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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 14:28

Iconographie de saint Christophe dans les vitraux de la cathédrale de Quimper.

III. La baie n°115. Vitrail du Gloria . Transept, bras nord, mur est.

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L'intention de cette série de mon blog est de replacer chaque œuvre dans un ensemble iconographique étudiant les variations et les reprises du thème de saint Christophe traversant le gué en portant le Christ enfant sur ses épaules. Et de faire apparaître l'importance de ce culte au XVe et XVIe siècle.

A Quimper, le but est de souligner combien ce culte avait une place prépondérante au XVe siècle (cinq vitraux et une chapelle), et d'inciter à réfléchir à sa signification, qui dépasse de loin l'image de saint-pour-porte-clef-et-garagiste qu'on pourrait avoir.

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Saint Christophe sur les vitraux de la cathédrale de Quimper :

Autres exemples iconographiques :

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Le mur est du bras nord du transept est éclairé par deux baies, n° 113 et n°115, qui toutes les deux consacrent une lancette à saint Christophe. Dans le bras sud, dans une position symétrique, saint Christophe occupe aussi la baie n°114.

Cette baie comporte six lancettes désignées par les lettres A à F,  et un tympan à 11 ajours, recrée vers 1872. Hauteur 6 m, largeur 4,30 m. Une place à part est réservée à saint Christophe dans la lancette F à l'extrême gauche, alors que les cinq autres lancettes sont organisées symétriquement autour de la Vierge à l'Enfant (lancette C), vénérée de part et d'autre par deux chanoines des lancettes B et D, chacun présenté par l'un des deux saints Jean dans la lancette voisine. L'unité de ces cinq lancettes est assurée par le fait que les bras des saints "traversent" le meneau pour présenter leur protégé dans la lancette voisine.

 

J'utilise dans ma description les publications de Françoise Gatouillat, (2005 et 2013), Yves-Pascal Castel (Daniel, 2005) mais aussi le blog de Jean-Pierre Le Bihan (2007). C'est le travail d'un  maître-verrier quimpérois et historien-chercheur de la cathédrale. Sa description, argumentée par le recours aux archives et aux auteurs cités ici en bibliographie, s'avère si attentive, si réfléchie et si qualifiée (J-P. Le Bihan a restauré de très nombreux vitraux finistériens dont ceux de la cathédrale) que j'ai pris le parti d'en citer le texte. J'espère que cela ne sera pas considéré comme un emprunt indélicat, mais comme un hommage. 

Les vitraux anciens occupent les fenêtres hautes. Très très hautes pour le touriste photographe. 

Surtout la baie 115. Pour la photographier,

 Ave ! Bonum diem !

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Historique : 

 

Le bras nord du transept a été érigé vers 1480, ses voûtes peintes en 1486. La baie n°115 du mur est du bras nord,  comme les autres fenêtres du transept et de la nef, a été obstruée par des cloisons de bois (entre 1469 et 1475) avant d'être vitrée entre 1495 et 1497, donc sous le règne de Charles VIII et Anne de Bretagne, et lors de l'épiscopat de Raoul Le Moël (1493-1501). La disposition générale des 20 fenêtres du transept et de la nef est proche de celle adoptée pour le chœur au début du XVe, avec des niches gothiques, des saints intercesseurs (debout) et des donateurs ou commanditaires (à genoux). Ceux-ci sont en majorité des chanoines du chapitre cathédrale. Ce dernier était composé au XVe siècle de 15 à 16 chanoines, dont quatre dignitaires : deux archidiacres —pour les deux subdivisions du diocèse, les archidiaconés de Poher et de Cornouaille — , un trésorier et un chantre. Outre les chanoines, les grandes familles nobles sont aussi représentées sous forme de couples, identifiés par leurs armoiries. Les armes des donateurs figurent dans les lancettes, dans les tympans, et parfois sur les voûtes.

 

Les verrières du transept ont été restaurées par l'atelier manceau d'Antoine Lusson fils (le restaurateur de la Sainte-Chapelle)  de 1869 à 1874.  Les verrières hautes de la cathédrale ont été déposées en 1942, et reposées entre 1950 et 1964 par l'atelier Gruber sans modification notable.  Les baies ont été restaurées en 1992-93 par l'atelier Jean-Pierre Le Bihan.

— Description  par R-F. Le Men (1877), qui n'y décrit pas saint Christophe.

"[p. 134] N° 81. Quatrième fenêtre (côté est). Six panneaux.

1er Panneau — Un chanoine en chape à genoux, présenté par N.-S.-J.-C., qui tient la croix de résurrection [Confusion avec saint Christophe ??].

2e Panneau. — Un chanoine en surplis à genoux.

3e Panneau. — Notre-Dame.

4e Panneau. — Un chanoine.

5e Panneau. — Saint Jean l’Évangéliste, tenant un calice.

6e Panneau. — Saint Jean-Baptiste vêtu d’une peau et d’un manteau. "

 

— Description en 1892 par A. Thomas, dans un ordre différent, et qui identifie saint Christophe ; la disposition des lancettes est celle que nous connaissons. Les inscriptions ne sont pas déchiffrées:

 

"1°) Saint Jean-Baptiste.

2°) Un chanoine vêtu d'une chape et agenouillé ;

3°) Notre-Dame ;

4°) Un chanoine vêtu d'un surplis et agenouillé ;

5°) Saint-Jean apôtre ;

6°) Saint Christophe.

Le troisième panneau [lancette] a occupé une des baies des fenêtres latérales de l'abside (1837-1873).

Le tympan est moderne, il représente dans les trois compartiments du centre les Trois Personnes Divines, avec cette particularité que le Saint-Esprit figure ici sous forme d'un jeune homme. [...]".

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Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

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Par exception, je débuterai par la lancette F, celul qui m'intéresse aujourd'hui.

 

Lancette F. Saint Christophe.

Je donnerai d'abord la parole à J-P. Le Bihan :

 

 

Saint Christophe.
"Dans cette baie, ce personnage se trouve à l’extrémité droite de cette baie que l’on voie dans  la façade est du bras nord du transept .
 Le torrent qu’il traverse coule de gauche à droite, ce qui n’est pas exceptionnel dans ses représentations. Ce qui est plus c’est la représentation  de deux poissons, traités au jaune d’argent (nitrate d’argent). qui glissent dans cette eau. Ici, l’auteur les a peints sur la face extérieure du verre dans le but de donner l’impression  qu’ils sont vraiment dans l’eau.

  Le vitrail présentée plus haut est dans l'état après restauration; la vue suivante le présente avant tout travail avec un manque de lisibilité dû aux  plombs de casse. [voir images sur le blog]

Saint Christophe avance, les mains, la droite à la hauteur de l’épaule, la gauche à la hauteur du genou, serrées sur un tronc d’arbre équeutée. Penché et courbé, l’effort, transcrit par la diagonale du tronc,  indique bien qu’il porte tout le poids du monde en la personne de cet enfant Jésus. Pour accentuer cette effort, et par manque de place, l’auteur a bousculé les piliers et fait ressortir cette composition du cadre de la niche.
Sa tête d’origine, milieu XV°, au cou fort, est encadrée d’une barbe légère qui remonte jusqu’aux cheveux retenus par un foulard plié et noué dont une houppe rebelle s’échappe. 
La mèche de droite suit le mouvement du personnage tandis que l’autre se devine sur le côté du visage. Le nimbe jaune, à la bordure unie et au champ ornementé de courbes et perles, agrandi encore ce visage au nez camus et aux yeux surmontés de sourcils épais et noirs dont le regard repose sur le globe.
Sa robe, ou tunique, brune violacée, très courte aux longues manches, apparaît sous un lourd manteau blanc, fermé au col par un gros bouton vert dont le motif de grisaille a disparu. Un ruban large, décoré de grains de café et de perles, court sur les parties visibles du manteau dont la doublure au dessin, fait de successions de courbes, est la même que celle de saint Jean-Baptiste.

L’enfant Jésus.

L’enfant Jésus est assis sur les épaules de saint Christophe, la jambe gauche seule visible sous la  robe rouge dont le collet au jaune d’argent fait partie intégrante de la pièce de verre comportant le cou, la tête et le nimbe crucifère. 
Les branches de la croix  de ce nimbe sont pattées et arrondies aux extrémités. 

Deux grands yeux noirs, au dessin très pur, animent ce visage, et portent leur regard du côté inverse de saint Christophe. Des cheveux rehaussés au jaune d’argent couronnent ce visage. Sa main droite bénit presque horizontalement, comme voulant indiquer une direction que suivraient ses yeux.
 La main gauche ne soutient pas, comme cela est habituel, mais prend par l’extérieur, le globe surmonté d’une croix à fanion blanc rehaussé d’une seconde croix au jaune d’argent. L’implantation de la croix au milieu de la partie haute de ce globe est exemplaire. Elle ne peut qu’être plantée dans la terre, la partie basse étant parcourue de vagues. 
Il n'est pas rare de trouver un globe terrestre dont la mer est présente dans le bas.
Quant au rideau qui ferme cette scène il est d’un violet bleu aux damas intérieurs exécutés au pochoir et se terminant par une frette de bâtonnets calée par deux filets." 
(Jean-Pierre Le Bihan)

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Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

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Commentaires personnels.

Selon les auteurs du Corpus Vitrearum, ce Saint Christophe traversant le fleuve est "assez bien conservé". Jean-Pierre Le Bihan ne signale pas non plus de parties manifestement modernes. On peut donc estimer que cette lancette est assez fidèle au vitrage d' origine. Or, certains éléments sont conformes à la tradition iconographique , tels que les jambes et pieds nus visibles dans les flots traversés, les petits poissons qui y nagent, la diagonale tracée par le bâton, et la giration de 180° du corps entre les pieds dirigés vers l'avant et la tête qui se tourne vers l'Enfant. Ou encore l'Enfant figuré comme Salvator Mundi, bénissant et tenant le globe crucigère. Ou le bandeau de martyr autour du front du saint. Par contre, la couleur rouge (et non verte) de la tunique, et le caractère solennel de la cape orfroyée sont atypiques, ce qui explique que Le Men ait vu ici (certainement lors d'un examen dans de mauvaises conditions ou sur une vitre très encrassée) un chanoine.

Le visage du saint est magnifique par son expression de détresse, d'interrogation ou de doute anxieux, et d'effort (il succombe sous le poids du Monde porté par l'Enfant), et il se rapproche de celui du Christ de douleur. Christophe est figuré comme un homme âgé, barbu, dont les mêches grises s'échappent en éléments rebelles. Mais sa face est tourné vers le haut, dans un sursaut d'espérance et de spiritualité, et son regard rencontre, non celui de l'Enfant divin, mais le globe doré où flotte triomphalement l'étendard de la victoire sur la Mort.

Nous allons maintenant découvrir que ce saint christophore, apparemment isolé dans sa lancette, est intégré dans un vaste tableau théologique sur l'avènement du Christ comme Rédempteur. Avec un "fil rouge", ici blanc et or, l'oriflamme et la croix. 

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Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.
Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

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Lancette A et B . Saint Jean-Baptiste présentant un donateur.

Tête du saint restaurée. Lancette B en partie restaurée. Le saint est vêtu de la même chape à bande d'orfroi que saint Christophe, chape toute aussi inhabituelle dans le cas de saint Jean-Baptiste que dans celui du géant barbu. En effet, le "Précurseur" dont la voix "crie dans le désert" s'habille de peaux de bêtes, et ce sont d'ailleurs elles qui pendent sur les jambes en dessous de la chape. Depuis Matthieu 3:4, chacun doit savoir que "Jean avait un vêtement de poils de chameau, (Iohannes habebat vestimentum de pilis camelorum) et une ceinture de cuir autour des reins (et zonam pelliciam circa lumbos suos). Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage."  ​  Le caractère inhabituel de ces deux parures doit nous mettre sur la piste d'une intention délibérée et signifiante, réunissant Jean-Baptiste et Christophe. Mais en réalité, à un exception, tous les personnages de ce vitrail portent ce manteau : la Vierge (bleu à orfroi), saint Jean l'Evangéliste (simple voile blanc) et le donateur (rouge à orfroi).

Le donateur présenté par Jean-Baptiste est un clerc (tonsuré) ; il est agenouillé devant un prie-dieu à décor gothique, mains jointes. Le décor de la bordure dorée et brodée de son manteau est simple, géométrique et répétitif. 

Il s'agit soit d'un chanoine (mais particulièrement honoré par ce vêtement), soit d'un évêque, et il pourrait porter le prénom Jean du saint qui le présente :  on peut penser à l'évêque Jean de Lespervez (1451-1471), commanditaire de la croisée du transept, bien que ce vitrail postérieur à 1496 l'honorerait de manière posthume. Une hypothèse plus crédible verrait ici le chanoine Jean Le Baillif, dont les armes ornent la baie 113 : en 1479, tout le chapitre l'avait nommé évêque, mais cette nomination ne fut pas ratifiée par le duc François II.

Une banderole se déploie au dessus des mains de ce digne chanoine, et on y lit en lettres gothiques :   " : DOMINE : IHS XPE FILII."

Pour Yves-Pascal Castel y voit "une citation libre d'un des versets du Gloria rituel Domine Filii unigenite Jesu Christe, ce qui justifie qu'il donne à cette verrière le nom de "Baie du Gloria", mais cela suppose l'introduction du mot unigenite et l'éclatement de la séquence des termes latins. D'autre part, rien d'autre dans cette baie ne se réfère au Gloria, et notamment pas le contexte général, et, enfin, la seconde inscription, lancette D, n'est pas tirée du Gloria. Le même texte se retrouve dans la lancette D de la baie 122 du bras sud du transept : domino ihs xpo filio au dessus de l'évêque Raoul Le Mouel, dans une baie du XIXe siècle. 

La séquence exacte peut être respectée dans différentes formules

 (Domine iesu christe fili dei miserere mei peccatoris ; Domine iesu xpe fili dei patris omnipotentis tu qui es deus angelorum ; Domine Jesu Christe, Fili Dei vivi, qui es verus omnipotens Deus ;Domine Jesu Christe, Filii Dei vivi, qui ex voluntate Patris, Domine Jesu Christe, Fili Dei vivi, qui uterum beatae Virginis Maria mirabiliter) mais cela n'a pas beaucoup d'importance pour l'interprétation de la verrière si l'authenticité du texte n'est pas affirmée, et que ce début d'oraison est due à l'invention de l'atelier Lusson.

Je m'intéresserai d'avantage à la main de saint Jean-Baptiste. Elle tient un livre (c'est inhabituel) à reliure verte, sur lequel se tient un agneau à nimbe crucifère ; une croix fleuronnée sert de hampe à l'oriflamme blanc portant la croix d'or . Cet agneau pascal est l'attribut principal de Jean-Baptiste et se réfère aux paroles qu'il a prononcé selon Jean 1:29 : Ecce Agnus Dei qui tollit peccatum mundi "Le lendemain, il vit Jésus venant à lui, et il dit: Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde". Comme ici l'agneau tient dans la patte gauche la hampe, nous sommes autorisés, ce qui fait chic, à parler l'agneau vexillifère. Et crucifère.

Or, l'étendard de la Résurrection tenu ici par l'Agneau répond à celui  tenu par L'Enfant juché sur les épaules de Christophe. 

Rappellons-nous : Christophe lors de sa traversée du fleuve se trouve soudain terrassé par le poids inattendu du bambin qu'il s'est proposé de passer sur l'autre rive, et, levant les yeux, comprend que cet enfant porte le Monde où se dresse l'étendard de la croix. Autrement dit, c'est le poids du Péché du Monde (peccatum mundi) qui l'enfonce dans les sables du fleuve. Sa conversion, sa foi en le Christ comme Sauveur du monde, le sauve, et il reprend sa progression.  Le lien entre cette scène, et la prophétie du Baptiste Ecce Agnus Dei devient clair. Le monde succombe sous le poids du péché, et Jésus enlève ce péché, et sauve l'humanité. Christophe et Jean-Baptiste en témoignent comme deux piliers du dogme de la Rédemption. 

En tout cas, pour moi, c'est clair. Surtout que dans les deux cas nous avons deux saints qui sont des Forces de la Nature, l'un comme géant sauvage et inculte (incapable de prier ou de faire jeûne, il met au service des autres sa capacité à les porter pour passer un gué), l'autre comme nazir  voué à ne boire ni vin ni liqueur ennivrante (Luc 1:13) et, sans-doute, à ne pas se couper les cheveux et à vivre en ascèse.

Mais il y a un autre point commun entre les deux saints : le baptème. Pour Jean-Baptiste, qui baptisa le Christ, et qui pratique le baptème par immersion dans le Jourdain, c'est évident. Mais si on réfléchit deux secondes, c'est évident aussi pour Christophe, dont la conversion lors de la traversée d'un fleuve, les deux jambes, dans l'eau aux dangereux poissons symbolisant les péchés, est bien un baptème. C'est pour cette raison que Christophe est un des saints intercesseurs : il protège du danger de mort subite en état de péché mortel.

En résumé, la baie 115 est encadrée par deux figures majeures du christianisme en relation avec le baptème et la rémission des péchés : ce sont deux héros du Christ Sauveur du monde par la victoire de la Croix, et l'oriflamme de cette victoire est présent dans les deux cas.

Dans le retable dit "de la perle du Brabant" de Dirk Bouts (Alte Pinakothek , 1470), réalisé pour un commanditaire privé autour d'une Adoration des Mages, les deux volets réunissent saint Jean Baptiste à gauche et saint Christophe à droite :

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Ajoutons que saint Jean-Baptiste occupe, parmi les 89 saints personnages des vitraux du XVe siècle de la cathédrale, la 4ème place, avec 10 représentations juste après le Christ (25), la Vierge (13) et les saints évêques. Il précède Jean l'évangéliste (7), Pierre (7) et Christophe (6). 

 

 

 

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Saint Jean-Baptiste et donateur, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Saint Jean-Baptiste et donateur, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

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Lancette C. La Vierge à l'Enfant.

La Vierge est couronnée et nimbée, et porte sur une robe vieux rose (à col et manches dorés)  un manteau bleu à bordure brodée d'or avec inclusion de perles et de pierres. Ses cheveux blonds retombent sur ses épaules.   

C'est l'Enfant qui me réserve une surprise. Par sa robe verte au dessus d'une longue chemise blanche ? Par son nimbe crucifère travaillé comme une pièce d'orfèvrerie ? Par ses cheveux courts ? Non, mais bien parce que j'y retrouve le geste de bénédiction et le globus cruciger qui reproduisent ceux de de la lancette F où l'Enfant était porté par saint Christophe. 

Autrement dit, cet Enfant est ici figuré en Sauveur du Monde : le thème de la Rédemption, du poids du Péché et de son abolition par la Croix est donc repris ici une troisième fois.

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Vierge à l'Enfant, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Vierge à l'Enfant, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Lancette D. Clerc, et banderole.

Il date entièrement du XIXe siècle, et ne permet donc pas d'enrichir notre réflexion sur la signification initiale de la baie.

Ce clerc porte le même surplis à la partie basse évasée et plissée que son confrère de la lancette B. Il est enrubanné d'une banderole où se lise les mots :

 

 

SANCTA MARIA VIRGINIS [mater] DEI

Clerc en surplis, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Clerc en surplis, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

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Clerc en surplis, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Clerc en surplis, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

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Lancette E. Saint Jean l'Evangéliste.

Il présente d'une main sûre le personnage de la lancette D en traversant le meneau. Vêtu d'une robe verte , bordé d'or, et d'un simple manteau blanc à revers d'or, seulement brodé à l'encolure. Nimbe aux rayons d'or. Il tient son attribut habituel, la coupe de poison. 

La réunion  des deux saint Jean autour de la Vierge à l'Enfant est très fréquente. 

 

 

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Saint Jean l'Évangéliste, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Saint Jean l'Évangéliste, Baie 115, Cathédrale de Quimper, Bras nord du transept, photo lavieb-aile.

Le tympan

 Moderne, il montre la Trinité avec le Saint-Esprit sous forme d'un homme barbu tenant un livre ; six anges portant des phylactères, et deux phylactères isolées. 

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SOURCES ET LIENS.

 

ANDRÉ (Augustin), 1878, De la verrerie et des vitraux peints de l'ancienne province de Bretagne, Rennes, Plihon, in-8°, 281 p.  (Extr. des Mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, t. XII.) page 299-304.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077642/f326.image

— AYMAR DE BLOIS (1760-1852), vers 1820. On doit à ce neveu du chanoine de Boisbilly une description des vitraux vers 1820.  Registre de Boisbilly, Arch. Dioc. Quimper, 8 L1 . Le folio 25 concerne la baie 114.

 A. de Blois, héritant de ce registre de Boisbilly, en fait don à l'évêque André, le 5 janvier 1804, mais le ré-annote en 1820 et 1821 et donne alors la description des vitraux et leur état. Il le remit de nouveau à l'évêque de Quimper, Mgr Graveran, le 5 septembre 1842 "pour l'usage de la cathédrale ". Il rajoute  "malade d'une fluxion, charge son fils Louis de le remettre à l'évêque". (J-P. Le Bihan)

 

— BOISBILLY (Jean-Jacques-Archibald le Provost de la Boexière ,Chanoine de), vers 1770, Registre de Boisbilly, Arch. Dioc. Quimper, 8 L1 ,

 Jean-Jacques Archambault Provost de Boisbilly (1735-1786). Docteur en théologie de la Sorbonne, vicaire général du diocèse de Rennes, il était abbé commandataire du Tronchet et chanoine de Quimper. Il possédait une des plus érudites bibliothèques de Quimper et on lui doit par ailleurs un plan de la cathédrale dressé en 1770 qui est une des sources les plus importantes sur la cathédrale avant la Révolution. Il avait dessiné l'architecture des fenêtres de la cathédrale en pleine page de 1770 à 1772. Ce travail  devait être complété par la suite avec les dessins des vitraux, mais il fut malheureusement appelé à d'autres fonctions.

"La cathédrale de Quimper, qui figure au nombre des Monuments historiques du département du Finistère, n’a été jusqu’ici l’objet d’aucune publication de quelque importance. Vers l’année 1770, l’abbé de Boisbilly, syndic du chapitre de Quimper, avait, en vue d’une histoire de ce monument, réuni de nombreuses notes, et fait dresser un plan de l’église avec ses chapelles et ses autels. Dans sa réunion générale du 14 mai 1772, le chapitre le « pria de continuer l’ouvrage qu’il avait commencé sur la description détaillée de l’église cathédrale, » et décida « qu’il en serait fait un registre particulier. » (1)1 Sur ces entrefaites, l’abbé de Boisbilly fut appelé à Rennes pour prendre part aux travaux de la Commission intermédiaire des États de Bretagne dont il faisait partie. Les affaires importantes et multipliées de la Province ne lui permirent pas de mener à bonne fin son entreprise. Ses notes furent perdues, et il n’est resté comme souvenir du projet qu’il avait formé, qu’un registre grand in-folio, qui contient avec le plan de la cathédrale, les dessins au trait de ses fenêtres, dessins qui devaient être complétés par la peinture des vitraux. M. de Blois (de Morlaix), neveu de l’abbé de Boisbilly, a fait hommage de ce registre à Mgr l’évêque de Quimper, le 5 septembre 1849. Avant de s’en dessaisir, il avait pris le soin d’écrire au-dessous des dessins des fenêtres, une description sommaire des vitraux qu’elles contenaient encore en 1820 et 1821, mais à cette époque beaucoup étaient entièrement détruits. " (R-F. Le Men)

 

— BONNET (Philippe) 2003, Quimper, la cathédrale, Zodiaque, Paris 

— CUFFON . Bulletin SAF, t.LXXXIX. 1963, p.xcvii et suivantes. 

— COUFFON  http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/ERGUEGAB.pdf

— DANIEL (Tanguy), (dir.), Anne Brignandy, Yves-Pascal Castel, Jean Kerhervé et Jean-Pierre Le Bihan, 2005,  sous la direction de, Les vitraux de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper,  Presses Universitaires de Rennes / Société Archéologique du Finistère,  287 p. (ISBN 978-2-7535-0037-2).

— GALLET (Yves), Les ducs, l’argent, les hommes ? Observations sur la date présumée du chevet rayonnant de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper (1239) p. 103-116 http://books.openedition.org/pur/5315

 — GATOUILLAT (Françoise), 2013,  "Les vitraux de la cathédrale" , in Quimper, la grâce d'une cathédrale, sous la direction de Philippe Bonnet et al.,La Nuée Bleue, Strasbourg, page 185-203, 

 GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005,  Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, France VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, p. 172.

— GUILHERMY (Ferdinand de), 1848-1862,  Notes sur les diverses localités de France, Bnf, Nouv. acquis. française 6106 folio 335v et suivantes.

Le baron de Guihermy, membre de la Commission des Arts, visita Quimper le 2 octobre 1848 et rédigea un mémoire d'après ses notes. Nommé membre de la Commission des Monuments Historiques en 1860, il entreprit un voyage en France et séjourna à Quimper du jeudi soir 28 octobre 1862 au samedi 30 à midi et compléta alors ses premières notes.  Les baies n'y sont pas numérotées et distribuées en cinq lieux : Vitraux de la chapelle des fonts, vitraux de la Nef, vitraux du transept, vitraux du chœur, vitraux de la chapelle terminale. 

 

— LE BIHAN (J.-P.), J.-F. Villard (dir.), 2005,  Archéologie de Quimper. Matériaux pour servir l’histoire, t. 1 : De la chute de l’Empire romain à la fin du Moyen Âge, Quimper, 2005.

— LE BIHAN (J.-P.) 1993,, -"Gravures de repère sur les vitraux bretons des XVe et XVIe." Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, T.CXXII

— LE BIHAN (Jean-Pierre), 2007,  Blog  baie 114 :

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-5710978.html

— LE MEN (René-François), 1877, Monographie de la cathédrale de Quimper [XII-XVe siècle], Quimper. p.243-244,

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/1e08593c46eb46336af146045b16d0f4.pdf

 LA VALLÉE, 1847,  "Essai sur les vitraux existant dans les églises du canton de Quimper", Bulletin archéologique de l'Association bretonne, t.I, p. 263-277.

— THOMAS (Abbé Alexandre), 1892, Visite de la cathédrale de Quimper. Arsène de Kerangal, 170 pages,  p.117,

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/c9d5dca31c276caf2782d0a4b99a85ce.pdf

 — THOMAS (Abbé Alexandre) 1904,  La cathédrale de Quimper, 1904, J. Salaun, xv, 97 pages, p.51

 

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe.
10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 15:59

Iconographie de saint Christophe dans les vitraux de la cathédrale de Quimper.

II. La baie n°114. Vitrail de Pratanras . Transept, bras sud, mur est, coté.

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L'intention de cette série de mon blog est de replacer chaque œuvre dans un ensemble iconographique étudiant les variations et les reprises du thème de saint Christophe traversant le gué en portant le Christ enfant sur ses épaules. Et de faire apparaître l'importance de ce culte au XVe et XVIe siècle.

A Quimper, le but est de souligner combien ce culte avait une place prépondérante, et d'inciter à réfléchir à sa signification, qui dépasse de loin l'image de saint-pour-porte-clef-et-garagiste qu'on pourrait avoir.

Saint Christophe sur les vitraux de la cathédrale de Quimper :

Autres exemples iconographiques :

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J'utilise dans ma description les publications de Françoise Gatouillat, (2005 et 2013), Yves-Pascal Castel (Daniel, 2005) mais aussi le blog de Jean-Pierre Le Bihan (2007). C'est le travail d'un  maître-verrier quimpérois et historien-chercheur de la cathédrale. Sa description, argumentée par le recours aux archives et aux auteurs cités ici en bibliographie, s'avère si attentive, si réfléchie et si qualifiée (J-P. Le Bihan a restauré de très nombreux vitraux finistériens dont ceux de la cathédrale) que j'ai pris le parti d'en citer le texte. J'espère que cela ne sera pas considéré comme un emprunt indélicat, mais comme un hommage. 

Les vitraux anciens occupent les fenêtres hautes. Très très hautes pour le touriste photographe.

 

 

Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

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 La baie n°114. Vitrail de Pratanras . 

  Vitrail de quatre lancettes désignées A, B, C et D de gauche à droite, et un tympan à 7 ajours. Hauteur 6,90 m, largeur 3,00 m. 

Le bras sud du transept a été érigé sous l'épiscopat de Jean de Lespervez (1451-1471), il a reçu sa charpente en 1467. La baie n°114 du mur est du bras sud,  comme les autres fenêtres du transept et de la nef, a été obstruée par des cloisons de bois (entre 1469 et 1475) avant d'être vitrée entre 1495 et 1497, donc sous le règne de Charles VIII et Anne de Bretagne, et lors de l'épiscopat de Raoul Le Moël (1493-1501). La disposition générale des 20 fenêtres du transept et de la nef est proche de celle adoptée pour le chœur au début du XVe, avec des niches gothiques, des saints intercesseurs (debout) et des donateurs ou commanditaires (à genoux). Ceux-ci sont en majorité des chanoines du chapitre cathédrale. Ce dernier était composé au XVe siècle de 15 à 16 chanoines, dont quatre dignitaires : deux archidiacres —pour les deux subdivisions du diocèse, les archidiaconés de Poher et de Cornouaille — , un trésorier et un chantre. Outre les chanoines, les grandes familles nobles sont aussi représentées sous forme de couples, identifiés par leurs armoiries. Les armes des donateurs figurent dans les lancettes, dans les tympans, et parfois sur les voûtes.

Historique

   Seules les lancette B et C datent de la fin du XVe siècle. Le nom du vitrail ("de Prat-Ar-Raz") a été attribué par Aymar de Blois vers 1820, et celui-ci signale que seule la lancette de saint Christophe figure dans la baie, celle de sainte Marthe (lancette C) ayant été transportée dans la chapelle de la Victoire, et les deux premiers panneaux (A et D) ayant été détruits.  Ces lancettes A et D ont été créées au XIXe siècle par l'atelier manceau d'Antoine Lusson fils (le restaurateur de la Sainte-Chapelle)  de 1869 à 1874.  Les verrières hautes de la cathédrale ont été déposées en 1942, et reposées entre 1950 et 1964 par l'atelier Gruber sans modification notable.  La baie a été restaurée en 1992-93 par l'atelier Jean-Pierre Le Bihan.

 

Nous disposons des description vers 1822 par Aymar de Blois, de l'archiviste Le Men en 1877, de l'abbé Thomas en 1892 (p. 106), de Françoise Gatouillat en 2005, de l'abbé Yves-Pascal Castel en 2005, du maître-verrier Jean-Pierre le Bihan en 2007, de Françoise Gatouillat en 2103.

"Le vitrail représente un seigneur à genoux (seconde lancette actuelle) revêtu de sa cotte d'armes bleue, à la croix d'or, une fleur de lys de même couleur au quartier droit. Il est présenté par saint Christophe; on croit que c'est un Lezongar, sieur de Prat ar Raz .
Sa femme (troisième lancette actuelle) est derrière lui présentée par sainte Marthe. Sa robe est moitié des armes de son mari, moitié des siennes propres, qui sont rouges à trois macles d'argent. Ce sont celles de Kermeno en Vannes. Les deux premiers panneaux sont détruits. Sainte Marthe est reconnaissable par la Tarasque, espèce de dragon qui l'accompagne : ce panneau de vitrail a été transporté dans la chapelle de la Victoire" (Aymar de Blois)


     Le Men, 1837, nous offre une autre description.

 

" –1er Panneau. — Une dame à genoux présentée par sainte Marthe. Sa robe est partie des armes de son mari représenté dans le deuxième panneau, et des siennes propres qui sont : de gueules à trois macles d’argent. — Ce sont les armes de la maison de Kermeno, dans l’évêché de Vannes.

 –2e Panneau (neuf). — Un chevalier à genoux portant pour armes : d’azur à la croix d’or cantonnée à dextre d'une fleur de lys de même, présenté par Saint-Ronan, ermite. — Ronan de Lezongar, seigneur de Pratanras. 

–3e Panneau. — Un chevalier à genoux vêtu d’une cotte bleue sur laquelle est une croix d’or. Il est présenté par saint Christophe. — Christophe de Lezongar.

 

–4e Panneau (neuf) [actuellement disparu] . — Écuyer portant une bannière écartelée : au 1, d’azur à la croix d’or cantonnée à dextre d’une fleur de lys de même (Pratanras) ; au 2, de sable a une fasce échiquetée d’argent et de gueules ; au 3, d’azur à sept macles d’argent (Le Saux, seigneur de Pratanros, en la paroisse de Penhars) ; au 4, d’azur à trois mains d’argent en pal 2 et 1, chargées d’une cotice de gueules (Guengat).

J'ai fait rétablir cette verrière d'après un aveu fourni au roi, le 4 avril 1731, par François Dorval, seigneur de Kergos" (R-F. Le Men 1877)


— Troisième inventaire par l'abbé Alexandre Thomas en 1892 (in blog Le Bihan):

1)   Saint Pierre présentant un seigneur qui porte les armes écartelées : 1° de Pratanras, 2° armes inconnues, 3° de Pratanros, 4° de Guengat. ;

2) Saint Christophe présentant Christophe de Lézongar ( ou Pratanras) ;

3) Sainte Marthe, présentant la femme du précédent, née de Kermeno ;
4) Ronan de Lézongar présenté par saint Ronan vêtu en ermite ( Ce détail montre que ce panneau est moderne, car autrefois l'on donnait toujours à saint Ronan les attributs épiscopaux.)

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" –1er Panneau. — Une dame à genoux présentée par sainte Marthe. Sa robe est partie des armes de son mari représenté dans le deuxième panneau, et des siennes propres qui sont : de gueules à trois macles d’argent. — Ce sont les armes de la maison de Kermeno, dans l’évêché de Vannes. –2e Panneau (neuf). — Un chevalier à genoux portant pour armes : d’azur à la croix d’or cantonnée à dextre d une fleur de lys de même, présenté par Saint-Ronan, ermite. — Ronan de Lezongar, seigneur de Pratanras. (R-F. Le Men 1877)

–3e Panneau. — Un chevalier à genoux vêtu d’une cotte bleue sur laquelle est une croix d’or. Il est présenté par saint Christophe. — Christophe de Lezongar.(R-F. Le Men 1877)

–4e Panneau (neuf). — Écuyer portant une bannière écartelée : au 1, d’azur à la croix d’or cantonnée à dextre d’une fleur de lys de même (Pratanras) ; au 2, de sable a une fasce échiquetée d’argent et de gueules ; au 3, d’azur à sept macles d’argent (Le Saux, seigneur de Pratanros, en la paroisse de Penhars) ; au 4, d’azur à trois mains d’argent en pal 2 et 1, chargées d’une cotice de gueules (Guengat). J'ai fait rétabli cette verrière d?après un aveu fourni au roi, le 4 avril 1731, par François Dorval, seigneur de Kergos" (R-F. Le Men 1877)

Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

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Lancette A: Ecuyer présenté par saint Pierre.

Moderne (1869-1874), par A. Lusson.

Saint Pierre tenant sa clef.  Ecuyer en armure agenouillé, les mains jointes, portant sur sa cotte violette pour armes parti d'azur à la croix d'or cantonnée à dextre d'une fleur de lys de même (Lezongar) et de sable déchiquetée d'argent et de gueules (non identifié).  

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Saint Pierre et un donateur, Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

Saint Pierre et un donateur, Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

Lancette B. Christophe de Lezongar présenté par Saint Christophe.

Tête du saint refaite, Enfant bien conservé. Buste du donateur bien conservé, partie inférieure moderne.

 

 

L'analyse de Jean-Pierre Le Bihan (2007).

    "Saint Christophe présentant Christophe de Lézongar.   (Deuxième lancette, b)
Les trois panneaux composant ce tableau sont quasiment anciens, et de la fin du XVe siècle, si ce n'est le socle. C'est la première fois dans cette étude sur les vitraux anciens de la cathédrale que nous rencontrons la disparition de ces socles. Nous verrons par la suite que, dans la nef, elle est due, semble-t-il à une nouvelle pente de la toiture des bas côtés, postérieure à la pose des vitraux.

note :   de Lezongar seigneur de Prat ar Raz, ou Pratanras. Seigneurie de la paroisse de Penhars, commune aujourd'hui englobée dans le grand Quimper. Du château primitif se voyait encore, le siècle dernier, XIXe, une tour hexagonale et des ruines d'un colombier. En 1780, le nabab René Madec racheta les titres et les lieux. Cette famille était déjà représentée dans le choeur de la cathédrale dans la baie 109, (1417-1419), où saint Julien portait sur sa cotte et sur son bouclier les armoiries de cette maison. Une autre baie, la 106, toujours dans le choeur, leur est attribuée, ainsi qu'un écu de la voûte. Dans la nef dont ils furent probablement commanditaire, si ce n'est donateur, de la baie 114, avec Ronan et Christophe de Lezongar, chevaliers vers 1495. Leurs possessions s'étendaient sur les paroisses de Penhars, Pluguffan, Ploneïs. Celles-ci comprenaient une soixantaine de manoirs, villages, maisons, champs ou sillons de terres isolées répartis sur 29 autres paroisses ou trêves dans Quimper, Plogastel-Saint-Germain- Pont-l'Abbé, Pont-Croix, Douarnenez, Locronan et Quemenéven. Ils avaient aussi le droit de hautes justices. En 1533, un Rolland de Lézongar est cité comme seigneur. Vers 1535, Hervé de Lézongar est chanoine et trésorier et chanoine de Cornouaille. En 1538, mort de Jeanne du Fresne, première épouse de Rolland, qui laisse deux filles, Jeanne et Marguerite. L'année suivante, Rolland se remarie avec  Claude du Juch. Ils ont un fils prénommé Rolland

Les colonnes,

 Ces colonnes, que l'on trouve sur les côtés,soutenant le dais que l'on relève ici, et dont il ne reste que de petits éléments, dégâts dus aux déposes successives pour restauration ou pour protection, lors de la dernière guerre, ne seront pas souvent présentent dans les baies, du moins anciennes, du transept et de la nef, deux fois pour cette dernière et autant pour ce transept. Dans le choeur, elles furent quasiment toutes présentes et de plus grandes largueurs. 
  C'est 
sur un fond de tenture rouge à gros damas posés sur la face intérieure, dont certaines pièces de verre dépassent les quarante centimètres de long; dans le manteau de saint Christophe nous  trouvons une autre pièce de trente huit centimètres ( 2), que l'auteur inconnu pose ses trois personnages, trois, car nous oublions trop souvent l'enfant Jésus dans la présentation. Ce dernier n'étant plus mis qu'au titre d'attribut de saint Christophe, comme l'arbre déraciné ou l'eau. 

(2.) Ces dimensions nous permettent une approche des dimensions des fours de cuisson de ce siècle ; Pour cuire une pièce de quarante centimètres, le verre étant posé à plat sur une plaque, il faut donc utiliser une plaque d'une dimension  sensiblement supérieure, ce qui, en laissant une aération tout autour de cette dernière pour une meilleure chauffe, environ cinq centimètres de chaque côté, donne une surface de sole de 0,50 sur 0,50. Nous verrons plus tard qu'ils superposaient plusieurs étages de pièces sur une même plaque.

L'enfant Jésus.

Ici,  cependant, comme dans beaucoup de cas, c'est lui, l'enfant Jésus, qui domine et qui, de sa main au doigt levé, donne une âme à cette pose par trop statique, où trois visages suivent la même oblique qui fait la liaison entre les mains jointes du donateur et celle de l'enfant. Cet enfant Jésus est posé, bien à cheval, sur le dos de saint Christophe, un pied à droite, un pied à gauche, vêtu d'une robe ample d'une teinte violet parme,  robe agrémentée d'un collet ornée de perles et autres graphismes.
Le visage,  présenté de trois quarts vers sa droite, comme les autres personnages,  et sur lequel les cheveux de grisaille noire courent en vagues de boucles colorées au jaune d'argent,  a été pris, ainsi que les deux mains et les pieds, dans un verre incolore, Il en est de même du collet. Cette pièce de verre est, sur la face extérieure, mangée de cratères là où le jaune d'argent n'a pas été posé.
 

Le globe terrestre

Tandis que la main droite, levée à la hauteur du visage, bénit, la main gauche retient la base du globe terrestre,  traité au jaune d'argent posé sur un verre incolore, surmonté de la croix, elle aussi en verre incolore.

Un galon jaune avec texte A droite et à gauche de cet enfant Jésus, le galon jaune de la tenture offre, à gauche, entouré d'une succession de perles jumelées, un texte dont seul est compréhensible les trois premières lettres : S A I N puis I V L I.E.N.

Les six dernières, de l'autre côté des épaules de l'enfant Jésus, aux graphismes très libres, ne nous donnent au premier abord rien d'approchant de ce qu'il aurait du être tout ou partie d'un : CHRISTOPHE. 

La lecture de la deuxième partie par Y.P. Castel, pourrait donner J U L I E N .

De quel saint Julien s'agirait-il ? Dans la même cathédrale, dans la baie 109, un saint Julien porte sur sa cotte d'azur une croix d'or, et tient une bannière et un bouclier armoriés  des mêmes armes, celles de la maison de Lézongar. Il rappelle l'écuyer de la baie 113, mais porte cuissards, genouillères, jambière et solerets. Il s'agit de Julien dit le Pauvre ou l'Hospitalier, qui avait été militaire, mais qui a aussi une analogie avec saint Christophe. Avec sa femme sainte Basilisse ils font passer un fleuve dans leur barque. Une fois, c'est le Christ, caché sous la figure d'un pauvre lépreux. Un vitrail du XIVe siècle  de la cathédrale de Rouen narrait cette légende. A Chartres, baie 121, 1215-1225, une lancette raconte l'histoire de ce saint. Il en est de même à Guérande, église Saint-Aubin, baie 2, avec banderoles et inscriptions. A Sonzay, Indre et Loire, il accompagne un donateur XVIe Chez Jacques de Voragine, l'histoire est un peu différente. Le pauvre est devenu un étranger lépreux, à demi mort de froid qu'il accueille dans son hôpital après lui avoir fait traversé le fleuve. Celui-ci se transforma en un ange. Dans les deux cas, Rouen et Voragine, il tue ses parents dormant dans son lit, les prenant pour sa femme avec un amant.  Dans le Vie des saints Bretons d'Albert Le Grand le même thème du passage d'une rivière est repris : « Le  saint roi Judicaêl voulant aller prier devait traverser un gué. Sur la rive il y avait Notre-Seigneur en lépreux qui voulait passer. Judicaêl retint son cheval et monta  derrière le lépreux. »

Existance d'édifices patronnés par Saint-Julien.

Au XVIe siècle il existait une chapelle Saint-Julien au Pouldu en Clohars-Carnoët, une seconde mais existante encore et de la même époque, à Guilligomarc'h. A  Landerneau, c'est auprès de l?Elorn, sur la rive gauche, qu'au XVIe fut édifiée une chapelle puis église tréviale sous le patronage de  Saint-Julien. Deux hôpitaux, toujours à la même époque prirent son nom, à Landerneau et Quimper, ainsi qu'à cette dernière, une paroisse et un autel à la cathédrale.

  
  D
eux chapelles aux voûtes bleues  

 Encadrant la tête de l'enfant, on peut relever deux chapelles aux voûtes bleues avec chacune une baie  à deux lancettes trilobées surmontées d'un écoinçon. Ce dernier, comme les têtes de lancettes a une forme  proche d'une pointe de flèche. Pour ces baies de la chapelle, il a été posé une grisaille grise très dense sur un verre incolore. Un enlevé à la brosse permet de faire apparaître les meneaux.

Le saint Christophe
Il ne porte pas de nimbe.   Quant à son visage, il est malheureusement du XIXème siècle. Cette perte de la tête XVe nous interroge sur le fait de savoir si, à l'origine, il dialoguait, la tête tournée vers l'enfant Jésus, qui lui possède son nimbe jaune. Habitude iconographique, il s'appuie de la main droite sur un frêle tronc d'arbre, tiré d'un verre jaune dont la face extérieure est cratérisée. Ce verre, plusieurs fois utilisé dans cette baie, présentera toujours les mêmes défauts. 

La main de l'intercesseur.

Pour la main droite, comme la main gauche, qui, ici dans un geste d'accompagnement et d'intercession, repose contre le dos du donateur, c'est un verre de couleur rose plaquée sur un bleu très clair qui a été choisi. C'est la condensation, en étoilant de petits cratères  le rose de la surface intérieure du verre, qui nous permet de connaître la composition du placage, sans avoir recours à un écaillage désastreux.
Tête du saint.

De la tête originelle, il reste cependant un élément, en plus d'une indication de cheveux, c'est un foulard tourné et noué, qui flotte sur sa gauche, direction prise dans les crucifixions par le linge recouvrant le bas ventre du Christ. Mais ici, il n'y a pas de rapport. Ce foulard accentue simplement le mouvement d'avancé du passeur qu'est saint Christophe. Il prend ici, vu le sujet, une pose statique, rendu  obligatoire par son rôle  d'intercesseur vers la vie éternelle.

Le manteau de Christophe

Il porte un manteau vert, à galon orné de perles blanches, dont la doublure rouge, agrémentée d'un bouton jaune, apparaît avec un élément du col rabattu à l'échancrure du cou. Un damas égaie ce manteau. A l'opposé de celui que l'on trouve sur les rideaux de fond, ce damas est posé du côté extérieur. 
Nous avons relevé à la cathédrale, sur les pièces de vêtement, une dominante de pose de damas sur la face extérieure du verre, mais nous ne pouvons en faire une règle. Malheureusement, comme c'est le cas pour ce manteau, la grisaille, donnant le dessin, qui n'a pas été enlevée lors du travail au pochoir, est le champ d'une culture de cratères.

Note sur les damas : A Locronan, chapelle du Pénity, les damas sur les fonds sont exécutés sur les faces extérieures et au pochoir. Sur la robe de la sainte Catherine, c'est à la main et du côté intérieur. Certains historiens donnent la date de 1480 comme date d'apparition du pochoir en cuivre

L'eau et les vaguelettes

Derrière le donateur, et un peu en retrait, la jambe gauche du saint Christophe, malheureusement XIXe, entre dans l'eau. Verre bleu gris où la grisaille et le trait dessinent des vaguelettes d'une chute d'eau  faites de boucles successives, proches du motif d'ornementation appelé flots grecs.

Christophe de Lézongar

Christophe de Lézongar prend la pose de tout donateur, en orant, à genoux, sur un coussin rouge à l'unique pompon,  aux  motifs  de fleurs et de feuillages. Cette pièce a été diminuée, au cours des ans, d'une bonne partie.  Dessous, le sol  de couleur verte  reçoit diverses petites plantes dessinées aux traits de grisaille.
Le prie-dieu et le livre saint

Sur le prie Dieu, jaune,  où s'ébauche une perspective pas encore au point, repose, directement sur le bois, et posé de biais, le livre ouvert sur des écritures, dont six traits de grisaille veulent imiter, sur la page de gauche, le texte. La tranche de ce livre, travaillée au jaune d'argent, est balayée d'une suite de X en enlevés. 

L'utilisation de verre rose.

Quant à la page de droite, elle est à moitié cachée par les deux mains jointes du donateur. Un verre rose terne, le même que celui  des mains du saint Christophe, est ici utilisé, avec un  trait noir pour dessiner les doigts. Le médius et le petit doigt de la main gauche portent chacun une bague. Il en est de même pour l'index de l'autre main.
Ce verre rose est aussi utilisé pour le visage, dont les cheveux, très bouclés, sont dessinés avec un pinceau très fin. Ceux ci se terminent très fournis à l'arrière, prenant la forme d'un chignon. Ce verre rose est malheureusement, pour cette pièce, un champ de culture pour de gros cratères, dûs, comme nous l'avons déjà vu, à la pose sur la face extérieure d'une grisaille ombrée.

L'armure du donateur

Ce donateur revêt une cotte d'armes bleue dont le collet a trois niveaux. Sur cette cotte il porte une croix d'or cantonnée à dextre d'une fleur de lys de même.
Un canon d'avant-bras,  en deux éléments, apparaît sur le bras gauche, au dessus de l'épée dont seuls apparaissent la poignée rouge et les quillons recourbées vers le bas. La lame est dans un  fourreau de couleur  violette. Cette enveloppe est faite dans une pièce de verre de trente-neuf centimètres de long. 
Cinq centimètres d'une cotte de mailles dépassent en deux endroits sur sa cotte bleue,  nous permettant de découvrir deux tassettes. 
Les jambes sont protégées par des cuissards, genouillères, jambières. lacées, et solerets. Ces pièces d'armures sont exécutées en  un verre incolore grisaillé et dépoli au dos. Des rivets ou écrous, animent ces pièces. 


 

 
Saint Christophe , Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.
Saint Christophe , Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

Saint Christophe , Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

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Mes propres commentaires !

a) J'ai un doute sur la validité de la lecture de l'inscription SAIN / IVLIEN, et je vois plutôt (malgré mon éloignement de cette haute fenêtre) des traits (décoratifs ?) à extrémité bifide.

b) Des éléments cruciaux relèvent de la tradition iconographique, et en premier, le "foulard" (P-Y Castel) qui est le "bandeau de martyr" rappelant que dans la Légende dorée, saint Christophe, après sa conversion, a subi le martyre à Lycie. La façon dont l'extrémité de ce bandeau est emporté par le vent —vent apparent lié à la vive allure du passeur— est, elle aussi conforme à la tradition. 

c) de même, la couleur verte de la tunique (déjà notée en baie 113) constitue un véritable attribut du saint, au même titre que son bandeau frontal. Cette couleur verte, constante depuis les premiers exemples de représentation, indique qu'avant sa conversion, Reprobus (son ancien nom) est un géant, une Force de la Nature

d) L'allure générale du saint est celle du marcheur pressé de gagner la rive opposée : saint Christophe est un saint dynamique, toujours montré en action (même si sa foulée et son élan se trouvent brusquement brisés par le désarroi qui le submerge et qui précède sa conversion). A la différence de tous les autres saints représentés sur ces verrières comme s'ils posaient, immobiles en tenant leur attribut, Christophe se distingue comme une figure de la traversée entre deux temps distincts.

e) L'axe du bâton de marche est vertical, comme dans la baie 113, et non oblique : il n'est pas pris dans cette dynamique de la progression en avant.

f) Comme la tête a été refaite, nous ne savons pas si, comme cela était superbement le cas dans la baie 113, saint Christophe ne regardait pas, à l'origine, l'Enfant.

g) Ce dernier est porté à cheval sur les épaules du saint, un pied de chaque coté du cou. Son geste de bénédiction et son globe crucigère est parfaitement conforme au schéma traditionnel. Les traits de son visage sont d'une finesse remarquable.

h) Sur la baie 113, l'ermite guidant les pas du passeur était absent. Ici, c'est non seulement l'ermite, mais les rives du fleuve, le cours d'eau et les jambes nues du saint qui manquent.

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Un Christophe de Lezongar est attesté lors des Réformations de 1536 en Cornouaille (sur le site Tudchentil) pour la paroisse de Pluguffan : "Christophe de Lezongar Sieur de la Boexière-Lezongar et Cosker, de Trebren de Kleonezre". La date est postérieure à celle du vitrail (ca 1497), et les recherches généalogiques ou historiques resteront donc vaines, ou, du moins, elles ne doivent pas nous détourner de l'essentiel : à la fin du XVe siècle, l'intercession de Saint Christophe par les chanoines ou les seigneurs donateurs était très sollicitée.

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Saint Christophe , Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

Saint Christophe , Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

Lancette C. Donatrice présentée par Sainte Marthe. 

Selon Thomas (1903), panneau installé dans la chapelle absidiale  entre 1837 et 1875. Pour Le Bihan, les panneaux C1 et C2 sont anciens, les mains de la donatrice, le nimbe de la sainte et le sol sont modernes. Pour Gatouillat 2005, la sainte est bien conservée, la jupe armoriée de la donatrice est douteuse. Cet élément est important, car ce sont ces armoiries qui ont déterminé l'identification, sur des bases assez faibles. 

On identifie habituellement la donatrice comme une certaine "Marthe de Kermeno, épouse de Christophe de Lezongar, armes de Kermeno de gueules à trois macles d'argent."

Les généalogistes donnent plutôt comme mère de Christophe  de Lezongar Françoise de Kermeno, fille de Jean de Kermeno et de Catherine de Languéouëz, et décédée le 29 janvier 1493 à Quimper. Christophe de Lezongar épousa Marie de Kerguelenen et eut une fille, Jeanne de Lezongar dame de la Bouëxière.

La généalogie serait celle-ci :

Roland de Lezangar / Alix Le Saux —> Roland de Lezangar / Françoise de Kermeno —>deux enfants, Rolland, seigneur de Lezangar et Christophe Seigneur de la Bouëxière . Ce dernier épousa une dame X et eut un fils, "Christophe" ou Jacques Seigneur de la Bouëxière qui épousa Marie de Kerguelenen.

Je n'ai pas trouvée aucune mention de "Marthe de Kermeno". Mais les commanditaires ou donateurs ne se faisaient pas toujours représenter par le saint ou la sainte correspondant à leur prénom, mais aussi par un saint tutélaire dont la protection semble particulièrement importante. Il existe une Marguerite de Kermeno (décédée en 1599).

 

C'est à Aymar de Blois que l'on doit l'identification de la sainte comme étant Sainte Marthe, car il qualifie le dragon visible derrière elle comme  la Tarasque, bête dont elle aurait débarassé la région de Tarascon où elle s'était installée après son débarquement aux Saintes Maries de la Mer. Beaucoup d' auteurs ont repris cette hypothèse, mais La Vallée (1847), Pol de Courcy, Augustin André (1878) et enfin Françoise Gatouillat et Michel Hérold,  y voient une sainte Marguerite. 

A mon avis, rien n'autorise à voir ici une "Tarasque", et par conséquent une sainte Marthe. Par contre, j'ai trois arguments à proposer pour voir ici sainte Marguerite.

1. Sainte Marguerite est une sainte dont le rôle comme intercesseur est majeur, tant dans les suffrages des Livres d'heures que dans la statuaire et les vitraux de Bretagne au XV et XVIe siècle. Avec sainte Catherine et sainte Barbe, elle appartient aux trois saintes du groupe des "14 saints auxiliaires" (groupe dans lequel se trouve saint Christophe). La présence de sainte Marthe dans les vitraux du XVe-XVIe siècle est rarissime, si tant est qu'elle soit attestée. Sainte Marguerite assure une protection à l'égard des dangers de la délivrance lors d'une naissance, protection cruciale pour une femme en âge de procréer, et, à fortiori pour une femme de la noblesse, dont le rôle essentiel est de donner un héritier mâle à la lignée.

2. Sainte Marguerite est représentée par deux attributs : son dragon (du ventre duquel elle est sortie après  avoir été avalée), mais aussi son crucifix, qui a servi de scalpel lors de sa délivrance. Or, ces deux attributs sont réunis ici.

3. Un vitrail parfaitement comparable existe dans l'église d'Erguè-Gabéric ( à 5 km de Quimper) et j'ai déjà exposé ce raisonnement d'identification à son propos. Mais sur ce dernier (daté de 1515), la queue du dragon vient s'enrouler devant les mains de la donatrice. La croix est identique, la couleur de la robe de la sainte, ou sa coiffure sont les mêmes, etc..

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-anciens-de-l-eglise-d-ergue-gaberic-123229458.html

 

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N.B On admirera un détail technique du dragon de la vitre de Quimper : l'œil, coloré au jaune d'argent, est monté en chef-d'œuvre, c'est à dire que la pièce de verre est sertie au sein de la pièce principale bleu-gris. Une prouesse.

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Donatrice présentée par sainte Marguerite, Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.
Donatrice présentée par sainte Marguerite, Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

Donatrice présentée par sainte Marguerite, Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

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Lancette D. Chevalier présenté par saint Ronan.

Création moderne (1869-1874) d'Antoine Lusson. 

On a identifié le saint comme étant saint Ronan selon l'inscription du bandeau jaune SAIN / NAN) et les armoiries comme étant celles de Lezongar, et on a conclue à "Ronan de Lezongar présenté par saint Ronan". Existe-t-il un "Ronan de Lezongar" ? Hervé Trochet cite un extrait Couffon de Kerdellec'h  : "Ronan de Lezongar sgr de Pratanras. Lui ou son fils = Kermeno". Mais cet auteur ne se base-t-il pas lui-même sur le vitrail ?

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Donateur présenté par saint Ronan, Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

Donateur présenté par saint Ronan, Baie n°114, fenêtre haute du transept sud, cathédrale de Quimper, photo lavieb-aile.

 

 

 

 

TYMPAN.

Moderne (par Lusson), mais selon un aveu de 1731.

Selon R-F. Le Men 1877 : "–Dans le premier compartiment dit tympan de la fenêtre sont les armes de Bretagne, en supériorité. Dans le deuxième et dans le troisième : d’azur à la croix d’or cantonnée à dextre, d’une fleur de lys de même ; l’écusson timbré d’un casque (Lezongar-Pratanras). Dans le quatrième : parti de Pratanras et de sable à une fasce échiquetée d’argent. Dans le cinquième : parti de Pratanras et d’azur à trois mains d’argent en pal 2 et 1, chargées d’une cotice de gueules (brisure de Guengat). Dans le sixième : parti de Pratanras et d’azur à sept macles d’argent (Le Saux). Dans le septième : parti de Pratanras et de gueules à trois macles d’argent (Kermeno). C'est après cette description du tympan, et peut-être à son propos, que R-F Le Men ajoute  : "J’ai rétabli cette verrière d’après un aveu fourni au roi, le 4 avril 1731, par François Derval, seigneur, de Kergoz. "  

Mais actuellement, nous constatons que les écus des deux ajours symétriques portent d'azur à la croix d'or cantonnée de quatre fleurs de lys, version erronée des armes de Lézongar (ou "Pratanras") déjà remarquée en baie 113. De même, les armoiries de Pratanras mentionnées par Le Men deviennent d'azur à la croix d'or, sans fleur de lys, celles de Le Saux deviennent d'azur à HUIT macles d'argent.

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SOURCES ET LIENS.

ANDRÉ (Augustin), 1878, De la verrerie et des vitraux peints de l'ancienne rpovince de Bretagne, Rennes, Plihon, in-8°, 281 p.  (Extr. des Mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, t. XII.) page 299-304.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077642/f326.image

— AYMAR DE BLOIS (1760-1852), vers 1820. On doit à ce neveu du chanoine de Boisbilly une description des vitraux vers 1820.  Registre de Boisbilly, Arch. Dioc. Quimper, 8 L1 . Le folio 25 concerne la baie 114.

A. de Blois, héritant de ce registre de Boisbilly, en fait don à l'évêque André, le 5 janvier 1804, mais le ré-annote en 1820 et 1821 et donne alors la description des vitraux et leur état. Il le remit de nouveau à l'évêque de Quimper, Mgr Graveran, le 5 septembre 1842 "pour l'usage de la cathédrale ". Il rajoute  "malade d'une fluxion, charge son fils Louis de le remettre à l'évêque". (J-P. Le Bihan)

 

— BOISBILLY (Jean-Jacques-Archibald le Provost de la Boexière ,Chanoine de), vers 1770, Registre de Boisbilly, Arch. Dioc. Quimper, 8 L1 ,

 Jean-Jacques Archambault Provost de Boisbilly (1735-1786). Docteur en théologie de la Sorbonne, vicaire général du diocèse de Rennes, il était abbé commandataire du Tronchet et chanoine de Quimper. Il possédait une des plus érudites bibliothèques de Quimper et on lui doit par ailleurs un plan de la cathédrale dressé en 1770 qui est une des sources les plus importantes sur la cathédrale avant la Révolution. Il avait dessiné l'architecture des fenêtres de la cathédrale en pleine page de 1770 à 1772. Ce travail  devait être complété par la suite avec les dessins des vitraux, mais il fut malheureusement appelé à d'autres fonctions.

"La cathédrale de Quimper, qui figure au nombre des Monuments historiques du département du Finistère, n’a été jusqu’ici l’objet d’aucune publication de quelque importance. Vers l’année 1770, l’abbé de Boisbilly, syndic du chapitre de Quimper, avait, en vue d’une histoire de ce monument, réuni de nombreuses notes, et fait dresser un plan de l’église avec ses chapelles et ses autels. Dans sa réunion générale du 14 mai 1772, le chapitre le « pria de continuer l’ouvrage qu’il avait commencé sur la description détaillée de l’église cathédrale, » et décida « qu’il en serait fait un registre particulier. » (1)1 Sur ces entrefaites, l’abbé de Boisbilly fut appelé à Rennes pour prendre part aux travaux de la Commission intermédiaire des États de Bretagne dont il faisait partie. Les affaires importantes et multipliées de la Province ne lui permirent pas de mener à bonne fin son entreprise. Ses notes furent perdues, et il n’est resté comme souvenir du projet qu’il avait formé, qu’un registre grand in-folio, qui contient avec le plan de la cathédrale, les dessins au trait de ses fenêtres, dessins qui devaient être complétés par la peinture des vitraux. M. de Blois (de Morlaix), neveu de l’abbé de Boisbilly, a fait hommage de ce registre à Mgr l’évêque de Quimper, le 5 septembre 1849. Avant de s’en dessaisir, il avait pris le soin d’écrire au-dessous des dessins des fenêtres, une description sommaire des vitraux qu’elles contenaient encore en 1820 et 1821, mais à cette époque beaucoup étaient entièrement détruits. " (R-F. Le Men)

 

— BONNET (Philippe) 2003, Quimper, la cathédrale, Zodiaque, Paris 

— CUFFON . Buletin SAF, t.LXXXIX. 1963, p.xcvii et suivantes. 

— DANIEL (Tanguy), (dir.), Anne Brignandy, Yves-Pascal Castel, Jean Kerhervé et Jean-Pierre Le Bihan, 2005,  sous la direction de, Les vitraux de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper,  Presses Universitaires de Rennes / Société Archéologique du Finistère,  287 p. (ISBN 978-2-7535-0037-2).

GALLET (Yves), Les ducs, l’argent, les hommes ? Observations sur la date présumée du chevet rayonnant de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper (1239) p. 103-116 http://books.openedition.org/pur/5315

 — GATOUILLAT (Françoise), 2013,  "Les vitraux de la cathédrale" , in Quimper, la grâce d'une cathédrale, sous la direction de Philippe Bonnet et al.,La Nuée Bleue, Strasbourg, page 185-203, 

 GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005,  Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, France VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, p. 172.

— GUILHERMY (Ferdinand de), 1848-1862,  Notes sur les diverses localités de France, Bnf, Nouv. acquis. française 6106 folio 335v et suivantes.

Le baron de Guihermy, membre de la Commission des Arts, visita Quimper le 2 octobre 1848 et rédigea un mémoire d'après ses notes. Nommé membre de la Commission des Monuments Historiques en 1860, il entreprit un voyage en France et séjourna à Quimper du jeudi soir 28 octobre 1862 au samedi 30 à midi et compléta alors ses premières notes.  Les baies n'y sont pas numérotées et distribuées en cinq lieux : Vitraux de la chapelle des fonts, vitraux de la Nef, vitraux du transept, vitraux du chœur, vitraux de la chapelle terminale. 

 

— LE BIHAN (J.-P.), J.-F. Villard (dir.), 2005,  Archéologie de Quimper. Matériaux pour servir l’histoire, t. 1 : De la chute de l’Empire romain à la fin du Moyen Âge, Quimper, 2005.

— LE BIHAN (J.-P.) 1993,, -"Gravures de repère sur les vitraux bretons des XVe et XVIe." Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, T.CXXII

LE BIHAN (Jean-Pierre), 2007,  Blog  baie 114 :

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-5710978.html

— LE MEN (René-François), 1877, Monographie de la cathédrale de Quimper [XII-XVe siècle], Quimper. p.243-244,

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/1e08593c46eb46336af146045b16d0f4.pdf

LA VALLÉE, 1847,  "Essai sur les vitraux existant dans les églises du canton de Quimper", Bulletin archéologique de l'Association bretonne, t.I, p. 263-277.

— THOMAS (Abbé Alexandre), 1892, Visite de la cathédrale de Quimper. Arsène de Kerangal, 170 pages,  p.117,

 — THOMAS (Abbé Alexandre) 1904,  La cathédrale de Quimper, 1904, J. Salaun, 97 pages, p.51

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe.
10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 12:46

Iconographie de saint Christophe dans les vitraux de la cathédrale de Quimper. I. La baie n°113.

Vitrail de Jean Le Baillif. Transept, bras nord, mur est, coté est.

L'intention de cette série de mon blog est de replacer chaque œuvre dans un ensemble iconographique étudiant les variations et les reprises du thème de saint Christophe traversant le gué en portant le Christ enfant sur ses épaules. Et de faire apparaître l'importance de ce culte au XVe et XVIe siècle.

A Quimper, le but est de souligner combien ce culte avait une place prépondérante, et d'inciter à réfléchir à sa signification, qui dépasse de loin l'image de saint-pour-porte-clef-et-garagiste qu'on pourrait avoir.

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Introduction.

 

Les vitraux de la cathédrale de Quimper comptaient 6 représentations de saint Christophe, dont 5 sont encore visibles actuellement. Le saint porteur de l'Enfant-Christ vient ainsi à la sixième position des saints personnages représentés, après le Christ (25 occurrences), la Vierge (13), de saints évêques (10), Jean-Baptiste (10), saint Jean (7), saint Pierre (7). Il précède saint Michel ou saint Jacques, saint Paul et sainte Catherine, et même saint Corentin, le patron de Quimper, qui sont figurés 4 fois chacun.

Cette sixième place est inattendue, car le culte voué à Christophe ne semble pas avoir eu une telle importance. Le prénom de Christophe est rarement rencontré parmi les noms des seigneurs bretons. Nous devons reconsidérer nos a priori et prendre toute la mesure de l'honneur qui a été rendu à ce saint, notamment au  XVe siècle, lorsque la cathédrale fut vitrée. Ajoutons que, outre ces six verrières, saint Christophe disposait d'une chapelle à son nom, décrite par R-F. Le Men :

CHAPELLE DE SAINT-CHRISTOPHE, de 1498 à 1760. — Elle n’a pas eu d’autre vocable. C’était la chapelle de la seigneurie du Plessix-Ergué, de laquelle relevait la plus grande partie de la paroisse d’Ergué-Armel, près Quimper. Les armes de la famille de Plœuc, qui fut, pendant plusieurs siècles, propriétaire de cette seigneurie, se voient dans la vitre, au-dessus du pilier qui sépare la nef du transept du côté du nord, pilier contre lequel l’autel de cette chapelle était appuyé. Les seigneurs de Plœuc et de Kerguegant y avaient un banc armorié des armes du Tymeur (écartelé de Plœuc et de Kergorlay). 

Le seul auteur qui a constaté cette prévalence de saint Christophe est l'abbé A. Thomas, qui écrivait en 1892 :

 

"On aura peut-être remarqué combien souvent saint Christophe apparaît dans les vieux vitraux de la cathédrale de Quimper. Bien qu'il y figure deux fois comme protecteur de nobles chevaliers, cet illustre martyr était, dit-on, honoré au Moyen-Age comme protecteur spécial des classes populaires, des hommes de peine ; ceux qui connaissent la légende de saint Christophe portant sur ses épaules l'Enfant Jésus et succombant sous le fardeau, comprendront pourquoi lui incombait ce patronage. Jusque vers 1865, une très laide mais très curieuse peinture murale représentait dans l'église de Locmaria saint Christophe passant une rivière et se.servant d'un arbre en guise de bâton. Les critiques se sont beaucoup moqués de la croyance à la taille gigantesque de saint Christophe ; il est fâcheux pour eux que les prodigieuses dimensions des reliques du saint martyr renversent leurs savantes théories. Conservées dans plusieurs églises d'Espagne et de France, elles montrent que si l'on a vu en lui un géant cela ne vient pas seulement de son nom de Christophe : qui porte le Christ. "

Les vitraux de la cathédrale de Quimper ont été considérablement restaurés, ou même reconstruits au XIXe et au XXe siècle. Nous devrons être vigilants pour distinguer les verres d'origine, et les restaurations.

Les six verrières sont les suivantes :

  • Baie 0100. Offerte par  Alain Le Maout, évêque de 1484 à 1493. Détruite peu après 1821, et donc non décrite ici. Elle était décrite ainsi par Aymar de Blois : : ".. au milieu un crucifix, à sa droite Notre-Dame, et à sa gauche saint Jean l’Évangéliste ; à droite de Notre-Dame, saint Pierre à gauche de saint Jean, saint Paul ; sous le crucifix, saint Corentin et son poisson à ses pieds ; à sa droite saint Cosme et à sa gauche saint Christophe. Deux effigies d’évêques à genoux, mitrés, tenant leurs crosses d’argent, revêtus de chapes bleues, et beaucoup plus grandes que celles des saints, se font face l’une à l’autre à droite et à gauche, et remplacent, avec leur prie-Dieu, l’espace depuis la hauteur du milieu des saints du deuxième rang, jusqu’aux ornements peints qui forment la base du vitrail. L’écusson que l’on voit sur les prie-Dieu, est le même pour les deux figures qui se ressemblent. Il est d’argent au chevron d’azur liseré d’or ; ce sont les armes d’Alain Le Mout ou Le Maout, évêque de l’an 1484 à 1493." . Cette composition montre combien saint Christophe tenait l'une des premières places parmi les saints vénérés à Quimper à la fin du XVe siècle. 

  • Baie 113 . Transept bras nord, coté est. Vitrail de Jean le Baillif. Fin XVe siècle et vers 1874.

  • Baie 114. Transept bras sud, coté est. Vitrail de Pratanras. Fin  XVe et vers 1870.

  • Baie 115. Transept, bras nord. Fin XVe et 1873.

  • Baie  126. Nef 2ème travée sud. Vitrail de Kerguelenen.  Fin XVe et vers 1870.

  • Baie 128.  Nef 3ème travée sud. Verrière  dite "aux oiseaux. Fin XVe, vers 1870, et 1999.

Alors que les vitraux du chœur ont été posés sous l'épiscopat de Bertrand de Rosmadec, entre 1417 et 1419, les verrières de la nef et du transept furent posées entre 1495 et 1497, alors que l'évêque était Raoul le Moël (1493-1501). La Bretagne était alors gouvernée par Anne de Bretagne, peu après qu'elle soit devenue reine de France en épousant (1491) Charles VIII. 

Ces verrières occupent les fenêtres hautes de la cathédrale, ce qui ne les rend ni bien visibles, ni facilement photographiables, d'autant que, au sol, des chaises en rang serrés interdisent l'accès aux bras du transept.

 

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LA BAIE 113. VITRAIL DE JEAN LE BAILLIF. 

 

Bras nord du Transept, coté est.

Il comporte 5 lancettes trilobées et un tympan de 9 ajours, et mesure 6 m de haut sur 3,60 m de large.

Les lancettes sont occupées de gauche à droite par :

  • Saint Corentin (?)

  • Saint Michel

  • Saint Maurice (?)

  • Saint Christophe.

  • Saint Jean-Baptiste et le chanoine Jean Le Baillif.

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Françoise Gatouillat  en commente le style ainsi en 2013:

"Au bras nord du transept, en baie 113, saint Corentin (?), saint Michel, saint Maurice (ou Julien), et saint Christophe se singularisent par la douceur de leur modelés obtenus par un jeu de hachures brunes ; on est tenté d'en attribuer la paternité à Laurent et Olivier Le Sodec, peintres en même temps que verriers, en regard des vitraux qu'ils ont signés vers 1510 à l'église de Plogonnec et vers 1520 à Notre-Dame-de-Kerfeunteun de Quimper. La donation de Jean Le Baillif serait en ce cas la première œuvre connue d'un atelier local dont le succès se pérennisa jusque vers 1550.""

Voir sur la réalité de ces "signatures" (un mélange de lettres disséminées parmi d'autres) ici :

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de Kerfeuteun à Quimper.

Le vitrail de la Passion de Saint-Thurien à Plogonnec.

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La description de Jean-Pierre Le Bihan (2007).

J'ai d'abord décrit chaque lancette, puis j'ai découvert les articles d'un blog que je fréquente depuis 2009, celui du maître-verrier quimpérois et historien-chercheur de la cathédrale, Jean-Pierre Le Bihan. La description, argumentée par le recours aux archives et aux auteurs cités ici en bibliographie, s'avère si attentive, si réfléchie et si qualifiée (J-P. Le Bihan a restauré de très nombreux vitraux finistériens dont ceux de la cathédrale) que j'ai pris le parti d'en citer le texte. J'espère que cela ne sera pas considéré comme un emprunt indélicat, mais comme un hommage.

Je citerai d'abord sa présentation générale.

" Cette baie, la première du côté Est du bras Nord du transept, est composée de cinq lancettes trilobées de vitraux de la fin du  XVe siècle. Chaque lancette  possédant  4 panneaux de vitraux.
Cette estimation peut être confirmée, tout d?abord par la datation  de la construction des trois  voûtes du transept en 1486, puis par la construction de ce croisillon qui est signalée en 1477 et 1478 .   Le troisième élément confortant cette proposition est la présence de 1468 à 1494, en tant que chanoine de la cathédrale de Quimper, de Jehan Le Baillif, archidiacre du Désert, au diocèse de Rennes, que l'on voit en donateur dans cette verrière. 
On peut  aussi affirmer que cette fenêtre est bien à  sa place d'origine et cet argument est renforcé par la présence d?un écusson, visible sur la voûte vis-à-vis, et qui est identique à celui qui s'étale sur le prie-Dieu de ce  chanoine donateur..
 Les descriptions des historiens du XIXième.
  Les descriptions qu'offrent, R.-F. Le Men en 1877, et l'abbé Alexandre Thomas en 1892(3), se correspondent. Celle du second étant plus succincte : "1. Un saint évêque ; 2. Saint Michel : 3. Un écuyer ; 4. Saint Christophe : 5. Saint Jean-Baptiste, présentant Jean Le Baillif, chanoine de Quimper, (1468-1494). Armes de Jean Le Baillif : écartelé d'or et de gueules."
Pour Aymar de Blois, il ne voit à l'époque de son relevé de 1820, "que quatre des panneaux restant de ce vitrail" De plus,  il signale que l'évêque est "Saint Corentin remarquable par son poisson". Quant à ce poisson, dont la présence n'est pas signalée par les deux historiens de la cathédrale, cités plus haut, nous  en avons cherché en vain un emplacement possible parmi les pièces  qui sont toutes anciennes et bien à leur place.
Autre désaccord  que nous relevons et cela à propos du chanoine donateur présenté par saint Jean-Baptiste. "L'écusson qu'on remarque sur son prie-Dieu, et qui est écartelé rouge et or, indique qu'il était de la maison du Boisberthelot. On voit les mêmes armes sculptées sur la nervure de la voûte aux environs" écrit Aymar de Blois.  Il est vrai que les deux armoiries correspondent et cela peut prêter à confusion, et  même mettre le doute.  A cette époque, il y a bien dans le clergé, un Boisberthelot, mais il est abbé de l'abbaye de Bon-Repos, où il est signalé en 1484. La composition, telle que l'a relevé Aymar de Blois, et qui se trouve être la plus ancienne, avec un écuyer central entouré de saint Michel et saint Christophe, le saint Corentin relayé avec le donateur aux extrémités, ne nous satisfaisait pas entièrement. Nous aurions aimé proposer une autre, avec saint Corentin au milieu, ayant à sa droite le donateur et saint Michel à sa gauche, l'écuyer et le saint Christophe prenant les extrémités.  Mais aucun élément d'archives ne pouvait soutenir notre réflexion. Nous l'avons donc purement et simplement annulée, bien que nous ne comprenons toujours pas la place de cet écuyer au centre de cette baie." J-P. Le Bihan)

La description de R-F. Le Men (1870)

"N° 89. Cinquième fenêtre (côté est). Vitre de Jean Le Baillif. Cinq panneaux.

1er Panneau. — Un saint évêque.

2e Panneau. — Saint Michel, archange, terrassant le démon.

3e Panneau. — Écuyer, coiffé d’une toque verte à plumet blanc, tenant une bannière. Il est vêtu d’un justaucorps bleu chargé d’une croix d’or cantonnée de quatre fleurs de lys de même. Sa main droite s’appuie sur un bouclier aux mêmes armes, qui rappellent celles de Lézongar, et de la seigneurie de Pratanras, en la paroisse de Penhars,

4e Panneau.— Saint-Christophe portant le Christ sur ses épaules.

5e Panneau. — Un chanoine en chape à genoux devant un prie-dieu, sur lequel est un écusson écartelé d’or et de gueules. — Jehan Le Baillif, chanoine de la cathédrale de 1468 à 1494 (voir page 124, n° 48). Il est présenté par saint Jean-Baptiste. Un écusson semblable se voit dans la voûte vis à vis de ce vitrail. "

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Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

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1°) Lancette de gauche. Saint Corentin.

Saint évêque bénissant. Crosse refaite. Corentin était autrefois (par Aymar de Blois) identifié par son attribut, le poisson. Bague portée au pouce droit, à l'annulaire gauche, quoique les mains soient gantées des chirothèques avec plaque de métal précieux sur le dos de la main. Chasuble rouge à orfroi, mitre en soie blanche, or et perles. Sol à carrelage jaune. 

 

  "  Saint Corentin, première lancette.
 Pour ce saint évêque, nous maintenons la proposition d' Aymar de Blois, qui y voyait un saint Corentin. Un autre saint Corentin, il s'agit là d'une proposition de Le Men, intercède pour  Bertrand de Rosmadec en la baie 105 du choeur.

 Sur fond d'une tenture bleu à damas intérieur, au semis d'étoiles à 8 branches, soutenue et tendue par un galon en jaune XIIIe, décorée d'une frette, notre évêque se dresse, dans un geste d'accueil et de bénédiction, debout sur un sol de carreaux jaunes dont la trame des joints s'inscrit dans une perspective de profondeur. 

Un nimbe d'un brun rouge-carmin encadre une mitre, malheureusement pas d'origine, ce qui est le cas aussi de la crosse de son bâton pastoral. Le visage, heureusement d'origine, en verre rose plaquée  a perdu une grande partie de son dessin. On  peut cependant y relever l'expression d'une certaine paix. 
Le collet d'une aube dont nous retrouverons la manche droite et le bas traînant sur le sol, laissant apparaître le soulier gauche, s'échappe d'une chasuble réversible rouge et verte décorée d'un orfroi, en forme de croix, pour lequel il est utilisé un verre incolore et du jaune d'argent. Cette chasuble est portée sur une tunique, ouverte sur les côtés. Le mouvement du bras et de la main droite relève cette chasuble, ce qui est bien indiqué par l'élément horizontal de la croix. Cette chasuble, peut être à cause du  poids de l'étoffe et la pose plus basse de l'autre bras, tombe plus bas de ce côté, en dévoilant sa doublure de couleur verte.
Les deux mains et les bras, seul celui de droite est visible, sont habillés de gants exécutés  dans un verre bleu clair et plaqué sur verre blanc. Ce plaquage de bleu a permis de dessiner des bijoux,  après la dépose de la plaque de bleu  et l'ajout sur le verre blanc de jaune d'argent, Il s'agit, sur le pouce de la main droite, d'une bague et, sur l'autre main, en plus d'une bague sur le médius, d'une incrustation sur le dos du gant de cinq pierres montées en croix ." (J-P. Le Bihan)

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Saint Corentin, Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Saint Corentin, Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

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2°) Lancette B. Saint Michel.

L'archange a revêtu son armure et lève son glaive sur le démon, découpé dans un verre rouge sombre qui a mal résisté à la corrosion (yeux gravés ?). Inscription Michael Archange sur le bandeau jaune.

Il me semble que l'archange porte sur le front un bandeau où culmine une étoile.

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    Saint Michel, seconde lancette.
   "Il est revêtu d'une armure, réalisée en verre d'un bleu gris clair, , le même que celui des gants de saint Corentin. Le casque est absent. Le même verre est utilisé pour le bouclier, les gantelets. Malheureusement do la grisaille a disparu. Cela est dû, semble-t-il, à la qualité de ce verre.
 Cet archange, portant serre-tête avec petite croix et nimbe rouge, se dresse  sur des jambes écartées.
   L'une de ces jambes foulent un monstre à cornes,  traité avec un verre d'une couleur de cendre brûlante. Il s'agit ici d'un verre plaqué dont la couche colorée posée sur la face intérieure a été attaquée par la condensation. Ce qui laisse apparaître une nuée de points blancs.
Quant au monstre, renversé sur le sol, le bâton de la croix dans la gueule,  il essaie, avec ses dents et d'une patte aux doigts crochus d'en freiner la rentrée.
La composition  de cette lancette, comparée à celles de saint Corentin, du donateur ou de l'écuyer, offre, avec celle de saint Christophe, un dynamisme apporté par les divers éléments dont elle est composée : le démon la tête en avant; les jambes de saint Michel, sa croix, le bras droit ouvert tenant l'épée aux quillons recourbés; le gauche ramené sur la croix.
 Ces éléments, épée, bras, guident notre regard le long de la croix  jusqu'à la bête. Le tout sur un fond de tenture que déchire à droite et à gauche les ailes aux ramiges violettes et couvertures vertes et un sol, en verre incolore au dessin très effacé, semé de cailloux et de plantes colorés au jaune d'argent.
Le visage de saint Michel, en verre incolore mais bien effacé, révèle quand même une pose un peu penchée d'un quart sur sa droite, vers le démon. Ses cheveux, bien séparés et coupés aux épaules, tombent des deux côtés. Sur le bandeau jaune apparaît le texte MIKAEL : ARCHANGE." (J-P. Le Bihan)


 



 


 

Lancette B. Saint Michel . Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Lancette B. Saint Michel . Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

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3°) Lancette C. [Saint Georges ? Saint Maurice ?].

On le présente comme "un écuyer," toque verte à large plume, oriflamme en main, s'appuyant sur un bouclier qui est timbré, comme la cotte couvrant la cuirasse, d'armes d'azur à la croix d'or cantonnée de quatre fleurs de lis . On retrouve aussi ces armoiries à la pointe du réseau (moderne), et il s'agit vraisemblablement d'une adaptation de quelque restaurateur moderne" (Daniel, 2005), bien qu'elles évoquaient à  R-F. Le Men celles de Lézongar et de la seigneurie de Pratanras, en la paroisse de Penhars. Elles sont ignorées par le Nobiliaire et Armorial de Potier de Courcy.

La Baie 114, que j'étudierai par la suite, est précisément nommée "vitrail de Pratanras" ; sur la 1ère lancette  figure un écuyer portant d'azur à la croix d'or cantonnée à dextre de fleur de lys de même (Lezongar) , et la 2ème lancette un chevalier aux même armes présentées par saint Christophe. Or, selon J.P. Le Bihan on y lit en inscription le mot IULIEN. D'autre part, une lancette de la baie 109 montre un saint chevalier aux mêmes armoiries de Lézongar, identifié comme saint Julien.

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-5710978.html

Il serait donc possible que cet "écuyer", qui est forcément un saint car seuls ceux-ci sont figurés debout, soit plus vraisemblablement saint Julien que saint Maurice.

Saint Julien est, selon Le Bihan, impliqué dans le dilemne de la Traversée de la rivière comme  saint Christophe.

Pour ma part,  en partant du principe qu'il s'agit d'un saint, et d'un saint chevalier (cuirasse + écu + lances) portant comme armes la croix (un Croisé ?) et les fleurs de lys, j'y verrais volontiers saint Georges (les pièces vertes mélangées aux verres bleus en partie basse ne seraient-elles pas des fragments d'un dragon ?) ou saint Louis , mais aucune solution n'est satisfaisante à part entière.

 

L'écuyer, troisième lancette.

  Gentilhomme qui accompagne un chevalier et porte son écu, ou jeune noble non encore armé chevalier. 
Quant à moi, je pencherais pour la première définition. Il s'agit bien d'un chevalier, il porte bien l'écu. Qui est-il?  Le Men y voit les armes qui rappellent celles de Lezongar  de la seigneurie de Pratanras, en la paroisse de Penhars, actuellement en Quimper. 
Ces armes devraient être d'azur chargé d'une croix d'or cantonnée à dextre d'une fleur de lys de même, ce qui n'est pas le cas ici avec trois autres fleurs de lys. Ce blason est inconnu au Nobiliaire et Armorial de Bretagne. Ces armes se retrouveront dans la baie 114, avec Ronan de Lezongar ( mais XIXe) ainsi que dans la baie du choeur 106 avec un probable Paul de Lezongar. Quant à la place, au centre, de cet écuyer, nous ne pouvons que la constater. Est-ce une idée de Le Men ou du restaurateur XIXe, ici Lusson ou Lefèvre.    
Au-dessous du choeur à la voûte rouge, le bandeau  jaune, aux enlevés au bois dessinant des motifs floraux, tend un rideau couleur lie de vin sur lequel se détache l'écuyer. Il est coiffé d'une toque verte au graphisme de feuilles proche d'une couronne de lauriers, d'où s'échappe un panache blanc. De la main gauche, non protégée comme l'autre par des gantelets, cet homme tient une lance, dont la partie finale est identique à celle que Mantegna met dans la main de saint Georges et dont le haut se pavoise ici d'une oriflamme à deux pans qui prend le même sens que le plumet de l'écuyer.
 Visage, en verre rose plaquée sur blanc et d'origine, aux longs cheveux au jaune d'argent et aux enlevés à la pointe. Yeux très noirs, perdus dans le vague, qui donnent un regard froid à ce visage encore jeune, et très légèrement tourné vers sa droite; nez fort,  double menton. 
Un collet en cotte de mailles sort d'un justaucorps bleu, non serré à la taille, aux manches courtes, où règne les armes des possibles de Lezongar. Armes que l'on retrouve sur le bouclier posé à terre, et qu'il tient de la main gauche. Les jambes protégées par des cuissards, genouillère et jambières, et les pieds par des solerets, reposent sur un sol bleu-vert, aux multiples plans. (J-P. Le Bihan)

 

Lancette C. Saint Maurice. Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Lancette C. Saint Maurice. Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

4°) Lancette D. Saint Christophe.

Voilà la lancette qui m'intéresse. J'y retrouve tous les poncifs : les deux rives rocheuses, Christophe se dirigeant résolument de la droite vers la gauche, la jambe droite en avant, bien de profil, puis la giration qui s'amorce, le bassin encore de trois-quart, le thorax de face, la tête tournée vers le haut et vers l'arrière, et les yeux accentuant cette pulsion qui arrête le passeur dans son élan et l'entraîne à interroger l'enfant qu'il porte sur son épaule gauche. L'opposition entre le mouvement bien décidé des jambes, et l'angoisse lévogyre face à ce poids inattendu sous lequel le géant succombe. L'ancien Reprobus qui cherchait le maître du Monde pour se mettre à son service à trouvé plus fort que lui. 

Moment d'arrêt. Toutes les certitudes établies s'effondrent. 

Milieu du gué. Transition. 

Puis la con-version du corps se complète par la conversion spirituelle, sous l'effet d'un double échange instantané, celui des mots prononcés, mais surtout l'échange des regards.

Ici, cet échange est incomplet, parce que l'enfant ne se penche pas vers le saint. Il regarde devant lui, il bénit le monde dont il tient la maquette, le globus cruciger. Mais le regard de saint Christophe est tellement intense qu'il compense ce manque de réciprocité apparente. C'est un mélange indissociable d'incertitude, d'interrogation et de confiance. Les croyants y verront un regard de Foi.

 

 Saint Christophe.quatrième lancette. 

"Alors que le saint Christophe de la baie 115 lutte contre le courant, les deux mains sur le tronc d'arbre, celui-ci est trapu, solide, les jambes bien plantées dans le torrent qui coule, de gauche à droite. Son arbre bâton y est bien planté, la main droite le prenant tout en haut au pied de la fourche. De la gauche il maintient l'Enfant Jésus, dont le pied gauche est probablement dans cette main.
    La composition de ce personnage, sur fond rouge lie de vin, à damas, révèle un auteur qui semble appliquer une construction du dessin faite d'obliques se succédant. La main droite, le visage, la seconde main suivent une droite qui rencontre à angle droit une seconde, donnée par le manteau blanc et le genou. Cette oblique est de plus reprise par la jambe droite qui semblent, sous l'eau, rejoindre la gauche, dessinant un Z que l'on retrouve dans le haut du saint Michel. 
   Cette composition est calée par le bâton dont la verticalité annonce celle de l'enfant Jésus dont les doigts de la main droite sont ici levés. La jambe gauche, jusqu'au mollet dans l'eau, répète en bas cette verticalité. L'eau du ruisseau, dont  il ne reste du dessin, que le négatif d'un courant dressent des vagues aux crêtes d'écume
    On peut, en voyant ce saint Christophe, sans nimbe, penser à Hercule, qui comme lui est né pour servir, mais aussi à toutes les représentations de ce saint, parfois géantes, que le clergé du XVIIIe jugeait tout juste digne d'amuser les enfants et qu'il fit détruire, lui que le peuple venait implorer pour éviter la mort subite, en tant que patron du passage en l'au-delà.
   Robe verte, courte et ouverte sur le devant, fermée par deux boutons sur le côté droit, manteau blanc jeté autour de la taille et sortant par-dessus le bras gauche. Visage d'origine en verre rose, barbe fournie, cheveux avec  de larges crans, nez fort, vu du dessous, yeux profonds et noirs sans iris, qui se tournent vers l'enfant dont la main gauche présente le globe terrestre, en jaune d'argent sur verre incolore, surmonté de la croix, en verre incolore comme le visage et le nimbe crucifère et dont le visage, encadré de cheveux sur jaune d'argent, est éclairé par deux petits yeux regardant dans le lointain. " (J-P. Le Bihan)

Je rebondis sur la phrase "La composition de ce personnage révèle un auteur qui semble appliquer une construction du dessin faite d'obliques se succédant." Il me semble que cette construction n'est pas propre à l'artiste, mais à l'image élaborée au XVe siècle, et dans laquelle l'axe du corps, l'axe du bâton, la diagonale du cours d'eau, et parfois les pans de vêtement emportés par le vent ou l'élan sont des parties constituantes de la scène et expriment par le mouvement extérieur la révolution (au sens littéral) qui se joue sur le plan spirituel.

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Lancette D. Saint Christophe. Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.
Lancette D. Saint Christophe. Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Lancette D. Saint Christophe. Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

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On peut s'amuser aussi à retrouver la présence du bandeau blanc entourant les cheveux, bandeau propre au géant Reprobus. Ou bien la couleur de la tunique, d'un vert qui est aussi l'une des caractéristiques les plus constantes et tenaces du saint . Ou rechercher sur le bâton du passeur des traces de la reverdie qui attesteront du miracle promis par l'enfant, mais que l'artiste n'a pas figuré ici. 

P.Y. Castel a lu dans l'inscription mi-effacée S. CHRISTOPHORUS, mais je lis --dEINA / -----ETA

 

Lancette D. Saint Christophe. Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Lancette D. Saint Christophe. Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Lancette D. Saint Christophe (détail). Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Lancette D. Saint Christophe (détail). Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Iconographie :

— Saint Christophe figure dans l'un des Livres d'Heures d'Isabeau d'Ecosse, deuxième épouse du duc  François I et qui est décédée en 1494: le Bnf latin 1369 au folio 310v.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501939c/f320.item

On recense au moins deux autres livres d'heures ayant appartenu à Isabelle Stuart dont deux à la Bnf : l'un à l'usage de Nantes et Paris, datant des années 1460-1465 ( Bnf Lat 1369), et un autre à l'usage de Rome (Bnf, NAL 588). Un troisième, daté de 1417 est conservé au Fitzwilliam Museum MS.62 

http://webapps.fitzmuseum.cam.ac.uk/explorer/index.php?oid=90393

On remarque dans cette enluminure malgré l'inversion de l'orientation, la disposition générale des personnages, la tunique verte de Christophe, le bâton horizontal, mais nous constatons aussi quelques différences (nimbe de Christophe, manteau rouge), la principale étant la présence de l'ermite guidant le passeur grâce à sa lanterne. L'étroitesse de la lancette justifie sans-doute cette absence.

— Le saint figure aussi dans le Livre d'Heures de Pierre II, duc de Bretagne en 1457 en succession du duc  François Ier : Bnf Latin 1159 folio 157 , mais l'enluminure n'est pas consultable en ligne.

— Saint Christophe figure aussi dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne au folio 117v, mais la scène est bien différente, et il est représenté parmi les saints martyrs.

 

 

Livre d'Heures d'Isabeau de Stuart, duchesse de Bretagne, Bnf Lat. 1369 folio 310 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501939c/f320.item

Livre d'Heures d'Isabeau de Stuart, duchesse de Bretagne, Bnf Lat. 1369 folio 310 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52501939c/f320.item

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5°) Lancette E. Saint Jean-Baptiste et le chanoine Jean Le Baillif.

— Le Men  décrit cette lancette ainsi : Un chanoine en chape à genoux devant un prie-dieu, sur lequel est un écusson écartelé d’or et de gueules. — Jehan Le Baillif, chanoine de la cathédrale de 1468 à 1494 . Il est présenté par saint Jean-Baptiste. Un écusson semblable se voit dans la voûte vis à vis de ce vitrail.". A la page 124, le même auteur ajoute :  Jean Le Baillif, archidiacre du Désert au diocèse de Rennes, et chanoine de la cathédrale de 1468 à 1494. À la mort de Thebaut de Malestroit, évêque de Quimper, en 1479, il fut élu par le chapitre pour lui succéder, mais ce choix ne fut pas agréé par le duc de Bretagne, qui n’avait pas été consulté sur son élection. Jean Le Baillif avait fondé deux obits dans la cathédrale, pour la somme de « onze vingt seze ecus d’or veil du coin roial de France pesant ensemble 3 marcs 6 onces demi-gros ». 

 Lobineau cite le nom de Maistre Jehan Le Baillif  comme Maître des Requêtes du Duc en 1459, puis dans les comptes des conseillers du Parlement de Bretagne en 1466-67. Un enfeu à ses armes et à son nom est signalé à Lamballe. ,  Ajoutons qu'un receveur de Lesneven signale son nom (ou celui d'un homonyme) pour des dépenses de "Vins pour faitis" entre 1419 et 1422 (Tudchentil) : le chanoine était alors jeune !

— Pol Potier de Courcy donne dans son Nobiliaire et Armorial de Bretagne page 35 

–Baillif (Le) :  seigneur de Kersimon et de Kerouledic, paroisse de Plouguin.  Références et monstres de 1427 à 1503 à la dite paroisse de Plouguin, évéché du léon. Ecartelé d'or et de gueules.

 

 

—Jean Le Baillif est présenté par saint Jean Baptiste, et sans-doute est-ce là l'indice qui, associé à ses armoiries, a permis de l'identifier. L'orientation du panneau est logique, puisque le chanoine est tourné vers le centre du transept, mais on s'attendrait à le trouver à l'extrémité gauche, précédé par les saints qu'il a choisi comme intercesseur.

—Y-P. Castel confirme et précise ces données et nous présente le chanoine Jean Le Baillif comme un personnage important du duché, titulaire de nombreux bénéfices par ses postes de recteur de Plesguen, chanoine de Tréguier, archidiacre du Désert au diocèse de Rennes; il élargit les dates de son canonicat à Quimper à la période de  1447 à 1494. "Maître des Requêtes et conseiller du duc François II depuis 1466, il fut chargé par celui-ci et par les papes de plusieurs missions. Le 19 septembre 1472, il reçut la charge de sigillifer ou "porte-scel" à Quimper."   Il était selon Y-P. Castel l'un des familiers du cardinal Alain IV de Coëtivy (1407-1474), celui qui fut surnommé le Cardinal d'Avignon mais qui fut surtout cardinal de Saint-Praxède à Rome. (je trouve surtout un lien entre Yvon Le Baillif, seigneur de Kersimon, et Alain de Coëtivy). 

— Selon Jean-Pierre Le Bihan :

 

"La scène se déroule sur fond de tenture à damas, de couleur  bleue, identique à celles de saint Corentin et saint Michel, et galon jaune XIIIe avec texte, coupé par le nimbe rouge de saint Jean, où l'on peut lire VN AVE : MTDOVE. Au-dessus, le choeur offre ses voûtes couleur vieux rose.
 L'on voit ici le premier couple chanoine donateur et saint patron intercesseur du transept. Cet exemple de chanoine donateur se répétera autant dans ce transept que dans la nef, et cela dans la continuité des baies hautes côté Nord du choeur. "

  "  Il est donc là ce chanoine donateur, en orant, à genoux devant son prie-Dieu recouvert d'un tissu vert  décoré de son écusson écartelé d'or et de gueules. Le livre de prière, ouvert et à tranche dorée, porte l'indication de neuf lignes sur la page de gauche et dix sur celle de droite.
 La tête et les mains sont exécutés dans un verre rose plaquée, dont la fabrication en plateau est signalée par des courbes concentriques visibles sur le verre. Pour la chape, très longue et ample, l'auteur utilise le jaune XIIIe sur lequel il pose un dessin à grand damas. Les pièces de verre sont assez grandes, et l'on peut comprendre pourquoi l'une n'a pas la même teinte ni la même qualité de grisaille bien qu'elle soit  ancienne,  possible restauration postérieure.
 L'orfroi, en verre incolore, présente sur les bords un filet de perles blanches entourant  un motif central  répétitif composé  de deux amandes opposées tête-à-tête et encadrées de couples de perles. Les ombres portées sont posées à la grisaille. Un fermail, ou plutôt mas de chape, décoré d'un grand losange,  maintient les deux pans de cet habit, dont la doublure violette apparaît dans le plis du bas, tandis qu'un élément de l'orfroi, en forme de demi-écu, apparaît au dos, orné d'une niche avec un saint, sans attribut visible. Un élément de surplis encadre les mains jointes. "

Le visage, aussi en verre rose, vu de trois quart, comme le personnage, vit de deux yeux noirs sans iris, typiques de cette baie. Le nez fin est pointu, le menton fort, l'oreille gauche se devine sous les cheveux ramenés sur le devant et portant une large tonsure.
  Manteau rouge, découvrant l'épaule droite d'une robe lie de vin, aux manches courtes, ici encore un verre plaqué, la main gauche posée sur le chanoine, l'autre tenant son attribut, voici saint Jean-Baptiste, saint patron du donateur et intercesseur. "
"L'agneau au nimbe crucifère, la tête tournée vers saint Jean et allongé dans l'autre sens sur le livre de biais, est dominé par la croix à l'étendard qu'il doit tenir entre ses pattes. La ferrure séparant les deux panneaux a facilité à l'auteur l'absence de recherche de dessin. Cette croix aurait du être tenue par une de ces pattes, mais ici, seule une patte, celle du train avant, est visible.  Pour l'exécution de cette pièce, un verre verdâtre a été choisi." (J-P. Le Bihan)

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Lancette E. Saint Jean-Baptiste et le chanoine Jean Le Baillif.  Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

Lancette E. Saint Jean-Baptiste et le chanoine Jean Le Baillif. Baie 113, cathédrale Saint-Corentin de Quimper, photographie lavieb-aile.

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Pour continuer à profiter du texte de Jean-Pierre Le Bihan, je donne ici le texte par lequel il étudie les socles, les dais et la peinture. 

LES SOCLES.

 

"Au nombre de cinq, un par lancette, ils offrent trois faces, dont la principale est coupée dans une pièce de verre incolore de 33 sur 21 centimètres. 
Le socle repose sur deux contreforts angulaires, dont la perspective, en les présentant de biais, augmente leur puissance.  Deux autres contreforts, bien plus légers, effet dû à la perspective, soutiennent eux aussi cette architecture répétitive, percée de quatre ouvertures longilignes et cintrées, sous une moulure comportant un bandeau et un boudin encadrant un congé décoré de feuillages au Jaune d'argent. 
Un pignon ornemental et pointu, agrémenté et couronné de fleurons, surmonte une ouverture à contre-courbe, et découvre une croisée d'ogives, au-dessus d'un sol de couleur bleu-vert dont les traits de grisaille dessinent des volutes qui se serrent en avançant vers le fond. Aucune colonne ne monte de ce socle vers le dais" . 
(J-P. Le Bihan)

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LES DAIS.

 

 " Edifice de soixante six pièces, en verre incolore sur ciel, tour à tour de couleur lie de vin, pour le premier et la dernière lancette, puis bleu pour la seconde et la troisième, et rouge pour la centrale. La lumière qui anime les éléments d'architecture vient du Nord. Nous sommes ici, comme nous l'avons indiqué, avec une baie est du bras Nord du transept. 
Dans la nef et le choeur, cette lumière dans la presque totalité, vient de l'Ouest, que cela soit pour les baies du côté Nord ou Sud.
 Le clocher tour, dont seules trois faces à petit pignon sont visibles, se termine par un gros fleuron de verre de couleur que deux pinacles encadrent. Le jaune d'argent côté extérieur, et le trait de grisaille face intérieure, sur un lavis tamponné avec enlevés au bois et à la brosse, sont omniprésents aux trois étages de cet édifice, dont le second offre ses volés, ces arcs-boutants, ses pinacles, ses claires voies sur le ciel de couleur. Au-dessus du choeur, le premier étage offre des gables ornementaux, pointus aux courbes parallèles et concaves encadrant un écoinçon, le tout entouré de deux choux. Deux culées maintiennent la poussée de l'ensemble, tandis que deux cules de lampes annoncent deux colonnes se terminant en pinacle au deuxième étage.
Cette fin du  XVe est en plein dans "l'apprentissage des lois de la perspective."
, et ces architectures, de toutes ces baies de la nef et du transept, offrent les premiers balbutiements."(J-P. Le Bihan)

 

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LES VERRES ET LA PEINTURE.


    "La palette de couleurs de cette baie est assez riche, surtout dans les verts. Cela est peut-être due à la diversité de teintes dans une même feuille, ce qu'il est possible de relever dans l'herbe au-dessous du saint Christophe, ou dans la doublure de la chape de saint Corentin. Il en est de même pour les bleus, bleu de l'écuyer et bleus des rideaux. Les plaqués se trouvent avec les rouges, plus ou moins forts  et qui ont bien tenu, le violet cendre du démon plus fragile, dû à l'épaisseur du placage, comme c'est le cas de la robe de  saint Jean, les roses des visages, mains et jambes, ici ayant bien traversé les âges. Est-ce à cause de la qualité du verre ou de la grisaille, ou d'une mauvaise cuisson que le visage du saint Corentin est devenu si pâle?  Nous ne saurons y répondre. Présence omniprésente du Jaune XIIIe. Parmi les verres incolores des dais, nous avons trouvé certaines de ces pièces bombées, effet plutôt dû à la cuisson, et portant des taches de jaune d'argent provenant d'une superposition, là aussi dans le four lors de la cuisson, la pellicule de plâtre les séparant devant être trop fine. Ce défaut, si l'en est un,  nous l'avions aussi trouvé dans les baies hautes du choeur. On peut relever une trame horizontale et parallèle de 21 et 22 centimètres de haut est portée sur toutes les lancettes.
    Les gravures de repères  posées du côté extérieur sont peu nombreuses et se trouvent essentiellement sur les verres de couleurs des ciels et des fleurons supérieurs des dais en a4 et d4.
 Une autre gravure répétitive, verticale et de trois centimètres, toujours du côté extérieur, se trouve au milieu du panneau d4, et sur plusieurs pièces. Indique-t-elle que le panneau était mis en plomb, la face peinte, qui est posée du côté intérieur de l'édifice, sur la table de montage. Ce trait permettrait d'établir des côtés parallèles lors du montage? Cette gravure nous le retrouverons sur d'autres baies.
La coupe des verres est dans l'ensemble assez facile, cela étant du à la simplicité du dessin, qui montre une certaine maîtrise du métier de la part de l'auteur. 
La grisaille employée est un mélange de brun et de noir, à quantité égale, et très intense lors de l'application au trait. Après la dépose en lavis, elle est tamponnée du côté intérieur, tandis qu'elle n'est juste posée qu?en lavis sur l'autre face, ombrant certains endroits Les enlevés sont au bois et à la pointe. Des hachures aux traits de grisaille et en enlevés se retrouvent autant sur les vêtements que sur les visages, mais avec une certaine sensibilité et sans démesure. La sanguine n'est pas  encore employée.
Le jaune d'argent est posé régulièrement, avec les changements de tons qu'apporte la cuisson et le verre. 
Les cratères, petits comme des têtes d'épingles, exemple : démon, et robe de saint Jean, plus importants sur certaines couleurs, sont  nombreux sur la face intérieure et quasiment absent sur l'autre face ."
(J-P. Le Bihan)
 





    

 

SOURCES ET LIENS.

AYMAR DE BLOIS (1760-1852), vers 1820. On doit à ce neveu du chanoine de Boisbilly une description des vitraux vers 1820. 

A. de Blois, héritant de ce registre de Boisbilly, en fait don à l'évêque André, le 5 janvier 1804, mais le ré-annote en 1820 et 1821 et donne alors la description des vitraux et leur état. Il le remit de nouveau à l'évêque de Quimper, Mgr Graveran, le 5 septembre 1842 "pour l'usage de la cathédrale ". Il rajoute  "malade d'une fluxion, charge son fils Louis de le remettre à l'évêque". (J-P. Le Bihan)

 

BOISBILLY (Jean-Jacques-Archibald le Provost de la Boexière ,Chanoine de), vers 1770, Registre de BoisbillyArch. Dioc. Quimper,  ,

 Jean-Jacques Archambault Provost de Boisbilly (1735-1786). Docteur en théologie de la Sorbonne, vicaire général du diocèse de Rennes, il était abbé commandataire du Tronchet et chanoine de Quimper. Il possédait une des plus érudites bibliothèques de Quimper et on lui doit par ailleurs un plan de la cathédrale dressé en 1770 qui est une des sources les plus importantes sur la cathédrale avant la Révolution. Il avait dessiné l'architecture des fenêtres de la cathédrale en pleine page de 1770 à 1772. Ce travail  devait être complété par la suite avec les dessins des vitraux, mais il fut malheureusement appelé à d'autres fonctions.

"La cathédrale de Quimper, qui figure au nombre des Monuments historiques du département du Finistère, n’a été jusqu’ici l’objet d’aucune publication de quelque importance. Vers l’année 1770, l’abbé de Boisbilly, syndic du chapitre de Quimper, avait, en vue d’une histoire de ce monument, réuni de nombreuses notes, et fait dresser un plan de l’église avec ses chapelles et ses autels. Dans sa réunion générale du 14 mai 1772, le chapitre le « pria de continuer l’ouvrage qu’il avait commencé sur la description détaillée de l’église cathédrale, » et décida « qu’il en serait fait un registre particulier. » (1)1 Sur ces entrefaites, l’abbé de Boisbilly fut appelé à Rennes pour prendre part aux travaux de la Commission intermédiaire des États de Bretagne dont il faisait partie. Les affaires importantes et multipliées de la Province ne lui permirent pas de mener à bonne fin son entreprise. Ses notes furent perdues, et il n’est resté comme souvenir du projet qu’il avait formé, qu’un registre grand in-folio, qui contient avec le plan de la cathédrale, les dessins au trait de ses fenêtres, dessins qui devaient être complétés par la peinture des vitraux. M. de Blois (de Morlaix), neveu de l’abbé de Boisbilly, a fait hommage de ce registre à Mgr l’évêque de Quimper, le 5 septembre 1849. Avant de s’en dessaisir, il avait pris le soin d’écrire au-dessous des dessins des fenêtres, une description sommaire des vitraux qu’elles contenaient encore en 1820 et 1821, mais à cette époque beaucoup étaient entièrement détruits. " (R-F. Le Men)

 

— BONNET (Philippe) 2003, Quimper, la cathédrale, Zodiaque, Paris 

 COUFFON (René), 1963,  « Etat des vitraux de la cathédrale Saint-Corentin au milieu du XIXe siècle par le baron de Gulhermy », Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, tome LXXXIX, p. XCVII-CII

— DANIEL (Tanguy), (dir.), Anne Brignandy, Yves-Pascal Castel, Jean Kerhervé et Jean-Pierre Le Bihan, 2005,  sous la direction de, Les vitraux de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper,  Presses Universitaires de Rennes / Société Archéologique du Finistère,  287 p. (ISBN 978-2-7535-0037-2).

— GALLET (Yves), Les ducs, l’argent, les hommes ? Observations sur la date présumée du chevet rayonnant de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper (1239) p. 103-116 http://books.openedition.org/pur/5315

 — GATOUILLAT (Françoise), 2013,  "Les vitraux de la cathédrale" , in Quimper, la grâce d'une cathédrale, sous la direction de Philippe Bonnet et al.,La Nuée Bleue, Strasbourg, page 185-203

GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005,  Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, France VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, p. 172.

GUILHERMY (Ferdinand de), 1848-1862,  Notes sur les diverses localités de France, Bnf, Nouv. acquis. française 6106 folio 335v et suivantes.

Le baron de Guihermy, membre de la Commission des Arts, visita Quimper le 2 octobre 1848 et rédigea un mémoire d'après ses notes. Nommé membre de la Commission des Monuments Historiques en 1860, il entreprit un voyage en France et séjourna à Quimper du jeudi soir 28 octobre 1862 au samedi 30 à midi et compléta alors ses premières notes.  Les baies n'y sont pas numérotées et distribuées en cinq lieux : Vitraux de la chapelle des fonts, vitraux de la Nef, vitraux du transept, vitraux du chœur, vitraux de la chapelle terminale. 

Concernant la baie 113, nous trouvons (J-P. L.B):

 un personnage debout, imberbe, coiffé d'une toque verte à plume blanche, portant une armure et pardessus une cotte d'azur à la croix d'or cantonnée de quatre fleurs de lys de même. Il tient de la main gauche une lance à banderole blanche et s'appuyant de la droite sur un bouclier blasonné comme la cotte. Ne serait-ce pas saint Louis ? Il s'agit de l'écuyer de Prat ar Rouz
Saint Michel vainqueur du démon ; saint évêque bénissant, décrit comme saint Corentin par Aymar de Blois, saint Christophe passant l'eau avec le Christ sur son épaule,

LE BIHAN (J.-P.), J.-F. Villard (dir.), 2005,  Archéologie de Quimper. Matériaux pour servir l’histoire, t. 1 : De la chute de l’Empire romain à la fin du Moyen Âge, Quimper, 2005.

— LE BIHAN (J.-P.) 1993,, -"Gravures de repère sur les vitraux bretons des XVe et XVIe." Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, T.CXXII

— LE BIHAN (Jean-Pierre), 2007,  Blog 

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-7003763.html

et baie 114 :

http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-5710978.html

 LE MEN (René-François), 1877, Monographie de la cathédrale de Quimper [XII-XVe siècle], Quimper. p.243-244,

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/1e08593c46eb46336af146045b16d0f4.pdf

THOMAS (Abbé Alexandre), 1892, Visite de la cathédrale de Quimper. Arsène de Kerangal, 170 pages,  p.117,

http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/c9d5dca31c276caf2782d0a4b99a85ce.pdf

  THOMAS (Abbé Alexandre) 1904,  La cathédrale de Quimper, 1904, J. Salaun, 97 pages, p.51

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe.
27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 21:19

Les papillons décrits par Aldrovandi en 1602. Étude des noms propres.

Résumé.

Les premiers noms propres scientifiques d'espèces de papillon sont créés en 1602 par Ulysse Aldrovandi  dans De Papilionibus, Livre II chap. 1 de De Animalibus insectis : parmi ces treize noms grecs ou latins, un est encore en usage, l'épithète spécifique polychloros (Nymphalis polychlorosLinnaeus, 1758). C'est l'occasion détudier les onze Planches et leur 118 illustrations décrivant 102 espèces de rhopalocères et d'hétérocères : un ouvrage fondateur de l'Entomologie.

 

Préambule.

Ulysse Aldrovandi (1522-1605) est un naturaliste italien de Bologne qui a été initié à la botanique par Luca Ghini, puis à la zoologie par  Guillaume Rondelet.  Docteur en médecine et en philosophie en 1553, il commence à enseigner  à l'université de Bologne en 1554. En 1556, Aldrovandi commence à développer ses études botaniques sur la base de l'examen des organes reproducteurs, et, cette même année, il commence à enseigner la botanique médicale. En 1559, il devient professeur de philosophie et, en 1561, il devient le premier professeur d'histoire naturelle à Bologne (son cours s'intitule lectura philosophiae naturalis ordinaria de fossilibus, plantis et animalibus). En 1568, il crée le Jardin botanique de Bologne.

Grand collectionneur, il constitue un vaste Cabinet d'histoire naturelle, riche de 18 000 pièces, complété par une bibliothèque de 3600 volumes imprimés et environ 300 manuscrits et d'un  herbier de plus de 7 000 spécimens.

 Il publie de 1559 à 1605 les quatre premiers volumes d'une Histoire naturelle (dont De Animalibus insectis en 1602 qui constitue en fait son Livre sept) qui en comptera quatorze, les autres étant publiés après sa mort (dernier volume paraissant en 1668) par sa veuve et quatre de ses successeurs. Accordant une place capitale à Aristote dans sa classification des animaux, et compilant les auteurs de l'Antiquité comme  Strabon et Pline, il instaure néanmoins comme  règle fondamentale l'observation attentive, des spécimens, leur reproduction fidèle par l'illustration et leur description objective , initiant ainsi une démarche scientifique moderne.

Comme la plupart des philosophes, des médecins et des collectionneurs de naturalia pendant la Renaissance, Ulisse Aldrovandi conçut  son propre Theatrum Naturae à partir de son propre exemplaire de Pline l'Ancien de "Naturalis Historiae" (1553),  sur lequel il annoté chaque ligne avec ses propres observations. Aldrovandi introduit ni une nouvelle Systema Naturae, ni une approche révolutionnaire de la science, mais plutôt il a été le premier professeur d'histoire naturelle de l'Université, et dans une période dans laquelle les Cabinets de curiosités se créaient  dans les toutes les cours européennes, son cabinet de curiosités naturelles a été le premier musée d'histoire naturelle ouvert au public. Il a été largement influencé par ses "collègues" - Guillaume Rondelet, Pierre Belon, Luca Ghini, Conrad Gessner, Pier Andrea Mattioli entre autres - et par la tradition antique et médiévale. Sa riche bibliothèque comprenait des œuvres de Pline, Dioscoride, Theophraste, Galien et tous les livres les plus importants sur l'anatomie et de la médecine, y compris le célèbre livre de Vésale »De humani corporis fabrica" (1543), le premier atlas moderne du corps humain, avec le frontispice dessiné par Titien et les tableaux anatomiques par Jan Stephan Van Calcar. (Delfino et Ceregato, 2007)

Dans De Animalibus insectis, ou Livre 7, le Liber secundus est consacré aux papillons. Surpris de ne trouver aucune étude sur cette publication, j'y consacre cet article. 

 

I. Titre et frontispice.

 https://archive.org/stream/deanimalibusinse00aldr#page/236/mode/2up/search/papilio

Commençons par donner le titre complet du Livre sept : De animalibus insectis libri septem, cum singulorum iconibus ad vivum expressis, Autore Ulysse Aldrovando, in almo Gymnasio Bonon : rerum naturarium professore ordinario. Bonon [Bologne] apud Joan Bapt. Bellagambam an 1602.

Frontispice.

Je donne ici la copie de cet exemplaire, certes abimé mais  en couleur :

                aldrovandi livre 7 frontispice

Je note de haut en bas :

  • un blason couronné central, présenté par quatre putti. Les armoiries sont composées, mi-parti, de celles qui sont représentées en dessous.
  • deux muses ou Allégories dont l'une tient une sphère armillaire et l'autre un miroir.
  • Deux femmes tenant le drap blanc où est inscrit le titre. Les jambes de ces femmes sont singulières, traitées comme des écorces d'arbres, comme s'il s'agissait de Dryades.
  • une épigraphe : semper honos nomenque tuum laudesque manebunt. C'est une citation de Virgile, Énéide Livre 1 vers 609 : Énée s'adressant à Didon. "toujours subsisteront et ta gloire et ton nom et tes louanges". Rappelons que le livre est édité à titre posthume, et que cet éloge est bien légitime de la part de sa veuve.
  • Deux blasons sur les supports latéraux.
  • Sur le panneau du centre,  la déesse Artémis (arc et croissant de lune) entourée de dix nymphes dansant une ronde.
  • une signature : Il Valesio im.

Ulysse Aldrovandi était le fils d'un comte. L'armorial de Rietstap donnent pour son nom les blasons suivants, dont aucun ne correspondent :

  • Aldrovandi Bologne - Écartelé aux 1 et 4 d'azur à une écharpe d'or ployée en cercle les bouts noués en sautoir aux 2 et 3 palé d'argent et de gueules
  • Aldrovandi Bologne - De gueules à trois fasces d'or à la bande d'azur brochant sur le tout
  • Aldrovandi Bologne - D'azur au chevron soutenant une fasce en divisé surmonté d'une rose le tout d'or
  • Aldrovandini Bologne - D'azur à la bande bretessée de trois pièces chaque brétesse clouée d'une seule pièce de sable à la bande côtoyée de six étoiles le tout d'or.

Comparée au frontispice du volume de l'Ornithologia de 1599, on constate que les références à Pline et à Aristote, dont les noms figuraient sur deux piliers, ont disparu.

Le Portrait d'Aldrovandi.

http://amshistorica.unibo.it/31

                 aldrovandi-livre-7-portrait-copie-1.png

      

On y trouve :

  • des armoiries azur et or en haut à gauche, surmontées d'un griffon. Elles correspondent cette fois à la description D'azur au chevron soutenant une fasce en divisé surmonté d'une rose le tout d'or

                 

 

  • des armoiries en haut à droite avec la devise Sensibus haec imis res est non parva reponas issue de la Troisième Églogue des Bucoliques de Virgile, vers 54 : Damète à Palémon : "Il ne s'agit pas de peu de choses. Sois attentif à nos chants", traduit aussi ainsi :"La chose est d'importance, laisse-toi pénétrer par ceci". Le blason comporte un coq tenant dans la patte gauche une branche.
  • Dans le cartouche autour de l'ovale, «Ulysse Aldrovandus Bononiensis Anno Aetatis LXXX" ("Ulysse Aldrovandi de Bologne dans l'année de ses 80 ans" ...donc en 1602; 
  • Dans le cadre au pied de l'ovale, les vers composés par Giovanni Cornelio Uterverio*: "Aldrovande tuam tam parvo pictor  aere Effigiem potuit pingere non animi: Dotes  mirificas, namque harmonumenta Loquuntur vestra vir Eolis Cognite et Hesperiis". 

*Johannes Cornelius Uterverius (ou Wterwer ou Wertwer) né à Delft aux Pays-Bas, s'installa à Bologne en 1592, et obtient en  1594 le titre de docteur en médecine, il se consacre à l'étude de le Botanique et de l'histoire naturelle. A la mort d'Aldrovandi, en 1605, il a été nommé par le Sénat de Bologne et son successeur Conservateur du Museum et de la Bibliothèque d'Aldrovandi. C'est lui qui mis en ordre et publia trois volumes d'Aldrovandi à titre posthume, et qui dressa l'inventaire de toutes les plantes du Jardin public. Il mourut à Bologne en 1619 et a été enterré dans l'église de Notre-Dame de Galliera .

 

 L'éditeur.

 Joannes Baptista /Giovan Battista  Bellagamba (1596-1613 ; imprimeur)

 Typographe de Bologne, actif entre la fin des années 1500 et au début des années 1600, aux cotés de  Vittorio et Alexandro Benacci, Domenico Maria Pulzoni, Giovan Paolo Moscatelli, ou Fausto Bonardo. Bellagamba était un imprimeur qui a commencé modestement, mais a réussi à  améliorer rapidement  son équipement technique, de manière à être en mesure de publier des ouvrages de qualité. Ses premiers produits étaient deux compositions ludiques de GC Croce: Diporto piacevole (1597), et en août de la même année , Il solennissimo trionfo dell'abbondanza. En 1599, il a publié Vita della b. Caterina da Bologna de Cristoforo Mansueto; puis en 1600 des œuvres de Ippolito Grossetti,  Nicomaco Filateleo, Joseph Rosaccio, Lodovico Zuccolo et Michele Pancotto.

 Mais il est surtout connus pour l'édition des  différents volumes de la monumentale Naturalis Historiad'Aldrovandi, qui'il  a commencé à imprimer à la suite de De Franceschi en 1590, et qu'il a  poursuivi avec les tomes II (1600), III (1603), IV (1604), V (1605) et VI (1612). Ce n'est pas lui, mais Pas lui, mais le tome VII Benacci qui a publié le tome VII, mais il a imprimé le volume Historia omnium quadrupedum bisulcorum de 1613. Cette année est celle de son décés, ou du moins de la fin de ses activités, et le travail est poursuivi par Il cesse alors ses activités, sans-doute Aldrovandi Ferroni et Tebaldini.

Dans tous ses tirages, même les plus mineurs, il a utilisé de beaux caractères et des ornementations de bon goût, en fonction de la noble tradition de l'édition bolognaise. On lui connaît deux marques de typographe, l'une avec la devise "Non comedetis fruges mendacii" (Sorbelli, n. 41) et l'autre avec : "Omni tempore" (Sorbelli, n. 42).

   Source . A. Sorbelli, Histoire de l'Impression à Bologne, Milan, 1929, pp. 121, 126. 

L'illustrateur.

L'artiste qui a réalisé les planches entomologiques est Cornelius Schwindt (1566-1632), dessinateur et graveur originaire de Francfort. Schwindt était entre 1590 et 1596, l'artiste principal employé par Aldrovandi pour la peinture des spécimens de ses collections et leur copie sur les tablettes de bois.  Celle-ci étaient alors gravées par Cristoforo Coriolano

  "Plus que ses collègues, Aldrovandi a compris la fonction pédagogique des images et l'importance de l'exactitude dans la représentation des choses naturelles afin de les décrire objectivement. Il a créé un petit laboratoire à son domicile où, sous sa supervision, plusieurs artistes reproduisaient sur papier les spécimens qu'il récupérait directement ou qu'il  obtenait de ses collègues. Jacopo Ligozzi, l'artiste préféré d'Aldrovandi qui a travaillé pour le Grand-ducs de Toscane, mais aussi Giovanni Neri, l'auteur de la plupart des dessins zoologiques, Passarotto Passarotti (fils du plus célèbre Bartolomeo), Lorenzo Benini, et Cornelius Schwindt, produirent environ 3000 peintures a tempera. Cornelius Schwindt lui-même et parfois Lorenzo Benini et d'autres, copiaient les peintures sur les blocs de bois de poirier, puis elles étaient gravées par Cristoforo Coriolano et plus tard par Gian Battista Coriolano. Certains des étudiants d'Aldrovandi ont notés tous les noms connus des sujets représentés non seulement à côté de chaque dessin, mais aussi sur le dos des milliers de gravures sur bois gravés pour illustrer l'édition imprimée de son grand "Historia Naturalis". Malheureusement, Aldrovandi est mort après la publication de la quatrième des treize volumes, mais au moins deux des œuvres posthumes, éditées par son élève Jan Cornelis Wterwer, étaient presque prêtes avant 1605. Toute la collection de peintures a temperaproduites sous la direction de Aldrovandi, sont toujours disponibles et conservées dans la bibliothèque de l' Université de Bologne (Biblioteca Universitaria Bolognese). Pour les célébrations du 400e anniversaire de la mort de Aldrovandi, toutes les peintures a tempera ont été numérisées et mises à disposition par l'intermédiaire du World Wide Web (disponible à l'adresse wwwfilosofia.unibo.it/aldrovandi/)." (Delfino & Ceregato, 2008)

 

Le graveur sur bois.

Cristoforo Coriolano est né un graveur allemand en 1540 à Nuremberg. Installé en Italie, il a changé son nom de Lederer à celui de Coriolano. Selon Vasari, après avoir atteint un certain succès à Venise, il aurait gravé sur bois les portraits des peintres, sculpteurs et architectes, d'après les dessins de Vasari, pour ses Vies des Peintres, d'abord publié en 1568. Il a également gravé la plus grande partie des illustrations des volumes de l'Ornithologie d' Aldrovandi. Il est mort à Venise au début du 17ème siècle. Ses fils Giovanni Battista Coriolano et Bartolommeo Coriolano devenus éminents graveurs à l'époque baroque.

 

Le Livre second consacré aux papillons.

 Le Livre second occupe les page 235 à 341. Il est intitulé Ulyssis Aldrovandi Philosophi et medici bononiensis, historiae de insectis liber secundus, qui est de caeteris anelytris quadripennibus, & primum.

Le texte,  en latin avec des inclusions fréquentes de grec, est disposé sur une seule colonne de 58 lignes avec une seule marge latérale où apparaissent les noms des espèces ou autres éléments notables.

 

 

SOMMAIRE du Livre II.

Il permet entre autres de voir l'étendue encyclopédique des données présentées, qui dépassent de loin la description entomologique pour englober les domaines sémantiques, ethnologiques, médicaux (ethno-médecine), psychosociaux et religieux. On constate aussi que les chenilles, puis les chrysalides, sont décrites dans des chapitres distincts des papillons, comme des espèces séparées. Mais la description des spécimens, accompagnée de 11 planches, occupe 18 des 26 pages du chapitre I : cette partie, fondée sur l'observation, dépasse celle qui est (seulement partiellement) fondée sur la compilation livresque.

Cap. I De Papilionibus : page 235-261 : des Papillons (diurnes et nocturnes)

  • Ordinis ratio. Synonyma page 235
  • Differentiae descriptio page 236-253
  • Coitus parto generatio page 253
  • Locus volatus cibus aetas page 256
  • Denominata page 256
  • Praesagia page 257
  • Proverbia page 258 (:"Non credo alla Rondine ne alla farfalla, Ma bene alla Cicala che mas falla").
  • De papilione ad lumina accensa advolitante page 258
  • Synonyma page 258
  • Mores. Ingenium page 259
  • Nocumenta page 260 ("Nuisances").

Cap. III [sic] De Bombylio sive papilione bombycum page 261 : des Bombyx .

  • Synonyma
  • Generatio et tota historia

Cap. IIII De Erucis vulgaribus page 264 : des Chenilles

  • Aequivoca synonyma page 264
  • Genus differentiae forma page 265
  • Generatio mores victus page 274
  • Ut fugentur page 275
  • Usus in medicina page 275
  • Proverbium

Chap. V. De Chrysalide sive aurelia page 277 : De Chrysalides.

  • Forma differentiae

Chap. VI De Bombyce aequivoca

  • Synonyma
  • Genus differentiae forma
  • Bombyces veteribus romanis et graecis fuisse ignotas
  • Generatio
  • Educatio et quaedam rursus de generatione.
  • Denominata
  • Moralia
  • usus page 295

Cap. VII De serico : de la Soie.

  • Synonyma page 295
  • Holosericum differe a serico.
  • Usus page 297
  • Usus in medicina page 298.

Cap. VIII. De Pityocampe page 298 : Chenille processionnaire du Pin

Cap. IX De Curculione page 299 : Curculionidae

  • Ordo aequivoca
  • Synonyma
  • Forma generatioo page 300
  • Ut fugantur page 301
  • Proverbium. Page 302

Cap. X. De Perlis vulgo dictis. Page 302 : Des Perles = Libellules (odonates)

Cap. XI. De Xylophtoro Page 306 : Trichoptère "perce-bois" nommé Xylophtoros par Aristote

Cap. XII. De Orsodacna. Page 307 : nos Criocères

Cap. XIII. De Cicada page 307 : Cicadidae

  • Ordinis ratio
  • Aequivoca
  • Synonyma eorumque etymum page 308
  • Forma descriptio page 308
  • Genus differentiae page 309
  • Hortus generatio
  • Locus
  • Cantus eiusque ratio
  • Aetas temperamentum et capiendi ratio
  • Antipatheia page 321
  • Denominata
  • Praesagia
  • Augura
  • Historica
  • Mystica
  • Moralia page 323
  • Cur Homerus senes cicadis comparaveritpage 326
  • Hieroglyphica page 327
  • Symbola
  • Numismata page 328
  • Aenigmata et apophtegmata page 329
  • Problemata
  • Emblemata page 330
  • Epigrammata
  • Proverbia
  • Epitheta
  • Fabula
  • Apologi
  • Usus in cibis page 340
  • Usus in medicina page 341
  • Usus in variis

 

 

LE CHAPITRE I DE PAPILIONIBUS.

 

 1. Classification.

 A la première page de l'ouvrage lui-même, le Livre 7 , Aldrovandi, qui suit Aristote, donne le Tableau de sa classification générale. des Insectes, lesquels sont divisés en animaux soit terrestres, soit aquatiques. Les espèces terrestres sont réparties en deux nouveaux groupes, celles qui ont des pattes et celles qui n'en n'ont pas. Ont-elles des pattes ? Les voici divisés selon la présence ou l'absence d'ailes. Compte-t-on deux ailes, ou bien quatre ? Si on en compte quatre,  ces ailes sont-elles membraneuses (favifica, qui font des rayons de miel, ou non favifica), ou bien farineuses (poudreuses car formées d'écailles) ? C'est ainsi que nous parvenons au Livre II des Insectes à quatre ailes, sans élytres, c'est à dire des Papillons. L'auteur distingue les papillons Vulgaires, Lucernaires, et Autres (Vulgaris, Lucernarius, & Aliquot). Enfin les chenilles (eruca), au lieu d'être décrites avec les espèces sans ailes mais à 12 ou 14 pattes, sont décrites au Livre II chapitre IV, et les Chysalides ou Aurelia auchapitre V.

2. Dénominations générales et étymologie.

Ces matières sont abordées au paragraphe Synonyma page 235 et Denominata page 256 :

a) Synonyma.

Papiliones "hoc est ventum sive spiritum" : le nom grec pour désigner les papillons est psyché, qui veut dire le souffle ou l'esprit.

Aldrovandi donne le nom vernaculaire de ce groupe d'insectes en différentes langues : en italien Parpaplione, parpaglia, farfalla : espagnol mariposa ; allemand pfeiffholter [cf.falter], Sommervögelin, quasi avicula aestivia, Belgique Capellexen, Vlindere, Boterulieghe (cf. Butterfly), Pellarin : Flandris privatim Boterschyte, Gallis Papillon, Polonais Motil, Ungaris Louoldek, Anglis à Butterflie.

b) Denominata page 256.

Papilio sive tentorium

 A papilionis volantis similitudine tentorium Papilionem vocari nonnulli volunt. Calepino Homil. In Psal. 14.  Graece etiam scribitur papilios, sed eam vocero nullibi reperio. D. Chrysostomus vocem esse tradit Romanam ; apudquem forte cum ille Graece scribi videret, Graecam esse credidit. Chrysostomi verba adiscriberem, sed graeco careo : Latinus factus sic habet : Quemadmodum ergo. Mosis in deserto tabernaculum, erat tigurium in quo congregari poterant, quod Romani vocarunt Papilionem. Italis    Apud Plinium ubi habet, Numidae vero Nomades a permutandis Papilionibus, mapalia sua, hoc est, domus, plaustris circumferentes, castigatoria exemplaria habent, a permutandis pabulis.

Papiliones item nominantur maculae illiae, quibus per pestilentes febres cutis suffunditur variis locis, Pulicum aut Cimicum morsui similes, vario saepe colore, pro veneni feritate, & materiae conditione, modo rubrae, modo flavae, subnigrae, violaceae seu purpureae, caerulee, livide, nigrae, et quia fere purpuri sunt coloris, ideo purpurae nomine Gallis intelliguntur.

 Lenticulae aliis dicuntur, quod saepe lenticulari colore, & effigie visuntur Ambrosius Pareus (Lib.21cap.28) Papiliones ideo nominati vult, quia alatorum Papilionum instar varias subito involent corporis velut regiones, nunc faciem, nunc brachia, nunc crura, nunc totum corpus. Ego potius a maculatiis illis Papilionibus pulcherrimis, qui floribus desides perpetuo insident, propter consimillimas maculas ita vocari arbitror.

 

3. Les onze planches de description des Papillons adultes.

 

Aldrovandi rassemble sa collection en onze planches (plus une figure isolée page 245), soit au total 118 figures et 102 espèces,  classées par taille (Grande-Moyenne-Petite). Les identifications sont sujettes à discussion, car j'en propose certaines de ma seule initiative, et sans compétence entomologique, et d'autres en tenant compte des auteurs comme James Petiver ou Linné lorsqu'ils donnent ces illustrations en référence de leurs descriptions.

 

Aldrovandi a attribué des noms propres à quelques uns de ses papillons, soit en grec, soit en latin. Ces noms sont repris en marge latérale dans le texte. J'en ai dénombré onze. Certaines pages du manuscrit original, conservé à la Bibliothèque Universitaire de Bologne, sont reproduites dans the Insect and the Images de Janice Neri : elles comportent des noms supplémentaires, qui y auraient été inscrits parfratre Gregoria Cappucino en 1592. Le Père capucin Grégoire, de Reggio-Émilie, loin d'être un obscure plumitif, a reçu les louanges des principaux naturalistes pour ses compétences en Histoire naturelle et notamment en botanique, et G. Olmi pense qu'il devait être l'apothicaire de divers couvents dont celui de Bologne. Son nom apparaît page 236 comme l'auteur d'une illustration. Les illustrations de ces planches manuscrites ont été ensuite découpées et réagencées dans un ordre plus élaboré. J'indiquerai ces noms du père Grégoire par les initiales P.G.

Les descriptions sont précédées par cette présentation générale :

Quanquam plurima sint Papilionum genera, nulla tamen a veteribus descripta reperias.

Aristoteles antennas iis ante oculos praetendi scripsit ; idemque ; ex eo repetiit Plinius, vocans istiusmodi antennas ignava cornicula. Neque aliud quicquam apud ipsos invenire est, quod ad formam corporis extrinsecam Papilionibus pertinet. Sunt autem plerisq ; alae molles, ceu farinae, et fragiles : servantq ; ipsi colorem Erucarum, ex quibus ortum suum duxere. Omnes, quos mihi licuit observare, (observavi autem plurimos), ea quae dixi, communia habebant. Suntque ; aliis diurni, ali nocturni, hoc est tenebrarum amantes. Alii magni, ali parvi, alii mediocres : alii uno tantum praediti colore, alii duobus, alii pluribus, alii maculati, alii sine maculatis. Colorum differentias tetigit Albertus Lib. 26, dum ait. Papiliones sunt Vermes volantes multorum colorum. Quidam enim sunt in alis sicut purpura, quidam albi, quidam hyacinthini, et quibusdam quaedam inest rubedo. Hi sunt qui in autumno coeunt. Sic ille, sed quam diversis aliis coloribus praediti Papiliones reperiantur, ex subsequentibus hic ordine depictis, ac descriptis patebit : inter quos tamen nullus existit aeuleo infestus, quales in India reperiri scribunt, qui Sciscioni vocentur. Qui itaq in priori tabula primo loco sculptus datur, non incongrue ιπποψύχη dicetur. Est enim Papilionum maximus. Vespere potissimum cernitur, interdiu latet. Latus est palmus, et amplius. Alae singule rotundam habent, ac notabilem maculam, oculum diceres, nigrum, sed primo miniaceo, dein candido circulo obductum.

 

Planche 1

= 6 figures, 5 espèces de grande taille, 4 hétérocères, 1 rhopalocère (dorsal et ventral) .

Une description type, celle du Machaon :

Erupisset  Papilio, alis sese fecit conspicuum iis, quos diximus, coloribus prone et supine. Color niger luteus que ; in primis alis intensior est, in supinis remissior. Ale interne, que alias minores esse solent, in hoc animali proceriores sunt, intraque ; serrata serris eisdem coloribus distinctis, ex quibus fere media ceu cauda quedam dependet. Corpus totum pronum atrum est, ad latera, et supinem luteum : eitque pro alarum longitudine admodum exile. Oculi magni nigerrimi. Nigerrime item antenne, que in extremo obtuse sunt, tote subtilissime. In alarum internarum extremis lateribus macula rubra sive rosea conspicitur, rotunda internem semicircularis externem. In summa elegans est Papilio. Conspicitur passim per agros et hortos.

 

Traduction très approximative : Ce Papillon qui surgit  se fait lui-même remarquer, nous l'avons dit, par les couleurs des faces supérieures et inférieures de ses ailes. Ses  couleurs noir et jaune, sont plus intenses aux ailes antérieures et moindres sur les postérieures. Les ailes internes, qui sont d'habitude plus petites, sont chez cet animal plus grandes; scies dentelées de mêmes couleurs, dont près de la moitié dépend comme la queue. Tout le corps est sombre sur la face dorsale et sur les cotés, et jaune en face ventrale : ... De grands yeux noirs. Les antenne noires également, extrêmement éffilés à leur extrémité. . Au bord des faces intérieures des ailes se voient des taches rouges ou roses arrondies en interne et semi-circulaires en externe. En somme, c'est un papillon élégant. On observe ici et là dans les champs et les jardins.

Aldrovandi décrit surtout les couleurs, et plus rarement les formes; Il présente le papillon pronem et supinem, de dessus et de dessous, précisant les couleurs des ailes, du corps, des yeux, des antennes et des pattes. Il conclue par une appréciation globale ("en somme, c'est un papillon élégant") avant de préciser le milieu où vole l'espèce, ici les champs et les jardins. Nous avons déjà ici une description moderne, objective, précise, systématique, qui est articulée avec l'illustration qu'elle commente. En comparaison, voici la phrase spécifique rédigée par Linné en 1758 pour son papilio machaon : alis caudatis concoloribus flavis ; fasciis fuscis ; angulo ani fulvo. "Ailes unies jaunes : bandes fauves ; angle anal fauve". Aldrovandi soutient honorablement la comparaison.

 

— Identifications :

-Fig.1 : Saturnia pyri, femelle (Bodenheimer p.257)

.

-Fig. 2 : Daphnis nerii "Sphinx du Laurier-Rose" (Bodenheimer, p.257) : cohérent avec la dénomination Papilio viridis ("papillon vert") d'Aldrovandi.

.

-Fig. 3 : Acherontia atropos "Sphinx tête de mort" (Bodenheimer, p.257)

Aldrovandi a obtenu ce spécimen en élevant sa chenille. :

Tertium ex eruca nasci observavi sub finem Augusti anno superiori, eaque caudata, & immensae magnitudinis, suo postmodum loco depingenda. Folliculum non texit, sed in Aureliam mutata Papilionem hunc generavit decem fere dierum intervallo, corpore crasso eiusdem cum alis coloris, nimirum ex luteo, & fusco variantis. In tergore notabilis macula est candicans, humanum quodammodo cranium anterius exprimens. Caput totum nigricat, pedesque & antennae, quae latiusculae sunt. Ale interne tote fere lutescunt

"J'ai observé le troisième qui est né d'une chenille à la fin aooût de l'année dernière. La chenille avait une corne et était immensément grande. Je donnerai son illustration plus tard ailleurs. Elle ne fila pas de cocon, mais se changea en chrysalide qui se transforma en Papillon en l'intervalle de dix jours , au corps épais, aux ailes couleur bien-sûr jaune et de nuances de brun. [...] La tête est toute noirâtre de même que les pattes et les antennes qui sont larges. Les ailes postérieures sont presque toutes jaunes".

Dans ma recherche de l'origine des noms, je remarque surtout la phrase  In tergore notabilis macula est candicans, humanum quodammodo cranium anterius exprimens : "Sur le dos est inscrite une marque blanche, qui a la forme d'un crâne vu de face de quelque humain". On peux dire qu'Aldrovandi est à l'origine indirecte du nom de Sphinx "tête de mort".

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- Fig. 4 = Grand Paon-de-nuit mâle (Saturnia pyri). 

Postremum in hoc ordine depictum prona, & supina parte anno 1592 mense vero Iulio, huiusque die vigesimasexta gigni adverti ex parua quadam Eruca, hirsuta, colore ex rubro, albo & nigro variante....

 

 

 

- Fig. 5 et 6 : le Machaon Papilio machaon L. identifié par James Petiver sous le nom de Royal William (Musei n° 328 page 35) puis par Linné.

— Noms donnés par Aldrovandi :

 La Planche 1 est décrite page 236, sans mentionner de noms propres. On trouve en marge pour la figure n°2 Papilio viridis. 

Sur une aquarelle préparatoire, Papilio machaon porte le "nom" ou la mention Papilio luteis "Papillon jaune"( illustration in Bodenheimer Planche X)

                     

 

                       Aldrovandi-papillons-p.237-copie-1.png

 

Planche 2 page 238.

= 6 figures, 4 espèces de grande taille. 1 hétérocère (ventral et dorsal), 3 rhopalocères.

— Identifications :

-Figure 1 et 2 : Noctua sp.

-Figure 3 : Le Flambé Iphiclides podalirius.

-Figure 5 : Le Morio Nymphalis antiopa. ?

-Figure 6 : Le Tircis Pararge aegeria. ?

— Noms donnés par Aldrovandi :

-  fig. 3 page 239 :  papilio leucomelanos "Papillon blanc et noir" 

-  fig. 6 page 239 :  papilio polyophtalmos.  "Papillon aux nombreux yeux".

-Fig. 2 : Papilio quadruplici colore (?) (P.G.) 

-Fig.3 : papilio leucomelanos ex albo nigra cum appendicibus in alaram extremitatibus longissimis.(P.G)

-Fig.4 : papilio niger cum quatuor oculis nigris, et in medio coeruleis.(P.G)

-Fig. 6 : Papilio polyophtalmos (P.G)

 

                     Aldrovandi papillons p.238

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Planche aquarellée originale, l'espèce n°5 (Nymphalis antiopa):

Aldrovandi-aquarella-Nymphalis-antiopa.png

 

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Planche 3 page 240.

Dix figures = 8 espèces de taille moyenne. 

— Identifications :

-Fig. 2 et 3 : Vanessa cardui ?

-Figure 4 : Vanessa atalanta. Reconnu par Linné qui le donne en référence en 1746 sous le nom de Ammiralis et en 1758 sous le nom de Papilio atalanta.

— Indications et Noms donnés par Aldrovandi :

 - fig. 2 et 3 : vue ventrale et dorsale

-fig. 6 Papiliones habentes promuscides. "Papillon ayant une trompe".

-Fig. 8 et 9 : même espèce "toute jaune" en vue dorsale puis ventrale

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                     Aldrovandi-papillons-p.240-copie-1.png

 

 

Planche 4 page 242.

 =  11 espèces de taille moyenne.

— Identifications :

-Fig.1 =Écaille chinée (Euplagia quadripunctaria).

— Indications et Noms donnés par Aldrovandi :

La planche est décrite dans la seconde moitié de la page 241.

-La figure 1 est comparée à la lettre delta.

-Figure 2 et 3 : même espèce

-fig.4

-Page 241  fig. 10 :  Qui decimus est in hoc ordine propter insolentem vultum, quo Satyrum quam exacte aemulatur σατυρωϰδήσ [Satyroides] dici possit. Corpore toto est flavo, rubro distincto ; alvo bifurcata, alis nigricantibus, & velut stellis candidis elegantissime exornatur.

"Le dixième, parce que son aspect est arrogant (ou Bizarre, inaccoutumé ?), peut être dit littéralement σατυρωκδήσ  ["comme un Satyre"]. Son corps est entièrement jaune séparé de rouge, son ventre est bifide, ses ailes noirâtres, et aussi élégamment ornées d'étoiles jaunes." 

 

[Voir Ici, un Satyre représenté dans le livre d'Aldrovandi sur les Monstres :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b23006724/f17.item.hl.langFR    ]

 

 

 

                     Aldrovandi papillons p.242

 

 

Planche 5 page 243.

= 4  espèces de taille moyenne.

— Identifications :

 

 - 5 : Euplagia quadripunctaria ??

— Noms donnés par Aldrovandi :

- fig.1 et fig. 2 = vue dorsale et ventrale

- fig 3 et fig. 4 = vue dorsale et vue ventrale

- page 244 : fig. 5. λευχόχλωροσ (leucokloros) "Blanc et coloré" ou "Blanc et vert". Papilio λευχόχλωροσ ιεηγς, seu fasciis obliquis insignitus.  (P.G) 

- Page 244 : fig. 5 et 6 :  Papilio cruciger "papillon en forme de croix" Quintum papilionem crucigerumnominavi, quod externis alis complicatis, albis teniis quibus ornatus cernatur, crucem vel potius litteram X exprimat , quanquam id in icone pictor non expressit.

- fig. 7 et 8 : vue dorsale et vue ventrale

 

                              Aldrovandi papillons p.243

 

 

Planche 6 page 244

= 4 figures soit 2 espèces.

— Identifications :

Figure 1 et 2 : Lasiommata megera.  Linné y reconnaît son Papilio maera nommé Satyrus en 1746. (il donne par erreur la référence "page 244 fig. 12" au lieu de fig. 1-2, erreur déjà présente dans sonFauna suecica de 1746). 

Fig. 3 et 4 :

a) Aglais urticae. Linné y reconnaît en 1746 son espèce n° 775 en signalant néanmoins que la figure est mauvaise (mala). Mais il supprime cette référence en 1758. Si on compare cette figure avec celle du manuscrit original, on constate qu'initialement, l'aspect déchiqueté du bord anal des ailes postérieures n'était qu'ébauché, et a été outré dans la figure imprimée. De même, trois taches noires étaient dessinées à l'origine sur le bord interne des ailes antérieures.

b) Polygonia c-album. En 1758, Linné corrige son identification et donne en référence de son papilio c-album le texte et la figure 3-4 page 244. C'est en effet plus en rapport avec l'aspect déchiqueté des ailes, malgré l'exagération de la figure.

 

— Noms donnés par Aldrovandi :

- Fig. 1 et 2 : Page 245 : en marge : Papilio πολυοφταλμοσ (polyophtalmosalter. "Autre Polyophtalmos", ou "autre papillon aux nombreuses ocelles."

 Papilio πολυοφταλμοσ variegatus proné et supiné (P.G).

Papilionem qui in tabula sexta primo depingitur ordine polyophtalmos nuncupavi, quod in internis alis intus ac extra multis notaretur oculis, qui tamen licet duo tantum in externis exterius, et interius elegantiores sunt. In his enim iris est nigerrima, pupilla alba. Alae supiné ex luteo, et castaneo variant. Internae intus prope corpus primum ceruleae, dein fere amethestinae, in quo colore cernere  erat lineas duas transversales, flexuosas, castanei coloris.

  Traduction très sommaire "Celui qui est dépeint en premier dans la planche six est nommé le "Polyophtalmate" car on remarque à l'intérieur et à l'extérieur des ailes de nombreux yeux, qui cependant bien que les deux à l'intérieur et à l'extérieur, sont élégants. Car l'iris y est du noir le plus intense, et la pupille blanche. Les ailes en dessous, varient du jaunes  au chatain. Le bord interne près du corps est bleu presque violet  , dans lesquelles couleurs on peut voir deux lignes transversales sinueuses couleur marron.

 

- Fig. 3 et 4 : Papilio parte prona subluxeus nigris punctis respersus. / Papilio supina subniger et ad instarfluvii undulatus.(P.G)

Pour cete espèce (considérée comme Polygonia c-album), voila la description de la page 245 :

Sub quarum postrema color subsequitur luteus, deinde rursus amethesthinus, quem lineae percurrunt castaneo colore, atque intra has siti sunt quos dixi, oculi, subcaeruleus cingit circulus. Corpus animantis nigricat. Pedes & antennae lutei. Oculi nigri. Alter alas habet dentatas, rubicundas, ad ferrugineum accedentes, & maculis respersas nigris, in medio rotundis, ad latera oblongis, ac magnis. Alae supine nigricant, & albam fasciam habent, quae vel currentes aemulatur fluminis undas. Corpus supinum cinereum est, pronum nigricat.

Traduction très approximative : Pour ce dernier, couleur jaune-rougeâtre, devenant en arrière  couleur violette, traversé de  lignes de couleur châtain, un endroit sec, et, comme je l'ai dit que je ai dit, les yeux bleutés entourés d'un cercle. Le corps de l'animal est noir. Pieds et antennes jaunes. Des yeux noirs. L'autre aile est dentelée, vermeil, virant au rouge foncé et teinté avec des taches noires, dans le milieu une ronde, oblongue, sur les côtés, et d'une grande. Vu de dessous,  les ailes sont noirâtres avec une bande blanche, semblables à des flammes ou des ondes. Dessous du corps gris cendré, dessus noir.

 

Aldrovandi-papillons-p.244-Planche-6.png

 

 

Planche  7 page 246.

 

= 13 figures soit 10 espèces.

— Identifications :

- Fig. 2-3 : Linné reconnaît dans Fauna suecica son Phalaena bombyx dicta n°832, nommé Phalaena Bombyx mori en 1758 : le Bombyx du mûrier.

-Fig. 6 : identifié par Linné en 1746 comme son Papilio hyemalis n° 796 dans la Fauna suecica  puis en 1758 comme le Papilio crataegi n° 57: Aporia crataegi, "Le Gazé". Linné épingle la figure 6 d'une mention mala (mauvaise) qu'il ne reprend pas en 1758.

-Fig. 7 : Nymphalis polychloros "La Grande Tortue" :  Papilio polychloros pour Linné, qui l'identifie et cite le nom donné par Aldrovandi  dans sa Fauna suecica de 1746 n° 773 , ainsi que dans sonSystema naturae de 1758, ce qui explique le nom attribué par Linné.

- Fig. 8-9 = Grand Nacré (Argynnis aglaja). Identifié par Petiver sous le nom de Greater Silver-spotted Fritillary Musei 1696  n° 320 page 35 , puis par Linné en 1746 sous le nom de Rex et  en 1758 sous le nom de papilio aglaia.

Fig.12 = Pour Linné, les figures 11-12 correspondent à Phalaena Bombyces caja, Écaille martre Arctia caja.

 Un papillon de forme triangulaire, ailes supérieures brunes sillonnées de blanc, ailes inférieures ocres avec des points noir bleuté 

- Fig. 13 identifié par Linné en 1746 comme son Coridon Fauna suecica n°786 qui devint en 1758 sonPapilio jurtina,n° 104 : Maniola jurtina, le Myrtil. 

 

— Indications et Noms donnés par Aldrovandi page 245 :

- fig. 1 :Quorum primus corpore toto niger est, annulos vero habet luteos. Ale omnes candidant, et venis distinguuntur nigricantibus.

-fig. 2 et 3 : Bombyliis sunt, ex erucis Bombycivomis orri, vulgo noti, undique candidissimi, exceptis antennis, que nigre sunt et hirsute. Invicem coeunt, mas est tenuiori corpore, secundo scilicet loco pictu. Inter utrumque : ova appinximus exigua, coloris fere crocei. Alas habent breves, et ad volandum velut ineptas. Horum post privatim trademus historiam.

- fig. 4. Quartus in hac serie totus quoque candidat per alas ETC...

 -fig.6  : Sextus totus est candidus corpore scilicet, ac alis, que venas habent nigras, nigros item pedes, & antennas.  le sixième a le corps d'un blanc pur, de même que les ailes, qui a des veines noires. Noires aussi sont les pattes, et les antennes.

-fig. 7 Polychloros dici queat propter colorum diversitatem."De plusieurs couleurs" (stricto sensu "de plusieurs verts").

-fig. 8 et 9 : vue dorsale et ventrale.

fig. 11 et 12 : vue dorsale et ventrale

 

                           Aldrovandi papillons p.246

 

 

Planche  8 page 247

 = 14 figures soit 14 espèces.

— Identifications :

 

— Noms donnés par Aldrovandi :

 

                          Aldrovandi-papillons-p.247-copie-1.png

 

Planche 9 page 249.

      24 illustrations = 24 espèces.

— Identifications :

Fig. 11- 12 reconnue par Linné comme sa Phalaena ursus (Fauna suecica n°820). 

fig. 22 = zygaena sp. Petiver y reconnait (Musei n° 330 page 36) le "Greenish Leopard with 5 scarlet spot" de Thomas Moffet 

— Noms donnés par Aldrovandi :Pages 248 et 250 

-  fig.3 : papilio πολυχλοροσ  polychloros minimus. "De plusieurs couleurs, plus petit"

-  fig. 13 : papilio lucernarius("papillon Porteur de lampe")

 -  fig. 21. papilio argenteus ("papillon argenté").

- fig. 22 : description : Vigesimus secundus toto corpore aterrimo, alas habet nigra colore ruberimi distinctas ; pedes et antennas longiusculos, nigros. "Le 22 a tout le corps très noir, les ailes noires avec des marques rouges distincets, les pattes et les longues antennes, noires."

 

 

                               Aldrovandi papillons p.249

 

 

Planche 10 page 251.

 10 figures = 9 espèces.

— Identifications :

 

— Noms donnés par Aldrovandi Page 250:

 

fig. 11 papilio triticiarius  ("du froment") = ?? Euxoa tricici 

Figure 1 et 2 : Papilio obstreperus cauda lara et pilosa, supinus et pronus (P.G) [obstreperus : "bruyant, qui fait un bruit importun"]

Figure 3 : papilio minor subalbus (P.G)

 

                       Aldrovandi papillons p.251

 

 

 

 

 

Planche 11 page 252.

: 10 espèces.

— Identifications :

 

 

— Noms donnés par Aldrovandi :

        Aldrovandi-papillons-p.252-planche-11.png

 

 

 

Autres noms cités plus loin.

Hepialos, employé par Aristote, Pyraustae page 259, et  Pyrallis.

Les chenilles.

Page 266 Planche 1 = 9 espèces.

Page 268 Planche 2 = 12 espèces. Linné reconnaît son Sphinx vinula

Page 269 Planche 3 = 19 espèces.

Page 271 Planche 4 = 4 espèces.

Page 272 Planche 5 = 9 espèces.

Page 274 Planche 6 = 15 espèces

Page 278 Planche 7 = 6 espèces.

Chapitre VI De bombyce.

Page 280 Planche 1 = 8 espèces.

Page 281 Planche 2.

page 282 Planche 3 = 15 espèces  

Cum eam aliquo tempore domi aluissem, telam non texuit, aut folliculum, sed in Chrysalidem immutata Papilionem peperit atro luteum, eum quem in prima Papilionum tabula tertium, exhibuimus. Page 267

"Après l'avoir nourri [la chenille  figure 1 Planche 1 page 266] pendant un certain temps chez moi, elle n'a pas formé une toile ou un cocon, mais se transforma plutôt en une chrysalide  qui donna naissance à un papillon jaune et noirâtre, précisément le premier de la Planche 3.

 

Discussion.

      Nous sommes ici devant la première description jamais rédigée dans l'Histoire, d'une collection d'insectes, et, pour ce chapitre 1 du Livre II, d'une collection de papillons. Comme le signale l'auteur, certainement avec étonnement, Quanquam plurima sint Papilionum genera, nulla tamen a veteribus descripta reperias : "Bien qu'il existe de nombreuses sortes de papillons, on ne retrouve aucune description donnée par les Anciens".

 Explorant depuis trois ans l'histoire des noms de papillons, j'aborde donc ce texte avec l'émotion d'un archéologue, et avec la conviction que des fouilles plus approfondies que ma visite d'amateur s'imposent. Notamment, la traduction du texte latin d'Aldrovandi semble un préalable indispensable.

  L'auteur de cette description est, avec Conrad Gessner, l'un des deux Géants précurseurs de l'Histoire naturelle de l' Europe de la Renaissance, et leurs noms seront, pour les entomologistes des siècles suivants, aussi réputés et aussi fondamentaux que ceux d'Aristote ou de Pline dans l'Antiquité. Mais la consultation exhumée de leurs écrits conserve-t-elle un intérêt ? L'article Wikipédia consacré à Aldrovandi comporte ces lignes : "Son œuvre apparaît aujourd'hui, en regard de nos critères, comme totalement désuète et sans intérêt. Georges Cuvier dira d'elle que c'est «une immense compilation sans goût ni génie» et que si on supprimait tous les passages inutiles, il n'en resterait qu'un dixième."

 Ma conviction, après cette brève consultation de son travail, est bien différente, et je constate la précision objective des descriptions entomologiques, et l'attention avec laquelle Linné les citera en référence de ses propres descriptions.

Dans une démarche analogue à la mienne, mais avec une toute autre compétence et un tout autre niveau, Delfino et Ceregato ont étudié les données publiées par Aldrovandi concernant les Reptiles. Il est intéressant de lire leur opinion et le résultat de leurs recherches :

" La présente contribution à la connaissance de l'iconographie herpétologique du 16e siècle est largement basée sur l'information disponible, en italien, dans ce livre. Parmi les nombreuses planches réalisées sous la direction de Ulisse Aldrovandi environ 50 dépeignent les amphibiens et les reptiles. Leur nombre et leur qualité permettent de considérer cette collection d'images  comme le premier atlas iconographique de l' herpétofaune  italienne et méditerranéenne et, sans aucun doute, la première collection d'images herpétologiques réalisées avec des critères relativement modernes. Amphibiens et reptiles apparaissent avec une certaine fréquence dans l'iconographie scientifique du 16e siècle, mais la qualité des images publiés par des auteurs comme Belon, De Bry, Gessner, Imperato, Mattioli ou Ramusio, est loin d'être aussi précise et agréable que les planches de Aldrovandi, planches qui sont remarquables en raison de la richesse et de l' exactitude des données et, surtout, par la présence de couleurs. Bien qu'une comparaison entre les images produites avec des techniques différentes est, évidemment, dangereuse, les gravures publiées par les auteurs contemporains (xylographies habituellement), ou publiés après quelques décennies par Jonston (1650-1653; gravures sur cuivre dans certains cas explicitement copiés à partir d' Aldrovandi), mais aussi ceux inspirés par les mêmes tableaux édités par Aldrovandi puis publié à titre posthume sous son nom, comme les serpents de la "Serpentum et Draconum Historiae" en 1639, sont fortement touchés par un simplification excessive. Sans même parler de l'absence de couleur, une telle simplification les rend non seulement moins agréable, mais  infidèles [nonnatural] et parfois inutiles pour préciser les caractères distinctifs d'une espèces. Les 47 planches herpétologiques contiennent au total 75 dessins dépeignant au moins 34 taxons (certains figurés selon deux points de vue); dans les 23 dessins concernant les amphibiens et les 52 concernant les reptiles il a été possible d'identifier, à différents niveaux de précision, 28 espèces  (5 amphibiens et 23 reptiles). Vingt et un de ces espèces appartiennent à l'herpétofaune italienne ; les sept autres sont en quelque sorte «exotiques». Dans ces planches contenant plusieurs spécimens, le principe de classification semble être la ressemblance morphologique (comme dans le cas des grenouilles, scinques et les serpents) ou, moins fréquemment, la présence d'anomalies. En fait, bien que dans la plupart des cas, les spécimens représentés ont une morphologie "normale", une attention particulière a été accordée, comme dans toute l'activité de Aldrovandi, aux spécimens «déviants». "

 

1) Les identifications.

Parmi les 118 gravures sur bois des 11 planches de ce chapitre, et 102 espèces,  11 espèces ont pu être identifiées avec précision par James Petiver (1695-1703) et par Linné (1746 et 1758). Je suggère 6 autres identifications, et ce nombre pourrait sans-doute être augmenté par une évaluation proprement entomologique actuelle. En 1602 dans la première description d'une faune régionale de lépidoptères, 17 papillons sont donc reconnaissables, dont  11 rhopalocères. En voici la liste :

Rhopalocères : Papilio machaon ; Iphiclides podalirius ; Nymphalis antiopa ; Pararge aegeria ; Vanessa atalanta ; Lasiommata megera ; Aglais urticae ; Polygonia c-album ; Aporia crataegi ; Nymphalis polychloros ; Argynnis aglaia.

Hétérocères : Saturnia pyri ; Euplagia quadripunctaria ; Phalaena Bombyx mori ; Arctia caja ; Hyphoraia aulica ; Zygaena sp.

Bien-entendu, ces noms sont seulement suggérés à titre indicatif.

2) L'onomastique.

Là encore, l'émotion est grande, puisque jusqu'alors, aucun nom d'espèce n'avait jamais été créé pour désigner un papillon. Ces insectes étaient nommés par Aristote par les termes grecs psyché ("âme, souffle") ou hepalios (pour les espèces qui s'agitent fébrilement devant une flamme), et les noms vernaculaires dérivaient sauf exception du nom latin papiliones. Les papillons de nuit relevaient du nom grec  φ α ́ λ α ι ν α phalaena.

Ce qui n'est pas nommé n'existe pas, et il est ne nous est pas possible de concevoir le monde d'avant les noms. Pas possible d'imaginer qu'un beau papillon noir et rouge vienne se poser, sans pouvoir penser in petto "Tiens, un Vulcain!". Le silence des espaces innominés m'effraient. La Terre et ses habitants au stade de l'infans m'est à peu près aussi inaccessible que la période de ma vie pendant laquelle je n'avais pas acquis la parole. Mais, en 1602, le monde des naturalistes va encore balbutier sans prononcer de vrais Noms Propres pendant encore un siècle et demi. Comme les satellites captant les émissions sonores d'un proto-univers, la lecture d'Aldrovandi nous permet d'assister à la naissance d'un langage archaïque, prémisse de notre Nomenclature Zoologique. 

La récolte est d'une pauvreté attendrissante : treize noms grecs ou latins, dont certains se répètent. Cinq désignent les couleurs des ailes, deux désignent le motif des ailes (à croix ou à ocelles), un signale l'existence d'une trompe, et l'un mentionne une plante nourricière, et un seul, Satyroide, crée une métaphore reliant l'aspect général d'une espèce avec un personnage mythologique. Ce sont , dans leur ordre d'apparition sur scène, :

  • papilio viridis "papillon vert".
  • leucomelanos "le blanc et noir"
  • polyophtalmos "aux nombreux yeux"
  • Papiliones habentes promuscides  "papillon ayant une trompe"
  • satyroide "comme Satyre"
  • leucokloros "blanc et vert"
  • cruciger "en forme de croix"
  • polyophtalmos  alter "autre aux nombreux yeux"
  • ploychloros "de plusieurs couleurs"
  • polychloros minimus "de plusieurs couleurs, mais en plus petit"
  • lucernarius "le porteur de lumière"
  • argenteus "argenté"
  • triticiarius "du froment".

  Parmi ces treize noms, l'Entomologie en conserve encore aujourd'hui directement un seul, créé par Linné : l'épithète spécifique polychloros qui sert à désigner la "Grande Tortue" Nymphalis polychloros.L'héritage est direct puisque Linné donne ce nom à cette espèce parce qu'il en a reconnu la description par Aldrovandi, qui est, en réalité, le véritable auteur du nom de cette espèce.

 

  Un autre nom a été modifié avant d'être repris comme un nom de genre actuel. Polyophtalmos a d'abord été repris par Denis et Schiffermüller en 1775 qui en nomment leur Famille N : Papiliones Polyophtalmi Aldrov. Vieläugichte Falter (Les Argus de Geoffroy) (Wiener Verzeichniss page 281). Mais ce nom sera modifié par Latreille en Polyommatus (même sens) pour désigner en 1804  un vaste genre, actuellement de taille réduite, le Genre Polyommatus de la famille des Lycaenidae. En 1827, Swainson créera la sous-famille des Polyommatinae.

Le nom Satyroide est, bien-sûr, à l'origine du nom Satyrus donné par Linné en 1746 à ce qui allait devenir son Papilio maera (1758) puis le Satyre de Geoffroy (1762). Latreille allait en faire un nom de genre en 1810, qui a donné le Genre Satyrus actuel, parmi les Nymphalidae. Il est peut-être à l'origine de tous les noms apparentés comme le Faunus de Linné, ou parmi nos noms vernaculaires, le Faune de Geoffroy, le Silène, la Bacchante, etc.

Le nom leucomelanos a été utilisé par James Petiver pour désigner en latin son Half-Mourner,Melanargia galathea. Notons que le nom Melanargia créé par Meigen en 1828 est l'inversion du nom leucomelanos dans lequel -argia remplace leuco- pour désigner la couleur blanche.

 

3) les illustrations.  

 Les illustrations jouent un rôle fondamental dans la démarche scientifique d'Aldrovandi car c'est par elles qu'il va réaliser un Théâtre de la Nature incluant non seulement une exposition des objets d'Histoire naturelle, mais aussi une mise en scène, c'est à dire une classification.(Aldrovandi avait réuni au total un ensemble de 10 000 peintures et gravures). La copie par peinture des insectes permet leur reproduction objective attentive au respect de la fidélité au modèle naturel, mais la disposition de ces dessins mis en couleur selon des planches permet une réflexion taxonomique, ici basée sur les critères morphologiques (présence d'ailes, de pattes) puis, au sein du groupe défini comme Papiliones, selon leurs tailles décroissantes. 

  La publication de ces planches permet aussi un partage des collections, au sein de l'Europe des savants, participant à la mise en place d'un Musée virtuel, lorsque d'autres auteurs auront enrichi les rayonnages des bibliothèques de leur propres planches. C'est bien la réunion des éléments de ce Musée virtuel européen qui permettra à Linné d'écrire son Systema Naturae. La réunion des illustrations au sein d'une bibliothèque va réaliser ce dont tout collectionneur peut rêver, posséder touts les spécimens existants de son champ d'investigation.

Ces illustrations sont accouplées avec le texte, qui suit scrupuleusement la Planche, et le numéro d'ordre des espèces dessinées. 

Ces gravures sur bois, malgré tout assez grossières comme l'impose la technique elle-même, ne sont pas les premières illustrations des espèces de papillons, ni les plus belles ou les plus réalistes, et ce n'est pas la qualité iconographique qui est précieuse, mais la démarche de collecte, de regroupement, de description et, si balbutiante soit-elle, de dénomination.

Ainsi, Vanessa atalanta et Aglais urtica peuvent déjà être identifiés sur le Jugement Dernier de Hans Memling (vers 1467), ou dans le Jardin des Délices de Jérôme Bosch (1503). Une Piéride du Chou et une Grande Tortue sont parfaitement peints sur les marges du Livre d'Heures d'Hastings(1470).  Pisanello  a peint entre 1435 et 1449 autour du "Portrait d’une princesse de la Maison d'Este"  des représentations identifiables d'un Flambé (à gauche) (Iphiclides podalirius) à gauche, d'un Vulcain (Vanessa atalanta) en vol et de profil à droite et d'un Souci (Colias crocea). À la gauche de "La Vierge au papillon" (musée du Vatican), Francisco di Gentile (xve siècle) peint également un Flambé. 

130px-Hastings_book_of_the_hours.jpg 130px-Pisanello_016.jpg

 Joris Hoenagel (Anvers, 1542-Vienne, 1600) donne de nombreux exemples de papillons peints avec la plus grande précision, comme ce Melanargia galathea :

220px-Hungarian_-_Mira_calligraphiae_mon

Ou bien celle de Vanessa cardui " Belle Dame" :

                            250px-Joris_Hoefnagel_-_Flower_still_lif

http://www.bio-creation.com/blog/papillons/migration_de_millions_de_papillons_belles_dames : 

belle-dame.jpg

 

13 septembre 1590 :

1280px-Studies_of_Flowers_and_Butterflies,_watercolor_painting_on_parchment_by_Joris_Hoefnagel,_Flanders,_1590,_HAA

https://secretgardening.wordpress.com/tag/joris-hoefnagel/ : 

butterflies-columbine-hoef.jpg?w=470&h=3

http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0565JorisHoefnagel.jpg

http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0566JorisHoefnagel.jpg

A 19 ans, son fils Jacob Hoefangel (1575-1630) s'est chargé de la gravure des peintures de son père et de leur publication dans  Archetypa studiaque Patris Georgii Hoefnagelii publié en 1592 à Francfort.

Dans Gloria crocodilus, une planche illustre la volonté d'une reproduction exacte de ce que l'œil voit, tel un objectif photographique.

320px-Jacob_Hoefnagel_-_Gloria_Crocodilu

Cette collection de 48 planches  comprend de façon non limitative, et parfois en plusieurs exemples les lépidoptères suivants (entre parenthèse si douteux) :

Rhopalocères :

  • Gonepteryx rhamni
  • Vanessa atalanta
  • Nymphalis polychloros
  • (Plebejus argus)
  • Papilio machaon
  • (Thecla betulae)
  • Aglais io
  • Polygonia c-album
  • Nymphalis antiopa
  • (Antocharis cardamines)
  • (Melitaea cinxia)
  • Lasiommata maera/megera
  • Iphiclides podalirius
  • Quercusia quercus
  • (Erynnis tages)
  • (Aphantopus hyperanthus)

Hétérocères :

  • Macroglossum stellatarum
  • Agrius convolvuli
  • (Zygaena filipendulae)
  • Acheronta atropos (larva)
  • Smerinthus ocellatus
  • Hyles Gallii (larva + nympha + imago)
  • Phalaena 
  • Saturnia pavonia.
  • Arctia caja
  • Noctua pronuba
  • Euclidia glyphica

N.B : j'ai tenu compte des identifications indiquées (fin du XVIIIe ?) sur l'exemplaire conservé à Strasbourg.

En 1630, et donc cette fois-ci après la publication du De animalibus insectis d'Aldrovandi, Jacob Hoefnagel a publié son Diversae Insectarum Volatium icones, l'une des toutes premières œuvres uniquement consacrée aux insectes, et qui comporte 302 insectes dont 72 Lépidoptères, qui viennent du centre et du nord de l'Allemagne.  

Dans le cas des peintures et gravures des Hoefnagel, une influence de leur œuvre sur les gravures publiées par Aldrovandi doit être discutée, d'autant que Cornelius Schwindt, peintre d'Aldrovandi, venait de Franfcfort, lieu d'édition des Archetypa

Mais pour le sujet qui m'occupe, l'histoire des noms, les superbes gravures et les somptueuses peintures des Hoefnagel n'étaient accompagnées d'aucun nom propre ; et, pour l'évaluation de l'aspect novateur du travail d'Aldrovandi, ces dessins n'étaient accompagnées d'aucune description entomologique, et d'aucun souci de systématisation.

 

 

      4) Les peintures originales.

Les plaques d'aquarelle de Ulisse Aldrovandi :  Les 18 volumes de tableaux de plantes, fleurs, fruits, animaux, commandées par Ulisse Aldrovandi dans la seconde moitié du XVIe siècle, sont peut-être la plus vaste galerie d'art de la fin de la Renaissance du monde naturel jamais créé. Composé de plus de 2900 peintures, cette collection était à même de fournir une vue précise du Théâtre de la nature que le naturaliste de Bologne avait soigneusement observé pendant plus de cinq décennies. Planche volume 007

Rhopalocères :

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 13:42

A la chasse aux papillons dans l'Europe médiévale. Une traduction d'un article de Vazrick Nazari (2014).

Une traduction de :

CHASING BUTTERFLIES IN MEDIEVAL EUROPE

VAZRICK NAZARI 3058-C KW Neatby Building, 960 Carling Avenue, Ottawa, ON K1A 0C6 Canada; email: nvazrick@yahoo.com

in Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, 223–231

En ligne sur : https://www.academia.edu/19623264/Chasing_Butterflies_in_Medieval_Europe

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.

Grâce à la numérisation à grande échelle de précieux manuscrits médiévaux enluminés  par les bibliothèques, les musées et autres institutions à travers le monde, une ressource en ligne nouvelle et inattendue  devient rapidement disponible à un public moins habituel : les entomologistes. Bien que la plupart d'entre eux soient de nature religieuse, les manuscrits enluminés produits pendant le Moyen Age (5e-15e siècle) sont richement illustrés avec des scènes de la vie quotidienne des gens ordinaires, des clercs, et de la royauté. Les marges de ces manuscrits sont souvent ornés par des illustrations décoratives élaborées,  connues aussi sous le nom de  comme "marginalia", incorporant une variété d'éléments naturels tels que les fleurs, les oiseaux et d'autres animaux, y compris les insectes. Des études antérieures sur les illustrations d'oiseaux (Yapp 1982), de libellules (Kern, 2005) et d' escargots (Hope 2013) dans les manuscrits médiévaux ont montré qu'outre d'utiles informations taxonomiques historiques, des enseignements peuvent être tirés de ces sources sur l'iconographie et le symbolisme des éléments vivants à l'époque médiévale. Dans cet article je discuterai  de quelques  moyens qui permettent de comprendre  les lépidoptères dans l'iconographie médiévale, et en particulier dans le contexte de la religion et de la guerre. La période prise en compte  pour les manuscrits sélectionnés dans cet article s'étend de 1280 à 1540, et la sélection contient des images provenant de la Belgique, l'Angleterre, la France, l' Italie, les Pays-Bas et l'Espagne actuels. Les manuscrits comprennent des livres d'heures, des bréviaires, pontificaux, ordinaux, décrétales, psautiers, oratoires, graduels, et autres ouvrages de dévotion. Les images de cet article sont tous soit dans le domaine public ou sont reproduits ici avec sa permission.

 

 

 

MATÉRIELS ET MÉTHODES.

En utilisant diverses bases de données en ligne et les sites Web des institutions européennes et nord-américaines, j'ai mené des recherches sur les manuscrits médiévaux numérisés et  mise à la disposition des internautes par la courtoisie des universités, des collèges religieux, les bibliothèques municipales ou nationales, ou d'autres institutions. La qualité des images et les droits de propriété variaient mais toutes les institutions se montrèrent prêtes à fournir l'autorisation d'utiliser et d'obtenir des images de qualité supérieure à des fins de recherche sur demande. Beaucoup de ces institutions ont construit une base de données en ligne complète avec des descriptions d'éléments sur chaque folio (page) des manuscrits dans leur dépôt, ce qui facilite la recherche de mots-clés (par exemple «papillon») et permet de se concentrer uniquement sur les pages où ces images apparaissent. D'autres, cependant, ne disposent pas d'un tel système de catalogage et il faut alors  consulter  le manuscrit  page par page pour découvrir l'imagerie pertinente. Parmi les centaines de manuscrits interrogés, j'en ai trouvé environ 270 qui contenaient une ou des  images de  lépidoptères. Il ne fait aucun doute qu'une recherche plus rigoureuse donnerait plus de matériau. Dans beaucoup de ces manuscrits, les lépidoptères représentés sont très stylisés et il est souvent difficile même de dire si un papillon d'une image est celle d'un papillon diurne ou d'un papillon de nuit.  Parmi ceux que j'ai sélectionné, environ 30 manuscrits incluaient des  scènes où les lépidoptères étaient présentés dans une sorte d'interaction soit avec les humains, soit avec les singes, les putti (les êtres ailés nus et enfantins), des centaures, ou avec d'autres créatures fantastiques. Les lépidoptères dans ces scènes étaient soit poursuivis, soit visés , ou capturés dans un sens ou un autre. La diversité des méthodes décrites par des illustrateurs médiévaux pour capturer les papillons était vraiment surprenante, d'autant plus que la principale motivation de ces activités est restée largement inexpliquée. Je fournirai ici des  exemples d' images de ces méthodes  médiévales de collecte. 

 

RÉSULTATS

 


Bien que les papillons individuels soient communs dans les décorations marginales, ils apparaissent rarement comme éléments de fond dans d'autres scènes. Je n'ai trouvé qu'un  seul exemple dans un livre d' heures  belge (1) du début du 16e siècle, avec les paysans qui travaillent dans un domaine où plusieurs papillons voltigent (Fig. 1). Dans un livre d'heures français (2) (1430), un papillon semble avoir surpris un homme barbu portant une casquette (Fig. 2). Dans un autre livre d'heures anglais  (3) des années 1450, un homme barbu encapuchonné pointe du doigt un grand  Aglais urticae  mal dessiné (Fig. 3). Dans le "Bréviaire à l'usage de Besançon" (4) (avant 1498), un  putti est secoue un arbre où est perché un Aglais urticae  bien représenté (Fig. 4). Dans un Bréviaire de Bourgogne de la fin du 13e bréviaire siècle (5), deux femmes sont représentées à une sortie, dont l'une tient ce qui semble être un filet étonnamment moderne (photo de couverture). Bien que cela puisse être interprété comme un filet de pêche, son véritable objectif reste incertain puisque le texte d'accompagnement  est sans rapport avec cette scène  et qu'il n'y a pas de papillon ou de poisson illustré dans la page.

 

 

 



 

 

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 Une bonne proportion des images que j'ai réunies dépeignent des  personnes  cherchant, chassant ou ayant capturé  de papillons à mains nues. Le plus ancien d'entre eux se trouve dans le Bréviaire de Belleville (6) (1323-1326, Pays-Bas), où un singe tient dans sa main un  Aglais urticae bien dessinée (Fig. 5). (7) Dans le Pontifical de Guillaume Durand (France, 1390), un garçon nu tente d'attraper un papillon blanc (Fig. 6). Des scènes semblables avec les humains, putti ou d'autres figures célestes apparaissent dans les notes marginales de plusieurs livres d'heures ou ordinales produits en France (8,9) dans les années 1430, 1460, en Italie (10) (1475), et en Espagne  (11) (1482, avec un  Saturnia pyri) ( fig. 7-10). Sur le frontispice d'une reproduction de "La Divine Comédie" de Dante produit en Italie (12) dans les années 1430,  un homme nu est représenté tentant d'atteindre un papillon diurne ou nocturne noir sur un arbre (Fig. 11). Niché dans une large bande marginale, le Golf Book (13) (Pays-Bas, 1540) et le Bréviaire d'Aliénor du Portugal (14) (Belgique, 1510, non représentés), montrent tous les deux  des scènes où des figures humaines mal discernables chassent des papillons à mains nues et aussi avec des chapeaux ou des "clubs de golf" (fig. 12). Dans un Livre d'heures français (18) de 1495 à 1503, un homme nu est représenté essayant d'attraper un papillon avec un objet dans sa main qui pourrait être soit un grand chapeau gris ou un rocher (Fig. 13). J'ai également trouvé deux exemples, dans des manuscrits provenant de France, d'hommes représentés en train de viser des lépidoptères avec des clubs de golf . L'un d'eux est un Bréviaire datant d'après 1481,( 16) (Fig. 14), et l'autre est le fameux "Roman d'Alexandre" (15) (1338-1344) (fig. 15). Dans un manuscrit italien (17) du milieu du 15ème siècle, un putto chevauchant un paon vise de sa lance un papillon très stylisée (Fig. 16).

 


 

 

 Dans les Décrétales  de Grégoire IX (19) (13ème siècle), un homme attaque un papillon avec une grande épée dans sa main droite et un petit bouclier dans la main gauche (fig. 17). 

 

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Une image similaire apparaît également dans le "Roman d'Alexandre" 15 (Fig. 18). Mais d' autres armes sont plus communément représentées  contre des papillons dans la période médiévale, ce sont les arcs et des flèches. Des humains (20), des Centaures (7, et 21), des  putti (22), et des singes (7, et 23)  ont été peints avec des arcs et des flèches en train de viser des papillons et des singes, en utilisant différents types de pointes de flèches (fig. 19-24). Dans le  Psautier de la Vierge Marie, (32) (1310-1320), les garçons sont vus jouant avec des papillons attachés à des fils (Fig. 25). Plusieurs manuscrits comprennent des scènes avec des personnes, des putti ou des singes tentant d'attraper des papillons avec des filets allongés (alias Gugels). La plus ancienne de ces images vient d'un livre d'Heures de Belgique  du 14e siècle (24) (Fig. 26). Dans le Roman d'Alexandre (15), les marges de deux pages distinctes sont consacrées à la représentation de scènes élaborées où plusieurs hommes  (Fig. 27) et femmes (Fig. 28) chassent les papillons avec des filets ou à mains nues, et quelques-uns qui tiennent leur filet renversé vers le sol, en ont capturé à l'évidence un.  Dans "La Roman de la Rose" (25) (France, 1390), deux jeunes filles sont représentés dans un jardin, une assise tenant quelque chose dans ses mains, tandis que l'autre est debout, la main  gauche tendue vers le haut, la main droite tenant un filet  derrière elle, cherchant à frapper un papillon qui vole au-dessus de la tête (Fig. 29). Des scènes semblables apparaissent également dans un  Bréviaire français (26) (1350-1374) ainsi que dans le Livre d'Heures  de Charlotte de Savoie (27) (1420 à 1425) (fig. 30, 31). Les filets sont également décrits comme des outils de collecte utilisés par  des singes (15) ou par des putti (28)  (fig. 32, 33). J'ai également constaté deux cas d'hommes nus représentés en train d'essayer d'attraper un papillon avec un article différent, un grand  vêtement blanc, peut-être une cape ou un manteau (29, et 30) (fig. 34, 35). Dans Omne Bonum (31) (1360-1375), les enfants sont représentés jouant avec des jouets et chassant les papillons, avec une pièce de  vêtement  non identifié (Fig. 36).

 

DISCUSSION.

 

 

 

Les lépidoptères sont des éléments très communs dans le symbolisme des sociétés du monde entier. Pour ce qui concerne le cadre limité de l'art occidental, Gagliardi (1976) a décrit 74 contextes  symboliques différents dans lesquelles les papillons peuvent apparaître. Parmi ceux-ci, les plus importants se rapportent à la métamorphose de lépidoptères, un phénomène fascinant qui a captivé l'imagination humaine depuis l'aube des temps. Dans l'antiquité romaine et grecque, le papillon diurne (psyché) était un symbole de l'âme, et de l'immortalité transcendante de la vie  après la mort  ([Blatchford] 1889). Dans l'ancienne histoire de Psyché et de Cupidon (ou Eros  en grec), mieux racontée par l'écrivain romain Apulée (2e siècle de notre ère), Psyché est une femme dont la beauté terrestre menace Vénus, la déesse de l'amour. Venus envoie Cupidon se venger, mais Cupidon tombe amoureux d' elle. Venus bannit  Psyché dans les Enfers mais elle revient victorieusement à la vie, et elle acquiert l'immortalité de la part de  Jupiter pour qu'elle puisse épouser Cupidon en toute égalité de statut. Par conséquent, elle symbolise non seulement l'image de l'âme immortelle, mais l'angoisse puis le triomphe de l'âme. Les Grecs et les Romains ont vu les papillons diurnes comme la personnification du cycle de la mort et de la résurrection  de Psyché. Dans les monuments gréco-romains présentant Cupidon et Psyché s'embrassant, ou occupés à diverses activités amoureuses ou de divertissement, Cupidon est toujours représenté avec des ailes semblables à celles des oiseaux, tandis que Psyché a  des ailes  fragiles, souvent très stylisées comme celles des papillons. Dans les sceaux romains du 1er siècle, Cupidon est parfois représenté brûlant un papillon avec une torche enflammée, un symbole de l'angoisse de l'âme dans l'amour (Platt 2007).

Dans l'art grec datant d'aussi loin que le 3e siècle avant notre ère, Eros est souvent représenté comme un enfant plutôt qu'un adolescent (Stuveras 1969). Beaucoup de scènes des les manuscrits que j'ai étudié  comportent des putti, les petits enfants ailés, tirant ou  capturant autrement les papillons. Ces putti peuvent être légitimement interprété comme une représentation de Cupidon chassant celle qu'il aime, Psyché. L'abondance de ces scènes d'une histoire essentiellement païenne dans les manuscrits religieux chrétiens de l'Europe médiévale  est plutôt intéressant et démontre la continuité  de la représentation symbolique de papillons durant le Moyen-Âge et au-delà.

Les papillons nocturnes  sont mentionnés à plusieurs reprises dans la Bible, à chaque fois  dans un contexte négatif  comme des parasites de marchandises  ou des vêtements stockées (par exemple, Job 13:28; Psaume 39:11; Esaïe 51: 8; Osée 5:12; Matthieu 6:19; Jean 5 2). Bien que certaines des images présentées ici peut être interprété comme la représentation de gens mécontents chassant les mites des vêtements, l'attitude négative envers les lépidoptères semble avoir progressivement changé au fil du temps, en particulier lors de l'introduction de la soie en Europe au début du 12e siècle. En fait, semblable à l'abeille, le «ver à soie" (Bombyx mori) a été reconnu comme un insecte utile et illustré en détail dans les manuscrits ayant trait à la production de soie (Morge, 1973).

 

L'entomologie en tant que science, toutefois, était rudimentaire dans l'Europe médiévale, et les travaux biologiques du philosophe grec Aristote, écrites dans le 3e siècle avant JC, était la seule source de connaissance zoologique durant tout le Moyen-Âge. Aristote a soutenu que les vers trouvaient leur origine dans les bois ou de la viande en décomposition, les chenilles dans les choux, et les mites dans les vêtements. Des observations biologiques précoces au cours du 13e siècle, – tels que les travaux de Thomas Cantiprantanus (Liber de Natura Rerum, 1233-1248), Albertus Magnus (De animalium, 1255-1270) ou Bartholomeus Anglicus (De proprietatibus rerum, milieu du 13e siècle) – ne sont pas dégagés de l'ancien dogme aristotélicien. Ils contenaient des affirmations dramatiquement incorrectes sur les insectes, et  certains traitaient les papillons des "vers volants" ou de "petits oiseaux" (Morge 1973). La théorie désormais obsolète d'Aristote de la génération spontanée (des êtres vivants émergeant de la matière inanimée) était en fait encore  enseignée  en Europe au milieu du XVIIe siècle (Kern 2005).

 L'activité de recherche  et l'intérêt scientifique limités envers les papillons pendant le Moyen Age ne peuvent pas expliquer adéquatement l'abondance de ces scènes dans les manuscrits médiévaux. Les lépidoptères font de  rares apparitions dans les œuvres chrétiennes antérieures au 14siècle, comme des tapisseries ou peintures, mais sont généralement absents des manuscrits. L'un des plus anciens manuscrits enluminés, le "Livre de Kells" écossais des années 800 de notre ère  (Trinity College, Dublin, MS 58, non représenté), comprend deux petits papillons cachés dans la calligraphie gothique de la page Chi-Rho (Spangenberg 2010).

[J'ajoute cette illustration puisée sur le net]

https://www.oneonta.edu/faculty/farberas/arth/Images/109images/Insular/kells/chi_rho_moth.jpg

 

 

A partir de la fin du 13e siècle, les papillons commencent à apparaître plus fréquemment dans les marges de manuscrits européens. Certaines des scènes impliquant des papillons dans cette période peut être expliqué par le symbolisme religieux bien connu au Moyen-Âge (Panofsky 1955). Dans l'iconographie médiévale, les singes représentaient les péchés  (Walker Vadillo 2013), les escargots peuvent avoir représenté l'humilité (Hope 2013) ou la virginité (Ettlinger 1978), les mouches étaient des symboles de la mort, du mal ou de la brièveté de la vie sur la terre, et  les coccinelles les sept douleurs de la Vierge (Yanoviak 2013); les scarabées représentaient les pécheurs, les abeilles ont été associés à la virginité (Berenbaum, 1995) ou à l'organisation et à la hiérarchie (Payne 1990) ; les  poux ou les puces à la peste et aux maladies,  et les criquets à la famine (Morge, 1973). 

Les papillons ont maintenu leur statut de  représentation iconique de l'âme. Il a été avancé que la combinaison des mouches (symbole de la mort), des libellules (symbole de vol et d'ascension) et des papillons (symbole de la résurrection) dans les marges médiévales est une représentation du Christ (Hassig 1995). La majorité de ces livres précieux ont été commandées par la noblesse, ont pris plusieurs années pour être achevé, et ont souvent impliqué plusieurs artistes. Ils ont été des biens fort  prisés  non seulement en raison de leur contenu religieux, mais aussi an tant que magnifiques œuvres d'art. Il est donc intéressant de noter certaines des préoccupations majeures de la noblesse à l'époque médiévale: la chasse et la guerre. Dans  le "Bird Psalter" anglais (1280-1290), on voit un archer visant une bécasse, mais aussi un  papillon blanc du genre des Pieris (Fig. 20). Les scènes de chasse aux oiseaux et autres animaux abondent dans les marges des manuscrits médiévaux, car c'était une activité courante chez les nobles et la royauté. Cependant, les armes sont plus souvent présentées dans le contexte de la guerre plutôt que la chasse, ce qui reflète le contexte violent de l'époquePeu de régions d'Europe ou d'Asie restèrent à l'abri des invasions, des rébellions ou des guerres civiles au cours du 13e et 14e siècle, ce qui entraîne un changement progressif de la manière dont les  armées ont été organisées et  dont les batailles furent menées. Par exemple, en 1337, juste avant le déclenchement de la guerre avec la France, Edouard III d'Angleterre interdit tous les sports sauf le tir à l'arc sous peine de mort (Mortimer, 2012). Sur chaque place du village, les jeunes hommes sont devenus experts dans l'utilisation des "arcs longs" (longbows) , et les normes de tir à l'arc se sont accrues. Il est donc pas exagéré de penser que pour ces guerriers médiévaux (ainsi que les chasseurs) qui aspirent à améliorer leurs compétences en tir à l'arc ou l'escrime, la visée de petits objets en mouvement de façon erratique dans l'air constitue l'objectif ultime, et que  cela peut avoir été une part routinière de la formation de combat au Moyen-Âge. Cette pratique était probablement banale et a persisté, même à l'époque moderne: Laubin & Laubin (1980) mentionnent que les jeunes Indiens d'Amérique modernes s'entraînent à  la visée en tirant des flèches sur les papillons. Que ce soit un symbole religieux ou une représentation de la beauté éphémère de la nature, les papillons diurnes et nocturnes semblent avoir été un objet important de  curiosité et de  contemplation pour les esprits médiévaux. Beaucoup de ces papillons ont été dessinés à partir de modèles réels, qui étaient peut-être capturés par l'illustrateur ou ses collaborateurs d'une façon ou une autre; et on peut supposer que cette activité elle-même a pu trouvé en quelque sorte  sa place dans les marges de certains de ces livres enluminés. L'utilisation prolifique des insectes dans les marges du manuscrit médiéval peut également avoir joué un rôle dans le développement de l'intérêt pour des observations empiriques et changer les attitudes envers la nature, et  former la base sur laquelle les premiers naturalistes scientifiques – comme Thomas Muffet et Maria Sybilla Merian – ont débuté  leur travail dans les siècles suivants.

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ILLUSTRATIONS.

cf.

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.224

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.224

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.225

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, p.225

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 226

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 226

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 227.

Vazrick Nazari,  Journal of the Lepidopterists’ Society 68(4), 2014, page 227.

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MANUSCRITS EXAMINÉS.

1 Livre d'Heures. 1525-1530, Belgique (Bruges). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.1175. Reproduit ici avec permission écrite.

Livre d'Heures. 1430, France (Rennes). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0173. Reproduit ici avec permission écrite.

Livre d'Heures 1440-1450, England (London?). © Pierpont Morgan Library, New York; MS G.09. Reproduit ici avec permission écrite

4 Bréviaire à l'usage de Besançon. avant 1498, Ouest de la France (Normandie). Cliché IRHT-CNRS © Bibliothèque municipale de Besançon; ms. 69. Reproduit ici avec permission écrite

5 Breviaire (Part I, pour l'usage de Saint-Bénigne, Dijon; diocèse de Langres). Fin 13ème siècle , France (Bourgogne). - The Walters Art Museum, Baltimore; MS W.109. Creative Commons License;Reproduit ici avec permission écrite

6 Bréviaire de Belleville. 1323-1326, Nederland (Gand); Attribué à Jean Pucelle. Enlumineur. Bibliothèque Nationale, Paris; Ms. lat. 10484 (2 volumes). Dans le domaine public. .

7 Pontifical de Guillaume Durand. 1390, France. © Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris; MS. 143. Creative Commons License; Reproduit ici avec permission écrite.

8 Heures à l'usage de Bayeux. 1430-1440, Ouest de la France (Normandie). © Médiathèque du Bassin d’Aurillac, ms. 2. Reproduit ici avec permission écrite.

9 Heures à l'usage de Rouen. 1460-1470, France (Rouen). © Aixen-Provence, Bibliothèque municipale, MS 0022. Reproduit ici avec permission écrite.

10 Bréviaire de Piccolomini . 1475, Italie (Lombardie). ©Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0799. Reproduit ici avec permission écrite.

11  Ordinal de l'Eglise catholique. 1482, Espagne. © Houghton Library, Harvard University, Cambridge, Massachusetts; MS Typ 236. Reproduit ici avec permission écrite.

12 La Divine Comédie de Dante. 1430-1435, Italy. © Bibliothèque Nationale, Paris; Ms. Italien 74. Reproduit ici avec permission écrite.

13 Livre d'heures à l'usage de  Rome (the 'Golf Book'). 1540, Netherlands. The British Library Board, Additional MS 24098.  Dans le domaine public.

 

14 Breviaire d'Eléonore du Portugal. 1500-1510, Belgique (Bruges). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0052. Reproduit ici avec permission écrite.

15 Roman d'Alexandre. 1338-1344, France (Flamand). Attribué à divers auteurs y compris Lambert le Tort, Alexandre de Bernai (de Paris), Jehan de Grise et autres . Bodleian Library Oxford, England; MS Bodl. 264, pt. I. Dans le domaine public.

 

16 Bréviaire à l'usage de Langres. After 1481, Est de la France (Bourgogne ?). © Chaumont, Bibliothèque municipales; MS 0033. Reproduit ici avec permission écrite.

17 Livre d'Heures à l'usage des Dominicains. 1458-1465, Italie. © Houghton Library, Harvard University, Cambridge, Massachusetts; MS Typ 463. Reproduit ici avec permission écrite.

18 Livre d'Heures. 1495-1503, France (Rouen). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0261. Reproduit ici avec permission écrite.

19 Decretals de Gregorire IX avec glossa ordinaria (the 'Smithfield Decretals'). Dernier quart du 13ème siècle ou 1er quart du 14ème siècle, Sud de la France (Toulouse?). The British Library; Royal MS. 10 E IV. Dans le domaine public..

20 The Bird Psalter. 1280-90, Angleterre. © Fitzwilliam Museum, University of Cambridge, Cambridge England; MS 2-1954. Reproduit ici avec permission écrite.

21 Ormes by Psalter. Milieu 14ème siècle , England (East-Anglia ?). © Bodelian Library, Oxford, England; MS Douce 366. Reproduit ici avec permission écrite.

22 Partitiones oratoriae; Topica, etc. 1425-1430, Italie (Florence). The Beinecke Library, Yale University, New Haven, Connecticut; Marston MS 278.  Dans le domaine public.

 
23 Estoire del Saint Graal, La Queste del Saint Graal, Morte Artu. 1315-1325, France. The British Library Board; Royal MS 14 E III. Dans le domaine public.

24 Horae etc. 13ème siècle , Belgique (Flandres). Trinity Colledge Cambridge, England; MS B.11.22. In public domain; Reproduit ici avec permission écrite.

25 Le roman de la rose. 1390, France. Attribué à  Guillaume de Lorris et Jean de Meung. © Bodleian Library, Oxford, England; MS. e Mus. 65. Reproduit ici avec permission écrite.

26 Breviaire. 1350-1374, France (Paris). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0075. Reproduit ici avec permission écrite.

27 Livre d'Heures de Charlotte de Savoie. 1420-1425, France (Paris). Pierpont Morgan Library, New York; MS M.1004. Reproduit ici avec permission écrite.

28 Livre d'Heures. 1418, France (Paris). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0919. Reproduit ici avec permission écrite.

29 Psautier-Heures de Yolande de Soissons. dernier quart du 13e siècle, France (Amiens). © Pierpont Morgan Library, New York; MS M.0729.Reproduit ici avec permission écrite..

30 Gradual. 1350-1400, Italie. © Houghton Library, Harvard University, Cambridge, Massachusetts; MS Typ 079. Reproduit ici avec permission écrite..

31 Omne Bonum (Ebrietas-Humanus). James Le Palmer. 1360-1375, S.E. England (London). The British Library Board, Royal MS 6 E VII. In public domain.

32 The Queen Mary Psalter, 1310-1320, England. The British Library; Royal 2B VII. Dans le domaine public.

 

 

BIBLIOGRAPHIE.

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[BLATCHFORD, C.H.], 1889. The Butterfly in Ancient Literature and Art. pp. 1257-1263. In Scudder, S.H., 1888-1889, The Butterflies of the Eastern United States and Georgia, with Special Reference to New England. 3 Vols., Author, Cambridge, Massachusetts, 1958 pp.

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FIN de l'article de Vazrick Nazari


 

 

 

 J'ai exploré pour ma part le site Mandragore de la Bnf, qui m'a sélectionné (Classement thématique/Zoologie/ autre insecte/ papillon) 767 légendes soit 681 images numérisées. Je n'ai pas ouvert les 681 liens, mais les 200 premières données concernent le fond Français, les données suivantes le fond latin, dans lequel les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (Latin 9474) et les Petites Heures de Jean de Berry (Latin 18014) se taillent une part royale. La quasi-totalité de ces papillons des manuscrits occupent les marges, et sont classées sous les rubriques "encadrement", "décor marginal" et plus rarement "lettrines". Ce sont des papillons idéalisés ou stylisés, sans rapport avec des espèces réelles, figurés parmi des fleurs qui sont, elles le plus souvent identifiables.

Quelques exceptions : des papillons en plein texte.

Les exceptions à cette situation marginale se comptent sur les doigts des mains, mais elles stimulent la curiosité : quel phénomène a pu être assez puissant pour inciter les artistes à arracher les lépidoptères de leur monde des bordures, où ils cotoient les singes et les petits lapins, les fleurs des champs et  les rinceaux, pour mériter de figurer dans l'espace sacré du texte principal ?

La première raison est fort logique : dans trois ou quatre enluminures illustrant la Création du Monde lors de la Genèse, les papillons figurent avec les oiseaux, les reptiles et les mammifères autour du Dieu créateur.

 C'est le cas dans le Fr. 160 ou dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay au XVe siècle (Français 308). On trouve encore d'autres exemples ponctuels, comme le Français 185 (une Vie des saints du 2ème quart du XIVe siècle de Jeanne et Richard de Montbaston ), où un papillon stylisé sur un arbre répond à un chardonneret sur un autre arbre pour illustrer  "S. Paul le simple quittant le monde" dans le folio 177v et "Abba jean et paesius" dans le folio 271. Le papillon et l'oiseau y représentent la Nature, par métonymie.

J'ai ensuite interrogé la base de données  Enluminure regroupant les manuscrits de Bibliothèques Municipales françaises. Là encore, je fus comblé, mais de même, parmi les 400 réponses (ce qui ne veut pas dire 400 manuscrits ou 400 images de papillons) d'Aix-en-Provence à Verdun,  je voyais se succéder des lépidoptères d'ornement, non identifiables, mais qui animaient souvent des drôleries, ou que des manants tentaient d'attraper. Après plusieurs heures passées à cliquer sur les images pour les copier, je me suis arrêté bien avant d'avoir atteint Paris, vers Clermont-Ferrand (Missel à l'usage de Clermont), à la 102ème image. 

 

Je propose quelques ILLUSTRATIONS SUPPLÉMENTAIRES.

— Bnf Latin 5827 f.2

.

— Bnf français 995 (1401-1500), Contient : 1° La Danse macabre. ; 2° Des trois Morts et des trois Vis. ; 3° La Danse macabre des femmes.  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9059983v/f8.image

On trouve des papillons dans les folios suivants : folio 7v (ill.), 18, 21, 24, 28, 31, 33, 34v (ill.). 36v (ill.), 38.

Folio 7v

 

.

Bnf français 995 Folio 34v

.

Bnf français 995 folio 36v

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08449716&E=130&I=178170&M=imageseule

 

 

 

 

— Français 11, folio 32v  Encadrement : papillons gris sur oeillets et bleuets. Histoire de la guerre des juifs contre les romains / par Flavius Josèphe, 1878 . - Flavii Josephi quae reperiri potuerunt opera omnia graece et latine, 1726 . - Les oeuvres de Flave Joseph... trad. de grec en françois par Antoine de La Faye, 1597 

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100015&E=6&I=15488&M=imageseule

 — Français 12, fol. 165, Encadrement

— Français 13, fol. 308, Encadrement

— Français 13  a) fol. 240,   encadrement

— Français 19, fol. 55v, Encadrement

— Français 41, fol. 198, Encadrement

jean mansel, fleur des histoires 3è-4è quart 15e siècle.

— Français 59, Raoule lefèvre, histoire de Troyes, Bruges, vers 1470

 fol. A, Encadrement. Aglais urticae http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100062&E=2&I=18409&M=imageseule

Français 59, fol. 1, Encadrement

Français 59, fol. 25v, Encadrement

 

— Français 126, fol. 123, Encadrement au centre marge de pied Aglais urticae ??

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100166&E=8&I=22220&M=imageseule

— Français 130, fol. 88, Encadrement marge de gouttière 

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100118&E=6&I=22455&M=imageseule

— Français 132, Boccace, De casibus (trad. Laurent de Premierfait) Bruges 1470-1480, fol. 1, Marge de gouttière. 

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08101008&E=1&I=22487&M=imageseule

— Français 139, fol. 4, Encadrement Français 143, fol. 1, Marge de gouttière.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08002176&E=1&I=23359&M=imageseule

— Français 143 Evrard de Conty, Échecs amoureux Cognac 1496-1498 fol.1.  Marge de gouttière, papillon bleu à ocelles parmi oeillets, 

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08002176&E=1&I=23359&M=imageseule

— Bnf Français 156 Guiard des Moulins, Bible historiale, 1300-1350, fol. 36v, marge de pied

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100228&E=38&I=24306&M=imageseule

 

 

Bnf Français 156 Guiard des Moulins, Bible historiale, 1300-1350, fol. 36v.

Bnf Français 156 Guiard des Moulins, Bible historiale, 1300-1350, fol. 36v.


— Français 161, fol. 1, Encadrement 

Français 170, fol. 1, Encadrement Français 172, fol. 5, Encadrement

Français 185, fol. 177v, Saint Paul le Simple quittant le monde. Papillon dans l'enluminure du texte.

Français 185, fol. 271, Abba Jean et Paesius. Papillon dans l'enluminure du texte

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100139&E=150&I=25824&M=imageseule

 

— Français 189, ramon llull, llibre de meravelles (trad) Bruges vers 1470-1480,  fol. 45v, marge médiane inter-colonne, papillon bleu et brun à ocelles (Lycaenidae)

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08101011&E=3&I=26108&M=imageseule

— Français 192, fol. 1, Marge de gouttière.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08101013&E=1&I=26151&M=imageseule

— Français 192, fol. 175V, 177v, 226v Encadrement

— Français 225, fol. 1v,  55v. Marge

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=6000778&E=14&I=26405&M=imageseule

— Français 246, fol. 1, 158v, Encadrement ,

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08449715&E=25&I=28094&M=imageseule

— Français 257, fol. 114v, marge de pied, ailes étalées.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08100375&E=44&I=28499&M=imageseule

— Français 263, fol. 198, Encadrement , 356,

— Français 282, fol. 1, Encadrement

— Français 308, fol. 26, Création : animaux : papillon en plein texte.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=10525869&E=57&I=29506&M=imageseule

— Français 328, fol. 46, Encadrement

— Français 331, fol. 2, Encadrement

— Latin 18, fol. Av, Armes de Louis-Antoine de Noailles

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=06000540&E=8&I=54135&M=imageseule

— Français 331, fol. 20,Marge de gouttière,

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=08011364&E=1&I=31189&M=imageseule

— Français 331, fol. 106v, Marge de gouttière ; 168v ;

— Français 334 fol.168v

— Français 358 fol.31v 148v

— Français 359 fol.1

— Français 360 fol.1

— Français 361 fol.1

— Français 362 fol.1

— Français 379 fol.3 Vierge chantée par Jacques le Lieur : ver à soie.

— Français 404 fol. 1 genèse, création

— Français 571 fol.6, genèse création. Fol. 66v Société : les travailleurs.

— Français 632 fol. 23

— Français 708 fol.19v

— Français 712 fol. 71

Et caetera.

 

— Français 12322, fol. 143v, Flore : rosier Pavona Paon de nuit livre des simples médecines 1520-1530, France ouest

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— Français 161, fol. 1, Encadrement 

Français 170, fol. 1, Encadrement Français 172, fol. 5, Encadrement

Français 185, fol. 177v, Saint Paul le Simple quittant le monde. Papillon dans l'enluminure du texte.

Français 185, fol. 271, Abba Jean et Paesius. Papillon dans l'enluminure du texte

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=8100139&E=150&I=25824&M=imageseule

 

— Français 189, fol. 45v, Encadrement

— Français 192, fol. 1, Encadrement

— Français 192, fol. 1, Encadrement

— Français 192, fol. 175V, 177v, 226v Encadrement

— Français 225, fol. 1v, Encadrement , 55v

— Français 246, fol. 1, Encadrement , 158v,

— Français 257, fol. 114v, Encadrement

— Français 263, fol. 198, Encadrement , 356,

— Français 282, fol. 1, Encadrement

— Français 308, fol. 26, Création : animaux : papillon en plein texte.

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=10525869&E=57&I=29506&M=imageseule

— Français 328, fol. 46, Encadrement

— Français 331, fol. 2, Encadrement

— Latin 18, fol. Av, Armes de Louis-Antoine de Noailles

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Mandragore&O=06000540&E=8&I=54135&M=imageseule

— Français 331, fol. 20, Encadrement

— Français 331, fol. 106v, Encadrement

— Français 12322, fol. 143v, Flore : rosier Pavona Paon de nuit livre des simples médecines 1520-1530, France ouest

Et caetera.

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
25 janvier 2016 1 25 /01 /janvier /2016 10:17

Étude d'une phrase de Marcel Proust, extraite de "Du coté de chez Swann. Combray" ; (ou de "L'église de village" Le Figaro, 1912).

Voir aussi :

.

Marcel Proust, une écriture impressionniste ? Ou illusionniste ?

  On connaît la longueur et la structure complexe des phrases de Proust. Je me propose d'en étudier une, pour montrer comment elle est construite sur un motif central autour duquel des adjectifs sont ajoutés comme des touches de pinceau . Voici la phrase, extraite dans  La Recherche, Combray. J'aurai d'ailleurs pu la lire aussi dans un article paru dans Le Figaro du 3 septembre 1912 sous le titre L'église de village  où seul manque  la précision "voisine de Balbec" après le mot "Normandie". 

 

 "Je n'oublierai jamais, dans une curieuse cité de Normandie, voisine de Balbec, deux charmants hôtels dix-huitième siècle, qui me sont à beaucoup d'égards chers et vénérables, et entre lesquels, quand on regarde du beau jardin qui descend des perrons vers la rivière, la flèche gothique d'une église, qu'ils cachent, s'élance, ayant l'air de terminer, de surmonter leurs façades, mais d'une manière si différente, si précieuse, si annelée, si rose, si vernie, qu'on voit bien qu'elle n'en fait pas plus partie que de beaux galets unis, entre lesquels est prise sur la plage, la flèche purpurine et crénelée de quelque coquillage fuselé en tourelle et glacé d'émail. "

 

La phrase comporte, si mon calcul est juste, 117 mots. Elle occupe 13 lignes de l'édition dans laquelle je la lis, le recueil Chroniques, L'Imaginaire, Gallimard, juillet 2015, page 131.

François Richaudeau considère qu'une phrase de La Recherche est longue si elle dépasse 10 lignes (de l'édition Pléiade), soit approximativement près de 100 mots. Il dénombre une phrase longue pour 46 phrases courantes. La moyenne des phrases a 43 mots. L'une des phrases les plus longues (Combray, page 7) possèderait  491 mots (ou 518 ?), mais je trouve signalée une phrase record dans Sodome et Gomorrhe I avec 856 mots. Richaudeau explique ensuite que si l'empan de mémoire immédiate d'un lecteur déjà évolué est de 15 mots, ce chiffre peut augmenter de 40% chez des lecteurs entraînés, et qu'il est amélioré par la présence de mots à évocations visuelles, "et fréquemment aussi, lorsqu'il s'agit de thèmes abstraits, ceux-ci sont éclairés par des métaphores de nature généralement visuelle". Au contraire, les structures de phrase auto-enchassées (entre tirets ou entre virgules) se mémorisent plus difficilement. Or, la moitié des phrases proustiennes comprennent des enchâssements ; et en ce qui concerne les phrases très longues, chaque phrase, en moyenne, comprend un enchâssement.

Au total, il est ainsi démontré que cette phrase est si longue qu'il est impossible de se souvenir du début lorsqu'on parvient à la fin. Et, par ses enchâssements, qu'il est impossible d'en comprendre le sens global. Certes, la lecture qu'on en fait  spontanément est très agréable, quoique hachée par les césures répétées des virgules. Un paysage coloré, kaléidoscopique,  se déroule et nous charme.  Mais avons-nous perçu ce que l'auteur voulait dire ? Son propos nous a échappé, mais cela nous est secondaire. On peut aimer une chanson dans une langue étrangère sans en comprendre les paroles. 

J'isole le squelette de la phrase en l'amputant de ces enchâssements et des adjectifs :

 

   "Je n'oublierai jamais deux  hôtels entre lesquels la flèche  d'une église  s'élance, ayant l'air de terminer leurs façades, mais d'une manière si différente qu'on voit bien qu'elle n'en fait pas plus partie que de  galets, entre lesquels est prise  la flèche de quelque coquillage."

Le clocher d'une église s'élevant entre deux immeubles est comparé à un coquillage pris entre deux galets. C'est tout. 

L'image est amusante, parce que la métaphore crée une rupture entre son premier terme, le paysage urbain, et le second terme, un détail d'une plage.  Nous sommes surpris par le changement d'échelle et par le passage de l'architecture au milieu naturel. Proust excelle dans ces métaphores qui sont de vrais points de vue originaux, qu'il nous fait voir. Imaginons un peintre qui représenterait le clocher entre deux immeubles sous la forme d'un coquillage ...

 

Une flèche de la cathédrale de Quimper derrière la façade du palais épiscopal, photo lavieb-aile.

Une flèche de la cathédrale de Quimper derrière la façade du palais épiscopal, photo lavieb-aile.

Mais c'est aussi la description d'un moment de confusion, de perte de sens de la lecture de l'image : un instant, le narrateur, perdant le sens de la profondeur de champ, a vu sur le même plan et comme un seul objet les deux façades prolongées par une tour élevée. 

Ou bien il a vu comme un seul objet (je vous laisse imaginer lequel) les deux galets entre lesquels se dressait le coquillage.

Cette fusion de deux éléments que notre raison identifie comme distincts pointe la défaillance brève, mais toujours troublante, de l'intellect. Ces égarements de la raison sont  le genre d'expérience que Proust adore nous amener à retrouver dans notre mémoire.

 

.

Proust est comme un peintre. Il trace à la pierre noire sur le papier l'esquisse de cette vision (deux hôtels, un clocher) et de l'image qu'elle a suscitée (deux galets, un coquillage). Puis, pour jouer avec nous, il en masque le motif derrière une arborescence de traits qui nous distraient. En même temps qu'il nous décrit une expérience de perte de repères visuels, il brise nos marques. Nous sommes des promeneurs qui nous égarons dans la ville. Il ajoute des portions de phrases qui se greffent comme des nouveaux rameaux sur les branches principales de son propos : 

"Je n'oublierai jamais, 

dans une cité de Normandie, 

voisine de Balbec,

  deux  hôtels

qui me sont  chers 

 et entre lesquels

quand on regarde du  jardin 

 la flèche  d'une église,

qu'ils cachent,

  s'élance, ayant l'air de terminer,

de surmonter

 leurs façades, mais d'une manière si différente, 

si précieuse

qu'on voit bien qu'elle n'en fait pas plus partie que de  galets , entre lesquels est prise

sur la plage,

 la flèche de quelque coquillage. "

.

L'artiste a mis en place la structure complète, mais à la pierre noire ou à l'encre. Puis il prend son pinceau pour accumuler de petites touches colorées qui vont animer, mais aussi dissimuler le réseau de traits : ce sont les adjectifs (en rouge). Il ajoute aussi des rameaux adjacents (en bleu).

.
 

"Je n'oublierai jamais, 

dans une curieuse cité de Normandie, voisine de Balbec,

deux charmants  hôtels dix-huitième siècle,

qui me sont à beaucoup d'égards chers et vénérables

 et entre lesquels,

quand on regarde du beau jardin 

 qui descend des perrons vers la rivière,

 la flèche  gothique d'une église

qu'ils cachent,

s'élance, ayant l'air de terminer,

de surmonter

 leurs façades, mais d'une manière si différente 

si précieuse, si annelée, si rose, si vernie

qu'on voit bien qu'elle n'en fait pas plus partie que de beaux galets unis , entre lesquels est prise

sur la plage,

 la flèche

purpurine et crénelée

 de quelque coquillage

 fuselé en tourelle

et glacé d'émail . "

 

.

Maintenant que la couleur est mise, nous distinguons deux parties dans ce tableau, ayant chacune leur teinte dominante : 

— La première partie rassemble des adjectifs propres à un guide touristique :   curieuse / charmants /  dix-huitième siècle / chers et vénérables /  beau /   gothique . Ils sont assez neutres ou abstraits, dignes, et on les entendrait volontiers prononcés par un vieux monsieur érudit en architecture. Dans l'œuvre de Proust, ils évoquent —par exemple — sa traduction de la Bible d'Amiens de Ruskin.

— La seconde partie débute après le mot "différent". On y trouve  précieuse /annelée / rose / vernie, / beaux / unis / purpurine /  crénelée /  fuselé en tourelle  glacé d'émail  Le changement de palette est radical car ces adjectifs évoquent des expériences visuelles ou sensorielles.

Les adjectifs de couleur, rose et purpurine, sont proches l'un de l'autre. Le premier, rose,  est l'un des plus fréquents de La Recherche, et il évoque aussitôt Gilberte, Odette, Albertine,  l'épine rose, les effets du soleil, etc... C'est, en général dans notre vocabulaire, et en particulier chez Proust, une couleur sensuelle. Le second adjectif (purpurine) est beaucoup plus rare puisqu'il n'est employé dans La Recherche que dans cette phrase"Pourpre" n'est employé que 15 fois, dans des contextes souvent solennels. Remarquons que la Pourpre de Tyr est, dans l'antiquité, la couleur extraite d'un coquillage, le Murex brandaris. Par les lois somptuaires, elle est insigne de haute dignité.

D'autres renseignement significatifs sont tirés de l'étude des noms ou adjectifs de couleur du paragraphe consacré à l'église Saint-Hilaire , de Combray. On s'attendrait à une dominance de teintes de pierres (jaune, or, brun, gris, ) et ma récolte est la suivante (selon le fil de la lecture) : fuchsias, violettes fuchsias, rougeâtre, violet, noir, doré, bleu, brun, violette, rougeâtre, noir. Sept termes sur douze tournent autour de la teinte violette : il y a deux fois fuchsia, trois fois violet et deux fois rougeâtre. 

– Les adjectifs  de forme sont encore d'ordre visuels : annelée ; crenélée ; fuselé en tourelle. Ils ne figurent (si on excepte la barbe annelée du roi Sargon) que dans cette phrase, et pour cause : ils décrivent visuellement le coquillage visé dans la métaphore. 

Le mot "tourelle" est intéressant, car parmi les trois autres emplois dans La Recherche, on trouve cette phrase : 

 

 

"Je ne vis plus de quelque temps Albertine, mais continuai, à défaut de Mme de Guermantes qui ne parlait plus à mon imagination, à voir d'autres fées et leurs demeures, aussi inséparables d'elles que du mollusque qui la fabriqua et s'en abrite la valve de nacre ou d'émail, ou la tourelle à créneaux de son coquillage. " 

Les autres adjectifs sont certes visuels, mais liés aussi au sens du toucher : vernie ; unis ; glacé d'émail. Ils s'opposent aux adjectifs "annelé" et "crénelé" ou au substantif "tourelle", qui  évoquent des sensations tactiles hétérogènes et désagréables. Au contraire, "verni", "uni" et "glacé" évoque la sensation douce d'une surface homogène et polie, lorsque le passage de la main se fait caresse. Si l'extérieur du coquillage est comme une tourelle annelée et crénelée, son intérieur – sa "valve de nacre ou d'émail" – est lisse et soyeuse. 

Le mot "émail" est associé au rose dans ce passage : "dans ses cheveux blonds les petites boules de corail ou d'émail rose, givrées de diamant," . Mais "émail" revient encore dans le passage suivant qui concerne Albertine:

 

 

  "...quelquefois ses joues étaient si lisses que le regard glissait comme sur celui d'une miniature sur leur émail rose, que faisait encore paraître plus délicat, plus intérieur, le couvercle entr'ouvert et superposé de ses cheveux noirs ; il arrivait que le teint de ses joues atteignît le rose violacé du cyclamen, et parfois même quand elle était congestionnée ou fiévreuse, et donnant alors l'idée d'une complexion maladive qui rabaissait mon désir à quelque chose de plus sensuel et faisait exprimer à son regard quelque chose de plus pervers et de plus malsain, la sombre pourpre de certaines roses, d'un rouge presque noir..."  

Nous voyons que ce nouveau registre tourne le dos à l'architecture urbaine et aborde un monde sensuel dans lequel le coquillage est une métaphore de l'intimité, de la  féminité ou de la sexualité.

Étudions les cinq occurrences du mot "coquillage". Deux nous sont déjà connues. La troisième évoque les joues de Madame de Guermantes ( un petit morceau rose de coquillage concassé). La quatrième renvoie à "Albertine de Balbec  (car, depuis son départ, elle l'était redevenue pour moi ; comme un coquillage auquel on ne fait plus attention quand on l'a toujours sur sa commode, une fois qu'on s'en est séparé pour le donner, ou l'ayant perdu, et qu'on pense à lui, ce qu'on ne faisait plus, elle me rappelait toute la beauté joyeuse des montagnes bleues de la mer)".

Je garde pour la fin l'occurrence capitale du mot "coquillage" : celle du fameux passage de la Petite Madeleine, car on ne doit pas oublier que la Madeleine est, d'abord, une coquille :

"Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. [...]La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. "

Camille Corot, La cathédrale de Chartres, 1830,  entré au Louvre dans la donation Moreau-Nélaton en 1906, mais qui fut exposé au musée des Arts décoratifs jusqu’en 1934.

 "Au lieu de photographies de la Cathédrale de Chartres, [ ...][ma Grand-Mère] se renseignait auprès de Swann si quelque grand peintre ne les avait pas représentés, et préférait me donner des photographies de la Cathédrale de Chartres par Corot, des Grandes Eaux de Saint-Cloud par Hubert Robert, du Vésuve par Turner, ce qui faisait un degré d’art de plus." I, 27 

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Où nous faisons le point.

Nous  avons vu comment Proust utilise la technique des "longues phrases", et la technique impressionniste des nombreuses touches colorées pour nous jouer un tour de passe-passe en métamorphosant l'image de clocher de son village en celle d'un coquillage érigé entre deux galets. Une teinte principale, le violet, est déclinée dans l'extrait étudié par les adjectifs rose et purpurin, et dans le paragraphe par ceux de rougeâtre et violet. Le rose, couleur du désir chez Proust, a viré au pourpre, à la fois pour se conformer à la métaphore du coquillage, et à la fois pour placer ce coquillage dans le champ du désir "grassement sensuel" et "plus pervers et plus malsain" de la sexualité. Les renvois internes aux autres apparitions du motif du coquillage dans La Recherche, selon une technique délibérément proustienne, sont nombreux et confirment mon interprétation.

Mais le passage étudié va encore plus loin, surtout si on le considère à l'intérieur de son paragraphe. Un aspect doit être encore souligné.

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 La perte du chemin.

Le thème de la perte du chemin , qui renvoie à celui de l'égarement du cœur et de l'esprit (pour reprendre le titre d'un roman libertin) ou plutôt de l'égarement des sens, est présent dans le paragraphe à son début, sous forme d'une anecdote amusante, et à la fin, sous celle d'une chute à visée morale. L'anecdote est celle par laquelle le père du narrateur conduit sa famille dans un tour de village qui les égare en ville, malgré le point de repère du clocher. Soudain, il sort sa clé de sa poche : ils sont devant chez eux !

Le thème de la perte de repères vient conclure le paragraphe :

 

"Et aujourd'hui encore si, dans une grande ville de province ou dans un quartier de Paris que je connais mal, un passant qui m'a « mis dans mon chemin » me montre au loin, comme un point de repère, tel beffroi d'hôpital, tel clocher de couvent levant la pointe de son bonnet ecclésiastique au coin d'une rue que je dois prendre, pour peu que ma mémoire puisse obscurément lui trouver quelque trait de ressemblance avec la figure chère et disparue, le passant, s'il se retourne pour s'assurer que je ne m'égare pas, peut, à son étonnement, m'apercevoir qui, oublieux de la promenade entreprise ou de la course obligée, reste là, devant le clocher, pendant des heures, immobile, essayant de me souvenir, sentant au fond de moi des terres reconquises sur l'oubli qui s'assèchent et se rebâtissent ; et sans doute alors, et plus anxieusement que tout à l'heure quand je lui demandais de me renseigner, je cherche encore mon chemin, je tourne une rue... mais... c'est dans mon cœur..."

 

  Le narrateur, qui a perdu sa route, mais qui retrouve inopinément l'image ou le souvenir du clocher de son village, fait une expérience de type "Petite Madeleine" pendant laquelle il se livre à un travail d'introspection : "pendant des heures, immobile, essayant de me souvenir". Ce n'est pas le surgissement d'une mémoire involontaire, mais un effort laborieux pour retrouver des souvenirs affectifs ("dans mon cœur"). Or, il est curieux de constater que dans le cas du clocher comme dans le cas du petit gâteau, Proust fait appel à la métaphore du coquillage avec ses connotations sexuelles. Le souvenir du clocher ne lui offre pas gracieusement l'accès à des émotions passées, mais au contraire, elle le confronte à un trouble et à un égarement : "plus anxieusement que tout à l'heure [...], je cherche encore mon chemin". Ce n'est pas à une certitude qu'il a accès, ou à une révélation, ou à un bolus de mémoire, mais au contraire à un flottement, une interruption de la connaissance, à  la confrontation à une image énigmatique. Comme Perceval face aux gouttes de sang dans la neige, dans le roman de Chrétien de Troyes, achoppe sur le signe insoluble du rouge sur blanc, le narrateur vient buter sur le chiffre d'un coquillage dressé entre deux galets, et sur l'insistance du pourpre, du rose et du rougeâtre à lui envoyer des signaux. 

 

SOURCES ET LIENS.

— RICHAUDEAU (François), 1980, "248 phrases de Proust" Communication et langages  Année 1980  Volume 45  Numéro 1  pp. 17-38



 

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Published by jean-yves cordier - dans Proust
24 janvier 2016 7 24 /01 /janvier /2016 23:36

L'Arbre de Jessé sculpté de l'ancienne église de Plouégat-Moysan (29) au Musée Départemental Breton de Quimper.

 évêché, sont 

 

En 1953, Victor Henry Debidour mentionnait : "Le Musée breton de Quimper conserve deux brochettes de rois, provenait d'un Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant." Deux "brochettes" ! C'était faire peu de cas des deux branches d'un arbre de Jessé en chandelier, en chêne sculpté,provenant de l'église de Plouégat-Moysant avant que celle-ci ne soit frappée par la foudre en 1886 et que la nef, le transept et le chevet plat ne soit édifiés entre 1874 et 1879.  Certes, l'ensemble d'origine a perdu le patriarche Jessé, du tronc duquel s'élevait ces deux fois six rois de Juda, selon la Généalogie de Jésus qui débute l'Evangile seoln saint Matthieu. Certes, il a également perdu la Vierge à l'Enfant vers lequel devait s'épanouir, comme une fleur virginal, ces fils royaux de Jessé. Mais il existe au moins deux très bonnes raisons de s'arréter encore aujourd'hui devant ce qu'il reste de l'Arbre de Plouégat-Moysant :

La première raison, c'est que le Musée Départemental les a placé dans deux vitrines séparées qui occupent des loges de l'antique escalier de la Tour de Rohan. Celle-ci est la partie la  plus anciennne du palais épiscopal édifié pour l'évêque Bertrand de Rosmadec au voisinage immédiat de la cathédrale de Quimper. Autrement dit, les neuf ou dix rois de Juda de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant ont obtenu une place de premier choix. Ils jouissent d'une mise en valeur par un éclairage judicieux, que peuvent leur envié les œuvres équivalentes encore en place dans les églises et chapelles.

Car la deuxième raison, c'est que ces fragments sont un témoin précieux d'un corpus de 21 Arbres de Jessé sculptés recensés en Bretagne en 1961 par le Dr  Le Thomas. Ils servent ainsi de document pour une iconographie comparative régionale de la diifusion du thème jesséen, lui-même étroitement lié au culte marial, dans l'opposition de la Vierge conçue sans péché à la Démone chtonienne. Louis Le Thomas,  médecin natif de Landerneau qui parcourait la Bretagne en motocyclette avec son matériel photographique, décrivait en 1961  34 Arbres de Jessé bretons, dont 13 verrières et 21 arbres sculptés ( 15 haut-reliefs, 2 niches à volets,  et des bas-reliefs).  

Voici la liste de ces 21 Arbres de Jessé sculptés :

  • Cléguerec, Chapelle de la Trinité, Morbihan. XVIIe 

  • Confort-Berhet, église N-D. de Confort, Côtes d'Armor, XVIe

  • Duault, Chapelle Saint-Jean de Landugen, Côtes d'Armor, XVIe

  • Guimaec, presbytère, Finistère, fragment

  • Loc-Envel, église Saint-Envel, Côtes d'Armor, XVIe

  • Locquirec, église Saint-Jacques, XVIIe

  • Ploerdut, Chapelle Notre-Dame à Crénénan, Morbihan, XVIe siècle

  • Plouegat-Moysan, presbytère, Côtes d'Armor, XVIe, fragment

  • Plounevezel, Chapelle Sainte-Catherine, Finistère, XVIe-XVIIe

  • Plourin-Morlaix, église Notre-Dame, Finistère, XVI

  • Plouzévédé, Chapelle Notre-Dame de Berven, Finistère, XVIe

  • Priziac, Chapelle Saint-Nicolas, Morbihan, XVIe

  • Saint-Aignan, église Saint-Aignan, Morbihan, XVIe

  • Saint-Thégonnec, église Notre-Dame et Saint-Thégonnec, Finistère, XVIe

  • Saint-Tugdual, Chapelle Saint-Guen (ou Saint-Guénaël), Morbihan, XVIe

  • Saint-Yvi, église Saint-Yvi, Finistère,

  • Trédrez, Chapelle de Locquémeau, Côtes d'Armor, XVIe

  • Tréverec, église Saint-Véran, Côtes d'Armor, XVIIe

  • Trinité-Porhoet, église de la Trinité, Morbihan, XVIe ?

  • Plouegat-Moysan, ancienne église, fragment au Musée départemental de Quimper.

  • Plouharnel, Chapelle Notre-Dame des Fleurs, bas-relief en albâtre, XVIe

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Tous sont fondés sur l'interprétation par l'Église d'une prophétie d'Isaïe  "Il sortira un rejeton de la tige de Jessé et un surgeon naîtra de sa racine. Et l'esprit du Seigneur se reposera en lui" Isaïe 11,1-2 . C'est cette prophètie que les artistes médiévaux vont combiner avec la généalogie de Jésus telle qu'elle apparaît dans les évangiles synoptiques (Matthieu 1,1 et Luc 3, 23-38)   pour représenter Jessé, le père du roi David donnant naissance à un arbre sur les branches duquel sont installés les douze rois de Juda avant de culminer dans le Christ. 

  Sur les verrières des cathédrales (celle de St Denis inaugura l'iconographie) ou des églises, sur leur portail, dans les Livres d'Heures, sur les hauts et bas-reliefs de pierre ou de bois, Jessé sera debout, assis ou couché et souvent assoupi comme s'il contemplait en songe sa descendance. Les prophète Isaïe et Jérémie (pour sa prophétie "En ce temps-là je susciterai dans la race de David un rejeton, héros de la justice", Jérémie 33, 15) l'accompagneront souvent, les douze rois, souvent en réduction, s'installeront sur les branches, conduisant soit au Christ, soit à la Vierge tenant l'Enfant. Des anges ou des colombes seront placés autour d'eux.

 

Parmi les Arbres bretons, trois thémes se dégagent selon Le Thomas :

  • Le thème christique, où le Christ trône au sommet de la ramure

  • Le thème marial (1), où c'est la Vierge qui culmine, tenant l'Enfant dans ses bras,

  • Le thème marial (2), où la Vierge à l'Enfant, debout, est au centre, encadrée par deux rameaux latéraux sur lesquels sont placés les deux groupes de six rois de Juda.

   En Bretagne, les arbres de Jessé en vitrail comportent en majorité Jessé assis ou plus rarement debout, alors que Jessé est couché dans l'ensemble des haut-reliefs. Parmi les quinze haut-reliefs, treize introduisent la figure d'une démone, cornue, à la poitrine dénudée, tenant une pomme, et allongée . Ce sont ceux de Cléguerec, Duault, Guimaëc, Loc-Envel, Locquirec, Ploerdut, Plounevezel, Plourin-Morlaix, St-Aignan, St-Thégonnec (niche), St-Tugdual, St-Yvi et Tredrez. La totalité de ces arbres bretons sont du XVIe siécle, hormis 5 arbres datant du XVIIe.

Voir dans ce blog :

 

Voir la liste des Arbres de Jessé de mon blog, avec les liens nécessaires, au début de l'article Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56). 

 

 

 

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La première branche de l'arbre en  chandelier comporte cinq rois. Ils sont barbus, les cheveux longs parfois bouclés sont coiffés d'une couronne à fleurons. Ils sont vêtus d'une tunique sur des jambes nues, et chaussés pour la plupart de bottes ou de bottines. Les bras ou avant-bras , lorsqu'ils sont intacts, tiennent un sceptre (conservé dans un seul cas), ou un objet (livre ?) ou font un geste de référence qui se rapportait jadis au personnage sommital (Christ ou Vierge). Aucun attribut ne permet de les identifier, et, notamment, le roi David n'est pas identifiable par sa harpe. 

 

 


 

 

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Les quatre rois du groupe suivants sont semblables, mais deux sceptres (et l'amorce d'un troisième) sont conservés.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

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Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

Rois de Juda, fragments de l'Arbre de Jessé de Plouégat-Moysant, XVIe siècle, photographie lavieb-aile.

SOURCES ET LIENS.

Louis Le Thomas, Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique, Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221, 1961.

Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, première partie, Bulletin de la société Archéologique du Finistère 165- 196, 1963.

 — Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, troisième partie, Bulletin de la société Archéologique du Finistère pp. 35-72, 1963.

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Published by jean-yves cordier - dans Arbre de Jessé
21 janvier 2016 4 21 /01 /janvier /2016 13:04

Liste de mes articles sur les papillons.

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I. Zoonymie :

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Zoonymie II : Histoire des Noms de Papillons :

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III Les illustrateurs de papillons : Hoefnagel, Aubriet, etc.

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IV. Les collectionneurs.

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V. Les papillons et la symbolique, l'art et la littérature.

VI. Divers

a) Rhopalocères et Zygènes.

L'Aurore de la Cardamine à Crozon

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A Crozon, les Soucis se conjuguent. Colias croceus in copula :

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Le Gazè Aporia crataegi (Linnaeus, 1758) à Crozon. 15 mai 2011

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Aporia crataegi in copula 25 mai 2011

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Les œufs et la chrysalide d'Aporia crataegi le Gazé. Crozon 1er juin 2014.

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Demi-deuil et Gazé à Crozon : le retour.

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L'Azuré du Thym Pseudophilotes baton (Bergsträsser, 1779) à Crozon.: entre Kerdreux et la plage de la Palue.

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L'Azuré du Genêt Plebejus idas (Linnaeus, 1761) à Crozon. au sud-est de Saint-Hernot. 22 juin 2014.

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L'azuré du trèfle Everes argiades à Crozon 24 septembre 2010

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Deux chenilles noires à Crozon : Mélitée du plantain et Damier de la Succise. 2 et 3 avril 2011 ; lieu Goulien, Crozon

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La Petite Tortue Aglais urticae et ses chenilles

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Le Damier de la succise et le petit collier argenté à Crozon. (Tromel), 2 juin 2013.

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Le mariage du Myrtil Maniola jurtina.: arrière-dune de la Palue à Crozon. 22 juin 2014.

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Promenade naturaliste à Crozon : Cordulie bronzée, Petite Nymphe à corps de feu, Poliste, Point-de-Hongrie, Grémil prostré, etc... 30 avril 2013

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Le Demi-deuil à Crozon. Melanargia galathea (Linnaeus, 1758) 3 juin 2011 :

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Nymphalis polychloros : le Grand Renard sur l'île Renard (Roscanvel) La Grande Tortue, 13 mars 2011.

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La chrysalide du Gazé Aporia crataegi (Linnaeus, 1758) . Crozon (Tromel), 2 juin 2013.

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Tromel à Crozon : Grande Tortue et compagnie. : 28 juin 2011

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Premier Tircis à Crozon, 22 mars 2011

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Dans les tourbières de Crozon, papillons et cicindèles. Crozon, tourbières de St-Hernot et tourbières de Tromel, zone retrodunaire de Kerziginou. 22 mai 2012. Le Damier de la succise Euphydrias eurinia (Rottembourg, 1775).Le Petit Collier argenté Boloria (Clossiana) selene ([Denis & Schiffermüller], 1775). L'Hespérie de la mauve Pyrgus malvae (Linnaeus, 1758). L'azuré commun ou Argus bleu Polyommatus icarus (Rottemburg, 1775) ; la Cicindèle champêtre Cicindela campestris Linnaeus, 1758.

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Où le damier va à dame. Euphydrias eurinia in copula

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mes papillons de juin : les rhopalo juin 2010 : Nemophora degeerella ; Demi-Deuil ;La Petite tortue, Aglais urticae, Le Tristan, Aphantopus hyperantus.Le Myrtil, Maniola jurtina. In copula. L'Amaryllis, Pyronia tithonius. Le Paon-du-jour, Inachis io.

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Papillons de printemps à Crozon. 6 avril 2011 La Grande Tortue. le Paon-du-Jour..Le Citron. La Petite tortue. Le Vulcain.Le Robert-le-diable. L'Aurore de la Cardamine.Le Piéride de la Rave. Le Piéride du Navet. La Thécla de la Ronce. Le Cuivré commun.L 'Azuré des Nerpruns. Le Tircis.

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Mes papillons de mai 2010 à Crozon

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Chrysalide de Pieride : Pieris brassicae ? Crozon, L'Aber, 3 avril 2012

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Coup de filet à Crozon : Cinq papillons sous les verts houx. 7 avril 2012. Lieu : étang de Kerloc'h, ancienne gare.

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Encore de nouveaux papillons à Crozon : La petite Violette, le Point-de-Hongrie, la Mégère 13 avril 2011

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Issoria lathonia et Aporia crataegi à Crozon : la Reine d'Espagne rend la monnaie du pape. 2 juin 2011, l'Aber.

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Bronzés à Crozon en octobre, c'est possible! Lycaena phlaeas cum Heodes tityrus.

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L' Hespérie de l'Alcée. 10 juillet 2011. Ancienne gare, Camaret

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Le Petit Sylvain Limenitis camilla à Crozon 5 juillet 2013

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Zygènes et Turquoise.

Les Zygènes et la Goutte-de-sang. 22 mai 2011

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Zygènes, chrysalides au Curnic (29) 17 mai 2010

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Noces chez les Zygènes de la filipendule : usurpation.

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Un cousin des Zygènes : la Turquoise. 28 mai 2010

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b) Hétérocères.

Zoonymie de l'Écaille martre Arctia caja. (Linnaeus, 1758). Lieu : Tal ar Groas, Crozon : 8 août 2012.

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Zoonymie du Sphinx du peuplier Laothoe populi. L'Aber, Crozon. 23 mai 2012.

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L' anneau du diable ! la chenille du Bombyx de la ronce Macrothylacia rubi. sablière de Bodonou (Plouzané) et dunes de Pen Had ( Crozon). 18 septembre 2011.

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Un nid de Bombyx cul-brun Euproctis à Camaret.

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Les chenilles du Bombyx porte-brosse. falaise de Camaret 6 avril 2011

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Mes papillons de nuit de juillet : dédié à Whistler. 5 juillet 2010 :

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Timandre aimée, la Timandra comae 7 septembre 2010 à l'Aber de Crozon

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La chenille de Depressaria daucella ([Denis & Schiffermuller], 1775). 20 mai 2014

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La chenille du Bombyx buveur Euthrix potatoria et celle du Bombyx du chêne. l'étang de Kerloc'h à Crozon le 17 avril 2011

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La chenille de la Noctuelle de la patience, Acronicta rumicis. Poraon, Crozon (29) date :21 septembre 2011

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Le Vert-Doré Diachrysia chrysitis L. Crozon 7 juin 2013

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La chenille du Petit paon de nuit à Camaret. 10 juillet 2011 Lande de Trésigneau,

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Les chenilles Processionnaires du Pin à Crozon 10 janvier 2016.

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 21:11

Zoonymie de la baleine à bec Ziphius cavirostris.

A tous les équipiers de ZIPHIUS, voilier de type Flot 18 n°80 immatriculé à Cherbourg depuis 1980 et naviguant, seulement quand le temps est beau, en Bretagne Sud.

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Récemment, je me trouvais en face de Monsieur l'Administrateur des Affaires Maritimes, chef  du Quartier Maritime d'Auray. Un homme charmant. Je lui demandais de renouveler des papiers pour mon (déjà) vieux petit voilier nommé Ziphius.

— Lui : Comment ça s'écrit ?

— Moi (habitué à cette question) : avec un Z : Zoulou India Papa Hôtel India Uniform Sierra.

— Bravo ! Voyons si je trouve cela dans mon fichier...

— Il ne doit pas y en avoir beaucoup...

— Ah, Ziphiusvoila. Détrompez vous, j'en trouve plus d'une quinzaine.

— Une quinzaine ! Rien qu'en France * ! 

* Un voilier anglais de 8 m. porte le n° MMSI  235059972 

Je fus troublé de constater que je n'avais pas été le seul au monde à puiser, pour baptiser mon embarcation, parmi les noms de cétacés. C'était dans les années 70, ...

—Ah, la mort de Cloclo ! 1978 !

— Oui, mais je n'étais pas abonné à Salut les Copains, et, esprit peu précoce, j'étais plutôt sous l'emprise du Monde du Silence de Jacques-Yves Cousteau (1956) puis de ses films documentaires sur les baleines et autres mammifères marins, quand je ne lisais pas La Longue Route de Bernard Moitessier ; et comment les dauphins avaient évité à  son Joshua un naufrage sur les récifs... Tenez, voilà une photo de mon Ziphius :

 

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ZIPHIUS, Flot 18 alu n°80. L. = 7,98m. Chantier Métalu à Saint-Brévin-les-Pins, architecte Sylvestre Langevin.

ZIPHIUS, Flot 18 alu n°80. L. = 7,98m. Chantier Métalu à Saint-Brévin-les-Pins, architecte Sylvestre Langevin.

 

 

 

Décidé à donner à mon bateau un nom de dauphin, je consultais un Guide des cétacés et dauphins des côtes Atlantiques : Delphinus ? Trop commun. Steno ? A l'époque, cela évoquait immédiatement les sténo-dactylo. Ziphius ? C'est mignon, on pense à Zéphir, et la taille moyenne des Ziphiidae ou "baleines à bec" tourne autour de huit mètres, la longueur de mon bateau. Le genre Ziphius ne comportait qu'une seule espèce, la Baleine à bec d'oie, Ziphius cavirostris Cuvier, 1823.  Sans me soucier du fait que cet animal était un cétacé odontocète et nullement un Delphinidae, et sans prévoir que j'affublais ainsi mon Navire d'un nom pédant, je choisis  Ziphius comme nom définitif de l'embarcation que j'étais en train d'aménager et de gréer, sur les bords de Seine, à Vernon. J'avais du boulot avant que ne vogue la galère, et ce n'était pas le moment de consulter les articles du Net consacrés à ma mascotte totémique. D'autant que le Net n'existait pas et que ma bibliothèque spécialisée ne me proposait aucune monographie sur la baleine que je venais d'adopter.

C'est beaucoup plus simple aujourd'hui, et je découvre que j'ai fait ma vie avec un animal de bonne compagnie, tout à fait mon genre : http://www.cetaces.org/cetaces/mediterranee/baleine-a-bec-de-cuvier/

 Sa robe est gris moyen pouvant paraître marron, avec une tache claire à blanche, de la tête à l’aileron chez les individus âgés, et des rayures rectilignes. Sa tête est pourvue d’un rostre visible, au melon distinct ; la mâchoire inférieure est proéminente et recourbée; et chez le mâle, 2 dents émergent de la bouche à l’extrémité du bec. Chez le mâle seulement.  le mâle et la femelle atteignent les tailles de 6 à 7 mètres pour un poids de 5 à 7 tonnes; la femelle est de taille un peu plus forte que le mâle. 

Son aileron dorsal est postérieur, assez triangulaire et de dimension moyenne ou faible; les pectorales sont très petites.

L'animal sonde pendant  15 à 80 mn, atteignant les fonds benthiques (1500 mètres) avant de reprendre son souffle lors de périodes de 3 à 10 minutes à la surface. Mais jamais il n’expose pas sa nageoire caudale en sondant : il  courbe le dos. Comme le Cachalot, sa  chasse est diurne :  à ses heures, il chasse et traque, puis, longuement, il se repose. Il   se prétend teuthophage, parce qu'il mange des calmars longs comme mon bras (quasi édenté, il n'a droit qu'aux mollusques tout mous) . Mais il fait des entorses à ce régime, au dépens de quelques poissons des grands fonds qu'il nomme bathypélagiques.

Rarement rencontré, au large ou le long des côtes, quoique assez commun en  Atlantique nord-est et en Méditerranée,  il forme de petits groupes de 1 à 4 individus. On évitera de  confondre notre Baleine de Cuvier avec d’autres baleines à becs comme le mésoplodon : cela le froisse d''être pris pour une baleine de Blainville, de Gervais ou de Sowerby.

Attention : ici, des Mesoplodon :

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Plus rarement que moi, il vient s'échouer sur nos côtes, souvent au printemps, ce qui semble indiquer des naissance printanières, alors qu'on a vu des femelles accompagnées de juvéniles en juin et en août.   Mais il ne s'en tire pas, comme moi,  avec de simples traces sur la quille, et il y laisse sa peau. Il maudit les sonars : http://www.cetaces.org/201303/ziphius-et-sonars-en-mediterranee/

En Atlantique, ces échouages sont étudiés par le GEFMA, surtout dans les Landes, rarement au dessus de Bordeaux : en juillet 2015, un jeune mâle s'est échoué à Saint-Girons (Landes).

 

 

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Ziphius cavirostris par Bardrock in Wikipédia 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Baleine_de_Cuvier#/media/File:Wal_Cuviera.jpg

L'est-y pas migonon ?

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LA ZOONYMIE.

Abordons maintenant le chapitre, succulent pour certains, rébarbatif pour d'autres de la Zoonymie. Autrement dit, l'origine de ce nom curieux.

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1°) Conrad Gessner, 1558. 

Jugez d'abord de ma surprise lorsque je suis tombé, en feuilletant le Net, sur la gravure suivante, censée représenter notre bon Ziphius,  sous les traits d' un vrai démon : 

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En 1558, le naturaliste zurichois Conrad Gessner (1516-1565) décrivit en effet dans  le Livre IV de son Historiae Animalium (le Livre consacré aux Poissons et Animaux marins) un véritable monstre qu'il nomme Zifius ou Ziphius :

Zifius  vel Ziphius, (à Cardano Ziphus scribitur) est bellua marina, valde formidabilis, (ingens, de genere cetorum, Albertus) & omnium animalium generi valde dissimilis, forma singularis. Huius nanque caput si videris, monstruosum est omnino : si oris abyssum, fugies velut imaginem mortis : si oculos, horrebis : si reliquum corpus, nihil in rebus simili te vidisse fatebris, Author libri de nat. Rerum.  Germanice Zyffwal dici poterit : vel Suffwal à deglutiendo, quod etiam magna animalia, ut phocas, devoret.


 

 

 

Je traduirais ainsi :

"Zifius ou Ziphius, ( ou Ziphius, comme c'est écrit dans [Guillaume] Cardano) est un monstre marin, qui  est fort redoutable, (énorme, de la famille des baleines, selon Albertus) et très différent de toutes les autres sortes d'animaux par sa forme singulière.  Pour sa tête, si vous la voyez, elle est absolument monstrueuse ; pour sa bouche abyssale, elle vous fait fuir comme l'image de la mort ;  pour  ses yeux, vous frissonneriez d'horreur; mais pour le reste du corps,  je dois t'avouer que personne n'a vu nulle part quoi que ce soit de semblable , l'Auteur du traité sur la nature De natura Rerum . En allemand peut se dire  Zyffwal , ou  Suffwal à avaler il pourra dévorer  des grands animaux comme les phoques."

 

a) Gessner se réfère explicitement au médecin de Pavie Guillaume Cardano (l'inventeur du "cardan") et je retrouve en effet l'orthographe Ziphus dans le De Subtilitate de 1550. Mieux, je tombe directement sur l'édition traduite en français par Richard Le Blanc ... et édité chez Le Noir à Paris en 1556.  Les Livres de Hierosme CardanusDe la subtilité et subtiles inventions, ensemble les causes occultes, et raisons d'icelles;  Dixième Livre, Des Bestes Parfaites, page 224 :

"Le zif, en Latin Ziphus est tant grand en la mer Gétique , qu'il dévore le veau marin, dit phoca, qui ci après sera décrit pour cause de sa beauté."

b) Gessner fait aussi référence au De Animalibus  (1270) de Saint Albert le Grand  de Cologne, une vaste encyclopédie  comprenant le classement de toute la faune d’Europe du Nord connue de son temps, et qui , dans ses derniers livres,  puise largement dans les matériaux du Liber de natura rerum (1240) de Thomas de Cantimpré.

Je dois donc mettre la main sur cette citation :

Zifius  est animal maris  nulli alii simile, maximum et ingens de genere cetorum. Caput habet monstruosum, os profundum valde, oculos horribiles ; in toto corpore nulli alii simile nisi cete. 

 "Le zifius est un animal marin qui ne ressemble à aucun autre ; il est énorme et gigantesque et appartient à l’espèce des cètes : il a une tête monstrueuse, une gueule très profonde, des yeux horribles ; par tout son corps, il ressemble immanquablement à un cète et à rien d’autre."

2°)  Dans cette recherche, je parviens à une compilation de tous les textes anciens concernant les poissons, le Tractatus de piscibus (Traité sur les poissons). Ce catalogue organisé selon l’ordre alphabétique répertorie une centaine d’espèces aquatiques. C' est un des huit traités qui composent l’Hortus sanitatis (Le Jardin de santé), œuvre majeure de la fin du XVe siècle,  dont l’édition princeps a été publiée par Jakob Meydenbach à Mayence en 1491, et qui a été souvent rééditée et traduite   entre 1491 et 1547. La publication en latin de Meydenbach a été largement influencée par  l’édition princeps en allemand du Gart der Gesundheit de Peter Schöffer (Mayence, 1485) et l’édition de Johann Grüninger (Strasbourg, 1487) . La traduction française fut publiée en 1501 par Antoine Vérard sous le titre  Le jardin de santé .

 

  À la fois guide de santé et encyclopédie, l'Hortus sanitatis  constitue le dernier maillon de la science médiévale et le premier livre imprimé de sciences naturelles. C'est donc sans-doute dans cet ouvrage que Gessner trouve sa documentation. 

Or, j'ai de la chance, car l’université de Caen Basse-Normandie a mis en ligne, traduit et annoté ce De Piscibus.

Notre "Ziphius" fait l'objet des chapitres 104 et 106, accompagnés à chaque fois d'une gravure. Les deux chapitre tiennent sur la même page des exemplaires de l’Hortus sanitatis conservés dans les bibliothèques d’Épernay et de Valognes.

 

A. Le chapitre 104 du De Piscibus est consacré à trois animaux en Z : Zedrosus, Zidrach et Ziphius.

 

 

La description de Ziphius est une citation de Vincent de Beauvais 17, 138:

De Naturis rerum. Ziphius est marina belua valde formidabilis et omnium animalium generi valde dissimilis. Forma singularis : hujus namque caput, si videris, monstruosum est omnino ; si oris abyssum, fugies velut imaginem mortis ; si oculos, horrebis ; si reliquum corpus, nihil in rebus simile te vidisse fateberis.

 "Le ziphius est un monstre marin très redoutable et très différent des autres espèces d’animaux. Sa forme est singulière, car si l’on voit sa tête, elle est tout à fait monstrueuse. Si l’on voit les profondeurs de sa gueule, on le fuira comme l’image de la mort, si l’on voit ses yeux, on sera horrifié, si l’on voit le reste de son corps, on avouera qu’on n’a nulle part vu rien de semblable."

Vincent de Beauvais (Ca 1184-1264) est un frère dominicain dont l'œuvre principale est le Speculum Maius achevé en 1263. Le Speculum Naturale, ou Miroir de la nature, (vers 1244) en constitue la première partie, avec ses 32 livres. Le livre XVII traite des Poissons, avec 46 chapitres.  Si on se rapporte au texte de Vincent de Beauvais disponible en ligne dans des éditions imprimées, on lit Zephius et non Ziphius. Soit ici, page 221, ou soit ici dans une édition de Strasbourg vers 1476. Il faudrait aussi rechercher la version traduite par Jean de Vignay. 

 

Selon l'université de Caen, "le texte de Vincent de Beauvais diffère sensiblement de celui de Thomas de Cantimpré, plus long ; on retrouve cependant la dernière phrase, reprise fidèlement, et les idées de terreur et de singularité attachées à cet animal monstrueux" et "la description ne peut donner aucun indice sur la nature de cet animal. La proximité qui existe entre les noms ziphius (graphié xyfius chez Thomas de Cantimpré (TC 6, 60)) et zyfius (ch. 106) et le terme ξιφίας, nom grec de l’espadon utilisé parfois par Pline (Plin. nat. 32, 15), permet de penser qu’il s’agit de ce poisson ; mais il est étonnant que la principale caractéristique de l’animal, son épée, ne soit pas notée."

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L'illustration est curieuse : une tête grimaçante et simiesque émerge d'un corps de poisson ou de sirène. Un animal chimérique guère engageant certes, mais on a connu plus monstrueux, non ?

 

La traduction en français de 1501 , accompagnée du même bois, donne ceci : 

Chap. CIIII. De Zedroso.

Zedrosus / zidrach et ziphius. Du Livre des natures des choses. [...] Ziphius est une belue marine moult doubtable et du genre de toutes les bestes moult dissemblable. Et a une forme singulière que nulle autre beste na. Et si tu voys la teste elle est totalement monstrueuse. Si labisme de sa bouche : tu ten fuyras ainsi comme de lymage de la mort. Si les yeulx : tu te espouenteras. Et si le demourant du corps : tu confesseras ne avoir point veu en nulles choses le semblable.

L'édition française de 1539 par Le Noir est identique.

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B. Le chapitre 106 du De Piscibus est consacré au Zyfius ou Zifius décrit par Albert le Grand.

 

Zifius  est animal maris  nulli alii simile, maximum et ingens de genere cetorum. Caput habet monstruosum, os profundum valde, oculos horribiles ; in toto corpore nulli alii simile nisi cete. De Animalibus, Albertus Magnus. 

Les universitaires de Caen indiquent que , dans le De Animalibus d'Albert le Grand, le nom exact est  Xysius. Ils ajoutent : "Cet animal fabuleux semble être un mélange de cète et d’espadon (en grec ξιφίας), et son nom comme sa description poussent à le rapprocher du ziphius  du chapitre 104". 

Là encore, l'illustration étonne. L'animal a une tête de lion (avec sa crinière) ou de chouette, et un corps de porc-épic, avec ses piquants. Il nous  lance un regard desespéré par cet accoutrement. 

La traduction française de 1501, accompagnée du même bois,  donne ceci :

Chap. CVI . De zyfico.

Zyficus. Albert au livre des natures des bestes dit Zyficus est une beste de mer qui nest a nulle autre semblable , qui est tres grande et infinie du genre des balaines nommes ceste. Elle a la teste monstrueuse , la bouche moult profunde , et ses yeulx horribles. Et en tout le corps elle nest semblable a nulle autre si non a la balaine ceta. 

L'édition française de 1539 par Le Noir est identique.

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Résumons-nous

Je suis passé de Conrad Gessner 1558 à Guillaume Cardan (1550) puis à l'Hortus Sanitatis (1491) qui me renvoie par le jeu des citations à  Albert le Grand (1270), puis à Vincent de Beauvais (1244), pour constater que ce dernier citait lui-même ex Libro De naturis rerum. Je reconnais là la référence faite par  Gessner à  Author libri de nat. Rerum ?  Ne serait-ce pas Thomas de Cantimpré ? J'ai le sentiment d'avoir ferré un gros poisson.

Les deux "poissons" , le Ziphius ou Zephius de Vincent de Beauvais cité dans le chapitre 104 du Jardin de Santé et le Zifius ou Zyfius ou Zyfico  d'Albert le Grand ont été fusionné par Gessner, et cela semble justifié au vu de la proximité des descriptions.  Néanmoins, on signale une forme Xysius, du grec ξιφίας, "espadon", qui fournit une ébauche d'explication étymologique pour le zoonyme Zyphius.

 

3°) Sur les traces de Thomas de Cantimpré (1240).

Thomas Cantimpratentis (1200-1263) est un frère dominicain auteur de :

Natura rerum in diversis auctorum scriptis late per orbem sparsas inveniens cum labore nimio et sollicitudine non parva annis ferme quindecim operam dedi. Voir Arlima. La première rédaction en est "forcément" antérieure au Speculum Naturale de 1244, qui le cite.

Parviendrais-je à consulter cet ouvrage et à accéder le Livre VI et son chapitre 60 ? Aujourd'hui, je déclare forfait.

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4°) Retour à Gessner.

 

Personne ne semble s'être soucié de l'étrangeté de la gravure  : car, en effet, quel est ici le "Ziphius" ? Logiquement, c'est celui qui a dans sa gueule une sorte de bébé-phoque : celui dont les écailles sont alignées en stries longitudinales, dont la nageoire triangulaire s'élève telle une pyramide sur son dos, et dont les nageoires latérales  sont palmées . Il porte autour du cou la collerette épineuse en crinière de lion du Zifius. 

Fort bien, mais quelle est la bête qui, gueule ouverte, sort de l'eau et l'attaque sauvagement sur le flanc ? L'artiste, embarrassé de recevoir deux modèles pour le même animal, en a-t-il donné deux vues ?

Un autre détail. L'animal suivant, De Rosmaro, est figuré suivant Olao Magno. Un cartographe auquel nous allons maintenant nous intéresser.

 


 

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ZIPHIUS ET LES CARTES MARINES.

Un rédacteur de blog, John McKay, me procure un autre biais pour approfondir ma connaissance de ma mascotte. 

Ses recherches sur les "poissons" figurant sur les cartes marines anciennes l'amènent à rencontrer notre Ziphius, sous la forme monstrueuse héritée du XIIIe siècle. Recherchant les sources des figures animales placées en vignette sur la carte d'Islande d'Abraham Ortelius  appartenant au Theatrum Orbis Terrarum de 1587 il  mentionne les documents suivants :

 

  • La  Carta Marina de 1539 d' Olaus Magnus. 

  • L' Historia de gentibus septentrionalibus, d' Olaus Magnus.   d'abord publié en 1555 et de nombreuses fois par la suite. 

  • La  Cosmographia de Munster de 1545

  • La planche  Créatures marines  et terrestres de Munster [Meerwunder und seltzame Thier]  imprimée à Bâle, en 1552.

  • Les Monstres  d'Ambroise Paré, d'abord publié en 1573.

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Sur la carte, Ortelius a marqué les animaux  avec des majuscules. Ceux-ci ont été décrits dans le texte placé au dos du document. Pour chaque animal, John McKay commence par l'image et la description, poursuit  en citant certaines sources possibles pour l'image, et  termine par d'autres commentaires . 

 

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Figure  1. La Carta Marina d'Olaus Magnus (1539) .

Olaus Magnus désigne sous le nom de ZIPHIUS les deux animaux de la gravure (plus tardive) de Gessner . Il est manifeste que l'auteur des gravures de Gessner a copié celle du religieux suédois.  Pourtant, Magnus distingue l'animal D et son assaillant l'animal E par deux lettres différentes, mais aussi par deux couleurs distinctes (si tant est que la carte n'a pas été colorisé ultérieurement).

La légende se trouve dans le cadre en bas à gauche, là où les lettres A, B, C, D etc ne se rapportent pas aux animaux, mais aux secteurs de la carte. Ziphius se trouve dans le secteur D. J'ai passé une heure à trouver sur la toile une carta marina dont la définition soit suffisament bonne pour permettre la lecture de cette légende. Je l'ai trouvée sur Gallica. J'ai lu D. Monstris marinis horribile Ziphius phoca deglutiens  mais la  lettre E m'est illisible hormis le dernier mot, cetus. Dans les commentaires trouvés en ligne, on signale que Olaus Magnus n'indique pas le nom de cet animal.

 

 

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 Figure 2, la planche Meerwunder und Seltzame de Munster (1552). 

Ziphius est représenté avec la lettre H. Il s'est débarrassé de son collègue aux grandes dents, mais il semble le guetter du coin de l'œil. Son aileron dorsal a considérablement fondu. 

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Figure 3. Olaus Magna,   Historia de gentibus septentrionalibus  (1555).

Là encore, nous retrouvons la ressemblance avec la gravure de Gessner.

Selon John McKay, "Dans diverses sources j'ai lu l'allégation selon laquelle le Ziphius est une baleine à bec d'oie, un cachalot, ou un orque. Olaus, qui a utilisé le premier l'image,  pensait explicitement  que le Ziphius est un espadon (Xiphia). Il écrit qui avait des yeux horribles, un bec pointu comme une épée, un dos triangulaire arrière (un aileron), et qu'il était un étranger dans le Nord  ou il se montrait occasionnellement comme un voleur. Toutefois, il a également dit qu'il avait une tête comme celle d'un hibou [ou un crapaud dans la traduction française] et il l'a dessiné de cette façon. " Ailleurs, j'apprends que selon Magnus, l'aileron est pointu pour percer des trous dans les coques des navires. 

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Figure 4. La Carte ISLANDIA d'Abraham Ortelius (1ère éd. 1587 ; édition de 1603).

L'artiste cosmographe est Andreas Velleius, soit  Anders Sorensen Vedel.  Le "Ziphius" est représenté au sud-ouest, avec la lettre E.  Il s'est débarrassé de son double qui lui mordait le flanc et de sa nageoire en cornet de glace, mais il dévore toujours le phoque et il conserve sa tenue rayée comme celle d'un Dalton. Sa face est presque humaine. Au dos, la légende de la lettre E indique :  monstrum marine horribile, phocam nigram deglutiens Ziphius, un monstre qui avale un phoque noir en une bouchée.

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LE DÉBUT DE L'ÉRE MODERNE. LINNÉ ET CUVIER.

 

1°) Linné.

Linné avait en commun avec Olaus Magnus  d'être suédois. Johan Månsson, le frère de Magnus avait été archevêque d'Upssala, ville de Suède dont l'université, la plus ancienne de Scandinavie, a accueilli en 1741 Linné comme professeur de médecine et de botanique. A la mort de son frère, en 1544, le très catholique Olaus Magnus reçut à Rome  son titre d'archevêque d'Upsalla, mais à titre honoraire car la ville était passée sous influence de la Réforme.

 En 1758, Linné créa à la page 248 de sa 10ème édition du Systema Naturae le genre Xiphias qui contenait une seule espèce, Xiphias gladus, l'Espadon. Il indique une référence, Schelhameri Anatome Xiphii pisciis. Un ouvrage de Schelhamer publié en 1699, G. C[hristophori] Schelhameri Phocae Maris Anatome: In Academia Kiloniensi Suscepta, Mense Decembri MDCXCIX.

 http://reader.digitale-sammlungen.de/en/fs1/object/display/bsb10231885_00032.html

Ainsi, l'Espadon était habillé pour l'hiver et ne risquait plus d'être confondu avec je ne sais quel intrus aux dents longues. Il avait tiré son épingle du jeu. Et Linné avait coupé court aux tergiversations en utilisant le mot juste, car Xiphias vient du latin signifiant "espadon", , issu lui-même du grec ancien ξιφίας, xiphías (« en forme d’épée »). Quand à Gladius, on devine qu'il signifie "glaive", comme dans "gladiateur".

On eut ensuite, et je le signale en raison du risque de confusion, la famille des Xiphiidae.

Linné ayant ainsi fait un sort à l'espadon, qui ne cessait de hanter de son nom et de son épée les descriptions du Ziphius, et de tenter de faire achopper Cantimpré, Beauvais (de), Albert, Cardan ou Gessner en plaçant son X à la place du Z, la place était libre pour notre compatriote Cuvier.

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2°) Ziphius cavirostris Cuvier 1823.

Ces recherches ne sont pas simples. Il faut d'abord trouver les références de la publication :

Cuvier, G. (1823). Recherches sur les ossemens fossiles, 2nd ed., 5(1). Paris. page(s): 350, 352, pl. 27 fig.3 . Allez-y donc, vous!

Puis, il faut trouver la publication en ligne. Mais quel bonheur lorsque l'on parvient enfin à la page 351 du volume 5 (1) et qu'on aborde la lecture de l'Article II : Sur une tête pétrifiée de Cétacé d'un genre inconnu, voisin des Cachalots et des Hyperoodon, trouvée sur la côte de Provence . 

 https://books.google.fr/books?id=GHY3AQAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=ziphius&f=false

Car la première description de Ziphius cavirostris concerne un fossile, découvert par un paysan en 1803 sur le bord de la plage, signalée l'année suivante par Raymond Gorsse Ingénieur des Ponts-et Chaussée, qui le découvre entre Fos-sur-Mer et l'embouchure du Galégeon,  et conservé comme holotype au Laboratoire d'Anatomie compareée du Muséum national d'Histoire naturelle (Paris), no. CAC A33554 - CAG B II/222; Toute la partie supérieure était conservée ce qui permit à Georges Cuvier, fondateur de l'anatomie comparée, et directeur du Muséum, de constater les différences avec le genre Hyperoodon Dès-lors, il était autorisé à créer un nouveau genre. "J'appliquerai au genre dont elle (cette tête pétrifiée) devient le premier type le nom de ZIPHIUS, employé par quelques auteurs du Moyen-Âge (voyez Gessner, I. page 208) pour un cétacé qu'ils n'ont point déterminé, et je nommerai cette espèce ziphius cavirostris".

Quelle est l'étymologie de cavirostris ? Cuvier nous aide -t-il en écrivant que ce qui caractérise son espèce, c'est que l'espèce de mur de derrière les narines ne se borne pas à s'élever  verticalement, mais qu'il se recourbe pour former un demi-dôme au dessus de ces cavités ? On peut présumer que cavi vient de cavus, i "trou, ouverture" , et que, le cavum désignant le rhinopharynx, Cuvier place ce radical comme équivalent de "narines". Rostrum,i désigne certes  un bec d'oiseau,  mais aussi les objets qui ont une forme recourbée comme l'éperon retroussée d'un navire. J'en déduis que Cuvier a créé cet épithète spécifique pour résumer en un mot le caractère spécifique de ce Ziphius, la forme recourbée de l'espèce de mur derrière les narines. C'est alors à tort qu'on donne à ce cétacée le nom de "baleine à bec" et, pire, de "baleine à bec d'oie".

Cuvier décrit ensuite dans son Article III d'autres fossiles, venant d'Anvers, sous le nom de Ziphius planirostris. Et dans son Article IV , un morceau "que l'on possède depuis longtemps au Muséum", dont les intermaxillaires sont longs et etroits. Pour cela, il nomme cette espèce Ziphius longirostris. Après cette lecture, on ira voir la figure 3 de la Planche XXVII.

Ou bien cette publication :

 

 

Ostéographie des cétacés vivants et fossiles, comprenant la description et l'iconographie du squelette et du système dentaire de ces animaux ainsi que des documents relatifs à leur histoire naturelle, par MM. van Beneden [et] Paul Gervais: Paris, A. Bertrand [1880, i.e. 1868-1879], planche 22 fig. 6-7:

http://diglib1.amnh.org/etp/15015690/plate22.jpg

 

Mais terminons plus gaiement :

http://www.marinespecies.org/aphia.php?p=image&pic=20654

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http://www.marinespecies.org/aphia.php?p=image&pic=20653


 

Et Hop là !
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SOURCES ET LIENS.

 

 

 

GESSNER 

1) Edition de 1558 : page 249

Conradi Gesneri medici Tigurini Historiae animalium Lib. I. De quadrupedibus uiuiparis. -- Liber II. De quadrupedibus ouiparis. -- Liber III. Qui est de auium natura. -- Liber IIII. Qui est de piscium & aquatilium animantium. -- Lib. V. Qui est de serpentium natura. Ex variis schedis et collectaneis eivsdem compositvs per Jacobum Carronum ... Adjecta est ad calcem, scorpionis insecti historia aÌ€ D. Casparo Vuolphio ... conscripta.  ...Tigvri : Apvd Christ. Froschovervm, anno MDLI[-MDLXXXVII] [1551-1587] en cinq volumes, chacun avec une page de titre. Les quatre  premiers volumes ont été imprimés par  Christoph Froschauer respectivement en 1551, 1554, 1555, et 1558 . Le cinquième volume a été imprimé par Officina Froschouiana en 1587.

 

Gessner, Conrad, 1516-1565 auteur

Cambier, Andreas, éditeur
Belon, Pierre, 1517--156  

Rondelet, Guillaume, 1507-1566 "Continentur in hoc volumine, Gulielmi Rondeletii quoque medicinae professoris regij in schola Monspeliensi, & Petri Bellonij Cenomani, medici hoc tempore Lutetiae eximij, de aquatilium singulis scripta. Paralipomena quaedam ad finem adiecta sunt."

http://bildsuche.digitale-sammlungen.de/index.html?c=viewer&bandnummer=bsb00084602&pimage=00293&lv=1&l=fr

2) Edition de  1604 : page 210.

Conradi Gesneri medici Tigurini Historiae animalium liber IV : qui est De piscium & aquatilium animantium natura : cum iconibus singulorum ad viuum expressis ferè omnibus DCCXII. Francofurti :In Bibliopolio Andreae Cambieri,anno MDCIIII [1604] Editio secunda, / nouis iconibus, necnon obseruationibus non paucis auctior, atque etiam multis in locis emendatior.

http://biodiversitylibrary.org/bibliography/65980#/summary

page 210 http://biodiversitylibrary.org/page/42165841#page/255/mode/1up

http://biodiversitylibrary.org/page/42165841#page/256/mode/1up

3) Localisation

Berlin (De), Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz 
Braunschweig (De), Stadtarchiv and Stadtbibliothek 
Düsseldorf (De), Universitäts- und Landesbibliothek 
Eichstätt (De), Universitätsbibliothek Eichstätt-Ingolstadt 
Erfurt (De), Stadt- und Regionalbibliothek 
Gotha (De), Forschungsbibliothek 
Halle (De), Universitäts- und Landesbibliothek 
Heidelberg (De), Universitätsbibliothek 
Jena (De), Universitätsbibliothek 
Leipzig (De), Universitätsbibliothek 
Lüneburg (De), Ratsbücherei 
München (De), Bayerische Staatsbibliothek 
München (De), Universitätsbibliothek 
Weimar (De), Herzogin Anna Amalia Bibliothek 
Wien (At), Österreichische Nationalbibliothek 
Wolfenbüttel (De), Herzog August Bibliothek 
Zürich (Ch), Zentralbibliothe

BEAUVAIS (Vincent de) Speculum naturale, 2 vol., [Strasbourg, s. n. (Adolf Rusch), 1476], [vol. 1, liber decimus octavus agit de piscibus et monstris marinis… livre XVII (fol. 347v-368v)]

 Munich, Bayerische Staatsbibliothek, 2 Inc.c.a. 236, 1-1 (Münchener DigitalisierungsZentrum, Digitale Bibliothek).

 

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0003/bsb00035779/images/index.html?id=00035779&groesser=&fip=eayaenyztsxdsydeayaqrsxsweayasdasen&no=26&seite=737


DUZER (C. Van)van Duzer (2013) Sea Monsters on Medieval and Renaissance Maps. The British Library, London.

— HORTUS SANITATIS,  De Piscibus, 

a) exemplaire d'Epernay :Épernay, BM, Inc. 3017 (1491)

[Ho]rtus sanitatis, in inclita civitate Moguntina, Jacobus Meydenbach [Mayence, Jakob Meydenbach], 1491.

https://www.unicaen.fr/puc/sources/depiscibus/facsimiles

b) Exemplaire de Valognes :Valognes, BM, R 99 (Prüss1)

Ortus Sanitatis. De herbis et plantis. De animalibus et reptilibus…, s. l., s. d. [attribué à : Strasbourg, Johann Prüss,circa 1497].

https://www.unicaen.fr/puc/sources/depiscibus/facsimiles

c) exemplaire de Munich : Ortus sanitatis, Moguntiae, 1491

Munich, Bayerische Staatsbibliothek, 2 Inc.c.a. 2576. 

-Chapitre 104 :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0002/bsb00027846/images/index.html?seite=729&fip=193.174.98.30

-Chapitre 106 :

http://daten.digitale-sammlungen.de/~db/0002/bsb00027846/images/index.html?id=00027846&groesser=&fip=193.174.98.30&no=&seite=730

Edition de la version française :

- Ortvs sanitatis, translate de Latin en Francois, Paris, Anthoine Vérard, s. d. [circa 1500], 2 vol.

Paris, BNF, Res. TE1 38 24 (voir notice BNF), Gallica (Traité sur les poissons). http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2100150b/f674.item.zoom

- Le Jardin de sante translate de latin en francoys nouvellement imprimé…, Paris, Philippe Le Noir, 1539, 2 parties Exemplaire numérisé :

Madrid, Bibliotheca de la Universidad Complutense, BH INC M-18 (Biblioteca Digital Dioscorides) [Le traicte des bestes oiseaulx poissons pierres precieuses et urines du iardin de sante] (Traité sur les poissons : f. 86r-111v [images 173-224]).

McKAY ( John J.) , 2012, The monsters of islandia, Archy; février 2012.

 http://johnmckay.blogspot.fr/2012/02/monsters-of-islandia.html
— MAGNUS  (Olaus). 1539, Carta Marina .
— MAGNUS  (Olaus).1555 Historia de gentibus septentrionalibus. Giovanni M. Viotto, Rome.
— MAGNUS, (Olaus),1561 Histoire des pays septentrionaus. Christophle Plantin, Antwerp.
MUNSTER ( S.), 1552 La Cosmographie Universelle. Henry Pierre.

Gessner, Conrad, 1516-1565 
Belon, Pierre, 1517--156 
Cambier, Andreas, éditeur
Rondelet, Guillaume, 1507-1566 "Continentur in hoc volumine, Gulielmi Rondeletii quoque medicinae professoris regij in schola Monspeliensi, & Petri Bellonij Cenomani, medici hoc tempore Lutetiae eximij, de aquatilium singulis scripta. Paralipomena quaedam ad finem adiecta sunt."
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18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 01:12

Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.

Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. II. Le coté du chœur (coté est).

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Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). A. La clôture.

Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). B. La tribune.

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Voir les autres articles sur le patrimoine du Faouët:

a. Les articles sur la chapelle Saint-Fiacre :

b. Les vitraux de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët:

​c. Chapelle Saint-Sébastien

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Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). A. La clôture.

Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët. I. Le coté de la nef (Ouest). B. La tribune.

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Voir les autres articles sur le patrimoine du Faouët:

a. Les articles sur la chapelle Saint-Fiacre :

b. Les vitraux de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët:

​c. Chapelle Saint-Sébastien

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Chœur de la chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Chœur de la chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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A tout seigneur, tout honneur, débutons par le chœur.

— Et bien-sûr par le patron des lieux, Monsieur saint Fiacre.. Ah non?

— ...

— Vous me faites signe de commencer par votre Dame ? Ah, bien-sûr, la préséance va à la  Vierge à l'Enfant.

A droite du maître-autel, ce groupe en chêne de 1,24 m date de la fin du XVe, elle est donc contemporaine du Jubé et de la fin de la construction de la chapelle. La Vierge, élégamment hanchée, est coiffée d'un voile et d'une couronne royale, vêtue d'une robe rouge-pourpre et d'un manteau doré dont le large pan revient sur la manche droite. C'est à droite que cette Mère porte son Enfant, cheveux très court, en robe blanche, qui tient un livre ; son index droit suit avec attention un passage. Il s'agit sans-doute du même passage des Ecritures que Marie lisait, sur l'Annonciation du Jubé, celui d'Isaïe 7:14 qui annonçait  Ecce virgo concipiet, et pariet filium et vocabitur eius Emmanuel, Voici que la Vierge concevra et enfantera  un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel (c'est à dire Dieu avec nous) . Comme cela sera chanté plus tard, Virga jesse floruit, Virgo deum genuit, la tige de Jessé a fleuri, la Vierge a enfanté d'un homme Dieu.

Tige, fleur, mais aussi fruit puisque la mère présente dans la main gauche un objet rond qui évoque une pomme, rappel du thème du jubé, celui de la Rédemption : par son Incarnation, le Christ rachête la faute d'Adam, le Péché originel concrétisé par le Fruit Défendu, la pomme. En même temps, cet objet rond est aussi le globe terrestre que tiendra le Christ Sauveur du Monde. La "pomme" a été dorée : jadis objet de désir, de gourmandise ou de concupiscence, elle  a désormais acquis  un statut sacré.

René Couffon a retrouvé les indices d' "une très nette influence flamande" : figure ovale de la Vierge, front bombé avec des sourcils très arqués, cheveux nattés sur le dos, haute couronne. Denise Moirez (Inventaire Général, 1975) discernait "une facture d'inspiration savante où l'influence allemande se manifeste dans la structure générale comme dans le traitement des plis. Dans tous les cas, l'une des plus belles Vierges de Bretagne.

 

 

Vierge à l'Enfant, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Vierge à l'Enfant, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Vierge à l'Enfant, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Vierge à l'Enfant, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Ecce Homo 

Sculpture en bois polychrome du XVIIIe siècle,  de 1,92 m, jadis placé dans une niche ou dais sculpté à gauche du maître-autel. Poignets liés, ceint de la couronne d'épines, il est seulement vêtu d'un pagne (le terme perizonium doit être reservé au Christ en croix) et du "manteau de pourpre" que mentionne l'évangile de Jean Jn 19:1-5: 

tunc ergo adprehendit Pilatus Iesum et flagellavit  et milites plectentes coronam de spinis inposuerunt capiti eius et veste purpurea circumdederunt eum  et veniebant ad eum et dicebant have rex Iudaeorum et dabant ei alapas [...]ut cognoscatis quia in eo nullam causam invenio et purpureum vestimentum et dicit eis ecce homo

Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges. Les soldats tressèrent une couronne d'épines qu'ils posèrent sur sa tête, et ils le revêtirent d'un manteau de pourpre; puis, s'approchant de lui, ils disaient: Salut, roi des Juifs! Et ils lui donnaient des soufflets.[...] Jésus sortit donc, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit: Voici l'homme. 

 

Le long roseau que l'on voit dans la main droite est mentionné par l'évangile de Matthieu Mt 27:29-30 :

 et plectentes coronam de spinis posuerunt super caput eius et harundinem in dextera eius et genu flexo ante eum inludebant dicentes have rex Iudaeorum  et expuentes in eum acceperunt harundinem et percutiebant caput eius

 Ils tressèrent une couronne d'épines, qu'ils posèrent sur sa tête, et ils lui mirent un roseau dans la main droite; puis, s'agenouillant devant lui, ils le raillaient, en disant: Salut, roi des Juifs!  Et ils crachaient contre lui, prenaient le roseau, et frappaient sur sa tête.

 Le Gaffiot donne bien pour arundo, inis : "roseau". Il ne s'agit pas d'une extrapolation.

Ce manteau royal et ce sceptre végétal tourne ainsi en dérision la royauté de celui à qui le Sanhédrin reprochait de se dire Rex Iudaeorum, Roi des Juifs, et de menacer ainsi le pouvoir des Romains sur la Province de Judée (Iudaea).

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Ecce Homo, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Ecce Homo, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Ecce Homo, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Ecce Homo, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Saint Fiacre.

Nous pouvons voir ici trois objets d'art et de culte.

D'une part, la console de granite, et les cinq fusées de gueules en fasces des armoiries  de Boutteville sur l'un des culots.

Puis la niche de 3,10 m,  à candélabres feuillagés sur les montants, surmontée d'un dais à quatre niveaux, qui fourmille de feuillages, de rinceaux à tête de chimères ou de licornes (1er niveau), de candélabres et rinceaux peuplés et de frise fleuronnée (2ème niveau), de fenêtre découpée à réseau  gothique et médaillons à l'antique (3ème niveau)  et même, tout en haut, de petits personnages et (?) de licornes autour d'un vase. 

Enfin la statue de bois polychrome de 1,41m, du XVIe siècle. Le saint est vêtu en moine, d'un scapulaire et cape noire sur la robe blanche. Il tient ses deux attributs, la pelle témoin de sa préoccupation de nourrir les malades qui le consultaient (c'est un saint thérapeute avant d'être un saint-jardinier), et le livre où il se réfugiait dans ses chères études et ses pieuses lectures lorsqu'on lui en laissait le temps. 

La pelle-bêche "modèle Saint-Fiacre" est caractéristique, mais elle n'est pas bien représentée ici : elle est en bois, mais le tranchant en métal la prolonge en écusson. J'en ai vu une, datant du 18e, au Musée de Grenoble, qui a dû lui appartenir : je l'ai reconnue tout de suite.

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Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.
Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Niche et statue de saint Fiacre, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

LE TRANSEPT.

Bras nord .

 Sainte Apolline et ses bourreaux.

C'est une statue en pierre du XV-XVIe siècle où la sainte est attachée par les cheveux à une potence, tandis que ses mains sont attachées dans le dos et que ses deux bourreaux, armés de tenailles, sont en train de lui arracher les dents. D'ailleurs, une belle molaire est encore entre les mors d'une de ces pinces.

Le martyre de sainte Apolline, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Le martyre de sainte Apolline, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Le martyre de sainte Apolline, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Le martyre de sainte Apolline, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Sainte Anne.

 

Sainte Anne, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Sainte Anne, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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Bras sud du transept

Saint Antoine.

C'est saint Antoine l'anachorète, le fondateur de l'érémitisme chrétien, et représenté avec la longue barbe , la coule ou cuculle qui recouvre sa tête et descend sur son dos, sa canne en T ou plutôt en Tau et son petit cochon, qui sont toutes ses richesses, tous ses attributs.

Mais pourquoi un Tau ? Pourquoi un petit cochon ?

Rien à voir avec la vie du saint, en Égypte au IVe siècle. Mais avec l'Ordre Hospitaliers des Antonins, fondé après qu'un seigneur du Dauphiné ait ramené dans l'actuelle Isère les reliques du saint, lesquelles faisaient merveilles contre le Mal des Ardents, le feu de Saint-Antoine. Cette maladie était due à un champignon du seigle Claviceps purpurea qui vous donnait (et donne toujours) des hallucinations, car il est riche en acide lysergique (révisez l'article sur le LSD). Les moines antonins ignoraient cela, mais savaient qu'une alimentation équilibrée, riche en viande et en légumes, détournait les patients d'une mono-consommation de céréales contaminés. Ils obtinrent le privilège (exorbitant à l'époque) de la circulation de leur élevage de porcs dans les rues des villages, où ils se nourrissaient des eaux grasses et autres ordures. On reconnaissait les porcs des Antonins (et les moines eux-mêmes) à leur clochette.

Outre la viande de porc, ils utilisaient les bonnes herbes mélangées dans de la graisse...de porc  en un remède nommé le Saint Vinage : on en comptait 14, dont la scrophulaire (un anti-inflammatoire), le grand plantain et le plantain lancéolé (un anti-histaminique), l'ortie blanche (reminéralisante) le coquelicot, la verveine, et d'autres que j'ai oubliées.

Comme l'ergot de seigle et la dénutrition causaient des paralysies et des gangrènes, les moines organisés en Commanderies adoptèrent comme logo la béquille. La canne en T plus exactement, sous la forme du signe Tau. Les Antonins étaient experts en amputations et en appareillages. Ils eurent un succès fou, et bientôt on dénombra plus de 380 établissements  rattachés à la Maison-mère. L’Ordre s’enrichit grâce aux largesses accordées par les papes, les  rois, princes et puissants qui accourent auprès des reliques. Et parmi eux, Anne de Bretagne.

Saint Antoine est, avec saint Fiacre et saint Sébastien, l'un des trois saints thérapeutes contre les épidémies médiévales présents dans la chapelle. Ajoutons sainte Apolline, car il ne faut pas sous-estimer les problèmes dentaires.

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Saint Antoine,  chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.
Saint Antoine,  chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Saint Antoine, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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LA NEF.

Le Martyre de saint Sébastien.

Ce qu'il faut savoir, c'est qu'un tel groupe, où l'officier Sébastien est la cible des flêches de ses propres archers, et où il reçoit les blessures avec la belle indifférence de ceux qui mettent leur foi dans le Seigneur, est caractéristique d'un culte où le saint est invoqué contre la "peste", ce terme désignant toutes les épidémies médiévales. 

Martyre de saint Sébastien, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Martyre de saint Sébastien, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

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LEVONS LA TÊTE, ON NOUS REGARDE.

1. La charpente, diaporama.

Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

Charpente, croisée du transept, Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

2. Diaporama

 

Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.

Suite, diaporama

 

Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.
Les sculptures de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët.

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CONCLUSION.

Laurent Léna signale aussi les statues de sainte Elisabeth, de sainte Ursule et de saint Laurent. On peut comparer les statues encore conservées à Saint-Fiacre avec la liste des suffrages du Livre d'Heures du duc Pierre II de Bretagne proposée par Jean-Luc Deuffic :

f. 125v (suffrages, prières en français et en latin), martyre de S. Eutrope; f. 126v, S. Fiacre; f. 127v, S. Bernardin; f. 128v, S. Vincent Ferrier; ; f. 146v, S. Germain d'Auxerre; f. 147v, S. Dominique;; f. 148v, S. Pierre Martyr, frère Prêcheur; f. 149v, S. Thomas d'Aquin; f. 150v, S. Antoine; f. 151v, Martyre de sainte Apollonie; f. 152v, Ste MagdeIeine; f. 153v, Ste Catherine; f. 154v, Ste Marguerite; f.155v, S Julien; f. 156v, S. Christophe; f.157. S. Sébastien; f. 158v. S. Maudet ; f. 159v, martyre de S. Adrien; f. 160v, S. Michel; f. 161v, S. Jean-Baptiste; f. 162v, S. François d'Assise; f. 163, S. Gilles; f. 164v, Ste Anne, la Vierge et l'enfant Jésus; f. 165, S. Etienne; f. 166v, Ste Barbe; f. 167v, S. Donatien et S. Rogatien; f. 168v, Ste Ursule; f.169v, les Onze mille vierges; 

La chapelle n'a certainement pas conservée l'ensemble de sa statuaire du XV et XVI e siècle, mais il ne peut néanmoins nous échapper que les saints représentés ici sont ceux qui sont invoqués contre les maladies. Si on associe cette constatation à la notion d'un hôpital construit dès l'origine à proximité, à l'existence d'une fontaine de dévotion à trois bassins (dont les eaux avaient certainement un pouvoir thérapeutique), à l'existence d'un pélerinage , aux paroles d'un cantique breton à Saint Fiacre clamant que D' ar c'hlangour c'houi rè ar yec'hed ("Vous rendiez la santé aux malades"), on ne peut que porter crédit à un faisceau d'arguments présentés par Laurent Léna lorsqu'il envisage "que le service de la chapelle était peut-être assuré, ainsi que son hôpital annexe, par des hospitaliers de la Commanderie voisine. Les Hospitaliers, impliqués depuis les Croisades dans une lutte contre la lèpre, et implantés depuis le XIIe siècle dans le pays, possédaient une Commanderie de Saint-Jean, au Faouët, une Commanderie de Beauvoir à Priziac, et la Commanderie du Crosity, dans un espace de dix kilomètres environ.

Saint Fiacre est souvent présenté comme le patron des jardiniers, et, éventuellement comme le guérisseur des hémorroïdes, les "apostumes du fondement" ou "Mal saint-Fiacre" mentionné par le médecin Rabelais, ou par Antoine du Pinet dans sa traduction de Matthioli (1566). La première mention que je rencontre date de 1547.   Amboise Paré parle des "fics ou fils Sainct-Fiacre" comme des fungus de la Dure-Mère, ou des "espèces de verrues" du col de la matrice. Mais son invocation contre la lèpre,  contre les maladies de la peau, et contre toutes les maladies ne doit pas être négligée. La Molène ou Bouillon-Blanc Verbascum thapsus était jadis désignée sous le nom d'Herbe de saint-Fiacre. Elle est traditionnellement utilisée contre les maladies de la peau et de l'appareil respiratoire. On désigne aussi sous le même nom d'Herbe de Saint-Fiacre l'Heliotrope commune Heliotropium europaeum aussi nommée Herbe aux verrues. Ce lien entre Herbe de Saint-Fiacre et Herbe à verrues est attesté depuis au moins le XVIIIe siècle.

Il est attesté aussi que saint Fiacre passait pour le saint des lépreux (1684), et autres galeux, teigneux, rogneux et vérolés (1821). 

 

Culot de console, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culot de console, chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

DIVERSES ENLUMINURES de saint Fiacre.

Amiens, BM 0201 f.140 Fin XVe siècle.

De Sainct Fiacre Anthaine

Beate Christi confessor fiacri ecce nomen tuum fulget per secula petimus.

 

Amiens BM ms 0201 f.140

Amiens BM ms 0201 f.140

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Bnf Latin 13279

 

Bnf Latin 13279

Bnf Latin 13279

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BM Chambery 001 folio 188 (vers 1470)

Beate Christi confessor fiacre cem nomen tuum. fulget per secula

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BM Chambery 001 folio 188 (vers 1470)

BM Chambery 001 folio 188 (vers 1470)

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Châteauroux BM ms 002 folio 313v heures à l'usage de Rome vers 1414.

Beatus fiacrius heremita magnus ficus [in melden si tento no sub] sanctissimu faronis epi~ protectione cons---

Châteauroux BM ms 002 folio 313v heures à l'usage de Rome vers 1414.

Châteauroux BM ms 002 folio 313v heures à l'usage de Rome vers 1414.

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Bnf Latin 1159

Qur me confessus..

Bnf Latin 1159.

Bnf Latin 1159.

Bnf Latin 10538

Qua --- confessore fiacrium fac nos semper...

Bnf latin 10538

Bnf latin 10538

Valencienne 1206 folio 193 recueil de prières 16e siècle.

Si te supplie devotement que a mon ame premierement –petre la gloire eternele Et au corps temporelement me donne sante corporele. Amen.

Item aultre oraison de [notre] sainct fiacre.

Beate Christi confessor fiacre cem nomen tuum. fulget per secula Petimus ergo ut tuis sacris precibus mereamur adm—ari a domino Ora pronobis beate fiacri.

SOURCES ET LIENS.

 — Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de la France. Cantons de Le Faouët et de Gourin, Morbihan. 1975.

 

— LÉNA (Laurent), 1990,  Le Faouët, la chapelle Saint-Fiacre, Presses E.T. Saint-Michel Priziac. 

Site mandragore .bnf.fr

Site enluminure.culture.fr.

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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