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16 avril 2014 3 16 /04 /avril /2014 07:44

La maîtresse-vitre de l'église Notre-Dame de Miséricorde à Runan (22).

 

 

 

 

Ma documentation préalable : le vitrail étant daté de 1423, je réunis pour moi-même ces renseignements (cf. sources et liens):

 1°)   En 1423

—Duché de Jean V le Sage (1399-1442)

— Evêque de Tréguier Jean II de Bruc.

2°) Runan appartient au territoire de Chateaulin-sur-Trieux qui prit le nom de paroisse de Plouëc-sur-Trieux. Parmi les nobles de Plouec-sur-Trieux on dénombre à la réformation du fouage de 1426  (Alain) de Kernechriou, Martin Bronier, Jehan de Plusquellec et Jehan de Kerourguy et à la montre de 1481 10 nobles dont  Jehan Kernechriou de Loesic, Jehan le Caourcin, Olivier de Lesqueldry le sieur de Ploesquellec (Source Infobretagne)

3°) René Couffon écrit en 1935:

         Rappelons brièvement que la chartre apocryphe de 1182 relatant les biens des Templiers en Bretagne, mentionne parmi ceux-ci l'église de Runargant. Elle advint ensuite aux hospitaliers ; et dut à ce fait d'être parfaitement entretenue au cours des siècles, comme toutes les églises et chapelles de l'ordre, par les divers commandeurs. Ceux-ci s'en faisaient en effet un point d'honneur, et ne manquaient p d'ailleurs pas de s'attirer l'attention du grand prieuré d'Aquitaine sur les améliorations réalisées, dans le but non désintéressé d' »obtenir une commanderie plus importante.

Mais elle dut principalement sa magnificence aux fondations qu'y firent les ducs de Bretagne, en raison de sa proximité de leur résidence de Châteaulin-sur-Trieux. En 1381, le duc Jean IV y fait fondation d'une chapellenie par semaine, puis le 2 juin 1414, le duc Jean V concède en faveur de la chapelle une foire annuelle le 8 septembre, jour de la fête de Notre-Dame. Quelques années plus tard le 19 mai 1421, il crée une nouvelle foire au jour et fête de saint Barnabé « pour augmentation de la dite chapelle et du service divin en icelle ». Enfin le 28 mars 1436, il concède à la chapelle de Runan une troisième foire le samedi précédant le pardon de la chapelle fixé au dernier dimanche de juillet.

Une enquête du 13 août 1439 nous montre d'autre part que la belle chapelle du midi, due au commandeur Pierre de Keramborgne, dont les armes ornent également les contreforts du porche, avait été terminée l'année précédente.

L'étude architectonique confirme en effet qu'à l'exception de la longère nord et du bas-coté adjacent reconstruits récemment, toute l'église date du début du XVe siècle.

 

Au milieu du XIXe siècle, sous une couche de mortier dont elle avait été enduite probablement pendant la Révolution, Geslin de Bourgogne découvrit et nettoya la belle verrière que nous admirons aujourd'hui, après sa restauration en 1886, par la fabrique du Carmel du Mans. Elle comporte six panneaux renfermant chacun un personnage sous un grand dais gothique et porté sur une console architecturale surmontant elle-même un écu blasonné.[...]  

      Les Hospitaliers.

Il s'agit de l’Ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, qui reçut les biens des Templiers vers 1312 . Cet Ordre  dont saint Jean-Baptiste est le saint patron est  organisé en commanderies. Runan appartient à la commanderie du Palacret en Saint-Laurent (près de Bégard), elle-même regroupée au XIVe ou début du XVe siècle environ sous la tutelle de la commanderie de la Feuillée (commune du Finistère ). Les commanderies  possédaient une maison commandale  (ou manoir). Dès 1438 le commandeur Pierre de Keramborgne fit sculpter son blason tenu par des lions au dessus des fenêtres (de gueules à un heaume de profil d'or accompagné de trois coquilles d'argent).

La chapelle Notre-Dame de Runazhan (dédiée à Notre-Dame de Bon-Secours) devient une « église trève » de la paroisse de Plouëc dès 1439. Une léproserie exista à Runan au XVe siècle. Malgré sa richesse, la fabrique de Runan ne devait au commandeur du Palacret que 24 sols de rente, et « pour les offrandes du lieu 100 sols, à la Nativité de Notre-Dame. » Par ailleurs, ce commandeur avait certains droits sur la halle de Runan, et jouissait de treize tenues et d'une dîme. (ici)

 

 

Baie 0 ou maîtresse-vitre.

      Haute de 5,60 m et large de 3,70 m, elle est composée de six lancettes trilobées et d'un tympan de 34 ajours. Elle est estimée dater de 1423 (Couffon).

Dans chaque lancette, une grande niche d'architecture en grisaille et jaune d'argent sur verre blanc avec armoiries dans les socles et fleurs de lys ou armoiries dans les têtes forme le cadre du motif sur verre coloré sur fond damassé alternativement bleu et rouge aux somptueux motifs (Corpus Vitrearum 2005, agrégé C.V. infra)


 Runan 1343c

 

      LES LANCETTES

      Une Crucifixion au Christ entouré de la Vierge et de saint Jean est accompagnée de figures en pied de saint Pierre, de Sainte Catherine d'Alexandrie et de sainte Marguerite (ou Hélène).

 Runan 1350c

 

 

 Trois lancettes de gauche :

                             Runan 1367c

 

 

Première lancette : saint Pierre.

      En zoomant sur l'image (cliquez), on remarque le livre à fermoir, mais surtout le galon d'or du manteau blanc, qui porte des sortes de lettres gothiques répétées régulièrement..

                                Runan 1371c

      Ce gros-plan permet d'une part d'admirer les motifs du fond damassé aux motifs d'oiseaux, d'autre part de noter la précision du travail de grisaille (cils ). Saint Pierre se reconnaît certes à sa clef, mais aussi à sa calvitie respectant un "toupet" ici traité comme une tonsure. 

Runan 9248c

 

 

Socle : armoiries des Le Goalès :

 Le Goalès de Mézaubran : de gueules au croissant d'argent, accompagné de six coquilles de même.

      Dans cette famille, Guillaume de Golès ou de Goalès ou de Goalès de Mézaubran fut abbé de l'abbatiale cistercienne de Plounéour-Menez entre 1462 et 1472.

Devise : faventibus astris (Rietstap)

Début de l'inscription de restauration de l'atelier Huchet (1886) : "Les membres de la fabrique étant MMrs Y. Levézouet maire, J.L. Guillou F. Toullelan, Y.M Guyomard. F. Bihannic..." (voir suite dans la sixième lancette )


Runan 1355c

 

 

Deuxième lancette : la Vierge.

Les lancettes 2, 3 et 4 composent une Crucifixion où la Vierge à gauche et saint Jean à, droite encadrent le Christ en croix.

En zoomant sur l'image (cliquez), on admire le même galon que sur la chape de saint Pierre, et on y lit Varia ou Maria. Le revers du manteau est finement damassé (partie basse).

 

                                         Runan 1370c

 

Le détail de la tête permet de découvrir sous le voile, par transparence, une couronne. C'est du moins l'avis des auteurs du Corpus vitrearum ("Vierge couronnée" p. 96), car je considère qu'il ne s'agit que de la poursuite du motif qui orne l'ensemble de la bordure du manteau.

Beauté du dessin des mains et de celui du visage, dont les yeux sont rehaussés au jaune d'argent.

Un mot sur cette technique, qui devait jadis être apparente sur le visage de saint Pierre, et qui va être découvert sur les personnages suivants : on l'observe à Dol de Bretagne (Baie 8, v.1420), à la cathédrale de Quimper (v.1415) ou dans le vitrail de saint Gilles à Malestroit (1401-1425) L'église Saint-Gilles de Malestroit (56). Vitrail de saint Gilles et saint Nicolas. , ou dans les vitraux du bras nord de la cathédrale du Mans (v. 1435), "ainsi que dans plusieurs panneaux conservés en Ille-et-Vilaine" (C.V. p.28). On voit que cet emploi est limité à un étroit créneau temporel autour de 1420, et spatial dans l'ouest de la France.  Il confère aux personnages une sacralité, extra-humaine, qui évoque  la fonction des fonds d'or dans les icônes ou chez les primitifs italiens. 

Néanmoins, j'ai cru remarquer la même particularité pour l'ânon du Christ dans l'Entrée à Jérusalem de Tonquédec.

Runan 9246c

 

 

 

Runan 1376c

 

Socle : armoiries d'Alain de Kernechriou :

    De Kernechriou (ou de Crec'hriou) seigneur de Lestrézec  écartelé d'argent et de sable

Mais ici, les armes doivent de blasonner  écartelé d'argent et de sable à la cotice de gueules brochant sur le tout

En 1421, Alain de Kernechriou apparaît parmi les 4 nobles de Plouëc-sur-Trieux à la réformation du fouage. En 1437, Alain de Kernechriou appartient aux Nobles de Tréguier et de Goello qui prêtent serment de fidélité (Dom Morice)    

 

Troisième lancette : Crucifixion.

      Fond damassé bleu orné de feuillages et de fruits (grenades ?) qui apparaissent verts par application de jaune d'argent sur le verre bleu. Neuf anges nimbés entourent la croix, dont cinq recueillent le Précieux Sang dans des calices, et quatre se prosternent. Deux os viennent caler le pied de la croix. 

Le Christ lui-même est remarquable par son caractère longiligne et ses traits expressionnistes ou par le ruissellement du sang en longues gouttes souvent groupées par trois.. 

                                Runan 1369c

 


Runan 9254c

 

Socle : armoiries des Le Caourcin :

Jean Le Caourcin de Kerambellec possédait la chapelle privative nord.

Potier de Courcy : Caourcin, Sr de Kerambellec, par. de Runan, — de Remarquer, par. de Penvénan, — de Penanhéro. Réf. et montres de 1427 à 1543, par. de Cavan et Plouec, év. de Tréguier. D'argent à une tête de maure de sable, tortillée du champ.

 

                             Runan 1377c

 

Trois lancettes de droite.

 

                             Runan 1356c

 

 

Quatrième lancette : saint Jean l'évangéliste.

Fond damassé rouge sans motif original. 

Manteau au même galon en festons or à trois perles que le manteau de la Vierge et celui de saint Pierre.

Finesse des doigts entrecroisés.

                                Runan 1359c

Notez à nouveau  les pupilles rehaussées au jaune d'argent, particulièrement impressionnantes ici :

Runan 9249c

 

Tête de lancette :

Au sommet du pinacle central se trouvent les armoiries d'azur au léopard d'or au lambel de gueules de Henri du Parc de la Rochejagu (mort en 1423) et de Catherine de Kersaliou (morte en 1433), dont le gisant se trouve à droite de l'entrée de l'église. Les mêmes armoiries se trouvent aussi au sommet de la lancette voisine dédiée au Christ en croix.

Il s'agit des du Parc de Rosnoën : Église de Rosnoën et ses inscriptions lapidaires : tilde, N rétrograde, et esperluettes! descendant de Maurice du Parc.


 

                                      Runan 1363c

 

 

Socle : armoiries des Le Saint :

Le Saint de Kerambellec : D'argent au lion de sable accompagné de 4 merlettes de même 3 et 1. Leur devise Et sanctum nomen ejus est placé au dessus du retable de la chapelle nord dédiée à Notre-Dame de l'Agonie ...autour des armes des le Caourcin.


                        Runan-1368vvv.jpg

 

Cinquième lancette : sainte Catherine d'Alexandrie.

Fond damassé bleu à rinceaux d'acanthe.

Couronnée, tenant son épée, elle est clairement identifiable, comme appartenant aux quatorze saints intercesseurs et dont on implore la protection face aux dangers du célibat (cf. catherinettes) ou ceux qu'encourent les femmes enceintes.

 


                                   Runan 1358c

 

Runan 9251c

Tête de lancette :

                                          Runan 1364c

 

Socle : armoiries des Lezversault.

Cette identification est donnée par René Couffon et reprise par le Corpus Vitrearum ; l'abbé Monnier les attribuait, avec une lecture erronée (huit besans) aux Le Saint de Kerambellec et de Chevigné, en ajoutant "anciennes armoiries des commandeurs de Dinan". On peut les blasonner de gueules à quatre fuseaux d'argent en fasce accompagné de six besants de même, et les rapprocher des armoiries de Dinan  de gueules à quatre fusées d'hermine posées en fasce, accompagnées de six besants de même

Je recherche donc des informations sur cette famille de Lezversault :

En 1342, Charles de Blois attribua le domaine de Brélidy à la famille de Lezversault. Je trouve mentionnés comme seigneur de ce lieu:

 —en 1453 Yvon de Lezversault,  .

— 1491 : Pierre-Philippe de Lezversault et sa femme Guyonne de  Rostrenen-

— 1501 : Roland de Lezversault

— En 1509 : Jean de Lezversault : Jean de Lezversault (mort après 1509) seigneur de Brélidy et de Lezversault épousa Marguerite de Langourla. A son décès il est qualifié (1511) de "principal héritier et noble fut dudit Rolland de Rostrenen... sr en son temps de Brelledy" ce qui laisse supposer une filiation ; leur fille Péronelle († >1525) * héritière des titres épousa le 13 avril 1505 Jacques du Parc Seigneur de Locmaria en Ploumagoar; sgr de Brelidy et Lézerzault ; le titre de seigneur de Lezversault échut à leur fils François du Parc (>1515-1576), qui épousa  Guillemette de  Kerloaguen  

*Péronelle produit cette année là un aveu pour le domaine  manoir de Lezversault et pour les tenues qui en dépendent à charge de payer  les douaires dus à Marguerite de Bouteville, veuve de Roland de  Rostrenen, seigneur de Brélidy, et à Marguerite de Langourla, dame du Parc,  veuve de Jean de Lezversault (ADLA, B 2296, d'après l'inventaire). Ce qui laisse supposer des liens avec les Rostrenen.

Source : fil de discussion sur yahoo.groupe La Noblesse bretonne.2006.

Une dalle de Runan "portait l'effigie d'un chevalier en armure du XVIe siècle, tombe décorée des armes des Quelen, des Boutteville, des Lezversault et des Rostrenen" (Congrés arch. 1950)

Le même fil de discussion de 2006 signale que "Guy Le Borgne indique : LESVERSAULT en Brelidy Evesché de Tréguier, ancien surnom de cette  maison, C. portoit de gueulle à une fasce fuselée d'argent accompagné de six Besans de mesme trois en chef & trois en pointe , 2 & 1. Maintenant du Parc Locmaria, & Keranroux idem.", entraînant une précision d'Hervé Torchet  "Les armes de Lesversault sont très évidemment dérivées de celles modernes de Dinan (fusées accompagnées de tourteaux, le tout d'hermines et sur champ de gueules."

En consultant à "fusées" le dictionnaire héraldique de Bretagne,   je trouve Cheveigné "4 fusées d'or en fasces, accompagnées" (de sable à quatre fusées d'or en fasce, accompagnées de six besants de même, posés 3, 3. ), puis Dinan (cf.)

Finalement, je trouve dans l'Armorial général de Rietstap :  Lesversault —Bret. De gu. à une fasce de fusées d'arg., acc. de six bes. du même", ce qui confirme le message précédent en en précisant la source, mais induit une confusion en écrivant "une fasce de fusées" avec fusées au pluriel. Voir ici "fusées"

Au total, les armoiries représentées ne sont pas peut-être pas exactement celles des Lezversault , ni exactement celles de Dinan, mais ont des points communs avec les unes et les autres, soit par excès de zèle du restaurateur, soit pour une autre raison.

 

 

 

 

Runan-1356vv.jpg

 

Sixième lancette : sainte Marguerite d'Antioche.

      L'identification de sainte Marguerite (qui accompagne souvent les donatrices, et qui voisine souvent avec sainte Catherine dans toutes les paroisses) n'est pas certaine, car elle tient une croix à longue hampe plutôt qu'un crucifix, et surtout que son fidèle dragon est absent ; aussi Louis Monnier et René Couffon y ont vu sainte Hélène, d'autant que la sainte est couronnée.

Voilà ce qu'écrivent les auteurs du Corpus Vitrearum page 28 :

  "Ces verrières [de Quimper] ont été à juste titre rapprochées de celles de Runan et de Malestroit, où se retrouve le même goût pour les représentations en camaïeu affichées devant des tentures précieuses. La première contient des personnages en pied d'une grande élégance, notamment une sainte Catherine drapées de soieries brodées d'or d'une qualité supérieure aux vitraux de Quimper. L'œuvre, qui paraît un peu plus tardive vers 1423, témoigne de raffinements nouveaux dans le dessin des encadrements architecturaux comme dans l'expression adoucie des figurations"

 Mais R. Couffon nous signale que "ce panneau manquait lors de la découverte de la verrière et a été très habilement refait" ! Louis Monnier le décrivait pourtant en 1900 (Saint Jean et, croyons-nous sainte Hélène et sainte Honorine...).

C'est une incitation à zoomer sur cette splendide robe d'or, son tissu damassé aux pommes de pin. Le brocart est une étoffe de soie rehaussée de dessins brochés d’or et d’argent alors que le damas ou damassé est un tissu (plutôt d'ameublement)  dont les dessins sont tissés et non brodées. Cette robe est très cintrée à la taille, très ajustée sur la poitrine, avec une encolure arrondie , et des manches moulantes recevant les longues mèches de chevelure blonde. Les motifs du tissage sont les fleurs et les pommes de pins.


                                            tissu-damasse  tapis-coupe-velours-bronzin ici.

On admirera aussi la finesse de dentelle des fils d'or qui occupent les coins de la croix.

                                        Runan 1357c

 

 

Mais peut-être n'aura-t-on pas remarqué ce détail : un oiseau, séduit par la parfaite ressemblance des perles de la couronne royale avec des baies sauvages, est venu se poser pour y picorer, continuant à battre des ailes comme un colibri. Éloge suprême pour un artiste, critère comparable à ces chevaux qui ne hennirent que face à un tableau équestre d'Apelle.

 

Runan 9252c

 

Tête de lancette :

                                         Runan 1365c

 

 

Socle (restauré) et Armoiries :

Armoiries mi-parti de Kergrist :  d'or au croissant de sable accompagné de quatre tourteaux de même et de Plusquellec ou Pluscallec chevronné de six pièces d'argent et de gueules brisé d'un lambel d'azur (Tudchentil) (ou selon l'abbé Monnier de Coëtquen : bandé d'argent et de gueules, un lambel à trois pendants d'azur mais ce blasonnement n'est pas retrouvé associé au lambel).

Suite de l'inscription de restauration :

"Cette vitre a été restaurée en 1886 à la fab.[rique] du Carmel du Mans par MMrs Hucher et Fils Successeurs, étant évêque de St-Brieuc Mgr Bouché et recteur de Runan Mr l'abbé F.M. Le Corps ".

Eugène Hucher (1814-1889)  avait repris en 1875 avec son fils Ferdinand la "Fabrique du Carmel', atelier de carmélites (Arrondeau 1997) créé en 1853 et spécialisé dans la restauration des vitraux. Cet ancien employé de l'administration des Domaines, érudit local et ami de l'évêque du Mans Mgr Nanquette avait dessiné dès 1842 les cartons pour les baies du chœur de Notre-Dame-de-la-Couture au Mans, s'était formé auprès des verriers anglais la même année, et avait eu l'idée d'exploiter les calques des vitraux de la cathédrale du Mans, relevés en 1840 par Fialeix, pour les éditer et les colorer en utilisant les carmélites. (Alliou et Brissac 1986) Il devint directeur artistique et archéologique de l'Office des vitraux peints du Carmel du Mans. En 1848 il publie ses  Etudes artistiques et archéologiques sur Ie vitrail de la Rose de la cathédrale du Mans, Monnoyer: Le Mans; en 1850, son Explication des vitraux dits des Monnayeurs placés dans la chapelle du Chevet de la cathédrale du Mans, Monnoyer : Le Mans. Etc. Ce fut aussi un numismate auteur d'une Histoire du jeton au Moyen-Âge, un siggilographe, un amateur de l'Art Gaulois...

Les calques, qui sont conservés au Musée Tessé du Mans, furent édités en un luxueux ouvrage présenté à l'Exposition universelle de 1855.

A la mort de Eugène Hucher en 1889, Ferdinand Hucher lui succéda. L'atelier se trouvait au 116 rue de la Marriette au Mans. Leur travail de restauration —ou de création— se rencontre partout dans l'Ouest, à Saint-Lô, à Dinan, Saint-Pol-de-Léon, Malestroit, Bannalec, etc.

 

 


Runan 1354c

 

 

LE TYMPAN

On y trouve des anges musiciens ( dont l'un joue d'une flûte double ? et l'autre d'un psaltéron), de phylactères avec la devise des ducs de Bretagne A MA VIE, des armoiries couronnées du duc de Bretagne d'hermine plain, ou  mi-parti  du duc Jean V et de la duchesse Jeanne de France. Dans la partie basse, armoiries de Rostrenen à l'extrême gauche ; au centre, deux armoiries de Kernechriou   écartelé d'argent et de sable, et dans les quatre quatrefeuilles, celles, d'azur à dix billettes d'or, quatre, trois, deux et un  de Jean du Perrier comte de Quintin et de son épouse Constance Gaudin décédée en 1423.

 Armes des du Perrier

 

  "Au troisième rang, un écu aux armes des du Perrier et un autre losangé mi-parti : au I, du Perrier, au II, écartelé Gaudin et Brienne de Beaumont, armes de Jean du Perrier, sire de Quintin et du Perrier et de Constance Gaudin sa femme, fille de Péan et de Jeanne Riboule. Enfin au dessus des troisième et quatrième panneaux, un écusson losangé mi-parti du Parc de la Rochejagu et de Kersaliou et autre des armes pleines des du Parc, armes de Henry du Parc Sr de la Rochejagu et de sa femme Catherine de Kersaliou.

Ces grandes armoiries permettent de dater avec une très grande précision la verrière. En effet, l'on sait, d'une part, que c'est par contrat du 3 janvier 1423 que Jean du Perrier, veuf d'Olive de Rougé, épousa Constance Gaudin, et d'autre part, qu'Henry du Parc Sr de la Rochejagu décéda en cette même année 1423 entre le 2 octobre et le 19 décembre. L'on peut donc dater la commande de cette verrière de l'an 1423, les armes d'Alain du Parc, frère et héritier d'Henry, et de sa femme Miette de Tréal n'y figurant pas. Cependant les armes de Catherine de Kersaliou précédant les armes pleines des du Parc indiquent que lors de son exécution, Catherine était sans-doute veuve. Probablement était-elle même la donatrice de la verrière, comme semble l'indiquer la présence de sainte Catherine, elle mourut le 15 novembre 1433.". (R.C.)

 

 

Runan 1347c

 

 

DISCUSSION

Influences stylistiques et atelier.

 

  "La figure des personnages et leurs grandes nimbes, les plis profonds de leurs vêtements dénotent manifestement une influence allemande. Les figures de la Vierge et de sainte Catherine s'apparentent en effet à celles de Conrad de Sœst, du maître de la basse saxe et du maître du Rhin moyen, artistes appartenant tous trois, comme l'on sait, à l'école de Westphalie ; quant aux plis, ils se rapprochent tout particulièrement de la facture du dernier.

Si elle est un peu grise et manque de couleurs, la verrière de Runan est très belle comme dessin. A quel atelier l'attribuer ? En existait-il déjà un à Tréguier ou au contraire doit-on voir là une œuvre de celui de Guingamp ? Il est impossible, en l'absence de textes, de conclure » (R.C)

 Voir Conrad de Soest Wikipédia.


 

Sources et liens.

 — BARTHELEMY (Anatole de)  GUIMART (C.) 1849 "Notice sur quelques monuments du département des Côtes-du-Nord". Bulletin monumental. Collection de mémoires et de renseignements sur la statistique monumentale de la France - 2è série, Tome 5, 15è vol. de la Collection. pp. 35-38.

— COUFFON (René)  1935, "Les verrières anciennes des Côtes-du-Nord" Bulletins et Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord t.67 pp.101-104. En ligne.  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441314t/f126.image

 —  GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel) 2005 , Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes pp.100-102.

 — GÉLARD, François . (1900) - In: Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou (1900), pp 128-135, 372-377

MON(N)IER (abbé Louis)  "L'église de Runan, ses origines, son histoire"  in Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou, Tome XVIII, du 1° sem. 1900 (06/1900)  page 372- Gallica L'abbé Monnier était desservant de l'église de Runan avant de devenir curé-doyen de Mûr de Bretagne.

—Idem (suite) tome XXIV p. 128  ; p.190

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411436v/f387.image.r=runan%20vitrail.langFR

— Idem : la maîtresse-vitre page 134 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411436v/f395.image.r=runan%20vitrail.langFR

Idem page 135 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411436v/f392.image.r=runan%20vitrail.langFR

 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411436v/f285.image.r=runan.langFR

 — Idem tome XXV, 57, 198

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411435g/f134.image.r=runan.langFR.

ROPARTZ  (Sigismond ),1854 "Les Statues de Runan", dans Annuaire des Côtes-du-Nord , Saint- Brieuc, 1854  En ligne :p. 87 (84-92)

 

— Site Topic-topos 

— Site Infobretagne http://www.infobretagne.com/runan-eglise.htm


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Published by jean-yves cordier
10 avril 2014 4 10 /04 /avril /2014 22:19

Les vitraux récents de l'église Saint-Guinal d'Ergué-Gabéric.

 

 

I. Vitraux de François Lorin.

 Baie 6, 7, et  8 par le maître-verrier François Lorin de Chartres, 1947.

vitraux d'après les cartons d'André Pierre.

1. Saint Guénolé bénissant le jeune Gwénaël.

Signature André Pierre inv. à gauche, Lorin Chartres France 1947 à droite.

                               vitraux-recents 0972c

 

 

2. Découverte de la statue miraculeuse de sainte Anne à Auray par Yves Nicolazic .

 

 


                      vitraux-recents 0971c

 


3. Sainte Famille dans l'atelier de Nazareth.

Signature Lorin Chartres 1947 à gauche et André Pierre inv. à droite.

                         vitraux-recents 0975c

 

 

II. Verrières anonymes du XIXe.

Beaux exemples des stéréotypes de l'art suplicien compassé et fade de la deuxième partie du XIXe siècle. Peut-être dues à Guillaume Cassaigne, vitrier quimpérois installé Place au Beurre, puisque celui-ci est intervenu à Kerdévot.

Baie 1 : Sainte Marguerite et saint François.

Le Corpus Vitrearum y voit "sainte Marguerite et saint Tugdual", mais le parallélisme avec la baie 2 du XVIe siècle montrant deux donateurs présentés par saint François et sainte Marguerite me suggère de voir, à droite, saint François. Les trois nœuds de la cordelière rappelle aux franciscains les trois vœux qu'ils ont prononcé, celui de pauvreté, celui d'obéissance, et celui de chasteté.

Dans l'oculus, la colombe en gloire traversant un soleil radieux.


                         vitraux-recents 0976c


2. Baie de façade 10 saint Pierre et Paul.

 restaurée au XXe siècle. Saint Paul fait la promotion de son Épître aux Éphésiens.

Dans l'oculus, une croix potencée mauve sur fond blanc dans un écu couronné.

                       vitraux-recents 0973c


 

 

Baies de façade 9 : le Baptême du Christ

 restaurée au XXe siècle.

Dans l'oculus, armoiries (fantaisie ,) mi-parti de France et d'argnet à quatre fasces de gueules ?

inscription Ecce Agnus Dei sur l'oriflamme.

Cette vitre "copie" la scène du XVIe siècle qui figure dans la maîtresse vitre :

vitraux 0964c

                     vitraux-recents 0974c

 

 

Baie 3 et 5 : grisailles néogothiques.

non photographiées.

III. Baie 4 :  Verrière géométrique par Hubert de Sainte Marie (deuxième moitié XXe siècle). Non photographiée.

Selon Jean-Pierre Le Bihan, elle remplace "un vitrail kaleidoscope de Cassaigne, date proche de 1850".


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Published by jean-yves cordier
5 avril 2014 6 05 /04 /avril /2014 14:31

 

 Les vitraux anciens de l'église d'Ergué-Gabéric (29).

 

 

            La Maîtresse-vitre ou Baie 0.


Mesurant 6,60 m de haut et 2,70 m de large, elle est constituée de quatre lancettes trilobées de 4m sur 0,52 m, organisées par cinq barlotières par lancettes en trois registres et douze scènes, et d'un tympan de 14 ajours de 3,20 m de haut, composant deux fleurs de lys. 

Elle est datée grâce à une inscription sur un cartouche à droite : CESTE VICTRE FUT FECTE L'AN MIL VccXVJ [...] et // POUR LORS FABRIQUE.

Classement Mh au titre d'objet  : 25/07/1898/

 

Des verres authentiques (1517) peu restaurés.

Elle a été vraisemblablement été restaurée au XVIIIe (les comptes de fabrique mentionnent alors la remise en état de tout le mobilier) et lors de son classement MH en 1898, et/ou, pour les auteurs du Corpus Vitrearum,"autour de 1900", sans que ces travaux ne soient documentés. En 1942, ils furent déposés et mis à l'abri au musée départemental de Quimper, avant d'être replacés en 1949 par l'entreprise Labouret après nettoyage à l'eau claire. Mais dans l'ensemble, peu de pièces neuves ont été introduites dans les lancettes, à la différence du tympan où presque tous les fonds et une bonne partie des blasons ont été refaits. Plus récemment, la verrière a été nettoyée en place par le maître-verrier Le Bihan de Quimper.

  Cette authenticité fait tout son intérêt, mais la rend plus difficile à lire et à apprécier à un visiteur qui ne prend pas le soin d'une lecture approchée et que les verres rongés des taches sombres de corrosion peuvent rebuter : tout le contraire de sa jumelle, la Passion de Lanvénégen, restaurée avec zèle par Eugène Huchet au XIXe et dont l'avenante clarté se fait au dépens de la conservation des verres anciens.

Des Passions bretonnes issues d'un même atelier.

Car cette Passion ressemble par de nombreux points aux Passions ou Vie du Christ de Plogonnec, de Guengat, de Penmarc'h et de Lanvénégen, et provient selon Roger Barrié d'un même atelier, sans-doute celui des quimpérois  Laurent et Olivier Le Sodec. Le recherche de ces points communs et des différences propres à chaque paroisse rehausse considérablement l'intérêt de son étude. J'ai donc mis en parallèle les panneaux communs aussi souvent que possible.

 Voici les autres verrières contemporaines du Finistère, avec lesquelles existent des rapports de similitude (mêmes cartons), de thème, d'histoire (même influence des familles nobles) ou de comparaison. Tous ces éléments sont issus de la thèse de Roger Barrié :

 

Le début du XVIe siècle.

Le vitrail est daté de 1517 :

— Clergé : On ignore le nom du recteur en poste, mais en 1534 il s'agira de Guy de Keraldanet. L'évêque est Claude de Rohan de 1501 à 1540, mais  ce simple d'esprit est incapable d'exercer sa charge et c'est l'abbé de Daoulas Jean du Larguez qui administre le diocèse.

— Le Duché est dirigé par Anne de Bretagne de 1488 à 1514. Elle a épousé Charles VIII en 1491, et celui-ci a obtenu l'administration du duché. A la mort du roi en 1498, Anne reprend son titre de duchesse et retourne en Bretagne et Louis XII en 1499.

— Le roi en 1517 est François Ier (1515-1547). Les Guerres d'Italie, débutées en 1494, et auxquelles participe la noblesse bretonne, ouvre nos provinces à l'infliuence des arts et de la culture de la Renaissance.

—Les Grandes Heures d'Anne de Bretagne enluminé par Jean Bourdichon date du tout début du XVIe siècle.

—En 1514, Alain Bouchart publie les Grandes Croniques de Bretaigne



                                  vitraux 0952c


                     REGISTRE INFÉRIEUR.

J'ai repris les descriptions de Roger Barrié (R.B) et du Corpus Vitrearum (C.V) en les complétant de mon modeste grain de sel.

vitraux 0955c

 

  I.   Nativité.

"Enfant restauré au début du XVIIe." (C.V).

"Autour du berceau d'osier, la Vierge en prière et saint Joseph dans l'attitude de l'émerveillement se détachent devant une masure ruinée, couverte de chaume ; on ne voit que les têtes de l'âne et du bœuf. L'étoile se détache sur un fond rouge damassé." (R.B)

                        vitraux-8944c.jpg

 

"Même carton à Guengat en a3" (R.B) : mêmes couleurs des vêtements et du fond, même étoile (gravée à Guengat), et jusqu'au bouton identique à l'encolure du manteau de la Vierge. (Cliquez pour agrandir).

Guengat vitraux 0377c Ergué-Gabéric :vitraux 8944c

 

II.  Circoncision.

"Enfant restauré au XVIIe siècle." (C.V)

"La Vierge présente l'enfant dénudé sur un autel couvert d'une nappe au mohel qui, tenant le sexe de l'enfant, ajuste le couteau. Ce dernier est richement habillé : mitre à cabochon, camail en pointe décoré de même, dalmatique damassée, tunique rayée de brocart. Entre eux, un diacre, les cheveux courts, présente un livre ouvert ; à l'arrière plan, on distingue dee gauche à droite les têtes d'une femme agée, de saint Joseph penché en avant, d'un homme à longue chevelure et coiffé d'un grand chapeau, et celle d'un homme à bonnet rond. A la fin du Moyen-Âge, le thème est contaminé par celui de l'imposition du prénom, d'ou le registre ouvert, ainsi que par celui de la présentation au temple, ce qui explique l'assimilation du mohel au vieillard Siméon et la présence de la prophétesse Anne. Fond vert damassé. Sur le galon de la manche gauche de la dalmatique, on lit : VICTORIAC... et sur ceux de la fente latérale AVIDE...AEVNX et CA." (R.B)

                                      vitraux 0962c

 

"Le même carton se trouve à Guengat (b3) et à Penmarc'h (c1) avec quelques différences dans l'habillement du mohel et le nombre des personnages secondaires." (R.B)

 

Guengat  vitraux 0378c (2)  Penmarc'h  saint-nonna 5305c  Ergué vitraux 0962c

 

 

 

III. Baptême du Christ.

"Bien conservé, plomb de casse" (C.V)

"Saint Jean verse l'eau baptismale avec une cruche sur la tête du Christ immergé et recueilli pendant qu'une colombe se penche au dessus de sa tête. Fond damassé rouge." (R.B)

                                     vitraux 0964c

      "La position des personnages est identique à Guengat (c3) et Penmarc'h (d2)" (R.B)

Guengat  vitraux 0379c Penmarch :vitraux 5304cc Ergué vitraux 0964c

 

 

 

IV. Entrée à Jérusalem.

"Bas de la tunique du Christ restauré" (C.V)

 

"Le Christ, monté sur l'ânon et suivi des apôtres dont on voit trois visages, est acclamé à la porte des remparts par un groupe de quatre hébreux ; des deux premiers, adolescents en tunique courte, selon le texte de l'évangile apocryphe de Nicodème, "pueri Hebraeorum" , l'un bat des mains et l'autre tient un rameau. Au fond, un personnage adulte se décoiffe. Fond bleu damassé. (R.B)


                                 vitraux 0963c

 

 

 

                          REGISTRE MÉDIAN.


I. Communion des apôtres.

"Restauré : drapé de la nappe d'autel, tête d'un apôtre." (C.V)

"Le Christ debout tient un calice et présente l'eucharistie à saint Pierre agenouillé au premier plan ; huit têtes d'apôtres sont étagées à sa droite. une table recouverte d'une nappe blanche damassée, avec dentelles, en occupant le centre comme [dans] la Circoncision, sépare les protagonistes et donne de la profondeur à une composition délicate. Le calice est figuré comme une pièce d'orfèvrerie gothique à pied et nœud polygonaux. Fond vert damassé". (R.B)

                              vitraux 0961c

      vitraux 8943cc

 

Comme on le voit, ni les auteurs du Corpus ni Roger Barrié ne s'interrogent sur l'originalité de ce thème. Surtout, ce dernier, si attentif aux ressemblances à l'intérieur du groupe d'œuvres issu de l'atelier de Quimper (c'est l'objet principal de sa thèse) s'abstient de souligner l'existence d'une scène analogue à Lanvénégen, encore plus rare, la Communion de Judas. 

  Choisir de représenter une Communion des apôtres en lieu et place d'une Cène (c'est à dire l'allégorie d'un sacrement plutôt que la simple mise en image du récit évangélique) suppose un choix de nature théologique, dont la détermination mériterait d'être étudiée, dont les sources (homélies, travaux de théologiens, iconographie) attend d'être précisée. De même, l'inversion de sens entre une Communion de saint Pierre d'Ergué-Gabéric —la Cène comme institution de l'Eucharistie—  et une Communion de Judas de Lanvénégen — achoppement  possible de la doctrine, mais débat sur le libre-arbitre —  ne peut être occultée.


Lanvénégen  lanvenegen 1109v Ergué : vitraux 0961c

 

 


II. Le Christ au Jardin des oliviers.

"Avec Dieu le Père figuré à l'identique du Fils (peu restauré)." (C.V)

 

"Le visage du Père, tel un reflet de celui du Fils, apparaît au Christ en prière pendant que les apôtres dorment ; le lieu est symbolisé par un arbre et par une clôture de branches tressées. Alors que Jacques et Jean dorment la tête dans la main ouverte et appuyée sur l'avant-bras dressé c'est-à-dire dans la position traditionnelle du sommeil depuis l'art roman au moins, Pierre est couché de tout son long en travers de la scène, enveloppé dans un grand manteau rouge qui couvre même la tête et d'où ne dépassent que le profil, la garde du glaive et les pieds nus. Sol parsemé de plantes à tiges et fond violet damassé ." (R.B)


             vitraux 0967c

 

vitraux 8948c

 

On comparera avec Lanvénégen. (dans les deux cas, le verre rouge doublé, rongé par la corrosion, et particulièrement mince sans-doute, perd sa couleur)

 

      Lanvénégen lanvenegen 1110c  Ergué vitraux 0967c

 

 

III. Le Baiser de Judas.

"Presque intact" (C.V)

"Le Christ recolle l'oreille de Malchus assis à terre avec lanterne et hache pendant que Judas l'embrasse en cachant sa bourse et que Pierre rengaine son glaive. Deux soldats à droite, dont l'un en armure avec hallebarde. Les cimeterres de Malchus et du soldat sont sur le même modèle, avec fourreau damasquiné, comme celui du Portement. Fond damassé bleu." (R.B)

                        vitraux 0966c

 

vitraux 8949ccv

 

 

Comparons avec Lanvénégen :

 

Lanvénégen  lanvenegen 1111c Ergué : vitraux 0966c

 

 

 

IV. La Flagellation.

"Panneau inférieur complété" (C.V)

 

"Il convient d'intervertir cette scène avec la suivante au registre supérieur pour conserver la cohérence du récit. Les bas de chausses du bourreau de droite sont tombés au cours de l'effort ; l'autre bourreau tient la corde qui attache le Christ à la colonne par la taille ; il porte un bonnet enfoncé jusqu'à l'oreille au lobe de laquelle pend un grelot. Ces détails pittoresques relèvent de l'iconographie courante au XVe siècle principalement dans l'art flamand. Pavage du sol constitué de cercles et de losanges alternés comme dans la Comparution devant Pilate. Fond rouge damassé." (R.B)

                     vitraux 0965c

 

vitraux 8937c

 

"Carton identique à Penmarc'h" (R.B). on comparera aussi avec Lanvénégen, sur un carton inversé, où la même boucle d'oreille s'observe.

Bien que cette boucle ressemble, à Ergué-Gabéric, à un grelot en raison d'un trait noir en partie inférieure, cela semble à mon avis un artefact sur une boule ou un anneau.

 Penmarc'h vitraux 5304cLanvén.lanvenegen 1115vErvitraux 0965c

 

 

 

                        REGISTRE SUPÉRIEUR.

 

 


I. Comparution devant Pilate.

"Bouche-trou remplaçant la tête du chien." (C.V)

"Carton exactement identique à ceux de Plogonnec (c1) et de Lanvénégen (d2). On distingue bien ici la décoration florale sculptée sur le dessus du trône. Deux lignes de lettres sur la panse de l'aiguière : "VOEAIVRE" ; sur le galon de la tunique courte du serviteur, on lit "E....OV...V..." et sur le camail "NDREIOV". Fond damassé bleu." (R.B)

 

vitraux 8924c

 

 

Comparaison avec Plogonnec et Lanvénégen :

Plola-passion 0333caLa lanvenegen 1112c Ergvitraux 8945cc

 

Roger Barrié ne mentionne pas ici le petit chien qui, au pied de Pilate, aboie vers le Christ. Pourtant, il est présent à Plogonnec et à Ergué-Gabéric, et j'ai montré qu'on le retrouvait sur des gravures de Dürer et de Schongauer.

A Plogonnec :

                      la-passion 0334c la-passion 0332c

 

 vitraux 8945cc 

 

 

II. Portement de croix.

 

"Carton identique à celui de Plogonnec (b1) mais la composition est inversé ; seul diffère le sol, ici jonché de cailloux. Fond rouge damassé." (R.B)

 

 

                                                vitraux 8946v

 


vitraux 8946vv

 

Plogonnec la-passion 0317c    Ergué vitraux 8946vv

 

 

 

 

 

 

 

III. Crucifixion.

      "Manteau du cavalier de droite restauré" (C.V)

"Carton exactement identique à celui de Plogonnec (a2) et partiellement à celui de Lanvénégen  (b3). Fond damassé rouge." (R.B)


 

                                    vitraux-0957ccc.jpg

Plogonnec :


la-passion 3550cPlogonnec, détail  la-passion 8767c

 

Lanvénégen :

lanvenegen 1121v

 

IV. Résurrection.

" peu restauré" (C.V)

" Carton exactement identique à celui de Plogonnec (d2) ; mais le sépulcre est ici curieusement orné de curieuses baies trilobées inscrites dans des ouvertures rondes, le tout comme déformé par un rendu maladroit de la perspective. Fond damassé bleu" (R.B)

 

                                vitraux-0957cc.jpg

Plogonnec : 

la-passion 8778c

la-passion 8780c


 

LES DAIS ARCHITECTURAUX.

      "Têtes de lancettes : dais plus élevés, ornés de colombes et de statuettes d'anges jouant de la flûte et du tambour" (C.V)

Voilà la description de Roger Barriè : attention, morceau de virtuose !

   "Dans l'encadrement des scènes, on retrouve de nombreux motifs Renaissance rencontrés à Plogonnnec, constituant des structures identiques ou très voisines, dans le même esprit ornemental. Aux soubassements des lancettes a et d ; les consoles cantonnées de pattes ailées délimitent des niches creusées dans un stylobate mouluré ; des angelots munis d'une cornemuse se dressent dans ces niches à tenture et à pavage régulier. En d, le bas de la console est interrompu par une inscription en minuscules gothiques, aujourd'hui masquée par la prédelle du retable baroque et assez mutilée ; nous la restituons ainsi : « Ceste Victre. fut. fecte ./ (en). lan.mil.Vcc. et ./ (esto) et. pour. lors.fabriq/ue. - - jeh - -al - - - - » ; le millésime est indubitable. En b, le stylobate est encadré de pilastres dont les panneaux figurés et la corniche sont semblables à ceux des soubassements a et d de Plogonnec."

      "Les scènes du premier et du second registre sont séparés par des arcatures reposant sur des culots ornés, sans liaisons avec les socles ; leur dessin est obtenu par la juxtaposition de portions de cercles de centre différent. En a et de, le profil de l'arcade est constitué 'une corniche à oves, avec enroulements ; des oiseaux portent dans le bec une guirlande de feuillages qui, s'attachant à la clef de voûte saillante, retombe en pendentif ; par contre, en b et c, deux éléments composés chacun de feuilles d'acanthe liées, motif déjà relevé à Plogonnec, dessinent l'arcature avec guirlande de perles et pendentif, devant une architrave. Dans ces deux types d'arcature, reviennent des détails ornementaux du soubassement : cabochons en carré concave, fleurs d'attache des guirlandes de perles, et corniche à petites feuilles plates. 

    "La même symétrie dans la décoration des lancettes différencie les couronnements. En a et d, deux anges tenant une cornemuse sont assis sur le dos de l'arcade en plein cintre, ornée de godrons et de cinq guirlandes ; la clef de vote est occupée par un musicien profane, debout sur le pendentif, jouant de la flûte à bec et du tambourin. Surmontant le tout, un entablement supporte un candélabre où se combinent, de la base au sommet, la console et trois paires de pattes ailées. En b et c, la même arcature, plus chargée de guirlandes et de rangs d'oves, est timbrée d'un cartouche où figure en caractères gothiques le sigle de Jesus Hominum Salvator (1), et porte les motifs d'acanthes, ici garnies de poires. Au dessus, un entablement convexe, cantonné de pilastres à panneaux figurés, a pour fronton une paire de pattes ailées et un couple de dauphins aux angles ; il est terminé par un bourgeon naissant qu'enserre une couronne ducale très semblable à celle des blasons de tympan, des candélabres à Plogonnec et des anges du tympan à Penmarc'h."

  " (1) Dans sa hâte à déchiffre partout des dates et des signatures, Couffon (1952, p14) a pris pour une date de restauration 1728, imaginaire mais fort plausible au demeurant, la forme contournée de ces minuscules gothiques agrandies ainsi que l'abréviation par suspension [tilde] du mot hominum, soit I.~H.S"  (Roger Barrié page 19)  

 Du grand art, que je compléterai seulement en signalant que le musicien joue du "galoubet" ou "flûte de tambourin" indissociable du tambourin suspendu au poignet gauche; il s'agit d'une flûte à bec qui se joue à une main (la gauche), la main droite étant occupée à frapper le tambourin (cf joueur de la lancette d, mieux lisible). On voit que la flûte, évasée à son extrémité, est dotée de deux trous près de l'embouchure et d'un autre au-dessus. Le tambourin est ici de faible hauteur, mais la peau est tendue par un laçage en X comparable aux tambourins provençaux. Une barre divise le cadre en deux.

220px-Tambourinaire.jpg Wikipédia

Cet instrument que l'on associe à la Provence et à la Gascogne n'est pas rare en Bretagne à la Renaissance, et figure sur le tympan de l'église de Bulat-Pestivien ou celui de la Passion de St-Armel de Ploermel:

Les vitraux de Bulat-Pestivien : les Anges Musiciens.

 Les vitraux de l'église Saint-Armel de Ploërmel. 

Mais Roger Barrié a pu montrer que ce personnage était copié d'une gravure du successeur du Maître E.S, Israhel van Meckenem La danse à la cour d'Hérode,  1er état vers 1490, Paris, RMN musée du Louvre, collection Rothschild et v. 1500, gravure, National Gallery of Art, Washington 

Détail :

La-danse-a-la-cour-d-Herode-Israhel-van-Meckenem-1490-v.png

 

L'exactitude de la reproduction (même coiffure, mêmes chaussures, même large pli d'encolure, même manche gauche évasée...permet non seulement de suspecter, mais d'affirmer que le cartonnier breton s'est inspiré des gravures rhénanes, gravées une vingtaine d'années auparavant. D'autres détails (enjambement du tombeau par le Christ dans la Résurrection, "grelot" à l'oreille du bourreau du Couronnement d'épines, pied d'ancolie, ...) indiquent aussi cette source d'inspiration germanique auprès des graveurs de la première génération (1430) ou de la deuxième génération (1460 :Maître E.S, dit encore Maître de 1466) précédant Schongauer et Dürer, eux-mêmes cités par la présence du petit chien.


Quand aux quatre cornemuses (deux autour de chaque joueur de flûtet), elles comportent un réservoir, un porte-vent, un hautbois et un bourdon d'épaule.

On note aussi l'alternance de la couleur du fond : rouge-bleu-vert-rouge.

                          vitraux 8916c

vitraux 8917c

 

 

                              vitraux 8918c

 

vitraux 8919c

 

 

 

                                LE TYMPAN

 

 

tympan 0958v

 

I. Premier registre de quatre panneaux.

 Saint Barthélémy. (attribut : le couteau par lequel il fut dépecé).

Jeune homme sans nimbe, tenant une palme.

Saint Michel.

Saint André. (vêtu comme Barthélémy et tenant, comme lui, un livre, à fermail). Il existe à Ergué-Gabéric une Chapelle Saint-André qui date de 1608.


tympan 0958vc

 

 

II. Le soufflet.

   "De haut en bas, et de gauche à droite, trois blasons timbrés de la couronne ducale, entourés du collier de Saint-Michel, et posés sur un sol jaune herbu :

  • écu écartelé au 2 et 3 Bretagne, au 1 et 4 France, bien que les fleurs de lys aient été remplacées par des morceaux de verre bleu.

  • écu mi-parti France et Bretagne. ;

  • écu plein Bretagne.

Au dessous, deux blasons encadrent une scène figurative ; entours du collier de saint Michel, ils sont posés sur un listel ; sur celui de droite on déchiffre : DEVM ;

  •  écu de gueules à trois épées d'argent, garnies d'or, les pointes en bas, rangées en bandes, qui est de Coetanezre, famille possédant la seigneurie de Lézergué dans cette paroisse et fondue en 1532 dans Autret, ce qui donne un terminus ante quem pour dater ce vitrail. Ces seigneurs semblent y avoir possédé les prééminences après la Couronne ;

  • Père Eternel et crucifié : le Père, assis dans un fauteuil présente le crucifié en tenant les branches de la croix ; même style que dans les lancettes.

  • écu mi-parti inconnu.

Au dessous, quatre blasons avec collier et listel, présentés par des anges dont les têtes sont toutes anciennes : 

  •  écu de gueules à la croix potencée d'argent cantonnée de 4 croisettes de même, qui est Lézergué, seigneurie de la paroisse possédée par les de Coetanezre;

  • écu mi-parti de Coetanezre et de Lézergué ; sur le listel : CREA..

  • écu écartelé au 2 Coetanezre, au 4 Lézergué et au 1 d'un blason très proche de Autret. Il s'agit très probablement des armes de Jean Autret, époux de Marie de Coetanezre qui lui apporta Lézergué.

  • Écu mi-parti Coetanezre et de gueules à 3 fers d'épieu d'argent qui est de Lescuz, timbré d'un casque taré montrant une grille à barreaux verticaux et sommé d'un cimier à plumes ; le timbre indique le titre de marquis ; c'est le seul blason totalement ancien. Il s'agit de Jean de Coetanezre et de Catherine de Lescuz.

 

Au dessous des fleurs de lys dessinés par les meneaux, on a regroupé sans cohérence des morceaux de provenance diverse : 

  • Saint Bartholomé, en manteau blanc à bordure d'or.

  • Mosaïque de pièces anciennes où se détachent une tête masculine et la palme du martyre ;

  • Saint Michel terrassant le démon qui est en verre rouge très léger ; tête du saint du XIXe siècle ;

  • Saint André, de la même série que le premier, mais le visage a disparu. (R.B page 21)" 

 

 

tympan 0959v

 

 

 

 

Aspect technique.

"Les verres.

Les verres vieux rose, violet et mauve, teints dans la masse, sont les plus minces ; l'épaisseur des rouges et bleus doublés est évidemment plus importante. Une pièce du chapeau de Pilate et une autre de sa robe au niveau des genoux présente des bulles de forte taille, très allongées et parallèles, ce qui indique que le verre a été soufflé en manchon.

La dimension des pièces appelle les mêmes remarques qu'à Plogonnec notamment pour la juxtaposition des faces et profils, comme dans l'Arrestation, et la découpe séparant les visages des coiffures. Seule pièce large (H =14cm ; l = 17cm) avec trois visages dans la même position, les juifs de l'Entrée à Jérusalem, aujourd'hui fêlée.

La ligne de coupe des verres est guidée par une certaine facilité, sans angles aigus ou rentrants très accusés. De même la mise en plombs ne manifeste pas de virtuosité : quelques inévitables piques, ceintures et cordes sont serties mais aucun galon de vêtement ; les plombs servent aussi à creuser des profils comme celui de Jean-Baptiste. La seule concession à l'habileté technique était l'étoile de la Nativité qui, à l'origine, était incrustée dans la pièce de fond, rouge damassée, brisée aujourd'hui. Il n'y a aucune gravure de verre doublé sauf naturellement dans le tympan pour les pièces anciennes des blasons de Coetanezre et de Lézergué, aux meubles sur fond rouge." (R.B)

Les familles nobles.

Famille de Coetanezre : (selon le site grandterrier.net)

Le lieu noble de Coetanezre est situé en la paroisse de Ploaré. En 1517, date de création du vitrail, ce nom peut correspondre à deux personnages, portant le même prénom Jean :

1°) Jean de Coetanezre (acte pour Lesergué en 1497, † après le 6 septembre 1512 et avant 1523) sieur des Salles en 1488/1489, marié avec Catherine de Lescuz (décédée le 4 juillet 1500 et inhumée aux Cordeliers de Quimper).

Il rendit aveu en 1497 pour « un manoir et héritages, de grands et somptueux édifices, plusieurs hommes et sujets », auquel le roi et le duc de Bretagne répondent par lettres patentes.

2°) D'où Jean de Coetanezre, seigneur des Salles (Avant 1494/décédé 11/09/ 1537, inhumé aux Cordeliers de Quimper) marié avec Amice de la Palue

D'où deux enfants

1. Charles de Coetanezre : À la mort de Charles de Coetanezre, en janvier 1548, sa sœur Marie Autret hérite de Lezergué (ADLA, B 2013/1) :

 

2. Marie de Coetanezre, dame de Lezergué († après 1548)  marié en 1532 avec Jean Autret seigneur de Lezoualc'h, sieur de Kervéguen, décédé après 25 mars 1574, fils de Jean Autret, seigneur de Lezoualc'h†1547 et Catherine Le Picart, dame héritière de Kervéguen.

 

LA BAIE DE LA CHAPELLE SUD OU BAIE 2.

       Cette petite baie haute de 1,70m et large de 1,20m située au-dessus de l'autel du bas-côté sud se compose de deux lancettes et d'un tympan en fleur de lys. Sa date est estimée vers 1515 (C.V). 

I. LES LANCETTES.

Elles représentent un couple de donateurs agenouillés et présentés par un saint. Le fond damassé est agencé comme une tenture à bordure supérieure et inférieure dorée. Ils sont surplombés par un lourd entablement aux culots supportant deux putti blonds tenant une guirlande. Deux grotesques occupent les oculi centraux, côtoyés par deux visages plus aimables. Dans l'écoinçon losangique entre les lancettes, un Christ séraphique rouge sur fond jaune.

 

vitraux 0947c

 

 

A gauche, sur un fond damassé violet, saint François d'Assise (paumes stigmatisées, nimbe vert clair gravé de pastilles, bure serrée par la cordelière)  présente un donateur, François de Liziard, seigneur de Kergonan, agenouillé, les mains jointes, devant un prie-Dieu recouvert, d'un tapis et d'un livre ouvert. Il est revêtu de l'armure de fer, par dessus laquelle il porte une dalmatique à ses armes, d'or à 3 croissants de gueules.

Sur la bordure dorée se déchiffre une inscription .AC....AVOTES



                             vitraux 0950v

 

 

Dans la lancette de droite, la donatrice est vêtue d'un corselet d'hermine, d'une robe bleue (manches) et d'or à 3 croissants de gueules. Elle est coiffée d'un chaperon blanc lui même posé sur une coiffe de linge fin, et surmonté d'une curieuse pièce bleue semblable à un bijou. Un voile, blanc encore, tombe sur les épaules. 

Si on considère (édition 1901 de la Vie des saints d'Armorique d'Albert le Grand)  qu'il s'agit de  l'épouse de François Liziart, Marguerite de Lanros, on en déduit que la sainte qui la présente et dont le seul attribut est "une croix légère, aux extrémités bourdonnées" n'est autre que sainte Marguerite. (Pourtant, cette règle de la présentation par le saint ou la sainte correspondant au prénom est loin d'être de vérification constante).  Mais ici, l'identification est cohérente avec l'iconographie qui représente la sainte munie du crucifix par lequel, dévorée par un dragon, elle a réussi une sorte de césarienne de l'intérieur, s'est extraite du ventre immonde et a gagné ses galons de patronne des sages-femmes. On comparera cette Marguerite, par exemple, à celle de saint-Rémi-de Céffonds

  On est alors amené à chercher quelque part le fameux dragon dont elle s'est issu (puisqu'il a fallu qu'elle en issit). Et on le trouve, du moins le bout de sa queue, sous forme de ce huit vert qui, lorsqu'on connaît bien l'animal, est tout à fait caractéristique. Mieux, en cherchant encore, je trouve l'œil, puis le naseau (gauche), ses écailles vertes tachant de se dissimuler à l'arrière de la robe céladon de notre vierge et martyre. Et enfin, là, crevant les yeux désormais, ses crocs venimeux cherchant encore à abuser des vertus moins déterminées. 

Comme à gauche, le galon d'or de la tenture porte une inscription AVE C.....TOI. (?)

                                            vitraux 0949c

 

La famille (de) Liziart.

—Louis François  de Liziart et son épouse  Marguerite vécurent  entre 1481 et 1540. Le lieu noble des Liziart était à l'origine à Rosnoen, mais le fief de Kergonan se trouve à l'extrémité nord-est d'Ergué-Gabéric. Leur fils Jehan succède en 1562 à François, et il est présent à la montre de Quimper.

— "François Lisiard" est mentionné à la Montre de Cornouailles de 1481, mais, mineur, il y est représenté par Louis le Borgne, archer en brigantine. Le 15 mai 1540, François Lyzyard rend aveu pour Kergonan (Archives départementales de Loire Atlantique B 2011/6).

 —Les armoiries étaient gravées sur la tombe familiale à enfeu de l'église paroissiale saint Guinal, à droite de l'autel, par droit accordé à  François Liziart, sr de Kergonnan  par acte prônal du 16 septembre 1495.

—Une pièce d'archive départementale de Loire Atlantique  mentionne Marguerite de Lanros : 

ADLA B 1215 - Paroisse d'Elliant. Le manoir et lieu noble de Hirberz ou  Hilberz possédé par Marguerite de Lanros, tutrice de Germain de  Kersalaun son fils, écuyer (1541), laquelle a déclaré aussi le manoir de Treffynec.  

— Les armoiries des Liziart sont aussi visibles sur une pierre tombale actuellement conservé au manoir du Cleuyou (Ergué-Gabéric) où une visite organisée pour la Société d'Archéologie du Finistère m'a permis de la photographier (2012); surmonté d'un cimier au cygne majestueux, c'est vraisemblablement la pierre de l'enfeu des Liziart.

 

                               vitraux-3632.jpg

 

 

Sources :

— Le site grandTerrier.net de Jean Coignard :

— Werner Preißing, 2013, Le Manoir du Cleuyou

— GATOUILLAT (Françoise) HEROLD (Michel), Les Vitraux de Bretagne, Corpus vitrea rum France recensement VII, Presses Universitaires de Rennes : Rennes 2005 pages 157-159.

 

 — BARRIÉ (Roger)  Etude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle : Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper / ; sous la direction d' André Mussat, 1979  Thèse de 3e cycle : Art et archéologie : Rennes 2 : 1979. Bibliogr. f. 9-32. 4 annexes (vol. 2)

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Published by jean-yves cordier
4 avril 2014 5 04 /04 /avril /2014 21:56

Les bannières de la paroisse d'Ergué-Gabéric (29) : Kerdévot, Kerdévot, Fatima, ...Tonkin !

 

      La paroisse d'Ergué-Gabéric (Finistère) possède de belles bannières de la fin du XIXe-début XXe siècle et consacrées à la Vierge et à saint Michel, mais dont l'une, peut-être unique en France, porte la mention TONKIN 1885 : une petite énigme pour les esprits curieux.

 

Ia. Bannière de la chapelle de Kerdévot (1).

Velours bleu, fil d'or, soie.

Inscription : ITROUN VARIA KERDEVOT / SIKOURIT AC' HANOMP. (Notre-Dame de Kerdévot, Aidez-nous)

Figures :

— Vierge à l'Enfant assise, couronnée, vêtue de rouge et d'or.

— Armoiries de la Bretagne, d'hermine plain, couronne ducale, deux lévriers.

— Monogramme marial MA.

— Armoiries pontificales du pape Léon XIII (Vincenzo Gioacchino Pecci), pape de 1878 à 1903.

D'azur au cyprès de sinople planté sur une plaine de même accompagné au francs quartier d'une comète d'or et en pointe de deux fleurs de lys d'argent, à la fasce d'argent brochant sur le tout.

La bannière est donc antérieure à 1903.

Restauration par des brodeuses de la paroisse ayant suivie une formation auprès de l'École de broderie d'art de Kemper (crée en 1995) de Pascal  Jaouen.

                       bannieres 0981v

bannieres 1019c

 

Ib. L'envers : la bannière de saint Guinal.    

      SANT GUINAL HOR PATRON PEDIT EVIDOMP 

"Saint Guinal notre patron Priez pour nous".

La bannière porte, outre les couleurs de la Bretagne,  les armoiries d'azur à trois épis de blé d'or, tigés et à la feuille ployée d'argent de Mgr François-Virgile Dubillard (1900-1907). La devise du prelat Deus adjuvat me et son cri Qui seminat in benedictionibus n'y figurent pas.

A droite se trouvent le monogramme CS qui reste à déchiffrer (Christus ?).

 En bas, deux initiales P.N. "(probablement N comme Nédélec :  La bannière fut l'objet d'une donation de François Nédélec de Kergoant après un vœu d’intercession au début de la dernière guerre mondiale pour la protection des soldats membres de la famille." (grandterrier.net). 

 

                                   127c

 


IIa. Bannière de la Vierge de Fatima.

Velours vert, broderies or. Non datée. 

Inscription ITRON VARIA FATIMA PEDIT EVIDOMP ( Notre-Dame de Fatima, Priez pour nous).

Monogramme marial MA.

 

                             bannieres 0983v

 

IIb Bannière des Prisonniers.

L'envers de cette bannière est consacrée aux prisonniers de guerre de la Seconde Guerre Mondiale. (photographie prise en septembre 2014 au pardon de Kerdévot).

ERGUE VRAZ ANAOUDEGEZ VAD TUR

 FND PRIZONNIER A.P 1945.

 

"Ergué-Gabéric Reconnaissance éternelle"

 122c

 

 

IIIa. Bannière de saint Michel.

Velours rouge, broderie or et argent.

— Armoiries ducales de Bretagne d'hermine plain, deux lévriers colletés, devise DOUE HA VABRO (Dieu et Patrie ?).

— Initiales M.C en haut à gauche (donateur ?)

— Inscription QUIS UT DEUS.

Quis ut Deus ? est une phrase en latin signifiant « Qui est comme Dieu ? » et qui est une traduction littérale du nom Michel (hébreu : מִיכָאֵל, translittéré Micha'el ou Mîkhā'ēl). La phrase Quis ut Deus ? est particulièrement associée à l’Archange Michel. Dans l’art, Saint Michel est souvent représenté comme un guerrier angélique armé d’un casque, d’une épée et d’un bouclier, en train de terrasser Satan qui est identifié soit sous la forme d’un dragon soit sous un aspect humain. Le bouclier porte parfois l’inscription : « Quis ut Deus », la traduction du nom de l’archange et qui peut être vue comme une question dédaigneuse et de rhétorique posée à Satan. (Wikipédia Quis ut Deus consulté le 5 avril 2014).

L'archange terrasse de sa lance, non pas un dragon, mais Satan représenté en ange déchu dont on ne voit que le beau visage, deux ailes, et la trident. 


                          bannieres 0986v

 

IIIb Bannière du Sacré-Cœur.

     L'envers de cette bannière est très belle également : représentant le Christ montrant le sacré Cœur et adoré par quatre anges, avec le monogramme IHS, elle est brodée en mémoire des victimes de la guerre 1914-1918. (photographie prise en septembre 2014 au pardon de Kerdévot).

                                   128c

 

IVa Bannière de Kerdévot (2).

      Soie rose, broderie au fil d'or et de soie. Antérieure à 1922.

Inscription : ITROUN VARIA KERDEVOT PEDIT EVIDOMP (Notre-Dame de Kerdévot Priez pour nous).

— Armoirie épiscopale de Benoît XV (Giacomo della Chiesa), pape de 1914 à 1922

Tranché d'azur et d'or à l'église d'argent couverte de gueules brochant sur le tout, au chef d'or à l'aigle issant de sable.Armes parlantes (En italien, chiesa signifie église)

Armoiries épiscopales Mgr Duparc 1908-1946

 

.

bannieres 0988c

 

IVb Bannière de sainte Anne.

Anne éducatrice avec son inscription D'HOR MAM SANTEZ ANNA.

Celle-ci est le titre d'un cantique D'hor Mamm Santez Anna / D'an Itron Varia / D'hor Salver benniget / Ni vo fidel bepred  "A notre Mère Sainte Anne, à Marie, Notre-Dame, à notre Sauveur béni, nous serons toujours fidèles"

 

 

124c


V. Bannière de Kerdévot (3). 

 

                   bannieres 0989v

 

 

Comme la suivante, ces bannières de procession sont bien visibles sur la photographie visible ici.   lors du pardon de Kerdévot.

 

 

VI. Bannière "Tonkin 1885".

Velours rouge à broderies or. 

Un "enfant" auréolé (sans-doute Jésus) est entouré de deux évêques ou abbés ; un poisson au pied de celui qui porte une chasuble jaune identifie saint Corentin, patron de Quimper en particulier et du diocèse en général. Son voisin serait donc son disciple saint Guénolé, abbé de Landevennec.

Autour de l'inscription TONKIN 1885 sont brodées deux initiales C S.

Pour résoudre partiellement l' énigme de cette bannière, j'interroge le site GrandTerrier.net de Jean Cognard éminemment spécialisé dans l'étude du patrimoine de la commune. J'y trouve un extrait  d'un carnet ED d'Anatole le Bras page 42-45 décrivant les vêpres à la chapelle de Kerdévot :

 

 

 Les hommes sont debout ; les bannières droites dans la balustrade. L'une d'elles, blanche, avec une image en or est l'Intron Varia Kerzevot. D.E.D. On lui a mis derrière une Vierge de Lourdes qui, bientôt sans doute la supplantera.Une autre bannière de velours écarlate représente St Corentin en rouge et en jaune, avec mitre d'or, et St Guénolé, tout en blanc, blanche la mitre, protégeant un jeune enfant en robe. - Au dessous, dans un cartouche, Tonkin, 1885. Elle a été offerte par Signour. D'autres vieilles bannières aux tons plus fanés.

 Grâce au même site, j'identifie les initiales C S comme celles de Corentin Signour : non pas le maire d'Ergué-Gabéric de 1947 à 1953, mais son père Corentin Signour né en 1861 et décédé en 1899, (nécrologie dans le bulletin de l'Association amicale des anciens élèves du Pensionnat Sainte-Marie de Quimper), et conseiller municipal en 1888.

 

La famille Signour a occupé la ferme de Keranroux depuis au moins 1680. Le père du futur maire est né le 2 juin 1887 à Keranroux et prénommé Corentin (le grand-père également), il est marié avec Marie Anne Vigouroux et tient une ferme à Penhars.

Corentin Signour père, né en 1861 et marié à Thomas) avait été élu adjoint de la ville du Grand Quimper. 

Avant son élection à la mairie, Corentin (le fils) s'installe à Ergué dans la ferme de Kermoysan tenue par ses beaux-parents. (GrandTerrier, extraits).

Néanmoins, il faut corriger ces données par  les renseignements généalogiques de la généalogie d'Hervé Le Seignour :

 


  • Yves René SIGNOUR, né le 8 novembre 1825, Ergué-Gabéric, Keranroux, décédé le 8 juillet 1885,

    ... dont:René Jean, 1852 -1871, Keranroux,

    • Thomas Joseph Marie, 1855 -1860,(à l’âge de 5 ans).

    •  Marie Jeanne 1858, Ergué-Gabéric, 29, , , Keranroux,, décédée.
      Mariée en1876 à Hervé Louis RIOU, Cultivateur Keranroux 1876-1881

      ... dont:

      • Marie Anne,

      • René,

      • Corentin Hervé,

    •  Corentin Marie Signour, né le 11 avril 1861 à Keranroux, Cultivateur à Keranroux en 1886-1892.
      Marié le 21 janvier 1886, Penhars, avec Marie Anne Louise THOMAS, 1867 - ?,

      ... dont:

      • Marie Anne 1888- ?,

      • Jean René, 1890- ?

      • Alain Marie, né le 11 août 1892- 1972,

      • Corentin Marie, né le 2 juin 1887, Ergué-Gabéric, 29, Finistère, Keranroux, ,, décédé le 1er septembre 1975, Ergué-Gabéric, , Maire d'Ergué-Gabéric de 1947 à 1953; agriculteur à Kermoysan.

    • Thomas Joseph, né le 30 mars 1864 décédé à l’âge de 6 mois.

Poursuivant cette enquête, je découvre que le village de Keranroux (ou Kerroux, Kerrous), où les Signour exploitent la ferme depuis au moins 1680 est associé à saint Guénolé :

Keranroux (dérivé de Ker an Roux, en breton « Le village de le Roux ») est situé, au bout de la route provenant de Tréodet, près d'un promontoire qui permet de contrôler l'accès aux gorges du Stangala Le hameaux serait ancien, il remonterait à Saint-Guénolé, deuxième abbé de Landevennec. (Wikipédia, d'après Arkaevraz.net).

 

Je comprends mieux la présence de saint Guénolé et de saint Corentin  sur la bannière dont Corentin Signour, de Keranroux, est le donateur ! Mais Wikipédia commet une erreur : ce n'est pas saint Guénolé, mais saint Gwenael qui est le second abbé de Landevennec et successeur de Guénolé, et c'est lui qui, selon la légende, serait né dans la ferme même de Kerrous/Keranroux. Quand on saura que Gwenael est, sous le nom de Saint Guinal, le patron de l'église paroissiale, on aura compris l'importance de ce personnage pour les habitants de Ergué-Gabéric.

Et si Anatole Le Bras s'était trompé ? Les deux saints de la bannière ne sont-ils pas plutôt saint Corentin et saint Guinal/Gwenael ?

Résumé : 

Dans les années qui suivent 1885, Corentin Signour (1861-1899), agriculteur exploitant la ferme de Kerrous, fait don d'une bannière représentant son saint patron Corentin, et le saint patron de sa paroisse, saint Guinal, né selon la légende dans la ferme même que sa famille exploite depuis le XVIIe siècle. Ces années correspondent environ à la date de son mariage avec Anne-Marie Thomas en 1886 et à la naissance de son fils aîné Corentin (futur maire). 

 Rien n'indique la raison de la référence à l'expédition du Tonkin en 1885 ; la généalogie ne signale aucun membre de la famille qui y soit décédé. Corentin Signour a-t-il participé à cette campagne, et rend-il grâce par une bannière ex-voto d'être revenu sain et sauf dans son village ?

 

La médaille de l'expédition n'est-elle pas épinglée quelque-part au dos de la bannière ?

                   bannieres 0984v

 

Commentaire. 

1. Une bannière d'ancien combattant ?.

On trouve sous la plume de Jean Gueguen (Commission Histoire 1980) cité par l'incontournable site grandTerrier cette précision :

Pour porter certaines bannières, croix ou statues, il fallait remplir des conditions précises. Soit par exemple : pour la statue de Notre-Dame, avoir 17 ans dans l'année ; pour la statue de sainte Anne, être mariée depuis moins d'un an ; pour la bannière du Tonkin, avoir fait son service militaire ; pour la grande croix d'or, avoir passé la cinquantaine 

2. Un ex-voto ?

 Nous  conservons peu d'éléments commémoratifs de l'expédition du Tonkin de 1885, mais celle-ci a pourtant été vécu comme l'événement principal de cette année.

Parmi la centaine d'ex-voto qui, sous la forme d'une plaque de marbre blanc, témoigne, dans le sanctuaire de Notre-Dame -de-Rumengol (Le Faou) de reconnaissance pour une grâce obtenue, pour un danger surmonté miraculeusement, un grand nombre font référence aux guerres : le plus grand nombre relève de la période des guerres coloniales entreprises par la France de Jules Ferry à la fin du XIXe siècle :  Guerre franco-chinoise (1880), intervention en Tunisie 1881, occupation de Madagascar 1883, expédition du Tonkin 1883-1887. Parmi ceux-ci, l'ex-voto offert par H. de G. fait explicitement référence à cette campagne :

RECONNAISSANCE / A N-D DE RUMENGOL CAMPAGNE DU TONKIN 1885-1887 H de G

 

 

 

3. Rappel historique.

Le Tonkin est la partie nord du Vietnam actuel, à l'ouest du Golfe du Tonkin.

Sous la troisième République, (Jules Ferry) la France décida d’étendre son influence au Tonkin, en y envoyant un détachement commandé par le capitaine de vaisseau Henri Rivière. Mais ce dernier fut capturé au cours d’une sortie à CAU-GIAI, le 19 mai 1883, et décapité par les Pavillons-Noirs. La réaction française fut vigoureuse ; la Chambre des députés votant unanimement pour l’envoi en Extrême-Orient d’un corps expéditionnaire faisant passer le corps expéditionnaire à quatre mille puis à neuf mille hommes devant occuper puis pacifier le Tonkin et faire ainsi reconnaître le protectorat français sur l’Annam. 

Durant trois années ( 1883, 1884 et 1885 ), les marins de l’escadre commandée par l’amiral Amédée Courbet, les soldats de l’infanterie de marine, des escadrons de spahis et chasseurs d’Afrique, des bataillons de zouaves, tirailleurs algériens et les légionnaires, placés sous les ordres des généraux Charles-Théodore Millot (10 000 hommes en 1884) puis Henri Roussel de Courcy, opéreront au Tonkin, en Annam et en Chine. Les opérations se termineront par la signature, le 9 juin 1885, du second traité de T’ien-tsin ( Tianjin ) avec la Chine.

 

 La Médaille commémorative de l’expédition du Tonkin, récompensant les militaires et marins qui prirent part à l’expédition de 1883 à 1885 fut attribuée avec un diplôme à 97 300 titulaires, ce qui témoigne de l'ampleur de l'expédition.

                            

 

       Description de l'image Indochine francaise.svg. Source      Description de cette image, également commentée ci-aprèsSource

 

Les bretons peuvent être concernés à divers titre :

— sur le plan religieux, en s'inquiétant des menaces qui pèsent sur les missions catholiques.

— sur le plan politique, en soutenant ou en s'opposant aux décisions des "républicains".

— sur le plan militaire, en suivant les opérations relatés par la presse.

— sur le plan personnel lors de la désignation par tirage au sort de recrues pour le corps expéditionnaire (service militaire), ou en réponse à l'appel de volontaires (ici)

 

1. Les missions au Tonkin, et les bretons.

L'évangélisation de la région par des missionnaires a débuté dès 1662. Mais un breton du diocèse de Quimper, Jean-François Abgrall (1854-1929) y jouera un grand rôle à partir de 1887 à la Mission du Tonkin méridional (Vinh) ["Quarante deux ans sous le soleil de l'Indochine : Jean-François Abgrall, des Missions Etrangères". Imp. Prudhomme. St Brieuc, 1933. par le Chanoine Pérennès.]

2. Le Tonkin, la Chine et les bretons.

Le compositeur quimpérois Mikeal Queinec (1849-1909) a composé entre 1880 et 1893 un certains nombres de chants de colportage sur feuille volante imprimés chez de Kerangal à Quimper. Parmi ceux-ci,  Brezel an Tonkin hag ar Chin, salue le départ des soldats mais formule une prière afin que la troupe n'ait pas à subir un châtiment divin amplement mérité par ses chefs républicains. Trois ans plus tard, les autochtones ayant eu le mauvais goût de résister, la paix est signée à Tien Tsin. Queinec publie alors une chanson différente Brezel ar Chin hag an Tonkin dans laquelle il décrit le courage des soldats mais fustige le gouvernement de n'avoir pas envoyé de troupes en nombre suffisant et d'avoir dilapidé les fonds publics. Certains députés du Finistère sont cités comme ayant 'déshonoré le département'. Source

Témoignage : Pierre Loti.

L'écrivain Pierre Loti participa à la Campagne du Tonkin en 1883 à bord du cuirassé l'Atalante, et publiera le récit en une soixantaine de pages de la prise des forts de la rivière de Hué dans le Figaro (Trois journées de guerre en Annam). Le gouvernement lui reproche d'y dénoncer la cruauté des soldats français et d'en décrire les atrocités, et le sanctionne. En 1885, li embarque à bord du cuirassé La Triomphante dans l'escadre de l'amiral Courbet. Dans Pêcheur d'Islande (1886), il raconte le retour du Tonkin d'un jeune breton d'une famille de pêcheurs,  Sylvestre Moân, qui se meurt pendant son retour à bord d'un navire-hôpital. "On lui avait donné la médaille militaire et il en avait eu un moment de joie".

 

 



 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier
2 avril 2014 3 02 /04 /avril /2014 23:02

Le vitrail de la Passion de l'église saint-Conogan de Lanvénégen (56).

 

 


 

Remarque : deux éléments sont ici remarquables : la Communion de Judas, et le glaive transperçant la Vierge en pâmoison au pied de la croix.

 


   Ancienne trève de Guiscriff, aujourd'hui dans le diocèse de Vannes, Lanvénégen faisait jadis partie de la Cornouaille, et  était un des principaux bénéfices de cet ancien Evêché. Lanvénégen, du breton « lan » (lieu consacré) et « Wenegan », signifie "le territoire de saint Wénégan ou Conogan". Ce saint qui vivait au VIème siècle aurait gouverné l'église de Quimper immédiatement après saint Corentin.

 

statues-et-autre 1127v

 

 

      Une inscription gothique en relief sur le quatrième pilier sud  :

M[essire] B[ertrand] Rusquec*  rectur de Guisguri fit fair ceste eglise lan M Vcc VIII

 ... indique la date de 1508 comme repère pour le début des travaux de construction de l'église (qui conserve quelques éléments du XVe). La maîtresse-vitre ou Baie 0 est donc postérieure à 1508 et on la date vers 1515 [1508-1522]. Elle est consacrée à une Passion dont les éléments ont conduit Roger Barriè à penser qu'elle appartiendrait à un ensemble exécuté par un atelier quimpérois (Le Sodec) comme les Passions de Penmarc'h, Ergué-Gabéric, Plogonnec.

* Bertrand du Rusquec, d'abord seigneur du Rusquec en Locqueffret (Montre de Cornouaille 1481) puis recteur de Guiscuiff depuis 1476 environ (P. Hollocou). En 1580, le recteur sera Pierre de Rusquec, chanoine de Cornouaille comme son frère Jacques, archidiacre de Poher. Voir le château du Rusquec à Locqueffret sur Topic-topos. Armoiries losangé d’argent et de sable  ou bien un chef chargé de trois pommes de pin ?.

Eléments épars sur ce recteur et sa famille :

— En 1509, Bertrand du Rusquec résilie son bénéfice au profit de son frère cadet Thomas du Rusquec, et se retire au manoir presbytéral de Lanvénégen. (P. Hollocou). Thomas du Rusquec est encore en poste en 1531, où une procédure l' qui opposa aux habitants de la paroisse de Guiscriff dans l'évêché de Cornouaille  devant le conseil et la chancellerie de Bretagne.

 

 

— Dans la nuit du 11 décembre 1551, à Quimper, lors de la foire de la Saint-Corentin, Pierre du Rusquec accompagnait les seigneurs François et Georges Lesaudevez, "buvant et devisant aimablement" lorsqu'une rixe éclata entre François de Lesaudevez et René de Kerloaeguen. Le recteur et les assistants tentèrent de les séparer, mais François Lesaudevez frappa Kerloaguen à terre, désarmé, et lui infligea, comble de déloyauté, un coup au jarret, réitérant ainsi le "coup de Jarnac" survenu 4 ans auparavant. Voir Le Men, Un coup de Jarnac..., Bull. S.A.F 1880 pp 119-128.

— ...L'aîné des garçons, Jean du Rusquec, épouse vers l520 Françoise de Kerloaguen. De leur union naît Louis du Rusquec qui épouse, en juin l556, Marie de Lézongar. Deux ans plus tard, Louis du Rusquec est blessé à la bataille du Conquet ...

 —les manoirs et lieux nobles du Rusquec et de la Salle, possédés par Jean du Rusquec, écuyer, seigneur du Rusquec (1540)... (Archives de la Loire-Inférieure).

—Jacques du Rusquec, archidiacre de Pohaer, et Jean[sic], son frère, recteur de Guiscriff, tous deux chanoines de Cornouaille, avaient acquis le manoir de La Salle pour 4.500 écus de Rolland de Kerloaguen et Jeanne Lézongar, sa compagne, sieur et dame de Kerméheuzen. Le 14 Janvier 1594, ce manoir appartenait à Jacques et Pierre du Rusquec..

 —Le seigneur du Rusquec avait, dans le choeur de l’église de Loqueffret, du côté de l’évangile, une tombe « eslevée » et armoyée, portant un écusson en bosse avec image de la Trinité. 

Puisque la paroisse dépend du diocèse de Cornouailles, précisons que l'évêque en est Claude de Rohan (1501-1540), mais que, comme il est simple d'esprit, c'est Jean de Largez, abbé de Daoulas, qui administre le diocèse de 1501 à 1518.

Voilà pour les commanditaires du vitrail.

 


 Cette baie se compose de 4 lancettes trilobées et d'un tympan (entiérement restauré) de 10 mouchettes et écoinçons. Elle mesure 5,20 m de haut et 2,25 m de large. Les vitraux ont été restaurés par l'atelier Huchet du Mans en 1875, et l'impression immédiate du visiteur est d'avoir affaire à une très belle œuvre, claire, lisible et en bon état plutôt qu'à ces vitres si rongées par la corrosion qu'elles sont rébarbatives. 

Les lancettes se décrivent en trois registres superposés et en douze scènes.


               lanvenegen 1106c

 

                               I. Registre inférieur.


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1. Lavement des pieds.

On voit d'emblée la qualité de la restauration qui a éliminé une grande quantité de plomb de casse par l'utilisation fréquente d'un collage bord à bord (ultérieur au travail de Huchet ?). On remarque aussi le façonnage de la barlotière ou de la vergette qui s'arrondit respectueusement autour du nimbe du Christ. 

  Néanmoins, le contraste entre le groupe des apôtres à l'arrière-plan, entièrement restauré, et le visage de saint Pierre (reconnaissable à sa calvitie pariétale et à sa chape d'évêque), est flagrant. L'utilisation trop massive, par aplat, de la sanguine ou du jaune d'argent (chevelure de saint Jean, imberbe) est gênante.

Pierre est le seul des apôtres à être doté d'un nimbe. Le nimbe crucifère du Christ, et sa longue tunique bleu vont servir d'élément distinctif pour la plupart des panneaux suivants.

                                      lanvenegen 1108v

 

2. Cène, Communion de Judas.

1°) Il peut s'agir d'une simple interprétation du récit évangélique de Matthieu 26, 14-15 et 26, 20-25 :

 14 : Alors l'un des douze, appelé Judas Iscariot, alla vers les principaux sacrificateurs, et dit: Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai? Et ils lui payèrent trente pièces d'argent.

...

20 : Le soir étant venu, il se mit à table avec les douze. Pendant qu'ils mangeaient, il dit: Je vous le dis en vérité, l'un de vous me livrera. Ils furent profondément attristés, et chacun se mit à lui dire: Est-ce moi, Seigneur?  Il répondit: Celui qui a mis avec moi la main dans le plat, c'est celui qui me livrera. Le Fils de l'homme s'en va, selon ce qui est écrit de lui. Mais malheur à l'homme par qui le Fils de l'homme est livré! Mieux vaudrait pour cet homme qu'il ne fût pas né.  Judas, qui le livrait, prit la parole et dit: Est-ce moi, Rabbi? Jésus lui répondit: Tu l'as dit.

C'est ce que montre le vitrail de Chartres ( Verrière occidentale de la Passion). Judas est placé de l'autre coté de la table.

: Le vitrail de la Passion de la cathédrale de Chartres.

   Passion-6698ccccc.jpg

 

 

2°) On remarquera néanmoins qu'à Lanvénégen Judas ne tend pas la main vers le plat, mais reçoit une bouchée. C'est à l'évangile de Jean 13, 21-32 qu'il faut faire appel :

 

 Après avoir dit ces paroles, Jésus fut profondément troublé, et il déclara solennellement: «En vérité, en vérité, je vous le dis, l'un de vous me trahira.» Les disciples se regardaient les uns les autres, sans savoir de qui il parlait.  Un des disciples, celui que Jésus aimait, était à table à côté de Jésus. Simon Pierre lui fit donc signe de demander qui était celui dont parlait Jésus. Ce disciple se pencha vers Jésus et lui dit: «Seigneur, qui est-ce?»  Jésus répondit: «C'est celui à qui je donnerai le morceau que je vais tremper.» Puis il trempa le morceau et le donna à Judas, fils de Simon, l'Iscariot.  Dès que Judas eut pris le morceau, Satan entra en lui. Jésus lui dit: «Ce que tu fais, fais-le rapidement.» Aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi il lui disait cela. Comme Judas tenait la bourse, quelques-uns pensaient que Jésus lui disait: «Achète ce dont nous avons besoin pour la fête» ou qu'il lui demandait de donner quelque chose aux pauvres. 30 Après avoir pris le morceau, Judas sortit aussitôt. Il faisait nuit. Lorsque Judas fut sorti, Jésus dit: «Maintenant, la gloire du Fils de l'homme a été révélée et la gloire de Dieu a été révélée en lui. [Si la gloire de Dieu a été révélée en lui,] Dieu aussi révélera sa gloire en lui-même, et il la révélera très bientôt.


Judas, de trois-quart,  agenouillé, robe verte et manteau rouge, tenant la bourse aux trente deniers dans la main gauche, reçoit de la main du Christ, dans un geste évoquant la Communion, une bouchée ovale de nourriture. Sa bouche est ouverte, et ses dents sont visibles. Entre le Christ et Judas se voit la table de la Cène, avec un plat, une assiette semblable à une patère, et un couteau dont la lame est pointé vers Jésus. Pierre est identifiée derrière Judas par la chape qu'il portait précédemment, et Jean (au milieu) à ses cheveux blonds et à l'absence de barbe.


3°) Les auteurs du Corpus Vitrearum y voient, non sans quelques raisons, une "Communion des apôtres", thème iconographique de l'église orthodoxe fréquent sur les icônes byzantines dès le VIe siècle*, et dans les décors d'abside dès le XIe ou dans la chapelle orthodoxe de Plérin (22) dans une réalisation récente, attesté aussi dans la cathédrale de Nantes dans un tableau de Delaunay (1861). Mais trouve-t-on ce thème traité dans l'Église catholique au XVIe siècle ? 

*Au VIe siècle dans la miniature de l’Evangéliaire de Rossano et celle de l’Évangéliaire syriaque du moine Rabbula, ou sur deux patènes du règne de Justin II (565-578), conservées l’une au Musée Archéologique d’Istanbul (Stûma) et l’autre à Dumbarton Oaks (Riha). La représentation de la Communion des Apôtres est utilisée ensuite au IXe siècle dans les psautiers, illustrant les Psaumes 109 (110), 4 «Tu es prêtre à jamais, selon l’ordre de Melchisédech » et 33, 9 (34, 8) « Goûtez et voyez comme le Seigneur est bon ».

— La Bibliothèque Mazarine (Paris) conserve sous la cote Ms 0412 un Missel à l'usage de Paris de v.1492 dont une miniature pour la Fête-Dieu f.195v, attribuée au Maître de Jacques  Besançon ou au Maître des Très petites Heures d'Anne de Bretagne, montre une Communion des apôtres, dans une représentation associée à Melchisédech offrant le vin et le pain à Abraham.

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— Les Très Riches Heures du Duc de Berry Chantilly Ms 65, folio 189v, en offrent un autre exemple dans les Heures de l'année liturgique: dix apôtres sont visibles dont saint Pierre (au premier plan) et saint Jean :

File:382 MS 65 F189 V.jpg

 

— Voir aussi une autre exemple : La Bibliothèque Sainte-Geneviève, Chronique universelle (1520-1524).

4°) Mais dans ces Communions des apôtres, Judas n'est jamais représenté distinctement : c'est saint Pierre qui est en tête des douze, parfois saint Jean, et les autres disciples ne sont pas identifiables.

Pourtant, la tradition byzantine a parfois représenté Judas prenant la tête des apôtres pour recevoir la communion, soit s'éloignant pour recracher le pain. 

 "...dès le début du XIIe siècle, à Chypre, dans l’église de Panagia d’Asinou, la Communion des Apôtres a été peinte avec une variante, très isolée à cette date, qui apparaît encore dans quelques monuments, par la suite. La représentation du groupe des apôtres de droite innove doublement: il est conduit par saint Jean, qui boit au calice, et non pas saint Paul, absent de la scène. De plus, à droite de l’image, un apôtre, vu de profil, s’éloigne, tenant le pain consacré dans sa main, près de sa bouche. Ce personnage, vers lequel le Christ et certains apôtres dirigent leur regard, ne peut être que Judas qui s’éloigne en recrachant le pain."

    "Dans la composition de la Communion des Apôtres à Saint-Clément d’Ohrid en Macédoine (vers 1295), Judas nimbé (sic), en tête du groupe des Apôtres à droite, a la bouche ouverte et même ses dents sont représentées ! Une autre caractéristique iconographique est la représentation de Judas de profil, ce qui dans le langage des peintres et zoographes de l’Eglise signifie un personnage négatif. Judas a pris la place d’ « honneur », un élément qu’on peut rencontrer parfois dans la représentation de la Cène. D’après G. Millet, se référant au texte de Chrysostome, cette place d’ « honneur » s’explique par la volonté du peintre de montrer l’impudence de Judas, qui a pris à la Cène une place plus haute que le premier des apôtres lui-même. C’est probablement la même raison qui a motivé les célèbres peintres Michel Astrapas et Eutychès dans la représentation de Judas en tête des apôtres dans la Communion des Apôtres à Ohrid."

  Goran Sekulovski, Judas a-t-il sa place dans la composition iconographique de la "Communion des apôtres" ? © Rites de communion. Conférences Saint-Serge LVe Semaine d'Études Liturgiques, André Lossky, Manlio Sodi (éd.), Libreria Editrice Vaticana, 2010 (coll. « Monumenta Studia Instrumenta Liturgica », 59), p. 211-226. En ligne., voir l'illustration figure 3. 

 G. Sekulovski replace cette Communion de Judas dans le contexte théologique byzantin des discussions sur l'Eucharistie ( "Prenez et mangez en tous", —y compris Judas—) et sur la culpabilité de Judas, d'autant plus responsable qu'il avait bénéficié de la mansuétude du Christ lors du Lavement des pieds et de la Communion. C'est l'opinion de Jean Chrysostome (cf  G. Sekulovski - ‎2013 Jean Chrysostome sur la communion de Judas. in Studia patristica, vol. LXVII :  Judas était comme les autres apôtres, choisi parmi les Douze et aimé par le Christ)

 5°) Ces sujets traités par saint Augustin et les Pères de l'Église  ont-ils été débattus aussi par l'Église Romaine ? Par les clercs du XVe siècle ? Par les recteurs bretons (membre de la noblesse, comme Bertrand du Rusquec) ? En 1755, Claude Mey, avocat au Parlement de Paris et théologien, en traitre dans sa Lettre à Madame *** sur un point important en ligne

Sur le plan iconographique, Emile Mâle (l'Art au XIIe siècle) mentionne les Cènes du portail central de Saint-Gilles, de la frise de Beaucaire, d'un des piliers du cloître Saint-Trophime d'Arles, du linteau du portail de Champagne (Ardèche), de l'église de Vizille (Isère), et du portail de l'église de Vandeins ou à la cathédrale de Modène. Voir aussi le chapiteau de la Daurade, XIIe siècle (ici p.84 n°125).

La base mandragore de la Bnf signale le Ms arménien 333 folio 5v 

La très expressive enluminure du "psautier Robert de Lisle" de la British Library Arundel 83 folio 124v date de c1308-c1340.

   La "communion de Judas" est-elle représentée en vitrail ? Il existe un exemple in abstensia où Judas est signalé par un tabouret renversé, ayant quitté précipitamment la pièce après avoir mangé. Cela donne l'occasion de débats approfondis : cf. Rita Ramberti (Université de Bologne) et Laurence Riviale : À propos de la verrière de la Cène à Allouville-Bellefosse : la communion de Judas comme preuve du libre-arbitre de l'homme face au serf-arbitre de Luther in Journées d’études internationales du Corpus Vitrearum Haute-Normandie, 29 -30 novembre 2007. Laurence Riviale signale que, dans la très célèbre Cène de Léonard de Vinci pour le couvent dominicain de Milan, où l'on voit la main de Judas et celle de Jésus converger vers le même morceau de pain, le peintre avait initialement prévu de représenter la communion de Judas (travaux de Daniel Arasse). Cette fresque date de 1494-98 et ne précède que de quelques années le vitrail breton. Les mêmes influences s'y exercent sans-doute, notamment celle des Dominicains mettant en avant le libre arbitre dans leurs prédications. Dans la Cène, Enrica Crespino remarque que Judas est placé de face, à coté des autres apôtres, "comme un homme qui pouvait choisir entre le bien et le mal et qui choisit le mal".

Les seuls autres exemples que j'ai trouvé de Communion de Judas en vitrail sont :

1°) le Vitrail de la Cathédrale de Strasbourg où (au contraire) Judas est rejeté de l'autre coté de la table, à terre.

2°) un vitrail de l'église Saint-Alpin de Châlons-sur-Marne (baie I après 1515) où le Christ, assis à table avec ses apôtres tient dans ses mains un calice, et une hostie qu'il dépose sur les lèvres de Judas. (selon L. Riviale, Le Vitrail en Normandie, p. 265).

 

Le bas-côté sud, baie V : Passion du Christ, Cène (v. 1340)

La Cène et Judas vu par Bernard Buffet 1961 ici.

En résumé, l'artiste s'est peut-être contenté d'illustrer Jean 13, mais cela évoque si irrésistiblement une communion qu'on peut aussi y voir une évocation du thème théologique de la Communion de Judas, sacrilège pour les uns et preuve pour d'autres de la complexité complice et indulgente du lien entre Jésus et Judas. Néanmoins, l'image évoque plutôt la tendresse du Christ qu'un acte satanique de Judas, et aucune désapprobation n'est visible. 

 


                                        lanvenegen 1109v

 

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      Comparer avec la "Communion des Apôtres" de la Passion d'Ergué-Gabéric :

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 3. Agonie de Jésus au Jardin des oliviers.

Je rappelle que l'on nomme traditionnellement "agonie" non pas les derniers instants du Christ sur la croix, mais cet épisode au Jardin des oliviers. En effet, le terme agonie signifie stricto sensu "angoisse de la mort" tant par son étymologie (vieux français aigoine, "angoisse", 1160 du grec  α ̓ γ ω ν ι ́ α),  que par son usage en latin chrétien.

 

 

L'artiste, fidèle à la tradition occidentale, suit le texte de Luc 22,39-46.

Jésus sortit pour se rendre, comme d'habitude, au mont des Oliviers,
et ses disciples le suivirent.
Arrivé là, il leur dit:"Priez, pour ne pas entrer en tentation".
Puis il s'écarta à la distance d'un jet de pierre environ.
Se mettant à genoux, il priait:
"Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe !
cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne".
Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait.
Dans l'angoisse, Jésus priait avec plus d'insistance;
et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu'à terre.
Après cette prière, Jésus se leva et rejoignit ses disciples
qu'il trouva endormis à force de tristesse. Il leur dit:

"Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation".

Alors que les apôtres Jean, Jacques et Pierre (tenant le glaive qu'il va utiliser dans la scène suivante) sont "endormis à force de tristesse", l'ange apparaît à droite, désignant la coupe ; celle-ci déclenche une telle angoisse que le Christ présente un accès d'hématidrose, sueur de sang provoquée par un stress intense.  


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Détail 1 : le verre rouge est altéré par endroit. On sait que le verrier ne peut utiliser que des verres colorés en rouge (par l'oxyde de cuivre) extrêmement fins, car sinon ils seraient très sombres, presque noirs ; ces verres rouges sont donc toujours doublés, accolés à un verre incolore. Le verre rouge (parfois aussi fin qu'un papier à cigarette) est donc plus sensible à la décoloration. Autre exemple sur le manteau rouge de saint Pierre.

Détail 2 : en zoomant sur le visage de saint Jacques, on notera comment les cils sont dessinés en  traits fins particulièrement longs : on retrouvera très souvent ce procédé.

Détail 3 : le manche à tête d'oiseau du glaive de Pierre.

Détail 4 : le nimbe de saint Pierre diffère de celui des scènes précédente et suivante et est décoré d'une frise de cercles concentriques.

Détail 5 : la fleur au feuillage en rosette est rapprochée par R. Barrié de celle de Plogonnec.

Détail 6 : saint Jean porte une chaussure mauve, contraire à la règle iconographique consistant à représenter les apôtres pieds nus.

 

                                    lanvenegen 1110c

 

 

4. Arrestation du Christ au jardin de Gethsémani : baiser de Judas.

Cette scène est fixée depuis longtemps dans ses modalités iconographiques : Judas, suivi de la troupe des soldats, vient toujours de droite, Jésus et les apôtres viennent de gauche, et saint Pierre coupant l'oreille du serviteur du grand-prêtre se place derrière Jésus ; les armes se découpent dans le ciel. Auréoles d'un coté, casques de l'autre. Les corps sont serrés, en bousculade, sans espace libre entre eux.

184px-Giotjud.jpg Giotto


  "Et Jésus lui dit : Judas, c'est par un baiser que tu vas livrer le Fils de l'homme ! " Luc, 22:48.

  La puissance de l'oxymore inscrit dans le "Baiser de Judas" (signe d'amour qui est un signal militaire, une trahison et un arrêt de mort) est renforcée ici d'une part par la tendre intimité de la Communion que nous venons de voir, et d'autre part par la quasi gémellité des deux hommes, malgré la couleur jaune/rousse des cheveux et de la barbe de Judas qui stigmatise son statut de traître. Le baiser est prolongé par une étreinte à travers le geste du bras de Judas. En dessous, le restaurateur a placé une autre main tenant les fameux trente deniers que bientôt, pris de remords, Judas va rendre aux membres du Sanhédrin avant de se pendre.

 Nous sommes distrait de la collision frontale des deux troupes par le geste désemparé de Malchus, serviteur de Caïphe à qui Pierre vient de trancher l'oreille et qui tombe à la renverse avec sa lanterne; mais déjà la main de Jésus s'apprête à recoller le large pavillon auriculaire.

Détail 1: Pierre, qu'on identifiait à sa calvitie, est ici doté du  "toupet", mèche de cheveux qui persiste avec opiniâtreté au sommet du front, et que je considère comme l'un de ses attributs.

 



                                  lanvenegen 1111c

 

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                               II. Registre médian.

 

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1. Comparution devant Caïphe.    

      Détail 1. Le soldat est vêtu comme un lansquenet avec plume au chapeau, épée, pantalon jaune rayé de noir :

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Détail 2. Caïphe, le grand-prêtre porte une doublure en fourrure d'hermine sur son manteau et son bonnet, comme un duc de Bretagne, mais la patte qui descend sur ses oreilles signale, dans le code iconographique, qu'il est Juif. Il compte sur ses doigts les raisons de sa condamnation, selon la méthode médiévale de l'argumentation, illustrant le verset de Matthieu 26:63 :"Jésus garda le silence. Et le souverain sacrificateur, prenant la parole, lui dit: Je t'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu."

 .

 

 

                            lanvenegen 1116v     

 

2. Christ aux outrages.

 


                       lanvenegen 1115v

 

Bourreau et signes d'infamie.

Le bourreau placé au premier plan est affecté par l'artiste de plusieurs signes considérés au Moyen Âge comme infamant, et qui deviennent par la suite des signes de marginalité, d'appartenance à un groupe qui se moque des convenances ou qui utilise ces signes comme des marques d'affiliation; Ce sont :

a) La disparité des couleurs (comparer avec le Christ).

b) L'emploi de la couleur jaune.

c) Les rayures.

d) La boucle d'oreille.

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3. Mise en place de la Couronne d'épines.

      Une fois encore, l'image est très classique, opposant la passivité du Christ et sa position assise aux forces déployées par les bourreaux, qui utilise des bâtons en levier pour faire pénétrer les branches d'aubépines tressées en couronne. Ces forces s'organisent toujours en X, comme ici où l'axe du bâton est prolongé par le bras, le tronc tendu par l'effort, et la jambe au mollet contracté, et doublé par l'orientation de la tête, du cou et du regard.

Et encore une fois, le bleu uni de la robe du Christ (selon les évangiles, il devrait porter la robe pourpre en dérision) s'oppose aux rayures des chausses de l'un, aux "crevés" de l'autre, à la variété bariolée des couleurs (vert jaune et rouge), aux manches courtes ou retroussées.

                         lanvenegen 1114c

 

 

4. Comparution devant Pilate.

 

Le carton qui a servi à la Comparution devant Caïphe est repris et inversé :

 lanvenegen 1116v lanvenegen 1112c

 

Le même carton a été utilisé dans la Passion de Plogonnec et dans celle de Ergué-Gabéric, argument important pour évoquer un atelier commun : 

 

Plogonnec la-passion 0333ca   Ergué :  vitraux-8924c.jpg   

Dans le jeu des sept différences que cela permet, on remarque  le fond damassé rouge de Plogonnec, ou celui, bleu et mieux conservé, d'Ergué-Gabéric. Dans cette paroisse, on peut lire sur la cruche l'inscription VOEAIVRE et sur la manche du serviteur OREIOV (Oremus ?). Enfin, le petit chien qui aboie dans les jambes de Ponce et de son serviteur est absent à Lanvénégen.         

 

 

                            III. registre supérieur.

 

lanvenegen 8968c


1. Portement de croix.

Nous retrouvons   le soldat en armure et les deux bourreaux, dont l'un tire par les cheveux le Christ qui succombe sous le poids de la croix. La couronne d'épine a été omise, mais la sueur de sang est à nouveau visible. 

                         lanvenegen 1120v

 

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2. Crucifixion.

Détail 1 : le pélican (symbole christique) au sommet de la lancette.

Détail 2 :  Une épée est dirigée vers la poitrine de la Vierge en pâmoison.

Il s'agit de la matérialisation de la prédiction de Siméon rapportée dans l'Évangile de Luc lors de la présentation de Jésus au temple:

Siméon prit l'enfant (Jésus) dans ses bras et il bénit Dieu en ces termes :
" Maintenant maître, c'est en paix, comme Tu l'as dit que Tu renvoies ton serviteur, car mes yeux ont vu ton Salut, que Tu as préparé face à tous les peuples : lumière pour la révélation aux païens et gloire d'Israël, ton peuple. Le père et la mère de l'enfant étaient étonnés de ce qu'on disait de Lui. Siméon les bénit et dit à Marie, sa mère : 
" Il est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël et pour être un signe contesté. Toi-même, un glaive te transpercera l'âme. Ainsi seront dévoilés les débats de bien des cœurs " (Luc 2, 28-35)

— Détail 3 : inscription  Vere Filius di ...

Matthieu 27 :54 :   centurio autem et qui cum eo erant custodientes Iesum viso terraemotu et his quae fiebant timuerunt valde dicentes vere Dei Filius erat iste  (Le centenier et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, ayant vu le tremblement de terre et ce qui venait d'arriver, furent saisis d'une grande frayeur, et dirent: Assurément, cet homme était Fils de Dieu.)

Le personnage à cheval qui désigne de l'index le Christ est donc le Centenier (ou Centurion, commandant une troupe de cent soldats romains), mais il est vêtu d'une robe rouge fourré d'hermine, comme Caïphe.

                                        lanvenegen 1121v

 

— Détail 4 : la coiffure du Centenier :

C'est le "bourrelet" ou "balzo" que j'ai observé jusqu'ici sur des statues de saintes et que je vois traité ici au masculin.

                      lanvenegen-9013v.jpg

      Comparaison :

Plogonnec : la-passion 0289c  Guengat baie-0 0387c baie-0 0384cc 

Ergué-Gabéric : vitraux 0957ccc

 

 

3. Déposition de Croix.

     Sous le regard de la Vierge, de saint Jean et de Marie-Madeleine,  Joseph d'Arimathie soutient le corps du Christ tandis que Nicodème arrache le clou de la croix.

                                  lanvenegen 1122v

 

   

 

 

4. Mise au tombeau.

Les cinq personnages qui assistent à la mise dans le sépulcre sont de gauche à droite Nicodème, Marie-Madeleine, Marie, Jean, et Joseph d'Arimathie.

Détail 1 : On note la façon dont le nimbe de Jean flotte en amande au dessus de sa tête. C'est le seul nimbe de ce type sur cette verrière. A Plogonnec, cette soucoupe dorée surplombe la tête de la Vierge.

Détail 2 : les marques des supplices apparaissent sur le corps de Jésus sous forme de lacérations.

                        lanvenegen 1123v

 

 lanvenegen-9011c.jpg

   Comparer à :

 

Plogonnec   la-passion 8777c Penmarc'h saint-nonna 5303c

 

 

 

                               IV. Tympan.

 

lanvenegen 8966v

 

 

 

   "A plusieurs personnages de ces tableaux il manquait soit la tête, soit quelque membre. La verrière a été confiée à M. Hucher, du Mans, bien connu dans notre diocèse. Habile peintre verrier, il excelle dans la restauration des vieux vitraux : il l'a prouvé à Lanvénégen. Les teintes neuves se fondent tellement bien avec les anciennes ; les retouches sont si bien dans le sentiment ancien, que vus à distance, on ne peut plus distinguer les morceaux neufs des vieux. Ainsi a été assurée l'existence de ces débris, témoins du passé, et si précieux pour l'histoire de l'art en France. Le tympan de la fenêtre a été entièrement refait. Il se compose de dix lobes, les quatre principaux qui forment un cœur parfait sont peuplés d'anges portant les instruments de la Passion. Les six autres, à droite et à gauche ou au-dessous, sont ornés de branches de grenadier avec feuilles, fleurs ou fruits. Sur ces branches on a eu l'heureuse idée de dessiner les armoiries des principaux seigneurs de Lanvénégen au commencement du XVe siècle, et contemporains de l'exécution du vitrail. Au sommet de la fenêtre, le soufflet contient les armes mi-partie du Chastel et du Chastelier, en mémoire de François du Chastel, seigneur supérieur de Guiscriff et de Lanvénégen par son mariage, en 1522, avec Claudine du Chastelier, dame de Gournoise. Ces armes sont : Fascé d'or et de gueules de 6 pièces, qui est du Chastel ; et d'or à 9 quintefeuilles de gueules posées 3, 3, 3, qui est du Chastelier, seigneur de Gournoise. A droite des lobes formant cœur, les armes de Guéguen, seigneur de Saint-Quijeau : d'or à l'arbre de sinople, le tronc chargé d'un sanglier passant de sable ; au-dessous, celles de la Teste, seigneur de Lescrann : de gueules au cygne d'argent tenant en son bec une croix dentelée de même ; à gauche, les armes de Kervenozaël, seigneur de Rozengat etc. : d'argent à 5 fusées rangées en fasce et accolées de gueules, surmontées de 4 molettes de même ; au-dessous, celles du seigneur de Lanzonnet : d'azur au cor d'argent accompagné en chef d'un fer de lance de même, la pointe en haut ; dans un à-jour formé par les 4 lobes mentionnés en premier lieu, se trouvent les armes des Saint-Pezran qui ont succédé aux Kervénozaël, comme seigneurs de Rozengat : de sable à la croix pattée d'argent. Grâce à cette importante restauration, cette verrière est devenue, sans contredit, l'une des plus remarquables du diocèse. Un peintre verrier, l'ayant examinée en 1891, n'a pas hésité à dire qu'il l'estimait vingt mille francs." J. M. Le Méné, Histoire archéologique, féodale et religieuse des paroisses du diocèse de Vannes, 1898, p. 424-425  

 Note : Ces armes de "Lanzonnet" se blasonneraient plutôt d'azur au greslier d'argent accompagné en chef d'un fer de lance (alias : d'un pal) de même la pointe en haut, qui est "de Laudanet ou de Landanet, Sr de Coëtlevars ou Coatlevarec, de Kerlamoilic, Rr de Conquarneau, Ar. du 3 septembre 1669." (Toussaint de Saint Luc  Mémoires sur l'Etat du clergé et de la noblesse de Bretagne). Jehan de Landanet (du nom d'un manoir d'Elliant)  a été anobli en 1425 par le duc Jean V, et son fils Henri est à la Montre de 1481. Cette famille d'Elliant posséda le manoir de la Rivière à Tourch. Ce sont les mêmes armoiries que la famille de Keratry. Voir discussion La Pérenne Annexe E.

Ayant relevé cette erreur, j'ai lu plus tard l'article de  Pierre Holocou ("Les armoiries de l'église Saint-Conogan de Lanvénégen", Bull. Soc. d'Archéol. Finistère 2006 pp. 169-185) qui s'est livré à une étude héraldique et historique détaillée pour conclure : 

   "Vers 1875, le recteur et le conseil de fabrique de l'église de Lanvénégen entreprirent de grands travaux dans l'église paroissiale. Sans-doute guidée par les conseils du chanoine Le Mené, la restauration de la grande verrière fut réalisée. Dans un contexte de restauration imminente de la monarchie en France, il fut décidé de représenter dans cette verrière les armoiries des familles nobles contemporaines de la construction de l'église au début du XVIe siècle. Une analyse rigoureuse de la géographie féodale de Lanvénégen au début du XVIe siècle montre que cette représentation des armoiries s'avère avoir été réalisée sans aucun respect de cette réalité. On trouvera ici matière à réflexion pour tous ceux qui font une confiance aveugle aux sources écrites ou mêmes aux « armoiries » reproduites dans certaines églises au cours du XIXe siècle." 

 

Concernant la confusion des armoiries de Landanet, il écrit "La légèreté du travail de recherche est ici étonnante".

 

                                               ÉTUDE TECHNIQUE

 

Extrait de la thèse de Roger Barrié 1979 : 

Restauration et conservation.

 

  "Tout le tympan fut refait en 1875 par l'atelier manceau de Hucher, ainsi que de nombreuses têtes du Lavement, la partie supérieure du Christ dans la Crucifixion, et la tête de Malchus. Bien que l'on ait tenté d'imiter la technique picturale ancienne, ces restaurations sont plates, dans un style soit trop sulpicien pour le saint Jean, soit trop expressif pour le Malchus, et en général avec un trait hâtif et plus appuyé que l'original; une couverte brune harmonise ces pièces avec les verres anciens. Les morceaux du soubassement de l'Agonie, refaits par l'atelier Gruber en 1971, sont artificiellement vieillis par aspersion de grisaille liquide qui imite les points de corrosion du verre ; l'enlevage y dessine les brins d'herbe, alors qu'ils sont obtenus par le trait de grisaille et que le jaune est plus pâle sur les pièces refaites par Hucher. Certains verres incolores anciens, teints en jaune, sont attaqués extérieurement ce qui indique que le jaune d'argent qui d'habitude protège bien, a été mal appliqué et a peu pénétré dans l'épaisseur de la matière. Aujourd'hui, malgré un jet de pierre dans le panneau de la Mise au tombeau, aucun rouge doublé n'est attaqué en profondeur, et les verres violet, mauve et vieux rose sont les mieux conservés."

Les verres.

 

  "Les verres violets de la tunique du Christ et surtout vieux rose de la robe de Pilate, très transparents paraissent beaucoup plus minces que les autres verres de couleur et incolores. Les pièces de vert un peu jaunâtre semblent doublés à la différence du verre vert acide du soldat près de Pilate et du bourreau de gauche dans le Couronnement, teint dans la masse. Le placage rouge très aminci dans le fond de l'Agonie donne une couleur légère, alors que les rouges des vêtements sont plus épais et donc d'une coloration plus soutenue. On observe quelques défectuosités de planimétrie. La largeur des pièces est moyenne, sauf pour le tombeau de la dernière scène ; les visages et les nimbes sont peints sur la même pièce, parfois deux visages ensemble. Les plombs suivent une découpe assez souple ; aucun galon de vêtement n'est mis en plomb, mais quelques sertissages minutieux pour des ceintures et la corde qui lie le Christ dans trois épisodes du supplice. Dans les scènes dont le carton est identique à ceux d'Ergué-Gabéric, on peut faire les mêmes remarques pour l'utilisation des plombs soulignant les profils des visages comme ceux de quatre personnages dans la Comparution devant Pilate." (Roger Barriè)

 


 

      Voir l'ensemble des verrières attribuées au même atelier quimpérois (Le Sodec ?) et utilisant les mêmes cartons :

Les vitraux anciens de l'église d'Ergué-Gabéric.

Les vitraux de l'église Saint-Nonna de Penmarc'h (29).

Le vitrail de la Passion (Maîtresse-vitre) de l'église St-Thurien de Plogonnec (29).

 

Sources et liens :

— GATOUILLAT (Françoise) HEROLD (Michel), Les Vitraux de Bretagne, Corpus vitrearum France recensement VII, Presses Universitaires de Rennes : Rennes 2005.

 — BARRIÉ (Roger)  Etude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle : Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper / ; sous la direction d' André Mussat, 1979  Thèse de 3e cycle : Art et archéologie : Rennes 2 : 1979. Bibliogr. f. 9-32. 4 annexes (vol. 2)

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Published by jean-yves cordier
2 avril 2014 3 02 /04 /avril /2014 22:50

Anne trinitaire de l'église Notre-Dame-du-Folgoët de Bannalec (29).

15e siècle.

Voir :

Groupes de Sainte-Anne Trinitaire de la vallée de l'Aulne.    

L'église du Vieux Bourg à Lothey : Anne trinitaire.

Sainte-Anne trinitaire du Musée départemental de Quimper.

Anne trinitaire de l'église de Plougasnou.

  Anne trinitaire de l'église de Guimaëc.

Sainte Anne trinitaire de Burgos.

Les statues de l'église de Plourin-les-Morlaix (2 : Anne trinitaire) .

etc...

                             anne-trinitaire 1058v

 

  Après avoir admiré en Bretagne de nombreux groupes intitulés "Anne trinitaire" et représentant la Vierge et l'Enfant accompagnés de sainte Anne, mère de la Vierge, j'éprouve, devant un nouvel exemple, beaucoup de curiosité à découvrir comment l'artiste va traiter ce thème avec ses figures imposées qui sont "le livre comme objet intermédiaire" et "la transmission corporelle par le jeu des mains et des pieds".

 Je retrouve vite ici les poncifs : la guimpe cachant entièrement les cheveux d'Anne (car elle est, sinon veuve, du moins retirée de la vie féconde) ; la tête couronnée de la Vierge, aux cheveux dénoués pour signifier au contraire sa fécondité. De même, la poitrine d'Anne est cachée et celle de Marie apparaît sous un décolleté arrondi. 

Mais au lieu de trouver deux femmes de la même taille, assises et tenant l'enfant, ou bien à l'inverse une Anne adulte tenant une Marie à taille de fillette qui maintient un poupon semblable à sa poupée, nous avons deux personnages adultes, de la même taille, réunis autour de l'enfant placé au milieu.

 Ce n'est qu'après coup que l'on voit que Marie est juchée sur un meuble, comme une enfant qu'on redresse en l'asseyant sur les annuaires des Postes ( Bottin par antonomase) ; et ce procédé est extrémement astucieux puisqu'il permet à l'artiste de signifier la différence de génération entre Marie et sa mère par la taille supérieure de sainte Anne, mais de le faire sans offenser  la Vierge en la diminuant. Mieux, celle-ci est grandie par les deux livres contenus dans le coffre : métaphoriquement, elle est elevée (à sa dignité) par le pouvoir des Écritures, celle de l'ancien Testament qui annonce sa venue (Isaïe 7,14 "Voici la jeune fille est enceinte et elle enfantera un fils") et celle du Nouveau Testament qu'elle et son Fils vont écrire par leur vie : Matthieu 1, 23 :Voici que la vierge concevra et enfantera un fils". Ce piédestal des Écritures, encore en puissance lorsqu'il n'est que lecture —celle-là même qui occupait Marie lorsqu'elle reçut la visite de Gbariel — devra s'accomplir et se faire chair, existence et Passion : c'est ce Verbe que représente le troisième livre, celui, prémonitoire, que sainte Anne présente à l'enfant. 

  Les trois personnages ne sont pas réunis par leur parenté, mais par leur connnaissance de leur rôle respectif dans un plan divin du Salut : tout l'enjeu est de traduire cette connivence sacrée dans leurs échanges. Parfois, le livre est l'objet médian tenu par chacun, ici c'est le Christ qui est médian : Anne se contente de poser la paume sur son bras, ce simple contact n'étant ni un soutien, ni une caresse, mais une imposition (ou une bénédiction ?). Marie le tient dans le creux de son bras gauche, mais vient aussi saisir son pied gauche, dans un geste qui n'a aucun sens en terme de maternage mais qui se justifie dans cette circulation des échanges. Quant au Christ, il tient — c'est là le plus inattendu — de sa main gauche l'extrémité d'une mèche de cheveux de sa Mère, mèche qui n'est pas là par hasard puisqu'elle se courbe à cet effet. Sa main droite est posée sur la poitrine de sa mère. Bien que cela soit un peu délicat de le souligner, l'artiste le met en scène si expressément qu'on ne peut le nier : l'Enfant Jésus se relie par ses mains aux deux symboles les plus féminins ou les plus liés à la fonction maternelle d'engendrement et de nutrition : les cheveux (symbole métonymique de la puissance sexuelle) et le sein. Du livre tenu par Anne, et par la chaîne des contacts des mains, nous parvenons à l'engenderment. Une savante mise en image de la parole de Jean 1 "Et le Verbe s'est fait chair".

  Dans les groupes assis, les corps d'Anne et de Marie s'unissent souvent jusqu'à se confondre, mais ici, ils forment deux colonnes distinctes, rassemblés par un bloc beige qui tend à mêler les robes aux lourds plis verticaux en un seul rideau. Le manteau d'Anne est bleu ourlé d'or et à revers rouge, couleurs qui s'inversent dans le manteau rouge parsemé de fleurs or et à revers bleu de la Vierge. Les deux robes sont couleur or.

 En dessous, devant le pied de la Vierge, se voit une boule rouge, qui est sans-doute la pomme-globe terrestre que l'Enfant-Jésus tient dans ses mains dans d'autres sculptures, à moins qu'il s'agisse d'un ornement d'un coussin.

J'ai consulté la notice de l'Inventaire du patrimoine, rédigée en 2001 par Sophie Tissier :  

Pierre : granit de grain très fin.

h = 125 ; la = 65 ; pr = 35

La Sainte Anne de Bannalec se distingue parmi les nombreuses représentation de la Sainte Parenté par l'originalité de sa composition. Ici, dans la formule de la juxtaposition horizontale, Anne est debout et la différence d'échelle entre Marie et elle est compensée par la position de Marie, juchée sur un coffre. La Vierge tient dans sa main le pied gauche de l'Enfant selon une iconographie courante du 15e siècle mais qui relève davantage de l'iconographie des Vierges de tendresse que celle des groupes trinitaires. Cette oeuvre, avec certaines maladresses d'exécution, est probablement due à un atelier local. Classé au titre objet le 27 avril 2001.

 

 

anne-trinitaire 1053c

 

 

                           anne-trinitaire 1088c

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Published by jean-yves cordier
2 avril 2014 3 02 /04 /avril /2014 22:17

Les vitraux de Gérard Lardeur à Bannalec (29).

Église Notre-Dame-de-Folgoët, 2001-2002.

 

Voir aussi:

Les vitraux de Gérard Lardeur à Langonnet.

Les vitraux de Gérard Lardeur à Saint-Sauveur (Finistère).

Vitraux contemporains du Finistère :

Les vitraux de Jean Bazaine à la chapelle Ty ar Zonj de Locronan (29).

Chapelle de la Madeleine à Penmarc'h : les vitraux de Jean Bazaine..

Les vitraux de l'église Saint-Louis de Brest : 2) commentaires.

Les vitraux de Manessier à Locronan, chapelle de Bonne-Nouvelle.

Les vitraux de Louis-René Petit à Saint-Jean-du-Doigt (29).

Vitrail de Jacques Le Chevallier : L'arbre de Jessé de l'église de Gouesnou .

etc.



             vitraux 1046c

 

 

                                 vitraux 1049v


 

                               vitraux 1035c

 

 

                             vitraux 1038v

 

 

 

                              vitraux 1040v

 

 

                                  vitraux 1042v

 

 

 

                  vitraux 1044v

 

Lien : 

Centre International du Vitrail : http://www.centre-vitrail.org/fr/lardeur-gerard,article-57.html

 


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Published by jean-yves cordier
1 avril 2014 2 01 /04 /avril /2014 21:36

L'église de Rosporden ? Sainte Madeleine et ses boucles d'oreille : impénitente ?

 


           sainte-madeleine 1217v

 


      Chacun connaît la Madeleine pénitente sculptée par Donatello (1455), et celle qui, sous les titres de La Madeleine à la flamme filante, La Madeleine à la veilleuse, La Madeleine au miroir et La Madeleine aux deux flammes, ont été peintes par Georges de La Tour entre 1638 et 1652. 

Madeleine repentante, tableau du Caravage (1593-1594).

 

Image illustrative de l'article Madeleine pénitente (Donatello)

George de la Tour, La Madeleine aux deux flammes, Metropolitan Museum of Art, New York, États-Unis  

Image illustrative de l'article La Madeleine aux deux flammes

 

 

 

 

  Lorsqu'elle ne s'habille pas de serpillières, ne se couvre pas la tête d'un seau de cendres, ne vit pas dans sa grotte de la Sainte-Baume comme une sauvage émaciée et vêtue de sa seule chevelure, elle pleure, lit Jean de la Croix et goûte, devant son miroir, à l'auto-complaisance de l'ascèse. Dénouant ses cheveux, endossant le cilice, ôtant ses bijoux qu'elle pose sur sa console, caressant un vieux crâne dérobé au cimetière, elle prend la pose devant son quinquet. Elle se fait réciter le Sermon sur  la mort de Bossuet, elle n'y résiste pas, elle pleure encore ; elle s'habitue à la douceur de cette amertume, aux charmes lancinants du remords. 

  Et puis elle souffle la bougie, essuie ses yeux, refait son maquillage et remet ses bijoux. Son confesseur se satisfera de cet exercice quotidien auquel elle se soumet avec délices. "Elle fait pénitence".

Ou bien, elle demande au peintre si elle peut se relever. Elle est la modèle du Caravage pour sa  "Madeleine repentante" (1593), elle se nomme Anna Annuncia Bianchini, "courtisane" c'est à dire prostituée romaine.

 

Galerie Doria-Pamphilj, Rome,Italie

  http://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_repentante_(Le_Caravage)

  Image illustrative de l'article Madeleine repentante (Le Caravage)

 

 

      A Rosporden, Madeleine est toute autre, et porte fièrement sa robe grise qui souligne la convexité de son abdomen, le manteau vert céladon qui découvre habilement ses épaules, et son flacon de parfum ou d'onguents.  Les perles de jade de son collier s'accordent à la couleur de son manteau, et au bleu-vert de ses yeux. La liberté de ses longs cheveux suit celle de son cœur. Elle n'a renoncé ni à la gaieté foncière de son caractère, ni à son goût pour les belles choses, ni à sa beauté ; depuis qu'elle suit le Christ et qu'elle boit ses paroles, elle ne l'a jamais entendu conseiller de devenir triste et laide. Elle est fraîche comme les lis des champs, joyeuse comme les oiseaux du ciel, et Salomon dans toute sa gloire n'eut pas l'éclat de son teint.


                        sainte-madeleine 1226v

 

 

                      sainte-madeleine 1224c

      Elle s'est endimanchée pour son Seigneur, et les boucles que ses consœurs adeptes des macérations jettent sur leur tapis, pendent comme deux cerises d'or à ses oreilles. De son amour de la Beauté et la Vie, elle  est, résolument Madeleine impénitente.

 

     sainte-madeleine 1222c

 

Sources et liens :

http://doudou.gheerbrant.com/?p=16575

http://www.insecula.com/oeuvre/O0026928.html 

 


 

 


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Published by jean-yves cordier
1 avril 2014 2 01 /04 /avril /2014 16:11

La Mise au tombeau de l'église de Rosporden (29).

  Le haut-relief à neuf personnages de la Mise au tombeau intégré dans le coffre de l'autel de l'église Notre-Dame de Rosporden est l'œuvre d'art la plus intéressante de cet édifice. Réalisé en bois polychrome, il est daté de la fin du XVe siècle ou (Couffon) du XVIe siècle. 

Comme toute sculpture abritée derrière une vitre plus ou moins propre mais qui réfléchit tous les reflets des vitres du chœur ou l'oculus du pignon ouest, sa photographie n'est pas aisée.

retable-Mise-au-tombeau 1238c

 

Nous voyons neuf personnages, de gauche à droite deux saintes femmes, puis Joseph d'Arimathie soutenant la tête du Christ, la Vierge se penchant vers son Fils, saint Jean (imberbe) prêt à soutenir la Mère du Christ si elle défaille, un personnage à identifier (cf infra), et Nicodème qui soutient les pieds du Christ. Enfin la personne à genoux, le corps projeté en avant par le chagrin, presque ensevelie par son manteau, est Marie-Madeleine, terrassée par la perte indicible de celui auquel elle avait voué sa vie, et qu'elle suivait depuis sa conversion.

 

retable-Mise-au-tombeau 1239c

 

Le visiteur trouve dans l'église un pannonceau lui donnant les indications suivantes :

L'église de Rosporden possède une « Mise au tombeau » que l'on peut dater de la fin du XVe siècle. C'est la dernière période de l'âge gothique qui est encore en Bretagne, le Moyen-Âge, auquel se rattache visiblement cette œuvre remarquable. La Mise au tombeau de Rosporden serait donc un mémorial, un souvenir laissé par les Rospordinois d'un « Mystère » joué par eux devant l'église. Les personnages du groupe sont les Rospordinois qui remplirent les rôles des acteurs et qui furent aussi les donateurs de cette œuvre d'art.

 

La mise au tombeau de Rosporden présente encore un autre intérêt artistique. Dans ses études sur l'art religieux, Émile Male cite deux autres du même genre. On y reconnaît en effet, à la place occupée par Madeleine, une œuvre de l'école flamande. La traditions française la mettait de l'autre coté du tombeau, au pieds de Notre Seigneur. Elle a été restaurée de 1978 à 1981 et remise en place fin 1981.

 

On peut rapprocher ces lignes des renseignements procurés par l'article Mise au tombeau de Wikipédia (consulté le 1er avril 2014) : Wikipédia: article Mise au tombeau :

 Le xve siècle voit se développer des représentations assez stéréotypées, où le corps du Christ est allongé sur son linceul que tiennent Nicodème (aux pieds) et Joseph d'Arimathie (à la tête du Christ). La Vierge, saint Jean et une ou plusieurs saintes femmes, parfois des soldats, assistent à la scène ou y participent. Ces nombreuses Mise au tombeau sculptées conservées dans les églises sont souvent désignées par le nom de « Saint-Sépulcre » ou simplement le « Sépulcre ».

Jusqu'au xve siècle, les Mises au tombeau d'Europe du nord, comme les mises en scène des Mystères, habillent les personnages de vêtements contemporains. Même les centurions romains sont en armure médiévale. En Italie d'abord apparaissent des vêtements à l'antique, par exemple dans une Mise au tombeau d’Andrea Mantegna qui date d'environ 1470-1475, au burin et à la pointe sèche, conservée à la National Gallery of Art de Washington. Ce sera bientôt le cas dans toute l'Europe, comme en témoigne la Mise au tombeau de Jean de Joigny qui combine la mise en scène traditionnelle des sépulcres avec les draperies et les lignes sinueuses de l'art maniériste.

1. Le commentaire sur la place qu'occupe ici Marie-Madeleine demande à être précisé ; il est pourtant repris par le site Topic-Topos : "L'inspiration flamande se reconnaît par la position de sainte Marie Madeleine, qui est agenouillée devant le Tombeau, alors que la tradition française la place, avec les autres femmes, aux pieds du Christ." Marie-Madeleine est pourtant bien placée "aux pieds du Christ" (le lien qui unit Madeleine, et sa chevelure, avec les pieds de Jésus est indissoluble), mais elle est placée entre le spectateur et le tombeau, ce qui représente une difficulté à laquelle la plupart des artistes ne se confronte pas. Elle est éplorée, les deux mains jointes, vêtue exactement de la même façon que la Vierge d'un manteau bleu recouvrant sa tête. Son attribut principal, le flacon d'aromates, est absent.

Cette place en avant-scène s'observe, par exemple, ici :

 

Mise au tombeau du Christ dans le livre d'Heures de Marie de Bourgogne (1477)    Wikipédia

On l'observe aussi au Relecq-Kerhuon (29), à Saint-Pierre de Solesmes (Sarthe).

  2. Un autre détail a été souligné par le chanoine Abgrall dans les Notices rédigées pour le Bulletin diocésain d'histoire et d'Archéologie ou pour la Société Archéologique du Finistère ; il concerne la coiffure de la seconde Sainte Femme, à l'arrière-plan : il la rapproche de celle d'une femme portant une lanterne dans le  retable de Kerdévot, celle de l'une des Saintes-Femmes de la descente de croix de Quilinen. de celle de sainte Barbe de Guengat et des Piéta du Pénity de la chapelle de Bonne-Nouvelle de Locronan. Il oublie celle de sainte Marthe de l'église Saint-Nonna de Penmarc'h, ou celle des femmes des sablières de Notre-Dame de Quimperlé. Décrivant la photophore de Kerdévot, il écrit : "Sa tête est couverte d'une coiffure semblable à un turban, retenue par un ruban formant mentonnière, noué sur le sommet du chef et retombant sur le dos." 

 Ce "ruban formant mentonnière" est nommé Touret ou barbette, et il peut retenir une coiffe à corne, un turban ou balzo, ou devenir un bandage austère semblable à une guimpe. Comme il a également retenu mon attention, j'en donnerai les images suivantes :


retable-Mise-au-tombeau 1248c

 

Les femmes qui sont présentes autour du saint Sépulcre sont désignées sous le nom de "saintes femmes", mais elles portent parfois aussi le nom de Marie Salomé la Myrophore, femme de Zébédée et mère de Jacques et de Jean de Zébédée,  ou de Marie Cléophas, sœur de la Vierge et la mère de saint Jacques-le-Mineur. En effet, l'évangile de Jean 19, 25, signale sa présence au pied de la croix : "Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cl[é]opas, et Marie de Magdala". On trouve aussi autour du tombeau sainte Véronique, présentant son voile.

Au premier plan, la sainte femme (Cléophas ou Salomé) porte une robe mauve à décolleté carré, aux manches courtes évasées par un plissé, un tablier d'étoffe d'or ; selon la mode, elle arrondit le ventre et le projette en avant en un élégant arc convexe. Sa coiffe est un balzo dont le bourrelet est entouré de tissu blanc à ligne dorée, porté très en arrière, presque vertical, et maintenu sur les cheveux par une coiffe dégageant le front soigneusement épilé.

Au second plan, sa collègue porte un somptueux manteau de satin doré, une robe au même décolleté carré que sa voisine qui s'ouvre sur une chemise fine au col en V, et, surtout, une toque couleur brique formée de deux parties : un fond arrondi, centré par un bouton sommital, et une couronne à laquelle est fixée la mentonnière (barbette* ?), ici plus large en haut et s'affinant sous le menton.

* la barbette est (CNRTL)  "une guimpe, sorte de mentonnière attachée sur la tête, couvrant le col et encadrant le visage que portaient les religieuses, les femmes âgées et les veuves." Cette description austère d'une pièce d'étoffe  destinée à cacher les chairs et les cheveux ne semble pas convenir à l'accessoire de mode que nous voyons ici.

Mes exemples : cliquez pour agrandir.

Sainte Barbe, Guengat (fin XVe). Sainte Marthe, Penmarc'h (XVIe?). 2 femmes des sablières de Quimperlé (1430).

L'église de Guengat II : Statues, sablières et inscriptions.

L'église Saint-Nonna à Penmarc'h : bannières et statues.


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3. Le chaperon et ses métamorphoses.

Je m'intéresse maintenant aux deux hommes de droite : Nicodème est au pied du caveau, mais qui est le personnage barbu ? Si on se reporte à la Mise au tombeau de la crypte de sainte-Croix de Quimperlé, qui réunit autour du Christ en plus des personnages habituels Gamaliel et Abibon, il peut s'agir d'un de ces deux noms. Saint Gamaliel, rabbin et docteur de la loi  et Saint Abibon ou Abibas son fils étaient fêtés le même jour que saint Nicodème dans les martyrologes, car leurs corps avaient été découverts à Capharmagale avec celui de Saint-Étienne. La tradition chrétienne (Clément, Recognitiones, 1, 65) prête à Gamaliel une conversion secrète au christianisme avec un de ses fils Abibas/Abibon/Diboan. Tous deux auraient été baptisés en même temps queNicodème par les apôtres Pierre et Jean.

La tradition chrétienne garde le souvenir de l'apparition de Gamaliel au prêtre Lucien, curé de Cafargamala (Kfar-Gamala) le vendredi 3 août 415, le rabbi indiquant où se trouvait sa relique qui aurait été alors retrouvée dans le même tombeau que celle de son fils Abibas, ainsi que saint Étienne et saint Nicodème. Saint Étienne reposerait depuis à Pise en Italie. Une représentation de cette tradition figure sur des tapisseries conservées au Musée national du Moyen Âge à Paris.

Quoiqu'il en soit, ce qui m'intéresse ici, c'est d'approfondir ma découverte toute récente de ce que c'est qu'un chaperon, un guleron, une patte et une cornette. 


retable-Mise-au-tombeau 1244c

 

Il n'est pas exagéré de dire que le chaperon a été, à travers ses divers et complexes avatars, la coiffure portée dans toute l'Europe occidentale du Moyen-Âge jusqu'à la fin du XVe siècle (qui correspond à notre retable). Il est omniprésent dans la peinture flamande, mais, lorsqu'on a appris à le reconnaître, on le retrouve aussi dans chaque chapelle et église, réservant la surprise de sa trouvaille dans un détail de sculpture, au sommet d'une sablière, sur un vitrail ou uns statue, et jusque sous la forme de l'épitoge des avocats.

 On le trouve d'abord comme une capuche, qui s'enfile par la tête, couvre les épaules par une cape aux bords crantés ou fendus, et couvre aussi la tête qui n'apparaît que par l'orifice central qui entoure le visage. C'est la capuche qui a donné aux moines le nom de Capucins, cappucino en italien. Pendant tout le Moyen-Âge, c'est le couvre-chef des paysans et des gens du peuple des deux sexes, chaud, protecteur contre le vent et la pluie. Si Mère-Grand vous en a taillé un dans une belle étoffe rouge cerise, on vous nomme "le Chaperon Rouge".

 Mais si le quidam rabat le capuchon, il pend derrière son dos comme une poche. On trouva amusant de laisser cette capuche s'hypertrophier en une longue trompe, une corne traînant jusqu'aux reins, voire d'avantage. Ou bien, l'ouverture verticale de la capuche, qui entourait le visage, fut utilisée pour être posée sur le crâne, horizontalement, comme un bandeau. Mais que faire alors du cône de tissu, allongé en cornette ? Chacun pouvait soit l'enrouler en écharpe, soit le plier au dessus de la tête comme un turban, soit le passer dans sa ceinture.

 Étalé sous forme d'un patron de couturière, le chaperon (petite chape) prend la forme suivante : (source : A. Harmand 1929)

 Le Rozier des Guerres 1461-1483

On lui décrit alors trois parties : la pointe du capuchon prolongée en tuyau, c'est la cornette. La partie qui couvrait les épaules comme une courte pèlerine, une chape, c'est la goule, la goulée, le guleron (c'est pareil) ou la "patte". Le trou pour la tête, c'est la visagière. On comprendra mieux en allant voir chez Hemiole.com.

C'est donc après avoir utilisé le trou visagier à l'envers et l'avoir transformé en serre-tête que cet accessoire n'a plus ressemblé du tout à un capuchon, mais s'est transformé en ce chapeau innommable, sans queue ni tête, qui hante la peinture flamande (ou italienne, et française) :

       

 

Mieux encore, on se mit à l'ôter de sa tête, pour en garnir son épaule : la cornette le retenait devant, et la visagière  (dont le revers s'est transformé en bourrelet) ainsi que ce qui restait de la cape frangée nommée guleron ou patte pend comme un sac vide derrière l'épaule. C'est du dernier chic.

                                          


  Observons la coiffure de nos deux personnages : "Abibas" porte ce qui ressemble à n'importe quel chapeau, mais sa nature de chaperon se trahit par le guleron, porté sur l'épaule droite, et par la cornette si longue qu'il en fait revenir avec la main droite un repli sous son coude gauche afin qu'elle ne traîne pas. Quand à Nicodème ( il est à l'origine de notre adjectif "nigaud"), il laisse son guleron tomber de son galurin comme un Tartarin coinçant son mouchoir sous son béret pour se protéger du soleil.

 

                               retable-Mise-au-tombeau-1241ccc.jpg

 

retable-Mise-au-tombeau 1249c

 

 

      Il me reste à soumettre ces improvisations au feu de vos observations rectificatives et de vos sages critiques.

 

 

 

Sources et liens :

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Published by jean-yves cordier
30 mars 2014 7 30 /03 /mars /2014 18:47

Les sablières, entraits et poinçons de l'église Notre-Dame et Saint-Michel de Quimperlé.

 

 

Pour une visite, amenez vos jumelles, et sept vertèbres cervicales neuves ! 

 

  Généralités.

   En 2003, Christel Douard a rédigé la notice Sablières, entraits et poinçons de l'église Notre-Dame pour l'Inventaire général du patrimoine culturel, avec un dossier photographique complet. C'est à cette notice que j'emprunte la présentation générale qui suit. Une restauration est manifestement intervenue depuis lors, ce qui suffit à justifier cet article. En outre, cet auteur n'avait donné que quelques indications sur l'identification des armoiries, et j'ai tenté de reprendre ce questionnement. 

1. L'église Notre-Dame :

 Dédiée à Notre-Dame, cette ancienne chapelle de la communauté des bourgeois de la ville prendra également le vocable de Saint-Michel en souvenir de l´ancienne église paroissiale voisine ruinée en 1765. On distingue, pour l´essentiel, deux campagnes de construction. D´un premier édifice bâti vers 1280 ne subsistent que les murs de la nef percés de baies et de grandes portes au nord et au sud et sans doute les traces d´un porche ouest (oculus sud), les autres parties ayant été ruinées au cours des guerres de Succession qui touchent la ville au milieu du 14e siècle. A la charnière des 14e et 15e siècles, une reprise hésitante et par endroits malhabile débute par la reconstruction du porche sud qui remplace un porche plus ancien probablement à étage, comme l´indique une porte haute bouchée qui pourrait correspondre à l´accès à un jubé de l´édifice originel. Egalement témoins du début de la reprise du chantier, les piliers ouest de la croisée du transept, cantonnés de colonnettes à chapiteaux, se greffent sur des piles carrées qui semblent correspondre à l´emplacement de l´ancien choeur.

Une campagne d´agrandissement décisive, affectant le couvrement de la nef et surtout la construction de la partie orientale de l´édifice, débute en 1416 ou 1418 et se termine au milieu du 16e siècle. Grâce aux libéralités du duc Jean V, de Henry de Lespervez, l'abbé de Sainte-Croix de Quimperlé et de familles bourgeoises et aristocratiques de la ville (leurs armoiries figurent aussi bien à l´extérieur qu´à l´intérieur), le chantier inclut la mise en place du porche nord (achevé en 1425), de la charpente de la nef (datée 1430), de la partie orientale de la croisée du transept (piliers circulaires portant des voûtes à pénétration directe), du massif de la tour et du chœur dans lequel est inhumé Henry de Lespervez en 1434. 

 

2. Les sablières et entraits.

 Couvrant la nef construite à la fin du 13e siècle, l'ensemble a été mis en place en 1430 dans le cadre de la reconstruction de l'édifice. Une partie des armoiries figurant sur les poinçons n'a pu être identifiée. L'édifice a été classé parmi les monuments historiques en 1915. 

L'église conserve les plus anciennes sablières sculptés de Bretagne (1430). Ensemble composé de 16 sablières et de 7 entraits à poinçons faisant partie d'une charpente de type à chevrons-portant-fermes lambrissée en berceau. Certains poinçons portent des marques de charpentiers. Les sablières sont numérotées de 1 à 16, en commençant par le mur sud, partie est, et en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre. Les sablières 4, 5 et 12 ne portent qu'un décor floral stylisé. Les poinçons sont identifiés de A à G, d'est en ouest : armoiries ; hermine ; animal fabuleux ; homme ; femme ; cerf ; porc ; mouton ; bœuf ; chien ; lune ; sanglier ; loup (?) ; hybride ; phylactère Armoiries ducales et hermine héraldique (mur nord, partie est). Armoiries identifiées sans certitude : Lohéac et Jubin de Kervily. Par endroits, un cochon entouré d'un phylactère remplace l'hermine.Vermoulure généralisée. Polychromie (moderne) abîmée. Renforcement partiel des entraits et des poinçons par des pièces métalliques. oeuvre restaurée ; repeint

 

 

      I. Les sablières.

 

  Les sablières, comme les gargouilles, sont souvent le lieu où se déploie le "Ça" de la conscience collective, la partie animale des humains, alors que le "Surmoi" se réserve le décor à hauteur d'homme (statues pieuses) et que le Sacré et la nature angélique de l'être possède le chœur. A plusieurs mètres de hauteur, près de la voûte couverte en chataîgnier, la rencontre d'animaux monstrueux, grimaçant et menaçant n'est pas rare, tout comme celle des acteurs d'un théâtre des vices. Aussi, l'observateur ne sait jamais si ce qu'il découvre apporte une documentation sur la société de l'époque, ou bien sur le monde onirique qui l'habite.

 

A. Les motifs non emblématiques : personnages.

Ils permettent une découverte des costumes du début du XVe siècle. C'était alors (1430) le règne du roi Charles VI (1388-1422) et Charles VII (1422-1461), du duc de Bretagne Jean V le Sage (1389-1442), sous l'épiscopat de l'évêque de Cornouailles Bertrand de Rosmadec (1416-1444) ; la Bretagne est sous domination de l'Angleterre, mais l'équipée de Jeanne d'Arc conduit au sacre de Charles VII à Reims en 1429.

 

 

1. Homme en chapeau breton et cheveux longs ?

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2. Femme à coiffe en hennin à cornes à barbette.

Caricature de la Coquetterie, ou simple portrait d'une paroissienne ? 

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3. Autre élégante en hennin à fourche,  à barbette.

 

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4. Homme à chaperon en bonnet, avalé par un monstre aux allures d'engoulant.    

      Le chaperon  était une forme de cagoule ou, plus tard, de chapeau  très polyvalent porté dans toutes les parties de l'Europe occidentale au Moyen-Age. Initialement utilitaire, il a vu la pointe du capuchon venir former une longue queue en partie décorative qui pendait à l'arrière, puis il s'est développé en un casque protéiforme, complexe et onéreux  après que, vers 1300, ce qui était à l'origine l'ouverture verticale pour le visage a commencé à être utilisé comme une ouverture horizontale de la tête. Il était particulièrement en vogue dans le milieu du 15e siècle en Bourgogne, avant de cesser peu à peu d'être la mode à la fin du 15e siècle et de revenir à son statut utilitaire. Il est le couvre-chef le plus couramment porté par les hommes dans la peinture primitive flamande , mais sa construction complexe est souvent mal comprise.

 

  Le chaperon, très à la mode en 1430 quand ces sablières furent sculptées, est une sorte de cercle rembourré en turban qu'accompagne une bande de tissu qu'on peut rabattre sur l'épaule ou laisser pendre librement et  que l'on peut cranter ou agrémenter de franges, et qui  portait le nom de patte ou de guleron. Une autre partie, dérivée de la pointe du capuchon prolongée en longue corne, se nomme cornette. Pendant les guerres civiles à la fin du règne de Charles VI, le chaperon devint un signe de ralliement par la position respective de la patte et de la cornette. La cornette était portée à droite par les Bourguignons, et à gauche par les Armagnacs. 

Dans la gueule de ce monstre à la dentition de caïman, notre homme a coiffé un modèle dont le guleron se dresse en sac obscène ou évoquant un bonnet phrygien.


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5. Homme à chaperon à cornette déployée.

 Ici la cornette, d'étoffe blanche, réunie au guleron qui pend à droite, se déploie en un plissé complexe au dessus de la tête. Cela semble si extravagant que l'on est tenté de penser qu'il s'agit, sur cette sablière, d'une singerie, mais l'iconographie des couvre-chefs flamands, bourguignons, ou bien bretons en fournit des exemples tout aussi inattendus. On ne lésinait pas sur la quantité de tissu et un chaperon florentin de 1515 est connu pour avoir utilisé plus de dix mètres de drap. Comme on le voit ici, les chaperons, ou du moins les cornettes, sont la plupart du temps de la même couleur, mais l'emploi de soie damassée pouvait signaler la richesse du propriétaire.

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L’homme au chaperon bleu, vers 1429, Jan van Eyck, (Bucarest, Muzeul National de Artà) : cette œuvre est parfaitement contemporaine des sablières.

 

 6. Autre homme à chaperon.

Les sablières de Quimperlé vont nous offrir toute une gamme de chaperons, montrant l'étonnante diversité de l'évolution de ce chapeau dérivé initialement de la capuche des paysans et des moines. Le bourrelet qui ceint la tête est ici enroulé dans une étoffe bleue à rayure or, alors que la cornette de tissu blanc tombe sur le coté droit du visage en un pli soigneusement étudié. 

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 7. Homme à chaperon.

Variante du modèle précédent où la cornette forme un pli du coté gauche du visage avant de laisser pendre un pan godronné, symétriquement du coté droit.

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8. Homme à chaperon.

Le bourrelet forme un turban d'étoffe aux rayures multicolores, alors que la cornette  tombe comme un plumet blanc et mou sur le coté gauche. 

 

sablieres 8858c

 

 

9. Homme à chaperon.

Souriant sans redouter le voisinage de l'engoulant, celui-ci a replié ensemble  sa longue cornette kaki et son guleron en circonvolutions savamment tressés pour former un turban oriental.

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 Van Eyck 1433 

 

10. Homme à chaperon.

      Encore une variante : autour de la visagière façonné en rondel beige-vert, la cornette est dressée comme un bonnet bifide. 

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Voir aussi : 

La Mise au tombeau de l'église de Rosporden (29) : barbette et chaperon.

L'évolution du chaperon vers l'épitoge des avocats : statue de saint Yves in :  L'église Saint-Nonna à Penmarc'h : bannières et statues.

 


B. Les motifs non emblématiques : animaux et feuillages.

 

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C. Les hermines emblématiques. 

        Une série d'hermines passantes, emblème des ducs de Bretagne, montrent le rôle de commanditaire et mécène tenu par Jean V, mais aussi les liens de Quimperlé avec les Monfort, auxquels la ville s'était montrée fidèle lors de la guerre de succession.

 Cette hermine, comme en héraldique*, est  "passante" , c'est à dire "semblant marcher", de profil, trois pattes au sol décalées dans le sens de la marche et la patte avant dextre levée, et dirigé vers dextre (vers la gauche du spectateur) ; elle est "contre-passante" sur les sablières nord, où elle se dirige vers senestre, puisqu'elle doit obligatoirement se diriger vers le chœur de l'église.

*En héraldique, on parle de l'hermine, qui est un "meuble" (la figure de l'animal sur le blason), et d'hermines, qui qualifie une "fourrure".

Elle est "au naturel", c'est à dire dans la couleur naturelle de son meuble, blanche (et souvent, mais non ici, avec l'extrémité de la queue noire). Dans un exemple, la joue est colorée d'une marque tannée (brun cuir).

Elle est parfois colletée (portant un collier), ce collier — marqué de points jaunes comme autant de pièces d'or— servant de point d'attache à une cape flottante sur son dos ; cette cape ou manteau, mantelet,  est souvent qualifiée d'écharpe. A la différence d'hermines passantes qui figurent dans les armoiries des villes d'Auray (Hozier), de Vannes (depuis 1696) ou de Saint-Malo (depuis 1591), cette cape n'est pas mouchetée d'hermines (une "fourrure" en terme héraldique, blanc à tâches noires) mais dorée avec des lignes rouge et bleu.

Ces hermines traversent les boucles de phylactères aux rayures jaunes : trois d'entre elles portent des inscriptions.

La première, coté nord, indique la date de 1430 (transcription partielle) : LAN MIL § CCCC XXX 

Les deux autres, l'une au nord et l'autre au sud, portent   :  A MA VIE, devise des ducs de Bretagne. 

 

 

 

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Les "à la façon" : chien et cochon.

Il est difficile de dire s'il s'agit d'une caricature humoristique faite par le sculpteur, ou si (comme à Guengat avec le lièvre blanc traduisant Gwen gat) ces animaux sont emblématiques d'autres familles. 

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II. Les poinçons et entraits : armoiries et figures.

 


A. Eléments non héraldiques.

 

Les visages encapuchonnés dans la "visagière" du chaperon et peints en or  évoquent les astres, lune et soleil.

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Acanthes et pommes de pin.    

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B. Armoiries.    

Attention, ce chapitre est écrit par un néophyte roturier avec les moyens du bord, mais toute remarque et correction  par un héraldiste chevronné sera la bienvenue. Mes épaules de nain donneront volontiers appui à une grande pointure pour que nous y voyons plus clair et que mes bévues soient corrigées.

B1. En poinçons.

 

1. Armoiries de Bretagne d'hermine plain.

des ducs de Bretagne

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2. D'hermines au lambel de gueules.

Armoiries de la famille de Bretagne, c'est à dire des héritiers des ducs de Bretagne à partir de Jean V. 

Peut-être Arthur de Bretagne (1393-1458), fils de Jean IV et de Jeanne de Navarre, comte de Richemont puis duc de Bretagne de 1457 à 1458, connétable de France

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3. Armoiries des Rohan-Guéméné ou de Rohan-Gié.

      Écartelé : en 1 et 4 : contre-écartelé : en 1 et 4 : de gueules aux chaînes d'or posées en orle, en croix et en sautoir, chargées en cœur d'une émeraude au naturel (qui est de Navarre) ; en 2 et 3 : d'azur semé de fleurs de lys d'or à la bande componée d'argent et de gueules (qui est d'Évreux) ; en 2 et 3 : de gueules à neuf macles d'or, posés 3, 3, 3 (qui est de Rohan) .  

Je suppose que, lors d'un restauration, les armes de Navarre dont les rais d'escarboucles d'or doivent ressortir sur un fond rouge, ont été peintes avec un fond bleu comme les fleurs de lys voisines par un peintre peu au courant des subtilités de l'héraldique.

 

 

 

sablieres 8885c

 

      Cela se rapproche des armoiries de Charles de Rohan dit « Charles Ier de Rohan-Guéméné » (1375-1438), seigneur de Guéméné et auteur de la branche du même nom, fils de Jean Ier de Rohan (1324-1396), vicomte de Rohan, seigneur de Guéméné, et de Jeanne d'Évreux dite « Jeanne de Navarre » (1339-1409). Il adopta les armes de sa mère, plus prestigieuses, et mit un parti de Rohan et de Bretagne en abîme. 

  C'est cet élément central (en abîme) qui fait ici défaut.

Blason fam fr Rohan-Guéménée.svg wikipedia.Armorial_de_la_famille_Rohan

 armes de Rohan-Guéméné : voir armoiries penmarch maitresse-vitre

 

 

 

 

4.  Le même parti avec des armes d'argent à l'aigle éployé de sable  à la bande de gueules.

Du Guesclin (1320-1380) : d’argent à l’aigle bicéphale éployée de sable becquée et membrée de gueules, à la cotice du même brochant sur le tout 

Catherine du Guesclin  († 1461) dame du verger, seigneur et dame de la Morlière, de Châtelain épousa en 1406 Charles Ier de Rohan-Guéméné († 1436), fils de Jean II de Rohan-Guéméné et de sa seconde femme Jeanne de Navarre.

 

 

 

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B2 Sur les  entraits.

 

1. Armoiries de Henry de Lespervez De sable à trois jumelles d'or.

Henry de Lespervez a été abbé de Sainte Croix de Quimperlé entre 1409 et 1434, et il fut inhumé dans le chœur de l'église Notre-Dame ; la dalle funéraire se trouve aujourd'hui dans la crypte de l'abbatiale Sainte-Croix. Il est désigné comme commanditaire, avec le duc de Bretagne, du chantier de (re)construction de l'église menant à son agrandissement décisif, affectant le couverture de la nef et surtout la construction de la partie orientale de l´édifice, débute en 1416 ou 1418 et qui se termina au milieu du 16e siècle

 

 sablieres 8871c

 

2. d'argent aux six macles de gueules à la fasce d'hermines.

 

???

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3. Pallé d'argent et d'azur de six pièces

de Rosmadec :

 

Bertrand de Rosmadec : aumônier du Duc Jean IV et évêque de Quimper en 1416. Il mourut le 07.02.1445 .

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4. De gueules à trois bandes d'or

 De Boessière, seigneur de Pleyben en Cornouaille ????

sablieres 8874c

 

5. D'argent à trois fusées de gueules.

 

KERGOULOUARN (DE), sr dudit lieu, de Kerlavan et du Rosmeur, par. de Plouvorn, Réf. et montres de 1448 à 1503, dite par., év. de Léon. D'argent à trois fusées de gueules. La branche aînée fondue dans Simon, puis Le Rouge. Moderne : Alain de la Marre, puis Berthou et la Bourdonnaye-Montluc.

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6. D'azur à deux poissons d'argent ?

sablieres 8869c

 

 

 

7. d'azur au Greslier d'argent , accompagné de trois Molettes de même,

Jourdain, S" de Couedoc, de Kericu , Rr de Hennebond et Quimper , de Couëdo, Kermadenay, le Bodelan, Kerrain, la Villeneuve ( inMémoires sur l'état du clergé et de la noblesse de Bretagne, Volume 3  Par Toussaint (de Saint-Luc), et in Nobiliaire et armorial de Bretagne. Edition 2, Tome 2) 

sablieres 8868c

 

 

Je n'ai sans-doute pas photographié l'ensemble des entraits  : l'Inventaire signale y identifier "sans certitude" les armoiries de Jubin de Kervily et de Louhéac, soit, respectivement, De gueule à la fasce d' argent accompagnée de trois quintefeuilles du même, deux et un (Jubin de Kervily).    et de vair plain (Loudéac). Je ne les ai pas observé.

 

Sources et liens :

Inventaire général du patrimoine, article Ensemble de sablières photographies Xavier Scheinkmann.

 

 

Sur le chaperon :

— Article Wikipédia Chaperon (headgear) :  http://en.wikipedia.org/wiki/Chaperon_(headgear)

— Adrien Harmand  Jeanne d'Arc, son costume, son armure : essai de reconstitution  Paris, Editions Leroux, 1929   in : http://lerozier.free.fr/chaperon.htm#haut

— France pittoresque :http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article1538

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