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14 août 2017 1 14 /08 /août /2017 19:01

La chiastolite, une andalousite des Salles de Rohan à Sainte-Brigitte (56) à l'origine des macles des Rohan.

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Dans mon article  Sur la piste du "A couronné" de Jehan II de Rohan : I. L'inscription de fondation du pont habité de Landerneau., j'avais appris que les  macles qui formaient le meuble de cette famille depuis le XIIIe siècle venaient d'une pierre caractéristique des terrains entourant la motte féodale d'Alain Ier de Rohan, à Sainte-Brigitte, dans le Porhoët. Ce château "des Salles de Rohan" contrôlait un site très riche en fer, et les Rohan développeront la métallurgie bretonne, sous forme de "forges à bras" mobiles dans la forêt, ou, au XVIIe siècle, avec la construction en 1621-1623 des Forges de Salles par le duc Henri II de Rohan.

J'avais alors regretté de ne pas disposer de clichés de ce minéral, une andalousite qui portait le nom de Chiastolite, du grec kiastos, "croix". Lors de ma visite de la Maison des Minéraux de Crozon, j'ai pu admirer un beau bloc de cette roche, et la photographier.

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PRÉSENTATION A BASE DE COPIER-COLLER ET DE LIENS.

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En débutant par l'orfèvre en la matière :

— Louis Chauris, « Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne », Revue archéologique de l'Ouest [En ligne], 27 | 2010, mis en ligne le 25 février 2012, consulté le 13 août 2017. URL : http://rao.revues.org/1384 ; DOI : 10.4000/rao.1384

"En Bretagne, les schistes appartiennent à toutes les époques de son évolution géologique, depuis les temps briovériens jusqu’à la fin de l’ère primaire. Les différences dans les conditions de sédimentation, puis dans les contraintes tectoniques subies, les modifications introduites éventuellement par le métamorphisme, voire par les influences météoriques, ont conduit à la genèse de multiples variétés.

Parmi les critères de distinction, celui de la coloration est sans doute le plus frappant. Les nuances les plus fréquentes oscillent dans la palette des bleus – du bleu-gris pâle au bleu-noir – mais on connaît aussi des schistes noirs, mauves, violacés, rosés, rouges à lie-de-vin, verts, gris, mordorés… L’alternance de minces lits gréseux clairs dans le fond schisteux sombre entraîne la formation de schistes « zébrés ». Au contact d’intrusions granitiques, le métamorphisme conduit à l’apparition de schistes tachetés, noduleux, ou fortement enrichis en andalousite (faciès chiastolite) ; ces roches seront cependant évoquées ici, avec les schistes sédimentaires dont elles conservent de nombreux caractères, y compris parfois la présence de fossiles. Dans la chiastolite, le silicate d’alumine cristallise en baguettes à section carrée dont la cassure transversale montre des inclusions carbonées ; leur répartition régulière mime une croix sombre sur fond clair ."

 

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— Géocaching :

https://www.geocaching.com/geocache/GC6910N_dans-la-famille-andalousite-la-chiastolite?guid=7b195775-07bd-42fc-b6f6-9c44c32459af

— Les Salles des Rohan : 

http://csem.morbihan.fr/dossiers/sigm/FicheSiteGeol18.htm

— Sortie de Vivarmor 

http://vivarmor.over-blog.com/article-sortie-51-du-groupe-patrimoine-geologique-22-metamorphisme-de-contact-autour-du-massif-de-rostre-107034595.html

— Sainte-Brigitte sur la carte IGN et la carte de Cassini : 

https://remonterletemps.ign.fr/comparer/basic?x=-3.136088&y=48.175156&z=14&layer1=GEOGRAPHICALGRIDSYSTEMS.CASSINI&layer2=GEOGRAPHICALGRIDSYSTEMS.MAPS&mode=doubleMap

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LE BLOC DE CHIASTOLITE DE LA MAISON DES MINÉRAUX DE SAINT-HERNOT À CROZON

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Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Dans le bloc exposé, les marques blanches à reflets jaunes qui se détachent sur le fond noir adoptent des formes diverses, en lignes sagittées, en losanges, en croix pattée ou de Malte, toutes centrées par un losange ou un croisement de lignes noires .

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Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

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"Alors que les schistes « classiques », du fait de leur fissilité plus ou moins accusée, se révèlent le plus souvent inaptes à l’obtention de moellons bien équarris, les schistes à andalousite (faciès chiastolite), par suite de leur texture de type cornéenne, constituent de bons matériaux de construction, susceptibles parfois de fournir des pierres de grand appareil. Un remarquable exemple est donné par l’abbaye de Bon-Repos (Saint-Gelven, Côtes-d’Armor), érigée non loin de l’étang des Salles de Rohan : la façade principale des bâtiments conventuels a fait un large appel aux schistes truffés de chiastolite qui lui confèrent un aspect des plus singuliers.

Mais ici la minéralogie confine à l’héraldique. Les cristaux de chiastolite étaient connus par les anciens auteurs sous le nom de « macles » (parfois orthographié « mâcles »). Comme le rappelle le minéralogiste A. Lacroix (1893), « il semble que l’introduction de ce terme dans la langue héraldique tienne à ce que les Rohan sur les terres desquels se trouvait le célèbre gisement des Salles, au pied du château, les avaient représentés dans leurs armes ».

Marc Vulçon de La Colombière (cité par Lacroix) écrivait en 1744 : « J’estime que les seigneurs de Rohan, qui sont les premiers à mon advis qui ont porté ces figures dans leurs armes… les ont prises, pour ce que dans le très ancien vicomté de Rohan… il y a quantité de petits cailloux, lesquels estant couppez en deux, l’on y voit dedans cette figure marquée… Ce qui estant extraordinaire et particulier à cette contrée, ce n’est pas sans sujet que les anciens Seigneurs d’icelle ayans remarqué cette merveille, ont pris ces figures pour leurs armes, et les ont transmises à leurs descendans, et leur ont donné le nom de Macles, qui vient du latin Macula, qui signifie tache, une macule ou une marque ; d’où quelques uns de cette maison ont pris pour devise sine macula macla… » . Bien plus à l’ouest, dans la région de Morlaix – Pleyber-Christ – Plourin (Nord-Finistère), les schistes à chiastolite ont là aussi été fréquemment recherchés pour le bâti, tant en ville qu’en zone rurale.." (Louis Chauris, idem)

 

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La forme en macle héraldique n'est pas la plus fréquente, mais c'est la plus spectaculaire.

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Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

Chiastolite (Andalousite), Sainte-Brigitte (56), Maison des Minéraux de Crozon. Photographie lavieb-aile août 2017.

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Published by jean-yves cordier
12 août 2017 6 12 /08 /août /2017 19:11

La chapelle Notre-Dame-de-Berven en Plouzévédé.  II. Les trois Sibylles des volets  du retable de l'Arbre de Jessé (vers 1576-1580).

 

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— Sur ce retable, voir :

 

Sur les Sibylles, voir :

— Sur les Sibylles du Finistère, voir :

 

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Le retable de l'Arbre de Jessé de la chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Le retable de l'Arbre de Jessé de la chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Les volets du retable de Notre-Dame-de-Berven s'ajustent, lorsqu'ils se referment, sur le coffre polygonal car ils sont constitués de trois éléments : aux deux volets symétriques droit et gauche est associé un volet plus étroit, articulé avec le volet gauche, et qui se rabat sur la partie la plus centrale du retable.

Les deux volets latéraux sont consacrés à six scènes de la vie de Marie et de l'Enfance du Christ, alors que le volet étroit montre trois des douze Sibylles, prophétesses mythiques de l'Antiquité païenne associées depuis la deuxième moitié du XVe siècle à douze scènes de la vie et de la Passion du Christ.

Si les Vies de Marie et de son Fils sont mis en image depuis le début de la Chrétienté, ce sont ces trois Sibylles, celle d'Erythrée associée à l'Annonciation, de Samos à la Visitation, et la Cimmérienne associée à la Nativité, qui font l'originalité de ces volets, en reprenant un thème qui n'est traité en Finistère que dans douze églises ou chapelles, soit de façon complète — on trouve les douze prophétesses à Brennilis, à Lampaul-Guimiliau et à Saint-Herbot —, soit dans une série partielle en neuf localités, ici à Notre-Dame-de-Berven   mais aussi à Kerjean (Saint-Vougay) et à Pleyben par le même atelier, à Roscoff, à Guimiliau, à Irvillac, La Martyre, Plabennec ,  ou au XIXe siècle à Rumengol. Soit au total 76 Sibylles toutes sculptées dans le bois, et en grande majorité entre la seconde moitié du XVIe siècle et la seconde moitié du XVIIe. Toutes, sauf celles de Kerjean, ont été recensées par l'abbé Castel en 2006. 

Chaque œuvre est différente, soit par le mobilier qui est sculpté (retable, autel, tribune d'orgue, abouts de poinçon, poutre de Gloire, tour de chœur, chaire à prêcher, stalles), soit par la technique (où prédomine le bas-relief), soit par les particularités voire les aberrations par rapport au thème iconographique établi. 

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À Notre-Dame-de-Berven, je peux souligner trois spécificités.

1°) Nous trouvons ici le seul exemple incontestable de l'association étroite entre les Sibylles, et la scène chrétienne qu'elle sont censées avoir annoncée.  Ailleurs, elles peuvent entourer l'Annonciation et la Passion (Lampaul-Guimiliau) mais sans ce couplage Sibylle/scène chrétienne, ou être placées dans le chœur de Guimilau à coté de panneaux de la Nativité, des Bergers ou des Mages mais là encore sans couplage géminé, ou avoir été regroupées ultérieurement (à Brennilis) nous laissant dans l'ignorance de la disposition primitive, mais le plus souvent elles sont clairement groupées en séquences sans rapport avec l'événement qu'indique leur attribut, et que le spectateur est censé connaître.

2°) C'est aussi  le seul exemple finistérien (ou breton) d'une association avec le thème de l'Arbre de Jessé, dont je rappelle qu'il occupe le coffre du retable. Pourtant, les deux thèmes relèvent de la même démarche typologique, de la même volonté de démontrer que ce qui fonde la foi chrétienne vient accomplir ce qui était écrit et prophétisé dans les temps anciens. Soit dans la Bible par les Prophètes — les prophéties d'Isaïe Is.11:1 et Is.7:14 sont le fondement du thème de l'Arbre de Jessé — , soit dans le monde païen de l'Antiquité gréco-latine par les Sibylles. Et, dans les deux cas, cette démonstration participe à authentifier la virginité de Marie (et son Immaculée Conception par voie dérivée).

Ce parallèle entre les 12 Sibylles, les 12 Prophètes et les 12 Rois de Juda a des précédents :

la Sibylle de Cumes figure sur l'Arbre de Jessé du psautier d'Ingeburge vers 1200 , et les Sibylles se disposent en arbre généalogique sur le vitrail de la Collégiale d' Étampes vers 1555 (cf. lien supra). L'arbre de Jessé de la cathédrale de Soissons (baie 100, réalisée vers 1212) comportait deux Sibylles à coté des Prophètes Isaïe, Daniel, Michée, Ézéchiel, Jérémie et Osias. Dans  l'arbre de Jessé du folio 11 du ms 340 de la Bibliothèque de Douai, 12e siècle : De Laudibus sanctae Crucis, une sibylle (inscription SIBILLA dans le phylactère) figure parmi les 8 personnages latéraux avec 7 prophètes.
 

3°) L'association entre la Sibylle de Samos tenant un berceau et la Visitation est unique. Partout ailleurs, elle est associée, bien-sûr, à la crèche de la Nativité. De même l'association entre la Sibylle Cimmérienne et la Nativité s'écarte de la tradition iconographique, qui relie cette Sibylle à une représentation de la Vierge allaitante. Manifestement, l'artiste n'a pas eu accès aux sources de cette tradition, mais à des informations ou modèles fragmentaires. 

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L'Atelier de Kerjean et celui du "Maître de Pleyben".

a)  Selon Couffon, La chapelle Notre-Dame-de-Berven  "fut construit par l'atelier de Kerjean à la suite d'une délibération des paroissiens de Plouzévédé du 21 juin 1573".  Mais c'est ce prolixe et parfois trop rapide auteur qui est lui-même le créateur de la définition ou de l'appellation d' "atelier de Kerjean" dans un article de 1948. Il désigne ainsi l'équipe venue bâtir et décorer le château de Kerjean en Saint-Vougay entre 1560 et 1580, introduisant dans l'architecture bretonne du Léon le répertoire décoratif de la seconde Renaissance française, inspiré de Serlio, Philibert Delorme, Androuet du Cerceau : frontons, volutes, lanternons, cariatides gainées, niches à coquilles, colonnes cannelées et baguées comme celles conçues par Delorme pour le château des Tuileries, celui d'Anet, ou de Villers-Cotterets. Dans le Haut-Léon, les paroisses riches témoignent de leur grande prospérité économique en construisant ou en reconstruisant leurs églises selon les critères à la mode. Ce vocabulaire décoratif de la Renaissance  eut une influence considérable sur l'art des enclos paroissiaux et on le reconnaît dans le porche de Saint-Hervé  de Lanhouarneau (1582-1584), à Bodilis (1585), à Berven (1573) ou à Landerneau (1604).  L’architecture civile  n’est pas en reste et on reconnaît ce style aux châteaux de Maillé et Kergournadec’h  construits vraisemblablement à la même époque, entre 1560 et 1580 et où s'expriment comme à Kerjean la diversité des partis pris architecturaux et la similitude des motifs décoratifs propres à cette période particulièrement féconde.

Sur ce retable, c'est surtout l'influence flamande ou allemande qui a été reconnue, mais  on note pourtant la présence des cartouches de cuir découpés et rubans, des putti, des colonnes cannelées propre à cet atelier.

b) Dans la même période de 1560-1580, la charpente de la chapelle du château de Kerjean a été ornée par les sculptures sur bois d'un artiste anonyme qui est aussi l'auteur des sculptures de la charpente des églises de Pleyben, de Sainte-Marie-du-Ménez-Hom et de Saint-Divy, voire de Roscoff. Sophie Duhem a donné à ce sculpteur le nom de "Maître de Pleyben" et en a défini les spécificités stylistiques. Celles-ci ne sont pas notables sur le retable de Berven, mais on ne peut s'empêcher de noter que le  motif des Sibylles est présent dans les œuvres de ce Maître à Kerjean et à Pleyben. Or, Notre-Dame-de-Berven est séparé de seulement 5 kilomètres du château de Kerjean.

Nota bene : je ne suis pas convaincu par contre par les auteurs qui mentionnent la présence de Sibylles sur les panneaux du jubé (1720) de la chapelle de Berven.

 

 

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Volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé de la chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé de la chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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1. La Sibylle d'Erythrée avec sa fleur, associée à l'Annonciation.

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La Sibylle d'Erythrée est associée à son attribut, la fleur, et à l'Annonciation (où Gabriel tend un lys à Marie) depuis les gravures sur bois imprimées vers 1461 (exemplaire unique au monastère de Saint-Gall) et depuis les enluminures des Heures de Louis de Laval ou de sa copie réalisée à Tours vers 1490-1500

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 La Sibylle d'Erythrée avec sa fleur, associée à l'Annonciation, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Sibylle d'Erythrée avec sa fleur, associée à l'Annonciation, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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La Sibylle d'Erythrée.

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Elle apparait tenant sa rose dans une vignette gravée dans les marges des Heures de Simon Vostre de 1513 avec l'inscription suivante :

Sibile eriche anonca

En laage de xv ans comment

Lange gabriel prononça

De la vierge lenfentement.

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La Sibylle d'Erythrée avec sa fleur, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Sibylle d'Erythrée avec sa fleur, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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La Sibylle d'Erythrée avec sa fleur, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Sibylle d'Erythrée avec sa fleur, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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L'Annonciation.

Dieu le Père dans les nuées, la colombe en transit du Paternel vers Marie, le lit et son ciel de lit, Gabriel au genou fléchi qui trace une bénédiction et présente un phylactère avec sa déclaration : AVE MARIA, le vase symbole de virginité non enfreinte et le lys blanc symbole de pureté, Marie absorbée par sa lecture pieuse, vêtue de bleu et feignant la surprise, tout le vocabulaire traditionnel est soigneusement cité par l'artiste .

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L'Annonciation, La Sibylle d'Erythrée avec sa fleur, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

L'Annonciation, La Sibylle d'Erythrée avec sa fleur, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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2. La Sibylle de Samos et son berceau associée à la Visitation.

.La Sibylle samienne est associée à son attribut, le berceau à bascule, mais contrairement à aux  enluminures des Heures de Louis de Laval  où ce berceau renvoie à la scène où Marie et Joseph entoure l'Enfant dans son berceau de paille, elle introduit à la scène de la Visitation : Marie, enceinte de Jésus, salue sa cousine Elisabeth, elle aussi enceinte par intervention divine, et celle-ci ressent pour la première fois son enfant (le futur Jean-Baptiste) "tressaillir d'allégresse en son sein" (Luc 1:39).

La présence de cette Sibylle à coté de la Visitation est-elle totalement une erreur de l'artiste ? Dans le Livre d'Heures de Charles VIII par Antoine Vérard (1494-1496), une Sibylle (sans attribut) figure avec un Prophète  dans la marge d'une page enluminée en haut d'une Annonciation, et en bas d'une Visitation. 

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 La Sibylle de Samos et son berceau associée à la Visitation, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Sibylle de Samos et son berceau associée à la Visitation, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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La Sibylle de Samos.

Les trois prophétesses portent une robe ceinturée très haut, juste sous la poitrine qu'elle met en évidence. Mais le voile couvrant la tête, la couleur gris-souris et le visage triste contredisent la réputation de grande élégance de ces dames.

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La voici dans les heures de Simon Vostre de 1513 avec l'inscription : "Sibile Sanne proferoit en lange de XXIIII ans que la vierge crist poseroit sans appeler lieux triumphans". C'est la version abrégée des vers de l'édition 1508 de Ces presentes Heures a lusaige de Paris, , 1508, Simon Vostre :

Sibile sanne proferoit

En laage de xxiiii ans

Que la vierge christ poseroit

En la crèche aux beufs et gerroit

Sans apeter lieux triumphans.

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 La Sibylle de Samos et son berceau, volet gauche du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Sibylle de Samos et son berceau, volet gauche du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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 La Sibylle de Samos et son berceau, volet gauche du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Sibylle de Samos et son berceau, volet gauche du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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La Visitation.

Marie est à droite, devant un ange. Elisabeth est agenouillée devant sa cousine et Zacharie, l'époux d'Elisabeth rendu muet pour avoir douté de la capacité de Dieu à lui donner un enfant,  lève le doigt pour dire qu'il est guéri et qu'il va entonner un cantique. Ce sera le fameux Benedictus Dominus Deus Israel ( Luc 1:68-79), qui sera chanté tous les matins aux Laudes de la liturgie des Heures. Zacharie porte la coiffure rituelle de la classe sacerdotale à laquelle il appartient.

On pourra encore remarquer les trois colonnes en marbre aux chapiteaux corinthiens, et s'interroger sur la valeur allégorique de la colonne centrale, comme substitut du Christ.

Et on ne laissera pas passer le petit chien blanc, qui fait souvent une apparition rapide ( sur les vitraux de la Passion, on le voit auprès de Pilate depuis Martin Schongauer) pour donner une touche intimiste et domestique au tableau.

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La Visitation, volet gauche du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Visitation, volet gauche du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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3. La Sibylle Cimmérienne avec sa corne à usage de biberon, associée à la Nativité.

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La Sibylle Cimmérienne avec sa corne à usage de biberon, associée à la Nativité,  volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Sibylle Cimmérienne avec sa corne à usage de biberon, associée à la Nativité, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Non, la Sibylle Cimmérienne n'était pas sourde et n'a pas emprunté au professeur Tournesol son cornet acoustique, mais elle nous présente son attribut, le "cornet à allaiter", une corne de bovin percée et coiffée d'une tétine de cuir afin de servir de biberon.

Cet objet lui a été attribué vers 1460 pour signifier qu'elle a, dans ses vaticinations, eut le prescience fulgurante de la venue d'une Vierge qui allaiterait son enfant. Là encore, il faut consulter l'enluminure du Livre d'Heures de Louis de Laval  ou son homologue de 1490-1500 conservé à Munich pour voir sur une double page d'un coté la Sibylle au biberon, et de l'autre Marie donnant le sein à Jésus, avec des inscriptions détaillées sur le rapport entre les deux scènes.

Sur le bois gravé du monastère de Saint-Gall (la plus ancienne), le biberon ressemble à un entonnoir, mais on voit distinctement la tétine.

Parmi les livres imprimés, voici la gravure des Heures de Simon Vostre 1513 avec l'inscription

"Sibile Cyemeria

aagee de XVIII ans a dit

que la vierge alectera

son enfant sans nul contredit".

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La Sibylle Cimmérienne avec sa corne à usage de biberon,  volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Sibylle Cimmérienne avec sa corne à usage de biberon, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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La Sibylle Cimmérienne avec sa corne à usage de biberon,  volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Sibylle Cimmérienne avec sa corne à usage de biberon, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Ah mais voilà, arrivé au volet principal, l'artiste a sculpté une banale Nativité, et non une Vierge allaitant le petit Jésus sous le regard attendri de Joseph. Bien-sûr, on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir pris exemple sur les enluminures hors de prix dont j'ai donné le lien, et réalisées un siècle auparavant, et qui ne sortaient pas des coffres de leurs nobles  commanditaires. Peut-être ne disposait-il que de catalogues de sculpteurs, ou bien d'un Livre d'heure de Symon Vostre tel que celui-ci, de 1513, qui montre la Cimmérienne dans les marges du texte sans l'associer spécifiquement à la scène de l'allaitement du Fils de Dieu. C'est d'autant plus possible qu'on trouve dans ces Heures imprimées par Symon Vostre un Arbre de Jessé accompagné de la Sibylle de Tibur, et que sa gravure de la Visitation peut aussi avoir été prise en modèle. Tout comme sa Nativité avec le bœuf et l'âne à droite, et l'étable comme un bâtiment romain à arche à caissons , ou même comme les six plateaux des volets principaux.

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La Nativité,  volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Nativité, volets gauches du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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LE VOLET DE DROITE.

Il est fait de trois panneaux de bas reliefs représentant de haut en bas l'Annonce aux Bergers, l'Adoration des Mages et la Présentation de Jésus au Temple.

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Le volet de droite  du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Le volet de droite du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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L'Annonce faite aux bergers.

Comparer avec les Heures de Symon Vostre de 1513 .

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 L'Annonce faite aux bergers, volet de droite  du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

L'Annonce faite aux bergers, volet de droite du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Détail : le joueur de cornemuse.

Il est recensé par le site, impossible à prendre en défaut, de l'Iconographie de la cornemuse de Jean-Luc Matte, avec un commentaire : "un bourdon d'épaule relativement long".

Joueur de cornemuse, détail de  L'Annonce faite aux bergers, volet de droite  du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Joueur de cornemuse, détail de L'Annonce faite aux bergers, volet de droite du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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L'Adoration des Mages.

Comparer avec :

Heures à l'usage de Sens par Simon Vostre 1513 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8408426/f83.item.r=Heures%20vostre

Heures à l'usage de Lyon par Symon Vostre 1513 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1511386h/f83.item.r=symon%20vostre.zoom

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L'Adoration des Mages, volet de droite  du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

L'Adoration des Mages, volet de droite du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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La Présentation de Jésus au Temple.

Comparer avec les  Heures à l'usage de Sens par Simon Vostre 1513

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8408426/f88.item.r=Heures%20vostre

On notera la colonne brisée à gauche, déjà présente sur le panneau de la Nativité, et qui a valeur allégorique de la rupture déterminée par le Christ avec le monde païen, ou de la chute des idoles.

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La Présentation de Jésus au Temple,  volet de droite  du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580,   chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

La Présentation de Jésus au Temple, volet de droite du retable de l'Arbre de Jessé, bois polychrome, vers 1576-1580, chapelle Notre-Dame-de-Berven. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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SOURCES ET LIENS.

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§ Sur Notre-Dame-de-Berven :

Photographie Wikipédia de juillet 2012   :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a0/Plouz%C3%A9v%C3%A9d%C3%A9_%2829%29_N.D._de_Berven_Arbre_de_Jess%C3%A9_01.JPG

Très belle présentation de la chapelle  sur le site :

http://www.expression-bretagne.com/suiviprojets-bat/PLOUZEVEDE-CHAPELLE/CHAPELLE-ESSAI/chapelle-berven-OK.html

"Le retable de Notre-Dame de Berven se trouve dans le transept gauche. Il se présente sous la forme d'un coffre entouré de 3 volets. La réalisation de cet ensemble est d'inspiration flamande.
Au centre, se trouve la statue de Notre-Dame de Berven, représentée debout, les pieds posés sur un croissant de lune et tenant l'enfant Jésus dans les bras. La Vierge est entourée d'une gloire rayonnante piquetée de roses. A ses pieds, David et Jessé surmontés des rois de Juda présentant une généalogie réduite de Marie.
Deux anges musiciens sont placés de part et d'autre de la tête de la Vierge. Le haut du retable est décoré de petits personnages et de motifs floraux. 
La lecture des volets de gauche doit se faire en regardant simultanément les deux vignettes placées sur la même ligne. A chaque fois, un épisode de la naissance du Christ est évoqué avec, en regard la figure d'une sibylle (prophétesse de l'Antiquité) qui avait annoncé sa venue. De haut en bas, la sibylle d'Erythrée et l'annonciation, la Samienne et la visitation et enfin la Cimmérienne et la Nativité.
Le panneau de droite présente trois scènes de l'enfance de Jésus. De haut en bas, le réveil des bergers par l'ange, l'Adoration des Mages, la Présentation au temple."

 

Base Palissy :

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PM29000833

Base Palissy après la restauration : 14 clichés du 22 août  2016 :

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/memoire_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_5=LBASE&VALUE_5=PM29000833

 — COUFFON (René) 1948, L'architecture classique au pays de Léon, 1573-1700 l'atelier de l'Elorn : l'atelier de Kerjean .Éditeur: [S.n], 1948 1 vol

COUFFON (René), 1988, Notice sur Plouzévédé :

 http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/PLOUZEVE.pdf

 

"A l'autel latéral nord, statue de la Vierge de Jessé (C.), où l'influence allemande est perceptible sur la mandorle, bien que l'oeuvre soit toute bretonne (ateliers de Morlaix) ; elle date de la seconde moitié du XVIè siècle. La Vierge en haut-relief, vénérée sous le nom de Notre Dame de Berven, les pieds sur un croissant de lune, présente l'Enfant Jésus ; tout autour, statuettes illustrant l'Arbre de Jessé. Sur les volets de la niche, six bas-reliefs polychromes : Annonciation, Visitation et Nativité d'un côté, l'Annonce aux bergers, l'Adoration des Mages et Circoncision de l'autre."

SPREV (avec photos)

http://www.sprev.org/centre-sprev/plouzevede-chapelle-notre-dame-de-berven/

CHANTONY.FR

 »Niche à volets d'inspiration flamande.  Au centre, se trouve une Vierge en haut-relief qui est debout sur un croissant lunaire. Elle est entourée d'une gloire rayonnante et de roses. Abraham et Jessé sont à ses pieds tandis que les rois de Judée forment un arbre généalogique sur les côtés. Des scènes de la vie de la Vierge sont figurées sur les volets et, à gauche, des sibylles symbolisent l'Annonciation, la Nativité et l'Allaitement. »

http://www.chantony.fr/patrimoine_et_histoire/29_plouzevede.html

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§ Sur les Sibylles :

 

— CASTEL (Yves-Pascal), Les 70 Sibylles du Finistère, en ligne, Société Archéologique du Finistère

http://patrimoine.dufinistere.org/art2/index.php?art=ypc_sibylles

— CASTEL (Yves-Pascal), 2006, "Les 70 sibylles du Finistère", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère - T. CXXXV - 2006 pages 201

 

— RAYBOULD (Robin)  chapitre 10 : The Oracula Sibyllina of St-Gall

https://books.google.fr/books?id=XTtFDQAAQBAJ&pg=PA143&lpg=PA143&dq=st-gall+oracula+sibyllina&source=bl&ots=-Mh6bIynwI&sig=Nn_i1QZPiUE_ui3KR5sVRFgayZU&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj1n5ikzdLVAhWENhoKHUJCAhkQ6AEIQjAE#v=onepage&q=st-gall%20oracula%20sibyllina&f=false

— Oracula Sibyllina (1461-1465) conservé à Saint-Gall :

https://archive.org/stream/bub_gb_bcZGXuwbc9UC#page/n39/mode/2up

 

— Sibyllae et prophetae de Christo Salvatore vaticinantes - BSB Cod.icon. 414, Tours, 1490 - 1500 [BSB-Hss Cod.icon. 414]http://daten.digitale-sammlungen.de/bsb00017917/image_10

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Published by jean-yves cordier - dans Sibylles
11 août 2017 5 11 /08 /août /2017 13:22

La chapelle Notre-Dame-de-Berven en Plouzévédé. I. L'Arbre de Jessé  du retable de l'autel nord. 

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Au dessus d'un autel Renaissance du bras nord du faux transept de la chapelle Notre-Dame-de-Berven, le retable dit "de Notre-Dame-de-Berven" est la rencontre de plusieurs thèmes : la Vierge de l'Apocalypse sur un croissant de lune dans une mandorle de rayons d'or et d'étoiles (mais où manque la Démone terrassée) ; l'Arbre de Jessé, avec six rois de Juda et les prophètes Isaïe et Jérémie (mais où manque Jessé et son arbre), et sur les volets les trois Sibylles associées à la Vie de la Vierge (mais où manque les neuf autres Sibylles). Ce choix, qui privilégie comme souvent le culte marial au culte christique, dépend d'une volonté de démontrer que la Mère de Dieu était annoncée, sous l'effet d'un plan divin du Salut, tant dans les Écritures par les Prophètes que par les Prophétesses de l'Antiquité païenne.

Ce premier article décrira les sculptures du coffre (Dieu, La Vierge à l'Enfant, les Rois et Prophètes), alors qu'un second article décrira les trois volets (la Vie de la Vierge et les Sibylles).

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Ce retable appartient aux  19 Arbres sculptés recensés en Bretagne par le docteur Louis Le Thomas en 1963,  dont 6 en Finistère (Plourin-les-Morlaix, Locquirec, Plounevezel, Plouzevedé/Berven, St-Thégonnec, St-Yvi),  dont 13 comportant une Démone, et 6, comme ici, sans Démone.

Classé au titre d'objet le 10/11/1906, il a été restauré en 2016. Les photos antérieures à cette date montre une organisation un peu différente. 

 

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Voir dans ce blog lavieb-aile des articles consacré aux Arbres de Jessé de Bretagne:

Les sculptures :

Et les vitraux :

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Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

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DESCRIPTION GÉNÉRALE.

Éclairé faiblement par un lustre du meilleur goût (qui me rappelle celui qui masque le vitrail de Chagall dans le déambulatoire de la cathédrale de Metz), c'est un coffre en bois polychrome à volets de 2 mètres sur trois (selon la base Palissy). Comme ce coffre forme un volume de section hexagonale, il se ferme avec, à droite, un seul volet, et à gauche, un double volet dont l'élément extérieur est plus étroit, ces volets s'adaptant au  fronton à trois pans, le pan central étant le plus court.

Le coffre lui-même possède un fond plat, bleu pâle, deux cotés encadrés par des demi-colonnes corinthiennes cannelées ou sculptées de bas-reliefs Renaissance à putti, et un couronnement à trois arcades ajourées et trois acrotères.

On n'y lit aucune inscription et aucune date. La datation de la fin du XVIe siècle peut être déduite du décor Renaissance du couronnement et des colonnes, des chronogrammes portés par l'édifice (1576 sur un portail, 1579 sur une sablière, 1580 sur une fenêtre de la longère), ou   du fait que, selon une délibération des paroissiens de Plouzévédé du 21 juin 1573, l'édifice fut construit par l'atelier du château de Kerjean (actif vers 1570-1580). D'autre part, la présence de trois Sibylles sur les volets renvoie aux Sibylles de la chapelle de Kerjean ( vers 1570) et  de l'église de Pleyben (vers 1571), par le même atelier qui a reçu le nom de Maître de Pleyben. Enfin, le cartouche de cuir découpé au masque de lion, et les volutes du devant de l'autel qui reçoit ce retable ressemblent au décor des sablières de la chapelle de Kerjean. 

 

 

 

 

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Au centre, dans une mandorle de rayons dorés (certains absents)  et de roses rouges, jaunes ou or, la Vierge tient son Fils sur le bras droit et ses pieds reposent sur un croissant de lune. Cette disposition fait d'elle une Vierge de l'Apocalypse (Ap. 12:1) enveloppée du soleil couronnée d'étoile, et la lune à ces pieds. Dans le contexte du développement de l'Arbre de Jessé, c'est une allusion à l'Immaculée Conception.

L'Enfant, en Sauveur, bénit et tient le globe terrestre. 

Le manteau bleu de Marie, fermé par une chaîne d'or, tombe en lourd plis sur une robe lie-de-vin au décolleté légèrement arrondi.

Les traits du visage, au front et aux sourcils épilés, au long nez et à la bouche petite sur un menton rond et saillant,  sont  songeurs voire tristes.

Je ne manque pas de remarquer la coiffure : c'est un bandeau plissé comme un "chouchou" qui rassemble les cheveux châtains avant d'en laisser flotter les mèches sur les épaules. : comme sur de très nombreuses Vierges ou saintes du Finistère.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Un Arbre de Jessé de Basse-Bretagne adopte le plus souvent une disposition dans laquelle Jessé, ancêtre fondateur de la lignée de David qui mène au Christ selon les évangiles de Matthieu et de Luc, est allongé et voit, dans un songe, un arbre s'élever de son corps : sur les branches s'échelonnent un certain nombre (jusqu'à douze) des rois de Juda tels que David, son fils Salomon, son petit-fils Roboam, etc. 

Comme cette représentation, inaugurée par l'abbé Suger à Saint-Denis au XIIe siècle, illustre la prophétie d'Isaïe 11:1 Puis un rameau sortira du tronc de Jessé, et un rejeton naîtra de ses racines", les artistes ont représenté ce Prophète aux cotés de Jessé. Souvent accompagné du prophète Jérémie, et même de onze autres Prophètes, pour égaler le nombre de rois.

Et comme la prophétie d'Isaïe 7:14  dit "Voici que la Vierge concevra et enfantera   un fils, et on le nommera Emmanuel", la Vierge à l'Enfant devient le fruit ou la fleur sommitale de l'Arbre de Jessé.

Enfin, pour montrer que par cet enfantement, la Vierge permet à l'Humanité d'échapper à la malédiction du Péché, les artistes bretons ont représenté sous le croissant de lune ou sous les pieds de Marie une Démone brandissant la pomme.

Or, ici, nous ne trouvons ni Jessé allongé, ni Démone terrassée.

Pourtant, les commentateurs identifient l'un des personnages encadrant la Vierge comme étant Jessé, l'autre étant alors Isaïe (ou "Abraham").

Néanmoins, si on se réfère à la disposition avant la restauration du retable, nous voyons que les deux hommes debout sont posés sur une boite de rehaussement, qui soutient aussi le croissant de lune.

Pour moi, cette caisse rectangulaire a vraisemblablement pris la place qu'occupait jadis Jessé allongé, voire même une Démone, peut-être détruite par un recteur pudibond.

 

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L'une des raisons de mes réticences à reconnaître dans le personnage de gauche Jessé, c'est que celui-ci porte un phylactère, sur lequel était peinte jadis une inscription, ou, du moins, qui renvoie à une prophétie ou une citation biblique. Et l'index dirigé vers la Vierge montre que cette citation trouve son accomplissement en Marie. Or, la Bible n'attribue aucune déclaration semblable à Jessé, le propriétaire de troupeaux.

A l'inverse, cette phylactère pourrait être déroulée par Isaïe (Ecce virgo concipiet et pariet), ou par Jérémie. 

Deuxièmement, ce personnage n'est en rien relié aux bourgeons floraux sur lesquels sont installés les rois. Il ne donne naissance à aucune tige.

Mais la difficulté vient du fait qu'il est couronné. Si cela s'oppose à y voir Jessé (qui est le père du roi David, mais qui n'a jamais été roi lui-même), cela ne permet pas d'y voir non plus un prophète. Zut alors ! Kicéty ? Salomon, dans toute sa gloire ? Notez le turban orientaliste sous la couronne, et les oreillettes hébraïsantes. 

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À Moncontour, un vitrail du XVIe siècle (1530-1540) montre Jessé assis endormi au centre, entouré de Jérémie à gauche avec l'inscription Jerémie 23:5 Ecce dies veniunt ... "Le temps viendra, dit le Seigneur, où je suciterai à David une race juste" , et d'Isaïe à droite, portant les mots du verset Is. 11:1  [Et egredietur virga  de radice Iesse], Et flos de radice ejus ascendet.

C'est cette disposition courante que je suggère de reconstituer ici.

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Le prophète Jérémie (?) en roi tenant un phylactère.

 

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Le prophète Isaïe tenant un phylactère.

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Le personnage de droite est un Isaïe très convaincant, avec sa longue barbe blanche, son bâton où s'enroule son verset, son bonnet ceint d'un turban, et son regard tourné vers la Vierge. Notez l'amusante position des pieds.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Le prophète Isaïe ; la tige brisée de l'Arbre.

Au dessus de la tête d'Isaïe, la base du bourgeon floral qui sert de support au roi David montre sa tige brisée. Cela confirme que ce que nous voyons n'est que ce qui reste de l'Arbre complet. Et renforce ma conviction de la présence de Jessé comme point d'origine des deux tiges droite et gauche.

La tige du bourgeon du coté gauche est brisée également.

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La chapelle Notre-Dame-de-Berven en Plouzévédé. I. L'Arbre de Jessé du retable de l'autel nord.

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A droite : le roi David.

On l'identifie facilement avec sa harpe, sa couronne et son sceptre. Les bourgeons floraux de l'Arbre de Jessé se retrouvent dans différentes œuvres, comme sur l'Arbre de Jessé de Burgos.

La barbe sera et le sceptre vont se retrouver chez tous les autres rois, et moins constamment le turban, la robe serrée par une ceinture, la courte pèlerine ou le scapulaire couvrant les épaules.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Deuxième roi de Juda à droite.

La tige ou le bourgeon sur lequel il était posé a disparu. Il montre du doigt la Vierge.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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 Troisième roi de Juda à droite.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Premier roi à gauche.

Une tunique courte, des chausses, des bottes. Une coiffure associant le bonnet, la couronne et le turban.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Deuxième roi à gauche.

Celui-ci tient comme regalia le sceptre, mais aussi le globus cruciger (sans sa croix).

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Troisème roi à gauche.

Celui-ci a choisi de se faire représenter avec son livre de chevet.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Le fronton.

Il est caractéristique du style de la seconde Renaissance, avec, sous les arcades, ses cuirs découpés en bandes à enroulement, ses fruits vus par leur base, ses douze putti, et sur les acrotères, ses médaillons tenus par des femmes à demi-dénudés.

Il coiffe le registre supérieur, où Dieu, dans ses nuées privées, reçoit les louanges et la musique de ses anges et bénit les foules.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Dieu le Père.

Sous l'ombrage du fronton, Dieu porte les attributs de sa gloire royale : manteau rouge doublé d'hermine, couronne d'or et orbe.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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L'ange portant une palme.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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L'ange jouant du serpent.

... ou plutôt une trompe un peu sinueuse (le vrai serpent est doté d'une embouchure nommée bouquin).

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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L'ange jouant de la vièle à archet.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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Détail des colonnes et de leurs putti.

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Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

Retable de Notre-Dame-de-Berven, bois polychrome, fin XVIe siècle, transept nord de la chapelle Notre-Dame-de-Berven à Plouzévédé. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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SOURCES ET LIENS.

— LE THOMAS (Louis), 1963, Les Arbres de Jessé bretons, première partie, Bulletin de la société Archéologique du Finistère 165- 196, 1963.

— LE THOMAS (Louis), 1963,  Les Arbres de Jessé bretons, troisième partie, Bulletin de la société Archéologique du Finistère pp. 35-72, 1963.

 

— Photographie Wikipédia de juillet 2012   :

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a0/Plouz%C3%A9v%C3%A9d%C3%A9_%2829%29_N.D._de_Berven_Arbre_de_Jess%C3%A9_01.JPG

— Très belle présentation de la chapelle  sur le site :

http://www.expression-bretagne.com/suiviprojets-bat/PLOUZEVEDE-CHAPELLE/CHAPELLE-ESSAI/chapelle-berven-OK.html

"Le retable de Notre-Dame de Berven se trouve dans le transept gauche. Il se présente sous la forme d'un coffre entouré de 3 volets. La réalisation de cet ensemble est d'inspiration flamande.
Au centre, se trouve la statue de Notre-Dame de Berven, représentée debout, les pieds posés sur un croissant de lune et tenant l'enfant Jésus dans les bras. La Vierge est entourée d'une gloire rayonnante piquetée de roses. A ses pieds, David et Jessé surmontés des rois de Juda présentant une généalogie réduite de Marie.
Deux anges musiciens sont placés de part et d'autre de la tête de la Vierge. Le haut du retable est décoré de petits personnages et de motifs floraux. 
La lecture des volets de gauche doit se faire en regardant simultanément les deux vignettes placées sur la même ligne. A chaque fois, un épisode de la naissance du Christ est évoqué avec, en regard la figure d'une sibylle (prophétesse de l'Antiquité) qui avait annoncé sa venue. De haut en bas, la sibylle d'Erythrée et l'annonciation, la Samienne et la visitation et enfin la Cimmérienne et la Nativité.
Le panneau de droite présente trois scènes de l'enfance de Jésus. De haut en bas, le réveil des bergers par l'ange, l'Adoration des Mages, la Présentation au temple."

 

— Base Palissy :

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PM29000833

— Base Palissy après la restauration : 14 clichés du 22 août  2016 :

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/memoire_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_5=LBASE&VALUE_5=PM29000833

 

—COUFFON (René), 1988, Notice sur Plouzévédé :

 http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/PLOUZEVE.pdf

 

"A l'autel latéral nord, statue de la Vierge de Jessé (C.), où l'influence allemande est perceptible sur la mandorle, bien que l'oeuvre soit toute bretonne (ateliers de Morlaix) ; elle date de la seconde moitié du XVIè siècle. La Vierge en haut-relief, vénérée sous le nom de Notre Dame de Berven, les pieds sur un croissant de lune, présente l'Enfant Jésus ; tout autour, statuettes illustrant l'Arbre de Jessé. Sur les volets de la niche, six bas-reliefs polychromes : Annonciation, Visitation et Nativité d'un côté, l'Annonce aux bergers, l'Adoration des Mages et Circoncision de l'autre."

— SPREV (avec photos)

http://www.sprev.org/centre-sprev/plouzevede-chapelle-notre-dame-de-berven/

— CHANTONY.FR

 »Niche à volets d'inspiration flamande.  Au centre, se trouve une Vierge en haut-relief qui est debout sur un croissant lunaire. Elle est entourée d'une gloire rayonnante et de roses. Abraham et Jessé sont à ses pieds tandis que les rois de Judée forment un arbre généalogique sur les côtés. Des scènes de la vie de la Vierge sont figurées sur les volets et, à gauche, des sibylles symbolisent l'Annonciation, la Nativité et l'Allaitement. »

http://www.chantony.fr/patrimoine_et_histoire/29_plouzevede.html

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Published by jean-yves cordier - dans Arbre de Jessé
8 août 2017 2 08 /08 /août /2017 22:24

Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus : le manuscrit du duc Albert V de Bavière de l' Österreichische Nationalbibliothek de Vienne, Mus.Hs.18744/1-4 Mus 

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Sur les enluminures des Livres de chœur d'Albert V par  Hans Mielich, voir :

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— Sur les Sibylles, voir :

— Sur les Sibylles du Finistère, voir :

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    Un texte a récemment été découvert qui permettrait de se replonger dans la vie d’Albert V, l’employeur de Lassus, à cette époque. La probabilité qu’il s’agisse d’un texte authentique est voisine de zéro. Mais il stimule l’imagination...

    « Dans la salle de musique de son palais, à Munich, Albert V s’est paré de sa large écharpe de velours rouge et de ses deux rangées de colliers d’argent. Il a aussi revêtu sa coiffe ornée de dessins dorés en forme de V. Assis devant la grande table, il contemple ses trésors. Quels chefs-d’œuvre ! Sans l’ombre d’un doute, les générations futures lui élèveront des autels pour les avoir initiés. Pour l’heure, il se les réserve pour sa satisfaction personnelle. Exclusive ! Il profitera seul de ces plaisirs hors norme... et hors de prix. Tant qu’il vivra, les partitions ne quitteront pas son palais. Quelques maigres informations sur ces partitions secrètes pourront fuiter, par-ci, par-là... Un parfum de légende n’a jamais nui à l’exercice du pouvoir, bien au contraire. Mais cela n’ira pas plus loin. Hormis pour de rares exécutions privées.

    Il en convient, sa politique n’a pas amélioré les finances de la Bavière. Toutefois, la dette du pays, il ne l’a pas inventée. À son arrivée au pouvoir, elle était déjà là, abyssale. Ce qui ne l’a pas empêché de déployer des moyens considérables pour unifier la Haute et la Basse Bavière. Et au passage, lutter contre l’hérésie protestante. Sans oublier les recruteurs qu’il a envoyés parcourir l’Europe pour tenter de convaincre les meilleurs chanteurs, les instrumentistes d’exception, de venir enrichir sa Chapelle musicale. Ces charlatans de recruteurs l’ont si souvent escroqué.

    Les quatre grands livres de chœur des Psaumes de la pénitence de Roland de Lassus sont là, ouverts devant lui. Une réalisation hors du commun. Plusieurs années de travail. La partition suit la disposition habituelle, celle qui permet de chanter à quatre depuis le livre, deux voix notées sur la page de gauche, deux sur celle de droite. Quelle chance d’avoir eu Jean Pollet comme copiste. Il a donné la mesure de son talent. La graphie est somptueuse. Mais ce n’est pas ce que le souverain admire en premier. Les quatre zones de la partition sont littéralement enveloppées d’une profusion de dessins et de gravures ! Les couleurs sont flamboyantes. Ce qui n’est pas surprenant quand on connaît le nom de leur auteur, le génial Hans Mielich. Oui, cette partition est sans équivalent, à la hauteur du seul Lassus.

    Il repense au recrutement de Lassus, quinze ans auparavant, comme simple ténor. Et déjà à prix d’or ! Depuis, son compositeur et ami a pris une envergure européenne. Il suffit qu’un éditeur, que ce soit à Venise, à Paris ou à Amsterdam, mette son nom sur un recueil, parfois pour une unique chanson perdue au milieu des autres, et les ventes s’envolent.

    Que de souvenirs. Et combien son propre père, Guillaume IV, apprécierait le spectacle de cette partition ! En son temps, il en a bien fait une équivalente pour des Messes du grand Josquin. Aujourd’hui, grâce à ses propres efforts, Munich est désormais la capitale de l’Europe. Les plus célèbres peintres, sculpteurs, graveurs de médailles, musiciens sont prêts à tout pour se faire engager à sa cour. Tiens, par exemple, le petit Gabrieli qui insiste tant pour venir tenir l’orgue et apprendre la composition auprès de Lassus. Il faudrait peut-être le faire venir ? Il semble avoir du talent.

    Le Duc range avec soin les quatre livres et sort un autre ouvrage, moins imposant, Les Prophéties des Sibylles. Lassus n’a jamais voulu lui révéler quand il a composé cette musique sur la langue énigmatique des prêtresses d’Apollon. Peut-être à Rome. Il a dû être marqué par les Sibylles que Michel-Ange a peintes sur le plafond de la Chapelle Sixtine. Mais Michel-Ange n’en a seulement peint que cinq. Mielich, lui, a réalisé une miniature pour chacune des douze. Et au passage, il a fait un des plus beaux portraits qui soit de Lassus.

    Pourtant, ce qui fascine Albert V est d’une autre nature. Il se chante l’introduction. Le texte est de Lassus lui-même : « Ces chants que tu entends, élaborés selon une mélodie chromatique, ce sont ceux-là par lesquels, jadis, les douze Sibylles ont chanté d’une voix intrépide les secrets de notre salut. » Ah, ce chromatisme ! Quel mystère... Quand les malheureux compositeurs italiens qui s’agitent dans les cameratas de Ferrare l’utilisent pour une horrible musique expérimentale, réservée aux connaisseurs, brutale pour l’oreille, Lassus a réussi une réalisation bien supérieure. Puissante et discrète. Albert ne saurait dire pourquoi, mais cette musique est belle, mystérieuse et envoûtante. Les règles anciennes y sont abolies, un monde neuf entrouvert. Il le sent, l’héritage de cette œuvre devra attendre longtemps avant d’être reçu ! Un jour, peut-être, quelqu’un percera le mystère de ces nouvelles lois. »

    BBBBBBBBBBBBBb

    Ce texte, légèrement effrayant et opaque, est une prophétie chrétienne, une annonciation de la venue du Christ. Mais la figure de la Sibylle est plus ancienne que cela. Elle remonte à l’Antiquité. On la confond parfois avec la Pythie de Delphes. Il y a d’ailleurs un lien. Les deux disent des oracles et font des prophéties. Mais, d’une certaine façon, la Pythie est la version titularisée, fonctionnarisée, de la prophétesse. Elle réagit seulement quand on vient la voir. Et alors, elle annonce – mais de façon cryptée – son avenir au visiteur. Pour sa part, la Sibylle est libre. Elle ne parle que lorsqu’elle a une vision. Et elle cultive une façon très particulière, très « sibylline », de transmettre ses visions.

    Avant tout, la Sibylle est simplement la version féminine du Prophète. Et les compositeurs ont d’innombrables fois mis les Prophètes en musique. Par contre, pour les Sibylles, en dehors de Lassus, il semble n’y avoir que Maurice Ohana qui l’ait fait au XXe siècle.

    Comment Roland de Lassus a-t-il eu l’idée de traiter ce thème ? Mais aussi, quand l’a-t-il fait ? Dans quelle ville ou pays ? Sait-on même de qui sont les textes qu’il met là en polyphonie ? Et pourquoi précisément douze Sibylles ? Voilà une belle liste de questions. Les spécialistes en débattent encore.

    La Sibylla europaea, la Sibylle européenne, neuvième de la liste de Lassus chante :

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    PRÉSENTATION.

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    Albert V de Bavière dit Albert le Magnifique (né le 29 février 1528 à Munich ; † 24 octobre 1579 à Munich) fut duc de Bavière de 1550 à 1579.

    Hans Mielich ou Müelich (Munich 1516-1573) est un peintre, miniaturiste et  dessinateur allemand de la Renaissance tardive, connu principalement pour ses portraits (il fut le portraitiste favori de la bourgeoisie de Munich), miniatures et enluminures. Ses relations avec le duc Albert V de Bavière, grand amateur d'art qui lui commande à partir de 1546-1547 de plus en plus d'œuvres, évoluent bientôt vers une étroite amitié. Mielich devient un peintre de cour apprécié. En 1558 il est élu chef de la corporation des peintres.  Dans le domaine des miniatures sont à ranger les deux Inventaire des bijoux d'Albert (1546–55) et de son épouse Anne (1552–55), et surtout l'illustration d'un recueil de Motets de Cyprien de Rore (1557–59, 300 pages) et des Psaumes pénitentiels de Roland de Lassus. Il était lié d'une amitié d'artiste avec ce compositeur.

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    Roland de Lassus ou Orlando di Lasso (Mons,1532-Munich,1594) , est un compositeur de l'école franco-flamande, vers la fin de la Renaissance. Estimé d'abord pour la qualité de sa voix, à Mons, puis Milan, Naples en 1550, il occupe le poste de Maître de chapelle de Saint-Jean-de-Latran à Rome en 1553, puis séjourne à Anvers où il publie ses premières compositions en 1555.

     C'est en 1556 qu' il rejoint à Munich la cour d'Albert V de Bavière, qui désire s'entourer de musiciens prestigieux à l'instar des cours des princes italiens.

    En 1558, il épouse Regina Wäckinger, la fille d'une dame d'honneur de la duchesse.

     

    Son art fut d'emblée reconnu et Roland de Lassus était, dès le milieu du siècle, surnommé le « divin Orlande » par le poète Ronsard, ou « Prince de la musique » par ses contemporains, ou encore, plus tard, l'« Orphée belge ». Dans les années 1560, Lassus était déjà devenu très célèbre, et des compositeurs se rendaient à Munich pour étudier avec lui.

    En 1563, Lassus est nommé maître de chapelle à Munich, succédant à Ludwig Daser à ce poste. Il demeure au service d'Albert V et son héritier, Guillaume V de Bavière, jusqu'à sa mort en 1594.

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    Les prophetiae sibyllarum.

    Roland de Lassus s'est illustré dans un style connu à l'époque comme Musica reservata (ou musica secreta). Il s'agit de mettre le texte en musique de façon expressive et intense, en mêlant échelle chromatique et échelle diatonique. Un exemple célèbre d'une composition de Lassus, écrite dans ce style, est sa série de 12 motets intitulé Prophetiae Sibyllarum (les Prophéties des Sibylles), qui annonce le chromatisme de Carlo Gesualdo. Innovante pour l'époque, cette manière de composer n'est réapparue qu'au XXe siècle. Mais  le duc Albert V  ne lui permettait pas de les faire éditer parce qu'il s'en réservait la propriété exclusive pour la cour de Bavière afin de les faire jouer pour un usage privé. C'est notamment le cas  pour les Prophetiae Sibyllarum  et surtout les Psaumes pénitentiels (Psalmi pœnitentiales Davidis), tous écrits entre  1556 et 1559. Il faisait copier les partitions sur manuscrit, les faisait enluminer par Mielich et relier à prix d'or et faisait garder  ces chefs d'œuvre de bibliophilie dans son Trésor, en réservant la présentation à quelques hôtes illustres.

    J'ai déjà présenté dans ce blog les trois livres de chœur conservés à la Bibliothèque Nationale de Munich : a) les partitions de 26 motets de Cypriano de Rore copiés sur velin par Johannes Pollet datant de 1559 (Mus. Ms B I ) et leur commentaire par le médecin et bibliophile Samuel Quickelberg , et  b) Les sept Psaumes pénitentiels et deux psaumes Laudate de Roland de Lassus  copiés sur velin par Johannes Pollet et enluminés par Mielich  datant de 1565  (cote Mus.Ms A I et II ). 

    Mais un troisième livre de chœur est conservé à la  Bibliothèque Nationale de Vienne sous la cote 18744 : les Prophetiae sibyllarum, datant de 1560 environ.

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    Les manuscrits enluminés des Lectiones ex libris Hiob et Prophetiae sibyllarum.

    Österreichischse Nationalbibliotek  Cote Mus.Hs.18744/1-4 Mus sous le titre Lectiones ex libris Hiob und Prophetiae Sibyllarum .

    Lien vers la notice et le manuscrit numérisé :  http://data.onb.ac.at/rec/AL00234956

    Il s'agit de quatre volumes manuscrits (velin ?) de 18,6 x 25,6 cm. Chaque volume est sensiblement identique.

    Ils réunissent deux ensembles composés vers 1552-1553 (?) à la forme SATB : les Sacrae lectiones ex propheta Job, neuf lectures ou leçons de l'Office des défunts aux Matines, avec les Prophetiae sibyllarum, douze Prophéties des Sibylles .

    L’édition en fac-similé a été publiée  et introduite par J. A. Owens  en 1986.

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    Les neuf Leçons de Job sont ornées par une lettrine dorée. Ce sont :

     

    1."Parce mihi Domine". "Peccavi, quid faciam tibi" (Job 7,16-21)

    2."Taedet animam meam" "Indica mihi, cur me ita iudices" "Numquid sicut dies hominis" (Job 10 1-7)

    3."Manus tuae. Domine fecerunt me" "Nonne sicut lac" (Job 14,1-6)

    4."Responde mihi, quantas habeo" "Scribis enim contra me".

    5"Homo natus de muliere" "Et dignum ducis" "Constituisti terminos".

    6 "Quis mihi hoc tribuat". "Vocabis me, et ego respondebo"

    7 "Spiritus meus attenuabitur". "Libera me, Domine, et pone me" "Si sustinuero, infernus domus mea".

    8 "Pelli meae, consumptis carnibus". "Quare persequimini" "Scio enim, quod redemptor".

     9 "Quare de vulva eduxisti me". "Dimitte me ergo".

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    Les 12 pièces des Sibylles sont précédés d'une introduction musicale où Lassus explique qu'il a voulu provoquer l'étonnement par une écriture inattendue.  En effet,   "l’écriture de ce cycle est complètement originale : Lassus y recourt à ces altérations ou chromatismes très étonnants qui font qu’immédiatement on perçoit la volonté de sortir du langage ordinaire, c’est-à-dire du langage du mode diatonique caractérisé à l’inverse par son absence de tout dièse ou bémol " (I. His)

    Le texte des prophéties est celui d'hexamètres issus  d' un recueil imprimé à Bâle en 1545 et  intitulé Sibyllinorum oraculorum libri octo, multis huiusque seculis abstrusi nuncque primum in lucem editi ... Per Xystum Betuleium ...Sixt Birck, Ex offic. J. Oporini, 1545, qui donne en appendice au texte principal les douze textes anonymes choisis (hormis le prologue), rassemblés sous le titre Sibyllarum de Christo vaticinia.  Le musicien en a sans doute plutôt utilisé la réédition de 1555), [Oracula Sibyllina].  Sibyllinorum oraculorum libri VIII. Addita Sebastiani Castalionis interpretatione latina... cum annotationibus Xysti Betulei in graeca sibyllina oracula et Sebastiani Castalionis in translationem suam... / Basileae : per J. Oporinum , [1555] ).  Voir 1599 Sibylliakoi Chrēsmoi hoc est Sibyllina Oracula ex vett. codd. aucta ..page 458


     

    "L’éditeur dit fournir ici en supplément des chants latins qu’il a récemment trouvés dans un livre « ancien » ; l’ordre des douze textes y est bien celui repris par Lassus, excepté l’interversion entre les deux dernières sibylles, Agrippa et Erythraea, qui reste à expliquer  " (I. His).  En fait, ces hexamètres pourraient être une traduction approximative des poèmes en italien populaire qui accompagnent douze gravures de Baccio Baldini.

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    Le portrait.

    Les manuscrits se terminent, pour trois des quatre volumes, par un portrait de Roland de Lassus "à l'âge de 28 ans", soit en 1560.

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    Isabelle His a suggéré que les Psaumes pénitentiels, les Leçons de Job et les Prophéties des Sibylles pouvaient constituer un corpus cohérent : 

    "Le fait est qu’elles [les Prophéties] y voisinent avec un autre cycle musical, celui de neuf Leçons de Job, et qu’un autre manuscrit consacré à Lassus fait cohabiter quant à lui un ensemble de sept Psaumes de pénitence et deux psaumes Laudate. Les Sibylles appartiennent donc, matériellement, à une sorte de triptyque dont elles peuvent former le volet  central : Leçons de Job /Sibylles/Psaumes. Par ailleurs, un lien avec le corpus des psaumes est avéré par la représentation, rassemblées sur une page de son manuscrit, des douze sibylles dont l’autre manuscrit contient la musique . L’ensemble que forment ces manuscrits de Lassus semble correspondre à des corpus composés autour de 1560, peu après sa prise de fonctions à Munich, peut-être selon un programme défini par son prince, donnant en tout cas la mesure des divers talents de son jeune musicien."

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    RAPPEL SUR LES SIBYLLES.

    J'ai présenté le thème iconographique des 12 Sibylles dans mon premier article sur l'église de Brennilis (cf. lien supra). Quelques dates :

     

    1461-1465 : Les Oracula sibyllina dites de Saint-Gall, du nom du monastère qui conserve cet ouvrage : première apparition de la série organisée de 12 prophétesses antiques, associées chacune à un épisode de la vie du Christ, qu'elles annoncent : un attribut symbolise leur prophétie. Avec 12 xylographies. 

    v. 1470 : le 12 gravures des  Prophètes et les Sibylles par le florentin Baccio Baldini . Cette série, – dont Francesco Rosselli, vers 1485-1490, fit des copies  – daterait  vers 1470-1475, selon Hind, Oberhuber et Levenson, vers 1475-1480, selon Zucker ; pour cette série, Baldini s’inspira parfois des gravures du Maître E. S., graveur allemand dont les dernières œuvres sont datées des environs de 1466-1467 . La séquence est : Persica / Libica / Delphica / Cimmeria / Erythrea / Samia / Cumana / Hellespontica / Phrygia / Tiburtina / Europa / Agrippa.

    1470-1480 : le manuscrit enluminé des Heures de Louis de Laval réserve douze doubles pages aux Sibylles, en reprenant le texte et la systématisation liturgique des Oracula Sibyllina de  saint-Gall : 

    a) Les sept Sibylles de la Vie de la Vierge et Enfance  de Jésus : Persica Libica Erythrea Cumana Samia Cimmeria Europa : Etoile des Bergers / Incarnation de la Lumière / Annonciation / Accouchement / Mise au berceau / Allaitement/ Fuite en Egypte Massacre des Innocents

    b) Les cinq Sibylles de la Passion et de la Résurrection : Tiburtina Agrippa Delphica Hellespontica Phrygia  : la Passion : Le Soufflet / La Flagellation / Le Couronnement d'épines / La Crucifixion / La  Résurrection.

    1481 : Philippo Barbieri (= de Barberis) donne la première publication imprimée dans  Discordantii sanctorum doctorum, 1481,  réed. 1505 d'une suite de 12 Sibylles en indiquant leur âge, leur attribut, et en les accompagnant d'un texte en latin.

    1493. Le  Liber chronicarum, la Chronique de Nuremberg, donne sur les marges d'une page le portrait et les prophéties de huit Sibylles. https://www.wdl.org/fr/item/4108/view/1/140/

    1509 : Michel-Ange peint cinq Sibylles sur le plafond de la chapelle Sixtine.

    1545 et 1555 : recueil imprimé à Bâle en 1545 et  intitulé Sibyllinorum oraculorum libri octo, Bâle,  J. Oporini, 1545,  réédition Bâle  1555).

    vers 1552 : composition des Prophetiae sibyllarum par Roland de Lassus :

    La série ainsi composée par Lassus, : Persica / Libica / Delphica / Cimmeria / Samia / Cumana / Hellespontica / Phrygia / Europa /Tiburtina / Erythrea / Agrippa, est  différente à la fois de celle de Barbieri en 1481, de celle des Heures de Louis de Laval, et de celle de Jean Dorat, illustrée par Jean Rabel, en 1586. 

    1560 : réalisation du manuscrit de la partition enluminé par Hans Mielich pour le duc Albert V.

    1570 : apparition de Sibylles sculptées sur les voûtes de l' église de Pleyben (Finistère) et de la chapelle seigneuriale de Kerjean (Saint-Vougay, Finistère).

    1600 : publication des Prophetiae sibyllarum de Roland de Lassus à Munich par Nicolaï Henrici.

     

     

     

     

     

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    LES ENLUMINURES DES MANUSCRITS VIENNA MUS.Hs.18744 PAR HANS MIELICH. LES DOUZE SIBYLLES ; LE PORTRAIT DE ROLAND DE LASSUS.

    Après la série d'émissions de Musicopolis consacrée en avril 2017 par Anne-Charlotte Rémond  à Roland de Lassus à Munich, en cette semaine d'août 2017, cinq épisodes de sept minutes d'une émission est diffusée par France Musique : Roland de Lassus et les Prophéties des Sibylles, dans Les enquêtes musicales  de Claude Abromont. À cette occasion, et aiguillonnée par mes précédents articles d'iconographie des Sibylles, je découvre que je ne connais pas  les enluminures des Sibylles par Hans Mielich pour ces Prophéties. Et pour cause : elles  ne sont pas disponibles en ligne.

      

    Bien que les Prophetiae Sibyllarum aient été très soigneusement étudiées par les musicologues, Peter Bergquist et Ann Owens en tête, et que les manuscrits aient été publiés en fac-similé par ce dernier auteur, l'internaute  ne dispose pas  des portraits des 12 Sibylles ou du compositeur : et l'article d'Isabelle His ne donne  accès qu'aux reproductions en noir et blanc de ces 12  sibylles. J'ai voulu profiter de la numérisation du Vienna Mus. Hs 18744 pour proposer ici des documents. Tous les droits relèvent de la Bibliothèque Nationale de Vienne.

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    La ferrure centrale de la reliure : monogramme AH et armoiries.

    Les quatre manuscrits sont reliés avec, au centre une pièce métallique portant le monogramme AH (Albrecht Herzog = le duc Albert V ?), d'un blason aux anciennes armes  écartelés de Bavière entouré du collier de la Toison d'or et surmonté d'une devise mal lisible  I CANTRAT ENORS (???).

    Ces armoiries sont à comparer aux garnitures en métal (des pièces d'orfèvrerie) du manuscrit Mus.ms.A de Munich

     http://www.lavieb-aile.com/2015/05/autoportrait-de-hans-mielich-suite-le-mus-ms-a-i-et-ii.html

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

     

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    L'INTRODUCTION MUSICALE : CARMINA CHROMATICO.

    Les douze pièces sont précédées d’une sorte d’introduction musicale, dont le texte est peut-être de la main de Lassus lui-même, qui explique :

    Carmina chromatico quae audis modulata tenore
    Haec sunt illa quibus nostrae olim arcana salutis
    Bis senae intrepido cecinerunt ore Sibyllae

     

    "Ces chants que tu entends avec un ténor chromatique
    Ce sont ceux avec lesquels autrefois nos deux fois six sibylles
    Annoncèrent d’une bouche sans crainte les secrets de notre salut. » (I. His 2004)

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    On notera la lettrine, dans le pur style des calligraphies de la chancellerie ducale, ou du moins de celles que Georg Bocksay secrétaire de l'empereur Ferdinand Ier assembla en 1561 dans un Livre de modèles qui sera enluminé 30 ans plus tard par Joris Hoefnagel (le Mira calligraphiae monumenta).

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Voici la liste des 12 sibylles que nous allons découvrir : 

     

     

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    1. La Sibylle de Perse tenant la lanterne : la lumière  de l'étoile des bergers.

    2. La Sibylle de Libye tenant un flambeau : la lumière fait Christ Ego sum lux.

    3. La Sibylle de Delphes tenant une couronne : le Couronnement d'épines.

    4. La Sibylle Cimmérienne tenant une corne à usage de biberon : l'allaitement de l'Enfant-Jésus.

    5. La Sibylle de Samos tenant un berceau : la Nativité dans la Crèche.

    6. La Sibylle de Cumes tenant un bassin ovale : la Nativité

    7. La Sibylle d'Hellespont  tenant une croix, préfigurant la Crucifixion.

    8. La Sibylle de Phrygie tenant l'étendard de la Résurrection, annonçant ...la Résurrection.

    9. La Sibylle Europe, tenant une épée, annonçant la Fuite en Égypte et le Massacre des Innocents.

    10. La Sibylle de Tibur tenant une main coupée, annonçant l'affront fait au Christ pendant sa Passion (gifle d'un soldat).

    11. La Sibylle d'Erythrée, tenant une fleur, reliée au lys tenu par Gabriel lors de l'Annonciation.

    12. La Sibylle Agrippa, tenant un fouet, préfigurant la Flagellation.

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    Chacune est associée à un mode musical 

     

     

     

     

    1. LE CARTOUCHE   "SIBI : PERSICA" ET LA SIBYLLE PERSIQUE.

     

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    Le cartouche de "cuir découpé à enroulement" : il constitue un sujet d'étude à part entière. Venu d'Italie, développé par l'École de Fontainebleau vers 1526, il est repris par les artistes flamands et de l'Europe du nord. Il m'intéresse de le retrouver ici, en 1560, après en avoir admirer les développements savants sur les sablières de la chapelle de Kerjean (vers 1570) où sont sculptés de belles Sibylles.

    Avant Hoefnagel, qui en fera ses délices, Hans Mielich s'ingénie à enchevêtrer des cuirs de plusieurs couleurs, à y pendre des colliers, des rubans ou des guirlandes, à y placer des feuillages et des oiseaux, à y suspendre des masques, à y faire évoluer des putti,  etc. 

    Comme nous avons quatre manuscrits dont les enluminures diffèrent légèrement, ce sont quarante-huit cartouches qu'il faudrait étudier.

    En outre, les médaillons dans lesquels s'inscrivent les Sibylles sont eux-mêmes placés dans des cartouches. Y'a d'koi faire !

    Je donnerai à chaque fois deux exemples d'enluminure de chaque Sibylle, parmi les quatre manuscrits, tirés du premier et du dernier proposés en numérisation.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle Persica : 

    Elle est âgée de 30 ans (chiffre 30 sur le fond noir)  et son attribut est la lanterne. Elle annonce la lumière  qui guida les Bergers et les Mages à la Nativité. Par contre, Hans Mielich ignore une solide tradition, celle de la représenter piétinant un serpent. Comme ici sur l'oracula Sibyllina de saint-Gall (vers 1460) :

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    Texte : Mode musical associé : 8 (Sol).

    ​​​​​​Pour chaque folio, je donnerai le texte en latin de la pièce musicale de Roland de Lassus, puis la traduction.

     

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    Virgine matre satus, pando residebit asello,
    Iucundus princeps, unus qui ferre salutem
    Ritè queat lapsis : tamen illis fortè diebus
    Multi multa ferent, immensi fata laboris.
    Solo sed satis est oracula prodere verbo :
    ille Deus casta nascetur virgine magnus.

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    "Né d'une mère vierge, il sera assis sur un âne à l'échine courbée,

    Prince gracieux, qui seul peut porter le salut

    Selon les rites aux pécheurs ; pourtant sans doute en ces jours

    Beaucoup supporteront les nombreuses prophéties d'une souffrance immense.

    Mais une seule parole suffit pour rendre les oracles :

    Ce grand Dieu naîtra d'une vierge pure." Copyright Trad. Guy Laffaille

     

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Sur chaque vignette, nous verrons la Sibylle lever l'index, en signe d'énonciation oraculaire, et tenir un attribut. 

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Sur un autre manuscrit :

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    2. LE CARTOUCHE "SIBI : LIBICA" ET LA SIBYLLE DE LIBYE.

     

    Deux cartouches dont l'un est orné de deux oiseaux dont un chardonneret, et l'autre de fleurs et de masques.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle de Libye. 

    Mode musical associé : 8 (Sol). Son attribut est le flambeau. Elle annonce la Lumière apportée au Monde par le Christ. :L'âge de 24 ans est indiqué, la Sibylle tient son cierge allumé, les vêtements et la coiffure diffèrent d'une enluminure à l'autre. 

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    Le texte de la Sibylle Libica :


    Ecce dies venient, quo aeternus tempore princeps,
    Irradians sata laeta, viris sua crimina tollet,
    Lumine clarescet cuius synagoga recenti :
    Sordida qui solus reserabit labra reorum,
    Aequus erit cunctis, gremio rex membra reclinet
    Reginae mundi, sanctus, per saecula vivus.
    ans, et gloria certa manebit.

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    "Voici que les jours viennent où le Prince éternel

    Irradiant d'une lumière joyeuse, enlèvera aux hommes leurs crimes.

    La Synagogue s'illuminera de sa lumière nouvelle.

    Lui qui seul ouvrira les lèvres viles des accusés,

    Il sera bienveillant pour tous, roi,

    il reposera ses membres sur le sein de la reine du monde,

    Saint, vivant dans les siècles." (Trad. Guy Laffaille copyright 2010)

     

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    Pour cet exemple, je vais comparer ces six vers aux diverses sources que j'ai étudié dans mi=on étude sur les Sibylles de Brennilis. Pour les autres, le lecteur pourra s'y référer. Ici, on constatera que l'incipit ecce dies venient (qui citent le prophète Jérémie) se retrouvent dans tous les cas, de même que la référence à la Synagogue, 

     

    Baccio Baldini (1470-1480) : SIbILLA·LIbICA· (S à rebours). Assise dans un jardin, coiffée d’un chapeau conique à plumes, elle tourne les pages d’un livre posé sur ses genoux. Un cartouche porte l'inscription  Ecce venientem diem et latentia aperientem tenebit gremio gentium regina

     Tentative de traduction "Voici venir le jour ou sera révélé celui que la reine des nations  tiendra en son giron"

    Le poème en italien est le suivant :

    Il di Verra che ll'etterno signiore

    Lume dara alle chose naschose

    E legami iscora del nostri errore

    Fara le sinagoge luminose

    E solvera le lab[ra] al pechatore

    E fie stadera di tute le chose

    En grenbo alla rina delle giente

    Sedra questo re santo evivente

     

    Voir Marjorie Roth 2005.

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    — Filippo Barbieri (1481) : Sibylla Libyca ornata serto viridi et florido in capite, vestita pallio honesto et non multum juvenis sic ait : Ecce veniet dies et illuminabit condempsa [sic] tenebrarum et solventur nexus Sinagogae et desinent labia hominum et videbunt regem viventium ; tenebit illum in gremio virgo domina gentium et regnabit in misericordia et uterus matris erit statua [ou statera] cunctorum. "Elle porte une guirlande verte et fleurie  sur la tête, elle est vêtue d'une belle robe et elle n'est plus toute jeune." A défaut de pouvoir donner une traduction claire de la suite, je remarque que la Libyque est associée à la venue de la Lumière dissipant l'obscurité de la Synagogue, mais aussi à celle d'un Roi régnant dans la miséricorde et issu de l'utérus d'une Vierge . cf in gremio virgo, "dans le giron d'une vierge" et uterus matris.

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    — Prophète associé par Barbieri : Jérémie 23:5  Ecce dies veniunt dicit Dominus et suscitabo David germen iustum et regnabit rex et sapiens erit et faciet iudicium et iustitiam in terra "Voici, les jours viennent, dit l'Éternel, Où je susciterai à David un germe juste; Il régnera en roi et prospérera, Il pratiquera la justice et l'équité dans le pays." 

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    — Livre d'Heures de Louis de Laval  folio 18v: "La Sibylle Libyque  tient à la main un cierge allumé. L'inscription qui l'accompagne est ainsi conçue : « Sibylla Libyca, XXIV annorum, cujus meminit Euripides. Videtur clare vaticiriari de adventu Salvatoris cum prophetis. Ecce veniet deus et illuminabit condensa tenebrarum et solvet nexus Synagogœ... »

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    3. LE CARTOUCHE "SIBI : DELPHICA" ET LA SIBYLLE DE DELPHES.

     

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle de Delphes

    Son attribut est la couronne, annonçant le Couronnement d'épines de la Passion. L'âge est de 20 ans. Elle porte un voile, des voilages transparents, et, dans le deuxième exemple, elle tient la couronne par l'intermédiaire d'un linge.

    Texte :


    Non tarde veniet, tacita sed mente tenendum
    Hoc opus, hoc memori semper qui corde reponet,
    Huius pertentant cor gaudia magna prophetae
    Eximii, qui virginea conceptus ab alvo
    Prodibit, sine contactu maris, omnia vincit
    Hoc naturae opera : at fecit, qui cuncta gubernat.

     

    "Il ne viendra pas tard, mais il doit être gardé en secret

    Cet acte ; celui qui le mettra dans son cœur pour toujours

    D'une grande joie son cœur sera rempli par les Prophètes

    Éminents, conçu dans le ventre d'une vierge

    Il se présentera, sans le contact d'un homme, ceci vainc

    Les actes de la nature, mais c'est celui qui gouverne tout qui l'a fait."(Trad. Guy Laffaille)

    Source : poème en italien sur une gravure de Baccio Baldini vers 1470-1480 ; 

    None daeser lenta matraquilla

    Averta lopera echonsiderare

    Lavenimento che alta villa

    Dovel profeta grande aincharnare

    Nel ventre verginal dumanancilla

    Sansa congiunto duom mortalsafare

    Ecchotalchosa fie sopra natura

    Fatta per chuel chepvo che idio dara

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    4. LE CARTOUCHE "SIBI CIMMERIA" ET LA SIBYLLE CIMMÉRIENNE.

     

     

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Notez la différence de graphie Cimmeria / Cimeria.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle Cimmérienne.

     

    Mode musical : 1 (b Sol) . Âge 18 ans. Elle tient une corne, utilisée comme biberon, pour annoncer que Marie allaitera son Fils.

    Le texte  mis en musique : 


    In teneris annis facie praesignis, honore
    Militiae aeternae regem sacra virgo cibabit
    Lacte suo : per quem gaudebunt pectore summo
    Omnia, et Eoo lucebit sidus ab orbe
    Mirificium : sua dona Magi cum laude ferentes,
    Obiicient puero myrrham, aurum, thura Sabaea.

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    "Dans ses tendres années, d'une beauté insigne, honorée

    Par l'armée éternelle, une vierge sainte nourrira un roi

    De son lait ; par lui de grand cœur ils se réjouiront

    Tous et l'étoile du Matin brillera dans un ciel magnifique,

    Les Mages portant leurs dons avec respect

    Présenteront à l'enfant la myrrhe, l'or et l'encens de l'Arabie." (Trad. Guy Laffaille)

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    5. LE CARTOUCHE "SIBI : SAMIA" ET LA SIBYLLE SAMIENNE.

     

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle de Samos.

    Mode musical : 2 (b Sol). Âgée de 15 ans, elle tient un berceau à bascule annonçant la crèche de la Nativité. Dans la première enluminure, elle est entièrement vêtue d'un manteau bleu couvrant la tête ; dans l'autre, un voile blanc recouvre les cheveux.

    Texte.

     


    Ecce dies, nigras quae tollet laeta tenebras,
    Mox veniet, solvens nodosa volumina vatum
    Gentis Judaeae, referent ut carmina plebis.
    Hunc poterunt clarum vivorum tangere regem,
    Humano quem virgo sinu inviolata fovebit.
    Annuit hoc coelum, rutilantia sidera monstrant.

     

    "Voici le jour, qui enlèvera joyeusement les ténèbres noires,

    Il viendra bientôt, résolvant

    les volumes compliqués des prophètes

    De la race de Judée, les chants du peuple rapportent

    Qu'ils pourront toucher ce brillant roi des vivants,

    Qu'une vierge intacte réchauffera sur son sein humain.

    Le ciel l'indique par un signe, les étoiles éclatantes le montrent." (Trad. Guy Laffaille)

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    6. LE CARTOUCHE "SIBI : CVMANA" ET LA SIBYLLE DE CUMES.

    Mode musical : 2 (b Sol).

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibille de Cumes

    Elle est âgée de 18 ans. Elle tient un bassin. Ceci est intéressant, car il est difficile de reconnaître sur les autres exemples iconographiques l'attribut de cette prophétesse pourtant clairement associée à la Nativité dans les Heures de Louis de Laval, et Émile Mâle hésitait entre un petit pain rond, ou un coquillage de forme vulvaire comme les porcelaines. Ici, ce bassin, accessoire fréquemment représenté dans les Nativités et présenté par une servante alors que la Vierge est couchée, peut être celui du premier bain donné à l'Enfant. Ce qui ne trouve aucune résonance dans le texte mis en musique.

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    Texte :

     


    Iam mea certa manent, et vera, novissima verba,
    Ultima venturi quod erant oracula regis,
    Qui toti veniens mundo cum pace, placebit,
    Ut voluit, nostra vestitus carne decenter,
    In cunctis humilis, castam pro matre puellam,
    Deliget, haec alias forma praecesserit omnes.

     

    "Maintenant mes paroles restent certaines, vraies et tout à fait neuves,

    En ce qu'elles étaient les dernières prophéties de l'arrivée du roi,

    Qui en venant plaira au monde entier avec la paix,

    Comme il l'a voulu, revêtu de notre chair avec grâce,

    Humble en toutes choses, comme mère une jeune fille chaste

    Il choisira, cette forme aura emporté sur toutes les autres." (Trad. Guy Laffaille)

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    7. LE CARTOUCHE "SI : HELLESPONTICA" ET LA SIBYLLE D'HELLESPONT.

     

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle Hellespontine.

    Mode musical : 7 (Sol). Elle est âgée de 50 ans et tient une croix, car elle a prophétisé la Crucifixion. Une fois de plus, le texte n'a aucun rapport avec la tradition iconographique issue du Manuscrit de Saint-Gall et des Heures de Louis de Laval.

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    Dum meditor quondam vidi decorare puellam,
    Eximio (castam quod se servaret) honore,
    Munere digna suo, et divino numine visa,
    Quae sobolem multo pareret splendore micantem :
    Progenies summi, speciosa et vera Tonantis,
    Pacifica mundum qui sub ditione gubernet.

     

    "Pendant que je méditais, un jour j'ai vu orner une jeune fille

    D'un honneur extraordinaire parce qu'elle se gardait pure,

    Un don et une vision dignes de sa puissance divine,

    Elle qui porterait une lignée brillant d'un grand éclat,

    Descendance belle et vraie du Dieu de tonnerre

    Qui gouverne le monde sous son pouvoir pacifique." (Trad. Guy Laffaille)

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    8. LE CARTOUCHE  "SIBI PHRIGIA" ET LA SIBYLLE  PHRYGIENNE.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle Phrygienne.

     

    Mode musical : 7 (Sol). Pas d'indication d'âge. Elle tient l'étendard à croix  rouge sur fond blanc qui est celui du Christ sortant du tombeau dans la tradition iconographique.

    Texte mis en musique :

    Ipsa Deum vidi summum, punire volentem
    Mundi homines stupidos, et pectora caeca, rebellis.
    Et quia sic nostram complerent crimina pellem,
    Virginis in corpus voluit demittere coelo
    Ipse Deus prolem, quam nunciet Angelus almae
    Matri, quo miseros contracta sorde levaret.


    "J’ai vu moi-même un Dieu très grand qui voulait punir,
    En ce monde, les hommes stupides et rebelles dans leurs cœurs aveuglés ;
    Et parce que les crimes remplissaient notre peau,
    Il a voulu faire descendre du ciel dans le corps d’une vierge,
    Lui Dieu, un enfant qu’un ange annoncerait à la mère bienveillante,
    Pour laver les malheureux de la souillure qu’ils ont contractée."

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    9. LE CARTOUCHE  "SIBI : EVROPEA" ET  LA SIBYLLE D' EUROPE.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle Europe.

    Âgée de 15 ans, son  attribut est  l'épée ou glaive : elle annonce la Fuite en Égypte et le Massacre des innocents. Mode musical : 4 (Mi).

    Texte de la partition.

     


    Virginis aeternum veniet de corpore verbum
    Purum, qui valles et montes transiet altos.
    Ille volens etiam stellato missus Olympo,
    Edetur mundo pauper, qui cuncta silenti
    Rexerit imperio : sic credo, et mente fatebor :
    Humano simul ac divino semine gnatus.

     

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    "Du corps d'une vierge viendra l'éternel Verbe

    Pur, qui passera les vallées et les hautes montagnes,

    Lui aussi volant, envoyé de l'Olympe étoilé,

    Pauvre il naîtra au monde,

    Lui qui dans un pouvoir silencieux sera le roi de tout.

    Ainsi je crois et je reconnaîtrai :

    Il est né d'une semence humaine en même temps que divine." (Trad. Guy Laffaille)

     

     

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    10. LE CARTOUCHE "SI : TYBVRTINA" ET  LA SIBYLLE DE TIBUR.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle de Tibur.

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    Âgée de 20 ans, elle tient une main coupée annonçant le soufflet d'un soldat lors de la Passion. On notera le turban ou balzo, très à la mode à la Renaissance, mais qui permet de conférer une touche orientale à la prophétesse, bien que Tibur, ou Tivoli, se trouve en Italie.

    Texte. Le mode musical associé est le 4 (Mi).

     

    Verax ipse Deus dedit haec mihi munia fandi,
    Carmine quod sanctam potui monstrare puellam,
    Concipiet quae Nazareis in finibus, illum
    Quem sub carne Deum Bethlemica rura videbunt.
    O nimium felix, coelo dignissima mater,
    Quae tantam sacro lactabit ab ubere prolem.

     

    "Le vrai Dieu lui-même m'a donné cette charge de parler

    Parce que j'ai pu montrer dans un chant la sainte Vierge

    Qui concevra dans le pays de Nazareth ce Dieu

    Que les campagnes de Bethléem verront incarné.

    Ô mère trop heureuse, très digne du ciel,

    Qui allaitera de son saint sacré un si grande descendance." (Trad. Guy Laffaille)

     

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    11. LE CARTOUCHE : "SI : ERYTHREA" ET   LA SIBYLLE D'ERYTHRÉE.

     

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle d' Erythrée.

    Âgée de 25 ans, elle tient une fleur, qui préfigure l'Annonciation (et le lys présenté par l'ange Gabriel à Marie). Dans le premier manuscrit elle est coiffée d'un hénin, et dans le dernier d'un turban d'où descend un long ruban blanc.

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    Texte. Le mode musical associé est le 6 (b Fa).

     

    Cerno Dei natum, qui se demisit ab alto,
    Ultima felices referent cum tempora soles :
    Hebraea quem virgo feret de stirpe decora,
    In terris multum teneris passurus ab annis,
    Magnus erit tamen hic divino carmine vates,
    Virgine matre satus, prudenti pectore verax.

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    "Je vois le fils de Dieu, qui est descendu du ciel,

    Quand des soleils heureux ramèneront les temps ultimes.

    Lui qu'une belle vierge portera d'une racine hébraïque,

    Sur terre depuis ses tendres années il souffrira beaucoup.

    Pourtant il sera un grand prophète au chant divin,

    Né d'une mère vierge, véridique dans la sagesse de son cœur." (Trad. Guy Laffaille)

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    12. LE CARTOUCHE :  "SIBI : AGRIPPA" ET  LA SIBYLLE AGRIPPA.


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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    La Sibylle Agrippa.

    Son attribut est le fouet car elle annonce la Flagellation de la Passion du Christ. Âge : 30 ans.

     

    Texte.  Mode musical associé: 6 (bFa) .

     

    Summus erit sub carne satus, charissimus atque,
    Virginis et verae complebit viscera sanctum
    Verbum, consilio, sine noxa, spiritus almi :
    Despectus multis tamen ille, salutis amore,
    Arguet et nostra commissa piacula culpa :
    Cuius honos 
    constans, et gloria certa manebit.

    "Il sera très grand, semé sous la chair, et très aimé,

    Il emplira le ventre d'une vraie vierge,

    Verbe saint, sans dommage, par l'action de l'esprit saint,

    Pourtant méprisé par beaucoup, par amour du salut,

    Il montrera les châtiments encourus par notre faute

    Son honneur sera constant et sa gloire n'aura pas de fin." (Trad. Guy Laffaille)

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    FOLIO 36 :  LE PORTRAIT DE ROLAND DE LASSUS ÂGÉ DE 28 ANS (Hans Mielich, 1560).
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    A la fin du volume, au folio 35, Hans Mielich a peint un portrait du compositeur dans un médaillon en pleine page.

     En haut, Athéna (avec sa  lance et son bouclier ou Égide à tête de Méduse, telle qu'elle est sortie toute armée de la tête de Zeus) et d'Hermès (avec son caducée) forment le couple de l'Hermathena, alliance de la sagesse et de l'éloquence que chaque artiste se donne comme modèle depuis le XVe siècle, et que Hoefnagel, successeur de Hans Mielich à la cour de Bavière, reprendra indirectement comme emblème sous forme de la chouette au caducée et aux pinceaux. Voir mon étude de l'Hermathena et de la chouette/hibou chez Hoefnagel dans ce blog.

    La chouette d'Athena est bien présente, entre la tête des deux divinités, devant une urne. Parfaitement au centre, ce qui lui donne une importance tutélaire qui confirme celle que lui donnera Joris Hoefnagel. L'artiste, avant d'être un individu inspiré par une Muse ou une emprise divine, se veut être un sage et un savant.   (Et, par les temps de déchaînement des conflits religieux qui courent alors, un adepte de la paix).

    Voir aussi :

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    Des fruits, des feuillages de chêne et d'olivier entourent ces dieux.

    Le médaillon est encadré par deux petites scènes mythologiques en grisaille. À gauche, Apollon joue de la lyre et Pan de la flûte.

    A droite est figuré le supplice de Marsyas attaché à un pin. On sait que ce silène, devenu fort habile à la flûte qu'il avait ramassée après qu'Athéna l'eut jetée,  avait eu l'impudence de défier Apollon dans un concours musical. Les muses ayant déclaré le dieu vainqueur, celui-ci punit Marsyas de son orgueil en le condamnant à être écorché vif par un esclave scythe.

    Le concours entre Apollon et Marsyas, symbolise la lutte entre les influences apolliniennes et dionysiennes de l'homme.

    Ces deux grisailles associées à la chouette et au couple Athena-Hermès composent un véritable manifeste sur le statut de l'artiste à la cour d'Albert V.

    Le médaillon lui-même est supporté par un appareil ornemental doré associant deux griffons en guise de volutes, à l'enroulement d'un cuir découpé où est suspendu une tête de bouc (celui du sacrifice dyonisien de la tragédie antique, car le mot tragôidía est composé de « bouc » et de « chant» ?)

    Rappelons que Hans Mielich peint ici des miniatures, dans la tradition des enluminures médiévales sur parchemin.  L'ovale est peint en bleu, ce bleu de lapis-lazuli très précieux que l'artiste réserve à ce type d'usage. On y lit, en lettres d'or, "ORLADVS * DE * LASSO * AETATIS * SVAE * XXVIII, "Roland de Lassus à l'âge de 28 [ans]". Si on admet la date de 1532 pour celle de sa naissance, cela conduit à dater ce portrait de 1560.

    Le musicien est peint en buste, de trois-quart, le regard tourné vers le spectateur. Les cheveux aux tempes grisonnantes sont dégarnis, les yeux bleus, le nez fin et aigu, le menton caché par une barbe châtain. 

    La tenue vestimentaire  associe un manteau noir (dont le pan est retenu par un ruban passé autour du cou)  à un habit de cour de satin violet, boutonné par devant comme une soutane, très ajusté à l'encolure qui laisse passer une fraise finement plissée. La même dentelle frisée, ourlée de noir, s'échappe des manches. Les étoffes sont fines, souples, soyeuses, presque moirées, au fil souligné par des lignes horizontales régulières. 

    La main gauche, seule visible, serre un mouchoir ou un rouleau de papier. Une bague en jonc est passée à l'annulaire.

    L'impression générale est celle d'un homme riche, élégant et soigneux, contrôlant un caractère bouillonnant et sensible par un goût de la précision et de maîtrise technique.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Dans les autres manuscrits, le cadre change : il est couronné par deux  Muses ailées, parmi les masques, le lion et la lionne (animaux du duc et de la duchesse)  et les guirlandes, ou bien entouré de deux putti qui portent les trompettes de la renommée.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.

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    Hans Mielich a peint aussi,  cinq ans plus tard, le portrait de Roland de Lassus pour le manuscrit des Psaumes pénitentiels, que j'ai précédemment décrit : 

    Voir

     http://www.lavieb-aile.com/2015/05/autoportrait-de-hans-mielich-suite-le-mus-ms-a-i-et-ii.html

    L'aspect général est le même, avec le quelques années en plus et quelques cheveux en moins. On remarque un pendentif accroché au ruban noir déjà visible en 1560 : tous les membres de la cour peints par Hans Mielich en portent un.

     Roland de Lassus / Orlando di Lasso, Les sept psaumes pénitentiels de David avec le motet Laudes Domini : Livre de chœur volume I,  BSB-Hss Mus.ms. A I(1), Bibliothèque Nationale de Bavière Bayerrische Staat Bibliothek BBS , Munich, 1565

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    http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0008/bsb00089635/images/index.html?id=00089635&groesser=&fip=qrsfsdrxdsydwewqxdsydwwxdsydsdasfsdr&no=&seite=44

     

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    Nous disposons d'autres portraits encore sous forme de gravures (publiés dans les articles Wikipédia).

     :

     

    Les douze Sibylles peintes par Hans Mielich pour les Prophetiae Sibyllarum de Roland de Lassus.
    Orlando di Lasso gravure sur cuivre de René Boyvin

    Orlando di Lasso gravure sur cuivre de René Boyvin

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    SOURCES ET LIENS.

    — Edition et traductions des Prophéties des Sibylles de Roland de Lassus :

    http://www.lieder.net/lieder/assemble_texts.html?SongCycleId=945

     

    — ABROMONT (Claude), Les enquêtes musicales de Claude Abromont, France musique, 5 émissions de 7 minutes, , 7 au 11 août 2017

    — BERGQUIST (Peter), 1979, "The Poems of Orlando di Lasso's "Prophetiae Sibyllarum" and Their Sources", Journal of the American Musicological Society, Vol. 32, No. 3 (Autumn, 1979), pp.516-538 University of California Press on behalf of the American Musicological Society

    http://www.jstor.org/stable/831253

     

    — HEITZ  (Paul), 1903,  Oracula sibyllina (Weissagungen der zwölf Sibyllen) nach dem einzigen, in der Stiftsbibliothek von St. Gallen aufbewahrten exemplare , Stiftsbibliothek Sankt Gallen

    https://archive.org/details/oraculasibyllin00gallgoog

    — HIS (Isabelle) "La Sibylle en musique : d’Orlande de Lassus à Maurice Ohana"  , in LA SIBYLLE, Parole et représentation Monique Bouquet y Françoise Morzadec (dir.), page 255-272, Presses Universitaires de Rennes

    http://books.openedition.org/pur/30373?lang=es#bodyftn18

    — OWENS (Jessie Ann)  Vienna, Österreichische Nationalbibliothek, Musiksammlung, Mus. Hs. 18.744 : in four parts introduction by Jessie Ann Owens.


    http://booktoday.ru/Vienna-%C3%96sterreichische-Nationalbibliothek-Musiksammlung-Mus-Hs-18744--in-four-parts--or--cintroduction-by-Jessie-Ann-Owens/2/ccgeba

    — ROTH (Marjorie A.), 2005, The voice of Prophety, Orlando di Lasso's Sibyls and Italian humanism

    / Ann Arbor (Mich.) : ProQuest LLC, UMI , 2005, cop. 2005  University of Rochester, 414 pages.

    — RAYBOULD (Robin)   The Sibyl Series of the Fifteenth Century

    https://books.google.fr/books?id=XTtFDQAAQBAJ&pg=PA134&dq=Sibyllarum+de+Christo+vaticinia.+(%C2%A0%5BOracula+Sibyllina%5D&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj37rnI-srVAhVInBoKHWDlBZMQ6AEISjAF#v=onepage&q=Sibyllarum%20de%20Christo%20vaticinia.%20(%C2%A0%5BOracula%20Sibyllina%5D&f=false

     

    — WIKIPEDIA

    https://en.wikipedia.org/wiki/Prophetiae_Sibyllarum

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    Sur les Sibylles.

    .

    EL ENIGMA DE LA SIBILA

    https://sites.google.com/site/omnedecus/Home/art/el-enigma-de-la-sibila

    HÜE (Denis), 2004, La Sibylle au théâtre, in Sibylle, parole et représentation, Presses Universitaires de Rennes p. 177-195 http://books.openedition.org/pur/30366

    Dans les vitraux :

    http://ndoduc.free.fr/vitraux/htm5601/sibylles.php

    Baie 12 d'Ervy-le-Chatel (Aude), v1515 : 

    http://ndoduc.free.fr/vitraux/htm8601/eg_StP@Ervy_12.php

    Article de Wikipédia

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Sibylle

    https://it.wikipedia.org/wiki/Sibilla

    ABED ( Julien) 2010, La Parole de la sibylle. Fable et prophétie à la fin du Moyen Âge, thèse de doctorat préparée sous la direction de Mme Jacqueline Cerquiglini-Toulet, soutenue le 13 mars 2010 à l’université Paris-Sorbonne.

    https://peme.revues.org/85

    ABED ( Julien), 2007, "Une à la douzaine : le statut du personnage de la sibylle dans le BnF fr 2362 "in Façonner son personnage au Moyen Âge Chantal Connochie-Bourgne, Coll. Sénéfiance, Presses Universitaires de Provence,  pages 9-19 http://books.openedition.org/pup/2255?lang=fr

    BARBIERI (Filippo de) [Philippus de Barberiis] [Filippo Barberio], 1481,  [Discordantiae sanctorum doctorum Hieronymi et Augustini, et alia opuscula] ([Reprod.]) / [Philippus de Barberiis] , Bnf, Gallica :

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k591531, 

    — BELCARI (Feo), « Sacra rappresentazione » du mystère de l’Annonciation. Ce mystère fut joué à Florence, en 1471, à l’occasion de la visite du duc Galeazzo Maria Sforza. la première édition en parut à Florence, sans nom d’auteur, à la fin du xve siècle.

    https://archive.org/details/bub_gb_ZTjxnHHEHGgC

    http://www-personal.usyd.edu.au/~nnew4107/Texts/Fifteenth-century_Florence_files/Belcari_Annunciation.pdf  

     

    BOUISSOUNOUSE (Jean), 1925, Jeux Et Travaux D'apres Un Livre D'heures Du XV Siecle : Livre d'heures Chantilly n°1362 « Livre d'heures de la duchesse de Bourgogne, Adélaïde de Savoie » Xve siècle folio 21r :La Vierge et l'Enfant, en gloire et les sibylles.  Paris 1925, Reprints Slatkine Genève 1977.

    https://books.google.fr/books?id=ZUq0Pgh2ye8C&dq=%22livre+d%27heures%22sibylles&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

     

     —CASTEL (Yves-Pascal), 2006, "Les 70 sibylles du Finistère", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère - T. CXXXV - 2006 pages 201 et suivantes

    http://patrimoine.dufinistere.org/art2/index.php?art=ypc_sibylles 

    CLERC (C de ), 1979, "Quelques séries italiennes de Sibylles", Bulletin de l'Institut historique belge de Rome, fasc. 48-49 pages 105-127.

    CHAMPIER (Symphorien), 1503, "Les prophéties, dits et vaticinations des Sibylles, translatés de grec en latin par Lactance Firmian", 3ème partie de  La nef des dames vertueuses, 

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k79103w/f124.item.zoom

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k79103w/f31.vertical

    GIUSTINIANI (Giulia), 2014 « Gli esordi critici di Emile Mâle : la tesi in latino sulle sibille »,Mélanges de l’École française de Rome - Moyen Âge 

     http://mefrm.revues.org/1527 

    HEURES DE LOUIS DE LAVAL , avant 1489,  Horae ad usum romanum Bnf Latin 920. 

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501620s/f42.item

     

    KRIEGER (Denis), Autour des vitraux d'Arnauld de Moles à la cathédrale Sainte-Marie d'Auch

    (un dossier iconographique sur les Sibylles)

    http://www.mesvitrauxfavoris.fr/index_htm_files/Auch%20et%20les%20Sibylles.pdf

     — LAMBERT (Gisèle), Les premières gravures italiennes =  Les gravures de Baccio Baldini : une suite de 24 prophètes et 12 Sibylles .

    http://books.openedition.org/editionsbnf/1365

    — LE VERDIER, (Pierre Jacques Gabriel,) 1884, Mystère de l'incarnation et nativité de Notre Sauveur et Rédempteur Jésus-Christ : représenté à Rouen en 1474, publié d'après un imprimé du XVe siècle Société des bibliophiles normands

    https://archive.org/stream/mysteredelincarn01leve#page/n69/mode/2up

    MÂLE  (Émile), 1925,  L'art religieux de la fin du Moyen Age en France  : étude sur l'iconographie du Moyen Age et sur ses sources d'inspiration  3e éd., rev. et augm. / Paris : A. Colin ,  p. 254-279.

    https://archive.org/stream/lartreligieuxde00ml#page/252/mode/2up

    https://archive.org/stream/lartreligieuxde00ml/lartreligieuxde00ml_djvu.txt

    MÂLE  (Émile) , 1899, Quomodo Sibyllas recentiores artifices repraesentaverint [Texte imprimé] / E. Mâle,.. / Parisiis : E. Leroux , 1899  

    MONTEIRO (Mariana), 1905, As David and the Sibyls says. A sketch of the Sibyls and the sibylline oracles  

    https://archive.org/details/asdavidsibylssay00montrich

    PASCUCCI (Arianna), 2011, L'iconografia medievale della Sibilla Tiburtina in Contributi alla conoscenza del patrimonio tiburtino, Vol. VIII, Liceo classico statale Amedeo di Savoia di Tivoli, 2011,

     http://www.liceoclassicotivoli.it/Pascucci_Sibilla_Tiburtina_2011.pdf

    https://www.academia.edu/9789364/Liconografia_medievale_della_Sibilla_Tiburtina_di_Arianna_Pascucci_Tivoli_2011

    RÉAU (Louis), Iconographie de l'art chrétien, II, Iconographie de la Bible, Ancien Testament, p. 420-430.

    ROBERTET (Jean), Œuvres. Édition critique par Margaret Zsuppán, Genève, Droz; Paris, Minard (Textes littéraires français, 159), 1970, 208 p.

    https://books.google.fr/books?id=3Kn4gp0HSEQC&dq=Jean+Robertet,+%C5%92uvres.&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

     

    ROESSLI (Jean-Michel), 2002,  Catalogues de sibylles, recueil(s) de Libri Sibyllini et corpus des Oracula Sibyllina Remarques sur la formation et la constitution de quelques collections oraculaires dans les mondes gréco-romain, juif et chrétien Jean-Michel Roessli (Université de Fribourg, Suisse)  in E. NORELLI (ed.), Recueils normatifs et canons dans l'Antiquité. Perspectives nouvelles sur la formation des canons juif et chrétien dans leur contexte culturel. Actes du colloque organisé dans le cadre du programme plurifacultaire La Bible à la croisée des savoirs de l'Université de Genève, 11-12 avril 2002 (Lausanne, 2004; Publications de l'Institut romand des sciences bibliques 3), p. 47-68

     

    http://www.concordia.ca/content/dam/artsci/theology/profiles/jean-michel-roessli-catalogues-sibylles.pdf

    ROESSLI (Jean-Michel) , 2007 « Vies et métamorphoses de la Sibylle », Revue de l’histoire des religions :

     http://rhr.revues.org/5265

     — Sibyllae et prophetae de Christo Salvatore vaticinantes - BSB Cod.icon. 414 (1490-1500) http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&lv=1&bandnummer=bsb00017917&pimage=00017917&suchbegriff=&l=fr

    TASSERIE (Guillaume), 1499  Le Triomphe des Normans composé par Guillaume Tasserie traictant de la Immaculée Concepcion Nostre Dame

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k424472s

    Le Triomphe des Normans traictant de la Immaculée Conception Nostre Dame est un mystère qui fut joué en 1499. Une seule copie de ce texte nous est parvenue, dans un manuscrit ayant appartenu jadis au Duc de la Vallière. La mise en ligne et la mise en page ont été assurées par Denis Hüe à l’Université Rennes

    2http://www.sites.univ-rennes2.fr/celam/cetm/triomphe/triomphe.html

    Tractatus Zelus Christi, Venise 1592

    https://books.google.fr/books?id=eItlAAAAcAAJ&pg=PA44-IA1&lpg=PA44-IA1&dq=ensem+nudum+sibylla&source=bl&ots=mmZ9XSX-Hd&sig=mpqSs1Y5_ou3a9KrWaEIqX-w4eo&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiS4_Ghx8nPAhXnDsAKHeLyAXEQ6AEIHDAA#v=onepage&q=ensem%20nudum%20sibylla&f=false

     

     

     

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    Published by jean-yves cordier - dans Sibylles
    5 août 2017 6 05 /08 /août /2017 09:02

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    Fondée sur une dune, terrain pris sur la mer, à l'initiative des armateurs de la cité et  par les marchands du bourg en 1522, l'église Notre-Dame-de Croas-Batz (ou Croaz-Batz : "la croix de Batz"), De style gothique flamboyant,  a été commencée vers 1520 par la nef, s'est poursuivie au cours du 16ème siècle par le porche occidental, ne fut achevée qu'en 1545 (voire jusqu'en  1605, par le chœur à chevet plat). Le clocher (1575-1576) est de type Renaissance, à deux galeries et à deux étages de cloches amortis par un dôme couronné de deux lanternons superposés ; de chaque côté s'élève une tourelle - celle du sud renferme les escaliers d'accès à la première galerie. La sacristie, adossée au chevet, est de 1639 ; le mur de l'enclos, de la même période. Il n'y a pas de porche méridional ; deux petites portes permettent d'accéder aux collatéraux nord et sud.

     Deux ossuaires, l'un du XVIe siècle (gothique et cantonné de quatre crossettes), l'autre du XVIIe siècle (Renaissance Henri II et dépourvu de crossettes figurées), occupent aussi le placître. Les façades de l'église sont ponctuées de caravelles de pierre, et de 18 crossettes figurées, hommes et bêtes. 

    Les crossettes sont les pierres d'assise (d'amortissement) à la terminaison des rampants d'un pignon ou d'une lucarne, dont elles assurent la stabilité. Placées à l'angles de deux élévations, elles assurent alors en outre la fonction de pierre d'angle.  Elles ne doivent pas être confondues avec des gargouilles, qui sont creuses et permettent l'écoulement de l'eau de pluie. Sur le plan esthétique, elles ponctuent l'architecture aux angles des pignons et des gables. Elles sont soit simples, soit ornées, soit — les seules qui nous intéressent ici — figurées, sculptées en ronde bosse et simple relief.

    Les figures sont angéliques, humaines ou anthropoïdes, animales, et animales fantastiques.

    Les anges, souvent en vol,  tiennent des phylactères, ou des écus, ou des livres, rarement des couronnes ou des instruments de musique.  Les humains sont soit des soldats armés d'une épée, soit de plantureux notables, soit des buveurs, mangeurs, des hommes ou femmes se tenant le sexe, soit des hommes déculottés exhibant leur fondement des deux mains,  soit des acrobates empoignant leurs chevilles, soit des hommes âgés se caressant la barbe, soit des musiciens, soit des femmes nues. Parmi les représentations mi-humaines figurent les femmes-serpents et les sirènes, à corps de poisson.  Les trois animaux qui viennent en tête sont le lion, le dragon et le chien. Les lions et les dragons tiennent fréquemment un ossement (parfois résumé à un rouleau) ou un être humain en réduction, qu'ils emportent dans leurs pattes ou leur gueule, c'est pourquoi je leur attribue une fonction de serviteurs de la Mort. Enfin, précisément, on trouve quelques squelettes armés de lances, figuration de l'Ankou des légendes bretonnes.

     Dans une série de 381 pièces de crossettes et gargouilles (dont 146 crossettes)  recensées dans quatre cantons du Finistère, Emmanuelle Le Seac'h a dénombré 34 anges, 67 humains, 5 sirènes, 45 monstres,  29 dragons,  49 lions, 24 chiens.

    Datation.

    Les crossettes de Basse-Bretagne ne sont ni datées ni signées; elles n'ont pas bénéficié d'une étude stylistique suffisante pour les attribuer à des ateliers spécifiques. Leur datation est estimée par celle de l'édifice qui les porte. Les plus anciennes sont peut-être celles de la Basilique du Folgoët (atelier du Maître du Folgoët : 1423-1509). Celles de Landivisiau, de Pencran ou de Guipavas sont attribuées à l'atelier de Bastien et Henri Prigent (1527-1577), actif dans 50 paroisses, dont 35 dans le Léon. Les autres ateliers de sculpture sur pierre sont ceux du Maître de Plougastel (1570-1621) ou de Roland Doré (1618-1663), et d'une mosaïque de petits maîtres paroissiaux (1500-1589) dont certains introduisent les tendances de la première Renaissance bretonne (1511-1589). Mais les crossettes et gargouilles, dont l'apogée se situe au XVIe et XVIIe siècle, se placent en héritières d'une tradition médiévale, elle même reliée à l'art des modillons romans (voir le remarquable article Iconographie des modillons romans sur Wikipédia).

    Une autre élément de datation pourrait se baser sur les costumes et coiffures des personnages.

    Pour Roscoff, j'ai retenu les dates d'édification de l'église, dans le deuxième quart du XVIe siècle.  

    Attribution.

    Elle n'a pas été définie, mais je pense qu'on peut exclure les ateliers que je viens de citer, et parler, faute de mieux et sans rire, d'un "Maître des crossettes de Roscoff". Il me faudrait examiner la statuaire sur pierre contemporaine à Saint-Pol-de-Léon et dans les paroisses voisines. Un des traits stylistiques que je note, c'est une façon malhabile de rendre les gueules des animaux par des parts de camembert statistique. 

     

     

    Matériau.

    Les crossettes les  plus belles, car les mieux conservées, sont en kersanton, au Folgoët, à Landivisiau, à Pencran. Ailleurs, elles sont en granite (Bodilis) ou en pierre de Logonna (Dirinon).

    À Roscoff, nous avons la chance de disposer de l'expertise lithologique du Pr. Louis Chauris : la pierre utilisée est le beau granite gris  de l'Île de Batz.

     

     

     

    L’essentiel des parements vus, en pierres de taille soigneusement façonnées, des élévations du corps de l'église, a fait appel à un granite de nuance légèrement grisâtre, à grain fin, souvent recoupé par des filonnets de pegmatite blanchâtre 48, de faible épaisseur, parfois entrecroisés. La fréquence de ces filonnets - jusqu'à quatre veines dans une seule pierre - confère à l'édifice un aspect des plus singuliers simulant des balafres. Parfois, ces pegmatites sont recoupées, à leur tour, par de minces veinules de tourmalinite noir-bleuté-.

    Localement, le granite des élévations est plus clair, presque blanchâtre. Il renferme alors des amas pluri centimétriques de tourmaline poeciloblastiquesl, un peu en relief par suite de l'érosion de l'encaissant moins résistant. Pour se former, la tourmaline, minéral boré, capte le fer de la roche où elle cristallise : cette déférisation entraîne un net blanchiment de ladite roche .

    Le granite gris clair à filonnets pegmatitiques a été également employé pour les piliers, le porche occidental, la sacristie (en association avec le faciès à nids de tourmaline), le mur de l'enclos, ainsi que - pour partie - dans le clocher et pour le dallage.

    L’observateur familiarisé avec la géologie régionale aura immédiatement reconnu, dans ces deux variétés granitiques, les roches qui affleurent à l’île de Batz et dans les récifs situés entre cette île et Roscoff. Les rivages de Batz présentent une impressionnante succession de perrières abandonnées; les vestiges de ces anciennes exploitations, au nombre d'une cinquantaine au moins, s'échelonnent presque tout au long de la côte. Leur grand nombre compense, en quelque sorte, la faible dimension individuelle des chantiers. En fait, les rompeurs - ancien nom des carriers - attaquaient la pierre partout où elle paraissait offrir des garanties de qualité et où elle pouvait être extraite sans difficulté majeure.

    ...Sur le continent, la pierre de Batz a été utilisée à la fin du 15ème siècle et au début du 16ème siècle pour la reconstruction de l'église Saint-Melaine à Morlaix, comme l'attestent les observations in situ, confirmées par les archives : «Le 18 janvier 1490, deux batelées de grosses pierres de Batz... remontent la rivière du Dossen» jusqu'au pied du chantier. Pour l'église de Roscoff, les données archivistiques relatives à l'emploi des granites de l'île de Batz concernent uniquement la construction de la sacristie dans la première moitié du 17ème siècle. Comme les deux variétés granitiques utilisées pour cette partie de l'édifice sont absolument identiques à celles employées antérieurement pour le reste de l'église, une même provenance insulaire paraît pleinement assurée.

    Depuis leur mise en oeuvre dans l’église de Roscoff, les granites de Batz, soumis aux vicissitudes du climat océanique, subissent, au moins localement, des altérations assez prononcées. En certains points, la pierre s'effrite superficiellement sous la main ; ou bien présente des desquamations, se détachant en plaquettes. Plus grave, la fissuration est sans doute due aux effets de surcharge." (Chauris 2003)

     

    Nombre.

    Le nombre de crossettes par édifice est variable, allant de une (Tréflénévez) à quelques unités jusqu'à une vingtaine, lorsque chaque angle, chaque rampant de lucarnes, chaque angle d'ossuaire se trouvent dotés d'une crossette. Les églises de Dirinon et de Lampaul-Guimiliau en comptent chacune 10, celle de Saint-Suliau de Sizun en compte au moins 14.

    On voit qu'avec un corpus de 18 crossettes, s'il se vérifie,  Notre-Dame de Croas-Batz mérite tout notre intérêt.

    Liste informelle et Thématique:

    —Le coté sud

    un dragon

    un chien

    un chien

    un lion

    un homme main à la ceinture

    un ange tenant un phylactère

    — Ossuaire : 4 crossettes :

    un lion

    un chien

    ? un lion et un chien.

    — le coté ouest :

    un dragon

    un lion

    angle de la tour : un chien ?

    un homme tenant un phylactère à la lettre B

    — le coté nord :

    Un homme tenant un fusil ou un outil

    Un homme tenant une raquette ou un miroir

    Un homme se caressant la barbe

    Un homme tenant un livre ouvert

    — Où ça ?

    Un Fou se tenant le ventre

    Un homme montrant son fondement

    Un homme assis.

    Deux anges autour d'une lucarne

    un ange tenant un phylactère

    Un lion.

    Dans une estimation rapide d'une seule séance photo, je trouve un total de 23 crossettes entre église et ossuaire (tant que ça ? j'ai du me tromper). J'ai dans mon jeu  5 lions, 5 chiens, 9 hommes, et 4 anges. Il faudra que j'y retourne plus sérieusement, c'est mon coté dilettante caressant  le doux tapis du monde flottant qui prend toujours le dessus.

    Nous retrouvons ici les thèmes retrouvés sur toutes les crossettes de Basse-Bretagne : le sculpteur, loin de se livrer à une création pleine d'imagination et de verve personnelle, s'est plié à la commande, celle de reproduire les grands poncifs du vocabulaire ornemental de ces éléments architecturaux. Seul le personnage de Fou n'est pas courant dans la région. On comparera avec le travail des huchiers sur les miséricordes et accotoirs des 66 stalles de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, où le bestiaire est bien plus vaste et les scénettes variées.

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    LE COTÉ SUD.

     

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    A. La première lucarne : un dragon (qui a perdu la tête).

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    1. L'angle sud-ouest de la première lucarne sud : le dragon ailé.

    C'est le dragon typique des crossettes finistériennes, avec son corps couvert de pustules nauséabondes, ses ailes nervurées de chauve-souris, sa queue qui forme des boucles et ses pattes de reptile. Comme à Landivisiau, Pencran, Dirinon, etc.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Le rampant droit de la première lucarne : un chien.

    Image difficile à interpréter : "j'ai une queue qui pourrait être celle d'un renard, une balle ronde, l'extrémité d'un os avec ses deux condyles, une tête de chien à la place du postérieur, qui suis-je ? " Mystère.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    B. Les rampants de la première chapelle : crossettes ornées de motifs géométriques  à volutes. Je passe.

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    C. Les rampants de la deuxième lucarne sud : un chien ? et un lion.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    2. rampant gauche : Le chien ?

    La queue de ce chien sans tête est particulièrement longue et gracile. Les pattes se terminent par des boules. 

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    3. rampant droit : un lion courant .

    C'est un lion d'une part car je distingue l'épaississement de la crinière, d'autre part car la queue passe entre les pattes et s'enroule autour du dos, comme chez tous les lions de crossettes que je connais. Il coure comme un dératé, et quelque chose pend de sa gueule : sa langue, ou bien une petite âme humaine qu'il vient d'arracher au monde des vivants ?

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    C. Les rampants de la troisième lucarne (chapelle des Trois Vierges) : Homme tenant son pied, et ange à phylactère.

     

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    La crossette du rampant gauche et le cadran solaire CRAIGNEZ  LA DERNIÈRE.

    Cette association est intéressante car je considère que les crossettes ne sont pas un exutoire où se libèrent les pulsions réprimées par la morale chrétienne, mais une mise en garde adressée aux fidèles, soit par des figures du Vice (le Lubrique, l'Obscène, le Scatologique, le Goinfre, le Buveur, le Joueur, l'Acrobate) soit par des Serviteurs de la Mort : Ankou, Lion tenant un os, Dragon ailé, etc, tandis que l'imminence de la Fin Dernière, et du Jugement  est rappelée par les  sentences d'anges porteurs de phylactères.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    4. Rampant gauche : un homme empoignant sa cheville. 

    C'est un soldat (ou un écuyer) coiffé d'un bonnet ou d'un casque sur des cheveux coupés à la mode sous Louis XII (en tout cas avant François Ier). Il porte une tunique courte. Sa main gauche repose sur sa ceinture. Ce n'est que la connaissance de ce motif de "celui qui empoigne sa cheville" qui permet de deviner que le bras droit , qui disparaît derrière le buste, se poursuit par ou vers la partie horizontale située derrière. L'insistance avec laquelle les fabriques des paroisses bretonnes faisaient figurer ce motif laisse présumer qu'il possédait pour eux une signification bien claire, analogue à celle qu'un pied-de-nez (entre cent exemples) a pour nous. Cette signification est vraisemblablement érotique.

    On le retrouve sur les abouts de poinçon de Pleyben (1571-1580), sur les crossettes de Dirinon, sur les sur un acrobate de la tour-clocher de Roscoff, à La Martyre, Rue Jean-Louis Rolland à Landerneau, etc, etc, ...ou bien ici même, sur la façade nord, chez l'homme se caressant la barbe.

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    Dirinon :

     

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    Landerneau :

     

     

     

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    La Martyre :

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    Roscoff :

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    5. Ange volant et présentant un phylactère.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    D. L'angle sud-est du chevet : un dragon.

     

     

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    Crossette de l'angle sud-est  de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossette de l'angle sud-est de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    L'OSSUAIRE SUD.

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    A. Le pignon sud. Un lion et un chien.

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    Crossettes de l'ossuaire sud de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'ossuaire sud de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

     

    Le lion ... est un lion pour les mêmes motifs que précédemment : épaisse crinière, et queue faisant retour sur le dos. La gueule hilare fait aussi partie de la panoplie.

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    Crossettes de l'ossuaire sud de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.
    Crossettes de l'ossuaire sud de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'ossuaire sud de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Un chien ...ou plutôt un loup ou un renard, vu la queue.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    B. Le pignon nord de l'ossuaire. lion?? et dragon ailé.

     

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    Crossettes de l'ossuaire sud de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'ossuaire sud de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'ossuaire sud de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'ossuaire sud de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    LE PORCHE OCCIDENTAL.

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    A. La lucarne, du coté sud.

    Au dessus d'une fenêtre à meneaux encadrée par deux colonnes, un lion et une dragon se tournent le dos et encadrent un blason martelé.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Le dragon ailé

    Il est comparable au précédent (angle sud-ouest), mais la tête a été conservée. Malgré les contorsions de mon angle de prise de vue, j'ai eu du mal à voir si, oui ou non, cette gueule tient une proie, ou se contente de me tirer la langue. Je penche pour la première hypothèse car les deux pattes antérieures se referment sur une proie. J'y vois un malheureux Roscovite, qui se voit ainsi signifié le terme de sa petite existence et se dit in petto : "nous sommes bien peu de chose" ; pense qu'il aurait mieux écouter le recteur ; ...ou se souvient qu'il a laissé sa cuisinière allumé sous son pot-au-feu.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Le Lion.

    Le Maître des animaux règne ici, tel un Stylite,  sur le chapiteau mouluré d'une colonne.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    B. Le coté nord.

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    Homme tenant un phylactère et la lettre B.

    Je verrais volontiers ici, occupant ce poste élevé,  un notable, coiffé du bonnet des échevins, et tenant à l'extrémité d'une banderole jadis pleine de sens un blason à son monogramme. La lettre B est certaine, précédée peut-être d'un J. (J incertus, B certissimus). Il faudrait connaître la liste des armateurs et édiles de Roscoff : à vos archives !

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    LA TOURELLE DE L'ESCALIER DE LA TOUR.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    LE COTÉ NORD DE L'ÉGLISE.

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    Homme tenant un outil ou une arme.

    Soit ce sculpteur n'est pas doué pour faire les têtes, soit j'ai un problème pour les comprendre. Où sont les yeux, où sont les traits du visage ? Ce que je vois, c'est le bec de canard de Donald coiffé du chapeau de Charles dans Madame Bovary. 

    Je retrouve plus d'assurance pour décrire les deux jambes allongées comme celles d'un plongeur nageant dans Le Monde du Silence, le bras droit replié contre le thorax pour saisir le manche d'un instrument, et le bras gauche qui croise la poitrine pour maintenir cet engin des deux mains. Ce dernier se termine par une sorte de crosse. Kesako ? Un fusil ne se tiendrait pas ainsi. Un agrès de pêche ? Un outil agricole ?

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Homme allongé tenant une raquette / un miroir.

    Cet homme coiffé à la mode du tout début du XVIe et vêtu d'une courte tunique s'est allongé vers l'orient, mais la jambe droite est repliée : il est vraisemblable que le bras gauche, dont on perd la trace, aille empoigner la cheville, selon le motif déjà étudié sur l'élévation sud. Le bras droit croise la poitrine et tient un objet rond muni d'un manche. C'est la posture du joueur de tennis lors du revers qui m'a fait évoquer une raquette, mais plus sérieusement, cela pourrait être un miroir, si nous avions affaire à une belle femme nue stigmatisant la Coquetterie. Une fois de plus, je meurs de soif auprès de la fontaine sans pouvoir conclure une interprétation.

    Je meurs de seuf auprès de la fontaine,
    Chaud comme feu, et tremble dent à dent ;
    ...

    Rien ne m'est sûr que la chose incertaine ;
    Obscur, fors ce qui est tout évident ;
    Doute ne fais, fors en chose certaine ;
    Science tiens à soudain accident ;
    Je gagne tout et demeure perdant ;

     

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Homme montrant ses fesses.

    Pas d'ambiguïté ici : il montre son cul, il nous pète au nez. On trouve la même scène un peu partout, sur les modillons romans comme... sur les sablières de cette église, coté ouest.

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    Crossettes du coté nord de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes du coté nord de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Rampant de la lucarne suivante : lion à droite, homme tenant un livre à gauche.

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    Crossettes de la lucarne du coté nord de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de la lucarne du coté nord de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Un lion .

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Homme tenant un livre ?

     

     

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Homme se caressant la barbe.

    On connaît sans-doute la signification lubrique du motif, déjà attestée sur les modillons romans. Il s'ajoute ici à celui de l'emprise de la cheville, clairement visible cette fois.L'homme est coiffé d'un béret ou bonnet, et il est vêtu d'une veste courte boutonnée, et de chausses. 

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    A l'angle nord-est de l'église : un homme assis.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    LOCALISATION INCERTAINE / NOTRE JEU DE L'ÉTÉ.
     

    Le vent d'ouest ayant éparpillé ses photos, le photographe  ne sait plus retrouver leur localisation. Sauriez-vous l'aider ?

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    Homme en tenue de fou, se tenant le ventre.

    Le seul indice pour parler d'un costume de Fou médiéval, c'est le chaperon très ajusté autour du visage et qui retombe sur les épaules en fronces qui évoquent (finalement assez vaguement) les découpes en pointes munies de grelots de ces costumes. 

    En réalité, il ne s'agit peut-être là que d'un quidam dans son habit de tout les jours, un Jean-des-champs qui, assis jambes écartées, se donne un peu de bon temps. Allez savoir !

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Un lion .

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Un lion courant gueule ouverte.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Deux anges encadrant une lucarne.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Un ange tenant un phylactère.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Un lutin ?

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Un masque.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Pour conclure.

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    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Crossettes de l'église Notre-Dame-de-Croas-Batz (1522-1545) à Roscoff. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    SOURCES ET LIENS.

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    — CHAURIS ( Louis ) 2003, « Roscoff, Église Notre-Dame de Kroaz-Batz : Large appel à des granites insulaires », in Bulletin de la Société archéologique du Finistère, Monuments et objets d’art du Finistère, Tome CXXXII,

    http://www.roscoff-quotidien.eu/eglise-construction.htm

    — COUFFON (René), 1988, Notice sur Roscoff :

    http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/5b9d41b14be8a023a102773179807997.pdf

    — LE SEAC'H (Emmanuelle), 1997, Les crossettes et les gargouilles dans quatre cantons du Finistère : Landerneau, Landivisiau, Ploudiry, Sizun. Éditeur: s.n.,  2 vol. : 359 p. + 135 p. : ill. ; 30 cm .

    http://portailcrbc.univ-brest.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=34066

    — LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014,  Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395  Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014 Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut

    — Roscoff-tourisme :

    http://www.roscoff-tourisme.com/fr/pays-art-et-histoire/label-pays-d-art.php

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    Published by jean-yves cordier - dans Gargouilles et crossettes
    3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 11:09

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    Lors de ma visite de l'exposition Picasso du Fonds Hélène et Édouard Leclerc aux Capucins de Landerneau (été 2017), j'ai été frappé par la "ressemblance" entre l'un des portraits exposés, et les fameux portraits du Fayoum, ces peintures sur bois ou lin réalisées entre le Ier siècle et le IVe siècle de notre ère dans l'Égypte romaine. Ce sont les premiers portraits conservés dans l'histoire de l'art. 

    Le portrait de Picasso s'intitule "Jacqueline" : c'est une huile sur papier de 42 cm sur  27 cm , annoté au crayon  "13.6.62.  IV" . Il représente donc Jacqueline Roque (1926-1986), que le peintre a rencontré en 1952 à Vallauris alors qu'elle avait 27 ans,  et épousé en 1961.

    Le visage triangulaire est de face, mais un léger trois-quart permet de voir le chignon et le bandeau. Les couleurs employées sont principalement le gris et le noir, avec des rehauts ocre pâle pour les reflets de lumière, et le vert la robe et le bandeau. Les yeux sont très grands, et la pupille d'un noir homogène nous fixe de façon mélancolique. Le nez est long, aux narines pincées, au dessus d'une bouche étroite au sourire fantomatique.

    Le fond est uniforme : gris à gauche, et ocre jaune à droite, d'où vient la lumière.

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    "Jacqueline", huile sur papier, collection particulière. Exposition Picasso, FHEL de Landerneau. Photographie lavieb-aile juin 2017.

    "Jacqueline", huile sur papier, collection particulière. Exposition Picasso, FHEL de Landerneau. Photographie lavieb-aile juin 2017.

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    Or, beaucoup de ces caractéristiques se retrouvent dans les portraits des momies découvertes à Fayoum, ville moderne d'Égypte qui fut successivement nommée Sedhet ou Crocodilopolis, et à Hawara (Arsinoë), ou dans d'autres endroits d'Égypte.

     Ces portraits étaient fixés sur les momies de romains qui ont colonisé l'Égypte entre le 1er et le IVe siècle : ils reproduisent les traits du défunt de façon reconnaissable, mais idéalisée. 

     En effet, les spécialistes indiquent à leur propos (Wikipédia) que :

     

    — Les portraits du Fayoum sont  peints selon une palette de quatre couleurs : le blanc, le noir, l'ocre jaune et la terre rouge.

    — Ils sont de face, ou de trois-quart. Le sujet fixe le spectateur (sauf exception).

    —  Les cheveux et sourcils sont peints de larges traits de noir. Les sourcils sont sombres et épais, le nez long et étroit.

     le fond est systématiquement sobre, gris ou vert.

    — L'expression de vie est si saisissante que les spécialistes pensent qu'ils ont été peints du vivant de la personne, qu'ils n'aient été qu'ensuite découpés puis posés sur son corps une fois embaumé.  Du vivant du propriétaire, le portrait était ainsi suspendu au mur dans un cadre.

    "La fonction funéraire des « portraits du Fayoum » est enrichie à l'époque romaine par la recherche de ressemblance des traits héritée de la culture romaine. La présence de l’image du défunt, idéalisée ou non, directement liée au corps du défunt connaît déjà des précédents de manière continue tout au long de l’époque pharaonique. Le défunt doit en effet survivre physiquement et spirituellement, et son corps sert d’attache physique aux parties immatérielles qui le composent (kâ et bâ). Mais la présence des momies au sein de la maison, voire au cours de banquets funéraires, laisserait penser que la ressemblance physique du portrait funéraire rendrait le défunt physiquement présent."

    — La personne ne sourit pas, ou arbore un sourire triste.

     

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    Il est difficile pour moi de choisir, parmi les quelques 900 portraits découverts, et les multiples exemples proposés en ligne, un exemple particulier à placer en face du portrait de Jacqueline. Le flash de reconnaissance ou d'évocation a fonctionné pour moi comme une réminiscence proustienne, avec sa force de conviction parfaitement subjective, que je ne peux rendre fidèlement par un raisonnement analytique en présentant des pièces justivicatives.

    Mes choix sont donc imparfaits. Je les ai choisi dans ce site :

    http://portraits.fayoum.free.fr/fayoum/fayoum2b.php?imgport=146&img=140&mus=0&pas=2&dat=0&ori=0

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    https://lombradelleparole.wordpress.com/2015/08/08/poesie-di-annalisa-comes-autoantologia-da-ouvrage-de-dame-2004-da-racconti-italoamericani-2007-da-fuori-della-terraferma-2013-poesie-inedite/roma-citta-di-fondi-ritratti/

    https://lombradelleparole.wordpress.com/2015/08/08/poesie-di-annalisa-comes-autoantologia-da-ouvrage-de-dame-2004-da-racconti-italoamericani-2007-da-fuori-della-terraferma-2013-poesie-inedite/roma-citta-di-fondi-ritratti/

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    Peut-on sérieusement penser que Picasso a pu s' inspirer des portraits du Fayoum ?

    Je réponds positivement car :

    1. C’est en 1954, avec sa relation avec Jacqueline, que Picasso abandonne les peintures politiques pour se lancer dans « la peinture de la peinture » en prenant comme modèle quelques tableaux importants de l’histoire de l’art européen comme Goya, Vélasquez, Greco, Zurbaran, Melendez, Poussin, mais il s'est inspiré depuis toujours de l'art non européen, notamment pour remettre en cause les fondements picturaux mis en place à la Renaissance. 

    2. Il est attesté que Picasso a examiné attentivement  les portraits du Fayoum conservés au Musée du Louvre : voir ici : http://museumlab.fr/exhibition/06/about.html

    Dans un article http://www.christies.com/features/mummy-portraits-a-visual-record-of-evolving-styles-in-roman-egypt-7723-1.aspx, je lis : "Fayum portraits have been a source of inspiration for artists working in the modernist tradition, with Picasso known to have studied them carefully at the Louvre. Buste d’homme, painted in 1965 and sold at Christie’s in 2016, echoes the intense, confronting eyes found on mummy portraits from Graeco-Roman Egypt."

    3. Alors que Picasso vit à Paris depuis 1900 sa Période bleue où il est marqué par le thème mélancolique de la mort après le suicide d'un ami , la Gazette des beaux-arts  avait publié dans son n° de juillet 1903  l'article de Maurice Pernot  Portraits antiques de la région du Fayoum (collection de M. Th. Graf) :cinq reproductions, qui rend compte d'une exposition à Paris en 1899 et 1890 de 34 portraits de la collection réunie par Théodore Graf. J'en extrait ceci :

     

    "Les caractères dominants des portraits, c'est l'expression vibrante et individuelle qui les anime. Elle éclate dans les yeux très brillants et démesurément grandis ; on la retrouve dans toutes les parties du portrait : le port de tête, le jeu des muscles du cou et de s joues, le mouvement des lèvres et des narines, les lumières du front et du menton atteste,t, poussée très loin, la recherche du caractère individuelle et du détail expressif, et prouvent en même temps une connaissance profonde de la technique. La tête « tourne et se détache habilement sur le fond ; dans certains portraits, la distribution des ombres et des lumières, la perfection du modelé, l'exacte mise en valeur des différents tons et le surprenant fondu des contours rappellent la manière de certains peintres modernes. L'importance donnée à la saillie anormale d'un muscle, à une déformation de la bouche, à un pli du front, révèle un souci réaliste de la ressemblance et de l'individualisation. Le coup de pinceau ou de couteau à palette est donné dans le sens du muscle, et le relief est parfois obtenu, non seulement par le jeu des lumières et des ombres, mais par un véritable empâtement de la couleur.

    ...L'exagération des yeux : les Égyptiens s'agrandissaient les yeux avec des fards ; et sans-doute ce maquillage faisaitencore partie de la toilette des morts...Une faute de dessin qui allonge démesurément le cou … L'inégale hauteur des yeux ...L'attache du nez est si haute …

    Le sentiment profond de la vie qui anime ces peintures, l'expression particulière, qui fait qu'un on sent chacune d'elles inspirée par un modèle déterminé dont le peintre a voulu concentrer dans son œuvre le caractère individuel et distinctif. »

     http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203159n/f350.image.r=fayoum

     

    4. Il a été fasciné par le visage humain.

    5. Ces portraits possédaient une fonction funéraire afin d'assurer la renaissance effective du défunt dans l'au-delà. C'est aussi la démarche d'un peintre vis à vis de sa muse. Mais le peintre ne recherche pas tant la ressemblance photographique du modèle que l'expression de sa vie mentale, et  de cette conscience tragique de la coexistence entre une apparence fugace, datée ("13 juin 1962, IV"), et une certitude, partagée entre le peintre et son modèle, de l'existence de la mort.

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    Diorama, Portraits funéraires trouvés dans la région du Fayoum, Gazette des beaux-arts 1903 p.303 :  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203159n/f358.image.r=fayoum
    Diorama, Portraits funéraires trouvés dans la région du Fayoum, Gazette des beaux-arts 1903 p.303 :  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203159n/f358.image.r=fayoum
    Diorama, Portraits funéraires trouvés dans la région du Fayoum, Gazette des beaux-arts 1903 p.303 :  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203159n/f358.image.r=fayoum
    Diorama, Portraits funéraires trouvés dans la région du Fayoum, Gazette des beaux-arts 1903 p.303 :  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203159n/f358.image.r=fayoum
    Diorama, Portraits funéraires trouvés dans la région du Fayoum, Gazette des beaux-arts 1903 p.303 :  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203159n/f358.image.r=fayoum

    Diorama, Portraits funéraires trouvés dans la région du Fayoum, Gazette des beaux-arts 1903 p.303 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203159n/f358.image.r=fayoum

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    J'ai recherché en ligne, en proposant au moteur de recherche les mots Picasso + Fayoum (ou Fayum), une confirmation de mon intuition. Mais ma récolte a été pauvre.

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    — Pablo Picasso, Pinacothèque de Paris, Picasso intime: la collection de Jacqueline Skira, 2003  page 35 : « Elle devient un portrait du Fayoum, avant qu'elle ne s'incarne en carreaux de céramique, puis à nouveau en tôle peinte."

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    Pablo Picasso, ‎Guy Tosatto, ‎- 2001 Picasso, la peinture seule, 1961-1972: exposition, Musée des .. - ‎exposition, Musée des beaux-arts de Nantes, 5 octobre 2001-14 janvier 2002 Souvent de face, figées, elles font songer à des icônes ou à des portraits du Fayoum.

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    —  Klaus Gallwitz, Picasso: The Heroic Years, Abbeville Press, 1985 - 230 pages, page 99 : "According to one of Picasso's friends, Jacqueline's startling resemblance to one of the seated Moorish women inspired ... other pictures of Jacqueline of the same period have a mysteriously soulful (émouvante) expression recalling Fayum mummy portraits"

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    — Pierre Cabanne - 1992 Le Siècle de Picasso L'époque des métamorphoses (1912-1937) : "Car tandis qu'il travaille à ces Femmes à la fontaine, qu'il peint des visages féminins dont le type se situe entre la Grèce au profil droit et le Fayoum, la peau mate, les yeux écarquillés, et qu'il se penche, crayon en main, sur le berceau de Paulo, Picasso dresse, comme une monumentale anthologie cubiste, les deux versions simultanées des Trois Musiciens "

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    — Pierre Daix - 2007 Pablo Picasso : "Certaines, ressemblantes comme des portraits du Fayoum, sont sur papier ; d'autres en carreaux de céramique"

    Marie-Laure Bernadac, ‎Michèle Richet - Hélène Seckel-Klein, 1985, Musée Picasso: Peintures, papiers collés, tableaux-reliefs, ... - Page 31‎ "... sans doute un portrait de Jacqueline, qui nous rappelle ceux du Fayoum et les images de l'impératrice Théodora dont elle a la monumentalité"

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    —  Pierre Dufour, Picasso 1950-1968: Biographical and Critical Study Skira, 1969 - :

    "The archaic elegance of the design frames in a scroll of dark dots a face that is vaguely reminiscent of Coptic art or the Fayum. Is Picasso simply "having a little fun" or does he want to prove that one can make a work of art with anything and ..."

     

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     Gillian McIver Art History for Filmmakers: The Art of Visual Storytelling page 59 : Egyptian Realism: The Fayum Portraits Depicting real people looking as they do in real life was developed to an almost perfect ... In the twentieth century, artists like Picasso also turned away from naturalism, though he could paint it very well

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     Pablo Picasso, ‎Yolande Clergue, Pablo Picasso: portraits d'Arlésiennes : 1912-1958 - Page 155 ‎Fondation Vincent van Gogh--Arles - 2005 - ‎".. beauty, which reminds us of the Fayum effigies, was enlivened by neat Nice headdresses or Vincent's straw hat lent by Picasso."

     

     

    Finalement, je trouve ce titre "Roma Fayum portrait compared with Picasso’s self-portrait" accompagné du montage suivant : un autoportrait de Picasso placé contre un portrait de femme du Fayoum :

     

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Dés lors, j'ai poursuivi la visite de l'exposition en confiant à mon objectif celui —j'aime les zeugmes — de traquer les visages et les regards pour y déceler l'influence du Fayoum. Cela m'a procuré le "matériel" iconographique suivant, sans être réellement interpellé une seconde fois, alors que je retrouvais toujours les grands yeux noirs tournés vers l'infinie béance du temps.

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Le visage de Jacqueline en quarante jours et vingt-deux reprises.

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    Mais c'est le tableau intitulé L'Arlésienne qui est le plus émouvant pour exprimer cette hantise enragée de saisir l'insaisissable de la conscience de la mort à travers le visage quotidien de l'être aimé. Car ce Ripolin et huile sur toile de 61 cm sur 41 cm porte, en colonne sur le coté gauche, les dates successives des 22 reprises du portrait de Jacqueline, vêtue d'un costume et d'une coiffe d'arlésienne, du 8 juillet au 15 août 1958.

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    L'Arlésienne, Coll. part., exposition Picasso au FHEL de Landerneau. Photographie lavieb-aile juin 2017.

    L'Arlésienne, Coll. part., exposition Picasso au FHEL de Landerneau. Photographie lavieb-aile juin 2017.

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    Exposition Picasso à Landerneau : un portrait du Fayoum !

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    Published by jean-yves cordier
    31 juillet 2017 1 31 /07 /juillet /2017 13:33

    Les six carvelles sculptées sur la façade de l'église Notre-Dame de Croas-Batz à Roscoff, de son ossuaire et de la chapelle Saint-Nicolas.

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    Voir aussi sur les carvelles et autres embarcations sculptées : 

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    Voir aussi  sur Roscoff :

    http://www.lavieb-aile.com/2017/07/les-six-sibylles-de-la-tribune-1606-de-l-orgue-de-l-eglise-n-d.de-croas-batz-a-roscoff.html

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    Un patrimoine mis en valeur par les services de la Région et de la Ville à destination des touristes.

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    Roscoff, avant-port de Morlaix à l'entrée sud-ouest de sa Baie, conserve de son passé maritime du XV et XVIe siècle un témoignage précieux : les sculptures en bas-relief de sept navires sur les murs de l'église, de l'ossuaire et d'une chapelle, commandées en témoignage de donation par leurs riches armateurs.

    Un cartel apposé devant l'église en donne une  présentation précieuse sous le titre "Les vaisseaux de pierre", accompagnée d'une liste et d'un schéma.

    On y lit :

    "L'église Notre-Dame de Croas-Batz est l'un des rares édifices religieux du Nord-Finistère à posséder des vaisseaux taillés dans la pierre, témoins d'une prospérité remarquable au XVIe siècle.

    Cette décoration extérieure de l'église confirme ainsi la vocation maritime des Roscovites, recommandant leur vaisseaux à la protection divine contre les "périls et fortunes de mer"

    Puis vient une description, extraite de Choses et gens de Bretagne, de Louis Le Guennec (1937), des  quatre vaisseaux de l'église, de celui de l'ossuaire et de celui de la chapelle Saint-Nicolas. J'en donnerai le texte plus bas.

    Enfin, le schéma annote sur le plan de l'église la localisation des sculptures et donne le relevé des quatre premières.

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    Je reprendrai ici l'ordre de description de ce panonceau.

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    Documentation apposée devant l'église de Roscoff.

    Documentation apposée devant l'église de Roscoff.

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    Documentation apposée devant l'église de Roscoff.

    Documentation apposée devant l'église de Roscoff.

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    Ces six navires ont des caractéristiques communes : ce sont tous des bâtiments à trois-mâts (mats de misaine, grand-mât, mât d'artimon) sans compter le mât de beaupré, à fort château arrière (et un discret gaillard), faisant voile sous voilure réduite car seule est établie la voile carrée d'avant (misaine).  Ils sont donc représentés en manœuvre, soit de départ, soit d'atterrissage et d'entrée de port. À Roscoff, cela correspondrait au  moment où ils passent devant la Pointe Sainte-Barbe. 

    Au sommet de chaque mât se voit une sorte de chapeau soit en demi-tonneau, soit conique, qui correspond moins à une hune,  (plate-forme intermédiaire du bas-mâts des navires pour servir de fixation et de renvoi pour les haubans de mât de hune, ou de plate-forme pour l'équipage pour exécuter des travaux dans la mâture), qu'à une gabie, position dominante aménagée en poste d'observation pour la vigie par un grand panier ou gabion. C'est cette cage qui adopte, sur certaines illustrations de l'époque, une forme conique.

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    Dans un manuscrit du XIVe siècle, Tractatus de Sphaera de Johannes de Sacrobosco, (Bibl. Mazarine Ms 0643 f. 009), représentant une nef entrant dans un port, on voit une vigie (ou plutôt un pilote) effectuant le relèvement d'un amer du haut d'un nid-de-pie.

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    A la différence du bordé à clins de la cogue de cette enluminure, à un seul mât, au gaillard d'avant plus haut que le château arrière, au gouvernail d'étambot suspendu,  la coque des navires roscovites est lisse ("à carvel, cf. infra), mais renforcée par deux forts listons.

     

     

    Le mât d'artimon  porte un espars oblique (parallèle aux étais des mâts) dont il est difficile de dire s'il s'agit de l' antenne ou vergue d'une voiles latine (permettant de bien remonter au vent, et équipant souvent l'artimon) ou  de la vergue d'une voile carrée, fort efficace par vent portant.

    Enfin, ces navires portent de longs étendards, qui flottent vers l'avant puisque ces nefs naviguent vent arrière. On y lisaient peut-être autrefois des marques d'armement, ou le nom du bateau.

    Ils doivent déplacer de 30 à 50 tonneaux, et sont destiner au "roulage", transport de marchandise vers Bordeaux et l'Aunis-Saintonge pour y chercher du vin, vers Cadix ou Bilbao, ou vers l'Angleterre et l'Europe du Nord. 

    Ces navires sont décrits comme des carvelles. Mais la définition de ce terme est floue.  Augustin Jal, dans son Glossaire nautique de 1848, définit les mots Carveel, Carveille, Carvelle Carvel-work ou "bordage à carvelle", Carveil-ship, Clou à carvelle, et Karveel. 

    Augustin Jal illustre le terme en citant  Antoine de Conflans (Les faits de la marine et navigaiges, vers 1515) , dans un sens bien approprié aux navires de Roscoff :  "sont navires à carvelles, allant en marchandises à Bordeaux et à La Rochelle, etc."

    Le dictionnaire Godefroy  donne : Caruelle "bateau" (1438). 

    Caravelle 2 : http://micmap.org/dicfro/search/dictionnaire-godefroy/caravelle

    "A Calais arriva une petite carvele, non sachans ceulz de dedens que le duc de Warvick y fust "(Wavrin, Recueil des croniques et anchiennes istories de la Grant Bretaigne, a present nommé Engleterre, II, 203, vers 1455-1475)

     

    La première attestation absolue du substantif « caravelle » remonte à 1439. Le mot apparaît sous une forme probablement populaire, avec syncope du /ə/, dans un document conservé à Lille, qui concerne la comptabilité des ducs de Bourgogne. Il s'agit des dépenses faites pour une caravelle, construite à la manière portugaise, commandée par Philippe le Bon, laquelle était sortie d'un chantier près de Bruxelles en 1439 (Degryse 228-229) : À Jehan Perhouse et ses compaignons, maistre de faire vaisseaulx de mer des pays de Portugal, pour don à eulx faits par MS [Philippe III le Bon, duc de Bourgogne] quant ils ont eu parfait une caruelle, qu'ils ont faite par l'ordonnance d'icellui S, après ce qu'ils l'ont boutée en l'eaue, xviij francs, et au maistre des escluses de Brouxelles, pour avoir tenu l'eaue de la rivière haulte durant ce que ladite caruelle y a esté........xlviij sols (Comptes Lille L., volume 1, page 356, in DMF2 = Jal 2 = Gdf s.v. caruelle). http://micmap.org/dicfro/search/dictionnaire-godefroy/caravelle

    Jacques Paviot donne tous les détails sur cette commande de plusieurs carvelles par le duc de Bourgogne Philippe le Bon à un maître-charpentier portugais nommé Joao Afonso a Bruxelles en 1438-1439.  Elles furent construites dans un chantier de Bruxelles et gréées à L'Écluse. 

    Par ailleurs, la construction " à carvel " définit un principe de construction "membrure première " pour un assemblage à franc-bord, opposée à l'assemblage à clins. Au Moyen Âge, les coques étaient construites à partir d'un assemblage de bordés renforcé ensuite de membrures. À la fin du XVe siècle, une nouvelle technique est apparue, accompagnant le développement des caravelles, celle qui consiste à procéder dans l'ordre inverse. Les membrures assemblées en premier dans la quille, les bordés venaient les garnir ensuite.

    "La seconde moitié du XVIe siècle correspond, en matière d’architecture navale, à la fin d’une phase de transition débutant au milieu du XVe siècle. Cette période, au cours de laquelle sont apparus les voyages océaniques, voit en premier lieu l’apparition du “ navire ” à trois mâts, succédant à la “ nef ” médiévale à mât unique. Par ailleurs, les régions bordant l’océan Atlantique connaissent un bouleversement dans les méthodes de construction des navires avec le passage d’une construction à clin “ bordé premier ”, d’origine scandinave, à une construction à franc-bord “ membrure première”, d’origine méditerranéenne ; les modalités de l’adoption de cette technique ne sont pas précisément connues, mais donnent naissance à une tradition de construction dite “ ibéro-atlantique ” conforme aux principes généraux de la construction méditerranéenne, mais qui s’en distingue cependant par quelques caractéristiques architecturales." Anne Gérardot 2004 http://theses.enc.sorbonne.fr/2004/gerardot

    Au total, les différences avec les caravelles destinées aux traversées de l'Atlantique ne sont pas évidentes pour moi, et j'ai consulté avec intérêt le site qui les décrit :

     http://www.mandragore2.net/dico/lexique2/lexique2.php?page=caravelle

    Ou bien cette description d'un "Model of a Hanseatic League carvel-built ship de 1470 :

    http://www.modelships.de/Verkaufte_Schiffe/Hanse_Schiff_1/Hansa_ship.htm

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    1. LE PORCHE OCCIDENTAL.

    Le porche à la base de la tour fut édifié vers 1550.

    "La carvelle se trouve entre deux niches surmontées d'une accolade au-dessus du porche Ouest. Elle est dominée par un petit personnage - l'armateur peut-être - dont on croit qu'il tient dans sa main gauche une bourse d'écus. La coque est dépourvue de tonture, c'est-à-dire que le pont est bien droit. La tonture est l'arrondi du pont de façon à ce que les paquets de mer s'échappent du bateau. Elle porte deux bordés en forte saillie, ce sont peut-être les préceintes de bordé "est à francs bords ". Les préceintes sont des pièces de bois qui renforcent la structure du bateau longitudinalement. Elles sont bien visibles. La guibre à l'avant est une pièce de bois reliée à la pièce d'étrave et qui supporte le beaupré (ou bout dehors) et la figure de proue. Ici, la guibre porte une petite tourelle dissimulant partiellement le beaupré. L'arrière légèrement relevé et peu voûté se termine par un tableau. Un safran maintenu par des fermetures aux dimensions exagérées est fixé sur l'étambot qui est un morceau de bois fixé à la voûte et à la quille. La mâture est constituée par un beaupré, un mât de misaine portant un phare carré, un grand mât et un mât d'artimon (ou mât de tape-cul) avec une vergue apiquée. C'est sur la vergue que la voile est gréée - le phare carré est une voile carrée. Les haubans munis d'enflêchures sont fixés sur le porte-haubans en légère saillie sur les flans sur tribord. Le "porte-haubans" s'appelle aussi "cadene de haubans". Les haubans soutiennent le grand mât, le mât de tape-cul et le mât de misaine. Entre le grand mât et le mât de misaine, sous le hunier (nid de pie) un étais soutient le grand mât sur l'avant et l'empêche de cabaner vers l'arrière. Des rides d'étais du mât de misaine sont bien visibles sur le beaupré. Une hune coiffe chaque mât. On l'appelle aussi "nid de pie". On aperçoit une flamme au haut du mât de misaine." (?, sur Infobretagne)

    "Surmontant le porche, un vaisseau cingle, misaine tendue. Un petit personnage tenant une bourse est campé sur la hune centrale. Maître après Dieu de son navire, l'armateur voulait-il ainsi indiquer qu'il ferait volontiers largesse de ses écus au profit de l'église si la protection d'En-Haut gardait nef et cargaison de toute mésaventure." (Le Guennec, 1937)

     

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    Porche et clocher-tour de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Porche et clocher-tour de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Sur la corniche sont alignées les deux niches de chaque coté, avec leurs accolades à crochets et retombant sur des masques, et la nef centrale.

    Les niches accueillent des anges scutifères, aux cheveux en boules.

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    Porche et clocher-tour de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Porche et clocher-tour de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Carvelle du porche occidental de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Carvelle du porche occidental de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Le personnage perché sur la gabie du grand-mât est peut-être l'armateur tenant une bourse, comme le pensait Le Guennec, Il tiendrait alors aussi son chapeau.Mais c'est peut-être aussi le pilote car la forme triangulaire qu'il tient dans la main gauche peut correspondre à un instrument de navigation (comme sur l'enluminure montrée plus haut). Ou bien un matelot qui fait des signaux. 

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    La vigie de la carvelle du porche occidental de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    La vigie de la carvelle du porche occidental de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    II. LE PIGNON DE LA  CHAPELLE LATÉRALE SUD.

    "Un trois-mâts orné à sa proue d'une grosse tête d'animal fait route vers l'Occident. Le négociant qui fonda cette chapelle n'avait pas oublié d'y joindre l'image de son navire, afin d'attirer l'attention du Tout-Puissant sur ses entreprises commerciales." (Le Guennec, 1937)

     

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    La chapelle sud  de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    La chapelle sud de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Il faut d'abord décrire trois éléments disposés sur une corniche à rinceaux. La niche centrale, à accolade sommé d'un fleuron, et rehaussée à son pied d'un écu. A sa gauche,  un phylactère plié pour former une boucle autour d'un cercle central, orné peut-être d'un triskel. L'inscription de cette banderole n'est plus lisible. El enfin, à droite, la carvelle orientée avec la proue tournée vers la gauche.

    Ce bâtiment armé de trois-mâts est sculpté en deux blocs de pierre, l'un rectangulaire et l'autre en trapèze. Il possède un château arrière, et des sabords. Une voile carrée, la misaine, semble double car elle est coupée par la ligne de jonction des deux blocs. Le beaupré, légèrement apiqué, sert de point d'origine à une forme en S dirigée vers l'angle de la voile : c'est cette forme qui a été interprétée comme une tête d'animal à la proue, par Le Guennec.

     

    Carvelle du pignon de la chapelle sud  de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Carvelle du pignon de la chapelle sud de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Carvelle du pignon de la chapelle sud  de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Carvelle du pignon de la chapelle sud de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    III. LA CARVELLE DE L'ARRIÈRE  DE LA FAÇADE ORIENTALE, MUR DE  LA SACRISTIE.

     

    "Cette carvelle est de construction plus récente, début du XVIIème siècle, quand le nouveau chevet de l'église a été construit (comprenant le chœur et la sacristie). Elle est très bien conservée. Ce peut-être un navire de convoi à cause des sabords visibles entre les préceintes qui suivent l'arrondi de la coque. Le château avant relevé se termine par une guibre dépouillée. Le château arrière présente une voûte importante. Le safran d'étambot est bien visible. La mâture est composé de mât de misaine avec phare, un grand mât avec enfléchures et un mât de tape-cul ou d'artimon portant une vergue apiquée. Trois hunes coiffent les mâts." (cité dans Infobretagne)

    "Un de ces compères (de l'armateur du navire de la chapelle sud) imita ce pieux exemple et fit tailler la figure de son vaisseau d'un galbe admirable sur l'arrière de la sacristie. Ce navire devait avoir des dimensions supérieures à celles des autres bâtiments roscovites car il possède une galerie de poupe." (Le Guennec 1937)

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    Carvelle de la façade orientale du chevet,  mur de la sacristie de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Carvelle de la façade orientale du chevet, mur de la sacristie de l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    IV. LA CARVELLE DE LA FACE NORD DU CLOCHER.

     "Sur la face nord du clocher, un armateur, qui avait sans-doute notablement contribué aux frais de l'édifice, est représenté en costume de gentilhomme Henri II, bourse à la main, rappelant l'argent généreusement consacré à ce louable dessein. A ses cotés, un vaisseau à trois-mâts — le sien — fait route vers l'Est." (Le Guennec, 1937)

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    Carvelle de la face nord de la tour-clocher,  l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Carvelle de la face nord de la tour-clocher, l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Entre les deux fausses-gargouilles en canons, et sous une corniche cantonnée de masques, le navire est à la droite de deux personnages.

    À gauche, un homme marchant vers l'ouest et coiffé d'un très large chapeau tient dans ses bras écartés deux objets verticaux. Je me plais à voir dans celui de sa main droite un poisson. 

    A sa droite, un acrobate fait un saut en grand écart, en empoignant ses chevilles dans cette posture pleine de jovialité qui est souvent retrouvée sur les ornementations sculptées du haut des églises, et qui est héritée des modillons romans.

    Le vaisseau de pierre est semblable aux autres, et un ou plusieurs matelots se dissimulent peut-être dans la  gabie principale qui est cylindrique.

     

    Carvelle de la face nord de la tour-clocher,  l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

    Carvelle de la face nord de la tour-clocher, l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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    Carvelle de la face nord de la tour-clocher,  l' église Notre-Dame de Croas-Batz. Photographie lavieb-aile juillet 2017.

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