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30 juin 2016 4 30 /06 /juin /2016 22:50

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Sens, II : les deux lancettes centrales ; la Vierge et la Licorne.

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Voir d'abord :

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Sens. I. Relevé et étude des inscriptions.

L'Annonciation à la licorne de Martin Schongauer à Colmar.

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Voir dans ce blog lavieb-aile les articles consacrés aux Arbres de Jessé de Bretagne:

Les sculptures :

Et les vitraux (ordre chronologique):

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Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

— Les cathédrales du XII et XIIIe siècle :

— Les vitraux et sculptures Renaissance du XV et XVIe siècle :

— Les vitraux contemporains :

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PRÉSENTATION.

 

La baie n°116, fenêtre haute du transept sud, mesure 12,4 m de haut sur 4,20 de large et comporte 4 doubles lancettes trilobées et un tympan à 21 ajours. Elle a été ouverte  sous l'épiscopat (1474-1519) de Tristan de Salazar. La voûte du transept s'éleva vite à 27 mètres, et les fenêtres furent vitrées par les peintres verriers qui avaient travaillé à la cathédrale de Troyes : Lyévin Varin ou Voirin, Jehan Verrat et Balthazard Godon ou Gondon. L’engagement vis-à-vis du Chapitre date du 12 novembre 1500 et comprenait les quatre grandes verrières et les rosaces du bras sud. Les vitraux sont posés entre 1502 et 1503. L'Arbre de Jessé de Sens porte les armoiries parlantes du donateur, le chanoine Louis La Hure.

Depuis le premier vitrail consacré à ce thème à Saint-Denis, conçu par Suger, les Arbres de Jessé suivent un schéma semblable : au dessus de Jessé endormi ou songeur, un arbre se développe à partir de son corps, portant les rois de Juda (jusqu'à 12) puis le Christ entouré des colombes des Dons de l'Esprit, ou, plus tard, la Vierge portant l'Enfant. Latéralement, les Prophètes témoignent par leur présence ou leurs citations du fait que l'avènement du Christ a été annoncé tout au long des Écritures. Chacun des vitraux des premières cathédrales du XII et XIIIe siècle répondent à ce souci de témoigner des rapports entre l'Ancien Testament et les Évangiles avec des particularités qui font leur intérêt, puis le thème est repris à la Renaissance, dominé alors par le culte marial et la foi dans la virginité et la conception immaculée de Marie.

 

 

Parmi ces Arbres de la Renaissance, l'Arbre de Jessé de Sens répond globalement à cette disposition et à cette double préoccupation, typologique (annonce par les textes bibliques) et mariale. Sur les panneaux centraux, directement lisibles sur un fond rouge, se reconnaissent vite Jessé allongé en bas, l'Arbre portant les 12 rois sur ses branches, et la Vierge à l'Enfant en haut à gauche. Sur les panneaux latéraux, à fond bleu, 8 vignettes réunissent au total 12 personnages bibliques tenant sur leur banderole la citation annonçant (ou préfigurant) l'Annonciation, la Nativité, l'Incarnation et la Passion rédemptrice de la théologie chrétienne.

Pourtant, cet Arbre de Jessé de Sens est exceptionnel parce qu'il comporte, au dessus de Jessé endormi, non pas d'abord les Rois de Juda échelonnés, mais, en premier lieu, l'Annonciation (Gabriel face à la Vierge), et, en second lieu, la réunion énigmatique d'une jeune femme (au dessus de Gabriel) en face d'une licorne (au dessus de la Vierge). Pour comprendre le sens de la présence de cette licorne, il faut connaître l'iconographie à laquelle elle se rapporte.

Une autre originalité du vitrail de Sens est le choix des personnages latéraux, et surtout du texte de leurs phylactères. On trouve 8 Prophètes dont 4 Petits Prophètes avec les textes suivants  "Voici sur les montagnes les pieds du messager qui annonce la paix! ". Nahum 1:15 "Car voici, je viens, et j'habiterai au milieu de toi, dit l'Éternel." Zacharie 2:10 ; "car je suis moi-même avec vous, déclare l'Éternel, le maître de l’univers."Aggée 2:5 ; " Prépare-toi à la rencontre de ton Dieu "Amos 4:12. Ils témoignent de la venue (pieds, messager, annonce, je viens, rencontre) et de l'établissement de Dieu sur Terre, ou dans le sein de la Vierge (j'habiterai au milieu, je suis avec vous). Enfin, quatre scènes typologiques font appel au Buisson ardent de Moïse, à l'autel de Melchisédech, à la Toison de Gédéon, et à la Porte Close d'Ézéchiel.

 

C'est en faisant appel à deux thèmes de spiritualité chrétienne en faveur au XVe siècle, ceux de la Chasse mystique (ou « Annonciation à la Licorne »), et aux textes du Procès en Paradis que cette licorne de Sens se comprend. Je les rappelle très brièvement.

Les Chasses mystiques trouvent leur origine dans les bestiaires décrivant la chasse à la licorne. Cet animal fabuleux est connu pour rester invincible et échapper aux chasseurs sauf s'il est attiré par le parfum d'une jeune fille vierge à la poitrine dénudée. La licorne vient alors sur ses genoux et incline sa corne vers son sein : le chasseur peut alors la blesser et la capturer. Cette description relevant de l'Histoire naturelle est vite lue comme une métaphore de l'amour profane, l'amant étant la licorne, le chasseur le dieu Amour, et la jeune vierge la femme désirée. Parallèlement, la scène est aussi interprétée comme une allégorie de l'Incarnation, la licorne étant le Christ, le chasseur l'ange Gabriel, Marie la jeune fille dont les vertus et la virginité permettent la venue du Christ en son sein.

Le Procès en Paradis, qui trouve son origine dans la mystique de saint Bernard et des franciscains, puis dans  le prologue du Mystère de la Passion dû à Eustache Marcadé, joué à Arras vers 1420-1430 , développe l'idée d'une discussion dans les Cieux : Paix et Miséricorde plaident la cause de l'humanité déchue depuis le péché originel afin de les arracher à la mort. Au contraire, Justice et Vérité soutiennent que Dieu a damné les hommes et qu'il ne saurait se contredire et qu'il doit rester intransigeant.. Miséricorde et Justice partent en vain à la recherche d'un homme juste sur Terre, prêt à mourir pour sauver les hommes, et Dieu décide d'envoyer son Fils.

Dans la fusion des deux thèmes, Gabriel armé en chasseur est guidé par quatre chiens, Paix, Miséricorde, Justice et Vérité.

Le thème connaît de nombreuses illustrations  (à la cathédrale d' Erfurt dès 1420, au monastère de Dambeck en 1474) mais sa forme la plus remarquable se trouve à Colmar dans le retable des Dominicains peint par Schongauer vers 1480 (23 ans avant la verrière de Sens). La Vierge à la licorne est entourée d'une dizaine de références bibliques de sa virginité, comme le jardin clos, la verge d'Aaron, mais aussi  le Buisson Ardent de Moïse, Gédéon et sa toison, Ézéchiel et la Porte Close : trois références qui se retrouvent à Sens. 

Néanmoins, à Sens, nous n'avons pas affaire à une Chasse mystique à proprement parler : l'Annonciation répond aux formes habituelles, Gabriel n'est pas un chasseur sonnant de la trompe, la Vierge n'accueille pas la licorne, et cette scène est seulement mise en parallèle avec celle, au dessus, d'une licorne attirée par une jeune fille (non nimbée). La Chasse mystique est simplement évoquée par citation métonymiques de ces deux personnages, alors que le Procès en Paradis l'est, en périphérie, par toutes les citations parlant de la descente de Dieu sur Terre. Pour les chanoines de la cathédrale de Sens, parfaitement rompus à la pensée allégorique et aux textes mystiques, ces clins d'œil étaient suffisant.

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LES LANCETTES CENTRALES B ET C DE LA BAIE N° 116.

Rappel : les 4 lancettes sont désignées de gauche à droite par les lettres A à D.

Ces lancettes accueillent 18 personnages  (Jessé, 12 rois de Juda, Gabriel et la Vierge, la jeune vierge, la Vierge et son Fils, ...), un arbre,  et une licorne. L'arbre serpente alternativement à droite et à gauche du meneau central, et distribue ses branches aux larges  fleurs servant de siège ou de socle aux personnages répartis deux par deux jusqu'au sommet. 

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I. LES LANCETTES INFÉRIEURES B et C.

Ce sont celles où Jessé donne naissance à son arbre, sur les branches duquel s'installent la scène de l'Annonciation, celle de la Chasse à la licorne, puis deux rois de Juda. Elles s'organisent en quatre registres.

 

 

Lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

1. Partie inférieure des deux lancettes centrales. Jessé allongé.

Note : certaines photographies ont été prises le matin, au moment où une ombre en diagonale venait obscurcir la base du vitrail. 

Jessé est allongé sur sa couche, dans la posture la plus traditionnelle et qui indique qu'il n'est pas endormi, mais qu'il songe : ses épaules sont légèrement surélevées par un coussin pourpre à glands dorés, sa main gauche à l'index dressé soutient son front. Son visage barbu indique son âge vénérable. Son manteau bleu à revers or et ses bas rouges témoignent de sa richesse, car c'est un gros propriétaire de troupeaux à Bethléem. Le tronc de son Arbre (généalogique) naît de son bassin et il s'y appuie de la main droite comme s'il le bénissait.

En bas, l'inscription ARBOR VNA NOBILIS SILVA TALEM NVLLA PROFERT , "arbre unique, noble entre tous; nulle forêt n'en produit de tel par ses feuilles". (voir première partie de cet article).

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Jessé, partie basse des Lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Jessé, partie basse des Lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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Jessé, partie basse des Lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Jessé, partie basse des Lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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2. Annonciation.

Le tronc de Jessé va se diviser rapidement en diverses branches sinueuses, portant des fleurs en corolles servant de sièges aux membres de sa descendance. Mais sur  la première branche, c'est l'archange Gabriel  qui occupe la fleur aux pétales bleus. Il tient un bâton fleuri en signe du pouvoir divin dont il est investi, et il bénit la Vierge de la main droite. Son phylactère porte les paroles de l'Annonciation faite à Marie : Ave gratia plena dominus tecum, "Je te salue, pleine de grâces, le Seigneur est avec toi".

A droite, sur une fleur blanche, la Vierge surprise dans sa pieuse lecture  par l'arrivée de l'ange se détourne  et le regarde. Elle est vêtue d'un manteau bleu et d'une robe rouge.

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Annonciation, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Annonciation, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Gabriel, Annonciation, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Gabriel, Annonciation, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Marie, Annonciation, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Marie, Annonciation, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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3. La jeune fille à la licorne.

On ne peut imaginer une citation plus sobre du vaste sujet iconographique et scripturaire de la Chasse Mystique que cette jeune fille faisant face à la licorne. Cette sobriété est parfaitement adaptée à un vitrail placé à plus de 25 mètres du sol du transept sud, et destiné non aux chanoines (qui ne peuvent le voir des stalles du chœur) mais aux fidèles des premiers rangs de la nef. Pour un profane du XXIe siècle, rien ne permet de comprendre que cette jeune fille est l'alter ego de la Vierge, si ce n'est sa robe bleue (la couleur mariale), et ses cheveux longs dénoués (ceux d'une femme mariée sont attachés) semblables à ceux de Marie représentée en dessous. Pas de nimbe qui aiderait à en préciser la sainteté, pas d'accessoire, pas d'inscription. Ses gestes d'accueil (main droite) ou d'indication ou injonction (main gauche) s'adressent sans-doute à la licorne, son regard est dirigé vers elle, mais le meneau de séparation trouble cette compréhension. 

De même, la licorne (typique par sa couleur blanche,  son encolure et sa crinière de cheval et son museau à barbiche et ses sabots de chèvre) semble se dresser in abstracto, vignette découpée d'une enluminure, sans que sa posture ne soit tournée vers la jeune fille ni que sa corne ne soit dirigée vers son sein. 

Si on essaye un sens de lecture verticale, cela ne marche pas non plus, et l'animal mythique n'est pas plus relié à la Vierge qu'elle surmonte qu'au roi David placé au dessus. 

Il faut donc comme un pure allégorie suspendue telle une enseigne, et que seul le raisonnement, et surtout la familiarité avec la Chasse mystique, permettra de déchiffrer. 

Ces verrières du transept ont été commandés en 1500 aux verriers de Troyes, et le choix de leur sujet a donc été fait moins de 20 ans après que Martin Schongauer ait peint pour les Dominicains de Colmar les deux panneaux de l'Annonciation à la licorne. Ceux-ci sont donc bien utiles pour comprendre le vitrail de Sens, car tout y est, au contraire, explicite. Non seulement la licorne de Sens semble, à la direction de la corne près, la copie de celle de Schongauer et la jeune fille (la "pucelle") très proche également de sa Vierge par la robe, la chevelure, et la posture, mais on voit que , si on découpait la silhouette de la Vierge de Colmar, on retrouverait exactement les gestes des mains de la jeune fille, et on les comprend.

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Jeune fille à la licorne, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Jeune fille à la licorne, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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De plus, les objets et scènes qui entourent la Vierge à la licorne de Colmar sont ceux qui sont placés dans la moitié haute des lancettes latérales de Sens : la Toison de Gédéon , le Buisson ardent de Moïse et la Porte close d'Ézéchiel. A Colmar, la Verge d'Aaron n'est pas étrangère à l'autel de Melchisédech, car Aaron et Melchisédech préfigurent le Christ dans sa fonction sacerdotale.

 

 

Marie et la licorne, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Marie et la licorne, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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Dès lors, les quatre motifs de l'Arbre de Jessé de Sens (l'ange Gabriel, la Vierge, la pucelle, et la licorne) peuvent être considérés comme une forme éclatée et dédoublée de l' Annonciation à la licorne de Colmar, bien que l'ange messager ne soit nullement représenté ici comme un chasseur, et que ses quatre chiens Misericordia, Justicia, Pax et Veritas soient dès lors absents. 

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L'absence de ces chiens, dont on sait qu'ils témoignent de l'influence du débat des quatre Vertus lors du Procès en Paradis, ne signifie pas que cette pensée mystique soit absente de la verrière de Sens, puisque, dans les lancettes latérales, l'inscription tenue par Moïse Obsecro mitti quem misi renvoie dans la pensée typologique à l'idée de Dieu envoyant sur Terre un messager (et/ou un rédempteur), et de façon plus précise à une enluminure du Bréviaire de René de Lorraine, où ce verset de l'Exode 4:13 figure dans une illustration du Procès en Paradis.

L'ange Gabriel placé sous la jeune fille à la licorne de Sens doit donc être vu comme le Chasseur de la Chasse mystique, et la Licorne y est bien une figure du Christ : comme la licorne perd son invulnérabilité par l'attirance qu'exerce pour elle la virginité de la pucelle utilisée comme appât, le Christ est devenu vulnérable en endossant, pour sauver l'humanité du Péché, la nature humaine face à la Virginité et la Conception Immaculée de Marie, et qu'il est mort sur la croix (licorne succombant à ses blessures)  si je tente de mettre maladroitement en mot  une pensée mystique dont tout le charme, toute la puissance est d'être indicible.

Cette mystique est déjà d'une richesse inépuisable dans l'Annonciation à la licorne de Schongauer. On y trouve le thème de l'Amant chassant la "rose" de la virginité dans le Roman de la Rose ("moralisé" dans une lecture christique par Jean Molinet vers 1500), on y trouve toute la pensée typologique des Pères de l'Église, on y trouve toute la  mystique mariale de Bernard de Clairvaux, toute celle de la chasse (légende de saint Hubert et de saint Eustache où le Christ est un cerf blanc poursuivi par le chasseur), celle du Christ blessé (Serviteur Souffrant),  etc, etc... Mais à Sens, sous cette forme très concise, elle s'intègre à un autre fleuve théologique, celui de l'Arbre de Jessé. Les perspectives offertes par cette rencontre sont si considérables alors que je reste à leur seuil. 

L'essentiel est donné par la contemplation de la lumière traversant la verrière.

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Gabriel et la jeune vierge, Jeune fille à la licorne, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Gabriel et la jeune vierge, Jeune fille à la licorne, lancettes inférieures B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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4. Deux rois de Juda, David et Salomon.

On reconnait à droite grâce à sa harpe  David, fils de Jessé, roi de Juda, deuxième roi d'Israël après Saul, auquel on attribue la composition de la moitié des 150 chants du Livre des Psaumes. Il porte un turban bleu et une couronne, tient son sceptre, et est tourné, par sa posture et par le regard, vers la Vierge à l'Enfant qui "accomplit" l'Arbre. Il porte en sautoir au bijou en or, de forme carrée mais qui évoque l'étoile à six branches nommée étoile de David.

Son vis-à-vis est donc Salomon, 3eme roi d'Israël,   le  fils qu'il eut de ses amours  avec Bethsabée. Lui aussi se tourne vers le développement supérieur de l'Arbre, en une attitude presque prosternée. 

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Salomon et David, lancettes  B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Salomon et David, lancettes B et C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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Le roi David, lancettes  C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Le roi David, lancettes C, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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II. LES LANCETTES  B ET C, PARTIE SUPÉRIEURE.

L'Arbre de Jessé continue à s'y développer et à accueillir sur ses fleurs les rejetons de Jessé et du roi David, la dynastie davidique des rois de Juda: Roboam et Abia, Asa et Josaphat, Joram et Ozias, Joatham et Achaz, Ézéchias et Manassé, tels qu'ils sont énumérés dans la Généalogie de Jésus de l'incipit de l'Évangile de Matthieu. Néanmoins, ils ne sont pas dénommés sur le vitrail, l'artiste faisant se succéder des portraits tous différents mais stéréotypés du roi hébraïque tel qu'il est peint sur les Arbres de Jessé de la Renaissance, avec leur sceptre et leur turban, leur costume irréaliste et, surtout, leur gestuelle rendant hommage à leur divin successeur, le Christ "de la maison de David" . On notera que non seulement chaque tenue vestimentaire, chaque posture  et chaque visage est différent, mais aussi chaque fleuron, dans une palette associant deux valeurs de bleu, le pourpre et le lie-de-vin, le vert pâle, et le jaune.

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Lancettes  B et C, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Lancettes B et C, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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1. La lancette B.

Lancette  B, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Lancette B, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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La Vierge à l'Enfant.

Alors que les vitraux du XII et XIIIe siècle culminaient avec le Christ en gloire entourés des colombes des sept Dons de l'Esprit, au dessus de la Vierge et des Rois, ceux des XV et XVIe siècles placent au sommet la Vierge, couronnée. Paradoxalement par rapport à la Généalogie de Jésus de Mt 1:7-16 ou de Lc 3:23-31, qui mentionnent Joseph comme membre de la Maison de David, c'est Marie Reine des Cieux qui figure dans la filiation des fils de Jessé. C'est elle qui, ici, est couronnée. 

Ce changement de perspective des Arbres de Jessé est certes liè à la prédominance du culte marial mais surtout à l'importance donnée en théologie et dans la liturgie à la virginité de Marie et à l'Immaculée Conception.

Cette prévalence de l'intercession de  Marie comme Mère de Dieu, vierge et indemne du Péché Originel trouve , à Sens, une expression supplémentaire et exceptionnelle puisqu'elle figure trois fois dans l'Arbre de Jessé : directement comme Vierge de l'Annonciation et comme Mère de Jésus, et allègoriquement comme jeune fille à la licorne. La fusion des deux thèmes iconographiques de l'Arbre de Jessé et de la Chasse Mystique les renforcent mutuellement dans cette méditation sur l'importance de la virginité mariale dans le plan du Salut pour les chrétiens du XVI siècle. 

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Vierge à l'Enfant, Lancette B, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Vierge à l'Enfant, Lancette B, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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La lancette C.

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Lancette C, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Lancette C, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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Lancette C, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Lancette C, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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Lancette C, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Lancette C, partie supérieure, baie 116, Arbre de Jessé, cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

BÉGULE (Lucien), 1929, La cathédrale de Sens: son architecture, son décor Société anonyme de l'imprimerie A. Rey, - 102 pages

— BROUSSE (Bernard), PERROT (Françoise), PERNUIT ( Claire),  Les vitraux de la cathédrale de Sens, Éditions À Propos, Garches, 2013 (ISBN 978-2-915398120) ;  223 pages

MÂLE (Émile), 1908,  L'art religieux de la fin du Moyen-Âge en France, Paris, Armand Colin, 540 p.

 

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Arbre de Jessé.
30 juin 2016 4 30 /06 /juin /2016 11:06

L'Annonciation à la Licorne, ou "Chasse mystique" de Martin Schongauer (v.1480) dans le Retable des Dominicains du Musée Unterlinden de Colmar.

Marie, nouvelle Ève / la Licorne, nouveau Serpent.

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J'ai rédigé cet article afin de préparer l'étude du vitrail de l'Arbre de Jessé de Sens, dans lequel une Chasse mystique à la licorne est placée juste au dessus de l'Annonciation. Cette célèbre verrière date de 1503. Mon projet était que l'étude de l'Annonciation à la licorne allait m'aider à l'interpréter. En réalité, j'ai découvert un thème d'une richesse inépuisable.

Voir :

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Sens.

http://www.lavieb-aile.com/2016/06/le-vitrail-de-l-arbre-de-jesse-de-la-cathedrale-de-sens.html

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PRÉSENTATION.

 

Le Retable des Dominicains et ses 24 panneaux.

Le Retable des Dominicains était  conservé jusqu’à la Révolution dans l’église du couvent des Dominicains de Colmar, l’actuelle bibliothèque municipale. Il se présentait sous la forme d’un triptyque de 11 m sur 3 m dont le centre était orné d’une crucifixion, sans doute un groupe sculpté, qui a disparu. Autour de cette crucifixion se trouvaient deux ensembles de bois peints, divisée en deux panneaux  de 87 cm de large.   Deux grands volets recouvraient ces scènes latérales : ils était divisés en quatre panneaux peints recto-verso, de 116 cm de large ; ainsi, la Résurrrection (face intérieure) porte-t-elle au verso la Visitation.

 Lorsque le retable était ouvert (le dimanche et les jours de fête),  sur les seize panneaux intérieurs,— les plus précieux, enrichis de feuilles d'or et d'argent—, les religieux contemplaient  la Vie publique du Christ depuis l’Entrée à Jérusalem jusqu’à la Pentecôte incluant le Noli me tangere et l’Incrédulité de Saint-Thomas. On s’accorde aujourd’hui pour attribuer la paternité du retable à Martin Schongauer et à son entourage. Sans les copier servilement, les scènes de la Passion du Christ évoquent les gravures du Maître sur le même thème (tels que l’Arrestation du Christ ou le Christ devant Caïphe) dont des épreuves sont conservées dans les collections du musée, sans qu’il soit possible de dire qui, de la peinture ou de la gravure, a inspiré l’autre.

Une fois fermé (les jours ordinaires), le retable présentait  huit peintures illustrant  la Vie de la Vierge (thème des Sept Joies de la Vierge auquel l’autel majeur des Dominicains était dédié) : l'Annonciation (deux panneaux), la Visitation, la Nativité, l’Adoration des mages, la Présentation au temple, Jésus parmi les docteurs et le Couronnement de la Vierge.

 

 

Voir sur le même thème et à la même époque la tenture de la Vie de la Vierge à Beaune (1500).

Le retable démantelé au XVIIIe siècle, démonté en 1793, (certains panneaux étant mutilés en partie haute d'une vingtaine de centimètres), exposé au musée dès 1853,  a été restauré en 2006-2014 au C2RMF. Cette restauration a révélé un travail d'atelier, le dessin sous-jacent et les annotations de couleur par le Maître étant poursuivie par des collaborateurs. Il a repris sa place dans le nouvel agencement du musée Unterlinden de Colmar, dont il est certainement, à coté du retable d'Issenheim, une pièce majeure.

http://www.musee-unterlinden.com/collections/moyen-age-et-renaissance/martin-schongauer/le-retable-des-dominicains/

https://www.aphg.fr/IMG/pdf/dp_colmar-bd-07-10-14.pdf

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LES DEUX PANNEAUX DE L'ANNONCIATION. 

Cette scène a bénéficié d'une considération particulière, puisque deux panneaux lui ont été consacrés. Leur partie haute a été coupée au XVIIIe siècle, amputant ainsi  à droite la figure de Dieu le Père au dessus du Buisson ardent, et à gauche celle du soleil.

Ces panneaux sont aujourd'hui présentés au dessus de ceux de la Nativité et de la Présentation au temple qui , après la Visitation, les suivent dans la chronologie de la vie de la Vierge. Ces quatre carrés mesurent chacun 116 cm de coté, et sont peints en huile sur bois (sapin) .

 

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Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

Nativité et Présentation au temple, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

Nativité et Présentation au temple, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

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Ces deux panneaux illustrent la scène de l'Annonciation (Évangile de Luc 1:26-38)  d'une façon très particulière et surprenante, celle dite de la "Chasse mystique". Sa compréhension suppose quelques données de base sur le mythe de la licorne et son application à l'Annonciation (corpus scripturaire). Je les puiserai dans un article récent d'Angel Narro, et surtout dans la thèse princeps de Bruno Faidutti : 

 

1. Au IIe siècle, un auteur chrétien d'Alexandrie  s'inspirant de la zoologie grecque, de l'ésotérisme égyptien, de la mystique juive, de l'exégèse alexandrine et la théologie chrétienne du salut rédige un bestiaire mélangeant descriptions zoologiques, la parabole évangélique, la paraphrase biblique et la fable animalière : le Physiologos, traduit en latin au IVe siècle. L'animal est décrit, puis son entité spirituelle est exposée. Le Physiologus latin rencontre un succès extraordinaire comme recueil d'animaux fabuleux. La Licorne est décrite, dès le texte grec, comme un animal qui ne peut être chassé que grâce à une jeune fille vierge. 

2. Les traductions en langue romanes introduisent un certain nombre de variations. Ce sont celles, versifiées au XII et XIIIe siècle, de Philippe de Thäun, de Guillaume Le Clerc, et de Gervaise, et celle, en prose, de Pierre de Beauvais. 

 

a) Philippe de Thaün lui consacre 67 vers en l'appelant monosceros (licorne). Le poète affirme plus ou moins ce que la version grecque du Physiologos disait. Il parle donc de la jeune vierge au sein nu et explique que la licorne, attirée par sa présence, s'approchera d'elle, s'endormira et sera sacrifiée aux mains des hommes qui l'attendaient cachés près de la pucelle.

"Quant om le volt chacier Et prendre e engignier, Si vient [en la] forest U sit repaires est, La met une pulcele Hors del sein sa mamele: Et par l’odurement Monosceros la sent, Dunc vient à la pulcele Si baise sa mamele, En sun devant se dort Issi vient à sa mort: Li om survient atant Ki l’ocit en dormant U trestut vif le prent…"

«Quand un homme veut la chasser, la prendre et la tromper, il va dans la forêt où est son repaire. On y place une vierge, qui découvre son sein. La licorne sent son odeur et vient à la pucelle, baise son sein et s’y endort, ce qui entraîne sa mort. L’homme survient alors et la tue dans son sommeil ou la capture vivante.»  

L'interprétation de la scène met en rapport l'histoire de la licorne avec la divinité : la vierge serait une allégorie de Marie et son sein l'église qui nourrit le monde (vv. 435-438 : La virgine signefie, / saciez, Sainte Marie; / par sa mamele entent / Sainte eglise ensement ). En dernier lieu, vu que la licorne demeure endormie auprès de la jeune fille et semble être morte, cette scène sera comparée à la crucifixion de Jésus (vv. 441-444 :E om quant il se dort / en semblance est demort: / Deus cum ume dormit / qu'en la croiz mort sufrit ). Ainsi, la manière de dormir de la licorne est interprétée comme le sacrifice que le fils de Dieu fît pour l'humanité. Dans l'interprétation de la licorne en tant que symbole du Christ , la licorne partagerait l'honneur d'être comparée au fils de Dieu avec le leun, la pantere, le dorcon, l' ydrus et le cerf. 

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b) Guillaume Le Clerc (qui s'inspire  du Liber de bestiis du théologien Hugues de Saint-Victor) écrit :

« [...] Elle est si téméraire, agressive et hardie  qu'elle s'attaque à l'éléphant avec son sabot dur et tranchant. Son sabot est si aigu que, quoi qu'elle frappe, il n'est rien qu'elle ne puisse percer ou fendre. L'éléphant n'a aucun moyen de se défendre quand la licorne attaque, elle le frappe comme une lame sous le ventre et l'éventre entièrement. C'est le plus redoutable de tous les animaux qui existent au monde, La plus egre best est del mont / de totes celes qui i sont (vv. 1381-1382) sa vigueur est telle qu'elle ne craint aucun chasseur. Ceux qui veulent tenter de la prendre par ruse et de la lier doivent l'épier Cil qui la voelent enlacer, / la vont primes por espier  (vv 1394-1395) pendant qu'elle joue sur la montagne ou dans la vallée, une fois qu'ils ont découvert son gite et relevé avec soin ses traces, ils vont chercher une demoiselle qu'ils savent vierge, puis la font s'assoir au gite de la bête et attendent là pour la capturer. Lorsque la licorne arrive et qu'elle voit la jeune fille, elle vient aussitôt à elle et se couche sur ses genoux ; alors les chasseurs, qui sont en train de l'épier, s'élancent ; ils s'emparent d'elle et la lient, puis ils la conduisent devant le roi, de force et aussi vite qu'ils le peuvent »  Guillaume Le Clerc de Normandie, Bestiaire divin.

Son interprétation diffère de celle de Philippe de Thaün en manifestant un sentimentanti-juif qui est renforcé par un passage des évangiles. Pour Guillaume, la licorne serait Jésus (C'est l'unicorne espiritel [v. 1351]), tandis que ceux qui la surveillent seraient les traîtres juifs qui le conduisirent devant Pilate, le roi de la narration de la licorne

 (Des Jeves einceins l'espierent, / tant qu'il[s] le pristrent et lierent ; / devant Pilatre lemenerent, / et ilec a mort le dampnerent [vv. 1357-1360]).

De plus, il nous offre une interprétation originale de la corne, en suivant la prophétie d'Isaïe de la corne de salvation que cite Luc I:69.

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c) Pierre de Beauvais donnera dans son Bestiaire des premières années du XIIIe siècle  une version en prose qui est la plus proche du Physiologus original:

«Il existe une bête appelée en grec monocéros c'est-à-dire en latin unicornis. Physiologue dit que la nature de la licorne est telle qu'elle est de petite taille et qu'elle ressemble à un chevreau. Elle possède une corne au milieu de la tête, et elle est si féroce qu'aucun homme ne peut s'emparer d'elle, si ce n'est de la manière que je vais vous dire: les chasseurs conduisent une jeune fille vierge à l'endroit où demeure la licorne et ils la laissent assise sur un siège, seule dans le bois. Aussitôt que la licorne voit la jeune fille, elle vient s'endormir sur ses genoux. C'est de cette manière que les chasseurs peuvent s'emparer d'elle et la conduire dans les palais des rois.» .

 

«De la même manière Notre Seigneur Jésus-Christ, licorne céleste, descendit dans le sein de la Vierge, et à cause de cette chair qu’il avait revêtue pour nous. Il fut pris par les juifs et conduit devant Pilate, présenté à Hérode et puis crucifié sur la Sainte Croix, lui qui auparavant se trouvait auprès de son Père, invisible à nos yeux. Voila pourquoi il dit lui-même dans les Psaumes: “Ma corne sera élevée comme celle de l’unicorne”. On a dit ici que la licorne possède une seule corne au milieu du front: c’est là le symbole de ce que le Sauveur a dit: “Mon Père et moi, nous sommes un: Dieu est le chef du Christ.” Le fait que la bête est cruelle signifie que ni les Puissances, ni les Dominations, ni l’Enfer ne peuvent comprendre la puissance de Dieu. Si l’on a dit ici que la licorne est petite, il faut comprendre que Jésus Christ s’humilia pour nous par l’incarnation; à ce propos, il a dit lui même: “Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur”, et David dit que celui qui accomplira les bonnes œuvres, il sera conduit au palais royal, c’est à dire au Paradis.

B. Faidutti remarque que "la symbolique christique de l’animal fait que, sur la plupart des miniatures des bestiaires médiévaux, même lorsque le texte ne parle que de la capture de l’animal et non de sa mise à mort, un chasseur perce le flanc de l’animal de la pointe de sa lance. Cette miniature d’un bestiaire anglais sur vélin, en latin, copié dans les premières années du XIIIème siècle, est l’une des rares à montrer l’animal maîtrisé et ligoté, mais non tué."

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Ces éléments nous permettent de comprendre que la licorne est étroitement liée à la confrontation de la thématique de la chasse (avec ses stéréotypes de virilité, d'agressivité et ses images de blessures, et de mise à mort à valeur sacrificielle  ), d'une part, et à celle de la virginité d'autre part, avec ses valeurs opposées de blancheur et de candeur, de féminité désincarnée. Confrontation non dépourvue d'ambivalence puisque la licorne est à la fois si puissante qu'elle échappe à toute tentative de chasse, et à la fois si sensible qu'elle ne résiste pas au parfum émis par les puellae, les jeunes filles vierges. Dans ce champ profane, la licorne est devenue image de l'Amour courtois ; L'Amant est à la fois le chasseur dont la force martiale est inefficace en amour, et la licorne à la corne droite comme une épée mais dont la puissance phallique s'abolit face à la virginité terriblement attirante , comme l'illustrera l'emblème de  Maurice Scève et l'énigmatique devise "Pour le voir / Je perds la vie" dans la Délie : 

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L’ambiguïté ou la complexité se poursuit dans la symbolique chrétienne, puisque LA licorne devient l'image du Christ : il ne peut être mis à mort par les hommes que parce que la Vierge a joué le rôle de médiatrice. La chasse n'est plus courtoise, elle devient spirituelle, opposant/réunissant l'Humanité peccamineuse et la Divinité qui s'incarne.

Enfin, ces schèmes métaphoriques amplifient encore leur difficulté d'interprétation (ce qui renforce leurs forces expressives) dans l'application de cette symbolique à la scène de l'Annonciation. Là, l'ange Gabriel devient le chasseur et se voit gratifié d'une trompe de chasse (qui est aussi une corne) et de chines et il poursuit la licorne, qui a été attirée par la virginité de  Marie.

La couleur dominante est le rose : mélange du rouge de la Passion du Christ et du blanc de la Virginité de Marie.

Les deux panneaux montrent un seul jardin, clos de murailles crénelées, doté d'une porte et d'une tour. Comme dans le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris (XIIIe siècle) où les personnages sont allégoriques et où la rose est la métaphore de la femme aimée, la scène est donc circonscrite dans un hortus conclusus ("jardin clos") qui renvoie au Cantique des cantiques 4, 12: « Hortus conclusus soror mea, sponsa ; hortus conclusus, fons signatus. » (ma sœur et fiancée est un jardin enclos ; le jardin enclos est une source fermée). La Vierge est assimilée à la fiancée dont la virginité est célébrée à travers sa beauté. Le jardin est divisée par le montant des panneaux en sa partie gauche, occupée par l'ange Gabriel dans le rôle de chasseur, d'amant et de roi Salomon (la surdétermination est extrème), et la partie droite par la Vierge à l'Enfant sous les traits de la jeune fille à la licorne. Tous les objets, toutes les micro-scènes sont codées et métaphoriques.

A nous de les décoder.

 

 

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LE PANNEAU DE GAUCHE : L'ANGE GABRIEL CHASSEUR DE LICORNE.

L'ange est jeune, beau, aux cheveux blonds et bouclés et aux ailes vermillon et or. Il porte sur une aube blanche une cape pourpre serrée par un fermail en quadrilobes. Il regarde la jeune fille comme dans les Annonciations classiques mais c'est un vrai chasseur, armé d'une lance comme un piquier,  soufflant dans sa trompe de chasse comme un veneur, et menant en laisse quatre chiens. Autrement dit, il cumule les traits d'un Ange de l'Annonciation (agenouillé, vu de trois-quart droit, venant de la gauche, énonçant une parole inscrite sur des phylactères dirigés vers la Vierge, surmonté d'un rayon lumineux médiateur de la fécondité divine)

http://www.faidutti.com/unicorn/theselicorne1.pdf

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L'ange Gabriel, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

L'ange Gabriel, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

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1. Les inscriptions du panneau de gauche.

On trouve les inscriptions suivantes :

a) Porta clausa (sur la porte du jardin).

Porta clausa (la Porte close) est un qualificatif de la Vierge adoptée par les Litanies, car elle se réfère à sa virginité, tout en rappellant le lien typologique avec les versets du Livre d'Ézéchiel 44:1-2 

et convertit me ad viam portae sanctuarii exterioris quae respiciebat ad orientem et erat clausa

et dixit Dominus ad me porta haec clausa erit non aperietur et vir non transiet per eam quoniam Dominus Deus Israhel ingressus est per eam eritque clausa.

Cette typologie figure dans la Biblia pauperum à la page de l'Annonciation (en bas et à gauche) avec le dessin du prophète Ézéchiel, la référence Ezech XLIIII et la citation porta haec clausa erit non aperietur

 

b) Ave gratia plena dominus tecum (phylactère sortant de la trompe de Gabriel)

Ces mots sont ceux de l'évangile de Luc Lc1:28 par lesquels l'ange salue Marie : "Je te salue, toi à qui une grâce a été faite, le seigneur est avec toi". Ce phylactère, avec ces mots, figurent dans l'image centrale de la page de l'Annonciation de la Biblia Pauperum.

c) Ecce virgo concipiet (sur un phylactère flottant en dessous du précédent).

Il s'agit de la prophétie d' Isaïe Is.7:14 Ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitis nomen Emmanuhel "Voici, la jeune fille sera enceinte et elle enfantera un fils, elle lui donnera pour nom: Emmanuel (Dieu avec nous)". Ce verset est appliqué à la Vierge Marie par  l'évangile de Matthieu Mt 1:23 dans la Généalogie de Jésus. Il figure en haut à gauche de la page de l'Annonciation de la Biblia Pauperum, avec la figure d'Isaïe, avec la référence Isayas VII.

d) fons signatus: (sur un phylactère au dessus de la fontaine).

 Ces mots ("fontaine scellée") qualifient la Vierge dont l'utérus est à la fois clos et fécond : ils accompagnent l'image de la fontaine, dont la cuve hexagonale est fermée par un cadenas alors qu'elle s'écoule dans une vasque par six tuyaux. Ils se réfèrent au verset du Cantique des cantiques  déjà cité : 4, 12: « Hortus conclusus soror mea, sponsa ; hortus conclusus, fons signatus. » (ma sœur et fiancée est un jardin enclos ; le jardin enclos est une source fermée).

e) Misericordia, Justicia, Pax, Veritas : phylactères tenus dans leur gueule par les quatre lévriers du chasseur.

Misericordia, Justicia, Pax, Veritas : Les chiens portent quatre vertus renvoyant au psaume 84 : misericordia et veritas obviaverunt sibi; iustitia et pax osculatae sunt : "L'amour et la vérité vont se rencontrer, et la justice et la paix se donneront l'accolade". 

Le chasseur, envoyé par Dieu sur terre pour chasser /chercher la Licorne que seule une vierge saura capturer, est guidé dans cette quête par les quatre vertus évangéliques.

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L'ange Gabriel, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

L'ange Gabriel, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

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LE PANNEAU DE DROITE : LA VIERGE A LA LICORNE.
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La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

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La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

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Dans ce tableau sont placées 7 métaphores de la Virginité et de l'élection de Marie. Ce sont :

1. La verge d'Aaron.

Sur un autel, douze bâtons sont placés, et seul celui du centre est fleuri.

Il s'agit d'une référence au texte de Nombre 17:17-23.

"L'Eternel parla à Moïse en ces termes:

Ancre---Demande aux Israélites de te donner un bâton par tribu, les chefs de tribu te remettront douze bâtons, et tu inscriras le nom de chacun d'eux sur son bâton.

AncreEt tu inscriras le nom d'Aaron sur le bâton de la tribu de Lévi; car il y aura un bâton par chef de tribu.

AncrePuis tu déposeras ces bâtons dans la tente de la Rencontre, devant le coffre de l'acte de l'alliance, à l'endroit où je vous rencontre.

AncreLe bâton de l'homme que je choisirai bourgeonnera. Ainsi je mettrai fin, pour ne plus les entendre, à ces plaintes que les Israélites ne cessent d'élever contre vous.

AncreMoïse transmit ces instructions aux Israélites et tous les chefs lui apportèrent un bâton, un par chef et par tribu, soit douze bâtons en tout. Le bâton d'Aaron était au milieu des autres.

AncreMoïse les déposa devant l'Eternel, dans la tente de l'acte de l'alliance.

Le lendemain, il entra dans la Tente et constata que le bâton d'Aaron qu'il avait déposé pour la tribu de Lévi avait produit des bourgeons, et qu'il s'y trouvait des fleurs écloses et même des amandes déjà mûres ( sequenti die regressus invenit germinasse virgam Aaron in domo Levi et turgentibus gemmis eruperant flores qui foliis dilatatis in amigdalas deformati sunt :).

Cette verge d'Aaron, et cette illustration figurent dans la Biblia Pauperum à la page de la Nativité, avec la mention Hic contra morem producit virgula florem.  Comme le bâton d'Aaron choisi par Dieu fleuri miraculeusement alors qu'il était sec, la Vierge donne naissance à Jésus tout en préservant sa virginité. Cette verge  est rapprochée de la virginité de Marie d'une part parce qu'elle reprend la prophétie d'Isaïe 11:1  sur la verge de Jessé qui fleurit (Egredietur virga de radice Jesse, et flos de radice ejus ascendet)  en associant les mots virgula (diminutif de virga, la verge) et de florem (flos, la fleur), mais aussi par le raisonnement exposé par exemple ainsi en 1613 par Petrus Muranus :

"Aaron, en sens allégorique, ne nous représente autre chose que le peuple juif : cette verge n'est autre que la Vierge immaculée, seiche et aride de tout péché, sèche et aride pour n'avoir jamais fréquenté la compagnie des hommes : verge sèche qui néanmoins a fleuri, fructifié et produit le fruit de vie, fruit médicinal, je dis le Fils de Dieu, fort justement représenté par le fruit de l'amandier " 

 

2. Le Buisson ardent.

On voit un buisson en feu, et Dieu le Père (coupé) au milieu. Il s'agit d'une référence au texte d'Exode 3:1-6 où Dieu parle à Moïse. Cette image biblique préfigure la Vierge car elle porte le feu de la divinité. Cette relation était illustrée et largement diffusée dans la Bible des Pauvres, chapitre de la Nativité, à coté de celle de la Verge d'Aaron.

3. La Tour à trois fenêtres

Dans les Litanies, Marie est qualifiée de Tour de David et de Tour d'ivoire. Dans le Cantique des cantiques, on lit : sicut turris David collum tuum quae aedificata est cum propugnaculis "Ton cou est pareil à la tour de David, construite pour être un arsenal:"

4. Le lys blanc.

Le lys est à la fois la verge qui fleurit d'Aaron, la tige de Jessé qui produit un rejeton, un symbole de pureté par sa blancheur, un symbole de royauté  dont la forme se rapproche du sceptre. Ses trois fleurons rappellent que Marie a été vierge avant, pendant et après son enfantement, etc... 

5. La Vierge à la licorne

La licorne se présente ici comme un hybride de chevreau et de cheval. Du cheval, elle a la tête et le cou, mais son corps, ses sabots fendus, la barbichette de son menton et même sa posture sont ceux d'un caprin. En effet, l'animal fut  figuré jusqu'au milieu du XVe siècle comme un agneau ou un chevreau. Sa corne torsadée est pointée vers le sein gauche de Marie. Celle-ci caresse tendrement, non pas la tête de l'animal, mais sa corne.

Ici, une enluminure du Li Bestiaires d'Amours de Richard de Fournival, un texte purement profane. Français 412 (Hainaut, 1285) folio 232 , où la licorne est clairement présentée comme un bélier.

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La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

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6. L'urne d'or URNA AURIA.

Cette urne semble remplie de pommes d'or. Urna aurea beata est Maria, aurea per excellentiam vitœ, aurea per integritatem et puritatem , aurea per plenitudinem gratia, "Marie est l'urne dor par l'excellence de sa vie, par son intégrité et sa pureté, et par la plénitude de la grâce" lit-on dans les Homélies de Saint Amédée, évêque de Lausanne (XIIe siècle).

7. La toison de Gédéon VELLUS GEDEONIS.

L'image figure dans la Biblia Pauperum à la page de l'Annonciation, en vis à vis de celle de la Nativité. Il s'agit d'une relation typologique entre le texte vétéro-testamentaire de Juges, 6:37-38, et la virginité de Marie :  Gédéon, cinquième juge d’Israël, souhaite savoir si Dieu veut l’utiliser pour libérer la Terre Promise. En réponse à Gédéon, un miracle se produit. Une toison déposée au sol se gorge de rosée, que le juge recueille dans une coupe alors que la terre alentour est restée sèche. Au Moyen Âge, on interprète cet espace resté sec et pur comme un symbole de la virginité de Marie. Gédéon sortira vainqueur du combat, grâce à ce signe de Dieu. Sur la gravure de la Biblia Pauperum Gédéon lève les bras vers l'ange qui lui dit Dominus tecum virorum fortissime (Juges 6:12), dans un parallèle évident avec l'archange Gabriel disant à la Vierge Ave gratia plena dominus tecum.

Pour les clercs (ici, pour les dominicains du couvent), la simple figure de la toison de Gédéon, ou les simples mots Vellus Gedeonis suffisent à citer en rappel des connaissances qui leur sont familières et même quotidiennes dans leurs lectures, dans leurs oraisons et dans la liturgie.

 

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La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.

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DISCUSSION. LES SOURCES DE L'IMAGE.

Ces deux panneaux comportent 13 symboles de la virginité et de l'élection de Marie, symboles élaborés par les Pères de l'Église dans leur démarche typologique recherchant à démontrer (comme le fait déjà Matthieu tout au long de son évangile) que le Christ accomplit le plan du Salut inscrit dès l'origine dans l'Ancien Testament. Cette réflexion s'est développée et, surtout, s'est diffusée par l'image sous l'influence du Miroir du Salut humain (Speculum humanae salvationis) et de la Bible des Pauvres (Biblia Pauperum) à la fin du XIVe ou au début du XVe siècle. Depuis Émile Mâle, on considère que ces deux ouvrages ont été à la source de l'art chrétien à la fin du Moyen-Âge. 

La Bible des pauvres présente, au centre d' une page, le dessin d'une scène du Nouveau Testament. Deux vignettes mettent en relation cette scène avec deux épisode de l'Ancien Testament, qui la préfigure. Quatre prophètes (en haut et en bas) tiennent les banderoles de versets prophétiques annonçant l'événement en question. Ces six références imagées sont complétées par deux brefs textes explicatifs. 

Pour cette Annonciation, Schongauer a puisé dans les deux pages de la Biblia Pauperum correspondant à l'Annonciation et à la Nativité les vignettes de la toison de Gédéon, de la Verge d'Aaron et du Buisson ardent, en délaissant celle d'Éve face au serpent. Il a également pris de cette Biblia Pauperum la citation d'Isaïe Ecce virgo concipiet, celle d'Ézéchiel sur la porta clausa, et l'essentiel de la scène de l'Annonciation avec la citation Ave gratia plena. 

On doit donc conclure que cette Bible des Pauvres a joué pour Schongauer un rôle fondamental dans la composition de son tableau.

 

 

L'Annonciation, Biblia Pauperum, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040372s/f10.item.r=.zoom

L'Annonciation, Biblia Pauperum, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040372s/f10.item.r=.zoom

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La Nativité, Biblia Pauperum, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040372s/f11.item.r=.zoom

La Nativité, Biblia Pauperum, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040372s/f11.item.r=.zoom

Cela rend d'autant plus significatif l'absence de l'image d'Éve face au serpent, ou du texte qui l'accompagne: Vipera vim perdit sine vi pariente puella. (et, plus bas, Virgo salutatur innupta manens gravidatur ).

Éve et le Serpent et l'Annonciation, Biblia Pauperum, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040372s/f10.item.r=.zoom

Éve et le Serpent et l'Annonciation, Biblia Pauperum, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040372s/f10.item.r=.zoom

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L'interprétation de l'image semble simple : sous le regard de Dieu caché dans les branches de l'Arbre de la connaissance du Bien et du Mal, Éve est séduite par le serpent et s'apprête à croquer la pomme. c'est "La Tentation d'Éve par le Serpent".

Mais l'hexamètre Vipera vim perdit sine vi pariente puella   ... résiste d'avantage à l'interprétation. Je trouve les traductions "La vipère perd sa force, quand la jeune fille enfante sans effort", et "La vipère perdit sa force par une jeune fille sans force accouchant"

 Éve n'y est plus mentionnée, et le second vers ne fait pas allusion à une vierge, mais simplement à une jeune fille qui enfante. 

Une gravure célèbre publiée en 1549 peut nous aider : elle montre " l'image de Notre-Dame de Verdun , ordonnée par saint Pulchrone" et la Vierge à l'Enfant pose les pieds sur un dragon juste au dessus de la formule latine Vipera vim perdit .... : c'est par sa victoire sur le Serpent, sur le Mal, que la Vierge a enfanté.  

En somme, je comprends ces vers à peu-près comme "Le serpent (du Mal) a perdu sa puissance devant une jeune fille sans défense, ou sans arme" ; puella, féminin de puellus le jeune garçon, peut désigner la jeune fille (encore) vierge. 

Le parallèle entre le serpent vipera qui perd sa puissance destructrice et son invincibilité face à une vierge qui enfante, et la licorne qui ne peut être vaincue que par le parfum (la vertu) d'une vierge saute désormais aux yeux, et il est renforcé par celui qui s'établit entre les deux images : d'un coté le serpent dressé devant Éve nue tenant la pomme et dirigeant vers elle sa gueule, de l'autre la licorne dressée elle aussi et pointant sa corne vers le sein de la vierge. L'image s'inverse en miroir et si elle fait de Marie la Nouvelle Éve, elle fait aussi de la licorne le Nouveau Serpent et son opposé.

Dans les Arbres de Jessé de Bretagne, j'ai décrit de nombreux exemples de Vierge à la Démone où Marie terrasse une femme-serpent chimérique tenant une pomme : le schéma en est bien connu. Je propose de voir dans la Vierge à la licorne (confrontant Marie à un animal fabuleux) un équivalent qui s'enrichit et se complexifie avec le thème de la Chasse mystique et l'assimilation de la licorne au Christ. Cette complexité explique sans-doute la diffusion assez restreinte de cette belle métaphore.


 

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LES SOURCES ICONOGRAPHIQUES.

a) La Chasse à la licorne ou les marginalia.

Le thème de la "chasse de la licorne" est souvent représenté dans les enluminures des bestiaires et livres d'amour, de façon profane, comme description de la technique de chasse. Le site mandragore des enluminures de la Bnf en donne de nombreux exemples, assez identiques, où le chasseur vise ou blesse l'animal qui a été attiré par l'odeur d'une jeune fille servant d'appât.

— Les 158 images de licornes du site Mandragore :

http://mandragore.bnf.fr/jsp/classementThema.jsp

— Les 32 images de licornes du site Enluminure des Bibliothèques françaises :

http://www.enluminures.culture.fr/documentation/enlumine/fr/rechexperte_00.htm

Aix-en-Provence Ms 0222  page 309 Heures à l'usage de Rouen vers 1470

Orléans ms 0651 folio 13 Heures, seconde moitié XVe: en marge de l'Annonciation

http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_2=SUJET&VALUE_2=LICORNE&NUMBER=16&GRP=0&REQ=%28%28LICORNE%29%20%3aSUJET%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=9&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=100&MAX3=100&DOM=All

 

Verdun BM ms 0107  Bréviaire de Renaud de Bar f. 047v Bréviaire à l'usage de Verdun vers 1302-1305

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b) La licorne et la Vierge.

On sait que Schongauer est l'auteur de la Vierge au buisson de rose (Colmar, 1473). En 1448, à Cologne, Stefan Lochner avait peint sur le même sujet la Madonna im Rosenhag. Le fermail en or, émail et pierreries réunissant les pans de son manteau représente un ange, et une femme tenant une  licorne .

http://koelner-dom.de/index.php?id=18267

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c) L'Annonciation à la licorne ou Chasse mystique.

Les exemples en sont plus rares, mais plus intéressants ici. 

Je débuterai par une gravure anonyme de 1450 reproduite dans la thèse de Bruno Faidutti. Elle semble si proche de l'œuvre présente de Schongauer qu'elle peut avoir servi de modèle : on y trouve les mêmes motifs typologiques et allégoriques, les mêmes inscriptions.

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Annonciation à la licorne, gravure anonyme, vers 1450, in B. Faidutti.

Annonciation à la licorne, gravure anonyme, vers 1450, in B. Faidutti.

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Je placerai ensuite dans cette galerie ce précieux parchemin enluminé du Diurnal Dominicain, de 15 cm sur 10,5, daté vers 1500, et conservé à  Colmar dans la Bibliothèque des Dominicains, Ms 494 fol. 120v. Ce diurnal, livre de prières appartenait à une riche religieuse des Dominicaines d'Unterlinden, et devait se trouver dans le rayonnage de sa cellule pour son usage privé.  L'enluminure ornant le jour de l'Annonciation montre une Chasse mystique  où Gabriel tient ses quatre chiens :

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http://route-patrimoine-ecrit.fr/bibliographie/la-chasse-mystique/

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Puis, je présenterai l'enluminure conservé à la Morgan Library sous le titre Hunt of the Unicorn AnnunciationMS G.5, fols. 18v–19. Elle provient d'un Livre d'Heures et sert de frontispice aux Heures de la Vierge  à l'usage des chanoines augustiniens du Chapitre de  Windesheim (Pays-Bas), en latin et néerlandais. Ce manuscrit est daté des années 1500 , et serait donc postérieur au retable de Schongauer. Là encore, on retrouve toutes les caractéristiques principales de la Chasse mystique de Schongauer, sans les inscriptions.

Le commentaire de la Morgan Library indique que ce thème a été inredit par le Concile de Trente en 1563.

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http://www.themorgan.org/collection/livre-de-la-chasse/46

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On trouve aussi sur la toile ce tableau venant de la cathédrale d'Erfurt en Allemagne et daté vers 1420. Cette date antérieure à celle du retable des Dominicains lui donne tout son intérêt. Les donatrices (des religieuses présentées par saint Augustin) restent à l'extérieur de l'hortus conclusus, et tiennent des banderoles en hommage à la Vierge : O flores rosa mater domini, ou Tota pulchra es amica mea , ou Ave regina celorum, ou Recordare Virgo Mater  Le chasseur Gabriel sonne de la trompe, tient la lance et ses deux chiens (Spes et Fides)  face à la Vierge à la licorne tout comme à Colmar. Les autres motifs typologiques semblent manquer, hormis la fontaine fons signatus. La scène se déroule devant une assemblée de 10 saints saintes parmi les principaux intercesseurs : Scolastique, Maurice, Catherine, Marguerite, Georges, Claire Devant eux, des  anges musiciens et chanteurs.

Au dessus, un chœur d'anges chante le Regina coeli laetare tandis que Dieu, dans des nuées, envoie sous forme d'un homoncule l'Enfant avec ces mots : descendi in hortus meum.

Voir : http://archiv.ub.uni-heidelberg.de/artdok/2913/1/Kammel_Niedersachsen_in_Thueringen_2004.pdf.

Image Rolf Brecher Flickr

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Le retable à la licorne (Einhornaltar) du monastère de  Dambeck.

Il date de 1474, et est aujourd'hui exposé à l'église Sainte-Catherine (St. Katharinenkirche) à Salzwedel .

Sa date lui permet d'être une source possible pour celui de Colmar. L'ange Gabriel en veneur mène les chiens Veritas, Justicia, Misericordia et Pax vers la licorne sur les genoux de la Vierge . On trouve l'hortus conclusus, la verge d'Aaron, le Buisson Ardent, et la toison de Gédéon. Le panneau central est entouré de scènes de l'Enfance de Jésus puis de 16 figures de saints et apôtres. Les faces extérieurs des volets montrent 8 scènes de la Passion. 

http://www.sammlungen.hu-berlin.de/dokumente/43566/

 

Le retable à la licorne (Einhornaltar) du monastère de  Dambeck à Salzwedel. http://www.wikiwand.com/de/Katharinenkirche_(Salzwedel)

Le retable à la licorne (Einhornaltar) du monastère de Dambeck à Salzwedel. http://www.wikiwand.com/de/Katharinenkirche_(Salzwedel)

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En 2009, Didier Jugan, ingénieur d'études au Groupe de Recherches sur les Peintures Murales GRPM, a tenu une conférence sur « La chasse mystique à la licorne ». Il propose sur le site Pinterest une riche collection iconographique sur le thème de la licorne.

https://fr.pinterest.com/didierjugan/licorne/

Outre les marginalia des enluminures, et les Chasses à la licorne, on y trouve 14 images classées comme Chasse Mystique" :

https://fr.pinterest.com/didierjugan/chasse-mystique-%C3%A0-la-licorne/

Une photographie titrée "Schongauer 1489"  serait passionnante si des détails étaient disponibles sur sa localisation et l'authenticité de son attribution à Martin Schongauer. La scène de la Chasse mystique, dépouillée de tout le matériel typologique, se rapproche des Annonciations habituelles, Dieu envoyant sur Marie son Esprit sous la forme double d'une petite âme et d'une colombe. 

épinglé par Didier Jugan https://fr.pinterest.com/pin/537898749222097801/

épinglé par Didier Jugan https://fr.pinterest.com/pin/537898749222097801/

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Il propose aussi les images suivantes :

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https://fr.pinterest.com/pin/537898749224662694/

 

Erfurt Church St. Crucis (also called Neuwerkskirche) Annunciation - as the hunt of the unicorn - Altarpiece (1500-19)

Erfurt Church St. Crucis (also called Neuwerkskirche) Annunciation - as the hunt of the unicorn - Altarpiece (1500-19)

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Photo de petrus.agricola sur Flickr

Photo de petrus.agricola sur Flickr

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Parmi les autres exemples de Didier Jugan :

 

— Erfurt Church St. Crucis (also called Neuwerkskirche) Annunciation - as the hunt of the unicorn - Altarpiece (1500-19)

https://fr.pinterest.com/pin/537898749224662694/

Annunciation - shown as the hunt of the unicorn

— Photo de petrus.agricola sur Flickr

https://fr.pinterest.com/pin/537898749224662264/

— Annunciation with the Unicorn Polyptych by Anonymous (Silesia), 1480, Altar from the St. Elisabeth Church in Wrocław. Detail with the Virgin Mary holding the Unicorn.

https://fr.pinterest.com/pin/537898749224205979/

— Annunciation - as the hunt of the unicorn, Altarpiece (1525-50) - JWE D353 Erfurt (im Magazin des Diözesan-Kunst-Museums, not on view)

https://fr.pinterest.com/pin/537898749223056425/

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CHASSE MYSTIQUE ET ARBRE DE JESSÉ.

J'ai dit en introduction que cet article était un préalable à mon étude de la verrière de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Sens, qui inclut en son centre une Annonciation et, au dessus, une sorte de Chasse mystique. Michel Grandcolas a eu la gentillesse de me faire parvenir un autre exemple d'association de la chasse mystique et de l'Arbre de Jessé (Radix Iesse). C'est plutôt (comme à Vieu-Thann) une "Vigne de Jessé", où l'arbre est remplacé par un cep de vigne et les fleurs par des grappes de raisin en allusion au sang versé par le Christ et à l'Eucharistie : le sang du Christ alimente une fontaine mystique. La phylactère dit EGO SUM VITA  UNA --- Le tableau contient tous les items allègoriques du retable de Schongauer, mais aussi bien d'autres, comme l'étoile Stella Jacob, la porte étroite porta angusta, et bien d'autres auxquels la définition de l'image ne donne pas accès.

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Chasse mystique et Vigne de Jessé, Collection W. Steinmetx, Darmstadt.

Chasse mystique et Vigne de Jessé, Collection W. Steinmetx, Darmstadt.

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RÉCEPTION.

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Le retable des Dominicains de Schongauer a inspiré fortement celui situé dans le chœur de l'église St Jean-Baptiste à Buhl (vallée de Guebwiller, Haut-Rhin) et peint aux alentours de 1500. Sur une largeur de 7 mètres, il comporte 5 épisodes de la Passion du Christ. Son auteur pourrait être Urbain Huter auquel on attribue les peintures murales des Dominicains de Guebwiller.

Avant de considérer qu'il ne s'agit que d'une copie assez servile, on remarquera que ce retable n'a pas, à la différence de celui de Colmar, été amputé de sa partie haute, et que les détails qu'on y observe sont donc révélateurs de ceux qui manquent actuellement sur l'œuvre de Schongauer. Notamment les inscriptions Virga Aaron et ardi ----, mais surtout la partie haute de Dieu le Père comptant sur ses doigts sa rhétorique dans le Buisson , et surtout surtout la colombe nimbée qui fait le vol du Saint-Esprit au dessus de la Verge d'Aaron. 

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Chasse mystique et Adoration des Mages, Revers du volet gauche du Retable de Buhl (vers 1500), http://alsaceocoeur.over-blog.com/2016/02/le-retable-de-buhl-68.html

Chasse mystique et Adoration des Mages, Revers du volet gauche du Retable de Buhl (vers 1500), http://alsaceocoeur.over-blog.com/2016/02/le-retable-de-buhl-68.html

Chasse mystique, Revers du volet gauche du Retable de Buhl (vers 1500), http://alsaceocoeur.over-blog.com/2016/02/le-retable-de-buhl-68.html

Chasse mystique, Revers du volet gauche du Retable de Buhl (vers 1500), http://alsaceocoeur.over-blog.com/2016/02/le-retable-de-buhl-68.html

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Pour terminer, voici le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Sens, avec sa jeune fille à la licorne :

http://www.ipernity.com/doc/philippe_28/38827716/in/keyword/355129/self

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Arbre de Jessé (détail), cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

Arbre de Jessé (détail), cathédrale de Sens, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

— NARRO (Angel), 2015,Les versions françaises médiévales du Physiologos et la description de la licorne, Cloassical and Bysantine Monograps, Vol. LXXXIII. https://www.academia.edu/18601196/Les_versions_fran%C3%A7aises_m%C3%A9di%C3%A9vales_du_Physiologos_et_la_description_de_la_licorne

— FAIDUTTI (Bruno),  1996 , « Images et connaissance de la licorne - (Fin du Moyen Âge - xixe siècle) » thèse  à l'Université Paris XII sous la direction de Lucien Bély, Claudine Cohen, Michel Pastoureau.

http://www.faidutti.com/unicorn/theselicorne1.pdf

— LEROY (Chantal Leroy), Chasse mystique in La virginité de Marie: communications présentées à la 53e Session 

https://books.google.fr/books?id=eJCy6TSC2lQC&pg=PA210&dq=schongauer+%22chasse+mystique%22&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjh08igu8_NAhXGuRQKHW1gChAQ6AEIHDAA#v=onepage&q=schongauer%20%22chasse%20mystique%22&f=false

 

— MEYER (Lauriane) : je n'ai pas consulté ces références, mais leur intérêt impose que je les citent ici :

Thèse :

Cette  doctorante de l'EA3400-ARCHE prépare sa thèse "Le type iconographique de la chasse mystique : origine, évolution, significations." « L'introduction de l'Arbre de Jessé dans le thème iconographique de la chasse mystique » sous la co-direction de Marc-Carel Schurr (EA3400-ARCHE, Université de Strasbourg), et Thomas Zotz ( Albert-Ludwigs-Universität Freiburg im Breisgau, Allemagne).
Résumé : La chasse mystique est la représentation allégorique de l'Annonciation sous la forme d'une chasse à la licorne dans un jardin clos avec Gabriel, en veneur, qui mène la licorne en direction de la Vierge, la licorne étant le symbole du Christ. Certains exemples de notre corpus intègrent le thème iconographique de l'Arbre de Jessé. Nous souhaitons discuter de quelle(s) manière(s) ces deux thèmes présents dans le même espace vont pouvoir dialoguer et s'enrichir mutuellement.

"Entre le premier tiers du XIIIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle, on observe principalement dans l'espace germanique le développement et le rayonnement d'une représentation de l'Annonciation sous la forme allégorique d'une chasse à la licorne dans un jardin clos. La Vierge accueille en son sein la licorne, identifiée au Christ, poussée par Gabriel qui tient le rôle du chasseur : cette image est connue sous la dénomination de Chasse mystique. En étudiant cette iconographie particulière, nous cherchons à comprendre l'origine de sa formation et l'intérêt qu'elle a rencontré à l'époque médiévale principalement le long de l'axe du Rhin et des grands centres de la mystique rhénane. Nous cherchons également à dégager quelles peuvent être les interactions qu'elle entretient autant avec d'autres images et textes issus de la sphère religieuse que de la sphère profane. Enfin, nous nous questionnerons sur les causes possibles de son déclin."

Publications

« La Chasse mystique dans le décor sculpté de la cathédrale de Strasbourg », Bulletin de la cathédrale de Strasbourg (à paraître en 2016).

« L'iconographie de l'ancienne chapelle des Annonciades de Haguenau », colloque d'histoire du 900e anniversaire de la fondation de la ville de Haguenau (à paraître en 2015).

« Trois regards sur le retable des Dominicains », Annuaire de la Société d'histoire et d'Archéologie de Colmar,  2011-2012, Colmar, 2012, p. 25-50.

Communications

25 mars 2015 : « La Chasse mystique dans le décor sculpté de la cathédrale de Strasbourg », Société des Amis de la Cathédrale de Strasbourg, Palais Universitaire, Strasbourg.

16 janvier 2015 : « Les fresques de la chapelle des Annonciades », colloque Haguenau 900 ans d'histoire, 16 et 17 janvier 2015, IUT Haguenau.

19 juin 2014 : « La chasse mystique : une image-tiroir », communication à la Doctoriale Médiéviste du Grand Est, 19 juin 2014, Palais Universitaire, Université de Strasbourg.

25 octobre 2013 : « La chasse mystique : un type iconographique rhénan », communication Journées de l'EA 3400 ARCHE (Arts, Civilisation et Histoire de l'Europe), 24-25 octobre 2013.

12 décembre 2013 : « Le type iconographique de la chasse mystique », Centre Emmanuel Mounier, couvent des dominicains de Strasbourg, Histoire de l'Art et iconographie chrétienne, en partenariat avec le Rhin Mystique.

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Annonciation Schongauer
30 juin 2016 4 30 /06 /juin /2016 08:07

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de Chagall en la cathédrale de Reims (1974) : le travail de Charles Marq.

Réédition de l'article de juillet 2014.

Menée pas à pas vers la découverte de l’artiste et de l’œuvre, je me suis souvent demandée pourquoi la cathédrale m’envahissait d’un sentiment de bien-être. Chagall y était pour beaucoup. Les teintes bleues si raffinées et les expressions des personnages qui l’habitent ont surgi comme une réminiscence. La beauté des esprits incarnés dans ces vitraux donne à chacun la possibilité d’être soi. Le sentiment du sublime et la part de rêve qui le conditionne, s’offrent à chacun des visiteurs. Un peu comme une bulle au milieu du monde moderne, rythmé et bruyant. Car ces vitraux sont du Silence, porté par l’Image. Véronique Pintelon

Voir aussi :

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Voir dans ce blog lavieb-aile les articles consacrés aux Arbres de Jessé de Bretagne:

Les sculptures :

Et les vitraux :

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Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

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L'ensemble de 73,50 m² créé par Marc Chagall en 1974 vient vitrer les trois baies 1, 0 et 2 de la cathédrale de Reims dans la chapelle axiale du déambulatoire. Le peintre, alors octogénaire, renoue ainsi avec la tradition qui, depuis la basilique de Saint-Denis en 1144, a choisi cette emplacement d'élection, à l'extrémité de l'axe qui parcourt la nef et le chœur, pour y représenter l'Arbre de Jessé —témoignant de l'Incarnation—, et la Vie de Jésus et de la Vierge — témoignant de la Rédemption—. Hautes de 10 mètres, les verrières ferment les trois baies à deux lancettes jumelles ponctuées d'une rose. Financées par "la Fédération du Bâtiment et des Travaux publics de la région Champagne-Ardenne", et par la Société des Amis de la Cathédrale de Reims présidée par la princesse Jean de Caraman-Chimay, elles remplacèrent les fenêtres de Coffetier et Steinheil du XIXe siècle, qui furent replacées dans une chapelle absidiale.

La couleur très largement dominante est le bleu, qui ne se contente pas ici d'être un "fond" comme dans les vitraux de Chartres, d'Amien ou du Mans, mais forme la matière fondamentale donnant l'impression au spectateur de baigner dans un espace aquatique pour une expérience "océanique" (selon l'heureuse expression de Romain Rolland) de profonde communion spirituelle et, viscéralement, maternelle. Cette ambiance d'aquarium s'est vite transformée, alors que j'explorais de mes jumelles l'œuvre d'art, en impression de pénétrer, en plongée, de vastes espaces sous-marins, le fameux Monde du Silence, dans un champ visuel de faible empan faisant apparaître soudainement dans les ombres glauques et mauves des laminaires et la soupe de plancton, l'éclatante surprise d'un roi des mers ou d'une sirène, évanescente rencontre qui laissait la place à d'autres muets mystères, d'autres émerveillements. Ici, un ange déployait ses larges nageoires.

Car on constatera vite que rien n'est ici transparent, malgré l'exceptionnelle diffusion de la lumière, et que chaque surface bleue est inhomogène, dépolie de plages blanchâtres, envahie de myriades de sombres animalcules ou de bulles d'origine incertaine, animée de courants de particules avant d'être trouée par un puits de lumière rutilant d'orangé, mais encore diaphane. Nous sommes loin de l'organisation réglée et hiérarchisée des arbres de Jessé qui, étage après étage, alignaient des rois ou des prophètes logés dans une mandorle ou isolés sous un dais, puisqu'au contraire ces personnages, dûment présents, se confondent avec le milieu environnant et que, de loin, seul le Christ en croix est identifiable, les tâches rouges, vertes, mauves, jaunes ou or ne révélant la présence d'un occupant que lors d'une approche explorant ces grottes énigmatiques camouflées par le veinage du verre. Rien n'est figé mais tout fluctue au rythme de lents courants de matières qui se croisent, s'interpénètrent, contournent des globes flottant entre deux eaux, s'élèvent et virevoltent.

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I. Les deux lancettes et la rose de la baie de l'Arbre de Jessé.

Chaque lancette mesure 10 mètres de haut et 1,30 mètre de large.

Les deux lancettes sont divisées en deux registres, registre supérieur consacré à la Vierge à l'Enfant adoré par les fidèles, et registre inférieur occupé par Jessé et ses fils et petit-fils David et Salomon rois de Juda, ainsi que par Saül, roi d'Israël pour lequel David joua de la harpe.

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1°) La rose :

— Les prophètes annonciateurs du Christ et au dessus, entre deux anges, le Chandelier à sept branches (Menorah), qui remplace ici les sept colombes des Arbres du XII et XIIIe siècle pour un symbole proche, celui de l'Esprit de Dieu au travail pendant l'Ancien Testament.

Quel est l'élément central ? J'y discerne trois têtes animales, deux formes humaines, et des globes. Il s'agit du prophète Elie emporté par son char de feu. Autour de lui se trouvent Isaïe, Jérémie, Daniel et Jonas avec Job et Moïse.

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2°) La lancette A (de gauche).

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— Le peuple en prière devant la Vierge :

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— David jouant de la harpe :

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— Saül le roi rejeté

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3°) Lancette B (de droite).

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— La Vierge Marie portant l'Enfant.

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— Salomon rendant la justice

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— Du flanc de Jessé sort la tige génératrice des rois de Juda.

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— Jessé ; signature de Chagall.

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II. La baie de la Vie du Christ.

1°) La Rose :

Le rayonnement de l'Esprit Saint, coiffé de la Main de Dieu Créateur.

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Les lancettes.

Le sacrifice d'Isaac. Ce sacrifice, figure de celui du Christ, est relié intentionnellement au Christ en croix par une ligne oblique, celle de la descente de croix représentée comme l'échelle de Jacob.

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2°) Lancette A.

— Le Christ sortant vivant du tombeau :

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— Le Christ descendu de la croix

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— Le sacrifice d'Isaac

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— Isaac bénit Jacob, vue partielle (Jacob en rouge, 2/3 supérieur du cliché)

— Le songe de Jacob (1/3 inférieur)

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3°) Lancette B.

— Le Christ en croix

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— Abraham et Melchisédech

Melchisédech roi de Salem (Paix) fait une brève apparition alors qu' Abraham revient de la poursuite des quatre rois ligués qui avaient vaincu les rois de Sodome et de Gomorrhe, et qui avaient emmené Loth, neveu d'Abraham :

Genèse 14:17-19 Après qu'Abram fut revenu vainqueur de Kedorlaomer et des rois qui étaient avec lui, le roi de Sodome sortit à sa rencontre dans la vallée de Schavé, qui est la vallée du roi. Melchisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin: il était sacrificateur du Dieu Très Haut. Il bénit Abram, et dit: Béni soit Abram par le Dieu Très Haut, maître du ciel et de la terre! béni soit le Dieu Très Haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains! Et Abram lui donna la dîme de tout.

—Abraham reçoit les 3 anges/hommes sous les chênes de Mambré. (Genèse 18). C'est le bel épisode du rire de Sarah, qui annonce le nom d'Isaac son fils.

L'Éternel lui apparut parmi les chênes de Mamré, comme il était assis à l'entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. Il leva les yeux, et regarda: et voici, trois hommes étaient debout près de lui. Quand il les vit, il courut au-devant d'eux, depuis l'entrée de sa tente, et se prosterna en terre. Et il dit: Seigneur, si j'ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe point, je te prie, loin de ton serviteur. Permettez qu'on apporte un peu d'eau, pour vous laver les pieds; et reposez-vous sous cet arbre. J'irai prendre un morceau de pain, pour fortifier votre coeur; après quoi, vous continuerez votre route; car c'est pour cela que vous passez près de votre serviteur. Ils répondirent: Fais comme tu l'as dit. [...] Alors ils lui dirent: Où est Sara, ta femme? Il répondit: Elle est là, dans la tente. L'un d'entre eux dit: Je reviendrai vers toi à cette même époque; et voici, Sara, ta femme, aura un fils. Sara écoutait à l'entrée de la tente, qui était derrière lui. Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge: et Sara ne pouvait plus espérer avoir des enfants. Elle rit en elle-même, en disant: Maintenant que je suis vieille, aurais-je encore des désirs? Mon seigneur aussi est vieux. L'Éternel dit à Abraham: Pourquoi donc Sara a-t-elle ri, en disant: Est-ce que vraiment j'aurais un enfant, moi qui suis vieille? Y a-t-il rien qui soit étonnant de la part de l'Éternel? Au temps fixé je reviendrai vers toi, à cette même époque; et Sara aura un fils.

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— Abraham : le songe de l'Alliance :

Genèse 17 :Lorsque Abram fut âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, l’Éternel apparut à Abram, et lui dit : Je suis le Dieu tout puissant. Marche devant ma face, et sois intègre.J’établirai mon alliance entre moi et toi, et je te multiplierai à l’infini. Abram tomba sur sa face ; et Dieu lui parla, en disant : Voici mon alliance, que je fais avec toi. Tu deviendras père d’une multitude de nations.On ne t’appellera plus Abram ; mais ton nom sera Abraham, car je te rends père d’une multitude de nations. Je te rendrai fécond à l’infini, je ferai de toi des nations ; et des rois sortiront de toi.[...] C’est ici mon alliance, que vous garderez entre moi et vous, et ta postérité après toi : tout mâle parmi vous sera circoncis.[...] Dieu dit à Abraham : Tu ne donneras plus à Saraï, ta femme, le nom de Saraï ; mais son nom sera Sara. Je la bénirai, et je te donnerai d’elle un fils ; je la bénirai, et elle deviendra des nations ; des rois de peuples sortiront d’elle.Abraham tomba sur sa face ; il rit, et dit en son cœur : Naîtrait-il un fils à un homme de cent ans ? et Sara, âgée de quatre-vingt-dix ans, enfanterait-elle ? [...]Lorsqu’il eut achevé de lui parler, Dieu s’éleva au-dessus d’Abraham.

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Le personnage de droite peut donc être identifié comme Abram/Abraham, irradié d'or par sa rencontre avec Dieu, qui serait alors cette forme ronde couronné d'un triangle d'or et d'où partent des rayons divergents. L'oiseau serait l'Esprit de Dieu, qui correspond peut-être au verset Dieu s’éleva au-dessus d’Abraham. Tel Moïse devant le Buisson ardent, Abraham semble empli d'effroi respectueux et son corps est repoussé par le flux de la rencontre comme par une vague.

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III. La baie du couronnement des Rois de France à Reims.

1°) La rose :

— Vision de l'Apocalypse : l'Agneau entouré des quatre évangélistes, surmonté par les Attributs de la Royauté, la couronne royale, de la main de justice et de l’épée.

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2°) Lancette A.

— Les paraboles proposée aux rois de la terre :la parabole du Bon Samaritain. Ce serait une leçon de morale proposée aux rois : la parabole du Bon Samaritain qui figure en haut à droite rappelle à tous ces rois couronnés et à tous ceux qui contemplent ces vitraux que « nous serons jugés sur l'amour que nous aurons su donner aux autres. »

— Saint Louis rendant la justice

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— Le sacre du jeune saint Louis sur le parvis de la cathédrale.

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3°) Lancette B.

— La parabole du Royaume des Cieux

— Le sacre de Charles VII en présence de Jeanne d'Arc.

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— Le baptême de Clovis par saint Rémi en présence de Clotilde.

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Les vitraux de Reims : un épisode d'une histoire plus longue dans l'aventure de l'Art Sacré.

Au lendemain de la seconde Guerre, des hommes d’Eglise éclairés comme le Père Marie-Alain Couturier militent pour la diffusion des ateliers d'Art Sacré, et émettent l’idée de faire appel à des artistes même non croyants : « Il vaut mieux, estimait-il, s’adresser à des hommes de génie sans la foi qu’à des croyants sans talent. » Car selon lui : « tout art véritable est sacré ».

— Chagall a déjà conçu en 1957 des vitraux pour l' église Notre-Dame-de Toute-Grâce du plateau d’Assy, en association avec Bonnard, Braque, Léger, Matisse et Rouault, .

— En 1957, Robert Renard, architecte en chef des Monuments historiques, qui travaille alors avec l'Atelier Simon-Marq à la restauration des vitraux détériorés ou détruits par la Seconde Guerre Mondiale, a le premier l'idée de faire appel à un artiste contemporain pour créer un vitrail dans une baie ancienne, et s'adresse au peintre Jacques Villon (l'aîné des Duchamp). Ainsi sont créées les cinq baies de la chapelle du Saint-Sacrement de la cathédrale Saint-Etienne de Metz (coté sud de la nef), sur le thème de l'Eucharistie, réalisées par l'atelier de Charles Marq. Cette première tentative incite Robert Renard à solliciter ensuite Marc Chagall pour deux fenêtres du déambulatoire nord de la cathédrale de Metz. A cette occasion, le maître-verrier Charles Marq met au point un verre plaqué ou doublé

—Jérusalem, 1960 : série de vitraux, vite qualifiés de chef-d'œuvre, des Douze tribus d'Israël pour la synagogue du Centre médical universitaire Hadassah. Ils sont disposés en couronne ; la figure humaine en est exclue. Voir https://www.youtube.com/watch?v=UoirjEu4P60

Sarrebourg :

  • 1974-1976 Chapelle des Cordeliers : La Paix ou l'Arbre de Vie par Marc Chagall.
  • 1978 : Vitraux latéraux et triforium
  • 1991-1992 : vitraux d'après les cartons de Charles Marq.

—Reims.

Derrière Marc Chagall, et en amitié avec lui, le maître-verrier Charles Marq (1929-1985) ; les aspects techniques du vitrail.

Cette partie est un patchwork des articles cités en sources. J'espère n'avoir trahi personne.

Les vitraux de Reims sont nés d'une véritable amitié qui s'est développée entre le peintre Marc Chagall et le verrier Charles Marq. Mais avant d'en arriver là, il faut parler de l'atelier de la famille de verriers de Reims, les Simon.

1. La famille Simon, maîtres-verriers de Reims depuis 1640.

En-effet, c'est rencontre Brigitte Simon, et en l'épousant en 1949 que Charles Marq découvre le domaine du vitrail avant de reprendre avec elle l'atelier de vitrail. Car Brigitte est la fille de Jacques Simon, héritier d'une longue succession de maître-verriers installés à Reims depuis Pierre Simon, qui signe en 1640 un "petit chef-d'œuvre de corporation", verre peint aux émaux créé d'après la Visitation de Dürer et toujours conservé dans l'atelier. Depuis, de père en fils (ou en fille), sur douze générations, chacun a eu à cœur de transmettre son savoir-faire. Au début du XXe siècle, Jacques Simon succéda à Paul Simon, construisit en 1926 l'atelier actuel de style Art Déco au 44 de la rue Ponsardin. Au lendemain de la Première Guerre Mondiale et de ses bombardements, c'est grâce aux frottis aquarellés relevés par son grand-père Pierre-Paul entre 1850 et 1872 sur les vitraux de la cathédrale qu'il peut travailler à leur restauration ( après avoir déposés en urgence en 1917 de retour du Front où il avait été blessé le maximum des fenêtres), tout en se consacrant à la restauration de nombreuses verrières de Champagne-Ardenne et à la création de vitraux pour les édifices religieux, comme le "vitrail du Champagne" de la cathédrale, des édifices civils (Bibliothèque Carnégie de Reims).

En 1973 Benoît Marq, le fils de Charles et Brigitte entre à l'atelier et en 1981, il en reprend les rênes et dirige l'entreprise avec sa femme Stéphanie qui en devient, en 1986, directrice générale. Ils poursuivent la tradition familiale avec en parallèle un travail de restauration de grands ensemble de vitraux du XIIe au XVIe siècles des cathédrales de France, la création personnelle et la réalisation de vitraux de peintres : Vieira Da Silva, Raoul Ubac, Diana Schor… Les créations se suivent comme à l'église de Villenauxe-la-Grande dans l'Aube (200 m2 de vitraux réalisés) où à celle de Le Chesne dans les Ardennes. En 2014, après 374 années d'existence, l'atelier rémois Atelier Simon-Marq est actuellement entré dans le giron de la société Port-Royal.

"A l'ombre proche de la Cathédrale, les murs qui abritent l'atelier SIMON MARQ restent un outil de travail unique: deux immenses pièces pour le dessin et l’accrochage dont les plafonds et la verrière de six mètres de haut permettent un travail à l’échelle 1, plusieurs pièces dédiées à la fabrication, un four, une cabine de gravure et une autre de sablage, et un dédale de caves où sont conservés tous les verres.

Car la qualité des œuvres provient aussi d’une sélection rigoureuse des verres et des colorations qui sont souvent fabriqués sur-mesure afin de pouvoir rendre toute la richesse et toutes les nuances des créations. L’atelier référence ainsi une collection enrichie au gré des collaborations successives avec de grands artistes - en particulier Marc Chagall - de plus de 1200 tons, et entrepose des réserves des verres originaux utilisés pour chaque œuvre, afin de pouvoir répondre à toute demande de réparation ou de restauration. Cette démarche lui a permis de constituer le plus vaste stock existant de verres anciens, dont la plupart ne sont plus fabriqués de nos jours."

2. Biographie de Charles Marq.

Charles Marq (Paris 1923-1985) avait d'abord préparé une licence de philosophie à la Sorbonne, s'était intéressé à la musique et comme chef d'orchestre, et amateur de musique de chambre avait fondé en 1945 avec Pierre Bonnard la "Société de Musique italienne" à Reims. C'est dire que, bien que fervent amateur de peinture, il ne connaissait que peu de chose de l'art du vitrail lorsqu'il rencontra sa future épouse Brigitte Simon en 1946. A ses cotés, il en découvrira toute la magie, et le couple décida de reprendre l'atelier familial. Après la réalisation de vitraux personnels à Reims, Rethel et Lyon, Charles Marq exécute à partir de 1956 des vitraux avec les peintres Jacques Villon, Roger Bissière et Marc Chagall pour la cathédrale de Metz, et c'est avec Jacques Villon qu'il grave en 1958 ses premières eaux-fortes.

En 1959, il rencontre Joseph Sima d'où naît une longue et profonde amitié.

En 1960, il présente au Musée des Arts décoratifs de Paris puis au Museum d'Art Moderne de New-York l'exposition sur les vitraux de Chagall pour Jérusalem. En 1963, il réalise à la demande de Marguerite et Aimé Maeght lui demandent en 1963 de réaliser les vitraux de Braque et de Ubac pour la chapelle de la Fondation Maeght à St Paul de Vence ; puis l'année suivante Jacques Lassaigne le met en contact avec Poliakoff et Vieira Da Silva. Grâce à cette dernière il rencontre Denise Renard qui fera en 1968 sa première exposition personnelle à Paris, autour de ses 12 aquatintes illustrant le poème de Claude Esteban "Celle qui ne dort pas".

Il a réalisé de nombreux vitraux avec des artistes comme George Braque, Raoul Ubac, Poliakoff, Vieira Da Silva et il réalisera tous les vitraux de Chagall jusqu'en 1985.

Il est nommé Conservateur du Musée National du Message Biblique Marc Chagall à Nice en 1972, ou il restera deux ans. Tout en poursuivant son activité de peintre verrier dans le cadre de l'atelier Jacques Simon, son oeuvre personnelle devient sa préoccupation essentielle et il s'y consacrera entièrement à partir de 1982. Il sera exposé régulièrement à partir des années 70 par la Galerie Jacob à Paris. Il travaillera un peu partout, mais surtout dans le sillage de Joseph Sima, des époux Maeght.

Brigitte Simon et lui reçoivent le Grand Prix National des Métiers d'Art en 1990

Au-delà des vitraux, Brigitte Simon et Charles Marq seront donc également des peintres. Mais aussi, comme le souligne leur fils Benoît, avec Jacques Simon, « ils ont tous trois eu cette aspiration commune de recherche du beau, comme une quête mystique et spirituelle de la pureté, excluant tout artifice. il y a dans cette famille une qualité de transmission du savoir-faire, mais aussi du savoir aimer, avec l'exigence ».
De Charles Marq, François Chapon écrivait qu'il avait « révolutionné l'art du vitrail. grâce à sa sensibilité d'interprète et à son approche inventive des matériaux, il a permis à Chagall, Braque, Sima, de trouver dans la transparence de la lumière, une façon d'exprimer leur génie ».

L'aventure avec Chagall.

C'est l'architecte en chef Robert Renard qui met en relation Charles Marq et Marc Chagall. A l'époque, Marc Chagall n'est pas très satisfait du travail accompli à l'église du plateau d'Assy. Il accepte de rencontrer le Rémois. « La connexion s'est faite aussitôt, remémore Stéphanie Simon-Marq. Chagall avait une grande affection pour Charles. Il l'appelait, « mon petit Charles ». C'était son fils spirituel ».

Le peintre dépose ses valises trois ans durant dans l'atelier, venant presque chaque jour surveiller le travail en cours. L'aventure avec Chagall qui a commencé en 1958 se poursuit jusqu'à la mort de l'artiste en 1985.

Charles Marq raconte :

« Rentré à l’atelier j’essayai la gamme de tons, cherchant désormais dans le verre cette souplesse, cette continuité de la lumière. Ainsi, peu à peu, je fus amené à faire fabriquer une gamme complète de verres plaqués qui permettaient une modulation à l’intérieur d’un même verre. Par la gravure à l’acide on obtient ainsi un dégradé de valeur dans un même ton jusqu’à l’apparition du blanc pur dans la couleur, cela sans l’intermédiaire de serti noir de plomb. Cette lumière, que l’on découvre, est pour moi la vie même du vitrail, car c’est le blanc qui fait vivre la couleur, la détermine, la définit, limitant le mélange optique et jouant en tout lieu le rôle de ton de passage comme le noir le fait par le moyen de la grisaille. D’après la maquette, première proposition du peintre, Chagall attend alors ma propre proposition, faite cette fois de verres et de plombs. Et lorsqu’il dit : «Maintenant, montrez-moi ce que vous savez faire!" c’est bien de l’exigence de la liberté qu’il s’agit, de cette fois dans nos pauvres mains, capables, si Dieu le veut, de laisser passer la création. Il nous montre humblement que son génie est plus grand que lui, si grand qu’il peut aussi habiter les autres. Comme j’admire cette manière au-delà de lui-même lorsqu’il arrive à l’atelier. Mon travail est là, vitrail dont chaque point le concerne mais dont il n’est pas encore responsable. Avec quelle force il entre dans cette réalité dispersée, balbutiante, squelettique. « Je prends tout », comme il dit, ne s’attardant pas à la critique, mais sachant qu’il peut faire siennes toutes ces formes, ces couleurs qui lui sont encore étrangères. Il harmonise les verres, examinant, corrigeant, ne touchant qu’à quelques points essentiels, amis avec une étonnante précision. Et peut-être son amour de la France tient-il profondément à cet esprit de clairvoyance qu’elle lui apporte dans l’irrationnel.

Maintenant, le vitrail est « à faire ». Le verrier, comme la terre d’Adam a façonné le verre, les masses, les formes possibles, le poids de couleur nécessaire, mais le vitrail est là comme un être sans vie attendant le premier souffle. (…) Chagall travaille alors sous nos yeux éblouis. Il entre dans l’atelier avec l’exactitude d’un artisan qui sait quel travail permet qu’il sorte quelque chose, quelquefois aussi avec la précision de ces funambules qu’il aime et qui,là-haut, volent dans l’apesanteur par la grâce d’un immense travail quotidien. Artisan trouvant la vie au contact des matériaux, comme au contact des fleurs, des poètes ou des pauvres hommes. Matériaux qui, dit-il, est un talisman,… toucher ce talisman est une question de sentiment. L’idée dit toujours trop ou trop peu et l’intellect, pour lui, est resté à la porte de l’atelier. Dans l’âme, il y a une intelligence, mais dans l’intelligence il n’y a pas toujours d’âme. Il peint. La grisaille, par le seul pouvoir de la valeur et du trait, lui permettant maintenant, de tout justifier… (…) Et dans ce va-et-vient incessant le vitrail prend naissance et trouve peu à peu sa forme. Il n’y a là ni sujet, ni technique, ni sentiment, ni même sensibilité…seulement un mystérieux rapport entre la lumière et l’œil, entre la grisaille et la main, entre l’espace et le temps… comme biologique, comme moléculaire, devenant visible en rythme, couleur, proportion. Et quand le verre sembla avoir reçu son poids exact de grisaille, sa juste quantité de vie, la main s’arrête comme tenue par une autre main. Mais toute forme qui n’a pas reçu tout le sang du peintre, meurt, se flétrit, se fane, se dissout. Ah, ce n’est pas le coloriage, çà ! Pas question de rouge et de bleu là-dedans…Trouvez votre couleur et vous avez gagné. La grisaille s’étend par nappes, par accents, ordonnant, orchestrant par la valeur, jusqu’à l’instant où se perçoit cette sonorité de la couleur-sensation. Lumière…Vous la tuez ou elle vous tue, ce n’est que cela. Lumière qui traverse directement l’œuvre à peindre, qui l’anime et la fait vivre, mais qu’il faut dompter, diriger, tenir prisonnière du verre, laisser vivre à sa juste place » ( Les vitraux de Chagall, 1957-1970 cité par V. Pintelon p.47-48)

Le verre utilisé : la verrerie de Saint-Just-sur-Loire.

Le verre utilisé à Reims par l'atelier Marq est fabriqué à partir de sable de la Loire provenant des verreries de Saint-Just à Saint-Just-sur-Loire (depuis 1972 commune de Saint-Just-Saint-Rambert au NO de Saint-Etienne). Il s'agit pour les vitraux de verres soufflés, seuls capables de diffuser vraiment la lumière et, par rapport aux verres industriels, de leur donner la vibration nécessaire.

Celui-ci sera donc d'abord plaqué, découpé puis peint à la grisaille et cuit au four.

La verrerie de Saint-Just, rattachée au groupe Saint-Gobain depuis 1948, a été créée en 1826 par ordonnance de Charles X, utilisant le sable de la Loire pour le silice, le charbon des mines voisines de Saint Etienne pour les fours de fusion et le transport fluvial pour assurer les débouchés commerciaux. En 1865, Mathias André Pelletier en devient propriétaire et spécialise la Verrerie dans le verre de couleur soufflé à la bouche de la Verrerie en 1865, reprenant ainsi l’art du verre soufflé de France, de Suisse et de Bohème, art qui sera transmis de père en fils : les verriers soufflent de grands "manchons" (grandes bouteilles) qui sont ensuite aplanis pour devenir de véritables feuilles de verre. Par ses recherches Mathias André Pelletier ressuscite la splendeur des exceptionnels rouges et bleus des vitraux du Moyen-Âge et crée de nouvelles gammes de couleurs qui composent la collection la plus complète au monde. La Verrerie devient vite la référence pour les restaurations de vitraux de cathédrales et de châteaux dans toute l’Europe. 1937 est l'année de la création de la dalle de verre couleur pour l’artiste Auguste Labouret. La Verrerie de Saint-Just est devenue en Europe, le fournisseur de référence des verres et vitraux des bâtiments historiques dans le domaine de la restauration d’art.

Certains des verres utilisés par Charles Marq ont été réalisés spécialement à sa demande.

La technique utilisé : le verre plaqué ou doublé.

Charles Marq a retrouvé une technique utilisée par les verriers du Moyen-Âge et de la Renaissance , le verre plaqué (ou doublé). Il a d'abord été utilisé par ces derniers pour résoudre une difficulté technique : le verre rouge, lorsqu'il est aussi épais que les autres verres, apparaît si sombre qu'il est presque noir. Ils ont donc plaqué un verre rouge très fin sur un verre blanc d'épaisseur habituelle. Puis, ils ajoutèrent une autre technique, la gravure de ce verre rouge très fin, pour y dessiner des motifs blancs (lignes, pastilles rondes). Quoique cela concerne essentiellement alors le verre rouge, on connaît des verres plaqués et gravés d'autre couleurs (bleu notamment). L'inconvénient est que ce verre fin ancien étant plus fragile aux altérations est attaqué par la corrosion acide, faisant apparaître des mouchetures ou des plages blanches involontaires.

L'intérêt de cette technique est de disposer, dans une pièce de verre sertie de plombs et qui est d'habitude obligatoirement d'une seule couleur, de motifs blancs, ou jaune lorsqu'ils sont rehaussés d'un émail au jaune d'argent en évitant ainsi l’assemblage de plusieurs morceaux et la présence des plombs d’assemblage. Le verre est ainsi composé de deux couches différentes, l'une est fine (3/10° de mm sur les 3 mm d'épaisseur totale) et coloriée alors que l'autre est blanche ou légèrement teintée et assure la solidité.

Le verre coloré peut être diminué dans son épaisseur soit par gravage à la meule d'émeri, soit à l'époque moderne au jet de sable ou par attaque à l'acide fluorhydrique, ce qui permet de moduler la teinte en diverses modalités : les ateliers Marq font la gravure à l'acide. On peut, en faisant varier l'épaisseur de la gravure, obtenir des variations d'intensité de couleur et donc des modelés que, dans le procédé traditionnel on obtient avec des touches de grisaille. On peut même supprimer complètement le verre de couleur par endroits.

La verrerie de Saint-Just fabrique l'Art Glass Plaqué, de 2,5 à 5 mm d'épaisseur, qui doit sa particularité à la fine couche d'émail de couleur déposée sur une base de verre soufflé clair ou de couleur. C'est cet émail qui peut ensuite être gravé. Le miroitement et la brillance exceptionnelle de ce verre sont obtenus grâce aux oxydes utilisés.

Document © verrerie de Saint-Just dont le site en lien montre la palette de la cinquantaine de coloris proposée :

Croquis, dessins, maquettes: les étapes de la réalisation du vitrail.

  1. Chagall réalise des petits croquis en noir et blanc au crayon ou à l'encre de Chine au pinceau,

  2. Dessins préparatoires à l'encre de Chine, lavis, plume et crayon, avec déjà des indications d'ombre et de lumière,

  3. esquisses à la gouache et à l'aquarelle où apparaît la couleur, et décidant du rythme général des plombs.

  4. Maquettes où les masses de couleurs s'organisent selon le mouvement de papiers découpés, de gaze teintée et d' étoffes collées. Dans les grandes maquettes, qui serviront pour la construction générale de la mise au plomb, les rythmes et les couleurs sont établis, mais l'emplacement des plombs n'est que suggéré, restant de la compétence du verrier.

  5. Intervention de Charles Marq, interprète du peintre. Il s'assure auprès de la verrerie Saint-Just de la préparation des échantillons de verre correspondant au spectre chagallien. Il entreprend la mise au plomb générale et reporte le dessin sur le verre pour procéder à sa découpe.Puis vient le carton à grandeur d’exécution, déterminant le tracé des plombs que Chagall considérait comme « les os » de la verrière, la grandeur des verres à découper et les valeurs colorées aux tonalités chaudes et froides. Chaque plomb épouse sensuellement les formes des personnages et donnent à l’ensemble une harmonie secrète

  6. Nouvelle intervention de Chagall qui doit se réapproprier son œuvre. À la lumière, devant la fenêtre, commence alors un long travail de révision, Chagall travaillant à exalter la couleur et à libérer la lumière, faisant reprendre plusieurs fois certaines parties, discutant et justifiant chaque plomb et chaque verre pour exalter la couleur et libérer la lumière. C'est le vrai travail de peinture sur verre : usage de la grisaille, l'émail brun, noir ou gris étant travaillé par des coups de brosse, de griffes, de piqûres en tons de noirs opaques, de gris transparents et d'espaces de lumière crue ; usage du jaune d'argent avec ses tons jaune pâle à orangé sur les fonds blancs, vert brillant sur le verre bleu ; recours à la gravure en grattant les plaques colorées et les affinant, ici et là, par une application d'acide. La gravure permet ainsi d'éclairer la couleur, comme la peinture sur verre permet de lui donner une ombre.

  7. Charles Marcq entreprend la mise au plomb générale.

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Ré-examiner le vitrail selon ces données techniques.

Je reprends, après avoir acquis ces notions techniques, n'importe laquelle des vues de détail pour y appliquer ces découvertes. Prenons par exemple celui-ci :

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Le réseau des plombs montre combien il participe à la dynamisation du dessin, entraînant chaque pièce dans un mouvement d'ensemble, et on peut passer un long moment à se laisser porter par cette animation des lignes.

En me livrant à cet examen, je découvre aussi la signature Marc Chagall Reims 19.. du coin inférieur gauche.

L' aile droite, le corps de l'oiseau et sa queue sont taillées dans trois pièces vert clair, mais la couleur a été ôtée en grande partie par l'acide ; le vert restant, loin d'être homogène, a été atténué par des passages plus légers qui tracent des sortes de vermicules. Quelques traits à la grisaille sombre structurent le corps, et une grisaille plus pâle vient nervurer l'aile. La pièce de la tête semble blanche, mais elle est ourlée de bleu, ce qui ne peut être obtenue qu'en étant parti d'un verre entièrement bleu et largement décoloré par l'acide fluorhydrique ; l'œil est fait d'une tache de grisaille, mais le peintre a aussi tracé un réseau grus clair et un trait pour la bouche. L'aile gauche est violette, mais comment ce violet a-t-il été réalisé ? J'examine les autres pièces teintées de violet du panneau, et je constate que cette teinte est toujours associé au bleu : le verrier n'a pas utilisé un verre violet, mais il a (sans-doute) appliqué un émail rouge ou rose sur le verre bleu.

De même, la tache jaune orangée de l'épaule droite du personnage n'est pas cernée de plomb, ce n'est pas un verre jaune, mais un verre bleu qui a été blanchi à l'acide puis peint au jaune d'argent et veinuré de grisaille.

Chaque verre fait l'objet d'un travail très complexe, comme le révèle un très gros plan du visage d'Abraham :

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Enfin, pour apprécier les choix techniques effectués, je placerai ici en comparaison la vue d'un panneau du vitrail voisin, réalisé en 2011, également par l'atelier Simon Marq et par l'atelier Duchemin de Paris sur un carton du peintre Imi Knoebel : le verre ne vient pas de la verrerie Saint-Just mais d'une verrerie allemande, il n'y a pas de peinture des verres en grisaille, pas d'application de jaune d'argent, pas de gravure du verre, et les pièces sont des monochromes bleues, rouges ou jaunes. Enfin le dessin est purement abstrait.

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Note : les critiques sont non seulement admises, mais elles seront accueillies avec gratitude.

Sources et liens.

PINTELON (Véronique) 2004 Les conditions artistiques, administratives et historiques de la réalisation des vitraux de Marc Chagall à la cathédrale de Reims http://www.cathedrale-reims.culture.fr/documents/chagall-pintelon.pdf

MARTEAU (Robert) 1971 Les vitraux de Chagall 1957-1970, Postface de Charles Marq, chez A.C Mazo éditeur, Paris.

PARDOUX (Pierre) De quelques considérations sur la technique du vitrail,http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/34409/ANM_1984_192.pdf?sequence=1

http://www.lunion.presse.fr/article/culture-et-loisirs/atelier-simon-marq-lart-du-vitrail-de-pere-en-fils

http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/brigitte-simon-et-charles-marq-hommage-a-deux-etres-%C2%AB-solaires-%C2%BB

http://www.britishpathe.com/video/marc-chagall-works-on-a-series-of-stained-glass-wi

— A propos de Charles Marq et de son atelier:

- Les grandes familles de verriers http://www.lexpress.fr/informations/les-simon_649306.html

-biographie : http://galeriesabinepuget.com/old/artistes/marq_bio.php

- Articles de l'Union L'ardennais

- http://www.cathedrale-reims.culture.fr/vitraux-marc-chagall.html

- http://www.franceinter.fr/dossier-marc-chagall-la-tapisserie-de-verre

- http://www.limousin.culture.gouv.fr/IMG/pdf/plaquette_internet_voutezac-2.pdf

- http://www.gaumontpathearchives.com/indexPopup.php?urlaction=doc&langue=EN&id_doc=218544

http://www.ateliersimonmarq.com/public/site/parutions/131201%20geo%20magazine/

131201%20ASM-%20Geo-Magazine.pdf

-https://franckjegou.wordpress.com/tag/atelier-simon-marq/

— Site de la verrerie de Saint-Just : http://www.saint-just.com/fr

— Chagall à Metz ; http://espacetrevisse.e-monsite.com/pages/mes-travaux-personnels-notes-etudes/vitraux-chagall-a-metz.html

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Published by jean-yves cordier - dans Chagall Arbre de Jessé Vitraux
27 juin 2016 1 27 /06 /juin /2016 13:44

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Cette verrière de 12 m de haut sur 7 m de large  porte aussi le titre "La Paix", que j'éviterai afin d'éviter toute confusion avec le vitrail de l'ONU à New-York (1964), et parce que le titre "L'Arbre de Vie" est en adéquation parfaite avec l'œuvre de Sarrebourg. L'Arbre de Vie est un thème présent depuis le début de l'Histoire dans toutes les Civilisations, en dehors ou dans le cadre des symboles religieux. Il est à la fois lié au chandelier à sept branches hébraïque, à l'Arbre de Vie de la Genèse (Gn 2:9) placé dans le Paradis avec l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, ou à l'Arbre de Jessé de la Généalogie de Jésus. 

Mais j'aime ce vitrail parce qu'il peut simplement représenter la floraison de la Vie, née de la Terre et de la Mère et trouvant son épanouissement dans l'Amour, symbolisé par l'étreinte qui unit le couple central. Mille visages sont discernables dans les ballons rouges qui l'entourent.

Mon blog se nomme lavieb-aile, et cette image de la Vie belle et odorante comme un bouquet pourrait lui servir d'emblème.

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L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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La signature (coin inférieur droit).

Lorsque la municipalité de Sarrebourg décida de restaurer la chapelle des Cordeliers, le projet fut confié à Robert Renard, architecte en chef des Monuments historiques, et à Eugène Voltz, architecte des Bâtiments de France. Seul le chœur gothique fut restauré et l'ancienne caserne qui occupait la nef fut démolie. La baie qu'occupe actuellement le vitrail était fermée, et Robert Renard proposa de l'ouvrir et de faire appel à Marc Chagall pour y créer un vitrail. En 1959, l'architecte avait déjà demandé à Chagall de créer les maquettes des vitraux du déambulatoire nord de la cathédrale de Metz. Dès 1957, Marc Chagall venait régulièrement à Reims, où il travailla, en collaboration avec l'Atelier Jacques Simon, à la réalisation d'un certain nombre de projets importants en France et dans le monde (cathédrale de Metz, siège des Nations-Unies à New-York, église de Tudeley, chapelle Rockefeller à Pocantino Hill, etc.). Contacté, Marc Chagall accepta de créer un vitrail à Sarrebourg à condition que celui-ci soit réalisé par Charles Marcq dans l'atelier Simon de Reims (où fut également créer l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Reims).

Dans un courrier à Pierre Messmer, maire de Sarrebourg, Chagall exprime l'intention de traiter le thème de la Vie en lien dans son esprit avec celui du Paradis. En 1974, il exécuta une suite de six esquisses à l'aquarelle, à la gouache, à l'encre de Chine et  au crayon, en utilisant des collages de papiers et de tissus. L'élément central est un bouquet éclatant qui jaillit sur le fond bleu et que viennent entourer d'autres scènes colorées, dont les figures seront ensuite dessinées avec précision à l'encre de Chine.

Mais Chagall ne colle pas seulement des morceaux de papiers gouachés (comme le faisait aussi Matisse pour le vitrail de la chapelle de Saint-Paul-de-Vence, mais aussi des morceaux de son œuvre picturale existante : ce vitrail est un puzzle de pièces qui appartiennent notamment, nous le verrons, au corpus des 105 gravures de Bible (préparée dès 1925 avec Ambroise Vollard et parue en 1956 chez Tériade).

En effet, Marc Chagall, né en 1887 dans la ville russe de Vitebsk dans une famille juive, scolarisé pour le primaire au heder (école juive),  et dont le grand-père était chantre de la synagogue, a été imprégné par les textes du Tanakh : la Torah (Pentateuque), les Nev'im (Prophètes) et les Ketouvim (les Hagiographes). En 1906-1907 et jusqu'en 1909, il suit des cours d'art à Saint-Petersbourg où il a l'occasion de découvrir la peinture religieuse orthodoxe liée au Nouveau Testament. Il peint La Sainte Famille (1909), puis lorsqu'il est à Paris Adam et Ève (1911) et le Golgotha en 1910.

Mais ses découpages puisent aussi dans son œuvre profane, dans son bestiaire, dans ses peintures de couples. 

 

 Esquisse de 1974 : Nice, Musée national Marc Chagall : http://www.photo.rmn.fr/archive/00-015359-2C6NU0VU2K4U.html

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Charles Marcq et Robert Renard présentèrent officiellement la maquette définitive à Pierre Messmer le 18 avril 1974. 

 Esquisse, 1974 : http://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&VBID=2CO5PCD8OXUO8#/SearchResult&VBID=2CO5PCD8OXUO8&PN=1

 

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1976 : la maquette est divisée par le quadrillage en 9 panneaux, ce qui est également le cas du vitrail. Mais dans celui-ci, chaque rectangle délimité par les épaisses barlotières sont eux-mêmes divisés en 15 à 20 panneaux, avec une certaine irrégularité des lignes verticales.

http://www.revendeurs.rmngp.fr/fr/catalogue/produit/2608-la-chapelle-des-cordeliers-sarrebourg-la-paix-ou-arbre-de-vie.html?r=L2ZyL2NhdGFsb2d1ZS9yZWNoZXJjaGUvNT9hcj1tYXJjLWNoYWdhbGwtMTg4Ny0xOTg1Jm9yZGVyQnk9YWxwaGFfYXNj

 

 

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Le vitrail est signé Marc Chagall REIMS 1975 St Paul 1976. Reims mentionne le séjour de Chagall à l'atelier du maître-verrier Jacques Simon (1890-1974) et de sa fille Brigitte, l'épouse du verrier Charles Marq.

"St Paul" renvoie bien-sûr à Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes), où Marc et Vava Chagall habitèrent de 1966 à 1985 dans leur grande maison baptisée "La Colline", peignant d'innombrables paysages de Saint-Paul de Vence où des couples d'amoureux, nichés dans des ciels bleus toujours sereins, côtoient oiseaux et bouquets de fleurs, flottant au-dessus du village et de ses remparts. Cette omniprésence des bouquets et du couple d'amoureux, dans un contexte non religieux, peut nous aider à interpréter le vitrail.

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L'Arbre de Vie (1976) : signature de Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

L'Arbre de Vie (1976) : signature de Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

Chagall peignant,  photographie lavieb-aile d'une photo lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

Chagall peignant, photographie lavieb-aile d'une photo lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

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Lorsqu'on entre dans la chapelle, on est frappé par la monumentalité du vitrail dont la couleur bleue prédomine. On discerne immédiatement qu'un couple d'amoureux est peint au milieu de verdures et d'un foisonnement de taches multicolores évoquant des fleurs. Si on se rapproche, c'est la partie basse qui devient accessible au regard, et on aperçoit, comme adossée, une mère tenant un enfant. Ailleurs, levant les yeux, une foule de personnages, d'animaux, évoquent dans la mémoire le vocabulaire pictural de Chagall, mais quel est le fil conducteur de tout cela ?

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L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Pour m'y retrouver, j'ai divisé le vitrail en huit secteurs thématiques : l'Arbre au centre (2) lui-même divisible en deux registres ; la Terre (1) centrée par la Mère et son enfant. Puis, tournant autour du feuillage-bouquet de gauche à droite, des scènes évangéliques ou bibliques : l'Entrée de Jésus à Jérusalem (3), la Crucifixion (4), le Sermon des Béatitudes (5), et un regroupement d'objets évoquant le monde juif de l'enfance de Chagall (6) et les scènes évoquant Abraham et Isaïe (7  à 8). Ce schéma est aussi celui que je retrouve ensuite dans les descriptions suivant lesquelles "Autour du bouquet, les scènes représentées participent à l’élaboration du message universel de paix confrontant Ancien (Isaïe, la vision d’Isaïe, les tables de la Loi, la Ménorah, Abraham et les trois anges, David) et Nouveau Testament (la Crucifixion, l’entrée du Christ dans Jérusalem, le sermon sur la montagne). "

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L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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1. LA TERRE / LA MÉRE.

Dans une dominance de couleurs bleu-métal et vert (une seule petite pièce rouge), de formes triangulaires ou géométriques à sommets aigus (les seules formes rondes sont celles de la femme et de deux cerfs), la base du vitrail, qui sert d'implantation à l'arbre, contraste par sa froideur avec l'envolée de balles, de cerises ou de pétales du bouquet central. Les lignes qui se croisent forment ici peut-être des terrains cadastraux, là sûrement des édifices avec quelques clochers. Nous sommes loin de Gaïa, la Terre nourricière. Plus loin encore du jardin d'Éden, le paradis de la Genèse, arrosé par les quatre bras d'un fleuve généreux. 

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1. La Terre/ La Mère, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

1. La Terre/ La Mère, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Mais au centre de ce paysage horizontal, et peu discernable d'abord, à coté d'une maison, nous voyons une femme à la tête voilée (nimbée ?), tenant son enfant sur la hanche gauche. Les verres, bleus et blancs, sont cerclés par des plombs qui dessinent une courbe douce, en conque. La femme penche la tête vers la droite et  légèrement vers le bas, et on ne sait si ses yeux noirs nous regardent, ou si elle est perdue dans ses pensées. L'enfant se résume à un cercle, trois ronds et la silhouette du nez. 

Ce couple mère-enfant est adossé à deux lignes en V montant vers le haut qui dessinent le tronc de l'Arbre de Vie. Je pense immédiatement à l'Arbre de Jessé, où le tronc naît du corps du patriarche à l'origine des rois de Juda avant de donner sa dernière tige, la Vierge, et son rejeton, l'Emmanuel. C'est ici l'inverse, et si on voit ces deux figures comme la Vierge et Jésus, ce sont eux qui servent de point d'origine à l'Arbre. Ce qui n'est pas une incongruité théologique si Marie est présentée comme la nouvelle Éve. Mais est-ce l'idée de Chagall ?

La femme est peut-être, tout simplement, la propre mère de Chagall, qu'il se représente, dans les lointais bleutés de ses souvenirs et de ses émotions,  le tenant dans ses bras pour nous dire : toute la floraison de ma vie a débuté là !

Ou bien, plus généralement, c'est la dualité Mère-Enfant qui est placée ainsi à la base de l'arbre existentiel, puisque tout amour humain s'y enracine.

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  La Mère et l'Enfant au pied de l'Arbre, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

La Mère et l'Enfant au pied de l'Arbre, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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 La Mère et l'Enfant au pied de l'Arbre, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

La Mère et l'Enfant au pied de l'Arbre, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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 La Mère et l'Enfant au pied de l'Arbre, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

La Mère et l'Enfant au pied de l'Arbre, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Ce verre est soufflé de bulles oblongues qui tombent en pluie diagonale et créent un effet impressionnant, dans lequel je vois tantôt la marque de chagrins accumulés (la Mère devient une Mater Dolorosa), tantôt les rayures d'un vieux cliché dans un album de famille (c'est une vieille photo de grand-mère). Ou encore un verre de Murano sur laquelle une belle aurait laissé la trace de ses lèvres noires.

 

 La Mère et l'Enfant au pied de l'Arbre, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

La Mère et l'Enfant au pied de l'Arbre, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Dans la partie droite, Chagall a peint des cerfs, des bois, des maisons pour évoquer le pays de Sarrebourg, comme l'avait souhaité Pierre Messmer. Mais c'est un pays très ancien, submergé par des eaux glauques . Ce cerf tire sa féerie des forêts de Chrétien de Troye. Entre deux mondes.

 

 verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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II. L'ARBRE DE VIE / LE COUPLE.

Depuis le sol, l'Arbre s'élève, avec sa base  verte et ligneuse, qui s'élargit brusquement en une floraison d'un rouge soutenu.

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2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Au sommet partiel de ce bouquet, un être descend en volant, venant de la droite. Il pourrait s'agir d'un ange, si les hommes et femmes volant comme dans le conte de Peter Pan n'abondait pas dans la peinture de Chagall, toujours lié à la liberté que confère le sentiment amoureux, et l'art.

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2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

LE COUPLE.

Si on considère que l'Arbre est celui du Paradis, ce couple est celui d'Ève et d'Adam : Chagall n'est pas contre, et il l'a placé sous de vertes frondaisons d'un possible pommier, tandis qu'il a laissé courir à coté des formes serpentines. 

Mais s'il s'agit de l'arbre de l'existence humaine (ou de celle de Marc Chagall), s'il a pris racine dans la relation duelle de la mère aimant son enfant, s'il s'est développé dans les vertes années enfantines, s'est brûlé aux rouges passions adolescentes, alors ce couple est celui de la relation amoureuse : c'est le couple stéréotypé des amants de Peynet (1908-1999) : c'est le couple éternel, Tristan et Iseult, Roméo et Juliette et Paul et Virginie. 

 

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2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

2. L'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Chagall peint Adam et Ève, mais aussi Lui et Bella, Lui et Virginia, Lui et Vava. Les amants nous regardent, elle de face, lui de trois-quart avec un œil malicieux, presque un clin d'œil de complicité.

 

 Les amants de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

Les amants de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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3. L'ENTRÉE DE JÉSUS A JÉRUSALEM
 

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3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Il y a, en raison du fond bleu et des lumières orangées brillant comme des lampions, une ambiance de fête. C'est la fête des Rameaux où les habitants étendent des vêtements devant l'ânon que monte Jésus et agitent des palmes. C'est aussi la joie de toute belle journée, où les gens rient, sont heureux, dans une atmosphère paisible et bon-enfant, comme dans les souvenirs d'enfance de Chagall où l'on se rendait à la foire. 

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3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Une citation possible: L'Arc-en-ciel (1927), détail.

 

L'Arc-en-ciel (détail), 1927,  photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

L'Arc-en-ciel (détail), 1927, photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

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Le roi David.

David joue de la harpe, et anime de sa musique la scène, comme ailleurs les joueurs de violon et de clarinette.

Chagall reprend le David gravé puis peint pour Bible (1956).

 

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David jouant de la harpe, 3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

David jouant de la harpe, 3. L'Entrée à Jérusalem, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Cantique de l'arc (détail), in Bible, gravure 66 tome II, photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

Cantique de l'arc (détail), in Bible, gravure 66 tome II, photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

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4. LA CRUCIFIXION DU CHRIST.

C'est une "Crucifixion" (un soldat romain monté sur l'échelle clouant le poignet droit), mais quel est cet homme lisant un livre ? Bizarrement, la Vierge tient son Enfant et semble lui donner le sein. La scène n'a pas d'exactitude littérale, elle a celle du monde onirique de l'artiste. Là encore, Chagall cite des œuvres antérieures qui "expliquent" ces particularités.

 

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4. La Crucifixion, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

4. La Crucifixion, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Dans La Crucifixion en  jaune de 1942, une femme allaitant son enfant figure aussi juste au pied du Christ. Elle fuit, avec sa chèvre, les persécutions et son village en feu. Le Christ porte sur le front son tefillin, dont les lanières s'enroulent sur le bras gauche : ce "serviteur souffrant " est donc ici manifestement juif et témoigne des souffrances subies par son peuple. Cela montre la complexité de la figure du Christ pour Chagall, et des scènes qui figurent sur le vitrail. 

 

La Crucifixion en  jaune (Huile sur lin, 1942, Centre Pompidou, Paris) photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

La Crucifixion en jaune (Huile sur lin, 1942, Centre Pompidou, Paris) photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

4. La Crucifixion, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

4. La Crucifixion, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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En dessous, il semble s'agir de l'Assomption (ou d'une pâmoison ?) : la Vierge —ou du moins, une femme—  est entourée de trois anges .

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4. La Crucifixion, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

4. La Crucifixion, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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4. La Crucifixion, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

4. La Crucifixion, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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5. JÉSUS PRÊCHANT A SES DISCIPLES.

 

On imagine volontiers, connaissant Chagall, que cette prédication est le Sermon des Béatitudes. D'autant plus logique dans une chapelle de Cordeliers, c'est à dire de moines franciscains

" Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux.
 Heureux les affligés, car ils seront consolés.
 Heureux les doux, car ils posséderont la terre.
 Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.
 Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
 Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
 Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux.
 Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu'on vous persécutera, et qu'on dira faussement contre vous toute sorte d'infamie à cause de moi. " (Mt 5:3-11)

 

5. Jésus prêchant à ses disciples, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

5. Jésus prêchant à ses disciples, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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6. SCÈNE BIBLIQUE (?).

Je vois ici : un "bœuf" ; un chandelier à trois branches rappelant la Menorah (à sept branches)  ; les Tables de la Loi ; deux oiseaux ; un visage de jeune-fille coiffée d'une voilette .

Je ne sais pas comment réunir tout cela.

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6. Scène biblique ?, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

6. Scène biblique ?, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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6. Scène biblique ?, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

6. Scène biblique ?, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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6. Scène biblique ?, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

6. Scène biblique ?, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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6. Scène biblique ?, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

6. Scène biblique ?, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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7. LA VISION D'ISAÏE.

C'est encore plus difficile. Je vois un être barbu volant ou bénissant ; un diable ; un bélier ; un lion ; un serpent ; d'autres personnages et d'autres animaux cornus. 

Il s'agit d'une référence à la Vision d'Isaïe dans Is 11:6 : "Le loup habitera avec l'agneau. Et la panthère couchera avec le chevreau ; le veau, le lionceau, et le bétail qu'on engraisse, seront ensemble. Et un petit enfant les conduira."

Donc une référence à la Paix. Mais oui, je vois le petit garçon qui les conduit !

Cette scène est reprise d'une part à l'eau-forte gravée pour Bible (1956), d'autre-part au vitrail de la Paix de 1963-64 ornant le bâtiment de l'O.N.U à New-York.

 

 

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7.Vision d'Isaïe , verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

7.Vision d'Isaïe , verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Esquisse préparatoire à l'encre de chine du vitrail La Paix, ONU, New-York 1963, Photo (C) RMN-Grand Palais (musée Marc Chagall) / Gérard Blot 

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La gravure sur cuivre pour l'édition de la Bible :

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Marc Chagall, Gravure à l'eau-forte pour Bible. Photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall, Landerneau juin 2016.

Marc Chagall, Gravure à l'eau-forte pour Bible. Photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall, Landerneau juin 2016.

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7. Vision d'Isaïe, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

7. Vision d'Isaïe, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

7.  Vision d'Isaïe. verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

7. Vision d'Isaïe. verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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7.Vision d'Isaïe , verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

7.Vision d'Isaïe , verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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8. ABRAHAM ET LES TROIS ANGES. L'HOSPITALITÉ FÉCONDE.

 Un personnage tient ce que je crois d'abord être un livre devant un groupe de quelques anges. Il s'agit d'Abraham dans l'épisode du Chêne de Mamré  (Genèse 18:1) : Abraham, dont la femme Sara est stérile, reçoit la visite de trois hommes et leur donne l'hospitalité. En retour, l'un d'eux annonce que, dans un an, Sara aura eu un fils. La vieille Sara pouffe de rire à cette possibilité hors de son âge, ce qui déplait à Yahwé (les hommes étaient en fait des anges).

L'identification de la scène n'a d'abord pas été aisée, mais elle est une auto-citation de gouaches sur papier (1931), de gravure sur cuivre et d'huiles sur toile (1940 et 1960) dans lesquelles la reconnaissance du récit biblique est claire. Trois temps sont représentés, celui où Abraham se prosterne devant les anges, celui où il les sert à table, et celui où il les accompagne vers Sodome. Mais ici, ne sommes-nous pas juste avant l'arrivée des anges, alors qu' Abraham lit pieusement, "assis  à l'huis du tabernacle sur la chaleur du jour" ?

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8. Abraham et les trois anges, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

8. Abraham et les trois anges, verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile.

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Une page de Bibleéditée par Tériade en 1956 et imprimée par les presses de l'Imprimerie Nationale en caractères Romain du Roi corps 32 (XVIIIe).

 

Abraham et les trois anges, texte de Bible  : Photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall, Landerneau juin 2016.

Abraham et les trois anges, texte de Bible : Photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall, Landerneau juin 2016.

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Gravure de Chagall, eau-forte et pointe sêche,  pour ce texte.

 

Chagall, Abraham et les trois anges, in Bible (1956) : Photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall, Landerneau juin 2016.

Chagall, Abraham et les trois anges, in Bible (1956) : Photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall, Landerneau juin 2016.

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Abraham et les trois anges, Huile sur toile (1940-1950).

Il s'agit d'un temps postérieur à la scène d'accueil qui précède : Abraham sert les anges à sa table. J'ignore quel est l'objet que Abraham tient devant lui.

 

Abraham et les trois anges, 1940-1950, coll. particulière, photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall, Landerneau juin 2016.

Abraham et les trois anges, 1940-1950, coll. particulière, photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall, Landerneau juin 2016.

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9. LA MUSIQUE DES COULEURS.

Ce bouquet de vie résulte surtout d'une attention portée à l'harmonie et au rythme des couleurs.

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verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

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L'examen rapproché des fleurs du bouquet montre que celui-ci est fait de mille et un visages humains et animaux : l'Arbre de Vie est fait de cette matière relationnelle d'où émerge le couple fondamental.

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verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

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verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

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verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

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verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall,  chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

verrière de l'Arbre de Vie (1976), Marc Chagall, chapelle des Cordeliers de Sarrebourg. Photographie lavieb-aile

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Marc Chagall, Autoportrait au sourire (détail), 1924-25, , photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

Marc Chagall, Autoportrait au sourire (détail), 1924-25, , photographie lavieb-aile lors de l'exposition Chagall Landerneau juin 2016. .

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SOURCES ET LIENS.

— "La symbolique du vitrail de Chagall à Sarrebourg"

http://fr.calameo.com/read/0020290463ba901c58e6a

— Marc Chagall sur le site kerdonis.fr :

 http://kerdonis.fr/ZCHAGALL/page6.html

— Chagall et la Bible : dix fiches d'œuvres (Musée d'Histoire et du judaïsme)

http://www.mahj.org/fr/documents/pedago/Chagall-et-la-Bible-Dix-fiches-oeuvres.pdf

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Published by jean-yves cordier - dans Chagall Vitraux Sarrebourg
25 juin 2016 6 25 /06 /juin /2016 20:32

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Cette tapisserie en laine dite de saint Éloi est exposée aux Hospices de Beaune dans la salle du Polyptyque du Jugement Dernier. Cet ensemble apparemment très homogène par l'unité du fond millefleurs (généralement reservé au style profane) est en réalité composite, réunissant arbitrairement depuis la fin du XIXe siècle diverses pièces en une tapisserie à laquelle s'est ajoutée, depuis 1965, le personnage de l'extrême  gauche . On doit distinguer de gauche à droite : 

  • Une femme profane : http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/memoire_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=AP63N00140
  • La Vierge à l'Enfant
  • Un chevalier au cheval à la patte coupée, appartenant à la légende de saint Éloi,
  • Saint Fiacre

Néanmoins, le résultat est globalement crédible, laissant penser qu'on voit ici saint Éloi, puis le propriétaire du cheval dont il vient de ferrer miraculeusement la patte et qui vient en rendre hommage à la Vierge et à son Fils. Les trois personnages de droite (le moine, le chevalier et la Vierge) sont sur des ilots de gazon qui renforcent l'impression d'unité de ce regroupement. Il s'agit sans-doute des différents fragments de pièces d'une même tenture, bien que ces trois personnages ne participent pas d'un thème hagiographique unique.

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Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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La jeune femme.

On l'imagine volontiers au centre d'un jardin, locus amoenus profane plutôt qu'hortus conclusus sacréLe locus amœnus peut être défini comme un trope littéraire  désignant un endroit charmant, plaisant et agréable où on retrouve habituellement des arbres et de l’ombre, un pré verdoyant, un cours d’eau, des oiseaux chanteurs et une brise rafraichissante. Les jeunes gens s'y retirent pour échapper à la chaleur diurne et discuter de philosophie …. et d’amour.

Avec sa robe bleue moirée, son bandeau rouge ne retenant rien de ses cheveux blonds, la jeune fille présente (à son courtisan filant le fin amor) deux œillets et semble disposer à compter fleurette.

Il peut s'agir encore d'une allégorie de quelque Vertu. Ou d'une "échappée du jardin" venant de quelque jeune fille à la licorne. Elle conserve sur ses lèvres closes une part de son mystère. 

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Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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La Vierge à l'Enfant.

La Vierge repose sur un îlot fleuri. Son manteau  joue de trois tons différents de bleus ( pastel) : clair, nuit, et profond. Sa robe utilise la technique des hachures pour réaliser des effets de reflets et de volumes par le seul jeu du rouge (racine de garance) et du blanc. Le jaune extrait de la gaude est utilisé pour la couronne à cinq étoiles, mais cette couronne est rouge-rose en profondeur. La Vierge regarde sur son coté gauche, vers son Fils qu'elle soutient avec beaucoup de grâce. Ce dernier, nu, cheveux blonds, tient un petit bouquet d'œillets. Le brun est utilisé pour ombrer les chevelures : cette teinte est piquée de points blancs pour en moduler la valeur.

Le mot œillet signifie "petit œil". La fleur symbolise l'amour, mais, dans le domaine religieux, et avec ses couleurs blanche, rose et rouge, elle a été associée à la Vierge et au Christ. 

Le nom latin de l’œillet, du grec  Dios anthos, latinisé comme Dianthus, signifie "fleur de Dieu".  Selon une légende médiévale, les larmes de la Vierge Marie tombèrent sur le sol et se transformèrent en œillets lors de la crucifixion. Pour d'autres, ce sont les gouttes de sang tombé de la croix qui ont généré cette transformation. Cette fleur œillet du poète est aussi appelée clou en raison de sa forme et fait référence à la Passion du Christ. 

 D'autre part,elle était nommée, "selon  des codes anciens italiens, Oculus-Christi  et était utilisée pour soigner des yeux abcédés.  Ainsi, l’œillet  est devenu l’un des symboles christiques. "

http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2010.migdal_a&part=367281

Les tapisseries "millefleurs" en compte une vingtaine d'espèces de plantes fleuries et d'arbres chargés de fruits. Ces fleurs parlent, à ceux qui savent les entendre, un langage symbolique.

 

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Le chevalier tient par la bride un cheval dont  la patte antérieure droite, coupée, saigne : le membre sectionné  repose sur le sol, le sabot étant ferré.

Il s'agit d'une allusion à un épisode de la Vie de saint Éloi, dans lequel le saint n'est pas l'orfèvre, le ministre de Dagobert ou l'évêque de Noyons que l'Histoire a retenu, mais un maréchal-ferrant  qui se vantait d'être "Maître des maîtres, maîtres sur tous", ce qui est contraire à l'humilité dont doit faire preuve tout chrétien.  Il va recevoir du Christ une belle leçon et devra reconnaître qu'il a trouvé son maître. On en lira ici le récit :

https://fr.wikisource.org/wiki/L%C3%A9gendes_chr%C3%A9tiennes/Saint_%C3%89loi_et_J%C3%A9sus-Christ

En un mot, le Christ, prenant l'apparence d'un forgeron voyageur, va se montrer capable de ferrer un cheval en ne mettant le fer au feu qu'une seule fois, et, mieux, de couper la patte du cheval pour le ferrer plus aisément, avant de la remettre en place miraculeusement. Saint Éloi tente ensuite de l'imiter, avec le résultat catastrophique que l'on imagine. 

C'est cette leçon contre l'arrogance et la prétention qui constitue la Légende de saint Éloi, mais, dans l'iconographie, tout se passe comme si le miracle de la patte ferrée avait été accompli par saint Éloi. 

La scène représentée ici ne peut pas correspondre à un épisode narratif de la légende, il en est une citation ou une vignette emblématique.

Voir aussi :

La verrière de saint Éloi à la chapelle Notre-Dame-du-Crann

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Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Saint Fiacre, patron des jardiniers.

Malgré l'inscription en caratère gothique SAINCT ELOY, le moine qui tient ici sa bêche et son livre  est, bien entendu, saint Fiacre, le patron de tous les jardiniers. 

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Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Comme dans la tenture de la Dame à la licorne, de nombreux animaux volent ou gambadent dans l'herbe fleurie, pour participer à figurer un monde édenique où les animaux vivent en liberté et en bonne entente . Chacun peut en outre, comme pour la flore, porter un message symbolique. J'ignore si quelqu'un a déjà dressé l'inventaire de la faune de cette tapisserie, ou a procédé aux identifications zoologiques. Je propose de reconnaître, outre les petits lapins blancs, des perdrix et des faisans. 

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Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Tapisserie de la Vierge et de saint Éloi, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

— FROMAGET (Brigitte), DEYNIES (Nicole de), 1993, Les Tapisseries des Hospices de Beaune: Cote-D'Or.  Edité par Inventaire General, SPADEM/Association pour la Connaissance du  Patrimoine de Bourgogne, Dijon. 

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Published by jean-yves cordier - dans Tentures Beaune
23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 21:57

Les vitraux de la chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet : la Passion de la baie d'axe. (vers 1560).

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Voir aussi les vitraux de la chapelle :

Les retables de la Vierge et de la Trinité (XVIe) de la chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet (Finistère).

Les vitraux de Notre-Dame-du-Crann (Intron Varia ar C'Hrann) à Spézet : l'oculus du Christ sortant du tombeau (XVe siècle).

Les vitraux de Notre-Dame-du-Crann à Spézet : l'Adoration des Mages et des Bergers ou Baie 3 (1546).

Les vitraux de la chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spezet : la Dormition et le Couronnement de la Vierge, baie n°4 (vers 1535-1540).

Les vitraux de la chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet: la verrière de saint Laurent (1548), baie n° 1. Le retable de saint Laurent.

Les vitraux de la chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet: la verrière de saint Jacques le Majeur (1548) ou baie n°2.

Les vitraux de la chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet: la verrière de saint Éloi (1550).

Les vitraux de la chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet : le Baptême du Christ (v.1550)

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Voir aussi les Passions des vitraux du Finistère au XVIe siècle :

La Passion de Spézet appartient à la cinquantaine de verrières de la Passion réalisées dans le Finistère, le plus souvent pour la maîtresse-vitre, au XVIe siècle, notamment par un important atelier quimpérois, celui de Laurent et Olivier puis Gilles Le Sodec.

Toutes ces Passions sont comparables par leurs cartons, leur facture et leur type d'ornement. La thèse de Roger Barriè est consacrée à leur étude. Plusieurs sont décrites dans mon blog : Locronan, Penmarc'h, Lanvénégen, Ergué-Gabéric, Plogonneg, Quimper, La Roche-Maurice, La Martyre, Guengat, Saint-Nic, Gouezec, Quéménéven etc. Le Corpus Vitrearum VII permet d'en dresser une chronologie :

​Et dans le Morbihan:

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Chœur de la chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Chœur de la chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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La baie n°0 occupe le chevet plat de la chapelle : cette maîtresse-vitre haute de 4,50 m et large de 3,00 m comporte 4 lancettes trilobées de 57 cm de large organisées en trois registres, soit 12 panneaux relatant les principaux épisodes de la Passion. Dans le registre inférieur, une séquence de petits dais Renaissance répète un motif de moulure en chapeau de gendarme autour d'un blason de Bretagne (moderne) avec des putti joueurs de tambourin.  Un tympan de 13 mouchettes et 10 écoinçons est consacré à la Résurrection des Morts. 

Le vitrail a été remis en plomb en 1738, restauré par Alfred Bonnot en 1918, puis par l'atelier Le Bihan de Quimper en 2001 (grâce au prix du Pélerin Magazine remporté par l'Association de sauvegarde du Patrimoine Spézetois).  

Les auteurs de l'Inventaire remarquent que les quatre baies du transept (n°1 à 4, soit celles du pignon et du mur des bras nord et sud) ont été réalisées par le même atelier quimpérois entre 1540 (Dormition, n°4), 1546 (Adoration des Mages, n°3), 1548 (Saint Jacques, n°2) et 1553 (Saint Laurent, n°1). Dans la même campagne fut réalisé le vitrail de Saint Éloi (1550). Les auteurs du Corpus Vitrearum attribuent aussi à l'atelier quimpérois la maîtresse-vitre de la Passion, qui daterait de 1560 et s'apparente avec celle de Saint-Goazec (1573), et le Baptême du Christ (milieu XVIe). 

La chapelle a donc été vitrée juste après sa reconstruction en 1535 par les Vieux-Chastel qui possédaient la motte féodale du Cranhuel  (Inscription lapidaire --CHAPELLE FUT FONDEE -- MVCXXXV .A.LONNEUR DE NOT. DAME. DU CRAN--.

L'homogénéité du style quimpérois, et celle de la fourchette temporelle (1540-1560) pendant le Concile de Trente et avant la Ligue, s'associent à celle du programme : 4 scènes de la Vie de Marie et de la Vie et de Passion du Christ occupent les points cruciaux de la croix latine du plan de la chapelle, tandis que 3 saints et martyrs sont vénérés dans les espaces intermédiaires.

Cette homogénéité du programme théologique ou hagiographique est renforcée par la sculpture avec les deux retables de la Vierge à l'Enfant et de la Trinité dans le chœur, le retable ou la niche à volets de Saint Laurent, les statues du Christ Sauveur, de la Vierge à l'Enfant, de saint Laurent, de saint Jacques et de saint Éloi (disparue).

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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I. LE REGISTRE INFÉRIEUR.

 

 

Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Entrée dans Jérusalem.

Moitié inférieure complétée.

L'"ânon" (Luc 19:30) a pris ici l'allure d'un jeune cheval blanc. La bouche de ce dernier, comme saisie par le rire, évoque celles des chevaux de l'atelier Le Sodec de Quimper.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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La nuit au Jardin de Bethsémani ou  Mont des Oliviers.

Deux têtes d'apôtres restaurées.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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L'arrestation de Jésus à Behsémani : le baiser de Judas ; Pierre coupant l'oreille de Malchus le serviteur du grand-prêtre. 

Malchus restauré.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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La Cène.

Partie inférieure complétée.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Deuxième registre.

 

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Jésus devant  Caïphe.

Le grand prêtre énumère (en les comptant sur ses doigts) les arguments de la condamnation. 

Dessin semblable à celui de l'église de Saint-Nic, inversé et sans le petit chien ; l'élément architectural est semblable.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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La Flagellation. 

Bien conservé. Emploi de sanguine pour le corps du Christ.

Celui-ci est marqué de marques à trois pointes, correspondant aux traces laissées, selon la supposition de l'artiste,  par les barbes de métal dont les plombs des lanières du fouet ou flagrum sont équipées, lorsqu'il ne s'agissaient pas d'osselets pointus, ou de plombs en H. Mais cet artiste n'avait pas l'expérience technique des bourreaux romains, lesquels s'entrainaient dans le gymnasium flagri pour donner les coups à des endroits précis, et qui évitaient la flagellation de la face ventrale pour ne pas causer de suffocation par traumatisme pulmonaire indirect ("Flagrum" Wikipédia note 7). Les fouets équipés de molettes d'acier sont visibles sur la gravure de Martin Schongauer :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6951445h/f1.item.zoom

Ces marques sont figurées sur le corps du Christ, par exemple, sur le vitrail de la Passion de Saint-Nicolas-du-Pélem (v.1470-1480) :

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-de-saint-nicolas-du-pelem-123306146.html

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Flagellation, Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Flagellation, Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Flagellation, Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Flagellation, Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Le Couronnement d'épines.

Grande pièce restaurée dans la tunique du Christ.

 

Christ aux outrages, verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Christ aux outrages, verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Christ aux outrages, verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Christ aux outrages, verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Ecce Homo.

Bien conservé.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Ecce Homo, Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Ecce Homo, Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Troisième registre.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Comparution devant Pilate.

Peu restauré.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Le Portement de Croix.

Sainte Véronique est au premier plan à droite, essuyant le visage du condamné avec un linge. Simon de Cyrène est derrière le Christ.

Peu restauré.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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La Crucifixion.

avec Marie-Madeleine éplorée au pied de la Croix, et Marie en pâmoison. Scène intacte, non restaurée.

 

Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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La Résurrection.

Trés bien conservé.

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Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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LE TYMPAN : le Jugement Dernier.
 

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Tympan, Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet. Photographie lavieb-aile.

Tympan, Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Au sommet, dans une irradiation lumineuse, Dieu bénissant, au dessus d'un blason aux armes de la Bretagne (pièce en bouche-trou déjà décrite à cet emplacement en 1847), est encadré par la Vierge et par Saint Jean (tête restaurée). En dessous, des anges bucinateurs (*) annoncent de leurs trompettes l'heure de la Résurrection des Morts et du Jugement.

(*) Et non "tenant les instruments de la Passion" (Corpus vitrearum p.196)

 

Tympan, Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Tympan, Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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A gauche, les Élus sortent de terre (un frais gazon) et tendent les bras aux anges qui les portent vers les Cieux.

 

 

Tympan, Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet. Photographie lavieb-aile.

Tympan, Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet. Photographie lavieb-aile.

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A droite, les Damnés sont poussés par les fourches des démons vers la gueule vipérine du Léviathan.

 

Tympan, Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Tympan, Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Tympan, Verrière de la Passion  (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

Tympan, Verrière de la Passion (vers 1560), chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet. Photographie lavieb-aile.

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DISCUSSION.

 

Claire Arlaux écrit dans sa remarquable monographie de 1991 que "ce vitrail est d'inspiration flamande. Il reprend une gravure d'un élève de l'école de Dürer, Jost de Negker, comme le vitrail de l'église de La Roche Maurice dans le Finistère nord, daté 1539 et signé d'un maître verrier quimpérois. " Mais l'attribution, par René Couffon, de la Passion de La Martyre ( "La peinture sur Verre en Bretagne au XVIe siècle", Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne. Page 31 et 35) a été démentie par Roger Barrié puis par le maître-verrier quimpérois Jean-Pierre Le Bihan.

En effet, Jost de Negker (c. 1485-1544) n'est pas un dessinateur, mais seulement un graveur sur bois, et un éditeur. Il a gravé les dessins de Hans Burgkmair, Albrecht Altdorfer et de Leonhard Beck

Parmi les 167 gravures de cet artiste conservées et mises en ligne par l'Albertina de Vienne, aucune ne représente une scène de la Passion.

 

Par ailleurs, il n'est pas possible de rapprocher directement les 12 scènes de la Passion de Spézet avec les gravures de la petite Passion ou de la Grande Passion de Dürer, ni avec celles de Schöngauer. Néanmoins il est admis que l'inspiration provient "des Passions rhénanes de l'école de Dürer" (Inventaire ...Carhaix) 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ecce_homo#/media/File:SchongauerEcceHomo.jpg

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ecce_homo#/media/File:Albrecht_D%C3%BCrer_-_Ecce_Homo_(No._8)_-_WGA07303.jpg

Ce vitrail présente une analogie étroite avec la Passion de l'église (très voisine) de Saint-Goazec, vitrail qui a été restauré et remis en place en mai 2016, et qui est daté de 1573.

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SOURCES ET LIENS.

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) 1909 : La chapelle de Notre-Dame du Crann en Spézet (Bulletin de la Société archéologique du Finistère).

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1891, Bulletin de la Société archéologique du Finistère page XXVI

https://archive.org/stream/bulletin78frangoog#page/n42/mode/2up

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), Inscriptions...

 http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_divers/abgrall_inscriptions-gravees.pdf

— Bulletin monumental 1912 page 359 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k31102s/f468.item.zoom

— ARLAUX (Claire), 2006, La chapelle de Notre-Dame-du-Krann à Spézet, ed. Keltia Graphic.

— COUFFON (René) LE BARS (Alfred), 1988, Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et de Léon, Quimper, Association diocésaine, 551 p.

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/SPEZET.pdf

— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005, Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes, page 197.

OTTIN (Louis), s.d. (1896), Le vitrail; son histoire, ses manifestations à travers les âges et les peuples, pages 244-246 (plan).

https://archive.org/stream/levitrailsonhist00otti#page/246/mode/2up

 

 

— PÉRENNÈS (chanoine Henri), 1931, La chapelle Notre-Dame-du-Crann en Spézet, Quimper, imprimerie cornouaillesse. Reprise des articles du BDHA de 1930-1931

 http://www.saintgoazec.com/public/upload/file/bd129a3e102efe309069ffc860992d51.pdf

— Site infobretagne :

http://www.infobretagne.com/spezet-chapelle-notredameducrann.htm

— Bulletin de la Société archéologique du Finistère 1903 page 290:

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109982z/f297.image

— http://fr.topic-topos.com/la-passion-du-christ-spezet


 

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Published by jean-yves cordier - dans Chapelles bretonnes. Vitraux Spézet
23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 17:32

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Cette baie n°5 (selon la numérotation du Corpus vitrearum) est située sur le bas-coté nord de la nef,  et mesure 2,40 m de haut sur 1,80 m de large. La verrière comporte 3 lancettes cintrées divisées en trois panneaux et un tympan à 5 ajours. Elle représente le Baptême du Christ par saint Jean-Baptiste et date du milieu du XVIe siècle. Elle est bien conservée et a été restaurée comme les autres en 1918 par Alfred Bonnot, qui est intervenu surtout sur les panneaux supérieurs des lancettes. Les visages ont été refaits.

Les auteurs de l'Inventaire remarquent que les quatre baies du transept (n°1 à 4, soit celles du pignon et du mur des bras nord et sud) ont été réalisées par le même atelier quimpérois entre 1540 (Dormition, n°4), 1546 (Adoration des Mages, n°3), 1548 (Saint Jacques, n°2) et 1553 (Saint Laurent, n°1). Dans la même campagne fut réalisé le vitrail de Saint Éloi (1550). Les auteurs du Corpus Vitrearum attribuent aussi à l'atelier quimpérois la maîtresse-vitre de la Passion, qui daterait de 1560 et s'apparente avec celle de Saint-Goazec (1573), et le Baptême du Christ (milieu XVIe). 

La chapelle a donc été vitrée juste après sa reconstruction en 1535 par les Vieux-Chastel qui possédaient la motte féodale du Cranhuel  (Inscription lapidaire --CHAPELLE FUT FONDEE -- MVCXXXV .A.LONNEUR DE NOT. DAME. DU CRAN--.

L'homogénéité du style quimpérois, et celle de la fourchette temporelle (1540-1560) pendant le Concile de Trente et avant la Ligue, s'associent à celle du programme : 4 scènes de la Vie de Marie et de la Vie et de Passion du Christ occupent les points cruciaux de la croix latine du plan de la chapelle, tandis que 3 saints et martyrs sont vénérés dans les espaces intermédiaires.

Cette homogénéité du programme théologique ou hagiographique est renforcée par la sculpture avec les deux retables de la Vierge à l'Enfant et de la Trinité dans le chœur, le retable ou la niche à volets de Saint Laurent, les statues du Christ Sauveur, de la Vierge à l'Enfant, de saint Laurent, de saint Jacques et de saint Éloi (disparue).

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Les vitraux, annotés sur un plan de l'Inventaire, 1969.

Les vitraux, annotés sur un plan de l'Inventaire, 1969.

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Baie du bas-coté nord de la nef, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Baie du bas-coté nord de la nef, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Les lancettes.

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Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Un ange tient la tunique du Christ et deux antres anges s'extasient.

 

Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Le Christ, à demi immergé dans les eaux du Jourdain,  reçoit cette eau lustrale sur la tête. Notez les poissons, et l'ondoiement du fleuve.

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Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Saint Jean-Baptiste.

Il porte la robe en poils de chêvre qui le caractérise.

 

Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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LE TYMPAN

"d'après un carton souabe".

Dieu le Père bénissant,en buste au centre. Concert d'anges musiciens en périphérie.  

 

Tympan de la Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Tympan de la Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Deux anges jouent de la viole à archets. Sur chaque coté, un chœur angélique est réuni autour d'une partition à la notation fantaisiste. Un ange joue du luth.

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Tympan de la Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.
Tympan de la Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Tympan de la Verrière du Baptême du Christ (v.1550), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

 —ABGRALL (chanoine Jean-Marie), 1909Chapelle de N.-D. du Crann en Spézet, Quimper, Leprince, 1909,  et Société Archéologique du Finistère - 1909 tome 36 - Pages 244 à 254.

http://soc.archeo.dufinistere.org/bulletin/index.php?gr=1909&art=saf1909_0294_0304#

— ARLAUX (Claire),  1991, 2006,  La chapelle de Notre-Dame du Krann à Spézet, Keltia graphic, Spézet, 46 p.

— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, paroisse de SPEZET, Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/1f826f4f6843f882615f0b205d5a0d99.pdf

GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005, Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes, page 197.

— PERENNES (chanoine), 

http://www.saintgoazec.com/public/upload/file/bd129a3e102efe309069ffc860992d51.pdf

Site infobretagne :

http://www.infobretagne.com/spezet-chapelle-notredameducrann.htm

 

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21 juin 2016 2 21 /06 /juin /2016 21:45
Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Avec ses 2,70 m de haut et ses 1,50 m de large, la baie n°1 (la première des fenêtres à gauche de la baie d'axe) éclaire par l'est le bras nord du transept. Elle comporte deux lancettes cintrées et un tympan à 3 ajours. La verrière qui la ferme est consacrée au martyre de Saint Laurent, diacre de l'église de Rome au IIIe siècle. Les six panneaux des lancettes sont organisés en deux registres, le registre inférieur montrant le saint sur le grill qui est devenu ensuite son attribut, et le registre supérieur les juges et les spectateurs du martyre. La verrière n'a été que peu restaurée, en 1918, par l'atelier parisien d'Alfred Bonnot.

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Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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 REGITRE INFÉRIEUR.

 

 

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Le peintre-verrier s'est inspiré ici d'une gravure de  Marc Antoine Raimondi, Le Martyre de Saint Laurent d'après un lavis de Baccio Bandinelli (1525) : voir la gravure numérisée par Gallica et datant de 1527. 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6953442w.r=

Mais il a peint des cuirasses sur le corps musculeux des bourreaux, et un pagne autour des reins du saint. 

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 Marc Antoine Raimondi, Le Martyre de Saint Laurent d'après Baccio Bandinelli, 1525,  http://parismuseescollections.paris.fr/petit-palais/oeuvres/le-martyre-de-saint-laurent-d-apres-baccio-bandinelli-bartsch-104-bartsch#infos-principales

Marc Antoine Raimondi, Le Martyre de Saint Laurent d'après Baccio Bandinelli, 1525, http://parismuseescollections.paris.fr/petit-palais/oeuvres/le-martyre-de-saint-laurent-d-apres-baccio-bandinelli-bartsch-104-bartsch#infos-principales

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.
Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.
Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Inscription : charles quãpion :  fabrique.

Il faut comprendre : "Charles Campion, fabricien". On sait que les fabriciens étaient élus ou nommés pour un mandat d'un an pour gérer le budget de la paroisse, contrôler les recettes et les dépenses, décider et mener à bien tous les travaux, qu'ils soient liés à des réparations ou, comme ici, à des embellissements.  Le poste était confié à une personne honorablement connue, aux revenus aisés : souvent, dans les paroisses bretonnes, à des agriculteurs exploitant une ferme importante. 

La famille Campion est établie à Spézet et les généalogistes mentionnent ainsi un Yvon Campion né à Spézet vers 1545.

 

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Date : mil Vcc LXVIII : 1548.

La chapelle fut reconstruite en 1535 sur une ancienne chapelle par "Metre H. Bouet Vicaire et I. Loscoat P. Fa biefiturs".

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Registre supérieur .

 

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Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.
Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Le panneau manque de verticalité, et l'empereur Valérien, qui était dessiné par Bandinelli comme une auguste divinité jupitérienne, se transforme ici en un nain sans majesté ; de même, ses conseillers passeraient volontiers pour les pauvres et infirmes qui assistèrent au supplice de saint Laurent. 

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Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.
Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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TYMPAN

Le réseau est consacré à la Sainte Trinité : le Saint Esprit sous sa forme de colombe est adoré par un cecle de chérubins, le Christ tient la croix et un livre où sont inscrites les lettres SOSM / M.MI / OMM / MMN / MOM // SPSP / MOSP / MIOZ / OMM / …, et Dieu le Père tient l'orbe et un livre avec les lettres : TOMRN / MEMOI / RIVI OEI / OPERA SEPVL // METV / A / POR / REMT / OPERI / SVPE.

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Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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DISCUSSION.

   Ce qui différencie et même oppose, dans la religion catholique, la torture d'avec le martyre, c'est que si la torture est une tentative d'asservissement visant à briser la résistance psychique d'un individu (tentative dont l'efficacité redoutable suscite la terreur), le martyre est la miraculeuse inefficacité des tortures infligées, la négation de leur force opérante par la puissance de la Foi. Si les martyres sont représentés avec tant de complaisance dans les sanctuaires, ce n'est pas pour témoigner des souffrances endurées par les saints, mais de la puissance de Dieu. J'en veux pour preuve que dans les sculptures et peintures, ce n'est pas la douleur des victimes qui est dépeinte, mais, au contraire, l'absence de tout effet produit par les tortures. Torture inopérante, indifférence du saint et rage des bourreaux constituent les bases de l'iconographie du martyre. 

C'est évident avec sainte Catherine, les lames de la roue se détachant pour blesser les bourreaux. C'est évident dans le contraste entre les traits grimaçants des bourreaux et la sérénité des saintes Agathe, Barbe et Apolline dont les statues sont si fréquentes. C'est vrai pour saint Étienne et pour saint Sébastien sur lequel nous allons revenir. Mais le martyre de saint Laurent en donne une expression magnificiée par les paroles étroitement associées à la scène et par lesquels le saint nargue l'impuissance de l'empereur : "Apprends, misérable, que tes charbons sont pour moi un rafraîchissement, mais qu’ils seront pour toi un supplice dans l’éternité", ou bien « Voici misérable, que tu as rôti un côté, retourne l’autre et mange. »

Voici des extraits de la Légende Dorée :

Laurent lui dit : « Quel est celui qu’on doit adorer? Est-ce le créateur ou la créature? » Dèce irrité le fit frapper avec des fouets garnis de plomb, appelés scorpions, et on lui mit devant les yeux tous les genres de tortures. Comme l’empereur lui commandait de sacrifier afin qu’il échappât à ces tourments, Laurent répondit : « Malheureux! ce sont des mets que j’ai toujours désirés. » Et Dèce lui dit : « Je sais que c’est par les secrets de la magie que tu te joues des tourments, mais tu ne sauras te jouer longtemps de moi. J’en atteste les dieux et les déesses; si tu ne sacrifies, tu périras dans des tourments sans nombre. » Alors il commanda qu’on le frappât très longtemps avec des fouets garnis de balles de plomb. Mais Laurent se mit’ à prier en disant : « Seigneur Jésus, recevez mon esprit. » Alors il se fit entendre une voix du ciel que Dèce ouït aussi : « Tu as encore bien des combats à soutenir. » Dèce rempli de fureur s’écria: « Romains, vous avez entendu les démons consolant ce sacrilège, qui n’adore pas nos dieux, ne craint pas les tourments et ne s’épouvante pas de la colère des princes. »
Il ordonna une seconde fois qu’on le battît avec des scorpions. Laurent se mit à sourire, remercia Dieu et pria pour les assistants. On apporta donc, des instruments de supplices de tous les genres. Alors Dèce dit à Laurent: « Ou tu vas sacrifier aux dieux, ou cette nuit finira avec tes supplices. » Laurent lui répondit : « Ma nuit n’a pas d’obscurités, mais tout pour moi est plein de lumière. » Et Dèce dit : « Qu’on apporte un lit de fer afin que l’opiniâtre Laurent s’y repose. »

Les bourreaux se mirent donc en devoir de le dépouiller et l’étendirent sur un gril de fer sous lequel on mit des charbons ardents et ils foulaient le corps du martyr avec des fourches de fer. Alors Laurent dit à Valérien: « Apprends, misérable, que tes charbons sont pour moi un rafraîchissement, mais qu’ils seront pour toi un supplice dans l’éternité, parce que le Seigneur lui-même sait que quand j’ai été accusé, je ne l’ai pas renié; quand j’ai été interrogé, j’ai confessé Jésus-Christ ; quand j’ai été rôti, j’ai rendu des actions de grâces. » Et il dit à Dèce d’un ton joyeux : « Voici misérable, que tu as rôti un côté, retourne l’autre et mange. » Puis remerciant Dieu : « Je vous rends grâce, dit-il, Seigneur, parce que j’ai mérité, d’entrer dans votre demeure. » C’est ainsi qu’il rendit l’esprit.  

En statuaire, saint Laurent est représenté avec un grill semblable à une grille de barbecue, mais l'instrument est en réalité un lit de fer. Le saint y est donc allongé, ce qui permet au peintre de montrer qu'il s'y repose. 

Ainsi l'image va-t-elle opposer trois topos : le bien-être paradoxal et la patience du martyr ; la vanité des efforts et gesticulations des bourreaux ; la rectitude autoritaire mais bafouée des puissants. C'est, déjà, ce qui se montre dans les trois figures de la Passion du Christ : la Comparution devant Pilate, les Outrages et la Flagellation.

Or, ce sujet donne l'occasion, avec une belle régularité et souvent de manière caricaturale, à une opposition entre trois modes corporels : souple beauté du corps saint, selon les canons les plus éprouvés de la statuaire grecque et donc valorisée dans sa statique. Force musculeuse et mouvements quasi gymniques des bourreaux. Immobilité hiératique du Pouvoir, figé dans les statuts de son rôle.

Saint Laurent devient ainsi un doublon de saint Sébastien, l'éphèbe recevant avec une belle indifférence les flêches de ses archers sur son corps nu.

Si ces représentations sont souvent outrées, c'est qu'elles relèvent de la théâtralité. Cette-ci hérite des tréteaux médiévaux, mais est passée des Mystères données sur les parvis, au Théâtre lui-même. 

Dans le dessin de Baccio Bandinelli, écrit S.J. Campbell  Ancre"Laurent repose plutôt sereinement sur son grill, mais il est  entouré d'un tourbillon d'anatomies agitées et en équilibre précaire, comme si la sensation de tourment s'était déplacée depuis ce centre tranquille, jusque dans le registre de ces corps plutôt dans que dans le sien. [...] Pas moins de onze bourreaux nus apparaissent au premier plan de la composition [...] contrebalancés par la gravitas des observateurs lourdement drapés que Bandinelli a disposés au tiers supérieur de son dispositif architectural.  

Mais près d'un siècle auparavant, Fra Angelico opposait aussi, sur les fresques de la chapelle Nicoline du Vatican (1447-1451), opposait déjà en trois registres  la sereine et nargueuse horizontalité du saint avec la laborieuse chorégraphie des bourreaux et la verticalité stérile de Valérien et de Dèce.

C'est dans pendant le Concile de Trente (1545-1563), précisément en 1548 (la date de ce vitrail) que la représentation des Mystères furent interdits. De même, lors de ce Concile, qui prépare la Contre-Réforme, les peintres (et verriers) seront appelés à plus de bienséance afin de réduire la charge érotique des scènes, et de veiller à ce que les fidèles ne soient pas distraits par les corps dénudés et suggestifs.

 

Sur ce vitrail de Spézet,  le peintre a repris des figures de la gravure de Raimondi en les découpant pour les faire entrer dans les dimensions réduites du vitrail, ce qui rompt la cohérence de la composition, mais surtout, en  habillant de pièces de cuirasse étincelantes les volumes anatomiques, il s'est certes conformé aux vœux des autorités ecclésiastiques mais a affaibli la rhétorique traditionnelle de ce Martyre.

A l'inverse, le Bronzino s'inspirera de Bandinelli pour son propre Martyre de saint Laurent peint en 1565-1569, (ci-après), mais ce sera pour déshabiller d'avantage les corps, (y compris ceux de l'empereur et de ses barons) pour exagérer leurs postures en "fusionnant le ballet et le bain turc" selon une théâtralité manièriste qui "transforme son thème tragique et violent en une fusion artificielle et sublime de gymnastique et de ballet déployée sur une scène antique". 

A mes yeux, cette gymnastique, ces chorégraphies, cette absence de pathos et de tragique ne sont pas propres au Bronzino, mais au Martyre de Saint Laurent  ; inversement, le verrier de Spézet les a atténués.

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LE "RETABLE" DE SAINT LAURENT.

En 1931, le chanoine Pérennès écrivait : "Toujours au transept Nord, sur un socle de pierre où est sculptée une tête de femme, on voit la statue d'un personnage en habits sacerdotaux, qui doit être Saint Yves." . Il ne fait pas mention d'une statue de saint Laurent  ou de ses volets sculptès.

Aujourd'hui, à gauche du vitrail de la baie n°1, une niche à volets abrite une statue de saint Laurent, en tenue de diacre (aube, dalmatique rouge bordée d'or, manipule), tenant un livre dans la main gauche, alors que la main droite a perdu l'objet qu'elle tenait, vraisemblablement un grill.

La statue est posée sur un culot de granit où deux chiens assaillent la tête d'un animal.

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Culot, niche à volets et statue de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann, Spézet, photographie lavieb-aile.
Culot, niche à volets et statue de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann, Spézet, photographie lavieb-aile.

Culot, niche à volets et statue de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann, Spézet, photographie lavieb-aile.

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Volets de gauche.

Les volets (chacun en deux parties articulées) sont consacrés à la vie de saint Laurent.

Légende Dorée :

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome02/118.htm

Volets de gauche, niche à volets et statue de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann, Spézet, photographie lavieb-aile.

Volets de gauche, niche à volets et statue de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann, Spézet, photographie lavieb-aile.

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Volets de droite.

 

Volets de droite, niche à volets et statue de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann, Spézet, photographie lavieb-aile.

Volets de droite, niche à volets et statue de saint Laurent, chapelle Notre-Dame-du-Crann, Spézet, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) 1909 : La chapelle de Notre-Dame du Crann en Spézet (Bulletin de la Société archéologique du Finistère).

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1891, Bulletin de la Société archéologique du Finistère page XXVI

https://archive.org/stream/bulletin78frangoog#page/n324/mode/2up

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), Inscriptions...

 http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_divers/abgrall_inscriptions-gravees.pdf

— Bulletin monumental 1912 page 359 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k31102s/f468.item.zoom

ARLAUX (Claire), 2006, La chapelle de Notre-Dame-du-Krann à Spézet, ed. Keltia Graphic.

 —CAMPBELL (Stephen J.), 2013, , « Polémique de Contre-Réforme et Contre-Esthétique Maniériste », Images Re-vues [En ligne], 11 | 2013, mis en ligne le 15 janvier 2014, consulté le 22 juin 2016. URL : http://imagesrevues.revues.org/3144 

— COUFFON (René) LE BARS (Alfred), 1988, Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et de Léon, Quimper, Association diocésaine, 551 p.

 

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/SPEZET.pdf

 

GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005, Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes, page 197.

 

— PÉRENNÈS (chanoine Henri), 1931, La chapelle Notre-Dame-du-Crann en Spézet, Quimper, imprimerie cornouaillesse. Reprise des articles du BDHA de 1930-1931

 http://www.saintgoazec.com/public/upload/file/bd129a3e102efe309069ffc860992d51.pdf

— Site infobretagne :

http://www.infobretagne.com/spezet-chapelle-notredameducrann.htm

— Bulletin de la Société archéologique du Finistère 1903 page 290:

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109982z/f297.image

— Légende de Saint Laurent dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine ET fresque de Fra Angelico au Vatican :

http://www.saintlaurentorleans.com/saint-laurent-martyr-dapres-la-legende-doree-de-jacques-de-voragine/

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Chapelles bretonnes. Vitraux Spézet
21 juin 2016 2 21 /06 /juin /2016 20:43

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Avec ses 2,70 m de haut et ses 1,50 m de large, la baie n°2 (la première des fenêtres à droite de la baie d'axe) éclaire par l'est le bras sud du transept. Elle comporte deux lancettes cintrées et un tympan à 3 ajours. La verrière qui la ferme est consacrée au martyre et au transfert des reliques de saint Jacques le Majeur. Les six panneaux des lancettes sont organisés en deux registres. La verrière n'a été que peu restaurée, en 1918, par l'atelier parisien d'Alfred Bonnot : le panneau inférieur droit a été complété et le reste est bien conservé.

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 la verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

la verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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D'après la tradition, la chapelle était une étape pour les pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle qui traversaient la Bretagne, lorsque ceux-ci partaient de Saint-Pol-de-Léon ou de Locquirec. Cette voie, passant par Morlaix, Spézet, Gourin, et Le Faouët rejoignait à Quimperlé la voie débutant à la Pointe Saint-Matthieu et se poursuivant par Brest, le Faou, et Chateaulin. 

http://www.bretagne-rando.com/stjacquesdecompostelle.php

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Saint Jacques est également représenté par une statue en bois polychrome du XVIe siècle, où il trône en majesté, bourdon dans la main droite et phylactère dans la main gauche. C'est le modèle galicien, dont on trouve 14 exemples en Bretagne du XIVe au XVIe siècle (J. Roudier), dont 1 vitrail (Merléac), 7 statues en pierre (dont Merléac), et 5 statues en bois (Tréméven, Boquého -perdue-, Spézet, Merléac, et Pont-Croix) . Mais ils s'inspirent des statues de Santiago en Maxestade de Galice : 

«L’image de Saint-Jacques assis, en majesté ou en chaire, apparaît pour la première fois dans la cathédrale de Compostelle dans une sculpture créée par le Maître Mateo pour le meneau du Portique de la Gloire (1188 env.). Cependant, ce type iconographique ne sera pas très fréquent. Saint-Jacques est présenté comme apôtre (tunique et cape, pieds nus et un phylactère ou livre sacré), mais assis sur une somptueuse chaise ou trône.

Le phylactère présente normalement un texte faisant allusion à sa mission évangélisatrice; ainsi, sur la sculpture du Portique de la Gloire, on peut lire la phrase Misit me Dominus («Le Seigneur m’a envoyé»).

La crosse en forme de «Tau» qu’il soutient dans une de ses mains était la forme traditionnelle des bâtons cérémoniaux que les archevêques portaient et il rappelait la houlette utilisée par les apôtres lors de leurs marches pour diffuser les enseignements du Christ. Ainsi, la crosse favorisait l’idée de la mission apostolique demandée directement par Jésus à Saint-Jacques. Elle servait aussi à intensifier l’importance de Compostelle comme siège épiscopal.

 Le texte  Hic est Corpus Divi Iacobi Apostoli et Hispanorum Patroni («Ici gît le Corps du Divin Apôtre Saint-Jacques Patron des Royaumes Hispanique») apparaît inscrit sur son phylactère. Postérieurement, en 1250 environ, une autre sculpture en pierre de la même image est taillée pour une chapelle de la même cathédrale mais, cette fois-ci, elle est couronnée, en symbolisant l’Apôtre qui règne. Quant à ce modèle iconographique, on peut voir sur saint Jacques différents éléments qui identifient les pèlerins: l’escarcelle, la calebasse, la pèlerine ou le chapeau. Les représentations de Saint-Jacques assis ne vont pas au-delà du XVe siècle. Mis à part la zone d’influence de la Galice, il y a peu d’exemplaires en France, quelques uns en Bretagne, peut- être en raison de l’intensité des pèlerinages maritimes réalisés depuis cette région." http://museoperegrinacions.xunta.gal/sites/default/files/pdf/PDF_FRANCES/SALA-7-FRANCES-2011.pdf

Iconographie galicienne :

— Galego: Santiago en maxestade (anónimo, ca. 1340). Procede da igrexa de Santiago de Ribadavia (Ourense) e formou parte da exposición "O Camiño, a Orixe", na Cidade da Cultura de Santiago de Compostela (2015). auteur Lameiro Wikipédia

https://gl.wikipedia.org/wiki/Ficheiro:Santiago,_Cidade_da_Cultura,_Cami%C3%B1o,_a_Orixe_01-13b.JPG

 

— Exposición Camino El Origen. Museo Gaiás. Santiago de Compostela 13-03 a 13-09 2015. Parte 2.

http://1000-lugares-en-galicia.blogspot.fr/2015/09/exposicion-camino-el-origen-museo-gaias-santiago-parte-2.html

 

— Parteluz del pórtico de la Gloria de la catedral de Santiago de Compostela.  MarisaLR - Travail personnel https://es.wikipedia.org/wiki/Camino_de_Santiago#/media/File:Parteluz_de_l_p%C3%B3rtico_de_la_Gloria.jpg

 

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Saint Jacques en majesté, statue en bois polychrome du XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Saint Jacques en majesté, statue en bois polychrome du XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Il est logique de débuter la lecture du vitrail par le tympan.

LE TYMPAN.

Au sommet, Dieu le Père accueille l'âme de l'apôtre, représentée sous forme d'un homme nu, barbu et nimbé.

A droite, a lieu la décollation de saint Jacques, vêtu d'une cape rouge, tenant le bourdon et coiffé du chapeau de pèlerin à coquille Saint-Jacques . Deux paires de bourdonnets sont fixès en croix de chaque coté de la coquille.

 A gauche, décollation du scribe Josias devant Hérode Agrippa.

 Jacques, fils de Zébédée et frère aîné de l'apôtre Jean, est le seul apôtre dont la mort est rapportée dans le Nouveau Testament : « Il (Hérode) fit périr par le glaive Jacques, frère de Jean. » (Actes, XII:2) 

Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Registre supérieur. 

Décapité, le corps du saint est embarqué par ses disciples dans un bateau sans gouvernail sous la protection d'un ange. 

La barque accoste devant une ville de Galice (c'est bien-sûr  Compostelle)  gouvernée par la reine païenne Lupa, "La Louve" . La roche devient molle comme de la cire et se moule (en forme de coquille) autour du corps. 

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Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Registre inférieur.

 Sous une frise architecturale formant dais :  transfert des reliques de saint Jacques sur un char tiré par deux taureaux jusqu'au palais de la reine Lupa.  

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Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

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Inscription : la partie gauche, devenue illisible, a été remplacée par des caractères fantaisistes mais Ottin (s.d, [1896]) a lu iiil vXL viij charles champion.

De même, en 1891, Abgrall a lu la date de mil Vc XLVIII (1548) suivi de Charles Quampion fabrique. 

Il s'agit du même fabricien qui a commandité et inscrit son nom et la date 1548 sur la baie de saint Laurent à gauche de la baie axiale. 

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Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Jacques le Majeur (1548), chapelle Notre-Dame-du-Crann à Spézet, photographie lavieb-aile.

 

 

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SOURCES ET LIENS.

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) 1909 : La chapelle de Notre-Dame du Crann en Spézet (Bulletin de la Société archéologique du Finistère).

ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1891, Bulletin de la Société archéologique du Finistère page XXVI

https://archive.org/stream/bulletin78frangoog#page/n42/mode/2up

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), Inscriptions...

 http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_divers/abgrall_inscriptions-gravees.pdf

Bulletin monumental 1912 page 359 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k31102s/f468.item.zoom

— ARLAUX (Claire), 2006, La chapelle de Notre-Dame-du-Krann à Spézet, ed. Keltia Graphic.

COUFFON (René) LE BARS (Alfred), 1988, Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et de Léon, Quimper, Association diocésaine, 551 p.

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/SPEZET.pdf

— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005, Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes, page 197.

— OTTIN (Louis), s.d. (1896), Le vitrail; son histoire, ses manifestations à travers les âges et les peuples, pages 244-246 (plan).

https://archive.org/stream/levitrailsonhist00otti#page/246/mode/2up

 

 

PÉRENNÈS (chanoine Henri), 1931, La chapelle Notre-Dame-du-Crann en Spézet, Quimper, imprimerie cornouaillesse. Reprise des articles du BDHA de 1930-1931

 http://www.saintgoazec.com/public/upload/file/bd129a3e102efe309069ffc860992d51.pdf

Site infobretagne :

http://www.infobretagne.com/spezet-chapelle-notredameducrann.htm

Bulletin de la Société archéologique du Finistère 1903 page 290:

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109982z/f297.image

 

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Published by jean-yves cordier - dans Chapelles bretonnes. Vitraux Spézet
21 juin 2016 2 21 /06 /juin /2016 20:30
Baie n°6 : Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

Baie n°6 : Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Avec ses 2,50 m de haut et ses 1,10 m de large, la baie n° 6 en arc brisé éclaire le bas-coté sud de la nef. Elle comporte deux lancettes cintrées de trois panneaux et un tympan à 3 ajours (2 mouchettes et 1 soufflet). La verrière qui la ferme est consacrée au miracle de Saint Éloi ferrant et replaçant le pied coupé d'un cheval. Elle n'a été que peu restaurée, en 1918, par l'atelier parisien d'Alfred Bonnot : le soubassement a été complété à droite. On y note l'emploi de sanguine et de jaune d'argent.

On sait  sans-doute qu'en Bretagne, saint Éloi est invoquè pour la protection des chevaux, patrimoine essentiel des agriculteurs. La chapelle conservait autrefois une statue de saint Éloi. Un pardon lui fut consacré à partir de 1912 , près de la fontaine, pour concurrencer celui de la chapelle de Saint-Hervé à Gourin où les éleveurs et paysans avaient coutûme de se rendre en septembre pour baigner les chevaux.

Baie n°6 : Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

Baie n°6 : Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

Lancette A, panneau médian : saint Éloi ferrant la patte coupée.

"Ce vitrail se trouve dans le bas-côté Sud. Avant d'être élevé, en 640, au siège· épiscopal de· Noyon, saint Eloi avait été orfèvre à la cour de Clotaire II. Patron des orfèvres, il est devenu le patron des forgerons, des maréchaux-ferrants, et aussi des chevaux. Au diocèse de Quimper, plusieurs Pardons de chevaux se célèbrent en son honneur : à Saint-Eloi, Ploudalmézeau, Ploudaniel, Saint-Vougay, Plougourvest, Plouyé, Plouzévédé, Clohars- Fouesnant, Baye,  etc... · Dans notre vitrail, saint Eloi est occupé à ferrer un cheval. Coiffé d'une toque violette, il est vêtu d'un justaucorps bleu, ·d'une casaque rouge, porte des hauts-de-chausses violets. et des bas-de-chausses jaunes. A ses pieds, on voit un marteau et un fer à cheval. Son compagnon, coiffé d'une toque rouge, est habillé d'un justaucorps rouge, d'une casaque bleue, d'un tablier blanc, et porte des hauts et des bas-de-chausses de couleur jaune. Pendant qu'il tient la jambe du cheval, dont saint Eloi a détaché le pied, celui-ci s'emploie à ferrer le membre détaché. C'est ici un trait Iégendaire. Selon les données de la tradition populaire, saint Eloi ferrait un cheval, quand un étranger, se présentant, lui dit : «Je vois que vous ne savez pas bien votre métier. Pour bien ferrer un cheval, il faut lui détacher le pied, y mettre le fer, puis le rattacher à la jambe dont il était séparé.» Et l'étranger, joignant l'exemple au conseil, ferra lui-même le cheval de la façon susdite. Au premier coursier qu'on lui amena, saint Eloi voulut, pour le ferrer, user du même procédé. Quand il tenta de rattacher le pied à la jambe, il échoua piteusement. C'est qu'il ne jouissait pas de la Toute  Puissance de celui qui lui avait donné la leçon, et qui était le Seigneur Jésus lui-même."  (H. Pérènnes) 

Voir la légende racontée par Luzel : https://fr.wikisource.org/wiki/L%C3%A9gendes_chr%C3%A9tiennes/Saint_%C3%89loi_et_J%C3%A9sus-Christ

La Légende Dorée de Jacques de Voragine ignore saint Éloi, et les versions complétées et tardives, qui incluent ce saint, ne mentionne que ses talents d'orfèvre, et sa nomination comme évêque de Noyon. Voir la Légende Dorée traduite par  Les enluminures des Livres d'Heures et des traductions de la Légende Dorée du XVe siècle le représentent en saint évêque. (il est alors fêtée le 25 juin). Voir les 16  enluminures de Mandragore.

L'article de Wikipédia  donne une version plus précise du miracle de saint Éloi et cite notamment le rôle de l'enseigne prétentieuse d'Éloi avant sa conversion : Éloi, maître sur maître, maître sur  tous avant que Jésus ne lui donne la leçon d'humilité par laquelle il devra reconnaître que seul  le Christ est "maître sur tous".

Cet article signale que cette légende est d'origine allemande : à Fribourg, le vitrail homologue de celui de Spézet date de 1320.

Lancette centrale de la verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile

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A Fribourg, à Spézet,  la compréhension du miracle est ambiguë, car tout donne à penser que c'est saint Éloi (nimbé) qui procède brillamment à la pose du fer sur la patte coupée, sous le regard ébahi des assistants. 

 Beaune sur la tapisserie du 3e quart du XVe siècle des Hospices, l'ambiguïté persiste, car un chevalier présente le cheval, dont la patte est coupée, à la Vierge portant l'Enfant.

Pourtant, on peut penser que le maître-ferrant nimbé n'est autre que le Christ, que le chevalier derrière lui est saint Georges, et que le prétentieux Éloi est peint sur la lancette B, tenant la deuxième patte et observant la leçon qui lui est donnée.

Notez le cheval de gauche, audacieusement dessiné en fuite.

 

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Le Christ ferrant, Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

Le Christ ferrant, Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Inscription de la date : 1550.

Notez aussi le sol avec pavés tracés à la sanguine.

" Au-dessous des pieds du saint, on lit la date de 1550 « à laquelle correspond admirablement le costume des deux opérateurs et des deux propriétaires de chevaux qui sont à l'arrière-plan. On y trouve, en effet, toutes les particularités du règne de Henri II : petit toquet élégant, pour la coiffure, justaucorps, casaquin, hauts et bas-de-chausse collants. Les poses et les physionomies des personnages sont également en conformité  avec les peintures et sculptures de cette époque, de même que les petits ornements d'architecture qui forment les bases et les couronnements des deux baies et qui rappellent les motifs décoratifs de quelques-uns de nos porches » (Abgrall, p. 13 ). " (H. Pérènnes) 

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Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Selon mon hypothèse, voici donc le bon Éloi, pas encore converti — ou plutôt sur le point de l'être — à l'humilité évangélique et au renoncement à l'hubris. (J'entends Nietsche qui fulmine).

Ce serait alors amusant de constater que le nimbe christique prend la place le plumet dont le panache orgueilleux fait la roue sur la tête des autres personnages et même de leur monture.

C'est un peu comme dans la légende de saint Christophe, où le moment de la Conversion est celui où le géant trouve son maître, et où ce moment est fixé par une iconographie stéréotypée. dans les deux cas, (mais je ne le comprends, dans le cas d'Éloi, qu'aujourd'hui) cette conversio, ce renversement des valeurs et de l'âme passe par un jeu de regard : celui, éloquent, d'Éloi. 

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Notez le mors du cheval, dont les longues branches sont très dures à la bouche de l'animal.

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Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Le monogramme V.D qui se lit sur l'enclume est considérée comme la signature de Vincent Desportes.  Des maîtres-verriers de ce nom sont mentionnés à  Châteauneuf-du-Faou . (Congrés archeol. de France 1956 p. 217). Un Vincent Desportes répara en 1588 les verrières de Moncontour (Infobretagne). 

Néanmoins, un I est inscrit à l'intérieur du V et du D (comme dans l'abréviation de D[omin]i) : s'il s'agit d'une signature, le prénom et le nom devraient se terminer par un -i-.

Les outils du maréchal-ferrant sont, pour déferrer,  la mailloche, le dégorgeoir,  et la tricoise (la tenaille), et, pour ferrer, d'une forge et de son  enclume, du brochoir, de  la rape demi ronde, la rénette, et de la rape plate. Le brochoir sert ...à brocher, c'est à dire à enfoncer les clous : c'est lui que tient le Christ. Une extrémité est bifide pour extraire les clous : on le voit sous l'enclume.

Voir aussi saint Éloi et ses outils à  la chapelle de Tréguron (Gouezec) 

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Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

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Au sommet des lancettes : deux anges accroupis jouant de la flûte traversière.

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Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

Verrière de saint Éloi, chapelle Notre-Dame -du-Crann, Spézet. Photographie lavieb-aile.

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TYMPAN 

Dans les soufflets du tympan figurent trois jolis anges , dont deux (peu restaurés) ont les mains jointes sur la poitrine.   

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SOURCES ET LIENS.

 

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie) 1909 : La chapelle de Notre-Dame du Crann en Spézet (Bulletin de la Société archéologique du Finistère).

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1891, Bulletin de la Société archéologique du Finistère page XXVI

https://archive.org/stream/bulletin78frangoog#page/n42/mode/2up

— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), Inscriptions...

 http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_divers/abgrall_inscriptions-gravees.pdf

— Bulletin monumental 1912 page 359 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k31102s/f468.item.zoom

— ARLAUX (Claire), 2006, La chapelle de Notre-Dame-du-Krann à Spézet, ed. Keltia Graphic.

— COUFFON (René) LE BARS (Alfred), 1988, Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et de Léon, Quimper, Association diocésaine, 551 p.

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/SPEZET.pdf

— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005, Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes, page 197.

OTTIN (Louis), s.d. (1896), Le vitrail; son histoire, ses manifestations à travers les âges et les peuples, pages 244-246 (plan).

https://archive.org/stream/levitrailsonhist00otti#page/246/mode/2up

 

 

— PÉRENNÈS (chanoine Henri), 1931, La chapelle Notre-Dame-du-Crann en Spézet, Quimper, imprimerie cornouaillesse. Reprise des articles du BDHA de 1930-1931

 http://www.saintgoazec.com/public/upload/file/bd129a3e102efe309069ffc860992d51.pdf

— Site infobretagne :

http://www.infobretagne.com/spezet-chapelle-notredameducrann.htm

— Bulletin de la Société archéologique du Finistère 1903 page 290:

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109982z/f297.image

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