'épaule, elle a ensuite été débitée en deux blocs. La partie inférieure fut enterrée et placée en guise de calage sous le calvaire lors de sa construction au XVe siècle. Le buste, par contre, continua à être vénéré à coté de la fontaine sacrée jusqu'en 1913, puis l'abbé Yves-Pascal Castel le retrouva au fond de la chapelle en 1976 lors des campagnes menées par l'Inventaire général des Monuments de France. La partie inférieure avait été retrouvée en 1951, lors du déplacement du calvaire de l'autre coté du chemin. Cinq siècles se sont écoulés avant la réunion des deux parties. La tête, séparée récemment (après 1913) n'a pas encore été retrouvée.
Musée de la fraise et du Patrimoine, Plougastel.
On remarque les traces de polissage du thorax, attestant des pratiques de frottement contre la pierre, caractéristique des cultes de fécondité, où les frictions du ventre dans le but d'obtenir des enfants étaient courants.
On distingue aussi au sommet de la poitrine, en faible relief, un torques, attribut divin chez les Gaulois, qui atteste de l'origine antique de la statue. Elle est datée du 1er siècle après J.C
La statue "représenterait un dieu de la fécondité, barbu, de face, tenant son sexe de la main droite. Elle daterait de l'époque gallo-romaine (1er- Vème siècle de notre ére) et avait du être placée à l'origine dans un petit sanctuaire, un fanum, qui s'élevait à proximité de la Fontaine-Blanche, dont le nom breton Feunten Ven vient du celtique -vindo qui signifie "sacré". ( Jean-Yves Éveillard, Maître de conférence en Histoire ancienne à l'Université de Bretagne Occidentale).
Plus exactement peut-être, l'adjectif breton gwenn correspond au gaulois vindo qui signifie aussi bien "sacré" que "blanc". (irlandais find, gallois gwynn et fem. gwen), mais son usage en toponymie reléverait le plus souvent du sens "pur, sacré". Selon Christian J. Guyonvarc'h, il a donné le dérivé suffixé Vindonnus , surnom d'Apollon dans la religion celtique attesté par trois inscriptions à Essarois en Côte-d'Or , et "il n'est pas impossible que le gaulois ait eu aussi les trois sens fondamentaux du thème vindo- en celtique insulaire : « blanc », « beau » et « sacré », ce dernier sens étant appliqué aux êtres divins, comme l'indiquent le surnom d'Étain, Bé Find (« femme blanche »), et la désignation irlandaise des anges dans le vocabulaire religieux chrétien : in drong find (« la troupe blanche »)" (Encyclopédie Universalis)
En toponymie, les exemples abondent, comme Vindobona (Vienne en Autriche), Vindoceton (Vennecy) : "bois sacré", Vindoranda (Guérande): "parcelle en friche, ou sacrée", mais on cite aussi Menezguen, Glaosguen, Vendée, Vendeuil, Vendôme, Vendeuvre, Ventujol. Quand au toponyme "Fontaine blanche", dont on relève quatorze exemples en Finistère (Argol), ou à Saint-Jean-du-Doigt, et dont les lieux-dits sont vraisemblablement des sources sacrées pour les gaulois, on le retrouve aussi dans le nom d'une commune de la Manche, Vindefontaine.
Outre l'Apollon celtique Vindonnus ou Vindonus, on cite aussi, découvert sur quatre autels d'un camp romain de Bowes (North Yorkshire) un Sylvain Vinotonus (deux autels) et Vintonus (deux autels).
En Pays de Galles, la racine Gwynn se retrouve dans la divinité Gwynn Ap Nud, roi du royaume souterrain et chef de la Chasse sauvage, ou encore Gwenhwyfar, notre Guenièvre (Dictionnaire Webster).
C'est aussi cette notion de pureté ou de sacralité qui est inscrite dans les noms de saint comme sainte Gwenn et ses fils saint Guenolé et saint Vennec.
Francis Gourvil (Noms de lieu communs au pays de Galles et au département du Finistère, Bull. S.A.F. ) cite Guendour (Eau blanche ) en Plomelin, Ploudaniel et Saint-Thonan, proche de Gwendwr en Breckn, Guenfrout ( ruisseau rapide blanc-d écume-) en Plouvorn et Froutven en Guipavas, rapprochés du Gwenffrd en Monmouth, ainsi que Guenvenez (hauteur bénie ou blanche) en Crozon, rapproché du gallois Gwynfynydd en Montgom.
Cette photographie, tirée d'une carte-postale du début du XXe siècle et exposée au Musée de la Fraise et du Patrimoine à Plougastel à coté de la statue (photographie supra) montre la partie supérieure exposée près de la fontaine. Sur cette image, la tête est encore visible, et sera peut-être un jour retrouvée : elle n'a été séparée que très récemment (probablement vers 1913 lors des travaux d'adduction d'eau ), comme en atteste l'examen des contours et l'absence de toute patine sur la surface de section sur la statue.
En effet, à proximité des sources, il n'est pas rare de trouver des divinités "ithyphalliques" (au phallus en érection) comme celle-ci, ou bien des éléments plus anciens sous forme de stèles hémisphériques basses comme celle-ci, présentée au Musée de Landevennec (Granit, IV- I siècle avant J.C, Porspoder).
Néanmoins, en Bretagne, les exemples ne semblent pas si fréquents et en dehors de cette statue de La Fontaine-Blanche à Plougastel, qui fait référence comme prototype, on ne trouve que le groupe de trois personnages ithyphalliques de Bais (35).
La christianisation de la Bretagne débuta à la fin du IVème siècle en Armorique et ne concerna d'abord que les villes, les "pagani" (habitants des campagnes) heurtés dans leur pratique résistant longtemps encore au monothéisme chrétien. Les anciennes croyances furent combattues dans ce qu'elles présentent d'incompatibles avec l'annonce de l'Évangile, mais assez fréquemment la marque de la croix sera apposée sur des monuments réceptacles de hiérophanies païennes. Les sources et fontaines seront christianisées et les chapelles seront construites à proximité. De nombreux saints se verront attribuer par la population des campagnes des pouvoirs et des vertus qui appartenaient aux divinités païennes, avec le développement parfois divergent de deux traditions, celle qu'entend privilégier l'Église pour mettre en valeur les vertus évangéliques du saint, et celle que transmet la croyance populaire non écrite, et qui intègre des éléments ou des pratiques hérités du paganisme.
Le culte masculin de la fécondité fut souvent récupéré par la figure de saint Guénolé : ainsi, à Lambezellec près de la Penfeld à Brest, la chapelle St-Guénolé abritait une statue ornée d'une cheville en bois. Le saint recevait la visite de jeunes femmes qui souhaitaient devenir mère, et qui prélevaient des copeaux de la statue pour en boire l'infusion...
Par contre, à La Fontaine-Blanche, il semble que ce soit saint Nicolas, second patron de la chapelle après Notre-Dame, qui ait rempli ce rôle, sans néanmoins à ma connaissance donner lieu à cette pratique de tisane fécondatrice.
Fontaine de guérison et persistance de rites thérapeutiques:
La chapelle Notre-Dame-de-la-Fontaine-Blanche jouissait d'une faveur particulière parmi les chapelles de Plougastel, et on s'y rendait en procession plusieurs fois dans l'année ; le pardon du 15 août attirait les foules. Mais surtout, on venait implorer Notre-Dame pour qu'elle fortifiât les enfants rachitiques que l'on trempait à trois reprises dans la fontaine sacrée, ou pour soigner le retard de marche des enfants en leur faisant faire trois fois le tour de la chapelle, deux indications thérapeutiques basées sur l'orthopédie, la capacité de tenir droit.
Outre la présence de statues de kersanton ou de bois (cf statuaire infra) dans la chapelle vénérant des saints et saintes thaumaturges et guérisseurs (saints Laurent, Claude et Fiacre, saintes Madeleine (lèpre), Barbe (allaitement, mort subite)...), une légende locale associe la vieille statue de la Vierge avec la force vitale de la nature. La tradition populaire transmet en effet que cette statue avait été découverte dans le tronc d'un arbre _ou dans un massif de sureau_ près de la fontaine et que, transportée en l'église paroissiale, elle revint miraculeusement dans son arbre pour faire comprendre que c'est en ce lieu qu'il fallait lui bâtir un sanctuaire.
Enfin, il existe encore à la Fontaine-Blanche , de l'autre coté du chemin, un bassin alimenté par la même source et où menait rituellement boire les chevaux et les bovins.
Ce site a-t-il permis d'autres découvertes archéologiques ? Dans la relation de son voyage en Bretagne en 1865, P. Potier de Courcy mentionne la découverte à la Fontaine-Blanche d'un grand nombre de médailles romaines de Tibère à d'Hadrien" ( De Nantes à Brest...Itinéraire descriptif et historique, Paris 1865). On a également découvert une colonne cannelée de haut en bas, qui servait jadis de tronc pour les offrandes près de la fontaine, mais qui est une lec'h, pierre servant à marquer dans l'Antiquité la sépulture des personnages importants. Pour la période gallo-romaine, une colonne à guirlande a été aussi découverte. Enfin, on a souligné que la façon dont le sol schisteux a été creusé profondément au dépens de la petite colline pour établir les fondations de la chapelle semble indiquer une volonté de recouvrir l'emplacement exact de l'édifice païen (Jean Michel).
Sources :
Ce chapitre a été rédigé à partir des panneaux d'exposition du Musée de la Fraise et du patrimoine de Plougastel où se trouve la statue, et du Musée de l' Ancienne Abbaye de Landevennec, lequel expose un moulage de la divinité masculine de la Fontaine-Blanche. Les photographies prises par mes soins sont celles des oeuvres exposées.
La publication princeps sur la divinité ithyphallique est celle de J.Y. Éveillard, D. Laurent et Y.P. Castel Un dieu antique de la fécondité à Plougastel-Daoulas (Finistère), Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, 1977 : 71-92. Les informations complémentaires peuvent être trouvées dans l'article de Jean-Yves Éveillard Le dieu de la fécondité de Plougastel-Daloulas, une nouvelle approche, Mélanges en hommage à Yves le Gallo, Cahiers de Bretagne Occidentale n°6, C.R.B.C 1987 : 107-112.
L'article le plus complet sur la chapelle elle-même est celui de Jean Michel dans Plougastel-Daoulas, Patrimoine architectural et statuaire, Les Amis de Patrimoine de Plougastel, Landerneau 197 : 41-49. J'y ai puisé les meilleurs renseignements.
VISITE DE LA CHAPELLE DE LA FONTAINE-BLANCHE
A l'origine, la chapelle a été construite en bois, mais elle fut détruite lors d'une attaque des Normands vers 913, puis reconstruite, modeste sanctuaire de pierre et de bois, à la fin du Xe siècle. C'est alors un prieuré (monastère dépendant d'une abbaye et dirigée par un preiur), qui dépend alors de l'évêché de Cornouailles, avant qu'en 1186, par un legs confirmé et augmenté en 1218, l'évêque Geoffroy en fasse concession à l'abbaye de Daoulas ; on la trouve qualifiée de Rosa Monachorum dans les manuscrits du XIIe siècle.
Les bâtiments du prieuré, situés face à la chapelle, séparés par le chemin qui conduit au hameau, comportent deux corps de logis en enfilade, dotés de tourelle et datent du XVe siècle .
La chapelle actuelle a été construite, avec son calvaire, pendant le régne du duc de Bretagne Jean V, au XVe siècle. En 1528, l'abbé de Daoulas vient en consacrer les trois autels. Au XVIIIe siècle, l'abbé Nicolas Marion, recteur de Plougastel et titulaire du bénéfice de la chapelle, la restaure entiérement et la dote du lambris actuel. Le vitrail du chevet a été posé en 1905. En 1980, sa charpente et toiture sont restaurées, puis la rénovation intérieure très complète est menée en 1985 -86 par l'association "Les Amis du Patrimoine".
I. La fontaine.
Située en contre-bas du chevet de la chapelle, elle affecte la forme d'un enclos triangulaire autour d'un bassin de 0,80m appuyé sur un massif cubique du XVIIe siècle. Une arche gothique abrite une statue de Vierge à l'Enfant en kersanton du XVIe siècle. L'enfant tient le globe terrestre de la main gauche et tend la main droite vers la poitrine ou vers le pan de manteau de sa mère. La Vierge est couronnée, elle retient de la main droite le pan gauche de son manteau.
II. Le calvaire.
Datant du XVe siècle, il associe la pierre de Kersanton et celle de Logonna. Sur un fût octogonal se dresse la croix monolithique avec le Christ coté est et la Vierge à l'Enfant coté Ouest.
La Vierge est coiffée d'une couronne à trois fleurons triangulaire, sous laquelle s'échappe une longue chevelure. Elle tient , sous le sein droit, une pomme ou un globe alors que l'Enfant garde les mains sur l'abdomen ; sa coupe de cheveux ressemble à celle des moines médiévaux, à moins qu'il ne soit coiffé d'un bonnet godronné. La forme de son col est particulière également, formant deux larges revers autour du cou avant de se réunir sur une perle ou un bouton rond qui retient un pendentif . Les visages sont peu expressifs.
III. Cadran solaire.
Porche sud : cadran méridional, circulaire, en schiste ; datée de 1622, motif soleil et lune, lignes éffilées en rayon solaire diffusant à partir d'un élément circulaire gravé d'une croix pattée, chiffres sur couronne 6 à 12 à gauche,1 à 8 à droite .
Le Finistère vient au dixième rang des départements français pour le nombre (590) de ses cadrans solaires, dont 46% sont datés.
IV. La statuaire.
1. Le Choeur.
1a : Notre-Dame de la Fontaine-Blanche.
A gauche du chevet . Statue en bois polychrome du XVIe siècle entourée de deux anges adorateurs du XVIIe. Inscription sur la base, Notre-Dame de la Fontaine-Blanche. La Vierge porte son grand Enfant sur le bras droit. Elle est recouverte actuellement d'un voile et d'une couronne, rajoutés.
1b : saint Nicolas.
A droite du chevet ; bois polychrome de XVIIIe siècle : représenté en tenue épiscopale d'évêque de Myre, avec le saloir d'où sortent, ressuscités, les trois enfants.
1c : Saint Michel terrassant le dragon.
Kersanton polychrome, XVe siècle, h = 1m.
Nef, à l'entrée du choeur, contre le pilier de gauche ; statue en kersanton du XVe siècle sur un socle en pierre représentant un ange.
L'ange embrasant un demi-cercle dont je n'identifie pas le sens est remarquable ; je note sa coiffure, à raie médiane, ou la richesse de sa robe aux emmanchures ornées.
L'archange est également admirable, mais le dragon grimaçant, cornu et griffu qui lui agrippe la jambe lui volerait peut-être la vedette, si la rondache, bouclier circulaire que sa légèreté rend précieux dans les combats rapprochés à l'épée courte, ne retenait notre attention.
2. Autel du bas-coté sud.
2a. Saint Claude
Kersanton, XVIe siècle, h = 1,20m.
La chapelle Saint-Claude de Plougastel justifie peut-être la présence de cette statue. Saint Claude vivait dans le Jura au temps du premier des rois fainéants Clovis II, et descendait d'une des plus anciennes familles romaines, les Claudia. Devenu moine à Condat (aujourd'hui Saint-Claude, célèbre pour ses pipes) au monastère saint-Oyand, il fut distingué pour ses vertus par l'higoumène Injuriose, chef spirituel de la communauté, pour lui succéder. En 685, c'est à saint Gervais qu'il succède comme évêque de Besançon, jusqu'en 692. C'est donc en tenue d'évêque qu'il est représenté sur cette statue, avec crosse, mitre, chape à fermail à quatrefeuille, surplis au dessus de la soutane, et pantoufles épiscopales rouges. Les bagues sont portées comme il se doit au dessus des chirothèques, ou gants épiscopaux, et on note avec intérêt leur présence sur chaque doigt long, soit sur la première phalange, soit sur la deuxième.
Au XIIe siècle, on constata que son corps était resté intact depuis sa sépulture le 6 juin 699.
2b. Vierge à l'Enfant.
Bois, XIVe siècle.
Une sculpture en bois du quatorzième (moi qui suis né dans le quatorzième, rue des Reculettes¹), ça alors ! Avant la construction de la chapelle ! Elle n'a pourtant droit qu'à un coin derrière un pilier (comme Claudel en sa conversion fulgurante derrière le deuxième pilier à droite prés de la sacristie), mais elle nous regarde sans rancune, d'un air très doux. Comme ils savaient sculpter, à l'époque ! Le visage de Jésus est admirable également, il délaisse un instant le globe terrestre et le geste de bénédiction de ces fonctions officielles pour se réconforter près du giron maternel, où sa mère lui présente un objet de couleur verte vers lequel il approche les lèvres.
Marie, assise, est couronnée, au dessus d'un voile indépendant de son manteau bleu.
¹La Rue ou ruelle des Reculettes, dans le quartier Croulebarbe, voilà toutes mes armoiries. On me fera perfidement remarquer qu'elle se situe dans le treizième, ce qui n'est pas pour me déplaire, mais c'est la maternité qui se trouvait dans le quatorzième. Je rappelle, en ma qualité d'outsider de l'existence, que jadis, du temps où il n'existait que douze arrondissements, comme les bons apôtres, "se marier dans le treizième" signifiait vivre en concubinage. Lors de l'extension de la capitale, après 1860, on décerna les nouveaux numéros en allant de haut en bas et de gauche à droite et le numéro treize échut aux beaux quartiers des villages de Passy et d'Auteuil, mais les habitants de l'Avenue Foch et de l'Avenue Mozart refusèrent cette attribution, non qu'ils soient superstitieux ou snobs, mais quand même ils estimèrent que le un-trois irait beaucoup mieux aux quartiers ouvriers de la Butte-aux-Cailles...et du quartier Croulebarbe.
C'est donc la statue la plus ancienne, et peut-être, je l'ai dit, celle qui est concernée par la légende locale et fondatrice d'une statue trouvée par des paysans dans un arbre, transportée au bourg et revenant trois fois de suite dans le creux de son arbre. A moins que la légende ne porte sur la fondation du tout premier sanctuaire du Xe siècle, mais les dévotions populaires ne s'embarassent pas toujours d'une logique et d'une chronologie qui n'a pas lieu d'être. Quoiqu'il en soit, j'ai remarqué, comme chacun peut le faire, qu'une chapelle possède la plupart du temps plusieurs statues de Vierge : la plus récente reçoit les dévotions les plus officielles, plaques de marbre, ifs de cierges, berceau de procession et prières polycopiées ou affichées ; elle est placèe de la manière la plus ostencible. Au contraire, celle qui fait l'objet de croyances, de légendes ou de rites plus anciens et moins avouables, car souvent enracinés dans les pratiques païennes, occupe un emplacement plus discret et les fidèles qui l'implorent le font en catimini.
2c. Sainte Marie-Madeleine.
kersanton, 1528, h = 1m.
On verra que c'est à elle qu'était dédié, sous le nom abrégé de la Magdal, l'un des trois autels bénis par l'abbé de Daoulas en 1528. Elle est munie de ses deux attributs principaux, le vase à onguent ou de parfum, et ses longs cheveux : on voit que l'artiste a bien fait, en matière capillaire, les choses et qu'elle pourrait servir d'enseigne publicitaire pour une lotion favorisant la repousse des cheveux.
3. autel coté nord
3a Saint Laurent.
Pierre de kersanton polychrome, XVIe siècle, h = 1,10m.
La présence de ce saint guérisseur est liée aux épidémies (que l'on nommait " peste") survenues en Bretagne au XVIe siècle. Un autel lui était dédié, si on pense lire son nom sur l'inscription qui nous a retardé tout-à-l'heure. Il est invoqué aussi contre les brûlures (bien-sûr, et pas seulement les accidents de barbecue), mais aussi contre le mal de dos.
Pour les brûlures, ou pour le zona qui est nommé "mal de saint Laurent", il suffit de souffler en forme de croix sur la plaie en prononçant cette invocation : Ô grand Saint Laurent tournant et retournant sur un brasier ardent vous n'étiez pas souffrant Faites-moi la grâce que cette ardeur se passe.
4. Nef
4a Nef coté nord, Saint Fiacre.
Kersanton polychrome, XVIe, h= 1,30m.
On sait assez que c'est le patron des jardiniers, et sa fameuse bêche serait là pour nous le rappeller si notre mémoire se troublait ; on sait moins que c'est aussi un saint guérisseur de première classe, certes spécialisé dans les maladies vénériennes et les hémorroïdes ou "mal de Saint-Fiacre" (par un calembour entre Fiacre et les grosseurs en forme de figue (ficus) nommées "fic"), mais qui conserve les compétences d'un bon omnipraticien, et d'ailleurs Jean Michel, dans son article (opus citatum) signale qu'il est épatant pour la guérison de la gourme, ou eczéma du cuir chevelu des enfants négligés.
Enfin, si on lui doit le nom de ces véhicules hippomobiles équipées d'un cocher et où Emma Bovary gagna son septième ciel, c'est tout bêtement que notre saint à la main verte avait son éffigie sur l'enseigne d'un hotel de la rue Saint-Antoine à Paris, devenu plus tard une maison de louage de carosse puis de voitures attelées connues sous le nom de "voitures fiacre". Voilà comment on devient patron des chauffeurs de taxi.
4b. Sainte Barbe.
Bois polychrome, XVIe, h = 0,95m.
C'est ma statue préférée, bien que la sainte ait perdu tous ses attributs, son livre et sa tour à trois fenêtres. Je ne reviens pas sur ses pouvoirs para-foudre ( Église Saint-Thurien à Plogonnec II : une inscription du tonnerre!.) . Elle est invoquée en Bretagne par les nourrices pour avoir du lait, pour la raison paradoxale que les seins de la sainte ont été arrachés par ses bourreaux. ( Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, Ste Barbe.)
Si je la préfère, c'est d'abord pour sa beauté, et je comprends bien ses prétendants qui enragaient de la voir s'entêter dans son refus de tout mariage après qu'un certain Valentin, membre d'une secte dont le gourou vivait à Alexandrie, soit venu déguisé en médecin pour la persuader de préserver sa virginité.
Sa beauté va de pair avec son élégance : chape de couleur bleu, aux pans retenus par un fermail d'or ; robe d'étoffe rouge très simple, mais néanmoins galonée d'or, avec son sage décolleté arrondi sur une chemise blanche, et dont la coupe est très ajustée pour souligner la finesse de la taille et la largeur des hanches. Voyez avec quelle grâce, acquise dans les meilleurs écoles de bonnes manières, elle retient d'un doigt les plis soyeux pour permettre à son pied d'avancer ! Cette fille du satrape Dioscore avait eu accès aux maisons d'éducation les plus distinguées d'Héliopolis, réservées aux jeunes filles à qui l'éclat de leur nom (quatre degrés de noblesse paternelle), l'illustration de leur parent dans des emplois éminents et les dignités suprêmes de l'Etat peuvent donner une influence prépondérante sur leur sexe et dont l'exemple peut plus facilement contribuer à répandre les vertus qui rendent les familles plus heureuses.
Tant d'aisance donnerait à penser que l'art de se tenir debout devant un pilier n'en n'est pas un, et qu'il est tout naturel de tenir la tête droite, de conserver dans la main gauche la palme du martyre avec autant de facilité qu'une coupe de champagne, mais combien d'heures passées sous la férule à veiller à ne pas faire tomber le codex que la professeur a placé sur votre tête ! Combien d'efforts d'enseignements donnés pour corriger ces défauts ordinaires à leur sexe, ces larmes qu'elles versent à si bon marché, pour réprimer en elles les amitiés trop tendres, les petites jalousies, les compliments excessifs, les flatteries, les empressements, car tout cela gâte les demoiselles de qualité, les accoutumant à trouver que tout ce qui est grave et sérieux est trop sec et trop austère, alors qu'au contraire il faut les amener à parler de manière courte et précise. C'est qu'elles sont nées artificieuses, et qu'elles usent de longs détours pour venir à leur but.¹
¹Fénelon, De l'éducation des filles, 1687.
Outre sa beauté et la civilité et la distinction de ses manières, c'est la coiffure de la sainte que j'apprécie le plus. Chacun conviendra d'abord que son turban est remarquable, qu'on le voit comme l'expression, par l'artiste, des origines orientales de la sainte (dont c'est l'attribut inconstant), ou simplement comme le témoignage de la mode de cette époque .
Comme expression d'orientalité, il est apparu à la Renaissance dans les peintures d'artistes italiens et flamands représentant soit des scènes bibliques, soit des descriptions de l'empire ottoman, de Soliman le Magnifique ou de Barberousse. Il coiffe par exemple la tête de Nicodème dès le milieu du XVe siècle en Bourgogne à Tonnerre ou à Ternant. En 1496, Dürer dessine un Couple turc en turban. Puis cela devient la mode en Italie, puis ailleurs de s'habiller à la turque, et on dit que la reine Elisabeth 1er d'Angleterre, voulant favoriser ses relations diplomatiques avec l'empire ottoman, portait des habits turcs. ; on trouve le turban porté par Philippe le Bon peint par Rogier van der Weiden en 1450 , et par l'Homme au turban rouge de Van Eyck en 1433 :
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Jan van Eyck, 1433, l'Homme au turban rouge |
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En 1514, Raphael peint Balthazar Castiglione coiffé du turban, puis en 1519 la Fornarina coiffée elle aussi du turban :
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http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Fornarina
Dans l'iconographie de sainte Barbe, j'ai retrouvé ce turban :
1. en Bretagne à Saint-Nicolas-du-Pelem : église : 1ere moitié XVIe siècle, d'origine ou d'inspiration flamande.
2.à l'église Saint-Ouen-de-Mancelles de Gisay-la-Coudre (Eure), mais il est retenu par un bandeau sous le menton.link
3. Dans la Manche, église Notre-Dame de Savigny : statue du XVIe siècle assez proche de celle de La Fontaine-Blanche:
Ce turban possède un nom : c'est, depuis l'ouvrage de Cesare Vecellio Degli habiti antichi et moderni di diverse parti del mondo de 1589, celui de balzo, décrit au chapitre "costume de Venise et d'autres lieux d'Italie : " Queste donne portavano il balzo in testa, molto variato di colori ; et era a opera, tissuto d'oro e di seta con fogliami di rose et altri lavori : Les femmes de ce pays portaient le balzo de différentes couleurs , oeuvre de tissu d'or et de soie, avec des pétales de rose et d'autres éléments".
Le balzo est défini comme une toque italienne ressemblant à un turban, mais constitué d'un bourrelet de brocart ou de velours recouvert de résille. Il est apparu dans les années 1400 en Italie, et il était alors porté très en arrière, dégageant largement le front épilé. Vers 1470, il serait tombé en désuétude, mais serait revenu à la mode vers 1510, avec une forme plus ronde et désormais porté plus en avant. Le terme de balzo recouvre donc deux coiffures assez différentes, et en outre sa distinction avec la guirlande (ghirlanda) et la coiffure nommé capigliara est imprécise.
Le modèle initial (1400-1450) est haut, en forme de bulbe, et ressemble moins à une couronne qu'à un bonnet de poil de grenadier, en moins haut et en plus incliné vers l'arrière. Il est bâti sur une structure en osier en dôme ovale qui reçoit des étoffes, des faux cheveux de soie blanche ou jaune ou des cheveux postiches (capelli morti) puis des ornements comme des bijoux, des plumes de paon, des broderies etc.... Il rassemble toute la chevelure dans son volume, dégageant totalement la nuque et le front épilé. Son usage semble s'être limité à l'Italie du nord, avec une iconographie allant de 1430 à 1445 et on en voit des exemples sur les fresques des Zavattari de 1440 représentant la légende de Teodolinda à la cathédrale St-Jean-Baptiste de Monza, centré par un bijou au dessus du front très épilé.

http://www.arengario.net/momenti/momenti43.html
ou bien sur une peinture de Pisanello (1395-1455) : Théodora, princesse de Trézibonde dans Saint Georges et la Princesse de Trébizonde, 1436-38, chapelle Pellegrini, Vérone :

Le balzo du XVIe siècle est moins haut et il est porté moins en arrière : circulaire, il s'apparente d'avantage à une couronne. Il est posé sur les cheveux mais il ne retient pas ceux-ci, qui recouvrent le front, ou la nuque. Il est orné de filets, de tresses de noeuds, de dentelles, de rubans ou de perles, qui s'enroulent sur le rouleau en créant des effets décoratifs d'entrelacs. C'est à lui que ressemble la coiffure portée par sainte Barbe.
en 1530, Le Parmesan peint sa Schiava turca ou esclave turque (Pinacothèque de Parme)
/http%3A%2F%2Fupload.wikimedia.org%2Fwikipedia%2Fcommons%2Fthumb%2Ff%2Ff8%2FParmigianino_-_La_schiava_turca.png%2F110px-Parmigianino_-_La_schiava_turca.png.jpeg)
En 1534, Le Titien peint Isabelle d'Este. (Kunthistorische Museum, Vienne.)
/http%3A%2F%2Fhome.earthlink.net%2F~lizjones429%2Fisabella1.jpg)
d'autres exemples :

Sources :
http://home.earthlink.net/~lizjones429/balzo-new.htm
Deux autres coiffures peuvent s'apparenter au balzo : la ghirlanda et la capigliara.
La ghirlanda ("guirlande") est une couronne, un simple cercle plus ou moins épais formé de fleurs tressées ou d'autres matériaux naturels comme des plumes. Mais dans la définition de Jacqueline Hérald, auteur de référence avec Renaissance dress in Italy 1400-1500, 1981, ou de Rosita Levi-Pisetsky qui écrit "les ghirlanda des années 1400 ont adopté une forme ronde qui les rapproche du balzo, bien qu'elles se distinguent parce qu'elles sont plus plates", la distinction devient plus ténue.
La capigliara est, au XVIe siècle, un rouleau composé de cheveux postiches, et est donc analogue à une perruque. Mais là encore, la frontière avec le balzo est imprécise, et, au total, j'aurais tendance à retenir que la ghirlanda est la forme légère, le balzo la forme moyenne, et la capigliara la forme volumineuse exubérante et lourde d'une coiffure organisée autour d'une couronne.
La coiffure de Lucina Brembati peint par Lorenzo Lotto (1518, Académie Carrare à Bergame) mériterait bien le nom de capigliara.

Notre sainte Barbe porte donc une coiffure qui s'est développée en Italie, ce qui indique que l'artiste a été influencé par des modèles italiens ou flamands ; s'il attribue à sainte Barbe cette coiffe, c'est soit pour souligner son origine orientale, soit seulement pour la parer des dernieres parures de la mode et montrer son élégance et sa noblesse, soit pour associer habilement les deux.
C'est un boudin régulier entouré d'une étoffe blanche, qui retombe en voile sur la nuque, sur lequel une bande de fin tissu bleu clair vient s'entourer, fixé en son milieu par un large medaillon en or. Comparé au balzo de la sainte Barbe de Savigny, celui-ci est plus dépouillé, moins haut, mais néanmoins assez semblable.
Outre ce balzo, je trouve un autre intérêt à la coiffure de la vierge et martyre, qui est ce voile fixé sur la couronne et qui couvre l'arrière des cheveux avant de contourner les deux nattes par l'avant et de venir réunir ses deux pointes en arrière des épaules. Si je m'y interesse, c'est parce que j'ai retrouvé assez fréquemment ce mode de maintien de la chevelure, et notamment de façon quasi constante sur les statues des vierges allaitantes de Cornouaille Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu., sans en trouver la description ou le nom dans les ouvrages de mode de la période Renaissance. Il est parfois limité à un simple bandeau ne remontant pas sur la nuque et la tête, ou au contraire il apparaît en continuité avec un voile couvrant toute la tête. Il est particulier, puisqu'on ne retrouve ni à Savigny, ni sur les portraits italiens de la Renaissance ce voile retenu par le balzo.
Cette vue de profil, destinée à montrer comment le tissu blanc entoure la chevelure au niveau de la nuque avant de la libérer sur les épaules, souligne également le raffinement de la silhouette, avec cette posture qui projete l'abdomen en avant, comme le voulait alors la mode.
Inscriptions et armoiries :
1. Inscription : Pilier entre le choeur et l'autel sud : partiellement caché par la statue de saint Claude :
La transcription est donnée ainsi : "L'an mille cinq cent huit, Jean Davennes abbé de Daoulas consacra les trois autels de Notre-Dame, saint Laurent et la Madeleine" (site Infobretagne). Néanmoins, l'examen (difficile, car l'inscription contourne un pilier et est cachée par une statue) du texte montre la réalité de la graphie et les difficultés de lecture.
J'ai du prendre trois photographies, que j'examine l'une après l'autre:
Lã: mil:v:c
daoulas cõ
dame. Sãt
( Lã : mil V c III. JE e n
(daoulas cõ) les troies/
(dame. Sãt )... n et la /
( Lã mil vc.. III JE e n ) av /enes : abbé
(daoulas cõ.. les troies) / auttliers : ñre
dame. Sãt..n et la / Mag°dal
J'obtiens donc, en rétablissant le "n" et autres élisions indiquées par le tilde : La(n) mil cinq cent ...trois JE e avenes abbé daoulas co(n)...les troies auttiers n(ot)re dame Sa(in)t ..n et la Magdal.
Jean Michel (op.cit) donne la version très proche, mais complétée par les lettres cachées : L:AN MIL Vc JE DAVENES ABBE DE DAOULAS CO(N)SECRE LES TROIES AUTTIERS, NOTRE DAME SAINT IAN ET LA MAGDAL(eine). Mais la date qu'il donne (1500) est contredite par une autre phrase de son texte qui indique la date de 1528 pour cette consécration, et il omet de prendre en compte de chiffre VIII. En 1528, Jean du Largez n'est plus abbé de Daoulas en titre .
J'en donnerais l'interprétation suivante : L'an 1528 (1508 ? ou 1518), Jean d'Avenes, abbé de Daoulas, consacra les trois autels à Notre-Dame, saint Jean et la Madeleine.
Ma première interrogation porte sur le mot auttiers : correspond-il à "autels" ? J'en ai la double confirmation par le Trésor de la Langue française (CNRTL), et par le glossaire français du Moyen-Âge (1987) qui indique : Aultier (1417, 1466), Auter (1369) : "Autel", toutes ces variantes dérivant de altare.
Le Trésor de la langue Française indique : Emprunté au latin altare, surtout au pluriel en latin classique altaria, "lieu élevé réservé aux sacrifices".... Le changement de la finale -er en -el est dû probablement à une substitution du suffixe -el à la finale -er, rare dans les termes désignant des objets concrets (et peut-être par attraction paronymique avec ostel, "hôpital, hôtel".
Je m'interroge aussi sur l'orthographe de troies : en Moyen français, selon le DMF, on emploie trois, tres, treis, mais pas troies...
Jean "Davennes" n'est autre que Jean du Largez ou du Larget, abbé de Daoulas entre 1502 et 1519, mort en 1533, évêque in partibus et dont les armoiries sont d'argent au chef de gueules, au lion de sinople brochant le tout. Il fut nommé évêque titulaire d'Avesne le 30 juillet 1507.
Jehan du Largez, fils du seigneur de Coatvout en Botlezan et curé de Glomel succéda à Guillaume Le Lay comme abbé de Daoulas en 1502, poste qu'il occupa jusqu'en 1519. Il mourut en son abbaye le 6 juin 1533 ; sa tombe fut placée au milieu du choeur de l'église. Il fonda beaucoup de chapellenies, comme dans les églises de Daoulas, Belle-Isle-en-Terre, Botlezan, Laneven, Quemperven ou Louargat. Premier chanoine de la cathédrale de Quimper, co-adjuteur de Vannes et de Cornouailles, il fut nommé en 1507 "Episcopus avenetensis", évêque in partibus d'Avennes, : on sait que cette locution latine, abrègée d'in partibus infidelium, "dans les contrées des infidèles" signale un ancien diocèse situé sur les territoires perdu par le christianisme après leur conquète par les "infidèles", ou "sarrasins" : son attribution à un clerc permet son ordination comme évêque, souvent pour occuper des fonctions administratives ( Vatican ou diplomatie) ou comme évêque auxiliaire remplissant les fonctions de vicaire général : ce fut sans-doute le cas ici, auprès de l'évêque de Quimper. En effet, le chanoine Abgrall signale qu'il avait été nommé évêque suffragant de Claude de Rohan en attendant que celui-ci fût en âge d'être nommé évêque, ce qui fut le cas en 1510.
Voir l'article du blog pecia.fr sur Jean du Largez: http://blog.pecia.fr/post/2010/12/30/Sur-la-piste-d-un-Livre-d-heures-de-l-abbaye-Notre-Dame-de-Daoulas-(Finistère) .
Mais aucun "siège titulaire", aucun diocèse chez les infidèles n'est connu sous le nom d'Avennes : en effet, sous le nom d'Aveneste en Thrace il s'agit d'une francisation du terme latin avenetensis, qui est, comme abydenus et abydensis, en réalité un suffixe d'Abydos, ville de "Thrace", en Turquie dans le détroit des Dardanelles et siège titulaire d'un diocèse in partibus.
Le terme est utilisé ailleurs qu'en Bretagne, puisque en 1486 Jean Bolivier, suffragant de Jean II Rolin, vicaire général de l'évêque d'Autun et évêque d'Abydos est nommé "évêque d'Avesne" par la Gallia christiania. On retrouve le même terme à Mâcon en 1481 sur un document (Messire Jehan, evesque d'Avenes). L'autre évêque d'Abydos breton est Louis "Combonet" ou du Combout, vers 1538, donc comme successeur de Jean du Largez.
Le terme "évêque d'Avennes" a amené certains biographes à comprendre à tort "évêque de Vennes" ou Vannes.
Cette fonction est sans-doute ce qui a amené Jean du Largez à être un grand consécrateur d'églises et un grand fondateur entre 1519 et 1532 ; notamment à la chapelle Notre-Dame de Fontain
e-Blanche, où le 25 août 1529, il institué "fondation de deux messes aux jours de mardi et samedi de chacune semaine ".
2. Devant ce pilier, cartouche sur la robe de saint Claude sur la statue du XVIe siècle:
b. brener. a . fayct . fayre . ceste . Ymage
Mes prédecesseurs ont lus "Y. brener", mais il me semble bien qu'il s'agisse d'un b et non d'un y.
Une famille Brenneur est attestée à Plougastel-Daoulas : François (-<1704), Yves (1679-1757), Catherine (1682-1710), mariée à André Laurans. Selon Albert Deshayes ( Dictionnaire des noms de famille breton, Le Chasse-Marée 1995) le patronyme Brenner est attesté depuis 1630 à Quimper, Brenneur en est la variante léonaise, il désigne le marchand de son (du breton bren, "son")
3. Armoiries :
3a) A l'extérieur, sur le clocher :
On trouverait les armoiries de la famille Buzic qui sont "de gueules à six annelets d'argent 3+2+1". Mais je n'ai photographié que celles de la famille de Guermeur.
Selon le Nobilaire de Potier de Courcy :
"Guermeur (de), Sr de Coëtrosec'h, -par de Combrit,-de Bazouar, -de Lezongar,-de Penhoat, par. de Loperhet, -de Lezardo, -de Poulpri, -de Coroac'h. Anc. ext. Chev. R. 1689, R. 1426, 1442, 1536, M. 1562. Par de Combrit, Loctudy et Ploubalannec, évêché de Cornouailles,
De gueules à trois losanges d'argent rangés et accolés en fasce, accompagnés de six annelets de même, trois en chef et trois en pointe, rangés 2 et 1.
Roland, capitaine à Quimper, pour le Roi, pendant les guerres de la Ligue."
Je n'ai pas trouvé de commentaire sur la tête couronnée qui voisine ces armoiries.
3b. Autel sud
Ces armoiries se composent à mi-parties des armes des Kérérault d'azur frétté d'argent, une fleur de lys de même sur l'azur, en chef, famille dont la devise est Mervel da véva, "Mourir pour vivre", et d'armes comportant des molettes d'éperon, que je n'ai pas identifiées.
La chapelle de 1780 du manoir de Kérérault à Plougastel renferme le tombeau de Jehan III de Kérérault, mort de la peste.
3c. Chapelle latérale sud, sous la statue de la Vierge :
??
3d Socle de la statue de sainte Barbe, nef.
Armoiries des Guermeur du Penhoat, identiques à celles du pignon ouest, à trois losanges et six annelets.
Vitraux
1. Maîtresse-vitre.
La baie possède un tympan flamboyant du XVe siècle ; Le vitrail qui la remplissait représentait autrefois la Crucifixion entre la Vierge et saint Jean avec un apôtre, sans-doute saint Paul. Il était orné de huit écussons (selon l'abbé Abgrall) des familles donatrices, dont je rappellerai les armes :
- Seigneur du Rosier, vicomte du Léon d'or au lion morné de sable (qui est Léon), à la bordure chargée de onze annelets en orle.
- Du Louet, Sr de Liorzinic, , par. de Plougastel,avec armes antiques : d'or à trois têtes de loup de sable, arrachées de gueules ; moderne : fascé de vair et de gueules, qui est Coëtménec'h.
- Buzic de Kerdaoulas, Écartelé : aux 1 et 4, d'or, au léopard de gueules (Névet) ; aux 2 et 3, de Buzic , devise : Comzit Mad, "Parlez bien".,
- Guermeur de Penhoat, De gueules à trois losanges d'argent rangés et accolés en fasce, accompagnés de six annelets de même, trois en chef et trois en pointe, rangés 2 et 1.
- de Kérérault, d'azur frétté d'argent, une fleur de lys de même sur l'azur, en chef,
- Kerguern de Kernisi, (ramage de Clécunan) : de sable à trois aigrettes huppées d'argent, comme Clécunan ; aliàs brisé d'une étoile de même en chef, pour la branche de Kernizi. Devise : utinàm.
La verrière actuelle qui date de 1905 est due à l'atelier parisien Louis Plonquet.
Louis Plonquet travaille à Paris avec un certain Léon Mansuel ; on lui doit en Bretagne des restaurations de vitraux anciens, à la cathédrale de Quimper, saint Guénolé et saint Mélar, à Plogonnec les bras nord et sud du transept.
Le vitrail représente le couronnement de la Vierge, laquelle est entourée de nombreux saints :
- en bas saint Corentin (avec le roi Gradlon?), saint Guénolé et saint Gwénaël, second abbé de Landevennec.
- Au milieu, la sainte parenté avec sainte Anne et saint Joachim, sainte Élisabeth et Zacharie en habit de grand prêtre juif ( notamment l'Hoshen ou pectoral),
- en haut saint Joseph et saint Jean-Baptiste sous saint Michel et un ange, puis au sommet Dieu-le-Père et la colombe.
Dans le tympan, des anges portent l'inscription ALLELUIA VENI DE LIBANO CORONABERIS,ALLELUIA citation du Cantique des Cantiques 4, 8 : Venez du Liban mon épouse, venez du Liban pour être couronnée.
2. Vitraux des prisonniers.
Deux lancettes et un tympan à trois mouchettes :
Inscription "Ils m'ont établie leur gardienne 1944".
Il commémore le retour des prisonniers des stalags à la Libération à la fin de la Seconde Guerre Mondiale ;
Sous le monogramme de Marie qui s'inscrit dans un bouquet de lys au sommet du tympan, entre deux chérubins des mouchettes latérales, sous trois autres chérubins voletant dans les nuages des lancettes, la Vierge étend son manteau bleu sur les familles de Plougastel enfin réunis après les affres de la séparation et de l'emprisonnement des maris après une détention de cinq ans dans les camps allemands, nommés "stalags". Un seul prisonnier est représenté, en tenue kaki portant l'inscription KG, kriegsgefangener "prisonnier de guerre"( de krieg, "guerre" et gefangener, "capturé").
Autour de lui, un garçon en costume vert et deux femmes, à genoux, prient et rendent grâces. A gauche, deux autres femmes tiennent une petite fille.
Les costumes des femmes sont étonnants car depuis 1930 à Plougastel, les couleurs ont été abandonnées pour une tenue associant une jupe noire de laine ou de coton l'été, une camisole noire ou bleu marine, un corselet de drap et un un tablier noir ou bleu, avec, pour couvrir le corselet, un carré de coton plié en triangle, bleu foncé à décors blancs ou en madras marine à carreau blanc.
Ici, nous voyons des vêtements de couleurs chatoyantes, avec des verts billard, des violets, , des parme, l'ocre presque or d'un tablier ou d'une paire de manches, le vermillon d'une robe d'enfant, , et une diversité de variétés dans les mouchoirs de cou qui caractérisaient les Plougastéloises d'avant la Première Guerre.
Trois femmes portent la coiffe, une jeune fille semble encore porter un bonnet, et la petite fille porte le bonnet à trois pièces couvrant les oreilles.
A gauche, une rose en train de tomber du ciel semble se référer à la pluie de roses promises par sainte Thérèse de Lisieux, dont la statue se trouve dans la chapelle, avec celle du Sacré-Coeur, de sainte Bernadette de sainte Anne et de saint Joseph.