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27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 21:19

Les papillons décrits par Aldrovandi en 1602. Étude des noms propres.

Résumé.

Les premiers noms propres scientifiques d'espèces de papillon sont créés en 1602 par Ulysse Aldrovandi  dans De Papilionibus, Livre II chap. 1 de De Animalibus insectis : parmi ces treize noms grecs ou latins, un est encore en usage, l'épithète spécifique polychloros (Nymphalis polychlorosLinnaeus, 1758). C'est l'occasion détudier les onze Planches et leur 118 illustrations décrivant 102 espèces de rhopalocères et d'hétérocères : un ouvrage fondateur de l'Entomologie.

 

Préambule.

Ulysse Aldrovandi (1522-1605) est un naturaliste italien de Bologne qui a été initié à la botanique par Luca Ghini, puis à la zoologie par  Guillaume Rondelet.  Docteur en médecine et en philosophie en 1553, il commence à enseigner  à l'université de Bologne en 1554. En 1556, Aldrovandi commence à développer ses études botaniques sur la base de l'examen des organes reproducteurs, et, cette même année, il commence à enseigner la botanique médicale. En 1559, il devient professeur de philosophie et, en 1561, il devient le premier professeur d'histoire naturelle à Bologne (son cours s'intitule lectura philosophiae naturalis ordinaria de fossilibus, plantis et animalibus). En 1568, il crée le Jardin botanique de Bologne.

Grand collectionneur, il constitue un vaste Cabinet d'histoire naturelle, riche de 18 000 pièces, complété par une bibliothèque de 3600 volumes imprimés et environ 300 manuscrits et d'un  herbier de plus de 7 000 spécimens.

 Il publie de 1559 à 1605 les quatre premiers volumes d'une Histoire naturelle (dont De Animalibus insectis en 1602 qui constitue en fait son Livre sept) qui en comptera quatorze, les autres étant publiés après sa mort (dernier volume paraissant en 1668) par sa veuve et quatre de ses successeurs. Accordant une place capitale à Aristote dans sa classification des animaux, et compilant les auteurs de l'Antiquité comme  Strabon et Pline, il instaure néanmoins comme  règle fondamentale l'observation attentive, des spécimens, leur reproduction fidèle par l'illustration et leur description objective , initiant ainsi une démarche scientifique moderne.

Comme la plupart des philosophes, des médecins et des collectionneurs de naturalia pendant la Renaissance, Ulisse Aldrovandi conçut  son propre Theatrum Naturae à partir de son propre exemplaire de Pline l'Ancien de "Naturalis Historiae" (1553),  sur lequel il annoté chaque ligne avec ses propres observations. Aldrovandi introduit ni une nouvelle Systema Naturae, ni une approche révolutionnaire de la science, mais plutôt il a été le premier professeur d'histoire naturelle de l'Université, et dans une période dans laquelle les Cabinets de curiosités se créaient  dans les toutes les cours européennes, son cabinet de curiosités naturelles a été le premier musée d'histoire naturelle ouvert au public. Il a été largement influencé par ses "collègues" - Guillaume Rondelet, Pierre Belon, Luca Ghini, Conrad Gessner, Pier Andrea Mattioli entre autres - et par la tradition antique et médiévale. Sa riche bibliothèque comprenait des œuvres de Pline, Dioscoride, Theophraste, Galien et tous les livres les plus importants sur l'anatomie et de la médecine, y compris le célèbre livre de Vésale »De humani corporis fabrica" (1543), le premier atlas moderne du corps humain, avec le frontispice dessiné par Titien et les tableaux anatomiques par Jan Stephan Van Calcar. (Delfino et Ceregato, 2007)

Dans De Animalibus insectis, ou Livre 7, le Liber secundus est consacré aux papillons. Surpris de ne trouver aucune étude sur cette publication, j'y consacre cet article. 

 

I. Titre et frontispice.

 https://archive.org/stream/deanimalibusinse00aldr#page/236/mode/2up/search/papilio

Commençons par donner le titre complet du Livre sept : De animalibus insectis libri septem, cum singulorum iconibus ad vivum expressis, Autore Ulysse Aldrovando, in almo Gymnasio Bonon : rerum naturarium professore ordinario. Bonon [Bologne] apud Joan Bapt. Bellagambam an 1602.

Frontispice.

Je donne ici la copie de cet exemplaire, certes abimé mais  en couleur :

                aldrovandi livre 7 frontispice

Je note de haut en bas :

  • un blason couronné central, présenté par quatre putti. Les armoiries sont composées, mi-parti, de celles qui sont représentées en dessous.
  • deux muses ou Allégories dont l'une tient une sphère armillaire et l'autre un miroir.
  • Deux femmes tenant le drap blanc où est inscrit le titre. Les jambes de ces femmes sont singulières, traitées comme des écorces d'arbres, comme s'il s'agissait de Dryades.
  • une épigraphe : semper honos nomenque tuum laudesque manebunt. C'est une citation de Virgile, Énéide Livre 1 vers 609 : Énée s'adressant à Didon. "toujours subsisteront et ta gloire et ton nom et tes louanges". Rappelons que le livre est édité à titre posthume, et que cet éloge est bien légitime de la part de sa veuve.
  • Deux blasons sur les supports latéraux.
  • Sur le panneau du centre,  la déesse Artémis (arc et croissant de lune) entourée de dix nymphes dansant une ronde.
  • une signature : Il Valesio im.

Ulysse Aldrovandi était le fils d'un comte. L'armorial de Rietstap donnent pour son nom les blasons suivants, dont aucun ne correspondent :

  • Aldrovandi Bologne - Écartelé aux 1 et 4 d'azur à une écharpe d'or ployée en cercle les bouts noués en sautoir aux 2 et 3 palé d'argent et de gueules
  • Aldrovandi Bologne - De gueules à trois fasces d'or à la bande d'azur brochant sur le tout
  • Aldrovandi Bologne - D'azur au chevron soutenant une fasce en divisé surmonté d'une rose le tout d'or
  • Aldrovandini Bologne - D'azur à la bande bretessée de trois pièces chaque brétesse clouée d'une seule pièce de sable à la bande côtoyée de six étoiles le tout d'or.

Comparée au frontispice du volume de l'Ornithologia de 1599, on constate que les références à Pline et à Aristote, dont les noms figuraient sur deux piliers, ont disparu.

Le Portrait d'Aldrovandi.

http://amshistorica.unibo.it/31

                 aldrovandi-livre-7-portrait-copie-1.png

      

On y trouve :

  • des armoiries azur et or en haut à gauche, surmontées d'un griffon. Elles correspondent cette fois à la description D'azur au chevron soutenant une fasce en divisé surmonté d'une rose le tout d'or

                 

 

  • des armoiries en haut à droite avec la devise Sensibus haec imis res est non parva reponas issue de la Troisième Églogue des Bucoliques de Virgile, vers 54 : Damète à Palémon : "Il ne s'agit pas de peu de choses. Sois attentif à nos chants", traduit aussi ainsi :"La chose est d'importance, laisse-toi pénétrer par ceci". Le blason comporte un coq tenant dans la patte gauche une branche.
  • Dans le cartouche autour de l'ovale, «Ulysse Aldrovandus Bononiensis Anno Aetatis LXXX" ("Ulysse Aldrovandi de Bologne dans l'année de ses 80 ans" ...donc en 1602; 
  • Dans le cadre au pied de l'ovale, les vers composés par Giovanni Cornelio Uterverio*: "Aldrovande tuam tam parvo pictor  aere Effigiem potuit pingere non animi: Dotes  mirificas, namque harmonumenta Loquuntur vestra vir Eolis Cognite et Hesperiis". 

*Johannes Cornelius Uterverius (ou Wterwer ou Wertwer) né à Delft aux Pays-Bas, s'installa à Bologne en 1592, et obtient en  1594 le titre de docteur en médecine, il se consacre à l'étude de le Botanique et de l'histoire naturelle. A la mort d'Aldrovandi, en 1605, il a été nommé par le Sénat de Bologne et son successeur Conservateur du Museum et de la Bibliothèque d'Aldrovandi. C'est lui qui mis en ordre et publia trois volumes d'Aldrovandi à titre posthume, et qui dressa l'inventaire de toutes les plantes du Jardin public. Il mourut à Bologne en 1619 et a été enterré dans l'église de Notre-Dame de Galliera .

 

 L'éditeur.

 Joannes Baptista /Giovan Battista  Bellagamba (1596-1613 ; imprimeur)

 Typographe de Bologne, actif entre la fin des années 1500 et au début des années 1600, aux cotés de  Vittorio et Alexandro Benacci, Domenico Maria Pulzoni, Giovan Paolo Moscatelli, ou Fausto Bonardo. Bellagamba était un imprimeur qui a commencé modestement, mais a réussi à  améliorer rapidement  son équipement technique, de manière à être en mesure de publier des ouvrages de qualité. Ses premiers produits étaient deux compositions ludiques de GC Croce: Diporto piacevole (1597), et en août de la même année , Il solennissimo trionfo dell'abbondanza. En 1599, il a publié Vita della b. Caterina da Bologna de Cristoforo Mansueto; puis en 1600 des œuvres de Ippolito Grossetti,  Nicomaco Filateleo, Joseph Rosaccio, Lodovico Zuccolo et Michele Pancotto.

 Mais il est surtout connus pour l'édition des  différents volumes de la monumentale Naturalis Historiad'Aldrovandi, qui'il  a commencé à imprimer à la suite de De Franceschi en 1590, et qu'il a  poursuivi avec les tomes II (1600), III (1603), IV (1604), V (1605) et VI (1612). Ce n'est pas lui, mais Pas lui, mais le tome VII Benacci qui a publié le tome VII, mais il a imprimé le volume Historia omnium quadrupedum bisulcorum de 1613. Cette année est celle de son décés, ou du moins de la fin de ses activités, et le travail est poursuivi par Il cesse alors ses activités, sans-doute Aldrovandi Ferroni et Tebaldini.

Dans tous ses tirages, même les plus mineurs, il a utilisé de beaux caractères et des ornementations de bon goût, en fonction de la noble tradition de l'édition bolognaise. On lui connaît deux marques de typographe, l'une avec la devise "Non comedetis fruges mendacii" (Sorbelli, n. 41) et l'autre avec : "Omni tempore" (Sorbelli, n. 42).

   Source . A. Sorbelli, Histoire de l'Impression à Bologne, Milan, 1929, pp. 121, 126. 

L'illustrateur.

L'artiste qui a réalisé les planches entomologiques est Cornelius Schwindt (1566-1632), dessinateur et graveur originaire de Francfort. Schwindt était entre 1590 et 1596, l'artiste principal employé par Aldrovandi pour la peinture des spécimens de ses collections et leur copie sur les tablettes de bois.  Celle-ci étaient alors gravées par Cristoforo Coriolano

  "Plus que ses collègues, Aldrovandi a compris la fonction pédagogique des images et l'importance de l'exactitude dans la représentation des choses naturelles afin de les décrire objectivement. Il a créé un petit laboratoire à son domicile où, sous sa supervision, plusieurs artistes reproduisaient sur papier les spécimens qu'il récupérait directement ou qu'il  obtenait de ses collègues. Jacopo Ligozzi, l'artiste préféré d'Aldrovandi qui a travaillé pour le Grand-ducs de Toscane, mais aussi Giovanni Neri, l'auteur de la plupart des dessins zoologiques, Passarotto Passarotti (fils du plus célèbre Bartolomeo), Lorenzo Benini, et Cornelius Schwindt, produirent environ 3000 peintures a tempera. Cornelius Schwindt lui-même et parfois Lorenzo Benini et d'autres, copiaient les peintures sur les blocs de bois de poirier, puis elles étaient gravées par Cristoforo Coriolano et plus tard par Gian Battista Coriolano. Certains des étudiants d'Aldrovandi ont notés tous les noms connus des sujets représentés non seulement à côté de chaque dessin, mais aussi sur le dos des milliers de gravures sur bois gravés pour illustrer l'édition imprimée de son grand "Historia Naturalis". Malheureusement, Aldrovandi est mort après la publication de la quatrième des treize volumes, mais au moins deux des œuvres posthumes, éditées par son élève Jan Cornelis Wterwer, étaient presque prêtes avant 1605. Toute la collection de peintures a temperaproduites sous la direction de Aldrovandi, sont toujours disponibles et conservées dans la bibliothèque de l' Université de Bologne (Biblioteca Universitaria Bolognese). Pour les célébrations du 400e anniversaire de la mort de Aldrovandi, toutes les peintures a tempera ont été numérisées et mises à disposition par l'intermédiaire du World Wide Web (disponible à l'adresse wwwfilosofia.unibo.it/aldrovandi/)." (Delfino & Ceregato, 2008)

 

Le graveur sur bois.

Cristoforo Coriolano est né un graveur allemand en 1540 à Nuremberg. Installé en Italie, il a changé son nom de Lederer à celui de Coriolano. Selon Vasari, après avoir atteint un certain succès à Venise, il aurait gravé sur bois les portraits des peintres, sculpteurs et architectes, d'après les dessins de Vasari, pour ses Vies des Peintres, d'abord publié en 1568. Il a également gravé la plus grande partie des illustrations des volumes de l'Ornithologie d' Aldrovandi. Il est mort à Venise au début du 17ème siècle. Ses fils Giovanni Battista Coriolano et Bartolommeo Coriolano devenus éminents graveurs à l'époque baroque.

 

Le Livre second consacré aux papillons.

 Le Livre second occupe les page 235 à 341. Il est intitulé Ulyssis Aldrovandi Philosophi et medici bononiensis, historiae de insectis liber secundus, qui est de caeteris anelytris quadripennibus, & primum.

Le texte,  en latin avec des inclusions fréquentes de grec, est disposé sur une seule colonne de 58 lignes avec une seule marge latérale où apparaissent les noms des espèces ou autres éléments notables.

 

 

SOMMAIRE du Livre II.

Il permet entre autres de voir l'étendue encyclopédique des données présentées, qui dépassent de loin la description entomologique pour englober les domaines sémantiques, ethnologiques, médicaux (ethno-médecine), psychosociaux et religieux. On constate aussi que les chenilles, puis les chrysalides, sont décrites dans des chapitres distincts des papillons, comme des espèces séparées. Mais la description des spécimens, accompagnée de 11 planches, occupe 18 des 26 pages du chapitre I : cette partie, fondée sur l'observation, dépasse celle qui est (seulement partiellement) fondée sur la compilation livresque.

Cap. I De Papilionibus : page 235-261 : des Papillons (diurnes et nocturnes)

  • Ordinis ratio. Synonyma page 235
  • Differentiae descriptio page 236-253
  • Coitus parto generatio page 253
  • Locus volatus cibus aetas page 256
  • Denominata page 256
  • Praesagia page 257
  • Proverbia page 258 (:"Non credo alla Rondine ne alla farfalla, Ma bene alla Cicala che mas falla").
  • De papilione ad lumina accensa advolitante page 258
  • Synonyma page 258
  • Mores. Ingenium page 259
  • Nocumenta page 260 ("Nuisances").

Cap. III [sic] De Bombylio sive papilione bombycum page 261 : des Bombyx .

  • Synonyma
  • Generatio et tota historia

Cap. IIII De Erucis vulgaribus page 264 : des Chenilles

  • Aequivoca synonyma page 264
  • Genus differentiae forma page 265
  • Generatio mores victus page 274
  • Ut fugentur page 275
  • Usus in medicina page 275
  • Proverbium

Chap. V. De Chrysalide sive aurelia page 277 : De Chrysalides.

  • Forma differentiae

Chap. VI De Bombyce aequivoca

  • Synonyma
  • Genus differentiae forma
  • Bombyces veteribus romanis et graecis fuisse ignotas
  • Generatio
  • Educatio et quaedam rursus de generatione.
  • Denominata
  • Moralia
  • usus page 295

Cap. VII De serico : de la Soie.

  • Synonyma page 295
  • Holosericum differe a serico.
  • Usus page 297
  • Usus in medicina page 298.

Cap. VIII. De Pityocampe page 298 : Chenille processionnaire du Pin

Cap. IX De Curculione page 299 : Curculionidae

  • Ordo aequivoca
  • Synonyma
  • Forma generatioo page 300
  • Ut fugantur page 301
  • Proverbium. Page 302

Cap. X. De Perlis vulgo dictis. Page 302 : Des Perles = Libellules (odonates)

Cap. XI. De Xylophtoro Page 306 : Trichoptère "perce-bois" nommé Xylophtoros par Aristote

Cap. XII. De Orsodacna. Page 307 : nos Criocères

Cap. XIII. De Cicada page 307 : Cicadidae

  • Ordinis ratio
  • Aequivoca
  • Synonyma eorumque etymum page 308
  • Forma descriptio page 308
  • Genus differentiae page 309
  • Hortus generatio
  • Locus
  • Cantus eiusque ratio
  • Aetas temperamentum et capiendi ratio
  • Antipatheia page 321
  • Denominata
  • Praesagia
  • Augura
  • Historica
  • Mystica
  • Moralia page 323
  • Cur Homerus senes cicadis comparaveritpage 326
  • Hieroglyphica page 327
  • Symbola
  • Numismata page 328
  • Aenigmata et apophtegmata page 329
  • Problemata
  • Emblemata page 330
  • Epigrammata
  • Proverbia
  • Epitheta
  • Fabula
  • Apologi
  • Usus in cibis page 340
  • Usus in medicina page 341
  • Usus in variis

 

 

LE CHAPITRE I DE PAPILIONIBUS.

 

 1. Classification.

 A la première page de l'ouvrage lui-même, le Livre 7 , Aldrovandi, qui suit Aristote, donne le Tableau de sa classification générale. des Insectes, lesquels sont divisés en animaux soit terrestres, soit aquatiques. Les espèces terrestres sont réparties en deux nouveaux groupes, celles qui ont des pattes et celles qui n'en n'ont pas. Ont-elles des pattes ? Les voici divisés selon la présence ou l'absence d'ailes. Compte-t-on deux ailes, ou bien quatre ? Si on en compte quatre,  ces ailes sont-elles membraneuses (favifica, qui font des rayons de miel, ou non favifica), ou bien farineuses (poudreuses car formées d'écailles) ? C'est ainsi que nous parvenons au Livre II des Insectes à quatre ailes, sans élytres, c'est à dire des Papillons. L'auteur distingue les papillons Vulgaires, Lucernaires, et Autres (Vulgaris, Lucernarius, & Aliquot). Enfin les chenilles (eruca), au lieu d'être décrites avec les espèces sans ailes mais à 12 ou 14 pattes, sont décrites au Livre II chapitre IV, et les Chysalides ou Aurelia auchapitre V.

2. Dénominations générales et étymologie.

Ces matières sont abordées au paragraphe Synonyma page 235 et Denominata page 256 :

a) Synonyma.

Papiliones "hoc est ventum sive spiritum" : le nom grec pour désigner les papillons est psyché, qui veut dire le souffle ou l'esprit.

Aldrovandi donne le nom vernaculaire de ce groupe d'insectes en différentes langues : en italien Parpaplione, parpaglia, farfalla : espagnol mariposa ; allemand pfeiffholter [cf.falter], Sommervögelin, quasi avicula aestivia, Belgique Capellexen, Vlindere, Boterulieghe (cf. Butterfly), Pellarin : Flandris privatim Boterschyte, Gallis Papillon, Polonais Motil, Ungaris Louoldek, Anglis à Butterflie.

b) Denominata page 256.

Papilio sive tentorium

 A papilionis volantis similitudine tentorium Papilionem vocari nonnulli volunt. Calepino Homil. In Psal. 14.  Graece etiam scribitur papilios, sed eam vocero nullibi reperio. D. Chrysostomus vocem esse tradit Romanam ; apudquem forte cum ille Graece scribi videret, Graecam esse credidit. Chrysostomi verba adiscriberem, sed graeco careo : Latinus factus sic habet : Quemadmodum ergo. Mosis in deserto tabernaculum, erat tigurium in quo congregari poterant, quod Romani vocarunt Papilionem. Italis    Apud Plinium ubi habet, Numidae vero Nomades a permutandis Papilionibus, mapalia sua, hoc est, domus, plaustris circumferentes, castigatoria exemplaria habent, a permutandis pabulis.

Papiliones item nominantur maculae illiae, quibus per pestilentes febres cutis suffunditur variis locis, Pulicum aut Cimicum morsui similes, vario saepe colore, pro veneni feritate, & materiae conditione, modo rubrae, modo flavae, subnigrae, violaceae seu purpureae, caerulee, livide, nigrae, et quia fere purpuri sunt coloris, ideo purpurae nomine Gallis intelliguntur.

 Lenticulae aliis dicuntur, quod saepe lenticulari colore, & effigie visuntur Ambrosius Pareus (Lib.21cap.28) Papiliones ideo nominati vult, quia alatorum Papilionum instar varias subito involent corporis velut regiones, nunc faciem, nunc brachia, nunc crura, nunc totum corpus. Ego potius a maculatiis illis Papilionibus pulcherrimis, qui floribus desides perpetuo insident, propter consimillimas maculas ita vocari arbitror.

 

3. Les onze planches de description des Papillons adultes.

 

Aldrovandi rassemble sa collection en onze planches (plus une figure isolée page 245), soit au total 118 figures et 102 espèces,  classées par taille (Grande-Moyenne-Petite). Les identifications sont sujettes à discussion, car j'en propose certaines de ma seule initiative, et sans compétence entomologique, et d'autres en tenant compte des auteurs comme James Petiver ou Linné lorsqu'ils donnent ces illustrations en référence de leurs descriptions.

 

Aldrovandi a attribué des noms propres à quelques uns de ses papillons, soit en grec, soit en latin. Ces noms sont repris en marge latérale dans le texte. J'en ai dénombré onze. Certaines pages du manuscrit original, conservé à la Bibliothèque Universitaire de Bologne, sont reproduites dans the Insect and the Images de Janice Neri : elles comportent des noms supplémentaires, qui y auraient été inscrits parfratre Gregoria Cappucino en 1592. Le Père capucin Grégoire, de Reggio-Émilie, loin d'être un obscure plumitif, a reçu les louanges des principaux naturalistes pour ses compétences en Histoire naturelle et notamment en botanique, et G. Olmi pense qu'il devait être l'apothicaire de divers couvents dont celui de Bologne. Son nom apparaît page 236 comme l'auteur d'une illustration. Les illustrations de ces planches manuscrites ont été ensuite découpées et réagencées dans un ordre plus élaboré. J'indiquerai ces noms du père Grégoire par les initiales P.G.

Les descriptions sont précédées par cette présentation générale :

Quanquam plurima sint Papilionum genera, nulla tamen a veteribus descripta reperias.

Aristoteles antennas iis ante oculos praetendi scripsit ; idemque ; ex eo repetiit Plinius, vocans istiusmodi antennas ignava cornicula. Neque aliud quicquam apud ipsos invenire est, quod ad formam corporis extrinsecam Papilionibus pertinet. Sunt autem plerisq ; alae molles, ceu farinae, et fragiles : servantq ; ipsi colorem Erucarum, ex quibus ortum suum duxere. Omnes, quos mihi licuit observare, (observavi autem plurimos), ea quae dixi, communia habebant. Suntque ; aliis diurni, ali nocturni, hoc est tenebrarum amantes. Alii magni, ali parvi, alii mediocres : alii uno tantum praediti colore, alii duobus, alii pluribus, alii maculati, alii sine maculatis. Colorum differentias tetigit Albertus Lib. 26, dum ait. Papiliones sunt Vermes volantes multorum colorum. Quidam enim sunt in alis sicut purpura, quidam albi, quidam hyacinthini, et quibusdam quaedam inest rubedo. Hi sunt qui in autumno coeunt. Sic ille, sed quam diversis aliis coloribus praediti Papiliones reperiantur, ex subsequentibus hic ordine depictis, ac descriptis patebit : inter quos tamen nullus existit aeuleo infestus, quales in India reperiri scribunt, qui Sciscioni vocentur. Qui itaq in priori tabula primo loco sculptus datur, non incongrue ιπποψύχη dicetur. Est enim Papilionum maximus. Vespere potissimum cernitur, interdiu latet. Latus est palmus, et amplius. Alae singule rotundam habent, ac notabilem maculam, oculum diceres, nigrum, sed primo miniaceo, dein candido circulo obductum.

 

Planche 1

= 6 figures, 5 espèces de grande taille, 4 hétérocères, 1 rhopalocère (dorsal et ventral) .

Une description type, celle du Machaon :

Erupisset  Papilio, alis sese fecit conspicuum iis, quos diximus, coloribus prone et supine. Color niger luteus que ; in primis alis intensior est, in supinis remissior. Ale interne, que alias minores esse solent, in hoc animali proceriores sunt, intraque ; serrata serris eisdem coloribus distinctis, ex quibus fere media ceu cauda quedam dependet. Corpus totum pronum atrum est, ad latera, et supinem luteum : eitque pro alarum longitudine admodum exile. Oculi magni nigerrimi. Nigerrime item antenne, que in extremo obtuse sunt, tote subtilissime. In alarum internarum extremis lateribus macula rubra sive rosea conspicitur, rotunda internem semicircularis externem. In summa elegans est Papilio. Conspicitur passim per agros et hortos.

 

Traduction très approximative : Ce Papillon qui surgit  se fait lui-même remarquer, nous l'avons dit, par les couleurs des faces supérieures et inférieures de ses ailes. Ses  couleurs noir et jaune, sont plus intenses aux ailes antérieures et moindres sur les postérieures. Les ailes internes, qui sont d'habitude plus petites, sont chez cet animal plus grandes; scies dentelées de mêmes couleurs, dont près de la moitié dépend comme la queue. Tout le corps est sombre sur la face dorsale et sur les cotés, et jaune en face ventrale : ... De grands yeux noirs. Les antenne noires également, extrêmement éffilés à leur extrémité. . Au bord des faces intérieures des ailes se voient des taches rouges ou roses arrondies en interne et semi-circulaires en externe. En somme, c'est un papillon élégant. On observe ici et là dans les champs et les jardins.

Aldrovandi décrit surtout les couleurs, et plus rarement les formes; Il présente le papillon pronem et supinem, de dessus et de dessous, précisant les couleurs des ailes, du corps, des yeux, des antennes et des pattes. Il conclue par une appréciation globale ("en somme, c'est un papillon élégant") avant de préciser le milieu où vole l'espèce, ici les champs et les jardins. Nous avons déjà ici une description moderne, objective, précise, systématique, qui est articulée avec l'illustration qu'elle commente. En comparaison, voici la phrase spécifique rédigée par Linné en 1758 pour son papilio machaon : alis caudatis concoloribus flavis ; fasciis fuscis ; angulo ani fulvo. "Ailes unies jaunes : bandes fauves ; angle anal fauve". Aldrovandi soutient honorablement la comparaison.

 

— Identifications :

-Fig.1 : Saturnia pyri, femelle (Bodenheimer p.257)

.

-Fig. 2 : Daphnis nerii "Sphinx du Laurier-Rose" (Bodenheimer, p.257) : cohérent avec la dénomination Papilio viridis ("papillon vert") d'Aldrovandi.

.

-Fig. 3 : Acherontia atropos "Sphinx tête de mort" (Bodenheimer, p.257)

Aldrovandi a obtenu ce spécimen en élevant sa chenille. :

Tertium ex eruca nasci observavi sub finem Augusti anno superiori, eaque caudata, & immensae magnitudinis, suo postmodum loco depingenda. Folliculum non texit, sed in Aureliam mutata Papilionem hunc generavit decem fere dierum intervallo, corpore crasso eiusdem cum alis coloris, nimirum ex luteo, & fusco variantis. In tergore notabilis macula est candicans, humanum quodammodo cranium anterius exprimens. Caput totum nigricat, pedesque & antennae, quae latiusculae sunt. Ale interne tote fere lutescunt

"J'ai observé le troisième qui est né d'une chenille à la fin aooût de l'année dernière. La chenille avait une corne et était immensément grande. Je donnerai son illustration plus tard ailleurs. Elle ne fila pas de cocon, mais se changea en chrysalide qui se transforma en Papillon en l'intervalle de dix jours , au corps épais, aux ailes couleur bien-sûr jaune et de nuances de brun. [...] La tête est toute noirâtre de même que les pattes et les antennes qui sont larges. Les ailes postérieures sont presque toutes jaunes".

Dans ma recherche de l'origine des noms, je remarque surtout la phrase  In tergore notabilis macula est candicans, humanum quodammodo cranium anterius exprimens : "Sur le dos est inscrite une marque blanche, qui a la forme d'un crâne vu de face de quelque humain". On peux dire qu'Aldrovandi est à l'origine indirecte du nom de Sphinx "tête de mort".

.

- Fig. 4 = Grand Paon-de-nuit mâle (Saturnia pyri). 

Postremum in hoc ordine depictum prona, & supina parte anno 1592 mense vero Iulio, huiusque die vigesimasexta gigni adverti ex parua quadam Eruca, hirsuta, colore ex rubro, albo & nigro variante....

 

 

 

- Fig. 5 et 6 : le Machaon Papilio machaon L. identifié par James Petiver sous le nom de Royal William (Musei n° 328 page 35) puis par Linné.

— Noms donnés par Aldrovandi :

 La Planche 1 est décrite page 236, sans mentionner de noms propres. On trouve en marge pour la figure n°2 Papilio viridis. 

Sur une aquarelle préparatoire, Papilio machaon porte le "nom" ou la mention Papilio luteis "Papillon jaune"( illustration in Bodenheimer Planche X)

                     

 

                       Aldrovandi-papillons-p.237-copie-1.png

 

Planche 2 page 238.

= 6 figures, 4 espèces de grande taille. 1 hétérocère (ventral et dorsal), 3 rhopalocères.

— Identifications :

-Figure 1 et 2 : Noctua sp.

-Figure 3 : Le Flambé Iphiclides podalirius.

-Figure 5 : Le Morio Nymphalis antiopa. ?

-Figure 6 : Le Tircis Pararge aegeria. ?

— Noms donnés par Aldrovandi :

-  fig. 3 page 239 :  papilio leucomelanos "Papillon blanc et noir" 

-  fig. 6 page 239 :  papilio polyophtalmos.  "Papillon aux nombreux yeux".

-Fig. 2 : Papilio quadruplici colore (?) (P.G.) 

-Fig.3 : papilio leucomelanos ex albo nigra cum appendicibus in alaram extremitatibus longissimis.(P.G)

-Fig.4 : papilio niger cum quatuor oculis nigris, et in medio coeruleis.(P.G)

-Fig. 6 : Papilio polyophtalmos (P.G)

 

                     Aldrovandi papillons p.238

.

Planche aquarellée originale, l'espèce n°5 (Nymphalis antiopa):

Aldrovandi-aquarella-Nymphalis-antiopa.png

 

.

Planche 3 page 240.

Dix figures = 8 espèces de taille moyenne. 

— Identifications :

-Fig. 2 et 3 : Vanessa cardui ?

-Figure 4 : Vanessa atalanta. Reconnu par Linné qui le donne en référence en 1746 sous le nom de Ammiralis et en 1758 sous le nom de Papilio atalanta.

— Indications et Noms donnés par Aldrovandi :

 - fig. 2 et 3 : vue ventrale et dorsale

-fig. 6 Papiliones habentes promuscides. "Papillon ayant une trompe".

-Fig. 8 et 9 : même espèce "toute jaune" en vue dorsale puis ventrale

.

 

                     Aldrovandi-papillons-p.240-copie-1.png

 

 

Planche 4 page 242.

 =  11 espèces de taille moyenne.

— Identifications :

-Fig.1 =Écaille chinée (Euplagia quadripunctaria).

— Indications et Noms donnés par Aldrovandi :

La planche est décrite dans la seconde moitié de la page 241.

-La figure 1 est comparée à la lettre delta.

-Figure 2 et 3 : même espèce

-fig.4

-Page 241  fig. 10 :  Qui decimus est in hoc ordine propter insolentem vultum, quo Satyrum quam exacte aemulatur σατυρωϰδήσ [Satyroides] dici possit. Corpore toto est flavo, rubro distincto ; alvo bifurcata, alis nigricantibus, & velut stellis candidis elegantissime exornatur.

"Le dixième, parce que son aspect est arrogant (ou Bizarre, inaccoutumé ?), peut être dit littéralement σατυρωκδήσ  ["comme un Satyre"]. Son corps est entièrement jaune séparé de rouge, son ventre est bifide, ses ailes noirâtres, et aussi élégamment ornées d'étoiles jaunes." 

 

[Voir Ici, un Satyre représenté dans le livre d'Aldrovandi sur les Monstres :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b23006724/f17.item.hl.langFR    ]

 

 

 

                     Aldrovandi papillons p.242

 

 

Planche 5 page 243.

= 4  espèces de taille moyenne.

— Identifications :

 

 - 5 : Euplagia quadripunctaria ??

— Noms donnés par Aldrovandi :

- fig.1 et fig. 2 = vue dorsale et ventrale

- fig 3 et fig. 4 = vue dorsale et vue ventrale

- page 244 : fig. 5. λευχόχλωροσ (leucokloros) "Blanc et coloré" ou "Blanc et vert". Papilio λευχόχλωροσ ιεηγς, seu fasciis obliquis insignitus.  (P.G) 

- Page 244 : fig. 5 et 6 :  Papilio cruciger "papillon en forme de croix" Quintum papilionem crucigerumnominavi, quod externis alis complicatis, albis teniis quibus ornatus cernatur, crucem vel potius litteram X exprimat , quanquam id in icone pictor non expressit.

- fig. 7 et 8 : vue dorsale et vue ventrale

 

                              Aldrovandi papillons p.243

 

 

Planche 6 page 244

= 4 figures soit 2 espèces.

— Identifications :

Figure 1 et 2 : Lasiommata megera.  Linné y reconnaît son Papilio maera nommé Satyrus en 1746. (il donne par erreur la référence "page 244 fig. 12" au lieu de fig. 1-2, erreur déjà présente dans sonFauna suecica de 1746). 

Fig. 3 et 4 :

a) Aglais urticae. Linné y reconnaît en 1746 son espèce n° 775 en signalant néanmoins que la figure est mauvaise (mala). Mais il supprime cette référence en 1758. Si on compare cette figure avec celle du manuscrit original, on constate qu'initialement, l'aspect déchiqueté du bord anal des ailes postérieures n'était qu'ébauché, et a été outré dans la figure imprimée. De même, trois taches noires étaient dessinées à l'origine sur le bord interne des ailes antérieures.

b) Polygonia c-album. En 1758, Linné corrige son identification et donne en référence de son papilio c-album le texte et la figure 3-4 page 244. C'est en effet plus en rapport avec l'aspect déchiqueté des ailes, malgré l'exagération de la figure.

 

— Noms donnés par Aldrovandi :

- Fig. 1 et 2 : Page 245 : en marge : Papilio πολυοφταλμοσ (polyophtalmosalter. "Autre Polyophtalmos", ou "autre papillon aux nombreuses ocelles."

 Papilio πολυοφταλμοσ variegatus proné et supiné (P.G).

Papilionem qui in tabula sexta primo depingitur ordine polyophtalmos nuncupavi, quod in internis alis intus ac extra multis notaretur oculis, qui tamen licet duo tantum in externis exterius, et interius elegantiores sunt. In his enim iris est nigerrima, pupilla alba. Alae supiné ex luteo, et castaneo variant. Internae intus prope corpus primum ceruleae, dein fere amethestinae, in quo colore cernere  erat lineas duas transversales, flexuosas, castanei coloris.

  Traduction très sommaire "Celui qui est dépeint en premier dans la planche six est nommé le "Polyophtalmate" car on remarque à l'intérieur et à l'extérieur des ailes de nombreux yeux, qui cependant bien que les deux à l'intérieur et à l'extérieur, sont élégants. Car l'iris y est du noir le plus intense, et la pupille blanche. Les ailes en dessous, varient du jaunes  au chatain. Le bord interne près du corps est bleu presque violet  , dans lesquelles couleurs on peut voir deux lignes transversales sinueuses couleur marron.

 

- Fig. 3 et 4 : Papilio parte prona subluxeus nigris punctis respersus. / Papilio supina subniger et ad instarfluvii undulatus.(P.G)

Pour cete espèce (considérée comme Polygonia c-album), voila la description de la page 245 :

Sub quarum postrema color subsequitur luteus, deinde rursus amethesthinus, quem lineae percurrunt castaneo colore, atque intra has siti sunt quos dixi, oculi, subcaeruleus cingit circulus. Corpus animantis nigricat. Pedes & antennae lutei. Oculi nigri. Alter alas habet dentatas, rubicundas, ad ferrugineum accedentes, & maculis respersas nigris, in medio rotundis, ad latera oblongis, ac magnis. Alae supine nigricant, & albam fasciam habent, quae vel currentes aemulatur fluminis undas. Corpus supinum cinereum est, pronum nigricat.

Traduction très approximative : Pour ce dernier, couleur jaune-rougeâtre, devenant en arrière  couleur violette, traversé de  lignes de couleur châtain, un endroit sec, et, comme je l'ai dit que je ai dit, les yeux bleutés entourés d'un cercle. Le corps de l'animal est noir. Pieds et antennes jaunes. Des yeux noirs. L'autre aile est dentelée, vermeil, virant au rouge foncé et teinté avec des taches noires, dans le milieu une ronde, oblongue, sur les côtés, et d'une grande. Vu de dessous,  les ailes sont noirâtres avec une bande blanche, semblables à des flammes ou des ondes. Dessous du corps gris cendré, dessus noir.

 

Aldrovandi-papillons-p.244-Planche-6.png

 

 

Planche  7 page 246.

 

= 13 figures soit 10 espèces.

— Identifications :

- Fig. 2-3 : Linné reconnaît dans Fauna suecica son Phalaena bombyx dicta n°832, nommé Phalaena Bombyx mori en 1758 : le Bombyx du mûrier.

-Fig. 6 : identifié par Linné en 1746 comme son Papilio hyemalis n° 796 dans la Fauna suecica  puis en 1758 comme le Papilio crataegi n° 57: Aporia crataegi, "Le Gazé". Linné épingle la figure 6 d'une mention mala (mauvaise) qu'il ne reprend pas en 1758.

-Fig. 7 : Nymphalis polychloros "La Grande Tortue" :  Papilio polychloros pour Linné, qui l'identifie et cite le nom donné par Aldrovandi  dans sa Fauna suecica de 1746 n° 773 , ainsi que dans sonSystema naturae de 1758, ce qui explique le nom attribué par Linné.

- Fig. 8-9 = Grand Nacré (Argynnis aglaja). Identifié par Petiver sous le nom de Greater Silver-spotted Fritillary Musei 1696  n° 320 page 35 , puis par Linné en 1746 sous le nom de Rex et  en 1758 sous le nom de papilio aglaia.

Fig.12 = Pour Linné, les figures 11-12 correspondent à Phalaena Bombyces caja, Écaille martre Arctia caja.

 Un papillon de forme triangulaire, ailes supérieures brunes sillonnées de blanc, ailes inférieures ocres avec des points noir bleuté 

- Fig. 13 identifié par Linné en 1746 comme son Coridon Fauna suecica n°786 qui devint en 1758 sonPapilio jurtina,n° 104 : Maniola jurtina, le Myrtil. 

 

— Indications et Noms donnés par Aldrovandi page 245 :

- fig. 1 :Quorum primus corpore toto niger est, annulos vero habet luteos. Ale omnes candidant, et venis distinguuntur nigricantibus.

-fig. 2 et 3 : Bombyliis sunt, ex erucis Bombycivomis orri, vulgo noti, undique candidissimi, exceptis antennis, que nigre sunt et hirsute. Invicem coeunt, mas est tenuiori corpore, secundo scilicet loco pictu. Inter utrumque : ova appinximus exigua, coloris fere crocei. Alas habent breves, et ad volandum velut ineptas. Horum post privatim trademus historiam.

- fig. 4. Quartus in hac serie totus quoque candidat per alas ETC...

 -fig.6  : Sextus totus est candidus corpore scilicet, ac alis, que venas habent nigras, nigros item pedes, & antennas.  le sixième a le corps d'un blanc pur, de même que les ailes, qui a des veines noires. Noires aussi sont les pattes, et les antennes.

-fig. 7 Polychloros dici queat propter colorum diversitatem."De plusieurs couleurs" (stricto sensu "de plusieurs verts").

-fig. 8 et 9 : vue dorsale et ventrale.

fig. 11 et 12 : vue dorsale et ventrale

 

                           Aldrovandi papillons p.246

 

 

Planche  8 page 247

 = 14 figures soit 14 espèces.

— Identifications :

 

— Noms donnés par Aldrovandi :

 

                          Aldrovandi-papillons-p.247-copie-1.png

 

Planche 9 page 249.

      24 illustrations = 24 espèces.

— Identifications :

Fig. 11- 12 reconnue par Linné comme sa Phalaena ursus (Fauna suecica n°820). 

fig. 22 = zygaena sp. Petiver y reconnait (Musei n° 330 page 36) le "Greenish Leopard with 5 scarlet spot" de Thomas Moffet 

— Noms donnés par Aldrovandi :Pages 248 et 250 

-  fig.3 : papilio πολυχλοροσ  polychloros minimus. "De plusieurs couleurs, plus petit"

-  fig. 13 : papilio lucernarius("papillon Porteur de lampe")

 -  fig. 21. papilio argenteus ("papillon argenté").

- fig. 22 : description : Vigesimus secundus toto corpore aterrimo, alas habet nigra colore ruberimi distinctas ; pedes et antennas longiusculos, nigros. "Le 22 a tout le corps très noir, les ailes noires avec des marques rouges distincets, les pattes et les longues antennes, noires."

 

 

                               Aldrovandi papillons p.249

 

 

Planche 10 page 251.

 10 figures = 9 espèces.

— Identifications :

 

— Noms donnés par Aldrovandi Page 250:

 

fig. 11 papilio triticiarius  ("du froment") = ?? Euxoa tricici 

Figure 1 et 2 : Papilio obstreperus cauda lara et pilosa, supinus et pronus (P.G) [obstreperus : "bruyant, qui fait un bruit importun"]

Figure 3 : papilio minor subalbus (P.G)

 

                       Aldrovandi papillons p.251

 

 

 

 

 

Planche 11 page 252.

: 10 espèces.

— Identifications :

 

 

— Noms donnés par Aldrovandi :

        Aldrovandi-papillons-p.252-planche-11.png

 

 

 

Autres noms cités plus loin.

Hepialos, employé par Aristote, Pyraustae page 259, et  Pyrallis.

Les chenilles.

Page 266 Planche 1 = 9 espèces.

Page 268 Planche 2 = 12 espèces. Linné reconnaît son Sphinx vinula

Page 269 Planche 3 = 19 espèces.

Page 271 Planche 4 = 4 espèces.

Page 272 Planche 5 = 9 espèces.

Page 274 Planche 6 = 15 espèces

Page 278 Planche 7 = 6 espèces.

Chapitre VI De bombyce.

Page 280 Planche 1 = 8 espèces.

Page 281 Planche 2.

page 282 Planche 3 = 15 espèces  

Cum eam aliquo tempore domi aluissem, telam non texuit, aut folliculum, sed in Chrysalidem immutata Papilionem peperit atro luteum, eum quem in prima Papilionum tabula tertium, exhibuimus. Page 267

"Après l'avoir nourri [la chenille  figure 1 Planche 1 page 266] pendant un certain temps chez moi, elle n'a pas formé une toile ou un cocon, mais se transforma plutôt en une chrysalide  qui donna naissance à un papillon jaune et noirâtre, précisément le premier de la Planche 3.

 

Discussion.

      Nous sommes ici devant la première description jamais rédigée dans l'Histoire, d'une collection d'insectes, et, pour ce chapitre 1 du Livre II, d'une collection de papillons. Comme le signale l'auteur, certainement avec étonnement, Quanquam plurima sint Papilionum genera, nulla tamen a veteribus descripta reperias : "Bien qu'il existe de nombreuses sortes de papillons, on ne retrouve aucune description donnée par les Anciens".

 Explorant depuis trois ans l'histoire des noms de papillons, j'aborde donc ce texte avec l'émotion d'un archéologue, et avec la conviction que des fouilles plus approfondies que ma visite d'amateur s'imposent. Notamment, la traduction du texte latin d'Aldrovandi semble un préalable indispensable.

  L'auteur de cette description est, avec Conrad Gessner, l'un des deux Géants précurseurs de l'Histoire naturelle de l' Europe de la Renaissance, et leurs noms seront, pour les entomologistes des siècles suivants, aussi réputés et aussi fondamentaux que ceux d'Aristote ou de Pline dans l'Antiquité. Mais la consultation exhumée de leurs écrits conserve-t-elle un intérêt ? L'article Wikipédia consacré à Aldrovandi comporte ces lignes : "Son œuvre apparaît aujourd'hui, en regard de nos critères, comme totalement désuète et sans intérêt. Georges Cuvier dira d'elle que c'est «une immense compilation sans goût ni génie» et que si on supprimait tous les passages inutiles, il n'en resterait qu'un dixième."

 Ma conviction, après cette brève consultation de son travail, est bien différente, et je constate la précision objective des descriptions entomologiques, et l'attention avec laquelle Linné les citera en référence de ses propres descriptions.

Dans une démarche analogue à la mienne, mais avec une toute autre compétence et un tout autre niveau, Delfino et Ceregato ont étudié les données publiées par Aldrovandi concernant les Reptiles. Il est intéressant de lire leur opinion et le résultat de leurs recherches :

" La présente contribution à la connaissance de l'iconographie herpétologique du 16e siècle est largement basée sur l'information disponible, en italien, dans ce livre. Parmi les nombreuses planches réalisées sous la direction de Ulisse Aldrovandi environ 50 dépeignent les amphibiens et les reptiles. Leur nombre et leur qualité permettent de considérer cette collection d'images  comme le premier atlas iconographique de l' herpétofaune  italienne et méditerranéenne et, sans aucun doute, la première collection d'images herpétologiques réalisées avec des critères relativement modernes. Amphibiens et reptiles apparaissent avec une certaine fréquence dans l'iconographie scientifique du 16e siècle, mais la qualité des images publiés par des auteurs comme Belon, De Bry, Gessner, Imperato, Mattioli ou Ramusio, est loin d'être aussi précise et agréable que les planches de Aldrovandi, planches qui sont remarquables en raison de la richesse et de l' exactitude des données et, surtout, par la présence de couleurs. Bien qu'une comparaison entre les images produites avec des techniques différentes est, évidemment, dangereuse, les gravures publiées par les auteurs contemporains (xylographies habituellement), ou publiés après quelques décennies par Jonston (1650-1653; gravures sur cuivre dans certains cas explicitement copiés à partir d' Aldrovandi), mais aussi ceux inspirés par les mêmes tableaux édités par Aldrovandi puis publié à titre posthume sous son nom, comme les serpents de la "Serpentum et Draconum Historiae" en 1639, sont fortement touchés par un simplification excessive. Sans même parler de l'absence de couleur, une telle simplification les rend non seulement moins agréable, mais  infidèles [nonnatural] et parfois inutiles pour préciser les caractères distinctifs d'une espèces. Les 47 planches herpétologiques contiennent au total 75 dessins dépeignant au moins 34 taxons (certains figurés selon deux points de vue); dans les 23 dessins concernant les amphibiens et les 52 concernant les reptiles il a été possible d'identifier, à différents niveaux de précision, 28 espèces  (5 amphibiens et 23 reptiles). Vingt et un de ces espèces appartiennent à l'herpétofaune italienne ; les sept autres sont en quelque sorte «exotiques». Dans ces planches contenant plusieurs spécimens, le principe de classification semble être la ressemblance morphologique (comme dans le cas des grenouilles, scinques et les serpents) ou, moins fréquemment, la présence d'anomalies. En fait, bien que dans la plupart des cas, les spécimens représentés ont une morphologie "normale", une attention particulière a été accordée, comme dans toute l'activité de Aldrovandi, aux spécimens «déviants». "

 

1) Les identifications.

Parmi les 118 gravures sur bois des 11 planches de ce chapitre, et 102 espèces,  11 espèces ont pu être identifiées avec précision par James Petiver (1695-1703) et par Linné (1746 et 1758). Je suggère 6 autres identifications, et ce nombre pourrait sans-doute être augmenté par une évaluation proprement entomologique actuelle. En 1602 dans la première description d'une faune régionale de lépidoptères, 17 papillons sont donc reconnaissables, dont  11 rhopalocères. En voici la liste :

Rhopalocères : Papilio machaon ; Iphiclides podalirius ; Nymphalis antiopa ; Pararge aegeria ; Vanessa atalanta ; Lasiommata megera ; Aglais urticae ; Polygonia c-album ; Aporia crataegi ; Nymphalis polychloros ; Argynnis aglaia.

Hétérocères : Saturnia pyri ; Euplagia quadripunctaria ; Phalaena Bombyx mori ; Arctia caja ; Hyphoraia aulica ; Zygaena sp.

Bien-entendu, ces noms sont seulement suggérés à titre indicatif.

2) L'onomastique.

Là encore, l'émotion est grande, puisque jusqu'alors, aucun nom d'espèce n'avait jamais été créé pour désigner un papillon. Ces insectes étaient nommés par Aristote par les termes grecs psyché ("âme, souffle") ou hepalios (pour les espèces qui s'agitent fébrilement devant une flamme), et les noms vernaculaires dérivaient sauf exception du nom latin papiliones. Les papillons de nuit relevaient du nom grec  φ α ́ λ α ι ν α phalaena.

Ce qui n'est pas nommé n'existe pas, et il est ne nous est pas possible de concevoir le monde d'avant les noms. Pas possible d'imaginer qu'un beau papillon noir et rouge vienne se poser, sans pouvoir penser in petto "Tiens, un Vulcain!". Le silence des espaces innominés m'effraient. La Terre et ses habitants au stade de l'infans m'est à peu près aussi inaccessible que la période de ma vie pendant laquelle je n'avais pas acquis la parole. Mais, en 1602, le monde des naturalistes va encore balbutier sans prononcer de vrais Noms Propres pendant encore un siècle et demi. Comme les satellites captant les émissions sonores d'un proto-univers, la lecture d'Aldrovandi nous permet d'assister à la naissance d'un langage archaïque, prémisse de notre Nomenclature Zoologique. 

La récolte est d'une pauvreté attendrissante : treize noms grecs ou latins, dont certains se répètent. Cinq désignent les couleurs des ailes, deux désignent le motif des ailes (à croix ou à ocelles), un signale l'existence d'une trompe, et l'un mentionne une plante nourricière, et un seul, Satyroide, crée une métaphore reliant l'aspect général d'une espèce avec un personnage mythologique. Ce sont , dans leur ordre d'apparition sur scène, :

  • papilio viridis "papillon vert".
  • leucomelanos "le blanc et noir"
  • polyophtalmos "aux nombreux yeux"
  • Papiliones habentes promuscides  "papillon ayant une trompe"
  • satyroide "comme Satyre"
  • leucokloros "blanc et vert"
  • cruciger "en forme de croix"
  • polyophtalmos  alter "autre aux nombreux yeux"
  • ploychloros "de plusieurs couleurs"
  • polychloros minimus "de plusieurs couleurs, mais en plus petit"
  • lucernarius "le porteur de lumière"
  • argenteus "argenté"
  • triticiarius "du froment".

  Parmi ces treize noms, l'Entomologie en conserve encore aujourd'hui directement un seul, créé par Linné : l'épithète spécifique polychloros qui sert à désigner la "Grande Tortue" Nymphalis polychloros.L'héritage est direct puisque Linné donne ce nom à cette espèce parce qu'il en a reconnu la description par Aldrovandi, qui est, en réalité, le véritable auteur du nom de cette espèce.

 

  Un autre nom a été modifié avant d'être repris comme un nom de genre actuel. Polyophtalmos a d'abord été repris par Denis et Schiffermüller en 1775 qui en nomment leur Famille N : Papiliones Polyophtalmi Aldrov. Vieläugichte Falter (Les Argus de Geoffroy) (Wiener Verzeichniss page 281). Mais ce nom sera modifié par Latreille en Polyommatus (même sens) pour désigner en 1804  un vaste genre, actuellement de taille réduite, le Genre Polyommatus de la famille des Lycaenidae. En 1827, Swainson créera la sous-famille des Polyommatinae.

Le nom Satyroide est, bien-sûr, à l'origine du nom Satyrus donné par Linné en 1746 à ce qui allait devenir son Papilio maera (1758) puis le Satyre de Geoffroy (1762). Latreille allait en faire un nom de genre en 1810, qui a donné le Genre Satyrus actuel, parmi les Nymphalidae. Il est peut-être à l'origine de tous les noms apparentés comme le Faunus de Linné, ou parmi nos noms vernaculaires, le Faune de Geoffroy, le Silène, la Bacchante, etc.

Le nom leucomelanos a été utilisé par James Petiver pour désigner en latin son Half-Mourner,Melanargia galathea. Notons que le nom Melanargia créé par Meigen en 1828 est l'inversion du nom leucomelanos dans lequel -argia remplace leuco- pour désigner la couleur blanche.

 

3) les illustrations.  

 Les illustrations jouent un rôle fondamental dans la démarche scientifique d'Aldrovandi car c'est par elles qu'il va réaliser un Théâtre de la Nature incluant non seulement une exposition des objets d'Histoire naturelle, mais aussi une mise en scène, c'est à dire une classification.(Aldrovandi avait réuni au total un ensemble de 10 000 peintures et gravures). La copie par peinture des insectes permet leur reproduction objective attentive au respect de la fidélité au modèle naturel, mais la disposition de ces dessins mis en couleur selon des planches permet une réflexion taxonomique, ici basée sur les critères morphologiques (présence d'ailes, de pattes) puis, au sein du groupe défini comme Papiliones, selon leurs tailles décroissantes. 

  La publication de ces planches permet aussi un partage des collections, au sein de l'Europe des savants, participant à la mise en place d'un Musée virtuel, lorsque d'autres auteurs auront enrichi les rayonnages des bibliothèques de leur propres planches. C'est bien la réunion des éléments de ce Musée virtuel européen qui permettra à Linné d'écrire son Systema Naturae. La réunion des illustrations au sein d'une bibliothèque va réaliser ce dont tout collectionneur peut rêver, posséder touts les spécimens existants de son champ d'investigation.

Ces illustrations sont accouplées avec le texte, qui suit scrupuleusement la Planche, et le numéro d'ordre des espèces dessinées. 

Ces gravures sur bois, malgré tout assez grossières comme l'impose la technique elle-même, ne sont pas les premières illustrations des espèces de papillons, ni les plus belles ou les plus réalistes, et ce n'est pas la qualité iconographique qui est précieuse, mais la démarche de collecte, de regroupement, de description et, si balbutiante soit-elle, de dénomination.

Ainsi, Vanessa atalanta et Aglais urtica peuvent déjà être identifiés sur le Jugement Dernier de Hans Memling (vers 1467), ou dans le Jardin des Délices de Jérôme Bosch (1503). Une Piéride du Chou et une Grande Tortue sont parfaitement peints sur les marges du Livre d'Heures d'Hastings(1470).  Pisanello  a peint entre 1435 et 1449 autour du "Portrait d’une princesse de la Maison d'Este"  des représentations identifiables d'un Flambé (à gauche) (Iphiclides podalirius) à gauche, d'un Vulcain (Vanessa atalanta) en vol et de profil à droite et d'un Souci (Colias crocea). À la gauche de "La Vierge au papillon" (musée du Vatican), Francisco di Gentile (xve siècle) peint également un Flambé. 

130px-Hastings_book_of_the_hours.jpg 130px-Pisanello_016.jpg

 Joris Hoenagel (Anvers, 1542-Vienne, 1600) donne de nombreux exemples de papillons peints avec la plus grande précision, comme ce Melanargia galathea :

220px-Hungarian_-_Mira_calligraphiae_mon

Ou bien celle de Vanessa cardui " Belle Dame" :

                            250px-Joris_Hoefnagel_-_Flower_still_lif

http://www.bio-creation.com/blog/papillons/migration_de_millions_de_papillons_belles_dames : 

belle-dame.jpg

 

13 septembre 1590 :

1280px-Studies_of_Flowers_and_Butterflies,_watercolor_painting_on_parchment_by_Joris_Hoefnagel,_Flanders,_1590,_HAA

https://secretgardening.wordpress.com/tag/joris-hoefnagel/ : 

butterflies-columbine-hoef.jpg?w=470&h=3

http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0565JorisHoefnagel.jpg

http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0566JorisHoefnagel.jpg

A 19 ans, son fils Jacob Hoefangel (1575-1630) s'est chargé de la gravure des peintures de son père et de leur publication dans  Archetypa studiaque Patris Georgii Hoefnagelii publié en 1592 à Francfort.

Dans Gloria crocodilus, une planche illustre la volonté d'une reproduction exacte de ce que l'œil voit, tel un objectif photographique.

320px-Jacob_Hoefnagel_-_Gloria_Crocodilu

Cette collection de 48 planches  comprend de façon non limitative, et parfois en plusieurs exemples les lépidoptères suivants (entre parenthèse si douteux) :

Rhopalocères :

  • Gonepteryx rhamni
  • Vanessa atalanta
  • Nymphalis polychloros
  • (Plebejus argus)
  • Papilio machaon
  • (Thecla betulae)
  • Aglais io
  • Polygonia c-album
  • Nymphalis antiopa
  • (Antocharis cardamines)
  • (Melitaea cinxia)
  • Lasiommata maera/megera
  • Iphiclides podalirius
  • Quercusia quercus
  • (Erynnis tages)
  • (Aphantopus hyperanthus)

Hétérocères :

  • Macroglossum stellatarum
  • Agrius convolvuli
  • (Zygaena filipendulae)
  • Acheronta atropos (larva)
  • Smerinthus ocellatus
  • Hyles Gallii (larva + nympha + imago)
  • Phalaena 
  • Saturnia pavonia.
  • Arctia caja
  • Noctua pronuba
  • Euclidia glyphica

N.B : j'ai tenu compte des identifications indiquées (fin du XVIIIe ?) sur l'exemplaire conservé à Strasbourg.

En 1630, et donc cette fois-ci après la publication du De animalibus insectis d'Aldrovandi, Jacob Hoefnagel a publié son Diversae Insectarum Volatium icones, l'une des toutes premières œuvres uniquement consacrée aux insectes, et qui comporte 302 insectes dont 72 Lépidoptères, qui viennent du centre et du nord de l'Allemagne.  

Dans le cas des peintures et gravures des Hoefnagel, une influence de leur œuvre sur les gravures publiées par Aldrovandi doit être discutée, d'autant que Cornelius Schwindt, peintre d'Aldrovandi, venait de Franfcfort, lieu d'édition des Archetypa

Mais pour le sujet qui m'occupe, l'histoire des noms, les superbes gravures et les somptueuses peintures des Hoefnagel n'étaient accompagnées d'aucun nom propre ; et, pour l'évaluation de l'aspect novateur du travail d'Aldrovandi, ces dessins n'étaient accompagnées d'aucune description entomologique, et d'aucun souci de systématisation.

 

 

      4) Les peintures originales.

Les plaques d'aquarelle de Ulisse Aldrovandi :  Les 18 volumes de tableaux de plantes, fleurs, fruits, animaux, commandées par Ulisse Aldrovandi dans la seconde moitié du XVIe siècle, sont peut-être la plus vaste galerie d'art de la fin de la Renaissance du monde naturel jamais créé. Composé de plus de 2900 peintures, cette collection était à même de fournir une vue précise du Théâtre de la nature que le naturaliste de Bologne avait soigneusement observé pendant plus de cinq décennies. Planche volume 007

Rhopalocères :

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 13:42

A la chasse aux papillons dans l'Europe médiévale. Une traduction d'un article de Vazrick Nazari (2014).

Une traduction de :

CHASING BUTTERFLIES IN MEDIEVAL EUROPE

VAZRICK NAZARI 3058-C KW Neatby Building, 960 Carling Avenue, Ottawa, ON K1A 0C6 Canada; email: nvazrick@yahoo.com

in Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, 223–231

En ligne sur : https://www.academia.edu/19623264/Chasing_Butterflies_in_Medieval_Europe

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.

Grâce à la numérisation à grande échelle de précieux manuscrits médiévaux enluminés  par les bibliothèques, les musées et autres institutions à travers le monde, une ressource en ligne nouvelle et inattendue  devient rapidement disponible à un public moins habituel : les entomologistes. Bien que la plupart d'entre eux soient de nature religieuse, les manuscrits enluminés produits pendant le Moyen Age (5e-15e siècle) sont richement illustrés avec des scènes de la vie quotidienne des gens ordinaires, des clercs, et de la royauté. Les marges de ces manuscrits sont souvent ornés par des illustrations décoratives élaborées,  connues aussi sous le nom de  comme "marginalia", incorporant une variété d'éléments naturels tels que les fleurs, les oiseaux et d'autres animaux, y compris les insectes. Des études antérieures sur les illustrations d'oiseaux (Yapp 1982), de libellules (Kern, 2005) et d' escargots (Hope 2013) dans les manuscrits médiévaux ont montré qu'outre d'utiles informations taxonomiques historiques, des enseignements peuvent être tirés de ces sources sur l'iconographie et le symbolisme des éléments vivants à l'époque médiévale. Dans cet article je discuterai  de quelques  moyens qui permettent de comprendre  les lépidoptères dans l'iconographie médiévale, et en particulier dans le contexte de la religion et de la guerre. La période prise en compte  pour les manuscrits sélectionnés dans cet article s'étend de 1280 à 1540, et la sélection contient des images provenant de la Belgique, l'Angleterre, la France, l' Italie, les Pays-Bas et l'Espagne actuels. Les manuscrits comprennent des livres d'heures, des bréviaires, pontificaux, ordinaux, décrétales, psautiers, oratoires, graduels, et autres ouvrages de dévotion. Les images de cet article sont tous soit dans le domaine public ou sont reproduits ici avec sa permission.

 

 

 

MATÉRIELS ET MÉTHODES.

En utilisant diverses bases de données en ligne et les sites Web des institutions européennes et nord-américaines, j'ai mené des recherches sur les manuscrits médiévaux numérisés et  mise à la disposition des internautes par la courtoisie des universités, des collèges religieux, les bibliothèques municipales ou nationales, ou d'autres institutions. La qualité des images et les droits de propriété variaient mais toutes les institutions se montrèrent prêtes à fournir l'autorisation d'utiliser et d'obtenir des images de qualité supérieure à des fins de recherche sur demande. Beaucoup de ces institutions ont construit une base de données en ligne complète avec des descriptions d'éléments sur chaque folio (page) des manuscrits dans leur dépôt, ce qui facilite la recherche de mots-clés (par exemple «papillon») et permet de se concentrer uniquement sur les pages où ces images apparaissent. D'autres, cependant, ne disposent pas d'un tel système de catalogage et il faut alors  consulter  le manuscrit  page par page pour découvrir l'imagerie pertinente. Parmi les centaines de manuscrits interrogés, j'en ai trouvé environ 270 qui contenaient une ou des  images de  lépidoptères. Il ne fait aucun doute qu'une recherche plus rigoureuse donnerait plus de matériau. Dans beaucoup de ces manuscrits, les lépidoptères représentés sont très stylisés et il est souvent difficile même de dire si un papillon d'une image est celle d'un papillon diurne ou d'un papillon de nuit.  Parmi ceux que j'ai sélectionné, environ 30 manuscrits incluaient des  scènes où les lépidoptères étaient présentés dans une sorte d'interaction soit avec les humains, soit avec les singes, les putti (les êtres ailés nus et enfantins), des centaures, ou avec d'autres créatures fantastiques. Les lépidoptères dans ces scènes étaient soit poursuivis, soit visés , ou capturés dans un sens ou un autre. La diversité des méthodes décrites par des illustrateurs médiévaux pour capturer les papillons était vraiment surprenante, d'autant plus que la principale motivation de ces activités est restée largement inexpliquée. Je fournirai ici des  exemples d' images de ces méthodes  médiévales de collecte. 

 

RÉSULTATS

 


Bien que les papillons individuels soient communs dans les décorations marginales, ils apparaissent rarement comme éléments de fond dans d'autres scènes. Je n'ai trouvé qu'un  seul exemple dans un livre d' heures  belge (1) du début du 16e siècle, avec les paysans qui travaillent dans un domaine où plusieurs papillons voltigent (Fig. 1). Dans un livre d'heures français (2) (1430), un papillon semble avoir surpris un homme barbu portant une casquette (Fig. 2). Dans un autre livre d'heures anglais  (3) des années 1450, un homme barbu encapuchonné pointe du doigt un grand  Aglais urticae  mal dessiné (Fig. 3). Dans le "Bréviaire à l'usage de Besançon" (4) (avant 1498), un  putti est secoue un arbre où est perché un Aglais urticae  bien représenté (Fig. 4). Dans un Bréviaire de Bourgogne de la fin du 13e bréviaire siècle (5), deux femmes sont représentées à une sortie, dont l'une tient ce qui semble être un filet étonnamment moderne (photo de couverture). Bien que cela puisse être interprété comme un filet de pêche, son véritable objectif reste incertain puisque le texte d'accompagnement  est sans rapport avec cette scène  et qu'il n'y a pas de papillon ou de poisson illustré dans la page.

 

 

 



 

 

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 Une bonne proportion des images que j'ai réunies dépeignent des  personnes  cherchant, chassant ou ayant capturé  de papillons à mains nues. Le plus ancien d'entre eux se trouve dans le Bréviaire de Belleville (6) (1323-1326, Pays-Bas), où un singe tient dans sa main un  Aglais urticae bien dessinée (Fig. 5). (7) Dans le Pontifical de Guillaume Durand (France, 1390), un garçon nu tente d'attraper un papillon blanc (Fig. 6). Des scènes semblables avec les humains, putti ou d'autres figures célestes apparaissent dans les notes marginales de plusieurs livres d'heures ou ordinales produits en France (8,9) dans les années 1430, 1460, en Italie (10) (1475), et en Espagne  (11) (1482, avec un  Saturnia pyri) ( fig. 7-10). Sur le frontispice d'une reproduction de "La Divine Comédie" de Dante produit en Italie (12) dans les années 1430,  un homme nu est représenté tentant d'atteindre un papillon diurne ou nocturne noir sur un arbre (Fig. 11). Niché dans une large bande marginale, le Golf Book (13) (Pays-Bas, 1540) et le Bréviaire d'Aliénor du Portugal (14) (Belgique, 1510, non représentés), montrent tous les deux  des scènes où des figures humaines mal discernables chassent des papillons à mains nues et aussi avec des chapeaux ou des "clubs de golf" (fig. 12). Dans un Livre d'heures français (18) de 1495 à 1503, un homme nu est représenté essayant d'attraper un papillon avec un objet dans sa main qui pourrait être soit un grand chapeau gris ou un rocher (Fig. 13). J'ai également trouvé deux exemples, dans des manuscrits provenant de France, d'hommes représentés en train de viser des lépidoptères avec des clubs de golf . L'un d'eux est un Bréviaire datant d'après 1481,( 16) (Fig. 14), et l'autre est le fameux "Roman d'Alexandre" (15) (1338-1344) (fig. 15). Dans un manuscrit italien (17) du milieu du 15ème siècle, un putto chevauchant un paon vise de sa lance un papillon très stylisée (Fig. 16).

 


 

 

 Dans les Décrétales  de Grégoire IX (19) (13ème siècle), un homme attaque un papillon avec une grande épée dans sa main droite et un petit bouclier dans la main gauche (fig. 17). 

 

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Une image similaire apparaît également dans le "Roman d'Alexandre" 15 (Fig. 18). Mais d' autres armes sont plus communément représentées  contre des papillons dans la période médiévale, ce sont les arcs et des flèches. Des humains (20), des Centaures (7, et 21), des  putti (22), et des singes (7, et 23)  ont été peints avec des arcs et des flèches en train de viser des papillons et des singes, en utilisant différents types de pointes de flèches (fig. 19-24). Dans le  Psautier de la Vierge Marie, (32) (1310-1320), les garçons sont vus jouant avec des papillons attachés à des fils (Fig. 25). Plusieurs manuscrits comprennent des scènes avec des personnes, des putti ou des singes tentant d'attraper des papillons avec des filets allongés (alias Gugels). La plus ancienne de ces images vient d'un livre d'Heures de Belgique  du 14e siècle (24) (Fig. 26). Dans le Roman d'Alexandre (15), les marges de deux pages distinctes sont consacrées à la représentation de scènes élaborées où plusieurs hommes  (Fig. 27) et femmes (Fig. 28) chassent les papillons avec des filets ou à mains nues, et quelques-uns qui tiennent leur filet renversé vers le sol, en ont capturé à l'évidence un.  Dans "La Roman de la Rose" (25) (France, 1390), deux jeunes filles sont représentés dans un jardin, une assise tenant quelque chose dans ses mains, tandis que l'autre est debout, la main  gauche tendue vers le haut, la main droite tenant un filet  derrière elle, cherchant à frapper un papillon qui vole au-dessus de la tête (Fig. 29). Des scènes semblables apparaissent également dans un  Bréviaire français (26) (1350-1374) ainsi que dans le Livre d'Heures  de Charlotte de Savoie (27) (1420 à 1425) (fig. 30, 31). Les filets sont également décrits comme des outils de collecte utilisés par  des singes (15) ou par des putti (28)  (fig. 32, 33). J'ai également constaté deux cas d'hommes nus représentés en train d'essayer d'attraper un papillon avec un article différent, un grand  vêtement blanc, peut-être une cape ou un manteau (29, et 30) (fig. 34, 35). Dans Omne Bonum (31) (1360-1375), les enfants sont représentés jouant avec des jouets et chassant les papillons, avec une pièce de  vêtement  non identifié (Fig. 36).

 

DISCUSSION.

 

 

 

Les lépidoptères sont des éléments très communs dans le symbolisme des sociétés du monde entier. Pour ce qui concerne le cadre limité de l'art occidental, Gagliardi (1976) a décrit 74 contextes  symboliques différents dans lesquelles les papillons peuvent apparaître. Parmi ceux-ci, les plus importants se rapportent à la métamorphose de lépidoptères, un phénomène fascinant qui a captivé l'imagination humaine depuis l'aube des temps. Dans l'antiquité romaine et grecque, le papillon diurne (psyché) était un symbole de l'âme, et de l'immortalité transcendante de la vie  après la mort  ([Blatchford] 1889). Dans l'ancienne histoire de Psyché et de Cupidon (ou Eros  en grec), mieux racontée par l'écrivain romain Apulée (2e siècle de notre ère), Psyché est une femme dont la beauté terrestre menace Vénus, la déesse de l'amour. Venus envoie Cupidon se venger, mais Cupidon tombe amoureux d' elle. Venus bannit  Psyché dans les Enfers mais elle revient victorieusement à la vie, et elle acquiert l'immortalité de la part de  Jupiter pour qu'elle puisse épouser Cupidon en toute égalité de statut. Par conséquent, elle symbolise non seulement l'image de l'âme immortelle, mais l'angoisse puis le triomphe de l'âme. Les Grecs et les Romains ont vu les papillons diurnes comme la personnification du cycle de la mort et de la résurrection  de Psyché. Dans les monuments gréco-romains présentant Cupidon et Psyché s'embrassant, ou occupés à diverses activités amoureuses ou de divertissement, Cupidon est toujours représenté avec des ailes semblables à celles des oiseaux, tandis que Psyché a  des ailes  fragiles, souvent très stylisées comme celles des papillons. Dans les sceaux romains du 1er siècle, Cupidon est parfois représenté brûlant un papillon avec une torche enflammée, un symbole de l'angoisse de l'âme dans l'amour (Platt 2007).

Dans l'art grec datant d'aussi loin que le 3e siècle avant notre ère, Eros est souvent représenté comme un enfant plutôt qu'un adolescent (Stuveras 1969). Beaucoup de scènes des les manuscrits que j'ai étudié  comportent des putti, les petits enfants ailés, tirant ou  capturant autrement les papillons. Ces putti peuvent être légitimement interprété comme une représentation de Cupidon chassant celle qu'il aime, Psyché. L'abondance de ces scènes d'une histoire essentiellement païenne dans les manuscrits religieux chrétiens de l'Europe médiévale  est plutôt intéressant et démontre la continuité  de la représentation symbolique de papillons durant le Moyen-Âge et au-delà.

Les papillons nocturnes  sont mentionnés à plusieurs reprises dans la Bible, à chaque fois  dans un contexte négatif  comme des parasites de marchandises  ou des vêtements stockées (par exemple, Job 13:28; Psaume 39:11; Esaïe 51: 8; Osée 5:12; Matthieu 6:19; Jean 5 2). Bien que certaines des images présentées ici peut être interprété comme la représentation de gens mécontents chassant les mites des vêtements, l'attitude négative envers les lépidoptères semble avoir progressivement changé au fil du temps, en particulier lors de l'introduction de la soie en Europe au début du 12e siècle. En fait, semblable à l'abeille, le «ver à soie" (Bombyx mori) a été reconnu comme un insecte utile et illustré en détail dans les manuscrits ayant trait à la production de soie (Morge, 1973).

 

L'entomologie en tant que science, toutefois, était rudimentaire dans l'Europe médiévale, et les travaux biologiques du philosophe grec Aristote, écrites dans le 3e siècle avant JC, était la seule source de connaissance zoologique durant tout le Moyen-Âge. Aristote a soutenu que les vers trouvaient leur origine dans les bois ou de la viande en décomposition, les chenilles dans les choux, et les mites dans les vêtements. Des observations biologiques précoces au cours du 13e siècle, – tels que les travaux de Thomas Cantiprantanus (Liber de Natura Rerum, 1233-1248), Albertus Magnus (De animalium, 1255-1270) ou Bartholomeus Anglicus (De proprietatibus rerum, milieu du 13e siècle) – ne sont pas dégagés de l'ancien dogme aristotélicien. Ils contenaient des affirmations dramatiquement incorrectes sur les insectes, et  certains traitaient les papillons des "vers volants" ou de "petits oiseaux" (Morge 1973). La théorie désormais obsolète d'Aristote de la génération spontanée (des êtres vivants émergeant de la matière inanimée) était en fait encore  enseignée  en Europe au milieu du XVIIe siècle (Kern 2005).

 L'activité de recherche  et l'intérêt scientifique limités envers les papillons pendant le Moyen Age ne peuvent pas expliquer adéquatement l'abondance de ces scènes dans les manuscrits médiévaux. Les lépidoptères font de  rares apparitions dans les œuvres chrétiennes antérieures au 14siècle, comme des tapisseries ou peintures, mais sont généralement absents des manuscrits. L'un des plus anciens manuscrits enluminés, le "Livre de Kells" écossais des années 800 de notre ère  (Trinity College, Dublin, MS 58, non représenté), comprend deux petits papillons cachés dans la calligraphie gothique de la page Chi-Rho (Spangenberg 2010).

[J'ajoute cette illustration puisée sur le net]

https://www.oneonta.edu/faculty/farberas/arth/Images/109images/Insular/kells/chi_rho_moth.jpg

 

 

A partir de la fin du 13e siècle, les papillons commencent à apparaître plus fréquemment dans les marges de manuscrits européens. Certaines des scènes impliquant des papillons dans cette période peut être expliqué par le symbolisme religieux bien connu au Moyen-Âge (Panofsky 1955). Dans l'iconographie médiévale, les singes représentaient les péchés  (Walker Vadillo 2013), les escargots peuvent avoir représenté l'humilité (Hope 2013) ou la virginité (Ettlinger 1978), les mouches étaient des symboles de la mort, du mal ou de la brièveté de la vie sur la terre, et  les coccinelles les sept douleurs de la Vierge (Yanoviak 2013); les scarabées représentaient les pécheurs, les abeilles ont été associés à la virginité (Berenbaum, 1995) ou à l'organisation et à la hiérarchie (Payne 1990) ; les  poux ou les puces à la peste et aux maladies,  et les criquets à la famine (Morge, 1973). 

Les papillons ont maintenu leur statut de  représentation iconique de l'âme. Il a été avancé que la combinaison des mouches (symbole de la mort), des libellules (symbole de vol et d'ascension) et des papillons (symbole de la résurrection) dans les marges médiévales est une représentation du Christ (Hassig 1995). La majorité de ces livres précieux ont été commandées par la noblesse, ont pris plusieurs années pour être achevé, et ont souvent impliqué plusieurs artistes. Ils ont été des biens fort  prisés  non seulement en raison de leur contenu religieux, mais aussi an tant que magnifiques œuvres d'art. Il est donc intéressant de noter certaines des préoccupations majeures de la noblesse à l'époque médiévale: la chasse et la guerre. Dans  le "Bird Psalter" anglais (1280-1290), on voit un archer visant une bécasse, mais aussi un  papillon blanc du genre des Pieris (Fig. 20). Les scènes de chasse aux oiseaux et autres animaux abondent dans les marges des manuscrits médiévaux, car c'était une activité courante chez les nobles et la royauté. Cependant, les armes sont plus souvent présentées dans le contexte de la guerre plutôt que la chasse, ce qui reflète le contexte violent de l'époquePeu de régions d'Europe ou d'Asie restèrent à l'abri des invasions, des rébellions ou des guerres civiles au cours du 13e et 14e siècle, ce qui entraîne un changement progressif de la manière dont les  armées ont été organisées et  dont les batailles furent menées. Par exemple, en 1337, juste avant le déclenchement de la guerre avec la France, Edouard III d'Angleterre interdit tous les sports sauf le tir à l'arc sous peine de mort (Mortimer, 2012). Sur chaque place du village, les jeunes hommes sont devenus experts dans l'utilisation des "arcs longs" (longbows) , et les normes de tir à l'arc se sont accrues. Il est donc pas exagéré de penser que pour ces guerriers médiévaux (ainsi que les chasseurs) qui aspirent à améliorer leurs compétences en tir à l'arc ou l'escrime, la visée de petits objets en mouvement de façon erratique dans l'air constitue l'objectif ultime, et que  cela peut avoir été une part routinière de la formation de combat au Moyen-Âge. Cette pratique était probablement banale et a persisté, même à l'époque moderne: Laubin & Laubin (1980) mentionnent que les jeunes Indiens d'Amérique modernes s'entraînent à  la visée en tirant des flèches sur les papillons. Que ce soit un symbole religieux ou une représentation de la beauté éphémère de la nature, les papillons diurnes et nocturnes semblent avoir été un objet important de  curiosité et de  contemplation pour les esprits médiévaux. Beaucoup de ces papillons ont été dessinés à partir de modèles réels, qui étaient peut-être capturés par l'illustrateur ou ses collaborateurs d'une façon ou une autre; et on peut supposer que cette activité elle-même a pu trouvé en quelque sorte  sa place dans les marges de certains de ces livres enluminés. L'utilisation prolifique des insectes dans les marges du manuscrit médiéval peut également avoir joué un rôle dans le développement de l'intérêt pour des observations empiriques et changer les attitudes envers la nature, et  former la base sur laquelle les premiers naturalistes scientifiques – comme Thomas Muffet et Maria Sybilla Merian – ont débuté  leur travail dans les siècles suivants.

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ILLUSTRATIONS.

cf.

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.224

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.224

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.225

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.225

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 226

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 226

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 227.

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 227.

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MANUSCRITS EXAMINÉS.

1 Livre d'Heures. 1525-1530, Belgique (Bruges). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.1175. Reproduit ici avec permission écrite.

Livre d'Heures. 1430, France (Rennes). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0173. Reproduit ici avec permission écrite.

Livre d'Heures 1440-1450, England (London?). © Pierpont Morgan Library, New York; MS G.09. Reproduit ici avec permission écrite

4 Bréviaire à l'usage de Besançon. avant 1498, Ouest de la France (Normandie). Cliché IRHT-CNRS © Bibliothèque municipale de Besançon; ms. 69. Reproduit ici avec permission écrite

5 Breviaire (Part I, pour l'usage de Saint-Bénigne, Dijon; diocèse de Langres). Fin 13ème siècle , France (Bourgogne). - The Walters Art Museum, Baltimore; MS W.109. Creative Commons License;Reproduit ici avec permission écrite

6 Bréviaire de Belleville. 1323-1326, Nederland (Gand); Attribué à Jean Pucelle. Enlumineur. Bibliothèque Nationale, Paris; Ms. lat. 10484 (2 volumes). Dans le domaine public. .

7 Pontifical de Guillaume Durand. 1390, France. © Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris; MS. 143. Creative Commons License; Reproduit ici avec permission écrite.

8 Heures à l'usage de Bayeux. 1430-1440, Ouest de la France (Normandie). © Médiathèque du Bassin d’Aurillac, ms. 2. Reproduit ici avec permission écrite.

9 Heures à l'usage de Rouen. 1460-1470, France (Rouen). © Aixen-Provence, Bibliothèque municipale, MS 0022. Reproduit ici avec permission écrite.

10 Bréviaire de Piccolomini . 1475, Italie (Lombardie). ©Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0799. Reproduit ici avec permission écrite.

11  Ordinal de l'Eglise catholique. 1482, Espagne. © Houghton Library, Harvard University, Cambridge, Massachusetts; MS Typ 236. Reproduit ici avec permission écrite.

12 La Divine Comédie de Dante. 1430-1435, Italy. © Bibliothèque Nationale, Paris; Ms. Italien 74. Reproduit ici avec permission écrite.

13 Livre d'heures à l'usage de  Rome (the 'Golf Book'). 1540, Netherlands. The British Library Board, Additional MS 24098.  Dans le domaine public.

 

14 Breviaire d'Eléonore du Portugal. 1500-1510, Belgique (Bruges). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0052. Reproduit ici avec permission écrite.

15 Roman d'Alexandre. 1338-1344, France (Flamand). Attribué à divers auteurs y compris Lambert le Tort, Alexandre de Bernai (de Paris), Jehan de Grise et autres . Bodleian Library Oxford, England; MS Bodl. 264, pt. I. Dans le domaine public.

 

16 Bréviaire à l'usage de Langres. After 1481, Est de la France (Bourgogne ?). © Chaumont, Bibliothèque municipales; MS 0033. Reproduit ici avec permission écrite.

17 Livre d'Heures à l'usage des Dominicains. 1458-1465, Italie. © Houghton Library, Harvard University, Cambridge, Massachusetts; MS Typ 463. Reproduit ici avec permission écrite.

18 Livre d'Heures. 1495-1503, France (Rouen). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0261. Reproduit ici avec permission écrite.

19 Decretals de Gregorire IX avec glossa ordinaria (the 'Smithfield Decretals'). Dernier quart du 13ème siècle ou 1er quart du 14ème siècle, Sud de la France (Toulouse?). The British Library; Royal MS. 10 E IV. Dans le domaine public..

20 The Bird Psalter. 1280-90, Angleterre. © Fitzwilliam Museum, University of Cambridge, Cambridge England; MS 2-1954. Reproduit ici avec permission écrite.

21 Ormes by Psalter. Milieu 14ème siècle , England (East-Anglia ?). © Bodelian Library, Oxford, England; MS Douce 366. Reproduit ici avec permission écrite.

22 Partitiones oratoriae; Topica, etc. 1425-1430, Italie (Florence). The Beinecke Library, Yale University, New Haven, Connecticut; Marston MS 278.  Dans le domaine public.

 
23 Estoire del Saint Graal, La Queste del Saint Graal, Morte Artu. 1315-1325, France. The British Library Board; Royal MS 14 E III. Dans le domaine public.

24 Horae etc. 13ème siècle , Belgique (Flandres). Trinity Colledge Cambridge, England; MS B.11.22. In public domain; Reproduit ici avec permission écrite.

25 Le roman de la rose. 1390, France. Attribué à  Guillaume de Lorris et Jean de Meung. © Bodleian Library, Oxford, England; MS. e Mus. 65. Reproduit ici avec permission écrite.

26 Breviaire. 1350-1374, France (Paris). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0075. Reproduit ici avec permission écrite.

27 Livre d'Heures de Charlotte de Savoie. 1420-1425, France (Paris). Pierpont Morgan Library, New York; MS M.1004. Reproduit ici avec permission écrite.

28 Livre d'Heures. 1418, France (Paris). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0919. Reproduit ici avec permission écrite.

29 Psautier-Heures de Yolande de Soissons. dernier quart du 13e siècle, France (Amiens). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0729.Reproduit ici avec permission écrite..

30 Gradual. 1350-1400, Italie. © Houghton Library, Harvard University, Cambridge, Massachusetts; MS Typ 079. Reproduit ici avec permission écrite..

31 Omne Bonum (Ebrietas-Humanus). James Le Palmer. 1360-1375, S.E. England (London). The British Library Board, Royal MS 6 E VII. In public domain.

32 The Queen Mary Psalter, 1310-1320, England. The British Library; Royal 2B VII. Dans le domaine public.

 

 

BIBLIOGRAPHIE.

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[BLATCHFORD, C.H.], 1889. The Butterfly in Ancient Literature and Art. pp. 1257-1263. In Scudder, S.H., 1888-1889, The Butterflies of the Eastern United States and Georgia, with Special Reference to New England. 3 Vols., Author, Cambridge, Massachusetts, 1958 pp.

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FIN de l'article de Vazrick Nazari


 

 

 

 J'ai exploré pour ma part le site Mandragore de la Bnf, qui m'a sélectionné (Classement thématique/Zoologie/ autre insecte/ papillon) 767 légendes soit 681 images numérisées. Je n'ai pas ouvert les 681 liens, mais les 200 premières données concernent le fond Français, les données suivantes le fond latin, dans lequel les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (Latin 9474) et les Petites Heures de Jean de Berry (Latin 18014) se taillent une part royale. La quasi-totalité de ces papillons des manuscrits occupent les marges, et sont classées sous les rubriques "encadrement", "décor marginal" et plus rarement "lettrines". Ce sont des papillons idéalisés ou stylisés, sans rapport avec des espèces réelles, figurés parmi des fleurs qui sont, elles le plus souvent identifiables.

Quelques exceptions : des papillons en plein texte.

Les exceptions à cette situation marginale se comptent sur les doigts des mains, mais elles stimulent la curiosité : quel phénomène a pu être assez puissant pour inciter les artistes à arracher les lépidoptères de leur monde des bordures, où ils cotoient les singes et les petits lapins, les fleurs des champs et  les rinceaux, pour mériter de figurer dans l'espace sacré du texte principal ?

La première raison est fort logique : dans trois ou quatre enluminures illustrant la Création du Monde lors de la Genèse, les papillons figurent avec les oiseaux, les reptiles et les mammifères autour du Dieu créateur.

 C'est le cas dans le Fr. 160 ou dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay au XVe siècle (Français 308). On trouve encore d'autres exemples ponctuels, comme le Français 185 (une Vie des saints du 2ème quart du XIVe siècle de Jeanne et Richard de Montbaston ), où un papillon stylisé sur un arbre répond à un chardonneret sur un autre arbre pour illustrer  "S. Paul le simple quittant le monde" dans le folio 177v et "Abba jean et paesius" dans le folio 271. Le papillon et l'oiseau y représentent la Nature, par métonymie.

J'ai ensuite interrogé la base de données  Enluminure regroupant les manuscrits de Bibliothèques Municipales françaises. Là encore, je fus comblé, mais de même, parmi les 400 réponses (ce qui ne veut pas dire 400 manuscrits ou 400 images de papillons) d'Aix-en-Provence à Verdun,  je voyais se succéder des lépidoptères d'ornement, non identifiables, mais qui animaient souvent des drôleries, ou que des manants tentaient d'attraper. Après plusieurs heures passées à cliquer sur les images pour les copier, je me suis arrêté bien avant d'avoir atteint Paris, vers Clermont-Ferrand (Missel à l'usage de Clermont), à la 102ème image. 

 

Je propose quelques ILLUSTRATIONS SUPPLÉMENTAIRES.

— Bnf Latin 5827 f.2

.

— Bnf français 995 (1401-1500), Contient : 1° La Danse macabre. ; 2° Des trois Morts et des trois Vis. ; 3° La Danse macabre des femmes.  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9059983v/f8.image

On trouve des papillons dans les folios suivants : folio 7v (ill.), 18, 21, 24, 28, 31, 33, 34v (ill.). 36v (ill.), 38.

Folio 7v

 

.

Bnf français 995 Folio 34v

.

Bnf français 995 folio 36v

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08449716&E=130&I=178170&M=imageseule

 

 

 

 

— Français 11, folio 32v  Encadrement : papillons gris sur oeillets et bleuets. Histoire de la guerre des juifs contre les romains / par Flavius Josèphe, 1878 . - Flavii Josephi quae reperiri potuerunt opera omnia graece et latine, 1726 . - Les oeuvres de Flave Joseph... trad. de grec en françois par Antoine de La Faye, 1597 

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100015&E=6&I=15488&M=imageseule

 — Français 12, fol. 165, Encadrement

— Français 13, fol. 308, Encadrement

— Français 13  a) fol. 240,   encadrement

— Français 19, fol. 55v, Encadrement

— Français 41, fol. 198, Encadrement

jean mansel, fleur des histoires 3è-4è quart 15e siècle.

— Français 59, Raoule lefèvre, histoire de Troyes, Bruges, vers 1470

 fol. A, Encadrement. Aglais urticae http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100062&E=2&I=18409&M=imageseule

Français 59, fol. 1, Encadrement

Français 59, fol. 25v, Encadrement

 

— Français 126, fol. 123, Encadrement au centre marge de pied Aglais urticae ??

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100166&E=8&I=22220&M=imageseule

— Français 130, fol. 88, Encadrement marge de gouttière 

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100118&E=6&I=22455&M=imageseule

— Français 132, Boccace, De casibus (trad. Laurent de Premierfait) Bruges 1470-1480, fol. 1, Marge de gouttière. 

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08101008&E=1&I=22487&M=imageseule

— Français 139, fol. 4, Encadrement Français 143, fol. 1, Marge de gouttière.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08002176&E=1&I=23359&M=imageseule

— Français 143 Evrard de Conty, Échecs amoureux Cognac 1496-1498 fol.1.  Marge de gouttière, papillon bleu à ocelles parmi oeillets, 

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08002176&E=1&I=23359&M=imageseule

— Bnf Français 156 Guiard des Moulins, Bible historiale, 1300-1350, fol. 36v, marge de pied

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100228&E=38&I=24306&M=imageseule

 

 

Bnf Français 156 Guiard des Moulins, Bible historiale, 1300-1350, fol. 36v.

Bnf Français 156 Guiard des Moulins, Bible historiale, 1300-1350, fol. 36v.


— Français 161, fol. 1, Encadrement 

Français 170, fol. 1, Encadrement Français 172, fol. 5, Encadrement

Français 185, fol. 177v, Saint Paul le Simple quittant le monde. Papillon dans l'enluminure du texte.

Français 185, fol. 271, Abba Jean et Paesius. Papillon dans l'enluminure du texte

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100139&E=150&I=25824&M=imageseule

 

— Français 189, ramon llull, llibre de meravelles (trad) Bruges vers 1470-1480,  fol. 45v, marge médiane inter-colonne, papillon bleu et brun à ocelles (Lycaenidae)

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08101011&E=3&I=26108&M=imageseule

— Français 192, fol. 1, Marge de gouttière.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08101013&E=1&I=26151&M=imageseule

— Français 192, fol. 175V, 177v, 226v Encadrement

— Français 225, fol. 1v,  55v. Marge

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=6000778&E=14&I=26405&M=imageseule

— Français 246, fol. 1, 158v, Encadrement ,

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08449715&E=25&I=28094&M=imageseule

— Français 257, fol. 114v, marge de pied, ailes étalées.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08100375&E=44&I=28499&M=imageseule

— Français 263, fol. 198, Encadrement , 356,

— Français 282, fol. 1, Encadrement

— Français 308, fol. 26, Création : animaux : papillon en plein texte.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=10525869&E=57&I=29506&M=imageseule

— Français 328, fol. 46, Encadrement

— Français 331, fol. 2, Encadrement

— Latin 18, fol. Av, Armes de Louis-Antoine de Noailles

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=06000540&E=8&I=54135&M=imageseule

— Français 331, fol. 20,Marge de gouttière,

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08011364&E=1&I=31189&M=imageseule

— Français 331, fol. 106v, Marge de gouttière ; 168v ;

— Français 334 fol.168v

— Français 358 fol.31v 148v

— Français 359 fol.1

— Français 360 fol.1

— Français 361 fol.1

— Français 362 fol.1

— Français 379 fol.3 Vierge chantée par Jacques le Lieur : ver à soie.

— Français 404 fol. 1 genèse, création

— Français 571 fol.6, genèse création. Fol. 66v Société : les travailleurs.

— Français 632 fol. 23

— Français 708 fol.19v

— Français 712 fol. 71

Et caetera.

 

— Français 12322, fol. 143v, Flore : rosier Pavona Paon de nuit livre des simples médecines 1520-1530, France ouest

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— Français 161, fol. 1, Encadrement 

Français 170, fol. 1, Encadrement Français 172, fol. 5, Encadrement

Français 185, fol. 177v, Saint Paul le Simple quittant le monde. Papillon dans l'enluminure du texte.

Français 185, fol. 271, Abba Jean et Paesius. Papillon dans l'enluminure du texte

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100139&E=150&I=25824&M=imageseule

 

— Français 189, fol. 45v, Encadrement

— Français 192, fol. 1, Encadrement

— Français 192, fol. 1, Encadrement

— Français 192, fol. 175V, 177v, 226v Encadrement

— Français 225, fol. 1v, Encadrement , 55v

— Français 246, fol. 1, Encadrement , 158v,

— Français 257, fol. 114v, Encadrement

— Français 263, fol. 198, Encadrement , 356,

— Français 282, fol. 1, Encadrement

— Français 308, fol. 26, Création : animaux : papillon en plein texte.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=10525869&E=57&I=29506&M=imageseule

— Français 328, fol. 46, Encadrement

— Français 331, fol. 2, Encadrement

— Latin 18, fol. Av, Armes de Louis-Antoine de Noailles

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=06000540&E=8&I=54135&M=imageseule

— Français 331, fol. 20, Encadrement

— Français 331, fol. 106v, Encadrement

— Français 12322, fol. 143v, Flore : rosier Pavona Paon de nuit livre des simples médecines 1520-1530, France ouest

Et caetera.

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
25 janvier 2016 1 25 /01 /janvier /2016 10:17

Étude d'une phrase de Marcel Proust, extraite de "Du coté de chez Swann. Combray" ; (ou de "L'église de village" Le Figaro, 1912).

Voir aussi :

.

Marcel Proust, une écriture impressionniste ? Ou illusionniste ?

  On connaît la longueur et la structure complexe des phrases de Proust. Je me propose d'en étudier une, pour montrer comment elle est construite sur un motif central autour duquel des adjectifs sont ajoutés comme des touches de pinceau . Voici la phrase, extraite dans  La Recherche, Combray. J'aurai d'ailleurs pu la lire aussi dans un article paru dans Le Figaro du 3 septembre 1912 sous le titre L'église de village  où seul manque  la précision "voisine de Balbec" après le mot "Normandie". 

 

 "Je n'oublierai jamais, dans une curieuse cité de Normandie, voisine de Balbec, deux charmants hôtels dix-huitième siècle, qui me sont à beaucoup d'égards chers et vénérables, et entre lesquels, quand on regarde du beau jardin qui descend des perrons vers la rivière, la flèche gothique d'une église, qu'ils cachent, s'élance, ayant l'air de terminer, de surmonter leurs façades, mais d'une manière si différente, si précieuse, si annelée, si rose, si vernie, qu'on voit bien qu'elle n'en fait pas plus partie que de beaux galets unis, entre lesquels est prise sur la plage, la flèche purpurine et crénelée de quelque coquillage fuselé en tourelle et glacé d'émail. "

 

La phrase comporte, si mon calcul est juste, 117 mots. Elle occupe 13 lignes de l'édition dans laquelle je la lis, le recueil Chroniques, L'Imaginaire, Gallimard, juillet 2015, page 131.

François Richaudeau considère qu'une phrase de La Recherche est longue si elle dépasse 10 lignes (de l'édition Pléiade), soit approximativement près de 100 mots. Il dénombre une phrase longue pour 46 phrases courantes. La moyenne des phrases a 43 mots. L'une des phrases les plus longues (Combray, page 7) possèderait  491 mots (ou 518 ?), mais je trouve signalée une phrase record dans Sodome et Gomorrhe I avec 856 mots. Richaudeau explique ensuite que si l'empan de mémoire immédiate d'un lecteur déjà évolué est de 15 mots, ce chiffre peut augmenter de 40% chez des lecteurs entraînés, et qu'il est amélioré par la présence de mots à évocations visuelles, "et fréquemment aussi, lorsqu'il s'agit de thèmes abstraits, ceux-ci sont éclairés par des métaphores de nature généralement visuelle". Au contraire, les structures de phrase auto-enchassées (entre tirets ou entre virgules) se mémorisent plus difficilement. Or, la moitié des phrases proustiennes comprennent des enchâssements ; et en ce qui concerne les phrases très longues, chaque phrase, en moyenne, comprend un enchâssement.

Au total, il est ainsi démontré que cette phrase est si longue qu'il est impossible de se souvenir du début lorsqu'on parvient à la fin. Et, par ses enchâssements, qu'il est impossible d'en comprendre le sens global. Certes, la lecture qu'on en fait  spontanément est très agréable, quoique hachée par les césures répétées des virgules. Un paysage coloré, kaléidoscopique,  se déroule et nous charme.  Mais avons-nous perçu ce que l'auteur voulait dire ? Son propos nous a échappé, mais cela nous est secondaire. On peut aimer une chanson dans une langue étrangère sans en comprendre les paroles. 

J'isole le squelette de la phrase en l'amputant de ces enchâssements et des adjectifs :

 

   "Je n'oublierai jamais deux  hôtels entre lesquels la flèche  d'une église  s'élance, ayant l'air de terminer leurs façades, mais d'une manière si différente qu'on voit bien qu'elle n'en fait pas plus partie que de  galets, entre lesquels est prise  la flèche de quelque coquillage."

Le clocher d'une église s'élevant entre deux immeubles est comparé à un coquillage pris entre deux galets. C'est tout. 

L'image est amusante, parce que la métaphore crée une rupture entre son premier terme, le paysage urbain, et le second terme, un détail d'une plage.  Nous sommes surpris par le changement d'échelle et par le passage de l'architecture au milieu naturel. Proust excelle dans ces métaphores qui sont de vrais points de vue originaux, qu'il nous fait voir. Imaginons un peintre qui représenterait le clocher entre deux immeubles sous la forme d'un coquillage ...

 

Une flèche de la cathédrale de Quimper derrière la façade du palais épiscopal, photo lavieb-aile.

Une flèche de la cathédrale de Quimper derrière la façade du palais épiscopal, photo lavieb-aile.

Mais c'est aussi la description d'un moment de confusion, de perte de sens de la lecture de l'image : un instant, le narrateur, perdant le sens de la profondeur de champ, a vu sur le même plan et comme un seul objet les deux façades prolongées par une tour élevée. 

Ou bien il a vu comme un seul objet (je vous laisse imaginer lequel) les deux galets entre lesquels se dressait le coquillage.

Cette fusion de deux éléments que notre raison identifie comme distincts pointe la défaillance brève, mais toujours troublante, de l'intellect. Ces égarements de la raison sont  le genre d'expérience que Proust adore nous amener à retrouver dans notre mémoire.

 

.

Proust est comme un peintre. Il trace à la pierre noire sur le papier l'esquisse de cette vision (deux hôtels, un clocher) et de l'image qu'elle a suscitée (deux galets, un coquillage). Puis, pour jouer avec nous, il en masque le motif derrière une arborescence de traits qui nous distraient. En même temps qu'il nous décrit une expérience de perte de repères visuels, il brise nos marques. Nous sommes des promeneurs qui nous égarons dans la ville. Il ajoute des portions de phrases qui se greffent comme des nouveaux rameaux sur les branches principales de son propos : 

"Je n'oublierai jamais, 

dans une cité de Normandie, 

voisine de Balbec,

  deux  hôtels

qui me sont  chers 

 et entre lesquels

quand on regarde du  jardin 

 la flèche  d'une église,

qu'ils cachent,

  s'élance, ayant l'air de terminer,

de surmonter

 leurs façades, mais d'une manière si différente, 

si précieuse

qu'on voit bien qu'elle n'en fait pas plus partie que de  galets , entre lesquels est prise

sur la plage,

 la flèche de quelque coquillage. "

.

L'artiste a mis en place la structure complète, mais à la pierre noire ou à l'encre. Puis il prend son pinceau pour accumuler de petites touches colorées qui vont animer, mais aussi dissimuler le réseau de traits : ce sont les adjectifs (en rouge). Il ajoute aussi des rameaux adjacents (en bleu).

.
 

"Je n'oublierai jamais, 

dans une curieuse cité de Normandie, voisine de Balbec,

deux charmants  hôtels dix-huitième siècle,

qui me sont à beaucoup d'égards chers et vénérables

 et entre lesquels,

quand on regarde du beau jardin 

 qui descend des perrons vers la rivière,

 la flèche  gothique d'une église

qu'ils cachent,

s'élance, ayant l'air de terminer,

de surmonter

 leurs façades, mais d'une manière si différente 

si précieuse, si annelée, si rose, si vernie

qu'on voit bien qu'elle n'en fait pas plus partie que de beaux galets unis , entre lesquels est prise

sur la plage,

 la flèche

purpurine et crénelée

 de quelque coquillage

 fuselé en tourelle

et glacé d'émail . "

 

.

Maintenant que la couleur est mise, nous distinguons deux parties dans ce tableau, ayant chacune leur teinte dominante : 

— La première partie rassemble des adjectifs propres à un guide touristique :   curieuse / charmants /  dix-huitième siècle / chers et vénérables /  beau /   gothique . Ils sont assez neutres ou abstraits, dignes, et on les entendrait volontiers prononcés par un vieux monsieur érudit en architecture. Dans l'œuvre de Proust, ils évoquent —par exemple — sa traduction de la Bible d'Amiens de Ruskin.

— La seconde partie débute après le mot "différent". On y trouve  précieuse /annelée / rose / vernie, / beaux / unis / purpurine /  crénelée /  fuselé en tourelle  glacé d'émail  Le changement de palette est radical car ces adjectifs évoquent des expériences visuelles ou sensorielles.

Les adjectifs de couleur, rose et purpurine, sont proches l'un de l'autre. Le premier, rose,  est l'un des plus fréquents de La Recherche, et il évoque aussitôt Gilberte, Odette, Albertine,  l'épine rose, les effets du soleil, etc... C'est, en général dans notre vocabulaire, et en particulier chez Proust, une couleur sensuelle. Le second adjectif (purpurine) est beaucoup plus rare puisqu'il n'est employé dans La Recherche que dans cette phrase"Pourpre" n'est employé que 15 fois, dans des contextes souvent solennels. Remarquons que la Pourpre de Tyr est, dans l'antiquité, la couleur extraite d'un coquillage, le Murex brandaris. Par les lois somptuaires, elle est insigne de haute dignité.

D'autres renseignement significatifs sont tirés de l'étude des noms ou adjectifs de couleur du paragraphe consacré à l'église Saint-Hilaire , de Combray. On s'attendrait à une dominance de teintes de pierres (jaune, or, brun, gris, ) et ma récolte est la suivante (selon le fil de la lecture) : fuchsias, violettes fuchsias, rougeâtre, violet, noir, doré, bleu, brun, violette, rougeâtre, noir. Sept termes sur douze tournent autour de la teinte violette : il y a deux fois fuchsia, trois fois violet et deux fois rougeâtre. 

– Les adjectifs  de forme sont encore d'ordre visuels : annelée ; crenélée ; fuselé en tourelle. Ils ne figurent (si on excepte la barbe annelée du roi Sargon) que dans cette phrase, et pour cause : ils décrivent visuellement le coquillage visé dans la métaphore. 

Le mot "tourelle" est intéressant, car parmi les trois autres emplois dans La Recherche, on trouve cette phrase : 

 

 

"Je ne vis plus de quelque temps Albertine, mais continuai, à défaut de Mme de Guermantes qui ne parlait plus à mon imagination, à voir d'autres fées et leurs demeures, aussi inséparables d'elles que du mollusque qui la fabriqua et s'en abrite la valve de nacre ou d'émail, ou la tourelle à créneaux de son coquillage. " 

Les autres adjectifs sont certes visuels, mais liés aussi au sens du toucher : vernie ; unis ; glacé d'émail. Ils s'opposent aux adjectifs "annelé" et "crénelé" ou au substantif "tourelle", qui  évoquent des sensations tactiles hétérogènes et désagréables. Au contraire, "verni", "uni" et "glacé" évoque la sensation douce d'une surface homogène et polie, lorsque le passage de la main se fait caresse. Si l'extérieur du coquillage est comme une tourelle annelée et crénelée, son intérieur – sa "valve de nacre ou d'émail" – est lisse et soyeuse. 

Le mot "émail" est associé au rose dans ce passage : "dans ses cheveux blonds les petites boules de corail ou d'émail rose, givrées de diamant," . Mais "émail" revient encore dans le passage suivant qui concerne Albertine:

 

 

  "...quelquefois ses joues étaient si lisses que le regard glissait comme sur celui d'une miniature sur leur émail rose, que faisait encore paraître plus délicat, plus intérieur, le couvercle entr'ouvert et superposé de ses cheveux noirs ; il arrivait que le teint de ses joues atteignît le rose violacé du cyclamen, et parfois même quand elle était congestionnée ou fiévreuse, et donnant alors l'idée d'une complexion maladive qui rabaissait mon désir à quelque chose de plus sensuel et faisait exprimer à son regard quelque chose de plus pervers et de plus malsain, la sombre pourpre de certaines roses, d'un rouge presque noir..."  

Nous voyons que ce nouveau registre tourne le dos à l'architecture urbaine et aborde un monde sensuel dans lequel le coquillage est une métaphore de l'intimité, de la  féminité ou de la sexualité.

Étudions les cinq occurrences du mot "coquillage". Deux nous sont déjà connues. La troisième évoque les joues de Madame de Guermantes ( un petit morceau rose de coquillage concassé). La quatrième renvoie à "Albertine de Balbec  (car, depuis son départ, elle l'était redevenue pour moi ; comme un coquillage auquel on ne fait plus attention quand on l'a toujours sur sa commode, une fois qu'on s'en est séparé pour le donner, ou l'ayant perdu, et qu'on pense à lui, ce qu'on ne faisait plus, elle me rappelait toute la beauté joyeuse des montagnes bleues de la mer)".

Je garde pour la fin l'occurrence capitale du mot "coquillage" : celle du fameux passage de la Petite Madeleine, car on ne doit pas oublier que la Madeleine est, d'abord, une coquille :

"Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. [...]La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. "

Camille Corot, La cathédrale de Chartres, 1830,  entré au Louvre dans la donation Moreau-Nélaton en 1906, mais qui fut exposé au musée des Arts décoratifs jusqu’en 1934.

 "Au lieu de photographies de la Cathédrale de Chartres, [ ...][ma Grand-Mère] se renseignait auprès de Swann si quelque grand peintre ne les avait pas représentés, et préférait me donner des photographies de la Cathédrale de Chartres par Corot, des Grandes Eaux de Saint-Cloud par Hubert Robert, du Vésuve par Turner, ce qui faisait un degré d’art de plus." I, 27 

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Où nous faisons le point.

Nous  avons vu comment Proust utilise la technique des "longues phrases", et la technique impressionniste des nombreuses touches colorées pour nous jouer un tour de passe-passe en métamorphosant l'image de clocher de son village en celle d'un coquillage érigé entre deux galets. Une teinte principale, le violet, est déclinée dans l'extrait étudié par les adjectifs rose et purpurin, et dans le paragraphe par ceux de rougeâtre et violet. Le rose, couleur du désir chez Proust, a viré au pourpre, à la fois pour se conformer à la métaphore du coquillage, et à la fois pour placer ce coquillage dans le champ du désir "grassement sensuel" et "plus pervers et plus malsain" de la sexualité. Les renvois internes aux autres apparitions du motif du coquillage dans La Recherche, selon une technique délibérément proustienne, sont nombreux et confirment mon interprétation.

Mais le passage étudié va encore plus loin, surtout si on le considère à l'intérieur de son paragraphe. Un aspect doit être encore souligné.

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 La perte du chemin.

Le thème de la perte du chemin , qui renvoie à celui de l'égarement du cœur et de l'esprit (pour reprendre le titre d'un roman libertin) ou plutôt de l'égarement des sens, est présent dans le paragraphe à son début, sous forme d'une anecdote amusante, et à la fin, sous celle d'une chute à visée morale. L'anecdote est celle par laquelle le père du narrateur conduit sa famille dans un tour de village qui les égare en ville, malgré le point de repère du clocher. Soudain, il sort sa clé de sa poche : ils sont devant chez eux !

Le thème de la perte de repères vient conclure le paragraphe :

 

"Et aujourd'hui encore si, dans une grande ville de province ou dans un quartier de Paris que je connais mal, un passant qui m'a « mis dans mon chemin » me montre au loin, comme un point de repère, tel beffroi d'hôpital, tel clocher de couvent levant la pointe de son bonnet ecclésiastique au coin d'une rue que je dois prendre, pour peu que ma mémoire puisse obscurément lui trouver quelque trait de ressemblance avec la figure chère et disparue, le passant, s'il se retourne pour s'assurer que je ne m'égare pas, peut, à son étonnement, m'apercevoir qui, oublieux de la promenade entreprise ou de la course obligée, reste là, devant le clocher, pendant des heures, immobile, essayant de me souvenir, sentant au fond de moi des terres reconquises sur l'oubli qui s'assèchent et se rebâtissent ; et sans doute alors, et plus anxieusement que tout à l'heure quand je lui demandais de me renseigner, je cherche encore mon chemin, je tourne une rue... mais... c'est dans mon cœur..."

 

  Le narrateur, qui a perdu sa route, mais qui retrouve inopinément l'image ou le souvenir du clocher de son village, fait une expérience de type "Petite Madeleine" pendant laquelle il se livre à un travail d'introspection : "pendant des heures, immobile, essayant de me souvenir". Ce n'est pas le surgissement d'une mémoire involontaire, mais un effort laborieux pour retrouver des souvenirs affectifs ("dans mon cœur"). Or, il est curieux de constater que dans le cas du clocher comme dans le cas du petit gâteau, Proust fait appel à la métaphore du coquillage avec ses connotations sexuelles. Le souvenir du clocher ne lui offre pas gracieusement l'accès à des émotions passées, mais au contraire, elle le confronte à un trouble et à un égarement : "plus anxieusement que tout à l'heure [...], je cherche encore mon chemin". Ce n'est pas à une certitude qu'il a accès, ou à une révélation, ou à un bolus de mémoire, mais au contraire à un flottement, une interruption de la connaissance, à  la confrontation à une image énigmatique. Comme Perceval face aux gouttes de sang dans la neige, dans le roman de Chrétien de Troyes, achoppe sur le signe insoluble du rouge sur blanc, le narrateur vient buter sur le chiffre d'un coquillage dressé entre deux galets, et sur l'insistance du pourpre, du rose et du rougeâtre à lui envoyer des signaux. 

 

SOURCES ET LIENS.

— RICHAUDEAU (François), 1980, "248 phrases de Proust" Communication et langages  Année 1980  Volume 45  Numéro 1  pp. 17-38



 

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Published by jean-yves cordier - dans Proust
24 janvier 2016 7 24 /01 /janvier /2016 23:36

L'Arbre de Jessé sculpté de l'ancienne église de Plouégat-Moysan (29) au Musée Départemental Breton de Quimper.

 évêché, sont 

 

En 1953, Victor Henry Debidour mentionnait : "Le Musée breton de Quimper conserve deux brochettes de rois, provenait d'un Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant." Deux "brochettes" ! C'était faire peu de cas des deux branches d'un arbre de Jessé en chandelier, en chêne sculpté,provenant de l'église de Plouégat-Moysant avant que celle-ci ne soit frappée par la foudre en 1886 et que la nef, le transept et le chevet plat ne soit édifiés entre 1874 et 1879.  Certes, l'ensemble d'origine a perdu le patriarche Jessé, du tronc duquel s'élevait ces deux fois six rois de Juda, selon la Généalogie de Jésus qui débute l'Evangile seoln saint Matthieu. Certes, il a également perdu la Vierge à l'Enfant vers lequel devait s'épanouir, comme une fleur virginal, ces fils royaux de Jessé. Mais il existe au moins deux très bonnes raisons de s'arréter encore aujourd'hui devant ce qu'il reste de l'Arbre de Plouégat-Moysant :

La première raison, c'est que le Musée Départemental les a placé dans deux vitrines séparées qui occupent des loges de l'antique escalier de la Tour de Rohan. Celle-ci est la partie la  plus anciennne du palais épiscopal édifié pour l'évêque Bertrand de Rosmadec au voisinage immédiat de la cathédrale de Quimper. Autrement dit, les neuf ou dix rois de Juda de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant ont obtenu une place de premier choix. Ils jouissent d'une mise en valeur par un éclairage judicieux, que peuvent leur envié les œuvres équivalentes encore en place dans les églises et chapelles.

Car la deuxième raison, c'est que ces fragments sont un témoin précieux d'un corpus de 21 Arbres de Jessé sculptés recensés en Bretagne en 1961 par le Dr  Le Thomas. Ils servent ainsi de document pour une iconographie comparative régionale de la diifusion du thème jesséen, lui-même étroitement lié au culte marial, dans l'opposition de la Vierge conçue sans péché à la Démone chtonienne. Louis Le Thomas,  médecin natif de Landerneau qui parcourait la Bretagne en motocyclette avec son matériel photographique, décrivait en 1961  34 Arbres de Jessé bretons, dont 13 verrières et 21 arbres sculptés ( 15 haut-reliefs, 2 niches à volets,  et des bas-reliefs).  

Voici la liste de ces 21 Arbres de Jessé sculptés :

  • Cléguerec, Chapelle de la Trinité, Morbihan. XVIIe 

  • Confort-Berhet, église N-D. de Confort, Côtes d'Armor, XVIe

  • Duault, Chapelle Saint-Jean de Landugen, Côtes d'Armor, XVIe

  • Guimaec, presbytère, Finistère, fragment

  • Loc-Envel, église Saint-Envel, Côtes d'Armor, XVIe

  • Locquirec, église Saint-Jacques, XVIIe

  • Ploerdut, Chapelle Notre-Dame à Crénénan, Morbihan, XVIe siècle

  • Plouegat-Moysan, presbytère, Côtes d'Armor, XVIe, fragment

  • Plounevezel, Chapelle Sainte-Catherine, Finistère, XVIe-XVIIe

  • Plourin-Morlaix, église Notre-Dame, Finistère, XVI

  • Plouzévédé, Chapelle Notre-Dame de Berven, Finistère, XVIe

  • Priziac, Chapelle Saint-Nicolas, Morbihan, XVIe

  • Saint-Aignan, église Saint-Aignan, Morbihan, XVIe

  • Saint-Thégonnec, église Notre-Dame et Saint-Thégonnec, Finistère, XVIe

  • Saint-Tugdual, Chapelle Saint-Guen (ou Saint-Guénaël), Morbihan, XVIe

  • Saint-Yvi, église Saint-Yvi, Finistère,

  • Trédrez, Chapelle de Locquémeau, Côtes d'Armor, XVIe

  • Tréverec, église Saint-Véran, Côtes d'Armor, XVIIe

  • Trinité-Porhoet, église de la Trinité, Morbihan, XVIe ?

  • Plouegat-Moysan, ancienne église, fragment au Musée départemental de Quimper.

  • Plouharnel, Chapelle Notre-Dame des Fleurs, bas-relief en albâtre, XVIe

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Tous sont fondés sur l'interprétation par l'Église d'une prophétie d'Isaïe  "Il sortira un rejeton de la tige de Jessé et un surgeon naîtra de sa racine. Et l'esprit du Seigneur se reposera en lui" Isaïe 11,1-2 . C'est cette prophètie que les artistes médiévaux vont combiner avec la généalogie de Jésus telle qu'elle apparaît dans les évangiles synoptiques (Matthieu 1,1 et Luc 3, 23-38)   pour représenter Jessé, le père du roi David donnant naissance à un arbre sur les branches duquel sont installés les douze rois de Juda avant de culminer dans le Christ. 

  Sur les verrières des cathédrales (celle de St Denis inaugura l'iconographie) ou des églises, sur leur portail, dans les Livres d'Heures, sur les hauts et bas-reliefs de pierre ou de bois, Jessé sera debout, assis ou couché et souvent assoupi comme s'il contemplait en songe sa descendance. Les prophète Isaïe et Jérémie (pour sa prophétie "En ce temps-là je susciterai dans la race de David un rejeton, héros de la justice", Jérémie 33, 15) l'accompagneront souvent, les douze rois, souvent en réduction, s'installeront sur les branches, conduisant soit au Christ, soit à la Vierge tenant l'Enfant. Des anges ou des colombes seront placés autour d'eux.

 

Parmi les Arbres bretons, trois thémes se dégagent selon Le Thomas :

  • Le thème christique, où le Christ trône au sommet de la ramure

  • Le thème marial (1), où c'est la Vierge qui culmine, tenant l'Enfant dans ses bras,

  • Le thème marial (2), où la Vierge à l'Enfant, debout, est au centre, encadrée par deux rameaux latéraux sur lesquels sont placés les deux groupes de six rois de Juda.

   En Bretagne, les arbres de Jessé en vitrail comportent en majorité Jessé assis ou plus rarement debout, alors que Jessé est couché dans l'ensemble des haut-reliefs. Parmi les quinze haut-reliefs, treize introduisent la figure d'une démone, cornue, à la poitrine dénudée, tenant une pomme, et allongée . Ce sont ceux de Cléguerec, Duault, Guimaëc, Loc-Envel, Locquirec, Ploerdut, Plounevezel, Plourin-Morlaix, St-Aignan, St-Thégonnec (niche), St-Tugdual, St-Yvi et Tredrez. La totalité de ces arbres bretons sont du XVIe siécle, hormis 5 arbres datant du XVIIe.

Voir dans ce blog :

 

Voir la liste des Arbres de Jessé de mon blog, avec les liens nécessaires, au début de l'article Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56). 

 

 

 

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La première branche de l'arbre en  chandelier comporte cinq rois. Ils sont barbus, les cheveux longs parfois bouclés sont coiffés d'une couronne à fleurons. Ils sont vêtus d'une tunique sur des jambes nues, et chaussés pour la plupart de bottes ou de bottines. Les bras ou avant-bras , lorsqu'ils sont intacts, tiennent un sceptre (conservé dans un seul cas), ou un objet (livre ?) ou font un geste de référence qui se rapportait jadis au personnage sommital (Christ ou Vierge). Aucun attribut ne permet de les identifier, et, notamment, le roi David n'est pas identifiable par sa harpe. 

 

 


 

 

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Les quatre rois du groupe suivants sont semblables, mais deux sceptres (et l'amorce d'un troisième) sont conservés.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

SOURCES ET LIENS.

Louis Le Thomas, Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique, Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221, 1961.

Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, première partie, Bulletin de la société Archéologique du Finistère 165- 196, 1963.

 — Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, troisième partie, Bulletin de la société Archéologique du Finistère pp. 35-72, 1963.

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Published by jean-yves cordier - dans Arbre de Jessé
21 janvier 2016 4 21 /01 /janvier /2016 13:04

Liste de mes articles sur les papillons.

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I. Zoonymie :

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Zoonymie II : Histoire des Noms de Papillons :

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III Les illustrateurs de papillons : Hoefnagel, Aubriet, etc.

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IV. Les collectionneurs.

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V. Les papillons et la symbolique, l'art et la littérature.

VI. Divers

a) Rhopalocères et Zygènes.

L'Aurore de la Cardamine à Crozon

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A Crozon, les Soucis se conjuguent. Colias croceus in copula :

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Le Gazè Aporia crataegi (Linnaeus, 1758) à Crozon. 15 mai 2011

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Aporia crataegi in copula 25 mai 2011

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Les œufs et la chrysalide d'Aporia crataegi le Gazé. Crozon 1er juin 2014.

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Demi-deuil et Gazé à Crozon : le retour.

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L'Azuré du Thym Pseudophilotes baton (Bergsträsser, 1779) à Crozon.: entre Kerdreux et la plage de la Palue.

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L'Azuré du Genêt Plebejus idas (Linnaeus, 1761) à Crozon. au sud-est de Saint-Hernot. 22 juin 2014.

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L'azuré du trèfle Everes argiades à Crozon 24 septembre 2010

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Deux chenilles noires à Crozon : Mélitée du plantain et Damier de la Succise. 2 et 3 avril 2011 ; lieu Goulien, Crozon

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La Petite Tortue Aglais urticae et ses chenilles

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Le Damier de la succise et le petit collier argenté à Crozon. (Tromel), 2 juin 2013.

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Le mariage du Myrtil Maniola jurtina.: arrière-dune de la Palue à Crozon. 22 juin 2014.

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Promenade naturaliste à Crozon : Cordulie bronzée, Petite Nymphe à corps de feu, Poliste, Point-de-Hongrie, Grémil prostré, etc... 30 avril 2013

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Le Demi-deuil à Crozon. Melanargia galathea (Linnaeus, 1758) 3 juin 2011 :

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Nymphalis polychloros : le Grand Renard sur l'île Renard (Roscanvel) La Grande Tortue, 13 mars 2011.

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La chrysalide du Gazé Aporia crataegi (Linnaeus, 1758) . Crozon (Tromel), 2 juin 2013.

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Tromel à Crozon : Grande Tortue et compagnie. : 28 juin 2011

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Premier Tircis à Crozon, 22 mars 2011

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Dans les tourbières de Crozon, papillons et cicindèles. Crozon, tourbières de St-Hernot et tourbières de Tromel, zone retrodunaire de Kerziginou. 22 mai 2012. Le Damier de la succise Euphydrias eurinia (Rottembourg, 1775).Le Petit Collier argenté Boloria (Clossiana) selene ([Denis & Schiffermüller], 1775). L'Hespérie de la mauve Pyrgus malvae (Linnaeus, 1758). L'azuré commun ou Argus bleu Polyommatus icarus (Rottemburg, 1775) ; la Cicindèle champêtre Cicindela campestris Linnaeus, 1758.

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Où le damier va à dame. Euphydrias eurinia in copula

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mes papillons de juin : les rhopalo juin 2010 : Nemophora degeerella ; Demi-Deuil ;La Petite tortue, Aglais urticae, Le Tristan, Aphantopus hyperantus.Le Myrtil, Maniola jurtina. In copula. L'Amaryllis, Pyronia tithonius. Le Paon-du-jour, Inachis io.

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Papillons de printemps à Crozon. 6 avril 2011 La Grande Tortue. le Paon-du-Jour..Le Citron. La Petite tortue. Le Vulcain.Le Robert-le-diable. L'Aurore de la Cardamine.Le Piéride de la Rave. Le Piéride du Navet. La Thécla de la Ronce. Le Cuivré commun.L 'Azuré des Nerpruns. Le Tircis.

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Mes papillons de mai 2010 à Crozon

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Chrysalide de Pieride : Pieris brassicae ? Crozon, L'Aber, 3 avril 2012

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Coup de filet à Crozon : Cinq papillons sous les verts houx. 7 avril 2012. Lieu : étang de Kerloc'h, ancienne gare.

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Encore de nouveaux papillons à Crozon : La petite Violette, le Point-de-Hongrie, la Mégère 13 avril 2011

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Issoria lathonia et Aporia crataegi à Crozon : la Reine d'Espagne rend la monnaie du pape. 2 juin 2011, l'Aber.

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Bronzés à Crozon en octobre, c'est possible! Lycaena phlaeas cum Heodes tityrus.

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L' Hespérie de l'Alcée. 10 juillet 2011. Ancienne gare, Camaret

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Le Petit Sylvain Limenitis camilla à Crozon 5 juillet 2013

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Zygènes et Turquoise.

Les Zygènes et la Goutte-de-sang. 22 mai 2011

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Zygènes, chrysalides au Curnic (29) 17 mai 2010

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Noces chez les Zygènes de la filipendule : usurpation.

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Un cousin des Zygènes : la Turquoise. 28 mai 2010

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b) Hétérocères.

Zoonymie de l'Écaille martre Arctia caja. (Linnaeus, 1758). Lieu : Tal ar Groas, Crozon : 8 août 2012.

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Zoonymie du Sphinx du peuplier Laothoe populi. L'Aber, Crozon. 23 mai 2012.

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L' anneau du diable ! la chenille du Bombyx de la ronce Macrothylacia rubi. sablière de Bodonou (Plouzané) et dunes de Pen Had ( Crozon). 18 septembre 2011.

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Un nid de Bombyx cul-brun Euproctis à Camaret.

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Les chenilles du Bombyx porte-brosse. falaise de Camaret 6 avril 2011

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Mes papillons de nuit de juillet : dédié à Whistler. 5 juillet 2010 :

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Timandre aimée, la Timandra comae 7 septembre 2010 à l'Aber de Crozon

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La chenille de Depressaria daucella ([Denis & Schiffermuller], 1775). 20 mai 2014

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La chenille du Bombyx buveur Euthrix potatoria et celle du Bombyx du chêne. l'étang de Kerloc'h à Crozon le 17 avril 2011

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La chenille de la Noctuelle de la patience, Acronicta rumicis. Poraon, Crozon (29) date :21 septembre 2011

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Le Vert-Doré Diachrysia chrysitis L. Crozon 7 juin 2013

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La chenille du Petit paon de nuit à Camaret. 10 juillet 2011 Lande de Trésigneau,

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Les chenilles Processionnaires du Pin à Crozon 10 janvier 2016.

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 21:11

Zoonymie de la baleine à bec Ziphius cavirostris.

A tous les équipiers de ZIPHIUS, voilier de type Flot 18 n°80 immatriculé à Cherbourg depuis 1980 et naviguant, seulement quand le temps est beau, en Bretagne Sud.

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Récemment, je me trouvais en face de Monsieur l'Administrateur des Affaires Maritimes, chef  du Quartier Maritime d'Auray. Un homme charmant. Je lui demandais de renouveler des papiers pour mon (déjà) vieux petit voilier nommé Ziphius.

— Lui : Comment ça s'écrit ?

— Moi (habitué à cette question) : avec un Z : Zoulou India Papa Hôtel India Uniform Sierra.

— Bravo ! Voyons si je trouve cela dans mon fichier...

— Il ne doit pas y en avoir beaucoup...

— Ah, Ziphiusvoila. Détrompez vous, j'en trouve plus d'une quinzaine.

— Une quinzaine ! Rien qu'en France * ! 

* Un voilier anglais de 8 m. porte le n° MMSI  235059972 

Je fus troublé de constater que je n'avais pas été le seul au monde à puiser, pour baptiser mon embarcation, parmi les noms de cétacés. C'était dans les années 70, ...

—Ah, la mort de Cloclo ! 1978 !

— Oui, mais je n'étais pas abonné à Salut les Copains, et, esprit peu précoce, j'étais plutôt sous l'emprise du Monde du Silence de Jacques-Yves Cousteau (1956) puis de ses films documentaires sur les baleines et autres mammifères marins, quand je ne lisais pas La Longue Route de Bernard Moitessier ; et comment les dauphins avaient évité à  son Joshua un naufrage sur les récifs... Tenez, voilà une photo de mon Ziphius :

 

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ZIPHIUS, Flot 18 alu n°80. L. = 7,98m. Chantier Métalu à Saint-Brévin-les-Pins, architecte Sylvestre Langevin.

ZIPHIUS, Flot 18 alu n°80. L. = 7,98m. Chantier Métalu à Saint-Brévin-les-Pins, architecte Sylvestre Langevin.

 

 

 

Décidé à donner à mon bateau un nom de dauphin, je consultais un Guide des cétacés et dauphins des côtes Atlantiques : Delphinus ? Trop commun. Steno ? A l'époque, cela évoquait immédiatement les sténo-dactylo. Ziphius ? C'est mignon, on pense à Zéphir, et la taille moyenne des Ziphiidae ou "baleines à bec" tourne autour de huit mètres, la longueur de mon bateau. Le genre Ziphius ne comportait qu'une seule espèce, la Baleine à bec d'oie, Ziphius cavirostris Cuvier, 1823.  Sans me soucier du fait que cet animal était un cétacé odontocète et nullement un Delphinidae, et sans prévoir que j'affublais ainsi mon Navire d'un nom pédant, je choisis  Ziphius comme nom définitif de l'embarcation que j'étais en train d'aménager et de gréer, sur les bords de Seine, à Vernon. J'avais du boulot avant que ne vogue la galère, et ce n'était pas le moment de consulter les articles du Net consacrés à ma mascotte totémique. D'autant que le Net n'existait pas et que ma bibliothèque spécialisée ne me proposait aucune monographie sur la baleine que je venais d'adopter.

C'est beaucoup plus simple aujourd'hui, et je découvre que j'ai fait ma vie avec un animal de bonne compagnie, tout à fait mon genre : http://www.cetaces.org/cetaces/mediterranee/baleine-a-bec-de-cuvier/

 Sa robe est gris moyen pouvant paraître marron, avec une tache claire à blanche, de la tête à l’aileron chez les individus âgés, et des rayures rectilignes. Sa tête est pourvue d’un rostre visible, au melon distinct ; la mâchoire inférieure est proéminente et recourbée; et chez le mâle, 2 dents émergent de la bouche à l’extrémité du bec. Chez le mâle seulement.  le mâle et la femelle atteignent les tailles de 6 à 7 mètres pour un poids de 5 à 7 tonnes; la femelle est de taille un peu plus forte que le mâle. 

Son aileron dorsal est postérieur, assez triangulaire et de dimension moyenne ou faible; les pectorales sont très petites.

L'animal sonde pendant  15 à 80 mn, atteignant les fonds benthiques (1500 mètres) avant de reprendre son souffle lors de périodes de 3 à 10 minutes à la surface. Mais jamais il n’expose pas sa nageoire caudale en sondant : il  courbe le dos. Comme le Cachalot, sa  chasse est diurne :  à ses heures, il chasse et traque, puis, longuement, il se repose. Il   se prétend teuthophage, parce qu'il mange des calmars longs comme mon bras (quasi édenté, il n'a droit qu'aux mollusques tout mous) . Mais il fait des entorses à ce régime, au dépens de quelques poissons des grands fonds qu'il nomme bathypélagiques.

Rarement rencontré, au large ou le long des côtes, quoique assez commun en  Atlantique nord-est et en Méditerranée,  il forme de petits groupes de 1 à 4 individus. On évitera de  confondre notre Baleine de Cuvier avec d’autres baleines à becs comme le mésoplodon : cela le froisse d''être pris pour une baleine de Blainville, de Gervais ou de Sowerby.

Attention : ici, des Mesoplodon :

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Plus rarement que moi, il vient s'échouer sur nos côtes, souvent au printemps, ce qui semble indiquer des naissance printanières, alors qu'on a vu des femelles accompagnées de juvéniles en juin et en août.   Mais il ne s'en tire pas, comme moi,  avec de simples traces sur la quille, et il y laisse sa peau. Il maudit les sonars : http://www.cetaces.org/201303/ziphius-et-sonars-en-mediterranee/

En Atlantique, ces échouages sont étudiés par le GEFMA, surtout dans les Landes, rarement au dessus de Bordeaux : en juillet 2015, un jeune mâle s'est échoué à Saint-Girons (Landes).

 

 

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Ziphius cavirostris par Bardrock in Wikipédia 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Baleine_de_Cuvier#/media/File:Wal_Cuviera.jpg

L'est-y pas migonon ?

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LA ZOONYMIE.

Abordons maintenant le chapitre, succulent pour certains, rébarbatif pour d'autres de la Zoonymie. Autrement dit, l'origine de ce nom curieux.

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1°) Conrad Gessner, 1558. 

Jugez d'abord de ma surprise lorsque je suis tombé, en feuilletant le Net, sur la gravure suivante, censée représenter notre bon Ziphius,  sous les traits d' un vrai démon : 

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En 1558, le naturaliste zurichois Conrad Gessner (1516-1565) décrivit en effet dans  le Livre IV de son Historiae Animalium (le Livre consacré aux Poissons et Animaux marins) un véritable monstre qu'il nomme Zifius ou Ziphius :

Zifius  vel Ziphius, (à Cardano Ziphus scribitur) est bellua marina, valde formidabilis, (ingens, de genere cetorum, Albertus) & omnium animalium generi valde dissimilis, forma singularis. Huius nanque caput si videris, monstruosum est omnino : si oris abyssum, fugies velut imaginem mortis : si oculos, horrebis : si reliquum corpus, nihil in rebus simili te vidisse fatebris, Author libri de nat. Rerum.  Germanice Zyffwal dici poterit : vel Suffwal à deglutiendo, quod etiam magna animalia, ut phocas, devoret.


 

 

 

Je traduirais ainsi :

"Zifius ou Ziphius, ( ou Ziphius, comme c'est écrit dans [Guillaume] Cardano) est un monstre marin, qui  est fort redoutable, (énorme, de la famille des baleines, selon Albertus) et très différent de toutes les autres sortes d'animaux par sa forme singulière.  Pour sa tête, si vous la voyez, elle est absolument monstrueuse ; pour sa bouche abyssale, elle vous fait fuir comme l'image de la mort ;  pour  ses yeux, vous frissonneriez d'horreur; mais pour le reste du corps,  je dois t'avouer que personne n'a vu nulle part quoi que ce soit de semblable , l'Auteur du traité sur la nature De natura Rerum . En allemand peut se dire  Zyffwal , ou  Suffwal à avaler il pourra dévorer  des grands animaux comme les phoques."

 

a) Gessner se réfère explicitement au médecin de Pavie Guillaume Cardano (l'inventeur du "cardan") et je retrouve en effet l'orthographe Ziphus dans le De Subtilitate de 1550. Mieux, je tombe directement sur l'édition traduite en français par Richard Le Blanc ... et édité chez Le Noir à Paris en 1556.  Les Livres de Hierosme CardanusDe la subtilité et subtiles inventions, ensemble les causes occultes, et raisons d'icelles;  Dixième Livre, Des Bestes Parfaites, page 224 :

"Le zif, en Latin Ziphus est tant grand en la mer Gétique , qu'il dévore le veau marin, dit phoca, qui ci après sera décrit pour cause de sa beauté."

b) Gessner fait aussi référence au De Animalibus  (1270) de Saint Albert le Grand  de Cologne, une vaste encyclopédie  comprenant le classement de toute la faune d’Europe du Nord connue de son temps, et qui , dans ses derniers livres,  puise largement dans les matériaux du Liber de natura rerum (1240) de Thomas de Cantimpré.

Je dois donc mettre la main sur cette citation :

Zifius  est animal maris  nulli alii simile, maximum et ingens de genere cetorum. Caput habet monstruosum, os profundum valde, oculos horribiles ; in toto corpore nulli alii simile nisi cete. 

 "Le zifius est un animal marin qui ne ressemble à aucun autre ; il est énorme et gigantesque et appartient à l’espèce des cètes : il a une tête monstrueuse, une gueule très profonde, des yeux horribles ; par tout son corps, il ressemble immanquablement à un cète et à rien d’autre."

2°)  Dans cette recherche, je parviens à une compilation de tous les textes anciens concernant les poissons, le Tractatus de piscibus (Traité sur les poissons). Ce catalogue organisé selon l’ordre alphabétique répertorie une centaine d’espèces aquatiques. C' est un des huit traités qui composent l’Hortus sanitatis (Le Jardin de santé), œuvre majeure de la fin du XVe siècle,  dont l’édition princeps a été publiée par Jakob Meydenbach à Mayence en 1491, et qui a été souvent rééditée et traduite   entre 1491 et 1547. La publication en latin de Meydenbach a été largement influencée par  l’édition princeps en allemand du Gart der Gesundheit de Peter Schöffer (Mayence, 1485) et l’édition de Johann Grüninger (Strasbourg, 1487) . La traduction française fut publiée en 1501 par Antoine Vérard sous le titre  Le jardin de santé .

 

  À la fois guide de santé et encyclopédie, l'Hortus sanitatis  constitue le dernier maillon de la science médiévale et le premier livre imprimé de sciences naturelles. C'est donc sans-doute dans cet ouvrage que Gessner trouve sa documentation. 

Or, j'ai de la chance, car l’université de Caen Basse-Normandie a mis en ligne, traduit et annoté ce De Piscibus.

Notre "Ziphius" fait l'objet des chapitres 104 et 106, accompagnés à chaque fois d'une gravure. Les deux chapitre tiennent sur la même page des exemplaires de l’Hortus sanitatis conservés dans les bibliothèques d’Épernay et de Valognes.

 

A. Le chapitre 104 du De Piscibus est consacré à trois animaux en Z : Zedrosus, Zidrach et Ziphius.

 

 

La description de Ziphius est une citation de Vincent de Beauvais 17, 138:

De Naturis rerum. Ziphius est marina belua valde formidabilis et omnium animalium generi valde dissimilis. Forma singularis : hujus namque caput, si videris, monstruosum est omnino ; si oris abyssum, fugies velut imaginem mortis ; si oculos, horrebis ; si reliquum corpus, nihil in rebus simile te vidisse fateberis.

 "Le ziphius est un monstre marin très redoutable et très différent des autres espèces d’animaux. Sa forme est singulière, car si l’on voit sa tête, elle est tout à fait monstrueuse. Si l’on voit les profondeurs de sa gueule, on le fuira comme l’image de la mort, si l’on voit ses yeux, on sera horrifié, si l’on voit le reste de son corps, on avouera qu’on n’a nulle part vu rien de semblable."

Vincent de Beauvais (Ca 1184-1264) est un frère dominicain dont l'œuvre principale est le Speculum Maius achevé en 1263. Le Speculum Naturale, ou Miroir de la nature, (vers 1244) en constitue la première partie, avec ses 32 livres. Le livre XVII traite des Poissons, avec 46 chapitres.  Si on se rapporte au texte de Vincent de Beauvais disponible en ligne dans des éditions imprimées, on lit Zephius et non Ziphius. Soit ici, page 221, ou soit ici dans une édition de Strasbourg vers 1476. Il faudrait aussi rechercher la version traduite par Jean de Vignay. 

 

Selon l'université de Caen, "le texte de Vincent de Beauvais diffère sensiblement de celui de Thomas de Cantimpré, plus long ; on retrouve cependant la dernière phrase, reprise fidèlement, et les idées de terreur et de singularité attachées à cet animal monstrueux" et "la description ne peut donner aucun indice sur la nature de cet animal. La proximité qui existe entre les noms ziphius (graphié xyfius chez Thomas de Cantimpré (TC 6, 60)) et zyfius (ch. 106) et le terme ξιφίας, nom grec de l’espadon utilisé parfois par Pline (Plin. nat. 32, 15), permet de penser qu’il s’agit de ce poisson ; mais il est étonnant que la principale caractéristique de l’animal, son épée, ne soit pas notée."

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L'illustration est curieuse : une tête grimaçante et simiesque émerge d'un corps de poisson ou de sirène. Un animal chimérique guère engageant certes, mais on a connu plus monstrueux, non ?

 

La traduction en français de 1501 , accompagnée du même bois, donne ceci : 

Chap. CIIII. De Zedroso.

Zedrosus / zidrach et ziphius. Du Livre des natures des choses. [...] Ziphius est une belue marine moult doubtable et du genre de toutes les bestes moult dissemblable. Et a une forme singulière que nulle autre beste na. Et si tu voys la teste elle est totalement monstrueuse. Si labisme de sa bouche : tu ten fuyras ainsi comme de lymage de la mort. Si les yeulx : tu te espouenteras. Et si le demourant du corps : tu confesseras ne avoir point veu en nulles choses le semblable.

L'édition française de 1539 par Le Noir est identique.

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B. Le chapitre 106 du De Piscibus est consacré au Zyfius ou Zifius décrit par Albert le Grand.

 

Zifius  est animal maris  nulli alii simile, maximum et ingens de genere cetorum. Caput habet monstruosum, os profundum valde, oculos horribiles ; in toto corpore nulli alii simile nisi cete. De Animalibus, Albertus Magnus. 

Les universitaires de Caen indiquent que , dans le De Animalibus d'Albert le Grand, le nom exact est  Xysius. Ils ajoutent : "Cet animal fabuleux semble être un mélange de cète et d’espadon (en grec ξιφίας), et son nom comme sa description poussent à le rapprocher du ziphius  du chapitre 104". 

Là encore, l'illustration étonne. L'animal a une tête de lion (avec sa crinière) ou de chouette, et un corps de porc-épic, avec ses piquants. Il nous  lance un regard desespéré par cet accoutrement. 

La traduction française de 1501, accompagnée du même bois,  donne ceci :

Chap. CVI . De zyfico.

Zyficus. Albert au livre des natures des bestes dit Zyficus est une beste de mer qui nest a nulle autre semblable , qui est tres grande et infinie du genre des balaines nommes ceste. Elle a la teste monstrueuse , la bouche moult profunde , et ses yeulx horribles. Et en tout le corps elle nest semblable a nulle autre si non a la balaine ceta. 

L'édition française de 1539 par Le Noir est identique.

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Résumons-nous

Je suis passé de Conrad Gessner 1558 à Guillaume Cardan (1550) puis à l'Hortus Sanitatis (1491) qui me renvoie par le jeu des citations à  Albert le Grand (1270), puis à Vincent de Beauvais (1244), pour constater que ce dernier citait lui-même ex Libro De naturis rerum. Je reconnais là la référence faite par  Gessner à  Author libri de nat. Rerum ?  Ne serait-ce pas Thomas de Cantimpré ? J'ai le sentiment d'avoir ferré un gros poisson.

Les deux "poissons" , le Ziphius ou Zephius de Vincent de Beauvais cité dans le chapitre 104 du Jardin de Santé et le Zifius ou Zyfius ou Zyfico  d'Albert le Grand ont été fusionné par Gessner, et cela semble justifié au vu de la proximité des descriptions.  Néanmoins, on signale une forme Xysius, du grec ξιφίας, "espadon", qui fournit une ébauche d'explication étymologique pour le zoonyme Zyphius.

 

3°) Sur les traces de Thomas de Cantimpré (1240).

Thomas Cantimpratentis (1200-1263) est un frère dominicain auteur de :

Natura rerum in diversis auctorum scriptis late per orbem sparsas inveniens cum labore nimio et sollicitudine non parva annis ferme quindecim operam dedi. Voir Arlima. La première rédaction en est "forcément" antérieure au Speculum Naturale de 1244, qui le cite.

Parviendrais-je à consulter cet ouvrage et à accéder le Livre VI et son chapitre 60 ? Aujourd'hui, je déclare forfait.

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4°) Retour à Gessner.

 

Personne ne semble s'être soucié de l'étrangeté de la gravure  : car, en effet, quel est ici le "Ziphius" ? Logiquement, c'est celui qui a dans sa gueule une sorte de bébé-phoque : celui dont les écailles sont alignées en stries longitudinales, dont la nageoire triangulaire s'élève telle une pyramide sur son dos, et dont les nageoires latérales  sont palmées . Il porte autour du cou la collerette épineuse en crinière de lion du Zifius. 

Fort bien, mais quelle est la bête qui, gueule ouverte, sort de l'eau et l'attaque sauvagement sur le flanc ? L'artiste, embarrassé de recevoir deux modèles pour le même animal, en a-t-il donné deux vues ?

Un autre détail. L'animal suivant, De Rosmaro, est figuré suivant Olao Magno. Un cartographe auquel nous allons maintenant nous intéresser.

 


 

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ZIPHIUS ET LES CARTES MARINES.

Un rédacteur de blog, John McKay, me procure un autre biais pour approfondir ma connaissance de ma mascotte. 

Ses recherches sur les "poissons" figurant sur les cartes marines anciennes l'amènent à rencontrer notre Ziphius, sous la forme monstrueuse héritée du XIIIe siècle. Recherchant les sources des figures animales placées en vignette sur la carte d'Islande d'Abraham Ortelius  appartenant au Theatrum Orbis Terrarum de 1587 il  mentionne les documents suivants :

 

  • La  Carta Marina de 1539 d' Olaus Magnus. 

  • L' Historia de gentibus septentrionalibus, d' Olaus Magnus.   d'abord publié en 1555 et de nombreuses fois par la suite. 

  • La  Cosmographia de Munster de 1545

  • La planche  Créatures marines  et terrestres de Munster [Meerwunder und seltzame Thier]  imprimée à Bâle, en 1552.

  • Les Monstres  d'Ambroise Paré, d'abord publié en 1573.

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Sur la carte, Ortelius a marqué les animaux  avec des majuscules. Ceux-ci ont été décrits dans le texte placé au dos du document. Pour chaque animal, John McKay commence par l'image et la description, poursuit  en citant certaines sources possibles pour l'image, et  termine par d'autres commentaires . 

 

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Figure  1. La Carta Marina d'Olaus Magnus (1539) .

Olaus Magnus désigne sous le nom de ZIPHIUS les deux animaux de la gravure (plus tardive) de Gessner . Il est manifeste que l'auteur des gravures de Gessner a copié celle du religieux suédois.  Pourtant, Magnus distingue l'animal D et son assaillant l'animal E par deux lettres différentes, mais aussi par deux couleurs distinctes (si tant est que la carte n'a pas été colorisé ultérieurement).

La légende se trouve dans le cadre en bas à gauche, là où les lettres A, B, C, D etc ne se rapportent pas aux animaux, mais aux secteurs de la carte. Ziphius se trouve dans le secteur D. J'ai passé une heure à trouver sur la toile une carta marina dont la définition soit suffisament bonne pour permettre la lecture de cette légende. Je l'ai trouvée sur Gallica. J'ai lu D. Monstris marinis horribile Ziphius phoca deglutiens  mais la  lettre E m'est illisible hormis le dernier mot, cetus. Dans les commentaires trouvés en ligne, on signale que Olaus Magnus n'indique pas le nom de cet animal.

 

 

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 Figure 2, la planche Meerwunder und Seltzame de Munster (1552). 

Ziphius est représenté avec la lettre H. Il s'est débarrassé de son collègue aux grandes dents, mais il semble le guetter du coin de l'œil. Son aileron dorsal a considérablement fondu. 

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Figure 3. Olaus Magna,   Historia de gentibus septentrionalibus  (1555).

Là encore, nous retrouvons la ressemblance avec la gravure de Gessner.

Selon John McKay, "Dans diverses sources j'ai lu l'allégation selon laquelle le Ziphius est une baleine à bec d'oie, un cachalot, ou un orque. Olaus, qui a utilisé le premier l'image,  pensait explicitement  que le Ziphius est un espadon (Xiphia). Il écrit qui avait des yeux horribles, un bec pointu comme une épée, un dos triangulaire arrière (un aileron), et qu'il était un étranger dans le Nord  ou il se montrait occasionnellement comme un voleur. Toutefois, il a également dit qu'il avait une tête comme celle d'un hibou [ou un crapaud dans la traduction française] et il l'a dessiné de cette façon. " Ailleurs, j'apprends que selon Magnus, l'aileron est pointu pour percer des trous dans les coques des navires. 

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Figure 4. La Carte ISLANDIA d'Abraham Ortelius (1ère éd. 1587 ; édition de 1603).

L'artiste cosmographe est Andreas Velleius, soit  Anders Sorensen Vedel.  Le "Ziphius" est représenté au sud-ouest, avec la lettre E.  Il s'est débarrassé de son double qui lui mordait le flanc et de sa nageoire en cornet de glace, mais il dévore toujours le phoque et il conserve sa tenue rayée comme celle d'un Dalton. Sa face est presque humaine. Au dos, la légende de la lettre E indique :  monstrum marine horribile, phocam nigram deglutiens Ziphius, un monstre qui avale un phoque noir en une bouchée.

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LE DÉBUT DE L'ÉRE MODERNE. LINNÉ ET CUVIER.

 

1°) Linné.

Linné avait en commun avec Olaus Magnus  d'être suédois. Johan Månsson, le frère de Magnus avait été archevêque d'Upssala, ville de Suède dont l'université, la plus ancienne de Scandinavie, a accueilli en 1741 Linné comme professeur de médecine et de botanique. A la mort de son frère, en 1544, le très catholique Olaus Magnus reçut à Rome  son titre d'archevêque d'Upsalla, mais à titre honoraire car la ville était passée sous influence de la Réforme.

 En 1758, Linné créa à la page 248 de sa 10ème édition du Systema Naturae le genre Xiphias qui contenait une seule espèce, Xiphias gladus, l'Espadon. Il indique une référence, Schelhameri Anatome Xiphii pisciis. Un ouvrage de Schelhamer publié en 1699, G. C[hristophori] Schelhameri Phocae Maris Anatome: In Academia Kiloniensi Suscepta, Mense Decembri MDCXCIX.

 http://reader.digitale-sammlungen.de/en/fs1/object/display/bsb10231885_00032.html

Ainsi, l'Espadon était habillé pour l'hiver et ne risquait plus d'être confondu avec je ne sais quel intrus aux dents longues. Il avait tiré son épingle du jeu. Et Linné avait coupé court aux tergiversations en utilisant le mot juste, car Xiphias vient du latin signifiant "espadon", , issu lui-même du grec ancien ξιφίας, xiphías (« en forme d’épée »). Quand à Gladius, on devine qu'il signifie "glaive", comme dans "gladiateur".

On eut ensuite, et je le signale en raison du risque de confusion, la famille des Xiphiidae.

Linné ayant ainsi fait un sort à l'espadon, qui ne cessait de hanter de son nom et de son épée les descriptions du Ziphius, et de tenter de faire achopper Cantimpré, Beauvais (de), Albert, Cardan ou Gessner en plaçant son X à la place du Z, la place était libre pour notre compatriote Cuvier.

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2°) Ziphius cavirostris Cuvier 1823.

Ces recherches ne sont pas simples. Il faut d'abord trouver les références de la publication :

Cuvier, G. (1823). Recherches sur les ossemens fossiles, 2nd ed., 5(1). Paris. page(s): 350, 352, pl. 27 fig.3 . Allez-y donc, vous!

Puis, il faut trouver la publication en ligne. Mais quel bonheur lorsque l'on parvient enfin à la page 351 du volume 5 (1) et qu'on aborde la lecture de l'Article II : Sur une tête pétrifiée de Cétacé d'un genre inconnu, voisin des Cachalots et des Hyperoodon, trouvée sur la côte de Provence . 

 https://books.google.fr/books?id=GHY3AQAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=ziphius&f=false

Car la première description de Ziphius cavirostris concerne un fossile, découvert par un paysan en 1803 sur le bord de la plage, signalée l'année suivante par Raymond Gorsse Ingénieur des Ponts-et Chaussée, qui le découvre entre Fos-sur-Mer et l'embouchure du Galégeon,  et conservé comme holotype au Laboratoire d'Anatomie compareée du Muséum national d'Histoire naturelle (Paris), no. CAC A33554 - CAG B II/222; Toute la partie supérieure était conservée ce qui permit à Georges Cuvier, fondateur de l'anatomie comparée, et directeur du Muséum, de constater les différences avec le genre Hyperoodon Dès-lors, il était autorisé à créer un nouveau genre. "J'appliquerai au genre dont elle (cette tête pétrifiée) devient le premier type le nom de ZIPHIUS, employé par quelques auteurs du Moyen-Âge (voyez Gessner, I. page 208) pour un cétacé qu'ils n'ont point déterminé, et je nommerai cette espèce ziphius cavirostris".

Quelle est l'étymologie de cavirostris ? Cuvier nous aide -t-il en écrivant que ce qui caractérise son espèce, c'est que l'espèce de mur de derrière les narines ne se borne pas à s'élever  verticalement, mais qu'il se recourbe pour former un demi-dôme au dessus de ces cavités ? On peut présumer que cavi vient de cavus, i "trou, ouverture" , et que, le cavum désignant le rhinopharynx, Cuvier place ce radical comme équivalent de "narines". Rostrum,i désigne certes  un bec d'oiseau,  mais aussi les objets qui ont une forme recourbée comme l'éperon retroussée d'un navire. J'en déduis que Cuvier a créé cet épithète spécifique pour résumer en un mot le caractère spécifique de ce Ziphius, la forme recourbée de l'espèce de mur derrière les narines. C'est alors à tort qu'on donne à ce cétacée le nom de "baleine à bec" et, pire, de "baleine à bec d'oie".

Cuvier décrit ensuite dans son Article III d'autres fossiles, venant d'Anvers, sous le nom de Ziphius planirostris. Et dans son Article IV , un morceau "que l'on possède depuis longtemps au Muséum", dont les intermaxillaires sont longs et etroits. Pour cela, il nomme cette espèce Ziphius longirostris. Après cette lecture, on ira voir la figure 3 de la Planche XXVII.

Ou bien cette publication :

 

 

Ostéographie des cétacés vivants et fossiles, comprenant la description et l'iconographie du squelette et du système dentaire de ces animaux ainsi que des documents relatifs à leur histoire naturelle, par MM. van Beneden [et] Paul Gervais: Paris, A. Bertrand [1880, i.e. 1868-1879], planche 22 fig. 6-7:

http://diglib1.amnh.org/etp/15015690/plate22.jpg

 

Mais terminons plus gaiement :

http://www.marinespecies.org/aphia.php?p=image&pic=20654

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http://www.marinespecies.org/aphia.php?p=image&pic=20653


 

Et Hop là !
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SOURCES ET LIENS.

 

 

 

GESSNER 

1) Edition de 1558 : page 249

Conradi Gesneri medici Tigurini Historiae animalium Lib. I. De quadrupedibus uiuiparis. -- Liber II. De quadrupedibus ouiparis. -- Liber III. Qui est de auium natura. -- Liber IIII. Qui est de piscium & aquatilium animantium. -- Lib. V. Qui est de serpentium natura. Ex variis schedis et collectaneis eivsdem compositvs per Jacobum Carronum ... Adjecta est ad calcem, scorpionis insecti historia aÌ€ D. Casparo Vuolphio ... conscripta.  ...Tigvri : Apvd Christ. Froschovervm, anno MDLI[-MDLXXXVII] [1551-1587] en cinq volumes, chacun avec une page de titre. Les quatre  premiers volumes ont été imprimés par  Christoph Froschauer respectivement en 1551, 1554, 1555, et 1558 . Le cinquième volume a été imprimé par Officina Froschouiana en 1587.

 

Gessner, Conrad, 1516-1565 auteur

Cambier, Andreas, éditeur
Belon, Pierre, 1517--156  

Rondelet, Guillaume, 1507-1566 "Continentur in hoc volumine, Gulielmi Rondeletii quoque medicinae professoris regij in schola Monspeliensi, & Petri Bellonij Cenomani, medici hoc tempore Lutetiae eximij, de aquatilium singulis scripta. Paralipomena quaedam ad finem adiecta sunt."

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00084602&pimage=00293&lv=1&l=fr

2) Edition de  1604 : page 210.

Conradi Gesneri medici Tigurini Historiae animalium liber IV : qui est De piscium & aquatilium animantium natura : cum iconibus singulorum ad viuum expressis ferè omnibus DCCXII. Francofurti :In Bibliopolio Andreae Cambieri,anno MDCIIII [1604] Editio secunda, / nouis iconibus, necnon obseruationibus non paucis auctior, atque etiam multis in locis emendatior.

http://biodiversitylibrary.org/bibliography/65980#/summary

page 210 http://biodiversitylibrary.org/page/42165841#page/255/mode/1up

http://biodiversitylibrary.org/page/42165841#page/256/mode/1up

3) Localisation

Berlin (De), Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz 
Braunschweig (De), Stadtarchiv and Stadtbibliothek 
Düsseldorf (De), Universitäts- und Landesbibliothek 
Eichstätt (De), Universitätsbibliothek Eichstätt-Ingolstadt 
Erfurt (De), Stadt- und Regionalbibliothek 
Gotha (De), Forschungsbibliothek 
Halle (De), Universitäts- und Landesbibliothek 
Heidelberg (De), Universitätsbibliothek 
Jena (De), Universitätsbibliothek 
Leipzig (De), Universitätsbibliothek 
Lüneburg (De), Ratsbücherei 
München (De), Bayerische Staatsbibliothek 
München (De), Universitätsbibliothek 
Weimar (De), Herzogin Anna Amalia Bibliothek 
Wien (At), Österreichische Nationalbibliothek 
Wolfenbüttel (De), Herzog August Bibliothek 
Zürich (Ch), Zentralbibliothe

BEAUVAIS (Vincent de) Speculum naturale, 2 vol., [Strasbourg, s. n. (Adolf Rusch), 1476], [vol. 1, liber decimus octavus agit de piscibus et monstris marinis… livre XVII (fol. 347v-368v)]

 Munich, Bayerische Staatsbibliothek, 2 Inc.c.a. 236, 1-1 (Münchener DigitalisierungsZentrum, Digitale Bibliothek).

 

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035779/images/index.html?id=00035779&groesser=&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsxsweayasdasen&no=26&seite=737


DUZER (C. Van)van Duzer (2013) Sea Monsters on Medieval and Renaissance Maps. The British Library, London.

— HORTUS SANITATIS,  De Piscibus, 

a) exemplaire d'Epernay :Épernay, BM, Inc. 3017 (1491)

[Ho]rtus sanitatis, in inclita civitate Moguntina, Jacobus Meydenbach [Mayence, Jakob Meydenbach], 1491.

https://www.unicaen.fr/puc/sources/depiscibus/facsimiles

b) Exemplaire de Valognes :Valognes, BM, R 99 (Prüss1)

Ortus Sanitatis. De herbis et plantis. De animalibus et reptilibus…, s. l., s. d. [attribué à : Strasbourg, Johann Prüss,circa 1497].

https://www.unicaen.fr/puc/sources/depiscibus/facsimiles

c) exemplaire de Munich : Ortus sanitatis, Moguntiae, 1491

Munich, Bayerische Staatsbibliothek, 2 Inc.c.a. 2576. 

-Chapitre 104 :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0002/bsb00027846/images/index.html?seite=729&fip=193.174.98.30

-Chapitre 106 :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0002/bsb00027846/images/index.html?id=00027846&groesser=&fip=193.174.98.30&no=&seite=730

Edition de la version française :

- Ortvs sanitatis, translate de Latin en Francois, Paris, Anthoine Vérard, s. d. [circa 1500], 2 vol.

Paris, BNF, Res. TE1 38 24 (voir notice BNF), Gallica (Traité sur les poissons). http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2100150b/f674.item.zoom

- Le Jardin de sante translate de latin en francoys nouvellement imprimé…, Paris, Philippe Le Noir, 1539, 2 parties Exemplaire numérisé :

Madrid, Bibliotheca de la Universidad Complutense, BH INC M-18 (Biblioteca Digital Dioscorides) [Le traicte des bestes oiseaulx poissons pierres precieuses et urines du iardin de sante] (Traité sur les poissons : f. 86r-111v [images 173-224]).

McKAY ( John J.) , 2012, The monsters of islandia, Archy; février 2012.

 http://johnmckay.blogspot.fr/2012/02/monsters-of-islandia.html
— MAGNUS  (Olaus). 1539, Carta Marina .
— MAGNUS  (Olaus).1555 Historia de gentibus septentrionalibus. Giovanni M. Viotto, Rome.
— MAGNUS, (Olaus),1561 Histoire des pays septentrionaus. Christophle Plantin, Antwerp.
MUNSTER ( S.), 1552 La Cosmographie Universelle. Henry Pierre.

Gessner, Conrad, 1516-1565 
Belon, Pierre, 1517--156 
Cambier, Andreas, éditeur
Rondelet, Guillaume, 1507-1566 "Continentur in hoc volumine, Gulielmi Rondeletii quoque medicinae professoris regij in schola Monspeliensi, & Petri Bellonij Cenomani, medici hoc tempore Lutetiae eximij, de aquatilium singulis scripta. Paralipomena quaedam ad finem adiecta sunt."
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18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 01:12

Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.

Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. II. Le coté du chœur (coté est).

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Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). A. La clôture.

Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). B. La tribune.

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Voir les autres articles sur le patrimoine du Faouët:

a. Les articles sur la chapelle Saint-Fiacre :

b. Les vitraux de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët:

​c. Chapelle Saint-Sébastien

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Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). A. La clôture.

Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). B. La tribune.

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Voir les autres articles sur le patrimoine du Faouët:

a. Les articles sur la chapelle Saint-Fiacre :

b. Les vitraux de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët:

​c. Chapelle Saint-Sébastien

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Chœur de la chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Chœur de la chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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A tout seigneur, tout honneur, débutons par le chœur.

— Et bien-sûr par le patron des lieux, Monsieur saint Fiacre.. Ah non?

— ...

— Vous me faites signe de commencer par votre Dame ? Ah, bien-sûr, la préséance va à la  Vierge à l'Enfant.

A droite du maître-autel, ce groupe en chêne de 1,24 m date de la fin du XVe, elle est donc contemporaine du Jubé et de la fin de la construction de la chapelle. La Vierge, élégamment hanchée, est coiffée d'un voile et d'une couronne royale, vêtue d'une robe rouge-pourpre et d'un manteau doré dont le large pan revient sur la manche droite. C'est à droite que cette Mère porte son Enfant, cheveux très court, en robe blanche, qui tient un livre ; son index droit suit avec attention un passage. Il s'agit sans-doute du même passage des Ecritures que Marie lisait, sur l'Annonciation du Jubé, celui d'Isaïe 7:14 qui annonçait  Ecce virgo concipiet, et pariet filium et vocabitur eius Emmanuel, Voici que la Vierge concevra et enfantera  un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel (c'est à dire Dieu avec nous) . Comme cela sera chanté plus tard, Virga jesse floruit, Virgo deum genuit, la tige de Jessé a fleuri, la Vierge a enfanté d'un homme Dieu.

Tige, fleur, mais aussi fruit puisque la mère présente dans la main gauche un objet rond qui évoque une pomme, rappel du thème du jubé, celui de la Rédemption : par son Incarnation, le Christ rachête la faute d'Adam, le Péché originel concrétisé par le Fruit Défendu, la pomme. En même temps, cet objet rond est aussi le globe terrestre que tiendra le Christ Sauveur du Monde. La "pomme" a été dorée : jadis objet de désir, de gourmandise ou de concupiscence, elle  a désormais acquis  un statut sacré.

René Couffon a retrouvé les indices d' "une très nette influence flamande" : figure ovale de la Vierge, front bombé avec des sourcils très arqués, cheveux nattés sur le dos, haute couronne. Denise Moirez (Inventaire Général, 1975) discernait "une facture d'inspiration savante où l'influence allemande se manifeste dans la structure générale comme dans le traitement des plis. Dans tous les cas, l'une des plus belles Vierges de Bretagne.

 

 

Vierge à l'Enfant, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Vierge à l'Enfant, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Vierge à l'Enfant, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Vierge à l'Enfant, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Ecce Homo 

Sculpture en bois polychrome du XVIIIe siècle,  de 1,92 m, jadis placé dans une niche ou dais sculpté à gauche du maître-autel. Poignets liés, ceint de la couronne d'épines, il est seulement vêtu d'un pagne (le terme perizonium doit être reservé au Christ en croix) et du "manteau de pourpre" que mentionne l'évangile de Jean Jn 19:1-5: 

tunc ergo adprehendit Pilatus Iesum et flagellavit  et milites plectentes coronam de spinis inposuerunt capiti eius et veste purpurea circumdederunt eum  et veniebant ad eum et dicebant have rex Iudaeorum et dabant ei alapas [...]ut cognoscatis quia in eo nullam causam invenio et purpureum vestimentum et dicit eis ecce homo

Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges. Les soldats tressèrent une couronne d'épines qu'ils posèrent sur sa tête, et ils le revêtirent d'un manteau de pourpre; puis, s'approchant de lui, ils disaient: Salut, roi des Juifs! Et ils lui donnaient des soufflets.[...] Jésus sortit donc, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit: Voici l'homme. 

 

Le long roseau que l'on voit dans la main droite est mentionné par l'évangile de Matthieu Mt 27:29-30 :

 et plectentes coronam de spinis posuerunt super caput eius et harundinem in dextera eius et genu flexo ante eum inludebant dicentes have rex Iudaeorum  et expuentes in eum acceperunt harundinem et percutiebant caput eius

 Ils tressèrent une couronne d'épines, qu'ils posèrent sur sa tête, et ils lui mirent un roseau dans la main droite; puis, s'agenouillant devant lui, ils le raillaient, en disant: Salut, roi des Juifs!  Et ils crachaient contre lui, prenaient le roseau, et frappaient sur sa tête.

 Le Gaffiot donne bien pour arundo, inis : "roseau". Il ne s'agit pas d'une extrapolation.

Ce manteau royal et ce sceptre végétal tourne ainsi en dérision la royauté de celui à qui le Sanhédrin reprochait de se dire Rex Iudaeorum, Roi des Juifs, et de menacer ainsi le pouvoir des Romains sur la Province de Judée (Iudaea).

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Ecce Homo, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Ecce Homo, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Ecce Homo, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Ecce Homo, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Saint Fiacre.

Nous pouvons voir ici trois objets d'art et de culte.

D'une part, la console de granite, et les cinq fusées de gueules en fasces des armoiries  de Boutteville sur l'un des culots.

Puis la niche de 3,10 m,  à candélabres feuillagés sur les montants, surmontée d'un dais à quatre niveaux, qui fourmille de feuillages, de rinceaux à tête de chimères ou de licornes (1er niveau), de candélabres et rinceaux peuplés et de frise fleuronnée (2ème niveau), de fenêtre découpée à réseau  gothique et médaillons à l'antique (3ème niveau)  et même, tout en haut, de petits personnages et (?) de licornes autour d'un vase. 

Enfin la statue de bois polychrome de 1,41m, du XVIe siècle. Le saint est vêtu en moine, d'un scapulaire et cape noire sur la robe blanche. Il tient ses deux attributs, la pelle témoin de sa préoccupation de nourrir les malades qui le consultaient (c'est un saint thérapeute avant d'être un saint-jardinier), et le livre où il se réfugiait dans ses chères études et ses pieuses lectures lorsqu'on lui en laissait le temps. 

La pelle-bêche "modèle Saint-Fiacre" est caractéristique, mais elle n'est pas bien représentée ici : elle est en bois, mais le tranchant en métal la prolonge en écusson. J'en ai vu une, datant du 18e, au Musée de Grenoble, qui a dû lui appartenir : je l'ai reconnue tout de suite.

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Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.
Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

LE TRANSEPT.

Bras nord .

 Sainte Apolline et ses bourreaux.

C'est une statue en pierre du XV-XVIe siècle où la sainte est attachée par les cheveux à une potence, tandis que ses mains sont attachées dans le dos et que ses deux bourreaux, armés de tenailles, sont en train de lui arracher les dents. D'ailleurs, une belle molaire est encore entre les mors d'une de ces pinces.

Le martyre de sainte Apolline, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Le martyre de sainte Apolline, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Le martyre de sainte Apolline, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Le martyre de sainte Apolline, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Sainte Anne.

 

Sainte Anne, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Sainte Anne, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Bras sud du transept

Saint Antoine.

C'est saint Antoine l'anachorète, le fondateur de l'érémitisme chrétien, et représenté avec la longue barbe , la coule ou cuculle qui recouvre sa tête et descend sur son dos, sa canne en T ou plutôt en Tau et son petit cochon, qui sont toutes ses richesses, tous ses attributs.

Mais pourquoi un Tau ? Pourquoi un petit cochon ?

Rien à voir avec la vie du saint, en Égypte au IVe siècle. Mais avec l'Ordre Hospitaliers des Antonins, fondé après qu'un seigneur du Dauphiné ait ramené dans l'actuelle Isère les reliques du saint, lesquelles faisaient merveilles contre le Mal des Ardents, le feu de Saint-Antoine. Cette maladie était due à un champignon du seigle Claviceps purpurea qui vous donnait (et donne toujours) des hallucinations, car il est riche en acide lysergique (révisez l'article sur le LSD). Les moines antonins ignoraient cela, mais savaient qu'une alimentation équilibrée, riche en viande et en légumes, détournait les patients d'une mono-consommation de céréales contaminés. Ils obtinrent le privilège (exorbitant à l'époque) de la circulation de leur élevage de porcs dans les rues des villages, où ils se nourrissaient des eaux grasses et autres ordures. On reconnaissait les porcs des Antonins (et les moines eux-mêmes) à leur clochette.

Outre la viande de porc, ils utilisaient les bonnes herbes mélangées dans de la graisse...de porc  en un remède nommé le Saint Vinage : on en comptait 14, dont la scrophulaire (un anti-inflammatoire), le grand plantain et le plantain lancéolé (un anti-histaminique), l'ortie blanche (reminéralisante) le coquelicot, la verveine, et d'autres que j'ai oubliées.

Comme l'ergot de seigle et la dénutrition causaient des paralysies et des gangrènes, les moines organisés en Commanderies adoptèrent comme logo la béquille. La canne en T plus exactement, sous la forme du signe Tau. Les Antonins étaient experts en amputations et en appareillages. Ils eurent un succès fou, et bientôt on dénombra plus de 380 établissements  rattachés à la Maison-mère. L’Ordre s’enrichit grâce aux largesses accordées par les papes, les  rois, princes et puissants qui accourent auprès des reliques. Et parmi eux, Anne de Bretagne.

Saint Antoine est, avec saint Fiacre et saint Sébastien, l'un des trois saints thérapeutes contre les épidémies médiévales présents dans la chapelle. Ajoutons sainte Apolline, car il ne faut pas sous-estimer les problèmes dentaires.

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Saint Antoine,  chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.
Saint Antoine,  chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Saint Antoine, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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LA NEF.

Le Martyre de saint Sébastien.

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'un tel groupe, où l'officier Sébastien est la cible des flêches de ses propres archers, et où il reçoit les blessures avec la belle indifférence de ceux qui mettent leur foi dans le Seigneur, est caractéristique d'un culte où le saint est invoqué contre la "peste", ce terme désignant toutes les épidémies médiévales. 

Martyre de saint Sébastien, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Martyre de saint Sébastien, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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LEVONS LA TÊTE, ON NOUS REGARDE.

1. La charpente, diaporama.

Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

2. Diaporama

 

Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.

Suite, diaporama

 

Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.

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CONCLUSION.

Laurent Léna signale aussi les statues de sainte Elisabeth, de sainte Ursule et de saint Laurent. On peut comparer les statues encore conservées à Saint-Fiacre avec la liste des suffrages du Livre d'Heures du duc Pierre II de Bretagne proposée par Jean-Luc Deuffic :

f. 125v (suffrages, prières en français et en latin), martyre de S. Eutrope; f. 126v, S. Fiacre; f. 127v, S. Bernardin; f. 128v, S. Vincent Ferrier; ; f. 146v, S. Germain d'Auxerre; f. 147v, S. Dominique;; f. 148v, S. Pierre Martyr, frère Prêcheur; f. 149v, S. Thomas d'Aquin; f. 150v, S. Antoine; f. 151v, Martyre de sainte Apollonie; f. 152v, Ste MagdeIeine; f. 153v, Ste Catherine; f. 154v, Ste Marguerite; f.155v, S Julien; f. 156v, S. Christophe; f.157. S. Sébastien; f. 158v. S. Maudet ; f. 159v, martyre de S. Adrien; f. 160v, S. Michel; f. 161v, S. Jean-Baptiste; f. 162v, S. François d'Assise; f. 163, S. Gilles; f. 164v, Ste Anne, la Vierge et l'enfant Jésus; f. 165, S. Etienne; f. 166v, Ste Barbe; f. 167v, S. Donatien et S. Rogatien; f. 168v, Ste Ursule; f.169v, les Onze mille vierges; 

La chapelle n'a certainement pas conservée l'ensemble de sa statuaire du XV et XVI e siècle, mais il ne peut néanmoins nous échapper que les saints représentés ici sont ceux qui sont invoqués contre les maladies. Si on associe cette constatation à la notion d'un hôpital construit dès l'origine à proximité, à l'existence d'une fontaine de dévotion à trois bassins (dont les eaux avaient certainement un pouvoir thérapeutique), à l'existence d'un pélerinage , aux paroles d'un cantique breton à Saint Fiacre clamant que D' ar c'hlangour c'houi rè ar yec'hed ("Vous rendiez la santé aux malades"), on ne peut que porter crédit à un faisceau d'arguments présentés par Laurent Léna lorsqu'il envisage "que le service de la chapelle était peut-être assuré, ainsi que son hôpital annexe, par des hospitaliers de la Commanderie voisine. Les Hospitaliers, impliqués depuis les Croisades dans une lutte contre la lèpre, et implantés depuis le XIIe siècle dans le pays, possédaient une Commanderie de Saint-Jean, au Faouët, une Commanderie de Beauvoir à Priziac, et la Commanderie du Crosity, dans un espace de dix kilomètres environ.

Saint Fiacre est souvent présenté comme le patron des jardiniers, et, éventuellement comme le guérisseur des hémorroïdes, les "apostumes du fondement" ou "Mal saint-Fiacre" mentionné par le médecin Rabelais, ou par Antoine du Pinet dans sa traduction de Matthioli (1566). La première mention que je rencontre date de 1547.   Amboise Paré parle des "fics ou fils Sainct-Fiacre" comme des fungus de la Dure-Mère, ou des "espèces de verrues" du col de la matrice. Mais son invocation contre la lèpre,  contre les maladies de la peau, et contre toutes les maladies ne doit pas être négligée. La Molène ou Bouillon-Blanc Verbascum thapsus était jadis désignée sous le nom d'Herbe de saint-Fiacre. Elle est traditionnellement utilisée contre les maladies de la peau et de l'appareil respiratoire. On désigne aussi sous le même nom d'Herbe de Saint-Fiacre l'Heliotrope commune Heliotropium europaeum aussi nommée Herbe aux verrues. Ce lien entre Herbe de Saint-Fiacre et Herbe à verrues est attesté depuis au moins le XVIIIe siècle.

Il est attesté aussi que saint Fiacre passait pour le saint des lépreux (1684), et autres galeux, teigneux, rogneux et vérolés (1821). 

 

Culot de console, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culot de console, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

DIVERSES ENLUMINURES de saint Fiacre.

Amiens, BM 0201 f.140 Fin XVe siècle.

De Sainct Fiacre Anthaine

Beate Christi confessor fiacri ecce nomen tuum fulget per secula petimus.

 

Amiens BM ms 0201 f.140

Amiens BM ms 0201 f.140

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Bnf Latin 13279

 

Bnf Latin 13279

Bnf Latin 13279

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BM Chambery 001 folio 188 (vers 1470)

Beate Christi confessor fiacre cem nomen tuum. fulget per secula

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BM Chambery 001 folio 188 (vers 1470)

BM Chambery 001 folio 188 (vers 1470)

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Châteauroux BM ms 002 folio 313v heures à l'usage de Rome vers 1414.

Beatus fiacrius heremita magnus ficus [in melden si tento no sub] sanctissimu faronis epi~ protectione cons---

Châteauroux BM ms 002 folio 313v heures à l'usage de Rome vers 1414.

Châteauroux BM ms 002 folio 313v heures à l'usage de Rome vers 1414.

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Bnf Latin 1159

Qur me confessus..

Bnf Latin 1159.

Bnf Latin 1159.

Bnf Latin 10538

Qua --- confessore fiacrium fac nos semper...

Bnf latin 10538

Bnf latin 10538

Valencienne 1206 folio 193 recueil de prières 16e siècle.

Si te supplie devotement que a mon ame premierement –petre la gloire eternele Et au corps temporelement me donne sante corporele. Amen.

Item aultre oraison de [notre] sainct fiacre.

Beate Christi confessor fiacre cem nomen tuum. fulget per secula Petimus ergo ut tuis sacris precibus mereamur adm—ari a domino Ora pronobis beate fiacri.

SOURCES ET LIENS.

 — Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de la France. Cantons de Le Faouët et de Gourin, Morbihan. 1975.

 

— LÉNA (Laurent), 1990,  Le Faouët, la chapelle Saint-Fiacre, Presses E.T. Saint-Michel Priziac. 

Site mandragore .bnf.fr

Site enluminure.culture.fr.

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18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 01:01

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PRÉSENTATION.

De même que le coté ouest, le coté est du jubé est constitué de la clôture, surmonté de la tribune, elle-même formée des fausses-voûtes et, au dessus, du garde-corps.

 

 

Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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I. LA CLÔTURE.

Je n'en présenterai que la sablière. Elle est plus simple que son homologue du coté nef, et ne présente que deux figures, entourées de végétaux et de banderoles en spires.

Les deux personnages pourraient passer pour des géants écrasés par l'étroitesse de la poutre de bois, ou par le poids de la tribune. Avec leur allure de rustaud, ils ont un je-ne-sais-quoi de rabelaisien et de comique.

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Sablière de la clôture, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Sablière de la clôture, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Sablière de la clôture, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Sablière de la clôture, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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II. LA TRIBUNE.

Elle comprend cinq fausses-voûtes lambrissés, dont les cinq arcades s'achèvent sur six culots de retombés sculptés de personnages et d'animaux, et dont les écoinçons fournissent l'occasion de six scènes : deux anges porteurs d'écus et quatre humains. Puis vient une première frise végétale animée par un dragon central. Puis une deuxième frise à motifs géométriques. Viennent ensuite les dix panneaux à entrelacs multicolores, et enfin la main courante où courent des animaux fantastiques.

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Tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

A. Les arcades des fausses voûtes.

Je les décrirai de gauche à droite.

I. Le groupe de gauche.

 

 

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Il faut d'abord voir le retour, coté sud.

On y voit, au dessus d'un acrobate, un homme portant sur ses épaules un mouton et tenant de la main gauche un couple de volailles (canards selon L. Léna).

Coin gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coin gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Dans le premier écoinçon, nous voyons un homme (cheveux mi-longs, tunique rouge courte à ceinture, chausses bleues) qui escalade un pommier et remplit de fruits un petit panier passé au bras gauche. Cet homme qui regarde le spectateur est une allégorie du vol. Donc, il représente le péché. C'est très habile de la part d'Olivier le Loergan, car ce pommier correspond, du coté ouest, au pommier de l'Eden et à la scène du Péché Originel. Ainsi, un lien est créé entre la pomme croquée par Adam et Éve, et le fruit du (modeste) larcin, comme pour souligner que chaque écart par rapport à la loi reproduisait, par la fatalité de la déchéance de l'humanité, la désobéissance des Premiers Parents. Aussi, lorsqu'il nous regarde, c'est sans-doute pour nous dire : "Toi aussi, non ?".

 

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Acrobate, Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Acrobate, Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Il y aurait beaucoup de chose à dire sur cet acrobate. Là encore, il faut se reporter mentalement au coté ouest, où tous les culots sont sculptés d'anges en train de voler, entourant à sa base l'équivalent de la Poutre de Gloire affirmant le dogme de la Rédemption. Nous sommes ici dans la face inverse de ce motif, dans sa face humaine, d'une humanité déchue et de son aspiration, non à l'élévation vers les Cieux et vers le Divin, mais vers le bas et vers l'animalité. C'est du moins l'une des interprétations possibles, car l'acrobate peut renvoyer aussi à l'inversion carnavalesque et libératrices des valeurs, du lâcher-prise qui s'exprime, traditionnement, dans les hauteurs sur les sablières. Ou bien, comme l'acrobate situé au centre du portail central de la basilique de Vézelay, au dessus et dans l'axe de la tête du Christ, qui est, selon Annick de Souzenelle, le symbole de l'homme accompli, capable de réunir ses pieds et sa tête.

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Acrobate, Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Acrobate, Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Passons maintenant à l'arcade voisine.

L'animal qui orne le culot n'a pas été clairement identifié (Inventaire Général) ou correspond (L. Léna) à "un chat avec son rat sur la cuisse" . Il me semblait voir un oiseau entre ses pattes.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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L'imposant personnage qui occupe l'écoinçon tient dans la main gauche un tonneau, alors qu'une gourde vide est figurée à droite de sa tête : c'est le péché de gloutonnerie ou d'ivrognerie. Bouche ouverte, penché en avant, une main sur la cuisse droite, il adopte  l'attitude d'un homme en train de vomir, mais c'est un renard qui est sorti de son gosier. Je n'ai pas compris immédiatement ce que je voyais : car ce renard a deux queues, ce qui indique qu'il est écorché, la partie postérieure (peinte en rouge) y compris la queue encore maintenue dans la bouche, étant dépecée, et la fourrure étant rabattue sur le dos de la pauvre bête. Cette énigme s'explique lorsqu'on apprend que depuis le XVe siècle, on disait d'un homme ivre en train de vomir qu'il "écorchait le renard". L'expression peut elle-même provenir d'une comparaison effectuée entre les fusées de vomissement et la queue  des renards ou "goupils", queue si fournie et touffue qu'elle a donnée notre terme de "goupillon". On trouve aussi au XVIe siècle "tirer au renard", et plus tard "piquer un renard" ou simplement "renarder". On la trouve pour la première fois à la fin du XVe siècle dans le Parnasse Satyrique sous la forme Renars escorchier, mais on lit déjà dans les chansons de Geste "escorchier le gorpil".

 

On trouve cette expression dans Rabelais, Livre I:6 ; Livre II :11 ; II:6 ; II:16 ; IV:41, etc...

Pantagruel II,16 : "Et tous ces bonnes gens rendoient là leurs gorges devant tout le monde, comme s'ils euffent efcorché le renard, " 

Pantagruel 6 "Tu escorche le latin, par sainct Jan, je te feray escorché le renard [rendre gorge ?]"

Gargantua I,11 : "Tous les matins Gargantua escorchoit le renard"

Gargantua I, 22 : liste des jeux de Gargantua : "Là, jouait [...] à escorcher le renard"

Marot en fait mention dans sa IIIe Epistre du Coq-à-l'asne (1536) "Et gardez bien qu'on ne l'escorche, Car ung homme bien empesché ,Seroit d'ung renard escorché.", ainsi que Mathurin Cordier : "Il a escorché le renard. Evomuit crapulam"

Le CNRTL indique :

Arg., pop., vieilli. (Queue de) renard. Synon. de vomissement, vomissure. Quelque chose qu'il ne peut pas retenir lui échappe avec la violence d'une fusée; il s'est avancé vers la portière, dans l'espoir d'y lancer son renard (Kock,Compagn. Truffe, 1861, p. 113). De grands silences se faisaient, coupés par (...) des chutes sourdes d'ivrognes (...) le vin coulait si fort depuis six heures, qu'il allait se promener sur les trottoirs. Oh! de belles fusées, des queues de renard élargies au beau milieu du pavé (Zola, Assommoir, 1877, p. 772).

♦ Loc. Aller au renard, écorcher le renard, piquer un renard. Vomir. On en avale un verre, deux verres, dix verres sans piquer de renard; mais quand on en a jusqu'au goulot, finalement, faut dégueuler (La Petite lune, 1878-79, no13, p. 2).Ça chlinguait drôlement (...). Ça (...) donnait envie d'aller au renard (Le Breton,Rififi, 1953, p. 146).

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L'Ivrogne "écorchant le renard", Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

L'Ivrogne "écorchant le renard", Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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II. Le groupe médian. 

Dans les écoinçons, les deux anges tiennent des écus qui ont été martelés à la Révolution. On peut y imaginer les armes de Boutteville , seigneurs du Faouët. Sous Jean V de Boutteville, chambellan de François II, la chatellenie fut érigée en baronnie en 1495. Et peut-être figuraient-elles en alliance avec celles  de Quimerc'h (alliance contractée en 1463).

Les ronde-bosses des culots représentent deux oiseaux, identifiés par les bons auteurs comme "une oie et un canard" . J'ignore quels sont les critères zoologiques, car les deux oiseaux me semblent identiques, mise à part la position de leurs ailes.

J'ignore aussi ce qui justifie leur présence, à une place centrale encadrant l'allée menant du portail de la clôture jusqu'à l'autel. Sont-ils héraldiques, issus des meubles des familles nobles locales? Certainement une fausse piste. Sont-ils des Phénix, symboles  du Christ réssuscité ? Des Oiseaux non spécifiés, contre-pieds naturels des Anges de la Surnature ? 

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Milieu de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Milieu de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

 

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III. Le groupe de droite. 

a) 5éme culot : un acrobate ?

 

Cinquième culot de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Cinquième culot de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Cinquième culot de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Cinquième culot de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

b) Ronde-bosse du sixième culot. Un singe.

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c) 5éme écoinçon : un couple. 

L'Inventaire Général indique "jeune couple se promenant : allégorie supposée de la luxure" . Laurent Léna décrit "un jeune homme vêtu d'une tunique bleue [qui] tient par la main une charmante jeune fille ; celle-ci est habillée d'une robe sur laquelle est drapée une jupe dont elle retient les plis de la main droite ; sa chevelure est recouverte d'un voile qui lui laisse cependant un front bien dégagé avant de retomber à la fois sur les épaules et le buste. Le jeune homme semble l'entraîner galamment. (La luxure ?)". J'ajouterai que la coiffure de la dame est peut-être un hénin ; que le jeune galant est coiffé d'un bonnet rouge sur une copieuse chevelure blonde ; mais surtout je m'interrogerai sur l'objet qu'il tenait dans la main gauche et dont il ne reste qu'un manche ou une tige. Et surtout, j'aimerais pouvoir préciser ce que font les deux mains enlacées : les époux ou amants se donnent-ils la main ? La femme tente-t-elle de puiser dans la poche de l'homme ? Ou bien le geste est-il plus ambiguë ?

 

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La Luxure, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

La Luxure, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

 

d) le dernier écoinçon. Joueur de cornemuse.

Après avoir dénoncé le Vol, l'Ivrognerie, et  la Luxure, si l'artiste offre aux regards le portrait d'un musicien, c'est sans nul doute pour participer à la dénonciation, par le clergé et l'Église, de la musique à danser et des débordements qu'elle favorise. A l'opposé des instruments joués par les anges (trompettes, mais surtout harpe et viole, flûtes et tambourins), la cornemuse est considéré comme un instrument diabolique.

Joueur de cornemuse,  tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Joueur de cornemuse, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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e) Retour d'angle : joueur de bombarde. 

Les sonneurs vont par deux, et le joueur de cornemuse ne va pas sans son comparse le joueur de bombarde, que l'on trouve donc à ses cotés dans l'angle de la tribune. Les deux portent le même bonnet rouge, la même tunique rouge courte sur des chausses bleues, et les mêmes chaussures.

Couple de sonneurs, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Couple de sonneurs, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

B. Le Garde--corps.

1. Les panneaux du garde-corps.

Ils sont semblables à ceux du coté ouest, on y retrouve les entrelacs, ainsi que la cordelière du duc François II et les hermines. Je n'en donnerai que deux exemples. 

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Panneaux du garde corps, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Panneaux du garde corps, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Le semé de moucheture d'hermines fut adopté par le duc Jean III sur ses armoiries en 1316. Hermines et cordelières sont donc antérieures à Anne de Bretagne et sont cohérentes avec la date de 1480 insctite sur le jubé du coté ouest par Olivier Le Loergan. Elles affirment l'influence du pouvoir ducal dans l'édification de la chapelle, comme le font les armoiries de la façade est.

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Panneaux du garde corps, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Panneaux du garde corps, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

2. La main courante du garde-corps.

Dans la partie gauche, un dragon ailé dont la queue se termine en une deuxième tête   se lance à l'attaque d'un homme-bête, au corps entièrement velu. Celui-ci tient dans la main gauche un miroir. 

Pour L. Léna, et pour les auteurs de l'Inventaire Général,  il s'agit d'un "basilic , sorte de dragon à queue terminée par une tête de serpent" : " l'homme se protège du venin de la bête à l'aide d'une cloche de verre qu'il porte sur le dos". Une précision me met sur la piste de cette étrange hypothèse en ajoutant "même motif à Vézelay".

Manifestement, l'auteur (Denise Moirez sans-doute) qui a fait cette interprétation s'est appuyé sur le texte d' Émile Mâle, 1922, L'art religieux du XIIe siècle en France : étude sur les origines de l'iconographie du moyen age : page 333 (avec une figure) :

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"Un chapiteau de Vézelay nous offre un sujet plus étrange.
Un personnage, qui tient devant sa face une sorte de cloche, semble s'avancer vers un animal composite, coq par devant, serpent par derrière. Il n'est pas possible de croire à une simple fantaisie d'artiste, quand on connaît le passage que le Bestiaire a consacré au basilic.
Le basilic, qui participe de là nature de l'oiseau et de la nature du serpent, naît d'un oeuf de coq couvé par un crapaud : « car il arrive que certains coqs, dans leur septième année, pondent un œuf». Le basilic n'est redoutable à l'homme que par son regard, mais qui rencontre ses yeux meurt sur-le-champ. Toutefois, le dangereux fluide ne saurait traverser le verre, et il suffit d'appliquer sur son visage une cloche de verre pour pouvoir regarder impunément le basilic ; c'est grâce à cet artifice que les soldats d'Alexandre détruisirent les basilics de l'Inde'.
"Qu'est-ce que le basilic? ajoute le Bestiaire, sinon une figure du démon : le Christ en triompha en s'enfermant dans le sein d'une Vierge plus pure que le cristal".

https://archive.org/stream/lartreligieuxdux00mluoft#page/332/mode/2up

Mais j'objecterai que si, à Vézelay, le personnage tend devant lui un récipient qui peut ressembler à une cloche, ici, à Saint-Fiacre, notre homme sauvage tient indiscutablement un miroir. D'autre part, ce miroir n'est pas "porté sur le dos", mais tenu par une main, qui pose seulement le problème qu'elle est en surnombre par rapport aux deux pattes antérieures. Il est bien connu que rien ne peut vaincre le Basilic, qui tue par la seule puissance de son regard, si ce n'est de lui renvoyer ce regard en lui présentant un miroir : c'était déjà la ruse que Persée utilisa pour venir à bout de Méduse aux mille têtes.

Peut-on en toute confiance, sur la seule foi de quelques lignes d'Émile Mâle, partir à la chasse au basilic armé d'une seule cloche de verre, si tant est qu'on en dispose d'une ? Je ne le conseille pas. Mâle s'est fondé sur Cahier, qui évoque Grégoire le Grand, mais il faut aussi consulter son Physiologus, son Pline, son moine Théophile (dans son Shedula diversarium artium) et on ne revient pas tout à fait indemne d'un tel parcours. Agrémenté d'un détour incontournable par le De Serpentibus d'Isidore de Séville (Etymologiae Livre XII, De Animalibus)

Prenons Charles Cahier. C'est lui qui décrivit le chapiteau de Vézelay, et qui en a donné une belle (mais très infidèle) illustration dans ses Nouvelles . On la comparera à la réalité (source image) pour en mesurer l'écart :

Mais surtout, le texte des Nouveaux Mélanges d'Archéologie permettra de constater que l'abbé Cahier est fort perplexe devant ce chapiteau. 

Dans les Mélanges d'Archéologie parus 30 ans auparavant, Cahier se rapportait à un auteur latin selon lequel  Alexandre le Grand en rencontra lors de son expédition en Inde. Il les vainquit en faisant faire des cloches de verre interceptant leur regard, coiffées par des cavaliers qui ont pu ainsi les tuer à coups de lance.

 : "Voici donc ce que disait Brunetto Latini  dans son Trésor, chapitre De toutes manières de serpens : "Basiliques est li roys des serpens, et est si plains de venin...que le veoir et le flairier de lui en porte venin et lonc et près...Et tel a qui de son odour ochist (occit) les oisiaus volans, et de son veir (de son regard) les hommes quand il les voit : ja soit ce ke li anchyen dient quu'il ne nuyst pas à chelui qui voit primes les basiliques que il eaus (qui le voit avant d'avoir été vu par lui) Et sachés que Alixandre les trouva, et fist faire grans ampoles de voirre (bouteilles ou cloches de verre) où hommes entroient dedens qui véoeint les basiliques, mais il ne véeoit aus ; qui les ochioient de saiettes (sajettes?). Et par tel engien en fu délivrés il, et son fort ost (son armée) »"

 

Muni de ce texte, il interprétait le chapiteau ainsi :  

 

"Avec ces renseignements, sans plus, nous saisirons la mise en scène du bas relief. Une sauterelle monstrueuse et un homme marchent comme de concert au devant du basilic ; et l'homme, pour affronter sans danger le terrible regard de son ennemi, s'apprête à se couvrir les yeux et la tête d'une cloche de verre."

 

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Chapiteau du Basilic, Vézelay, selon C. Cahier, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5698889x/f242.item.r=v%C3%A9zelay

Chapiteau du Basilic, Vézelay, selon C. Cahier, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5698889x/f242.item.r=v%C3%A9zelay

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Main courante,  tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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 tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Il est néanmoins possible que le chapiteau de Vézelay, ou sa copie  sur quelque cahier d'ymagier, vienne expliquer les bizarreries de ce personnage entiérement velu et à trois bras, s'il trouve son origine dans la fusion du poisson-sauterelle et de son cavalier sculpté à Vézelay.

 

 

Lutte contre le Basilic, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Lutte contre le Basilic, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Le personnage suivant est pour moi un paysan aux cheveux roux se protégeant du montre voisin à l'aide d'une branche de bois, mais les auteurs ont jugés qu'il avait un faciès de singe (L. Léna) et l'ont décrit (Inventaire Général) comme un "singe parmi les branchages". 

tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Bêtes sauvages, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Bêtes sauvages, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Bêtes sauvages, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Bêtes sauvages, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

 — Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de la France. Cantons de Le Faouët et de Gourin, Morbihan. 1975.

—  CAHIER (Charles), 1847-1849, Deux chapiteaux historiés du XIIe siècle,, in Mélanges d’Archéologie, d’Histoire et de Littérature, vol. 1, Paris, Poussielgue-Rusand page 153-156.

—  CAHIER (Charles), 1874-1877, Nouveaux mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature sur le Moyen-Age.... Curiosités mystérieuses /  Didot (Paris)   page 203-205.

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5698889x/f242.item.r=v%C3%A9zelay

DUFIEF-MOIREZ (Denise), 1989,  "Olivier Le Loergan un maître trégorrois du XVe siècle". ArMen la Bretagne, un monde à découvrir. n°21 juin 1989 pp. 50-58.

HABLOT (Laurent), 2004,« Pour en finir, ou pour commencer, avec l’ordre de la Cordelière », Actes du colloque Pour en finir avec Anne de Bretagne, Archives départementales de Loire-Atlantique, dir. D. Lepage, Nantes, 2004, p. 47-70.

— LÉNA (Laurent), 1990,  Le Faouët, la chapelle Saint-Fiacre, Presses E.T. Saint-Michel Priziac. 

— MOIREZ (Denise), 1973, Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët, Revue de l'art n°20

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 23:59

La tribune.

Jadis, à l'angle sud-est,  un escalier droit plaqué contre le mur ouest du bras sud du transept permettait à un lecteur d'y accéder et de s'adresser aux fidèles. Il a été supprimé par Lebrun en 1862-1866. 

En encorbellement sur les deux faces de la clôture, la tribune est décomposée  en deux niveaux séparés par deux frises, l'une à décor végétal et animal, l'autre à décor géométrique ajouré  :

– En bas, cinq fausses voûtes lambrissées à arc d'ogive : le décor y est localisé sur les écoinçons, sur les six culots des retombées (avec leurs anges suspendus en vol) et sur les clefs. On compte cinq autres fausses voûtes du coté est.

– En haut, un garde corps aligne onze panneaux carrés à motifs géométriques, séparés par autant d'accolades à fleurons et crochets. A chaque arcade des fausse-voûtes de l'étage inférieur correspond donc deux arcades.

Le garde corps s'achève en haut par une main courante de 25 cm, dont les sculptures répondent à celles de la frise sculptée de la clôture.

La façade ouest présente aux fidèles rassemblés dans la nef les cinq personnages d'une Crucifixion : le Christ en croix au milieu des deux larrons, à la hauteur du garde-corps. Et la Vierge Marie et saint Jean, au niveau des fausses-voûtes.

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Tribune et clôture, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Tribune et clôture, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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"Ce n'est pas un hasard si Mérimée et Viollet-le-Duc se sont intéressés au jubé de Saint-Fiacre. Bien intégré à la chapelle, au décor de laquelle il emprunte plus d'un motif , ce jubé, le plus ancien des jubés de bois bretons actuellement conservés, retient l'attention à plus d'un titre : la composition équilibrée est caractérisée par le jeu des formes qui, de la clôture à la tribune, se répondent en s'emboîtant ; la vision en perspective des fausses voûtes de la tribune anime l'ensemble en lui donnant du relief, impression à laquelle contribue la distribution, sur la face principale, des cinq personnages de la Crucifixion, sur trois registres et en quinconce. L'unité de style, (exception faite des vantaux Renaissance, est très nette, même si le décor héraldique porte logiquement à échelonner l'exécution de l'ouvrage sur une dizaine d'années après la date inscrite (1480) ; et la sculpture ornementale flamboyante reste étroitement liée au schéma architectural qu'elle souligne. Enfin, le programme iconographique choisi répond sans nul doute à un but didactique. Si certains détails restent difficiles à identifier, du moins peut-on définir les thèmes essentiels : sur la face Ouest, le Péché Originel, la Rédemption par l'Annonciation, le Roman de Renart ; sur la face Est, les Vices en symboles imagés, et divers animaux du Bestiaire." (Inventaire Général, 1975)

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Garde-corps de la tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Garde-corps de la tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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 Les cinq personnages de la Crucifixion. 

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Tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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I. Historique.

 

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Une inscription (remise à jour en 1971) est  gravée sur l'écu tenu par l'ange  ornant la clef de voûte de la tribune à gauche de la Vierge  : L'AN MIL IIIJcc IIIIxx [1480] FUT FAIT CEST HEVPVRE  P[ar] OLIVI[er] / LE LOERGA[N] OVPVRIER . L'exécution de l'ouvrage, commencée sous François II, dut se prolonger au début du règne de sa fille Anne, duchesse de Bretagne et reine de France, en 1492, comme en témoigne l'association dans la tribune de cordelières [cet accessoire, allusion au Cordeliers ou Franciscains avait été adopté en emblème par François II ], d'hermines et de fleurs de lis.

— Le terme d'Hevpvre ou Heupvre doit se lire pour "œuvre". Cette forme n'est trouvée qu'ici. Les formes en ancien français sont ovre, euvre et uevre (XIIe), oevre (XIVe) .  Quelle est l'acceptation ici du substantif "oeuvre" ? Le CNRTL en propose 10 :

1. 1re moitié XIIes. «objet créé par l'activité, le travail de quelqu'un»

2. ca 1145  «action, fait de faire quelque chose»

 3. 1160-74 «production artistique ou littéraire»

 4. 1174-77 «union charnelle de l'homme et de la femme»

5. ca 1208 «tâche, action propre à quelqu'un ou à quelque chose»

6. 1225-30 «action considérée dans sa valeur morale ou religieuse» 

 7. fin XIIIes. «travail artistique d'une oeuvre d'orfèvrerie» 

 8. 1379-80 euvre «fabrique d'une église» (Compt. de la fabriq., Arch. Aube, G 1559, fo41 rods Gdf.); 1611 «banc des marguilliers dans l'église» (Cotgr.); 

9. 1611 maistre des hautes oeuvres (ibid.);

10.1567 marine. oeuvres mortes  oeuvres vives.

— Le terme d' Ovpvrier ou Oupvrier renvoie au terme Heupvre, car "ouvrier" et "œuvre" ont la même étymologie, venant du latin operarius qui mène à "ouvrier" ,  opera à "œuvre", et operari à " œuvrer".Celui qui œuvre à une chose est celui qui la crée, son auteur  et son artisan. "Ouvrier" ne désigne pas seulement un exécutant, une "main d'œuvre", mais le noble concepteur de l'ouvrage.

C'est la même réflexion qui s'applique au vitrail de la Vie de Saint-Fiacre de cette chapelle, où P. Androuet signe son travail avec la mention "P. Androuet, ouvrier demeurant à Kemparalé 1552".

— Olivier Le Loergan a laissé son nom en 1474 sur l'une des sablières de Saint-Nicolas-du-Pelem  : "Lan de grâce mil iiii c l xx iiii , estoit recté de céans M. J. de la Roche, Yvon Le Pennec en estoit le fabrique : q(uand) cest oupvre cy fist loupvrier nome Le Loergan 0llivier ".  On y retrouve les deux substantifs "ouvre" et "oupvrier". La même année, son nom apparaît sur une sablière de l'église de Canihuel et est transcrite ainsi : " fait faire en 1474 par le recteur M. J. de La Roche, et Yvon Le Pamel, de la fabrique, par l'ouvrier Olivier Loergan ". Originaire du Merzer (22, au nord-est de Guingamp), il  figure sur une liste d'annoblis de 1469 par François II, ce qui témoigne que son statut n'est pas celui d'un simple ymagier ou menuisier-sculpteur, et que ses mérites ont été récompensés 11 ans avant qu'il ne signe le jubé de Saint-Fiacre. 

 

 

 

Les commanditaires du jubé sont inconnus : leurs armoiries qui figuraient sur la tribune, à l'Est, ont été martelées à l'époque révolutionnaire. 

 

 

 

Inscription-signature, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Inscription-signature, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Puisque j'ai présenté cette inscription, il me faut montrer aussi celle qui lui est couplée, à droite de saint Jean.

TOUZ CEULX 

 QVI CEANS AN

TRERES AIES ME

MOIRE DTREPASSs

Soit : "Tous ceux qui ici entrerez, ayez mémoire des trépassés".  On doit garder en mémoire que les deux anges porteurs d'inscriptions surplombent le portail du jubé qui donne accès au chœur.

 

Inscription, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Inscription, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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II. Les six  anges des fausses voûtes.

 Je débuterai ma description par la présentation des anges des fausses voûtes, car lors de ma première visite, ce sont eux qui sont venus en premier, pieds nus comme des enfants en pyjama, virevolter autour de moi et me charmer de leur allures d'elfes aux chorégraphies d'acrobates, me présentant sur des phylactères leur invisible mais insistant message.  Quoiqu'il arrive, ces joyeux compagnons aux boucles d'or et aux yeux d'azur  ont toujours le sourire , et mènent sans se lasser de témoigner de la grandeur des Cieux.

Brassant l'air à la base de la tribune, ils en sacralisent l'atmosphère à la manière de l'encens et préparent, sur la tribune, l'énonciation de la parole divine. Inutile de tendre l'oreille pour savoir qu'une musique s'élève ici, vive comme le mouvement de leurs ailes, tendue comme l'arc de leur dos, capricante comme les courbes de leurs saltos, joyeuse comme du Mozart, exaltée comme du Bach.

Ces figurines de 33 centimètres  sont sculptés en ronde bosse sur lrs culots de retombées des fausses-voûtes .

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Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Après ce prélude musical, il faut passer à un sujet non moins joyeux, mais néanmoins plus grave : la Rédemption. Car c'est à ce mystère qu'est consacré toute la face ouest du Jubé. Vais-je savoir le présenter, alors que je ne suis qu'un amateur de grâce et de beauté ?  La rhétorique, si fréquente qu'elle est quasi constante dans le décor des sanctuaires du XIIe au XVIe siècle, est la suivante : Adam et Éve, en désobéissant à Dieu par le Péché Originel, ont dégradé la nature humaine et ont corrompu l'humanité. Dieu "rachète" (le latin Redemptio  veut dire "rachat" ) l’homme de l’esclavage du mal et du péché, afin de lui rendre sa liberté. Pour cela, Il s'incarne en un homme, Jésus-Christ, qui naît de la Vierge Marie. Par son sacrifice sur la croix lors de la Passion , Jésus rachète l'humanité. Les trois temps sont donc 1) la Chu​te, 2) l'Incarnation et 3) la Passion. Ces trois temps sont dramatiquement présentés dans le Jubé par un triangle spectaculaire avec  à la base 1)  Adam et Éve à droite, 2)  l'Annonciation faite à Marie à gauche (cotè noble dans une église) et au sommet 3) le Christ sur la croix.  

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Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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I. La Chute : Adam et Éve chassés du Paradis.

Cet épisode est traité de façon originale, dans le passage d'un arbre à un autre : du Pommier au Figuier. Ce traitement le rend passionnant.

a) A droite, le Pommier.

On reconnaît ses fruits ronds et rouges, mais aussi ses feuilles propre au genre Malus. Il joue ici le rôle de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Dans le jardin d'Eden, il y avait toutes sortes d'arbres aux fruits délicieux, mais aussi deux arbres bien particuliers :

 "Puis l'Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait formé.  L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de la vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal."

— (Genèse 2:8-9)

On connaît la suite, mais il est toujours utile d'en relire le récit biblique :

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin? La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.  Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.  La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea. Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures." (Genèse 3:1-7)

On voit que le texte ne précise pas de quelle espèce est l'Arbre de la Connaissance, et le Fruit Défendu est figuré, selon les cultures et les traditions, comme une grenade, une figue, ou (dans l'Occident médiéval) comme une pomme.

  Le Pommier est un arbre autochtone en Europe et notamment en France depuis la plus haute antiquité et l'espèce Malus domestica a donné au XVIe siècle deux variétés porte-greffe, le Pommier Paradis Malus pumila ("nain")  et le Pommier Doucain. 

Le sculpteur a représenté, enroulé autour du tronc de ce pommier, un serpent, dont on croit distinguer la tête en bas à droite. Mais si on suit les orbes et méandres de la Tentation, on parvient à la face de pleine lune cachée dans les ramages, avec ses deux oreilles sinueuses et pointues. L'animal malin est bien camouflé, et son l'éventail crenelé de son aile de chauve-souris en abuserait pour un effet de feuillage.

Un  Ange aux ailes bleues lève son épée flamboyante à la fois pour chasser Adam et Éve, et à la fois pour s'opposer à Satan.

L'Arbre, l'Ange et le Serpent s'alignent sur un axe vertical commun, qui s'élève de l'angle de la voûte et se prolonge vers le garde-corps.

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L'Ange chassant Adam et Éve du Paradis. Photographie lavieb-aile.

L'Ange chassant Adam et Éve du Paradis. Photographie lavieb-aile.

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L'Ange chassant Adam et Éve du Paradis. Photographie lavieb-aile.

L'Ange chassant Adam et Éve du Paradis. Photographie lavieb-aile.

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b) Le Figuier.

Plutôt que de figurer, comme cela est habituel, Adam et Éve autour du pommier et croquant le fruit, l'artiste les représentent chassés du Paradis, et entourant un autre arbre, le Figuier, bien reconnaissable là encore tant à ses feuilles qu'à ses fruits.

Cela lui permet d'opposer les deux essences et de faire du figuier l'arbre de la honte d'être nu ; de la culpabilité ;  de la malédiction ; de la finitude (tu retourneras dans la poussière) ; du travail (c'est à la sueur de ton front que tu gagneras ton pain) ; et de l'exil.

Ce choix d'opposer Pommier et Figuier est original, puisqu'au contraire, dans la tradition rabbinique, le figuier est assimilé à l'Arbre de la Connaissance du Bient et du Mal. Ce choix évoque la mauvaise réputation du figuier lorsqu'il est maudit par le Christ dans la parabole du figuier stérile de l'évangile de Luc 13:6-9. Mais à l'opposé, la parabole du Figuier en bourgeons (Luc 21:29-33) fait du bourgeonnement l'annonce de la fructification, métaphore eschatologique du Royaume de Dieu.

Les deux arbres se dressent en parallèle sur leur fausse-voûte respective, mais les larges feuilles trilobées du Ficus carica rappellent l'aile du Malin dissimulée dans le Pommier.

 

 

Adam et Éve sous le figuier. Photographie lavieb-aile.

Adam et Éve sous le figuier. Photographie lavieb-aile.

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Adam et Éve sous le figuier. Photographie lavieb-aile.

Adam et Éve sous le figuier. Photographie lavieb-aile.

II. L'Annonciation.

La présentation de la scène est ici conventionnelle, bien que la Vierge soit ici placée à gauche alors qu'elle est à droite dans la majorité de l'iconographie. L'Ange Gabriel, agenouillé, tient le lis de la pureté virginale et le phylactère des paroles de l'Annonciation : Ave Maria plena gratia Dominus tecum benedicta tu in mulieribus. On lisait peut-être quelques-un de ces mots aujourd'hui effacès.

 

L'Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

L'Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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L'Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

L'Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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L'Ange Gabriel, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

L'Ange Gabriel, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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De l'autre cotè de l'arcade, Marie est agenouillée devant un livre posé sur un pupitre. Alors qu'elle lève la main droite en signe d'acceptation (Ecce ancilla Domini fiat mihi secundum verbum tuum), et que la colombe du Saint-Esprit "la féconde par l'oreille" et témoigne de l'intervention divine, elle pose l'index sur une ligne du texte (biblique) et réalise que ce qui lui arrive était annoncé dans les Écritures. Le vase posé devant elle est le vase intact  de son sein virginal, les fleurs qui s'y épanouissent témoignent de la fécondité annoncée par l'ange, la blancheur des lis (martagon) renforce l'idée de virginité, et enfin, les fleurs renvoient aussi (surtout) à la prophétie d'Isaïe  :

Egredietur virga de radice Jesse, et flos de radice eius ascendet. Et requiescet super eum Spiritus Domini.

Une tige sortira de la racine de Jessé, une fleur s’élèvera de ses racines. Et sur elle reposera l’Esprit du Seigneur. [Is. XI, 1-2]

Il ne s'agit pas là d'une sur-interprétation, car le prophète est sculpté sur le coté du même pilier, tenant en main le livre de ses Prophéties. Quelques centimètres seulement séparent Isaïe et Marie, comme le recto et le verso d'une même image, taillés dans le même bloc de bois.

J'ai omis de prendre la photo d'Isaïe. Une autre fois ?

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Marie, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Marie, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Marie, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Marie, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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III. La Passion.

1°) La Vierge et saint Jean au pied de la Croix.

 

La Vierge et saint Jean,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

La Vierge et saint Jean, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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La Vierge. 

Statue de 0,81 m sur l'écoinçon gauche de l'arcade centrale. La Vierge a la tête recouverte d'un voile. Elle est pieds nus.  

 

La Vierge, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

La Vierge, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Saint Jean.

Statue de 0,7m. occupant l'écoinçon droit de l'arcade centrale. L'évangéliste Jean, fils de Zébédée et frère de saint Jacques le Majeur, "disciple que Jésus aimait", figure ici en raison du passage suivant de l'évangile de Jean, Jn 19:25-27 :  

 "Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, la sœur de sa mère, Marie la femme de Clopas et Marie de Magdala.  Jésus vit sa mère et, près d'elle, le disciple qu'il aimait. Il dit à sa mère: «Femme, voici ton fils.»  Puis il dit au disciple: «Voici ta mère.» Dès ce moment-là, le disciple la prit chez lui."

Avant la construction des jubés et après leur destruction, le groupe de la Vierge et de saint Jean autour du Christ crucifié figurait sur la poutre de gloire, en latin trabes doxalis. Doxalis vient du grec δόξα, doxa, "gloire" mais aussi "opinion".   Le latin  trabs, es renvoie certes à "poutre", mais, par sa racine indo-européenne *tr-b, à l'idée de poutre-maîtresse soutenant l'ensemble de la toiture. Elle reliait les impostes de l'arc triomphal marquant l'entrée dans le chœur des basiliques. On voit que ce groupe trinitaire Christ + Vierge + Jean a été considéré précocément comme une affirmation doxologique (de louange, de gloire ou de proclamation) de la Foi, comme son résumé glorieux.

Dans l'iconographie de ce motif, la Vierge porte toujours un manteau bleu, et Jean toujours un manteau rouge. De même, Jean est toujours imberbe et souvent beau, bouclé, apollinien. C'est donc le cas ici. L'apôtre lève les yeux et les paumes vers la croix, en signe de reconnaissance du caractère crucial de ce qui s'accomplit devant lui de la manière claire et révélatrice d'un kérygme.

Ce qui m'intéresse plus, c'est sa ceinture. Non pas la façon dont la partie libre trop longue, après que l'ardillon de la boucle ait été bloqué dans le trou qui lui convenait, a été  nouée cavalièrement , et à défaut de passant, sur elle même avant de venir retomber sur la robe vert-bronze. Mais les accessoires que le saint, émule anachronique des boy-scout, y a suspendu.

Nous trouvons d'abord son livre, celui qu'il est en train d'écrire, l'Evangile selon Jean. Il est introduit dans une poche de protection dont l'étoffe est bloquée par un arceau de métal ou de cuir. Lors de la lecture, les pans libre de l'étoffe se rabattront de chaque coté des plates de couverture.

Puis, à sa gauche, il a suspendu son encrier, à forme de clochette.

Enfin vient son plumier, accompagné de son grattoir qui lui permet d'effacer ses fautes. Pourtant, puisqu'il écrit sous l'inspiration divine, il ne peut commettre que des erreurs de transcription.

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Saint Jean,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Saint Jean, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Saint Jean,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Saint Jean, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

2°) Le Christ en croix et les deux larrons.

Le Christ est crucifié sur une croix à peine écotée mais dont la traverse se termine par un trilobe. Il est couronné d'épines, il porte le perizonium. Sur le titulus , l'inscription INRI est effacée.

Les Larrons ne sont pas crucifiés, mais suspendus par les bras . A la droite du Christ, le Bon Larron tourne son visage vers lui, et, pour cet acte de foi, il sera sauver. Ses traits sont paisibles.

A l'opposé, le Mauvais Larron s'est détourné. Il sera damné. Ses traits grimaçants témoignent d'une agonie tourmentée.

Crucifixion, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Crucifixion, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Le Mauvais Larron.

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Le Mauvais Larron, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Le Mauvais Larron, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

3°) La main courante.

La moitié gauche.

Les motifs de cette main courante restent mystérieux. Elle débute à gauche par un homme qui sort d'une structure en accordéon assez semblable à la gueule d'un Léviathan. Puis vient un  manoir fortifié à quatre tours crénelées à meurtrières, puis deux femmes lenant la tête vers un homme.  

Main courante, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Un personnage coiffé d'un bonnet tient un morceau de bois. Derrière le larron, un autre découvre partiellement son visage.

 

 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Puis viennent deux anges (un vert puis un rouge) volant vers la droite séparés par des feuilles de houx.

 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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La moitié gauche. 

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Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Derrière le mauvais larron, deux hommes semblent le narguer, ou le convaincre de se convertir. 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Puis, nous voyons un homme blond levant les bras, puis un cerf broutant un buisson.

 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Avant de conclure, il me reste à montrer deux panneaux du garde-corps.

Le premier porte les hermines et la cordelière. L'hermine figure en plain dans les armoiries des ducs de Bretagne depuis 1316 et Jean III dit Le Bon. 

La cordelière était une corde à plusieurs nœuds comme celle que les franciscains, d’où leur surnom de cordeliers, utilisaient comme ceinture. Cette figure apparaît en Bretagne sous le règne du duc François Ier. Elle décore les manuscrits, les écus, les intérieurs de tous les ducs et duchesses ultérieurs et symbolise leur attachement à l’ordre franciscain. Dans les armoiries d'Anne de Bretagne, les nœuds franciscains seront remplacés par des lacs d'amour. Ce n'est pas le cas ici.

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Panneau à la cordelière,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Panneau à la cordelière, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Ce panneau porte non seulement le monogramme christique IHS, mais aussi les fleurs de lis qui incitent à retarder la datation à la période à laquelle Anne de Bretagne était reine de France, donc après le 8 février 1492.

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Panneau à la cordelière,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Panneau à la cordelière, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de la France. Cantons de Le Faouët et de Gourin, Morbihan. 1975.

ABGRALL (Jean-Marie), 1904,  Architecture Bretonne: Etude Des Monuments Du Diocese de Quimper  cours d'archéologie professé au grand séminaire.  Quimper : imprimerie Arsène de Kérangal, 1904.

http://www.archive.org/stream/architecturebre00abgrgoog#page/n225/mode/2up

Ou bien p. 325:

 http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1902.pdf

— Excursion au Faouët, Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan 1909-1911, Vannes, 916 pages, https://archive.org/stream/bulletinpoly190911sociuoft#page/n15/mode/2up

CAYOT-DELANDRE (F-M.), s.d [1847], Atlas du Morbihan, Cauderan,Vannes, page 451

— BRETEAU (V.), «Olivier Le Loergan et le jubé de Saint-Fiacre du Faouët», Artistes, artisans et production artistique en Bretagne au Moyen Age, Rennes, 1983, p. 47-50 .

LENA (Laurent), 1990,  Le Faouët, la chapelle Saint-Fiacre, Presses E.T. Saint-Michel Priziac.

WAQUET (Henri), Art Breton, 1960 page 50

HILARIO ( Franco Júnior), 2006,, « Entre la figue et la pomme : l’iconographie romane du fruit défendu », Revue de l’histoire des religions : http://rhr.revues.org/4621 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 23:58
Jubé vue de la nef, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Jubé vue de la nef, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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GÉNÉRALITÉS.

 

Paraphrasant l'auteur des articles Jubé et Chapelle de Saint-Fiacre de Wikipédia, je dirais que ...

 

Dans une église, le jubé est une tribune et une clôture de pierre ou de bois séparant le chœur liturgique de la nef. Il tient son nom du premier mot de la formule latine « jube, domine, benedicere » qu'employait le lecteur avant les leçons de Matine. Le jubé se compose de trois éléments : la tribune (le jubé proprement dit), la clôture (dite « chancel ») et le groupe sculpté de la crucifixion, surmontant la tribune dont elle est l'ornement principal, tournée vers les fidèles. .

La clôture/chancel a pour fonction d'isoler le chœur (réservé aux clercs et aux seigneurs prééminenciers) des fidèles qui, du fait de sa présence, voient peu ou pas du tout le maître-autel. De la tribune, on lisait l'Évangile et on prêchait, la chaire lui succède dans cet emploi. 

Il ne reste en France que très peu de jubés, mais la Bretagne en conserve une vingtaine : Wikipédia donne une liste de 33 sites hors de Bretagne et de 20 jubés bretons. Le jubé en chêne de Saint-Fiacre est plus ancien et le plus illustre des jubés de bois de Bretagne aujourd'hui conservés.

AncreAncreAncre Concernant les objets conservés, la chapelle est surtout célèbre pour son exceptionnel jubé en bois polychrome de style flamboyant réalisé de 1480 à 1492. Ce jubé est classé au titre des monuments historiques par la liste de 1862. 

 Commencé sous François II et, sans doute, achevé sous le règne de sa fille Anne, duchesse de Bretagne en 1488 et reine de France en 1492, il est dû au sculpteur Olivier Le Loergan dont le talent lui vaut d'être anobli par François II dès 1469.  La tribune est construite en encorbellement de part et d'autre de la sablière sur laquelle elle repose par de fausses voûtes d'ogives et qui la relie à la clôture.

Restaurations.

Classée dès 1862, la chapelle fut restaurée à plusieurs reprises. Le Jubé fut vraisemblablement repris au cour des siècles. Entre 1862 et 1866, les boiseries ont été restaurées par le sculpteur lorientais Lebrun puis repeintes à partir de 1866 par Lorgeoux ; l'artisan avait inscrit sur l'écriteau que porte l'ange à droite de saint Jean "Tous repeint en 1866. Lorgeoux peintre 1866". En 1951, on tenta d'atténuer l'agressivité des tons "peinturlurés d'une façon abominable" (A. de la Borderie) par Lorgeoux . 

La dernière restauration date de 2001, lors d'une opération d'un montant de 5,5 millions de francs qui reçut un soutien financier des fondations Velux pour un montant de 1,5 millions de francs.

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INCROYABLE ! LE JUBÉ A[URAIT] CHANGÉ DE PLACE !

Denise Moirez puis Laurent Léna ont levé un lièvre énorme : le jubé de saint-Fiacre aurait pu   occuper autrefois un autre emplacement, et fermer le chœur, le séparant de la croisée du transept. Devant l'escalier à vis percé dans le mur, qui donnait ainsi accès à sa galerie supérieure. Pour l'installer ensuite dans sa position actuelle, entre les deux piliers de la première travée de la nef, il a fallu condamner et entailler une crédence  située à l'angle nord-ouest de la croisée du transept, et qui accompagnait l'autel (actuel) du martyre de saint Sébastien. Il a fallu en outre fermer aussi le bas-coté nord par une clôture en bois. Et murer la petite porte qui donnait sur le bras sud du transept. 

 

PRÉSENTATION.

Présentons-nous d'abord au noble personnage agenouillé au pied de ce jubé. Il occupe en vérité l'un des "autels" latéraux, qui me semblent plutôt être des tables d'offrande. Cette statue en chêne du XVe siècle représenterait le duc Jean V, duc de Bretagne de 1399 à 1442,  identifié par le cercle ducal qui le coiffe et par la houppelande semée d'hermines "datant de la première moitié du XVe siècle" (Inv. Gén.) , à carcaille (col montant en fourrure) au dessus d'une robe rouge et de manches longues, en or, à huit boutons ronds. Agenouillé sur un coussin de velours gris et à glands d'or, il a la posture du donateur. 

Un "cercle ducal", dites-vous ?

 — C'est ce qu'affirme l'Inventaire Général.  Lisons dans l'Histoire de Bretaigne de Bertrand d'Argentré la description du couronnement du duc François III en 1532 :

 "L'évêque lui tint le fourreau de la dite épée, puis après mis réverentement sur la tête du Prince un bonnet de velours de couleur pourpre fourré d'hermines, puis après lui mit dessus une couronne d'or enrichie de pierreries de grande valeur, à fleurons tous d'une hauteur, qui est la couronné que les ducs ont porté depuis qu'ils ont laissé le titre de Roi : les écclésiastiques en leur cérémonies l'appellent le cercle Ducal. Ce fait l'évêque dit à moyenne voix ces mots : Reçois le cerle Ducal qui t'est mis et imposé par nos mains. "

 François 1er avait fait faire le cercle ducal en or pour un coût de 219 livres tournois et 9 sols. Les bourgeois de Rennes s'étaient cotisés pour offrir au duc "une hermine d'or de grandeur naturelle, reposant sur une terrasse émaillée, entre six beaux lis entourés de la couronne ducale, emblème de l'union de la Bretagne à la France", une oeuvre de l'orfèvre rennais Pierre Even .

De même, Richard Cœur-de-Lion avait, comme  Duc de Normandie reçut de l'archevêque de Rouen son cercle ducal fleuronné de roses d'or.

— Je ne vois guère de fleuron, et le Catalogue décrit cette coiffure comme un simple tortil, un bourrelet en torsade  décoré de perles.

— Un "tortil", soit, voilà qui est plus exact.

 La statue serait donc légèrement antérieure à la construction de la chapelle, et pourrait provenir d'un autre édifice, car sa disposition sur cette table d'offrande n'est pas naturelle.

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Statue de "Jean V", chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.
Statue de "Jean V", chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Statue de "Jean V", chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Le visiteur doit d'abord repérer visuellement les deux ensembles qui composent le jubé, la tribune en haut et la clôture en bas. 

Jubé vue de la nef, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Jubé vue de la nef, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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    Puis, il faut découvrir la structure de chacun de ces ensembles. 

     

    La clôture est faite d'une porte centrale à deux vantaux (datant de 1864) et de six baies latérales : baies en accolade, à fleurons, choux et cordelières s'inscrivent dans un tympan rectangulaire ajouré à réseau flamboyant. Les montants des baies sont sculptés de colonnettes et de dais abritant des statuettes : six figurines en haut relief (26 cm) représentent des personnages pieds nus tenant un volumen, dont il est admis qu'ils représentent les apôtres. Dans l'encadrement de la baie centrale, deux figurines en haut relief de 40 cm sont identifiés par leur attribut : saint Pierre à droite et saint Paul à gauche. La clôture est délimitée dans sa partie haute par une corniche sculptée de 25 cm de haut sur 6 mètres de large, qui sera décrite en détail.

    La tribune. (voir partie B)

     

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      LA CLÔTURE ou CHANCEL.

      Je décrirai ici uniquement la corniche, en multipliant les clichés car le défaut d'éclairage naturel rend la prise d'images difficile à un amateur.

       

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      La partie gauche de la corniche.

      Je décrirai 4 scènes numérotées de 1 à 4 de gauche à droite.

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      1. Un homme et une femme.

      Un homme, mains jointes, cheveux longs, robe rouge, se tourne vers le coté nord comme s'il voulait sortir de cette corniche, et lance un regard latéral désespéré vers une éventuelle issue. Tente -t-il d'échapper à la femme qui, mains jointes également, et comme agenouillée, sourit de manière énigmatique. Ou ce couple adresse-t-il ses prières à un personnage jadis placé à gauche. Dans tous les cas, on admirera l'art par lequel le sculpteur fait surgir les personnages de la poutre de bois pour les rendre crédibles et vivant au spectateur placé plusieurs mètres plus bas : voyez notamment le plissé de la robe.

      Pour l'Inventaire Générale : "femme suppliant un homme".

      Pour Didron, cela pourrait être saint Martin, dont il est dit dans sa Vita qu'il était "difforme dans ses vêtements et méprisable de figure". Il s'agirait du début de la scène suivante, et la femme viendrait ici troubler l'ermite en sa retraite de Liguré pour qu'il accepte de  se rendre auprès de son fils qui vient de décéder sans avoir eu le temps de recevoir le baptème. La légende dit : "Un jeune homme étant mort, sa mère vint prier saint Martin pour le rendre à la vie". J'adopte cette hypothèse, qui est la seule qui intègre cette scène dans un ensemble cohérent où toute la moitié nord de la sablière serait consacrée à la vie de saint Martin. 

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      Scène 1,  sablière de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 1, sablière de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Scène 2. Scène de la vie de Saint Martin : baptème d'un catéchumène à Ligugé.

       

      Nous trouvons ici représenté  le miracle le plus connu de Saint Martin,  la résurrection d'un jeune disciple qui se préparait au baptême : un "catéchumène". Le récit de ce miracle a été rapporté par son disciple et biographe  Sulpice-Sévère. L'histoire se passe à l'abbaye de Ligugé près de Poitiers, la plus ancienne communauté monastique de la Gaule, crée par saint Martin, et où il s'était retiré entre 361 et 370, avant d'être nommé évêque de Tours. 

      Selon De Guilhermy, "Le saint avait quitté pendant quelques jours le monastère qu'il venait de fonder à Ligugé. A son retour, les moines accourent pour lui apprendre qu'un catéchumène, qui l' avait suivi jusqu'à ce lieu, était mort sans baptême. Déjà, selon la légende, deux anges conduisaient aux régions ténébreuses la pauvre âme non régénérée, quand Martin lui vint en aide". On doit ajouter que c'est à la demande du père et de la mère du jeune homme que Martin procède à cette résurrection.

      La même scène est figurée sur les sablières de la chapelle Saint-Sébastien, au Faouët.

       

      On voit saint Martin (tonsuré, en tenue monastique avec la tête couverte par un scapulaire) poser la main sur le front  du catéchumène qui est à genoux, en robe à ceinture, mains jointes. Saint Martin tient dans la main gauche un objet, qui doit être le flacon de saint-chrême. Il est curieusement adossé à une sorte de pupitre. Je propose de considérer que cet élément triangulaire appartient plutôt à la partie gauche de la scène, où un homme vêtu d'une cagoule rouge se redresse. On y a vu un moine de la communauté de Ligugé. Cela pourrait être aussi le « sponsor » du catéchumène, « celui qui pousse », qui fait office de parrain. Ou bien, le défunt qui, ressuscité, se redresse : le "pupitre" serait alors son cercueil.

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      Au IVe siècle, lors de ce miracle, nous sommes alors dans la Gaule Romaine, avant les Francs, bien avant les Mérovingiens : en 362, nous sommes 50 ans à peine après la conversion de l'empereur Constantin, 32 ans après le Concile de Nicée, et donc tout au début de l'Église d'Occident et de la christianisation des Provinces Romaines. L'ex-légionnaire romain Martin (qui est né en 316) est le disciple de saint Hilaire évêque de Poitiers, mais il est plus jeune que de glorieux Pères de l'Église comme saint Amboise de Milan (333-394), saint Jérôme (347-420, saint Augustin (354-430), saint Jean Chrysostome, saint Grégoire de Nysse et saint Grégoire de Naziance. Bref, il peut représenter, pour les chrétiens du XVIe siècle de la paroisse bretonne, quelque-chose comme le Patriarche fondateur, d'autant que le diocèse de Quimper, dont dépend le Faouët, est rattaché à l'archi-diocèse de Tours.

      La scène du baptême /résurrection du catéchumène est placée juste au dessus du cintre de la porte donnant accès au chœur, comme pour montrer que le fidèle est appelée à une conversion lui donnant accès à la vraie vie auprès du Christ.

      Rappelons brièvement ce qu'était le catéchuménat , qui se mit justement en place au IVe siècle. Il s'agissait de la longue période de formation des adultes — 2 ou 3 ans — avant le baptême, accompagnées d'actes rituels et initiatiques, avec ascèses (pénitences, jeûnes, aumônes, abstinence de bains et de relations sexuelles, fréquentes veillées nocturnes de prière), et  examens de contrôle, appelés scrutins. Le baptême devait consister en un premier temps d'immersion complète, suivi d'un second temps d'onction par huile d'olive. C'est ce dernier qui est représenté ici.

       

       

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      Scène 2, Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 2, Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Scènes 3 et 4. La Messe de Saint Martin.

      Dans la scène 4, un dragon tend la patte antérieure gauche en avant, et tourne la tête en arrière. Il a le même rictus, la même queue trifide, le même pelage écailleux et verdâtre et les mêmes oreilles crénelées que le diable qui suit, si bien qu'il en est la présentation.

        Dans la scène 5, deux femmes voilées — deux commères — discutent, tandis qu'un diable recopie sur son parchemin les propos médisants de ces dames afin qu'elles en rendent compte lors du Jugement, et qu'il procure ainsi à son patron Satan deux recrues de choix pour les flammes de l'Enfer. Il tient la plume de la main droite, alors que sa main gauche tient non seulement l'encrier, mais aussi la lanière du plumier (plumes, grattoir). A défaut de se frotter les mains, il retrousse ses babines sur un sourire radieux. Pour lui, c'est du nanan ! 

      Voir un autre diable similaire, en train de noter le nom des danseurs au Pardon de Saint-Sébastien du Faouët : il porte ici son matériel d'écrivain à la ceinture.

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      Le baron de Guilhermy  fait observer que cette scène renvoie à l'anecdote dite de la Messe de Saint Martin, et il cite le Gargantua de Rabelais, écrit en 1534 :

      .."mesmement que le diable, à la messe de Sainct Martin, escripvant le caquet de deux gualoises* , à belles dentz, alongea son parchemin"...Gargantua, I, VI

      (*) Gualoises = gauloises : désigne depuis toujours les femmes publiques, de mauvaise vie.

      Pour comprendre un peu plus l'allusion, qui   ne figure pas dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, on peut lire les vers écrits par Pierre Grosnet en 1553,  :

      Notez, en l'ecclise de Dieu,

      Femmes ensemble caquetoyent,

      Le diable y estoit en ung lieu

      escripvant ce qu'elles disoyent.

      Son rollet plain de poinct en poinct,

      Tyre aux dens pour le faire croistre.

      Sa prinse eschappe et ne tient poinct,

      Au pillier s'est cobby la teste .

      P. Crognet, Mots et sentences dorés du maistre de sagesse, Cathon, Lyon et Paris 1553.

      A quoi on ajoute que :  "saint Martin, dans le temps qu'il se tournoit vers le peuple pour dire Dominus vobiscum, ayant vu cela, se mit à rire ; ce qui ayant surpris, donna lieu, après la messe, de lui en demander la raison ; qu'alors le saint révéla sa vision, et c'est de là qu'on a su l'histoire. Les contes d'Eutrapel la touchent en passant, chapitre de la goutte, et même on l'a vue, au moins jusqu'en 1678, représenté à Brest, dans l'église de la Recouvrance, en un tableau qui en contenoit aussi le récit en françois et en bas-breton." Tous ces renseignement ont été rassemblés par Esmangart et Johanneau dans leur édition critique du Gargantua de 1823, mais ils reprennent textuellement celle de Le Duchat de 1741.

      Dans les Annales archéologiques de 1845, Victor Didron fait accompagner l'article de Ferdinand de Guilhermy par une présentation des Tapisseries de la Collégiale de Montpezat par l'archiviste Devals.

      — Et alors ?

      — Cette tenture (23 m sur 2,8 m)  porte les armoiries épiscopales de Jean IV Des Près, évêque de Montauban de 1519 à 1539 . Elle a été  conçue pour la Collégiale de Saint-Martin à Montpezat-de-Quercy (Gard) où elle a été accrochée dès 1520. Elle comporte 5 pièces de 3 tableaux, chacun surmonté d'un octosyllabe. La quinzième tapisserie s'intitule La Messe de Saint Martin, et elle montre précisément la scène en entier, avec saint Martin disant la messe, les deux femmes qui papotent derrière son dos, et le diablotin au dessus d'elles qui prend ses notes. Je vous en montre la gravure juste après ma photo de la sablière.

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      Post scriptum : une autre interprétation est de voir la scène d'imposition des mains comme relevant d'un exorcisme pratiqué par un moine sur un possédé, comme sur la sablière de Saint-Sébastien du Faouët en 1600), et comme sur celle de l'église de Grâces à Guingamp en 1506. Ce "dragon" serait alors le démon s'enfuyant sous l'effet de l'exorcisme.

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      Scènes 3 et 4,  corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scènes 3 et 4, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Voici donc la gravure de la tapisserie de Montpezat : La légende en lettres gothiques dit :

      Martin chantant, Brice servoyt, 

      Et se ryoit en ung toucquet

      Voyant que le diable escripvoyt

      Des deux commères le cacquet.


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      La Messe de saint Martin, Tapisserie de Montpezat, Annales archéologiques http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203412j/f100.item.r=

      La Messe de saint Martin, Tapisserie de Montpezat, Annales archéologiques http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203412j/f100.item.r=

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      On y notera, sur le retable devant l'officiant, un petit personnage : Moyses cornutus. Le calice est renversé, mais cela indique seulement que la messe n'a pas atteint l'offertoire, le moment ou saint Martin lit ("chante") l'évangile. Brice sert la messe : ce disciple succédera à Martin comme évêque de Tours , mais sur la tapisserie, c'est lui, et non saint Martin, qui observe les deux pipelettes et qui en rigole. Il rigole "en ung toucquet", c'est à dire "dans un coin".

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      Partie centrale au dessus de la porte principale. 

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      Je la diviserai en deux scènes numérotées de 5 à 6 .

      Scène 5.  Messe de saint Grégoire.

      Laurent Léna (1990) et les auteurs de de l'Inventaire Général (1975) voient ici la représentation de la Messe de saint Grégoire. On sait qu'on désigne ainsi le sujet iconographique et légendaire de l'Europe médiévale dans lequel  le pape Grégoire le Grand (540-604), soucieux de devoir convertir une personne doutant de la présence réelle du Christ sous les divines espèces lors du sacrement de l'eucharistie, l'hostie se transforme en un doigt sanglant (version de Paul Diacre, VIIIe siècle et de Jean Diacre au IXe siècle) . Dans les siècles suivants, notamment sous l'influence de la légende Dorée, c'est le Christ en personne qui apparaît, sous la forme du Christ de douleur. La gravure de Dürer en 1511 participe à la diffusion du thème.

      https://www.gallery.ca/fr/voir/collections/artwork.php?mkey=13370

       

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      J'aurais aimé y voir plutôt la figure d'une "Messe de Saint Martin" (i y en a plusieurs) au cours de laquelle un pauvre sollicite Martin alors qu'il s'apprêtait à célébrer la messe. Jacques de Voragine raconte la scène :  Le saint demande à un archidiacre de lui donner des habits. Celui-ci tardant, Saint Martin se déshabille dans la sacristie et donne ses vêtements au pauvre. L'archidiacre qui ignorait que Martin ait donné ses habits, arrive avec quelques hardes. Le saint s'habille avec elles mais elles ne le couvrent pas entièrement. Il célèbre la messe ainsi vêtu. Au moment de l'élévation de l'hostie, l'assemblée des fidèles voit une boule de feu qui symbolise la charité du saint. Ce dernier se trouve alors vêtu correctement. 

      L' homme que nous voyons nu sur la sablière de Saint-Fiacre aurait pu être le pauvre de ce récit, et le prêtre célébrant la messe aurait pu être saint Martin. Mais d'une part nous ne voyons pas de boule de feu, et d'autre part ce pauvre n'aurait aucune raison de se trouver dans une cuve.

      Guilhermy a pensé que l'homme dans le cercueil était le catéchumène de la scène précédente.

      Mais la Messe représentée ici est trop proche de la gravure de Dürer (un prêtre levant les yeux au ciel,trois clercs assistant le célébrant, le Christ à la tête ceinte d'épines, ...) pour ne pas souscrire à l'interprétation admise. Nous pouvons seulement souligner que la proximité des thèmes permet, comme dans le travail de rêve, des condensations, des glissements et des fusions qui créent une continuité et une cohérence au sein de cette sablière, 

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      Scène 5 et 6, Messe de saint Grégoire,  corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 5 et 6, Messe de saint Grégoire, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Scène 5, Messe de saint Grégoire, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 5, Messe de saint Grégoire, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Scène 6. Moine en prière (L. Léna).

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      Scène 6,  corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 6, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Partie de droite. Le renard prêcheur et les poules.

      Scène 7. Renart déguisé en frère prêcheur devant les poules..

      Jusqu'à présent, le thème ornemental concernait l'église d'Occident et ses deux grandes personnalités, saint Martin et saint Grégoire. Ces deux saints étaient convoqués ici pour illustrer deux sacrements, le Baptême et l'Eucharistie, deux métamorphoses en relation avec l'idée de renaissance et d'accès à un autre niveau de vie : rien de plus logique pour une poutre ou un linteau placé — comme les portails des églises — au point de transition entre l'espace encore profane (la nef) et l'espace sacré réservé au culte et aux clercs (le chœur). 

      Mais la partie droite offre à notre regard des renards dans une basse-cour : quel étrange changement de registre ! Certes la partie gauche ne répugnait pas à la gaudriole, mais c'était pour dénoncer les œuvres du Malin. Le sculpteur (et son commanditaire, membre de la fabrique de la chapelle, ou seigneur noble) souhaitait-t-il soudain distraire son public et lui offrir une récréation inspirée des fabliaux médiévaux ?

      A première vue (vous le lirez partout), les scènes semblent inspirées du Roman de Renart. Un renard se déguise en moine prêcheur pour pénétrer dans une basse-cour, puis s'élance hors de sa chaire pour dévorer quelque tendre géline, mais les poules contre-attaquent et, aidées du coq, obligent le renard à lâcher prise,  le dépècent et l'émasculent.  Mais le Roman de Renart ne contient pas d'épisode semblable. Nous n'avons pas affaire à une farce, et encore moins à une dénonciation du caractère fallacieux des moines ou du clergé. D'un bout à l'autre, c'est une mise en garde contre le diable (dont le Renart est la métaphore), et sa duplicité, et un appel à la vigilance à l'égard des déguisements. Et c'est une célébration de la victoire du bien (par le truchement des saints à gauche, de celui des fidèles à droite) contre le mal. Comme l'écrivait Ferdinand de Guilhermy, 

      « Il n'aurait pas été difficile à un archéologue tant soit peu voltairien de lire dans ces figures bizarres une satyre assez sanglante contre le clergé ; mais il nous semblerait peu probable que l'artiste se fut permis de venir insulter le prêtre jusqu'en face de l'autel. Je suis assuré d'avoir rencontré plus juste en reconnaissant ici, sous forme symbolique, ce qui se lit en ttermes clairs sur la face antérieure du jubé, c'est à savoir que les ruses du diable finissent par tourner à sa honte."

      Le même auteur donne comme argument de cette interprétation ces vers du Bestiaire :

      C'est Goupil qui tant set mal art (tromperie)

      Que nos ci apelons Renart,

      Sénéfie le male goupil (le démon)

      Qui le peuple met à essil

      Il n'en demeure pas moins que c'est au succès du Roman de Renart que l'on doit le développement d'expression telles que "Renard qui prêche les poules" , "Se confesser au renard" . ou  "Il n y a si fin regnard qui ne trouve plus finard."

       J'ai étudié en détail ces scènes dans mon article sur les sablières de la chapelle de Saint-Sébastien du Faouët, (où elles sont représentées de la même façon) en citant les travaux de Sophie Duhem. 

      Scène 7. Renart prêchant aux poules, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 7. Renart prêchant aux poules, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Scène 7. Renart déguisé en frère prêcheur, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 7. Renart déguisé en frère prêcheur, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Scène 8 : Renart attaqué par le coq et les poules.

       

       

      Scène 8. Renart attaqué par poules, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 8. Renart attaqué par poules, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Scène 8 et 9. Renart attaqué par poules, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 8 et 9. Renart attaqué par poules, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      Scène 9. Renart dépecé par les poules et le coq.

      Scène 8. Renart attaqué par le coq et les poules, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 8. Renart attaqué par le coq et les poules, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

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      SOURCES ET LIENS.

      GUILHERMY (F de) , 1845, Iconographie des fabliaux. Description du jubé de Saint-Fiacre en Bretagne. Le Diable et le Renard.  Annales archéologiques, Paris, Didron, Volume 3 page 22

      https://books.google.fr/books?id=nVNfAAAAcAAJ&pg=PA22&lpg=PA22&dq=escripvant+le+quaquet+de+deux+gualoises,+%C3%A0+belles+dentz&source=bl&ots=TJ_SMjUec0&sig=MQXhejvSGAUAhyDvU3ZKV-AXhFQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjJha6eotnKAhVLcRQKHRiwDbEQ6AEIIjAA#v=onepage&q=escripvant%20le%20quaquet%20de%20deux%20gualoises%2C%20%C3%A0%20belles%20dentz&f=false

       DUHEM (Sophie), 1998, « Quant li goupil happe les jélines... », ou les représentations de Renart dans la  sculpture sur bois bretonne du XVe au XVIIe siècle"  Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest  Année 1998  Volume 105  Numéro 1  pp. 53-69http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1998_num_105_1_3972 

       HARRIS (Anne F.) 2014,  Water and Wood: Ecomateriality and Sacred Objects at the Chapel of Saint-Fiacre, Le Faouët (Brittany) Journal of Medieval and Early Modern Studies 44:3, Duke University Press.

      https://www.academia.edu/9021250/Water_and_Wood_Ecomateriality_and_Sacred_Objects_at_the_Chapel_of_Saint-Fiacre_Le_Faou%C3%ABt_Brittany_Journal_of_Medieval_and_Early_Modern_Studies_

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      • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
      • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

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