Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 12:03

Les papillons décrits dans le Theatrum insectorum de Thomas Moffet (1634) et dans son édition anglaise par Edward Topsell (1658).

.

Dans le cadre de mes recherches sur l'histoire des noms des papillons (mes 89 articles de zoonymies des rhopalocères), de leur iconographie (mes articles sur Joris Hoefnagel puis sur Claude Aubriet ), sur leurs collectionneurs et descripteurs (Aldrovandi, Petiver, Geoffroy, Engramelle, Godart, Oberthür ), sur leur signification symbolique et leur présence dans l'art, j'ai accumulé plusieurs centaines d'articles accessibles sur ce blog en utilisant le bouton "recherche" ou en consultant cette liste :

Tous mes articles sur les papillons

.

.

Cet article vient compléter ce travail. Mais son ampleur m'impose de me contenter d'une esquisse. Le texte latin a été rapidement traduit en anglais (1658), sans difficulté (mais pas toujours sans infidélité) à une époque où les lettrés maniaient facilement le latin. Mais le Theatrum insectorum n'a jamais été traduit en français. Je tente maladroitement cet exercice ici, pour la partie traitant des Papillons, mais les difficultés rencontrées et non surmontées sont telles que ma copie n'obtiendra même pas la moyenne. Incitera-t-elle un amateur à me corriger ?

De même, George Thomson a donné des chapitres consacrés au Papillons du Théâtre des Insectes une remarquable édition en anglais en 2000 et 2012, mais l'étude du Theatrum de Moffet avec l'identification précise des espèces de Lépidoptères et de leurs chenilles n'avait pas encore été proposée en français.

Enfin, mon but a été aussi de mettre ces identifications et ces travaux à la disposition des internautes (la publication de Thomson en 2000, tirée a 500 exemplaires numérotées, n'autorise pas la consultation par prêt entre bibliothèques).

Je compte sur votre indulgence.

.

PRÉSENTATION.

 

a) Abrégé biographique et bibliographique.

Voir Dictionary of National Biography, 1885-1900, Volume 38 par Sidney Lee

 

Thomas Moffet (1552-1604), dit aussi Moufet ou Muffet, est un médecin et naturaliste anglais de conviction protestante, né vers 1552 à Londres et mort le 5 juin 1604 à Wilton dans le Wiltshire.  C' est un fervent adepte des doctrines de Paracelse (1493-1541), qui ne se résument pas à leurs aspects ésotériques (théorie des signatures, alchimie, astronomie), mais qui mettent à l'honneur  l'examen direct de la nature (plantes, minéraux, animaux) et l'expérimentation, en tournant le dos à la compilation des textes antiques. Après des études à Trinity College de Cambridge avec  Peter Turner, Timothy Bright, et Thomas Penny, qui se sont tous distingués dans la science médicale, il a voyagé à l'étranger, il a assisté à des conférences médicales de Félix Plater et de Zwinger (acquis à la médecine de Paracelse après s'y être opposé),  a obtenu  en 1579 son doctorat de médecine à Bâle, ville où il fit imprimé ses deux recueils de thèses: l'un de 32 pages  intitulée   De Anodinis Medicamentis, (1578), une critique de l'antiparacelscisme trop formel de Thomas Erastus,   et l' autre de 24 pages en mai 1578  De Venis Mesaraicis Obstrvctis ipsarvmqve ita affectarum Curationeavec une dédicace à  Pientissimo et Clarissimo viro Thomas Penny.

Après avoir obtenu son diplôme, et avoir exercé à Francfort,  Thomas Moffet se rend en 1580 en Italie et en Espagne et y étudie l'anatomie des vers à soie, et l'entomologie. Il est ensuite à Nuremberg et à Francfort. Il rentre définitivement  en Angleterre en 1582, et en 1588 il exerce la médecine d'abord à Ipswich et ensuite à Londres. Le 22 décembre 1588, il a été admis en tant que candidat du College of Physicians, puis est devenu membre. En 1589 il a été nommé à un comité responsable de l'élaboration de la Pharmacopoeia Londinensis (1618) pour le College of Physicians,  l'Ordre des médecins.

Je dois maintenant présenter Thomas Penny, l'ami et confrère de Moffet.

Médecin anglais  passionné par l'histoire naturelle, Thomas Penny (c. 1532-1588) commença à étudier la botanique avant de se tourner vers l’entomologie. Il fit plusieurs longs voyages sur le continent et rencontra à Zurich le monstre d'érudition et professeur d'histoire naturelle Conrad Gessner  en 1565, peu de temps avant la mort de ce dernier. Il obtint de lui un certain nombre d’illustrations et de notes manuscrites sur les insectes. Il étudia la physiologie des plantes à Orléans avec Natalis Caperon, il visita Montpellier en 1566 et se lia d'amitié avec Matthias de L'Obel qui y avait obtenu son diplome de médecin. Il alla ensuite à Paris ; il rencontra Jean Bauhin, qui s'installa à Lyon en 1563. Il se rendit aussi à Majorque

 

.

 Il retourna en Angleterre où il commence à exercer la médecine à Londres. Il devint un proche ami de Thomas Moffet (1553-1604) : ils avaient tous deux étudié à Cambridge et s’intéressaient aux insectes.  Penny consacra ses quinze dernières années à accumuler des observations qui seront reprises dans le Theatrum Insectorum de Thomas Moffet. Penny reçevait également diverses contributions et illustrations de ses correspondants en Europe comme Matthias de L'Obel (Lobelius) Charles de l'Écluse ou Clusius (1525-1609) qui l’informe sur les abeilles, Jean Bauhin (1541-1613) qui explique l’origine des scorpions à la fois par la reproduction sexuelle et la génération spontanée, et Joachim Camerarius le Jeune (1534-1598) qui lui envoie une illustration de coléoptère et avait reçu de Penny de nombreuses plantes. La mort l’empêcha de mener à bien son projet d’écrire une Histoire naturelle des insectes et il laissa ses notes à Moffet. 

Thomas Moffet et Thomas Penny résidaient à Lime Street parmi les  maisons de commerçants aisés et appartenaient à la communauté scientifique, éprise de recherches et de collections en botanique et zoologie, dont cette rue était l'épicentre à l'est de Londres, allant de Fenchurch Street au sud à Leadenhall Street au nord. Penny y possédait un "Jardin sec", ou Hortus siccus, c'est à dire une collection de spécimens botaniques de plantes séchées entre des feuilles de papier, selon la mode lancée par Luca Ghini dans le premier jardin botanique d'Europe, celui de Pise.

Luca Ghini et son herbier ou hortus siccus, publié en 1544.

 

Il y conservait aussi   sa collection d'insectes et de dessins ou illustrations en couleurs d'insectes. Moffet y était fier de son "Entrepôt d'insectes", où il conservait ses spécimens les plus rares, comme le criquet africain que Pieter Quickelberg lui adressa d'Anvers. 

[Quickelberg ? Oui, le fils du médecin Samuel Quickelberg (1529-1567), bibliothécaire du banquier Anton Fugger, collectionneur en tous genres, celui qui organisa le travail de rédaction des luxueux manuscrits de musique du duc de Bavière : les Motets de Cipriano de Rore et les  Psaumes pénitentiels de Roland de Lassus  enluminés par  Hans Mielich...le prédécesseur de Joris Hoefnagel à Munich. Le monde dans lequel nous évoluons ici est tissé de liens étroits, aussi étroits que ceux qui rapprochent la communauté anversoise en exil en raison de son protestantisme avec les protestants de Londres.]

Ils avaient comme voisins à Lime Street James Cole, gendre de Matthias de l'Obel et, comme  neveu d'Abraham Ortelius (un ami d'Hoefnagel), héritier de ses collections. James Cole possédait deux cabinets de curiosité. Charles de l'Ecluse, qui avait résidé dans ce quartier, mais vivait maintenant à Vienne,  adressait à Penny des  illustrations d'une Mante religieuse de Grèce, ou de magnifiques papillons.... L'apothicaire James (Jacob?) Garret  faisait venir des plantes et des remèdes des Indes de l'Est et de l'Ouest,, Matthias de L'Obel avait connu Penny lors d'un bref séjour à Montpellier.

Si Lime Street était bien connu comme le site de l'une des grandes communautés intellectuelles de l'Angleterre, la plupart des membres de cette communauté étaient pas vraiment anglais. Les hommes éminents de la communauté, y compris Mathias de L'Obel, James Cole, et James Garret étaient tous des «étrangers», ou les immigrants à l'Angleterre (Harkness 2007: 21), avec un important contingent protestant flamand qui avait fui les persécutions religieuses et le sac d'Anvers par les Espagnols. Bien qu' ils ont fait d'importantes contributions à la communauté qu'ils étaient encore traités comme des étrangers par quelques Anglais dédaigneux comme l'anglais chirurgien-barbier John Gerard (Harkness 2007: 17). Malgré le souhait de nombreux Londoniens pour une science «anglaise», la communauté scientifique dans son ensemble a été de plus en plus cosmopolite (Harkness 2007: 18). 

.

La République des Lettres et Lime Street.

Toute cette communauté de Lime Street vivait dans une effervescence de curiosité et d'échanges et était intégrée à un vaste réseau national et européen, la République des Lettres, une "confédération lâche de chercheurs et d'intellectuels qui ont enjambé le continent européen et se sont même  propagé aussi loin que l'Asie, l'Afrique et du Nouveau Monde" (Datson, 2006). Voici le lien vers une carte interactive des membres de cette République des Lettres : 

https://www.zeemaps.com/map?group=224572&add=1​

Ainsi, c'est de Moscou que le chirurgien Edward Elmer adressa à Penny  une mouche à ailes dorées, puis à Moffet un Scarabeidé de Russie. "Bauchinus"  adressa à Penny une expérience faite à Paris sur le Basilic , une forme de scorpion (Caspar Bauchinus, 1560-1624  plus connu sous le nom de Bauhin, et son frère Jean. Bauhin est l'auteur d'un Theatri Botanici, ou Pinax). Des dessins ou des spécimens parvinrent de Normandie, d'Italie, d'Espagne, de Genève, de Guinée, d'Afrique, du cap Saint-Augustin en Inde 

Parmi les correspondants de Thomas Penny, citons Sir Edmund Knyvet, d'Ashwellthorpe, dans le Norfolk, et son fils Thomas (1539-1618), qui possédaient un musée privée où ils amassaient leurs collections. Leur bibliothèque était riche de quelques 1400 livres et 7 manuscrits, d' architecture, de géographie, mais surtout de botanique et de médecine, ainsi que des livres illustrés d'histoire naturelle. Selon J. Neri, pour Knyvet comme pour Aldrovandi, Penny et Moffet,  les interrelations entre les images et les spécimens étaient centrales pour la compréhension du monde des insectes.

La Liste des Auteurs cités dans le Theatrum occupe trois pages, soit plus de 400 noms.

 

.


 

L'édition du Theatrum insectorum.

Le Theatrum insectorum de Thomas Moffet est le premier livre d'entomologie publié en Angleterre, et le second livre publié en Europe sur ce sujet après De animalibus insectis libri septem d'Ulisse Aldrovandi en 1602.  Il pourrait être plus juste de l' attribuer à Thomas Penny.

 

Partiellement compilé à partir des écrits d'Edouard Wotton, de Conrad Gessner et de Thomas Penny, le traité abondamment illustré de Moffet était le meilleur ouvrage du genre au moment de sa parution : il a analysé systématiquement les habitudes, l'habitat, l'élevage et de l'importance économique des insectes, et a établi un nouveau niveau de précision dans l'étude des invertébrés. Le travail a une histoire complexe. Lorsque le suisse Conrad Gessner est mort à Zurich en 1565, il a laissé dans ses papiers un livre inachevé sur les insectes, qui a été finalement vendu à son assistant le médecin anglais Thomas Penny. Penny a également acquis les notes entomologiques de Edward Wotton, et avait fait progresser l'ensemble  en combinant les informations de Gessner et Wotton avant sa mort dans le manuscrit de 1589. A sa mort, Penny passa le manuscrit et ses propres notes à son voisin et ami Thomas Moffet. Mais la nièce de Penny aurait maltraité le précieux texte, et dilapidé les lettres, imposant à Moffet un gros travail de reconstitution. Dans sa préface, il déclare avoir rédigé la partie historique, avoir fourni 150 illustrations inconnues de Penny et de Gessner ;  il se targue aussi d'avoir introduit la méthode et l'art oratoire qui manquait à Penny, d'avoir corrigé toutes les grossièretés de style, les centaines de tautologies et les détails triviaux. Parmi ceux-ci figurent peut-être les indications de date et de lieux de capture, qui nous seraient si précieuses. qui en acheva la rédaction et fit gravé un frontispice  (datée de 1589)  par William Rogers. L'ensemble fut probablement prêt à être imprimé vers 1589 (ce qui en ferait effectivement le premier traité d'entomologie). Les démarches débutèrent pour en obtenir l'impression à La Haye, mais elles ne purent aboutir, sans-doute en raison de la faiblesse du marché londonien pour les ouvrages de sciences naturelles.

Il a obtenu la permission de l'imprimer à la Haye le 24 mai 1590, et a écrit une dédicace élaborée à la reine, mais des retards suivirent . Lorsque Jacques Ier monte sur le trône anglais, Moffet lui a écrit une nouvelle dédicace . 

Les occupations de Moffet ne lui laissèrent pas le temps disponible, car  son patron, William Herbert, 3e —ou 4e— comte de Pembroke, fut nommé membre du Parlement. Moffet le suivit à Wilton en 1592 comme second médecin du comte. En 1599, il  dédicaça à la comtesse un poème sur les vers à soie, The Silke Worms and theirs Flies, combinant ainsi  de réelles aptitudes littéraires  avec ses intérêts pour l'histoire naturelle    A la mort de Thomas Moffet, l'ouvrage était toujours sous sa forme manuscrite. Le manuscrit est resté dans la famille de Moffet pendant de nombreuses années, jusqu'à ce que Darnell, le pharmacien de Moffet le vende  à Sir Theodore Turquet de Mayerne, un médecin huguenot établi à Londres en 1611, qui le publia en 1634. Pour réduire les coûts, les bonnes illustrations gravées furent remplacées par 580 médiocres gravures sur bois (sans les références numérotées du manuscrit) et sans le frontispice gravé de Rogers.

 

Un manuscrit conservé.

Le manuscrit original en latin avec ses 1200 folios, ses 500 dessins aquarellés et les deux dédicaces adressées respectivement à Elizabeth et James I, est conservé par la British Library dans la collection Sloane Ms 4014 . Il a été consulté par George Thomson (2000, 2012) pour son édition critique du De papilionibus.

 

.

Premiere publication en latin en 1634.

Thomas Moffet Insectorvm sive minimorum animalium theatrvm : olim ab Edoardo Wottono, Conrado Gesnero, Thomaqve Pennio inchoatum / tandem Tho. Movfeti Londinâtis operâ sumptibusq[uae] maximis concinnatum, auctum, perfectum: et ad vivum expressis iconibus suprà quingentis illustratum. Londini : Ex officinâ typographicâ Thom. Cotes. Et venales extant apud Benjam. Allen, in diverticulo, quod anglicé dicitur Popes-head Alley.1634.

L'imprimatur (page 326) en a été délivré le 4 décembre 1633 : folio 2v "Recensui hunc tractatum, ... quo minùs cum utilitate publicâ imprimantur, ità tamen, ut si non intra septem menses proximè sequentes typis mandentur, haec licentia sit omnino irrita. Ex aedibus Lambithanis 4. Decem. 1633. Guliel. Bray."

 

Il existe trois versions successives, ou concommitante selon Thomson :

-celle éditée par Benjamin Allen (avec la mention citée supra). La page 46 y est indiquée "52" par erreur. Benjamin est un libraire londonien établi à Pope's head Alley qualifié ici de "diverticulo", un deverticulum étant un "chemin écarté" . Son enseigne serait The Flower de Luce, ou celle de The Crown. Actif de 1632 à 1637, en 1645, .

-celle éditée par William Hope avec la mention "Guiliel. Hope, ad insigne Chirothecae, prope regium Excambium", 1634. Son enseigne tire son nom d'une chirothéque, nom médiéval du gant, encore utilisé pour les gants épiscopaux. Cette librairie se situait "près du Change royal".  L'erreur de pagination signalée supra est corrigée, sauf sur l'exemplaire de Glasgow.

-une troisième, plus rare, sans nom de libraire, avec la seule mention de l'imprimeur Thomas Cotes.

 

 

Thomas Cotes (mort en 1641) était un imprimeur  londonien  surtout connu pour l'impression de la deuxième édition des pièces de Shakespeare de 1632. Il fut un  important éditeur de textes du théâtre anglais de la Renaissance, et de poésie (édition par John Benson  des poèmes de Shakespeare en 1640). A partir de 1635, il était associé  avec son frère Richard Cotes . Leur boutique se situait dans le Barbican à Aldersgate Street. Ses compétences en histoire naturelle sont donc minimes.

L'ouvrage contient :

  • Le frontispice
  • 9 pages de dédicace (Epistola) de Théodore de Mayerne à Guilhelmo Paddy (Sir William Paddy, médecin du roi Jacques Ier).
  • un Index des titres des chapitres.
  • 4 pages d'introduction (Praefacio)
  • 3 pages donnant la liste des auteurs cités.
  • 326 pages de texte et gravures,
  • et 4 pages de gravures complémentaires (dont 4 papillons).

 


 

.

Edition en anglais en 1658 par E. Topsell.

Une traduction anglaise par John Rowland fut publiée en 1658 par E. Cotes à la suite de la seconde édition d'une compilation des écrits de Conrad Gessner sur les serpents et les dragons, par Edward Topsell . C'est donc sous le titre de The History of four-footed Beasts and Serpents : whereunto is now added the Theater of Insects by Thomas Muffet en trois volumes, qu'il faut chercher le Theater of Insects qui forme  le troisième tome. Cela explique que je l'ai longtemps cherché en vain.

On ne sait pas grand-chose du traducteur, John Rowland. C'était un médecin, puisque la page de titre indique  “J.R. M.D.”. On ne lui connaît pas de compositions originales, mais on le  considère comme  le traducteur de deux autres traités, An History of the Wonderful Things of Nature et  An History of the Constancy of Nature, tous les deux du naturaliste John Johnston,  et tous les deux imprimés parJohn Streater en 1657. Dans l'épître dédicatoire adressée à Edward Montagu, deuxième comte de Manchester, qui introduit l'ouvrage précédent, Rowland rapporte qu'il "était  étudiant  à l' Eaton Collegde, " and that I once hade the happinesse to be domestick Servant unto your Honours Noble Father” .

Le traducteur de Moffett John Rowland reste obscure. Lui aussi était un médecin:  L'histoire de la page de titre lui enregistre comme «JR  MD" Rowland est pas connu pour avoir écrit des compositions originales, mais il l'a fait traduire deux traités plus,  Une histoire de la merveilleuse choses de la nature  et  Une Histoire de la constance de la nature, à la fois par le naturaliste polonais John Johnston, tant imprimé par John Streater en 1657. 

 

.

Le frontispice initial (1589) par William Rogers (1545-1610). 

Le titre est inscrit dans un médaillon central entouré par quatre portraits. CONRAD GESNERVS tient le haut du pavé. THOMAS PENNIVS ANG. est à droite, l'index en marque-page dans un livre. Le médecin et naturaliste britannique EDOARDVS WOTTONVS (Oxford,1492-1555) est à gauche. C'est, selon M.A. Salmon, le premier qui étudia scientifiquement les insectes, et il est l'auteur du livre IX de De differentis animalium (1552). Enfin THOMAS MOFFETVS ANGL. est, modestement,  en bas.

Outre l'architecture à colonnes et fronton, on peut décrire de nombreuses allusions à l'entomologie. En haut, deux ruches entourées d'abeilles  (de ces ruches sortent des fleurs, Fritillaires et Lis martagon peut-être) Deux têtes de chien encadrant le portrait de Gessner ; une chenille de Sphingidae, et un papillon de nuit. A peine plus bas, deux chrysalides, celle de droite laissant s'échapper l'imago. 

Dans le tiers inférieur, deux chenilles grimpent le long des parois; Celle de droite, velue, évoque celle des Acronictinae, et, pourquoi pas, celle de Moma alpium.

Enfin, si nous traçons une ligne entre ces deux chenilles, nous découvrirons à gauche un papillon, dans le cadre du titre une sauterelle, et à droite une araignée suspendue à son fil. 

Une petite énigme : à qui sont les armoiries placées à gauche ? A Jacques Ier ?

Janice Neri 2011 a mis en évidence le fait que, sur ce frontispice, les ruches à fleurs du coin supérieur proviennent directement des vases de fleurs du recueil de gravures de Jacob Hoefnagel paru en 1592 sous le nom d'Archetypa studiaque  et qui diffusent les peintures de son père l'enlumineur anversois Joris Hoefnagel. Celui-ci est le premier à dessiner la nature, et plus particulièrement les insectes, avec une fidélité scrupuleuse et presque microscopique à l'égard du modèle naturel, et on a pu parler à son sujet de "naturalisme scientifique", contrastant avec les à peu près des illustrations antérieures, contaminées par la croyance en des créatures fabuleuses et l'incapacité à faire la part de l'imagination et de la fantaisie. C'est aussi des Archetypa d'Hoefnagel que proviennent le papillon, la sauterelle et l'araignée. 

.

British Library Sloane Ms 4014 fol. 3

.

.

Le frontispice de 1634.

Le titre précédent (Insectorum Theatrum ) devient Insectorum sive Minimorum Animalium Theatrum, le Théâtre des Insectes ou Plus Petits Animaux.

Il n'est pas indifférent que l'ouvrage soit qualifié de Théâtre. Cela fait éventuellement référence au théâtre élisabéthain (puis jacobéen et caroléen) avec sa production foisonnante (plus de 1500 pièces) et aux principaux dramaturges comme Shakespeare, Ben Jonson ou John Fletcher. Ou bien  à "The Theatre",  première salle de théâtre de Londres construite en 1567, et qui sera suivie en 1599 par le Théâtre du Globe. Mais il signifie surtout deux choses :

a) que la Nature est une scène où tous les acteurs méritent d'être l'objet de notre curiosité, y compris les plus petits.

b) que l'ambition des auteurs est de pratiquer une science qui ne se contente pas de compiler les textes de l'Antiquité, ni seulement de collectionner et de classer les espèces vivantes, mais qui souhaite les montrer, les exposer comme des entités dont chacune mérite d'être examinée. La valeur du spécimen réel prime sur la citation d'un auteur antique, et ce spécimen devient un objet de science communicable par l'illustration qui en est faite, pour peu que celle-ci soit fidèle à son modèle. C'était là le Credo des naturalistes de la communauté de Lime Street  : ils croyaient en la valeur de preuves empiriques, de l'observation, du  travail sur le terrain, mais par dessus tout en la valeur du spécimen ou de l'équivalent médiatisable de celui-ci, l'illustration scientifique. La démonstration  ne pouvait se dispenser de la monstration.

Ce titre est suivi de la mention "olim ab", inversion de l'adverbe ab olim "autrefois ; de longue tradition" et qui précède la liste des auteurs qui ont nourri ce Théâtre de leurs travaux, Edoardo Wottono, Conrado Gesnero et Thomas Pennio. Inchoatum ("en commençant").

Je traduis par : "Théâtre des Insectes ou plus petits animaux, Débuté autrefois par E. Wotton, C. Gessner et T. Penny ..."

Tandem Tho. Moffet Londinatis operam sumptibusque ; maximis concinnatum, auctum, perfectum ; et ad vivum expressis iconibus quingentis illustratum

..."Et enfin [achevé] par les soins et les dépenses de Thomas Moffet de Londres [qui l' a ] assemblé, augmenté et  perfectionné ; et  a présenté ces insectes sous leur vivante expression par  plus de 500 illustrations ".

Sous ce titre, l'illustration place au centre, dans un cadre à part, la ruche de paille tressée en forme de pain de sucre, qui tient ici  une place emblématique pour l'entomologie. Sept abeilles sont figurées autour d'une abeille centrale.

Autour du cadre courent onze formes animales dont un scorpion et une araignée, qui font alors partie des "insectes". Les lépidoptères sont mis en valeur avec une chenille, décrite page 184 comme chenille du peuplier noir,  et un papillon adulte, identique au neuvième des Petits papillons diurnes de la page 106 ; la "chenille" du bas est le scolopendre illustré au chapitre VIII du Livre II page 199 .


.

 

.

Réception.

 Les jugements sur l'œuvre de Moffet furent parfois sévères. Martin Lister (1638-1712) écrira à John Ray (1627-1705) en 1667 :

«  De lui [Moffet], on aurait pu s'attendre à ce que tout soit brillant et parfait, car il a eu des contributions de si grands assistants, de si grands noms comme Wotton, Gesner, de l’Écluse, Penny, Knivett, Bruer et d'autres. En fait, tout le Theatrum est composé avec une telle confusion, un tel manque d'ordre, que Moffet semble n'être qu'un très pauvre compilateur des matériaux réunis par d'autres, en faveur desquels il n'exprime aucune gratitude. En réalité, il était presque totalement ignorant du sujet, ce qui ressort d'une façon cruelle. »

Pourtant, Jonston compilera ses gravures avec celle de son prédécesseur Aldrovandi sous forme de planches . James Petiver recherchera et notera les références correspondants aux insectes de ses collections dans son Musée et son Gazophylacii, de même que John Ray en 1710 dans son Historia insectorum, et Linné dans sa Fauna suecica puis son Systema Naturae de 1758. En France, Geoffroy reprendra ces références dans son Histoire abrégée des insectes de 1762, à Vienne Denis & Schiffermüller citeront son Theatrum pour leur Catalogue de 1775, mais on peut abréger cette liste et dire qu'aucun naturaliste entomologiste n'a négliger de confronter ses travaux et ses spécimens aux gravures de Moffet.

.

.

La place des papillons dans le Theatrum insectorum.

Cet ouvrage est formé de deux Livres, dont le premier comporte 29 chapitres et le second 42 chapitres.  Les papillons occupent le chapitre 14, De papilionibus, du livre I, dans les pages 87 à 107. Les chenilles sont traitées à part, dans les cinq premiers chapitres du Livre II, pages 179-193.

.

Le chapitre XIIII De papilionibus débute par un paragraphe philologique qui mentionne le nom des papillons dans douze langues différentes, et cite ensuite, selon l'usage établi, divers auteurs de l'Antiquité.

Les descriptions débutent page 89 par les Phalènes (41 au total) et, en premier par les 18 Grands Phalènes ( Maxima Phalena) de la collection de Thomas Moffet. On en suit l'énumération par les séries Primo, Secunda, Tertia, etc... au début du paragraphe descriptif qui les concerne. Les Diurnes viennent ensuite, classés aussi en trois formats. On trouve ainsi :

  • 41 "Phalaena" = Papillons de Nuit : 18 Grands, 17 Moyens, 6 Petits.

  • 38 "Diurnae papiliones" = Papillons de Jour : 15 Grands, 13 Moyens, 10 Petits.

...soit une collection de 79 espèces.

Le décompte de George Tompson est différent, puisqu'il recense 82 "formes", correspondant à 56 de nos espèces : 30 hétérocères, 25 rhopalocères, 1 espèce non identifiée. Il note que parmi ces 56 espèces, 5 seulement n'appartiennent pas (ou plus) à la faune actuelle de Grande Bretagne : deux nocturnes (Saturnia pyri et Eucharia festiva) et trois diurnes (Parnassius apollo, Iphiclides podalires et un papillon américain, Papilio glaucus)

.

J'emprunte les planches au site Biodiversity Heritage Library, et à l'édition latine, mais je citerai, ou je consulterai le texte anglais de la version de 1658 mise en ligne par archive.org. et Earl English Book. J'ai remplacé ce texte par ma traduction en français lorsque j'en ai eu le courage ou le temps. J'ai souvent traduit alae exteriores par "ailes antérieures" et alae interiores ou intima par "ailes postérieures" et, de façon plus discutable, scapulum (traduit en anglais par shoulders) par "thorax".

Les identifications d'espèces sont celles qui ont été proposées dans la littérature, notamment par Petiver et Ray, puis par Linné en 1758, Geoffroy en 1762,  et par Thomson en 2000 . Les noms scientifiques et les noms vernaculaires sont —bien-sûr—  les noms actuels.

Outils :

http://biodiversitylibrary.org/item/123182#page/11/mode/1up

https://archive.org/stream/historyoffourfoo00tops#page/958/mode/2up

 

.

LES 18  GRANDES PHALÉNES.

 

Page 89.

Ligne 12 : Phalaenae omnes sunt vel admodum magnae,  vel exiguae  : "Les phalènes sont soit très grandes soit très petites". 

-n°1  Acherontia atropos (Linnaeus, 1758) Sphinx à tête de mort. Identifié par G. Thomson. Vue dorsale et vue ventrale. 

 

Le ventre et l'intérieur des ailes des plus grandes Phalènes sont entièrement de couleur sable. Les yeux apparaissent bleus, la tête fortement noirâtre; entre les yeux sortent deux antennes assez sombres, de couleur brun rouge, avec des lignes noires torsadées comme une corde. Sur les épaules il y a une espèce de  rouleau  couleur sable : d'où part une tache noire en croix filant vers les épaules. Le corps, si vous en regardez le dos est d'un bleu azur, mais si vous regardez son ventre, il est d'une couleur sable. Les deux ailes extérieures [antérieures] sont très grandes et  leur couleur rivalise avec celle de l'aigle, étant couvertes de diverses taches arrondies noires et blanches ;  les ailes intérieures [postérieures] sont beaucoup plus petites, jaunâtres , orné à l'intérieur de diverses stries  et de taches sombres; elle a des pattes  musclées et fortes, entièrement d'une couleur sombre, et dont les extrémités sont  fourchue et noires. Elle vole avec un grand bruit, et étant aveugle dans la nuit, elle poursuit goulûment le bois pourri, les écailles de pisson et autres déchets du jardin [?]. Comme les grands tyrans qui dévorent et spolient leurs sujets, de même ce papillon nocturne frappe et détruit les papillons diurnes en cachant ses ailes sous les feuilles. 

Commentaire : ce papillon était déjà(*) décrit en 1602 par Aldrovandi (De Papilionibus, Pl. 1 in De insectis libri 2, page 237 fig.3). Bien que la gravure en soit médiocre – mais assez proche de celle-ci — il écrit à son propos page 236  "in tergore, macula, humanum quodam modo cranium, anterius experimens" : "dans le dos, des taches réalisent à peu près la forme d'un crâne humain vu de face". Aldrovandi en donnait aussi la chenille. 

(*) Certes avant la publication du Theatrum de Moffet, mais après la rédaction du manuscrit.

 

Ce papillon avait été peint, de profil,  dès 1330-1340 dans le Codex Cocharelli.

.

.

Page 90.

—Phalène 2 : "Regina Papilionum". Vue dorsale et vue de profil pour le dessous des ailes . Saturniidae,  Grand Paon de Nuit Saturnia pyri (Denis & Schiffermüller, 1775).

 "Le deuxième Phalène de première grandeur, bien qu'il soit plus petit en grosseur de thorax que le précédent, le dépasse de loin par le luxe et la magnificience de ses couleurs ; et Nature a du dépenser pour l'orner toute son échoppe de peinture. Et elle a considéré le précédent comme le Roi des Papillons, c'est à dire fort, vaillant, sombre, rayé,et celui-ci  pour la Reine, délicate, tendre, fine, toute parée de perles et de pierres précieuses, revêtue de broderies et de travaux d'aiguilles ; son corps duveteux comme celui d'une oie, quelque chose de doux et fourré comme la peau de martre ou de zibeline. Sa tête est petite, ses yeux proéminents, ses antennes plumeuses sont jaunes. Il a quatre grandes ailes portant chacune un œil de plusieurs couleurs : le cœur en est noir, le cercle qui l'entoure est de couleur variée avec des cercles et demi-cercles  jaune, orange-feu, blanc et noir. Les ailes extérieures sont blanchâtres de leur origine à leur extrémité, embellies par certaines veines et nervures. Leurs bordures sont décorées d'une zébrure ou un ourlet jaune foncé. Les ailes intérieures sont brunes ou porto, avec un œil comme le précédent, avec une périphérie à trois plis, le premier uni, le second festonné comme des flammes (a scollop),  et le plus externe blanc pâle, et  comme s'il était ? par un fourreur. [...]"

 

 " Celui-ci, qui a été envoyé de Vienne par Charles de l'Escluse, est de si élégante et remarquable figure, qu'il est plus facile de l'admirer que de trouver les mots pour le décrire."

Commentaire. 

- Aldrovandi avait représenté en 1602 Saturnia pyri sur la Planche 1 de son De Papilionibus page 237 d'abord sous sa forme femelle (figure 1) puis sous sa forme mâle (fig.4) . 

.

— N°3 Petit Paon de nuit Saturnia pavonia femelle identifié par Thomson..

"La troisième sorte a un corps grand, velu et noirâtre. Chaque aile porte un œil, dont le centre est noir, le pourtour brun, le demi-cercle blanc. Diverses pièces des ailes ressemblent à des améthystes. Les ailes semblent au premier coup d'œil de couleur gris-cendre, puis apparaissent de couleur aquilain [fauve ou brun]. La tête est courte et petite avec des yeux noirs dont la pupille est d'un blanc remarquable, et entre ceux-ci deux courtes antennes de couleur  gris-brun. Sa chenilles est velue, et non glabre."

 

 

 

.

 

.

page 91.

.

-n°4. Sphingidae : Sphinx ligustri le Sphinx du Troène identifié par Thomson; Vue de profil.

La quatrième a un grande tête de couleur sombre, d'où se dressent deux antennes droites et un peu noires. Le  cou est orné de taches vermeilles, la poitrine (thorax) est velue, carrée, brunes, les épaules en partie noir anthracite, le ventre améthyste , divisés avec cinq ou six cercles noirs; les pieds sont noirs comme de la poix, les ailes d'un brun clair,remplies de longues petites veines noires.

-n°5. Sphingidae  Sphinx ligustri Sphinx du Troène, identifié par Linné S.N. p. 489.

La cinquième a une tête blanchâtre, les yeux noirs, les antennes un peu jaune, les ailes antérieures  longues, d'une couleur sale entre le blanc et le brun, les ailes postérieures étant coloré légèrement et comme en passant en rouge, les épaules très noires, le reste du corps avec des nuances roses, une ligne blanche court tout le long du milieu du ventre, divisée par sept cercles noirs. 

Commentaire : Thomson remarque qu'il s'agit soit d'un individu très usé, soit d'une vue ventrale.

.

 -n°6. Sphingidae  Smerinthus ocellata, le Sphinx Demi-paon, identifié par Linné S.N. p. 489.

La sixième a la  tête et le scapulum/thorax velus, les ailes antérieures sont blanchies avec des nervures linéaires   de couleur sanguine sur fond brun ; les yeux, couleur violet [hyacinthini] ou possiblement bleu, sortent en avant de la tête ; les ailes postérieures ont  un je-ne-sais-quoi d'incarnat, avec un œil représenté dans sa partie médiane, à la pupille noir corbeau, et le contour d'un violet [iacinthino] éclatant ; le corps couleur chair flétrie et un peu fumée [infumatis signifie plutôt "bas, vile"] est divisée par six cercles noirs et bruns. 

 

-n°7. Arctiidae  Arctia caja (Linnaeus, 1758) l'Ecaille martre  identifiée par Thomson

"Le septième a les ailes  extérieures blanches avec certaines  taches brunes ici ou là  comme un tissu ondé. La nuque est ceinte comme par une peau rouge  s'étendant sur les épaules comme une fourrure. La tête est rouge, les yeux couleur perle, les antennes couleur feu. Les ailes intérieures sont d'un rouge vif rayé de noir. Les pattes rouges, le ventre entièrement de la même couleur avec sept incisures rouge sombre. "

 

 -n°8. Lasiocampidae Lasiocampa quercus Linnaeus,  le Bombyx du Chêne, mâle, identifié par Thomson.

Le huitième est presque complètement brun [Baetici coloris = couleur bétique, jaune blond ou châtain], mais les bords des ailes et la partie moyenne des antennes sont jaunes de la couleur du buis.

.


.

Page 92.

-n°9 Lasiocampidae. Lasiocampa quercus Linnaeus, le Bombyx du Chêne, mâle, identifié par Thomson.

 

 La  neuvième est presque semblable à la précédente, mais  la partie distale des ailes tendent vers la couleur  sable (foncé). Ses antennes sont réellement  larges et retroussées, blanchâtre sur fond noir. La partie médiane des ailes antérieures  s'orne d'une tache  blanche et ronde.

.

-n°10. Lasiocampidae. Lasiocampa quercus Linnaeus, le Bombyx du Chêne, mâle, identifié par Thomson .

La  dixième est semblable, mais plus grande. toute revêtue de blanc cassé, mais le milieu des ailes antérieures  est marqué avec une tache blanche, et l'œil avec une pupille très noire.

 

-n°11. Notodontidae. Phalera bucephalata (Linnaeus, 1758), le Bucéphale identifié par Thomson.

 

La tête de la onzième est bosselée, avec des antennes très grèles, le corps et la partie externe (distale) des ailes sont comme de l'argile pétrie, alors que le reste des ailes est entièrement de couleur argent foncé 

 

-n° 12. Noctuidae. Polia nebulosa (Hufnagel, 1766), la Noctuelle nébuleuse.

 La douzième apparaît vaguement cendrée, ses ailes sont ponctuées de noir, les yeux sont très noirs, avec la pupille blanche.

-n°13. Hepialidae Hepialus humuli Linnaeus, l'Hepiale du Houblon.  Identifié par Thomson.  

La treizième ne montre que de petites antennes, son corps est tout jaune, excepté les yeux (qui sont petits et noirs), et les ailes qui sont blanchâtres.


-n°14. Cossidae. Zeuzera pyrina (Linnaeus, 1761), la Zeuzène du poirier.

La quatorzième apparaît de couleurs variées, elle a des antennes à renflements de couleur noire, comme ses yeux et ses pattes. Le thorax est orné de cinq plumes blanches, avec   trois taches noires au centre. Les ailes sont blancs comme la neige, saupoudré ici et là de taches noires, jaunes et bleues : le corps  est bleu-noir, segmenté, et blanc sur les cotés extrêmes ; elle tient sa queue  en dehors ou en dedans comme il lui plait, et celle-ci est forte, segmentée et jaunâtre. Tout le corps est poudreux comme cela est illustré. Elle se classerait dans les papillons diurnes s'il n'y avait pas ses antennes bosselées. Elle pond de nombreux œufs jaunâtres, après quoi / au dessus desquels elle dresse une petite queue, qu'elle tire ensuite à loisir ??? (ac inter excludendum caudam exilem exerit , ac deinde pro libitu recondit / in the laying whereof she puts forth a little tail, which she puls in again at pleasure.) .

 

.

 

.

page 93.

-n°15. Arctiidae  Arctia caja l'Écaille martre identifiée par Linné S.N. page 500

La quinzième a deux fines antennes noires, la tête et les épaules velues de couleur châtain, le cou orné d'un collier vermillon, les fémurs sont rouges. Les ailes  extérieures sont chamois avec du blanc et du brun, les ailes inférieures sont rouges avec des points noirs. Le corps est rouge clair avec six anneaux noirs.

 

-n°16. Sphingidae Deilephila  elpenor (Linnaeus, 1758), le Grand Sphinx de la Vigne, identifié par Thomson.  

La seizième semble être très particulière [mira : "étonnante, singulière"] : si vous la regardez quand elle se trouve sur son dos [?? ; supinam], vous la diriez  partout d'une couleur de feuille morte [xerampelinam] ; et si  elle est tournée sur le ventre [?? ; pronam] elle apparaît verte et jaune; ses épaules sont ornées de cinq lignes très rouges ; de la même façon (de la même couleur) sept points ornent en travers le milieu du dos et le reste du corps. Nous pouvons voir aussi en travers sur les ailes des taches ou ombres de cette couleur feuille morte [xerampelinis] alors que des lignes blanches partent de la tête et se terminent vers le bas de la poitrine.

Commentaire : l'adjectif xerampelinus, du grec puis du latin ampelos,i "la vigne" , a-t-il pu inspirer le nom de "Sphinx de la Vigne" autant que la plante-hôte de la chenille ? Linné cite certes la Vigne comme plante nourricière, mais seulement après l'Epilobe et l'Impatience.

-n°17. Noctuidae. Confusion, selon Thomson, entre Catocala nupta Linnaeus et Noctua pronuba Linnaeus : la description, et les ailes postérieures correspondent à Catocala nupta, mais non les ailes antérieures.

 

La dix-septième, si vous la voyez ailes fermées, vous apparaît brune. Mais si elle étend ses ailes, vous distinguez le coloris incarnat de ses ailes postérieures et une bande noire étendue  sur le bord : elle a de longues antennes et une trompe quasiment enroulée : les épaules [scapulum :thorax ?blanchies  sont marqués par des taches de couleur gris sable , de même que le côté , et tous les segments du corps sont frangés et blanchâtres.

 

 

-n°18 . Arctiidae.  [Eucharia] ou  Arctia festiva (Hufnagel, 1766). L'Écaille rose. 

La dix-huitième. Clusius [Charles de l'Ecluse] m'a adressé ce spécimen très précieux [ou littéralement "très beau"]. Ses antennes sont blanches et noires, la tête sombre comme la poix, le museau [nasus] recourbé, le cercle des yeux est blanc, le collier est rouge écarlate, le thorax qui est velu est comme vêtu d'un mantelet noir, les ailes antérieures [litt. "extérieures"] alternent le blanc et le noir, les ailes postérieures [litt.:"intérieures"] sont rouges ornées ici et là de taches noires. Le corps est noir de poix, de même que les pattes, mais sept taches rouge sang ornent  chaque coté du corps.

 

.

.

Page 94.


- n°19  . Arctiidae.  [Eucharia] ou  Arctia festiva (Hufnagel, 1766). L'Écaille rose. 

Comme la précédente, dont un autre spécimen a été envoyé, mais dont les antennes toutes noir corbeau; et avec une ligne parfaitement blanche sur le milieu du thorax, comme un collier de perles. 

De tous ceux-ci, les corps apparaissent de grande taille. 

.

LES 17 PHALÉNES MOYENNES. 

.

Maintenant, nous allons parler des Phalènes de taille moyenne.

.

-n°1. deux figures : Papilionidae reconnu par Linné S.N.p.465  comme un papillon diurne,  Parnassius apollo, (Linnaeus, 1758) l'.Apollon 

La première serait tout blanche, s'il n'y avait ces taches de rousseur noires non négligeables sur les ailes antérieures ; et vraiment sur les ailes postérieures des points rouges comme les boutons de variole et de rougeole avec un centre blanc ; les yeux sont parfaitement noirs, les pattes et les antennes jaunâtres. Au niveau du museau les poils deviennent hirsutes, et s'enroulent souvent en spirales.

 

 

 

 


-n°2 . Deux figures, mâle vue ventrale, et vue dorsale. Saturniiade Saturnia pavonia (Linnaeus, 1758), le Petit Paon de nuit  

Tout le corps est hirsute ou touffu [litt.  en inflorescence de palmier : spadiceum], de même que les ailes antérieures ( où se trouvent des taches, des lignes et franges blanchâtres, et un ocelle jaune). Les antennes jaunes sont ornées de points noirs. Les ailes postérieures portent des couleurs orange comme le souci [calendularem] mais des ocelles et des lignes frangées y brillent comme les ailes antérieures. 

 

 

 

 


-n°3. Selon Thomson, le texte et l'illustration ne correspondent pas : le texte décrit Pieris rapae, la Piéride de la Rave, alors que l'llustration du manuscrit Sloane 93v est probablement  celle d'un Colias crocea Geoffroy, forme helice Hübner.

 

Ses quatre ailes sont blanches ; les ailes antérieures sont noircies par un réseau fourni de veines bleuâtres, et sont ornées aui milieu de deux taches noires arrondies. Nous voyons une ligne jaune courir le long des ailes. Les antennes sont jaunes également. La tête et le corps sont noirs, les yeux sont très blancs, comme la région scapulaire. Les côtés sont ornés par quatre lignes très blanches obliques.

Exteriores autem caerulae quedam venulae affluentius sparsae infuscant, duaeque in medio, rotundae, nigricantes, maculae, adornant ; linea circum alas ducta mellina videtur, qualis antennarum color ; corpus, caputque nigricant ; oculos habet albissimos, scapularumque ; latera quatuor utrinque lineae albissimae obliquae decorant.

.

.

Page 95

-n°4 Nymphalidae identifié par Thomson ("probablement") comme  Argynnis paphia (Linnaeus), le Tabac d'Espagne, forme valesina Esper

Elle porte des antennes de couleur grise [gruini], son corps  noir est blanchi sur les cotés.  les ailes jaunâtres sont envahies de multiples taches noires qui imitent les serpents, plus larges au dessus, plus rondes au dessous. La frange des ailes  est  épineuse et dentelée comme celles de Chauves-Souris, toute noire, avec six perles (blanches) placées de chaque coté.

 

-n°5. Nymphalidae Selon Thomson, le motif de l'illustration du manuscrit Sloane f.93v correspond à Melanargia galathea (Linnaeus, 1758),mais la description concerne plus exactement Lasiommata megera, la Mégère. 

Le cinquième est complètement noir anthracite, hormis les points rougeâtres sur fond blanc qui ornent les ailes. 

 

-n°6  Nymphalidae. Selon Thomson, Lasiommata megera (Linnaeus, 1767), la Mégère

Son corps et ses antennes sont très noires, ses yeux sont blancs. Ses ailes sont noir corbeau en dessous, au-dessus se voient des filaments d'or et des taches; à laquelle sont associés des boutons  noirs, et comme des fils d'argent ; les ailes extérieures ont une bordure noire s'enroulant en feston (comme un ourlet cousu avec une aiguille ??).

Alae illis subtus coracinae, extra aureis villis, atque maculis conspicuae,  quibus vicissim lati clavi, nigri coloris, et argenteo quasi filo transfixi, adhaerescunt : extimas quoque alas, maeander quidam ornat nigerrimus, auro subtus fuso, et quasi striatim acu picto.

 

-n°7 Nymphalidae Selon Thomson,  Argynnis sp

je ne sais si je peux porter à son crédit ou à son désavantage ses larges antennes,et  son corps noir grissonant. Le début de ses ailes est rouge, le reste est jaune, mais chaque partie est envahie d'un damier noir , alors que resplendit aux extrémités une ligne dorée. 

...Utramque vero partem nigrae tesserae laminatim positae inficiunt, quarum extremitas lineam unam auream splendescit.

 

-n°8 Nymphalidae. Selon Thomson, ce pourrait être un spécimen usé d'Aglais urticae, la Petite Tortue.

 

Elle a quatre antennes à grains en chapelet [racemosa] , grises, les deux les plus externes étant  très longues avec une extrémité très large. le corps est comme celui du n°7 , les ailes sont couleur gris cendré avec un damier noir, et sur le bord extérieur des gouttes sont peintes de la même couleur.  ...et circa extimam oram guttis ejusdem ioloris aequaliterpictas.

.

.

Page 96.

.

-n°9. Noctuidae Noctua pronuba Linnaeus, la Fiancée, identifiée par Thomson.

9. Sa tête, ses yeux, ses antennes, son corps et ses ailes postérieures sont de couleur ocre doré ; les "épaules" [scapulae, "thorax"?] et les ailes antérieures sont noires, mais seulement en périphérie, car elle a de chaque coté une ligne gris-cendre.

-n°10 : trois figures (vue dorsale, ventrale de profil, et la chrysalide).  Abraxia grossulariata (Linnaeus, 1758), la Zérène du Groseillier   identifié par Linné S.N. page 528

10. Son corps est jaune, constellé de noir de la nuque à la queue, en arrière et sur les côtés; les yeux, les antennes et pattes sont  parfaitement noirs, les ailes antérieures sont blanches, mais bordées de jaune avec de fins points noirs et des taches également noires.

-n°11. Arctiidae. Spilosoma lubricipeda Linnaeus identifié par Thomson. 

11. Si vous regardez ses ailes, vous les trouvez blanches comme le lait ou la neige si ce n'est qu'elles sont éclaboussées de petites taches noires. Ses épaules sont également blanches et duveteuses ; son dos et son corps sont jaunes, et segmentés, avec huit petits points noirs.Entre ses yeux  grands et proéminents émergent deux antennes noires et velues. Elle vole la nuit dans  les prairies et les pâturages.

-n°12. Hepialidae. Hepialus humuli Linnaeus, l'Hépiale du Houblon identifié par Thomson.

12. Les ailes de celle-ci sont si longues qu'elle ne peut voler facilement. Elle a des antennes très courtes, de petits yeux parfaitement noirs, tout son corps est blanc jaune,  traversé ici et là de veines et de poils jaunes.

-n°13. Thomson, qui a examiné le manuscrit  Sloane 4014, signale que l'illustration du folio 94 qui représente apparemment Odezia atrata, le "Ramoneur", diffère sensiblement de la gravure sur bois n°13 du livre de Moffet .

 

13. Tout son corps (sauf ses yeux qui sont noirs) est gris "grue" ou noirâtre. Les antennes sont plus longues que d'ordinaire, le corps  est couvert de poils, les ailes de la même couleur que le corps, sauf les bords qui brillent d'un vernis verdâtre et vitreux. 

-N°14. Arctiidae Spilosoma lubricipeda Linnaeus, l'Écaille tigrée identifiée par Thomson.

14. Celle-là est très belle, presqu'entièrement de couleur sable, elle a des antennes de la longueur du corps, fortes, noires et incurvées comme les cornes des taureaux, les yeux grands et noirs, la tête courte, le cou épais; les ailes antérieures ornées de points noirs. Le dos est marqué comme par cinq têtes de clous de girofle noirs à trois pointes.

-N°15. Geometridae [Ortholitha] Scotopteryx chenopodiata Linnaeus, la Phalène de l'Anserine identifiée par Thomson. 

15. Ses ailes sont entièrement d'un gris cendré. Elle est la seule de toutes à être dépourvue d'antennes. Ses yeux sont noirâtres, son dos jaunâtre est marqué de cinq points bruns.  

.

 

.

Page 97

.

-n°16 Pterophoridae Agdistis bennetii Curtis, 1833, identifié par Thomson.

 

16. Celle-ci nous apparaît toute de la même couleur, si ce n'est que les ailes antérieures sont ornées de petites taches noires alignées. Mais elle est vraiment  partout d'une seule couleur (sauf les yeux qui sont noirs). Son corps est long et segmenté, ses quatre ailes sont longues et étroites. Elle a six pattes, les dernières plus longues que les premières. Ses antennes sont fines,mais avec de longues excroissances. 

-n°17. Bombyx mori Linnaeus, non illustré.

 

17. Celle-ci est sortie d'une chenille de ver à soie [bombycina], elle est toute blanche sauf les yeux noirâtres, et les veinules jaunâtres qui sont droites sur les ailes et perpendiculaires aux segments sur le corps. Je l'ai nommée Bombycina Phalaena. On en saura plus dans le chapitre sur l'histoire du Ver à soie.  

.

LES 6 PETITES PHALÉNES

.

-n°1 L'illustration correspond à un Coléoptère, mais la trompe telle qu'elle est décrite est celle d'un lépidoptère" (G. Thomson). 

 Parmi les plus petits, nous en placerons en premier un qui est  admirable, et marche sur quatre pattes. Il a des ailes antérieures bleu azur, les ailes postérieures jaunes, et plus petites (ce qui est rare) que les antérieures. Le corps  est aussi jaune, et tellement  gros que les ailes ne peuvent le recouvrir . Les antennes sont pleines de petits points, et les yeux (dont la pupille est blanche) sont noirs. La tête et la trompe (longue, mince et spiralée) sont jaunes.   

-n°2. Arctiidae [Lithosia] Eilema lurideola Zincken, 1817,  la Lithosie plombée ou Lithosie complanule, identifié par Thomson (mais pourtant décrite bleue et verte). 

 La seconde apparaît bleue et verte, elle a un corps de petite taille, les pattes et les antennes noirâtres.

-n°3. Geometridae Hemithea aestivaria Hübner, la Phalène sillonée identifié par Thomson.

 

La troisième a le thorax  et les ailes vert poireau; le corps est  gris-brun ; les ailes antérieures sont bordées de taches blanches et brunes; elle a une très petite tête, les pieds et antennes de couleur cendre.

 

Par ailleurs on trouve dans les maisons une certaine sorte de petites  Phalènes argentées, marquée de taches noires, qui volent autour des bougies, appelées Moths en anglais, qui mangent les vêtements de lin et de laine , et pondent des œufs, d'où  viennent les mites, et ces mites donnent naissance à leur tour à des Phalènes.  On dit qu'elles viennent d'abord de feuilles de rosiers et d'autres herbes en putréfaction.

J'ai observé trois autres dans les pâturages et prairies. 

1. Figure la plus basse : Zygaenidae   Identifiée par Linné S.N. page 494 à son Sphinx filipendulae, soit Zygaena filipendulae, la Zygène de la Filipendule. Zygaena filipendulae ssp. anglicola Tremewan identifiée par Thomson .

La première a les ailes extérieures noires, chacune d'entre elles  marquées de 5 taches rouge-sang, les ailes les plus intérieures sont entièrement rouges, le corps est brun, la tête, les antennes assez courtes, et les pattes,  noirâtres.

2.  Figure de droite. Zygaenidae  Thomson suggère, entre crochet, d'y voir [Zygaena trifolii (Esper, 1783), la Zygène des prés, la Zygène des Cornettes] 

la seconde est toute semblable, seulement elle n'a que quatre taches rouges sur les ailes antérieures, et a un corps plus splendide. 

 

 

 

 

 

.

 

.

Page 98. 

 

.

-3  Figure de gauche. Arctiidae  Tyria jacobaeae la Goutte de sang ou Écaille du Seneçon identifié par Linné, S.N. p. 511

La troisième est presque de la même forme, mais les antennes sont beaucoup plus longues, et les points rouges sont disposés d'une autre manière. Car on n'observe sur l'extrémité des ailes que deux gouttes de sang ; mais sur le bord qui remonte le long de l'aile  s'étendent deux longs traits. [Nam circa extremitatem alarum guttae sanguineae duae tantum apparent ; ab exortu vero maculae duae longius tractae conspiciuntur.]

Commentaire : le texte latin de Moffet avec sa mention guttae sanguineae peut être à l'origine de notre zoonyme vernaculaire de "Goutte de sang".

.

Et en voilà assez avec les papillons nocturnes ou Phalènes. Passons maintenant aux [ nom en grec ήμϛρηειγς ??]*  ou Papillons diurnes.

* sans-doute ημερήσιος, imerisios, "diurnes" en grec.

.

LES DIURNES.

 38 espèces sont représentées, mais quatre seulement sont accompagnées de leur chenille, ce qui est peu lorsque l'on sait l'importance de l'élevage des chenilles dans l'étude des papillons à l'époque. 

 

Les papillons de jour sont décrits à cette place car chacun peut  voir et admirer la fécondité [l'exubérance ?] et l' élégance  de la Nature à leur propos. Car elle n'a pas fait moins pour eux, en termes de variétés, de coloris, de robes et de parures, d'ocelles, de sphères, de clefs, d'entrelacs de quadrillage, ou de méandres, qu'elle ne l'avait fait pour les Phalenes.

 

 

 

 

.

LES 15 GRANDS PAPILLONS DIURNES.

.

-n°1. Papilio glaucus Le Papillon glauque, Tiger Swallowtail butterfly. Il s'agit d'une copie d'une aquarelle de John White, que ce dernier avait réalisé lors d'un voyage en Virginie en 1585-86. l'original figure dans le Ms 1906 0509.1.66. Mais Moffet ne signale pas cette provenance exotique, et ce manque d'information témoigne des lacunes graves de sa présentation.

"Le premier des Papillons diurnes étant le plus grand de tous, jaunâtre en majeure partie, excepté les plages et parties qui sont ici noircies à l'encre. Pourtant, les ocelles des ailes inférieures sont azur, tellement que vous pourriez penser qu'elles sont faites de pierres de saphir. Les yeux sont comme des Chrysolithes . Sa taille et sa forme sont exactement celles qui sont représentées sur la figure, ce qui ne nécessite pas d'autres commentaires."

Pourtant, le dessin original, collé sur la page 97 du manuscrit, (reproduit in J. Neri 2011, page 58) portait la mention  "Hanc e Virginiam Americanam Candidus [nom latin de White] ad me  Pictor retulit...1587", "Le peintre White me l'a rapporté de la Virginie d'Amérique". Cette note est sans-doute de la main de Thomas Penny. A la décharge de Moffet, il est possible que cette indication ait disparu lors de la publication posthume par Thomas Cotes, dans le but de supprimer toutes les légendes des gravures, de simplifier la mise en page et de réduire les coûts.

La comparaison entre la gravure sur bois, l'aquarelle de White, et le dessin du manuscrit initial de Penny et de Moffet, montre la perte drastique d'intérêt entomologique et de valeur esthétique de la publication de 1634.

.

 

 

https://www.britishmuseum.org/pdf/2-Harkness-Elizabethan%20Londons%20Naturalists.pdf

https://www.britishmuseum.org/pdf/2-Harkness-Elizabethan%20Londons%20Naturalists.pdf

 

 

 

.

 

 

.

Page 99.

-n°2.   Papilionidae  Papilio machaon. Le Machaon. Vue dorsale, vue ventrale de profil, et chenille. Identifié par Linné, S.N. p. 462.

 La seconde ne diffère que peu de la première hormis par sa taille plus grande, elle a néanmoins les yeux plus noirs et des antennes plus longues. Là où vous voyez du blanc, supposez que c'est du jaune, sauf sur les grands ocelles de l'extrémité des ailes postérieures, dont le centre doit être de couleur feu, et la périphérie de couleur rouge feuille-morte [xerampelinum = couleur de la feuille de vigne en automne]

 

 .  

-n°3. Papilionidae Iphiclides podalirius Scopoli. Le Flambé. Vue dorsale et vue ventrale de profil. Non signalé par Linné S.N. 1767, mais par Geoffroy, Insectes, page 56.

 Le troisième ne s'éloigne pas beaucoup en couleur, si ce n'est que les  prolongements ["exphyses" : ce mot latin n'est rencontré qu'ici]  et la bordure externe des ailes postérieures sont bleues, comme également trois taches en bracelet [sphinteres]  que vous voyez peints sous leur partie concave . 

[totaque ipsarum excima lacinia glastiva fit ; uti et tres illi spintheres, quos sub concava illarum parte vides depictos.]

N.B: Gastiva ; de gastum,i , Gaffiot : "Guède, pastel pour teindre en bleu"

Sphinteres, eris, n. : Gaffiot "bracelet que les femmes portaient en haut du bras gauche" 

 

 

 

-n°4. Nymphalidae Aglais io. Le Paon du Jour. Identifié par Linné S.N. p. 769 

 Celle-ci peut être considérée comme la reine de tous, car à l'extrémité des ailes, brillent comme quatre diamants sur un manteau [pala, err. pour palla] violet [couleur Hyacinthe], étonnant spectacle d'opulence, oui les diamants et béryls brisent presque les yeux (?) car ils brillent magnifiquement (comme des étoiles) et jettent autour d'eux des étincelles aux couleurs de l'arc-en-ciel. Celles-ci sont si bien connues qu'il serait superflu de décrire tout le reste du corps (bien qu'il soit peint de diverses couleurs ) .

[...ostendunt, imo fere adamanti et Hyacintho oculum  effodiunt. Lucent enim pulcherrime (ut Stellae) Scintillasque iriscolores circumfundunt : his notis ita dignoscitur, ut reliquum corpus  describere (licet variis pictum coloribus) supervacaneum esset.]

.

.

 

 

 

.

Page 100.

 .

-n°5. (deux figures)  Pieridae.  Colias croceus Geoffroy  femelle. Le Souci. Vue dorsale et ventrale de profil.

 La tête, les pattes et les antennes sont couleur rouge feuille-morte [xerampelina = couleur de feuille de vigne en automne], mais les yeux sont pourpres [hyacinthinos], le dos noir et bleu [atrocaeruleum], l'abdomen jaunâtre. Les ailes sont d'un jaune d'abord gai et vif à leur base  et ensuite  plus éteint.  Leur partie la plus externe [les ailes antérieures], qui s'obscurcit de teintes rouille et d'un brun désagréable , est embellie par trois petits points jaunes. La partie plus interne de couleur rouille est maculée d'abord de   deux taches jaunes puis de trois ronds  jaune pâle. Si vous les regardez ventralement [supinam], les ailes antérieures virent du jaune vers le vert, marquées de 6 à 8 points. Ls ailes postérieures sont d'un vert gazon, [herbidae et virentes] avec deux taches blanches. L'abdomen et la  face sont jaunâtres. Il provient d'une chrysalide blanchâtre, tachetée de petites taches de couleur foncée.

 

 

6.  (deux figures) : Vanessa atalanta. Le Vulcain. Identifié par Linné S.N. p. 478. Vue dorsale et vue ventrale de profil.

 

Les ailes supérieures sont noirâtres à l'extérieur, une bande couleur rouille pâle court en travers de leur partie médiane ; leurs extrémités brillent  avec des taches blanches comme neige et des taches comme des gouttes, et sont obscurcies tout autour avec des encoches de couleurs sombres ; à l'intérieur le bandeau apparait de couleur plus claire et plus franche, et vers le fond il semble bleu. Les ailes postérieures  apparaissent soit d'une couleur en dedans, soit d'une autre en dehors, mais elles sont partout brunes, à l'exception , sur le bord épineux, d'une très petite bande noire rougeâtre rouge ;  marquée par quatre petits points,  et  deux plages réunies de couleur opale ; dedans, ils ne font rien voir de semblable, mais une broderie  noir et pourpre qui s'achève en couleur rouge pâle [xerampelinum tristius]  .  Le corps est noir, et les yeux, les antennes, les pattes, sont d'une même couleur brune .

Extremitates ipsarum panno, guttis que niveis micant, obscursis per amitum crenulis asperatae ; intus antem limbus ille putiorem atque saturiorem exprimit colorem, et juxta radicem caerulea videntur. 

 

 

 

7. Nymphalidae.  Aglais urticae (Linnaeus), 1758, La petite Tortue.

Tout son corps est noir comme la poix [picea], bien qu'il ait deux taches très blanches entre chaque segment. Les ailes rougeâtres sur fond jaune sont ornées de taches noires et blanches.  Mais la générosité de Dame Nature a principalement embelli les bordures des ailes, qui ont de petites dents à égale distance l'une de l'ensemble comme les dents de scie, et dans la frange desquelles vingt poinçons bleus traversés de noirs lui rendent gloire.

 

[Verum munifica rerum parens natura extremam alarum oram potissimum decoravit, quae nonnullis denticellis serratim aequo intervallo distantibus donatur, in quarum fimbria viginti clavi caerulei filo nigro transfixi mirificum edunt splendorem]

 

.

.

page 101.

N.B : Attention, à partir de maintenant, les illustrations seront décalées et retardées d'un rang par rapport au texte. 

-n°8 : Nymphalidae. Vanessa cardui Linnaeus, 1758. La Belle-Dame. Vue dorsale. Identifié par Thomson.

La  Nature l'a mis au monde avec un vêtement d'ondulations de  couleurs variées, mais vives ;  ce sont pour les ailes  le noir, le rouge, le jaune traversées de brun, mais  elles nous paraissent encore plus belles par leur douceur laineuse. 

Veste undulatam et mixtam peperit natura ; sed vegetis coloribus destitutam : constant enim alae ex minio, nigro, flavo et fusco fatiscente, magisque vellere mollica quam ornatu splendida videtur.

 

-n° 9.Nymphalidae Vanessa cardui. La Belle-Dame. Identifié par Linné S.N. p. 475. Vue ventrale.

Il est principalement de couleur gris-cendre, mais si vous examinez la partie interne des ailes postérieures rien n'y ressemble plus que les ailes d'un Dindon. [Indici galli, Turkey-cock] :  car les plumes  avec lesquelles il vole sont recouvertes d'autres plumes squameuses ??? [Nam pennas remiges, aliae quasi vestitrices et squameae tegunt ;]. L'œil est noir corbeau, de même que les antennes, qui rivalisent de gonflements et d'enflures.

 

-n°10. Nymphalidae. (deux figures). Argynnis aglaja. Le Grand Nacré. Identifié par Linné S.N. page 481.

 Le corps est noir comme la poix, les "épaules" revêtues d'une laine jaune (comme d'ailleurs toute la tête) : les antennes sont également jaunes jusqu'à  la tête qui se présente assombrie par des taches d'un rouge sombre. De nombreuses perles ovales sont disposées à égale distance, sur la frange arrondie des ailes antérieures pour les embellir, mais elles sont encrassées par des taches noires qui imitent des lentes. Mais comme l'extérieur est moins beau, la partie la plus interieure des ailes brille de taches blanc-vert, resplendissant comme des gouttes argentées, et ce qui ressemble à des perles à l'extérieur apparaît comme du pur argent à l'intérieur. 

 

...Externam minium alarum fimbriam circinatam, plurimae ovales margaritae aequis distinctae intervallis, gratiorem reddunt ; intus vero maculis integerrimis, lentis effigiem imitandibus faedantur. Verum sicut foris minus speciosa, ita interior internarum alarum pars, albo virore nitens, guttulis vero argenteis superinductis resplendet : et quae extra vales margaritae videbantur, intus argentum purum putum non mentiuntur.

-n°11. (deux figures).  Nymphalidae .  Aglais urticae. La Petite Tortue. Identifié par Linné S.N. p. 477. imago et chrysalide.

Il déploie une succession de belles perles bleues ; ses ailes supérieures sont embrasées par un jaune feu, et marquées par six points noirs ; la racine des ailes postéérieures est noire, puis elles brillent d'un jaune orange de feu. Le corps est couvert de poils duveteux sombres, et les pattes et les antennes sont noir comme les corbeaux. 

Speciosam radiantum in caerulo margaritu institam ostentat, alae superiores ex flammeo flavescentes ignem referunt, sex nigerimis pannis infecte : internarum radix anthracina, deinde flavo in igneus coruscant : corpus fuscis capillamentis hirsutum, quem colorem cornicula cum pedibus imitantur.

-n°12. Illustration page 102.  Nymphalidae. Thomson écrit que les seuls papillons qui ont une telle bordure de points marginaux bleus sont soit la petite Tortue Aglais urticae, soit le Robert-le-Diable Polygonia c-album

Il est d'une beauté exceptionnelle, ses ailes sont teintées d'un clair  rouge sang avec des taches noires,  avec des radicelles brillantes et dorées portées comme des fils dispersées des lobes jusqu'à la périphérie. Celles-ci sont vraiment découpées en dents de scie couleur feuille-morte [xerampelina] , ornées à l'intérieur de lignes en croissant de lune dorés. Le corps est pourpre virant au noir, les yeux apparaissent dorés, les pattes et les antennes sont noirâtres. 

 Eximiae est pulchritudinis, alae leviter cruentae et maculis nigris tinctae, radiolis micant auratis filatim ad laciniae usque ambitum dispersis. Haec vero xerampelina serratim desinens, intus aureis lineis lunatim ductis ornatur. Corpus ex nigro purpurascit, oculi aurei videntur, pedes et cornicula nigricant.

 

.

.

page 102.

.

Rappel : la première illustration concerne le spécimen n°12 de la page 101.

 

-n°13. Nymphalidae  Pararge aegeria (Linnaeus, 1758). Le Tircis. Identifié par Thomson.

 Le corps et les ailes apparaissent noires, mais ces ailes noires, dentelées [empennelées] à leur périphérie,  sont peintes de motifs dorés d'abord effilés, puis en plages et enfin en points à centre noir. Les petits yeux sont noirs comme de la poix sur une tête enduite d'or. Mais les antennes qui se dressent avec des points noirs et blancs se terminent par un bouton noir. 

-n ° 14. Nymphalidae. Lasiommata megera Linnaeus, 1767, la Mégère / le Satyre. Identifié par Thomson.

Son aspect réserve beaucoup de satisfaction au curieux ; son corps est velu et noir et blanc, l' oeil est noir et sa pupille blanche. Autour de l'œil se voit un cercle glabre blanc comme la neige,  les antennes sont de même couleur que le précédent, la majeure partie des ailes supérieures se distingue  par sa couleur flamboyante, et les  lignes dorées qui s'y dessinent , avec quatre indentation de franges imprégnées de noir  ;  près de l'extrémité trois pièces triangulaires argentées l'ornent. Mais la face interne est également très belle, embellie d'écailles  et de rivets dorés, imbriqués comme de pièces de cuirasse . Les ailes antérieures sont surtout dorées décorées d' une ligne. Elles ne s'éloignent en rien des ailes du paon, et son corps en est tout autant élégant et somptueux. Mais ses pattes  et ses jambes sont noirs, (pour ne pas encouurager son orgueil). Le museau est enroulé en spirale comme un labyrinthe.

 

 

-n ° 15.  Nymphalidae  Pararge aegeria (Linnaeus, 1758). Le Tircis. Vue ventrale de profil. Identifié par Thomson.

Cela a également un bec poilu couronné comme un Tendrel de la vigne; vers l'intérieur, il est couleur de cendre, et à l'extérieur d'un gris pâle, les ailes sont de Barbarie, déchiqueté comme les chauves-souris ailes, une partie dun ces lignes font vers l'extérieur, vers l'intérieur, six étalons noirs ne beaucoup les exposer.This hath also a hairy beak wreathed up like a vine tendrel; it is inwardly ash-coloured, and outwardly a faint gray, the wings are prickly, jagged like bats wings, some dun lines do outwardly part these, inwardly six black studs do much set them forth.

 

 

-n ° 16. Deux figures en bas de page. Arctiidae Panaxia dominula Linnaeus, l'Écaille marbrée, Écaille rouge. Identifié par Thomson ( qui écrit "diminula").

Les ailes extérieures sont d'un vert sombre dans la vue de tous, dont certaines pièces de taches blanches et jaunes et font beautifie; l'intérieur sont parfaitement rouge, étant parsemé de dix plupart des taches noires: le ventre brille avec huit échelles jaunes; l'arrière est inclinée rouge au jaune, et le bout de la queue est un bleu clair. Les épaules sont tirés vers le bas rugueuses Lune félicité par une jaune, une pomme d'argent blanc rouge couleur rend les yeux plus forte. The outward wings of all are a dark green in sight, which some spots and pieces of white and yellow do beautifie; the inward are perfectly red, being sprinkled with ten most black spots: the belly shines with eight yellow scales; the back is red inclining to yellow, and the tip of the tail is a light blue. The rough shoulders are commended by a yellow Moon drawn downwards, a white silver coloured apple makes the red eyes more sharp.

 

 

 

.

.

Page 103.

LES 13 PAPILLONS DIURNES MOYENS.

.

-n°1. Trois figures. Pieridae  Gonepteryx rhamni Le Citron. Identifié par Linné S.N. p. 765 (avec des références érronées). Vues dorsale et ventrale, et chrysalide.

  Les yeux apparaissent jaunâtre, les antennes brun passé, les ailes et tout le reste du corps sont d'un jaune pâle; les ailes postérieures sont marquées à l'extérieur [face dorsale] d'un seul rond complètement jaune, mais à l'intérieur [face ventrale] , elles portent  un  caducée [un double rond] vert allant jusqu'au brun tacheté ; le dos est noirâtre et bleuté, le ventre est jaunâtre, Elle procède d'une chenille couleur d'or. 

...Interiores alae extra unam tantum maculam saturiore luteam notantur : intus autem caducea herbidae fusca quadam variolam inficiuntur, dorsum est caeruleao nigricat, venter subflavet. Ex chrysalide oritur auro illita.

-n°2. (figuré tête en bas).  Nymphalidae.   Polygonia c-album Robert-le-Diable Identifié par Linné S.N. p. 477  Le texte le décrit comme une  personne en deuil . George Thomson l'identifie comme un Paon du Jour Aglais io, et ajoute "De la description qu'en donne Moufet, il ressort clairement qu'il le décrit d'après l'illustration et non d'après nature".

Le second n'est pas d'une couleur aussi agréable, les ailes postérieures d'un gris triste s'ouvrent sur un bleu pâle, et finissent vers le  gris-plomb ;  les ailes extérieures sont plus noires, ponctuées  ici et là par  des taches sombres, et le corps apparaît être le même. Ses ailes supérieures sont  indentées et crénelées , et comme un peu herrissées d'épines sur les bords ,et comme rogné, il se présente dans ce triste habit de deuil. ??  [Serratis alis summaque crenatis et veluti aculeatis horridiuscula volitat, et quasi suae gentis praesica, nunquam nisi funerali habitu tristius incedit.]

 

-n°3. Nymphalidae. Aglais urticae (Linnaeus, 1758) la petite Tortue. Vue ventrale de profil tête en bas.  Identifié par Thomson.

 Nous avons peint celui-ci avec les ailes droites, dressées comme s'il voulait s'élever ;  il a aussi des édentations épineuses, mais les ailes antérieures jaune pâle sont marquées par des taches noires, par contre les ailes postérieures sont noir foncé à leur racine, plus pâle au milieu, et les extrémités sont  quadrillées d'un réseau de lignes blanchâtres ; le corps apparaît sombre, l'œil est noir comme de la poix, les antennes sont noires.

 

 

-n°4. Deux figures.  Nymphalidae Maniola jurtina Linnaeus, 1758, le Myrtil. Mâle vue  ventrale et dorsale. Identifié par Thomson.

 Celui-ci est figuré de deux façons : car quand il ouvre la balance de ses ailes, il montre son corps noir, et quatre ailes peignées de sillons noirs et se terminant dans une brillante couleur rouille ; mais quand il est posé sur des fleurs et élève les ailes, la première aile est jaunâtre, ornée d'une tache  ronde comme un bouclier, dont le milieu est  pâle, la bosse centrale noir, et le cercle exttérieur citrin ; le ventre et le thorax sont blancs, mais pas entièrement ; les antennes divérgentes sont  jaune et noirâtres. [...fuscas quatuor alas nigricante peniculo veluti liratas et in rubiginosum fulgentem desinentes eidem affixas. Quum autem floribus infidens alas attollit, prima ala luteola eleganti clypeo ornata conspicitur, cujus centrum pallidum, umbo piceus, circulus exterior citrinus. Venter atque thorax, nec non totus vultus, albicant, ; antennae nigricantes in flavum divergunt.]

 

 

-n°5. Pieridae.   Pieris rapae. La Piéride de la Rave,  identifiée par Linné  S.N p. 759 qui se réfère à la page 971 fig. 9-10 ...de l'édition en anglais. Geoffroy page 69 reprend cette identification sous le nom de Petit papillon blanc du Chou. Thomson donne aussi cette identification.  Ou bien Aporia crataegi Le Gazé. Identifié par Linné S.N. p. 758  qui renvoie à la page 103 sans en indiquer la figure.

 Il est identique vu de l'intérieur ou de l'extérieur. Les ailes et la tête apparaissent pâles ; le corps est bleuâtre (livide), comme les antennes . Les yeux sont d'un rouge feu, et le thorax est couvert de poils laineux et pâles  [scapula pallenti quadam lanugine hispidae].

 

-n°6. Nymphalidae. La description  correspondrait à la première figure de la page 104, figure qui est celle de   Polygonia c-album (Linnaeus, 1758) Le Robert-le-Diable. 

"Quand il étend ses ailes devant vous, il apparaît une splendide couleur de sable, avec des points noirs comme ceux d'un dragon (anglais "comme de l'herbe de dragon"). Si vous voyez son corps noir, c'est un noir aquilain (fauve) , le ventre étant plus sombre. Les yeux sont noirs, éclaircis par une pupille blanche ou blanchâtre. Les antennes sont noires comme un corbeau. Les ailes sont d'un brun désagréable, ou couleur belette délavée."

.

 

 

 

 

.

page 104.

-n°7. Nymphalidae. Pour Thomson, il s'agit probablement  d'une espèce du genre Argynnis.

Des ailes dentelées  imitant la pyrite, des veines aux reflets cuivrés, et des bordures parsemées de taches noires;  tout le corps d'un noir brillant , suaf les antennes ponctuées de blanc ;  et des yeux dorés scintillent sur le front noir comme la poix.

...aereis micantes venulis, et fimbria maculisque nigris conspersae : corpus totum  nigro colore splendescente, nisi quod antennas punctuli albi intersecant, et in picea fronte aureoli quodam modo oculi scintillant.

-n°8. Nymphalidae Euphydrias aurinea Rottemburg, le Damier de la Succise identifié par Thomson.

Ceci a le même genre de corps, mais les antennes sont rougeâtres sur fond jaune, les ailes apparaissent changeantes, marqués avec divers plis, des crêtes, des bords, des franges, de nombreuses couleurs : toutes ces couleurs sont atténuées et ternes à l'œil, elles manquent toutes d'éclat et de splendeur, et ne sont agréables que dans leur mélange, leurs places, et leur nombre; dans certains endroits, elle présente une flamme fumeuse, ailleurs une  couleur sombre désagréable, et un rouge pâle; et les  rubis inclus dans la dernière bordure dans les demi cercles blancs n'ont rien de très animé. ??

(...É vacui spendore [sic, pour splendore] omni et tono, solasque mixtione, positione et numero amaeni ; alicubi flammam fuliginosam, alibi ingratum fuscum, languentem rubidum praesese ferunt , rubinique ultima fimbria albis semicirculis inclusi, nihil vividi spirant.)

-n°9. Deux figures.  Nymphalidae.  Lasiommata megeraLa Mégère, le Satyre. Identifié comme Papilio maera par Linné dans le S.N. 1758 page 473 et dans le S.N. 1767. Identifiée par Geoffroy Ins. page 50 comme son Satyre. Vue dorsale et vue ventrale de profil.

Les ailes antérieures sont ponctuées ou même saturées  de taches sales jaunâtres et la dernière partie est ornée d'un écu noir ( décoré au milieu par un point  ivoire) ; les ailes postérieures portent de la même façon quatre écus, mais enrichis d'un centre jaunâtre ; les deux du milieu sont de bonne taille, les deux plus extérieures sont très petites.  Le corps est brun clair, les yeux proéminents noirâtres. Si vous regardez maintenant la partie interne des ailes postérieures, vous la trouvez gris fuligineux, et six lames d'or très belles et élégantes y sont posées. (et é sex pulcherrimis brachtéolis affabrem collocatis elegantiam habent).

-n°10.Arctiidae. Spilosoma lubricipeda Linnaeus l'Écaille tigrée.

 La tête est d'un blanc immaculé, mais des points noirs et bruns ornent la blancheur laiteuse des ailes ; le dos et les cotés sont rouges sur fond jaune, et 9 à 10 points noirs les décorent sous des sillons .

-n°11. Sphingidae. Macroglossum stellatarum le Sphinx-colibri ou Moro-sphinx

 En proportion, et presque dans la couleur et la forme du corps, il représente un oiseau de proie. Il a des ailes plus étroites que les autres papillons, la queue plus large et comme plus riche en plumes, les ailes postérieures ne sont pas de couleur aquilain (fauve ou brune) comme le reste du corps, mais   rougeâtre et presque feu sur un fond jaune  rouge du jaune. Elle a un museau plus crochu que celui d'un aigle [nasusilli aquilarium more adunctus] l'abdomen comme blanchi (chenu), les antennes grandes et fortes, ,le  un chenue du ventre, les cornes sont grande et forte, de la même couleur que les ailes supérieures; les yeux sont assez proéminents, noirs, avec une pupille blanche comme la neige. 

 

.

.

page 105.

Papillons diurnes moyens (suite) :

- deux figures du spécimen n°11 page 104. 

 

-n°12 . Sphingidae : Macroglossum stellatarum  Linnaeus, le Moro-Sphinx ? Geoffroy 1762 page 83 avec une référence erronée. Vue ventrale, tête en bas.

 Celui-ci a la même forme, et ne diffère que par sa couleur. Le corps est gris cendré, la queue est noire, et le dos a des nuances argentées. Les ailes sont plus longues et brunes, marquées par des petites tavelures noires. Les ailes intérieures [?] apparaissent jaunâtres sombres. Ces deux papillons sont d'une rapidité admirable, et on est en droit de comparer leur vol à celui de l'aigle.   

-n°13 : Sphingidae Hemaris fuciformis Linnaeus, le Sphinx fuciforme ou Sphinx gazé.

C'est le plus rapide de tous, et il a les épaules qui paraissent de couleur jaune moussu. Les ailes sont  comme du lait, et leurs extrémités sont marquées par cinq ou six plumes sombres ; le milieu du dos jaunâtre est orné d'un point noir. Des deux cotés saillent des protubérances duveteuses , la croupe est environnée d'un certain duvet noir. Son vol soutient la comparaison avec celui des hirondelles, et il est en effet plus rapide que n'importe quel oiseau.

.

LES 10 PETITS PAPILLONS DIURNES.

.

Nous examinons maintenant huit espèces plus petites.  

-n°1. Arctiidae Tyria jacobaeaea (Linnaeus, 1758), la Goutte de sang. Identifié par Thomson.

 

Les  ailes premières  intérieures vivement brillantes, sont d'une  couleur écarlate et d'un rouge délicat , mais les ailes extérieures affichent un pourpre lumineux, mêlé de noir et rouge, et avec quelques taches blanches comme neige qui y sont répandues ; le reste du corps est noir, tout comme les antennes en grappe .

n ° 2. Lycaenidae. Selon Thomson, cela pourrait être soit Polyommatus icarus Rottemburg, l'Azuré Bleu ou Azuré de la Bugrane, ou Celastrina argiolus Linnaeus, l'Azuré des Nerpruns. Vue ventrale de profil.

 Les ailes  sont  de couleur argent à leur base, puis elles se terminent de couleur bleu violacées, les ailes supérieures sont ornées de deux clefs blanche et noir. Le corps est rempli de points sombres. Il a six pattes purpurines, trois tendues vers l'avant de chaque côté; il a une trompe en spirale; quatre petites antennes jaillissent hors de la tête, en plus des deux longues.

n ° 3. Deux figures. Lycaenidae. Selon Thomson, c'est probablement Cupido minimus (Füssli, 1775), l'Argus frêle. Vue ventrale et dorsale.

 Si vous pouviez voir ce papillon voler, vous diriez que les ailes sont d'un violet pâle passant à un bleu vif, et plissées de diverses façons (?); mais intérieurement nous voyons des ocelles, qui apparaissent gris et rouille. La tête resplendit d'un vert bleu, le corps porte des ornementations en lacis noir et blanc, et les yeux sont très noirs avec une pupille très blanche.

-n°4. Lycaenidae Polyommatus icarus Linnaeus, L'Azuré de la Bugrane ou Argus Bleu. Vue ventrale de profil. Identifié par Thomson. Identifié comme Papilio argus par Linné S.N. p. 483 ? 

Il se présente dans un joyeux habit, avec ses ocelles sur ses ailes qui sont d'un bleu céleste incomparable. Dédale le plus parfait ingénieur de toutes les choses de la nature  fit lui-même ses yeux, dont vous diriez que les yeux d'Argus n'ont pas été confiés à la queue du Paon, mais aux ailes de ce papillon. Il en  joue avec les rayons du Soleil avec pas moins de fierté que ne le fait l'oiseau de Junon, et (par les célestes couleurs dont il excelle), il est presque en mesure de lui faire honte. N.B. La traduction anglaise, que j'ai suivi, s'éloigne du texte latin, lequel fait mention d'Argus panotes (cet épithète en caractères grecs), fils d'Arestor (nommé Arctoris par Mouffet) et se rapporte à la Mythologie  : Argus panoptes, c'est à dire "qui voit tout" possède des yeux sur tout le corps, devant et derrière la tête, etc. Il est chargé par Junon de surveiller Io, maîtresse de Zeus/Jupiter, qu'elle a transformé en génisse. Jupiter envoie alors Mercure qui réussit à tuer Argus. Junon récupère les cent yeux d'Argus et en orne son oiseau de compagnie, d'où l'origine des ocelles de la queue des paons. Ce texte de Moffet est la première mention de ce qui deviendra le zoonyme Argus, actuellement réservé à Plebejus argus.

 

 

 

.

.

page 106.

 

.

5. Trois figures. Pieridae Anthocharis cardamines Linnaeus, l'Aurore de la Cardamine. Vue ventrale d'une femelle. Vue dorsale et ventrale d'un mâle.   identifié par Linné S.N. 761 dans les figures .2, 3 et 4. 

 

Le corps est couleur de Grue [gruinum "de grue", traduit en anglais par Crane, même sens serait une espèce de gris], les ailes supérieures sont vert et blanc à la racine, gris-jaune au milieu ; les ailes inférieures sont à la racine d'un vert sombre, et blanches ailleurs, mais à l'intérieur elles sont  parsemées de taches d'un vert sale.  Les yeux sont noirs, comme le sont les têtes de leurs antennes.

 

-n°  6. Zygaenidae. Zygaena filipendulae ssp. angicola Tremewan. Identifié par Thomson. 

Ses épaules voûtées et arrondies, qui ressemblent à un mélange de cendre et d'encre. sont de couleur cendrée mélangée de noir. Le corps, plein de cannelures, est cendré. Sur ses ailes étroites  couleur de grue [gruini] brillent, en périphérie,  quelques  gouttes  rouge sang d'une incandescence intense.  Les pattes, la petite tête et les antennes sont de la même couleur que le corps.  

 

-n ° 7. Zygaenidae. Zygaena filipendulae ssp. angicola Tremewan. Identifié par Thomson, qui signale que le manuscrit original contient aussi une seconde illustration de ce papillon émergeant de sa chrysalide.

Vous diriez qu'il est né de la [Siliquastro : Passerage (Herbe au poivre) ou Arbre de Judée ? Ginny Pepper dans la traduction anglaise], et mis à part que son corps est moins mou et et plus noir, et l'aspect argenté des ailes supérieures, il ne diffère guère de celui.

 

n ° 8. Geometridae Opisthograptis luteolata Linnaeus, la Citronelle rouillée,  identifiée par Thomson. Cinq formes : imago, chrysalide, chenille  précoce, chenille tardive, œuf.

 Tous les ailes sont de couleur d'un doux jaune, ou plus (souvent) d'un blanc jaunâtre affaibli, parsemé de quelques taches brunes,  et d'autres qui sont d'une couleur vieille rouille infecté de noir,   sinon le reste est tout jaune.

 

-n°9. Geometridae Camptogramma bilineata Linnaeus, la Brocatelle d'or.

  Toutes ses ailes sont peintes en brun sur fond blanc comme les coquillages marins, les extrémités sont arrondies, et sur le milieu blanc quelques lignes crénelées courent en guise d'ornement.

 

-n ° 10. Nymphalidae. Euphydryas aurinea Linnaeus, le Damier de la Succise. Une vue ventrale de profil.

 

 Celui-ci a  aussi des ailes au décor de coquillage ponctué de clous  ;  il s'y mêle des rouges blanchâtres ou noirâtres, et il témoigne par la diversité de ses couleurs de la puissance inénarrable de Dieu.

 

 

.

.

 

Page 107. De usu papilionibus.

De l'utilisation des papillons.

 

He that beholds the forms, clothing, elegancy, and rich habits of the Butterflies, how can he choose but admire the bountisul God, who is the Author and giver of so rich treasure? wherefore art thou proud in decking thy self, and takest so much delight in thy own beauty? possess thy temporary fading goods without envie, for know that there is no Butterfly but is as beautiful and pleasing, and for the length of their life they have a more constan• comeliness than thou hast: thou hast it may be an incredible agility of body, and numbleness in running, but yet O man if thou shouldest exceed all men, thou canst not equall a Butterfly. But you will reply that your cloathing is incomparable, and that you can boast of the Persianand Tyrian silk, of the best purple dyes, brought unto you by shipping: truly should you but see the rich robes of any Butter-fly, besides their purple dyes, and the rowes of pearls, and the borders set with diamonds, rubies, the pyropus, opals, emrods; if you did but see and consider seriously the elaborate composition of their futures and joynts and the imbroidered work here and there, of fine divers coloured twine silk set with studs and eyes of gold and silver, thou wouldst let fall thy painted tail like the Peacock, and casting thy eyes down to the ground from whence thou wert made, thou wouldst learn to be more wise. It may be thou wert born at first in a house of clay and mud walls, or else in a pa∣lace built of polished stones; but some Butterflies are born in their houses that are the Aureliae like to pure gold, and exceed Attalus for the excellency of their birth, and delicacy of their ap∣parel. Learn therefore O mortal Man, who ever thou art, that God that is best and greatest of all, made the butterfly to pull down thy pride, and by the shorrness of their life (which is of no great continuance) be thou mindful of thy own failing condition. We•t thou as strong as Milo or Hercules, and wert fenced or guarded about with an host of Giants for force and valour; remember that such an Army was put to the worst by an army of Butterflies flying in Troops in the air, in the year 1104. and they hid the light of the Sun like a cloud. Licosthenes relates, that on the third day of August, 1543. that no hea•b was left by reason of their multitudes, and they had cevoured all the sweet dew and natural moisture, and they had burn'd up the very grasle that was consumed with their dry dung. Also in the year 1553. as Sleidanus reports, a little before the death of Mauritius Page  975the Duke of Saxony, an infinite Army of Butterflies flew through great part of Germany, and did infect the grasse, herbs, trees, houses and garments of men with bloudy drops, as though it had rai∣ned bloud. But it may be thou art in love with some female beauty, and desirest to please her; O fool, remember the fate of the Phalena Butterfly, which being invited by the light of the can∣dle, as by a fair beauty, is consumed by the flame it fell in love withall: and rejoycing like the Pyrausta bred in the fire, removing but a little from it is presently dead. And thou great Astro∣loger, who makest Aries to be the forerunner of the Spring, rather adore the Butterfly that is a certain messenger of the Spring, and a more sure prophet than your horned Ram. Would you al∣lure fish to your hook, and catch them? hear what gallant baits are made, as we finde it in the Tarentine Geopon. Take 1 ounce of the venomous dung of Butterflies, Anniseed, Goats-milk cheese, Hogs bloud, Galbanum, of each half an ounce, Opopanax 2 drams, beat them all diligently, and powring on good sharp Wine, make Troches, dry them in the Sun and keep them for your use. Castrels, and almost all birds of prey are freed from consumptions by feeding on Butterflies, and grow very fat thereby.Nicolaus in a composition of some powder, makes mention of burnt Butterflies; by which words Turnebus understands Butterflies that fly to the candles: they cause urine exceedingly, as almost all Insects do, but with less danger: moreover, since they feed on dew alone, as do snails, and abhor to meddle with sharp corroding or stinking things, or such as have any venomous or malignant quality in them; truly the Colledge of Physicians are too wayward that dare prescribe a Spanish fly inwardly, yet never made an essay to know what force there is in Butterflies. Plinius saith wisely; Maxima pars eorum quae scimus, minima est eorum quae ignoramus,  That our greatest knowledge is very small compared to that we are ignorant of: for some sall creatures upon the earth are despised, whose force, if we did know it, we should praise to the skies. You therefore sons of Aesculapius, search out the vertues of But∣terflies to be used inwardly and outwardly, for the health of the body; for had Butterflies been useless, surely God would never have set them forth, bestowing so great liberality upon them. But since they are not only for a remedy for us, but may do us much hurt, being inwardly taken in too great a quantity, as being poyson; I shall shew how that may be prevented, and driven off, if Ardoynus deceive me not. Phalenae or night Butterflies, such as fly at candles at night, it may be were accounted of ancient time amongst dangerous medicaments, for the same reason that Toads, Bats, Owls, Howlets and Gnats were; for they held that all living creatures that labour in the day were safe to be used; but night-workers most unhappy and accursed. Pliny commends a Goats liver to drive them away, yet he shews not the means to use it. But if night Mothes go into a Bee-hive and trouble Bees in the night, bury dung mingled with the marrow of an Oxe, and by the smell thereof these unquiet disturbers will presently fall down.

 Columella. Palladius, in April, (for then they commonly do most hurt) places a brass vessel between  the hives, that is high and narrow, and puts a lighted candle in the bottom of it, and they will come in there for love of the light, and there they are half burnt, or choaked by the smoak in the narrow vessel. Bitter vetches are held amongst edible herbs, to prevail most against Butterflies; others drive them away with smoak of  ith and Hemlock, as Rhasis: others hang a horse tail pulled off, upon the door, and they wittily believe that Moths are kept away thereby. Thus much I had to say of the divers use of Butterflies; who though some despise them, yet are they of great use and admirable.

 

 

.

 

.

n ° 9. Il Est decrit PAR SES ailes "peintre de gris et de blanc Comme les Coquillages marins" (ACDE Peut évoquer les Nacre?), Aux bords arrondis.

 

-n ° 10

 Ceci a des ailes comme Shels Perwinkle, fixés avec des clous, il se mêle la couleur d'un rouge blanc et noir, et le pouvoir indicible de Dieu DOTH énoncés à nous dans la diversité de ses couleurs.

 

 

 

-n°7

 

 

 

.

REPRISE PAR LES AUTEURS SUIVANTS.

En 1657, Jan Jonston reprend toutes les figures et les descriptions de Moffet et les réunit à celles d'Aldrovandi (1602) dans son De Insectis .

De Papilionibus, Tableau V Livre I page 46

http://www.biodiversitylibrary.org/item/150732#page/59/mode/1up

 

 

 

.

 

.

 

 

.

SOURCES ET LIENS.

MOFFET (Thomas), 1634, Insectorum sive Minimorum Animalium Theatrum. London: Thomas Cotes pour Benjamin Allen, 1634. 

http://biodiversitylibrary.org/item/123182#page/11/mode/1up

MOFFET,(Thomas), 1657 The Theater of Insects, in   The history of four-footed beasts and serpents describing at large their true and lively figure, their several names, conditions, kinds, virtues ... countries of their breed, their love and hatred to mankind, and the wonderful work by Edward Topsell ; whereunto is now added, The theater of insects, or, Lesser living creatures ... by T. Muffet 

https://archive.org/stream/historyoffourfoo00tops#page/958/mode/2up

Texte en ligne : http://quod.lib.umich.edu/e/eebo/A42668.0001.001/1:16.2?rgn=div2;view=fulltext

CRAWFORTH (Hannah), DUSTAGHEER (Sarah), YOUNG (Jennifer), 2015, -Experimentation in Shakespeare's London  : The Tempest (1610-1611) and Lime Street , in  Shakespeare in London, Bloomsbury Publishing, pages 193-219 Google books

Lime Street et la République des Lettres.  King's College of Londonhttp://map.shakespeare.kcl.ac.uk/blogs/map-articles/lime-street-and-the-republic-of-letters/

DATSON, Lorraine, “The Ideal and Reality of the Republic of Letters in the Enlightenment” Science in Context 4, 2 (1991).

DATSON  Lorraine, Katherine Park and Roy Porter (eds), The Cambridge History of Science, vol. 3, ‘Early Modern Science’ (Cambridge: Cambridge University Press, 2006).

 

— HARKNESS (Deborah), s.d,  -Elizabethan London's Naturalist and the world of John White. European Visions : American Voices

https://www.britishmuseum.org/pdf/2-Harkness-Elizabethan%20Londons%20Naturalists.pdf

— HARKNESS (Deborah), 2007, The Jewel House : Elisabethan London and the Scientific Revolution, London Yale University Press, 384 pages

https://books.google.fr/books?id=y5nkqCbxtjEC&dq=%22lime+street%22+thomas+penny&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— JONSTONUS (Joannes), 1650-1653, Historiae naturalis de quadrupetibus libri : cum aeneis figuris; [Historiae naturalis de serpentibus libri II ; Historiae naturalis de insectis libri III ; Historiae naturalis de exanguibus aquaticis libri IV ; Historiae naturalis de piscibus et cetis libri V ; Historiae naturalis de avibus libri VI] Francofurti ad Moenum :Impensis haeredum Math: Meriani, MDCL-MDCLIII

http://www.biodiversitylibrary.org/item/150732#page/58/mode/1up

Voir aussi Edition de 1657 Schipper, Amstelodami 

— LINNÉ (Carl) 1758 Systema naturae Dixième édition :

http://www.biodiversitylibrary.org/page/727383#page/513/mode/1up

— LINNÉ (Carl) 1767 Systema naturae Douxième édition

http://www.biodiversitylibrary.org/page/25848844#page/256/mode/1up

MERRET (Christopher)  Pinax rerum naturalium Britannicarum: continens vegetabilia, animalia, et ...

 https://books.google.fr/books?id=p0SjZ7N6TA0C&pg=PA204&lpg=PA204&dq=mespilaria&source=bl&ots=WJUpp82tGk&sig=RNghiCbs9ARE5peFdfOieWNZkvA&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi3tL3X9qfKAhVGCBoKHTg7ClQQ6AEIMjAD#v=onepage&q=mespilaria&f=false

— NERI (Janice), 2011, The Insect and the Image : Vizualizing Nature in Early Modern Europe, 1500-1700. University of Minnesota Press, 233 pages.

RAVEN (Charles)  El. English Naturalists from Neckham to Ray: A Study of the Making of the Modern World. (Cambridge: Cambridge University Press, 1947).

— SALMON, (Michael. A.), MARREN, (Peter) , HARLEY, (Basil), 2000, The Aurelian legacy: British butterflies and their collectors. Harley Books, Great Horkesley. 2000. p 432   

 

— THOMSON (Georg), 2000, Insectorum sive minimorum animalium theatrum = the butterflies and moths : olim ab Edoardo Wottono, Conrado Gesnero, Thomaque Pennio inchoatum tandem Tho. Moufeti Londinatis opera sumptibusq' ; maximis concinnatum, auctum, perfectum …Editeur Lochmaben, Scotland : George Thomson, 2000. 65 p. [dont pp. 87-108 du texte originel] : ill. ; 30 cm Notes : Facsimile de l'extrait "De Papilionibus" de l'éd. de 1634 de "Insectorum sive minimorum animalium theatrum" de Thomas Moffet (Moufet), E. Wotton, K. Gesner et T. Penny avec commentaires, biographies, notes et bibliographie de George Thomson. - Tirage limité de 500 exemplaires numérotés. - Texte en anglais avec texte du facsimile en latin Annexes :  Bibliogr. (p. 40-41). Deuxième édition révisée et augmentée en 2012 avec le chapitre De Eruca.

 

 

WEBSTER (Charles) 1979,  Health, Medicine and Mortality in the Sixteenth Century C.U.P archive, 394 pages. Frontispice de 1590 reproduit Planche 7 page 170. Voir aussi page 328

https://books.google.fr/books?id=g588AAAAIAAJ&dq=Health,+Medicine+and+Mortality+in+the+Sixteenth+Century&lr=&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— WILKINSON (Ronan S.) 1966. English entomological methods in the seventeenth and eighteenth centuries. Part I: to 1720. Entomol. Rec. 78:143-151.

— WILKINSON (Ronan.S.) . 1969. The oldest extant specimens of North American Lepidpptera, Mich. Entomol. 2:46-47.  

WILKINSON (Ronan.S.) . John White's drawings of Papilio glaucus L (Lepidoptera: Papilionidae): new light on the 'first American butterfly and the problem of glaucus versus antilochus L. Part I: White to Moffet, THE GREAT LAKES ENTOMOLOGIST Published by the Michigan Entomological Society Volume 6 1973 No. 1  http://www.michentsoc.org/gle-pdfs/vol6no1.pdf

Autres liens :

https://books.google.fr/books?id=g588AAAAIAAJ&pg=PA170&lpg=PA170&dq=British+Library+Sloane+Ms+4014+%22title+page%22+%22william+Rogers%22&source=bl&ots=R9btdWcVhu&sig=Ob4qcU78-6dCXuF4qPlqw9QPzhQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjl2OyJpaHKAhVLVhQKHdowDZEQ6AEIJDAB#v=onepage&q=British%20Library%20Sloane%20Ms%204014%20%22title%20page%22%20%22william%20Rogers%22&f=false

 

https://books.google.fr/books?id=cfysIyxApyQC&pg=PA56&lpg=PA56&dq=%22william+rogers%22+theatrum+insectorum&source=bl&ots=6ExcMaUphQ&sig=PgYFiPdOkhEB_KTM5Kk3no1Sd8s&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjx0MjHoqHKAhVBPhQKHYupAMcQ6AEIKTAB#v=onepage&q=%22william%20rogers%22%20theatrum%20insectorum&f=false

 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 09:20

.

Ce cercueil contenait, lorsqu'il fut acquis, sans-doute au Caire, en 1842 par le Comte de Saint-Ferriol, propriétaire du château d'Uriage et fondateurs des thermes d'Uriage, la momie MG 1994 d'un notable thébain de la Période Intermédiaire, Djemoutefânkh, avec son linceul et ses bandelettes dans son cartonnage  MG 1998. Pourtant, il s'agissait d'un montage composite dû à un ingénieux marchand d'antiquité, car ce cercueil en bois (Sycomore ??) est  plus récent, datant de la période saïto-perse.

Le propriétaire du cercueil partage d'ailleurs son nom avec le roi fondateur  de la XXVIe dynastie égyptienne, Psammétique Ier (-663/-609), dynastie qui  couvre la période de -664 à -525 dite période saïte, du nom de la ville de Saïs dont est originaire la dynastie. Lors de la  « renaissance saïte » les artisans et artistes  vont imiter l'art du Moyen Empire et même de l'Ancien Empire. A partir du roi Psammétique II (-595 à – 589), le déplacement du centre du pouvoir de Saïs à Memphis fait du classicisme memphite de l’Ancien Empire le modèle artistique plus que jamais imité pour affirmer la grandeur retrouvée.  Or, ce cercueil vient, selon Jean Yoyotte, de Memphis. 

.

Nous sommes ici devant une pièce exceptionnelle, qui a suscité l'admiration des égyptologues qui l'ont décrits : l'abbé Tresson en 1933, et Jean Yoyotte en 1979. 

"Ce cercueil est d'une exécution particulièrement soignée. Les formes des figures, des hiéroglyphes, sont souples et fines ; les couleurs sont appliquées avec soin, elles ont conservées tout leur éclat. Les détails intérieurs des signes sont d'une grande délicatesse. Chaque figure, chaque signe est un chef-d'œuvre de réalisme précieux." (Kheny et Yoyotte 1979, p.109).

.

Ici, un extrait d'une inscription affirmant "Je suis ta protection".

Le signe V16 de la corde avec boucles servant d'entrave pour le bétail. Il peut signifier comme ici, le nom sA,   "protection".

Le signe V31 du panier de vannerie avec poignée traduisant phonétiquement la lettre -k. On admirera le soin avec lequel le damier du tissage est tracé.

Le hiéroglyphe de la chouette G17, correspondant au son "m". Le plumage du ventre est rendu par des lignes fauves en zig-zag, alors que les ailes sont mouchetées en dix lignes concentriques. L'intérieur des ailes est orné de mouchetures plus fines. La face est traitée à la perfection.

Le superbe  hiéroglyphe du lièvre dans le désert (sekhat) E34 est le bilitère phonétique Wn (oun). Placé au dessus du signe de l'eau N35 (n), avec la fonction d'idéogramme, il forme le verbe "être" . Les oreilles du lièvre ont une pointe noire, et des bords crénelés . J'ai compté 36 coups de pinceau pour tracer chaque oreille !  Comparer avec celui-ci, du temple d'Edfou.

Osiris, appelé aussi Ounen-nefer l'être parfait, était aussi appelé Sekhât "le Lièvre Parfait". En effet après avoir été tué par son frère (coupé en morceaux) il a été ressuscité par sa sœur (qui a réuni les morceaux). Il a donc vaincu la mort, est devenu parfait.

L'animal représenté est  Lièvre du Cap Lepus capensis, reparti dans une grande partie de l'Afrique et du Moyen Orient, y compris en Sardaigne 

.

 

 

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Autre exemple de hiéroglyphes.

 

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

PRÉSENTATION GÉNÉRALE.

— Inv.: MG 1996 Cercueil anthropoïde de Psamétik fils de Sbarekhy VIe siècle av. J.-C.

Tenons et mortaises métalliques fixés sur les bords du couvercle Bois stuqué et peint 188 x 54 x 46 cm. Rapporté d'Egypte en 1842 par Louis de Saint-Ferriol. Don de Gabriel de Saint-Ferriol, fils du comte Louis de Saint-Ferriol, en 1916

 

Dans la tombe, "demeure d'éternité", le sarcophage reçoit et protège le corps momifié. Le cercueil demeure le reflet de la condition sociale : d'or et d'argent pour le roi, de bois pour les gens fortunés et les fonctionnaires.
C'est à cette dernière catégorie qu'appartient celui de Psamétik. Le cercueil prend ici l'apparence d'un mort ceint de bandelettes, à l'image d'Osiris, premier roi momifié. Psamétik est coiffé d'une lourde perruque ; le visage peint en vert, couleur d'Osiris, porte également la barbe recourbée du dieu.
Le collier rouge, bleu et or couvre une partie du gorgerin de perles multicolores. Sur le ventre, tenant la plume de Maat dans chaque main, la déesse céleste couronnée du disque solaire étend ses ailes. De chaque coté se distinguent les déesses sœurs, Isis et Nephtys présentes lors de la momification d'Osiris. Les jambes sont couvertes de colonnes de hiéroglyphes, textes protégeant le mort. De part et d'autre, les quatre fils d'Horus dans leur gaine de momie : Douamoutef (tête de chacal), Kébensénouf (tête de faucon), Hapi (tête de babouin) ainsi qu'Amset (tête d'homme) veillent à la conservation des viscères du défunt. Au registre inférieur, le dieu Anubis, couché sur son naos protège la tombe.
La fraîcheur de la palette colorée alliée à la précision du dessin fait de ce sarcophage une œuvre exceptionnelle. Soustraite au regard des vivants, la virtuosité des artisans égyptiens répond ici parfaitement aux exigences de la religion : assurer pour l'éternité la survie du défunt. (Les Incontournables, 
Egypte, Cercueil anthropoïde de Psamétik fils de Sbarekhy, VIe siècle av. J.-C. Musée de Grenoble)

.

Image Jean-Luc Lacroix, musée de Grenoble.

.

"Cercueil en bois ayant contenu la momie de Psamtik du numéro 9. Voir Planche III. Hauteur : environ 2 mètres.

Hiéroglyphes peints sur fond blanc. Textes liturgiques sur les deux faces. Aucune inscription à l'intérieur. Pièce tout à fait remarquable pour la finesse des signes. Assurément, l'un des plus gracieux spécimens de l'art saïte. Provient, très probablement, de la nécropolle thébaine de Cheikh Abd el-Gournah, comme les numéros 2, 9, 10-13, …" (Tresson 1933 page 47)

.

I. LA PARTIE SUPERIEURE.

 

 

"La tête du défunt est coiffée d'une perruque à pans avec fortes raies noires. La figure, de couleur verte, aux gros yeux peints en blanc et en noir porte la barbe recourbée des morts osiriens. Sous le cou, s'étale un large collier à riches motifs floraux et à perles lacrymoïdes, retenu sur l'épaule par deux agrafes à tête de faucon pèlerin." (Tresson p.47)

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

"Collier du mort, simple série de onze rangs parallèles rouges et bleues séparés par une étroite bande dorée. Vaste gorgerin couvrant toute la poitrine avec attaches à têtes de faucon traitées linéairement, sept rangées de perles, alternativement calices de lotus et rosettes, traitées shématiquement ; le rang inférieur est composé de perles lacrymales." (Kheny et Yoyotte p. 106)

.

 

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

 

Décor du couvercle, Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Décor du couvercle, Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

"En dessous, la déesse du ciel, Nouit,[sic] accroupie, la tête surmontée du disque solaire, rouge avec pourtour blanc, tient ses bras ailés complétement étendus et ses mains portent deux plumes, symboles de la Justice et de la Vérité."  (Tresson p.48)

 

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

 

.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

 

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

"Elle est flanquée, à droite, d'Isis, à gauche de Néphthys, toutes deux agenouillées, la figure et le corps peints en jaune, ayant perruque noire et ruban rouge, justaucorps avec bretelles, collier, bracelets aux poignets et aux chevilles. Leurs mains sont abaissées vers un sceau à l'intérieur rouge, lequel repose à terre. » (Tresson, p.48)

N.b : Le sceau est le signe hiéroglyphique shen, et signifie universalité et/ou éternité.

.

 

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

 

"L'inscription s'étend ensuite jusqu'à la base. Dans la partie centrale, trois colonnes d'hiéroglyphes, tournées vers la gauche, contiennent une invocation à « l'Osiris Psamtik, né de la dame Sba-rekhit, ["étoile des humains"]  inspecteur des favoris royaux, [mot à mot « des connus du Roi ». Il s'agit d'une catégorie de courtisans, vivant dans l'intimité du Souverain et toujours prêt à répondre à son appel] administrateur du quartier des nécropoles » pour lui annoncer la venue de « l'Horus-hetem-baouf » et des « quatre génies funéraires », qui assureront sa garde dans l'autre vie. Ces génies sont représentés sur les cotés et se font face."

.

"A gauche, Hâpi à tête de cynocéphale et Qebeh-senouf à tête de faucon. A droite, Amsty à tête d'homme et Doua-moutef à tête de chacal. Ils promettent leur protection au défunt dans quatre discours à termes identiques : "O l'Osiris Psamtik, je suis (ici) pour ta protection »." (Tresson p.48)

.

Ces formules évoquent celle n° 151A du Livre des Morts :


•  "Paroles dites par Amsit : je suis ton enfant, N.; je suis venu pour être ta protection; j'ai maintenu ta demeure de façon tout à fait durable, conformément à ce qu'a ordonné Ptah, conformément à ce qu'a ordonné Rê "
•  "Paroles dites par Hapy : Je suis venu pour être ta protection, Osiris N.; j'ai rattaché ta tête et tes membres, et j'ai frappé pour toi tes ennemis sous toi; je t'ai redonné ta tête, pour toujours"
•  "Paroles dites par Douamoutef : Je suis ton enfant, Horus bien-aimé, N. ; je suis venu protéger mon père Osiris de celui qui agit (contre) toi : je le mène sous tes sandales"
•  "Paroles dites par Qebehsenouf : je suis Qebehsenouf; je suis venu pour être ta protection, N.; je t'ai rassemblé tes os, je t'ai réuni tes membres, je t'ai apporté ton coeur et je le remets à sa place dans ton corps; j'ai maintenu ta demeure après toi." 

.

L'un des fils d'Horus, Amset,  à tête d'homme : il protège, avec Isis, le foie. Inscription : 

1°) Amsty dit :« O l'Osiris Psamtik, je suis [venu pour être] pour ta protection ! »

.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

L'un des Fils d'Horus,  Douamoutef, à tête de chacal. Il protège, avec Neith, les poumons. inscription : " Doua-moutef dit : « O l'Osiris Psamtik, je suis pour [être] ta protection ! »"

 

 

.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

A. — Au centre (de gauche à droite) : [1] Paroles à réciter : « O l'Osiris, divin père, chéri du dieu, inspecteur des favoris du Roi, administrateur du quartier des nécropoles, connu du Souverain, Psamtik, né de Sba-rekhit, viennent à toi Horus-hetem-baouf, Hâpi, Doua-moutef, Amsty, Qebeh-senouf. Leur nom, c'est ton nom pour tes Akhmou-sek. Tu n'es point détruit, tu n'es point anéanti, éternellement, à jamais ! »

 

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

Aux angles inférieurs, Anubis à forme de chacal est étendu sur un naos, surmonté de deux de ses épithètes, « Anubis, résidant dans Out », et « Anubis, le premier du Sehmouter ».

 

 

 

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

Cercueil de Psamétique, Collections égyptiennes du Musée de Grenoble, photographie lavieb-aile.

.

La face inférieure de la cuve.

"Au dos du cercueil, sur deux lignes verticales, une allocution , dans laquelle le dieu Horus, s'adressant au défunt, célèbre son triomphe dans l'autre vie.

Voici, du reste, la traduction de ces passages :

 

  Horus te dit : « L'Osiris, divin père, connu du Roi, Psamtik, né de Sba-rekhit, tu vis comme celui qui réside au ciel (=Rê) et ta transformationest analogue à cfelle del'habitant de la terre (=Osiris). Dresse-toi en raison de taforce. Tu t'élèves (dans le ciel) vu que Nouit t'a enfanté semblablement à Sah (= la constellation d'Orion). Tu es maître de ton corps : tu es à l'abri de tes ennemis ! ». (Tresson p. 48 et 49)

 
Dos de la cuve du cercueil de Psamétik, photo J.L. Lacroix, Musée de Grenoble.

Dos de la cuve du cercueil de Psamétik, photo J.L. Lacroix, Musée de Grenoble.

Selon Dewachter,  le comte Saint-Ferriol possédait dans sa collection d'Uriage trois Oushebtis de Psamétique, dont un seul est conservé à Grenoble sous le n° d' inventaire 3574 :

Image J.L. Lacroix, Musée de Grenoble.

http://www.navigart.fr/grenoble-collections/#/artwork/60000000087852?layout=grid&page=8&filters=collection_department:Collection+%C3%A9gyptienne

Psamétique et la momie d'Uriage.

"Ni le manuscrit du journal ni le catalogue du comte ne précisent l'origine du cercueil de Psamétique (Uriage 74 -Grenoble Inv.1996). En fait, c'est l'abbé Paul Tresson qui, en 1933, rattacha abusivement à la nécropole thébaienne et à un achat auprès du Grec Wardi, le 29 avril 1842, un cercueil anthropoïde dont l'étude du décor, de la titulature et du reste de l'équipement de ce Psamétique a conduit Jean Yoyotte, dès 1971, à plaider avec raison pour une sépulture memphite et non thébaine. Oublions donc l'achat du 29 avril pour envisager plutôt une acquisition cairote, probablement en juin 1842, puisque le 2 juillet suivant le comte fait allusion dans son journal à sa « belle caisse de momie » d'une manière si précise qu'il ne peut s'agir que du cercueil de Psamétique. Mais cette caisse était-elle vide au moment de son achat, ou garnie d'une momie ? Au premier abord, il est impossible de trancher et tout ce qui peut être raisonnablement déduit du catalogue d'Uriage, à l'entrée n°74, c'est que la caisse de Psamètique était un cercueil intérieur : « cette caisse de momie est le deuxième cercueil, elle en contenait une autre en carton, celle qui enveloppait le corps. Un troisième n°75 était destinée à contenait celle-ci, n°74. ». En se reportant à l'entrée n°75, on apprend que, selon le comte -le mieux placé pour savoir ce qu'il avait réellemenbt acheté en Égypte – une partie de la caisse extérieure de Psamétique semblait bien alors conservée à Uriage : « n°75 :- Partie d'une caisse de momie de la même époque que la précédente. Elle faisait partie du même sarcophage. Ses dimensions étaient calculées de manière à ce qu'elle put contenir le n°74 ».

Qu'est devenue cette pièce d'Uriage n°75 ? Quant au recueil d'Uriage n°74, celui du Psamétique, contenait-il ou non la momie d'Uriage ?

En se reportant au procès-verbal établi par Hippolyte Bouteille, conservateur du Muséum de Grenoble, et secrétaire général de la Société zoologique , qui procéda en octobre 1858 à l'examen de la momie, on observe qu'il n'est mentionné là qu'une « caisse en carton » -rien au sujet de la caisse d'Uriage n°74- et rien bien entendu jamais encore le nom de Psamétique, puisque l'identité du propriétaire ne sera révélée qu'en 1861 par Théodule Devéria ; c'est manifestement cette seule mention du cartonnage par Bouteille qui conduisit [Kueny et Yoyotte page 97] à croire en 1979 que « rien n'indique que ce cartonnage ait jamais été contenu dans le cercueil 125, » celui de Psamétique.

 

Cependant, un simple recours au catalogue d'Uriage permet d'affirmer au contraire que cartonnage et momie furent, en 1858, retirés du cercueil de Psamétique. Voici en effet ce que le comte -rendu témoin de cet examen et n'ayant certainement pas oublié ce qu'il avait lui-même acquis – a enregistré : « 76- Première enveloppe en carton de la momie n°71 e », et « 71 – Momie du jeune homme imberbe, remontant au VIIIe siècle avant J.C. .M. Bouteille […] l'a extraite de sa caisse n°74 (...) ». Cette belle momie a été déposée dans une caisse en noyer, doublée de zinc."  La date donnée à la momie est la même que celle retenue par le comte suite à la visite de Devéria, pour le cercueil de Psamétique : preuve que Louis de Saint-Ferriol croyait, avant l'abbé Tresson, au lien entre la momie et son cercueil de Psamétique – un argument supplémentaire pour croire déjà à la présence de cette momie lors de l'acquisition du cercueil d'Uriage n°74. Dans ces conditions, et si, comme tout porte à le croire, le cartonnage d'Uriage n°76 correspond bien à l'enveloppe inv. 1998, comme le croyait déjà l'abbé Tresson, on en déduit que c'est bien un équipement artificiellement « recomposé » qui fut fourni au comte en 1842. En effet, le cercueil de Psamétique est memphite et ne date que de l'époque saïto-perse, alors que le cartonnage et sa momie sont thébains et remontent à la période intermédiaire. Quant à savoir si ce fut la momie de Djedmoutefânkh que les marchands d'antiquité déposèrent dans le cercueil de Psamétique, cela repose encore sur la lecture pas totalement assurée du nom du propriétaire du cartonnage. En sus, Hippolyte Bouteille n'ayant rencontré apparemment aucune difficulté pour extraire la momie de sa « caisse de carton », rien n'assure que cartonnage et momie proviennent du même équipement " DEWACHTER (Michel). - "Imbroglio Djedmoutefânkh et Psamétique : Le cabinet d'Uriage et sa contribution aux débuts de l'égyptologie (1843-1916)" 

 

 

SOURCES ET LIENS.

Notice du Musée de Grenoble, "Les incontournables".

http://www.museedegrenoble.fr/TPL_CODE/TPL_OEUVRE/PAR_TPL_IDENTIFIANT/20/951-antiquites.htm

— Images Jean-Luc Lacroix Musée de Grenoble

http://www.navigart.fr/grenoble-collections/#/artwork/60000000006028?page=1&filters=query:cercueil&layout=grid

 

 

DEWACHTER (Michel). - "Informations relatives à la collection du Comte de Saint-Ferriol et fournies par son journal de voyage" in Grenoble, musée des Beaux-Arts : Collection égyptienne par Gabrielle Kueny et Jean Yoyotte (Appendice E). - Paris : Editions de la Réunion des Musées Nationaux, 1979 ISBN 2-7118-0050-4 - Cit. p.206

DEWACHTER (Michel). - "Imbroglio Djedmoutefânkh et Psamétique : Le cabinet d'Uriage et sa contribution aux débuts de l'égyptologie (1843-1916)" in Le château d'Uriage: son cabinet de curiosités, pp.48-62. - Grenoble : Chapô public éditions, 2008 ISBN 978-2-916813-03-5 - Cit. pp. 52-53, reprod. p. 52

HAMON (Paul), LEMONDE (Anne), PARAVY (Pierrette). - Le Château d'Uriage : 1000 ans d'histoire. - [S.l.] : Chapô Public Editons, 2006. - Reprod. p. 69

 

KUENY (Gabrielle). - "Un sarcophage d'époque Saïte de la collection Saint-Ferriol" in Actualités Dauphiné, octobre 1966, n°114, pp. 15-17. - Grenoble : Actualités Dauphiné, 1966 ISSN 0335-4423 - Cit. pp. 15-17, reprod. P.16 et 17

KUENY (Gabrielle), YOYOTTE (Jean). - Grenoble, musée des Beaux-Arts : collection égyptienne. - Paris : RMN, 1979. - (Inventaire des Collections publiques françaises, n°23). n° isbn 2-7118-0050-4 - Cit. p. 106-109, cat. n°125

LEMOINE (Serge) et LE POMMERE (Marianne). - Image d'une collection, Musée de Grenoble. - Paris (France) : Réunion des Musées Nationaux, 1999. - 285 p. ; 30 cm ISBN 2-7118-3795-5 - Cit. p. 15, reprod. en coul. pp. 14-15

 

TOSATTO (Guy), sous la dir. de / Les collections du Musée de Grenoble. - Versailles (France) : Artlys, 2004. - 240 p. ISBN 2-85495-219-7 n° isbn 2-85495-219-7 - Reprod. en coul. p. 6

TOSATTO (Guy), sous la dir. de - Musée de Grenoble : guide des collections : antiquité-XIXe siècle. - Lyon (France) : Fage éditions, 2015. - 239 p. ; 25 cm ISBN 978-2-84975-384-2 n° isbn 978-2-84975-384-2 - Cit. et reprod. en coul. p.17

TRESSON (P.). - Catalogue descriptif des Antiquités égyptiennes de la salle Saint-Ferriol. - Grenoble, 1933. - Cit. p. 47-49, cat. n°22

 

 

— ALPHANDARI (Yves). - Les hiéroglyphes : du dieu Thot à Champollion. - Paris : Père Castor Flammarion, 2013 ISBN 9782081287020 - Reprod. p.87

— GASSE (Annie). - Le Livre des Morts de Pacherientaihet au Museo Gregoriano Egizio. - Le Vatican : Monumenti, Musei e Gallerie Pontificie, 2001. - Cat. n° 9-10

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Musée de Grenoble
10 janvier 2016 7 10 /01 /janvier /2016 22:26

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon.

J'ai souvent observé les nids de la Processionnaire du Pin, boules blanchâtres enveloppant, au bonheur la chance, une ou plusieurs branches d'un pin (Pin noir d''Autriche le plus souvent) lorsque j'emprunte l'autoroute et que je traverse la France. C'est plus fréquent encore que d'observer une buse posée sur un poteau de grillage.

.

Ce serait un passe-temps bien agréable de jouer au "Tennis-processionnaire" comme lorsque nous jouions au "tennis-barbu" dans l'Aronde, ou dans la Dauphine Gordini du paternel lors de nos départs pour les Grandes Vacances.

Quoi, vous ignorez ce qu'est le "tennis-barbu"? Ces jeunes, il faut TOUT leur apprendre.

Voici un billet de Claude Duneton dans le Figaro qui va faire le point sur ce grave sujet. Ouvrez vos esgourdes.

 

"Il m'est parvenu l'autre jour une information bien curieuse: les gens âgés de moins de soixante ans ignorent tout du tennis barbu ! Ah ! j'entends d'ici votre interrogation, en effet : le tennis barbu? Mon Dieu, qu'est-ce? Eh bien j'évoquais l'autre jour un livre de Claude Meunier, lequel rappelle ce petit jeu de société, assez imbécile je le reconnais, qui avait cours dans les années… voyons, dans les années 1940, 1950 - avec prolongation possible jusque vers 1965 -, qui consistait à s'écrier «Quinze pour moi !» lorsqu'on croisait un individu qui portait la barbe. Le second barbu croisé donnait trente points, le troisième quarante, gagnant, selon le décompte habituel du tennis ordinaire. Quel drôle de jeu ! direz-vous…

Oui, mais il s'agit d'un temps sans transistor, sans baladeur, sans téléphone portable, une époque où la rue n'avait que les bruits que vous lui apportiez. » J'abrège.

Eh oui, nous pourrions nous exclamer "Quinze pour moi !" à chaque nid de Processionnaire observé. Mais hélas, les 15, 30, 40, se succéderaient, les 6 jeux feraient trop vite le set, et nous ne serions pas arrivés au Pont-Neuf que la partie serait finie.

Revenons à la Processionnaire. Il y a quelques dizaines d'années, on redoutait son expansion à travers la France, progressant  du sud vers le nord. Crozon, comme la Bretagne nord, était préservée. Mais aujourd'hui, le site Lepinet montre une carte uniformément verte pour notre Région : l'espèce serait connue partout.

 

Pourtant, je n'avais jamais observé le fameux défilé à la queue leu leu de ses chenilles, qui lui vaut son nom. C'est aujourd'hui chose faite. Justement sous des pins bordant une résidence secondaire, sur un sentier côtier allant de la Pointe de Raguenes vers la Pointe du Guern, sous des Pins. J'ai pris quelques images avec mon téléphone, avant de les écraser.

 

Rappellons les faits (Wikipédia) : 

Les papillons, qui éclosent durant l'été, entre juin et septembre selon le climat, pondent leurs œufs déposés en rangées parallèles par paquets de 150 à 220 sur les rameaux ou les aiguilles de diverses espèces de pin. L'éclosion a lieu cinq à six semaines après la ponte.

Elle donne naissance à des chenilles qui muent cinq fois. 

En hiver, les chenilles tissent un nid soyeux dans lequel elles passeront la journée pour profiter des rayons du soleil. Elles en sortent la nuit pour s'alimenter, se déplaçant en « procession ». La cohésion de la file en déplacement est assurée par le contact tactile de soie à soie.

Au printemps, la colonie, conduite généralement par une femelle, quitte le nid, toujours en procession pour gagner au sol un endroit bien ensoleillé et s'enfouir dans un trou où chacune des chenilles va tisser son cocon pour démarrer son processus de transformation en chrysalide.

Au bout de plusieurs mois, voire plusieurs années, les chrysalides sont transformées en papillon qui sortent de terre. Le cycle peut alors reprendre par accouplement de la femelle et du mâle. Ce dernier meurt un ou deux jours après, alors que la femelle s'envole vers une branche pour pondre jusqu'à 220 œufs avant de mourir aussi. Les petites chenilles émergent 30 à 45 jours après la ponte.

La chenille est d'une teinte brun foncé ponctuée de taches rougeâtres sur la partie supérieure et les flancs, tandis que la face ventrale est jaune. La tête est noire. Elle est très velue et couverte de poils urticants. " Elles possèdent au troisième stade larvaire 600 000 poils urticants qui sont projetés en l’air à la moindre agression ". Ces poils sont responsables de graves réactions urticantes ou allergiques cutanés (mains, cou, visage), oculaires ou respiratoires. 

Une description plus précise est donnée par Alain Fraval :http://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i147fraval3.pdf

.

 

 

 

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 10 janvier 2015
Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 10 janvier 2015

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 10 janvier 2015

.

Sur le forum de Bretagne Vivanteun membre signalait une procession de chenilles traversant son école (en Bretagne, mais où ?) le 14 décembre dernier. Mael Garrin a répondu : "En principe, c'est plutôt au printemps effectivement, mais avec cette année bizarre....".

J'ai bien-sûr hésité avec la Processionnaire du chêne, Thaumetopoea processionea Linnaeus, 1758. Mais les processions de la locataire du Pin se déroulent (normalement) au début du printemps, et celles de la locataire du chêne (et autre feuillus) ont lieu en avril.

.

Le 1er août 2015, le Télégramme de Brest  publiait un article : Crozon. Chenille processionnaire. La Presqu'île touchée. "Depuis les années 1970, on assiste à une forte expansion de la chenille processionnaire du pin de l'ordre de 4 km/an, liée vraisemblablement au réchauffement climatique. Cet hiver, on a pu observer quelques nids sur la commune de Crozon qui avait, jusque-là été préservée, particulièrement à la lisière du bois du Kador, à Crozon, à Postolonnec et à Trébéron."

http://www.letelegramme.fr/finistere/crozon/chenille-processionnaire-la-presqu-ile-touchee-01-08-2015-10725713.php

.

 

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 10 janvier 2015

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 10 janvier 2015

.

En cherchant bien, je finis par trouver un jeune pin qui portait, en son sommet un seul nid. Incontestable, mais parfaitement isolé.

 

Nid de Processionnaire du Pin, Pointe de Raguenes, Crozon. Photographie lavieb-aile.
Nid de Processionnaire du Pin, Pointe de Raguenes, Crozon. Photographie lavieb-aile.

Nid de Processionnaire du Pin, Pointe de Raguenes, Crozon. Photographie lavieb-aile.

Le 24 janvier 2016, j'observais cette-fois un embouteillage sur le sentier allant de la Pointe du Menhir à Postolonnec ; el les nids, bien visibles sur les pins exposés au vent du large.

.

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 24 janvier 2015, Photographie lavieb-aile.

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 24 janvier 2015, Photographie lavieb-aile.

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 24 janvier 2015, Photographie lavieb-aile.

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 24 janvier 2015, Photographie lavieb-aile.

Chapitre dans lequel je découvre les "miroirs urticants".

C'est sur le site d'André Lequet que je lis que : "Contrairement à une idée reçue la pilosité apparente de ces chenilles n'est pas en cause. En fait les poils urticants sont à la fois extrêmement nombreux et petits (1 à 2/10 de mm), et tel un feutrage ils tapissent des invaginations tégumentaires situées sur la partie dorsale des segments abdominaux. Ces plages urticantes, appelées des "miroirs" (ci-dessous), s'ébauchent au 3 ème stade larvaire et atteignent leur plein développement au 5 ème et dernier. Lorsque la chenille est excitée, dérangée, ou agressée, les zones urticantes "s'ouvrent" et libèrent les poils proprement dits. Ils ressemblent à de minuscules harpons, avec une partie basale aiguë, et un apex doté de barbules acérées qui tel l'ardillon d'un hameçon permettent la pénétration, mais s'opposent à l'extraction. Par-delà un effet purement mécanique ces poils sont enduits d'une sécrétion qui provoque de très intenses démangeaisons."

Je m'intéresse à ces miroirs. Combien sont-ils ? J'en compte un par segments, il doit donc y en avoir 13, mais j'en ai compté seulement 11 visibles sur ma photo. Ils sont ovales, blonds ou pain d'épice, et une ligne les parcourt, sinueuse comme la ligne qui sépare les lèvres d'une bouche humaine. Un peu de miel semble briller encore sur cette bouche mal léchée.  Certains miroirs sont , ou paraissent, fermés. Ils ressemblent à une plaie par incision d'un vieux cuir tanné et noir. Chacun est bordé de poils de la même couleur de miel, qui s'écartent lorsque le miroir est déployé, ou se rapprochent en herse si les berges sont jointes. Voilà du moins ce que je vois. Mais quelle en est la description scientifique ?

J'emprunte quelques figures à un mémoire de thèse d'un étudiant italien sous la direction d'Andrea Battisti. Les premières descriptions semblent être dues à G. Demolin, en 1963, et la proteine allergisante a été isolée et décrite par Michel Lamy en 1981-1986 sous le nom de thaumetopoeine. C'est un dimère de 28 kDa propre aux soies,  formé par deux sous-unités de 13kDa et  de 15 kDa. La thaumetopoein provoque chez des cobayes la dégranulation des mastocytes induite par un mécanisme non immun (Lamy et al., 1985). Cette dernière protéine a été retrouvée ensuite aussi chez la Processionnaire du Chêne (Lamy, 1988) . La première étude sur les protéines associées à urticants soies de Th. Pityocampa était publié dans par Lamy et al. (1983) mais ils ont mentionné thaumetopoein la protéine dans le 1985 (Lamy et al., 1985). Ils ont décrit 

 Plusieurs années plus tard, le même scientifique

groupe a décrit un homologue de thaumetopoein en soies de la processionnaire du chêne

larves (Lamy et al., 1988). Cette protéine Exposée le même effet que urticants thaumetopoein dans la peau de cobayes.

1.3.2 Tha p 1 (Moneo et al., 2003)

D'autres protéines, nommées Tha p1, p2 et p3 ont été ensuite décrites.

 

 

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 24 janvier 2015, Photographie lavieb-aile.

Les Processionnaires du pin - Thaumetopoea pityocampa ( Denis & Schiffermüller, 1775) à Crozon. 24 janvier 2015, Photographie lavieb-aile.

.

La chenille processionnaire, à partir de son 3ème stade de développement, dispose  de plages de petits poils urticants (moins de 1 mm) appelées miroirs, cachées dans les remplis de la peau. On dénombre au minimum 120 000 poils par miroir, soit environ 1 million par chenille (60.000 soies / mm2). Ces miroirs, qui s’ouvrent et se ferment, libèrent les poils urticants lorsque la colonie est agressée. Ces poils se détachent facilement et restent en suspension dans l’air ambiant, formant un véritable nuage. Ils demeurent virulents plusieurs mois après la disparition des chenilles, notamment dans les nids qu’elles ont occupés. Le soies sont courtes (généralement 50-600 um de long, 2-8 m de diamètre), ont des barbes le long de leur axe et peuvent facilement entrer dans la peau à l'extrémité proximale, aidé par les barbes  .

 

Miroir d'une chenille de Thaumetopea pityocampa, Photographie lavieb-aile.

Miroir d'une chenille de Thaumetopea pityocampa, Photographie lavieb-aile.

Miroir d'une chenille de Processionnaire du Pin et schéma d'après Moneo & al. 2015, Figure 3 in Mitali  2015.

Miroir d'une chenille de Processionnaire du Pin et schéma d'après Moneo & al. 2015, Figure 3 in Mitali 2015.

.

 

 

Co-existence de soies courtes et longues dans le même miroir ouvert de T. pityocampa, d'après P. Toffolo  in Mitali  2015.

Co-existence de soies courtes et longues dans le même miroir ouvert de T. pityocampa, d'après P. Toffolo in Mitali 2015.

.

 

 

 La nature des soies est très différente des autres poils défensifs, tels que des épines (fig. 2). Les épines font partie du tégument et exigent un contact avec la chenille pour provoquer la réaction (par exemple les larves de Saturniidae, Megalopygidae et Limacodidae) alors que les  soies peuvent être facilement libérées dans l' environnement, créant des problèmes de santé à distance, et par des mécanismes allergiques ou immuno-allergiques.

 Les soies urticantes , comme le tégument des insectes, sont construits par un squelette de chitine avec un matrice de protéines et sont couverts par des couches de lipoprotéines, de  cire, et de mucopolysaccharides .

.

 

 

 

 

 

 

 

Vraies soies, et soies modifiées comparées à des poils (A) et à des épines, in Mitali 2015.

Vraies soies, et soies modifiées comparées à des poils (A) et à des épines, in Mitali 2015.

.

 

Le mécanisme de libération de soies par les larves a été explorée par en premier Demolin (1963), qui a montré que les chenilles peuvent ouvrir activement les miroirs lorsqu'elles sont dérangées (Figure 4). Chez  Th. Pityocampa, les miroirs  sont maintenus repliés dans des conditions normales  et seule l'extrémité distale de soies est visible. Lorsqu'elles sont dérangées, la larve ouvre le miroir (Fig. 5A), libérant des soies. Une fois dans l'air, les soies peuvent être portées par le vent loin de la source (3 à 7 km ?)Le soies peuvent persister dans l'environnement pendant une longue périodes soit dans des nids de soie utilisées par les chenilles, soit dans le sol où les chenilles font leur nymphose, soit sur du matériel ou des vêtements contaminés, bien qu'aucune des estimations précises sont disponible Le contact avec les poils chez l'homme et d'autres animaux induit la dermatite, en particulier dans les parties du corps les plus exposées. Ils sont responsables de troubles telles que l'urticaire ou de la dermatite, la rhinite, la conjonctivite, des lésions oculaires et des symptômes respiratoires.  Habituellement, les personnes les plus à risque sont les travailleurs forestiers au cours de leurs activités dans les forêts de pinsCes réactions sont attribuables à une combinaison de facteurs allergiques et non allergiques ; des études récentes ont démontré la présence d'un mécanisme complexe urticant où certaines protéines présentes dans les poils peuvent devenir des catalyseurs des réponses immunitaires.

 

.

 

Miroir ouvert expulsant ses soies, et miroir fermé de T. pityocampa, in Mitali 2015.

Miroir ouvert expulsant ses soies, et miroir fermé de T. pityocampa, in Mitali 2015.

 

.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

.

 

Notes sur la taxonomie et la nomenclature:

Taxonomie .Cette espèce a été décrite pour la première fois (selon les règles de la nomenclature scientifique) par Denis & Schiffermüller en 1776 dans le genre Bombyx. En 1822, Hübner créa le genre Thaumetopoea pour toutes les espèces incluses aujourd'hui dans la famille des Thaumetopoeidae (élevée à cette catégorie en 1990). Certains auteurs ont suivi Stephens qui, en 1928, fit passer toutes les espèces du genre Thaumetopoea dans le genre Cnethocampa, qu'il a placé dans la famille des Notodontidae (Agenjo, 1941). 

Source : http://www.eppo.int/QUARANTINE/data_sheets/insects/F-thaupi.pdf

Zoonymie : [ Cramer page 30 d'après la Pithyocampa de Pline]

L'étymologie du nom d'espèce est  donnée par   Godart, Histoire naturelle des Lépidoptères ou Papillons de France volume 4 page 161, qui nomme ce papillon "Bombyx Pitiocampe". Dans sa  note 1 il écrit : "du grec  pitio, "pin" et campe, "chenille"".

La paternité du nom scientifique est attribuée aux deux auteurs viennois  Denis et Schiffermüller, dans leur Catalogue Systématique  des Papillons de la région de Vienne, Systematisches Verzeichniß der Schmetterlinge der Wienergegend, Vienne, 1775-1776, qui décrivirent cette espèce sous le Protonyme Bombyx pityocampa  dans la  Famille L des Phalaena Bombyces Tomentosae page 58 n° 11. Mais ces auteurs ont repris l'un des noms de papillons les plus anciens jamais connus, puisque c'est au premier siècle de notre ère que le grec Dioscoride l'utilisa, dans son Traité de Matière médicale.

Denis et Schiffermüller font aussi  référence à la Chenille du Pin de Réaumur, (Réaumur nomme "Chenille du Pin" T. Pityocampa, et "Chenille Processionnaire" Thaumetopoea processionea, la Processionnaire du Chêne)

.http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN574458115&DMDID=DMDLOG_0005&LOGID=LOG_0007&PHYSID=PHYS_0066

.

Nom vernaculaire.

– Le nom de Processionnaire du pin a été attribué par le R.P. Engramelle, Papillons d'Europe peints d'après nature tome 5 page 45 n°

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8470145x.r=

– Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes I planche 7 figure 3, chenille planche 8

http://www.biodiversitylibrary.org/item/50298#page/287/mode/1up

– Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, tome II, Mémoire IV pages 179 à 208 et planche 10 : Des chenilles qui vivent en société pendant toute leur vie. A l'occasion desquelles on examine la cause des démangeaisons et des cuissons de peau qui sont produites par quelques chenilles.

http://www.biodiversitylibrary.org/item/49476#page/273/mode/1up

.

LES PREMIÈRES DESCRIPTIONS.

La chenille, sous son nom grec  pityocampa et son nom latin Eruca Pinorum, est l'une des plus anciennement connue y compris dans  la description de ses mœurs processionnaires et le caractère dangereux de ses poils. Mais le détail de ce comportement ne sera étudié et illustré avec verve et précision qu'en 1734-1737 par Réaumur.

 

 

.

Je citerai deux auteurs : 

1°) Thomas Moffet, Theatrum Insectorum, Livre II chapitre 3 page 185  1634.

"Les Pityocampes, c'est à dire, les chenilles du Pin et Epicéas, sont aussi fines qu'un petit doigt humain, et aussi long que la largeur de trois doigts. Ils ont onze incisions entre la tête et la queue, et ils ont 16 pattes comme les autres chenilles, précisément trois sur les deux cotés de la tête, quatre sur les deux cotés du milieu du corps, et une de chaque coté de la queue : mais la premières sont en crochet et petites, avec lesquelles elles trouvent leur chemin, et les autres sont plus larges et dentelées comme des scies, afin de mieux s'accrocher aux branches. La tête est comme celle des fourmis, le reste est semblable aux autres chenilles. Elles sont couvertes de poils et complètement entourées d'épines pointues ; les poils des cotés sont blancs et brillent dans le dos ; la partie médiane est ornée de points comme des yeux : les épines étant rasées, il y a une peau noire en dessous, leurs poils très fins, qui piquent plus vivement qu'une aiguille, et causent une grande douleur, un échauffement, de la fièvre, des fourmillements, et un malaise général. Le poison rentre subitement sans aucun sens de la blessure, et est transporté de part près des intestins. Elles tissent une toile fine comme les araignées, dessinant et disposant leur filet avec leurs pattes antérieures. Durant la nuit elles rentrent à l'intérieur, comme sous une tente, où elles échappent au froid et au vents. La matière dont est faite cette tente est si solide et si fine, qu' elles ne sont menacées ni par les plus forts vents, ni par les pluies ; et elles sont si spacieuses qu'un millier de chenilles peuvent y trouver place. Elles font leur toiles dans les petites touffes d' aiguilles de Pins et d'Épicéas, où elles ne vivent pas en solitaires comme les autres, mais en colonies. Moyen par lequel elles étendent leur course, elles tissent et transportent leur toile avec elles. Et dans la journée, seulement s'il fait beau, les plus grandes accompagnant les plus petites par troupes, et ayant dénudé l'arbre de ses aiguilles, car elles le dévastent totalement, elles travaillent durement au tissage. Seulement ce fléau des Pins et Épicéas n'atteint pas les autres conifères. Sur le Mont Athos, dans les Bois du Trentin, et dans les Alpes, elles abondent, en raison de la quantité de nourriture qu'elles y trouvent, comme en atteste Matthiolus. Ce sont vraiment les créatures les plus venimeuses, que vous les touchiez superficiellement avec les mains, ou qu'elles vous atteignent par voie interne. Elles sont considérées de longue date comme du poison, puisque Ulpian interprétant la loi Cornélienne De Sicariis concernant les meurtriers privés réclame contre eux qu'ils soient punis en leur donnant à boire une Processionnaire du Pin. Sect. Alium . ff. ad. Leg. Corn. De fic.

Signes de blessure par Processionnaire du Pin et traitement. 

Ancre "Lorsqu'on a léché une chenille, la douleur affecte sévèrement la bouche et le palais ; le corps de la langue et l'estomac sont fortement enflammés par le poison corrosif : aussi ils entraînent une terrible douleur, alors qu'au début cela ressemblait à une plaisante sensation de picotement. Un fort échauffement s'ensuit, ainsi qu'une répugnance à l'égard de la nourriture, et un désir incessant, mais infructueux de vomir. A la longue, si les soins ne sont pas donnés, la brûlure s'étend à tout le corps et l'estomac devient aussi ulcéré que par l'arsenic. Dioscoride. Aetius, Pline. Celse. Galien. Item II simpl. c.5. Et Avicenne Fos. Cap. 25. C'est pourquoi Aetius et Aegineta tiennent comme dangereux de servir les repas sous les Pins, ou de se reposer dessous, car, attirées peut-être par la viande ou le les vapeurs de bouillon, ou par le bruit des hommes, ces chenilles du Pins pourraient tomber sur la viande, ou laisser tomber leur semence, qui est aussi dangereuse qu'elles-mêmes. Ceux qui sont atteint par de tels maux devront utiliser les traitements en vigueur contre les Cantharides, car les mêmes moyens les soigneront : c'est à dire l'huile de Coing, appelée melinum oleum, qui doit être bue deux ou trois fois, pour déclencher le vomissement, comme l'a prescrit Dioscoride dans Aetius. Elles sont générées, ou plutôt régénérées, comme le Convolvulus, par la nourriture d'automne laissée dans la toile sur certaines aiguilles, ou du Convolvulus lui-même corrompu, comme le pense Scaliger."

Commentaires :

Matthiolus 1544 : voir le Discorsi en italien de Pietro Andrea Mattioli, dans la traduction française : - Les Commentaires de M.P. André Matthiole,... sur les six livres de la matière médicinale de Pedacius Dioscoride,... traduits de latin en françois par M. Antoine Du Pinet... augmentez... d'un Traité de chymie en abrégé... par un docteur en médecine. Derniere édition Lyon : J.-B. de Ville, 1680. Moffet s'inspire du Livre II chapitre LV page 164 :

"Quant aux Chenilles des Pins, les vallées d'Ananie et de Fleme auprès de Trente en sont toutes garnies parce qu'il y a force Pins. Elles font leurs nids aux cimes des branches des Pins, où on les voit par milliers, velues et roussâtres, avec plusieurs petites peaux dont elles sont enveloppées et revêtues. L'Hiver elles se cachent en ces petites peaux, et échappent par ce moyen la rigueur de l'Hiver. Leurs nids sont grands, et en peuvent tenir mille. Les pellicules dont elles sont enveloppées semblent à de fins draps de soie : mais elles sont plus subtiles. Elles sont fort bonnes à étancher le sang, étant appliquées : Voilà donc quant aux chenilles des Pins. "

 

Ailleurs, Moffet recopie Matthiolus dans sa traduction- commentaire de Dioscoride: Livre VI chapitre II page 496 : 

« Soudain qu'on a avalé des chenilles de Pin, il s'ensuit une grande douleur en la bouche, et au palais : et sent-on une inflammation véhémente en la lange, au ventre et en l'estomac. On a d'ailleurs, une douleur indicible des intestins : de sorte qu'il semble au patient qu'on lui ronge les boyaux. Tout son corps est en chaleur : et sent une anxiété intolérable. On y doit pourvoir avec les mêmes remèdes dont on use contre les Cantharides. Toute fois, au lieu d'huile d'olive simple, et d'huile de racine de Flambe, il faudra user d'huile de Pommes de Coing. 

.

–Ulpianus in Lex Cornelia De sicariis et veneficis. (Loi Cornélienne contre les assassins et les empoisonneurs) : 3. Alio senatus consulto effectum est, ut pigmentarii, si cui temere cicutam salamandram aconitum pituocampas aut bubrostim mandragoram et id, quod lustramenti causa dederit cantharidas, poena teneantur huius legis. .Les Lois Cornéliennes ont été promulguées par Cornelius Sylla. http://droitromain.upmf-grenoble.fr/Leges/cornelia_sicariis.gr.html

 

2°) René-Antoine Ferchault de Réaumur.

http://www.biodiversitylibrary.org/item/49476#page/273/mode/1up

Réaumur fait mon admiration par son souci d'observer la nature dans ses plus petits mécanismes, et  de procéder à des expériences . Dans le troisième et le quatrième de ses Mémoires pour servir à l'histoire des insectes (tome II), il décrit les chenilles processionnaires du Chêne puis celles du Pin. Il est absolument fascinant de constater qu'il avait étudié, disséqué, examiné au microscope ou à la loupe, découvert et décrit les miroirs urticants dès 1734, soit 230 ans avant Demolin. J'en donnerai ici les morceaux choisis :

.

TROISIEME MEMOIRE.

DES CHENILLES QUI VIVENT EN SOCIETE mais seulement pendant une partie de leur vie.

Page 121-176

Sur les processionnaires des Pins : page 149 :

Les forêts de pin nourrissent des chenilles [Pl.VII fig.3) d'une autre espèce, qui passent une grande partie de leur vie en société, et qui paraissent plus dignes d'attentions que les précédentes, par la quantité et la qualité de la soie dont elle fait le nid qu'elles habitent en commun. Je ne me suis pas trouvé à portée de les observer sur les lieux où elles s'élèvent, mais j'ai été mis en état de les suivre à Paris, par M. Raoul, Conseiller au Parlement de Bordeaux, qui a beaucoup de goût pour les observations d'histoire naturelle. Il m'écrivit à la fin de l'année 1731 que sur les pins de son pays on trouvait des nids de chenilles [Pl. III fig.1] qui étaient fort communs en certaines années, et qui quelquefois étaient plus gros que la tête d'un homme ; qu'il avait remarqué que la soie de ces nids étaient forte et blanche. Une lettre écrite conjointement par deux étudiants en médecine à Montpellier, et imprimée dans la même ville en 1710, sur la soie des chenilles du pin, m'avait donné envie depuis longtemps de connaître cette soie, et les chenille à qui elle est due. En faisant réponse à M. Raoul, je le priai de m'envoyer un nid de ces chenilles ; il eut l'obligeante attention de me le faire peu attendre, il m'en envoya un par le premier courrier qui partit après l'arrivée de celui par qui ma lettre lui avait été apportée. Le temps où je lui avais demandé, était celui où les chenilles d'un nid s'y sont retirées pour y passer l'hiver ; le nid arriva à bon port, et les chenilles dont il était peuplé ne parurent avoir souffert aucunement pour être venues en poste. Elles étaient en si bon état que plusieurs sortirent bientôt du nid, parce que je l'avais mis dans un cabinet où le printemps leur sembla être revenu. Je les portai ensuite dans un endroit plus froid, elles rentrèrent dans le nid, et n'en sortirent que quand 'air fut réellement devenu plus doux. Je voulus alors les nourrir, mais je ne pus avoir des feuilles de pins sur lesquels elles vivent : ce fut inutilement que je leur présentai des feuilles d'if, des feuilles d'épicéa, et d'autres feuilles que je jugeais les plus analogues à celles qui me manquaient. Elles périrent toutes successivement deux à trois semaines après que la douceur de la saison les eut invité à sortir, c'est à dire avant la fin de Mars. Nous verrons pourtant bientôt qu'il n'est pas sûr qu'elles soient péries de faim. M. Raoul m'a fait le plaisir de me renvoyer plusieurs de ces nids les années suivantes, autant que je lui en ai demandé. […]

page 152.

Les nids dont j'ai fait graver la figure, Planche VIII fig.1, était l'un des plus petits, il n'avait que huit pouces de longueur, et quatre pouces de diamètre à son gros bout ; mais les plus grands nids, et les plus petits sont faits sur le même modèle. Leur figure est toujours à peu près celle d'un cône renversé, ou pour parler moins noblement, et en donner une plus juste idée, le nid ressemble à un petit balai composé de beaucoup de feuilles étroites, telles que sont celles du pin ; des toiles de soie les ont forcées à prendre cette disposition, dans laquelle elles les maintiennent.

Page 155.

Les poils blancs ne sont point mêlés avec des poils feuille-morte : ils sortent immédiatement de la peau, et plus que d'ailleurs du milieu de la circonférence de chaque anneau, un peu au dessus des jambes ; Là il y a de chaque coté sur chaque anneau, ds poils qui forment une touffe, mais cette touffe n'a point un tubercule pour base. Pour revenir à la petite cavité renfermée par un rebord, Mlle du *** y observa encore une particularité : le dedans était rempli d'une matière comme cotonneuse, qui était formée de poils courts. [Planche VII fig.5]. Pendant que la chenille se donnait des mouvements, qu'elle ouvrait et qu'elle fermait cette espèce de stigmate, de petits flocons de ce coton s'élevait au dessus des bords de la cavité : ils paraissaient n'être plus adhérents au corps. Aussi étaient-ils poussés hors de l'enceinte, et quelquefois même ils étaient dardés dehors à quelque hauteur. Lorsque Mlle du *** voulut me faire voir le jeu de ces flocons, aucune des chenilles que je lui avais remises, ne voulut le montrer. Celles qu'elle avait eues venaient de sortir de leur nid pour la première fois depuis leur arrivée. J'eus quelque temps après un nouveau nid de ces chenilles, elles en sortirent, je fus attentif à les observer , et je vis le jeu des flocons de poils cotonneux. Apparemment que les poils courts, renfermés dans la petite enceinte, tiennent peu ensemble lorsque la chenille commence à quitter son nid, ; que les mouvements qu'elle se donne, achève de les détacher, et que ces mouvements sont même capables de les darder en l'air.

Aussi quelques jours après que ces chenilles ont commencé à sortir de leur nid, il ne paraît plus de poils dans ces enceintes, ou au plus il en paraît une petite touffe à chaque bout de l'ovale intérieur. On en voit alors une partie de la mécanique qui peut aider à les faire sortir, et même à les faire sauter, car dans certains moments, on voit que la partie du milieu de l'enceinte s'élève en pyramide bien au dessus des rebords de l'ovale.

Page 158 : la chrysalide puis le papillon 158-162 :

La chrysalide de cette chenille du pin [Planche VIII fig.4 et 5] est de la couleur la plus ordinaire aux chrysalides, d'un brun marron, mais la forme a quelque chose de particulier : sa partie antérieure est pointue, et beaucoup plus pointue que la postérieure : celle-ci est arrondie, et a deux courts crochets ; dans les chrysalides des autres chenilles, c'est le bout postérieur qui est pointu, et l'antérieur qui est arrondi.

Ce n'a été que vers la fin de juillet que les papillons de mon poudrier [Planche VIII fig. 6 à 9]ont quitté l'état de chrysalide, qu'ils sont sortis de terre. Le fond de couleur de leurs ailes supérieures est un gris qui n'est pas de la même nuance sur celles de tous ces papillons : le gris de celles-ci est un gris-blanc-cendré ; le gris de celles de quelques autres est un gris-brun ; des rayes brunes transversales, très ondées, et des taches brunes sont distribuées sur ce fond : le dessous des mêmes ailes est tout gris ; les deux cotés des ailes inférieures sont d'un gris clair, d'un gris presque blanc.

Ce papillon qui n'a rien dans les couleurs de ses ailes de propre à le faire bien distinguer de mille autres, a deux particularités qui ne permettent pas qu'on le confonde avec aucun de ceux que j'ai observés jusqu'ici. La première, et seulement remarquable dans les femelles de cette espèce, c'est que sur la partie supérieure de leur corps près du derrière, il y a une plaque brune, plus relevée que ce qui l'entoure, et un peu luisante [Planche VIII fig.8 ee] ; le reste du corps est velu et feuille-morte. La couleur, la forme et le luisant de cette espèce de plaque arrêtèrent mon attention la première fois que je la vis. Je tenais une épingle à la main, avec laquelle je la touchai, pour examiner la structure. Le frottement de l'épingle produisit un petit spectacle qui me surprit : sur le champ je vis une nuée de petites paillettes qui se détacha. Ces paillettes s'éparpillèrent de toutes parts, quelques-unes furent comme dardées en haut, d'autres sur les cotés ; mais le fort de la nuée fut de celles qui tombèrent doucement par terre. Chacun de ces corps que j'appelle des paillettes sont des lames [Planche VIII fig.12] extrêmement minces, qui ont quelques ressemblances avec les poussières des ailes des papillons, mais qui sont bien autrement grandes ; quelques unes ont plus d'une ligne et demi de longueur et les plus courtes ont une ligne. Leur figure est celle d'espèces de palettes : un de leurs bouts est pointu ; c'est celui qui est piqué dans la peau ; de là elles vont en s'élargissant, en prenant un peu de rondeur jusques à leur autre bout qui est arrondi, et l'endroit où elles sont le plus larges. Là leur largeur est à peu près égale à la moitié de leur longueur. Elles ne sont pas absolument planes, elles sont courbées de manière que celle de leur face qui est la plus proche du corps du papillon est un peu concave, et par conséquent la face supérieure et opposée est convexe.

La plaque élevée qui se fait remarquer sur le derrière de ces papillons est donc un amas, et un amas prodigieux de ces espèces d'écailles en forme de palettes : en frottant à diverses reprises cette plaque avec la pointe d'une épingle ou d'un canif, on peut faire tomber plusieurs fois des pluies de ces écailles : on est étonné qu'il puisse y en avoir autant d'entassées dans un si petit espace, mais c'est qu'elles sont extrêmement minces ; elles sont par conséquent légères ; d'où il arrive que pour peu qu'il y ait d'agitation dans l'air, elle suffit pour en faire élever assez haut un grand nombre, et pour en disperser beaucoup d'autres de différents cotés, indépendamment de celles qui tombent par terre.

Si on observe avec la loupe la plaque formée de toutes des petites écailles [fig.11], on voit qu'elles sont posées en recouvrement les unes sur les autres, mais de façon qu l'intérieur ne déborde de presque rien sur la supérieure.

Je ne sais s'il y a des papillons mâles de cette espèce sur le derrière desquels on trouve cette plaque d'écaille, mais je ne l'ai trouvée à aucun de ceux qui sont nés chez moi, et je l'ai vu à toutes les femelles. Celles-ci ont bien l'air d'en faire quelque usage pour envelopper leurs œufs : ces écailles ainsi placées sur le derrière, et si aisées à détacher, ont une forte analogie avec les poils entassés autour du derrière de certains papillons, et que nous leur avons vu mettre en œuvre avec tant d'adresse. Mais les papillons des chenilles du pin n'ont pas voulu pondre chez moi, et, par conséquent, ils ne m'ont point appris s'ils emploient ces écailles pour couvrir leurs œufs, ni ce qu'ils font de tant d'écailles rassemblées autour de leur derrière qui ne leur ont pas été données et placées là pour être inutiles.

(Voir ici [La Ponte]  le rôle de ces écailles et la justesse de déduction de Réaumur : http://www.insectes-net.fr/processionnaire/process2.htm   )

 

QUATRIEME MEMOIRE.

Mémoire IV. Page 179-204. Planches X à XII

DES CHENILLES QUI VIVENT EN SOCIETE PENDANT TOUTE LEUR VIE : A l'occasion desquelles on examine la cause des démangeaisons et des cuissons de peau qui sont produites par quelques chenilles.

De toutes les républiques de chenilles que je connais, les plus considérables sont celles d'une espèce de chenilles qui vit sur le chêne. Chacune de ces républiques, comme les autres dont nous avons parlé, n'est pourtant qu'une même famille, elle n'est de même formée que de chenilles nées d'un seul papillon, mais c'est une famille bien nombreuse : il y en a telle qui est peut-être composée de plus de 600, et même de 700 à 800 chenilles.

Page 197

Il faut pourtant avouer qu'il y en a qui en certains temps sont même à craindre, lorsqu'on ne fait que les observer de près, quoiqu'on ne les touche pas. Elles sont pour ainsi dire entourées d'une atmosphère dans laquelle voltigent de petits poils courts, et qui sont comme d'autant de petits dards qui pénètrent dans la peau, pour peu qu'ils viennent à la toucher. Les chenilles qui vivent en si grandes sociétés sur le pin [Planche 7 fig.3], dont nous avons parlé dans le Mémoire précédent, sont de celles que je crois entourées d'une atmosphère si propre à exciter des démangeaisons. Il m'est arrivé bien des fois d'en sentir, après les avoir considérées de près, sans les avoir maniées.

Aussi avons-nous vu dans le Mémoire précédent qu'elles ont sur le dos des espèces de stigmates, différents de ceux par lesquels elles respirent l'air, et qu'il y a des temps où des flocons de poils sont visiblement dardés assez loin par ces stigmates. Alors, assurément, de leurs plus petits poils, et qui n'étaient pas amoncelés, peuvent être portés et dispersés par des mouvements de la chenille, qui ne sufissent par pour détacher des flocons.

.

Les Pityocampes, c'est à dire, les chenilles du Pin et Epicéas, sont aussi fines qu'un petit doigt humain, et aussi long que la largeur de trois doigts. Ils ont onze incisions entre la tête et la queue, et ils ont 16 pattes comme les autres chenilles, précisément trois sur les deux cotés de la tête, quatre sur les deux cotés du milieu du corps, et une de chaque coté de la queue : mais la premières sont en crochet et petites, avec lesquelles elles trouvent leur chemin, et les autres sont plus larges et dentelées comme des scies, afin de mieux s'accrocher aux branches. La tête est comme celle des fourmis, le reste est semblable aux autres chenilles. Elles sont couvertes de poils et complètement entourées d'épines pointues ; les poils des cotés sont blancs et brillent dans le dos ; la partie médiane est ornée de points comme des yeux : les épines étant rasées, il y a une peau noire en dessous, leurs poils très fins, qui piquent plus vivement qu'une aiguille, et causent une grande douleur, un échauffement, de la fièvre, des fourmillements, et un malaise général. Le poison rentre subitement sans aucun sens de la blessure, et est transporté de part près des intestins. Elles tissent une toile fine comme les araignées, dessinant et disposant leur filet avec leurs pattes antérieures. Durant la nuit elles rentrent à l'intérieur, comme sous une tente, où elles échappent au froid et au vents. La matière dont est faite cette tente est si solide et si fine, qu' elles ne sont menacées ni par les plus forts vents, ni par les pluies ; et elles sont si spacieuses qu'un millier de chenilles peuvent y trouver place. Elles font leur toiles dans les petites touffes d' aiguilles de Pins et d'Épicéas, où elles ne vivent pas en solitaires comme les autres, mais en colonies. Moyen par lequel elles étendent leur course, elles tissent et transportent leur toile avec elles. Et dans la journée, seulement s'il fait beau, les plus grandes accompagnant les plus petites par troupes, et ayant dénudé l'arbre de ses aiguilles, car elles le dévastent totalement, elles travaillent durement au tissage. Seulement ce fléau des Pins et Épicéas n'atteint pas les autres conifères. Sur le Mont Athos, dans les Bois du Trentin, et dans les Alpes, elles abondent, en raison de la quantité de nourriture qu'elles y trouvent, comme en atteste Matthiolus. Ce sont vraiment les créatures les plus venimeuses, que vous les touchiez superficiellement avec les mains, ou qu'elles vous atteignent par voie interne. Elles sont considérées de longue date comme du poison, puisque Ulpian interprétant la loi Cornélienne De Sicariis concernant les meurtriers privés réclame contre eux qu'ils soient punis en leur donnant à boire une Processionnaire du Pin. Sect. Alium . ff. ad. Leg. Corn. De fic.

Signes de blessure par Processionnaire du Pin et traitement. 

Ancre "Lorsqu'on a léché une chenille, la douleur affecte sévèrement la bouche et le palais ; le corps de la langue et l'estomac sont fortement enflammés par le poison corrosif : aussi ils entraînent une terrible douleur, alors qu'au début cela ressemblait à une plaisante sensation de picotement. Un fort échauffement s'ensuit, ainsi qu'une répugnance à l'égard de la nourriture, et un désir incessant, mais infructueux de vomir. A la longue, si les soins ne sont pas donnés, la brûlure s'étend à tout le corps et l'estomac devient aussi ulcéré que par l'arsenic. Dioscoride. Aetius, Pline. Celse. Galien. Item II simpl. c.5. Et Avicenne Fos. Cap. 25. C'est pourquoi Aetius et Aegineta tiennent comme dangereux de servir les repas sous les Pins, ou de se reposer dessous, car, attirées peut-être par la viande ou le les vapeurs de bouillon, ou par le bruit des hommes, ces chenilles du Pins pourraient tomber sur la viande, ou laisser tomber leur semence, qui est aussi dangereuse qu'elles-mêmes. Ceux qui sont atteint par de tels maux devront utiliser les traitements en vigueur contre les Cantharides, car les mêmes moyens les soigneront : c'est à dire l'huile de Coing, appelée melinum oleum, qui doit être bue deux ou trois fois, pour déclencher le vomissement, comme l'a prescrit Dioscoride dans Aetius. Elles sont générées, ou plutôt régénérées, comme le Convolvulus, par la nourriture d'automne laissée dans la toile sur certaines aiguilles, ou du Convolvulus lui-même corrompu, comme le pense Scaliger."

Commentaires :

Matthiolus : voir Mattioli, Pietro Andrea dans la traduction française : - Les Commentaires de M.P. André Matthiole,... sur les six livres de la matière médicinale de Pedacius Dioscoride,... traduits de latin en françois par M. Antoine Du Pinet... augmentez... d'un Traité de chymie en abrégé... par un docteur en médecine. Derniere édition Lyon : J.-B. de Ville, 1680. Moffet s'inspire du Livre II chapitre LV page 164 :

"Quant aux Chenilles des Pins, les vallées d'Ananie et de Fleme auprès de trente en sont toutes garnies parce qu'il y a force Pins. Elles font leurs nids aux cimes des branches des Pins, où on les voit par milliers, velues et roussâtres, avec plusieurs petites peaux dont elles sont enveloppées et revêtues. L'Hiver elles se cachent en ces petites peaux, et échappent par ce moyen la rigueur de l'Hiver. Leurs nids sont grands, et en peuvent tenir mille. Les pellicules dont elles sont enveloppées semblent à de fins draps de soie : mais elles sont plus subtiles. Elles sont fort bonnes à étancher le sang, étant appliquées : Voilà donc quant aux chenilles des Pins. "

 

Ailleurs, Moffet recopie Matthiolus :: Livre VI chapitre II page 496 : 

« Soudain qu'on a avalé des chenilles de Pin, il s'ensuit une grande douleur en la bouche, et au palais : et sent-on une inflammation véhémente en la lange, au ventre et en l'estomac. On a d'ailleurs, une douleur indicible des intestins : de sorte qu'il semble au patient qu'on lui ronge les boyaux. Tout son corps est en chaleur : et sent une anxiété intolérable. On y doit pourvoir avec les mêmes remèdes dont on use contre les Cantharides. Toute fois, au lieu d'huile d'olive simple, et d'huile de racine de Flambe, il faudra user d'huile de Pommes de Coing. 

.

–Ulpianus in Lex Cornelia De sicariis et veneficis. (Loi Cornélienne contre les assassins et les empoisonneurs) : 3. Alio senatus consulto effectum est, ut pigmentarii, si cui temere cicutam salamandram aconitum pituocampas aut bubrostim mandragoram et id, quod lustramenti causa dederit cantharidas, poena teneantur huius legis. .Les Lois Cornéliennes ont été promulguées par Cornelius Sylla. http://droitromain.upmf-grenoble.fr/Leges/cornelia_sicariis.gr.html

Les Pityocampes, c'est à dire, les chenilles du Pin et Epicéas, sont aussi fines qu'un petit doigt humain, et aussi long que la largeur de trois doigts. Ils ont onze incisions entre la tête et la queue, et ils ont 16 pattes comme les autres chenilles, précisément trois sur les deux cotés de la tête, quatre sur les deux cotés du milieu du corps, et une de chaque coté de la queue : mais la premières sont en crochet et petites, avec lesquelles elles trouvent leur chemin, et les autres sont plus larges et dentelées comme des scies, afin de mieux s'accrocher aux branches. La tête est comme celle des fourmis, le reste est semblable aux autres chenilles. Elles sont couvertes de poils et complètement entourées d'épines pointues ; les poils des cotés sont blancs et brillent dans le dos ; la partie médiane est ornée de points comme des yeux : les épines étant rasées, il y a une peau noire en dessous, leurs poils très fins, qui piquent plus vivement qu'une aiguille, et causent une grande douleur, un échauffement, de la fièvre, des fourmillements, et un malaise général. Le poison rentre subitement sans aucun sens de la blessure, et est transporté de part près des intestins. Elles tissent une toile fine comme les araignées, dessinant et disposant leur filet avec leurs pattes antérieures. Durant la nuit elles rentrent à l'intérieur, comme sous une tente, où elles échappent au froid et au vents. La matière dont est faite cette tente est si solide et si fine, qu' elles ne sont menacées ni par les plus forts vents, ni par les pluies ; et elles sont si spacieuses qu'un millier de chenilles peuvent y trouver place. Elles font leur toiles dans les petites touffes d' aiguilles de Pins et d'Épicéas, où elles ne vivent pas en solitaires comme les autres, mais en colonies. Moyen par lequel elles étendent leur course, elles tissent et transportent leur toile avec elles. Et dans la journée, seulement s'il fait beau, les plus grandes accompagnant les plus petites par troupes, et ayant dénudé l'arbre de ses aiguilles, car elles le dévastent totalement, elles travaillent durement au tissage. Seulement ce fléau des Pins et Épicéas n'atteint pas les autres conifères. Sur le Mont Athos, dans les Bois du Trentin, et dans les Alpes, elles abondent, en raison de la quantité de nourriture qu'elles y trouvent, comme en atteste Matthiolus. Ce sont vraiment les créatures les plus venimeuses, que vous les touchiez superficiellement avec les mains, ou qu'elles vous atteignent par voie interne. Elles sont considérées de longue date comme du poison, puisque Ulpian interprétant la loi Cornélienne De Sicariis concernant les meurtriers privés réclame contre eux qu'ils soient punis en leur donnant à boire une Processionnaire du Pin. Sect. Alium . ff. ad. Leg. Corn. De fic.

Signes de blessure par Processionnaire du Pin et traitement. 

Ancre "Lorsqu'on a léché une chenille, la douleur affecte sévèrement la bouche et le palais ; le corps de la langue et l'estomac sont fortement enflammés par le poison corrosif : aussi ils entraînent une terrible douleur, alors qu'au début cela ressemblait à une plaisante sensation de picotement. Un fort échauffement s'ensuit, ainsi qu'une répugnance à l'égard de la nourriture, et un désir incessant, mais infructueux de vomir. A la longue, si les soins ne sont pas donnés, la brûlure s'étend à tout le corps et l'estomac devient aussi ulcéré que par l'arsenic. Dioscoride. Aetius, Pline. Celse. Galien. Item II simpl. c.5. Et Avicenne Fos. Cap. 25. C'est pourquoi Aetius et Aegineta tiennent comme dangereux de servir les repas sous les Pins, ou de se reposer dessous, car, attirées peut-être par la viande ou le les vapeurs de bouillon, ou par le bruit des hommes, ces chenilles du Pins pourraient tomber sur la viande, ou laisser tomber leur semence, qui est aussi dangereuse qu'elles-mêmes. Ceux qui sont atteint par de tels maux devront utiliser les traitements en vigueur contre les Cantharides, car les mêmes moyens les soigneront : c'est à dire l'huile de Coing, appelée melinum oleum, qui doit être bue deux ou trois fois, pour déclencher le vomissement, comme l'a prescrit Dioscoride dans Aetius. Elles sont générées, ou plutôt régénérées, comme le Convolvulus, par la nourriture d'automne laissée dans la toile sur certaines aiguilles, ou du Convolvulus lui-même corrompu, comme le pense Scaliger."

Commentaires :

Matthiolus : voir Mattioli, Pietro Andrea dans la traduction française : - Les Commentaires de M.P. André Matthiole,... sur les six livres de la matière médicinale de Pedacius Dioscoride,... traduits de latin en françois par M. Antoine Du Pinet... augmentez... d'un Traité de chymie en abrégé... par un docteur en médecine. Derniere édition Lyon : J.-B. de Ville, 1680. Moffet s'inspire du Livre II chapitre LV page 164 :

"Quant aux Chenilles des Pins, les vallées d'Ananie et de Fleme auprès de trente en sont toutes garnies parce qu'il y a force Pins. Elles font leurs nids aux cimes des branches des Pins, où on les voit par milliers, velues et roussâtres, avec plusieurs petites peaux dont elles sont enveloppées et revêtues. L'Hiver elles se cachent en ces petites peaux, et échappent par ce moyen la rigueur de l'Hiver. Leurs nids sont grands, et en peuvent tenir mille. Les pellicules dont elles sont enveloppées semblent à de fins draps de soie : mais elles sont plus subtiles. Elles sont fort bonnes à étancher le sang, étant appliquées : Voilà donc quant aux chenilles des Pins. "

 

Ailleurs, Moffet recopie Matthiolus :: Livre VI chapitre II page 496 : 

« Soudain qu'on a avalé des chenilles de Pin, il s'ensuit une grande douleur en la bouche, et au palais : et sent-on une inflammation véhémente en la lange, au ventre et en l'estomac. On a d'ailleurs, une douleur indicible des intestins : de sorte qu'il semble au patient qu'on lui ronge les boyaux. Tout son corps est en chaleur : et sent une anxiété intolérable. On y doit pourvoir avec les mêmes remèdes dont on use contre les Cantharides. Toute fois, au lieu d'huile d'olive simple, et d'huile de racine de Flambe, il faudra user d'huile de Pommes de Coing. 

.

–Ulpianus in Lex Cornelia De sicariis et veneficis. (Loi Cornélienne contre les assassins et les empoisonneurs) : 3. Alio senatus consulto effectum est, ut pigmentarii, si cui temere cicutam salamandram aconitum pituocampas aut bubrostim mandragoram et id, quod lustramenti causa dederit cantharidas, poena teneantur huius legis. .Les Lois Cornéliennes ont été promulguées par Cornelius Sylla. http://droitromain.upmf-grenoble.fr/Leges/cornelia_sicariis.gr.html

Réaumur, Mémoire III tome 2, anneau et "stigmate" de Processionnaire du Pin, Planche VII fig. 3-7.

Réaumur, Mémoire III tome 2, anneau et "stigmate" de Processionnaire du Pin, Planche VII fig. 3-7.

SOURCES ET LIENS.

 

 

DEMOLIN (G.) 1963 Les 'miroirs' urticants de la processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa Schiff.) - Revue de Zoologie agricole et appliquée, 1963

— FRAVAL (Alain), 2007, -Les Processionnaires. Première partie. La Processionnaire du Pin. OPIE - Insectes n°147, pages 35 à 39.

 

http://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i147fraval3.pdf

— FABRE Jean-Henri-Casimir), 1898, Souvenirs entomologiques  chapitres 18 à 23 de la série VI 

http://www.e-fabre.com/e-texts/processionnaire.htm

— FRAVAL (Alain), 2010, Les insectes fileurs de soie INRA OPIE-Insectes http://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i156fraval1.pdf

LAMY (Michel), Novak (Françoise), 1987, The oak processionary caterpillar (Thaumetopoea processionea L.) an urticating caterpillar related to the pine processionary caterpillar (Thaumetopoea pityocampa Schiff.) (Lepidoptera, Thaumetopoeidae) Experientia April 1987, Volume 43, Issue 4, pp 456-458

http://link.springer.com/article/10.1007%2FBF01940453

 

Thaumetopoein: An urticating protein from the hairs and integument of the pine processionary caterpillar (Thaumetopoea pityocampa schiff., Lepidoptera, Thaumetopoeidae)

Michel Lamy 1, Marie-Hélène Pastureaud 1, Françoise Novak 1, Georges Ducombs 2, Philippe Vincedeau 2, Jean Maleville 2, Lucien Texier 2

LAMY  M et al. 1987, : "Thaumetopoein: an urticating protein from the hairs and integument of the pine processionary caterpillar (Thaumetopoea pityocampa Schiff.)" Toxicon 24/4/1986. pages 347-56.

Abstract

Hairs of the Thaumetopoea pityocampa caterpillar (Lepidoptera) cause a cutaneous reaction in man and animals. The irritating fraction extracted from hairs contains soluble proteins which were separated by various electrophoretic and immunoelectrophoretic techniques. Some of these proteins are present also in cuticle and haemolymph. One protein of 28,000 mol. wt is hair specific and caused a reaction in pig skin identical to that produced by hair extract. It is therefore an urticating protein which we have named thaumetopoein. This protein is formed of two subunits of molecular weights 13,000 and 15,000. It is present in large quantities in the glands producing urticating hairs.

— MITALI (Ettore), 2015, Proteins associated with the urticating setae of the Pine processionary Moth  Thaumetopoea pityocampa (Denis & Schiffermüller 1775) Supervisor: Prof. Andrea Battisti Co-supervisor: Dr. Laura Berardi, Master Thesis in forest and environmental sciences. 

 

http://tesi.cab.unipd.it/47891/1/Mitali,_Ettore.pdf

MONEO   I., Battisti A., Dufour B., García-Ortiz J.C., González-Munoz M., Moutou F., Paolucci P., Petrucco Toffolo E., Rivière J., Rodriguez-Mahillo A.I., Roques A., Roques L., Vega J.M. & Vega J. (2015). Medical and Veterinary Impact of the Urticating Processionary Larvae. In: Processionary moths and climate change: an update (ed. A. Roques). Springer-Quae, Dordrecht: 359-410.

— RÉAUMUR (René-Antoine Ferchault de ),1734-1742,  Mémoires pour servir à l'Histoire des insectes, Tome 2, 

 

— Références Thaumetopoea INRA 

http://www7.inra.fr/urticlim/publications__1/references_thaumetopoea_generalites

— http://aramel.free.fr/INSECTES13-41'-1.shtml

— http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/20421/RFF_1970_S_LBF_220.pdf?sequence=1?

— http://insectes-net.fr/processionnaire/process5.htm

— http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/zoologie-1/d/la-chenille-processionnaire-du-pin_700/c3/221/p4/

 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier
10 janvier 2016 7 10 /01 /janvier /2016 08:56

Le manuscrit des Cocharelli : un bestiaire d'insectes du XIVe siècle.

.

Le site web du Museum de Toulouse a publié un remarquable article sur le Manuscrit Cocharelli : "Des sciences naturelles avant la lettre : le surprenant bestiaire des Cocharelli."

Rédigé par Colette Bitsch, entomologiste, chargée de Recherche honoraire au CNRS, c'est le résumé de son travail antérieur publié en 2014 : Colette Bitsch, "Le Maître du codex Cocharelli: enlumineur et pionnier dans l'observation des insectes", in Laurence Talairach-Vielmas & Marie Bouchet (eds), History and Representations of Entomology in Literature and the Arts. (Bruxelles: Peter Lang, 2014).

Pour celui qui, comme moi, cherche à retracer l'histoire de l'étude des papillons, (et, par ce biais, l'histoire de l'entomologie) et à retrouver les illustrations les plus précoces des diverses espèces de papillons, cet article était un vrai cadeau. Et ce manuscrit s'avère un trésor. Car cinq genres ou espèces de lépidoptères, identifiables, s'y trouvaient enluminées sur un manuscrit italien du quatorzième siècle ! Entre 1330 et 1340, près de 250 ans avant Joris Hoefnagel, que je considère comme le précurseur du naturalisme scientifique !

Certes, on cite la Piéride du Chou enluminée sur le Alphonso and Bird Psalter anglais vers 1309 (The Bird Psalter, Fitzwilliam Museum, University of Cambridge, , MS 2- 1954, f. 1r). Ou bien la libellule Calopteryx splendens et les deux Aglais urticae (Petite Tortue) des marges du Bréviaire de Belleville entre 1323 et 1326, par l'atelier parisien de Jean de Pucelle. Mais l'ensemble des autres papillons peints ou enluminés sont fantaisistes (Nazari, 2014).

Le Codex Cocharelli nous est parvenu incomplet, fragmenté et dispersé. Les folios connus sont conservés à la British Library sous les cotes Egerton 3127 (folio 1 et 2) et Egerton 3781 ( folio 1), Additional 28841 (7 folios ff. 1-7) et Additional 27695 (15 fragments), mais on doit y ajouter ceux du Musée des Arts de Cleveland (J.H. Wade Fund n.1953.152) et du Musée du Bargello de Florence (inv. 2065). Une autre section a été vendue à Berlin le 12 mai 1930 comme appartenant au "Eine Wiener Sammlung", lot 3 avec planches. Le texte est disposé sur deux colonnes, dans une écriture gothique , sur des feuillets de parchemin de 170 x 110 mm environ, utilisées au recto et au verso, dans un ensemble relevant d'un artisanat de grand luxe et très coûteux.

En 1952, A.C. Combrie a commencé de tenter d'identifier les insectes du Ms 28841. Colette Bitsch a poursuivi ces identifications en 2014.

Je me suis d'abord contenté de copier l'article mis en ligne par le Muséum (j'en place le texte en retrait), mais j'ai ensuite approfondi, lorsque je l'ai cru utile, les informations sur les espèces de lépidoptères identifiées. Je me suis fait communiquer l'article de C. Bitsch de 2014, et j'en ai recopié également des extraits. Je souhaite rendre hommage à la qualité littéraire de cet article de Colette Bitsch.

.

 

 

Colette Bitsch. Des sciences naturelles avant la lettre : le surprenant bestiaire des Cocharelli.

 

.

"Depuis quand observe-t-on en détail les insectes au point de réussir des représentations fidèles et donc facilement identifiables ? Il faut attendre les XVIe et surtout XVIIe siècles pour que naisse une Entomologie illustrée. Pourtant, une exception existe à cette assertion bien établie : un manuscrit médiéval orné de nombreux insectes dont le naturalisme stupéfiant anticipe de trois cents ans au moins l'avènement des Sciences Naturelles. Ce document si peu ordinaire est présenté ici."

.

.Des sciences naturelles avant la lettre : le surprenant bestiaire des Cocharelli.

Egerton 3127, extrait de la marge basse de f. 2v. British library de Londres. Domaine public.

"Portraits en médaillon de divers insectes extraits du manuscrit Cocharelli : en haut, de gauche à droite, criquet en plein vol montrant ses ailes postérieures rouges puis un cousin (Tipula) vu de profil. "

 

.

enluminure insectes

Egerton 3781, marge basse de f. 1v. British library de Londres. Domaine public.  

.

Dessous, de gauche à droite, on reconnaît aisément un criquet vu de profil puis trois insectes en plein vol et en vue dorsale : cousin, criquet à ailes postérieures bleues et un criquet à ailes postérieures transparentes.

    
 

Contexte historique

Au XIVe siècle, une riche famille de banquiers vivait à Gênes : les Cocharelli. Pour assurer l'éducation de leurs enfants, le père et le grand-père avaient écrit un manuel scolaire à usage privé. Le texte latin, transcrit sur parchemin et luxueusement enluminé, est tombé dans l'oubli pendant 5 siècles. Vers la fin du XIXe siècle, puis au siècle suivant, quelques uns des feuillets du manuscrit sont apparus sur les marchés de l'Art. Or certaines miniatures composent un véritable atlas de représentations entomologiques peintes dans un naturalisme totalement inédit pour l'époque. En effet, au XIVe siècle, les quelques papillons qui animaient les décors fleuris de manuscrits n'étaient que des schémas aussi improbables que fantaisistes et les abeilles, pourtant bien connues en raison de leurs productions de cire et de miel, étaient souvent évoquées comme de petits oiseaux.
    Les études de spécialistes en manuscrits anciens ont permis de dater ce manuscrit Cocharelli entre 1330 et 1340, mais l'identité de l'artiste enlumineur est restée une énigme. Ce trésor familial comprenait un traité de morale écrit en prose sous forme d'un dialogue entre un père et son fils Petit-Jean, puis un récit versifié par le grand-père Pelegrino, rapportant des évènements historiques survenus dans la Sicile du XIIIe siècle.


Les loisirs savants d'une famille riche et cultivée

Plusieurs grandes enluminures insérées dans le traité de morale présentent la famille Cocharelli. L'une d'elles offre, sur un fond de tapis orientaux, les portraits du grand-père, puis de Petit-Jean représenté avec un oiseau perché sur son poing gauche ganté tel celui d'un fauconnier et enfin le portrait du père guidant affectueusement son fils. Les trois personnages sontrichement vêtus selon le haut rang que tenait cette famille au sein de la société génoise médiévale.

https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMINBig.ASP?size=big&IllID=1301


trois portraits
     
Trois portraits. Additional 27695, extrait de f. 2v. British library de Londres. Domaine public.


    Une seconde enluminure, également en pleine page, montre cette famille aisée dans la pleine campagne et s'adonnant à lachasse aux faucons en compagnie des enfants. Canards, cigognes, perdrix, huppes, faisans, chardonnerets, pies et autres oiseaux charognards sont ici parfaitement identifiables en dépit de leur miniaturisation. Il se pourrait que l'enlumineur, ou bien la famille Cocharelli, ait disposé d'une très rare copie enluminée du traité de fauconnerie « De l'art de chasser au moyen des oiseaux » écrit au XIIIe siècle par Frédéric II de Hohenstaufen (1194-1250) dans lequel l'empereur avait inséré une véritable faune ornithologique.

Folio 1v

https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMINBig.ASP?size=big&IllID=7744

enluminure chasse

Chasse au faucon. Egerton 3127, f. 1v. (11cmx17cm). British library de Londres. Domaine public.   


    "Les enluminures parvenues jusqu'à nous à ce jour laissent penser que le cercle familial Cocharelli initiait la jeunesse à l'observation de la nature sur le terrain et que la conquête du milieu aérien par les animaux ailés, oiseaux et insectes, aurait été des sujets d'études privilégiés. Voilà un comportement surprenant d'anachronisme puisque, dans le même temps, tous les bestiaires médiévaux diffusaient des fables animalières édifiantes ou des contes à dormir debout venus de traditions anciennes."

Un remarquable répertoire d'insectes

"Notre surprise devient stupéfaction devant le décor animalier dispersé dans les marges cernant le texte du poème historique. Ces marges sont littéralement envahies d'une faune diversifiée, principalement entomologique. Cette galerie zoologique sans rapport avec le texte a été longtemps considérée comme strictement ornementale. Cependant, une analyse approfondie récente révèle que les animaux n'étaient pas du tout un décor anodin mais composaient des leçons de Sciences Naturelles mises en images et propres à susciter l'éveil du sens de l'observation de la nature et l'éveil de la curiosité à l'égard du concret.En outre, des répartitions d'animaux selon leurs mœurs, des figurations à l'évidence pédagogiques, les repérages de stades immatures et de stades adultes, mettent en relief une parfaite connaissance du Traité de Zoologie d‘Aristote.
 
Ad. 28841 Folio 4v. Observons par exemple les animaux identifiables sur deux pages empruntées au récit historique. Les échantillons sont comme posés sur des plantes volubiles. En haut d'une première page dont les marges sont tapissées d'un lierre ornemental schématisé, deux profils de Coléoptères Scarabéides (Oryctes nasicornis) se font face en haut de page. A coté est placé un Hémiptère aquatique muni de pattes postérieures natatoires : une notonecte. Dans la marge droite, en haut et en bas, sont représentés deux Hémiptères Pentatomides, des punaises aux formes géométriques typiques. L'artiste a représenté l'insecte du haut avec des ailes antérieures coriacées mises au repos sur le dos alors que celui du bas est pédagogiquement présenté avec les ailes antérieures écartées pour laisser découvrir la seconde paire d'ailes membraneuses. Ce type de démonstration didactique est repris sur l'Oryctes de la marge basale : la seconde paire d'ailes dégagées montre bien son réseau de nervures. Le coléoptère est encadré de deux papillons d'une même espèce mais l'un, dessiné  en vue dorsale, a les ailes étalées alors que l'autre, vu de profil, a les ailes au repos. A leur coloration typique il est aisé de reconnaître des Arctiidae mâles : Utethesia pulchella, une espèce méridionale migratrice. On remarque aussi dans le haut de l'entrecolonne, une forme immature de punaise avec des fourreaux alaires courts laissant voir la face dorsale aplatie de l'insecte."

-Bitsch 2014 : "La troisième punaise  est une forme juvénile placée sur le coté gauche de l'entre-colonne, à cheval sur les lignes 10 et 12 du texte versifié. L'immaturité de l'individu se reconnaît par les deux fourreaux alaires courts dégageant la face dorsale de l'abdomen."

 

enluminures insectes
  Insectes. Additional 28841, f. 4v. (11 x 17 cm). British Library de Londres. Domaine public.

.

"Le  folio 5v présente deux espèces typiquement méditerranéennes, étalées sur les feuillages d'une courge en fleurs et en fruits. Dans la marge droite apparaît le stupéfiant réalisme objectif d'une véritable étude comparée des faces dorsale et ventrale de la cigale de l'Orne ou cigale grise, Cicada orni (un Homoptère de grande taille). La perfection des observations faites sur les nervures alaires, le rostre piqueur, les plaques ventrales recouvrant les organes du chant et l'armure génitale mâle, est totalement inédite dans cette première moitié du XIVe siècle.

-Bitsch 2014 : "l'artiste a vu parfaitement les petites antennes fines insérées entre deux yeux proéminents, le rostre piqueur glissé au repos entre la base des pattes thoraciques, la segmentation de l'abdomen. [...] Des petites taches sombres présentes sur les ailes de l'insecte permettent de reconnaître l'espèce, la cigale du frêne  ou Cicada orni".

 

Dans la marge du bas et comme posés au sol se font face deux Truxalis, soit deux curieux criquets dits « à long nez ». Ces Acridiens sont mal visibles dans la nature car leurs formes et couleurs les confondent avec les herbes où ils vivent communément. Mais ils n'ont pas échappé aux regards curieux et exercés des Cocharelli."

- Bitsch 2014 :  "L'enlumineur a bien repéré la tête prolongée en cône, porteuse de gros yeux ovales et d'antennes élargies à la base. Il a vu combien les pattes postérieures, allongées pour le saut, paraissent grèles. En outre, il a parfaitement repéré l'existence de deux formes, l'une claire, l'autre foncée. "

.

enluminure insectes

Insectes.  Additional 28841, f. 5v. (11 x 17 cm). British Library de Londres. Domaine public.

.  


    "Enfin, le traité de morale accueille lui même des insectes ailés, associés par quatre dans  de nombreux bas de page. Chaque animal est enchâssé dans un médaillon schématiquement végétalisé. Ce sont de véritables portraits incrustés dans les marges dorées et filigranées de rouge vermillon éclatant. Voici de gauche à droite : un petit Sphingide, Macroglossum stellatarum, très commun et dont le comportement évoque celui de l'oiseau-mouche en vol stationnaire ; ensuite ce sont une Noctuelle et un petit Rhopalocère aux ailes tachetées de la famille des Hespérides, Pyrgus malvae; tout à droite, l'insecte présentant des ailes membraneuses et une « taille de guêpe » très allongée est un Sphécide qui pourrait être une guêpe solitaire et maçonne, tel un Sceliphron."

.

Egerton 3127 Folio 1r
https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=11857

et zoom

 https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMINBig.ASP?size=big&IllID=11857

.
 enluminures insectes
Insectes. Egerton 3127, marge basse de f. 1r. (extrait de 11 x 3 cm). British Library de Londres. Domaine public.

 

.

 


"En somme, cet étonnant atlas de figurations entomologiques aurait joué le rôle d'un cabinet de curiosités avant la lettre chez les Cocharelli : les représentations d'espèces, très diverses mais toutes méditerranéennes et toutes banales dans la campagne lombarde, auraient visé à éduquer des regards émerveillés à l'observation concrète de la nature. Ceci au moins trois siècles avant l'avènement des Sciences Naturelles. Cette galerie de portraits entomologiques a été peinte environ 165 ans avant le cerf-volant mâle, Lucanus cervus, une œuvre de Dürer datée de 1505, dont tout le monde célèbre la précocité de la vraisemblance totale. Voilà des anticipations troublantes! Un naturaliste inconnu, l'enlumineur lui-même ou un membre de la famille Cocharelli, aurait-il été un pionnier de l'entomologie bien avant la Renaissance, un précurseur vite tombé dans l'oubli car trop précoce, trop novateur pour les mentalités de l'époque ? Ou bien, à l'inverse, ce manuscrit porte-t-il le témoignage de références venues d'ailleurs, d'un autre temps et perdues à jamais ?"

Fin de l'article de Colette Bitsch.

.

.§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§.

.

ETUDE DETAILLÉE DES FEUILLETS . Colette Bitsch, 2014.

Egerton 3127 folio 2r. 

 

.

De haut en bas :

3ème ligne : Collembole ?

Bitsch, 2014, p. 64 "...un petit animal portant une paire d'antennes et présentant une morphologie générale tripartite. Ce serait donc un insecte dont les pattes thoraciques paraissent mutilées ou mal comprises. L'absence d'ailes oriente soit vers un stade larvaire d'une forme ailée, soit vers un représentant des Aptérygotes (des insectes primitifs dépourvus d'ailes). La difficulté majeure de la détermination  tient à la forme arborescente des antennes. Des Coléoptères peuvent présenter des antennes pennées, mais pas ramifiées; L'hypothèse d'un insecte aptérygote serait étayée par la forme de la tête évoquant une entotrophie (pièces buccales cachées). Cette hypothèse serait aussi bien soutenue par la présence d'un appendice abdominal ventral rejeté en arrière, et évoquant l'organe saltatoire singulier , nommé "furca", spécifique des Collemboles Arthropléones appartenant à la microfaune du sol et dont les plus grands (quelques millimètres) sont repérables par un observateur aussi minutieux et passionné que le pouvait être le Maître du codex Cocharelli. Cette identification, évidemment incontrôlable par d'autres critères de diagnose, est plausible, mais ne résoud pas le problème des antennes énigmatiques. Faut-il penser que l'artiste, émerveillé par la découverte du microcosme insoupçonné habitant la litière du sol, a recomposé un insecte chimérique dont l'anatomie mixte pouvait avoir un sens à l'époque médiévale ?"

 

— 5ème ligne Chenille :

 

Bitsch, 2014, p. 64 "L'artiste a parfaitement repéré la présence de petites ventouses ventrales sur l'abdomen des chenilles et appelées "fausses pattes".

— 7ème ligne. Chenille de Papilionidae.

D'après Bitsch, 2014, p. 64,  cette chenille porte une formation orangée en forme de Y (flêche sur la photo) derrière la tête. "Il s'agit d'une vésicule glandulaire , bifide et exsertile, typique de la famille des Papilionidae". Voir ici la photo de l' osmeterium des Papilionidés sur la chenille d'un Papilio machaon.

— Dixième ligne. deux chrysalides. 

.

 

 

 

 

Cicacidae  cigale de l'Orne ou cigale grise, Cicada orni 

Codex Cocharelli, Egerton 3127 f.2.r, British Library de Londres. Domaine public.
Codex Cocharelli, Egerton 3127 f.2.r, British Library de Londres. Domaine public.

Codex Cocharelli, Egerton 3127 f.2.r, British Library de Londres. Domaine public.

.

Egerton 3127 f.2.r. deux-tiers de la colonne de gauche.

Arthropoda, Myriapoda, Diplopoda (Mille-pattes), famille des Iulidae (Iules). 

Arthropode terrestre au corps pluri-segmenté et aux multiples pattes marcheuses. 

.

 

Codex Cocharelli, Egerton 3127 f.2.r, British Library de Londres. Domaine public.

Codex Cocharelli, Egerton 3127 f.2.r, British Library de Londres. Domaine public.

.

 Egerton 3127 folio 1r.

Incipit : ADERUNT duisi seneratores speciali iavveusis quai subtilio 

https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=11857

.

Bitsch, 2014 page 64-65:

 "Les marges sont luxueusement ornées d'un fond d'or vivifié de filigranes rouge vermillon et parcourue de volutes feuillagées également dorées. Ainsi le texte parait enchassé dans les tourbillons d'une lumière étincelante. L'entrecolonne est une bande étroite de fond bleu filigrané de blanc et bordée d'or . La marge du bas apparaît dilatée car les diamètres de ses quatre volutes d'or s'élargissent en créant qautre médaillons circulaires égaux alignas sous le texte. Ces quatre cercles semblent découper, comme à l'emporte-pièce, le fond doré des marges, si bien que la teinte du parchemin redevient visible. Chaque médaillon contient la représentation d'un insecte ailé dessiné en vue dorsale avec les ailes déployées ou bien vu de profil avec les ailes redressées. Une petite plante schématisée est toujours présente en arrière-plan pour mettre en scène l'insecte dans son univers naturel."

 

"Les trois médaillons les plus à gauche sont occupés par trois papillons soigneusement représentés. C'est d'abord un individu typique de la famille des Sphingidae, Macroglossum stellatarum, une espèce qui butine les fleurs en vol stationnaire. A sa droite apparaît un représentant de la famille des Noctuelles. Le troisième Lépidoptère est un petit Rhopalocère (papillon diurne) aux ailes mouchetées de la famille des Hesperidae ; il s'agit de Pyrgus malvae. Enfin le médaillon le plus à droite montre un inscete avec des ailes membraneuses et un fort rétrecissement allongé au début de l'abdomen. Il s'agit d'un insecte ptérygote de l'ordre des Hyménoptères. La taille de  guèpe longuement pétiolée révèle la famille des Sphecidae et la répartition des couleurs noire et jaune suggère le genre Sceliphron."

.

 

Egerton 3127 folio 2v.

Incipit : ..iste qui ne[m] vegnat no..

Une Punaise en bout de ligne 8 de la colonne de gauche. Lettrine R en or et rouge sur fond bleu. La description du folio 1r s'applique au folio 2v.

https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=11860

 

 

 

Cocharelli Egerton 3127 folio 2v, British Library, Droit commun.

Cocharelli Egerton 3127 folio 2v, British Library, Droit commun.

.

Egerton 3127 f.2v, C. Bitsch, 2014 page 65:

"Le médaillon de gauche a été malencontreusement détérioré. Il se pourrait que l'artiste ait représenté, en vue de profil, une sauterelle à longues antennes fines (Orthoptères de la famille des Tettigonidae ou Sauterelles). Le second médaillon est occupé par la vue dorsale d'un criquet (Orthoptère de la famille des Acridiens) du genre Oedipoda, dont les ailes postérieures, déployées à l'envol, sont d'un rouge éclatant et bordées de noir. Ensuite apparaît le profil d'une sorte de grand moustique à très longues pattes grèles. C'est un Diptère de la famille des Nématocères, probablement du genre Tipula. Le dernier insecte est probablement une espèce d'Oedipoda à ailes membraneuses transparentes "

Mikaël Buord (29) s'est intéressé à cette "espèce d'Oedipode" du dernier médaillon : 

" Bitsch évoque un "Oedipoda à ailes membraneuses transparentes", et elle a raison d'y voir un criquet, ce qui ne m'avait pas du tout sauté aux yeux! En revanche, même si dans le deuxième médaillon on reconnaît bien Oedipoda germanica, elle a tort d'appeler tous les criquets Oedipoda. Le rouge de l'abdomen et l'allure générale m'avaient d'abord fait penser aux Alydidés, mais je m'expliquais mal les bandes blanches en avant de l'abdomen. En grossissant, on comprend que c'est un criquet avec ses gros yeux et ses fémurs postérieurs développés, et sa coloration abdominale en fait un Omocestus haemorrhoidalis très convaincant."  

.

Egerton 3781 1v 

Première ligne : ista verba undie. ecce dico ub...

 

Même description générale que Egerton f.1r. Une punaise dans le bas de la marge droite.

.

https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=12205

.

 

 

Cocharelli Egerton 3781 1r, British Library. Droit commun.

Cocharelli Egerton 3781 1r, British Library. Droit commun.

Bitsch 2014 page 65.

"L'artiste a représenté de nouveau un Oedipoda, mais vu de profil. L'insecte est représenté avec exactitude jusque dans la répartition des taches colorées portées sur les longs fémurs des pattes postéreiures sauteuses, ou bien encore dans le petit détail de la présence de palpes appendues aux pièces buccales. Ensuite, de nouveau une Tipula apparaît, mais placée en vue dorsale cette fois. Puis ce sont encore deux autres espèces d'Oedipoda qui déploient leurs ailes postérieures en révélant une couleur bleu-vert chez l'une et très claire chez l'autre".

Mickaël Buord (comm. pers. 2015) identifie la punaise de la marge comme Graphosoma semipunctatum (Fabricius, 1775) le Graphosome ponctué, qui vit exclusivement dans les régions méditerranéennes. Il propose pour le 3ème médaillon à partir de la gauche le genre  Aiolopus (tegmina avec grandes bandes claires et sombres, ailes postérieures verdâtres avec apex sombres, tâches à la face interne des fémurs postérieurs).

 

—  Additional  28841

f4r : Saturnium pyri (cf. infra)

f. 4v : cf

f.5 : cf.

f.6v. : Sauterelle verte dans la marge droite (image infra).

Pour Mickael Buord, la punaise sous la sauterelle du folio 6v  "fait penser à Raphigaster nebulosa, sous toute réserve (on pourrait y voir aussi Dolycoris baccarum par exemple)".  

 

 

Sauterelle verte , marge , Additional  28841 f.6v. British Library de Londres. Domaine public.

Sauterelle verte , marge , Additional 28841 f.6v. British Library de Londres. Domaine public.

.

 

 

 

COMPLÉMENT. 

I. Liste des espèces d'insectes.

Les noms placés entre crochets sont de simples suggestions ou éléments de comparaison. 

— Coleoptera

 a) Coléoptères Scarabéides

  • Oryctes nasicornis 

 

— Diptera

  • Tipula

— Hemiptera

a) Hémiptère aquatique Hydrocoride  : probable Notonecte. [Notonecta maculate selon Hutchison] . Voir note ici : Ad. 28841 f.4v

b)  Hémiptères Pentatomides,  "Punaises", Ad. 28841 f.4v.

  •  Graphosoma semipunctatum (Fabricius, 1775) le Graphosome ponctué,  Egerton 3781 1v

c) Cicacidae

  •  cigale de l'Orne (ou du Frêne) ou cigale grise, Cicada orni 

— Hymenoptera 

a) Sphécide 

  • un Sceliphron.

— Lepidoptera

a)​ Papilionidae

  • Chenille de Papilionidae

b) Hesperiidae

  •  Pyrgus [malvae ou Malvoides] Egerton 3127 f.1r 

     

c) Noctuidae " une Noctuelle"

d) Sphingidae Sphinx :

  • Macroglossum stellatarum
  • Acherontia atropos

e) Arctiidae

  • mâles : Utethesia pulchella, 

f) Saturniidae

  • Saturnia pyri Additional 28841 f 4r.

​g) Zygaenidae

  • Zygaena sp.

 

 

— Orthoptera 

 a) Acrididae (Criquets) 

  • Oedipoda [germanica] "Oedipode à ailes rouges"

  • Oedipoda [caerulescens] "Oedipode à ailes bleues"

  • Criquet Oedipoda à ailes transparentes ou possible Omocestus haemorrhoidalis (Charpentier, 1825), le Criquet Rouge-queue. 

 

  • Acrida sp.  "Truxales" (comme Acridia ungarica par exemple) Ad 28841 f.5v.

     

b) Tettigonidae (Sauterelle) 

  • Sauterelle verte  Ad. 28841 f.6v.

​.

En dehors des Insectes  :

Arthropoda, Myriapoda, Diplopoda (Mille-pattes), famille des Iulidae (Iules). Egerton 3127 f.2r

.

II. Etude de quelques espèces de Lépidoptères.

.

 

1°) . Utetheisa pulchella. Arctiidae.

Utetheisa pulchella pulchella (Linnaeus, 1758), la Gentille, l'Écaille du Myosotis.

Phalaena pulchella Scopoli, 1763,  Entomologia carnolica page 208 n° 514 

= PhalaenaTinea pulchella Linné, Systema naturae 1758 p. 534 n° 238 

Utetheisa pulchra ([Denis & Schiffermüller], 1775) in Systematisches Verzeichniß der Schmetterlinge der Wienergegend page 69 famille C

= James Petiver, Gazophylacii I, page 3 n°3

La Gentille, Chenille de l'Heliotrope,  Engramelle, 1788,  Papillons d''Europe peints d'après nature, Tome 6 p. 48 Pl.  221 n°309 (Gallica)

Le Bombix gentil,  Olivier, 1790, Encyclopédie methodique,  tome V,  page 100

 

La Lithosie gentille, Godart, 1824, Papillons de France tome 5, Nocturnes vol. 2 n°135 page 23

.

Utetheisa pulchrella La Gentille, Chenille de l'Héliotrope,  Engramelle Tome 6 p. 48 Pl.  CCXXI n°309

Utetheisa pulchrella La Gentille, Chenille de l'Héliotrope, Engramelle Tome 6 p. 48 Pl. CCXXI n°309

Utetheisa pulchella, La Lithosie gentille, Godart, 1824, Papillons de France tome 5, Nocturnes vol. 2 n°135 page 23

Utetheisa pulchella, La Lithosie gentille, Godart, 1824, Papillons de France tome 5, Nocturnes vol. 2 n°135 page 23

 

.

.

 

Additional 28841, f. 4v. , détail

.

.

2°) La "Noctuelle" : Autographa gamma, le lambda ou Gamma ???

On pourrait rapprocher le Noctuidae de l'Autographa gamma, en supposant que l'artiste se soit laissé détourné de la réalité par la forme des ouïes de quelque instrument à corde.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Autographa_gamma

.

3°) Hesperiidae. L'Hespérie de la mauve  Pyrgus malvae (Linnaeus, 1758).  Ou l'Hespérie de l'Aigremoine ?

Pyrgus malvae est une identification possible. Ce serait la première illustration disponible dans l'histoire de l'entomologie de ce papillon diurne. Mael Garrin me fait remarquer que "s'il vient d'Italie, et à considérer que ces taches soient fidèlement représentées, ce pourrait plutôt être P. malvoides l'espèce affine de P. malvae dans le sud"

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hesp%C3%A9rie_de_la_mauve

 

  

.

Insectes. Egerton 3127, marge basse de f. 1r. (extrait ). British Library de Londres. Domaine public

Insectes. Egerton 3127, marge basse de f. 1r. (extrait ). British Library de Londres. Domaine public

.

4°) Une Zygène.

Le folio 6v est consacré à l' histoire versifiée de la Sicile du temps de Frédéric II, mais les marges sont ornées de feuillages et de fleurs, de lapins, d'une chenille, d'une libellule, et d'un papillon aux ailes bleu sombre à cinq points rouges posé sur une fleur violette. Ne peut-on y voir un Zygaenidae à cinq points comme la Zygène du Trèfle Zygena trifolii ...posée sur une fleur de trèfle ? Mais les cinq points rouges se rencontrent sur d'autres espèces, et leur combinaison avec un collier blanc complique encore les choses. Restons-en au genre Zygaena, c'est déjà bien.

.

Image Wikipedia

.

.

 Colette Britsch (2014, p. 62)   indique la présence dans le folio 6v d'un grand migrateur arrivant en début d' été en Europe, le  Sphinx à tête de mort Acherontia atropos  : "Il est posé au sol, vu de profil et la tête dirigée vers les pieds de pavots. Les ailes sont repliées en toit et laissent voir une extrémité abdominale caractéristique, rayée de noir et jaune, tel un frelon. 

Additional 28841  f. 6v British Library, Droits publics.

Additional 28841  f. 6v British Library, Droits publics.

.

5°) Mâle d'un Grand paon de nuit Saturnia pyri .

J'ai abordé avec réserve l'image de cette page du Codex Cocharelli, et d'un Grand Paon de nuit qui s'y trouve en marge. En effet, Florence Dupont en donne la reproduction dans son article de 2011, en faisant référence à une publication d'Aguilar page 22, mais je n'ai pas découvert ce folio sur le site de la British library. Florence Dupont écrit : "Feuillet de vélin de la fin du XIVe siècle, attribué au moine Cybo d'Hyères (*), les marges y sont ornées de chenille, bourdon, libellule, Grand Paon de nuit… (Aguilar, p. 22)".

C'est Colette Bitsch (2014, p.70) qui me procure la précision nécessaire : il s'agit du manuscrit "Additional 28841 au bas du folio 4". Puisque la British Library ne donne à voir que le folio 4v, où je ne vois pas ce papillon,  j'en déduis qu'il s'agit du folio 4r. Les antennes pectinées bien visibles permettent de préciser qu'il s'agit d'un mâle. Ce n'est qu'un siècle et demi plus tard que Robinet Testard a représenté à nouveau cette espèce, dans le Livre des Simples médecines , traduction du Liber de simplici medicina, ou Circa instans de Matthaeus Platearius. (Bnf Français 12322 f.143v). Probablement vers 1487-1496, entre un Rosier (Anthera) et un Sceau de Salomon (Sigyllum Sanctae Mariae). Testard, enlumineur privilégié de la cour d'Angoulème  a travaillé en 1484 à Cognac pour Charles d'Angoulème. 

 

 

 

Saturnia pyri, attribué à Robinet Testard, vers 1487-1496,, Bnf fr.12322 f.143v 

Voir aussi : Bibliothèque nationale russe à Saint-Pétersbourg, fr. F.v.VI,1 

 

 

(*) Le Monge, ou le Moine de l'Ile d'Or, de l'antique famille Cybo de Gênes, est, selon les Vies les plus célères et anciens poetes provensaux de Jean de Nostredame,   un moine de Lérins qui  fréquentait un ermitage  des îles d'Or, ou île d' Hyères, qui dépendait de Lérins. Il était le bibliothécaire de la "literie" de l'abbaye Saint-Honorat de Lérins, "renommée dans toute l'Europe pour avoir été enrichie et douée par les comtes de Provence et rois de Naples et de Sicile". Bon enlumineur, il rédigea un recueil historique des victoires des Comtes d'Aragon, fit une transcription des poètes provençaux pour le roi Louis II, etc. 

On crut longtemps à l'existence de ce moine d'Hyères, avant de découvrir que son histoire avait été inventée de toute pièces par Jean de Nostredame. On en trouve par exemple la biographie en 1843 sous le nom de Monaco del Issoro del Oro , où on précise qu'il était né à Gênes en 1326. Le manuscrit Cocharelli lui a été attribué longtemps.

 

 

Le manuscrit des Cocharelli : un bestiaire d'insectes du XIVe siècle.

 

.

SOURCES ET LIENS.

— BITSCH (Colette), 2014, "Le Maître du codex Cocharelli. Enlumineur et pionnier dans l’observation des insectes", in Laurence Talairach-Vielmas & Marie Bouchet (eds), History and Representations of Entomology in Literature and the Arts. (Bruxelles: Peter Lang, 2014) pages 57-80, .

BITSCH (Colette), 2015,  sur le site web du Muséum de Toulouse :  Des sciences naturelles avant la lettre : le surprenant bestiaire des Cocharelli, publié à l'occasion du Kiosque actualité du 1er septembre 2013 "les insectes, c'est fou” au Muséum d'histoire naturelle de Toulouse.  

DURAND (Florence), 2011, Petite histoire des classifications et collections entomologiques : en particulier les coléoptères chez Etienne Louis Geoffroy (1727-1810), pdf

http://www.acorep.fr/documentations/Florence%20Durand%20Dec%202011.pdf

NAZARI (Vasrick), 2014,  "Chasing Butterflies in Medieval Europe", Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4):223-231. 2014 

A survey of illuminated medieval manuscripts from Europe reveals depictions of several different methods used in the Middle Ages for catching butterflies. A discussion on the meaning and iconography of lepidopteran imagery in these manuscripts is presented.

http://images.peabody.yale.edu/lepsoc/jls/2010s/2014/2014-68-4-223.pdf

— https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/record.asp?MSID=8329&CollID=28&NStart=3127

Catalogue of illuminated Manuscripts, British Library, 

https://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/results.asp?OriginID=503

— The Cleveland Museum of Art : Leaf of a Cocharelli treatise on the Vices : Accidia and her Court, ca 1330. 

http://www.clevelandart.org/art/1953.152

 


A. C. Crombie, 'Cybo d'Hyères: a fourteenth century zoological artist',Endeavour, 9 (1952), 18-37 (figs. 1-2). 



G. Evelyn Hutchinson, 'Aposematic insects and the Master of the Brussels Initials', American Scientist, 62 (1974), 161-71.



Francesca Fabbri, 'Il "Cocharelli": osservazione e ipotesi per un manoscritto genovese del XIV sec', Tessuti, oreficerie, miniature in Liguria XIII-XV secoli, ed. by A. R. Calderoni Masetti, C. Di Fabio and M. Marcenaro, Atti del Convegno Internazionale di Studi: Genova-Bordighera, 22-25 May 1995 (Bordighera: Istituto Internazionale di Studi Liguri, 1999), pp. 305-20, fig. 1 [f. 5v].

Robert Gibbs 'Antifonario N: A Bolognese choirbook in the context of Genoese illumination between 1285 and 1385,' ibidem, pp. 247-78, (pp. 270-78).


Francesca Fabbri, 'Maestro del Codice Cocharelli', Dizionario biografico dei miniatori Italiani: Secoli IX-XVI, ed. by Milvia Bollati (Milan: Bonnard, 2004), pp. 495-97, 1040.

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
9 janvier 2016 6 09 /01 /janvier /2016 12:32

Un Machaon Papilio machaon prête ses ailes à saint Michel dans une allégorie de la victoire de la mort. La Vanité (vers 1535) de Jan Sanders van Hemessen au Musée de Lille.

.

Les représentations scientifiquement exactes (ou du moins conformes à la réalité) des Lépidoptères sont rares dans les Arts et notamment dans la peinture avant que l'entomologie ne se développe comme science propre (Aldrovandi 1602), avec des gravures encore approximatives. J'ai souligné combien le peintre anversois Joris Hoefnagel a été, sur ce plan, un précurseur remarquable du naturalisme scientifique.

Le papillon diurne Papilio machaon est l'une des plus belles espèces de nos régions, et on pouvait penser que sa splendeur lui permettre de se faire remarquer par les peintres et enlumineurs bien avant les autres. C'est un autre membre de la famille des Papillionidés, le Flambé ou Iphiclides podalirius , tout aussi pittoresque, qui lui vole la première place, sur un petit tableau conservé au Louvre, le "Portrait de Marguerite de Gonzague" par Pizanello en 1440. Puis sur la Vierge à l'Enfant (Vergine col bambino) de Francesco di Gentile da Fabriano (op. Ca. 1475-1515), sd, au Musée du Vatican. Dans les deux cas, le papillon était porteur d'une valeur positive, et symbolisait peu ou prou la spiritualité, ou l'âme.

Dans mes recherches, Papilio machaon n'apparaissait qu'un siècle et demi plus tard, sur les planches VII et XIII du volume Ignis (1575-1582) de Joris Hoefnagel.

C'est dire l'intérêt (pour l'histoire de l'entomologie) avec lequel je découvrais, sur un tableau flamand de 1535, la représentation fidèle des ailes antérieures d'un Machaon. Intérêt doublé par le sujet du tableau, une Vanité présentée par l'archange saint Michel, psychopompe et psychostase. De quoi approfondir l'exploration de la symbolique des papillons.

Résumé :

1. Premier exemple de représentation des ailes d'un Machaon dans l'histoire de l'art.

2. Confirmation du symbolisme funéraire du papillon au XVIe siècle.

.

Voir aussi :

1. Le papillon réel :

Papilio machaon, Thomas Bresson in Wikipédia

.

2. Le papillon peint par Hoefnagel.

Joris Hoefnagel, Ignis, planche VII (1575-1582)

 

.

L'une de mes hypothèses pour comprendre pourquoi nos ancêtres ont  mis tant de temps à peindre ce qu'ils voyaient de si beau, est de penser que, sans-doute, ils ne peignaient pas les papillons réels car ils ne les regardaient pas et ne les voyaient pas. Et que, l'un expliquant l'autre, ils ne les nommaient pas (nous ne disposons d'aucun nom vernaculaire, dans aucune langue, pour le Machaon et pour les autres espèces, avant les balbutiements du XVIIe siècle et la nomenclature en règle du Systema naturae de Linné en 1758). Étrange cécité.

Enfin, pour expliquer ce scotome qui affectait la vision humaine jusqu'au XVIIIe siècle, je me donne l'explication suivante : les papillons étaient associés, pour nos ancêtres, par un lien indéfectible et funèbre, avec la mort.  Ils passaient, dans leur réalité, comme quelque chose d'aussi désagréable et effrayant qu'un feu follet. Ou un fantôme. Une citrouille grimaçante sous le battement de la flamme d'une bougie. Ils n'animaient les folios des parchemins enluminés que par exception, dans les marges, et sous une forme stylisée. Les moralistes faisaient aussi appel à cette silhouette stylisée pour rappeller à leurs contemporains l'approche de leur fin dernière et pour dénoncer l'attirance de ces bestioles vers la flamme des chandelles, où ils se brûlent comme tous les pécheurs à la flamme du désir. Bizarre, pour moi qui voit les joyeux lépidoptères comme des formes sublimées des fleurs : des aspects aériens et  féeriques du vagabondage inspiré.

Le tableau de Hemessen va me permettre d'argumenter, ou de remettre en cause, cette hypothèse.

.

3.   La Vanité de Jan Sanders van Hemessen  (Hemiksen, vers 1500 - Anvers (?), vers 1560).

 

C'est une huile sur bois peinte vers 1535-1540, conservée au Musée des beaux-arts de Lille depuis 1994, sous le n°  Inv. P. 2009.

Le Musée de Lille !  Je pense immédiatement aux deux Allégories de la vie brève  (1591) peintes par Hoefnagel, et par l'étude desquelles j'ai débuté cette réflexion. Avec leurs Nymphalidés bien en évidence : la Belle-Dame et la Mégère.

Ici, nous voyons le buste (élargi) d'un homme jeune et imberbe, les yeux bruns, le front bouclé, en léger contrapposto accentué par l'inclinaison de la tête. Les ailes caudées reproduisent exactement le schéma des nervures du Papilio machaon, aussi nommé Grand Porte-queue. Les ocelles bleues des ailes postérieures sont cachées par le manteau rouge (maintenu par un fermail et par une ceinture) du personnage  qu'il faut identifier comme l'archange saint Michel malgré l'absence d'attributs tels que la cuirasse, le glaive ou la balance. (Bien que je réalise tout à coup que cette identification que je tenais pour acquise m'est parfaitement personnelle !) Terminons par la description de la jupe en étoffe soyeuse, quadrillée à motif floral d'or.  

Le paysage de l'arrière-plan apporte peu à la compréhension. On notera tout au plus derrière l'épaule droite des hauteurs boisées, et à droite du tableau un clocher dominant un village, et qu'un connaisseur pourrait peut-être identifier.

L'essentiel du tableau est désigné à notre attention par l'index du saint. ou du personnage ailé. (Notons au passage le traitement maniériste des mains.) Cet index désigne un miroir ovale, ou un bouclier ovale dont le centre est un miroir, et nous pouvons être certain qu'il s'agit d'un miroir puisqu'il reflète l'avant-bras du jeune homme, et une boucle de la bande de papier qui s'y enroule.

a) le cadre du miroir.

En haut, deux femmes tiennent un ruban noué, qui sert d'attache au verre par l'intermédiaire d'une corolle blanche en coquille que j'ai d'abord pris (et ce n'est sans-doute pas un hasard) pour un papillon).

Sur les cotés, un phylactère s'enroule autour d' une cascade de motifs architecturaux grotesques.

On y lit , en débutant en bas à gauche : ECCE . RA / PINÃ . RERVM . / ÕNI~V. Ce qui se lit, si on remplace le tilde ~ par un -N ou un -M, comme Ecce rapinam rerum Omnium.

J'ai cherché en vain si le peintre avait puisé cette phrase dans la Bible, ou dans la littérature religieuse des Pères de l'Église, ou de ses contemporains. Il semble l'avoir composée pour les besoins de son Allégorie. 

Comment la traduire ? Dans le Gaffiot, nous trouvons rapina,ae, f. (rapio) : 1. vol, rapine, pillage. 2. Action d'emporter. " Rapinam est l'accusatif singulier de rapina. 

Je vais être maintenant amené à découvrir que l'adverbe ecce , dont je connais surtout l'expression Ecce Homo, "Voici l'homme", dans la construction grammaticale ecce + nominatif, peut aussi être employé avec la construction ecce = accusatif, soit Ecce hominem.

Cela me vaut la petite école buissonière de la lecture d'un article dans Faventia 28/1-2, 2006 41-52 sur Les emplois de ecce, eccum, eccistum, eccillum chez Plaute par Hélène Perdicoyianni-Paléologou hperpal@hotmail.com.  Ainsi, j'apprends que chez Plaute Ecce  apparaît toujours en tête d’énoncé et qu' il est en grande partie doté de fonction déictique. Il peut désigner un objet sur la scène, ou faire allusion à une personne absente de la situation.  

La recherce des mots Ecce rapinam est infructueuse en dehors de son emploi par le peintre, mais on trouve Ecce rapina  dans l'exposé de la définition du péché de "rapine" par Alexandre de Halès: Secundum est voluntas spoliandi proximum: ecce rapina

En résumé, je peux traduire cette phrase par "Voici le vol (la rapine, le pillage) de toute chose", ou, de façon plus juste à mon sens, "Voici celle qui emporte toute chose" (sous-entendu, la mort, puisque l'index désigne le crâne).  

.

b) le miroir.

Il reflète l'intérieur d'une pièce, semblable à ces intérieurs flamands ou hollandais des tableaux de Vermeer, avec leurs fenêtres à petits carreaux losangiques. Ce qui devrait apparaître au premier plan, ce serait donc la tête du peintre, mais, en guise d'autoportrait, ce dernier a peint un crâne (dont la dentition bien entamée est peut-être celle de l'artiste). 

Attendez. Encore un détail. Sur le rebord de la fenêtre qui se reflète dans le miroir, on voit une pile de pièces de monnaie. Vous pigez le message ?

c) le phylactère enroulé sur le bras gauche de l'ange.

Il porte les mots :

INSPICE ROBORIS FORMÆ OPV~QVE FINE~, soit Inspice roboris formae opumque finem,  « Contemple la fin de la Force, de la Beauté, et de la Richesse".

Là encore, la recherche d'une origine de cette sentence dans la littérature reste infructueuse (et je remarque qu'un prédécesseur a signalé dans la Revue du Louvre de 1995 avoir rencontré le même échec). 

Conclusion.

J'identifie ce jeune homme, que ses ailes désignent comme un ange, avec l'archange saint Michel. Il renvoie alors au Livre de Daniel 12 :1-3 : En ce temps-là, se lèvera Michel,  le grand chef qui a pour mission d'aider ton peuple. Ce sera un temps de détresse tel qu'il n'y en a jamais eu depuis que des nations existent jusqu'à ce moment-là. En ce temps-là seront sauvés ceux de ton peuple dont le nom est inscrit dans le livre. 2 Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et l'horreur éternelles. 3 Les hommes qui auront eu de la sagesse resplendiront alors comme le firmament, ceux qui auront amené un grand nombre à être justes brilleront comme les étoiles, à toujours et à jamais.

   Comme tel, il n'est pas celui qui terrasse le dragon du Mal, mais le juge du Jugement Dernier chargé de décider du salut des âmes ou de leur damnation éternelle. Le miroir (plus magique que "déformant" ) qui se substitue à son bouclier habituel n'informe pas seulement celui à qui il rend ici visite de la fin dernière de toute chose, qui est la Mort, mais il l'incite à une conversion susceptible de renoncer aux plaisirs temporels afin de se préoccuper de son salut.

C'est cette fonction qui explique que saint Michel soit doté d'ailes de papillon et non, comme d'habitude, d'ailes d'oiseau (d'aigle notamment, ou de paon, ou de Piérides). La symbolique de l'oiseau est liée à son versant céleste,  à la victoire de la Vie sur les forces du Malin, et donc à la fonction combattante de l'archange. Le choix du papillon, associé depuis toujours au destin de l'âme après la mort, et, par ses métamorphoses, aux possibilités de renaissance, est parfaitement judicieux pour cet ange annonciateur des fins dernières. A contrario, la présence d'ailes de lépidoptères dans ce contexte nous montre bien combien, au XVIe siècle, ces insectes portent une symbolique funéraire.  

Le motif grossièrement à damier des ailes peut aussi être lu comme un rappel de l'ambivalence du destin de l'âme après la mort, et de l'affrontement des forces du Bien et du Mal ici-bas, et dans le cœur de l'homme. La queue propre aux Papilionidés a aussi peut-être sa signification, mais faut-il aller jusque là ?

Le point de vue des conservateurs du Musée de Lille est que ce tableau n'est qu'une partie d'un  diptyque, le crâne n'étant "très probablement que le reflet d'un personnage qui occupait un volet droit disparu". Néanmoins, ce tableau me semble cohérent à lui seul si on considère, comme je l'ai fait, que le crâne est celui du peintre qui fait face au miroir, et, à travers lui, celui du spectateur du tableau.

 

 

 

 

 

Image Wikipédia https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/17/Lille_Hemessen_vanitas.JPG

 

 

Photo (C) RMN-Grand Palais / Philipp Bernard

SOURCES ET LIENS.

— Site du Palais des beaux-arts de Lille : http://www.pba-lille.fr/spip.php?article38

— article Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Lille_Hemessen_vanitas.JPG

— article Wikimooks sur la Vanité de Hemessen : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vanit%C3%A9_(van_Hemessen) 

 

— Deux articles essentiels du site artifex in opere :

— DONETZKOFF (Alexis), Conservateur du patrimoine au Palais des Beaux-Arts de Lille,   site Musenor Notice sur la Vanitas de Hemessen, 

http://moteur.musenor.com/application/moteur_recherche/consultationOeuvre.aspx?idOeuvre=393824

"Inédite jusqu’à son passage en vente publique, la Vanité de Jan van Hemessen est apparue dès ce moment comme une oeuvre incontestable et importante de ce peintre. Elle est à dater probablement vers 1535-1540. A ce tournant de sa carrière, l'artiste, qui a acquis une connaissance approfondie des peintres d'Italie du Nord, peut-être à l'occasion d'un voyage dans ce pays, achève d'élaborer une manière "romanisante" très personnelle dont cet ange à la stature puissante est un exemple caractéristique. Le triptyque du Jugement Dernier exécuté vers 1537 pour la famille Rockox (Anvers, église Saint-Jacques), avec lequel notre tableau présente plus d’un point commun, amène même à se demander si l’artiste n’a pas vu la fresque de Michel-Ange à la Sixtine en cours d’exécution. L'iconographie, qui est bien celle d'une Vanité, présente cependant des caractères insolites. Le crâne et les inscriptions correspondent bien à l'insistance traditionnelle sur la vanité des plaisirs de l'existence. Les ailes de papillon de l'ange, en revanche, sont sans doute là pour tempérer le pessimisme habituel du genre en rappelant la résurrection de la chair. Surtout, le crâne n'est très probablement que le reflet d'un personnage qui occupait un volet droit disparu, peut-être une figure allégorique des plaisirs de ce monde ou, plus vraisemblablement, le portrait d'un haut personnage qu'un messager céleste vient avertir de l'aboutissement inéluctable de toute destinée humaine. Une telle création, sans équivalent connu, contribue à confirmer la place éminente de Hemessen parmi les peintres flamands du 16e siècle. "

​— BOCQUILLON (Jean-Claude), Les insectes dans la peinture du siècle d'or  hollandais, Insectes n° 127

http://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i127bocquillon.pdf 

— http://lecheneparlant.over-blog.com/article-l-ange-aux-ailes-de-papillon-ecce-rapinam-rerum-omnium-la-mort-comme-le-pillage-de-toutes-chos-109530786.html

 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
8 janvier 2016 5 08 /01 /janvier /2016 13:29

Les papillons dans l'héraldique.

 

 

Les insectes sont plutôt rares en héraldique, mais parmi ceux-ci,  l'abeille est privilégiée. Au contraire,  le papillon n'est guère de mise.  C'est pour moi la confirmation que les lépidoptères n'avaient pas bonne réputation dans les temps anciens. 

La preuve ? 

1°)  je lis dans l'Indice armorial ou sommaire explication des mots usitez au blason des armoiries de  1635, par Louvan Geliot et J. Daret que :

" Le papillon [est] le hiéroglyphe des amants, lesquels se brûlent au feu qu'ils adorent. Il se figure en armoiries les ailerons ouverts et étendus, et comme naturellement les ailerons de cet insecte sont peints en forme de miroirs, on blasonne le papillon de ce mot miraillé. N. porte de pourpre à trois papillons d'argent, miraillez d'azur et ombrez de gueules. [...] Il n'y a que les papillons, les cigales, et quelques poissons, qui s'ombragent en quelques endroits, et de là ils sontt qualifiés ombrez. Le papillon se dit ombré et miraillé"

Dans le même ouvrage :

"Papelonné : se représente en forme d'écailles ou demi-cercles dont les bouts tirent contre-mont, et les demi-cercles contre bas posés par rangées les uns sur les autres, ainsi les tuile ou ardoises rondes dont nous couvrons quelquefois nos maisons. Le plein de ces écailles tient lieu de champ et les bords de pièces et ornements. N. porte de gueules papelonné d'or.  Comme qui dirait papillonné ou papillotté, diaprés de papillotes, ou jonché d'ailes de papillons.

Je vérifie dans le CNRTL la définition et l'origine de ce mot :

" Héraldique. En parlant d'un écu ou, p.méton., d'une pièce honorable Qui est chargé d'écailles figurées par des demi-cercles imbriqués. D'Arquinvilliers; D'hermine, papelonné de gueules; Hauvet de Neuilly: D'azur, à la croix d'argent, papelonnée de gueules (Lar. 19e).  Étymol. et Hist.. Fin du xiiies. hérald. (Jakemes, Castelain de Couci, éd. M. Delbouille, 1167: escu papellonné [graphie du ms. BN fr. 7514, du xives.: le ms. BN fr. 15098, également du xives., porte: papeillonné]);. Issu d'une forme anc. de papillon*; suff. -é*.

.

 

Claude François Menestrier, Pierre Camille Lemoine Nouvelle méthode raisonnée du blason ou de l'art héraldique: mise dans un 1770, ...Leçon XXII page 161

http://www.musicologie.org/Biographies/m/menestrier_claude_francois.html

 

Les papillons ont quelquefois sur les ailes des marques rondes d'émail différent, alors on dit miraille.

Fig. 5, ALLAIRE porte de gueules au chevron d'or, accompagné de trois papillons volants d'argent.

Barrin de la Gallissonière , d'azur à trois papillons d'or volants.

DeTulles, d'argent au pal de gueules chargé de trois papillons volants d'argent.

Fig. 6, RANCROLLES, en Picardie, porte de gueules au papillon volant d'argent, miraillé de sable.

Boleuvre, en Angleterre, de sable au papillon volant d'argent, miraillé du champ.

On appelle papelonné un ouvrage à écailles, tel qu'il est représenté dans la figure 7. Le plein des écailles tient lieu du champ, et les bordures d'ornements.

Figure 7, 

FOULEUSE DE FLAVACOURT porte d'argent papelonné de gueules, fermé de trèfles renversés de même.

Ronquerolles, de gueules papelonné d'argent.

D'Arqainvilliers, d'hermine papelonné de gueules.

Ville, en Savoie, de gueules à deux fasces d'argent papelonnés du champ, fermées de flammes de même.

l'Indice armorial ou sommaire explication des mots usitez au blason des armoiries de  1635, par Louvan Geliot et J. Daretl'Indice armorial ou sommaire explication des mots usitez au blason des armoiries de  1635, par Louvan Geliot et J. Daretl'Indice armorial ou sommaire explication des mots usitez au blason des armoiries de  1635, par Louvan Geliot et J. Daret

l'Indice armorial ou sommaire explication des mots usitez au blason des armoiries de 1635, par Louvan Geliot et J. Daret

.

2°) Dans mes recherches, (moteur de recherche héraldique + papillon, je parviens ensuite  à l'ouvrage suivant : 

Jean-Baptiste Dupuy-Demporte, 1754, Traité historique et moral du blason, Volume 2 chapitre LXXXII

"Du Papillon.

Le papillon est le symbole de l'étourderie , de l'inconstance et de l'hérésie ; de même que le papillon a la témérité d'approcher trop près de la chandelle, et en est puni puisqu'il se brûle ; de même les hérétiques et les impies sont brûlés par le soleil de justice, lorsqu'ils ont l'insolente curiosité de vouloir l'approcher de trop près. Il est aussi la figure de ces courtisans présomptueux, qui faisant un usage tyrannique de la faveur et de l'autorité du Prince, sont souvent renversés du haut de leur fortune, et accablés de cette même autorité qu'ils avaient profanée par un usage criminel et un orgueil démesuré.

Rancroles, en Picardie, porte de gueules, à un papillon volant et montant d'argent, miraillé, marqueté, ou ombré de sable.

Padilla, en Espagne, porte d'or, à trois papillons de sable volants, et montants."

.

3°) J'effectue une autre tentative et j'arrive, en 1770,  à l'ouvrage du père Ménestrier :

Claude François Menestrier, Pierre Camille Lemoine Nouvelle méthode raisonnée du blason ou de l'art héraldique 1770, ...Leçon XXII page 161

Les papillons ont quelquefois sur les ailes des marques rondes d'émail différent, alors on dit miraille.

Fig. 5, ALLAIRE porte de gueules au chevron d'or, accompagné de trois papillons volants d'argent.

Barrin de la Gallissonière , d'azur à trois papillons d'or volants.

DeTullesd'argent au pal de gueules chargé de trois papillons volants d'argent.

Fig. 6, RANCROLLES, en Picardie, porte de gueules au papillon volant d'argent, miraillé de sable. https://archive.org/stream/lanouvellemtho00mene#page/n167/mode/2up

Boleuvre, en Angleterre, de sable au papillon volant d'argent, miraillé du champ.

On appelle papelonné un ouvrage à écailles, tel qu'il est représenté dans la figure 7. Le plein des écailles tient lieu du champ, et les bordures d'ornements.

Figure 7, FOULEUSE DE FLAVACOURT porte d'argent papelonné de gueules, fermé de trèfles renversés de même.

Ronquerollesde gueules papelonné d'argent.

D'Arquinvilliersd'hermine papelonné de gueules.

Ville, en Savoie, de gueules à deux fasces d'argent papelonnés du champ, fermées de flammes de même.

Dans ce dernier ouvrage, on ne trouve pas de discours dépréciatif sur le symbolisme du papillon, mais on constate combien est rare le recours à cet insecte en héraldique puisque Ménestrier ne cite que cinq familes portant  ce meuble dans leur blason. Allaire (par un jeu de mot sur "aile"), Barrin de la Gallisonnière, de Tulles, Rancrolles et Boleuvre. Le motif dit papelloné, s'il tire l'origine de son nom des papillons, n'est néanmoins pas un motif à papillon, mais à "écailles". 

 

 

     Notons que ces insectes pourront être "allumés" (avec l'oeil d'une couleur différente), "miraillés" (portant des cercles ou des ocelles de couleur différente), ou encore "volants" (les ailes étendues pour un "insecte" dont ce n'est pas le port naturel).

Je trouve encore :

 -- d’or à trois papillons de gueules, miraillés d’argent

Papeillon, sgr de Beillé et Braiteau, Maine, XVe s. (d'après Boos 744) (AP)
-- de gueules au papillon d'argent accompagné de trois larmes du même
Le Sr de Quidreen(?), Universel Wapenbook KM1187 (©KIK-IRPA, Brussels)
-- de gueules au papillon d’argent, miraillé et bigarré de sableRancrolles, Picardie (d'après Boos 745), déjà cité.

--N. Le Riviert-Papillon D'azur à une rivière d'argent mise en fasce, accompagné en chef d'un papillon de même.
 

.

Quelques images :

Armoiries de la famille Barrin D'azur, à trois papillons d'or. Supports: deux lions in  RIETSTAP© Jimmy NICOLLE, CC-BY-SA, Wikimedia Commons

 

 

 

 

SOURCES ET LIENS.

— Site La Langue du Blason, article L'abeille, le papillon et autres insectes,

 http://lalanguedublason.blogspot.fr/2013/10/labeille-le-papillon-et-autres-insectes.html

— DIDIER (Bruno), Les insectes dans les blasons / Insectes n° 164 - Inra

 http://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i164didier1.pdf

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier
4 janvier 2016 1 04 /01 /janvier /2016 15:05

Une souris des mers Aphrodita aculeata Linnaeus, 1758 sur la plage de l'Aber à Crozon.

Merci à Stéphane Wiza pour la détermination de cette espèce insolite.

.

La plage de l'Aber n'est pas dépourvue de ressources. Avez-vous oublié votre crayon à papier pour remplir votre grille de mots croisés ? Lavieb-aile vous tire d'embarras et vous explique comment ramasser dans les rochers un morceau d'ampélite qui se révèlera merveilleusement adaptée à cette fonction, tout en vous permettant aussi de jouer à votre Sudoku.

Sur la piste de la "Pierre Noire" : les ampélites de Crozon (Finistère). ​

.

Mais une fidèle lectrice nous écrit :

"Bonjour monsieur lavieb. Pouvez-vous m'aider ? Que faire si mon mari doit faire la vaisselle de notre pique-nique sur la plage et qu'il a oublié l'éponge à récurer ? Et que la nuit tombe. Merci d'avance"

Soucieux de faire partager à tous ses lecteurs l'ingénieuse réponse fournie à cette lectrice, aujourd'hui, lavieb-aile vous présente :

.

L'éponge à récurer double-face auto-éclairante de dépannage. Gratuite. A ramasser sur la plage.

.

Vous avez bien lu, chers lecteurs : auto-éclairante. Mieux qu'à la maison. Mesdames, offrez la à votre mari, il n'en voudra plus d'autre.

.

D'abord, il faudra la trouver, de préférence après un de ces bons coups de tabac qui ne manquent pas chez nous. Elle vous attendra, cachée sous un peu de sable pour qu'on ne le vous la vole pas. 

.

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

.

Vous la saissisez avec vos gants de ménage et vous la rincez à l'eau claire. Miracle, elle s'allume aussitôt de mille feux verts et dorés! 

.

 

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

.

Elle adopte spontanément la forme arrondie de vos casseroles. Elle régle l'éclairage en fonction du niveau de l'eau. Son dos de feutrine ne raye pas le revétement anti-adhésif de vos poêles.

.

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.
Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

.

Alors, convaincu ? Merci lavieb !

Ce drôle d'animal si pratique appartient aux Annélidés, autrement dit aux Vers annélides marins. Il appartient aussi à la classe des Polychètes, dont la caractéristique est de porter des  "parapodes" munis de soies. Les Polychètes sont soit sédentaires et tubicoles, comme le ver arénicole, soit errants, à la recherche de nourriture. Notre Scotch-Brite est un errant. On la nomme Aphrodita aculeata, et on la surnomme  souris de mer, taupe de mer, ou Aphrodite épineuse.

La souris de mer vit enterrée dans les fonds sableux (substrats mous) peu profonds, du bord jusquà une vingtaine de mètres. C'est un ver fouisseur, un ver vorace et prédateur muni d'un pharynx dévaginable et de mâchoires pour capturer des mollusques et d'autres vers qui vivent dans le sable.

.

Linné, qui l'a baptisée en 1758, la définit comme ovalis hirsuta aculeata car sa forme ovale est caractéristique. Elle mesure 7,5 à 20 centimètres de long pour 5 à 8 centimètres de large. 

Wikipédia ajoute qu'elle vit dans les fonds marins sablonneux de l'océan Atlantique, la mer du Nord, la Baltique et la Méditerranée, où on peut la trouver jusqu'à une profondeur de 2 000 m.

Son corps est couvert de setae d'environ 2,5 cm, dont l'aspect ressemble à des poils. 

C'est un animal nécrophage, son régime étant essentiellement constitué des restes d'animaux en décomposition au fond des mers. La locomotion est assurée par de nombreux appendices latéraux (ou parapodes), elle rampe et creuse dans une attitude évoquant la souris.

La souris des mers est dépourvue d'yeux. Elle est hermaphrodite, des organes reproducteurs des deux sexes apparaissant chez un même individu, en revanche les ovules d'un individu sont fécondés par le sperme d'un autre.

Par contre, on évitera de suivre l'encyclopédie Wikipédia lorsqu'elle affirme que " son nom scientifique, dérivé de la déesse grecque Aphrodite, viendrait du fait que la vue ventrale de l'animal évoque des parties génitales féminines." En réalité, Linné a donné à ces créatures marines le nom de divinités de la mer : dans l'ordre de ses descriptions,  Doris est une océanide, épouse de Nérée et mère des Néréides, Tethys  est la mère des océanides, Nereis renvoie aux néréides, Aphrodite est "née de l'écume", Lernaea renvoie à l'hydre de Lerne. Le nom d'Aphrodite est sans relation avec un caractère morphologique de ce genre. 

Son épithète spécifique aculeata vient du latin aculeatus "qui a des piquants" , car ce ver possède  des acicules (une grosse soie rigide à l'intérieur du parapode, qui soutient les touffes de soies externes et sert de point d'insertion aux muscles permettant la locomotion), et des touffes de soies rigides.

 

 

Linnaeus, C. (1758) Systema Naturae per regna tria naturae, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis. Editio decima, reformata. Laurentius Salvius: Holmiae. ii, 824 pp., page 655 n°256 

http://www.biodiversitylibrary.org/page/727383#page/676/mode/1up

 

.

 

Il est temps de retourner notre animal et de l'observer de près, tout en lisant la remarquable notice de doris.ffessm :

" La face dorsale du ver, convexe, est totalement recouverte d'élytres, sortes d'écailles, et d'une épaisse couche de soies fines grises sombres, ressemblant à des poils. Une quarantaine de sétigères portent des touffes de soies magnifiquement irisées, dirigées vers l'arrière, et sur chaque parapode s'enracinent des soies noires rigides plus épaisses. La souris de mer agite ses parapodes pour renouveler l'eau au contact de ses branchies.  La face ventrale est aplatie et typiquement annélidienne."

.

 Chaque parapode est formé de 2 « rames » :

  • une « dorsale  » ou « haemale  » → notopode

  • une « ventrale  » ou « neurale  » → neuropode

Chaque rame est soutenue par des « acicules » (aiguillons). Elles sont formées de lames foliacées. Les deux rames sont formées à partir d'une base commune, et le parapode est dit « monostique ».
Une extension porte des soies articulées (formées de 2 pièces), de nature chitineuses.
Chaque rame porte un cire (cire dorsal, cire ventral) qui ont un rôle sensoriel. Le cire ventral est en contact avec le fond alors que le cire dorsal réalise la respiration (qui est cutanée et se fait par le cire dorsal).

 

.

 

Linnaeus, C. (1758) Systema Naturae per regna tria naturae, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis. Editio decima, reformata. Laurentius Salvius: Holmiae. ii, 824 pp., page 655 n°256 

http://www.biodiversitylibrary.org/page/727383#page/676/mode/1up

 

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

.

 

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

Aphrodita aculeata la Souris des mers, Plage de l'Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

.

Jean-Hervéééé ? T'as fini la vaisselle ? La mer monte !

.

 

.

SOURCES ET LIENS.

— http://www.marinespecies.org/polychaeta/aphia.php?p=taxdetails&id=129840

— http://www.marinespecies.org/polychaeta/aphia.php?p=image&pic=69376

— http://doris.ffessm.fr/Especes/Aphrodite4

— https://sv.wikipedia.org/wiki/Aphrodita_aculeata

— https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Aphrodita_aculeata

Fauvel, P. (1923) Polychètes errantes. Faune de France Volume 5. 1-488. Librairie de la Faculte des Sciences. Paris.,

—  Roule, Louis (1898) Notice preliminaire sur les especes d'annelides recueillies dans les explorations sous-marines du Travailleur et du Talisman. Bulletin du Muséum d'Histoire Naturelle, Paris, Ser. 1, 4: 190-195.,

Claparède, Édouard (1868) Les Annélides Chétopodes du Golfe de Naples. Mémoires de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève, 19(2): 313-584.,

Quatrefages, Armand de. (1866) Histoire naturelle des Annelés marins et d'eau douce. Annélides et Géphyriens. Volume 1. 1-588. Librarie Encyclopédique de Roret. Paris.,

—  Johnston, George (1840) Miscellanea Zoologica British Annelids. Annals and Magazine of Natural History, Ser. 1, 4: 368-375,plates10.,

Risso, A. (1826) Histoire naturelle des principales productions de l'Europe meridionale et particulierement de celles des environs de Nice et des Alpes Maritimes. Volume 4. 1-439. F.G. Levrault Libraire. Paris.,

—  Muller, Y. (2004) Faune et flore du littoral du Nord, du Pas-de-Calais et de la Belgique: inventaire. [Coastal fauna and flora of the Nord, Pas-de-Calais and Belgium: inventory]. Commission Régionale de Biologie Région Nord Pas-de-Calais: France. 307 pp.,

 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Crozon
3 janvier 2016 7 03 /01 /janvier /2016 18:24

Noël 2015 : Cinquante ans après le naufrage, je retrouve l'épave de la Tante Yvonne, chalutier-thonier de Morgat CM 2909.

Voir :

​Sur la plage de Postolonnec à Crozon : le moteur du thonier "Tante Yvonne" CM 2909. Souvenir d'une nuit de Noël.

En novembre 2011, lorsque j'avais découvert le moteur du Tante Yvonne CM 2909 sur la grève de Postolonnec à Crozon, j'avais cherché en vain d'autres parties du navire.

Cinquante ans après le naufrage qui avait eu lieu dans la nuit de Noël 1965, j'ai l'émotion, en retournant voir le bon vieux moteur Crépelle 224 CV, de constater la présence, vingt mètres plus loin, de la partie arrière du thonier : selon mon hypothèse, un morceau de la quille, de l'étambot et du massif d'étambot.

Et une superbe pièce métallique, à la robustesse bien marine.

Certes, ma découverte n'est pas celle d'un chasseur d'épave sous-marine à la recherche de trésors, mais le nom que portait ce navire, celui de la résistante Yvonne Le Roux du réseau Johnny, lui confère à mes yeux toute son importance. Comme si la ténacité de ces membrures et de ces pièces mécaniques à résister et à se rappeler à notre mémoire avait un sens.

.

Épave du Tante Yvonne CM2909, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

Épave du Tante Yvonne CM2909, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

.

Épave du Tante Yvonne, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

Épave du Tante Yvonne, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

.

Noël 2015 : Cinquante ans après le naufrage, je retrouve la poupe de la Tante Yvonne

.

 

Épave du Tante Yvonne, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

Épave du Tante Yvonne, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

.

Je ne peux m'empécher de reprendre quelques clichés du moteur.

 

Épave du Tante Yvonne, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

Épave du Tante Yvonne, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

.

Épave du Tante Yvonne, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

Épave du Tante Yvonne, Noël 2015, photographie lavieb-aile.

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Crozon
3 janvier 2016 7 03 /01 /janvier /2016 11:57

Sur la piste de la "Pierre Noire" : les ampélites de Crozon (Finistère).

Si vous parlez à un breton de "pierre noire", il pensera au Phare des Pierres Noires, qui signale, en Mer d'Iroise et aux approches du Goulet de Brest, la chaussée du même nom. Nul ne conserve, si ce n'est l'association Ampélite de Panzè (35), le souvenir de la "pierre noire de Bretagne", et il est nécessaire de fournir quelques explications de ce matériau qui précéda le fusain, la mine de plomb et le crayon gras chez les dessinateurs et les peintres.

Nous allons voir que cette petite enquête va satisfaire l'amateur d'arts graphiques, le géologue, le promeneur arpentant le littoral, et toute personne curieuse d'élargir ses connaissances sur son patrimoine. Ou de se procurer à bon compte un crayon. La réunion du patrimoine naturel (sous le nom d' "ampélite") et du patrimoine culturel (sous celui de "pierre noire"), voilà en tout cas ce qui fait l'affaire de mon blog.

Il suffit de lire l'article Ampélite de Wikipédia pour apprendre que l'ampélite est un schiste pyriteux qui doit son nom au latin :

 ampes et au grec : ἄμπελος, ampelos, "vigne" ; αμπελιτις[γη] : "qui est propre à l'entretien de la vigne", car on en répandait autrefois au pied des vignes .

 

—  Des vignes en Bretagne ?

Pas vraiment, mais on trouve  l'ampélite aussi en italie, entre autre. Le nom est employé par  le grec Strabon — "celui qui louche"—  dans sa Géographie, un peu avant notre ère puis a été repris en latin avec le substantif ampelitis par Pline pour décrire une « terre bitumineuse pour écarter les vers de la vigne » (Pline, 35, 194 ). Pline l'Ancien, celui qui est mort en l'an 79  à Stabies lors de l'éruption du Vésuve !

 Laissons là les vignes et les vignerons, pour mémoriser un nom : le SI-LU-RIEN. Car c'est  au Silurien (444 à 416 millions d'années) que  des sédiments argileux  se sont déposés dans une mer calme, puis ont été  enfouis sous forte pression et haute température, ont alors cruellement manqué d'oxygène, ce qui  a préservé le plancton et autres matières organiques marines contenus dans les sédiments. Laissez refroidir, démoulez et  servez le schiste très noir et gras ainsi obtenu :  c'est l'ampélite. Si vous découvrez un gisement d'ampélite, vous pouvez le dater du Silurien. Commode.

Son nom est féminin, on dit donc de l' ampélite qu'elle comporte certes, comme tous les schistes, des silicates, mais surtout beaucoup de carbone qui lui donne sa couleur noire soyeuse. Et aussi du pyrite (sulfure de fer, FeS2) en grains fins ou en nodules, qui est responsable, quand elle s'altère, de coulées de rouille. Son chic, c'est de conserver parfois des fossiles de Graptolites aux  dessins de lignes blanches.

Voilà pour la Leçon de chose, dans son versant géologique. Mais cette ampélite nous est aussi sympathique lorsque nous apprenons qu'elle portait aussi le nom — vernaculaire— de "pierre des charpentiers" , parce qu'ils l'utilisaient pour tracer des traits sur le bois. Ou bien qu'on l'utilisait également autrefois pour se noircir sourcils et cheveux.

Muni de ce bagage, je prends mon appareil photo et je sors de chez moi pour chercher un gisement.

Un quart d'heure plus tard, c'est chose faite. 

Grâce au site

 Geodiversite.net, qui me proposait trois sites de balades, à Camaret et à Crozon,  je me suis rendu sur le parking du Four à Chaux de l'Aber, j'ai suivi la rivière et je me suis arrêté devant l'affleurement le plus noir possible.

 

La rivière de l'Aber à Crozon et le cordon dunaire. Photographie lavieb-aile.

La rivière de l'Aber à Crozon et le cordon dunaire. Photographie lavieb-aile.

. Mes coordonnées ? 48°13' 56" N et 4° 25' 50 " O.  J'y suis.

Tout fier, j'avise une dame qui promène son chien sur le sentier : 

Eh, c'est du Silurien !

Mais elle me répond :

Bien-sûr, de la base du Silurien supérieur. C'est la formation de la Tavelle avec  les ampélites du Ludlow ! Depuis le temps que les étudiants en géologie de Brest viennent en procession ici écouter leur prof, on a fini par le  connaître, le fameux Silurien ! 

.....

Vous êtes passés voir les brachiopodes et graptolites des schistes ordoviciens ?

Grrr...

 

 

 

 

 

Affleurement d'ampélite, Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

Affleurement d'ampélite, Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

.

 J'ai frotté mon doigt sur la roche, elle y a laissé une tache noire assez tenace. 

Affleurement d'ampélite, Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

Affleurement d'ampélite, Aber, Crozon, photographie lavieb-aile.

.

Il me reste à en ramasser un morceau et de le placer sur un ajonc — aïe, "ajonc, je-pique, genêt, je-ne-pique-pas"— pour illustrer le nom de "Pierre noire de Bretagne" pour débuter mon second chapitre.

L'ampélite ou " Pierre noire de Bretagne", photographie lavieb-aile.

L'ampélite ou " Pierre noire de Bretagne", photographie lavieb-aile.

La Pierre noire, médium des arts graphiques.

L'ampélite est décrite sous ce nom dans un autre article de Wikipédia : 

"On trouve la pierre noire le plus souvent sous forme de crayon, brut ou entouré de bois, ou de craie rectangulaire.

Il est utilisé pour les esquisses, mais aussi pour les dessins plus raffinés. Il a été très utilisé pendant la renaissance, souvent sur papier gris ou brun, et souvent accompagné de rehauts de gouache blanche, d'encre de Chine sèche ou en lavis, de lavis de bruns ou encore desanguines. La pierre noire employée avec la sanguine et la craie blanche est une technique dite « aux trois crayons ».

La majorité des grands peintres de la Renaissance ont dessiné avec cet outil."

Il me restait à faire ici une double démonstration : d'une part, de mon évidente incompétence en dessin. Et surtout, de la parfaite capacité du morceau d'ampélite ramassé tout à l'heure à devenir un remarquable instrument graphique. D'autant plus remarquable qu'une fois tracés sur ma feuille, les traits ont resisté au frottement et n'ont pas bavés, alors qu'ils peuvent être estompés avec un mouchoir en papier.

On ne se moque pas du résultat, s'il vous plaît.

 

Essai de dessin à l'ampélite de l'Aber par un piètre débutant, photo lavieb-aile

Essai de dessin à l'ampélite de l'Aber par un piètre débutant, photo lavieb-aile

.

 

SOURCES ET LIENS.

.

— Au Musée de géologie de Rennes  1 , salle Mathurin Méheut : Ampélite à graptolites

.

— La lithothèque de Rennes :

1°) Les Ampélites du Tertre Gris à Poligné (anciennes carrières) : Silurien inférieur.

http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/svt/lithotheque/poligne/poligne_01-02.html

http://www.ac-rennes.fr/pedagogie/svt/lithotheque/poligne/poligne_01-03.html

2°) Les Ampélites de Crozon.

a) L'Aber ou Pointe de Raguenes.

  • Carte détaillée : http://lithotheque-svt.ac-rennes.fr/crozon/crozon_carte2.html
  • Carte d'accès : http://lithotheque-svt.ac-rennes.fr/crozon/arret1_acces.html
  • Strates géologiques : http://lithotheque-svt.ac-rennes.fr/crozon/arret1_acces.html

 

http://lithotheque-svt.ac-rennes.fr/crozon/arret1_acces.html

b) Les ampélites de Lamm Saoz .

 

— Sortie géologique au Veryac'h à Camaret 

https://sgmb.univ-rennes1.fr/vie-associative/excursions/12-excursions/55-veryac-h-camaret

— CHAUVEL J.-J. & PLUSQUELLEC Y. 1987- Découverte géologique en presqu’île de Crozon, éditions Ouest-France, 32p. 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Crozon
31 décembre 2015 4 31 /12 /décembre /2015 23:46

La Grande Singerie de Chantilly. La Grande Songerie ? Première partie.

Aujourd'hui, je vous propose de m'accompagner dans un décor de rêve, celui de la Grande Singerie du château de Chantilly, que le peintre animalier Christophe Huet a peint en 1737 pour le prince de Bourbon. Ici tout est ironie et drôlerie, légèreté, finesse des allusions, renversement des rôles et des valeurs. Un pur produit de l'esprit du XVIIIe siècle : champagne ! chantilly ! cotillons, masques et bergamasques !

.

GÉNÉRIQUE pour faire patienter le public.

   Si vous m'avez suivi jusque là, vous savez que nous sommes dans le Grand Cabinet d'angle, l'ancien bureau où le prince de Condé recevait ses invités et tenait ses réunions. Poussons la porte de la pièce voisine : petite, carrée,  mesurant environ 5 à 6 m de coté et ses murs sont dotés de lambris blanc et or, typiques de la période Régence. Ce premier décor a été peint en 1717-1718, et c'est vingt ans plus tard qu'il recevra les peintures du peintre animalier Christophe Huet (Pontoise, 1700- 1759).

A main droite, deux baies vitrées. Devant nous, une porte nous mènerait vers la Grande Galerie des Batailles. Mais la pièce développe sur notre gauche ses trois parois décorées successivement d'une grande glace, de deux grands panneaux de singerie, d'une porte, de deux autres panneaux, d'une cheminée (avec son écran  au Singe Maître d'école) alors que deux autres panneaux prennent place entre les portes et les fenêtres. 

 

Puisque les deux portes reçoivent aussi leur décor d'arabesque (c'est ainsi que l'on nommait au XVIIIe siècle les singeries), et puisqu'une troisième porte, fermée, se remarque sur le mur opposé aux fenêtres, c'est un ensemble de cinq grands panneaux et trois portes qui se propose à notre curiosité gourmande, complété par le plafond. 

Le programme iconographique s'ordonne sur plusieurs thèmes entremêlés : les Continents, les Sens, les Arts, etc..Nicole Garnier-Pelle a su les discerner, et je suivrai ses indications. Mais ces thèmes sont accessoires, nous ne sommes pas aux temps studieux de la Renaissance et ils cèdent le pas à la fantaisie.

— Vous me dites ? Ah, qui est ce prince de Condé, alors maître des lieux à Chantilly ? Peut-être il y a-t-il parmi nous une prof d'histoire qui...

— Louis IV Henri de Bourbon-Condé, né à Versailles le 18 août 1692 et mort à Chantilly le 27 janvier 1740, 7e prince de Condé ( en1710), duc de Bourbon, duc d'Enghien et duc de Guise, pair de France, etc ... a été nommé Chef du Conseil de Régence à la mort de Louis XIV (1715-1723) aux cotés du Régent, le duc d’Orléans. Il devint Premier ministre (1723-1726) à la mort du duc d’Orléans, avant de connaître la disgrâce à la fin de 1725, et de s'exiler à Chantilly. S'étant considérablement enrichi, il pouvait se consacrer à son château, à la chasse, ou au Cabinet de Curiosité qu'il installa tout près de nous, dans les pièces qui suivent la Grande Galerie des Batailles. Il appréciait fort les peintures de Huet, car il commanda, avant même la Grande Singerie qui occupe l'étage noble, une Petite Singerie au rez-de-chaussée (1735), et une troisième Singerie qui fut détruite à la Révolution.

— Connaît-on d'autres décors analogues par Huet ?

— Oui-da, vous pouvez encore visiter les Singeries du château de Champs-sur-Marne, peint pour le financier Paul Poisson de Bourvallais, et le Cabinet des Singes de l'hôtel de Rohan-Strasbourg, dans le Marais, pour le cardinal de Soubise et Prince-évêque de Strasbourg François-Armand de Rohan. Tenez, mademoiselle, pouvez-vous nous lire  ce texte d'une élève des Beaux-arts, Catherine Auguste ?

"Le décor de la Grande Singerie est révélateur du goût pour l’Extrême-Orient dès le début du règne de Louis XV. D’autres exemples précèdent.

D’abord le thème de la singerie remonte au Moyen Age. Le singe par ses attitudes souvent comiques aux yeux de l’homme se prête parfaitement aux caricatures, aux « singeries » des activités humaines. Les plus anciens exemples se rencontrent dans les marges des manuscrits enluminés du XIIIe au XVe siècle. On y voit des singes s’activent avec parodie dans des rinceaux végétaux.

Celui de la chinoiserie en tant que thème décoratif est plus récent et elle est une pure création occidentale. Dès la fin du XVIIe siècle, Berain introduit le motif du Chinois pour les modèles de la Tenture des grotesques chinois. Les ornemanistes disposaient en cette fin de siècle d’une puissante documentation sur la Chine qui représentait pour l’Européen, l’exotisme, les oiseaux merveilleux, la richesse des fruits, l’insouciance et la gaieté. Outre l’engouement pour l’Extrême-Orient, l’attirance pour la chinoiserie venait d’une lassitude pour les ornements classiques ; elle répondait ainsi à un besoin de fantaisie. Cette pure création occidentale, où un Chinois ne pourrait s’y reconnaître, participe au renouvellement du répertoire ornemental traditionnel. Par sa souplesse, ses possibilités allégoriques elle s’insère très rapidement aux arabesques, au système rocaille où les singes trouvent leur place dans cet amalgame venu d’Orient. Avant la Grande Singerie de Christophe Huet, on peut citer Watteau, Boucher ou Audran. Watteau fut l’auteur d’une trentaine de peintures exécutées au château de la Muette en 1710-1716 dont il ne reste que les œuvres gravées par Boucher. Et Claude Audran, dont Huet fut un collaborateur, avait décoré des plafonds dans le goût de la chinoiserie notamment celui de l’hôtel Angran de Fonspertuis à Paris en 1721." http://www.meublepeint.com/chantilly-grande-singerie-huet.htm

— (Un visiteur, à sa voisine) Ce conférencier  est incollable !

.

 

 

 

 

 

I. La porte à double vantail.

Poussons donc la porte. Oh !

Source image Wikipédia :

.

Impressionnant, n'est-ce-pas ! Mais refermons la porte derrière nous, attention madame, merci, tournons-nous. Voici :

 

 

L'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

L'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Le vantail de droite, rendant ironiquement hommage au duc de Bourbon comme chef de guerre et Grand-Maître de France,  nous montre un singe soldat comme emblème de l'Art de la Guerre.

 

 

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

Ce  Porte-étendard porte, selon Nicole Garnier, le drapeau et l'uniforme de la maison de Condé. Mais comment en trouver une description ? Peut-être en le comparant à la tenue des officiers du Régiment de Bourbon de 1734 à 1757 ? "Les drapeaux du régiment de Bourbon avaient un quartier bleu, un autre rouge, le troisième noir et le quatrième feuille morte. Son premier habit était distingué par les parements et le collet rouges, avec doubles poches en long garnies chacune de 9 boutons disposés par 3 en patte d’oie ; il y avait 5 boutons sur la manche. La veste était rouge ; les boutons et le galon de chapeau était d’argent." (Général Susane) 

Ou bien à la tenue du  Régiment de Bourbon cavalerie de 1740 ?

  

 Ce dernier avait des étendards « de soye bleue, Soleil d’or au milieu & 4 fleurs de lys brodées en or aux coins, & frangez d’or ». Mais avant 1740, ils étaient de « soye ventre de biche, Soleil d’or au milieu, les armes de Condé & fleurs de lys d’or aux coins, & frangez d’or »  .

 

Le détail crucial, car nous le retrouverons tout-à-l'heure à propos de la tenue de chasse, est le qualificatif de couleur "ventre-de-biche". Le XVIIIe siècle a été sans-doute le siècle le plus créatif en termes de couleurs. Quelle est la couleur d'un ventre de biche ?

  • D'une couleur brun clair tirant sur le roux ou le chamois. 1609 « d'une couleur brun clair » (CNRTL)
  • Blanc roussâtre, faisant partie du champ chromatique orange. (Wiktionnaire) : Le comte Esterhazy choisit pour son régiment la couleur ventre de biche ou chamois, fort à la mode sous Louis XV. — (Les Hussards, de Chamborant (2e Hussards)., Firmin-Didot & Cie, 1897, p. 250
 

Une planche présente l'uniforme du 21e Condé et du 22e Bourbon entre 1737 et 1762 ; remarquez le tricorne à nœud blanc du 21e Condé ; remarquez aussi que le drap n'est pas blanc, mais presque chamois, pour ne pas dire "ventre-de-biche".

Cavalerie dite légère, française et étrangère (Mouillard - Les régiments sous Louis XV) http://pfef.free.fr/Anc_Reg/Unif_Org/Mouillard/Planches/03_05.htm

Cavalerie dite légère, française et étrangère (Mouillard - Les régiments sous Louis XV) http://pfef.free.fr/Anc_Reg/Unif_Org/Mouillard/Planches/03_05.htm

.

En novembre 2018, j'ai reçu ce message d'un éminentissime spécialiste en uniformologie ; qu'il en soit éminentissimement remercié:

 

"Le petit singe est bien un officier du régiment d'infanterie de Condé suivant l'ordonnance uniformologique de 1720 à 1736 . A noter toutefois que l'habit gris fut encore porté jusqu'aux années 1740 bien que l'uniforme blanc fut prescrit pour l'ensemble des régiments dès 1734 .

Le Gorgerin (ou hausse-col qui fut arboré jusqu'au XIXe ) était l'un des signes caractéristiques pour signaler les officiers d'infanterie avant l'apparition des guenilles à Choiseul (épaulettes de grades) au cours des années 1760 , et il fut d'ailleurs conservé par la suite comme protection symbolique . Dans l'armée royale , la nature de conception et la couleur du métal du gorgerin était dénominative de l'origine du corps de troupes : française, allemande, suisse , irlandaise , etc .

L'excès de galons dorés sur l'uniforme d'officier de ce petit singe est tout à fait représentatif de l'infanterie du début du Siècle des Lumières qui permettait encore bien des excès vestimentaires .

La forme de la poche est également tout à fait conforme à l'ordonnance et aux modes de cette période , tout comme le plumetis rouge au tricorne bordé d'un galon d'or fin .

Idem pour la cocarde bicolore qui deviendra entièrement noire par la suite , puis blanche à la fin des années 1750 .

Pour ce qui est de l’étendard (la cavalerie étant munie de guidons, bannières ) , il n'est pas étonnant que vous ne l'ayez pas trouvé car vous avez recherché dans les drapeaux régimentaire or , ici, l’étendard porté par ce petit singe est l'étendard colonel d'infanterie , blanc sur fond de semi de fleurs de lys d'or . S'il existait plusieurs étendards régimentaires par unité, il existait aussi un , deux voire ou trois étendards colonel suivant le nombre de bataillon en général . Vous ne pouviez pas l'atteindre par la voie de recherche des drapeaux régimentaires . Le cordon bleu sur le fond blanc étant ici certainement en rapport avec la détention de l'Ordre du Saint-Esprit par le colonel (en l’occurrence le Prince de Condé ) .

Les uniformes des planches Mouillard que vous présentez dans votre article sont en réalité blancs et non ventre de biche (première couleur de la Maison de Condé avant le chamois Condé qui est plus rose orangé) car seuls les musiciens de ces régiments étaient autorisés à porter la livrée complète de leur colonel . Il y avait une couleur générale du justaucorps – puis habit à la française - (en dehors des régiments étrangers) pour la cavalerie de ligne comme pour l'infanterie . Autrement , c’était des unité particulières , privées , des troupes légères comme celle des Volontaires de Clermont-Prince , à Louis de Bourbon-Condé , qui portaient la livrée intégrale de Clermont-Condé , ventre de biche et rouge .

J'ai découvert en 2002 l'implication de ce régiment dans les chasses à la Bête du Gévaudan de 1764 à 1765 . Mes travaux et ma planche illustrée de reconstitution consacrés à cette unité se trouvent à la Bibliothèque de Chantilly . S'y trouve aussi un prestigieux Manuscrit (seulement deux exemplaires au Monde) par Henry du Rosnel et Guillemard en 1776 , que je vous invite à aller étudier à l'occasion d'un passage au Musée Condé , qui répondra à vos questions et attentes en matière de connaissances des livrées de chasses et autres de la Maison de Condé . "

Patrick Pierre Louis Berthelot, historien uniformologue , spécialiste du XVIIIe s , des livrées des Maisons civiles et militaires , de la vénerie royale de Louis XV et de Louis XVI , des Eaux et Forêts , de la Louveterie , etc … 

.

Eh bien ! je lui tire mon tricorne !

.

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

Ce vantail comporte, en dessous, un petit panneau intermédiaire (j'ai oublié de le photographier ;  l'image qui suit qui a été inversée par le site, vient de Wikigallery.org )  avec un boulet de canon chauffé par un feu stylisé, et, dans les anses du dit boulet, deux refouloirs destinés à enfoncer la gargousse de poudre.

Cette artillerie est encadrée par un rameau d'olivier et par un rameau de chêne.

—Un chêne rouvre, si on en juge par le court pédoncule du gland.

 

.

Et, plus bas, un panneau rectangulaire chargé de divers motifs. Que voyez-vous ?

— Des boulets dressés en tas devant un baril de poudre !

— Deux boulets, qui m'ont bien l'air d'être reliés par une chaîne.

— Un fusil, une poire à poudre, et une hallebarde !

— Les bustes d'un homme et d'une femme, piqués sur des sortes de haches ; peut-être les ennemis du royaume ?

— Une étoffe à bandes bleues et or.

— Une médaille d'or, suspendus à une chaîne...

— Et tout en haut ?

— un bonnet à plume, bien peu martial. Et un chaudron à deux poignées. 

 

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail droit de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

.

Porte vers le cabinet d'angle, vantail gauche.

Après avoir caricaturé son commanditaire, sur le vantail gauche, Christophe Huet trace de lui  un "autoportrait en singe" aussi cocasse que celui de Normann Rockwell

Comme chez cet artiste, le godet d'eau est en équilibre instable, l'appui-main joue un rôle emblématique, le couvre-chef tourne le peintre en ridicule, et les clins d'œil abondent, comme les deux rouleaux de papier suspendus en X sous le chevalet, qui singent les deux bâtons entrecroisés du Maître de France.

 

.

On s'amuse aussi à découvrir qu'aux deux bustes en grisaille du vantail droit  répondent deux têtes à chapeau pointu, l'un à moustache droite, l'autre à moustache tombante.

On n'oubliera pas non plus de remarquer la carafe de vin et le verre à demi-vide que le singe-peintre a pris soin de placer à coté de main. 

.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

 

C. Huet, Le Maître peintre, pl. 29, Singeries...Guélard, 1743. Gallica.

C. Huet, Le Maître peintre, pl. 29, Singeries...Guélard, 1743. Gallica.

.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

Comme chez Rockwell, l'autoportrait se donne en abyme, puisque le panneau inférieur du vantail porte à son sommet une toile cloutée sur son cadre, représentant... le singe-peintre . Puis viennent, suspendus à une guirlande, son porte-main, ses pinceaux et sa palette, au dessus d'une esquisse à la pierre noire. La palette est la même que celle employée par le singe, avec le même ordre des couleurs (blanc-jaune-rouge-...) et le même emplacement du godet.

...puis, en suivant le fil de suspension, la pierre noire ou le porte-fusain, une règle graduée, une équerre,

...le fil se terminant, comme tout fil à plomb, par une rondelle et un plomb.

Encore plus bas c'est un buste de plâtre destiné à peindre "d'après la bosse", c'est-à-dire d'après une figure moulée, le plus souvent comme ici sur un antique (une tête grecque féminine).

Ici — mais c'est vrai partout sur ces lambris — l'esprit fin, léger, aimant l'impromptu et la pirouette, se donne libre cours sur les éléments graphiques non figuratifs directement hérités des grotesques, ces volutes, ces lignes brisées et recourbées sur elles-mêmes, ces feuilles et plumes d'or déroulant leur dos épineux, ces chorégraphies de traits virevoltant, s'envolant, sautillant et développant une musique spirituelle et gracieuse.

 

 

 

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

 

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Vantail gauche de l'une des portes de la Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

— C'est encore long ? Tu as mis assez d'argent dans le parcmètre ?

.

 

II. Le panneau de la Chasse. L'Amérique. Le Toucher.

 

 

 

 

C'est lors d'une de ces chasses, le 27 juillet 1724, que « ...Mr le duc de Melun courait le cerf avec Mr le duc (de Bourbon, prince de Condé), ils en avaient déjà pris un, et en couraient un second. Mr le duc et Mr de Melun trouvèrent dans une voie étroite le cerf qui venait droit à eux ; Mr le duc eut le temps de se ranger, Mr de Melun crut qu'il aurait le temps de croiser le cerf et poussa son cheval. Dans le moment le cerf l'atteignit d'un coup d'andouiller si furieux, que le cheval, l'homme et le cerf en tombèrent tous trois. Mr de Melun eut la rate coupée, le diaphragme percé et la poitrine refoulée. Mr le duc, qui était seul auprès de lui, banda sa plaie avec son mouchoir, et y tint la main pendant trois quarts d'heure ; le blessé vécut jusqu'au lundi suivant qu'il expira à six heures et demie du matin, entre les bras de Mr le duc, et à la vue de toute la cour qui était consternée d'un spectacle si tragique. Dès qu'il fut mort, le roi partit de Versailles et donna au comte de Melun le régiment du défunt. Il est plus regretté qu'il n'était aimé ; c'était un homme qui avait peu d'agréments, mais beaucoup de vertus et qu'on était forcé d'admirer... ».

 

La maîtresse de M. le Duc, la marquise de Prie, avait beaucoup d’influence sur lui. Elle se contentait néanmoins, pour l’essentiel, de protéger les arts et les lettres.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

Vous voyez ici une femme légèrement vêtue au dessus d'un body léopard, coiffée d'une toque à plumes rouges, et chaussée de soques à bout recourbé, laissant le pied presque nu sous un laçage argenté. Le manteau de gaze bleue constellé de fleurs d'or n'est pas sans évoquer, par un trait d'ironie, le drapeau aux couleurs du duc de Bourbon. La lance et l'arc qu'elle tient benoîtement pourrait en faire une nouvelle Diane chasseresse, mais elle n'a pas la froideur lunaire et  hautaine d'Artémis. Quand au trône bleu-métal sur laquelle elle siège comme sur la gueule d'un canon, il pourrait faire d'elle une Pythie. 

Elle regarde avec bienveillance un singe vêtu comme un Marquis de Carabas, et qui lui fait "les honneurs du pied".

Les honneurs du pied ?

Oui, regardez bien : le singe qui tient son tricorne, et n'a pas ôté ses éperons, accourt pour lui présenter la patte du cerf que les chasseurs viennent d'abattre. C'est un terme de vénerie : Après avoir  et sonné l'hallali par terre et achevé la bête, on procède, avant la curée,  à la "cérémonie du pied" accompagnée de la sonnerie des cors. Le veneur lève le pied avant droit de l'animal et le coupe à la première jointure ; la peau de la jambe est nattée selon les conventions d'usage,  puis le veneur le pose sur une cape ou un linge et, faisant le tour des invités, il le présente à celui qu'il veut honorer tout particulièrement. On sonne alors les honneurs. Cet "honneur du pied" est une récompense ultime, un grand moment de fierté et de jouissance pour l'invité. 

Ah, "il prend son pied", c'est cela ?

Littéralement, oui. Et il le fera naturaliser et monter en souvenir du "laisser-courre", la journée de chasse. Mais le veneur peut encore offrir le pied à la reine de la journée, qui peut alors honorer le chasseur de son choix ...ou de son cœur.

La chasse à courre est l'occupation de la plus haute importance à Chantilly, et, au XIXe siècle sous le duc d'Aumale, les annales ont soigneusement notées le nom de ceux qui ont eu l'honneur du pied : la duchesse Decazes le 27 décembre 1877, le comte de Chézelles le 31 du même mois, la duchesse d'Uzès le 6 novembre 1882, le maréchal de Mac-Mahon le 24 novembre 1879, la baronne Gustave de Rothschild le 12 novembre 1883 et  le duc de Bragance le 28 janvier 1886.

Je fais passer parmi vous cette image : je l'ai trouvée sur la toile, avec cette légende : " Trophée de chasse pied d'honneur: patte de cerf à dix cors. Présentée sur un écu en bois avec cartouche: «Forêt d'Orléans. Rallye Fontainebleau. Cerf dix cors Attaqué à la vallée du Diable. Pris à la Cour Dieu après 2h de Chasse. Les honneurs à Mme Pierre Vatron. Le 4 octobre 1986.»

 

"La vénerie demeura des siècles durant l'une des activités favorites du roi et des princes du sang. Chantilly vécut ainsi au rythme des chasses de ses illustres propriétaires comme le prouve la richesse des témoignages recueillis en ces lieux depuis la fin de la disgrâce du Grand Condé en 1659 jusqu'à la mort du duc de Chartres en 1910. D'imposants moyens furent consentis à l'exercice du noble déduit qui, lorsque des hôtes illustres honoraient Chantilly de leur présence, donnait lieu au déploiement d'un faste sans égal. Un vaste territoire réservé aux laisser-courre princiers constitue la plus évidente illustration de cette passion cynégétique qui s'exprime également par le raffinement de la production artistique qu'elle a su inspirer dans l'architecture comme dans le décor de la demeure.  "

Ce singe qui porte son cor en bandoulière est le "piqueux". Il porte la tenue de chasse aux couleurs du duc de Bourbon: "ventre de biche à parements amarante".

Selon le comte des Nétumières (p.34), reprenant Paul Petit, en 1816, à la formation de l'équipage, le surtout ou habit de petite tenue pour les gens de l'équipage était en drap de laine ventre de biche à col et parements de velours amarante et orné de boutons en argent aux armoiries de Condé et de galons  or et argent.

C'était aussi la livrée des valets du maître de Chantilly.

Un dessin de 1829 du Musée Condé montre Louis-Henri Prince de Condé duc de Bourbon (1756-1830) en tenue de chasse :

.

— Et de l'adjectif amarante, vous ne dites mot ?

— Ah, amarante, la couleur des bérets de parachutiste ! C'est un rouge-pourpre plus clair que le bourgogne. Elle tient son nom de plantes qui ne fânent pas, d'où leur nom grec ἀμάραντος, « immortelle », avec le a- privatif a- associé au  verbe  signifiant « flétrir, se faner ». Ces fleurs  sont donc un symbole de l’immortalité, ce qui justifie le choix d'un velours amarante pour des activités de guerre ou de chasse assez exposées aux dangers.  Ah, un monsieur veut intervenir ?

— Je me souviens d'avoir lu sous la plume de Jean-Baptiste Charcot la phrase suivante, qui m'avait marquée par la préciosité de sa poésie  : "Le ciel était taché seulement d’une main nuageuse de fines dentelles amarante qui se tendait comme pour nous souhaiter la bienvenue." ( Dans la mer du Groenland, 1928). Quel talent chez ce médecin de Neuilly-sur-Seine !

 —  ?

 

 

 

 

 

.

— Que fait le singe de droite ? Il tient une lettre cachetée.

— Et une canne à pommeau d'argent.

— Et un bonnet doré et...amarante.

— Ne serait-ce pas le duc lui-même, caricaturé en amant ?

— Mystère, mystère...

 

 

 

 

 

 

 

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Au dessus de cette belle dame courtisée, Christophe Huet a peint, de bas en haut, une cible de tir conservant le score d'un tireur habile, un cor de chasse ...

— dites "une trompe de chasse", comme les veneurs ! Accordée en ré, et non en mi bémol comme dans les fanfares ! Elle fait un tour et demi, soit 4,545 m.,  c'est la Dampierre de 1729. 

— Eh, vous êtes féru ! Je reprends ... deux arcs, et leur carquois, sur un filet de chasse au gibier d'eau (également figuré au plafond) . Des rubans bleus et rouges, et, de chaque coté, un miroir.

.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

Plus haut encore, un magot chinois, qui a du se tromper de panneau, et qui tient au bout de deux longs manches un éventail et une poterie. Ces deux éléments dont je n'ai pas élucidé le rôle encadrent une tête de cerf.

— cinq cornes sur chaque bois, c'est un jeune dix-cors.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

En dessous de la dame, une étoffe rayée admirable par les jeux de transparence maîtrisés par le peintre sert de support à un ensemble d'objets de chasse : une dague, une gibecière et une blague de poudre. 

Mais l'essentiel de ce décor n'est sans-doute pas, une fois de plus, dans les objets représentés, mais dans la façon dont ils sont traités. Voyez les deux piques de chasseur dont les manches sont fichés dans des supports dorés. Des engins meurtriers, certes, mais dont la fonction cruelle est démentie par les pompons et les glands, qui s'enroulent sur la hampe ; et dont les pointes acérées est coiffée par deux couvercles comme la flamme d'une bougie. Voyez ces guirlandes fleuries, voyez ces gazes vaporeuses qui se transforment en génies bleutés, voyez ces franges, ces fanfreluches plumeuses, voyez comme ces arabesques sont féminines : aucune concession n'est accordée à Mars et à Nemrod, tout flotte dans un entre-deux irréel comme dans une opérette futile, toute agressivité et virilité cynégétique tombe en quenouille sous l'effet de rires cristallins. 

.

 

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau de la Chasse, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

III. Le "Magot chinois". L'Asie. Le Goût.

"Le Magot chinois", c'est le nom donné par Nicole Garnier, Conservateur  général (sic) du patrimoine chargée du Musée Condé de Chantilly, à ce personnage aux moustaches de mandarin, à la bouche facétieuse, allongé dans un hamac et jouant du tambour et d'une sorte de maracas. 

C'est amusant, car le terme "magot" désigne d'une part (dès 1476)  un singe à queue rudimentaire, le Magot de Gibraltar Macaca sylvanus, et d'autre part, depuis 1698 avec la forme initiale magau, un bibelot à figure grotesque de porcelaine ou de jade qui tire son nom du roi eu pays de Magog, en Asie. On l'imagine, joufflu, ventre bedonnant s'échappant d'une robe de soie multicolore, pieds nus, tête rasée préservant la mèche rituelle, dans l'accumulation de poncifs que la manufacture de Chantilly appliqua à des sucriers, vases, et encriers.

Cela me permet de tenter d'identifier sur le plan zoologique le modèle des singes de cette Singerie. Le Magot, c'est Macaca sylvanus, la seule espèce de primate — excepté l'homme...—  que l'on peut trouver en habitat naturel  en Europe, et qui fut probablement introduit par les Maures . On le nomme aussi  Macaque de Barbarie, Magot ou Macaque berbère. Il figurait par exemple dans la ménagerie de Milan à la fin du XIVe. Les macaques berbères, disponibles au Moyen-Âge  en plus grand nombre que n'importe quelle autre espèce de singe, sont par excellence les singes du pauvre. À l'âge adulte, un magot mâle pèse rarement plus de 15 kg et peut mesurer jusqu'à 60 cm. Petit singe déjà imposant, il est assez docile pour se laisser apprivoiser par les montreurs d'animaux dans l'objectif d'amuser les habitants des villes et des campagnes dans des spectacles. C'est grâce aux bateleurs qui parcourent les contrées que la figure de l’animal devient familière, au moins dans les villes.

 Wikipédia

 

— Pourtant, les singes représentés ici ont le pelage du pourtour de la face qui est blanc. Et le singe de droite est doté d'une queue. Ne s'agirait-il pas du singe vert, Chlorocebus sabaeus, ou Callitriche ? ....bien qu'ils aient, certes des favoris blancs, mais une face sombre.

— Jacques Christophe Valmont de Bomare, qui fut le directeur du Cabinet d'histoire naturelle du Prince de Condé, distinguait en 1775 avec Brisson cinq races : Ceux qui n'ont point de queue, mais le museau court (Orang-Outang, Paresseux,...) ; les Cynocéphales qui n'ont point de queue, mais qui ont une tête allongée ; les singes à queue très courtes (babouins) ; les 29 espèces de Cercopithèques,  qui ont une longue queue et le museau court ; et les Cercopithèques cynocéphales...à queue longue et tête allongée. La majeure partie des singes de Christophe Huet ont une queue visible, ce sont donc selon ces distinctions des Cercopithèques. Sapajou ? Sagouin ? Tamarind ? Je retiens le Singe vert en raison des poils blancs de ses joues. Planche dans Buffon p. 283

François Alexandre Aubert de la Chesnaye des Bois ...

— Ah, j'adore ! 

— Aubert de la Chesnaye des Bois, disais-je, atteste de la présence de Cercopithèques (sans en distinguer l'espèce) à la ménagerie de Chantilly. En 1759.

 

 

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

— Laissons ces questions posées, et  revenons à notre personnage. Je ne lui trouve aucune ressemblance avec un bibelot, et il m'évoque plutôt un gai compagnon du duc, déguisé en chinois, avec sa moustache postiche, sa boucle d'oreille en or, sa luxueuse robe damassée sur laquelle est passée une veste courte de couleur rouge...

— Mais ce sont les couleurs ventre-de-biche et amarante !

— Bien vu ! 

Il joue d'un tambour à grelot, et d'un idiophone à manche : deux instruments à percussion (alors que le panneau de la Chasse était dédié à la famille des Cuivres). L'instrument à manche n'est-il pas un moulin à prière tibétain ( mani korlo) détourné de son pieux usage ?

Les deux singes sont "chinoisés" de façon caricaturale, affublés qu'ils sont, comme leur maître, de chapeaux chinois à plumet et de soieries bleu, blanc et or . 

— Mais ce sont les couleurs de l'étendard du porte-drapeau ! Et celle du manteau de la Diane chasseresse !

— Bravo, bravo, j'ai une belle équipe d'auditeur .

Le singe de droite frappe avec une baguette sur une sorte de triangle où sont enfilées des anneaux d'or. 
Celui de gauche joue d'un instrument à archet très long qui ne semble comporter qu'une seule corde : serait-ce une Trompette marine ?
 
Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

Plus bas, une médaille d'or est frappée du profil d'un mandarin chinois à chapeau conique. Puis vient une théière et trois tasses à thé en porcelaine bleue, posés sur un plateau ...à grelots.

 

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

En partie haute, nous retrouvons la disposition à deux bustes de grisaille déjà rencontré sur la porte, mais les personnages ont, bien-sûr, des traits "chinois" prononcés sans grand souci d'authenticité, avec boucle d'oreille en goutte d'eau, ébauche de natte, et moustache tombante.

Au centre, un idiophone, dont on supposera qu'il est fait de onze lames de bambou plutôt que de métal , afin d'évoquer le nom chinois  du xylophone, 木琴;  mù qín. 

Cet instrument est posé devant une feuille de papier où sont inscrites quatre lignes (horizontales !)  de caractères  noirs : il serait très amusant qu'il s'agisse d'une partition en notation chinoise, ou gongche  工尺 ... , mais la ressemblance n'est que vague avec des caractères comme ceux-ci :

Bien-sûr, tout cela est surmonté d'un parasol octogonal à glands de passementerie, d'où retombent d'évanescentes mousselines aux emblématiques couleurs bleus et or .

A gauche, il faudrait savoir identifier ces instruments de musique, mais on distingue des flûtes, un tuyau évasé comme le bourdon d'une cornemuse, un manche surmonté d'une tête à grelots, ...

A droite, une lance, un arc et son carquois. 

Huet s'est-il inspiré d'objets exotiques des collections du cabinet de  curiosités ?

 

 

 

 

 

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

La description de ce panneau s'achève avec le registre supérieur où se découvrent sur des perchoirs dorés quatre oiseaux (hirondelles et/ou bergeronnettes), tandis que quatre lampions (bleus et blancs) sont suspendus à une branche.

 

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

Panneau chinois, Grande Singerie, Château de Chantilly, photographie lavieb-aile.

.

.

— On ferme, on ferme, messieurs-dames, le château va fermer ses portes.

— Déjà ! Mais ce n'est pas fini !

— Rendez-vous demain matin, et nous continuerons la visite.

.

Emprunté sur la toile : deux tableaux de Chardin, dont son Singe peintre, réalisé trois ans après les Singeries de Huet et son autoportriat en peintre-singe.

Jean-Siméon CHARDIN  Le Singe antiquaire  Vers 1726  Musée du Louvre

Ce singe en robe de chambre qui examine des médailles avait pour pendant un Singe peintre, disparu.

Au long de sa carrière, Chardin porta à plusieurs reprises ce regard ironique sur les collectionneurs.

 Les singeries étaient à la mode : on en connaît notamment de Watteau, à qui le tableau fut jadis attribué. 

.

Jean-Siméon CHARDIN Le singe peintre  Vers 1739 - 1740 Musée du Louvre.
Ce tableau dont on connaît plusieurs autres versions est peut-être 
celui du Salon de 1740,

qui avait pour pendant un Singe antiquaire, disparu. Comme Watteau, Lancret ou Huet,

Chardin s'inspire sans doute des singeries de Téniers, peintre flamand très en vogue au XVIIIe siècle.

Le singe semble bien, ici, un Singe vert Chlorocebus sabaeus .

Comme chez Huet, on retrouve le modèle en bosse, la carafe (de vin ?), l'appuie-main,

et la tenue militaire avec veste de velours et tricorne.

 

 

 

SOURCES ET LIENS.

— Très bonne description et nombreuses images sur :

http://www.meublepeint.com/chantilly-grande-singerie-huet.htm

http://www.linternaute.com/sortir/monument/photo/la-grande-singerie-du-chateau-de-chantilly-restauree/singes-geometres.shtml

http://singeries.picnpin.com/singes-et-singeries-a-la-renaissance

 

GARNIER-PELLE (Nicole), 2008,  Les Singeries, Paris, Nicolas Chaudun - Fondation pour le domaine de Chantilly,coll. « Trésors de Chantilly »,‎ septembre 2008 (ISBN 978-2-35039-063-5, LCCN 2008487526)

GARNIER-PELLE (Nicole), 2010 Anne Forray-Carlier et Marie-Christine Anselm, Singeries et exotisme chez Christophe Huet, Saint-Rémy-en-l’Eau, Monelle-Hayot,.

— GARNIER-PELLE (Nicole),  Une émission de la radio Canal Académie
Nicole Garnier, conservateur en chef du patrimoine au château de Chantilly présente la restauration de la Grande Singerie achevée en janvier 2008 et le programme iconographique de ce décor du XVIIIe siècle.

— GAUDRON ( Amandine ) Le singe médiéval Histoire d'un animal ambigu : savoirs, symboles et représentations  http://theses.enc.sorbonne.fr/2014/gaudron

— HUET, (Christophe), 1741-1743,- Singeries, ou différentes actions de la vie humaine représentées par des singes / gravées sur les desseins de C. Huet ; gravure de Guélard, édité par J. Guélard 2 suites de 12 pl. gravées : gravure à l'eau-forte Bnf Dept estampes et photographie 4TF-11

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55006444q

 

—   Un reportage photographique de Cécile Debise pour l'Internaute
Une vingtaine de photographique avec détails des peintures de la Grande Singerie du château de Chantilly pendant leur restauration.

—  Un dossier de presse sur la restauration de la Grande Singerie

—  Depuis le magazine La Tribune de l'art
Pour voir les cinq panneaux restaurés de décors d'animaux peints par Christophe  Huet de la chambre de Monsieur le Prince au château de Chantilly.

—  Sur le site de l'Institut de France, propriétaire du château de Chantilly
Sur la restauration de cinq paysages avec animaux de Christophe Huet ; ces peintures sont encastrées dans des boiseries blanc et or de la chambre de Monsieur le Prince au château de Chantilly ; sont expliquées les techniques picturales de Christophe Huet et les restaurations engagées.

—  Les singeries
Nicole Garnier-Pelle, Editions Nicolas Chaudun, 2008, 80 pages

—  Les peintures du XVIIIe siècle du musée Condé
Nicole Garnier-Pelle, Editions du Musée Condé, 1995, 221 pages

—  L’Art décoratif en Europe, Classique et Baroque
Chinoiseries, pp 225-324
Alain Gruber, Editions Citadelles & Mazenod, 1992,

—  Les singeries de Christophe Huet : Exposition-dossier, Musée des beaux-arts de Valenciennes, 23 décembre 2006-19 mars 2007
Virginie Frelin, Marie-Christine Anselm, Editions Musée des Beaux-Arts de Valenciennes, 2007, 56 pages

—  Chinoiseries : Le rayonnement du goût chinois sur les arts décoratifs des XVIIe et XVIIIe siècles
Madeleine Jarry, Editions VIlo, 1981, 258 pages

— Chinoiseries
Dawn Jacobson, Editions Phaidon, 1999, 240 pages

— Les Singeries de Chantilly
Christophe Levadoux, docteur en histoire de l’art, in L’Estampille – L’Objet d’Art, n°435, mai 2008, pp 42-51

— Le cabinet d’histoire naturelle du duc de Bourbon
Christophe Levadoux, in Bulletin du musée Condé, 2008

— Restauration de la Petite Singerie : http://www.wukali.com/chateau-de-chantilly-la-petite-singerie-a-ouvert-ses-portes-apres-11-mois-de-travaux#.Voai4_nhCM8

— Vidéo : http://www.dailymotion.com/video/x4gaeo_la-grande-singerie-du-chateau-de-ch_creation

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Chantilly

Présentation

  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
  • Contact

Profil

  • jean-yves cordier
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

Recherche