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22 septembre 2016 4 22 /09 /septembre /2016 21:10

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Église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Les statues intérieures de l'église de Brennilis  sont au nombre de 16, parmi lesquelles le Christ en croix, un Christ aux liens, un groupe de saint Yves entre le Riche et le Pauvre, saint Jean-Baptiste, saint Marc ou Hervé, saint Sébastien,  sainte Barbe, saint Divy, saint François d'Assise, un moine cordelier dit saint Fidel (ou Pascal Baylon?), et, pour les œuvres récentes, un groupe de sainte Anne et Marie (chevet), et une Vierge Mère dite Notre Dame de Brennilis. 

 

1. Saint-Yves entre le Riche et le Pauvre.

Statue en bois polychrome de 96 cm de haut placée sur le mur est du transept nord . Inscription SANT YEVN sur le socle en bois. XVIIe siècle.

Le saint, portant mosette, surplis et barette, est assis sur un siège doré. Un placet à la main gauche, il lève un nez pointu. Le riche, de 87 cm de haut, est en costume Louis XIII avec habit doré, manteau vert et chapeau rond. Il porte une barbiche Louis XIII. Tenant une bourse dans la main, il tend au saint une pièce d'or. Le pauvre, mesurant 87 cm également, est déguenillé. Il tient un bâton et son chapeau de la main gauche. La main droite de la statue est cassée. Le groupe est posé sur une console en bois ciré moderne ; la niche du XIXe siècle a été enlevée.

"Sant Yeun" est certes la traduction de "Saint Yves" en breton, mais on ne peut oublier ici que le "Yeun" ou Yeun Elez est aussi le nom de la vaste dépression marécageuse et ancienne tourbière actuellement occupée par le lac artificiel de Saint-Michel, qui borde Brennilis.

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Saint Yves entre le riche et le pauvre, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint Yves entre le riche et le pauvre, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Saint Yves entre le riche et le pauvre, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint Yves entre le riche et le pauvre, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Diaporama : Saint Yves entre le riche et le pauvre, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
Diaporama : Saint Yves entre le riche et le pauvre, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
Diaporama : Saint Yves entre le riche et le pauvre, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Diaporama : Saint Yves entre le riche et le pauvre, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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2. "Saint Herves".

Transept nord Inscription sur la banderole S. HERVES.

" Saint Hervé (?) . . Sur le socle : ST HERVES. Attribution douteuse. Le saint, en robe rouge et manteau bleu, se tient debout sur le dos d'un animal, un lion, semble-t-il, qui tourne la tête vers lui. Livre à la main gauche, la main droite soulevant un pan du manteau. L'animal n'est pas un loup, plutôt un lion, ça serait alors saint Marc. Statue courtaude, assez fruste, en bois polychrome, 135 cm." (Inventaire 1986)

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Saint Herves, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint Herves, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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3. Christ aux liens.

contre le pignon du bras nord du transept. 

 "Statue en bois polychrome de 150 cm environ. Le Christ se tient debout, revêtu d'un pagne doré et d'un manteau pourpre, une couronne d'épines sur la tête. Sur le socle : ECCE HOMO. " (Inventaire 1986)

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Christ aux liens, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Christ aux liens, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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4. Saint Sébastien.

" Sur le socle : "SAINT SEBASTIEN." Statue en bois polychrome,  de 115 cm environ, reposant sur une console de pierre, dans le transept sud. Le  saint, revêtu d'un pagne doré, la chevelure longue et bouclée, porte la jambe gauche en avant, dans une pose élégante, un peu efféminée, typique de son iconographie." (idem)

Saint Sébastien, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint Sébastien, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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5. Sainte Barbe.

" Statue en bois polychrome, de 140 cm environ, placée sur une console de pierre, contre le pignon du transept sud. La sainte, en robe rouge et manteau bleu, un voile sur la chevelure, porte une banderole avec inscription bretonne. La tour est cassée.  "(idem)

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Sainte Barbe, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Sainte Barbe, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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6. Saint François d'Assise.

"Statue en bois peint, 11O cm.,dans une niche plate de même style que les deux autres, contre le dernier pilier du côté sud de la nef. Le saint lève les mains pour montrer les stigmates de ses mains et de son côté droit."(idem) 

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Saint François d'Assise, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint François d'Assise, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

7. Saint Fidèle (ou saint Antoine de Padoue, ou Saint Pascal Baylon).

Dans la nef, premier pilier nord.

Statue de bois polychrome de 107 cm. Inscription "Saint FIDEL" sur le socle. Placée dans une niche du XIXe. Le saint porte la même tenue de moine cordelier (franciscain) que saint François (supra) avec robe de bure noire à scapulaire, mais la cordelière ne porte (négligence) qu'unseul nœud. Il tient un livre dans la main gauche et un calice eucharistique dans la main droite. Parmi les moines franciscains béatifiés, nous trouvons saint Fidèle de Sigmaringen (mort en 1622), prêtre et martyr souabe, mais le calice, témoignant de l'importance accordée à l'Eucharistie, correspond davantage à saint Pascal Baylon (1540-1592). On peut aussi penser à saint Antoine de Padoue (1195-1231), bien que son attribut soit le cœur enflammé ou le lys..

Les deux statues, l'une de saint François, l'autre d'un cordelier tenant un calice forment un duo qui  se retrouve à Bodilis, (église), à Sizun, (fronton de l'ossuaire,1588) à Lanneufret (église) et à La Roche-Maurice, témoignant de l'implantation des Franciscains dès le XIIIe siècle dans le Léon. L'identité du deuxième moine est régulièrement discutée dans chacun de ces sanctuaires. 

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saint Fidel ?, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

saint Fidel ?, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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8. Sainte Anne éducatrice. Niche à gauche du chœur.

Placée dans une niche néogothique, la statue de 170cm de haut dépare avec la belle statue de la Vierge à la démone. Certains  suggèrent qu'il peut s'agir d' une maladroite copie de l'ancienne statue de la chapelle de Kermorvan (ruinée). 

Niche et statues de Sainte Anne éducatrice, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Niche et statues de Sainte Anne éducatrice, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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9. Le meuble Renaissance.

"La niche de sainte Anne repose sur un meuble de style Renaissance identique à celui des panneaux de l'autre coin. Ce meuble à 3 faces occupe l'angle de l'abside. Le registre supérieur présente, dans chaque panneau le même décor d'architecture, deux pilastres à chapiteaux corinthiens soutiennent un entablement et encadrent un losange renfermant un personnage non identifiable, parce qu'en mauvais état ; le panneau du milieu n'a pas, cependant, de losange mais un bas-relief représentant la Résurrection du Christ : le Christ, debout, sort du tombeau, la main droite levée, tandis que deux soldats dorment près du tombeau, dans le bas. Les trois panneaux du registre du milieu sont ornés tous trois de rinceaux et d'un cartouche rond (ou médaillon rond )  Dans les médaillons du centre et de droite, un buste en fort relief, une tête barbue et une tête cassée. Dans le médaillon de gauche, un joueur de cithare en bas-relief ( est-ce David ? ) • Les trois médaillons occupent le coin supérieur, à gauche. Les trois panneaux comportent le même décor d'architecture que le registre supérieur et un losange, avec un buste de femme dans le premier, un buste d'homme dans le second, mais le troisième panneau est caché par le ma!tre autel. A tous les angles, un fuseau, à raison de 4 par étage. La base du meuble est garnie de motifs géométriques peints. Trois panneaux sont en réalité des portes avec gonds et serrure (ceux de la Résurrection et de David en particulier )." (Inventaire 1986).

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Meuble Renaissance au coin de l'abside, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Meuble Renaissance au coin de l'abside, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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10. Le meuble Renaissance du coté droit du chœur.

"En haut, sous une corniche, quatre rectangles:deux sont vides de leurs ornements. Le troisième contient des rinceaux, le quatrième un joueur d'instrument dans une mandorle étroite. En dessous, trois pilastres à chapiteaux corinthiens soutiennent un entablement et encadrent deux panneaux à rinceaux; au sommet de ces deux panneaux, un cartouche rond d'où sort une tête, une femme à gauche, un homme à droite. De l'autre côté, plus de panneaux, car ils cacheraient une fontaine gothique à arc trilobé (non visible) et tablette centrale " (Inventaire 1986)

 

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Meuble Renaissance au coin de l'abside, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Meuble Renaissance au coin de l'abside, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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11. Le calvaire (1625).

 "Au nord de l'église, dans la partie du cimetière désormais désaffectée, se dresse un calvaire de Roland Doré.

a) Le Christ en croix a les traits anguleux propres au style de l'atelier landernéen. Des boules godronnées terminent les bouts de la croix. Au-dessus de la tête du Christ, un ange, la tête en bas, soutient l'inscription INRI.

b) Contre le noeud , un écu où l'on reconnait les armoiries des Quélen Vieux-Châtel : Burelé de dix pieces (d'argent et de gueules )

c) Le socle repose sur un marchepied à deux degrés. Ce socle est taluté. Sur ce socle se dresse un monolithe de la Pieta: La Vierge est entourée de saint Jean et de Marie Madeleine reconnaissable à son pot de parfum. Au revers, sur le même socle, côté Est, une représentation du Christ : Jésus, debout, sort du tombeau, comme à Plougastel. Aux angles du tombeau, deux angelots sont posés, comme des oiseaux. " (Inventaire de 1986)

La croix du cimetière de Brennilis se compare au calvaire du cimetière de Commana, réalisé un an plus tôt en 1624.

Voir : Atlas des Croix et Calvaires du Finistère.

Roland Doré (1618-1660) est un maître-sculpteur de Landerneau responsable, avec son atelier, d'une soixantaine  d'œuvres (principalement des calvaires) dans les enclos paroissiaux du Léon et du nord de la Cornouaille. Issues de commandes ecclésiastiques ou aristocratiques, ses sculptures portent l’empreinte stylistique de son atelier (visages ronds au profil tranchant, drapés stylisés et hiératiques). Son matérieu de prédilection est la kersantite, ou pierre de Kersanton, extraite dans la rivière de Daoulas à Loperhet et réputée pour sa dureté et pour la finesse de son grain. Elle se taille et se sculpte facilement au sortir de la carrière, puis durcit à l'air.

 

La Vierge entourée de saint Jean et de Marie Madeleine. Calvaire  de l'église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

La Vierge entourée de saint Jean et de Marie Madeleine. Calvaire de l'église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Calvaire  de l'église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Calvaire de l'église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Christ sortant du tombeau, Calvaire  de l'église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Christ sortant du tombeau, Calvaire de l'église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

— « Autour de Yeun Elez : une entité patrimoniale » pdf 

http://www.bretagne.bzh/upload/docs/application/pdf/2009-11/plaquette_pnra_n2_2009-11-19_17-15-48_452.pdf

 

 

Sur l'église de Brennilis :


—http://fr.topic-topos.com/saint-yves-entre-le-riche-et-le-pauvre-brennilis

— Site Infobretagne contenant les texte des chanoines Peyron et Abgrall :

http://www.infobretagne.com/brennilis.htm

— Inventaire descriptif de l'église de Brennilis fait pendant l'été 1983. Tapuscrit conservé à la bibliothèque du diocèse de Quimper.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/71e51d7ff370034408d2b2e0ebdb6061.pdf

— ABGRALL, (Jean-Marie) 1904 Notice sur Brennilis, Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie BDHA 1904 page 95-101 :

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/af488ed0b5ac10edd2fb9441496254a9.pdf

— ABGRALL (Jean-Marie), 1904, Architecture bretonne, Ar. de Kerangal, Quimper pages 283-284.

https://archive.org/stream/architecturebre00abgrgoog#page/n317/mode/2up/search/brennilis

AncreAncre  — COMBOT (recteur de Brennilis), 1856, Note sur l'église de Brennilis,  cité dans BDHA 1904.

— COUFFON , Le Bars, Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 1988 

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/8f6bfc6f028b1a3a6cf67e7cd7c3578f.pdf

 PEYRON, 1910, Eglises et chapelles, Bulletin Société archéologique du Finistère t. XXXVII pp. 293-294.

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Published by jean-yves cordier - dans Brennilis.
22 septembre 2016 4 22 /09 /septembre /2016 21:08

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La baie 0, ou maîtresse-vitre, mesure 4,50 m de haut sur 2,30 m de large et comporte 4 lancettes trilobées au décor réparti en trois registres, et un tympan à 3 fleurs de lys et écoinçons. Elle est datée vers 1500 par les auteurs du Corpus Vitrearum, et est consacrée à la Vie de la Vierge. Le registre inférieur est perdu, il était jadis masqué par un retable. Il a été partiellement comblé de pièces par Jean-Jacques Gruber en 1967. Une restauration a été menée en 1996 par Jean-Pierre Le Bihan et son fils Antoine  avec remplacement des pièces manquantes, pièces collées et doublées. Le vitrail est classé MH à la date du 10 novembre 1906.

Le maître-verrier J-P. Le Bihan a donné dans son blog une multitude d'indications et de réflexions dans un article dont je citerai de nombreux passages.


Restauration : "Depuis une quinzaine d'années, avec le progrès technique, les ateliers de verriers ont à leur disposition des colles à base de silicone réversible qui ne jaunissent pas et permettent d'offrir une meilleure lisibilité aux pièces de verres, qui, brisées, étaient devenues illisibles à cause du nombre de plombs dits de casses. Cette verrière présentait de nombreux cratères où les mousses proliféraient. Les ferrures qui séparent les panneaux étaient rouillées et la rouille du côté extérieur s'incrustait dans ces cratères sous l'effet de la pluie. De plus, la pose, lors de la dernière restauration, avait été très mal faite. Les panneaux avaient été coupés sur les rives et étaient posés en superposition à la jonction des ferrures. Des pièces manquantes avaient été fournies. Certaines dénotaient n'étant pas dans l'esprit de la verrière. Cela se remarquait dans les dais et les socles d'architecture ainsi que chez certains personnages. Nous en avons conservé  in situ certaines à titre de témoignage des diverses restaurations des XIX et XXème siècles. Il s'agit de la tête du Roi Mage, de celle de Gabriel, de certains morceaux de vêtements chez les Rois Mages et toute la partie concernant Joseph dans la Nativité. Les panneaux du bas de Jean Jacques Gruber ont été remplacés par un nouvel accompagnement plus coloré. Ces panneaux au graphisme répétitif étaient conçus pour être moins visibles à l'origine, un panneau d'autel en cachait les deux tiers." (J-P. Le Bihan)

L'examen des registres anciens des lancettes montre l'alternance des couleurs des fonds : dans les panneaux supérieurs, deux fonds bleus encadrent deux fonds rouges, alors qu'au-dessous, deux fonds rouges encadrent deux fonds bleus. 

 

 Situation de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Situation de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

 

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Réalisés vers 1500, les 8 panneaux des  lancettes sont consacrés à la Vie de la Vierge. Le retable de l'autel placé  sous la maîtresse-vitre traite également du même thème, avec les sept panneaux de  l'Annonciation, la Visitation, la Nativité, l'Annonce aux bergers, l'Adoration des Mages, la Présentation au temple. 

—La même année 1500, les chanoines de la Collégiale de Beaune font tendre le chœur de leur église de 19 pièces de tapisserie relatant la Vie de la Vierge

—En 1503-1508, Jean Bourdichon peint les enluminures des Grandes Heures d'Anne de Bretagne. Dans les Livres d'Heures, par lesquels les laïcs suivent au rythme de leur lecture et de leurs oraisons la liturgie des Heures, et la partie principale de ces Heures repose sur le Petit office de la Vierge, Officium Parvum Beatae Mariae. Dans cet Office, chacune des huit "heures" est associée à un moment de la Vie de la Vierge , et Jean Bourdichon réalise une enluminure pour chacun de ces huit temps. En outre, six de ces Scènes de la Vie de la Vierge correspondent aussi à des fêtes liturgiques, ce qui ajoute un autre repère temporel.

 la journée comporte sept heures canoniales et la nuit en comporte  une :

  • Matines ou vigiles : milieu de la nuit (minuit) : l'Annonciation. (25 mars)

  • Laudes : à l'aurore : Visitation. (31 mai)

  • Prime : première heure du jour (6 h) : Nativité. (25 décembre)

  • Tierce : troisième heure du jour (9h) : Annonce  aux bergers.

  • Sexte : sixième heure du jour (midi) : Adoration des Mages. (6 janvier)

  • None : neuvième heure du jour (15h) : Présentation de Jésus au temple. (2 février)

  • Vêpres : le soir (18h) : Fuite en Égypte.

  • Complies : avant le coucher (21h) : Assomption. (15 août)

Cette séquence n'est pas propre aux Grandes Heures, et se retrouve dans les Heures du duc Pierre de Bretagne, dans les  Heures de Charles VIII ou dans les Heures  de Louis XII, comme dans les Heures à l'usage de Bourges  imprimés par Simon Vostre pour ne citer que quelques exemples princeps, et en réalité dans tous les livres d'Heures. Cela veut dire que chaque fidèle aisé et s'adonnant à la dévotion moderne connaissait ces huit scènes de façon intériorisée par une fréquentation quotidienne de l'oraison, de la contemplation suivie de méditation sur l'image, et que la simple présence de ces images au dessus de l'autel entrait en résonance active avec ses lectures, avec sa foi chrétienne et avec sa mémoire temporelle des rythmes de ses jours. Ainsi, la scène de la Nativité, parce qu'elle était liée à Prime, était pour lui associé au thème de la lumière naissante, et il décryptait mieux la manière dont le corps de l'Enfant irradiait de ses rayons son environnement, ou la raison pour laquelle saint Joseph tenait une lanterne.

A Brennilis, deux scènes ont été ajoutées, tirées des évangiles apocryphes : l'entrée de Marie au Temple, et le Mariage de Marie. A l'inverse, l'Annonce aux bergers manque, et l'Assomption n'y est pas représentée, du moins dans les panneaux conservés. 

A la différence de le cadrage en buste que va instituer Jean Bourdichon dans ses enluminures royales, les personnages sont représentés en pied, et restent dès lors un peu théoriques, un peu lointains. Le souci de dévotion participative et empathique va bientôt modifier cela. 

Pour des  impératifs de lisibilité, les maîtres verriers simplifient au maximum le décor, renoncent à faire figurer des paysages, limitent le nombre des personnages (3 à 6). 

Ces vitraux peuvent être contemplés/médités de mille façon. Soit tout simplement pour se remémorer le texte-source et "réviser" son Histoire Sainte". Soit dans une empathie à l'égard des souffrances acceptées par la Vierge et par son Fils pour le salut de l'Humanité en général, et de chaque fidèle en particulier. Soit par souci de sacraliser le temps profane, chaque moment du cycle naturel de la lumière du jour étant relié à un moment de l'histoire du Salut. Soit selon une démarche plus théologique, pour montrer que chaque épisode de la Vie de la Vierge et de l'Enfance du Christ accomplit les Écritures de l'Ancien Testament (démarche typologique). Soit  dans un esprit polèmique pour affirmer la valeur et la validité des articles de la foi catholique face à la contestation de la Réforme. Et aussi, pour l'amateur d'art d'aujourd'hui, en étudiant et appréciant les détails techniques propres au métier de verrier. Ou encore dans une comparaison d'un thème iconographique dans ses développements historiques...

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Vie de la Vierge, lancettes supérieures,  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Vie de la Vierge, lancettes supérieures, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Pour suivre l'ordre chronologique, je décrirai les panneaux de la gauche vers la droite en débutant par le registre supérieur.

1. Présentation de Marie au Temple.

— État : "Bien conservé" (Corpus Vitrearum).

— Fête le 21 novembre depuis 1585.

— Source :Protévangile de Jacques chapitre 7 Sainte Anne et son mari Joachim, tiennent leur promesse de consacrer leur fille à Dieu et la conduisent au temple de Jérusalem à l'âge de trois ans afin de se mettre au service du grand prêtre. Celui-ci  l'accueille au sommet des 11 ou 12 marches de l'escalier. Le Protévangile insiste sur le fait que la fillette ne se retourna pas vers ses parents. Elle resta dans le Temple, nourrie par un ange, jusqu'à sa majorité (12 ans), et s'occupait de tisser le voile du Temple.  

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Entrée de Marie au temple,  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Entrée de Marie au temple, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Entrée de Marie au temple(détail),  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Entrée de Marie au temple(détail), baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Le mariage de Marie et de Joseph.

— État : "Bien conservé"

 — Marie est habillée, tout au long des huit scènes, de la même façon , avec :  un manteau bleu retenu par un fermail, et orné d'un parement à motif géométrique ; une robe lie-de-vin à encolure dorée marquée d'ovales à godrons dorés ; de fins souliers brun clair.

— Source : Protévangile de Jacques chap. 8 et 9Après ses 12 ans, Marie ne peut rester au Temple et doit être confiée à un homme veuf : tous sont convoqués et doivent apporter une baguette, car un signe de Dieu doit désigner l'élu. Toutes les baguettes des prétendants restent sêches, mais, de celle de Joseph, une colombe s'élève et vient se poser sur sa tête. Dans une autre version, la baguette fleurit. C'est celle qui est représentée ici, puisque Joseph tient dans la main gauche cette verge en fleur. Le grand prêtre réunit les mains des deux époux. L'artiste n'a oublié ni d'indiquer que Joseph est modeste et déjà âgé, ni que les prétendants écartés étaient pourtant plus riches (collier en or) et plus jeunes.

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Mariage de la Vierge,  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Mariage de la Vierge, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Mariage de la Vierge (détail),  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Mariage de la Vierge (détail),  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Mariage de la Vierge (détail), baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Annonciation.

— État : "Tête de l'ange restauré".

— Fête : 25 mars.

— Heure du Petit Office de la Vierge : Matines, correspondant à la nuit, très tôt le matin. L'Incarnation, si on l'assimile à la lumière divine, est ici seulement annoncée, mais n'advient pas encore.

— Source :Evangile de Luc 1: 28-33

— Le texte du phylactère s'enroule autour du bâton de l'ange mais on déchiffre le texte : ave gratia plena dominus tecum. (onciales gothiques ; hampe du p bifide ; abréviation dn~s et tec~u. iedentiques à l'enluminure des Grandes Heures)

Selon Françoise Thélamon, la formule Ave gratia plena a pu être considérée au début du XVIe siècle comme une affirmation de l'Immaculée Conception, si on tient compte du fait que le latin ave gratia plena Lc 1:28 traduise le grec chairé kécharitôménè qui signifie littéralement « toi qui as été et demeures remplie de grâce » et indique donc un état de grâce pleinement réalisé et permanent. D'autant qu'à la salutation angélique s'ajoute celle de la Visitation : « Tu es bénie entre toutes les femmes ».

— Comparer avec l'enluminure des Grandes Heures d'Anne de Bretagne folio 61v. A Brennilis, le prie-dieu et le décor de la pièce, avec leurs remplages flamboyants, restent de style gothique.

— En typologie, cette scène accomplit le verset d'Isaïe 7:14 Ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitur nomen eius Emmanuel, " Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel. puisque le verset de Luc 1:31 le reprend textuellement  : Ecce concipies in utero et paries filium et vocabis nomen eius Iesus. "Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. ".

 

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Annonciation,  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Annonciation, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Annonciation (détail),  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Annonciation (détail), baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Visitation.

— État : "Bien conservé, grisaille altérée sur les visages, carnation réchauffées de sanguine."

— Fête liturgique : 2 juillet (cf calendrier des Grandes Heures : Visitatio beate

— Heures : Laudes : office de l'aurore ("Lueur brillante et rosée qui paraît dans le ciel avant que le soleil ne soit sur l’horizon.", où on rend grâce pour le jour qui  va se lever. Le trésaillement d'allégresse ressentie par Élisabeth est le premier signe, le prémisse, l'aurore de l'Incarnation.

— Source : Luc 1:39-45. Benedicta tu in mulieribus et benedictus fructus ventris tui "Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni".

—  La scène se déroule en plusieurs temps : d'abord Elisabeth entend la salutation de Marie. Puis, aussitôt  son enfant tresaille d'allégresse (exulsavit in utero eius) . Puis Élisabeth est remplie de l'Esprit Saint. Puis elle s'écrie d'une voix forte   "Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni". et elle ajoute :  ecce enim ut facta est vox salutationis tuae in auribus meis exultavit in gaudio infans in utero meo "Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein "

L'Annonce par Marie révèle le caractère prophétique de saint Jean-Baptiste, qui, encore dans le sein de sa mère Élisabeth, re connaît la divinité et l'humanité de son cousin Jésus, lui-même dans le sein de Marie.  Non sans rapport avec la survenue de l'aurore, saint Bernard compare cette reconnaissance à un feu d'origine céleste, "Alors, non pas la prédication, mais l'inspiration se révéla à Jean, que l'Esprit avait rempli dans le sein même de sa mère.[...] Ce nouveau feu qui descendu du ciel un peu auparavant par la bouche de Gabriel était  entré dans l'oreille de la Vierge, et à son tour par la bouche de la Vierge dans l'oreille de la mère de Jean, entra dans le petit enfant pour qu'à partir de là le Saint-Esprit remplisse ce vase qu'il avait choisi et prépare le flambeau pour le Seigneur". 

— Iconographie : il existe deux sortes de représentations : soit les deux femmes sont debout et se tiennent les mains(Grandes Heures f.36v), soit, comme ici, Élisabeth est agenouillé devant Marie .

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Visitation ,  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Visitation , baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Visitation (détail),  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Visitation (détail), baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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DEUXIÈME REGISTRE .

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Nativité.

— État : "Tête de saint Joseph et pièces voisines restaurées".

— Fête : Noël, le 25 décembre.

—  Heures : Prime, première heure du jour après le levant, soit 6 heures du matin. La naissance du Christ correspond métaphoriquement au lever du soleil de la divinité.

—Source : Luc 2:7 et Matthieu Puer natus est nobis et fili datus est nobis.

La comparaison avec l'enluminure des Grandes Heures d'Anne de Bretagne folio 51v montre que Joseph tient entre ses mains, dans le vitrail, une bougie, peu visible mais réelle. En relation avec la métaphore de la lumière naissante, les rayons qui diffusent autour du corps du Christ sont parfaitement compréhensibles. L'Office de la Vierge, le fidèle prie la Vierge en disant  Quia ex te ortus est sol iustitiae Christus deus noster,  "Parce que le soleil de justice, Jésus-Christ notre Dieu est sorti de vous. "La lumière de la bougie de Joseph peut signifier, elle, la lumière de la foi humaine, alors que, dans l'enluminure et sans-doute sur le vitrail dans son état d'origine, la lumière du Père traverse le toit de la crêche. Voir aussi la Nativité de Robert Campin.

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Nativité, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Nativité, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Nativité, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Nativité, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Présentation de Jésus au temple.

— État : "Bien conservé ; grisaille altérée."

— Fête : Il ne s'agit pas d'une Circoncision (fêtée le 1er janvier), mais de la Présentation au temple, fêtée le 2 février, 40 jours après Noël. 

— Heures : ici : Tierce, troisième heure du jour (9 heures). "Dans l'Office divin, Il commémore le moment où l'Esprit Saint est descendu sur les apôtres" (Wikipédia). Mais le Nunc dimittis est récitée traditionnellement par les fidèles chrétiens avant le coucher du soir ou dans les offices funèbres.

Dans les Livres d'Heures, Tierce est associé à l'Annonce faite aux bergers, et la Présentation au Temple est reporté à None. 

— Source : Luc 2:22-38. Nunc dimittis servum tuum Domine secundum verbum tuum in pace.

Comme tout ce qui nous paraît simple, cet épisode est compliqué. L'évangéliste Luc indique d'abord que Jésus fut circonci le 8ème jour (cérémonie qui ne se faisait pas au temple, mais à la maison), puis que Marie et Joseph se rendirent à Jérusalem pour y accomplir deux cérémonies : celle de la Purification de Marie (qui exige  l'offrande d'un couple de tourterelles), et celle du rachat par un sacrifice animal de tout premier-né mâle au Temple à l'âge d'un mois. Or, dans le Temple, les époux rencontrent un vieillard, Siméon, : "Syméon prit l'enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant : « Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples : lumière pour éclairer les nations païennes,et gloire d'Israël ton peuple. » Le père et la mère de l'enfant s'étonnaient de ce qu'on disait de lui. Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division. - Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée. - Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d'un grand nombre. » 

L'iconographie fusionne traditionnelement  la présentation de Jèsus au grand prêtre, l'offrande des tourterelles, Siméon (qui se substitue au grand prêtre) tenant Jésus dans ses bras et proclamant  le cantique d'action de grâce de Syméon , connu sous le nom de Nunc dimittis. Le récit évoque aussi Anne la prophétesse (Lc, 2:36-38), et celle-ci est souvent figurée parmi l'assistance. Joseph, ou une servante,  tiennent le panier contenant les tourterelles, et le cierge rituel. Ce cierge, auquel le nom profane de la fête du 2 février, Festa candelarum ou 'Chandeleur", fait référence, joue un rôle important dans la liturgie, l'office de la Purification débutant par la procession et la bénédiction des cierges, symbole de la pureté virginale. Au XIIe siècle, saint Bernard y fait allusion dans ses Sermons pour le jour de la Purification : "Nous avançons deux à deux, tenant à la main un cierge allumé, mais allumé à un feu consacré d'abord à l'Eglise par la bénédiction du prêtre, non à un feu ordinaire. ". La fête de la Purification de Marie fut instituée à Jérusalem dès 386, et dès 450 y a été ajouté la Procession des cierges. La fête est accueillie à Rome au milieu du VIIe siècle, sous le nom d’Hypapantê ou ‘Obviatio’ (Rencontre), ou de ‘jour de St Siméon’. Au milieu du VIIIe siècle, une nouvelle appellation se fit jour en pays francs, celle de purificatio Sanctae Mariae. Aux IXe et Xe siècles, les deux titres se concurrencèrent, puis le second prévalut. 

—Comparer à :

Enluminure de Bourdichon pour Anne de Bretagne folio 70v.

Enluminure de Jean Bourdichon pour les Heures de Louis XII

Ici, le maître-verrier, par souci de simplification, a placé (assez maladroitement)  le cierge dans la main de Marie alors que Joseph tient une canne. Siméon tenant l'Enfant nu et nimbé* dans un linge, est par contre très semblable à celui des enluminures, avec sa tête penchée, sa longue barbe témoignant de son âge, sa cape aux riches orfrois, et son nimbe qui indique qu'il ne s'agit pas du grand prêtre.

 *Il s'agit d'un nimbe dont le champ est cruciforme avec soit une grisaille tamponnée, soit avec en plus des enlèves à la pointe en raies de lumière.(J-P. Le Bihan)

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Présentation de Jésus à Siméon, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Présentation de Jésus à Siméon, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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La maîtresse-vitre ou baie 0 de l'église Notre-Dame de Brennilis.

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Adoration des Mages.

— État : "Bien conservé".

— Fête : Épiphanie, le 6 janvier. Mention Epiphania domini en lettres d'or sur le calendrier des Grandes Heures  (lettre dominicale f)

— Heures : Sexte ou sixième heure du jour (midi). Le terme "épiphanie" provient du latin chrétien signifiant "qui apparaît", du grec phaino "se manifester, apparaître, rendre évident" mais aussi "briller". La référence à la lumière solaire se poursuit, pour un temps liturgique où la divinité se dévoile dans toute sa gloire face aux Gentils (les rois des trois continents alors connus), mais la référence va évidemment aussi à la lumière de l'étoile qui les guide, et dont la présence est constante dans cette iconographie.

— Source : Matthieu 2:1-12.

— Comparaison : Grandes Heures d'Anne de Bretagne folio 64v.

Sur le vitrail, saint Joseph est absent, mais la composition reprend le schéma habituel des enluminures en deux diagonales convergeant vers la tête de la Vierge : ligne ascendante vers Gaspar tenant l'encens (qui honore la divinité de Jésus) puis Balthasar tenant la myrrhe (qui honore son humanité mais aussi sa mort ). Ligne descendante incluant Jésus, son bras tendu vers la cassette contenant l'or  qui honore son caractère royal et s'achevant sur la tête et la barbe blanche de  Melchior. Ce dernier, figure du viellard, est vêtu d'un manteau damassé et a posé sa couronne. Gaspar, figure de l'homme mûr, porte une couronne autour d'un chapeau.  Balthasar, figure de l'homme jeune, est noir et porte un turban et une boucle d'or à l'oreille gauche. L'Enfant Jésus, plus âgé d'apparence (puer senex), est auréolé d'un nimbe crucifère.

— Technique : On remarquera la pièce bleue du mur de la crèche, posée selon la technique du chef d'oeuvre, c'est à dire un morceau de verre placé à l'intérieur d'une pièce de verre qui a été découpée.

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Adoration des Mages (détail) baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Adoration des Mages (détail) baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Adoration des Mages (détail) baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Adoration des Mages (détail) baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Malgré l'importance de la corrosion du verre, la finesse du dessin du visage de la Vierge peut être appréciée. Le nimbe est orné d'arcades. Les cheveux blonds (jaune d'argent), longs et peignés, sont divisés par une frange médiane et retenus par un serre-tête à médaillon orné d'un cabochon. Ils retombent sur les épaules en vagues et en boucles. Les sourcils affinés par épilation sont réduits à un arc sombre. Les paupières sont lourdes et épaisses, ne laissant voir qu'une étroite fente de l'œil ; celui-ci est souligné par une ride. Le nez, assez fort, est dessiné par le même trait que le sourcil gauche. La bouche est petite et lippue.

Adoration des Mages (détail) baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Adoration des Mages (détail) baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Adoration des Mages (détail) baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Adoration des Mages (détail) baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Fuite en Égypte.

—État : "Drapé de la Vierge restauré".

— Heures : Vêpres (coucher du soleil). La Fuite en Égypte a lieu la nuit.

— Sources : Matthieu 2:13-15 : surge accipe puerum et matrem eius et fuge in egyptum : "Joseph, se levant prit l'enfant et sa mère durant la nuit, et se retira en Égypte.

— Typologie : Osée 11:1 "Hors de l'Égypte j'ai appelé mon fils"

  — La Vierge portant l''Enfant, emmailloté avec des bandelettes est monté sur un âne mené par la bride par saint Joseph. Ce dernier tient, dans les enluminures, son baluchon au bout de son bâton, mais ce détail disparaît ici. On remarquera le circuit des regards, Joseph regardant la Vierge qui regarde l'Enfant qui regarde sa Mère. 

"Des petits cailloux ronds, groupés par deux ou trois, essaiment le chemin qui est égayé de plantes aux quatre ou cinq feuilles d'où sortent autant de pistils longiformes. Ce procédé graphique des cailloux et de leurs ombres sera repris plus tard par l'Atelier Le Sodec et existe chez Durer dès 1492." (J.P. Le Bihan)

Fuite en Égypte, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Fuite en Égypte, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Fuite en Égypte, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Les têtes de lancettes : dais architecturés. (lancette B et D)

État : "Dais architecturaux découpés. Bien conservé à droite [D], restaurés dans les autres lancettes. Fond coloré bleu, rouge, violet et pourpre. Rehauts de jaune d'argent très léger" (C.V)

"Les têtes de lancettes sont réservées aux dais d'architecture, en verre incolore rehaussé de grisaille et de jaune d'argent, dont le dessin est très ouvragé, avec une perspective concave répétitive, qui laisse entrevoir une tribune. L'esprit est gothique. Malheureusement, à une époque récente, XlXème ou XXème siècle, les parties supérieures ont été coupées, dénaturant la lancée (ou terminaison florale) de ces dais. Cela a semble-t-il été nécessaire suite à un affaissement de la maçonnerie du côté gauche." (J-P. L.B)

Dais de la lancette B, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Dais de la lancette B, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Tête de la lancette D,  baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Tête de la lancette D, baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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LE TYMPAN.

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Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

La maîtresse-vitre ou baie 0 de l'église Notre-Dame de Brennilis.

 

Les armoiries.

Le tympan contient 8 écus armoriés (avec emploi de verres gravés) dont je reprends la description donnée par le chanoine Abgrall. Je rectifie seulement un point, concernant Louise de Berrien, qui est donnée comme l'épouse d'Olivier de Quélen, alors que les généalogistes considèrent aujourd'hui que c'est Marie de Berrien (1471-1511), fille aînée d'Henri de Berrien (1444-1481) d'argent à trois jumelles de gueules au franc canton d'or au lion de sable et de Louise du Juch (1450-?), qui épousa Olivier de Quélen du Vieux-Castel (1440 ou 1445-1521 ou 1525) burelé d'argent et de gueules de dix pièces. L'erreur viendrait de Pol de Courcy, qui indique dans son Nobiliaire et armorial de Bretagne (1890)  à la rubrique -Bérien (de), sr de Kerranou, par. de Plestin :  " Louise, leur fille, dame de Coëtanezre et de Kerdudal, mariée à Olivier de Quélen, baron du Vieux-Châtel. ". 

 

Un peu de généalogie.

Les écus sont ceux de  Marie de Berrien et de ses parents et grands parents, ce qui amène à penser qu'elle est la commanditaire de ce vitrail, après son mariage avec Olivier de Quélen-Vieux-Castel, vers 1500 et avant son décès en 1511. Marie de Berrien, dame de Kerdudal, est née en 1471 et fut inhumée en 1511 au Couvent des Cordeliers de Quimper. 

Son grand-père paternel était Yvon de Berrien et sa grand-mère Jeanne de Lézongar. Un seigneur de Lézongar est représenté comme donateur sur la baie 114 de la cathédrale de Quimper réalisé vers 1495-1497, présenté par saint Christophe. 

Son père était Henri de Berrien (1444-1481), marié le 26 septembre 1470 à  Louise du Juch. 

Louise du Juch était pour les uns la fille de Christophe I du Juch et de Jehanne le Barbu (SAF 1997), pour les autres la fille d'Hervé IV du Juch (1425-1461), capitaine de Concarneau, Chambellan du Duc et de Louise du Mûr (v1430-1485). Ces seigneurs du Juch sont les donateurs d'un vitrail (baie n°104) de la cathédrale de Quimper vers 1425.

Puisque son père Henri décéda en 1481, alors que sa fille aînée avait 10 ans, on peut penser qu'une tutelle fut assurée par Roland de Berrien, oncle de Marie de Berrien et qui deviendra recteur de Pleyben de 1492 à 1498. C'est lui qui fit réaliser le vitrail de la baie à gauche du chœur. 

 Marie et Olivier eurent comme enfants :

1° Jean, qui épousa Jeanne de Troguindy 

2° Olivier, chevalier.

3° Marie, qui épousa : 1° Jean de Rocherf ; 2°, en 1524, Gilles le Rouge, Sr de Kerberiou.

4° Jeanne, femme de Jean de Kerguesay, Sr de Kergomar. XI.

 Les écus sont les suivants , de haut en bas :

1. D'argent à 3 jumelles de gueules, au franc canton d'or au lion de sable, qui est Berrien ;

2. Mi-parti d'un burelé d'argent et de gueules de 10 pièces, qui est Quélen-Vieux-Chastel et d'or à trois fasces de gueules, qui est du Chastel (Yvon de Quélen, seigneur du Vieux-Chastel, épouse, vers 1450, Jeanne du Chastel) ;

3. Mi-parti de Berrien et de gueules à trois épées d'argent en bande, qui est Coatanezre, fondu dans Berrien, puis Quélen-Vieux-Chastel ;

4. D'azur à trois besans d'or, parti de gueules à la fasce d'or ;

5. Mi-parti de Berrien et d'azur à la croix d'or, qui est Lézongar (Yvon de Berrien épouse, en 1443, Jeanne de Lézongar) ;

6. Mi-parti de Quélen et de Berrien (Marie de Berrien, dame de Coatanezre et de Kerdudal, épouse, vers 1500, Olivier de Quélen, baron du Vieux-Chastel) ;

7. Mi-parti de Berrien et d'azur au lion d'argent, qui est du Juch (Henry de Berrien, homme d'armes dans une montre de 1481, épouse Louise du Juch, père et mère de la précédente) ;

8. Mi-parti de Berrien et de ......... 

 

Seul le martyrologe de la basilique Saint-Pierre indique le nom de Présentation : Ypapanti Domini, id est obviatio seu appresentatio Domini nostri Iesu Christi s

 

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Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Dans l'ajour supérieur est peint une Trinité souffrante . (Grisaille et jaune d'argent datent du XXe siècle). L'église de Loqueffret, dont Brennilis était alors une chapelle tréviale, conserve un retable consacré à la Trinité du XVIe siècle.

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Trinité souffrante, tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Trinité souffrante, tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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Anges en prière et anges musiciens.

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Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

Tympan de la baie axiale, église de Brennilis. Photographie lavieb-aile.

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ANNEXE.

L'analyse technique de Jean-Pierre Le Bihan :

La palette des couleurs.


"Ce fut une surprise que de découvrir le grand nombre de teintes de verres qu employa le verrier. Cela indique aussi la présence d'un atelier possédant un stock et une palette de couleurs de verres, ce qui est assez rarissime. Il y a les rouges qui semblent prédominants par leur surface. Ils ont été choisis dans des feuilles de tonalité très proche ; ce qui n'est pas toujours facile. Le rouge ne laissant pas passer la lumière, il s'agit d'un verre blanc supportant au soufflage une fine pellicule de rouge.
Nous trouvons un bleu violet dans la robe d'Elisabeth, un autre, un peu plus fort pour St Joseph, que cela soit au Mariage ou dans la Nativité. 
Il y a le bleu du manteau de la Vierge que l'on retrouve dans toutes les scènes. Ce manteau bleu recouvre une robe d'un violet carmin, violet que l'on voit plus proche d'un brun laqué comme fond de la Circoncision, ou, plus brun vermillon chez Joachim. Il y a encore un violet, plus gris violacé pour les ailes de l'Ange Gabriel.
Les verts sont, eux aussi, nombreux. On en relève trois: une cendre verte derrière la Vierge de l'Annonciation, un moyen sur le pupitre de la même scène et que l'on retrouve pour les sols de l'entrée de Marie au Temple, de la Visitation et de la Nativité. Et enfin, un vert émeraude sur le manteau de l'Ange Gabriel.
Le verre incolore présente au moins deux teintes que l'on devine dans les architectures. L'une d'elles, la plus proche du blanc, est utilisée pour les visages, les mains et les corps."

Les visages

"L'approche du détail nous confirme, une fois de plus, la spécificité et la qualité hors pair de cet atelier, avec cependant une certaine réserve pour la scène de la Présentation de Marie au Temple.
Attirés par l'air de famille des visages, ce qui est une chose naturelle, lorsque c'est le même peintre qui oeuvre sur une verrière, nous avons été plus loin et avons découvert (et cela est la première fois en trente ans de métier) en superposant les visages, hommes sur hommes, femmes sur femmes, parfois face interne sur face externe, nous avons donc découvert que le peintre verrier devait posséder un dessin original de visages. Il le transposait très légèrement, sans grande modification, par transparence, ouvrant ici un peu plus grand les yeux, forçant là un peu sur le nez. Il a agi de même pour le toit de la crèche."


Le peintre
 

"Il n'était pas seulement un copieur, il savait tenir ses pinceaux et son registre plastique est époustouflant.
Le trait de grisaille noir est très sensible, juste ce qu'il faut, affirmant quelques traits comme les sourcils, les paupières, l'oeil ou les poils de barbe ou les cheveux. Tout le reste est une débauche luxuriante de sanguine.
Cette sanguine, il l'a posée sur les deux faces du verre, au dos pour accentuer la teinte, les traits et donner des ombres. C'est avec elle, qu'il crée les visage, les mains. Il va même plus loin. Avec cette même sanguine ou du Jean Cousin, qui est de la sanguine encore plus cuite et desséchée, et sa grisaille noire mélangées, il arrive à une teinte brune. Cette teinte se trouve dans le toit de la crèche, le couffin de l'Enfant Jésus, ou les ombres portées des vides sanitaires au-dessous des escaliers du Temple.
Toutes ces grisailles ou sanguines, il les enlève pour donner de la lumière ici et là, avec un bois ou une pointe et aussi parfois avec une brosse dure. Un damassé très effacé ou très léger recouvre les faces intérieures.
 Il y a aussi le jaune d'argent, nitrate ou chlorure d'argent, qui est très librement posé et qui, par endroit, c'est reproduit sur d'autres pièces par fusion lors des cuissons. Il anime les nimbes, les cheveux, les architectures."


Le verre.

"Autre spécificité de cet atelier, c'est aussi le verre et sa découpe. Le verre utilisé est un verre soufflé en plateau.
Nous avons pu relever, grâce aux ondes concentriques que laisse ce genre de fabrication, que les plateaux de verre utilisés faisaient près de 90 centimètres de diamètre, soit environ les 36 pouces des mesures d'époque. Le verre est d'une surface non plane dont l'épaisseur varie de 3 à 6 millimètres et, sur certaines pièces, on trouve les bords arrondis, dits bourrelets, spécifiques à ce genre de fabrication.
De nombreuses bulles, petites ou grosses comme une cerise, s'étalent en cercles plus ou moins concentriques suivant les couleurs et les morceaux de verre.
Dans certains cas, les cratères, dû à l'âge du verre et à l'acidité de l'air et des lichens et mousses, laissaient sur le verre rouge apparaître le verre incolore. 

Les pièces de verre découpées sont assez grandes dans l'ensemble. Une pièce bleue du manteau de la Vierge s'étale sur 34 centimètres. Cela peut être une indication intéressante sur les dimensions des fours de l'époque.

La coupe de ces pièces de verres montre une dextérité hors du commun à une époque où le verre était coupé au fer rouge. Cela est visible dans les morceaux supérieurs de l'architecture des dais. Par contre, nous n'avons relevé qu'un chef d'oeuvre, qui est, après l'ouverture d'une fenêtre dans le verre, la pose d'un autre morceau de verre. On le voit dans le mur de la crèche. Cet atelier n'a pas non plus profité de la technique de la gravure à l'archet des pièces rouges, technique très utilisée au XVlème siècle."


Les marques de repères
 

"Nous avons signalé l'absence de gravures à l'archet ; par contre, il existe une autre sorte de gravures que l'on trouve sur la face extérieure du vitrail et qui sert de repérages lors des diverses manutentions des pièces en vue de la mise en plomb.
Ces gravures, très petites, d'approche visuelle difficile, sont faites dans le coin des pièces, généralement dans le bas. Par rapport à certaines autres découvertes sur d'autres verrières, où ces marques de repères étaient d?une explication aisée à donner, ici nous nous trouvons devant quelque chose de plus complexe. Un seul panneau présente la même gravure et cela sur vingt pièces. Sur les autres panneaux, cela va de deux sortes de gravures à quatre, sans que l'on ne comprenne pourquoi, car il ne peut y avoir inversion de pièces. Ces marques de repères sont des F A. delta. , un triangle fermé, Z, o( . delta, z, et un graphisme représentant une paire de lorgnon. L'une d'entre elles nous a permis,  de remettre à sa place d'origine, une pièce d'architecture d'un dais qui s'était égarée dans un socle ou avait servi de bouche trou."

 

A la recherche d'un atelier.


"Espérons qu'un jour cette Vie de la Vierge révélera le nom de son auteur et sa date d'exécution, ou restera-t-il à jamais le verrier de Brennilis! Etait-il Cornouaillais ou extérieur à ce diocèse' Dans ce cas qui l'a fait venir.  Dans tous les cas, cette verrière n'est pas l'oeuvre de n'importe qui, et celui ci n'est pas à sa première oeuvre. Nous pouvons nous poser la question de savoir où sont passées ses autres oeuvres ? Ont-elles fait partie des quelques cinq cents ou milliers de verrières de Cornouaille disparues Ce verrier ne travaillait pas seul, il était aidé par des compagnons. Et nous pensons qu'il avait un commanditaire très au fait du programme car cette oeuvre révèle des tas de petits détails invisibles à plus de vingt à trente centimètres. Je pense ici à certaines terminaisons de lettres gothiques du Phylactère de l'Annonciation qui n'apportent rien en plus à la compréhension du sujet. C'est la première fois que nous nous posons la question de savoir si les maîtres verriers de l'époque, et particulièrement celui-ci, devaient travailler sous la surveillance du commanditaire ou donateur qui venait vérifier le travail en atelier, comme c'est le cas pour les orfèvres Cette recherche du détail, qui ne peut être aperçu du commun des paroissiens, était-elle faite par amour de l?art ou pour plaire au commanditaire?"

 

 

Le retable du maître-autel est composé de panneaux anciens, ayant conservé leur peinture primitive. 1. — Annonciation : La Sainte-Vierge, agenouillée sur un prie-Dieu, est toute troublée de la salutation de l'ange et se détourne pour lever vers celui-ci des yeux presque effrayés. L'ange Gabriel apparaît dans une nuée traitée à la façon du Moyen-Age ; d'une main il tient un sceptre et de l'autre une banderole très déliée qui fait plusieurs enroulements et sur laquelle on lit : Ave Maria Dominus tecum. Dans un angle du haut, on voit le Saint-Esprit. 2. — Visitation : La Sainte-Vierge, la tête découverte et sans voile, entre chez sa cousine Elisabeth qui s'agenouille devant elle. Derrière celle-ci s'avance Zacharie, dont la tête est coiffée d'un capuchon pointu. 3. — Nativité : L'Enfant-Jésus est étendu dans la mangeoire, sur un peu de paille. La Sainte-Vierge et saint Joseph sont agenouillés devant lui ; entre eux se trouve un petit ange en adoration. A l'arrière-plan, on voit le boeuf et l'âne. Comme théâtre de cette scène, ce n'est pas la grotte qui est figurée, mais les ruines de l'ancien palais de David. 4 — L'Ange apparaît aux bergers : L'ange est debout au milieu d'un nuage ; il tient une banderole portant ces mots : Gloria in excelsis Deo. Autour de lui, pour indiquer la troupe angélique, on a placé des têtes de chérubins. Deux bergers dorment sur la montagne, un troisième se réveille. 5.  — Adoration des Mages. La Sainte-Vierge, assise, tient l'Enfant sur ses genoux, pour le présenter aux adorations des princes de l'Orient. Saint Joseph, tête découverte, est debout derrière elle. Le premier Mage, ayant déposé sa couronne, est agenouillé devant l'Enfant-Jésus. Il est accompagné d'un page ou jeune serviteur. Les deux autres rois, couronne en tête, sont debout et tiennent en main les présents qu'ils vont offrir à leur tour. 6. — Circoncision : Un vieillard, peut-être de la tribu sacerdotale, tient l'Enfant-Jésus au-dessus d'une table. La Sainte-Vierge est agenouillée, saint Joseph est debout ; deux personnages, semblant être des lévites, se tiennent là comme assesseurs. 7. — Assomption : C'est le panneau qui sert de porte au tabernacle. La Sainte-Vierge, debout sur un nuage, est entourée de quatre anges vêtus de longues robes, qui la touchent à peine, pour la faire monter au ciel. Les deux anges du haut déposent une couronne sur sa tête. Outre ces anges, on voit encore six ou sept têtes de chérubins. Ces bas-reliefs sont séparés par six statuettes couronnées de dais à découpures flamboyantes. On peut reconnaître saint Roch, saint Jean l'Evangéliste, saint Jacques le Majeur et saint Paul, apôtre ; les deux derniers saints sont plus difficiles à déterminer.  

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SOURCES ET LIENS.

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Sur l'église de Brennilis :


 

— Site Infobretagne contenant les texte des chanoines Peyron et Abgrall :

http://www.infobretagne.com/brennilis.htm

— Inventaire descriptif de l'église de Brennilis fait pendant l'été 1983. Tapuscrit conservé à la bibliothèque du diocèse de Quimper.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/71e51d7ff370034408d2b2e0ebdb6061.pdf

— ABGRALL, (Jean-Marie) 1904 Notice sur Brennilis, Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie BDHA 1904 page 95-101 :

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/af488ed0b5ac10edd2fb9441496254a9.pdf

ABGRALL (Jean-Marie), 1904, Architecture bretonne, Ar. de kerangal, Quimper pages 283-284.

https://archive.org/stream/architecturebre00abgrgoog#page/n317/mode/2up/search/brennilis

AncreAncre  

— COMBOT (recteur de Brennilis), 1856, Note sur l'église de Brennilis,  cité dans BDHA 1904.

— COUFFON , Le Bars, Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 1988 

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/8f6bfc6f028b1a3a6cf67e7cd7c3578f.pdf

— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum vol. VII, Presses Universitaires de Rennes page 118.

— LE BIHAN (Jean-Pierre), Brennilis, église Notre-Dame

 http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-6197893.html

PEYRON, 1910, Eglises et chapelles, Bulletin Société archéologique du Finistère t. XXXVII pp. 293-294.

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Published by jean-yves cordier - dans Chapelles bretonnes. Brennilis.
22 septembre 2016 4 22 /09 /septembre /2016 16:07

PRÉSENTATION.

L'église Notre-Dame est une ancienne chapelle tréviale de Loqueffret devenue église paroissiale en 1849. Une inscription en lettres gothiques à droite du maître-autel en indique la date de fondation en 1485 : " Y[ves] toux  procureur lan mil CCCC IIII XX  + cinq  : au cõmenceme[n]t   de . ceste . chappele". 

 

La verrière d'axe ou baie 0, datée vers 1500,conserve les armoiries de Louise de Berrien et de son époux Olivier de Quélen baron du Vieux-Chastel, décédé en 1521. Elle est consacrée à la Vie de la Vierge.

 

Situation de la verrière.

La baie n°2 se situe à droite du chœur, sur le mur oriental du bras sud du transept. Elle éclaire un autel en bois aux 12 sybilles  et est encadrée par les statues de saint Hervé et  de saint Sébastien.

 

 

Vue orientale du bras sud du transept, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.
Vue orientale du bras sud du transept, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Vue orientale du bras sud du transept, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Le vitrail.

La baie 2 , de forme ogivale, mesure 2,50 m de haut et  1,80 m de large et est datée selon le Corpus Vitrearum vers 1490-1495 ; sous un tympan à 3 ajours, ses 3 lancettes (2 en plein cintre, 1 ogivale) montrent trois niches à hauts dais architecturaux abritant saint Michel, le Christ et saint Jacques.  Elle a été restaurée d'abord en 1965 par Jean-Jacques Gruber, qui a créé une vitrerie ornementale, puis en 2000 pour compléter les personnages. Selon le Corpus Vitrearum publié en 2005, "en 1996, la verrière principale a été restaurée et complétée par Jean-Pierre et Antoine Le Bihan, et la campagne se poursuit actuellement sur les baies 1 et 2 " Maître d'oeuvre : Philippe BONNET- LGMH  2000.

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Les fonds des lancettes sont alternativement rouge, bleu et rouge autour des dais et bleu, rouge, bleu à l'intérieur des niches.

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Baie n°2,  église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.
Baie n°2,  église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.
Baie n°2,  église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Baie n°2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Les lancette A et B. Saint Michel et le Christ Sauveur.

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Lancettes A et B de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Lancettes A et B de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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a) Saint Michel.

Les cheveux et le nimbe de l'archange sont peints en grisaille sans rehaut de jaune d'argent . La croix est taillée dans un jaune teint dans la masse, plutôt que dans un verre blanc passé au jaune d'argent.

Le même carton à grandeur a été employé à l'église Saint-Fiacre de Guengat, baie 2, pour un vitrail réalisé à la même épque (ca 1500) par un atelier quimpérois actif dans toute la Cornouaille (Ergué-Gabéric, Plogonnec, Penmarc'h, etc..) .

http://www.lavieb-aile.com/article-l-eglise-de-guengat-29-i-les-vitraux-122885533.html

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Comparaison des saint Michel de Brennilis et de Guengat. Photographie lavieb-aile.
Comparaison des saint Michel de Brennilis et de Guengat. Photographie lavieb-aile.

Comparaison des saint Michel de Brennilis et de Guengat. Photographie lavieb-aile.

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b) le Christ en Saint-Sauveur.

La couleur de la tunique (lie-de-vin) et le geste de bénédiction infirme l'hypothèse du chanoine Abgrall qui y voyait un Christ de Résurrection .

Le visage a reçu un rehaut de sanguine. La chevelure et la barbe sont dessinées par enlevé de grisaille au petit bois.

L'inscription AVE MARIA se lit sur l'encolure.

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Le Christ en Saint-Sauveur, lancette B de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Le Christ en Saint-Sauveur, lancette B de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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La lancette C : saint Jacques le Majeur.

Le Corpus Vitrearum laisse le choix : saint Jacques ou saint Roch avec les insignes de pèlerin. Fragment du visage restauré. 

Je ne vois pas d'argument pour y voir saint Roch.

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Lancette B et C de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Lancette B et C de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Saint Jacques tient le bourdon muni de sa calebasse. Il est coiffé du chapeau à bords rabattus sur lequel est peint la coquille et les bourdonnets croisés. La besace se devine en bandoulière. Quelle est la part des restaurateurs ?

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Saint Jacques le Majeur, Lancette  C de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint Jacques le Majeur, Lancette C de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Dais architecturé de la lancette C. 

Les niches sont couronnées de dais flamboyants élancés apparentés à ceux de la baie 0 avec leurs grandes pièces aux découpes savantes, et leur peinture subtile rendant compte des ombres portées. Les crochets des gables et les moulures sont rehaussés de jaune d'argent. Dans la voûte à culot se lisent les mots MISERE MI DEUS  aux lettres perlées. C'est l'incipit du psaume 50, Pitié pour moi, mon Dieu.

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Dais de la lancette C  de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Dais de la lancette C de la baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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LE TYMPAN.

Le soufflet  ou ajour supérieur porte les armoiries de Quélen Vieux-Chastel burelé d'argent et de gueules de dix pièces entre des rameaux de chêne et de ..., et sous deux fleurs rouges. Le corpus vitrearum indique : "panneau réinséré, plus tardif que les précédents".

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Tympan, baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Tympan, baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Mouchette gauche : ange portant la croix.

Ecus aux armes de Berrien D'argent à 3 jumelles de gueules, au franc canton d'or au lion de sable .

 

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Mouchette gauche, tympan, baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Mouchette gauche, tympan, baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Mouchette de droite. Ange portant la colonne de Flagellation.

Ecus aux armes d'argent fretté d'azur de Guicaznou (ou de Goazmoal )

Meriadec de Guicaznou était grand panetier du duc Jean Le Sage en 1421.

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Mouchette droite,  tympan, baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

Mouchette droite, tympan, baie 2, église Notre-Dame de Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Une étude des visages des baies 1 et 2.

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Visages, baie 1 et 2  saint Jacques et Christophe, le Christ, saint Michel, deux anges.
Visages, baie 1 et 2  saint Jacques et Christophe, le Christ, saint Michel, deux anges.
Visages, baie 1 et 2  saint Jacques et Christophe, le Christ, saint Michel, deux anges.
Visages, baie 1 et 2  saint Jacques et Christophe, le Christ, saint Michel, deux anges.
Visages, baie 1 et 2  saint Jacques et Christophe, le Christ, saint Michel, deux anges.
Visages, baie 1 et 2  saint Jacques et Christophe, le Christ, saint Michel, deux anges.

Visages, baie 1 et 2 saint Jacques et Christophe, le Christ, saint Michel, deux anges.

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SOURCES ET LIENS.

Blog du maître-verrier Jean-Pierre Le Bihan. mars 2007

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-6197893.html

— Site Infobretagne contenant les texte des chanoines Peyron et Abgrall :

http://www.infobretagne.com/brennilis.htm

— Inventaire descriptif de l'église de Brennilis fait pendant l'été 1983. Tapuscrit conservé à la bibliothèque du diocèse de Quimper.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/71e51d7ff370034408d2b2e0ebdb6061.pdf

— ABGRALL, Notices, Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie BDHA 1904 page 95-101 et 318-319. :

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/af488ed0b5ac10edd2fb9441496254a9.pdf

 

— COMBOT (recteur de Brennilis) Note sur l'église de Brennilis, 1856, cité dans BDHA

— COUFFON , Le Bars, Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 1988 

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/8f6bfc6f028b1a3a6cf67e7cd7c3578f.pdf

— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum vol. VII, Presses Universitaires de Rennes page 118.

— PÉRÉNNES (Henri), 1939, Pleyben le Clergé, BDHA 

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1939.pdf

PEYRON, 1910, Eglises et chapelles, Bulletin Société archéologique du Finistère t. XXXVII pp. 293-294.

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Published by jean-yves cordier - dans Chapelles bretonnes. Brennilis.
20 septembre 2016 2 20 /09 /septembre /2016 13:41

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Rappel.

L'église Notre-Dame est une ancienne chapelle tréviale de Loqueffret devenue église paroissiale en 1849. Une inscription en lettres gothiques à droite du maître-autel en indique la date de fondation de 1485 : " Y[ves] toux :  procureur lan mil CCCC IIII XX  + cinq  : au cõmenceme[n]t   de  ceste  chappele". Le terme de "procureur" indique la fonction d'Yves Toux comme fabricien, chargé de gérer le temporel d'une paroisse, c’est-à-dire ses biens et ses revenus, et de décider et surveiller les travaux de construction.  Dans les petites paroisses rurales, la fabrique est constitué d’une seule personne  nommé "procureur fabricien".

La verrière d'axe ou baie 0, datée vers 1500,conserve les armoiries de Louise de Berrien et de son époux Olivier de Quélen baron du Vieux-Chastel, décédé en 1521. On y trouve aussi les armoiries des parents et grands parents de Louise de Berrien, seigneurs de Brennilis : Henri de Berrien (marié à Louise du Juch) et Yvon de Berrien  (père d'Henri, marié en 1443 à Jeanne de Lezongar). 

La baie n°1, placée à gauche du chevet plat, était autrefois cîmée des mêmes armes de Berrien plein.

Située à gauche du chœur, sur le mur oriental du bras nord du transept, elle éclaire un autel et est encadrée par une statue de saint Divy, et par le groupe de saint Yves entre le riche et le pauvre.

Le vitrail.

La baie  mesure 2,50 m de haut et 0,90 m de large et est datée par Françoise Gatouillat et Michel Hérold (Corpus Vitrearum) de 1500-1510 ; ses 2 lancettes en plein cintre comportent chacune deux registres, consacrés à sainte Anne et saint Christophe à gauche, à un motif perdu et à saint Fiacre à droite. Dans le tympan, un soufflet (blason de Bretagne) est entouré de deux mouchettes (Saint Michel et sainte Marguerite). Elle a été restaurée par Gruber en 1967.

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Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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LA LANCETTE DE GAUCHE. PANNEAU SUPÉRIEUR. SAINTE ANNE PORTANT LA VIERGE EN SON SEIN.

 

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Le galon de la tenture suspendue en fond de niche porte l'inscription SAINCTE COMCEPTIO.

Sainte Anne se détache sur un fond rouge ; sa tête qui porte la guimpe, est voilée. Elle porte un manteau bleu qui s'ouvre sur une robe dorée damassée.

La pièce de verre jaune a été découpée en son centre pour y sertir une pièce de verre blanc, selon le procédé dit "en chef d'œuvre" pour en exprimer la difficulté. C'est sur ce verre blanc qu'est peint à la grisaille le buste d'une fillette nue, aux longs cheveux (jaune d'argent) : la Vierge Marie in utero. Des traits lumineux radiants entourent cette sainte présence. La fillette peut vouloir figurer l'enfant sous une forme embryonnaire stylisée, mais elle représente sans-doute, plus spirituellement, son âme incarnée. 

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Panneau supérieur de la lancette A, Sainte Anne enceinte. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Panneau supérieur de la lancette A, Sainte Anne enceinte. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Iconographie :

De semblables représentations se trouvent :

  • Dans les  Heures à l'usage de Rouen de 1508 par Simon Vostre, et les Heures à l'usage du Diocèse d'Angers de 1510 par Simon Vostre. Dans ce dernier ouvrage, "Sainte Anne est figurée debout, entourée des emblèmes des Litanies. Elle écarte son manteau, et l'on aperçoit, dans son sein ouvert et rayonnant comme une auréole, la Vierge tenant l'Enfant. La gravure est la même dans les deux éditions de 1510 et 1530, avec cette seule différence que l'inscription : Necdum erant abyssi et jam concepta eram, qui se trouve sous les pieds de Sainte Anne dans la première, a été supprimée dans la seconde (G.H.  Luquet, "Représentation par transparence de la grossesse dans l'art chrétien",  Revue archéologique T. 19 1924 pp. 137-149.

     

  • à Douai : Sainte Anne concevant la Vierge (1515-1520), Bellegambe Jean (vers 1470-vers 1534) Musée de la Chartreuse. Selon le commentaire du Musée :  "Les premières figurations de la Vierge préservée du péché dès la conception, apparaissent au début du 15e siècle après que l’église eût approuvé en 1496 la doctrine de l’Immaculée Conception. En 1510, une gravure des Heures à l’usage du diocèse d’Angers, par Simon Vostre, en offre le premier exemple connu. Au second plan apparaîssent, sous des arcades, le pape Sixte IV ainsi que les cardinaux et évêques qui témoignent de la virginité d’Anne. Dans le paysage, on retrouve les scènes de la vie d’Anne et de Joachim:l’Offrande d’Anne aux pauvres et la Rencontre à la Porte dorée"

     

http://collection.musenor.com/images/douai/gD02042.jpg

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  • à Châteaudun, Vitrail, église Saint Valérien – Châteaudun. 1ère moitié XVIe. Scène voisine : le baiser de la Porte  Dorée. http://ndoduc.free.fr/vitraux/htm2/eg_StValerien.htm
  • à Rouen,  Ste Anne enceinte de la Vierge, bois polychrome, musée des Beaux- Arts, https://fr.pinterest.com/pin/434315957791353619/
  • à l'église st Martin de Maast-et-Violaine , vitrail  http://www.cc-oulchylechateau.fr/zoom.asp?ID=444448
  •  à l'église paroissiale Saint-Pierre et Saint-Paul à Marsac (Limousin) statuette du tabernacle du maître-autel 18e siècle (volée) http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palsri_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PM23000708
  • ​. dans les Heures à l'usage de Tours/Vie de sainte Marguerite vers 1490 Paris - Bibl. Mazarine - ms. 0507 folio 186, au début de la prière Ave cujus conceptio. Enluminure par l'atelier de Jean Bourdichon, l'auteur des Grandes heures d'Anne de Bretagne.

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  • Dans les Heures à l'usage de Rome Tours, BM, Ms.2104 folio 121v. Enluminure attribuée à Jean Hey, l'auteur du Triptyque de Moulins. Origine : bourbonnais. Accompagne comme la précédente  l'oraison Ave cujus conceptio.

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A Francfort : Polyptyque Historische Museum http://ste.anne.trinitaire.online.fr/table-des-illustrations.php

 

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statue (statuette) : sainte Anne (?) enceinte, dite Vierge enceinte (tabernacle du maître-autel) localisation Limousin ; Creuse ; Marsac édifice 

Panneau supérieur de la lancette A, Sainte Anne enceinte. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Panneau supérieur de la lancette A, Sainte Anne enceinte. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Le  visage de la mère de la Vierge est beau et jeune, alors que les représentations habituelles mettent souvent en évidence les marques de son âge et son statut de grand-mère.  L'ensemble du visage et des vêtements pourraient être empruntés à des figures de la Vierge,  comme on peut en trouver des exemples dans les Grandes heures d'Anne de Bretagne.

Ce vitrail du début de 1500-1510 (ou avant 1498, pour tenir compte de l'inscription de Rloand de Berrien, recteur de Pleyben de 1492 à 1498) témoigne d'une double influence : le culte de sainte Anne, et celui de l'Immaculée Conception.

Le culte de sainte Anne.

Le récit de la conception miraculeuse de la Vierge par un couple âgé et stérile, Anne et Joachim, se trouve dans le Protévangile de Jacques et est repris dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine et dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais (XIIIe siècle). 

A la fin du XVe siècle, il est alors en pleine vogue et à la fois très récent, puisqu'il est peu connu avant cette période. La première paroisse bretonne sous l'invocation de sainte Anne date du XVIe siècle, la chapelle de Sainte-Anne-la-Palud de 1518, et l'apparition de la sainte à Auray de...1623. Le prénom Anne est donné dès 1470 en Europe, comme en atteste Anne Sforza (née en 1476), fille du duc de Milan, Anne de Beaujeu (née en 1461), fille de Louis XI, Anne d'Orléans (1464-), abbesse de Fontevrault, Anne de Foix (1484-), Anne de Graville (1490-), Anne de Rohan (1485), et bien-sûr Anne de Bretagne, (1477-). 

Son introduction dans la liturgie est tout aussi récent : si Urbain V, dès 1370, fait rajouter dans son Missel une messe en son honneur avec une miniature de la sainte et si Urbain VI l'étend à toute l'Église, en 1382, c'est en 1481, que le pape franciscain immaculiste Sixte IV fait ajouter la fête solennelle de sainte Anne au calendrier de l'Église romaine, le 26 juillet. En 1494 paraît le traité De laudibus sanctissimae matris Annae de Johannes Trithemius, abbé de Sponheim qui joue un grand rôle dans la propagation de son culte et soutient la thèse de la pureté (virginité) de sainte Anne. 

Dans les arts, c'est au XVIe siècle que se multiplient en Bretagne, et notamment dans le diocèse de Quimper, les groupes d'Anne trinitaire que j'ai étudiés ici :

​C'est de 1501 que date la première esquisse de La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne de Léonard de Vinci, peint à Amboise, peut-être à la demande de François Ier.

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Le culte de l'Immaculée Conception.

Voir une synthèse claire ici : http://www.mariedenazareth.com/qui-est-marie/la-maturation-du-dogme-de-limmaculee-conception#_ftn1

Ce culte est  en pleine discussion à la fin du XVe siècle entre ses partisans "immaculistes" et ses adversaires "maculistes", et divise alors les ordres mendiants. Les immaculistes sont les franciscains et les carmes, alors que les maculistes sont des dominicains. 

Cette polémique est étroitement liée au culte de sainte Anne : Anne et Joachim ont-ils eu une relation charnelle afin que la Vierge soit conçue ? Dans ce cas, selon la conception augustinienne liant l'acte sexuel (ou concupiscence) et la transmission de la Faute d'Adam et Éve, la Vierge n'a pas échappé au Péché Originel, sa conception n'est pas immaculée. Pour saint Bernard, par exemple, ce n'est pas la conception, mais la naissance de la Vierge qui est sainte (Nativité le 8 septembre), l'âme de la Vierge a été sanctifiée et purifiée du péché après la conception, et il n'est pas légitime d'instituer (comme c'est le cas depuis le XIIe s en Normandie puis en Bourgogne) une Fête de la Conception de Marie (le 8 décembre)".  On distinguera ensuite la conceptio seminum

qui entraina la souillure du péché, suivie de la conceptio naturarum ou infusion de l'âme, de la conceptio spiritualis, qui efface cette souillure...

Au contraire, la conception de la Vierge a-t-elle eu lieu par intervention divine lors de la rencontre de la Porte Dorée, eventuellement lors du baiser échangé par les époux (conception par les lèvres, de même que le Christ aurait été conçue "par l'oreille" de Marie —par les paroles de l'ange reçue par son oreille—)  ? Dès lors, en l'absence de relation charnelle, la Vierge peut avoir échappé à la transmission du Péché Originel : c'est la thèse immaculiste. 

 

La duchesse de Bourbon Anne de Beaujeu dite Anne de France, la sœur de Charles VIII, etait acquise à la thèse immaculiste, et deux œuvres en témoignent : le Triptyque du Maître de Moulins (1492-1493), et le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Moulins (après 1474). 

Voir :

http://www.lavieb-aile.com/article-le-vitrail-de-l-arbre-de-jesse-de-la-cathedrale-de-moulins-124389475.html

Aussi toute représentation de la Rencontre de la Porte Dorée, ou des Arbres de Jessé insistant sur la virginité de Marie, sont à considérer comme des prises de parti immaculistes dans ce débat.

Voir l'Annexe infra.

 

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La fête de la Conceptio beate mariae le 8 décembre figure aux calendriers :  des Heures d'Isabelle Stuart, duchesse de Bretagne (1442-1450) et épouse du duc François Ier Bnf NAL 588 folio 12r , des Heures de la même duchesse Isabeau d'Ecosse Horae usum romanum Bnf latin 1369 folio 13, des  Grandes heures d'Anne de Bretagne (folio 15r), des Heures de Charles VIII ou sur le Missel de Léon de 1526, dans la brève recherche que j'ai effectuée: cette fête est donc  honorée à la cour du duc de Bretagne et à celle du roi de France comme sans-doute dans les diocèses bretons. Le terme utilisé est Conceptio, et non Sanctificatio.

 

 

 

 

 

 

Panneau supérieur de la lancette A, Sainte Anne enceinte. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Panneau supérieur de la lancette A, Sainte Anne enceinte. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Dans ces conditions, la représentation du caractère sacré de Marie dans le ventre de sa mère est bien-entendu une Défense et Illustration de sa conception immaculée. Or, dans ce vitrail, le choix d'un verre jaune (couleur de la Divinité), le dessin des rayons lumineux, et l'isolement de la piece de verre par le procédé du chef-d'œuvre témoignent de cette nature sainte de Marie déjà in utero. Ce que soulignent les deux inscriptions : "Saincte conceptio[n]" (et non "sainte naissance"). Et Castae Connubiae, "Chaste mariage", chaste, sans relation sexuelle.

Notre-Dame de Breac-Ellis, la Vierge à la Démone ou Vierge de l'Apocalypse du retable de l'église de Brennilis participe elle aussi à la même prise de parti prosélytiste pour l'Immaculée Conception.

Panneau supérieur de la lancette A, Sainte Anne enceinte. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Panneau supérieur de la lancette A, Sainte Anne enceinte. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Chaque lancette  est composée de deux niches dont la plus haute est couronnée d'une coquille dont la voûte porte des crosses en feuilles d'acanthe repliées et rehaussées au jaune d'argent. Ce dôme est est surmontée d'une tourelle. Les fenêtres de celle-ci ont un remplage gothique.

Niche architecturée, la lancette A, . Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Niche architecturée, la lancette A, . Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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LA LANCETTE DE DROITE OU LANCETTE B. SAINT FIACRE.

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1. Panneau supérieur. Saint Joachim, ou Baiser de la Porte Dorée (perdu).

La niche  a perdu son contenu, remplacé par une tenture damassée moderne (vers 1900 ?). La coquille de la niche à godrons verts domine un galon de tenture portant les mots CASTAE CONNUBIAE, qui peut se traduire par "Chaste mariage". Il est donc probable que la scène qui était représentée était celle du Baiser de la Porte Dorée, et non, comme le suggèrent Gatouillat et Hérold (2005), un portrait de Joachim. On sait que ce baiser ou cette étreinte échangée entre sainte Anne et son mari Joachim, séparés mais avertis chacun par un ange de devoir se rendre devant la Porte de Jérusalem, passent pour être responsables à l'instant même de la conception de Marie. Cette conception doublement miraculeuse (d'une part en raison de la stérilité et du grand âge du couple ; d'autre part en raison de ce mode opératoire) renforce l'idée, qui deviendra un dogme, de la conception immaculée de Marie, d'est-à-dire exempte du Péché Originel.

 

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Panneau supérieur de la lancette B. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Panneau supérieur de la lancette B. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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2. Panneau inférieur. 

Dans celui-ci, Saint Fiacre est représenté en grisaille sur un fond damassé doré. Il tient ses attributs habituels, un livre et "une bêche" (Gatouillat 2005). Celle-ci ressemble  à la canne en T de saint Antoine, ou plutôt à une serpe de vigneron, à un émondoir ou à une binette, tenue par le fer. 

Le visage du saint semble de la même main que le visage de saint Christophe, son vis-à-vis de gauche.

Voir, pour l'inscription, la première partie de cet article consacré à saint Christophe.

Sur le culte et la Vie de saint Fiacre, voir 

http://www.lavieb-aile.com/2016/01/le-vitrail-de-la-vie-de-saint-fiacre-chapelle-saint-fiacre-le-faouet.html

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Saint Fiacre, panneau inférieur de la lancette B. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint Fiacre, panneau inférieur de la lancette B. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Saint Fiacre, panneau inférieur de la lancette B. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint Fiacre, panneau inférieur de la lancette B. Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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LE TYMPAN.

Le soufflet sommital contient un écu de Bretagne réalisé par Gruber en remplacement des armes de Berrien signalées par Abgrall en 1904. La mouchette gauche contient un saint guerrier, par Gruber en 1967. Plus intéressante est la sainte Marguerite, vers 1500, la tête seule ayant été restaurée en 1967.

 

Tympan . Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Tympan . Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Sainte Marguerite.

Elle se reconnait facilement par son attribut, le crucifix qui lui a permis de sortir du ventre du dragon ailé, écailleux, aux pattes palmées et au bec crochu.

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Sainte Marguerite yssant du dragon, mouchette de droite, tympan . Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Sainte Marguerite yssant du dragon, mouchette de droite, tympan . Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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ANNEXE.

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Voici des extraits d'un article de M-B. Dary sur un manuscrit liturgique lyonnais du XIIe siècle pour l'office de la fête de la Conception de la Vierge le 8 décembre. Je le mentionne car on va y trouver tous les thèmes de l'iconographie mariale, et, notamment, ceux de la Vierge foulant le serpent, de  l'arbre de Jessé, et de bien d'autres :

Marie-Bénédicte Dary étudie dans ce texte le Libellus de Lyon, preuve de l'adoption par le diocèse de Lyon de la Fête liturgique du 8 décembre et qui   jusqu’à preuve du contraire, peut être considéré comme celui que chantaient les chanoines fustigés par saint Bernard dans son Epistola CLXXIV : ad canonicos Lugdunenses de conceptiones.Mariae.

Elle y expose les Matines, les Laudes et l'office Gaude mater ecclesie :

 Les Matines : a théologie éxégétique mariale qu'elles contiennent est présentée en trois points :

 

 

 1°) Tout d’abord, la conception de Marie s’inscrit dans l’histoire du salut, présentée essentiellement dans le premier nocturne de façon chronologique ; cette génération est même l’accomplissement de la promesse de Dieu au peuple juif.

Marie est ainsi la nouvelle Ève, dont la conception efface la faute de la première femme Ant. 1 : eius conceptio que delet Eue maculam.

Et si Ève obéit au serpent, la Vierge, en revanche, lui a foulé la tête Ant. 2 (Gn 3, 15) : cui Eua obediuit / hec serpentis caput triuit.

 Marie fut annoncée par les prophètes  (Ant. 3 : a prophetis precinitur) à travers les images du buisson ardent qui effraya Moïse (Ant. 4 (Ex 3, 2) : rubus incorruptus / Moysen qui terruit, celle du rameau d’Aaron qui porta du fruit  (Ant. 5 (Nb 17, 23) : uirga Aaron fructifera) ; et par le biais du prophète Isaïe, c’est sa conception elle-même qui fut révélée (Ant. 6 (Is 11, 1) : Isayas ille diuus / secretorum dei riuus / uirge mouens mentionem / pandit hanc conceptionem.)

Marie est elle-même issue de la lignée des prophètes et des rois, digne rejeton d’une race royale et pontificale ( V./ 1 : germine regali et pontificali) :  R./ 10 : « De la semence des patriarches, de la race des prophètes, elle fait reverdir la magnifique lignée des rois et des pontifes » (patriarcharum semine / prophetarum origine / regum atque pontificum / genus uernat magnificum). Le terme de vernat possède le sens de « reverdir », de « redevenir vert comme au printemps ». Une plante à ce moment-là est identique à celle qu’elle était durant l’hiver, mais elle recouvre brusquement toute sa vigueur et sa jeunesse. De même la Vierge, par toutes ses perfections, rajeunit l’arbre généalogique dont elle est issue et lui redonne vie.

Elle sortit de la lignée d’Abraham (R./ 2 : Abraham stirpe.), elle, le rameau issu de la racine de Jessé (R./ 4 (Is 11, 1) : uirga Iesse de radice).

Marie est présentée comme le fruit de la promesse 60, de celle faite à Abraham ( Ant. 8 : « Cette promesse est accomplie » (Hoc promissum est impletum). 61. Ibid., Ant. 7 : Abrahe fit promissio.), promesse de fécondité qui s’épanouit en Marie, vigne (Ant. 9 et 10 : ista uitis est Maria) et fruit de la vigne, grappe de raisin (Ant. 11 : hec est bothrum. Peut-être est-il possible de voir, dans l’antienne 12 qui honore Nazareth, des noms de « parfaite cité » et de « ville fécondée », l’image de la fleur. En effet, d’après saint Jérôme, « Nazareth » veut dire « fleur ». Il y aurait ainsi successivement les images de la vigne, du fruit et de la fleur.)  .

2°) Ensuite, la conception de Marie est placée au cœur du mystère de l’Incarnation puisqu’elle doit être la Mère du Christ (R./ 10 : Christique mater efficitur.) et de Dieu ( R./ 12 : « et Dieu décréta qu’il serait ton fils » (decreuitque Deus filius esse tuus). Le répons 8 évoque « le ventre gonflé de Marie [qui] porte la lignée de Dieu » (nam Marie pregnans aluus / dei prolem baiulat).) , grâce à l’action du Saint-Esprit (V./ 8 : « l’Esprit Saint la couvrit de son ombre et la rendit mère » (Lc 1, 35 : Sanctus obumbravitque huic / Spiritus et gravidavit)).

3°)  Enfin, Marie est également placée par sa maternité divine au cœur du mystère de la Rédemption. Par elle, c’est le salut qui vient au monde. Il est certes apporté par le Christ, mais entré dans le monde grâce à la soumission de Marie, à la parfaite pureté de son esprit  et de son corps dont la virginité a été préservée avant comme après l’enfantement.(prose : « S’étant fait chair par toi, il viendrait en aide au monde de ceux qui étaient en perdition » (per quam mundo factus caro / subueniret perditorum).) R./ 5 : « la voix [prophétique] a dit que le Sauveur monterait et qu’il visiterait les ténèbres de l’Égypte » (Is 19, 20) : (vox dixit ascendere / saluatorem Egyptique / tenebras invisere). R./ 7 : « elle qui à travers sa soumission répandit la grâce sur le monde » (que per obedientiam / mundo refudit gratiam). R./ 7 : « ... et le fardeau écrasant des crimes n’accabla pas son esprit » (cuius mentem non grauauit / onus premens scelerum)..  R./ 12 : « ni en entrant, ni en sortant, il ne porta atteinte à la fermeture » (nec ingressu nec egressu / violavit clausulam), allusion au porche oriental du Temple (Ez 44, 1-3). Le verset 6 parle des « verrous de Marie » (claustra Marie). Cette image de la fermeture figure la virginité, celle d’une femme qui ne s’est jamais ouverte à aucun homme.

 

Les laudes sont dans la suite de ce qui précède, découlant de la place exceptionnelle de Marie dans l’histoire de la Rédemption. On y chante la Vierge dans l’économie du salut. Elle délivre, sauve et accorde même le pardon (74. Laudes, Ant. 1 : « [ta conception] nettoie les fautes, dénoue le lien de l’antique origine, redonne la joie aux affligés, accorde aux criminels le pardon » (neuum tergit nexum soluit / uetuste originis / mestis reddit leticiam / dat criminosis ueniam). ) Elle alloue sa protection aux croyants (Ant. 2 : « Que nous soyons toujours protégés par toi afin que nous ne tombions pas dans le péché » (in offensis ne labamur / a te semper protegamur)). Sans que le mot soit employé, et bien qu’il existe à l’époque pour désigner ce rôle de la Vierge, il s’agit de dire que Marie est médiatrice entre les hommes et le Christ.

 

La richesse théologique de l’office Gaude mater ecclesie, au simple regard de sa construction, est tout à fait admirable. Il y est dit et démontré, figures de l’Ancien Testament à l’appui, que Marie dans sa conception est au centre du salut du monde apporté par le Christ. Le début de sa vie utérine est le commencement du Salut. Marie est aussi au centre du salut de l’homme et peut donc intervenir comme partie prenante à la libération de chaque homme. Cet office est également remarquable de pédagogie : on veut amener les fidèles à croire au bien-fondé de la fête de la Conception et à avoir une réelle dévotion mariale en ayant recours à la Vierge, médiatrice de toutes grâces. Pour ce faire, on s’appuie sur les Écritures, seule méthode utilisée alors pour argumenter et seule source de connaissance de Dieu et des mystères de la foi. L’office Gaude mater ecclesie célèbre une génération quasi désincarnée. Aucune référence n’est faite aux géniteurs, seulement au Créateur. Aucun renvoi aux parents, mais aux ancêtres, aux ascendants. En écartant ainsi la génération elle-même, ce n’est plus l’événement historique qui est glorifié, mais le fait spirituel. Ce n’est pas tant le commencement de la vie de Marie qu’on veut honorer que le début du salut du monde . La perspective d’ensemble est donc bien christocentrique, en dépit de formules qui tendraient à faire croire que l’on accorde à Marie un rôle jusqu’alors réservé au Christ, unique sauveur et unique médiateur entre les hommes et le Père. "

 

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SOURCES ET LIENS.

Blog du maître-verrier Jean-Pierre Le Bihan. mars 2007

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-6197893.html

Site Infobretagne contenant les texte des chanoines Peyron et Abgrall :

http://www.infobretagne.com/brennilis.htm

Inventaire descriptif de l'église de Brennilis fait pendant l'été 1983. Tapuscrit conservé à la bibliothèque du diocèse de Quimper.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/71e51d7ff370034408d2b2e0ebdb6061.pdf

ABGRALL, Notices, Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie BDHA 1904 page 95-101 et 318-319. :

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/af488ed0b5ac10edd2fb9441496254a9.pdf

— COLLOMB (Pascal), 2012, « L’inscription liturgique de la Conceptio beate Marie dans le calendrier diocésain - Le cas lyonnais (xiie-xvie siècle) », L’Atelier du Centre de recherches historiques [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 18 avril 2012, consulté le 21 septembre 2016. URL : http://acrh.revues.org/4355 ; DOI : 10.4000/acrh.4355 

COMBOT (recteur de Brennilis) Note sur l'église de Brennilis, 1856, cité dans BDHA

COUFFON , Le Bars, Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 1988 

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/8f6bfc6f028b1a3a6cf67e7cd7c3578f.pdf

DARY ( Marie-Bénédicte), 2011,  Aux origines de la « Fête aux Normands », la liturgie de la fête de la Conception de la Vierge Marie en France (XIIe-XIIIe siècles).

http://www.academia.edu/7141087/Aux_origines_de_la_Fe_te_aux_Normands_la_liturgie_de_la_fe_te_de_la_Conception_de_la_Vierge_Marie_en_France_XIIe-XIIIe_sie_cles_

— DARY ( Marie-Bénédicte), 1997, La fête de la Conception de la Vierge Marie: son introduction en France et ses premiers développements: XIIème-XIIIème siècles.. Thèse de Lettres et Sciences Humaines sous la direction d'André Vauchez.

http://www.academia.edu/3344874/La_f%C3%AAte_de_la_Conception_de_la_Vierge_Marie_son_introduction_en_France_et_ses_premiers_d%C3%A9veloppements_XII%C3%A8me-XIII%C3%A8me_si%C3%A8cles

GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum vol. VII, Presses Universitaires de Rennes page 118.

PÉRÉNNES (Henri), 1939, Pleyben le Clergé, BDHA 

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1939.pdf

PEYRON, 1910, Eglises et chapelles, Bulletin Société archéologique du Finistère t. XXXVII pp. 293-294.

Bulletin Société archéologique du Finistère 1993.

THELAMON (Françoise) 2011, Marie et la "Fête aux Normands": Déovtion, images, poésie. Univ Rouen Havre, 2011 - 352 pages

https://books.google.fr/books?id=hwA9AgAAQBAJ&dq=Epistola+ad+canonicos+Lugdunenses&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— De la liturgie à la dévotion privée. DRAC Aquitaine.

http://manuscrits-drac.bnsa.aquitaine.fr/les-oeuvres-de-l-esprit/les-livres-religieux/de-la-liturgie-a-la-devotion-privee.aspx

 

 

 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Brennilis.
20 septembre 2016 2 20 /09 /septembre /2016 11:29

Iconographie de saint Christophe : la lancette de saint Christophe, baie n°1, (vers 1500-1510) à l'église Notre-Dame de Brennilis.

—–Sur l'église de Brennilis, voir :

 

—–Sur Saint Christophe, voir aussi :

— Saint Christophe en Bretagne :

— En Espagne :

— En France :

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L'église Notre-Dame est une ancienne chapelle tréviale de Loqueffret devenue église paroissiale en 1849. Une inscription en lettres gothiques à droite du maître-autel en indique la date de fondation : " Y[ves] toux  procureur lan mil CCCC IIII XX  + cinq [1485] : au cõmenceme[n]t   de . ceste . chappele". Le terme de "procureur" indique la fonction d'Yves Toux comme fabricien, chargé de gérer le temporel d'une paroisse, c’est-à-dire ses biens et ses revenus, et de décider et surveiller les travaux de construction.  Dans les petites paroisses rurales, la fabrique est constitué d’une seule personne  nommé "procureur fabricien".

 

La verrière d'axe ou baie 0, datée vers 1500,conserve les armoiries de Louise de Berrien et de son époux Olivier de Quélen baron du Vieux-Chastel, décédé en 1521. On y trouve aussi les armoiries des parents et grands parents de Louise de Berrien, seigneurs de Brennilis : Henri de Berrien (marié à Louise du Juch) et Yvon de Berrien  (père d'Henri, marié en 1443 à Jeanne de Lezongar). 

La baie n°1, placée à gauche du chevet plat, était autrefois cîmée des mêmes armes de Berrien plein.

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Inscription de fondation, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.
Inscription de fondation, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Inscription de fondation, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Situation de la verrière.

La baie n°1 se situe à gauche du chœur, sur le mur oriental du bras nord du transept. Elle éclaire un autel et est encadrée par une statue de saint Divy, et par le groupe de saint Yves entre le riche et le pauvre.

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Situation de la Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Situation de la Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Le vitrail.

La baie 1 mesure 2,50 m de haut et 0,90 m de large et est datée par Françoise Gatouillat et Michel Hérold (Corpus Vitrearum) de 1500-1510 ; ses 2 lancettes en plein cintre comportent chacune deux registres, consacrés à sainte Anne et saint Christophe à gauche, à un motif perdu et à saint Fiacre à droite. Dans le tympan, un soufflet (blason de Bretagne) est entouré de deux mouchettes (Saint Michel et sainte Marguerite). Elle a été restaurée par Gruber en 1967. 

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Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Le panneau inférieur de la lancette A : Saint Christophe.

Dans une niche architecturée à fond rouge, le saint traverse un cours d'eau entre deux rives escarpées, par un gué figuré en gris clair. Alors qu'il se déplace de la droite vers la gauche, s'aidant de son bâton de marche, il se retourne pour observer l'enfant qu'il porte sur son épaule gauche. Celui-ci se révèle à lui comme le maître et sauveur du monde, dont il tient le globe crucifère dans la main gauche.

Lancette  de saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Lancette de saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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L'inscription de donation.

Elle se poursuit sur le registre inférieur de la lancette B et doit se lire : RO ...DE BERYEN PECTR  DE PLEYBEN OD FAG ...C VITRARE ISTAS FENESTRZ

soit "Roland de Beryen, recteur de Pleyben fit faire vitrer cette fenêtre".

Lecture de 1849 : No. de Bezyen Prestre de Pleyben O faict vitrare istas fenestras

La mention "Ro ... de Bezien" est extrapolé "Roland de Bezien" car l'existence d'un vicaire perpétuel, c'est-à-dire recteur de Pleyben portant ce nom est attestée pour la période de 1492 à 1498, sous les orthographes  Rolland de Berryen ou Beryen." Il eut des démêlés avec les fabriciens de Pleyben touchant l’attribution des offrandes, dons et legs faits à l’église, qu’il voulait se réserver. Une bulle d'Alexandre VI, conservée aux archives paroissiales, en date du 19 Février 1498, confirme pour 25 ans un accord survenu entre Rolland et ses paroissiens à ce sujet. Ce fut sous le rectorat de Berryen que fut construite, en 1490, la chapelle de Lannélec" (H. Pérénnes, 1939). On notera que le recteur de Pleyben qui lui succéda en 1512-1519 sera Hervé de Lezongar, dit le Jeune,  également recteur de Ploaré, Clohars-Fouesnant, et Penhars. 

 

 

 

Panneau  de saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Panneau de saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Panneau de saint Fiacre, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Panneau de saint Fiacre, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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Or, l'un des vitraux de la chapelle de Lannelec, dans la paroisse de Pleyben, porte une inscription comparable à celle-ci : il s'agit de la baie n°2 , où,  à coté les armoiries de la famille Berrien, d'argent à trois jumelles de gueules au franc-canton d'or chargé d'un loin de sable  l' ange de droite porte un phylactère avec l'inscription RO O DE B[E]RIEN. Ce vitrail est daté par les auteurs du Corpus Vitrearum de  1500. 

http://www.lavieb-aile.com/article-vierges-allaitantes-vii-lannelec-a-pleyben-100361239.html

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Chapelle de Lannelec à Pleyben photographie lavieb-aile.

Chapelle de Lannelec à Pleyben photographie lavieb-aile.

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Saint Christophe et le Christ;

Le saint présente un visage fort, barbu, avec des cheveux cours et drus . Son front est ceint d'un bandeau. Il porte un manteau mauve pâle dont les pans sont fixés par un fermail, et une tunique bleue au dessus d'un pagne blanc. Il s'appuie d'une main sur la hanche, tandis que la main gauche tient le bâton de marche. Celui-ci, une branche écotée inclinée selon une diagonale supérieure droite, se termine par une courte fourche mais n'est pas fleuri. 

L'Enfant bénit l'univers de la main droite et tient le globus cruciger de la main gauche. Il se tient de face et regarde devant lui, la tête inclinée vers la gauche. Mais la tête et le nimbe sont dus à une restauration récente.

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Lancette  de saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Lancette de saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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La tête de saint Christophe est une belle réalisation de peinture sur verre associant un dessin par apport de grisaille, une soustraction de peinture noire par "enlevé" (cheveux), et des rehauts de sanguine sur les pommettes et les lèvres.

Saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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La partie basse du panneau permet d'observer comment le peintre a traité le motif de la rivière. On n'y trouve aucun poisson, aucune créature aquatique, mais quelques plantes, et, sur la rive verte, peut-être une libellule.

 

Saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

Saint Christophe, Baie 1, bras nord du transept, église Notre-Dame, Brennilis, photographie lavieb-aile.

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DISCUSSION.

 Étude iconographique.
Par rapport au schéma traditionnel complet, nous retrouvons :

  • les deux rives escarpées 

  • la progression de la droite vers la gauche;

  • les jambes orientées vers la rive de gauche, mais la rotation du tronc présenté de face, poursuivi par la rotation de la tête vers le haut et la droite,

  • la stature de géant du saint (peu soulignée)

  • le caractères de sauvagerie du personnage : barbe et cheveux drus.

  • le bandeau "de (futur) martyr" autour du front

  • L'Enfant porté sur l'épaule gauche, bénissant et tenant le globe.

Par contre sont ici absents :

  • l'ermite guidant le saint par sa lanterne sur la rive de gauche

  • les poissons et monstres aquatiques dans la rivière,

  • l'échange de regards entre Christophe et le Christ.

  • la représentation du fleurissement miraculeux du bâton de marche.

  • les couleurs rouge et verte des vêtements.

  • l'axe en diagonale supérieure gauche du bâton (et de l'effort de progression).

 

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Iconographie comparée.

J'ai décrit précédemment  12 autres vitraux dédiés à saint Christophe en France, dont 8 en Bretagne. Ils ont été réalisés entre 1451 et 1550, et, pour les exemples bretons, dans l'étroite fourchette de  1470 et 1497. Celle-ci correspond, partiellement et sans corrélation directe, avec la période où Anne de Bretagne était duchesse de Bretagne (1589) et reine de France comme épouse de Charles VIII (1491-1598). Celle-ci correspond aussi, pour le diocèse de Quimper, au programme de vitrage des baies hautes de la cathédrale où les principales familles de la noblesse se firent représenter, puis au programme de vitrage des chapelles et églises, où les mêmes familles veillèrent à placer leurs armoiries et à affirmer leurs privilèges. 

 

  La liste des vitraux bretons, avec les donateurs, est la suivante :

 

  • cathédrale de Quimper,  baie n°113. (vers 1495-1497). Le chanoine Jean Le Baillif.

  • cathédrale de Quimper,baie n°114.  (vers 1495-1497). Un membre de la famille de Lezongar, Sr de Pratanras présenté par saint Christophe

  • cathédrale de Quimper, baie n°115.  (vers 1495-1497).

  • cathédrale de Quimper, baie n°126.  (vers 1495-1497).  Un seigneur de Kerguelenen présenté par saint Christophe.

  • cathédrale de Quimper, baie n° 128.  (vers 1495-1497).

  • Vitrail de saint Christophe (1480), église de Ploermel. ​Seigneur de Botigneau.

  • Panneau de Jeanne du Pont présentée par Saint Christophe à Tonquédec (1470)

  • la baie 2 (vers 1520) de l'église Saint-Hilaire de Clohars-Fouesnant (29).

La comparaison se fait aisément entre le panneau de Brennilis, et les baies 113, 115 et 128 de Quimper et la baie 2 de Clohars-Fouesnant, car dans ces 5 cas,  le donateur n'est pas représenté, et saint Christophe apparaît "en pied". 

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Saint Christophe dans les  baies 113, 115 et 128 de Quimper et la baie 2 de Clohars-Fouesnant
Saint Christophe dans les  baies 113, 115 et 128 de Quimper et la baie 2 de Clohars-Fouesnant
Saint Christophe dans les  baies 113, 115 et 128 de Quimper et la baie 2 de Clohars-Fouesnant
Saint Christophe dans les  baies 113, 115 et 128 de Quimper et la baie 2 de Clohars-Fouesnant

Saint Christophe dans les baies 113, 115 et 128 de Quimper et la baie 2 de Clohars-Fouesnant

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On peut conclure qu'en Cornouaille, suivant l'exemple du duc de Bretagne Jean II, principale mécène de la cathédrale de Quimper, et de sa fille la duchesse Anne, une vive émulation amena les seigneurs des différentes paroisses à se faire représenter en donateurs sur les vitrails couronnés de leurs armoiries afin d'imposer la marque de leur pouvoir, de défendre leurs droits prééminenciers dans les lieux de culte, de s'assurer, par leurs dons, de garanties pour leur vie dans l'au-delà. Face aux dangers du corps (foudre, guerre, maladie, et —pour les épouses— dangers de l'accouchement) et de l'âme (mort en état de péché), ils puisèrent dans leurs Livres d'Heures pour bénéficier du patronage des saints réputés protecteurs de ces périls, l'un des 14 saints auxiliateurs comme  Acace, Blaise, Christophe, Denis, Eustache (bientôt remplacé par saint Hubert), Gilles, Georges, Sébastien ou, pour les femmes, Barbe, Catherine et Marguerite. Mais aussi sainte Anne, sainte Ursule, sainte Madeleine, sainte Hélène ; et saint Nicolas, saint Antoine, saint Hervé, saint Julien saint Fiacre ou saint Éloi. 

Voir ici le Livre d'Heures de Charles VIII folio 106r

Dans ce seul vitrail, nous trouvons évoqué saint Christophe et saint Fiacre, mais aussi saint Anne et son époux, sainte Marguerite, alors qu'en baie 2 sont invoqués saint Michel et saint Jacques (ou saint Roch). 

Mais que parmi les saints et saintes invoqués, saint Christophe fut choisi bien plus souvent que tous les autres, du moins en la cathédrale de Quimper (6 fois). Est-ce comme figure mythique du géant protecteur des voyageurs et pèlerins ? Est-ce comme grande figure de la foi portée au Christ ? 

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Saint Christophe et la famille de Lezongar.

Dans la baie 114 de Quimper, saint Christophe présente un seigneur portant les armoiries d'azur à la croix d'or cantonnée à dextre d'une fleur de lys  de la famille de Lezongar, seigneurs de Pratanras.

Or, Roland de Berrien, recteur de Pleyben et donateur du vitrail que nous étudions, est selon les généalogistes le fils d'Yvon de Berrien et de Jeanne de Lezongar, elle-même fille de Rolland II de Lezongar, seigneur de Pratanroz en Penhars (ca 1400-1440).

Roland de Berrien est donc le frère d'Henri de Berrien, seigneur de Coatanezre, et il est l'oncle de Louise de Berrien, donatrice de la maîtresse-vître (et petite-fille de Jeanne de Lezongar). 

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SOURCES ET LIENS.

—Blog du maître-verrier Jean-Pierre Le Bihan. mars 2007

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-6197893.html

— Site Infobretagne contenant les texte des chanoines Peyron et Abgrall :

http://www.infobretagne.com/brennilis.htm

— Inventaire descriptif de l'église de Brennilis fait pendant l'été 1983. Tapuscrit conservé à la bibliothèque du diocèse de Quimper.

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/71e51d7ff370034408d2b2e0ebdb6061.pdf

— ABGRALL, Notices, Bulletin Diocésain d'Histoire et d'Archéologie BDHA 1904 page 95-101 et 318-319. :

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/af488ed0b5ac10edd2fb9441496254a9.pdf

— COMBOT (recteur de Brennilis) Note sur l'église de Brennilis, 1856, cité dans BDHA— COUFFON (René) , Le Bars, Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 1988 

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/8f6bfc6f028b1a3a6cf67e7cd7c3578f.pdf

— PÉRÉNNES (Henri), 1939, Pleyben le Clergé, BDHA 

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1939.pdf

—PEYRON, 1910, Eglises et chapelles, Bulletin Société archéologique du Finistère t. XXXVII pp. 293-294.

— Bulletin Société archéologique du Finistère 1993.

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe. Brennilis.
19 septembre 2016 1 19 /09 /septembre /2016 16:39

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Pénétrer dans l'église Saint-Suliau de Sizun est un enchantement comparable à celui procuré par la contemplation de la voûte étoilée, pourvu qu'on y déambule le nez en l'air, à défaut de s'y allonger sur les dalles froides de la nef. On croira y perdre sa route tant le carroyage des nervures jaunes aux tranches mordorées et l'alignement des clefs pendantes nous sont, sous cet angle renversant,  étrangers, avant de reconnaître, en guise de constellation, les arma christi successivement portés par des anges en aube blanche, d'un angle à un autre du réseau des sablières. 

Ce sont eux qui vont nous guider à travers cette voie lactée.

 

Voûte de l'église Saint-Suliau de Sizun vue depuis le fond de la nef, photographie lavieb-aile.

Voûte de l'église Saint-Suliau de Sizun vue depuis le fond de la nef, photographie lavieb-aile.

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Voûte de l'église Saint-Suliau de Sizun vue depuis la nef, photographie lavieb-aile.

Voûte de l'église Saint-Suliau de Sizun vue depuis la nef, photographie lavieb-aile.

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Voûte de l'église Saint-Suliau de Sizun vue de la croisée du transept, photographie lavieb-aile.

Voûte de l'église Saint-Suliau de Sizun vue de la croisée du transept, photographie lavieb-aile.

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LES ANGES PORTEURS DES INSTRUMENTS DE LA PASSION

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Ange portant le titulus INRI.

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Ange portant le titulus INRI, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Ange portant le titulus INRI, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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L'ange portant la croix.

 

 

 

Ange portant la croix, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Ange portant la croix, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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L'ange portant la couronne d'épines.

Ange portant la couronne d'épines, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.
Ange portant la couronne d'épines, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Ange portant la couronne d'épines, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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L'ange portant le fouet ou flagellum (bras sud du transept).

 

Ange portant le fouet de la flagellation, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Ange portant le fouet de la flagellation, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Ange portant les verges de la flagellation.

 

Ange portant les verges, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Ange portant les verges, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Anges des scènes de l'arrestation au Jardin des Oliviers (bras nord du transept). 

L'oreille du serviteur du grand prêtre.

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Ange présentant l'oreille du serviteur du grand prêtre, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.
Ange présentant l'oreille du serviteur du grand prêtre, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Ange présentant l'oreille du serviteur du grand prêtre, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Ange présentant la main du grand prêtre qui gifla Jésus.

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Ange présentant la main du grand prêtre qui gifla Jésus, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Ange présentant la main du grand prêtre qui gifla Jésus, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Arrêt sur image : un portrait du duc et de la duchesse de Rohan.

Erwan le Ber a sculpté ici, en remplacement des deux blochets détruits, ces anges en leur donnant la tête de Josselin de Rohan-Chabot, actuel 14e duc de Rohan, et de son épouse Antoinette de Rohan (née Boegnier), les propriétaires du château de Josselin. Ces blochets encadrent une ancienne porte, dite de Rohan, encore visible à l'extérieur. 

Par ce geste, il crée un discret rappel du fait que les armes de la famille de Rohan de gueules à neuf macles d'or posées 3, 3, 3 sont gravées avec la date de 1588 sur le fronton de l'ossuaire de l'enclos paroissial. Pourtant, le vicomte de Rohan en titre en 1588 est difficile à définir, la date de 1588 écartant Henri Ier (1535-1575) Prince de Léon et comte de Porhoët, de confession protestante, René de Rohan (1550-1586), un huguenot convaincu, ni de Henri II de Rohan (1579-1638), chef de guerre huguenot. Un candidat bien plus crédible serait Jehan II, vicomte de Rohan, de Léon et comte de Porhoët, allié de Charles VIII dans sa lutte contre le duc de Bretagne, et qui fit construire le Pont de Rohan à Landerneau ...en 1510. En 1549, le vicomté de Léon comportait 4 juridictions, celles de Landerneau, Sizun, Ploudiry et La Roche-Morice. Voir Tudchentil http://www.tudchentil.org/spip.php?article551. Mais Jehan II de Rohan est décédé en 1516. Son successeur Jacques est décédé en 1527, sans postérité, laissant son titre à sa sœur Anne de Rohan (décédée en 1529). 

—Et alors ? Anne eut-elle des enfants de son mari Pierre II de Rohan-Gié ?  

— Elle en eut deux, pour lesquels Marguerite, sœur du roi François Ier, eut pour des soins maternels. Elle maria René, son préféré, avec sa belle-sœur, Isabeau d'Albret, infante de Navarre, fille de Jean III et de Catherine de Foix, souverains de Navarre le 16 août 1534 : elle introduisait ainsi le protestantisme dans la famille de Rohan.  René Ier mourut en 1552, laissant son titre à son fils Henri Ier de Rohan, et j'ai refermé la boucle.

—Antoinette de Rohan dans son Musée des poupées en 2004 :

Copyright Le Télégramme :http://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20040627&article=8247242&type=ar

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Josselin de Rohan en 2011 comme Président UMP de la commission des affaires étrangères au Sénat.  Photo Public-Sénat copyright AFP :

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Copyright Ouest-France 15 juillet 2008 Josselin pavoise et retrouve son festival https://mvistatic.com/of-photos/2008/07/15/va05_1768954_1.jpg

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L'ange porteur de la lanterne des gardes (bras nord du transept). 

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L'ange porteur de la lanterne des gardes, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

L'ange porteur de la lanterne des gardes, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Anges portant d'autres instruments.

 

Blochets de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.
Blochets de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Blochets de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Ange portant l'échelle de la Déposition.

 

Ange portant l'échelle de la Déposition,  église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Ange portant l'échelle de la Déposition, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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AUTRES BLOCHETS. Saints et apôtres.

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Un diacre. Saint Suliau ??

 

Blochet,   église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Blochet, église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Un apôtre tenant un coutelas ou glaive. Mathias ?

 

Un apôtre, blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Un apôtre, blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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L'apôtre saint André tenant la croix en X. Croisée du transept.

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Saint André,  blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Saint André, blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Autre apôtre tenant un bâton de foulon (saint Jacques le Mineur), ou une croix (Saint Philippe).

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Apôtre,  blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Apôtre, blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Apôtre tenant un coutelas. Saint Barthélémy ??

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Apôtre,  blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Apôtre, blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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LE CHRIST SALVATOR MUNDI.

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Christ Sauveur du Monde, Apôtre,  blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Christ Sauveur du Monde, Apôtre, blochet de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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LES SABLIÉRES.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.
Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.
Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Sablières de l' église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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LIENS.

Le dossier photo de l'Atelier Le Ber, Kerféos, Sizun :

http://www.ateliersleber.fr/realisations/charpente/restauration-de-patrimoine-et-monuments-historiques/eglise-st-suliau-sizun

 

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Published by jean-yves cordier - dans Chapelles bretonnes.
18 septembre 2016 7 18 /09 /septembre /2016 21:02

Formidable ! Marie-Suzanne de Ponthaud et Jean-Pierre Breton sous les voûtes : les nouveaux blochets de l'église de Sizun (29).

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Voir aussi :

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En novembre 2011, j'avais découvert les blochets de l'église de Plouedern (Finistère), et, après une patiente enquête, j'y avais identifié toute l'équipe chargée de la "restauration" (ou reconstruction) de l'église totalement détruite par un incendie. Il s'y trouvait Gérard Caillau, Architecte des Bâtiments de France, Gérard Jamain, patron du bureau d'étude de restauration, le peintre Paul Mériguet, le sculpteur Vincent Fancelli, le maire Hervé Ropars, le recteur Malléjac, le maître-verrier Hubert de Sainte-Marie, le sculpteur Mourad-Horch, au total 15 personnes représentées comme des marionnettes sur chaque blochet de la charpente.

Voir ici :

Les blochets de l' église Saint-Edern à Plouedern et sa restauration après sa destruction par la foudre le 24 mai 1974 : Réunion de chantier sous les combles !

Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, visitant l'église Saint-Suliau de Sizun après la restauration de la charpente menée par l'entreprise Le Ber (Kerféos, Sizun) en 2012, une fois encore, levant les yeux, je découvrais deux personnages sculptés dans les blochets, et qui, manifestement, n'étaient pas perchés là depuis la Renaissance.

Il s'agissait de les identifier dare-dare.

On les trouvera dans l'extrémité occidentale du bas-coté sud de la nef, un espace exigu situé immédiatement à gauche de la porte d'entrée.

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Blochet moderne de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Blochet moderne de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Blochet moderne de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Blochet moderne de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Cette fois-ci, je ne perdais pas de temps et je les identifiais en deux ou trois clics. Je trouvais d'abord un article en ligne du Télégramme de Brest du 9 décembre 2012 sous le titre Sizun Rénovation de l'église. Une visite des élus

"Mardi après-midi, Jean-Pierre Breton, maire, et Nicole Crenn, adjointe à la culture et au tourisme, ont réceptionné les travaux de rénovation de l'église paroissiale. Étaient présents: Mme De Ponthaud, architecte en chef des Monuments historiques, Mme Godet, son adjointe, M.Masson, conservateur régional des monuments historiques à la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) de Rennes, M.Lemesle, ingénieur monuments historiques, M.Sénéchal, architecte des Bâtiments de France à Brest ainsi que les représentants des entreprises ayant participé au chantier: entreprises Le Ber Sizun, charpente, Goavec Pitrey, Brasparts maçonnerie, Davy, Saint-Brieuc, couverture, Molinier, polychromie. 
Près de 1.650.000EUR de travaux 
Débuté en septembre 2009, le chantier s'est achevé en octobre cette année. Les paroissiens ont ainsi pu assister aux offices de la Toussaint dans une église resplendissante. Le coût de la rénovation s'élève aux environs de 1.650.000EUR, subventionnés par l'État (Drac), la Région et le Département."
© Le Télégramme http://www.letelegramme.fr/local/finistere-nord/morlaix/sizun/sizun/renovation-de-l-eglise-une-visite-des-elus-09-12-2012-1936080.php#QWOv7df7LwkBeiuI.99 

Je trouvais ensuite sur le site de l'entreprise de menuiserie Le Ber  ces lignes :

"Restauration de charpente de l'église St Suliau à Sizun. Edifice classé Monuments Historiques en 1943. Durée des travaux de 26 mois, en trois tranches. Maître d'oeuvre: Madame De Ponthaud Architecte en Chef des Monuments Historiques."

www.ateliersleber.fr/realisations/charpente/restauration-de.../eglise-st-suliau-sizun

 

Il s'agissait de trouver en ligne une photographie de Madame l'Architecte en chef, afin de confirmer l'hypothèse. Le site copainsdavant.linternaute.com me fournit celle-ci, dans laquelle je retrouvais de manière assez convaincante les traits sculptés dans le bois :

 

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Je trouvais aussi une confirmation sur le site

http://www.une-vie-de-setter.com/article-en-cette-periode-de-l-avent-113635370.html

...et avec ce lien :

http://www.saintpoldeleon.fr/IMG/pdf/2016-01-14_itw_mme_de_ponthaud_-_bm_no80.pdf

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Madame Marie-Suzanne de Ponthaud, blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Madame Marie-Suzanne de Ponthaud, blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Madame de Ponthaud, reconnaissable à sa mêche et à ses yeux bleus,  est représentée tenant un crayon et un mètre pliant dans la main gauche, une bourse et ses cordons dans la main droite et des rouleaux de plans sous le bras. De sa poche sort une montre, ou mieux, un chronomètre qui illustre son souci du respect des délais fixés

Voir les corrections des mots biffés en fin d'article !.

 

Madame Marie-Suzanne de Ponthaud, blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Madame Marie-Suzanne de Ponthaud, blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Portrait.

 

Un portrait faisant la synthèse des données disponibles en ligne montre que l'Architecte en chef mérite largement sa place dans cet Olympe, dans ce bosquet sacré planté de blochet de chêne où les grands noms de la Restauration Patrimoniale accèderaient à l'immortalité par leur métamorphose.

Elle est la seule femme parmi  les 34 Architectes en chef des Monuments Historiques (ACMH) pour la France. Sélectionnés par la voie d’un concours d’État, les ACMH sont des architectes libéraux recrutés par le ministère de la Culture pour lui apporter leur concours dans l’accomplissement des missions de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine architectural. Ils remplissent des missions d’avis, de conseil et d’assistance auprès des services du ministère pour les bâtiments classés et inscrits au titre de monuments historiques. Ils exercent également le rôle de maître d’œuvres, en particulier sur les édifices classés appartenant à l’État dans les circonscriptions qui leur sont attribuées. 

Elle dirige l'Agence de Ponthaud à Boulogne-Billancourt et l'Agence De Ponthaud-Bretagne à Crozon.

Diplômée de l'Institut de Construction industrialisé en 1988, de l’École Spéciale d’Architecture en 1989 et titulaire d’un master de l’École nationale des ponts et chaussées, elle a commencé par travailler dans l’agence d’un ACMH avant de suivre le cursus de l’école de Chaillot. Elle a ensuite passé le concours ACMH et ouvert son agence en 1997. Depuis elle travaille à la réfection de nombreux monuments historiques dans les départements dont elle a la charge : le Morbihan, le Finistère et l'Eure-et-Loire. Parmi la liste d'innombrables chantiers, figurent  la cathédrale de Chartres et le musée d’Orsay à Paris, la maison Pénanault à Morlaix, les églises de Locquénolé, de Saint Thégonnec et de Saint Jean du Doigt, les châteaux de Kerjean, de Maillé, le château du Taureau en baie de Morlaix, la tour Vauban à Camaret, l’abbaye Saint Mathieu à Plougonvelin ou le phare du Stiff à Ouessant, et la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon en 2016. 

 

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Madame Marie-Suzanne de Ponthaud, blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Madame Marie-Suzanne de Ponthaud, blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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La photographie accompagnant l'article du Télégramme (9 / 12/ 2012) m'a permis d'identifier tout aussi rapidement le second heureux élu de cette montée sur les planches, car j'ai facilement reconnu Jean-Pierre Breton, maire de Sizun depuis 1989.

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J'emprunte la photo suivante à Ouest-France du 6 août 2016 : le maire y est photographié devant l'arc de triomphe de l'enclos paroissial de Sizun, réalisé en coquillage.

 

Monsieur Jean-Pierre Breton, maire de Sizun , blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Monsieur Jean-Pierre Breton, maire de Sizun , blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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Monsieur le maire est représenté par le ciseau du sculpteur tenant entre les bras la maquette de son église paroissiale entourée des toits de son village, réputé pour ses ardoises.

Monsieur Jean-Pierre Breton, maire de Sizun , blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Monsieur Jean-Pierre Breton, maire de Sizun , blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Monsieur Jean-Pierre Breton, maire de Sizun , blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

Monsieur Jean-Pierre Breton, maire de Sizun , blochet de l'église Saint-Suliau de Sizun, photographie lavieb-aile.

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DISCUSSION.

Je tenais les quinze blochets  de Plouedern comme un phénomène unique expliqué par un contexte particulier. La découverte d'un autre exemple à Sizun remet en cause ces présupposés et entraine les questions suivantes :

L'exemple de Plouedern a-t-il joué un rôle déterminant pour la réalisation des blochets de Sizun ?

Qui a commandité ces blochets ? Le maître d'œuvre ? La mairie ? Est-ce une initiative du sculpteur ?

Cette pratique va-t-elle (ou bien a-t-elle déjà ) susciter une émulation d'imitation ?

CONCLUSION.

1) Les historiens de l'art se heurtent souvent au manque de documents dans l'étude des monuments anciens et peinent souvent à retrouver  le nom des artisans, à interpréter une inscription, à identifier un personnage et sa fonction, à préciser le rôle d'un commanditaire, etc.. Il me paraît désormais important, dans le cadre de l'éthique présidant à toute rénovation et toute restauration, d'anticiper les interrogations futures et de laisser une documentation pérenne  et accessible du travail entrepris.  

2) Si j'ai pu ici faire partager mon admiration pour le talent du sculpteur, et de l'entreprise Le Ber, ou mon enthousiasme face à la détermination de la Mairie et les compétences de l'Architecte en chef, et inciter les visiteurs à lever la tête vers la charpente, j'aurai réussi le but fixé.

3) Je sais ce qu'il me reste à faire : éditer un nouvel article sur les sablières et blochets anciens qui viennent d'être restaurés à Sizun : à suivre.

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LA SUITE...

La suite ? Elle ne se fit pas attendre, car j'ai rapidement reçu, en réponse à mes interrogations, un couriel d'Ewan Le Ber, l'un des deux frères de l'Atelier Le Ber "Menuiserie & Charpente". Comme le montre sa photo, que j'emprunte à leur site, Ewan, c'est le menuisier, alors que Steven est le charpentier ; ils sont à la tête d'une équipe d'une vingtaine de personnes.

 http://www.ateliersleber.fr/entreprise/equipe/anciens

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La réponse d'Ewan Le Ber, la voilà :

"Pour répondre à vos interrogations : Le chantier a été suivi par Steven Le Ber, mon frère (et réalisé par une équipe de l'entreprise évidemment), et les sculptures réalisées par moi même. La polychromie a été réalisée par Véronique Le Moine de St Urbain.

L'exemple de Plouedern a-t-il joué un rôle déterminant pour la réalisation des blochets de Sizun ? Oui, je connais bien l'église de Plouedern et j'ai toujours trouvé intéressant de marquer l'époque d'une restauration par un clin d’œil, ce qui se fait par ailleurs régulièrement. En complément, je vous signale qu'il y a deux autres blochets dans l'église qui caricature Mr et Mme De Rohan, dans le transept Nord côté Ouest. Ces deux blochet encadrent une ancienne porte appelée la porte des Rohans, et c'est pour cela qu'ils sont tournés l'un vers l'autre alors qu'ils devraient normalement être perpendiculaires au mur comme des blochets "normaux". J'ai juste caricaturé les visages (et je ne crois pas que grand monde le sache), leurs attributs étant deux de ceux qui manquaient dans les instruments de la passion du Christ présents dans l'église. Il y a également un punk caché dans les personnages des sablières de ce même transept, la tête d'origine était vermoulue et nous en avions un à l'atelier à cette époque! A vous de le trouver...!

Qui a commandité ces blochets ? Le maître d'œuvre ? La mairie ? Est-ce une initiative du sculpteur ? C'est une initiative de l'entreprise. Aucune demande n'a été faite au préalable si ce n'est un accord de principe à la personne de l'agence De Ponthaud qui suivait le chantier pour savoir comment elle percevrait cela. Elle l'a également découvert en fin de chantier. Petites corrections cependant dans votre article: Madame de Ponthaud, reconnaissable à sa mêche et à ses yeux bleus,  est représentée tenant un crayon et un mètre pliant dans la main gauche, (une bourse et ses cordons) un fil à plomb dans la main droite et des rouleaux de plans sous le bras. De sa poche sort une montre, ou mieux, un chronomètre qui illustre son souci du respect des délais fixés (avec une montre arrêtée sur 12H05 pour marquer que tout ne s'est pas fait exactement dans les temps!)
Pour Jean Pierre Breton, nous lui avons gardé la surprise jusqu'au jour de l'inauguration où il l'a découvert. Le village dans ses bras est clairement une idée reprise de Plouedern, j'avais trouvé cela vraiment symbolique et pertinent. 

Cette pratique va-t-elle (ou bien a-t-elle déjà ) susciter une émulation d'imitation ? Je ne sais pas, en tout cas nous le faisons régulièrement que cela soit sur des édifices religieux ou particuliers (par exemple l'architecte avec son chien et sa jambe en bois dans un château). Il faut pour cela que nous "sentions" la chose et que cela soit naturel, et fait avec envie."

Passionnant et drôlement sympa, non ? Et en cadeau, il m'a joint la photo suivante :

 

 

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Le blochet de Marie-Suzanne de Ponthaud en cours de réalisation. Photographie Atelier Le Ber.

Le blochet de Marie-Suzanne de Ponthaud en cours de réalisation. Photographie Atelier Le Ber.

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Published by jean-yves cordier - dans Chapelles bretonnes. Blochets Sizun
16 septembre 2016 5 16 /09 /septembre /2016 22:53

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Le polyptyque du Jugement Dernier de Rogier van der Weyde est exposé aux Hospices de Beaune dans une salle spécialement aménagé, et qu'il partage seulement avec trois tentures. C'est dire que le visiteur dispose des meilleurs conditions pour admirer ce chef d'œuvre. S'il veut en examiner les détails, une loupe de forte taille se déplace devant le retable, actionné par un moteur et une télécommande. Hélas, pour ce que j'en sais, le maniement de cette dernière est reservé aux guides patentés, qui choisissent les zones qu'ils souhaitent commenter. Loupe ou pas, télécommande ou pas, il est toujours agréable de disposer chez soi, sur son ordinateur, d'images mettant en évidence la prodigieuse technique des peintres primitifs flamands et leur maîtrise du rendu d'infimes détails. 

C'est ce que je souhaite proposer ici, avec mes faibles moyens, basés sur les images prises sur place en dilletante avec un zoom de 400 mm.

La précision avec laquelle ce retable a été réalisé n'a d'égale que celle avec laquelle les amateurs et les spécialistes l'ont étudié. Et ma chance a été de trouver, accessible en ligne, la publication de Nicole Veronee-Verhaegen L'Hôtel Dieu de Beaune, (1973), treizième monographie du Centre National de recherches "Primitifs Flamands" dans laquelle j'ai trouvé tous les renseignements dont je pouvais rêver. Cet article fait largement appel à ce travail, fruit des recherches du "Groupe Weyden". Les initiales N.V-V renvoient à cette publication, mais j'ai ôté de ces extraits les références bibliographiques. 

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Les panneaux inférieurs du Polyptyque sont numérotés de la gauche vers la droite de 1 à 7. 

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Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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LE PANNEAU 4. LE CHRIST ET L'ANGE DU JUGEMENT.

 "C’est précisément le manteau rouge du Christ, centre de gravité du retable, qui avait échappé au badigeon de la salle Saint-Louis et qui contribua ainsi au sauvetage de l’oeuvre en attirant l’attention, en 1836, de Canat de Chizy. Des quinze panneaux, c’est le panneau central (4) seul, qui n’a été ni scié, ni transposé, et qui est de loin le mieux préservé de tous." (N. V-V)

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L'étude infra-rouge et radiographique montre d'importants changements en cours d'exécution. a) Le Christ a été surélevé de 4 à 5 cm et saint Michel a été allongé vers le bas, d’où l’accentuation de l’axe vertical dominant la composition.b) Les modifications de la ligne d’horizon et les étrangetés dans les formes des nuages à hauteur du ciel bleu, remarquées aussi dans les deux autres panneaux du centre (3 et 5), montrent une préoccupation de mise en place de l’horizon. Celui-ci aurait été successivement abaissé pour surélever par contraste la position du Christ et augmenter l’effet dominateur de la figure de saint Michel. "

"Une tendance à l’allongement se dessine parmi les grandes figures, surtout dans celles qui sont axiales. Le cas typique est l’axe vertical Christ-saint Michel. L’archange a été allongé par le bas, tandis que le Christ était surélevé avec l’arc-en-ciel sur lequel il est assis. Au revers, le saint Antoine est un exemple du même phénomène. En accentuant le verticalisme, le peintre a augmenté considérablement la valeur expressive de la composition."(N. V-V)

 

 

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Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Comparer le thème du Jugement Dernier avec :

LES SOURCES POSSIBLES ?

-— Le tympan du portail de la cathédrale d'Autun  (XIIe siècle) : le donateur Nicolas Rolin est né à Autun, a exercé son mécénat au profit de la collégiale d'Autun en y érigeant Notre-Dame du Châtel. Son fils, le cardinal Rolin, fut évêque d'Autun.

L'enluminure du Livre d'Heures de Catherine de Clèves (vers 1434).

 

—Le Diptyque de la Crucifixion et du Jugement Dernier de New-York peint par Van Eyck vers 1430:

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8b/Jan_van_Eyck_-_Diptych_-_WGA07587%2C_right_panel.jpg

—La lettrine R du folio 116 , Messe des morts, enluminure de Van Eyck du manuscrit de Turin Milan vers 1420-1425 :

http://www.guides-lille.com/spip.php?article11

MAIS pour Nicole Veronee-Verhaegen :

"Les sources souvent citées à propos du retable de Beaune: tympans des cathédrales, monuments funéraires tournaisiens , tableaux peints par van Eyck, Lochner ou l’anonyme de Diest  restent insuffisantes. Elles intéressent l’évolution du thème mais n’expliquent pas la composition du Jugement de Beaune dont elles diffèrent en bien des points. En aucun cas, il n’y a de filiation comparable ci celle qui existera plus tard entre les compositions de Rogier et celles de Memlinc, Vrancke van der Stockt et Colyn de Coter. L’exemple de Beaune reste unique par l’emploi d’un poyptyque articulé qui permet une répartition nouvelle des éléments et une expansion du sujet toute en largeur. Une symétrie rigoureuse s’organise ici autour d’un axe vertical sévère, où la droite l’emporte régulièrement sur la gauche: le bien sur le mal, les élus sur les damnés, le :iel sur l’enfer et aussi, plus subtilement, la Vierge sur le Précurseur, saint Pierre sur saint Paul, les saints sur les saintes, l’homme sur la femme, la croix sur la colonne, le lys sur le glaive. Comparée aux compositions qui l’ont précédée, celle de Rogier est essentiellement claire et hiérarchisée. On a remarqué même qu’elle préfigurait en un certain sens des compositions aussi classiques que la Dispute de Raphaël et la Toussaint de Dürer. Cette clarté peut avoir été nécessitée par le fait que les malades de l’hôpital, répartis dans une salle de 72 m de long, devaient voir et comprendre le sujet, même à distance, au moins dans scs grandes lignes. Ceci explique aussi les vigoureux accents de couleurs et peut-être la forme particulière du panneau central qui met en évidence la figure capitale du Christ. Ces motivations pratiques ont heureusement rencontré deux caractères fondamentaux de l’art de Rogier, sa clarté et son sens religieux profond." (N. V-V)

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LES ARTISTES INSPIRÉS PAR CE POLYPTYQUE.

— Le Jugement Dernier (1467-1471) de Hans Memling à Gdansk, Musée Narodowe. Il s'agit d'une reprise par Memling du panneau central du Polyptyque de Beaune. Mais la balance penche du coté inverse, la "vertu" pesant plus lourd que le "péché". 

"A part le Christ, le buste de la Vierge seul pourrait témoigner d’un rapport direct, bien que peut-être moins textuel. Saint Jean-Baptiste, les apôtres et les anges aux instruments de la Passion n’offrent plus que des analogies très vagues. Saint Michel, les anges buccinateurs, les ressuscités, le paradis et l’enfer sont tout à fait autres. Enfin, par l’esprit et par le style, ces deux retables célèbres présentent un monde de différence." (N. V-V)

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— La peinture murale du Jugement Dernier ( 1489-1491) de Breisach par Martin Schongauer. Lorsque Martin Schongauer séjourna vers 1469 en Bourgogne, il fut émerveillé par le retable de l’Hospice de Beaune. Il en copie des parties, dont un Christ du Jugement (1469) conservé au Louvre.

— Les tapisseries du Jugement Dernier (Tenture des Péchés Capitaux) de l'atelier de Philippe le Mol  vers 1500 :  Trois versions au moins d’après le même carton sont conservées a) à Paris, Louvre, inv. n° OA 5523, ;  b) à Worcester, Massachusetts, Art Muséum, inv. n° 1935.2, 3,66 X 8,08 ni; ; et c) à Rome, Vatican .

 

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Le Christ.

 "L’arc-en-ciel, signe de l’alliance divine (Gn., IX, 12-17), entoure le trône de Dieu (Apoc., IV, 3; ). Le fond d’or représente la lumière éternelle, dont le Christ, Lux mundi, est l’incarnation . La nuée entoure l’apparition céleste (Dan., VII, 13; Luc., XXI, 27; Matth., XXIV, 30) et ceux qui l’accompagnent. La position éminemment surélevée de la personne du Christ n’est pas unique dans l’oeuvre de Rogier . Elle est consciemment voulue dans le retable de Beaune puisqu’elle a été encore accentuée en cours de travail ." 

"Le Christ a les yeux d’un brun translucide; des points rouges en marquent les coins intérieurs. Les cheveux et la barbe sont châtains, le visage légèrement basané. Les plaies des mains et des pieds sont rouges avec des lumières qui donnent un effet brillant de pierres précieuses. " (N.V-V 1973)

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Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Le Christ, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Le Christ, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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1) Comparer avec Hans Memling 1481 :

 

 

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Memling_Christ_giving_blessing.jpg

"Le triptyque du Jugement dernier par Memlinc, conservé au Muzeum Pomörskie de Gdansk (inv. n° M/568/ MPG; Bialostocki 270 Corpus n° 120), présente une parenté évidente avec le retable de Beaune au point que l’auteur du second en date n’a pu ignorer le premier. Les rapports entre ces deux œuvres importantes ont beaucoup préoccupé les historiens d’art dès le XIXe siècle. Les Allemands surtout se sont penchés sur ce beau dossier de critique stylistique. Parmi une cinquantaine d’auteurs, au moins, qui ont discuté cette question, quelques noms doivent être cités: Waagen, Kugler, Passavant, Förster , Schnaase, Jessen, Kämmerer, Voll, Winkler, Friedländer, Panofsky, Bialostocki, McFarlane. Dans l’étude des rapports entre les deux retables, la figure du Christ-Juge occupe une place privilégiée.  Alors que l’ensemble de la composition chez Memlinc révèle de nombreuses réminiscences générales qui font supposer une connaissance indirecte ou estompée de l’œuvre de Rogier, le Christ est une reprise textuelle de l’original de Beaune impliquant une copie soit directe soit par l’intermédiaire d’une autre copie directe, peut-être un dessin. L’imitation formelle du modèle, malgré la transformation due au style personnel du second auteur, est ici parfaitement claire" (N. V-V)

—Voir le vitrail de Véronique Ellena à  la cathédrale de Strasbourg inspiré par ce visage :

http://www.lavieb-aile.com/2016/05/le-vitrail-des-cent-visages-2015-de-veronique-ellena-et-pierre-alain-parot-a-la-cathedrale-de-strasbourg.html.

2) Comparer avec Rogier van der Weyden : le Triptyque Braque, (1450), Le Louvre.

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https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fa/The_Braque_Triptych_interior.jpg

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Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda http://www.photo.rmn.fr/archive/88-001991-2C6NU0H43VQP.html

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L'Ange de la pesée des âmes : Saint Michel ?

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"Saint Michel a les yeux gris-bleu et les cheveux châtain clair. Le teint est plus clair et rosé que celui du Christ. L’archange porte un diadème bleu foncé orné de cinq perles entourant un rubis."

 

 

 

"Exactement dans le prolongement vertical de la figure du Christ, celle de saint Michel en répète l’attitude dont elle prolonge la portée jusque dans les plateaux de la balance: montée à sa droite, descente à sa gauche. Ce parallélisme  frappant est propre au Jugement dernier de Beaune. C’est une création du peintre, dont l’idée, au moins pour la balance, lui est venue pendant qu’il composait l’oeuvre . Le rôle de l’archange comme émanation et même comme personnification de la Justice divine est ainsi singulièrement accentué. Strictement frontal comme le Christ, l’archange fixe aussi le spectateur, comme pour impliquer dans le jugement non seulement les ressuscités que l’entourent, mais tout homme qui verra le tableau. C’est également pourquoi, pied gauche en avant, il semble faire un pas vers nous. Les somptueux ornements liturgiques sont ceux du diacre. Ils comportent l’amict, l’aube retenue par le cordon, l’étole et une chape de brocart attachée par un mors à motif trinitaire. La tête, sans auréole, est ceinte d’un diadème, un simple bandeau noir orné d’un bijou fait d’un rubis entouré de cinq perles.

Bien que ses gestes fassent écho à ceux du Christ, l’ange ne bénit ni ne réprouve mais se consacre entièrement à l’acte du jugement. De la droite, il élève haut — pour que tous la voient — une grande balance à aiguille dont les bassins contiennent l’un la personnification des vertus, l’autre celle des péchés. La main gauche s’écarte du fléau en signe d’impartialité. La psychostasie, ou pesée des âmes, est une figuration qui remonte à l’antiquité égyptienne. Le fléau de la balance peut être horizontal, comme sur la mosaïque de Torcello, mais la plupart du temps, notamment dans les nombreuses figurations relevant de l’art des cathédrales (Autun, Paris, Amiens, Bourges ...), il s’incline du côté du bien, représenté comme le plus lourd. Rogier, après hésitation, a renversé le fléau de la balance: c’est le mal qui est plus lourd.

Les damnés étant, dans son retable, plus nombreux que les élus, on peut croire qu’il s’agit d’une vision pessimiste de l’humanité.

Panofsky s’est préoccupé de cette question. Il s’agit aussi, pour cet auteur, d’un retour à une notion dont il voit la racine dans l’antiquité: le côté favorable correspond à une élé vation, le côté défavorable à un abaissement . Ceci fut approuvé par Held, tandis que Villette et McFarlane  en retiennent surtout la vision pessimiste: c’est le mal qui l'emporte. Veronee-Verhaegen proposera d’expliquer l’élévation du bien et l’abaissement du mal chez Rogier à la lumière du texte de l'Elucidarium d'Honorius d'Autun. Cette conception explique aussi un autre trait caractéristique du retable de Beaune, l’absence de démons. Le poids des péchés sur la conscience suffit pour faire tomber en enfer les damnés rendus lourds comme du plomb.  

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Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Les ailes ocellées.

"Les ailes sont ocellées, comme faites de plumes de paon. Ce motif n’est pas isolé. On le trouve notamment chez l’un des anges thuriféraires devant l’autel de l’Agneau sur le retable de Gand. Il laisse place à trois interprétations. Comme il est l’attribut des chérubins, l’ange, ici, pourrait être un chérubin. C’est l’avis de Clément de Ris. Pour McFarlane, il s’agit d’une allusion au paon, emblème de vie éternelle. Saint Augustin, dans le De Civitate Dei, raconte comment il expérimenta la résistance à la putréfaction de la chair de paon et conclut qu’ainsi les damnés résisteront pour toujours, corps et âme, aux tourments de l’enfer . D ’autre part, les ocelles de Beaune semblent bien faites pour représenter des yeux: elles ressemblent à des pupilles avec des reflets lumineux . Sans être nécessairement une allusion à la légende d’Argus — puisque les chérubins et les animaux de l’Apocalypse étaient également couverts d’yeux (Apoc., IV, 6 et 8) — elles peuvent signifier la justice suprême basée sur la connaissance totale: rien n’échappera aux yeux de Dieu. " (N. V-V)

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Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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L'identité de l'ange .

L'identité de l'ange qui procède à la pesée des âmes (psychostasie)  n'est pas précisée par le peintre, 

"Pour Künstle, l’ange chargé de la pesée des âmes n’est pas nécessairement saint Michel. Memlinc, le premier, indiquera clairement qu’il s’agit de l’archange, en le revêtant de son armure . On peut croire pourtant que Memlinc suivait une tradition et que pour lui l’ange de Beaune était déjà saint Michel. Une confirmation a posteriori se trouve peut-être dans un volet de retable conservé à la Bob Jones University Collectioti of Religions Paintings, Greenville, S.C. . Il représente saint Michel à la fois comme vainqueur du démon et comme peseur d’âmes; il porte les vêtements liturgiques comme à Beaune. Le tableau, attribué à Colyn de Coter, est postérieur de quelque cinquante ans au polyptyque, mais il est l’œuvre d’un peintre bruxellois qui dut beaucoup à Rogier van der Weyden et qui semble avoir connu la composition créée pour Nicolas Rolin. En dehors de la peinture flamande, on peut d’ailleurs citer quelques exemples de ce type, antérieurs au retable de Beaune, remontant même à la seconde moitié du XlVe siècle."

"De toutes façons, la psychostasie semble n’avoir été confiée que tardivement à saint Michel lui-même. Un texte apocryphe d’origine égyptienne, le Testament d’Abraham, décrit un autre ange, Dokiel, balance en main, pesant les bonnes et les mauvaises actions; l’archange Michel est néanmoins le responsable des morts. Peu à peu, il aurait cumulé toutes les fonctions funéraires. Rappelons que chez les musulmans, c’est l’archange Gabriel qui tient la balance. La contamination du culte de saint Michel par celui de Mercure serait d’origine gnostique et pendant longtemps suspecte à l’Eglise. Une raison d’accepter l’identification de saint Michel dans le retable de Beaune, malgré les réticences de certains , c’est précisément ce rôle funéraire de l’archange, rôle de psychagogue — ou psychopompe — qui ne semble pas avoir été suspect celui-là. La liturgie y fait de nombreuses allusions (e.a. l’offertoire et l’épître de la messe des morts, l’antienne des vêpres de l’office de saint Michel et l’alleluia de la messe, le 29 septembre) de même que la Légende dorée . C’est à l’archange qu’est dévolu l’appel des âmes et leur conduite en paradis. A Beaune, le sens funéraire global du sujet — dont il sera question plus loin — peut contribuer à expliquer l’importance exceptionnelle donnée sur le retable à saint Michel, l’ange des morts. Enfin, saint Michel était invoqué contre la peste, selon la légende de son apparition à Rome au sommet du Château-Saint-Ange pendant l’épidémie de 580. Or l’Hôtel-Dieu a été fondé à la suite d’une épidémie de peste et, à l’extérieur du retable, les donateurs vénèrent deux autres saints protecteurs souvent invoques contre ce fléau, Sébastien et Antoine l’Ermite. " (d'après N. V-V)

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Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Dans la balance : Virtutes et Peccata.

"Les deux petites figures masculines dans les bassins de la balance ré­pondent aussi à cette caractéristique bien qu’elles ne soient pas des ressuscités mais des allégories du bien et du mal. Suivant une convention fréquente les carnations des hommes sont plus hâlées que celles des femmes. Pendant près d’un demi-siècle, au moment de la découverte et des premières études du retable, les nus étaient tous couverts de robes brunes ou de flammes depuis le cou jusqu’aux chevilles et aux poignets. Bien qu’ils aient été dégagés par la suite , leur état de surface déficient a peut-être continué à empêcher qu’ils ne reçoivent l’attention méritée à la fois par leur grande valeur expressive et par leur aspect «classique » . Avant le dégagement, certains auteurs ont pris pour une femme rayonnante de bonheur, la figurine personnifiant les vertus."

 

Saint Michel, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Saint Michel, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Virtutes, la Vertu s'élève dans le plateau de l'ange psychostase. Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Virtutes, la Vertu s'élève dans le plateau de l'ange psychostase. Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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PANNEAU 3 : LA VIERGE.

"La lumière dans le manteau gris-bleu est faite d’un glacis jaune clair avec petites touches transversales. Ces matières ont les cratères minuscules caractéristiques de l’émulsion. Le contour marqué du visage de la Vierge est original. Les auréoles sont gravées, et il y a souvent décalage entre la gravure et l’exécution. Les rayons, comme ailleurs, sont faits d’une couche blanche en relief, dorée."

"Les deux intercesseurs de la Deèsis, la Vierge Marie et saint Jean-Baptiste, sont reliés au Christ par l’arc-en-ciel dont ils occupent chacun une extrémité. Leur prière s’exprime par les mains jointes, le regard levé et l'agenouillement. Celui-ci n’est pas encore complet; en fait, ils glissent de leur siège pour tomber à genoux.

Tous deux portent la même grande auréole d’or garnie de rayons. Marie est vêtue d’une robe de velours (?) bleu foncé dont le bas et les manches sont garnis d’une double rangée de perles interrompue, toutes les cinq perles — ou toutes les dix si l’on compte les deux rangées — par un rubis rehaussé de quatre petits grains d’or. Ce décor peut être une allusion au rosaire: les perles seraient les Ave et les rubis, les Pater. "

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Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 3, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 3, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 3, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 3, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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"Un manteau plus foncé bordé d’un léger liseré d’or, est retombé sur les épaules, dégageant la guimpe à mentonnière. La beauté du visage et des mains a frappé nombre d’auteurs. Il est difficile de lui donner un âge mais, portant la guimpe, elle ressemble plus à la mère du Christ de la Passion qu’à la jeune femme de Nazareth ou de Bethléem."  (D'après N. V-V)

 

La Vierge, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 3  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

La Vierge, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 3 Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Comparaison : Détail du  Triptyque Braque, (1450), Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda 

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PANNEAU 5. SAINT JEAN-BAPTISTE.

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"Saint Jean-Baptiste a la barbe et les cheveux châtain foncé, abondants et bouclés. Il est vêtu de sa traditionnelle tunique en peau de chameau, à longues manches, recouverte d’un grand manteau boutonné sur l’épaule droite. Ce manteau est bordé d’inscriptions d’or non encore déchiffrées." 

 

 

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445_1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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"Saint Jean-Baptiste porte une tunique en peau de chameau de couleur brune, plutôt claire, beige rosé à l’intérieur. Son manteau, face et revers, est d un gris légèrement violacé. Des inscriptions et un liseré d’or en décorent la bordure. Le saint a les cheveux, la barbe et les yeux brun foncé. Du rouge marque le coin intérieur des yeux. Le banc derrière lui est d’une couleur gris-blanc, dite « pierre de France », semblable à celui de la Vierge qui lui fait face."

 

 

 

 

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Saint Jean-Baptiste, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5,   Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Saint Jean-Baptiste, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Comparer avec le volet du Triptyque Braque (1450) de Rogier van der Weyden.

http://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&VBID=2CO5PKMXKDNT7&RW=1600&RH=755 Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda 

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PANNEAU 2. ASSEMBLÉE DES SAINTS.

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 Derrière les apôtres, mais s’agenouillant comme la Vierge et le Précurseur dont ils répètent la prière d’intercession, des saints nimbés se divisent en deux groupes: quatre hommes à la droite du Christ et trois femmes à sa gauche.

"Le premier saint est un pape. Le visage encore jeune, tiare en tête, il est vêtu de ses ornements liturgiques: aube et amict, dalmatique et chape. Seule lui manque la chasuble, par respect pour le Christ, seul prêtre ici. [...]. A la gauche du pape, un roi, jeune également, porte une couronne à fleurs de lys sur ses cheveux bouclés. Sa somptueuse pelisse de brocart vert et or est doublée de fourrure brune, apparemment de la martre. Entre ces deux personnages, en recul et peu visible, un évêque est reconnaissable à sa mitre décorée, comme la tiare et la couronne, de pelles, de rubis et de saphirs alternés. Le quatrième personnage Le quatrième saint est plus énigmatique. Son vêtement sombre est indiscernable. Peut-être s’agit-il d’une bure monacale ? Le visage est âgé, le front chauve, les cheveux blancs. Le regard un peu vague semble se diriger vers le spectateur. Deux auréoles derrière la sienne semblent indiquer la présence d’autres saints invisibles." (N. V-V)

"Trois de ces personnages ont les traits individualisés comme s’il s’agissait de portraits: le pape, le roi et le vieillard. Aussi ces deux groupes de saints ont-ils fait couler beaucoup d’encre. Dès 1836, lors de la première publication véritable du polyptyque, Billardet reconnaissait dans les personnages couronnés le duc et la duchesse de Bourgogne, dans le pape, celui « de cette époque » et dans l’évêque, « probablement Jean Rolin, évêque d’Autun, fils du chancelier ». Cette opinion reflétait sans doute la tradition  locale. La même année un autre auteur identifia le pape avec Eugène IV, reprit l’identification de Philippe le Bon, et précisa celle de la duchesse: Isabelle de Portugal, troisième épouse du duc. Waagen vit dans le vieillard Nicolas Rolin et Eastlake, en 1861, rapporta la tradition qui reconnaissait en plus, du côté féminin, Guigone de Salins dans la sainte à la torsade, en pendant obligé de son mari le chancelier."(idem)

 

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"Le premier saint est un pape. Le visage encore jeune, tiare en tête, il est vêtu de ses ornements liturgiques: aube et amict, dalmatique et chape. Seule lui manque la chasuble, par respect pour le Christ, seul prêtre ici. [...]. A la gauche du pape, un roi, jeune également, porte une couronne à fleurs de lys sur ses cheveux bouclés. Sa somptueuse pelisse de brocart vert et or est doublée de fourrure brune, apparemment de la martre. Entre ces deux personnages, en recul et peu visible, un évêque est reconnaissable à sa mitre décorée, comme la tiare et la couronne, de pelles, de rubis et de saphirs alternés. Le quatrième personnage a les carnations plus pâles et plus roses que les autres, les cheveux gris-blanc, les yeux sombres, gris-brun, le vêtement noir. Les carnations de la femme ressuscitéc sont légèrement plus claires que celles de l’homme. Tous deux ont les yeux brun clair et les cheveux châtains. L’homme qui sort de terre a les yeux et les cheveux brun sombre." (N. V-V)
Un pape, un évêque, un roi et un moine, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 2,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Un pape, un évêque, un roi et un moine, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 2, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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"Une soixantaine d’auteurs, au moins, reprendront ou disputeront ces dits « personnages historiques », allant jusqu’à s’en servir pour dater le retable. Parmi ceux qui voient en eux des portraits de contemporains, la majorité suivra les identifications suivantes, de gauche à droite: Eugène IV, Jean Rolin, Philippe le Bon, Nicolas Rolin, Guigone de Salins, Isabelle de Portugal et Philipote Rolin. Citons Passavant,, Boudrot , Auhertin et Bigame, Gonse , Mély  et bien d’autres. Hirschjeld  et Blum  y reviendront encore, la dernière avec quelque hésitation. Latour vit dans le personnage chauve le peintre lui-même . "

"En face de ces opinions se dressent celles des auteurs qui refusent de voir ici des portraits de personnages contemporains. Il s’agit simplement pour eux des saints intercesseurs qu’on trouve parfois derrière les apôtres notamment dans l’art italien, chez Fra Angelico par exemple. ... Le premier d’entre eux, X.B. de M. (Barbier de Montault), proposa un nom pour chacun des saints, à titre d’hypothèse: saint Grégoire, saint Augustin ou saint Nicolas, saint Louis, saint Benoît. Du côté des saintes: une veuve, sainte Monique, une princesse, sainte Catherine ou sainte Ursule, et une vierge, sainte Agnès ou sainte Marguerite. Saint Louis ralliera plusieurs suffrages : sa couronne est en effet royale et non ducale, et fleurdelisée (Rubbrecht 122 24; Verhaegen 173 332). Il faut avouer que la diffé­rence entre les deux camps s’atténue quand on constate que même les plus catégoriques admettent parfois qu’un saint ait les traits d’un personnage important. Le roi, précisément, serait un saint Louis sous les traits de Philippe le Bon."

 

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Un pape, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 2,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Un pape, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 2, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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PANNEAU 6 : QUATRE APÔTRES ET TROIS SAINTES.

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Les douze apôtres.

"Autour de la Deèsis, formant un grand demi-cercle ouvert en son milieu, les douze Apôtres siègent, six de chaque côté. Ils sont assis sur des chaises curules, emblèmes de leur fonction d’assesseurs du Juge suprême. Ils n’ont pas d’attributs. Trois seulement sont identifiables avec certitude: au premier plan à la droite du Christ, saint Pierre, et en pendant à la gauche du Christ, saint Paul. A la gauche de saint Pierre, saint Jean. 

Les gestes des apôtres sont divers; la plupart ont les mains ouvertes. Seuls deux d’entre eux ont les mains jointes en prière, Jean et son pendant à côté de Paul. C’est que les apôtres ne sont pas là pour prier mais pour juger (Matth., XIX, 28; c’est aussi ce que dit Honorius d’Autun dans l’Elucidarium, III, 58. Ils sont tous nimbés, pieds nus et vêtus de tuniques et de manteaux de couleurs très vives et contrastées. Ces accents de couleur sont peut-être voulus pour rendre le retable lisible à distance, nécessité déjà mentionnée plus haut. Mais ils peuvent aussi — et de nombreux auteurs ont ainsi compris la chose — se référer à la symbolique des couleurs et aider à identifier les Apôtres."

"A l’extrême gauche, l’apôtre imberbe porte tunique et manteau d’un bleu assez clair sur lequel jouent des glacis de garance violacés. Le col est lie-de-vin. Les cheveux sont châtain très foncé, les yeux bruns (sans points rouges). "

Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Les trois saintes.

"Du côté féminin, les visages sont tous les trois jeunes et idéalisés. Les longs cheveux répandus sur les épaules indiquent des saintes vierges. Les têtes sont légèrement inclinées.

La première sainte porte une robe à décolleté carré où apparaît le bord d’une chemise blanche. Un peu de fourrure blanche s’observe aux manches. La traîne d’un grand manteau dont un pan est rejeté sur le bras gauche se prolonge sur le panneau suivant. Le diadème est noir, rehaussé de perles, de pierres et de grains d’or.

La sainte du milieu est couronnée; c’est donc une fille de roi. Le gris très pâle de sa robe et de son manteau pourrait représenter le blanc, symbole de pureté.

La troisième sainte semble porter, comme la première, une robe bleu sombre sur la chemise blanche, mais on n’en peut dire davantage. Sa torsade épaisse est brodée de perles, de rubis et de grains d’or. Du point de vue de la composition, le quatrième saint et la troisième sainte sont des additions. Leur présence rend confuse la division entre les apôtres - juges et les saints - intercesseurs. Ils s’insèrent mal et tendent à trop se rapprocher du premier plan. Peut-être cette modification intempestive a-t-elle été exigée après coup pour des raisons d’iconographie ou de convenances ? 

 On voyait aussi, dans la sainte au diadème, la soeur de van Eyck, car le tableau fut longtemps attribué à ce peintre . En 1875, Boudrot proposa d’identifier plutôt la sainte au diadème à Marie de Landes, la deuxième femme de Rolin, ou Philipote, une de ses filles. Carlet  et Blum mentionneront encore ces deux possibilités. "

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Mon hypothèse préférée : sainte Marguerite, sainte Catherine et sainte Barbe.

"On peut y voir des patronages appropriés à la fonction du retable: la sainte au diadème rappelle Marguerite d’Antioche par l’attitude; le manteau semble mis en évidence. Sainte Marguerite «yssant du dragon», invoquée pour les naissances, est aussi — comme Jonas — un symbole de résurrection. La sainte couronnée pourrait être Catherine d’Alexandrie, fille de roi, et la sainte à la torsade, Barbe, patronne de la bonne mort. Ces trois vierges martyres sont souvent associées. Elles font partie des quatorze « intercesseurs ». Catherine comme Barbe, protège les mourants. De plus, Barbe et Catherine figurent la vie active et la vie contemplative dans lesquelles les religieuses hospitalières pouvaient retrouver leurs aspirations. Ce sont elles qu’on vénérait au maître-autel d’un autre hôpital, celui des Saints-Jean à Bruges. Rappelons que le vieillard et la sainte à la torsade ne font pas partie du programme primitif ."

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Sainte Marguerite :

"La sainte au diadème a le manteau rouge vif avec revers vert, dont le liseré d’or est très usé. La robe bleue complètement assombrie est garnie aux poignets de fourrure blanche. Une chemise blanche dépasse au cou. Les cheveux châtain clair sont retenus par un diadème noir garni de bijoux de perles et de pierres bleues et rouges serties d’or. Les yeux sont brun clair (avec points rouges)."

Sainte Catherine d'Alexandrie :

"La sainte couronnée porte robe et manteau assortis, gris clair bleuté. Une chemise blanche dépasse le décolleté. Sur ses cheveux roux elle porte une couronne d’or garnie de perles, de rubis et de saphirs. Les yeux sont bruns, opaques (restaurés)."

Sainte Barbe :

"La sainte à la torsade a les cheveux châtains avec des reflets dorés. Son teint est plus basané. Le manteau peu visible semble être noir. Le blanc de la chemise se devine au cou. Les yeux sont brun clair (avec points rouges). Quant à la torsade, sur un fond bleu foncé, elle est brodée de deux rangées, l’une de perles à reflets bleutés, l’autre de rubis bordés de chaque côté de perles d’or."

 

 

 

 

 

Saintes Barbe, Catherine et Marguerite, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  Hospices de Beaune, panneau 6,  photographie lavieb-aile.

Saintes Barbe, Catherine et Marguerite, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), Hospices de Beaune, panneau 6, photographie lavieb-aile.

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Un ange buccinateur.

 

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Ange buccinateur, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Ange buccinateur, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 4, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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LES ANGES PRÉSENTANT LES INSTRUMENTS DE LA PASSION. 

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"Vus dans une perspective légèrement plafonnante, quatre anges en blanc apparaissent dans le ciel, de part et d’autre du Christ. Ils présentent les instruments de la passion, ou Arma Christi . Trois d’entre eux ont leur longue tunique retenue à la taille par une ceinture. Deux des anges portent un diadème et ont les ailes bleues; les deux autres ont les ailes rouges. Tous sont munis d’un voile blanc dont ils se couvrent les mains par respect pour les reliques précieuses qu’ils tiennent. Un moment précis de la Passion est représenté par chacun, dans un ordre qui n’est pas chronologique. De gauche à droite: le premier ange, avec la croix et les trois clous, représente la Mise en croix; le deuxième, avec la couronne d’épines et le roseau de la dérision, les Outrages; le troisième, avec la lance, l’éponge et le seau à vinaigre, la Mort sur la croix; le quatrième, avec la colonne, les fouets et les verges, la Flagellation. La présentation des Arma Christi est également un motif traditionnel dans la scène du Jugement "

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Le panneau 8 : les anges à la croix.

"Le fond d’or est guilloché comme aux panneaux 2, 3, 4, 5 et 6.  Les quatre anges sont vêtus de même: aube, amict et huméral blancs, avec des ombres gris-bleu. Les couleurs des ailes se répondent deux à deux, en oblique: l’ange supérieur gauche et l’ange inférieur droit ont les ailes d’un bleu-vert très foncé, l’intérieur étant blanchâtre avec des ombres graduées du même ton bleu-vert. L’ange inférieur gauche et l’ange supérieur droit ont des ailes d’un ton rouge-violet presque bordeaux, avec l’intérieur blanc-rose à ombres rose violacé. Les cheveux sont châtain clair. Ceux des deux anges aux ailes bleues sont retenus par un diadème noir. Les carnations sont rosées, les yeux bruns. Le bois brun foncé de la croix est marbré de veines plus sombres. Dans la pancarte, le brun s’éclaircit et les caractères sont jaunes. La pancarte est fixée à la croix par trois petits clous gris-noir. Les trois clous de la Passion sont gris-noir à reflets clairs. Le sceptre de roseau est brun clair à lumières gris-blanc. Sur la couronne d’épines grise, légèrement verdâtre, les pointes des épines sont teintées de rouge sang.  " (idem)

 

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Anges à la croix, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 8,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Anges à la croix, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 8, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Le panneau 9 : Les anges à la colonne.

"Une éponge brune est fichée sur un roseau brun à reflets clairs; la hampe de la lance est faite d’un bois brun fonce et supporte un fer gris foncé à reflets clairs. Les trois fouets sont de différents gris, beiges, noirs et bruns. Le seau de cuivre a des reflets tantôt jaune clair, tantôt brun-rouge. La colonne est jaspée de vert clair sur du vert sombre. La base et le chapiteau sont en pierre d’un ton gris clair chaud."  (idem)

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Anges à la colonne, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Anges à la colonne, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Anges à la colonne, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Anges à la colonne, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Anges à la colonne, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Anges à la colonne, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 9, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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L'HUMANITÉ EN JUGEMENT. 

 

"Tout le registre inférieur est consacré à l’humanité en jugement. Les morts ressuscitent et se séparent, lentement d’abord et espacés, puis de plus en plus vite en groupe compact. Certains sont à peine éveillés, crevant la surface de la terre qui se fendille. Les gestes variés marquent la surprise, la prière, la terreur ou la joie. La division irrévocable se fait au bas de l’axe central, c’est-à-dire aux pieds de saint Michel. Le contraste se marque dès le milieu: côté favorable, un homme, plus haut; côté défavorable, une femme, plus bas. Derrière eux, de nouveau un homme et une femme, à mi-corps, bras levés: l’auteur du retable semble insister sur la malédiction d’Eve. Après deux hommes seuls, de part et d’autre, viennent deux couples. A partir des volets mobiles, la symétrie se rompt. Ici, c’est un pessimisme général qui l’emporte: les élus sont rares, les damnés nombreux (Matth., XXII, 14). Dans la pé­nombre de l’enfer, on distingue difficilement plusieurs têtes supplémentaires. Les morts ressuscitent tous à l’âge parfait de trente-trois ans, comme le Christ, selon l'Elucidarium d'Honorius d'Autun ."

 

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A. LES ÉLUS.

 

 

 

 

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Un clerc élu, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Un clerc élu, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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Les élus, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Les élus, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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B. LES DAMNÉS.

 

Les Damnés,  Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.
Les Damnés,  Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450),  panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Les Damnés, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 1, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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"Le souci de l’expression, si propre à Rogier, se marque fortement dans les visages comme dans les attitudes, surtout chez les damnés. La violence de leurs réactions s’y prête mieux, peut-être, que la joie des bienheureux. Cette violence atteint un paroxysme certainement voulu par le peintre et bien proche des symptômes de la folie. Ainsi l’homme en dessous de saint Jcan-Baptiste se mord la main et s’arrache l’oreille. Au moyen âge, la folie était considérée comme une possession par le démon. Quoi de plus naturel alors que d’évoquer la possession démoniaque définitive des damnés par la représentation d’un aliéné pratiquant l’automutilation . Peut-être l’expression « se mordre les doigts » signifiait-elle déjà un regret sans espoir. Le motif reviendra deux fois dans l’oeuvre du successeur de Rogier, Vranckc van der Stockt, dans le contexte du Jugement dernier. Mais chez Rogier, la main est vraiment mordue et l’oreille vraiment arrachée, comme le prouve le sang qui coule sur la tempe et sur le dos de la main. "

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Un damné, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Un damné, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 5, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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 "Certains manifestent une aggressivité qui semble exprimer une complicité passée: comme ils se sont entraînes dans le péché, ils s’agrippent maintenant, se tirant, se poussant, se griffant, empoignant les longs cheveux des femmes. Plusieurs ont les yeux exorbités, l’iris n’atteignant pas la paupière supérieure. Les pupilles sont parfois nettement dilatées, le front ridé. Une femme, tombant dans l’enfer, a les yeux mi-fermés, crispés de douleur. La bouche ouverte, ils hurlent, ou bien, mâchoires crispées, ils ouvrent les lèvres sur des dents violemment serrées, allusion peut-être aux « pleurs et aux grincements de dents » (Matth., XXII, 13) ?

Un détail anatomique curieux: les dentures ne présentent jamais de canines, toutes les dents ont l’apparence d’incisives. D ’autres encore tirent la langue, ou serrent les poings, lèvent les bras, se tordent les mains.  On peut dire que les réprouvés sont figurés ici dans un état d’hystérie collective très exactement observé."

 

Deux damnés, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Deux damnés, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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 Des larmes ? Pourtant Nicole Veronee-Verhaegen écrit "Il n'y a pas de larmes, comme Memlinc en fera couler sur les visages. Les larmes, pour Rogier, seraient presque une détente."

 

Une damnée, Rogier van der Weyden,  Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6,  Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Une damnée, Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), panneau 6, Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

VERONEE-VERHAEGEN (Nicole), 1973, L'Hôtel-Dieu de Beaune ; introduction de Pierre Quarré,  Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridionaux au quinzième siècle 13, Bruxelles : Centre national de recherches Primitifs flamands. 

http://xv.kikirpa.be/uploads/tx_news/CORPUS_13_-_BEAUNE_-_1973.pdf

— PÉRIER-D'IETEREN (Catheline),1982,  L'Annonciation du Louvre et la Vierge d'Houston sont-elles des œuvres autographes de Rogier van der Weyden, Annales d'Histoire de l'Art et Archéologie (Université libre de Bruxelles, T. 4, 1982). 

http://www.koregos.org/fr/catheline-perier-d-ieteren-l-annonciation-du-louvre-et-la-vierge-de-houston/

http://digistore.bib.ulb.ac.be/2015/DL2472117_1982_000_04_f.pdf

 

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Published by jean-yves cordier - dans Beaune Retable
15 septembre 2016 4 15 /09 /septembre /2016 17:47

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Introduction.

 

Le polyptyque du Jugement Dernier de Rogier van der Weyde est exposé aux Hospices de Beaune dans une salle à part, qu'il partage seulement avec trois tentures. C'est dire que le visiteur dispose des meilleurs conditions pour admirer ce chef d'œuvre. S'il veut en examiner les détails, une loupe de forte taille se déplace devant le retable, actionné par un moteur et une télécommande. Hélas, pour ce que j'en sais, le maniement de cette dernière est reservé aux guides patentés, qui choisissent les zones qu'ils souhaitent commenter. Loupe ou pas, télécommande ou pas, il est toujours agréable de disposer chez soi, sur son ordinateur, d'images mettant en évidence la prodigieuse technique des peintres primitifs flamands et leur maîtrise du rendu d'infimes détails. 

C'est ce que je souhaite proposer ici, avec mes faibles moyens, basés sur les images prises sur place en dilletante avec un zoom de 400 mm.

La précision avec laquelle ce retable a été réalisé n'a d'égale que celle avec laquelle les amateurs et les spécialistes l'ont étudié. Et ma chance a été de trouver, accessible en ligne, la publication de Nicole Veronee-Verhaegen L'Hôtel Dieu de Beaune, (1973), treizième monographie du Centre National de recherches "Primitifs Flamands" dans laquelle j'ai trouvé tous les renseignements dont je pouvais rêver. Cet article fait largement appel à ce travail, fruit des recherches du "Groupe Weyden". 

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Les panneaux inférieurs du Polyptyque sont numérotés de la gauche vers la droite de 1 à 7.  

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Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

Rogier van der Weyden, Polyptyque du Jugement Dernier (1445-1450), Hospices de Beaune, photographie lavieb-aile.

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LES PLANTES DU POLYPTYQUE DE BEAUNE.

Les experts en ont dressé un inventaire assez complet, en se basant sur les publications de l'abbé Boudrot en 1875, de Joseph Carlet en 1884, de Paul-André Genty, directeur du Jardin botanique de Dijon, en 1925, et sur les identifications  qu'ils ont demandées à  André Lawalrée, chef de département au Jardin botanique de l’Etat à Bruxelles ( liste dressée en 1966 et 1968) et de Henri Poinsot, directeur du Jardin botanique de Dijon (liste en 1969). Ces identifications, comme c'est le cas général dans l'étude d'œuvres picturales, où les plantes sont toutes plus ou moins stylisées, peuvent affirmer le genre botanique avec précision, mais ne peuvent souvent proposer, pour l'espèce, que des hypothèses. P.A Genty prend ainsi l'exemple des nombreuses violettes : "Ce sont incontestablement des violettes (genre Viola) mais l’absence de stolons, de capsules, de stipules, etc., organes caractéristiques des espèces de ce genre, ne permet pas de préciser à quelle violette le peintre avait affaire »

N.B quand plusieurs propositions étaient faites pour une plante, j'ai privilégié celle d'Henri Poinsot.

Au total, 17  plantes sont identifiées, auxquelles il faut ajouter des fougères, diverses graminées. Et le Lis blanc Lilium candidum tenu par le Christ dans la main droite.

 

  • Aquilegia vulgaris "Ancolie"
  • Bellis perennis "Pâquerette"
  • Borrago officinalis "Bourrache officinale"
  • Centaurea jacea  "Centaurée jacée": 
  • Chrysanthemum leucanthemum "Marguerite commune".
  • Convallaria majalis "Muguet de mai".  
  • Dianthus "Oeillet"
  • Eupatorium cannabinum  "Eupatoire à feuilles de chanvre",
  • Fragaria  vesca "Fraisier des bois"  
  • Plantago lanceolata  "Plantain lancéolé"
  • Plantago media "Plantain bâtard (ou intermédiaire)"
  • Ranunculus  acris . "Renoncule âcre"
  • Silene latifolia alba « Compagnon blanc »
  • Trifolium  pratense: Trèfle des prés, "Trèfle des prés"
  • Trifolium  repens. "Trèfle blanc".
  • Veronica chamaedrys "Véronique petit-chêne"
  • Viola  odorata "Violette odorante"

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La plupart de ces plantes sont des plus courantes dans la peinture flamande contemporaine, et dans les tapisseries dites "mille-fleurs" : elles sont régulièrement interprétées par les auteurs à travers leur symbolique, notamment liée à leur couleur (blanc = pureté, bleu = Marie, rouge = Passion du Christ), ou à leur forme (Ancolie = colombe du Saint-Esprit).

Le peintre les a réparties dans la partie gauche, celle des élus accueillis dans le Paradis, alors que le sol qui s’étend  à droite jusqu’au bord du gouffre infernal est de plus en plus aride et ponctué de fissures, fumerolles et flammèches. Les fleurs participent, ici comme ailleurs, à composer un lieu idéal, un locus amoenus renvoyant aux jardins clos et aux strophes printanières de la poèsie amoureuse, ou à l'hortus conclusus où se tient la Vierge. Nicole Veronee-Verhaegen cite un passage de   l'Elucidarium, qui les décrit, à la fin des temps: « La terre, que les martyrs ont arrosée de leur sang, se couvrira de fleurs immarescibles ».

Je ne les ai pas toutes cueillies, les fleurs de ce tapis  d'un éternel printemps, et comme dit le poète,  "J'ai laissé les plus jolies pour celui qui viendra demain". Je reprends par contre l'inventaire panneau par panneau de N. Veronee-Verhaegen.

 

Panneau I

Il est utile de rappeler que les plantes du panneau 1 sont situées en zone restaurée.

a. Aquilegia vulgaris "Ancolie" 

b. Bellis perennis "Paquerette"

c. Viola  odorata "Violette odorante"

d.  Dianthus (Henri Poinsot) ou Lychnis githago ? [ =  Agrostemma githago] : "Nielle des prés".

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Panneau 2

e. Viola  odorata. "Violette odorante"

f. Fragaria  vesca "Fraisier des bois" 

g. Ranunculus  acris . "Renoncule âcre"

h. Bellis  perennis "Pâquerette" ou Chrysanthemum leucanthemum "Marguerite commune".

i. Trifolium "Trèfle"

j. Centaurea jacea  "Centaurée jacée": 

k.   Eupatorium cannabinum  "Eupatoire à feuilles de chanvre",  ou inspiré de Valeriana officinalis "Valériane officinale" ou aussi de Lychnis chalcedonica ? . Selon Genty, « C’est peut-être la plante la plus remarquable du tableau, ce qui ne l’empêche pas d’être indéterminable ». De son côté, en observant que cette plante est peut-être inspirée de Lychnis chalcedonica, Lawalrée engage à poser la question de son symbolisme: est-ce par hasard qu’on l’appelle aussi « Croix de Jérusalem » ?

1. Borrago officinalis "Bourrache officinale" [ ou inspiré de  Omphalodes verna "Petite bourrache"]

 

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Panneau 2 : Violette odorante, Fraisier des bois, Renoncule, Pâquerette. Photographie lavieb-aile.

Panneau 2 : Violette odorante, Fraisier des bois, Renoncule, Pâquerette. Photographie lavieb-aile.

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Panneau 2. Bourrache (bleue), Renoncule âcre (blanche), Eupatoire à feuilles de chanvre (rose pourpre), violette odorante (bleue). Photographie lavieb-aile.

Panneau 2. Bourrache (bleue), Renoncule âcre (blanche), Eupatoire à feuilles de chanvre (rose pourpre), violette odorante (bleue). Photographie lavieb-aile.

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Panneau 2.  Photographie lavieb-aile.

Panneau 2. Photographie lavieb-aile.

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Panneau 2, Bourrache officinale.  Photographie lavieb-aile.

Panneau 2, Bourrache officinale. Photographie lavieb-aile.

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Panneau 3

m. Viola  odorata. "Violette odorante".

n. Plantago lanceolata  "Plantain lancéolé"

 

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Panneau 3,  coin inférieur gauche. Violette odorante. Photographie lavieb-aile.

Panneau 3, coin inférieur gauche. Violette odorante. Photographie lavieb-aile.

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Panneau 3. Photographie lavieb-aile.

Panneau 3. Photographie lavieb-aile.

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 Panneau 4

 

o. Ranunculus  acris: "Renoncule âcre" .

p. Melandryum rubrum  "Compagnon rouge", ou  Silene alba

q. Viola  odorata: "Violette odorante"

r. Trifolium  pratense: Trèfle des prés, "Trèfle des prés"

s. Trifolium  repens. "Trèfle blanc".

t. Plantago media "Plantain bâtard (ou intermédiaire)"

u. Chrysanthemum leucanthemum "Marguerite commune".

v. Fragaria ...  vesca ? "Fraisier des bois".

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Panneau 4, angle gauche.  Photographie lavieb-aile.

Panneau 4, angle gauche. Photographie lavieb-aile.

Panneau 4.  Photographie lavieb-aile.

Panneau 4. Photographie lavieb-aile.

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Panneau 4.  Photographie lavieb-aile.

Panneau 4. Photographie lavieb-aile.

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Panneau 4. Violette odorante . [Orchis tachetée ?]. Photographie lavieb-aile.

Panneau 4. Violette odorante . [Orchis tachetée ?]. Photographie lavieb-aile.

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Panneau 5

w. Veronica chamaedrys "Véronique petit-chêne"

x. Convallaria majalis "Muguet de mai". 

Genty signale encore Potentilla, Primula auricula L. var., Gladiolus (?) et Orchis maculata L. (?). Il ne les situe pas sur le tableau. Les schémas de Poinsot comprennent encore Ranunculus repens, Viola reichenbachiana (?), Orchis... 

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CONCLUSION.

Les 17 ou 20 plantes de ce polyptyque ne sont remarquables ni par leur nombre (on en dénombre une centaine sur les tapisseries —84 identifiées sur la Tenture de la Licorne des Cloîtres de New-York—), ni par la présence d'espèces rares, ni par la précocité de leur représentation (les œuvres de Van Eyck forment un précédent d'un naturalisme et d'une maîtrise exceptionnels),  ni même sans-doute par la technique picturale. Elles ne semblent pas exprimé un message allégorique crypté ; ce sont toutes des plantes indigènes, couvrant le sol comme les gazons métaphoriques des rencontres amoureuses, mais ne comportant aucune fleur cultivée métaphorique  comme la Rose, la Pivoine ou l'Iris, si on excepte le Lys placé ici à part. Parmi les plantes courantes, je m'étonne de ne pas voir mentionné le Pissenlit Taraxacum officinale, la Pensée Viola tricolor, la Pervenche Vinca major ou minor  l'Anémone Anemone coronaria, le Souci Calendula officinalis, la Sauge Salvia officinalis, la Primevère Primula , le Myosotis Myosotis scorpioïdes, etc...

Pas remarquables, ces petites fleurs de Rogier de la Pasture ? Mon œil ...,

...mon œil ne partageait pas cet avis, lorsqu'il les a photographiées.

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SOURCES ET LIENS.

 

— BOUDROT (Abbé Jean-Baptiste ) 1875, Le Jugement dernier, retable de l' Hôtel-Dieu de Beaune, Beaune, 1875 page 22 :

https://archive.org/stream/frick-31072000963266/31072000963266#page/n25/mode/2up

— CARLET (Joseph) 1884 , Le Jugement dernier. Retable de l'Hôtel-Dieu de Beaune (suivi d'une notice sur les triptyques de Dantzig et d'Anvers), Beaune, 1884; paru également dans Société d'Histoire, d'Archéologie et de Littérature de l'arrondissement de Beaune. Mémoires. Année 1883 (Beaune), 1884, 153-186.

—FETTWEIS (Geneviève ) Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique  Les fleurs dans la peinture des XVe , XVIe et XVIIe siècles Dossier pédagogique http://www.extra-edu.be/pdf/GF_Fleurs_10nov.pdf

— GENTY (P.), 1925, "La Flore du retable de Rogier van der Weyden à l'Hôtel-Dieu de Beaune", dans Bulletin de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon (Dijon ), 1925, 47-51. 

— VERONEE-VERHAEGEN (Nicole), 1973, L'Hôtel-Dieu de Beaune  ; introduction de Pierre Quarré,  Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridionaux au quinzième siècle 13, Bruxelles : Centre national de recherches Primitifs flamands . 

http://xv.kikirpa.be/uploads/tx_news/CORPUS_13_-_BEAUNE_-_1973.pdf

 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Beaune Retable
27 août 2016 6 27 /08 /août /2016 16:27

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  Les 300 000 ou 350 000 visiteurs annuels du château de Cheverny pénètrent en premier lieu, par sa Galerie,  dans la Salle à manger où, en jour d'affluence, ils tournent à la queue-leu-leu autour de la table (elle pourrait accueillir 25 convives !) et admirent, qui la cheminée Néo-Renaissance, qui ses chenets, qui les murs tendus de cuir de Cordoue , qui le buste de Henri IV, qui les roulettes en corne des chaises. Et aucun n'oublie de jeter un coup d'œil aux cadres qui, deux par deux dans les lambris, montrent des scènes du roman de Cervantes, le célèbre Don Quichotte

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Photographie de Manfred Heyde sur Wikipédia

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Salle à Manger et Galerie du rez-de-chaussée, in G. Quaranta  2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

Salle à Manger et Galerie du rez-de-chaussée, in G. Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

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Lorsque ce fut mon tour de faire cette visite, j'éprouvais, comme tous, ce sentiment agréable de reconnaissance familière d'un héros accompagné de Sancho Pansa, sentiment que nous éprouvons face à des images de Laurel et Hardy ou de Gargantua, de Pinocchio ou, comme c'est partout le cas à Cheverny/Moulinsart, de Tintin et du capitaine Haddock. La scène archetypale des Moulins à vent me permettait de conforter cette reconnaissance, mais mon plaisir fut accentuée devant la scène du Cheval Clavilène, où le Chevalier et son écuyer étaient ridiculisés  sur une cheval de bois par la duchesse. Les farce jouées à autrui nous font toujours bien rire.

Il me revenait en outre un vague souvenir de lecture : Jean Canavaggio n'avait-il pas mentionné ces peintures comme témoignant de la réception du roman parmi les aristocrates français ? 

L'auteur, selon les guides,  était le peintre de Blois Jean Mosnier, dont j'allais bientôt découvrir dans la Salle des Gardes de l'étage les panneaux botaniques à motto, puis dans la Chambre du roi les illustrations de Chariclée et Théagène ou d'Andromède et de Persée.  Je me promettais, de retour des bords de Loire, de retrouver l'ouvrage de Canavaggio. J'étais convaincu que tous ces tableaux (il y en avait 34 en tout entre la Salle à manger, et la Galerie attenante) avaient fait l'objet de savantes études, de monographies exshaustives et de nombreuses reproductions. Je pris quelques clichés néanmoins, malgré les reflets des spots d'éclairage sur les vitres des cadres, mais conscient de la vanité d'une telle démarche devant un ensemble documentaire aussi précieux et donc, certainement, aussi répertorié, diffusé  et numérisé.

J'allais découvrir d'abord qu'il n'en était (presque) rien. Mais, en fin d'enquête, une superbe surprise allait tout remettre en cause, notamment cette dernière phrase.


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Revenu at home, je retrouvais bien le passage de  Don Quichotte du livre au mythe. Quatre siècles d'errance, (2005) dans lequel Jean Canavaggio écrivait page 52 :

"Toujours en France, mais un peu plus tard [il vient d'indiquer que la toute première représentation authentique de don Quichotte ornait la première édition de la traduction française de la deuxième partie du roman, par François de Rosset, et datait de 1618], Don Quichotte suscite un intérêt nettement plus marqué  de la part de plusieurs artistes, ainsi que de leurs commanditaires. Le premier, Jean Mosnier, est un peintre qui a décoré vers 1625 la salle à manger du château de Cheverny, ainsi que la galerie attenante, de trente-quatre tableaux, généralement groupés deux par deux et représentant les aventures du chevalier et de son écuyer. Aucun de ces tableaux, dont les deux-tiers sont tirés de la Première Partie, ne comporte de titre, et leur disposition ne suit pas l'ordre des chapitres. Pour quelle raison ? On ne sait. A titre d'exemple, le coté droit de la galerie s'ouvre sur la mort de don Quichotte, puis enchaîne dans la même série les marionnettes de maître Pierre, l'aventure de Clavileño [le cheval de bois !]l'inventaire de la bibliothèque, l'épisode des moulins à vant et le combat contre les outres de vin. A l'inverse, les premières aventures du héros, encore solitaire, qui ornent la salle à manger, apparaissent mêlées à des épisodes postérieurs.  Mosnier, qui a aussi décoré d'autres châteaux des bords de Loire, n'est ni un dessinateur précis ni un coloriste de talent, et ses panneaux manquent de relief et de vie. Mais cet "illustrateur appliqué et sage"  est un pionnier, qui rend compte, dans son choix, des préférences de ses contemporains. Même s'il lui arrive, exceptionnelement, de camper le chevalier dans une fière allure, ce sont les méprises et les déboires d'un personnage ridicule qui l'inspirent le plus souvent." (Canavaggio 2005 p. 52)

L'auteur passe ensuite aux 38 planches publiées entre 1640 et 1670 par Jacques Lagnier et qu'il attribue à Jérôme David. Dans le dossier d'illustrations inséré dans le livre, il donne deux petites (4 x 6 cm) reproductions partielles et noir et blanc des tableaux de Mosnier, les moulins à vent, et don Quichotte se lançant à l'attaque des marionnettes.

Jean Canavaggio citait en note un ouvrage de Maurice Bardon paru en 1931, et que je m'empressais d'emprunter à ma bibliothèque. Le chapitre V de Don Quichotte en France au XVIIe et XVIIIe siècle était titré Le Succès du livre (1609-1628) et Bardon consacrait quatre pages (57-60) à Jean Mosnier. Une planche de 11 x 16 cm, noir et blanc, reproduisait page 59 "L'aventure des moulins à vent", et un Appendice page 810-811 donnait la liste suivante :

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LISTE DES 34 TABLEAUX DE MOSNIER À CHEVERNY (MAURICE BARDON 1931).

"Ces tableaux n'ayant pas de titres, nous proposons les titres suivants. On remarquera que Jean Mosnier ne s'est pas astreint à suivre le cours du récit.

I. GALERIE DE LA SALLE À MANGER.

a) coté gauche.

1. Mort de don Quichotte. 

2. Ruse de Sancho qui frappe un arbre, à l'insu de don Quichotte.

3. Les marionnettes de Maître Pierre. 

4. L'aventure du Cheval de Bois.

5. L'examen des livres.

6. Don Quichotte, Maritorne et le muletier.

7. L'aventure des moulins à vent.

8. Le combat contre les outres . 

9. Don Quichotte discourant.

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b) coté droit.

10. Don Quichotte moulu de coups par un garçon muletier.
11. Pendant la veillée des armes dans l'hôtellerie, don Quichotte frappe un muletier.

12. Don Quichotte mis en travers sur l'âne de Sancho.

13. Rencontre de trois paysannes.

14. Chute de la paysanne que don Quichotte prend pour Dulcinée

15. Aux noces de Gamache, un cuisinier présente à Sancho une casserole pleine.
16. Sancho poursuivi par les marmitons.

17. Le gouverneur Sancho et le médecin Pedro Reccio.

18. L'aventure de la barque enchantée. 

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II.  SALLE À MANGER.

19. Dorothée et le barbier conduits à don Quichotte.

20. L'examen des blessures du Chevalier après sa première sortie.

21. Sancho retrouve son âne.

22. Visite de Sancho à Dulchinée.
23. Don Quichotte et Sancho accablés de coups de pierres par les galériens.
24. Don Quichotte ramené chez lui par un complaisant laboureur.

25. Peur de Sancho à la chasse.
26. Don Quichotte court sus à une armée... de moutons. 
27. La berne de Sancho.

28. Arrivée de Sancho à l'hôtellerie, lors de sa première visite.

29. Don Quichotte armé chevalier.

30. La veillée des armes.

31. Le souper de don Quichotte à l'hôtellerie.

32. Don Quichotte debout sur Rossinante, et le bras retenu à une lucarne par une ruse de Maritorne.

33. Le vol de l'âne.

34. Cardenio bat don Quichotte."

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Mon enquête avançait. Maurice Bardon n'était guère élogieux  sur le peintre ("l'artiste a de l'habileté, quelque aisance, mais point d'esprit, ni de fougue. Le dessin, presque toujours manque d'accent, de précision significative. ...plate et terne, aucune tache vibrante, deux tons seulement se distinguent, un rouge et un brun, appliqués d'ailleurs avec dureté...etc... ") mais reconnaît que  

"...son interprétation n'est point dépourvue d'exactitude et de vérité. Copiste fidèle [comprendre : "copiste" de l'écrivain], il est parvenu à camper un don Quichotte qui est bien celui de l'auteur espagnol. Grand, maigre, la lèvre supérieure barrée d'une forte moustache, la rondache au bras gauche, la lance tenue droite et par le haut, c'est une figure moins ridicule qu'imposante ; et il y a dans cette raideur inébranlable de l'attitude comme la marque d'un ferme vouloir, invincible assurément aux contrariétés du sort. Le respect de soi et la dignité, voilà ce qui ne fait pas absolument défaut au Chevalier du peintre blésois. Dans le fantoche, Jean Mosnier a vu par instant un homme."

Un éloge à souligner, car, vers les années 1620-1625, le héros passe pour l'archetype du cavallero espagnol maniaque, ridicule ou fou et "tous se gaudissent de cet épouvantail armé, nul ne l'estime, nul ne le comprend" (p.69).

Maurice Bardon donne indique aussi la présence de deux autres panneaux, et de deux inscriptions :

"Une trente-cinquième composition existe encore, mais a été enlevée de son emplacement primitif : nous avons pu la voir, sale et poudreuse, à l'orangerie du château, où elle attend sans doute qu'on lui fasse un sort plus honorable. Une trente-sixième enfin, qui ornait le manteau d'une cheminée, a disparu. L'érudit M. de la Saussaye, croit qu'elle représentait "les tombes de don Quichotte, de Sancho  et de Dulcinée". 

Deux cartouches, sur les cotés de la cheminée, offrent chacune une inscription en vers; mais quels pauvres vers et qui ne gardent de somptuosité et d'éclat que ceux de leurs lettres d'or ! Voici l'une de ces inscriptions : elle amusera plus par la gaucherie du tour que par l'évidente intention bouffonne :

ICY REPOSE DVLCINÉE,

QUI FVT BON GRÉ MALGRÉ LE SORT

DE GROSSE GARCE POTELÉE

REDVITTE EN CENDRE PAR LA MORT

 

COMME ELLE ESTOIT DE GRAND LIGNAGE
GRAND DAME ELLE PARVT AVSSI
ET FVT L'HONNEVR DE SON VILLAGE

ET DE QVIXOTTE LE SOUCY."

Ces "pauvres vers" sont tirés de la fin du Premier Livre de Don Quichotte, chapitre LII Reposa aquí Dulcinea; y, aunque de carnes rolliza, la volvió en polvo y ceniza la muerte espantable y fea.Fue de castiza ralea, y tuvo asomos de dama; del gran Quijote fue llama, y fue gloria de su aldea.)  et Cervantès est à l'origine de "l'intention bouffone" en tournant en dérision les épitaphes pompeux des romans de chevalerie. En outre, ils sont précédés, dans le roman, par les épitaphes de don Quichotte et de Sancho Pansa :

« Ci-gît le chevalier bien moulu et mal errant que porta Rossinante par voies et par chemins.

» Gît également près de lui Sancho Panza le nigaud, écuyer le plus fidèle que vit le métier d’écuyer. »

La seconde inscription, que La Saussaye néglige de citer textuellement, est  cette première épitaphe (cf. infra). 

Ce qui est intéressant aussi, c'est que la traduction citée ici est celle de César Oudin, datant de 1614. Il est donc probable qu'elle a été peinte par Jean Mosnier, alors que si elle avait été ajoutée plus tardivement, le commanditaire ou l'artiste aurait utilisé une traduction contemporaine de leur travail. Nous pouvons donc reconstituer le texte exact de la seconde inscription :

"Cy dessoubs gist un Chevalier / tres bien batu et mal allant / Qui fut porté par Rossinant / Voyageant en plus d'une sentier / Sancho Pansa ce lourd bastier / Est couché tout auprès de luy, / Seruiteur le plus seur appuy / Que ne fut oncques Escuyer."

 

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Maurice Bardon emprunte à Louis de la Saussaye (Blois et ses environs, 1862)  cette inscription de Dulcinée. Je me rends donc illico aux pages 357-358  de cet ouvrage, numérisé par archive.org et j'en apprends encore d'avantage :

 

"Une portion des tableaux qui représentaient les aventures de don Quichotte avait été placée par M. Guillot dans une salle basse du pavillon de l'Est. [ Cheverny a été  racheté au début du premier Empire par Julien Guillot, ancien filateur au Portugal, qui l'a cédé en viager à Anne-Victor Hurault, marquis de Vibraye en 1825]. 

Depuis, dans son intelligente restauration de Cheverny, M. de Vibraye en a décoré le large corridor qui, au rez-de-chaussée, conduit de l'escalier central aux appartements de l'aile droite. Mais, depuis, en continuant les travaux de restauration de cette partie du château, on a retrouvé la place qu'ils occupaient primitivement. La démolition des plafonds et des lambris modernes d'une grande salle ont fait apparaître ses vieilles poutrelles, avec leurs peintures, et une très belle cheminée de pierre, chargée des monogrammes des Hurault et décorée de pilastres, trophées et arabesques rehaussés d'or. Deux inscriptions rimées, en lettres d'or, dans des cartouches peints sur les côtés de cette cheminée, se rapportaient sans aucun doute à un tableau dont le cadre vide occupe le milieu du manteau. C'était l'épilogue de toute l'odyssée du héros de Cervantès : les tombes de don Quichotte, de Sancho et de Dulcinée. Il est probable que les autres tableaux, avec des inscriptions semblables, formaient les lambris des murailles dont la décoration était complétée par des tapisseries. Il suffira de citer une de ces inscriptions, dont la poésie ne valait pas la peinture qu'elles accompagnaient. ICY [...] SOVCY.

L'autre inscription, d'une poésie encore plus pauvre, forme l'épitaphe de l'ingenioso hidalgo et de son fidèle écuyer. "

 

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Fort de mon enquête précédente sur les lambris botaniques, je vais maintenant consulter le livre d'Anatole de Montaiglon, Les peintures de Jean Mosnier de Blois au chateau de Cheverny, 1850. Cet auteur cite  les Mémoires pour servir à l'histoire des Maisons Royalles et Bastiments de France d'André Félibien (1619-1695), (dont il publiera le texte en 1874 d'après le manuscrit de la Bnf daté de 1681) et ses Entretiens sur les vies et les ouvrages des plus excellents peintres (1666 ? ). Montaiglon écrit page 19 :

"Félibien parle de sujets de Don Quichotte par Mosnier. Il en existe encore quinze dans un cabinet du rez-de-chaussée, mais fort abîmés : les figurines en ont cinq à six pouces, et quand cette suite n'était pas perdue au milieu de la couleur blanche qui l'entoure et dont elle a sans-doute été recouverte, l'ensemble devait être fort plaisant. Une chose m'a frappé, c'est la ressemblance de son caractère général avec la grande suite si fameuse, si souvent reproduite par la gravure et la tapisserie même, et maintenant conservée au château de Compiègne, que Charles-Antoine Coypel a faite pour le duc d'Orléans et qu'on a tort de mépriser. [Tenture de Don Quicotte par Coypel de 28 tableaux peints entre 1716 et 1751] 

Cette lecture dispense de celle des Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux  de Chenevières-Pointel, qui recopie le texte de Montaiglon, sauf si on veut y lire la biographie complète de Jean Mosnier.

Enfin, dans ce chemin rétrograde vers les publications les plus anciennes, je termine par la description d'André Félibien de 1681:

 Les appartemens du rez de chaussée et du premier estage sont régulièrement et commodément distribuez par sales, chambres, cabinetz et garderobbes. Les cheminées et les dessus des portes sont remplis de tableaux la pluspart de la main de Jean Monier, de Blois, qui a aussy peint dans les panneaux du lambris d'une salle l'Histoire d'Astrée; dans ceux d'une des principales chambres l'Histoire de Dom Quichote et dans d'autres lieux différens sujets, le tout d'une manière fort agréable.

Le cycle de Don Quichotte occupait donc à l'origine "les panneaux du lambris" de l"une des principales chambres" du château. Le témoignage de La Saussaye permet de préciser que cette salle se trouvait au rez-de-chaussée, et était la grande antichambre qui fut transformée en Salle à Manger et en Galerie pour l'appartement de droite.

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Conclusion provisoire.

Si j'ai fait le tour des informations disponibles, je peux conclure que dans la série de 34 à 36 tableaux de Jean Mosnier sur don Quichotte, deux seulement ont été reproduits, en noir et blanc, en 1931 puis en 2005, qu'aucune étude approfondie n'en a été faite en langue française, ni en histoire de l'art, ni en critique littéraire, alors que cet ensemble est le premier corpus  iconographique du roman de Cervantes en France ou même en Europe et qu'il est un témoignage unique de la réception de cette œuvre. Étonnant, non ?

Un simple rappel : 

  • César Oudin a traduit la première partie du Don Quichotte en 1614.
  • La seconde partie du Don Quichotte est parue à Madrid en 1615 sous le titre Secunda Parte del Ingenioso  Cavallero Don Quixotte de la Mancha. 
  • La traduction française de cette seconde partie par François de Rosset est parue en 1618 : Seconde partie de l'histoire de l'ingenieux et redoutable chevalier, Dom-Quichot de la Manche.
  • A Cheverny, l'ancien bâtiment est rasé presque entièrement au début des années 1630  et l'on appella les artistes les plus en vue de la région pour les travaux : l'architecte Jacques Bougier , puis  le menuisier Hevras Hammerber, de 1629 à 1640,  pour les menuiseries intérieures, portes et croisées. La décoration picturale du château fut alors confiée à Jean Mosnier (1600-1656)  recommandé par Marie de Médicis et élève de l'École de Rome : il orna les poutres, lambris, solives et huisseries de dessins de fables et d'allégories ingénieuses. Les bâtiments étaient terminés en 1634, mais Henri Hurault et Marguerite Gaillard n'eurent guère le temps de profiter de leur somptueuse demeure : la comtesse mourut en 1635 et le comte en 1648. Les deux filles  héritèrent du domaine, mais, en 1654, Cécile-Élisabeth, marquise de Montglas depuis 1645, rachèta la part d'Anne-Marguerite, sa sœur, marquise d'Aumont. Elle poursuivit la décoration du château, à laquelle son père l'avait déjà largement associée de son vivant. (Wikipédia d'après Magdeleine Blancher-Le Bourhis, Le château de Cheverny, Paris, Henri Laurens, 1950). 

     

  •  Les peintures de Mosnier à Cheverny sont donc postérieures à 1630 et antérieures à 1656. Le créneau 1634-1640 semble admissible. Elles sont donc réalisées environ 16 ans à 22 ans après la parution de la traduction française du roman de Cervantes.


     

J'allais bientôt approfondir mes recherches et trouver un réconfort dans les travaux récents en langue espagnole, mais avant d'en dire plus et de révéler une prodigieuse surprise, ne laissons pas le lecteur, debout sur le pas de la porte de cet article et attendant qu'on lui serve à boire. Voici pour le rafraichir mes piètres photographies, dans le désordre où je les ai prises.

 

TREIZE PHOTOGRAPHIES DES TABLEAUX DE DON QUICHOTTE A CHEVERNY.

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Don Quichotte à terre après son attaque des moulins à vent. Don Quichotte I, VIII.

"...mais, au moment où il perçait l’aile d’un grand coup de lance, le vent la chasse avec tant de furie qu’elle met la lance en pièces, et qu’elle emporte après elle le cheval et le chevalier, qui s’en alla rouler sur la poussière en fort mauvais état.

 

Sancho Panza accourut à son secours de tout le trot de son âne, et trouva, en arrivant près de lui, qu’il ne pouvait plus remuer, tant le coup et la chute avaient été rudes."

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Don Quichotte et les moulins à vent, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Don Quichotte et les moulins à vent, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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La berne de Sancho Pansa : Don Quichotte I, XVII.

"La mauvaise étoile de l’infortuné Sancho voulut que, parmi les gens qui avaient couché dans l’hôtellerie, se trouvassent quatre drapiers de Ségovie, trois merciers de Cordoue et deux marchands forains de Séville, tous bons diables et bons vivants, aimant les niches et la plaisanterie. Ces neuf gaillards, comme poussés d’un même esprit, s’approchèrent de Sancho, le firent descendre de son âne, et l’un d’eux ayant couru chercher la couverture du lit de l’hôtesse, on jeta dedans le pauvre écuyer. Mais, en levant les yeux, ils s’aperçurent que le plancher du portail était trop bas pour leur besogne. Ils résolurent donc de sortir dans la basse-cour, qui n’avait d’autre toit que le ciel ; et là, ayant bien étendu Sancho sur la couverture, ils commencèrent à l’envoyer voltiger dans les airs, se jouant de lui comme on fait d’un chien dans le temps du carnaval"

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Cette brimade, qui n'a rien de drôle est  connue sous le nom de berne (à l'origine, Rabelais 1534, "manteau de femme", mais aussi "van, crible", d'où "berner"). Elle a peut-être été observée par Cervantes à Séville appliquée aux chiens  : voir  le tableau El Pelele de Goya, et mon article 

http://www.lavieb-aile.com/2015/04/hoefnagel-et-la-naissance-de-la-tauromachie-a-seville-la-vue-de-seville-de-1598.html

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La berne de Sancho Pansa, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

La berne de Sancho Pansa, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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Don Quichotte arrivant à l'auberge (?)

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Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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Les marionnettes de Maître Pierre. Don Quichotte II,  Chapitre XXVI

"Quand Don Quichotte vit toute cette cohue de Mores, et entendit tout ce tapage de fanfares, il lui sembla qu’il ferait bien de prêter secours à ceux qui fuyaient. Il se leva tout debout, et s’écria d’une voix de tonnerre : « Je ne permettrai jamais que, de ma vie et en ma présence, on joue un mauvais tour à un aussi fameux chevalier, à un aussi hardi amoureux que Don Gaïferos. Arrêtez, canaille, gens de rien, ne le suivez ni le poursuivez, ou sinon je vous livre bataille. » Tout en parlant, il dégaina son épée, d’un saut s’approcha du théâtre, et avec une fureur inouïe, se mit à faire pleuvoir des coups d’estoc et de taille sur l’armée moresque des marionnettes, renversant les uns, pourfendant les autres, emportant la jambe à celui-là et la tête à celui-ci. Il déchargea entre autres un fendant du haut en bas si formidable, que, si maître Pierre ne se fût baissé, jeté à terre et blotti sous ses planches, il lui fendait la tête en deux, comme si elle eût été de pâte à massepains. Maître Pierre criait de toutes ses forces : « Arrêtez, seigneur Don Quichotte, arrêtez ; prenez garde que ceux que vous renversez, tuez et mettez en pièces ne sont pas de véritables Mores, mais des poupées de carton ; prenez garde, pécheur que je suis ! que vous détruisez et ravagez tout mon bien. » Malgré cela, Don Quichotte ne cessait de faire tomber des estocades, des fendants, des revers, drus et serrés comme s’il en pleuvait. Finalement, en moins de deux credo, il jeta le théâtre par terre, ayant mis en pièces menues tous ses décors et toutes ses figures, le roi Marsilio grièvement blessé et l’empereur Charlemagne avec la couronne et la tête en deux morceaux. "

 

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Don Quichotte contre les marionnettes de maître Pierre, XIXe siècle, château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Don Quichotte contre les marionnettes de maître Pierre, XIXe siècle, château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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Don Quichotte et Sancho Pansa volent sur Clavileñe, Don Quichotte II chapitre XLI.

La Doloride explique qu’afin que don Quichotte et Sancho puissent se rendre dans le royaume de Candaye pour « éprouver » cette aventure, Malambruno a promis de leur envoyer Chevillard, une monture volante, douée de pouvoirs magiques. Ce cheval de bois, qu’ils sont censés diriger à l’aide d’une cheville qu’il porte au front, pourra en effet les conduire en quelques instants dans ce lointain royaume. La nuit venue, on avertit don Quichotte et Sancho de l’arrivée de Clavilèñe (« Chevillard ») , sur lequel ils doivent voyager les yeux bandés, afin d’éviter les étourdissements dus au voyage aérien. À peine cette nouvelle mascarade est-elle commencée que des domestiques du duc et de la duchesse se mettent à éventer don Quichotte et Sancho – qui se croient dans les airs – avec de grands soufflets. Par une série d’artifices, on fait croire à don Quichotte qu’il traverse la région des grêles et des neiges, puis la région du feu, sous les yeux amusés du duc, de la duchesse et de leurs domestiques. Enfin, l’explosion soudaine de fusées et de pétards effraie le maître et l’écuyer, qui tombent du cheval. Ils trouvent alors un parchemin qui annonce le succès de l’aventure. : 

 

 

"Enfin on leur banda les yeux, et Don Quichotte, se trouvant placé comme il devait être, tourna la cheville. À peine y eut-il porté la main, que toutes les duègnes et le reste des assistants élevèrent la voix pour lui crier tous ensemble : « Dieu te conduise, valeureux chevalier ; Dieu t’assiste, écuyer intrépide. Voilà que vous vous élevez dans les airs en les traversant avec plus de rapidité qu’une flèche ; voilà que vous commencez à surprendre et à émerveiller tous ceux qui vous regardent de la terre. Tiens-toi bien, valeureux Sancho, ne te dandine pas, prends garde de tomber ; ta chute serait plus terrible que celle du jeune étourdi qui voulut conduire le char du soleil son père. » Sancho entendit ces avertissements, et, se serrant près de son maître qu’il étreignait dans ses bras, il lui dit : « Seigneur, comment ces gens-là disent-ils que nous volons si haut, puisque leurs paroles viennent jusqu’ici, et qu’on dirait qu’ils parlent tout à côté de nous ? — Ne fais pas attention à cela, Sancho, répondit Don Quichotte ; comme ces aventures et ces voyages à la volée sortent du cours des choses ordinaires, tu verras et tu entendras de trois mille lieues tout ce qu’il te plaira. Mais ne me serre pas tant, car tu m’étouffes ; et vraiment je ne sais ce qui peut te troubler, ni te faire peur ; pour moi j’oserais jurer que de ma vie je n’ai monté une monture d’une allure plus douce. On dirait que nous ne bougeons pas de place. Allons, ami, chasse ta frayeur ; les choses vont en effet comme elles doivent aller, et nous avons le vent en poupe. — C’est pardieu bien la vérité ! répliqua Sancho ; car, de ce côté-là, il me vient un vent si violent qu’on dirait que mille soufflets me soufflent dessus. »

Sancho disait vrai ; de grands soufflets servaient à lui donner de l’air. L’aventure avait été si bien disposée par le duc, la duchesse et leur majordome, que nulle condition requise ne lui manqua pour être parfaite. Quand Don Quichotte se sentit éventer : « Sans aucun doute, Sancho, dit-il, nous devons être arrivés à la seconde région de l’air, où s’engendrent la grêle et la neige. C’est dans la troisième région que s’engendrent les éclairs et les tonnerres, et si nous continuons à monter de la même façon, nous arriverons bientôt à la région du feu. En vérité, je ne sais comment retenir cette cheville, pour que nous ne montions pas jusqu’où nous soyons embrasés. »

En ce moment, on leur chauffait la figure avec des étoupes faciles à enflammer et à éteindre, qu’on leur présentait de loin au bout d’un long roseau. Sancho ressentit le premier la chaleur. « Que je sois pendu, s’écria-t-il, si nous ne sommes arrivés dans le pays du feu, ou du moins bien près, car une partie de ma barbe est déjà roussie ; et j’ai bien envie, seigneur, de me découvrir les yeux pour voir où nous sommes."

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Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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L'inventaire de la bibliothèque de don Quichotte. Don Quichotte, I, chapitre VI. 

Craignant une nouvelle rechute de don Quichotte, due à ses mauvaises lectures, la nièce et la gouvernante du Cavallero  appellent à la rescousse le curé et le barbier, qui se proposent d’expurger la riche bibliothèque du gentilhomme pendant que celui-ci, plongé dans un profond sommeil, se remet de ses blessures. Ce chapitre donne lieu à des commentaires à la fois esthétiques et éthiques sur les œuvres de divertissement en vogue en Espagne dans la seconde moitié du xvie siècle, en particulier les romans de chevalerie (Amadis, Bélianis, Palmerins, etc.). L’examen de la bibliothèque de l’hidalgo se termine par l’adoption d’une solution radicale : la plupart de ses livres sont brûlés et la porte d’entrée de sa bibliothèque murée, ce que don Quichotte attribue, à son réveil, à la malice l’enchanteur Friston, son ennemi.

   "Le curé demanda à la nièce les clefs de la chambre où se trouvaient les livres, auteurs du dommage ; et, de bon cœur, elle les lui donna. Ils entrèrent tous, la gouvernante à leur suite, et ils trouvèrent plus de cent gros volumes fort bien reliés, et quantité d’autres petits. Dès que la gouvernante les aperçut, elle sortit de la chambre en grande hâte, et revint bientôt, apportant une écuelle d’eau bénite avec un goupillon. « Tenez, seigneur licencié, dit-elle, arrosez cette chambre, de peur qu’il n’y ait ici quelque enchanteur, de ceux dont ces livres sont pleins, et qu’il ne nous enchante en punition de la peine que nous voulons leur infliger en les chassant de ce monde. » Le curé se mit à rire de la simplicité de la gouvernante, et dit au barbier de lui présenter ces livres un à un pour voir de quoi ils traitaient, parce qu’il pouvait s’en rencontrer quelques-uns, dans le nombre, qui ne méritassent pas le supplice du feu. « Non, non, s’écria la nièce ; il n’en faut épargner aucun, car tous ont fait le mal. Il vaut mieux les jeter par la fenêtre dans la cour, en faire une pile, et y mettre le feu, ou bien les emporter dans la basse-cour, et là, nous ferons le bûcher pour que la fumée n’incommode point. » 

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L'inventaire de la bibliothèque, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

L'inventaire de la bibliothèque, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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La mort de don Quichotte. Don Quichotte II chapitre LXXIV.

 

"Enfin la dernière heure de Don Quichotte arriva, après qu’il eut reçu tous les sacrements, et maintes fois exécré, par d’énergiques propos, les livres de chevalerie. Le notaire se trouva présent, et il affirma qu’il n’avait jamais lu dans aucun livre de chevalerie qu’aucun chevalier errant fût mort dans son lit avec autant de calme et aussi chrétiennement que Don Quichotte. Celui-ci, au milieu de la douleur et des larmes de ceux qui l’assistaient, rendit l’esprit je veux dire qu’il mourut. Le voyant expiré, le curé pria le notaire de dresser une attestation constatant qu’Alonzo Quijano-le-Bon, appelé communément Don Quichotte de la Manche, était passé de cette vie en l’autre, et décédé naturellement, ajoutant qu’il lui demandait cette attestation pour ôter tout prétexte à ce qu’un autre auteur que Cid Hamet Ben-Engeli le ressuscitât faussement, et fît sur ses prouesses d’interminables histoires." 

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Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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Rencontre de trois paysannes. Don Quichotte II, chapitre X.

 

 

"Tout se passa si bien, que lorsqu’il se leva pour remonter sur le grison il aperçut venir du Toboso trois paysannes, montées sur trois ânes, ou trois ânesses, car l’auteur ne s’en explique pas clairement ; mais on peut croire que c’étaient plutôt des bourriques, puisque c’est la monture ordinaire des paysannes, et, comme ce n’est pas un point de haut intérêt, il est inutile de nous arrêter davantage à le vérifier. Finalement, dès que Sancho vit les paysannes, il revint au trot chercher son seigneur Don Quichotte, ... "

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Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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La veillée des armes. Don Quichotte, I, chapitre III. 

 

La veillée des armes, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

La veillée des armes, Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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Don Quichotte et Sancho Pansa accablés de coups de pierre par les galériens que le chevalier a libéré. Don Quichotte I chapitre XXII

"La confusion devint alors si grande, que les gardiens, tantôt accourant aux forçats qui se détachaient, tantôt attaquant Don Quichotte, dont ils étaient attaqués, ne firent enfin rien qui vaille. Sancho aidait de son côté à délivrer Ginès de Passamont, qui prit le premier la clef des champs ; et celui-ci, dès qu’il se vit libre, sauta sur le commissaire abattu, lui prit son épée et son arquebuse, avec laquelle, visant l’un, visant l’autre, sans tirer jamais, il eut bientôt fait vider le champ de bataille à tous les gardes, qui échappèrent, en fuyant, aussi bien à l’arquebuse de Passamont qu’aux pierres que leur lançaient sans relâche les autres galériens délivrés."

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Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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Sancho retrouve son âne. Don Quichotte I, chapitre XXX.

"Sancho le vit et le reconnut, et, dès qu’il l’eut vu et reconnu, il se mit à lui crier à plein gosier : « Ah ! voleur de Ginésille, laisse mon bien, lâche ma vie, descends de mon lit de repos, rends-moi mon âne, rends-moi ma joie et mon orgueil ; fuis, garnement ; décampe, larron, et restitue ce qui n’est pas à toi. » Il ne fallait ni tant de paroles, ni tant d’injures ; car, au premier mot, Ginès sauta par terre, et prenant un trot qui ressemblait fort au galop de course, il fut bientôt loin de la compagnie. Sancho courut à son âne, l’embrassa et lui dit : « Eh bien, comment t’es-tu porté, mon enfant, mon compagnon, cher grison de mes yeux et de mes entrailles ? » Et, tout en disant cela, il le baisait et le caressait comme si c’eût été une personne raisonnable. L’âne se taisait, ne sachant que dire, et se laissait baiser et caresser par Sancho, sans lui répondre une seule parole."

Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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Sancho Pansa après le vol de son grison.

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Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

Jean Mosnier, 34 huiles sur bois (vers 1630-1640), château de Cheverny, photographies lavieb-aile.

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UNE PRODIGIEUSE SURPRISE.

 

Plaçons, comme le Petit Poucet, les cailloux blancs du chemin que j'ai ensuite parcouru : les auteurs espagnols, puis un auteur italien.

1°) J'ai d'abord trouvé un texte de Margarita Torrione , L'Espagne dans l'éducation des enfants de France, paru en 2009 dans son ouvrage coécrit avec Gérard Sabatier ¿ Louis XIV espagnol ?: Madrid et Versailles, images et modèlesLes Editions de la MSH, 10 sept. 2009 - 341 pages. Je lis  page 283 que cette auteure avait obtenu l'autorisation du marquis de Vibraye de photographier les panneaux de Don Quichotte à Cheverny et que les clichés étaient reproduits dans « El Quijote en la educación de Felipe V / Don Quixote in Philip V’s education »dans le catalogue de l'exposition  Don Quijote. Tapices españoles del siglo XVIII / Don Quixote. 18th Century Spanish tapestries, catalogue bilingue de l’exposition, Meadows Museum (Dallas) et Museo de Santa Cruz (Tolède). Madrid, Ministerio de Cultura, Ministerio de Asuntos Exteriores, SEACEX, 2005, pages 89-118. Version électronique du catalogue : http://www.seacex.es/catalogo.cfm?idExposicion=195 ". Mais le lien indiqué n'était plus valide. En outre, cinq panneaux (illustration 32 à 36) sont reproduits dans ¿ Louis XIV espagnol ?: Madrid et Versailles .

 2°) J'ai ensuite appris que l'édition commémorative du 400e anniversaire de la parution du tome II, en 2015 aux éditions Catedra, était illustrée par les tableaux de Jean Mosnier ; cet ouvrage n'est plus disponible à l'achat, mais j'en ai eu communication par Prêt-inter-bibliothèque. Il témoigne avec force de l'importance donnée désormais par les spécialistes espagnols aux illustrations de Mosnier. Don Quichotte contre les marionnettes figure en couverture. Mais le volume lui-même ne contient que des photos en noir et blanc, de 110 x 73 mm, certes prises sans la vitre de verre, mais néanmoins de piètre qualité. Elles ont été prises par "Charles Davis", sans autre indication.

 El Ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha / Miguel de Cervantes ; edición de John Jay Allen ; con ilustraciones de Jean Mosnier / Edición conmemorativa / Madrid : Cátedra , 2015,  Idref Sudoc 185071368 : 

 3°) En 2005, Maria Felguera a reproduit (en noir et blanc) le panneau "Chute de la paysanne que don Quichotte prend pour Dulcinée" (Caida de la aldeana que don Quijote toma por Dulcinea)  dans son ouvrage Quijotes pintados en los siglos XVII y XVIII, Alcala de Henares. https://www.academia.edu/25531211/Quijotes_pintados_en_los_siglos_XVII_y_XVIII.

 

 

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4°) Lançant comme des S.O.S ou comme des dés les mots Mosnier ou Monier associés à Quichotte, Quixotte ou Cervantes sur le moteur de recherche, je recherchais des images diffusées en ligne. J'obtenais ceci :

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4 images de Serge Grolleau

http://serge.grolleau.pagesperso-orange.fr/Chateau%20de%20Cheverny/Chateau%20de%20Cheverny.htm

 

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http://www.windoweb.it/guida/letteratura/Cervantes/Cervantes_illustratori.htm

 

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http://www.papelenblanco.com/novela/catedra-publica-una-nueva-edicion-conmemorativa-de-don-quijote

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http://unpaseoporlaislaverde.blogspot.fr/2015/06/don-quijote-en-la-pintura.html

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http://www.allposters.com/-sp/Scenes-from-Don-Quixote-Painted-Panels-Detail-Posters_i9423327_.htm

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https://www.h-net.org/~cervantes/csa/artics91/lore.htm

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5°)  j'allais bientôt découvrir cette bombe sous la plume de Roger Chartier (2010):

 

"Grâce à un minutieux travail d’archive, Gabriele Quaranta a pu resituer les tableaux dans l’architecture ancienne du château (aujourd’hui transformée), il les a replacés au sein d’un ambitieux et complexe programme iconographique littéraire qui s’est emparé aussi de l’Astrée, des Ethiopiques de Héliodore, du poème de Venus et Adonis dans une version de Puget de la Serre et du mythe de Persée et Andromède, et il leur a restitué leur correcte datation : seulement treize des tableaux subsistant datent du XVIIe siècle et ont été peints par Jean Mosnier ou son atelier dans les années 1630-40, les vingt-trois autres ayant été peints au XIXe siècle pour compléter la série."

Quoi ? Pas possible !

 

Par chance, la thèse de Gabriele Quaranta,  était disponible sur internet, avec sa partie iconographique. Deux articles étaient également publiés. Encore fallait-il lire l'italien ! 

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LA THESES DE GABRIELE QUARANTA : SES TRAVAUX SUR JEAN MOSNIER À CHEVERNY (CHAPITRE V).

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Gabriele Quaranta, né en 1977, a soutenu en 2003 un mémoire de maîtrise sous la direction de Claudia Cieri Via à l’université La Sapienza intitulé Il Palazzo Gallio in Alvito. Architettura, decorazione, committenza publié en 2003 sous le titre Bagliori dal passato. Il Palazzo Gallio in Alvito e i suoi dipinti tassiani à Rome aux éditions Bardi. En 2008 il a obtenu le diplôme de la Scuola di Specializzazione in Storia dell’Arte (Sapienza Università di Roma), en soutenant la thèse La ‘Gerusalemme Smantellata’. Un palazzo nobiliare romano e un ciclo tassiano del Seicento travolti dalle demolizioni del Ventennio, sous la direction de Claudia Cieri Via.

La même année 2008,  il a obtenu aussi une bourse de recherche au Collège de France * avec un projet sur les tableaux du Don Quichotte au château de Cheverny. (*  Bourse de Recherche de la Compagnia di San Paolo, au Collège de France en 2008, au ministère de l'Écrit et cultures Dans l'Europe moderne sous la direction de M. R. Chartier et de M. C. Ossola. )

 

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Les premiers résultats ont été publiés dans l’essai « Pagine e immagini : le ekphraseis di Marc-Antoine Gérard de Saint-Amant e di Adrien de Monluc e gli esordi figurativi del Quijote nei dipinti di Jean Mosnier a Cheverny », RolSA, 12, 2010, p. 55-76, et un livre est en préparation.

Il a soutenu en juin 2013 sa thèse de doctorat intitulée L’Arte del Romanzo. Temi letterari nella pittura francese del Seicento (dal regno di Enrico IV alla reggenza di Anna d’Austria), sous la direction de Mme Claudia Cieri Via et Mme Colette Nativel consacrée à la présence des sujets littéraires dans les grandes décorations royales et aristocratiques de la première moitié du XVIIe siècle. (L'Art du Roman. Peintures à sujet littéraire en France au XVIIe siècle (du règne d'Henri IV à la régence d'Anne d'Autriche).

https://ecm.univ-paris1.fr/nuxeo/site/esupversions/5a91e248-a7e2-4820-8f83-2271c031af03

 Elle se propose d'étudier  l'apparition d'un certain nombre de décorations à thème littéraire dans les maisons aristocratiques françaises pendant la période du règne de Henri IV au début de la régence d'Anne d'Autriche, en se concentrant en particulier dans les années entre 1620 et 1640. La littérature critique a montré l'importance de certains thèmes d'œuvres littéraires sous le patronage de Henri IV et Marie de Médicis: la Franciade de Ronsard, les Éthiopiques d'Héliodore (Théagène et Chariclée) , la Jérusalem délivrée du Tasse,   le Berger Fidèle de Guarini. Au cours des mêmes années, avec des œuvres telles que L'Astrée ou Don Quichotte et beaucoup d'autres, la «romance» commençait à se positionner comme un genre littéraire indépendant, destiné à devenir un véritable espace de représentation - et même aussi de formation et de réflexion - de la société et de la culture de l'Europe moderne. En fait, même les héros épiques, qui s'imposèrent d'eux-mêmes en tant que protagonistes de la peinture, mais aussi du monde du théâtre, des Ballets de Cour, des tragédies, et des tragi-comédie, ont été relues et représentés dans un mode toujours plus explicitement propre au "roman". Les arts ont participé ensuite, avec leurs instruments, à ce développement, ce qui est l'un des «nœuds» fondamentaux de notre histoire culturelle. A partir du cas des décorations à thème littéraire, le but ultime de cette recherche est donc la reconstruction de plusieurs ouvrages décoratifs, les différentes «lectures» que les peintres et les patrons faisaient des textes en les mettant en image, ainsi que l'étude de les relations entre mécénat artistique,  mécénat littéraire et, plus généralement, les liens entre la culture et la peinture.

 Elle comporte 5 parties et un épilogue. A très grand traits, la première étudie la Chambre Ovale de Fontainebleau (Heliodore), la deuxième le Cabinet de Marie de Médicis consacré à Tancrède et Clorinde (Jérusalem délivrée) à Fontainebleau, la troisième encore Le Tasse, Guarini et Héliodore, le cycle de l'Arioste du château de Effiat, le Château de Chessy de Jean de Fourcy et l'histoire de Renaud et Armide par Simon Vouet, le château de Chenailles, et les peintures de Mosnier de  Persée et Théagène et Chariclée dans la Chambre du Roi de Cheverny. 

La cinquième partie traite presque entièrement des autres œuvres de Mosnier à Cheverny, et étudie avec soin les tableaux de Don Quichotte. Elle comporte 8 sous-chapitres. 

—V1 : le cycle donquichottesque de Cheverny: "un incunables et une énigme". pages 252-254.

—V-2 Dans les plis de l'histoire: les événements du château de Cheverny et la famille Hurault . 1. Un château de roman, un château de bande dessinée; 2. D'un château; 3.Uralinde dans le grand monde parisien; 4.A mariage «réparation»; 5. Années incertaines; 6.Nicolas Dufort: une nouvelle vie pour Cheverny; 7. Retour dans la famille. Pages 255-274.

—V-3 Presque un chemin à rebours: une Salle  "Don Quichotte". Pages 275-282.

—V-4 pages 283 Une autre parabole : le parcours de Jean Mosnier, peintre. 1.Aventure la critique d'un peintre «provincial»; 2.Dans Blois à Rome, de Paris à la Loire: notes sur Jean Mosnier

—V-5 Par Don Quijote à Don Quichotte: le temps et la méthode de cycle de cervantino de Cheverny. 1.In le cycle actuel du XVIIe siècle; 2. Pages et murs; 3. Les peintures de Jean Mosnier; chisciottesche 4.Costruzioni; 5.A place pour Quixote

—V-6 : Le Chevaliers de châteaux perdus. 1.Sontuose, décorations burlesques (1): l'ekphrasis donquichottesque Adrien de Monluc; 2. Somptueux, décorations burlesques (2): l'ekphrasis donquichottesque Antoine Gérard de Saint-Amant; 3. Mythe et Romance: un voyage à travers des thèmes décoratifs de La Chambre du Desbauché Le Palais de la Volupté; 4. Encore un complot littéraire: dispersés Célébrations de l'Amour, parmi les emblèmes de Otto Vaenius et les vers de Tristan l'Hermite; iv

— V-7 Un château trouvé. 1.Riscrittura le mythe. Par Giambattista Marino Jean Puget de la Serre: sources pour le cycle Vénus et Adonis dans la Salle des Gardes; 2. L'Astrée, ou de la perte comme destin;

V-8: romans croisés. 1. Un fragment pour résumer: le triomphe sur la Fortune à Blois, ou la version des événements selon Henri Hurault; 2. "Sur les et les bastiments yssues du Chasteau de Cheverny, en 1633 ': même ôde célébration pour Henri Hurault; 3. Une maison de textures peintes: Marinistes chevaliers, échos libertins

 

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Mes découvertes à la lecture de la thèse de G. Quaranta.

Je tente une traduction improvisée de quelques pages de la thèse de G. Quaranta alors que j'ignore tout de la langue dans laquelle elle est écrite : on prendra donc ce qui suit avec crconspection, et l'auteur voudra bien me pardonner toutes les incompréhensions que j'ai pu commettre. On se reportera au texte disponible en ligne. 

Actuellement, chacun sait que ce sont  trente-quatre peintures du cycle Don Quichotte qui décorent  les murs de la Galerie et la Salle à Manger du château de Cheverny. Mais leur arrangement aléatoire, au mépris de l'ordre de la narration, étonne d'emblée le visiteur, surtout lorsqu'il découvre, immédiatement à la gauche de l' entrée dans la Galerie, la scène de la Mort de don Quichotte. 

Cette exposition inhabituelle s'explique lorsqu'on apprend que la série actuelle  est la dernière d'une série de re-mises en scène, ce qui nous donne sensiblement un "nouveau cycle" et autonome, qui est le résultat de l'intégration de 11 peintures du XVIIe siècle créées par Jean  Mosnier pour Henri Hurault vers 1635,  avec 23 peintures d'un anonyme dans les années 1860, créées lors de la rénovation des deux pièces de l'appartement du rez-de-chaussée.

Autrement dit, alors que les guides nous annoncent 34 peintures de Jean Mosnier, les 2/3 sont du XIXe siècle ; d'autre part, bien qu'après un parcours rocambolesque les peintures anciennes se retrouvent aujourd'hui à l'endroit où elles se trouvaient au XVIIe siècle, les lieux ont complètement changés de disposition, et de décor : la décoration actuelle, avec ses cuirs de Cordoue, date également des années 1860 dans un style mi "espagnol", mi "Ancien Régime".

Bref historique du château :

  a)  Il ne reste de l'ancienne bâtisse construite en 1490-1510 par Jacques puis Raoul Hurault qu'un dessin du père Étienne Martellange, qui visite la région en 1624–1625, mais dont la précision n'est pas confirmée, et quelques rares vestiges dans le bâtiment des communs : mi forteresse, mi château de plaisance, le bâtiment rappelle l'aile Louis XII du château de Blois avec ses longs pavillons bas flanqués de tours, tourelles et poivrières, avec un grand pavillon carré au toit à la française. (Wikipédia)

b)  Henri Hurault  succéda à son père Philippe en 1599 et devint  comte de Cheverny. 

Cet Henri Hurault est  celui qui, étant au service du roi Henri IV à la tête d'une centaine d'hommes d'armes, et suivant son roi à la cour, avait laissé son épouse Françoise Chabot seule en son château de Cheverny. La rumeur de l' infidélité de cette dernière finit par gagner la cour, et , un jour que le comte Hurault est au Louvre, auprès d'Henri IV, ce dernier, passant derrière lui, pointe deux doigts en corne derrière sa tête, provoquant l'hilarité de tous les courtisan ; mais un petit miroir fait apercevoir au comte qu'il est l'objet de ces moqueries. Le 26 janvier 1602, sans dire mot, il regagne à franc étrier, aux premières heures du matin, son château de Cheverny surprend un page qui s'enfuit par la fenêtre de la chambre, et assassine sa femme. Le roi l'apprend mais, bien que se sentant coupable, condamne le comte à demeurer sur ses terres de Cheverny.  Deux années plus tard, Henri Hurault se remarie avec Marguerite Gaillard de la Morinière. Après trois ans d'exil, le comte de Cheverny est rappelé au service du roi, laissant son épouse aux soins de la demeure et lui abandonnant le revenu. Celle-ci, selon la légende, mène seule l'élévation d'un nouveau château.  Une nouvelle demeure, est créée en lieu et place de la forteresse passée de mode et marquée par la tragédie.  André Félibien écrit que, "«Henry Hurault, son fils, héritier des ses principales terres et des ses gouvernements, fist démolir une partie des anciens bastimens du Chasteau de Chiverny, n’en ayant réservé ce que l’on voit dans la Cour, à main gauche en entrant, et les deux Tours qui sont aux costez de la porte».  L'ancien bâtiment est rasé presque entièrement au début des années 1630 et l'on appelle les artistes les plus en vue de la région pour les travaux : l'architecte Jacques Bougier, dit « Boyer de Blois» par Félibien, très en renom dans le Blaisois, et qui a travaillé sur une aile du château de Blois. 

 

Les dates de construction sont cruciales pour déterminer la date des peintures de Jean Mosnier. A. Félibien écrit "«ce fut environ l’an 1634 qu’il commença à faire bastir le grand corps de logis qui fait face sur la cour et sur le parterre. Un nommé Boyer, de Blois, en fut l’architecte» " En fait, 1634 est la date qui apparaît dans le cartouche sculpté sur la premiere volée de l'escalier principal - où Félibienl' a probablement vu - et marque plutôt une phase terminale du site de construction. Il a été déterminé que le travail doit avoir été effectué pour la plupart entre 1625 et 1629: alors que, en 1624, le père Martellange pouvait encore voir  le vieux manoir intact, en 1629 le sculpteur Evras Hammerber de Blois est documenté  pour "faire les croisées du sieur du comte de Cheverny". Cependant, le château semble déjà fini et même décoré dans une ode anonyme célébrant  le château et intitulée Sur les bastiments et  yssues du Chasteau de Cheverny, en 1633, conservé dans le manuscrit Ms.Fr 12491 de la Bibliothèque Nationale de France à Paris  ff 131-132. Mais en 1635, une livraison de pierre est attestée pour les travaux du comte Hurault. 

La grande antichambre décorée par le cycle de Don Quichotte  occupait toute la largeur du pavillon médian droit et était éclairée par six fenêtres, trois coté cour et trois coté jardin ; elle disposait d'une cheminée sur le mur oriental. Elle fut aménagée en Salle de spectacle (théâtre) au printemps 1765 par Nicolas Dufort de Saint-Leu, et un nouveau lambris fut posé. Un autre ré-aménagement de la pièce survint lors de la mise en œuvre de logements entre 1808 et 1825 par la famille Guillot. La division en deux chambres séparées a entrainé la dissimulation de l'ancien plafond à poutres et solives et de la cheminée monumentale, qui seront re-découverts une cinquantaine d'années plus tard. Toutefois, à ce moment, le cycle donquichottesque semble  déjà séparé de son environnement d'origine, puisque les quinze panneaux survivants ont été réorganisés dans l'un des cabinets adjacents, où  à la fois Anatole de Montaiglon (1850) et De La Saussaye,  vont les voir.  

La datation de création des panneaux de Quichotte par Jean Mosnier retenue par G. Quaranta est donc : "vers 1635". Mais pourquoi le peintre n'aurait-il pas été appelé à décorer la Salle plus tardivement que lors de la fin de sa construction ? André Félibien les a décrits en 1668 dans ses Entretiens, et le peintre Mosnier, né en 1600 est mort en 1656. 

 

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André Félibien, Pl. XXIV, Veüe du chasteau de Chiverny du costé de la cour, 1681, "Mémoires pour servir à l'histoire des Maisons royalles et Bastiments de France", conservé au château de Cheverny, Bnf Gallica.

André Félibien, Pl. XXIV, Veüe du chasteau de Chiverny du costé de la cour, 1681, "Mémoires pour servir à l'histoire des Maisons royalles et Bastiments de France", conservé au château de Cheverny, Bnf Gallica.

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Plan du rez-de-chaussée au XVIIe siècle reconstitué par G. Quaranta (reproduit avec son aimable autorisation).

Plan du rez-de-chaussée au XVIIe siècle reconstitué par G. Quaranta (reproduit avec son aimable autorisation).

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Plan du premier étage au XVIIe siècle, reconstitué par G. Quaranta, (reproduit avec son aimable autorisation).

Plan du premier étage au XVIIe siècle, reconstitué par G. Quaranta, (reproduit avec son aimable autorisation).

 

 

 

I. Les 23 peintures du XIXe siècle.

Un peintre a été chargé vers 1860 par le marquis de Vibraye de participer à la reconstitution du décor original en complétant les panneaux de Jean Mosnier rescapés des changement d'affectation des lieux avec d'autres panneaux de style semblable représentant les scènes du Don Quichotte non représentées.  Bien qu'il se soit efforcé de rester dans la continuité de son prédécesseur, ses peintures sont facilement reconnaissables, de style plus rude et plus sec, peu enclin au raffinement expressif, privilégiant le clair-obscur.

Gabriele Quaranta a démontré que tous les panneaux du XIXe siècle   proviennent de deux sources éditoriales bien définies.

  1) Quatre panneaux influencés par Coypel.

Quatre d'entre eux sont inspirées des gravures publiées dans Les Principales avantures de l’admirable Don Quichotte,  (La Haye 1746), l'une des éditions les plus célèbres du XVIIIe siècle, illustrée avec des gravures par Fokke, Picard, V. Schley et Tanjé, tirées des œuvres de plusieurs peintres ( Boucher, Cochin, Coypel, Lebas, Picart et Trémolières )  et, en particulier, une série de modèles pour les tapisseries que Charles Coypel avait fait pour la Manufacture des Gobelins. 

Les Principales avantures de l'admirable Don Quichotte, représentées en figures par Coypel, Picart le Romain et autres habiles maîtres, avec les explications des 31 planches de cette magnifique collection tirées de l'original espagnol de Miguel de Cervantès ,  Pierre de Hondt (La Haye) 1746 . Bnf Français Gr. in-4° , VIII-332 p. et pl., texte avec encadrement ,Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES-Y2-268 

On se souvient qu'en 1850, Anatole de Montaiglon, dans l'extrait que j'ai donné de sa visite, avait été frappé par "la ressemblance de son caractère général avec celui de la grande suite si fameuse, si souvent reproduite par la gravure et la tapisserie même, et maintenant conservée au château de Compiègne, que Charles-Antoine Coypel a faite pour le duc d’Orléans et qu’on a grand tort de mépriser". Parmi les 15 panneaux qu'il a examiné, certains étaient-ils déjà inspirés par les gravures selon Coypel  et qui dataient du XVIIIe ?

[Note personnelle. 

G. Quaranta compte 11 panneaux du XVIe siècle, et 4 panneaux d'après Coypel, soit un total de 15,  correspondant au nombre de panneaux observés par Montaiglon.  Nous ignorons quand ont été peints ces 4 panneaux, qui ont pu l'être dès les premiers cartons de Coypel au début du XVIIIe, soit vers 1740 sous la même influence qui incita Grimod-Dufort à commander à Natoire un cycle du Quichotte, soit dans la première moitié du XIXe lorsque les cartons (des huiles sur toile) de Coypel puis ceux de Natoire furent conservés et exposés à Compiègne. D'où les éléments suivants :

Les tableaux de Coypel ( Paris, 1694 - id., 1752,  qui fut protégé du Roi et de la famille d’Orléans, Directeur [Conservateur] des dessins et estampes du Roi, Directeur de l’Académie Royale de peinture)  illustrant l’histoire de Don Quichotte sont peints entre 1715 et 1735.  L’artiste exécuta le premier carton de cette série en 1715-1716. Il en produisit 24 jusqu’en 1727, dans un ordre différent de celui du roman. Trois nouveaux cartons furent peints entre 1731 et 1734 et le vingt-huitième et dernier, Don Quichotte reçu chez les filles de l’Hôtellerie,  fut réalisé en 1751, un an avant la mort du peintre. Il est aujourd’hui perdu, mais on en connaît deux esquisses, l’une au musée Jacquemart-André, l’autre actuellement sur le marché de l’art anglais. Des tentures tirées de ces cartons de l’Histoire de Don Quichotte furent tissées au moins jusqu’en 1787. Destinés à servir de cartons de tapisseries pour la manufacture des Gobelins, ces peintures, abîmées par les passages successifs sur les métiers de la manufacture, furent dès le XVIIIe siècle restaurées par un élève de Coypel, Jean Valade. Coypel y propose à ses contemporains une lecture divertissante et humoristique du roman, dans une atmosphère où règnent l’élégance et la grâce, en accord avec la peinture aimable qui se développe, à la fin du règne de Louis XV, en réaction contre le « grand genre ». Vingt-quatre de ces 28 peintures sont conservées. Ce sont des huiles sur toile de 1,50 x 1,20 environ,  jadis conservées au Louvre, mais qui ont été transportées au musée de Compiègne dans les années 1830 et décrites en 1837 dans la Petite Galerie du château sous les n° 59 à 85. Elles ont été plusieurs fois copiés pour la gravure (dès 1723 par L. Surugue etc) . Il est intéressant d'en connaître la liste des titres pour la comparer aux panneaux de Cheverny :

Peintures de Charles-Antoine Coypel :

Don Quichotte conduit par la Folie sort de chez lui pour se faire chevalier errant 

Don Quichotte croit recevoir l’ordre de chevalerie Huile sur toile. 

Don Quichotte prend le bassin d’un barbier pour l’armet de Mambrin 

Sancho s’éveille et se désespère de ne plus trouver son cher Grison 

Le Curé et Cardinio rencontrent Dorothée habillée en berger 

La fausse princesse de Micomicon vient prier Don Quichotte de la remettre sur le trône 

Don Quichotte endormi, combat contre les outres 

Don Quichotte attaché à une fenêtre par la malice de Maritorne 

Don Quichotte trompé par Sancho prend une paysanne pour Dulcinée 

Entrée des bergers aux noces de Gamache 

Entrée de l’Amour et de la Richesse aux noces de Gamache 

Don Quichotte protège Basile qui épouse Quitterie par une ruse d’amour 

Don Quichotte démolit les marionnettes qu’il prend pour des Maures 

Don Quichotte fait demander par Sancho une audience à la duchesse 

Don Quichotte est servi par les demoiselles de la duchesse 

Poltronnerie de Sancho à la chasse 

La Doloride affligée de sa barbe demande à Don Quichotte de la venger 

Sancho part pour l’île de Barataria 

Entrée de Sancho dans l’île de Barataria 

Le repas de Sancho dans l’île de Barataria

La dame Rodrigue vient la nuit consulter Don Quichotte 

Don Quichotte au bal chez Don Antonio Moreno 

Don Quichotte consulte la tête enchantée chez Don Antonio Moreno 

Don Quichotte est délivré de sa folie par la Sagesse (copie) 

Mais il ne faut pas méconnaître aussi la série de Don Quichotte peinte par  Charles - Joseph Natoire (Nimes, 1700 - Castel Gandolfo, 1777) car elle a été conçue pour l'embellissement d'un hôtel particulier,  dans les années 1735-1742 , l'hôtel de Chamillard (Charenton-le-Pont) de Pierre Grimod Dufort. Ces huiles sur toile   en dix tableaux  ont été réalisée pour servir de cartons de tapisserie au tissage d'une tenture  unique tissée à la Manufacture de Beauvais entre 1735 et 1744. Les toiles, conservées au château d'Orsay ont été saisies à la Révolution,  transférées à Versailles puis au Musée du Louvre ; elles sont alors au nombre de treize, l'une d'elle (le Départ de Sancho Pansa) ayant été coupée par le fils de Grimod Dufort et une autre réalisée en complément décoratif. C'est en 1849 et 1850 que neuf œuvres de la série sont envoyées à Compiègne, la dixième plus récemment en 1977, et la onzième , Don Quichotte désarmé par les demoiselles de la duchesse, en 2012. Deux sont manquantes,  Sancho amène la fausse Dulcinée à son maître et la Rencontre de Don Quichotte et la Duchesse.

 

  En voici la liste conservée à Compiègne:

 Charles Natoire : 11 Huiles sur toile. 

Dorothée surprise par le curé, le barbier et Cardénio 

Don Quichotte et la fausse princesse de Micomicon 

Don Quichotte et le Chevalier des Miroirs 

Don Quichotte et les oiseaux de la caverne de Montésinos 

Fragment du Départ de Sancho dans l’île de Barataria 

Fragment du Départ de Sancho dans l’île de Barataria 

Partie centrale du Départ de Sancho dans l’île de Barataria 

Repas de Sancho dans l’ile de Barataria

Sancho et la marchande de noisettes 

Collation de Sancho dans la forêt 

Don Quichotte désarmé par les demoiselles de la duchesse

 

 

Fin de cette note.]

Le peintre, tout en se basant sur le travail de Coypel,  a mis en œuvre un processus de simplification radicale par lequel les gravures du XVIIIe siècle ont été  adaptées à la taille et le ton du cycle de Cheverny, très différent de l'atmosphère rococco des modèles.

 

  • Sancho nommé chevalier, Planche XXVIII
  • Don Quichotte attaquant les marionnettes de maître Pierre. (Planche XV)
  • La peur de Sancho pendant la chasse au sanglier, (Planche XX)
  • Don Quichotte enchaîné par le bras à la fenêtre par Maritorne , (Planche IX)

  Sancho nommé chevalier  est gravé par Tanjé selon un dessin de Trémolières ; la gravure  illustre un épisode absolument étranger à l'histoire créée par Cervantès, mais inventé par l'écrivain français François Filleau de Saint-Martin, dans sa traduction du Don Quichotte de Cervantes, intitulée Histoire de l'admirable Don Quixotte de la Manche et parue en quatre volumes en 1677. C'est une peinture de meilleure qualité que les trois autres, ce qui amène à envisager, pour la série du dix-neuvième siècle, un travail de plusieurs mains.   

Les trois autres panneaux dérivent tous des inventions de Charles Coypel.

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Sancho blessé alors qu'il est armé chevalier par don Quichotte, Trémolières, 1724, Gallica.

Sancho blessé alors qu'il est armé chevalier par don Quichotte, Trémolières, 1724, Gallica.

Sancho blessé alors qu'il est armé chevalier par don Quichotte, Cheverny, XIXe s, photo G. Quaranta (aimable autorisation).

Sancho blessé alors qu'il est armé chevalier par don Quichotte, Cheverny, XIXe s, photo G. Quaranta (aimable autorisation).

Don Quichotte attaquant les marionnettes de maître Pierre. Charles Coypel, 1724. Gallica.

Don Quichotte attaquant les marionnettes de maître Pierre. Charles Coypel, 1724. Gallica.

Don Quichotte attaquant les marionnettes de maître Pierre,Cheverny, XIXe s, photo G. Quaranta (aimable autorisation).

Don Quichotte attaquant les marionnettes de maître Pierre,Cheverny, XIXe s, photo G. Quaranta (aimable autorisation).

La peur de Sancho pendant la chasse au sanglier, Charles Coypel, 1724. Gallica.

La peur de Sancho pendant la chasse au sanglier, Charles Coypel, 1724. Gallica.

Don Quichotte enchaîné par le bras à la fenêtre de l'auberge par Maritorne, Charles Coypel, 1724. Gallica.

Don Quichotte enchaîné par le bras à la fenêtre de l'auberge par Maritorne, Charles Coypel, 1724. Gallica.

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2)  Dix-neuf autres, qui se réfèrent à un modèle  du dix-neuvième siècle : Tony Johannot.

Les 19 panneaux restants sont inspirés par quelques-uns des plus de sept cent  dessins que l'artiste Tony Johannot avait créés pour l'une des éditions les plus célèbres et populaires de Don Quichotte jamais parue, publiée à Paris en 1836 à 1837  : L’ingenieux hidalgo Don Quichotte de la Manche, par Miguel de Cervantès-Saavedra, traduit et annoté par Louis Viardot, Paris, J.-J. Dubochet,  . Voir l'édition de 1845 numérisée par Gallica : Bnf Réserve des livres rares RES-Y2-973  

 

L'œuvre, en deux volumes, doit être comptée parmi celles qui ont marquées l' âge d' d'or de la xylographie. Tony Johannot était un vrai maître dans ce genre de produits et sera la star de la scène de l'édition française des années trente et quarante du XIXe siècle, pour laquelle il traduit en images de nombreuses grandes œuvres de la littérature désormais «classiques» . Les pages de Chateaubriand, Goethe, Walter Scott, Lord Byron, mais ausside  Molière, Cervantes, ou Rousseau et même les versets bibliques ont trouvés dans Johannot un illustrateur vif, impliqués, et extrêmement ductile. Le Quichotte illustré par Tony Johannot fut l'un des principaux succès de l'édition de ces années: à partir de l'exemple des premières éditions xylographiques anglaises, mais en les dépassant, le peintre a conçu des dessins plein de vie qui jouent avec le texte, se mêlant avec lui, allant au-delà de la traditionnelle disposition en miroir par rapport à la page écrite. 

Cet appareil illustratif redoutable fut souvent incorporé, en totalité ou partiellement, et régulièrement répété tout au long du XIXe siècle, en dépit de la concurrence des véritables chefs-d'œuvre, tels que l'édition Hachette accompagnée par les gravures de renommée mondiale de Gustave Doré. L'édition Dubochet a été littéralement «exportée» en Allemagne, en Angleterre, en Espagne elle-même et même au Mexique. 

Les dix-neuf peintures de Cheverny sont une preuve de plus du succès tenace de l'édition Dubochet, qui a été choisie comme modèle trente ans après sa première parution en dépit du fait qu'on pouvait voir alors dans ces années un véritable déluge d'éditions donquichottesque : en 1863 seulement, par exemple, en collaboration avec Hachette il s'en est compté  cinq autres. (d'après G. Quaranta)

 Les 19 épisodes représentés sont:

  • La mort de Don Quichotte;
  • Sancho fouette un arbre à l'insu de Don Quichotte;
  • L'aventure du cheval de bois ;
  • L'aventure des moulins à vent;
  • La bataille avec les outres;
  • Don Quichotte dans les bras en présence de Dorothée;
  • Rencontre avec les trois femmes;
  • la paysanne qui a été considérée comme Dulcinée par Quichotte;
  • Lors du mariage de Gamancio un cuisinier offre à Sancho une casserole pleine de nourriture;
  • Sancho suivi par les cuisiniers;
  • Sancho gouverneur à la table avec Pedro Recio;
  • Sancho retrouve son âne.
  •  Sancho rendant visite à Dulcinée;
  • Quichotte et Sancho lapidés par des forçats;
  • La charge des béliers;
  • Le repas de don  Quichotte à l'auberge;
  • L'aventure du bateau enchanté;
  • Le vol de l'âne;
  • Quichotte battu par un muletier.

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Le peintre qui a créé les peintures a tenté de rivaliser et de s'accorder, surtout d'un point de vue stylistique, avec Jean Mosnier, mais il est "trahi" par les changements de l'iconographie au XIXe siècle. La représentation du personnage de Sancho, ainsi, est tout à fait différente dans les peintures du XIXe siècle  de celle de Mosnier. Un Sancho dodu, avec un pantalon large caractéristique et un chapeau rond à large bord , est caractéristique des  panneaux du XIXe siècle, ainsi que le don Quichotte avec le casque en salade de  Mambrin sur sa tête, plus dégingandé et incertain que  ce que fait Mosnier.

Au total, parmi les 34 panneaux, 23 appartiennent indubitablement à ce moment, vers 1860,  où le réaménagement du château a donné à la Salle à Manger et à la Galerie leur aspect actuel.
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2)  Dix-neuf autres, qui se réfèrent à un modèle  du dix-neuvième siècle : Tony Johannot.

Les 19 panneaux restants sont inspirés par quelques-uns des plus de sept cent  dessins que l'artiste Tony Johannot avait créés pour l'une des éditions les plus célèbres et populaires de Don Quichotte jamais parue, publiée à Paris en 1836 à 1837  : L’ingenieux hidalgo Don Quichotte de la Manche, par Miguel de Cervantès-Saavedra, traduit et annoté par Louis Viardot, Paris, J.-J. Dubochet,  . Voir l'édition de 1845 numérisée par Gallica : Bnf Réserve des livres rares RES-Y2-973  

 

L'œuvre, en deux volumes, doit être comptée parmi celles qui ont marquées l' âge d' d'or de la xylographie. Tony Johannot était un vrai maître dans ce genre de produits et sera la star de la scène de l'édition française des années trente et quarante du XIXe siècle, pour laquelle il traduit en images de nombreuses grandes œuvres de la littérature désormais «classiques» . Les pages de Chateaubriand, Goethe, Walter Scott, Lord Byron, mais ausside  Molière, Cervantes, ou Rousseau et même les versets bibliques ont trouvés dans Johannot un illustrateur vif, impliqués, et extrêmement ductile. Le Quichotte illustré par Tony Johannot fut l'un des principaux succès de l'édition de ces années: à partir de l'exemple des premières éditions xylographiques anglaises, mais en les dépassant, le peintre a conçu des dessins plein de vie qui jouent avec le texte, se mêlant avec lui, allant au-delà de la traditionnelle disposition en miroir par rapport à la page écrite. 

Cet appareil illustratif redoutable fut souvent incorporé, en totalité ou partiellement, et régulièrement répété tout au long du XIXe siècle, en dépit de la concurrence des véritables chefs-d'œuvre, tels que l'édition Hachette accompagnée par les gravures de renommée mondiale de Gustave Doré. L'édition Dubochet a été littéralement «exportée» en Allemagne, en Angleterre, en Espagne elle-même et même au Mexique. 

Les dix-neuf peintures de Cheverny sont une preuve de plus du succès tenace de l'édition Dubochet, qui a été choisie comme modèle trente ans après sa première parution en dépit du fait qu'on pouvait voir alors dans ces années un véritable déluge d'éditions donquichottesque : en 1863 seulement, par exemple, en collaboration avec Hachette il s'en est compté  cinq autres. (d'après G. Quaranta)

 Les 19 épisodes représentés sont:

  • La mort de Don Quichotte;
  • Sancho fouette un arbre à l'insu de Don Quichotte;
  • L'aventure du cheval de bois ;
  • L'aventure des moulins à vent;
  • La bataille avec les outres;
  • Don Quichotte dans les bras en présence de Dorothée;
  • Rencontre avec les trois femmes;
  • Automne du paysan qui a été considéré comme Dulcinée par Quichotte;
  • Lors du mariage de Gamancio un cuisinier offre à Sancho une casserole pleine de nourriture;
  • Sancho suivi par les cuisiniers;
  • Sancho gouverneur à la table avec Pedro Recio;
  • Sancho retrouve son âne.
  •  Sancho rendant visite à Dulcinée;
  • Quichotte et Sancho lapidés par des forçats;
  • La charge des béliers;
  • Le repas de don  Quichotte à l'auberge;
  • L'aventure du bateau enchanté;
  • Le vol de l'âne;
  • Quichotte battu par un muletier.

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Le peintre qui a créé les peintures a tenté de rivaliser et de s'accorder, surtout d'un point de vue stylistique, avec Jean Mosnier, mais il est "trahi" par les changements de l'iconographie au XIXe siècle. La représentation du personnage de Sancho, ainsi, est tout à fait différente dans les peintures du XIXe siècle  de celle de Mosnier. Un Sancho dodu, avec un pantalon large caractéristique et un chapeau rond à large bord , est caractéristique des  panneaux du XIXe siècle, ainsi que le don Quichotte avec le casque en salade de  Mambrin sur sa tête, plus dégingandé et incertain que  ce que fait Mosnier.

Au total, parmi les 34 panneaux, 23 appartiennent indubitablement à ce moment, vers 1860,  où le réaménagement du château a donné à la Salle à Manger et à la Galerie leur aspect actuel.
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Don Quichotte chargeant les moutons, Cheverny, XIXe siècle  in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

Don Quichotte chargeant les moutons, Cheverny, XIXe siècle in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

La charge des béliers, comparaison entre le panneau de Cheverny et la gravure de Tony Johannot, in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

La charge des béliers, comparaison entre le panneau de Cheverny et la gravure de Tony Johannot, in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

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Don Quichotte, L'aventure des moulins à vent : XIXe siècle. Cheverny , in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

Don Quichotte, L'aventure des moulins à vent : XIXe siècle. Cheverny , in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

Don Quichotte, L'aventure des moulins à vent : comparaison entre le panneau de Cheverny et la gravure de Tony Johannot, in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

Don Quichotte, L'aventure des moulins à vent : comparaison entre le panneau de Cheverny et la gravure de Tony Johannot, in Quaranta 2013 (reproduction avec son aimable autorisation).

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II. Les 11 panneaux de Jean Mosnier vers 1635.

Ils sont différents les uns des autres par leur taille et par leur forme. Tous sont encadrées par des cartouches à volute tors, de couleur blanche sur  fond ocre: Ceux-ci se détachent sur un fond  azur profond et  sont pour certains extrêmement simples, et même triviaux, et pour d'autres plus élaborés, avec des motifs de branches et de petits grappes qui commencent à partir des coins.

Ces cadres ont certainement été repeints et en effet il est évident que presque tous les panneaux ont été coupés, surtout latéralement, même si nous pouvons dire que le cadrage d'origine ne devait pas être très différent, comme l'attestent deux tableaux qui ont gardés encore  leur aspect d'origine.

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Deux panneaux de Jean Mosnier au musée de Blois.

A ces onze panneaux de Cheverny doivent être ajoutés deux autres, identifiés par G. Quaranta, et qui sont conservés à Blois, dans les magasins du musée du Château, après leur acquisition sur le marché de l'art ancien en 1982. Ils proviennent cependant certainement de la série de Cheverny, car ils sont parfaitement analogues tant  des points de vue  iconographique que stylistique, et l'un comme l'autre représentent  deux autres événements très importants: Don Quichotte accueilli par des parents au retour de sa première sortie, et La lutte avec le Biscayen.  On ne sait rien de l'histoire de ces deux tableaux avant l'achat par le musée: ils rendent encore plus complexe la reconstitution de l'histoire de la série des panneaux, , soulevant la question de la date de leur séparation des autres peintures.

 

Don Quichotte accueilli par des parents au retour de sa première sortie, et La lutte avec le Biscayen, Blois, Musée du  Château, en dépôt, photographie illustrant la thèse de G. Quaranta (reproduction par son aimable autorisation).

Don Quichotte accueilli par des parents au retour de sa première sortie, et La lutte avec le Biscayen, Blois, Musée du Château, en dépôt, photographie illustrant la thèse de G. Quaranta (reproduction par son aimable autorisation).

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Tant Montaiglon que La Saussaye témoignent que les panneaux restant étaient au nombre de quinze lors de leur visite, ce qui signifie donc que par la suite, quatre n'ont pas trouvé place lors de la remise en place. Les deux panneaux de Blois pourraient appartenir à ce groupe de peintures, bien que les raisons de l' échec de leur réutilisation nous échappent. Dans la même série appartenait sans doute aussi  la peinture que, même en 1931, Maurice Bardon pouvait voir abandonnée et en mauvais état dans l'Orangerie du château, car de toute évidence elle n'a pas été replacée  dans le décor du XIXe siècle : malheureusement, le savant n'a pas réussi à identifier le sujet, nous privant d'une donnée qui aurait certainement été intéressante. Toutefois, il est raisonnable de voir dans les deux panneaux du musée de Blois un bon témoin du cycle initial. On y trouve des cadres un peu plus élaborés que ceux du château, mais sensiblement similaires, avec les mêmes tiges  et des grappes de vigne, les mêmes volutes enroulées vers l'intérieur. Autour il y a une peinture blanche lourde qui a l'air d'être celle mentionnée par Montaiglon, alors que les scènes à l'intérieur - bien que l'état de conservation soit loin dêtre  idéale - sont clairement lisibles, et  peuvent en effet nous offrir un témoin certainement intact des tableaux donquichottesque par Jean Mosnier.

Nous ne devons pas oublier, avant de poursuivre, les deux autres éléments de cycle que, sans venir jusqu'à nous, nous connaissons encore avec le témoignage de Soussaye, à savoir les deux panneaux disposés sur les panneaux montants de cheminée, portant les deux épitaphes que Cervantes avait placé à la fin de la première partie du roman. L'épitaphe est transcrite selon la traduction de Quijote écrit par César Oudin en 1614, la première en français, qui restera en usage pendant plus d'un demi-siècle, jusqu'à celle de Filleau de Saint-Martin, publiée en 1678. Ce fut cette version du roman - qui a été en possession  du commanditaire et du peintre.

C' est donc la matière sur laquelle nous pouvons raisonner sur le cycle de Don Quichotte de Cheverny : deux inscriptions et treize tableaux, d'état et de qualité d'exécution différentes, cette lacune en raison de l'intervention de l'atelier de Mosnier, comme cela se retrouve aussi  dans les autres cycles du château, en particulier dans celui de l'Éthiopique et de  Vénus et  Adonis.  Il est en effet impensable que Jean Mosnier ait mené seul l'ensemble du décor du château, une oeuvre d'effort considérable qui l'a impliqué dans la réalisation de plusieurs séries peintes, dont certains n'étaient pas d'un concept facile. 

 

Ces panneaux sont ceux de : 

  • L'arrivée de Quichotte à l'auberge, après sa première sortie, (I Quijote, 2). Salle à Manger.               

  • La veillée d'armes (I, 3) . Salle à Manger.                  

  • L'Adoubement de Don Quichotte  (I, 3). Salle à Manger.                  

  • Don Quichotte ramené à la maison par un voisin (I, 5),     Salle à Manger.                                   https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Ing%C3%A9nieux_Hidalgo_Don_Quichotte_de_la_Manche/Premi%C3%A8re_partie/Chapitre_V

  •  Don Quichotte accueilli par la famille, le curé et le barbier (I, 5, au Musée de Blois)  

  • L'examen des livres (I, 6) . Galerie.

  • la bataille avec le Biscayen (I, 8, au Musée de Blois) , https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Ing%C3%A9nieux_Hidalgo_Don_Quichotte_de_la_Manche/Premi%C3%A8re_partie/Chapitre_VIII

  •  Don Quichotte blessé conduit à l'auberge par Sancho (I, 16),

  • La femme de l'aubergiste et Maritorne soignent les blessures de don Quichotte (I, 16),

  • Bagarre nocturne entre don Quichotte, Malitorne et le muletier. (I, 16),

  • Sancho lancé en l'air avec la couverture (I, 17), Salle à Manger.                  

  • Sancho conduisant le barbier et la Princesse Micomicona vers don Quichotte (I, 29 ), Salle à Manger.                  

  • Don Quichotte battant le chevrier (I, 52). Salle à Manger.                  

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Don Quichotte, 4 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)
Don Quichotte, 4 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)
Don Quichotte, 4 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)
Don Quichotte, 4 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)

Don Quichotte, 4 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)

Don Quichotte, 3 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)
Don Quichotte, 3 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)
Don Quichotte, 3 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)

Don Quichotte, 3 panneaux de Jean Mosnier vers 1635, (diaporama)

 

Les épisodes peuvent être répartis en trois groupes distincts basés sur la séquence narrative: les sept premiers panneaux en fait se réfèrent - dans une séquence assez serrée - aux huit premiers chapitres du roman. Le deuxième groupe suit également une séquence compacte avec quatre tableaux tous tirés des chapitres 16-17 du Livre I, concentrés sur le deuxième séjour à l'auberge. Le troisième groupe, enfin, se compose de deux tableaux, qui se réfèrent à des stades plus avancés de la nouvelle et non-consécutifs, traitant  des événements de la Sierra Morena (Sancho accompagne le barbier et la Princesse  Micomicona chez don Quichotte) et encore du retour à la maison de l' hidalgo, escorté par des amis et d'autres personnes qu'il a rencontrées au cours  de la rocambolesque aventure  (Lutte entre Quichotte et le chevrier, prise à partir de I, 52).

 Les treize peintures conservées, par conséquent, sont tirées de la première partie du roman. la statistique est réellement  impressionnante: même en tenant compte du fait qu'il ne s'agit que d'une partie du cycle original, et qu'un grand nombre de facteurs peut avoir déterminé leur sort, cependant, il est tout à fait remarquable que pas  un seul épisode de la deuxième partie n'ait été sauvé de la destruction. On peut supposer que l'attention de Jean Mosnier et son acheteur a porté uniquement sur la première partie du Don Quichotte . En outre, il est un point de vue historique probable est confirmée par un examen comparatif : le choix et l'ordre des scènes de Cheverny ne semble pas différer beaucoup de ceux des autres rares tentatives d'illustration  donquichottesque un peu plus tardives,  au milieu du XVIIe siècle, ou les gravures de Jérôme David ( Les adventures du fameux chevalier de la Manche Don Quichotte et de Sancho Pansa son escuyer, à Paris, par Jaques Lagniet (environ 1650-1652),  et cinq tapisseries du château d'Édimbourg.  

En particulier, les gravures de Jérôme David montrent que le travail a été fait avec une perspective culturelle similaire, avec une grande prévalence des épisodes des premiers chapitres du roman et les aventures du deuxième séjour à l'auberge.

Caractères généraux.

En premier lieu, ce qui reste du cycle montre une tendance à la dilatation narrative : c' est une caractéristique qui se trouve aussi dans les  gravures de David, mais qui est beaucoup plus marquée et évidente dans les peintures de Jean Mosnier à Cheverny. Elle s'affiche, en effet, comme une caractéristique particulière et presque comme une sorte de "marque de fabrique", puisque nous trouvons la aussi dans le cycle des Éthiopiques, de l'étage du château de Cheverny.

— En second lieu, les scènes de Don Quichotte qui nous parvenues  nous permettent de dire qu' au moins toute la première partie du roman a été représentée à Cheverny.

Si on évalue cela en relation avec les dimensions originales probables du cycle, une série d'une trentaine ou quarantaine de tableaux, il est clair que l'espace  nécessaire destiné aux aventures de la deuxième partie du roman ne pouvait être que minime.

Les peintures de Jean Mosnier sont les toutes premières illustrations du roman et supposent de sa part une créativité et une attention de lecture remarquable : cette profonde attention au texte de Cervantès et à sa narration est indéniable. Gabriele Quaranta en donne plusieurs exemples :

1. Don Quichotte arrivant à l'auberge. La peinture, qui ouvre symboliquement la série dépeint don Quichotte devant l'uberge, à la porte de laquelle se tiennent deux jeunes filles "de vie libre". L' hidalgo est entièrement armé avec l'armure, la lance, la rondache et le casque: mais l'apparence est très étrange, car au moment de dépoussiérer les  vieilles armes de ses ancêtres  "au lieu d’un heaume complet elle n’avait qu’un simple morion. Alors son industrie suppléa à ce défaut : avec du carton, il fit une manière de demi-salade, qui, emboîtée avec le morion, formait une apparence de salade entière ". (Don Quichotte I,1)

La première chose qu’il fit fut de nettoyer les pièces d’une armure qui avait appartenu à ses bisaïeux, et qui, moisie et rongée de rouille, gisait depuis des siècles oubliée dans un coin. Il les lava, les frotta, les raccommoda du mieux qu’il put. Mais il s’aperçut qu’il manquait à cette armure une chose importante, et qu’au lieu d’un heaume complet elle n’avait qu’un simple morion. Alors son industrie suppléa à ce défaut : avec du carton, il fit une manière de demi-salade, qui, emboîtée avec le morion, formait une apparence de salade entière. Il est vrai que, pour essayer si elle était forte et à l’épreuve d’estoc et de taille, il tira son épée, et lui porta deux coups du tranchant, dont le premier détruisit en un instant l’ouvrage d’une semaine.

Cette facilité de la mettre en pièces ne laissa pas de lui déplaire, et, pour s’assurer contre un tel péril, il se mit à refaire son armet, le garnissant en dedans de légères bandes de fer, de façon qu’il demeura satisfait de sa solidité ; et, sans vouloir faire sur lui de nouvelles expériences, il le tint pour un casque à visière de la plus fine trempe. 

Jean Mosnier représente bien le casque étrange avec le casque blanc de carton, mais aussi une armure qui, dans les années trente du XVIIe siècle, devait paraître assez anachronique. Il a également souligné l'habit : la couleur rouge de son pantalon suggère l'improbabilité du caractère et de la coupe soufflé avec des fissures blanches visibles qui fait également référence à une image sur la mode par rapport aux exigences de l'époque de Louis XIII.

 

 2. Le chevalier apparaît en culottes et chemise vertes lors de l'épisode dela veillée des armes .  Ici aussi, Jean Mosnier a tenu compte de l'histoire de Cervantes: don Quichotte veille, la lance à la main, les armes empilées dans la cour de l'auberge, à côté du puits qui causera peu de temps après le combat avec le muletier. Si le bonnet de nuit est comique avec un gland de couleur accordée avec celle de la chemise, cependant, l'œuvre particuliere - au dessus, en profitant de la concavité du cadre -  cite textuellement ce passage du chapitre 3 :"La nuit se ferma tout à fait ; mais la lune jetait tant de clarté qu’elle pouvait le disputer à l’astre qui la lui prêtait, de façon que tout ce que faisait le chevalier novice était parfaitement vu de tout le monde. ".

Aussitôt tout fut mis en ordre pour qu’il fît la veillée des armes dans une grande basse-cour, au fond de l’hôtellerie. Don Quichotte, ramassant toutes les siennes, les plaça sur une auge, à côté d’un puits ; ensuite, il embrassa son écu, saisit sa lance, et, d’une contenance dégagée, se mit à passer et repasser devant l’abreuvoir. Quand il commença sa promenade, la nuit commençait à tomber. L’hôtelier avait conté à tous ceux qui se trouvaient dans l’hôtellerie la folie de son hôte, sa veillée des armes et la cérémonie qui devait se faire pour l’armer chevalier. Étonnés d’une si bizarre espèce de folie, ils allèrent le regarder de loin. Tantôt il se promenait d’un pas lent et mesuré ; tantôt, appuyé sur sa lance, il tenait fixement les yeux sur ses armes, et ne les en ôtait d’une heure entière. La nuit se ferma tout à fait ; mais la lune jetait tant de clarté qu’elle pouvait le disputer à l’astre qui la lui prêtait, de façon que tout ce que faisait le chevalier novice était parfaitement vu de tout le monde.

 

3. Dans les deux scènes du Retour à la maison de Don Quichotte après  la première sortie , le voisin qui ramène l'hidalgo qui a été battu porte des pantalons, un chemisier blanc à manches longues, sur celle-ci  un grand manteau à capuchon et une casquette arrondie avec un bord court. Cet habit n'a pas été choisi au hasard. Nous le trouvons presque identique dans une série de gravures d' Enea Vico intitulé Abiti di Spagna: parmi les différents personnages , le Laboureur de Castille présente un manteau similaire, tandis que l'Homme Basque porte, en plus de son manteau,  une coiffure similaire. Jean Mosnier pourrait bien connaître les gravures d' Enea Vico non seulement parce qu'il avait vécu pendant sept ans en Italie, mais aussi parce qu'elles devaient être assez répandues, et il a décidé de les utiliser pour représenter un caractère «vraiment» espagnol. Toujours dans la série de gravure de Vico est la figure de la Cortigiana (Courtisane), avec des  hauts "zeppe" (talons hauts ) pour soulever ses sabots, semblables à ceux que portent les deux jeunes filles à la porte de l'auberge.

4. Dans la même image du Retour  à la maison sur la porte peut se reconnaître le barbier et le curé, ou Licenciado,  bien reconnaissables à leurs vêtements, qui ne passent pas inaperçus et que nous trouvons aussi dans l'épisode de l'examen des livres. Le curé / licenciado est vêtu d'un habit qui se trouve de façon commune  dans le théâtre de l'époque, dans le personnage du Médecin, il Medico, comme l'a représenté G. M. Mitelli dans une autre série de gravures: le même grand manteau, chapeau semblable, lunettes identiques.

5.  Une référence explicite au théâtre et à la Commedia dell'Arte est offerte par l'épisode de l'Adoubement du chevalier , avec don Quichotte posant dans une nuit remarquable "aux chandelles", qui rappelle non pas tant lesexpérimentation du Caravage Caravaggio romain, que ses  rivaux néerlandais, parmi lesquels on trouve des scènes de nuit semblables avec des masques et des couleurs vives.

6.La même atmosphère scènique transparît  encore briller de façon pittoresque sur les deux panneaux dans lesquels la princesse Micomicona, vêtue logiquement d'un costume de carnaval, apparaît toujours, avec un masque pour couvrir les yeux.  

7. Dans le même temps un rôle significatif devait être jouer au commanditaire, qui pouvait suggérer des idées et des solutions, suscitées par la lecture d'un roman si en faveur dans les milieux culturels et dans les salons aristocratiques. Une piste à cet égard provient de la peinture représentant Sancho lancé sur la couverture par les clients de l'auberge, un topos littéraire et iconographique de grande fortune dont l'écho s'est prolongé pendant encore deux siècles, au moins jusqu'à Goya. Une fameuse lettre de Vincent Voiture à Mlle de Bourbon décrit, autour de 1630, une scène similaire:  V. Voiture, Lettre IX, Voiture à Mademoiselle de Bourbon (circa 1630), in Œuvres de Voiture, vol. I, pp. 40-44 : "Mademoiselle, je fus berné vendredi dernier, pour ce que je ne vous avais pas fait rire dans le temps que l'on m'avait donné pour cela."

Le texte ironique de Voiture rappelle  explicitement le  épisode de Cervantès et nous savons, par ailleurs, que l'écrivain était un admirateur de la première heure du Don Quijote en lequel, comme les autres membres du cercle de l'Hôtel de  Rambouillet,  il a vu certes un livre de chevalerie, mais néanmoins comique, qui s'attachait toujours aux  valeurs d'honneur, de loyauté et de fidélité qui étaient de nouveau  cultivées dans certains milieux aristocratiques parisiens.

Dans les mêmes années, l'image du saut sur la couverture a inspiré  Gérard de Saint-Amant pour une satire intitulée précisément La Berne . (Gérard de Saint-Amant, La Berne, in Les Œuvres du Sieur de Saint-Amant, à Paris, de l’imprimerie de Rob. Estienne. Pour François Pomeray, et Toussainct Quinet. Au Palais, en la grande & petite galerie. M.DC.XXIX. Avec privilege du Roy)

La relation possible de ces textes avec le tableau de Cheverny apparaît à travers un détail: là où le texte de Cervantès parle de nombreux clients qui ont afflué pour soulever Sancho, les personnages représentés par Mosnier sont seulement quatre, tout comme les "tortionnaires" de Voiture et les personnages mis en cause par Saint-Amant. Vingt ans plus tard Jérôme David s'en souvient encore, mais à partir des années soixante, tant les éditions illustrées du roman que les images décoratives dans la peinture et la tapisserie d'ameublement vont suivre à la lettre l'histoire, dépeignant beaucoup plus de clients. Il est peu probable que Jean Mosnier ait pu avoir connaissance de la lettre de Voiture et peut-être même la satire de Saint-Amant, mais le comte de Cheverny ne devrait pas être sans rapport avec la circulation des idées et des textes, ce qui pourrait transparaître d'une certaine façon, même dans les choix picturaux. 

Seuls ces exemples suffisent à suggérer une donnée très intéressante: Jean Mosnier construit ses images de Don Quichotte après une mûre réflexion,  en commençant par une lecture soigneuse du texte et en sélectionnant soigneusement à partir de différentes sources les éléments iconographiques qui seront ensuite fusionnées dans un nouveau contexte.  De ce point de vue, en dépit du sort inclément des peintures et l'état de conservation, le cycle de Cheverny apparaît comme une tâche d'une grande profondeur et d'une grande sophistication, car il compense l'absence d'une tradition antérieure avec un travail très minutieux de l'interprétation et de illustration du texte.

Le cycle de Don Quichotte participe, avec ceux de Chariclée (l'Éthiopique) et de l'Astrée, à renforcer  l'image de Jean Mosnier comme peintre aux prises avec la représentation de textes littéraires récents ou de succès récents, mais aussi inhabituelle, et en tout cas tous d'une grande complexité narrative.

5.Une Salle Don Quichotte à Cheverny.

Cette «édition des images" remarquable du Quichotte, le premier dont nous avons la connaissance et le suivi,  a trouvé une place dans les lambris de l'antichambre  du grand appartement de l'est du rez-de-chaussée du château, qui  introduisait - tout comme la Salle des Gardes - aux chambres du pavillon extérieur.

Il y avait là une chambre semblable à la Chambre du Roi, sur lequel le Proces verbal de 1724 s'est très peu attardée, et deux cabinets, dont l'un couvert d'un plafond "à l'anglaise" avec des peintures placées dans les coffres et l'autre - qui s'ouvre aussi sur une alcôve - avec des panneaux au plafond, dans lequel ils ont été intégrés des cadres et des portraits.

Blois, Archives Départementales du Loir-et-Cher, serie B, Baillage de Blois: visite de Cheverny, Procès verbal de Chiverny commancé le 21 septembre 1724 et finy le 24 octobre suivant concernant l’estat de la terre et seigneurie dudit Chiverny, les reparations qui y sont a faire et l’estimation d’icelles (...), c. 10

 

Toutes les chambres ont été équipées de riches cheminées en bois et en pierre, avec des sculptures, de dorures et de peintures sur le devant. Nous avons reconstruit les vicissitudes aventureuses de cette Salle du Quichotte, et nous avons fait allusion à ce qui devait être sa structure de XVIIe siècle: nous allons donc insister sur la mise en page du cycle et son rôle dans la structure décorative. Félibien dit explicitement que les peintures chisciotteschi ont été logés dans les panneaux : lesquels, tournaient tout autour du périmètre de la pièce, rompu seulement par des portes et cheminée. 

Il est possible que même les portes des portes aient été décorées pour accueillir aussi des scènes du Don Quichotte , comme avec l'Ethiopique dans la Chambre du Roi. De même, la cheminée devait être au moins en partie intégrée au cycle, comme en témoigne De La Saussaye .

Peu de temps avant  les peintures de Cheverny dédiées au Don Quichotte, en fait,  étaient apparus en France deux autres "cycles décoratifs" dédiés à ce héros: non pas sous forme de peintures sur les murs d'une demeure, mais  représentés dans les pages d'Adrien de Monluc et Antoine Gérard de Saint-Amant, sous forme de  deux cas qualifiés par G. Quaranta d' ekphrasis du thème donquichottesque. Saint-Amant, dans La Chambre du débauché, paru en 1626, décrit ainsi la Berne de Sancho :

Proche de là le pauvre sot

Est contraint de payer l'escot

En especes de capriolles,

Allant conter au Firmament

Qu'on peut bien danser sans violles

Quand la berne sert d'instrument.

N.B : son poème La Berne vient presque immédiatement après La chambre du débauché.

Pour Quaranta, ces tableaux littéraires  semblent tisser avec le Don Quichotte de Cheverny une toile de références croisées, l'ouverture d'itinéraires alternatifs, appeler d'autres lieux, d'autres textes, d'autres peintures. En un mot : voici la trace de ce contexte qui semblait manquer.

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Malgré cette thèse exceptionnelle et son riche corpus d'illustration, le cycle de Don Quichotte à Cheverny reste inédit, puisque les chercheurs ou les amateurs ne disposent pas d'une monographie avec les 34  illustrations des "lambris",  un titre validé pour chaque panneau, une description muséographique qualifiée pièce par pièce, et une étude critique de cette œuvre.

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SOURCES ET LIENS.

BARDON (Maurice), 1931, Professeur au Lycée Rollin, ancien Membre de l'Ecole des Hautes Etudes Hispaniques. « Don Quichotte » en France au XVIIe et au XVIIIe siècles (1605-18Í5). Bibliothèque de la Revue de Littérature comparée. Paris, Honoré Champion, 1931. 2 vol., 932 p. gr. in-8°, avec 5 gravures hors texte. [Reprod. en fac-sim.]: 2 t. en 1 vol. ([4]-932 p.-[5] f. de pl.) En appendice, choix de textes de divers auteurs. - Bibliogr. p. 845-897. Index . Édition : Genève : Slatkine .

— CANAVAGGIO (Jean), 2005, Don Quichotte du livre au mythe. Quatre siècles d'errance. Fayard, 346 pages, pages 50-53

 

CERVANTES,  DON QUIJOTE DE LA MANCHA, CERVANTES, MIGUEL DE ; MOSNIER, JEAN, CATEDRA Ref. 9788437633770 Madrid, Catedra, 2015."IV Centenario de la Segunda Parte del Quijote"- Miguel de Cervantes ; edición de John Jay Allen ; ilustraciones de Jean Mosnier. 829 pages : illustrations ; 21 cm

CERVANTES,  Les Principales avantures de l'admirable Don Quichotte, représentées en figures par Coypel, Picart le Romain et autres habiles maîtres, avec les explications des 31 planches de cette magnifique collection tirées de l'original espagnol de Miguel de Cervantès  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8613391m/f7

— CHARTIER (Roger) Cardenio entre Cervantes et Shakespeare: Histoire d'une pièce perdue, NRF Gallimard,

 https://books.google.fr/books?id=_SB5AAAAQBAJ&dq=quichotte+mosnier+1625&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 CHARTIER, (Roger) 2010, « Écrit et cultures dans l’Europe moderne », L’annuaire du Collège de France [En ligne], 109 | 2010, mis en ligne le 24 juin 2010, consulté le 23 août 2016. URL : http://annuaire-cdf.revues.org/371

https://www.college-de-france.fr/media/roger-chartier/UPL62059_Chartier.pdf

 

— CHENNEVIÈRES-POINTEL (Charles Philippe (marquis de.)), 1850, Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provinciaux de l'ancienne France, tome second, Paris, Dumoulin, https://archive.org/stream/bub_gb_SS4DAAAAQAAJ#page/n161/mode/2up

FÉLIBIEN (André, 1619-1695 ), 1911, Vues des châteaux du Blésois au XVIIe siècle, par André Félibien. Dessins illustrant le manuscrit des "Mémoires pour servir à l'histoire des maisons royalles et bastimens de France", conservé au château de Cheverny , publiés par Frédéric et Pierre Lesueur , Massin, Paris. Bnf 8-LK2-7103

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— FÉLIBIEN (André, 1619-1695 ), 1681, "Chiverny", in  "Mémoires pour servir à l'histoire des maisons royales et bastimens de France", publiée par Anatole de Montaiglon. Société de l'histoire de l'art français, Paris, 1874.

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— FÉLIBIEN (André, 1619-1695 ), 1666-1668, Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes 

 

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1083671.r=Entretiens+sur+les+vies+et+sur+les+ouvrages+des+plus+excellents+peintres+anciens+et+modernes.langFR

 FELGUERA (Maria) Quijotes pintados en los siglos XVII y XVIII, Alcala de Henares, 2005.

MEGIAS ( José Manuel Lucía) 2006, Leer el Quijote en imágenes. Hacia una teoría de los modelos iconográficos. Biblioteca Litterae, 11. Madrid: Calambur. 2006. 488 pp. ISBN 84-96049-99-X. Un chapitre est consacré à Cheverny pages 133-144.  

 

— MONTAIGLON (Anatole de ,) 1850, Les peintures de Jean Mosnier de Blois: au Château de Cheverny J.B. Dumoulin, 1850 - 20 pages.

https://books.google.fr/books?id=0eQVAAAAYAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

QUARANTA (Gabriele),   Pagine e immagini: le ekphraseis di Marc-Antoine Gérard de Saint-Amant e di Adrien de Monluc e gli esordi fgurativi del Quijote nei dipinti di Jean Mosnier a Cheverny

https://www.academia.edu/1813351/Pagine_e_Immagini_le_ekphraseis_di_Marc-Antoine_G%C3%A9rard_de_Saint-Amant_e_di_Adrien_de_Monluc_e_gli_esordi_figurativi_del_Quijote_nei_dipinti_di_Jean_Mosnier_a_Cheverny

— QUARANTA (Gabriele), 2013, « Deux générations à côté du pouvoir :quelques remarques sur les arts chez les de Fourcy », Livraisons de l'histoire de l'architecture [En ligne], 26 | 2013, mis en ligne le 10 décembre 2015, consulté le 24 août 2016. URL : http://lha.revues.org/339 ; DOI : 10.4000/lha.339

 ga.quaranta@alice.it

—  QUARANTA (Gabriele), 2013, L’Arte del Romanzo. Temi letterari nella pittura francese del Seicento (dal regno di Enrico IV alla reggenza di Anna d’Austria),  thèse de doctorat en histoire de l'art sous la direction de Mme Claudia Cieri Via et Mme Colette Nativel.

https://ecm.univ-paris1.fr/nuxeo/site/esupversions/5a91e248-a7e2-4820-8f83-2271c031af03 

http://padis.uniroma1.it/handle/10805/2067

http://padis.uniroma1.it/bitstream/10805/2067/2/G.Quaranta-Arte%20del%20Romanzo%202%20-ILLUSTRAZIONI.pdf

 

— QUARANTA (Gabriele), 2006 Don Chisciotte nel Castello di Cheverny. Un ciclo dipinto del Seicento francese Il contributo si propone di illustrare quello che risulta essere il più antico ciclo pittorico ispirato alle vicende narrate nel "Don Quijote", ovvero quello realizzato dal pittore Jean Mosnier nel castello di Cheverny. CRITICA DEL TESTO, Anno 2006 - N.1-2 - Pag. 675-697

http://www.torrossa.com/resources/an/2407201?ref=http://www.viella.it/rivista/9788883342783/868

— QUARANTA (Gabriele), 2010, De la Maison d’Astrée aux tableaux de Cheverny: emblèmes, poèmes et «Chambres d’Amour» au temps de Tristan, in «Cahiers Tristan L’Hermite», XXXII, 2010, pp. 24-38.

https://www.academia.edu/2533352/De_la_Maison_d_Astr%C3%A9e_aux_tableaux_de_Cheverny_embl%C3%A8mes_po%C3%A8mes_et_Chambres_d_Amour_au_temps_de_Tristan_in_Cahiers_Tristan_L_Hermite_XXXII_2010_pp._24-38

 

TORRIONE (Margarita), « El Quijote en la educación de Felipe V", in Don Quijote: tapices espanoles del siglo XVIII, a cura di C. Herrero Carretero, J. Alvarez Barrientos, catalogo della mostra, Dallas, USA, Meadows museum (settembre-novembre 2005); Toledo, España, Museo de Santa Cruz, (dicembre 2005 - febbraio 2006) Toledo 2005.

https://www.academia.edu/25531211/Quijotes_pintados_en_los_siglos_XVII_y_XVIII

 

 

SAUSSAYE (Louis de la ), 1862 et 1867,  « Blois et ses environs. Guide artistique et historique dans le Blésois et le Nord de la Touraine» .Blois, Paris

https://archive.org/stream/bub_gb_FxctAAAAYAAJ#page/n363/mode/2up/search/mosnier

Don Quichotte, correspondances: Coypel, Natoire, Garouste : [exposition], Compiègne, Musée national du Château de Compiègne, 6 février-3 avril 2000

http://palaisdecompiegne.fr/sites/palaisdecompiegne.fr/files/dp_donquichottte.pdf

— Don Quichotte vu par un peintre du XVIIIe siècle, Natoire: Musée national du château de Compiègne, 14 mai-10 juillet 1977, Musée des tapisseries d'Aix-en-Provence, 20 juillet-21 septembre 1977 ..Odile Picard Sébastiani, Marie-Henriette Krotoff, Charles Joseph Natoire, Musée national du château de Compiègne, Musée des tapisseries d'Aix-en-Provence, Éditions des Musées nationaux, 1977 - 80 pages

— J. Vatout, Saint-Esteben, Victor Arthur Rousseau de Beauplan, Vict Herbic, Souvenirs historiques des résidences royal de France: Château de Compiègne Firmin Didot frères et cie, 1837 pages 595-597 

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Published by jean-yves cordier - dans Châteaux

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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