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23 mai 2016 1 23 /05 /mai /2016 11:07

La tenture de la Vie de la Vierge de la collégiale Notre-Dame de Beaune.

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Voir aussi :

Les peintures murales de la chapelle Saint-Léger de la collégiale Notre-Dame de Beaune.

La tapisserie de saint Antoine aux Hospices de Beaune. Les volets du Polyptyque du Jugement Dernier.

La tapisserie de l'Agneau mystique des Hospices de Beaune.

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PRESENTATION.

Vers 1300, les chapitres des cathédrales, et des commanditaires dans les églises et collégiales se préoccupèrent de tendre le chœur de leurs sanctuaires non plus de tentures de soies et autres étoffes, mais de tapisseries tissées pour raconter des histoires : Vie de la Vierge souvent,  Vie du Christ, Vie du saint patron, etc. Il s'agissait de bandes de deux mètres de haut environ, formées de plusieurs pièces de quatre à cinq mètres accrochées bout à bout et faisant ainsi le tour complet du chœur, lequel était, à l'époque, fermé du coté de la nef par un jubé. Cette mode perdura jusqu'aux années 1530. Les tentures usées furent ensuite parfois retissées, mais lorsque les jubés et les clotures disparurent pour permettre aux fidèles de la nef de suivre les offices, à la suite des réformes du Concile de Trente, ces ensembles furent souvent démembrées, dispersées ou vendues. Très rares sont les églises qui ont conservé, en bon état, l'intégralité du cycle de la tenture, et plus rares encore sont celles qui peuvent les présenter in situ, dans un chœur au jubé intact : la Vie de la Vierge de l'église Notre-Dame de Beaune en est l'exemple le plus fameux, à coté de la Vie de Saint-Martin de la Collégiale de Montpezat-en-Quercy (entre 1517 et 1539) et de la Vie de Jésus de l'Abbaye de la Chaise-Dieu (en restauration actuellement). Les tentures étaient suspendues et visibles lors de certaines fêtes liturgiques. 

 La majorité des tentures de chœur sont d'origine flamande et furent tissées à Arras, Lille, Tournai, Bruges et Bruxelles. Outre les trois exemples précédents, parmi celles dont des pièces nous sont parvenues, citons : 

 

Tenture de la Vie de la Vierge ( palais du Thau pour la cathédrale de Reims), 1531.  Cet ensemble  encore visible comporte dix-sept pièces inspirées des gravures typologiques  de la Biblia Pauperum à partir des cartons du flamand Gauthier de Campes.

Tenture de la Vie de la Vierge, Saint-Bertrand-de-Comminges. 1530.  2 pièces conservées sur 9. 

Tenture de la Vie de la Vierge et du Christ,  (cathédrale d'Aix-en-Provence) 

Tenture de saint Maurille d’Angers 1460 ( cathédrale d’Angers)

Tenture de la Vie de saint Pierre de Beauvais (cathédrale de Beauvais).

Tenture de la Vie de saint Gervais et de saint Protais ( cathédrale du Mans) vers1509

Tapisserie de saint Julien du Mans, ( cathédrale du Mans) 1509.

Tapisserie de Saint-Saturnin (église Saint-Saturnin de Tours), 1527

Tenture de la Vie de saint Adelphe à Neuwiller-lès-Saverne, près de Saverne. 17 mètres conservées  sur une longueur initiale de 30 m.

Tenture de la Vie de saint Rémi de Reims ( musée Saint-Rémi, dans l’ancienne abbaye Saint-Rémi de Reims). Conservée dans sa totalité avec ses dix pièces

Tenture des Miracles de l’Eucharistie et du Saint-Sacrement (château de Langeais)

Tenture de Saint-Etienne, cathédrale d'Auxerre. Conservée au Musée de Cluny : 23 scènes en 12 tapisseries.

 

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La tenture de la Vie de la Vierge de Beaune.

La tenture de la Vie de la Vierge de l'église Notre-Dame de Beaune est une tenture de chœur de la fin du 15e siècle  formée de cinq pièces, mesurant chacune environ six mètres de long sur 1,90 m de haut. La tapisserie de 5 fils au cm² est faite de laine écrue pour la chaine et  de laine et soie teintées pour la trame ; les fils sont torsadés en S. La doublure est en lin.

Elle a été offerte "l'an de grace 1500" par Hugues Le Coq, représenté à deux reprises avec ses armoiries. On a pensé que les cartons étaient dus au peintre Pierre Sicre, qui a réalisé en 1470-1471 les peintures murales de l'église Notre-Dame, et en 1474 des patrons (ou toiles peintes) de la Vie de la Vierge pour la même église ; mais Alain Erlande-Brandenburg a battu en brêche cette hypothèse,  soulignant les différences stylistiques entre Sicre et l'auteur de cette tenture, et proposant d'y voir le travail d'un atelier flamand.

 

Le cycle déroule dix-neuf scènes séparées par des colonnades supportant une arcade en anse de panier.

Disposition dans l'espace architectural à fonction capitulaire.

Pour bien comprendre la disposition de la tenture, il faut savoir que l'église Notre-Dame était depuis le 10e siècle une collégiale, c'est à dire  qu'elle était confiée à des chanoines rassemblés en un chapitre collégial, se tenant ailleurs qu'au siège épiscopal d'Autun. Au 13e siècle, on comptait une trentaine de chanoines, demeurant dans des maisons canoniales entourant l'église, et pour lesquels furent alors construits, flanquant l'église au sud, une salle capitulaire, un cloitre, et un grand batiment. Ces chanoines avaient le devoir de se réunir quotidiennement et lors des fêtes dans le chœur pour y chanter les offices, et s'installaient dans les stalles autour du lutrin de chœur. Les fidèles et les pèlerins n'avaient pas accès à cet espace et restaient dans la nef (séparée du chœur par un jubé) ou circulaient dans le déambulatoire donnant accès aux chapelles rayonnantes. Le chapitre collégial décidait des travaux et dépenses, et était le commanditaire d'œuvre d'art, comme les peintures murales et toiles peintes commandées à Pierre Sicre. Les chanoines étaient souvent fort riches, car ils percevaient des prébendes, et pouvaient cumuler les bénéfices de plusieurs titres. A leur tête était un doyen ; la seconde place revenanit à l'Archidiacre de Beaune (*). En 1482, par exemple, les principaux chanoines de Beaune étaient Antoine de Salins, doyen ; Hugues Charinsaul ; Antine et Jean Grignard frères; Girard Martin ; Jean Décologne; Pierre de Villers; Guillaume Arbaleste. En 1477, le doyen était l'official et maistre Girard Martin.

(*) Le diocèse d'Autun était divisé en quatre archidiaconés, ceux d'Autun, de Beaune, de Flavigny et d'Avalon. L'archidiaconé de Beaune comporte quatre Archiprêtrés : Beaune, Nuits, Couches et Arnay-le-Duc. L'Archidiacre était à la tête d'une juridiction religieuse (discipline et contentieux, mariages, adultères, incestes, sacrilèges, legs pieux, etc...) contraignante et disposait d'un Official, d'un Promoteur et d'un Greffier. En 1445, Hugues I Lecoq  était archidiacre de Beaune, en 1478 c'était Hugues II Lecoq.

Parmi les chanoines, deux sont remarquables :

 

—  Jean V Rolin, qui sera évêque d'Autun puis cardinal. De 1461 à 1468, il assura le patronage de l'Hôtel-Dieu de Beaune ; en 1474, chanoine de Beaune .  À la collégiale de Beaune, il fonda un office solennel de saint Lazare et celui de saint Vincent le 22 janvier.  Il offit à la collégiale Notre-Dame les peintures murales de la chapelle Saint-Léger (actuelle chapelle du Cardinal Rolin) réalisées en 1470-1471 (la Résurrection de Lazare et la Lapidation de saint Étienne) , et une tenture de chœur de la Vie de la Vierge à 21 pièces dont les cartons sur toile furent commandés en 1474 au peintre Antoine Spire. 

  —Jean Rolin VI (1450-1501), fils (par liaison de son père avec une religieuse) du cardinal Jean V Rolin et petit-fils du chancelier Nicolas Rolin, et filleul de Jean Sans Peur. Héritier du goût du lucre et de l'apreté au gain de ses parents, il obtint  en 1482 une prébende de chanoine à la Collégiale Notre-Dame de Beaune et le décanat (poste de doyen) de la collégiale Notre-Dame de Semur-en-Auxois, puis le décanat de l'église cathédrale Saint-Lazare d'Autun en 1484Les États de Bourgogne le désigne comme ambassadeur auprès de Charles VIII de France dont il devint rapidement le conseiller. Il entra au Parlement de Paris et y gravit tous les échelons. Il fut évêque d'Autun du 8 juin 1500 à la date de sa mort le 4 avril 1501. 

Les Rolin furent de très grands mécènes artistiques, et on considère parfois  que la tenture de la Vie de la Vierge avait été commandée par Jean V Rolin.

Les stalles de Beaune sont particulières, car elles n'adoptent pas la disposition courante en deux (doubles) séries de sièges parallèles se faisant face de part et d'autre de la partie occidentale et rectiligne du chœur : ici, les stalles, en un seul rang, ferment en hémicycle l'abside orientale. Cette rotonde fait face au jubé, qui la ferme. Chaque bras latéral  compte d'abord une travée droite de 4 sièges (sellettes mobiles  avec leur miséricorde), puis un banc convexe à la manière d' une chaire, à 3 places, puis un rond point débutant par 8 sièges semblables séparées du voisin par un accoudoir et disposant d'un prie dieu à agenouilloir,  pupitre et tablette à mi-hauteur, puis  une place permettant l'accès, une place centrale, avant de reprendre la même succession pour le bras opposé. Au total, 19 sièges dans le rond-point et 8 dans les travées soit 27 sellettes. [Les stalles actuelles date du 4e quart du XVIIIe siècle. D'après le receveur de la fabrique, ces stalles auraient été faites aux frais de M. Esmonin de Dampierre, demeurant à Dijon, héritier de Claude Esmonin, archidiacre de Beaune de 1750 à 1786 (délibération du 25 janvier 1811). Une série de vingt-sept stalles fut exécutée en 1818 par le sieur Douche,menuisier à Beaune (Arch. dép. Côte-d'Or, 4 VI, nc 3). ]

Dimensions des stalles : .h = 127 ; la = 2109 ; pr = 75,5 (dimensions totales) ; stalle : h siège = 44, la = 69,5, pr = 36 ; pupitre : h = 111. Ornementation (volute, feuille, rosette, rameau d'olivier, pot à feu). Eléments rapportés manquants : 2 miséricordes, 2 culots de miséricorde, 3 culots de parclose et 9 rosettes.

Le pavement en D suit le dessin à rond-point et à travées des stalles. L'aigle-lutrin date de la 2e moitiè du XVIIIe siècle.

Un jubé fut construit en 1477 entre les 4e et 5e travées de la nef par le sculpteur Le Moiturier sur commande du cardinal Jean Rolin, évêque d'Autun ; puis ce jubé fut détruit à la demande du chapitre en 1766 : c'est sans-doute alors que la tenture fut déposée et remisée.

 

Il n'y a ni dais ni baldaquin, mais une grille en demi-cercle, et c'est précisément pour habiller cette grille qu'est suspendue, devant un drap rouge, la tenture avant qu'elle ne fasse retour sur le jubé. "Les tentures de chœur aidaient à la constitution d’une identité commune à chaque communauté de clercs. En suivant les limites des stalles, elles accentuaient une division de l’espace dans l’église soulignant et unifiant le chœur des chanoines ou des moines qu’elles ceinturaient. De cette manière, tous les membres du chapitre siégeant dans le chœur étaient visuellement réunis par la tenture qui parcourait l’ensemble des stalles. " (Laura Weigert)

La tenture était exposée trois fois durant l'année, à Noël, à Paques et à l'Assomption, ou lors de la visite de personnages éminents. En 1512, l'archidiacre Jean Briçonnet offrit  une tenture de la Passion , et les deux ensembles constituèrent le "Thresor" du chapitre, un corpus atteignant 22 à 24 pièces de tapisseries au XVIIe siècle.

Restauration. 

Les tentures, soigneusement entretenues par les marguillers sur injonction des chanoines, furent lavées en 1612, nettoyées en 1746, réparées en 1765.

En 1847, Albert Humbert, architecte à Dijon, amateur d'art et d'archéologie et collectionneur (il était le fils d'un orfèvre beaunois) retrouve la tenture dans les combles de la Collégiale. Il manque la 3e pièce, qu'il retrouve devant l'ancien hôtel Joursenvaux, où elle avait longtemps servie de tapis de pieds après avoir été coupée en deux et recousue. Dans une note manuscrite du 14 janvier 1853, il écrit :

"J'ai enfin obtenu en 1852 , la restauration que je sollicitais depuis longtemps, et que j'ai dirigé. Chaque pièce a été lavée, et retenue aveec soin, et elles ont retrouvéées tout l'éclat de leurs couleurs admirables, qui imitent les reflets chatoyant du velours. Les doublures en toile ont été entièrement remplacées par des neuves, numérotées, et marquées au nom de l'Église Notre-Dame ; j'ai fait peindre reddière la cinquième pièce une inscription qui indique l'origine de ces tapisseries et l'année de leur restauration. [...] Cette restauration d'est faite à l'hôpital : la maîtresse des sœurs en a pris tout l'embarras, pour conserver un droit d'avoir tous les ans ces tapisseries pour tendre une partie de la grande cour de cette maison, pendant la procession de la Fête-Dieu..." "Elles tendent maintenant le chœur de cette égloise, où elles font un effet magnifique. On les exposera aux principales fêtes [...] selon l'ancien usage."

 

La tenture fut présentée à l'Exposition Universelle de 1889 au Trocadéro à Paris.

Classement Monument Historique le 10 octobre 1891.

Une restauration a eu lieu d'avril 1936 à juin 1937 dans les Ateliers du Mobilier National : "réparation des clairs en soie et des laines têtes de nègre généralement détruites par le mordant. Repiquage général. Pas de parties tissées".

La tenture est installée dans le chœur, éclairée et munie d'une alarme depuis 1972.

 Les dernières interventions conservatoires ont été réalisées entre 1993 et 1995 par Martine Plantec, conservateur-restaurateur textile à LP3 Conservation de Sémur-en-Auxois. 

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Couleurs et pigments.

  • bleu : teints à la cuve d'indigo dont le colorant provient de la guède ou  pastel, la feuille d' Isatis tinctoria, principale source d'indigo en Europe avant le XVIIe.
  • rouge : garance ou racine de Rubia tinctoria et cochenille (rouge écarlate) apportée d'Amérique. 
  • jaune : gaude, feuille de Reseda luteola, riche en lutéoline.
  • bruns : gaude mélée à la garance
  • vert : gaude mélée à l'indigo.
  • Toutes ces nuances sont fixées par mordançage à l'aluminium (alun), mais pour certains bruns et rouges,   lutéoline et de garance sont fixés sur la laine avec un mordançage au sulfate de fer ("couperose"), résistant mal à la lumière. Cette technique est utilisée dans les ateliers de Tournai au XVe.

Les couleurs obtenues par mélange donnent le lie-de-vin ; le vert pistache, le vert tilleul ; et le vieux rose. Les dégradés sont obtenus par hachures.

 

 

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VUES GÉNÉRALES DE LA TENTURE.

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 Ali Hamadache a eu l'idée d'une vue panoramique du chœur : http://2.bp.blogspot.com/-qzznVyypA9w/UvdTigGA2bI/AAAAAAAABRE/2A5JaT09awQ/s1600/00.vuePanoramiq.jpg 

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Première pièce : quatre scènes.

  • 1. Le baiser d'Anne et Joachim à la Porte Dorée.

  •  2. Nativité de la Vierge

  •  3. Présentation de Marie au Temple.

  • 4. Élection de Joseph comme époux de Marie

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Première pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Première pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Première pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Première pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Première pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Deuxième Pièce : quatre scènes.

  • 5. Mariage de Marie et de Joseph

  • 6. Marie se rendant chez Joseph avec ses compagnes

  • 7. Annonciation

  • 8. Le donateur Hugues Lecoq présenté par saint Jean-Baptiste.

 

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Deuxième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Deuxième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Deuxième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Troisième pièce : trois scènes.

 

  • 9. Visitation
  • 10. Nativité
  • 11. Circoncision.

Inscription au dos : RETROUVE EN 1847

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Troisième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Troisième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Troisième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Troisième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Troisième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Quatrième pièce : quatre scènes.

  • 12. Adoration des Mages

  • 13. Présentation de Jésus au Temple.
  • 14. Fuite en Égypte
  • 15. Massacre des Innocents

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Quatrième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Quatrième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Quatrième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Cinquième pièce contre le jubé : quatre scènes.

  • 16. Repos de la Sainte Famille en Égypte

  • 17. Dormition

  • 18. Couronnement de la Vierge.

  • 19. Hugues Lecoq présenté par saint Hugues.

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Cinquième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Cinquième pièce, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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LES DIX-NEUF SCÈNES.

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L'encadrement.

Chaque scène s'inscrit dans un cadre entre deux colonnes posées sur unsupport hexagonal. Ces colonnes sont ornées de losanges ocres imitant une taille en pointe de diamant et dont l'intérieur est peint d'un motif en feuille, assez complexe, bleu ou rouge. Elles supportent par l'intermédiaire de chapiteaux à décor de feuillage un arc surbaissé, doublé par des arcatures dont les fleurons pointant vers le bas se découpent au dessus des scènes. Les arcades sont ornées de gemmes bleues et rouges, ou de perles.

Dans cinq cas, une tenture bleue est tendue sur le fond de la scène, avec son étoffe à l'aspect de velours quadrillée par les marques du pliage et du repassage. 

Le battage, en tapisserie est l'interpénétration de deux couleurs, tissée dans le sens de la trame, par hachures de forme triangulaire plus ou moins longues.  On en trouve ici de multiples exemples, mais les plis de ce fond de velours en fournit de remarquables.

Le décor.

Le décor des scènes d'intérieur est fait d'éléments d'architectures, de carrelages, de murs appareillés sur chant, ou de meubles sommaires. Celui des scènes d'extérieur donne à voir quelques châteaux fantaisistes, des moulins à vent bien flamands, des prairies mamelonnées où sont dessinés des plantes stylisées.

 Les recherches de perspective sont encore maladroites. "Dans les scènes intérieures, elle est obtenue grâce à l'effet de fuite donné par le carrelage ; dans les scènes extérieures, par la montée du paysage ; enfin, dans la Présentation au Temple, par la disposition de l'escalier. " (C. Arminjon)

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1. Scène n° 1. La rencontre de la Porte Dorée, ou La Conception de la Vierge.

Fête liturgique : instituée depuis 1477, par décision de Sixte IV, fête del' [Immaculée] Conception de Marie,  le 8 décembre date « supposée » de la conception de Marie neuf mois avant sa naissance fêtée le 8 septembre.  

Source :  Protévangile de Jacques.

Anne et Joachim, longtemps stériles, se rencontrent sur l'injonction d'un ange devant la Porte Dorée de Jérusalem. Remarquez le moulin à vent en arrière plan ; le rosier et l'olivier ; le motif des nimbes ; mais surtout le rapprochement des corps et plus encore le contact des lèvres, illustration d'une conception ex osculo, "par le baiser".

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Scène n° 1, La rencontre de la Porte Dorée, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 1, La rencontre de la Porte Dorée, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 1, La rencontre de la Porte dorée, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 1, La rencontre de la Porte dorée, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Dans la partie inférieure de chaque tapisserie, une longue bande de couleur foncé renferme une prodigieuse quantité de fleurs dans lesquelles évoluent quelques oiseaux. Ce décor fort à la mode à cette époque (tapisserie mille-fleurs ou verdures), notamment en Flandre (tapisserie de la Licorne), associe diverses fleurs en rosette parmi lesquelles je peine à reconnaître origan ou potentille, fleurs des champs, pervenches, anémones, ou primevères, pensées ou pâquerettes, renoncules, ancolies, campanules, scabieuses, crocus, colchiques, muguets ou fraisiers. 

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Scène n° 1, La rencontre de la Porte Dorée (détail), Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 1, La rencontre de la Porte Dorée (détail), Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 1, La rencontre de la Porte dorée (détail), Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 1, La rencontre de la Porte dorée (détail), Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 2. Nativité de la Vierge. 

Fête liturgique le 8 septembre.

Nous trouvons ici une représentation rare de l'allaitement de  Marie par sa mère Anne. De même, le berceau à bascule est un témoignage ethnographique intéressant.

Source :  Protévangile de Jacques, chap. V.

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Scène n° 2, Nativité de la Vierge, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 2, Nativité de la Vierge, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Allaitement de Marie par sainte Anne, scène n° 2, Nativité de la Vierge, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Allaitement de Marie par sainte Anne, scène n° 2, Nativité de la Vierge, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Les mots "Grace . a dieu" sont présents tout au long de la tenture (dans les écoinçons des arcades qui encadrent chaque scène) : ils sont considérés par différents auteurs comme la devise du donateur.

 

"Grace . a dieu",  Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

"Grace . a dieu", Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 3. Présentation de la Vierge au Temple. 

Fête liturgique le 21 novembre.

Source : Protévangile de Jacques chapitres 6-7.

 

« Quand Marie eut deux ans, Joachim dit à Anne, son épouse : « Conduisons la au temple de Dieu, afin d'accomplir le vœu que nous avons formé et de crainte que Dieu ne se courrouce contre nous et qu'il ne nous ôte cette enfant » Et Anne dit: « Attendons la troisième année, de crainte qu'elle ne redemande son père et sa mère» » Et Joachim dit : « Attendons. » El l'enfant atteignit l'âge de trois ans et Joachim dit : « Appelez les vierges sans tache des Hébreux et qu'elles prennent des lampes et qu'elles les allument» et que l'enfant ne se retourne pas en arrière et que son esprit ne s'éloigne pas de la maison de Dieu. » Et les vierges agirent ainsi et elles entrèrent dans le temple. Et le prince des prêtres reçut l'enfant et il l'embrassa et il dit : « Marie, le Seigneur a donné de la grandeur à ton nom dans toutes les générations, et, à la fin des jours, le Seigneur manifestera en toi le prix de la rédemption des fils d'Israël. » Et il la plaça sur le troisième degré de l'autel, et le Seigneur Dieu répandit sa grâce sur elle et elle tressaillit de joie en dansant avec ses pieds et toute la maison d'Israël la chérit.  » [ Protévangile de Jacques chap.6 ,  trad. Gustave Brumet, mis en ligne par Philippe Remacle]

 

Anne et Joachim conduisent Marie au temple alors qu'elle a trois ans. Sous leur regard ému, la Vierge guidée par deux anges gravit l'escalier sans se retourner. Mais le Temple est vide, alors que le grand prêtre est habituellement représenté au sommet de l'escalier.

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Scène n° 3, Présentation de la Vierge au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 3, Présentation de la Vierge au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Joachim et Anne, scène n° 3, Présentation de la Vierge au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Joachim et Anne, scène n° 3, Présentation de la Vierge au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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 Scène n° 3, Présentation de la Vierge au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 3, Présentation de la Vierge au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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 Scène n° 3, Présentation de la Vierge au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 3, Présentation de la Vierge au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 4.  La Vierge au Temple ; l'élection de Joseph comme époux, la verge fleurie.

Deux scènes sont juxtaposées sans partager le même point de vue dans le rendu de la perspective. A gauche, Marie est représentée durant son séjour au Temple, où elle s'adonne à la prière et au tissage.

 A droite,  le pontife lui choisit un époux parmi les descendants de la Maison de David. Joseph est désigné malgré lui par la floraison de son bâton. Un prétendant dépité brise le sien sur son genou.

Cette scène est intéressante par la recherche des sources scripturaires et iconographiques.
—Sur le plan scripturaire, si l'épisode de l'élection de Joseph comme époux trouve son origine dans le Protévangile de Jacques, néanmoins, dans ce texte, la baguette de Joseph ne fleurit pas, mais il en sort une colombe qui vient se poser sur sa tête. De même, dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine, certes la verge de Joseph fleurit, mais une colombe vient s'y poser. Or, nous ne voyons pas de colombe sur cette tapisserie. La source n'est pas non plus l'Histoire de Joseph le Charpentier.

a) Protévangile de Jacques, chap. 8 :

 

Et ses parents descendirent, admirant et louant Dieu de ce que l'enfant ne s'était pas retournée vers eux. Marie était élevée comme une colombe dans le temple du Seigneur et elle recevait de la nourriture de la main des anges. Quand elle eut  douze ans, les prêtres se réunirent dans le temple du Seigneur et ils dirent : « Voici que Marie a passé dix ans dans le temple ; que ferons-nous à son égard, de peur que la sanctification du Seigneur notre Dieu n'éprouve quelque souillure? » Et les prêtres dirent au prince des prêtres : « Va devant l'autel du Seigneur et prie pour elle, et ce que Dieu t'aura manifesté, nous nous y conformerons. » Le prince des prêtres, ayant pris sa tunique garnie de douze clochettes entra donc dans le Saint des Saints et il pria pour Marie. Et voici que l'ange du Seigneur se montra à lui et lui dit : « Zacharie, Zacharie, sors et convoque ceux qui sont veufs parmi le peuple et qu'ils apportent chacun une baguette et celui que Dieu désignera par un signe sera l'époux donné à Marie pour la garder. » Des hérauts allèrent donc dans tout le pays de Judée, et la trompette du Seigneur sonna et tous accouraient.

chap.9 :

Joseph ayant jeté sa hache, vint avec les autres. Et s'étant réunis, ils allèrent vers le grand-prêtre, après avoir reçu des baguettes. Le grand-prêtre prit les baguettes de chacun, il entra dans le temple et il pria et il sortit ensuite et il rendit à chacun la baguette qu'il avait apportée, et aucun signe ne s'était manifesté, mais quand il rendit à Joseph sa baguette, il en sortit une colombe et elle alla se placer sur la tête de Joseph. Et le grand-prêtre dit à Joseph : « Tu es désigné par le choix de Dieu afin de recevoir cette vierge du Seigneur pour la garder auprès de toi. » Et Joseph fit des objections disant : « J'ai des enfants et je suis vieux, tandis qu'elle est fort jeune ; je crains d'être un sujet de moquerie pour les fils d'Israël. » Le grand-prêtre répondit à Joseph : « Crains le Seigneur ton Dieu et rappelle-toi comment Dieu agit à l'égard de Dathan, d'Abiron et de Coreh, comment la terre s'ouvrit et les engloutit, parce qu'ils avaient osé s'opposer aux ordres de Dieu. Crains donc, Joseph, qu'il n'en arrive autant à ta maison. » Joseph épouvanté reçut Marie et lui dit : « Je te reçois du temple du Seigneur et je te laisserai au logis, et j'irai exercer mon métier de charpentier et je retournerai vers toi. Et que le Seigneur te garde tous les jours. »Protévangile de Jacques chap.9 ,  trad. Gustave Brumet, mis en ligne par Philippe Remacle]

b) Légende Dorée de Jacques de Voragine, Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie :

"Quand elle eut atteint l’âge de quatorze ans, le pontife annonça publiquement que les vierges élevées dans le temple, qui avaient accompli leur temps, eussent à retourner chez elles, afin de se marier selon la loi. Toutes ayant obéi, seule la sainte Vierge Marie répondit qu'elle ne pouvait le faire, d'abord parce que ses parents l’avaient consacrée au service du Seigneur, ensuite parce qu'elle lui avait voué sa virginité. Alors le Pontife fut incertain de ce qu'il avait à faire [...] Or, comme on était en prière et que le Pontife s'était approché pour connaître la volonté de Dieu, à l’instant du lieu de l’oratoire, tout le monde entendit une voix qui disait, que tous ceux de la maison de David qui étant disposés à se marier, ne l’étaient pas encore, apportassent chacun une verge à l’autel, et que celui dont la verge aurait donné des feuilles, et sur le sommet de laquelle, d'après la prophétie d'Isaïe, le Saint-Esprit se reposerait sous la forme d'une colombe, celui-là, sans aucun doute, devait se marier avec la Vierge. Parmi ceux de la maison de David, se trouvait Joseph, qui, jugeant hors de convenance qu'un homme d'un âge avancé comme lui épousât une personne si jeune, cacha, lui tout seul, sa verge, quand chacun avait apporté la sienne. Il en résulta que rien ne parut de ce qu'avait annoncé la voix divine; alors le pontife pensa qu'il fallait derechef consulter le Seigneur, lequel répondit que celui-là seul qui n'avait pas apporté sa verge, était celui auquel la Vierge devait être mariée . Joseph ainsi découvert apporta sa verge qui fleurit aussitôt, et, sur le sommet se reposa une colombe venue du ciel. Il parut évident à tous que Joseph devait être uni avec la sainte Vierge. Joseph s'étant donc marié, retourna dans sa ville de Bethléem afin de disposer sa maison et de se procurer ce qui lui était nécessaire pour ses noces. Quant à la Vierge Marie, elle revint chez ses parents à Nazareth avec sept vierges de son âge, nourries du même lait et qu'elle avait reçues de la part du prêtre pour témoigner du miracle. Or, en ce temps-là, l’ange Gabriel lui apparut pendant qu'elle était en prière et lui annonça que le Fils de Dieu devait naître d'elle."

 

 

Sur le plan iconographique, l'élément intéressant est le jeune prétendant qui, par colère d'être écarté, brise sa baguette sous son genou.  Ce personnage est semblable à celui peint par Raphaël dans son Mariage de la Vierge de 1504, (Musée de Bréra à Milan) alors qu'il diffère de celui de la toile concurrente peinte par Le Pérugin en 1500-1504.

 https://archive.org/stream/revuedelartchr1900lill#page/198/mode/2up

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Scène n° 4, élection de Joseph par la verge fleurie, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 4, élection de Joseph par la verge fleurie, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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 Scène n° 4, élection de Joseph comme époux, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 4, élection de Joseph comme époux, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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 Scène n° 4, élection de Joseph comme époux, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 4, élection de Joseph comme époux, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n°  5. Le Mariage de la Vierge.

 Le grand prêtre bénit le couple. 

Les personnages portent une tenue analogue à celles de la scène précédente : le grand prêtre porte une toque de fourrure et de plumes évoquant à Catherine Arminjon  les coiffures des dignitaires byzantins. Sa robe de velours bleu se termine par une large bordure à pierreries où sont brodées les mots BEI (ou BEN) NATR. Cette tenue cherche à évoquer la tenue rituelle des grands prêtres du Temple de Jérusalem, tels qu'ils sont décrits en détail dans Exode 28, Exode 39 et Lévitique 8, avec ses huit vêtements sacrés dont quatre  étaient les mêmes que ceux que portaient tous les prêtres et quatre lui étaient réservés. 

 La Vierge porte la robe blanche damassée de palmettes rouges des scènes 3 et 4 mais enrichie d'un manteau bleu à fermail de pierreries, d'une ceinture basse soulignant la convexité de son ventre (très à la mode) sur laquelle se fixe une longue chaîne et son médaillon, et surtout d'une couronne à fleurons. On entrevoit son fin soulier lie-de-vin.

Joseph porte la même robe gris-brun que lors de sa sélection, le manteau rouge aux parements de gemmes, le chaperon ou scapulaire bleu, et le le bâton noueux qui souligne son grand âge. Il est nu-tête, et chenu.

 Les deux femmes qui suivent la Vierge portent des robes conformes à la mode vers 1470-1480 : un turban ou touret est posé sur un front épilé, la robe à encolure ronde possède des manches évasées (en soie ou en hermine).

Les deux hommes (témoins ou assistants) déploient aussi des trésors d'élégance et de richesse vestimentaire. 

 

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Scène n° 5, le Mariage de la Vierge et de Joseph,  Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 5, le Mariage de la Vierge et de Joseph, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 5, le Mariage de la Vierge et de Joseph,  Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 5, le Mariage de la Vierge et de Joseph, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 5, le Mariage de la Vierge et de Joseph,  Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 5, le Mariage de la Vierge et de Joseph, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 6. La Vierge se rend chez son époux. 

L'épouse est conduite solennellement chez son mari, escortée de deux femmes et d'une servante.

 " les coloris délicats du décor tranchent vigoureusement sur les couleurs beaucoup plus soutenues des vêtements." (C. Arminjon).

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Scène n° 6, Marie se rendant dans la maison de Joseph, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 6, Marie se rendant dans la maison de Joseph, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 6, Marie se rendant dans la maison de Joseph (détail), Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 6, Marie se rendant dans la maison de Joseph (détail), Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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 Scène n° 6, Marie se rendant dans la maison de Joseph, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 6, Marie se rendant dans la maison de Joseph, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 7. L'Annonciation. 

Fête liturgique le 25 mars (neuf mois avant Noël).

 "Marie était fiancée à Joseph. Avant qu'ils eussent habité, elle se trouva enceinte par la vertu du Saint esprit" (saint Mathieu). L'ange Gabriel porte un phylactère reprenant ses paroles : "AVE GRACIA PLENA DOMINUS TECUM ...". La Vierge répond : ECCE ANCILLA FIAT MIHI SECUMDUM". La colombe symbolise le Saint Esprit et le lys la pureté de Marie. 

Scène n° 7, Annonciation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Scène n° 7, Annonciation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 7, Annonciation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 7, Annonciation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Scène n° 7, Annonciation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 7, Annonciation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Source iconographique :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54141t/f27.image.r=pigouchet

 

 

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Scène n° 8. Saint Jean Baptiste présentant le donateur Hugues Le Coq.

Le chanoine Hugues Le Coq est présenté à la Vierge. 

Le donateur.

Il est présenté en costume de chœur, l'aumusse canoniale reposant sur le bras droit.

Je citerai Alain Erlande-Brandenburg (1976) :

"Les armoiries placées auprès de ce donateur (D'azur à trois coqs d'or) permettent d'y reconnaître un membre de la famille Le Coq. Comme, d'autre part, une inscription placée sur la dernière pièce à l'extrême droite date l'exécution de la tenture (« Ceste tapisserie fut faicte l'an de grâce mil Ve »), il est aisé d'identifier le donateur. Les Le Coq sont des notables parisiens bien connus, bien que leur généalogie ne soit pas toujours commode à établir. Il existe, en effet, deux Hugues Le Coq, l'un dit l'aîné, qui avait été chanoine de la cathédrale d'Autun et archidiacre de Notre-Dame de Beaune. Il ne peut s'agir de cet Hugues puisqu'il devait mourir en 1485. Ajoutons qu'il fut inhumé dans le chœur des Pères, dans l'église des Chartreux de Vauvert, à Paris. Son neveu, Hugues III Le Coq, devait lui succéder à Beaune avant de devenir en 1502 chanoine de Notre-Dame de Paris. Il était fils de Gérard II Le Coq, frère d'Hugues II Le Coq, tous deux fils, mais d'un lit différent, de Gérard I Le Coq. Ce Gérard I descendait de Jean, secrétaire et maître de la chambre aux deniers du Roi, qui fut annobli par lettres du mois d'octobre 1363. On ignore la date de la mort d'Hugues III, il vivait encore en 1521, date à laquelle il rédigea son testament. C'est à lui que revient le mérite de la commande de la tenture de Beaune qui fut achevée avant qu'il ne devienne chanoine de Notre-Dame de Paris, en 1502. Il s'y est fait représenter à deux reprises pour des raisons qui nous échappent, présenté par son véritable patron saint Hugues et par un autre qu'il s'était délibérément choisi, saint Jean-Baptiste. On a pu penser un moment que, sur la deuxième tapisserie, il s'agirait de l'oncle que Hugues III aurait pieusement associé. Le texte placé au-dessus pourrait le faire croire puisqu'il est question de la mort et de l'intercession de la Vierge pour les défunts. Je ne le pense pas et admettrais plus volontiers qu'il s'agit du même personnage étant donné les ressemblances frappantes entre les deux représentations. On voit enfin son mot répété régulièrement sur toute la longueur de la tenture.

Nous ignorons les raisons qui ont incité Hugues III Le Coq à faire un tel cadeau à Notre-Dame de Beaune, de même que nous ne savons pas à quel cartonnier il s'est adressé et à quel endroit il a fait exécuter la tenture. Ces deux derniers problèmes paraissent aujourd'hui les plus irritants de l'histoire de la tapisserie. Seuls des documents d'archives pourraient leur apporter une solution certaine. En attendant, on est réduit aux hypothèses les plus fragiles que la découverte d'un document risque de réduire à néant."

 

 

 

Selon C. Arminjon :

" Offerte par le chanoine Lecoq, chanoine du chapitre de Beaune à l’époque, il avait demandé à ce que son portrait soit représenté et tissé à l’intérieur sur le dernier tableau. Comme il était le commanditaire il devait être représenté à la fin de la tenture, mais il avait prévu que son protecteur, puisque les protecteurs avaient un rôle très important à l’époque, qui n’était autre que le cardinal Rolin soit présent et tissé également dans cette même tenture. Donc une des premières pièces devait représenter Rolin. Mais entre le temps de la commande et le temps de réalisation de la tapisserie il s’est passé une trentaine d’années et il n’était plus bien du tout avec son protecteur Rolin, on a donc décidé, purement et simplement, de mettre deux fois le portrait du donateur Lecoq en le retissant sur la tête du chancelier Rollin. Ce qui fait que cet ensemble présente le cas exceptionnel de deux figures du même donateur alors que ce n’était vraisemblablement pas prévu à l’origine."

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Puisque c'est par association des armes parlantes aux coqs et de la présence de saint Hugues présentant le chanoine dans la dernière pièce qu'on déduit que le donateur est Hugues Le Coq, ne serait-il pas logique d'identifier le chanoine de la scène 8, présenté par saint Jean, comme un certain Jean Le Coq ?  Cela expliquerait la présence de deux portraits de donateurs.

Certes Hugues I Le Coq est connu des généalogistes, comme fils de Gérard I Le Coq, mais  on trouve aussi dans cette famille Jean Le Coq, fils de Gérard III Le Coq, conseiller au Parlement de Paris, et lui-même chanoine de l'église de Paris, curé de saint-Eustache, décédé en 1526.

Les avis sont donc partagés . Hugues Le Coq est-il Hugues II Le Coq, archidiacre de Beaune de 1478 à 1502, ou Hugues III comme le pense A. Erlande-Brandenburg ?  La tenture actuelle a-t-elle un rapport avec les 21  toiles peintes commandées en 1474 au peintre Antoine Spire ? Celle-ci devait comporter en ses quatre coins les armes (tenues par deux hommes sauvages sous son chapeau) et la devise Time Deum du cardinal Rolin ? Mais elle devait comporter le portrait de Jean V Rolin "  priant, mains joinctes, mondit seigneur le Cardinal ainsi qu'il est au tableaul de la chapelle Saint Ligier a Beaune que a fait ledit maistre, son chienot empres luy et son chapeaul de cardinal devant luy", et chaque scène devait être légendée : "et dessoubz ou dessus chacune histoire sera escript le nom d'icelle ".

La réponse est apportée par Fromaget 1994 p.6 :

"Or on sait par les archives capitulaires qu'en janvier 1478 eut lieu la réception et le serment par procuration d'Hugues Le Coq le jeune, institué archiiacre de Beaune par l' cardinal Rolin, évêque d'Autun, avec le canonicat et la prébende attachée à cette charge ; il échangeait cette fonction avec son oncle Hugues Le Coq l'ancien (mort en 1485) contre un canonicat de Reims. En 1502, il abandonnait cet office à Jean Briçonnet, chanoine de Paris et d'Autun, contre un canonicat de Paris. Le donateur de cette tenture datée 1500 est donc l'archidiacre Hugues Le Coq le jeune".

 

 

Ce qui est confirmé par un document d'archive du 4 juin 1501 dans laquelle le chapitre de la collégiale de Beaune donne quittance à Hugues Le Coq, archidiacre de Beaune, de la somme de 400 francs qu'il leur devait pour la fondation d'un anniversaire de 4 francs, d'un double office en l'honneur de saint Hugues, et en raison de la livraison des nouvelles tapisseries de l'église qu'il a fait faire pour la dite somme. (Fromaget, 1994, p.12)

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Sources iconographiques.

Comparer avec Robert Campin, Saint Jean-Baptiste et le maître franciscain Henri de Werl , 1438:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_%C5%93uvres_de_Robert_Campin#/media/File:Robert_Campin_014.jpg

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Scène n° 8, Hugues Lecoq présenté par Jean-Baptiste, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 8, Hugues Lecoq présenté par Jean-Baptiste, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 8, Jean-Baptiste et le chanoine Hugues Lecoq, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 8, Jean-Baptiste et le chanoine Hugues Lecoq, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Sur un cartouche rouge sont inscrits en lettres gothiques les vers tirés d'une hymne du petit office de la Sainte Vierge : 

Maria Mater gracie.

mater, misericorde

tu nos ab hoste protege

hora mortis suscipe

et pro deffunctis intercede.

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Scène n° 8, oraison, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 8, oraison, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Armoiries du cardinal Jean Rolin d'azur à trois clefs d'or en pal.

Armoiries d'Hugues ou Jean Le Coq d'azur à trois coqs d'or en pal .

Ces armoiries parlantes ont-elles une validité héraldique ou sont-elles une allusion au cardinal Rolin ?

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Armoiries de Hugues Lecoq, Scène n° 8, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Armoiries de Hugues Lecoq, Scène n° 8, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 9. La Visitation.

Fête liturgique le 31 mai

Texte : Luc 1:39-45.

 Elisabeth, femme du prêtre Zacharie,enceinte de Jean Baptiste, reçoit la visite de la Vierge, enceinte elle aussi. Elisabeth sent son enfant tressaillir au salut de Marie et se trouve remplie de l'Esprit Saint. 

"Un soin très particulier a été apporté au traitement de la nature. La Visitation se situe dans un cadre magnifique légèrement montueux où l'herbe verte de la prairie tranche violemment sur les pentes abruptes des collines. Des monuments plus ou moins imaginaires ferment la scène en se détachant sur un ciel d'un bleu merveilleux. Les scènes de la Vierge se rendant à la maison de son époux et de la Fuite en Egypte ne le cèdent en rien ; " (C. Arminjon).

Le petit nuage en forme de chapeau a été considéré par certains comme une allusion à la fidélité de Beaune envers le cardinal Rolin (!).

Sources :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54141t/f36.image.r=pigouchet

 

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Scène n° 9, Visitation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Scène n° 9, Visitation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 9, Visitation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 9, Visitation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 9, Visitation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Bordure fleurie, Scène n° 9, Visitation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Bordure fleurie, Scène n° 9, Visitation, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 10. La Nativité.

Fête liturgique : Noël, le 25 décembre.

 Joseph et Marie se rendent à Bethléem pour le recensement ordonné par César Auguste. "Marie accouche dans une crèche, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux à l'auberge". (St Luc).

Apocryphe : Pseudo-Matthieu XIV.

Cette scène avait été coupée en deux morceaux et recousue en en amputant un morceau.  On suit la ligne du raccord le long du capuchon de Joseph  et de son manteau, mais surtout près des maisons à gauche du berger.

Gravure proposée comme source :

Heures à l'usage de Romme, Paris, Philippe Pigouchet pour Simon Vostre, 1496 (et 1501)

 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54141t/f46.image.r=pigouchet

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Scène n° 10, Nativité, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 10, Nativité, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 10, Nativité, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 10, Nativité, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Le bœuf et l'âne renvoient à Isaïe 1:3  cognovit bos possessorem suum et asinus praesepe domini sui Israhel non cognovit populus meus non intellexit "Le boeuf connaît son possesseur, Et l'âne la crèche de son maître: Israël ne connaît rien, Mon peuple n'a point d'intelligence. "

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Scène n° 10, Nativité, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 10, Nativité, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 10, Nativité, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 10, Nativité, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

 

 

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Scène n° 11. La Circoncision. 

Fête liturgique le 1er janvier.

Texte : Luc 2:11

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Scène n° 11, Circoncision, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Scène n° 11, Circoncision, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 11, Circoncision, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 12. L'Adoration des Mages.

 Source : Évangile de Matthieu 2:11-12 :

 

Jésus étant né à Bethléhem en Judée, au temps du roi Hérode, voici des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem, et dirent: Où est le roi des Juifs qui vient de naître? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l'adorer. Le roi Hérode, ayant appris cela, fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, et il s'informa auprès d'eux où devait naître le Christ. Ils lui dirent: A Bethléhem en Judée; car voici ce qui a été écrit par le prophète: et toi, Bethléhem, terre de Juda, Tu n'es certes pas la moindre entre les principales villes de Juda, Car de toi sortira un chef Qui paîtra Israël, mon peuple. Alors Hérode fit appeler en secret les mages, et s'enquit soigneusement auprès d'eux depuis combien de temps l'étoile brillait. Puis il les envoya à Bethléhem, en disant: Allez, et prenez des informations exactes sur le petit enfant; quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j'aille aussi moi-même l'adorer.  Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici, l'étoile qu'ils avaient vue en Orient marchait devant eux jusqu'à ce qu'étant arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s'arrêta. Quand ils aperçurent l'étoile, ils furent saisis d'une très grande joie.  Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l'adorèrent; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Des relations typologiques renvoyant à l'Ancien Testament.

L'étoile renvoie tacitement à la prophétie  de Balaam dans Nombre 24:17 

 Les rois renvoient à Isaïe 60:1-6.

 

Les cadeaux apportés par les Mages peuvent s’expliquer par référence au Livre d’Isaïe: « Debout (…) elle est venue, ta lumière (…) Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. (…) Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens; ils annonceront les exploits du Seigneur » (Is 60, 1-6). Matthieu, sans reprendre la citation, signie que Jésus est bien ce nouveau Messie attendu, et l’orande des parfums est celle de toutes les nations à ce « roi » nouveau-né.

Les Pères de l’Église, comme Irénée de Lyon (IIe siècle), voyaient dans l’or la reconnaissance de la royauté de Jésus, dans l’encens celle de sa divinité, dans la myrrhe sa mort sur la croix, donc son humanité. L’or, l’encens et la myrrhe disaient donc la véritable identité et la grandeur encore cachée de l’enfant nouveau-né, Fils de Dieu. Au VI e siècle, saint Grégoire le Grand, dans son Homélie X sur l’Épiphanie, écrit à son tour:

« Les mages proclament, par leurs présents symboliques, qui est celui qu’ils adorent. Voici l’or: c’est un roi; voici l’encens: c’est un Dieu; voici la myrrhe : c’est un mortel. » Mais il ajoute : « On peut aussi comprendre différemment l’or, l’encens et la myrrhe. L’or symbolise la sagesse, comme l’atteste Salomon : “Un trésor désirable repose dans la bouche du sage.” L’encens brûlé en l’honneur de Dieu désigne la puissance de la prière, ainsi qu’en témoigne le psalmiste : “Que ma prière s’élève devant ta face comme l’encens.” Quant à la myrrhe, elle gure la mortication de notre chair; aussi la sainte Église dit-elle, à propos de ses serviteurs combattant pour Dieu jusqu’à la mort : “Mes mains ont distillé la myrrhe.” »

Melchior, le roi le plus âgé, offre l'or ; c'est toujours lui  qui est agenouillé devant Jésus. Inaltérable, l'or symbolise, depuis l’Antiquité, la puissance et le règne.

Gaspard vient ensuite, offrant l'encens. Incensum, en latin, signie « ce qui est brûlé ». L’encens est une résine aromatique qui brûle en dégageant une fumée odoriférante.

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— Gravure proposée comme source : Heures à l'usage de Romme, Paris, Philippe Pigouchet pour Simon Vostre, 1496 (et 1501)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54141t/f55.image.r=pigouchet

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Scène n° 12, Adoration des Mages, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Scène n° 12, Adoration des Mages, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 12, Adoration des Mages, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Je m'amuse à chercher devant toute Adoration des Mages la boucle d'oreille de Balthazar — le roi noir qui offre la myrrhe — . Et, bien-sûr, je la trouve. Elle stigmatise les "races" réprouvées, ou, du moins, elle en signale l'écart ou la marginalité par rapport à la "normalité".  Elle adopte ici la forme d'un grelot, accessoire des marottes des fous et des bonnets des drôles, dont le bruit est à l'antithèse des sons harmonieux, mais encadre le passage vers un monde à l'envers. 

Baume précieux produit à partir d'une résine rouge importée d'Arabie, la myrrhe était utilisée pour les noces et des ensevelissements. Dans l'Ancien Testament où elle est citée douze fois dont sept dans le Cantique des Cantiques, elle est liée à l'amour de Dieu. Elle entre dans la composition de l'huile d'onction sainte pour l'Arche d'Alliance et les prêtres (Ex 30, 22-38), pour parfumer le vêtement du Roi Messie (Ps 44, 9) ou pour décrire la Sagesse, parole du Très-Haut (Si 24, 15).(Article dans La Croix, 4 janvier 2014 . Elle est utilisée, selon Jean 19:39-40, pour l'embaumement du corps du Christ : 

"Nicodème, qui auparavant était allé de nuit vers Jésus, vint aussi, apportant un mélange d'environ cent livres de myrrhe et d'aloès. Ils prirent donc le corps de Jésus, et l'enveloppèrent de bandes, avec les aromates, comme c'est la coutume d'ensevelir chez les Juifs."

Le visage noir de Balthasar, sa boucle d'oreille et ce grelot ne sont donc pas tant des signes de mépris, que des éléments iconographiques visant à signaliser le domaine de la Mort.

 

Scène n° 12, Adoration des Mages, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 12, Adoration des Mages, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 13. La présentation de Jésus au Temple.

–Fête liturgique le 2 février, 40 jours après la Nativité.

–Texte : Luc 2:22-38 : « Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification, selon la loi de Moïse, ils l'emmenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur. »

Marie présente Jésus au grand prêtre, et Joseph porte le couple de tourterelles offert pour le sacrifice. Une servante ou amie porte un cierge.  Siméon ne semble pas représenté ici.

 

— Gravure proposée comme source : Heures à l'usage de Romme, Paris, Philippe Pigouchet pour Simon Vostre, 1496 (et 1501)

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54141t/f59.image.r=pigouchet

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Scène n° 13, Présentation de Jésus au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 13, Présentation de Jésus au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 13, Présentation de Jésus au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 13, Présentation de Jésus au Temple, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 14. La fuite en Égypte.

 Alarmé par la prédiction des mages, Hérode fait rechercher Jésus. Joseph reçoit en songe l'ordre de fuir en Égypte. Les statues des idoles s'écroulent sur leur passage.

Source : Matthieu 2:12-15

" Lorsqu'ils furent partis, voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit: Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte, et restes-y jusqu'à ce que je te parle; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr. Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Égypte. Il y resta jusqu'à la mort d'Hérode, afin que s'accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète: J'ai appelé mon fils hors d'Égypte."

Matthieu ne cite pas le nom du prophète; il s'agit d'Osée Os.11:1 :

"Quand Israël était jeune, je l'aimais, Et j'appelai mon fils hors d'Egypte. Mais ils se sont éloignés de ceux qui les appelaient; Ils ont sacrifié aux Baals, Et offert de l'encens aux idoles" 

Il s'agit encore d'une lecture typologique de la vie de Jésus tendant à prouver que le Christ accomplit les Écritures. 

« Le thème de l’accomplissement (plêroô) est essentiel à Mt, comme à Jn ; le verbe signifie révéler la plénitude de sens” que prend un événement ou une parole d’Écriture à la lumière de la vie et des paroles de Jésus. [...] Il ne s’agit donc pas d’abord d’une “prévision” qui se trouverait réalisée ou d’une “démonstration” de la cohérence du dessein divin. Il n’y a pas deux Alliances, l’une périmée et l’autre prenant sa place ; il n’y en a qu’une, qui manifeste son absolue nouveauté dans la révélation de Jésus, portée par toutes les attentes et les figures qui l’ont annoncé. "J. RADERMAKERS, Exposé « Le livre d’Isaïe et l’Évangile de Matthieu », IÉT, 4 juin 1991, cité par Marie-David WEILL, I.E.T. - Séminaire « Le Prophétisme » 2015-2016/2 3 juin 2016.

Aussi peut-on voir cette tenture, non pas comme un livre mural de belles images pieuses, mais comme le support d'une méditation théologique sur cet accomplissement christique.

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— Gravure proposée comme source : Heures à l'usage de Romme, Paris, Philippe Pigouchet pour Simon Vostre, 1496 (et 1501).

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54141t/f63.item.r=pigouchet

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Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Bordure fleurie , rapace et faisan, Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Bordure fleurie , rapace et faisan, Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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La chute des idoles.

Plusieurs idoles païennes tombent de leur piédestal et se brisent au passage du Christ enfant. Ce détail iconographique, fréquemment repris par les artistes du Moyen Âge, s’inspire d’un épisode de l’Évangile du Pseudo-Matthieu, texte apocryphe qui décrit le voyage de la sainte Famille en l’agrémentant de nombreuses légendes. Le thème de la chute de l’idole lors de la Fuite en Égypte est lié à une riche tradition orale de l’Orient, et a été diffusé principalement par les apocryphes relatifs à l’Enfance de Jésus. Sa représentation apparaît dès le VIIIe siècle, et est répandue tant en Occident qu’en Orient.  L’épisode est d’abord figuré dans les peintures murales, les vitraux et les bas-reliefs d’églises, où il constitue un sujet indépendant. À partir du XIe siècle, il est massivement utilisé dans le domaine de l’enluminure, puis prend fréquemment place dans la peinture flamande des XVe et XVIe siècles. Ensuite, il est représenté de manière ponctuelle en peinture et en gravure jusqu’au XVIIIe siècle, époque à laquelle il tend à disparaître.

Sources :

 Le texte d’origine est l’Évangile du Pseudo-Matthieu, daté de la fin du VIe siècle au plus tôt, mais on ne dispose pas de manuscrit avant le XIe siècle. Il est connu notamment à travers le manuscrit du Livre de la Naissance de la Bienheureuse Marie et de l’Enfance du Sauveur, qui consacre huit chapitres à la Fuite en Égypte. Les chapitres 22 à 24 de l’Évangile du Pseudo-Matthieu décrivent la chute des idoles :

XXII. Joyeux et exultants, ils [la Sainte Famille] parvinrent dans la région d’Hermopolis et entrèrent dans une ville d’Égypte appelée Sotinen. N’y connaissant personne dont ils pussent recevoir l’hospitalité, ils entrèrent dans un temple appelé le « Capitole d’Égypte ». Dans ce temple se trouvaient 365 idoles auxquelles chaque jour on rendait des honneurs divins en des cérémonies sacrilèges. 

XXIII. Or il advint que lorsque la bienheureuse Vierge Marie entra dans le temple avec l’Enfant, toutes les idoles furent jetées à terre, si bien que toutes gisaient en morceaux, la face brisée, et ainsi leur néant fut prouvé. Ainsi fut accompli ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : « Voici que le Seigneur viendra sur une nuée de lumière et entrera en Égypte, et tous les ouvrages faits de la main des Égyptiens trembleront à son aspect. » 

Le chapitre XXIII de l'Histoire de la Nativité de Marie et de l'Enfance du Sauveur est plus concis :

"Et il advint que lorsque la bienheureuse Marie avec son enfant entra dans le Temple, toutes les idoles tombèrent par terre sur leur face, et elles restèrent détruites et brisées (22). Ainsi fut accompli ce qu'avait dit le prophète Isaïe : « Voici que le Seigneur vient sur une nuée, et tous les ouvrages de la main des Égyptiens trembleront à son aspect. » 

Comme le souligne Gwendoline de Mûelenaere, "la scène de la chute des idoles au passage du Christ relève du même procédé [exégétique]: elle est née d’un texte prophétique de l’Ancienne Loi qu’il fallait justifier. L’exégèse médiévale explique cette scène comme la réalisation des prophéties d’Isaïe 19, 1 : « L’Éternel entrera en Égypte et les idoles crouleront devant sa face », et de Jérémie 43, 13 : « Il brisera les stèles de la maison du soleil qui est dans le pays d’Égypte et il brûlera les maisons des dieux d’Égypte ».

Cette relation avec les prophéties d'Isaïe est mentionnée dès 1173 par Pierre Le Mangeur dans son

 Historia scholastica, une compilation présentant toute l'histoire biblique depuis le paradis terrestre jusqu'à l'Ascension, et qui sera adaptée  en français vers la fin du XIIIe siècle, par Guiart des Moulins sous le nom de "Bible historiale" :

 "De fuga Dominii in Aegyptum : [...] Cumque ingrederetur Dominus in Aegyptum, corruerunt idola Aegypti, secundum Isaiam, qui ait: Ascendet Dominus nubem levem, et ingredietur Aegyptum, et movebuntur simulacra Aegypti (Isa. XIX) : "Oracle sur l'Egypte. Voici, l'Eternel est monté sur une nuée rapide, il vient en Egypte; Et les idoles de l'Egypte tremblent devant lui, Et le coeur des Egyptiens tombe en défaillance".  ."

 Entre le XIIe et le XIVe siècle, ces textes sont compilés avec des vies de saints et d’autres récits légendaires. Les plus connus sont le Miroir historial de Vincent de Beauvais (VI, chap. 93 ; vers 1230-1250) et la Légende Dorée  de Jacques de Voragine (chap. 10 ; vers 1260).

 "...ainsi la chute de différentes statues qui tombèrent en plusieurs autres lieux. Voici ce qu'on lit dans l’Histoire scholastique (ch. III, Tobie) : « Le prophète Jérémie venant en Egypte, après la mort de Godolias, apprit aux rois du pays que leurs idoles crouleraient quand une vierge enfanterait un fils." (Légende Dorée)  .

Dans l'exposition poétique de la 11e strophe de l'Acathiste à la Mère de Dieu on chante :

Projetant sur l’Égypte l’éclat de la vérité tu chassas les ténèbres de l’erreur.
Les idoles de ce pays, ô Sauveur, ne pouvant supporter ta puissance, tombèrent.
Et ceux qui en furent délivrés s’écrièrent à la mère de Dieu.

Quoique liée au culte orthodoxe —et acathiste fut chanté la première fois pour célébrer la protection que la Mère de Dieu offrit à la ville de Constantinople , lors de son siège en 626 — il est remarquable par son ancienneté, et par le fait qu'il est considéré comme un chef-d’œuvre littéraire et théologique  présentant la foi commune et universelle de l’Église des premiers siècles au sujet de la Vierge Marie. 

 

Il n'est pas indifférent de voir que les idoles soient nues, anthropomorphes, tiennent en main des lances –brisées– munis de fanions, qu'elles sont placées au sommet de colonnes, et qu'elles chutent par section du tronc à mi-corps, car ces différents éléments sont constitutifs de l'habitus iconographique.

Dans la scène n°14, la place principale est réservée à la figure attendrissante de Marie enlaçant son Fils emmitouflé, à Joseph portant sa poële à frire et à l'âne au regard amusé : une image pleine de familiarité qui a une fonction narrative (rappellant au fidèle ou au chanoine le récit évangélique et apocryphe) et une fonction émotionnelle et dévotionnelle  susceptible de faire naitre des sentiments de piété et d'identification. Au contraire, la chute des idoles, placée presque en arrière plan, est utilisée dans le cadre de la typologie, principe exégétique considérant les épisodes du Nouveau Testament comme des accomplissements de ce qu’annonce l’Ancienne Loi. Dans la tenture de la Vie de la Vierge de Reims, comme dans celle de la Chaise-dieu, cette fonction typologique est première, car chaque scène associe un épisode néo-testamentaire et sa préfiguration vétéro-testamentaire, reprenant les gravures de la  Biblia Pauperum.  L’effondrement des idoles égyptiennes y est mis en relation avec des représentations de la destruction du Veau d’or et la démolition de Dagon, le dieu-idole des Philistins, au passage de l’Arche d’Alliance (I Samuel 5, 2-4). Ou bien, dans le Speculum humanae salvationis, la Fuite en Égypte est combinée avec l’épisode de Moïse détruisant la couronne de Pharaon (tiré d’un midrash, méthode d’exégèse du texte biblique), et celui du songe de Nabuchodonosor, raconté par Daniel (1, 1-44). La pierre qui brise la statue composite dans le rêve du roi de Babylone préfigure le Christ détruisant les idoles, et le fait qu’elle tombe de la montagne « sans que main l’eut touchée » annonce la conception virginale de Marie. Ici, ces relations sont supposées être maîtrisées par les chanoines réunis dans le chœur, la fonction dévotionnelle est valorisée, et l'image des idoles n'est qu'un bref rappel typologique.

 

 

 

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Chute des idoles, Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Chute des idoles, Scène n° 14, Fuite en Égypte , Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 15. Le massacre des innocents.

– Fête le 28 décembre.

– texte : Matthieu 2:16-18 : « Alors Hérode, voyant qu'il avait été joué par les mages, se mit dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, selon la date dont il s'était soigneusement enquis auprès des mages. "

 

Cette scène est peut-être marquée par l'influence du mystère du roi Hérode que les chanoines jouaient à Beaune, dans la nef de l'église, la veille de l'Epiphanie : chaque année, un chanoine était désigné pour jouer le rôle d'Hérode (en 1475, ce fut Jean des Forges), la veille de la Fête des Fous.  Mais ce serait oublier qu'elle figure dans la plupart des cycles de la Vie de Marie en dehors de Beaune.

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Scène n° 15, Massacre des Innocents, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 15, Massacre des Innocents, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 15, Massacre des Innocents, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 15, Massacre des Innocents, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 16. La Sainte Famille en Égypte.

 A la mort d'Hérode, un ange avertit Joseph qu'il peut regagner la Judée. Marie réchauffe Jésus devant la cheminée.

Sources proposées : La Vierge à la cheminée, Robert Campin, 1433 ; comparer notamment le chenet en crosse: 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_%C5%93uvres_de_Robert_Campin#/media/File:Robert_Campin_009.jpg.

 

Scène n° 16, le Repos de la Sainte Famille en Égypte,   Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 16, le Repos de la Sainte Famille en Égypte, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 16, le Repos de la Sainte Famille en Égypte,   Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 16, le Repos de la Sainte Famille en Égypte, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 16, le Repos de la Sainte Famille en Égypte,Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 16, le Repos de la Sainte Famille en Égypte,Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 16, le Repos de la Sainte Famille en Égypte,Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 16, le Repos de la Sainte Famille en Égypte,Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 17. La Dormition de la Vierge.

– Fête liturgique : l'Assomption le 15 août.

– Texte : Ap 2:10 ;  la Patristique.

 

 

 La Vierge (qui a les yeux ouverts) est entourée des 12 apôtres, parmi lesquels on reconnaît Jean (imberbe, en robe rouge, tenant une palme) et Pierre (qui bénit et tient un cierge) . Marie porte la guimpe, d'habitude réservée à sainte Anne pour signifier son statut de femme âgée.

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Gravure proposée comme source : Heures à l'usage de Romme, Paris, Philippe Pigouchet pour Simon Vostre, 1496 (et 1501) 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54141t/f67.item.r=pigouchet

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 Dormition, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.
 Dormition, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Dormition, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 18. Le couronnement de la Vierge.

 La Vierge reçoit sa couronne de Reine des Cieux d'un ange tandis qu'. elle est bénie par la Trinité : le Père, le Fils Sauveur montrant ses plaies et le Saint Esprit. Ils  apparaissent dans une mandorle de nuées festonnées où s'échelonnent des anges prosternés. 

Source :  un texte apocryphe attribué à Méliton, évêque de Sardes ; la Légende Dorée.

 Couronnement de la Vierge, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Couronnement de la Vierge, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

 Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 19. St Hugues et le donateur.

Hugues Lecocq est présenté par St Hugues, abbé de Cluny.

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Scène n° 19. St Hugues et le donateur,  Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 19. St Hugues et le donateur, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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L'archidiacre ou chanoine Hugues Lecocq a revêtu le surplis au dessus d'une robe écrue et longue. Ce surplis mérite un examen attentif pour discerner les motifs de dentelle dont il est fait.

Scène n° 19. St Hugues et le donateur,  Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 19. St Hugues et le donateur, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Saint Hugues le présente, en robe de bénédictin, tenant la crosse, volute tournée au dehors et sudarium noué au bouton, privilèges des abbés réguliers. Une inscription indique :

Se hugo / abbas cluniac~ecis

...soit Sancte Hugo, abbas cluniacencis, Saint Hugues, abbé de Cluny.

Saint Hugues de Cluny, né le 13 mai 1024 à Semur-en-Brionnais et mort le 28 avril 1109 à Cluny, parfois appelé Hugues le Grand ou Hugues de Semur est le sixième abbé de Cluny, de 1049 à 1109, aprèsOdilon et avant Pierre le Vénérable. C'est grâce à lui –et aux armoiries – que le donateur a été identifié, et on pense donc que sa présence se justifie comme saint patron du donateur. Mais par ailleurs, selon la Légende Dorée, "on lit ( Pierre le Vénérable, De miraculis, liv. I, ch. XV.) que saint Hugues, abbé de Cluny, la veille de la Nativité du Seigneur, vit la bienheureuse vierge tenant son fils dans ses bras : « C'est, dit-elle, aujourd'hui le jour où les oracles des prophètes sont renouvelés. Où est maintenant cet ennemi qui avant ce jour était maître dés hommes ? » A ces mots, le diable sortit de dessous terre, pour insulter aux paroles de la madone, mais l’iniquité s'est mentie à elle-même, parce que, comme il parcourait tous les appartements, des frères, la dévotion le rejeta hors de l’oratoire, la lecture hors du réfectoire, les couvertures de bas prix hors du dortoir, et la patience hors du chapitre.  On lit encore, dans le livre de Pierre de Cluny, que, la veille de Noël, la bienheureuse vierge apparut à saint Hugues, abbé de Cluny, portant son fils et jouant avec lui en disant: « Mère, vous savez avec quelle joie l’Église célèbre aujourd'hui le jour de ma naissance, or où est désormais la force du diable? que peut-il dire et faire? » Alors le diable semblait se lever de dessous terre et dire : « Si je ne puis entrer dans l’église où l’on célèbre vos louanges, j'entrerai cependant au chapitre, au dortoir et au réfectoire. » Et il tenta de le faire; mais la porte du chapitre était trop étroite pour sa grosseur, la porte du dortoir trop basse pour sa hauteur, et la porte du réfectoire avait des barrières formées par la charité des servants, par l’avidité apportée à écouter la lecture, par la sobriété dans le boire et le manger, et alors il s'évanouit tout confus. " Légende Dorée, Nativité

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Scène n° 19. St Hugues et le donateur,  Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 19. St Hugues et le donateur, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Inscription de datation

cette tappisserie fut faicte lan de grace mil V. C.

 

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Scène n° 19. St Hugues et le donateur,  Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 19. St Hugues et le donateur, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Scène n° 19. St Hugues et le donateur,  Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

Scène n° 19. St Hugues et le donateur, Tenture de la Vie de la Vierge, église Notre-Dame, Beaune. Photographie lavieb-aile.

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Jesu, Verbum sum[m]y Patris,

Serva servos tuæ matris,

Solve reos, salva gratis,

Et nos tue claritatis

Cuumfigura glorie

"Jésus, Verbe du Père Très Haut, sauve ceux qui sont au service de ta Mère. Absouds les accusés, délivre les par ta grâce, et conforme nous à la clarté de ta gloire."

Cette appel à l'intercession de la Vierge  est la dernière strophe d'une "prose" de Beata  d'Adam de Saint-Victor (XIIe siècle), le Salve mater salvatoris, dont Léon Gautier assure qu' "A St Victor on chantait cette prose pour la Nativité. A Paris on la chantait dans les trois solennités suivantes :1°) In Annunciatione, post Pascha ; 2°) In Oct. Assumptionis ; 3°) In Oct. Nativitatis." Dans la composition du Salve mater salvatoris   le poète, en panne d'inspiration  face à une rime qui lui manquait, obtint que la Vierge Marie vienne lui souffler la rime  nobile triclinium présentant Marie comme réceptacle de la Trinité divine qui, par elle, prodigue son amour aux hommes. 

Adam est premier chantre  de la Cathédrale Notre-Dame de Paris dès 1107 et jusque 1133-1134 environ. Il fait don de sa prébende à la proche abbaye de Saint-Victor, sur la montagne Sainte-Geneviève et s'y retire ensuite, vers 1140, avant d'y mourir. Le musicien-poète  conçevait ses poèmes pour le chant et porta le genre de la séquence au plus haut degré de perfection formelle.  Ces poésies qui unissent mysticisme et réflexion théologique, visions symboliques et allégoriques, sont influencées par le mysticisme de Hugues de Saint-Victor, abbé de 1125 à 1140. 

 

 

ANNEXE.

La tenture de Notre-Dame de Beaune, étude d'Alain Erlande-Brandenburg.

"Le cartonnier a prévu dans la partie inférieure de chaque tapisserie une longue bande de couleur foncé d'où s'échappe une prodigieuse quantité de fleurs dans lesquelles viennent se perdre quelques volatiles. Ce décor est trop à la mode à cette époque pour que l'on s'en étonne. Plus rare, en revanche, est le cadre dans lequel s'inscrit chaque scène. Les colonnes ornées de carrés posés sur la pointe dans laquelle s'inscrit un décor et l'arc surbaissé qu'elles supportent évoquent le portique de l'aile Louis XII, à Blois, alors en pleine construction. On y retrouve également ces hautes bases à la modénature identique. En revanche, les chapiteaux sur la tenture conservent sur la corbeille un décor de feuillages. Il ne pouvait être question d'adapter les motifs italianisants et laïcs dans une tenture d'inspiration religieuse.

Le décor intérieur, les paysages où se détachent quelques châteaux fantaisistes sont ceux que l'on trouve habituellement dans les tapisseries de l'époque. Il faut cependant souligner dans cinq cas l'existence d'un tissu bleu tendu sur le fond de la scène et qui forme un fond abstrait. Pour en rompre la monotonie, l'artiste a pris soin de souligner les pliures du repassage.

Il faut noter aussi les recherches de perspective, encore maladroites. Dans les scènes intérieures, elle est obtenue grâce à l'effet de fuite donné par le carrelage ; dans les scènes extérieures, par la montée du paysage ; enfin, dans la Présentation au Temple, par la disposition de l'escalier.

Un soin très particulier a été apporté au traitement de la nature. La Visitation se situe dans un cadre magnifique légèrement montueux où l'herbe verte de la prairie tranche violemment sur les pentes abruptes des collines. Des monuments plus ou moins imaginaires ferment la scène en se détachant sur un ciel d'un bleu merveilleux. Les scènes de la Vierge se rendant à la maison de son époux et de la Fuite en Egypte ne le cèdent en rien ; sur la première, les coloris délicats tranchent vigoureusement sur les couleurs beaucoup plus soutenues des vêtements.

Les défaillances du cartonnier se manifestent dans le traitement des personnages : proportions trapues, attitude maladroite, gestes engoncés, visages allongés et sans grande expression nous assurent qu'Hugues Le Coq ne s'était pas adressé à un artiste de premier plan ; quoi qu'il en soit, son art n'a rien de commun avec celui de Pierre Spiere.

Les vêtements aux plis cassés et lourds où les effets d'ombre sont fortement soulignés par des battages évoquent irrésistiblement l'art du Nord. Dans La Visitation, la robe de sainte Elisabeth est traitée comme une sculpture brabançonne avec ce bosselage si étonnant donné aux vêtements. D'ailleurs, le costume est celui que l'on trouve habituellement dans la peinture flamande. C'est à un peintre issu de ce milieu artistique qu'Hugues III Le Coq s'est adressé pour exécuter les cartons de la Vie de la Vierge.

Les maladresses soulignées ont été masquées en grande partie par le prodigieux coloris qui a conservé toute sa fraîcheur : les bleus sont rompus par des rouges tout aussi intenses. On remarque même l'emploi de couleurs assez rares comme dans l'Assomption, où un jaune légèrement passé, un vert olive et un bleu violacé créent une magnique harmonie. La palette apparaît assez riche pour une tapisserie d'aussi médiocres dimensions. On en tire la preuve que la tenture a été exécutée dans un atelier assez important pour offrir une telle variété de laines colorées. Cette remarque ne suffit cependant pas à se décider pour un centre quelconque que seul un document permettrait de préciser. On peut néanmoins affirmer qu'il devait se trouver situé dans une des villes des Pays-Bas du Sud dont on connaît la fébrile activité en ce domaine." (Alain Erlande-Brandenburg, 1976)

 

 

 

 

 

 

 

 

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SOURCES ET LIENS.

 

— ARMINJON (Catherine)  Les tapisseries de chœur : un patrimoine exceptionnel . Conférence 

http://www.abbaye-chaise-dieu.com/les-tapisseries-de-choeur-un.html?lang=en

— ARMINJON (Catherine), 2004,  Saints de chœurs: tapisseries du moyen âge et de la renaissance : [Toulouse, Ensemble conventuel des jacobins, 24 avril-31 août 2004; Aix-en-Provence, Musée des tapisseries, septembre 2003-décembre 2004; Caen, Musée de Normandie, janvier-mai 2005, 5 continents, 191 pages.

— BACRI (Jacques) La tenture de la vie de la Vierge de Notre-Dame de Beaune et son cartonnier Pierre Spiere: peintre bourguignon du XVe siècle 1958 - 3 pages

BRELAUD( J.-P. ), 1997, Les chanoines de la collégiale Notre-Dame de Beaune au XVe siècle, mémoire de Maîtrise d'histoire, Université de Bourgogne, 1997, t. II, p. 97, n° 232. ou  Recueil des travaux du Centre beaunois d’études historiques, 17 (1999), p. 9-77. 

— CHABEUF (Henri ), 1896, « Les Tapisseries de l'église Notre-Dame de Beaune ». Dijon : imprimerie Jobard, 1896 [extrait des Mémoires de la Commission des antiquités du département de la Côte-d'Or] OU Revue de l'Art Chrétien, 1900, t.II, p. 193-205.

https://archive.org/stream/revuedelartchr1900lill#page/192/mode/2up

 — ERLANDE- BRANDENBURG (  Alain), 1976, "La tenture de la Vie de la Vierge à Notre-Dame de Beaune". In: Bulletin Monumental, tome 134, n°1, année 1976. pp. 37-48; doi : 10.3406/bulmo.1976.2659 http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1976_num_134_1_2659

— FROMAGET (Brigitte), Judith Kagan, Martine Plantec, 1994, La Tenture de la vie de la Vierge: Collégiale de Beaune, Côte d'Or,  Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, [Service régional de Bourgogne]   Images du patrimoine, 48 pages ISSN 0299-1020

 

 

GANDELOT (L.), 1772, Histoire de la ville de Beaune et de ses antiquités

— HAMADACHE (Ali) 2014, blog Tapisserie de la Vierge à Beaune (Bourgogne) :

http://amidache72.blogspot.fr/2014/02/tapisserie-de-la-vierge-beaune-bourgogne.html

 

— MOINGEON-PERRET (Geneviève), Christiane PRELOT-LEVERT, 1988,

Les tapisseries de Notre-Dame de Beaune,
Recueil des travaux du Centre beaunois d'études historiques, tome 7, 1988, 149 pages, p. 15-59  

—MÛELENAERE (Gwendoline de  ), 2009, La chute des idoles lors de la fuite en Égypte . Analyse iconographique d'un récit apocryphe.

http://www.koregos.org/fr/gwendoline-de-muelenaere_la-chute-des-idoles-lors-de-la-fuite-en-egypte/2072/

— REVEILLON ( Élisabeth) 2002,. Un nouveau jalon pour la carrière d'Antoine Le Moiturier en Bourgogne : le jubé de Notre-Dame de Beaune. In: Bulletin Monumental, tome 160, n°3, année 2002. pp. 299-304; doi : 10.3406/bulmo.2002.1131

http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2002_num_160_3_1131 

— WEIGERT (Laura) Weaving Sacred Stories: French Choir Tapestries and the Performance of ...

 

— WEIGERT (Laura), Les tapisseries de La Chaise-Dieu, entre messe et mystères 

Conférence de madame Laura Weigert, Professeur, Rutgers University, Princeton (USA)

— La collégiale Notre-Dame de Beaune: Côte-d'or. Éditions du patrimoine, 1997 - 63 pages

— Sur l'église Notre-Dame : http://www.bourgogneromane.com/edifices/beaune.htm

— Base Palissy : 

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=WEB&VALUE_98=VISPAL-BEAUNE-COLLEGIALE-TAPISSERIE

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Published by jean-yves cordier - dans Tentures Beaune
21 mai 2016 6 21 /05 /mai /2016 08:02

Les vitraux (1954-1978) de Jacques Le Chevallier de l'église Notre-Dame du Cap Lihou de Granville. L'Arbre de Jessé (1954).

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— Dans la région granvillaise, voir aussi:

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Jacques Le Chevallier (1896-1987) est l'un de nos plus grands verriers français vitraillistes du 20e siècle dans son atelier de Fontenay-aux-Roses. On lui doit "les vitraux d'églises (Notre-Dame-des-Otages, Église Sainte-Jeanne-d'Arc du Touquet-Paris-Plage) et de chapelles en France, en Belgique et en Suisse (Doullens, La Roche-Posay, Condé-sur-Noireau, Saint-Hilaire-du-Harcouët, Bourg-en-Bresse, Notre-Dame du Cap Lihou de Granville) et des cathédrales (Notre-Dame de Paris, Saint-Maurice d'Angers, Saint-Pierre de Beauvais, Saint-Jean de Besançon,Saint-Étienne de Toulouse, Cathédrale Notre-Dame de Laon, Cathédrale Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Soissons). Il travaille également à l'étranger dans le cadre de la seconde Reconstruction. Peuvent être ainsi citées les verrières de la basilique d'Echternach, celles de la tribune de la cathédrale Notre-Dame de Luxembourg (où il a déjà travaillé en 1937 avec l'atelier Barillet) et l'ensemble des verrières de Notre-Dame de Trèves (Liebenfraukirche), comparé à une "véritable tapisserie" (commission d'art sacré et de reconstruction en Rhénanie-Palatinat)"(Wikipédia).

J'ai déjà présenté dans ce blog les vitraux de l'église de Gouesnou par Le Chevallier:

Je poursuis mon tour de France des Arbres de Jessé à Granville. Je présenterai des vues générales de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, l'ensemble des vitraux de Le Chevallier, et enfin l'orgue.

Voir aussi dans ce blog lavieb-aile les articles consacrés aux Arbres de Jessé de Bretagne:

Les sculptures :

Et les vitraux :

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Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

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I. Présentation.

En septembre 1944, deux obus sont tombés sur le parvis de l'église et ont fait exploser les vitraux anciens. De nouveaux vitraux ont été réalisés de 1954 à 1978, composant le plus grand ensemble de verrières contemporaines de la Manche. Jacques Le Chevallier en a réalisé les cartons ET les vitraux. On en souligne les influences du cubisme et du fauvisme.

En 2012, "Sur les cinquante-deux vitraux, 11 baies sont à rénover d'urgence, 19 sont dans un état médiocre et 14 dans un état passable. Deux vitraux en baie ont été refaits en septembre 2011. " Certains ont été restaurés en 2011 sous la direction de  François Pougheol, Architecte du Patrimoine par Henri Helmbold, Maître verrier à CORPS-NUDS (35) et jusqu'en 2015. Les vitraux des chapelles du transept sont en cours de restauration (2016). 

Le plan est emprunté à la plaquette proposée par le site officiel de Granville :

http://www.ville-granville.fr/iso_album/eglise_panneau_leger.pdf

 

 

Plan de l'église, source : http://www.ville-granville.fr/iso_album/eglise_panneau_leger.pdf

Plan de l'église, source : http://www.ville-granville.fr/iso_album/eglise_panneau_leger.pdf

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1. Le chœur.

La construction du chœur a débuté en 1628 pour s'achever en 1641, année d'édification du déambulatoire. 

 

Chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Vue du chœur vers la nef ; église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vue du chœur vers la nef ; église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Les dix vitraux du déambulatoire  sont consacrés à la Vie de Marie et à saint Jean-Baptiste et furent réalisés entre 1954 et 1959 à la demande du chanoine Hyernard, curé de l'église. Ce sont des baies de forme ogivale, divisées en deux lancettes cintrées (de 4 panneaux chacun) et un tympan de deux mouchettes. On les parcourt, depuis la porte d'entrée au nord, dans une suite qui est hétéroclite sur le plan théologique et débute par l' Annonce à Zacharie pour passer à l'Assomption.

Il me semble donc nécessaire d'adopter un autre ordre et de débuter par la baie axiale.

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L'arbre de Jessé.

La Baie axiale n°0 est consacrée, comme dans la cathédrale de Saint-Denis et les grandes cathédrales médiévales, à l'Arbre de Jessé, proclamant de manière kérigmatique que la naissance du Christ Sauveur et Rédempteur et la virginité de Marie  accomplissent les Écritures, en l'occurence le verset d'Isaïe inscrit sur le vitrail : "UN REJETON SORT DU TRONC DE JESSÉ. UNE FLEUR POUSSE DE SES RACINES. ET L'ESPRIT DU SEIGNEUR Y REPOSE. ISAÏE 11:1.

Inscription de la lancette de droite : J. Chevallier 1954. Don des pélerins de Chartres. 9 mai 1954.

Inscription de la lancette de gauche : Don des Granvillais de Paris.

 

 
Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Jessé est allongé, accoudé, main droite sous la joue dans la posture du songeur. Le tronc vert d'un arbre prend naissance de son ventre.

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Jessé, in Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Jessé, in Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Puis viennent, installés dans les branches, trois des rois de Juda cités par Matthieu et par Luc dans la Généalogie de Jésus (Mt 1:1-17 et Lc 3:23-28). Seul David, fils de Jessé, à droite, est identifiable par sa harpe de psalmiste. Les deux autres peuvent être Salomon et Roboam.

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Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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A gauche, deux autres rois de Juda, couronnés, tenant un sceptre : imaginons-les comme Abia et Asa, successeur des rois précédents. Au dessus de leur tête, l'étoile de David.

A droite, la Vierge dans une mandorle, nimbée mais non couronnée, la tête couverte du voile bleu de son manteau, et tenant dans ses bras l'Enfant. Celui-ci porte le nimbe rouge crucifère, il fait face au fidèle, et le bénit.

Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Le tympan comporte les Tables de la Loi (l'Ancienne Alliance) à gauche, avec ses dix commandements du Décalogue et à droite le chandelier dont les sept branches font brûler un feu orange et jaune.

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Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Arbre de Jessé, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Pour poursuivre en toute logique notre visite, il faut passer alternativement à droite et à gauche de cette baie centrale ; si on suit la numérotation des baies adoptée par le Corpus Vitrearum (n°pair au sud, impair au nord), cela se fait en toute logique de la baie n°1 à la baie n° 8. Sur place, c'est plus compliqué.

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Baie n°1. Annonciation.

 

JE VOUS SALUE MARIE PLEINE DE GRACE / LE SEIGNEUR EST AVEC VOUS.

Inscription commémorative : En souvenir des familles  Lefebvre,  Letourneur-Hugon, et Guérard"

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Annonciation, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Annonciation, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°2.   Présentation de Marie au Temple.

 Ce jour là, un confessionnal venait masquer en partie le vitrail. 

 

 

Présentation de Marie au Temple, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Présentation de Marie au Temple, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°3. Nativité.

QUE LA NAISSANCE DE VOTRE FILS NOUS LIBÈRE / NOUS QUE TIENT ASSERVIS LE PÉCHÉ.

Au tympan : couronne, corbeille de pain, cruche de vin.

Inscription de donation : Melles SIMON en souvenir de la famille Pigeon-Litan.

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Nativité, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Nativité, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°4. Visitation.

MON ÂME GLORIFIE LE SEIGNEUR. / VOUS ÊTES BENIE ENTRE LES FEMMES.

Inscription de donation :En souvenir de la famille P. Gehin.

 

Visitation, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Visitation, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°5. Assomption.

La Vierge est placée dans une mandorle, entourée de 12 étoiles (allusion à la Femme de l'Apocalypse Ap. 12, couronnée, surmontée dans le tympan par la colombe nimbée de l'Esprit Saint. Trois anges la vénèrent.

LES ANGES SE REJOUISSENT ET LOUENT DIEU. / MARIE A ETE ELEVEE AU CIEL.

Inscription de donation : En souvenir des familles Schmitz, Daguenet et Cambernon

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Assomption, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Assomption, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n° 6.  Cantique de Siméon. 

CAR MES YEUX ONT VU VOTRE SALUT / QUE VOUS AVEZ PREPARÉ A LA FACE DES PEUPLES.

— Inscription commémorative : à gauche : En souvenir de la famille JOLLIOT DE LA MORANDIERE. A droite : En souvenir de la famille P. LE TENNEUR.

Léon Julliot de La Morandière, né à Granville le 9 septembre 1885, décédé à Paris le 16 octobre 1968 a été doyen de la faculté de droit de Paris en 1944 et présida à la commission de réforme du Code civil en 1945. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il devint résistant et intègra le réseau Combat.

Son frère Charles Julliot de La Morandière (1887-1971), est un historien de la Manche qui fut conservateur du musée du Vieux Granville et présida la Société d'archéologie de Granville. Il est l'auteur d' Histoire de Granville, Impr. Colas, 1947, réédition librairie Roquet, 1986, et de l'Histoire de la pêche française de la morue dans l'Amérique septentrionale des origines à 1789, 2 vol., éd. GP Maisonneuve, 1962

 

— Signature : J. LE CHEVALLIER 1956.

 

Selon un principe déjà remarqué, la représentation très habituelle des scènes de la Vie de Marie  (ici, la Présentation de Jésus au Temple) est remplacée par celle de cantiques ou de prières inspirées du passage des évangiles correspondant.

 

"Et voici, il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d'Israël, et l'Esprit Saint était sur lui.  Il avait été divinement averti par le Saint Esprit qu'il ne mourrait point avant d'avoir vu le Christ du Seigneur.  Il vint au temple, poussé par l'Esprit. Et, comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qu'ordonnait la loi, il le reçut dans ses bras, bénit Dieu, et dit: Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur S'en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, Salut que tu as préparé devant tous les peuples, Lumière pour éclairer les nations, Et gloire d'Israël, ton peuple. Siméon les bénit, et dit à Marie, sa mère: Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction, et à toi-même une épée te transpercera l'âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées  " Luc 2:22-35

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Cantique de Siméon, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Cantique de Siméon, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°7. Annonce à Zacharie de la naissance de saint Jean-Baptiste, cousin de Jésus.

 L'inscription indique : Elisabeth enfantera un fils Tu l'appelleras Jean. Il ramènera de nombreux fils au Seigneur leur Dieu.

Citation de  Luc 1.13-64 « Alors un ange du Seigneur apparut à Zacharie, et se tint debout à droite de l'autel des parfums. Zacharie fut troublé en le voyant, et la frayeur s'empara de lui. Mais l'ange lui dit : Ne crains point, Zacharie, car ta prière a été exaucée. Ta femme Élisabeth t'enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. Il sera pour toi un sujet de joie et d'allégresse, et plusieurs se réjouiront de sa naissance. Car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira ni vin, ni liqueur enivrante, et il sera rempli de l'Esprit Saint dès le sein de sa mère ; il ramènera plusieurs des fils d'Israël au Seigneur, leur Dieu ; il marchera devant Dieu avec l'esprit et la puissance d'Élie, pour ramener les cœurs des pères vers les enfants, et les rebelles à la sagesse des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple bien disposé. » 

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Annonce à Zacharie , Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Annonce à Zacharie , Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°8. Déposition. Saint Jean et la Vierge éplorée devant le Christ déposé de la Croix.

 

O COMBIEN DOULOUREUSE ET COMBIEN AFFLIGEE / CETTE MÈRE BENIE DU FILS DE DIEU.

Ce texte renvoie à la 3e strophe du Stabat Mater :

O quam tristis et afflicta
fuit illa benedicta
Mater Unigeniti.
 

Inscription de donation : Don des paroissiens 1955.

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Vierge de Pitié, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vierge de Pitié, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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La baie du coté nord qui viendrait maintenant a été supprimée pour ouvrir la sacristie construite en 1771. Nous enchaînons au sud avec la dernière baie à deux lancettes :

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Baie n°10. Prédication de Jean-Baptiste.

VOICI CELUI QUI CRIE DANS LE DESERT : PREPAREZ LA VOIE DU SEIGNEUR.

Citation de l'évangile de Jean : Jn 1:23 : "Que dis-tu de toi-même? ---Moi? répondit-il, je suis cette voix dont parle le prophète Esaïe, la voix de quelqu'un qui crie dans le désert: Préparez le chemin pour le Seigneur".

 

Inscription commémorative : Souvenir des familles LE HUGEUR LECOCQ et Y.M. VESVAL.

Adeline Le Hugeur était la belle-mère du docteur  Vesval. Yves-Marie Vesval était le fils du docteur Vesval.

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Prédication de Jean-Baptiste, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Prédication de Jean-Baptiste, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

 

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Baie n° 10. Le martyre de saint Jean-Baptiste.

NOUS VOUS OFFRONS CE PRESENT SEIGNEUR EN L'HONNEUR DE LA PASSION DE VOTRE MARTYR JEAN-BAPTISTE POUR OBTENIR LE SALUT PAR SON INTERCESSION.

On y voit la décollation de Jean-Baptiste, puis la tête du martyr présentée par Salomé à Hérode.

Inscription commémorative : A la mémoire des familles PONEE, GOSSE, BLONDEL.
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Martyre de Jean-Baptiste, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Martyre de Jean-Baptiste, Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Conclusion.

Il me semble que nous sommes ici très loin d'une "Bible d'image" ou d'une succession narrative d'images  illustrant la Vie de Marie et celle de saint Jean par des images d'Epinal stéréotypées. Le choix du peintre est le reflet vraisemblable de celui du commanditaire.

Que sait-on de ce dernier ? L'abbé Georges Hyernard, doyen de Granville et curé de Notre-Dame du Cap Lihou,  a été vicaire à la Basilique Sainte-Trinité de Cherbourg en 1929-1932, puis secrétaire particulier de l'évêque de Coutances en 1931. Il est alors particulièrement impliqué auprès de la jeunesse, et en 1940, c'est lui qui lance  le scoutisme dans la Manche. Il est l'auteur de :

  •  Notre-Dame du Voeu: une abbaye, une paroisse: VIII siècles d'histoire, 1145-1985 .
  •  « Monseigneur de Beauvais, évêque de Senez (1731-1790) » Mémoires Vol. 31 : Figures cherbourgeoises, Société nationale académique de Cherbourg, 1995
  • Vie de Barthélemy Picquerey (1609-1685), prêtre de Cherbourg, par le chanoine Georges Hyernard 
  •  Le Bienheureux Thomas Hélye. Prêtre de Biville. Vie et miracles. Presses de la Dépêche, Cherbourg 1985.

​L'Annonciation, la Nativité, la Présentation de Marie au Temple et la Visitation sont encore inspirés des poncifs, mais une place importante est donnée aux prières et affirmations chrétiennes. Les symboles placés dans le tympan commentent ces scènes, qui sont autant de fêtes du calendrier de l'Église. Par contre, l'Assomption développe un parallèle avec la Femme du Livre de l'Apocalypse ; la Présentation de Jéus au Temple est remplacé par le Cantique de Siméon, et en particulier par les versets prophétiques ; l'Annonce à Zacharie retient également la prophétie de la naissance de Jean ; la Déposition se concentre sur la citation du Stabat Mater ; la Prédication de Jean-Baptiste, sur "la voix qui crie dans le désert". En somme, la priorité n'est pas donnée à l'image, mais à l'illustration de la parole, dans ses fonctions prophétiques, proclamatives et exclamatives. C'est déjà par une prophétie, celle d'Isaïe sur le rejeton sortant du tronc de Jessé, que le cycle débute, puis il se développe en une arborescence à deux branches (les cotés nord et sud du déambulatoire) pour faire croître cette parole et en attester la réalisation par les témoignages oraux des saints protagonistes. 

Sur le plan stylistique, on notera que ces paroles des prières utilisent, pour s'adresser à Dieu ou à la Vierge le vouvoyement qui était en vigueur avant le concile Vatican II, et donc avant 1965.

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LES BAIES DES PROPHÈTES ET APÔTRES.

 

Elles éclairent la partie centrale du chœur entre le transept et l'abside. Je vais conserver ma description en zig-zag du nord au sud, la seule cohérente. On compte deux baies à deux lancettes au nord, et des baies à trois lancettes trilobées et réseaux. 

Baie n°9. Saint Marc, saint Pierre et saint Jean.

 

Saint Marc, saint Pierre et saint Jean, par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Saint Marc, saint Pierre et saint Jean, par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°12. Saint Luc, saint Paul et saint Mathieu.

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Saint Luc, saint Paul et saint Mathieu, par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Saint Luc, saint Paul et saint Mathieu, par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°11. David, Isaïe et Ezéchiel.

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David, Isaïe et Ezéchiel,  par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

David, Isaïe et Ezéchiel, par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°14. Daniel, Jérémie et Salomon.

Signature sous Isaïe : J. LE CHEVALLIER, PEINTRE-VERRIER, 1959.

 

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Daniel, Jérémie et Salomon, par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Daniel, Jérémie et Salomon, par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°13. Abraham et Moïse.

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Abraham et Moïse par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Abraham et Moïse par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Baie n°16. Élie et Jacob.

 

 

 

Élie et Jacob par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Élie et Jacob par Jacques Le Chevallier, vitrail du déambulatoire, chœur de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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2. La Nef.

La grande nef fut érigée entre 1643 et1655, puis les chapelles Saint-Clément (bras du transept sud)  et Notre-Dame du Cap-Lihou (bras du transept nord)  furent ajoutées respectivement en 1674 et 1676. 

Elle est éclairée par de petits vitraux réalisés entre 1972 et 1974 ; ceux-ci sont en verre clair centrés par une image biblique emblématique (Arche de Noé, Agneau pascal, Buisson ardent, etc.)

Nef et orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Nef et orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Vitrail de Jacques Le Chevallier, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Vitrail de Jacques Le Chevallier, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Vitrail de Jacques Le Chevallier, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974,  Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974,  Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974,  Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974,  Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974,  Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Vitrail de Jacques Le Chevallier, 1974, Nef de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Je n'ai pas photographié :

  • les vitraux des chapelles Saint-Clément et Notre-Dame (en restauration)
  • les vitraux des fenêtres hautes.

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Le grand lutrin de chœur (Bois doré, XVIIe-XVIIIe siècle ; pied du XVIIIe).

Un aigle terrasse un serpent adossé à un globe. Restauré vers 2010.

Classé au titre d'objet 5 mai 1974 : voir notice Palissy

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Aigle lutrin, photographie lavieb-aile.

Aigle lutrin, photographie lavieb-aile.

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Les orgues.

 

Le Grand Orgue en tribune au fond de la nef est un buffet en deux corps. Créé en 1660-1662 par Robert Ingoult , il a été reconstruit par  Pierre Ménard en 1855, complété par  Louis Debierre en 1899 et  restauré par Claude Madigout en 1995. Le buffet d'orgue et la balustrade de tribune ont été classés au titre objet des monuments historiques par arrêté du 21 janvier 1981 ; la partie instrumentale de l'orgue a quant à elle été classée par arrêté du 20 juin 1989

Pour la composition de l'instrument, voir :

http://orgues-normandie.com/index.php?principal=fiche_orgue.php&id=344

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Grand Orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Grand Orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Grand Orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Grand Orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Grand Orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Grand Orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Grand Orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

Grand Orgue de l'église Notre-Dame du Cap Lihou, Granville, photographie lavieb-aile.

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Published by jean-yves cordier - dans Arbre de Jessé
9 mai 2016 1 09 /05 /mai /2016 11:32

À la chasse aux papillons sur la tenture des Mois Lucas du château de Chenonceau.

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Résumé :

Parmi les trois pièces de la tenture dite des "Mois Lucas" exposées au château de Chenonceau, et exécutées pour le Roi aux Gobelins en 1712-1714, celle du mois de Juillet présente, dans les médaillons de la bordure de pied, deux scènes de chasse ou de jeux avec des papillons : dans l'un des médaillons, un enfant a capturé un papillon, et dans l'autre, son camarade tient par un fil un papillon très coloré. Ces motifs iconographiques sont des témoignages rares des relations entre humains et rhopalocères (papillons diurnes) au XVIe siècle (les cartons de la tenture bruxelloise qui sert de modèle datent de 1530 environ).

Bien-sûr, ces détails, pour intéressants qu'ils soient pour l'histoire de l'entomologie, ne nous laisserons pas passer à coté de l'occasion de faire connaissance avec l'ensemble des tentures des Mois Lucas.

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INTRODUCTION.

La tenture des Douze mois  porte  l’appellation de Mois Lucas car elle était attribuée depuis le XVIIe au flamand Lucas de Leyde(1494-1533). L'ensemble des douze pièces originales a bien été exécuté à Bruxelles au XVIe siècle, mais des recherches récentes tendent en  attribuer la paternité à un artiste (le "Maître des Mois Lucas") de l’entourage de Barend (ou Bernard) Van Orley, lui-même créateur des modèles des Chasses de Maximilien (Louvre). Edith A. Standen (1971) a proposé de voir dans ce "Maître des Mois Lucas"  Jan Vermeyen, ou Luca Fiammingho, ou encore Lucas Van Nevele.  Tissée à Bruxelles vers 1530, cette œuvre a été redessinée et retissée à Bruges (G. Delmarcel, 1999) et pourvue d'une riche bordure florale. La série complète, conservée actuellement à Vienne (Kunsthistorisches museum KKTXXXVIII), fut livrée à l'occasion de mariage de Léopold Ier de Habsbourg  et de Marguerite-Thérèse en 1666.

 Les Mois Lucas connurent en France, auprès de l'aristocratie et du pouvoir royal un grand succès et aux XVIIe et XVIIIe siècles, les Gobelins ne produisirent pas moins de douze tentures d’après les Douze Mois originaux.

Rappel : on nomme "tenture" un ensemble de tapisseries (ou "pièces") constituant une série. 

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Les douze tentures des Mois Lucas tissées aux Gobelins.

a) Je n'ai pas trouvé facilement d'article de fond sur ces tentures, et la source principale d'information et d'images en ligne est provenue d'abord de la base Joconde et des tapisseries réunies au musée national du château de Pau. On  trouve à Pau  des pièces appartenant à trois de ces tentures des Gobelins : la deuxième (1688-1689) destinée à Louis XIV, la sixième (années 1730) à la princesse de Conti et la septième (1731-1735) au roi de Pologne, Stanislas Leczinski, dont les armes et le chiffre furent tissés dans la bordure. Seules les pièces des deux premières sont exposées, avec une prédominance d'images en ligne concernant la 2e tenture.

 La première tenture commandée par Colbert a été perdue. La "deuxième tenture sans or ", commencée en 1688 et achevée en 1689,  a été exécutée pour le Roi par la manufacture des Gobelins dans l'atelier de Jean-Baptiste Mozin. Elle a été livrée en 1690 au Mobilier de la Couronne. Elle s'inspire de la tenture originale tissée vers 1540-1550 à Bruxelles dans la manufacture de Guillaume de Pannemaker dont elle reproduit la bordure (fleurs, fruits, oiseaux avec médaillons) avec des interventions du peintre François Bonnemer.

b) J'ai trouvé plus tard la description complète datant de 1903-1923 par Maurice Fenaille et Fernand Calmettes dans leur Etat général des tapisseries de la Manufacture des Gobelins. C'est bien-sûr la publication de référence. Elle offre le tableau suivant :

Première tenture, haute lisse. 12 pièces et 4 entre-fenêtres. Avant 1682. Exécutée pour Colbert. Brûlée par ordre du 22 avril 1797 pour en récupérer l'or et l'argent.
– Deuxième tenture, basse lisse sans or. 12 pièces ; première bordure. 1688 à 1689. Tenture exécutée en contre-partie des tapisseries de Bruxelles, du Mobilier de la Couronne. Livrée en 1690 . Inventaire n°160 du Mobilier de la Couronne. 37 Aunes ¾.  Ateliers de Jean de la Croix et Jean-Baptiste Mozin. Conservée  à Pau (dix pièces)  et à Saint-Petersbourg 

– Troisième et quatrième tentures, basse lisse. Avant 1696. Atelier Lefebre. Deux tentures exécutées en dehors du travail officiel des Gobelins. 

 – Cinquième tenture, basse lisse, sans or.  12 pièces. 1712-1715. Atelier Jean Souet. 12 Mois. 36 Aunes 7.1. Données par ordre du roi Louis XV au baron Eric de Sparre, ambassadeur de Suède, en 1717.
– Sixième tenture, basse lisse, sans or. 3 pièces (Avril, Mai, Juin),  Aux armes de la princesse de Conti. 
Mme Marie-Anne de Bourbon-Conti, fille de Mlle de La Vallière, sous le nom de Mlle de Blois, veuve de Louis-Armand de Bourbon, prince de Conti, mourut le 

3 mai 1789 sans laisser d'héritiers. Deuxième bordure . Cette tenture a la même origine que les tentures des Enfants Jardiniers, des Mois arabesques et des Chasses de Maximilien, qui décoraient le château de Choisy-le-Roi. Le château de Choisy-le-Roi, qui lui appartenait, revint au duc de La Vallière, puis fit. retour à la Couronne. Château de Choisy-le-Roi puis Château de Pau. Inventaire de la Couronne n°62

– Septième tenture, haute lisse, sans or. 12 pièces. 1731-1735. Atelier Lefebvre. Inventaire n°255. A Pau et au Garde-Meuble, moins les mois de Juillet et Octobre. Nouvelle Bordure. Vendue en 1787 au roi Stanislas de Pologne et ayant fait retour à la Couronne en 1752.
– Huitième tenture, haute lisse, 12 pièces. Nouvelle (troisième) bordure. 1733 à 1743. Atelier Michel Audran (succcesseur de Jean-Jacques Jans décédé le 17 mars 1731). Inventaire Mob. Cour. N°243. Aux armes du Roi et avec la signature Audran.  
 3 pièces au Garde- Meuble en 1900, Juin, Novembre, Décembre.

– Neuvième tenture, haute lisse, sans or. 12 pièces ; quatrième bordure. 1737 à 1740. Atelier Audran et Monmerqué. Cette tenture, exécutée en remplacement de la tenture vendue au roi Stanislas, ne figure pas sur les états de fabrication des Gobelins.  Donnée en 1746 au Comte de Brühl, premier ministre à la cour du roi de Pologne électeur de Saxe à Dresde. Tenture achetée en 1768 par le domaine royal de Saxe au prix de 8,000 thalers. En 1909 était conservée complète (sauf Avril) au château royal de Dresde. Bordure de Dresde.

– Dixième tenture, haute lisse, sans or. 7 pièces.  Bordure de Dresde. 1747-1751.
 Décembre) . Atelier de Monmerqué et de Cozelle. Janvier Février Mars achetées par les Affaires Étrangères .  Quatre pièces données au cardinal des Lances en 1771. En 1909, figuraient dans les collections du Ministère des Affaires Étrangères à Paris.

 – Onzième tenture, haute lisse, sans or. 4 pièces. (Mai Juin Novembre Décembre). Bordure de Dresde. 1767 à 1770. Atelier Cozelle. pour remplacer les quatre pièces des Mois Lucas, données en présent au cardinal des Lances, grand aumônier du roi de Sardaigne, à l'occasion du mariage du comte de Provence.   Donnée en 1773 par l'archevêque de Turin aux Affaires Étrangères. En 1909, figuraient dans les collections du Ministère des Affaires Étrangères à Paris. 

– Douzième tenture, haute lisse, sans or. 3 pièces, Février, Juin, Octobre. Aux armes du comte de Toulouse.  Vers 1725 : atelier Audran. Dix pièces appartenant aujourd'hui  aux collections du Metropolitan Museum of Art, ont été décrites en 1985 par E. A  Standen en 1985 dans European Post-edieval tapestries page 331. 

 

Description des douze tapisseries des Mois Lucas :

—  Verseau - Janvier - Le Jour de l'An : Un cortège de trois couples, les hommes portant des torches et les dames tenant chacune une flèche, vient de la gauche. Au fond de la salle, sous un dais, un personnage à deux visages tient de la main droite un serpent se mordant la queue, symbole de l'Eternité; à sa droite, une femme endormie (l'année qui finit); à sa gauche, une femme apporte une corne d'abondance;

—   Poissons - Février - Le Jeu : A gauche, des personnages revêtus de lourds manteaux fourrés se chauffent à une grande cheminée richement ornée. Au fond, une femme apporte du bois. Un seigneur et une dame jouent au tric-trac sur la table; au premier plan à droite, une jeune femme assise à terre et un jeune homme assis sur un banc jouent aux cartes; 

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/2e-tenture-des-mois-lucas-fevrier-les-jeux_soie-textile_basse-lisse_laine-textile

—   Bélier - Mars - Pêche et jardinage  : A gauche, au barrage d'un cours d'eau, deux hommes vident dans un grand baquet les poissons qu'ils pêchent dans un filet; à droite, dans un jardin, une dame assise fait ratisser les plates-bandes. Plus loin, un homme aide une femme à décharger le panier plein de pots de fleurs qu'elle porte sur la tête, au fond, cours d'eau, paysage et maisons.

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/2e-tenture-des-mois-lucas-mars-peche-et-jardinage_soie-textile_laine-textile_basse-lisse

—   Taureau - Avril - Le Concert :   Une dame -richement vêtue- est assise sur l'herbe et tient une couronne, à côté d'elle, une autre femme joue de la cithare; derrière elle, un homme chante. Appuyée à un arbre, une femme joue de la mandoline. Au fond sur une pièce d'eau, un bateau transporte deux musiciens, un batelier et une femme.(6e tenture) Une femme adossée à un arbre joue de la cithare, elle est entourée de plusieurs femmes dont une agenouillée cueille des fleurs. au second plan, des personnages dans un bateau devant un grand bâtiment ; La bordure est composée de fleurs, fruits et instruments de musique, aux armes de la Princesse de Conti.

—  Gémeaux-Mai- le tir-à-l'arc : 

http://www.photo.rmn.fr/archive/07-504511-2C6NU0C0QSRF.html

 —   Cancer - Juin - La tonte des moutons :  Au premier plan, à droite, une femme tient un mouton sur ses genoux et met la laine dans un panier. Plus loin sur la gauche, une femme s'apprête à tondre un mouton. Au premier plan, à gauche, une homme tenant une cruche, une femme portant un panier. A l'arrière plan, des chars attelés de chevaux transportent la laine.

 —   Lion - Juillet - La chasse au faucon : Une dame vue de face à califourchon sur un cheval blanc tient un faucon; elle est acompagnée d'un cavalier et d'un écuyer à pied qui porte plusieurs oiseaux. Plus loin, des enfants se baignent (sur la droite) tandis que des paysans fauchent le foin

— La Vierge - Août- La paye des moissonneurs :  On achève au fond de rentrer les récoltes entassées sur des charrettes ; au premier plan, une vieille femme, installée sous un arbre, compte de l'argent aux moissonneurs ; à ses côtés, un homme inscrit les sommes sur un tableau. A gauche, un vieillard et une femme font leurs comptes sur un tronc d'arbre. 

—    Balance - Septembre - Le Bat l'eau : A gauche, une dame sur un cheval accompagnée d'un cavalier assiste à la capture du cerf dans un étang ; un veneur se tient près d'elle, tournant le dos. A droite, un valet de chiens tient deux chiens. Dans le fond, un château au bord de l'eau.

http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/2e-tenture-des-mois-lucas-septembre-le-bat-l-eau_basse-lisse_soie-textile_laine-textile

—   Scorpion - Octobre - Les vendanges :  Au premier plan à gauche, un seigneur- assis sur l'herbe en compagnie d'une dame- tient un pot d'étain sur le genou; derrière eux, une tête d'enfant (supprimée dans les modèles du XVIIIème siècle) et une servante apportant un plat de fruits./ Au premier plan, deux enfants mangent des raisins qu'ils prennent dans une corbeille ; au second plan, des vendangeurs versent des corbeilles de raisin dans une cuve où deux hommes foulent la vendange. Plus loin, une ronde de danseurs.

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0329/m501703_03-007327_p.jpg

—  Sagittaire - Novembre - Les semailles : Au premier plan au pied d'un arbre, une femme prend du grain dans un sac pour en remplir la besace d'un semeur; à droite: un homme est assis au pied d'un arbre, une femme lui donne à manger.

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0329/m501703_94-052023_p.jpg

—  Capricorne - Décembre - Patinage : Au premier plan à gauche, un personnage, l'épée au côté, se penche et met la main sur le corsage d'une jeune femme assise à terre avec un enfant, à ses côtés, un panier rempli de patins. Un peu plus loin, un jeune homme est assis à côté d'une jeune femme et d'une enfant. Au second plan, des patineurs glissent devant un grand bâtiment.

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0329/m501703_03-007327_p.jpg

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Description des bordures.

Fenaille et Calmettes 1923 décrivent cinq bordures différentes : 

1. La première bordure, copiée sur la tenture originale de Bruxelles, est formée  de fleurs, fruits et oiseaux entre deux moulures, avec des médaillons au milieu des 
traverses et des montants et quatre médaillons aux angles. Le médaillon du milieu 
de la bordure du haut représente le signe du zodiaque du Mois; les autres médaillons 
représentent des têtes de femmes, de guerriers et, en bas, des scènes d'enfants. 

2. La deuxième bordure à fleurs et à fruits, exécutée pour la princesse de Conti, 
ne porte de médaillons qu'aux quatre angles, avec des jeux d'enfants. Au milieu de la 
bordure du haut, deux écussons aux armes de

 Bourbon-Conti. Au milieu de la bordure du bas, un écusson avec le  chiffre A. M. d'Anne-Marie de Bourbon, Au milieu des bordures latérales, des instruments de musique champêtre. 

3. La troisième bordure composée par Blain de Fontenay et Perrot, en 1780, est formée d'un quadrillé jaune sur fond bleu, interrompu aux angles par des écoinçons 
entourés de fleurs et, au milieu des bordures horizontales, en haut, par un écusson aux armes de France, et, en bas, parmi médaillon avec le signe du zodiaque. 

4. Une quatrième bordure similaire, avec quadrillé et écoinçons, porte au milieu 
de la bordure du haut un écusson entre deux grandes ailes et,au milieu des bordures 
latérales, un médaillon avec une tête entourée de rayons. Les écoinçons sont accompagnés de cornes d'abondance d'où sortent des fleurs et des fruits. 

5. La dernière bordure, semblable à la deuxième bordure des Sujets de la Fable, 
représente un cadre en bois sculpté doré, avec les écoinçons et médaillons du haut 
et du bas encadrés de fleurs peintes au naturel, 

Nous verrons que les bordures des tapisseries de Chenonceau appartiennent au premier type. Le fait qu'elles soient "copiées sur la tenture originale" indique donc que les jeux d'enfants avec les papillons, qui nous intéressent,  datent donc du XVIe siècle. La base Joconde décrit ainsi la bordure de la tapisserie de la Vierge conservée à Pau : "Bordure à fond rouge orangé, à guirlandes de fleurs et de fruits sur un bandeau accroché à des mufles de lion. Huit médaillons en camaïeu gris, trois en haut, deux sur le côté, trois en bas. Ceux du bas contiennent des sujets à personnages ; les deux des côtés et ceux des extrémités du haut, des têtes d'hommes casqués ou de femmes ; celui du milieu, le signe du zodiaque, avec le nom du mois écrit dessous en latin."  

 

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LES TAPISSERIES DU CHÂTEAU DE CHENONCEAU.

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Au deuxième étage du château de Chenonceau, trois pièces de tapisseries sont exposées dans la Chambre de Gabrielle d'Estrées, celles des mois de  juin, (le signe du Cancer et  la tonte des moutons), de juillet, (le signe du Lion et la chasse au faucon), et d'août, (le signe de la Vierge et la paie des moissonneurs),. Protégées au tiers inférieur par un panneau plastique, occupant les coins de la pièce, elles ne sont pas faciles à photographier dans leur intégralité. Je présenterai surtout le mois de Juillet avec les médaillons aux papillons. Ma curiosité se portera aussi sur la technique de la chasse au faucon.

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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A laquelle des douze tentures des Gobelins appartiennent-elles ?

Si on les compare aux tapisseries du château de Pau photographiées par la Réunion des Musées Nationaux et présentées comme appartenant à la Deuxième tenture, on constate qu'elles ont une disposition inverse.  Concentrons-nous sur le mois de Juillet : à Pau, le cavalier porte l'épée à droite (alors qu'elle est portée  à gauche "dans la vraie vie"), et la cavalière monte "en amazone" sur le coté droit du cheval, alors que dans la monte en amazone les jambes prennent appui en réalité sur un seul étrier du coté gauche. La tenture de Pau a été copiée "en contre-partie", en inversion des Mois originaux.

 

 

 

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Château de Pau, 2e tenture des mois Lucas : le lion, juillet, la chasse au faucon, Dimensions : Hauteur: 3.03 m Largeur: 3.20 m. Photo (C) RMN-Grand Palais (Château de Pau) / René-Gabriel Ojéda: http://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/2e-tenture-des-mois-lucas-le-lion-juillet-la-chasse-au-faucon_laine-textile_basse-lisse_soie-textile

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 Les tapisseries de Chenonceau appartiennent (c'est du moins ma déduction) à la  Cinquième Tenture des Gobelins, exécutée pour le Roi Louis XIV en 1712-1714 dans l'atelier  de Souet. Les pièces sont bien dans le sens des descriptions et dans le sens des originaux. 
Les personnages portent l'épée à gauche et les dames à cheval sont assises du côté 
montoir.  En effet, alors que la Deuxième tenture était tissée en contre-partie de la tenture originale, cette Cinquième tenture copiée sur la première tenture du Roi se trouve dans le sens  des originaux.

Elle fut donnée  par ordre de Louis XV du 4 mars 1717, au baron puis comte Eric-Magnus de Sparre de Sundby (1665-1726)  en échange de la tenture Triomphe des Dieux  des Arabesques qu'il avait rendu.  

 Le comte de Sparre a servi dans l'armée du roi de France depuis 1683 (ou 1688) et, en 1694, le roi l'a nommé colonel d'un régiment d'infanterie regroupant des fantassins allemands. En raison de ses liens étroits avec la maison royale française, il a été nommé ambassadeur en 1715, mais a été rappelé en 1717 en Suède. Il a alors été nommé chancelier en 1718 par la reine Ulrique-Éléonore, qui a gouverné la Suède trois mois entre décembre 1719 et février 1720 avant d'épouser le roi Frédéric Ier et d'abdiquer en sa faveur. Le comte de Sparre a ensuite offert la tenture à la reine. Les Mois Lucas sont restés dans la collection royale jusque (??)  1900, date à laquelle la tenture a été mise en vente. Certaines pièces ont été acquises à un particulier par Carl Robert Lamm (mort en 1938), membre d'une dynastie d'industriels suédois. Lamm était un collectionneur passionné et logeait ses vastes propriétés au château de Näsby, construit au 14ème siècle, et qu'il avait acquis en 1902 et reconstruit après un incendie de 1897. Une grande partie de sa collection a été vendue à New York en 1923 malgré les protestations des médias suédois. La pièce d'Octobre a été vendue  100000  dollards par Christie's le 20 mai 2014 au Nationalmuseum de Stockholm.

 

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 Selon M. Fenaille , en 1900, "plusieurs pièces des Mois Lucas, paraissant provenir de cette tenture [la cinquième],  et de la fabrication des Gobelins, existent dans des collections particulières (collection Gaston Menier pour Mai, Juin, Juillet et Août et Achille Leclercq pour Novembre) ". Or, Gaston Menier (1855-1934), frère d'Henri Menier et issu de la famille des Chocolats Menier,  est l'héritier du château de Chenonceau en 1913. J'ai donc la preuve définitive que les pièces exposées à Chenonceau appartiennent à la Cinquième tenture, et qu'elles sont entrées au château de Chenonceau entre 1913 et 1923 par acquisition de la famille Menier. Selon E.A. Standen 1985 p.344, la pièce de Mai a été vendue par la Galerie Jean Carpentier à Paris le 24 novembre 1936 (n°107, illust.).

Aujourd'hui, 7 des pièces de la Cinquième tenture sont connues (Standen 1985, pp. 333 ) : Janvier était la propriété en 1928 de la comtesse  Eva Trolle-Bonde. Mai, Juin, Juillet et Août appartenaient à Charles Menier, et ont été vendues à la  Galerie Jean Charpentier, Paris, en 1936 ; Juin, juillet et Août sont aujurd'hui à Chenonceau. Octobre appartient au Musée National de Stockholm. Novembre était la propriété d' Achille Leclerq à Paris. Décembre, a été exposé à San Francisco en 1922, puis détenu par  Wildenstein & Co.  

La bordure est la bordure flamande semblable à celle de la deuxième  tenture (n°160 du Mobilier de la Couronne), mais en contre-partie. 

Cette précision est utile car elle permet de dater ces pièces de Chenonceau, et d'affirmer que les scènes de genre aux papillons de la bordure ont été dessinées par le Maître des Mois Lucas : les petits patrons datent du XVIe siècle (1535) et sont d'origine flamande.

Fenaille et Calmettes 1923 donnent en illustration le mois de Juillet de cette 5e tenture : elle correspond bien à celle que j'ai photographiée à Chenonceau : 

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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55299316/f535.item.r=maurice+fenaille.langFR

 

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LES MÉDAILLONS AUX PAPILLONS DU JUILLET DES MOIS LUCAS.

 

Après ces longues présentations, il est temps de décrire les scènes des médaillons du coin inférieur de Juillet.

La première, dans le coin inférieur gauche, montre quatre enfants nus en train de jouer ; deux sont penchés vers le sol et tiennent chacun un insecte (criquet ?) pour les fiare se battre. Les deux autres s'amusent avec un papillon attaché par un fil.

Les ailes antérieures sont blanches, peut-être ponctuées de noir, et les ailes postérieures sont rouges, ponctuées et frangées de noir avec une marge blanche. Le corps de couleur crème porte trois points noirs. Il est illusoire de vouloir identifier une espèce, et il s'agit sans-doute, comme cela est habituel à l'époque, d'une papillon stylisé et fantaisiste. Ce n'est donc pas cette identification qui est intéressante pour l'histoire de l'entomologie, mais c'est le fait que, jusqu'à l'éveil de l'entomologie comme science (Joris Hoefnagel dans le dernier quart du XVIe siècle, Conrad Gessner,  Aldrovandi 1604, Theatrum insectorum de Moffet écrit vers 1590 et publié en 1634), les papillons sont plus souvent capturés par les enfants pour des jeux plus ou moins cruels, que collectionnés par les adultes.

L'artiste qui a créé les cartons s'est sans-doute inspiré des marges des enluminures des manuscrits médiévaux, dans lesquels les papillons sont nombreux, parfois visés par l'arc d'un chasseur. Ou plutôt (mais il faudrait procéder à un examen des 12 x 2 médaillons de la tenture), il s'est donné comme thème des coins de la bordure inférieure les Jeux d'Enfants.

— C'est le poète Jean Froissart qui a donné vers 1369 la première liste (vers 185-248) de 51 jeux d'enfants joués dans son Hainaut natal dans son Epinette amoureuse.  On y trouve la mention du papillon attaché par un fil : 

 Et pour chasser les papillons

Me voulais bien distingué

Et quand attraper les pouvais

D’un petit fil je les liais.

Et puis je les laissais aller

Ou je les faisais voler. 

— Les Jeux d'Enfants de Pieter Brueghel l'Ancien est un tableau qui date de 1560. On y trouve 91 jeux différents joués par 200 enfants, dont le jeu d'attraper des mouches, mais je n'y ai pas trouvé de papillons.

— La célèbre liste de Rabelais du chapitre XXII de Gargantua énumère 217 jeux : le jeune géant "couroyt voulontiers après les parpaillons" mais ne se préoccupe pas de les attacher.

— Au XIXe siècle, je trouve, en ligne, trois témoignages de cette pratique.

a) Dans le Journal des enfants: rédigé par toutes les sommités littéraires , Volume 1 de 1832, le fait y est donné comme un exemple de cruauté des enfants ; le fil est fixé à une épingle qui traverse le corps du papillon sans le tuer. 

b) Dansla Bibliographie de la France vol. 33 de 1845, page 481, on trouve la description d'une Estampe, gravure ou lithographie, sans date : "Le Papillon : un petit garçon, appuyé sur les genoux de sa mère pendant qu'il fait voler un papillon attaché à un fil." 

c) dans le catalogue du Musée Fol de 1856 est décrit un glyptique (ancien ?) :  "Amour adossé à une colonnette, il tient d'une main un papillon attaché à un fil. Le papillon en grec ψυχη (Psyché), a donné, par son double sens de papillon et d'âme, naissance à une foule de représentations allégoriques charmantes où le papillon représente l'âme de celle ou de celui que l'Amour a su toucher de ses flèches; le papillon lié au bout d'un fil est ainsi une sorte de gracieux rébus qui indique une âme prisonnière. Nicolo. L. 9. H. 10. Style romain. Intaille. Pâte."

— Au XXe siècle, l'écrivain et lépidoptérologiste Vladimir Nabokov rapporte ce jeu dans le dernier chapitre de son livre de Mémoires Speak, Memory : à Paris, en 1938 ou 1939, il est frappé par la rencontre d'une fillette d'une dizaine d'années qui tient par un fil un papillon vivant, un Vulcain (Vanessa atalanta):

 "Likewise, I can name a blooming garden in Paris as the place where I noticed, in 1938 or 1939, a quiet girl of ten or so, with a deadpan white face, looking, in her dark, shabby, unseasonable clothes, as if she had escaped from an orphanage (congruously, I was granted a later glimpse of her being swept away by two flowing nuns), who had deftly tied a live butterfly to a thread and was promenading the pretty, weakly fluttering, slightly crippled insect on that elfish leash (the by-product, perhaps, of a good deal of dainty needlework in that orphanage). You have often accused me of unnecessary callousness in my matter-of-fact entomological investigations on our trips to the Pyrenees or the Alps; so, if I diverted our child’s attention from that would-be Titania, it was not because I pitied her Red Admirable (Admiral, in vulgar parlance) but because there was some vaguely repulsive symbolism about her sullen sport." (Speak, Memory, chapitre XV)

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Le médaillon du coin inférieur droit montre deux enfants. L'un est  penché à quatre pattes vers un insecte (un criquet ?) qu'il observe. Le second tient un rateau de la main droite, et semble en train de poser sur le dos de son camarade un papillon aux ailes blanches marquées de deux points bleus. Là encore, toute identification est illusoire, d'autant que la face dorsale de l'aile (antérieure) de droite est reprise à l'identique pour la face dorsale de l'aile de gauche. Un rateau de fenaison est posé sur le sol.

 

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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On peut conclure de ces deux médaillons, confrontés à mes autres études de l'iconographie des Lépidoptères,  qu'au début du XVIe siècle, les papillons ne sont pas considérés comme des sujets d'étude et d'identification, voire de collection, mais, sans distinction d'espèces et de genres, comme des insectes colorés faisant l'objet, pour les enfants, de jeux parfois cruels, alors qu'ils sont, pour les adultes, le support de considération allégoriques ou religieuses en relation soit avec la libération de l'âme hors du corps après la mort, soit le thème de l'inconstance, de la futilité, de l'inconscience des dangers (phalènes se brûlant à la flamme) ou des inquiétantes et suspectes métamorphoses.

Voir ici mes articles sur les papillons dans l'art et la littérature :

liste de mes articles sur les papillons. 

Les bordures à médaillons des Mois Lucas.

L'examen des autres pièces des tentures des Mois Lucas fidèles au premier modèle bruxellois montre que les médaillons à grisaille des bordures obéissent à une répartition constante : en haut et au centre, le signe du zodiaque et le nom du mois. Aux coins supérieurs et au milieu des bordures latérales, des profils à l'antique au style Renaissance. Dans la bordure inférieure, des jeux d'enfants (parfois, ces enfants portent des ailes) à chaque coin, et une scène un peu différente et fabuleuse au centre (pour Juillet, le médaillon du centre inférieur montre un lion portant sur son dos un homme (ou enfant) nu). Les images en ligne disponibles ne permettent pas de préciser quels sont les jeux d' enfants pour les autres mois ; pour le mois d'août, je présenterai plus bas les images prises à Chenonceau.

Auparavant, examinons la chasse au faucon du mois de Juillet. J'emprunte la photographie de la pièce du château de Pau (inversée par raport à la Cinquième tenture).

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La chasse au faucon.

 

http://www.photo.rmn.fr/archive/06-528307-2C6NU0PTIE4Z.html

 

notice : http://www.photo.rmn.fr/archive/06-528307-2C6NU0PTIE4Z.html

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Le personnage de premier plan est présenté par Fenaille comme un écuyer. Il porte l'épée, il est richement habillé avec des culottes et un pourpoint à crevé, un bonnet à plume, et des bas rouges. Il tient une longue baguette posée sur l'épaule gauche  et trois oiseaux, peut-être des perdrix . J'en ferai volontiers le fauconnier, tenant la hampe servant de perchoir aux faucons, portant la trompe de chasse, et guidant les deux chiens qui vont devant lui. Les deux liens qui se croisent sur sa ceinture sont-ils des lacs destinés aux faucons ? [Le roi dispose, au sein de sa Maison, d'un Fauconnier maître, puis en 1406 du Grand Fauconnier de France, mais à partir du règne de Louis XIV et de l'usage des armes à feu, la charge tend à devenir purement honorifique, les rois ayant cessé de chasser au vol. Les ducs emploient aussi un fauconnier ducal, et sans-doute les grands seigneurs en font-ils autant.]

 

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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La cavalière tient le faucon sur un gant épais (dont la manche est dotée d'un contrepoids) ; l'oiseau ne porte pas de chaperon, et on ne voit aucun des lacs qui pourraient le retenir. Il s'agit peut-être alors d'un autour, un oiseau de bas vol, plutôt qu'un oiseau de haut vol comme un faucon pèlerin ou émerillon, un lanier, un sacre, ou un gerfaut, dont la tête est encapuchonnée.  (Cosmovisions)

C'est le cavalier en pourpoint de soie rouge et bonnet à plume qui m'intéresse le plus : je ne comprenais pas ce qu'il faisait. Il vient de lancer en l'air le leurre, fait d' ailes d'oiseaux ficelées,  enveloppées dans l'étui rouge et blanc. Il s'agit peut-être d'un gibier vivant.  On le voit (sur la photo générale) dans le ciel. Notez que l'usage du leurre est propre aux oiseaux de haut vol. Est-ce là la dernière phase de dressage avant la chasse ? Non, puisque le fauconnier porte les perdrix déjà chassées. Le leurre est (?) plutôt destiné à déclencher l'envol du faucon, afin qu'il se saisisse d'une proie visible entre les deux branches des deux arbres. C'est le "vol à vue". La proie a pu être levée par les chiens juste auparavant. Sur un site, je lis que le leurre est utilisé en le faisant tournoyer pour rappeler le faucon qui s'est éloigné. Cela ne correspond pas à notre image.

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Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois de Juillet, le Lion, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Le choix de la chasse au faucon pour illustrer le mois de juillet et le signe du Lion est surprenant. Sur le zodiaque de la cathédrale de Chartres, cette chasse correspond au signe du Taureau et aux mois d'avril-mai. A Notre-Dame de Paris, elle est liée au signe des Gémeaux. A la cathédrale d'Amiens, c'est le mois d'avril. Dans les Très Riches Heures du Duc de Berry, elle correspond au mois d'août. Dans la tenture des Chasses de Maximilien, dont les cartons sont dues à Barend Van Orley, ce sont les mois de mars et avril qui présentent cette chasse, alors que la chasse au cerf occupe les mois de mai à octobre. En effet, la chasse au cerf est considérée comme la plus noble de toute, mais n'est possible que lorsque les animaux ont reconstitués, vers la mi-juin, leur ramure. La chasse au faucon est envisagée comme une activité de substitution. Inversement, on ne peut chasser au faucon au moment de leur mue, en mai. 

Voir : 

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Comparaison avec les Chasses de Maximilien, mois de Mars et Avril.

On remarque, derrière la femme tenant le faucon, son fauconnier tenant la hampe. La chasse au faucon était-elle préferenciellement l' activité des épouses des grands seigneurs ? 

 

Les chasses de Maximilien 1530 : Avril

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0199/m503501_d0110330-000_p.jpg

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Le mois d'Août : a Vierge, la Paye des Moissonneurs. Cinquième tenture.

Notice et image de la base  Joconde pour la 2e tenture : http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0468/m505886_gmtt-46-002-3204_p.jpg

Le Mois d'Août représente, sur le devant, des fermiers qui payent des ouvriers; dans le lointain, 
plusieurs figures qui scient des bleds, d'autres qui le ramassent, et qui le chargent dans des 
charrettes, de 10 pieds de long sur 10 pieds de haut. 

La Paye des moissonneurs: — Au pied, d'un arbre qui occupe le milieu de la composition, une femme assise, tenant une bourse, paye de la.main droite un homme 
debout devant elle, du. côté gauche. A. côté de la femme, à droite, un jeune homme 
assis écrit sur un registre. Debout, à côté de la femme, un vieillard s'appuie sur 
un bâton. A droite, au premier plan, un homme compte sur un tronc d'arbre des 
pièces de monnaie qu'une femme prend dans un sac. A gauche, une femme assise, 
tenant un panier de la main droite, écarte de la main gauche un homme qui lui met 
la main sur l'épaule. Au fond, à gauche, moissonneurs; à droite, char chargé de 
gerbes et bâtiments d'une ferme.

 

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Médaillon de bordure, coin inférieur gauche. Les enfants dénicheurs et oiseleurs .

Trois enfants sont penchés ou accroupis devant des arbres en pots et tiennent l'un un oiseau, l'autre un nid avec trois poussins, le troisième des œufs.

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Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Médaillon de bordure, coin inférieur droit. Jeux d'enfants.

Quatre enfants dont deux se disputent un objet : paire de ciseaux ? lame ou fer ?

 

 

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

Mois d'Août, la Vierge, tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. Photographie lavieb-aile.

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Le mois de Juin. Cancer. Tonte des moutons.

Carton ca 1535 : http://metmuseum.org/art/collection/search/347667

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fimages.metmuseum.org%2FCRDImages%2Fes%2Fweb-large%2FDT4739.jpg&imgrefurl=http%3A%2F%2Fwww.metmuseum.org%2Fart%2Fcollection%2Fsearch%2F227027&h=459&w=600&tbnid=Q5a9_bx2eq05sM%3A&docid=IycQWqiovpAkRM&ei=W7tFV7-9G8G4abObtdAO&tbm=isch&iact=rc&uact=3&dur=526&page=1&start=0&ndsp=35&ved=0ahUKEwj_1uCwvPXMAhVBXBoKHbNNDeoQMwgfKAEwAQ&bih=775&biw=1600

Description.

Le Mois de Juin représente, sur le devant, plusieurs figures qui tondent des moutons; dans le 
lointain, plusieurs petites figures qui lavent la laine, d'autres qui étendent pour la faire sécher 
et qui la chargent dans des charrettes, de 10 pieds 1/2 de long sur 10 pieds de haut. 

La Tonte des moutons. — Au premier plan, à droite, une femme tient un mouton 
sur les genoux et met la laine dans un panier; deux enfants sont auprès d'elle Plus 
loin, une femme tenant des ciseaux s'apprête à tondre un mouton qu'un homme, au 
milieu, lui apporte. Au premier plan, à gauche, un homme tenant une cruche et une 
femme tenant un panier dans le bras et une corbeille sur la tête se dirigent vers les 
travailleurs. Au fond, de nombreux personnages, des femmes au milieu de la rivière 
lavant la laine, des chars attelés de chevaux et portant de la laine. Au fond à droite, 
plusieurs bâtiments. 

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0330/m501703_03-007320_p.jpg

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Coin inférieur. Quatre enfants jouant avec de la paille.

L'un est allongé , un autre semble faucher du foin, un troisième tient de la paille ou de l'herbe (ou plutôt un écheveau de laine) au dessus de son camarade, et le dernier, à gauche, tient d'une main un pot et de l'autre une brosse (un goupillon ?). 

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Mois de juin, le Cancer, la tonte des moutons.  tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. photographie lavieb-aile

Mois de juin, le Cancer, la tonte des moutons. tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. photographie lavieb-aile

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Coin inférieur de la bordure. Enfants à la balançoire.

Un enfant est installé sur une balançoire (ou "escarpolette")  suspendue à un arbre ; il est poussé par deux camarades. Deux moutons paissent à leurs pieds.

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Mois de juin, le Cancer, la tonte des moutons.  tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. photographie lavieb-aile

Mois de juin, le Cancer, la tonte des moutons. tenture des Mois Lucas, Laine et soie, basse lisse, Manufacture des Gobelins atelier Souet 1712-1714, in château de Chenonceau. photographie lavieb-aile

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SOURCES ET LIENS.

—FENAILLE (Maurice), CALMETTES ( Fernand )  1903-1923 État général des tapisseries de la manufacture des Gobelins depuis son origine jusqu'à nos jours, 1600-1900. Hachette (Paris)  2. page 337

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55299316/f521.image.r=maurice+fenaille.langFR

description des bordures page 344 :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55299316/f530.item.r=maurice+fenaille.langFR.zoom

— Art Bulletin of Nationalmuseum Volume 21, 2014 

http://nationalmuseum.diva-portal.org/smash/get/diva2:875648/FULLTEXT01.pdf

— Au château de Pau :

http://chateau-pau.fr/objet/les-mois-lucas-le-jeu-de-cartes-mois-de-fevrier

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_3=AUTR&VALUE_3=CORNELIS%20Lucas%20&DOM=All&REL_SPECIFIC=3

— La tapisserie flamande du XVe au XVIIIe siècle Par Guy Delmarcel Lannoo Uitgeverij, 1999 - 384 pages

https://books.google.fr/books?id=e5o8L-ckh_QC&dq=Guillaume+de+Pannemaker&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— Met museum : Months of Lucas :

http://www.metmuseum.org/art/collection/search/227024

http://metmuseum.org/art/collection/search/227023

— Drawings for the "Months of Lucas" Tapestry Series Edith A. Standen Master Drawings Vol. 9, No. 1 (Spring, 1971), pp. 3-14+73-80 Published by: Master Drawings Association Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1553120 Page Count: 20

— Jerzy Wojciechowski : "May" and "August": Two Drawings by the Master of the Months of Lucas

Master Drawings Vol. 33, No. 4 (Winter, 1995), pp. 410-413 Published by: Master Drawings Association

Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1554242 Page Count: 4

https://www.jstor.org/stable/1554242?seq=1#page_scan_tab_contents

— PLANCHE (Alice), 1980, Culture et contre-culture dans l'epinette amoureuse de Jean Froissart : les écoles et les jeux, Presses Universitaires de Provence. p. 389 à 403 http://books.openedition.org/pup/2730?lang=fr

— POMEL Fabienne), 2015, « Jean Froissart, L’Épinette amoureuse », Perspectives médiévales [En ligne], 36 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 19 mai 2016. URL : http://peme.revues.org/9376 ; DOI : 10.4000/peme.9376 

— FROISSART (Jean) , L’Épinette amoureuse, édition de Nathalie Bragantini-Maillard, « Moyen Âge en traduction » 5, Classiques Garnier, Paris, 2014, 192 p.

— Idem, Bnf Ms fr. 830 et 831

— Tapestry in the Baroque: Threads of Splendor Par Thomas P. Campbell,Pascal-François Bertrand,Jeri Bapasola,Metropolitan Museum of Art (New York, N.Y.) Thomas P. Campbell, Pascal-François Bertrand, Jeri Bapasola, Metropolitan Museum of Art (New York, N.Y.) Metropolitan Museum of Art, 2007 - 563 pages page 206

https://books.google.fr/books?id=PmgcggIXlX8C&dq=the+lucas+months+tapestry&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

https://books.google.fr/books?id=PmgcggIXlX8C&pg=PA206&lpg=PA206&dq=the+lucas+months+tapestry&source=bl&ots=G10J8CNfh6&sig=BvyQ35_N8XKhYQ_YBUX_D2DSSgk&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjVu5D_zdLMAhXF0xoKHZgwAxIQ6AEIYzAO#v=onepage&q=the%20lucas%20months%20tapestry&f=false

Philadelphia Museum of Art : http://www.philamuseum.org/collections/permanent/50566.html?mulR=23872

— The Comte de Toulouse's "Months of Lucas" Gobelins Tapestries: Sixteenth-Century Designs with Eighteenth-Century Additions Edith A. Standen, and Janet Arnold 1996 Metropolitan Museum Journal, Volume 31 | 1996

— WIKIPEDIA he Months of Lucas, March', Flemish (Bruges) wool and silk tapestry, c. 1650, Dayton Art Institute: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%27The_Months_of_Lucas,_March%27,_Flemish_wool_and_silk_tapestry,_c._1650,_Dayton_Art_Institute.JPG

—  European Post-medieval Tapestries and Related Hangings in the ..., Metropolitan Museum of Art, 1 janv. 1985 - 848 pages Volume 2 page 45 Par Edith Appleton Standen 

 https://books.google.fr/books?id=GbW18KCGWgEC&dq=the+lucas+months+tapestry&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 
— Liste des jeux de la toile de Brueghel : http://kartavoir.blogspot.fr/2015/01/n133-les-jeux-denfants-1560-pieter.html

— 1845 Le Papillon : un petit garçon, appuyé sur les genoux de sa mère pendant qu'il fait voler un papillon attaché à un fil. Estampe, gravure ou lithographie, sans date mais signalé dns un catalogue de 1845 in Bibliographie de la France vol. 33 page 481 : 

https://books.google.fr/books?id=DrtZAAAAcAAJ&pg=PA481-IA7&lpg=PA481-IA7&dq=enfant+tenant+un+papillon+attach%C3%A9&source=bl&ots=Cc9pSMYAgd&sig=UGVe0EGurvEqhrFN3UbZnI1UzEc&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjRnbWzyeDMAhVDOhoKHZwhC_QQ6AEIHDAA#v=onepage&q=enfant%20tenant%20un%20papillon%20attach%C3%A9&f=false

— 1856.  Catalogue du Musée Fol  : Glyptique  "Amour adossé à une colonnette, il tient d'une main un papillon attaché à un fil. Le papillon en grec ψυχη (Psyché), a donné, par son double sens de papillon et d'âme, naissance à une foule de représentations allégoriques char mantes où le papillon représente l'âme de celle ou de celui que l'Amour a su toucher de ses flèches; le papillon lié au bout d'un fil est ainsi une sorte de gracieux rébus qui indique une âme prisonnière. Nicolo. L. 9. H. 10. Style romain. Intaille. Pâte."

 

https://doc.rero.ch/record/12413/files/mf2.pdf

de W Fol - ‎1874 - ‎Cité 7 fois  - ‎Autres articles 

https://doc.rero.ch/record/12413/files/mf2.pdf

— Journal des enfants: rédigé par toutes les sommités littéraires et ..., Volume 1 1832

https://books.google.fr/books?id=Zw5MAAAAcAAJ&pg=PA75&dq=papillon+attach%C3%A9+fil+enfant&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiZwPaM0ODMAhWGORoKHXSwBSsQ6AEISzAE#v=onepage&q=papillon%20attach%C3%A9%20fil%20enfant&f=false

 

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.
23 avril 2016 6 23 /04 /avril /2016 10:42

Les Graptolites des Ampélites de l'Aber à Crozon.

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Voir :

Sur la piste de la "Pierre Noire" : les ampélites de Crozon (Finistère).

Ampélite de l'Aber à Crozon.

Ampélite de l'Aber à Crozon.

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Ampélite de l'Aber à Crozon.

Ampélite de l'Aber à Crozon.

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Ampélite de l'Aber à Crozon.

Ampélite de l'Aber à Crozon.

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Pristiograptus dubius ? J'ai un doute...

 

Ampélite de l'Aber à Crozon.

Ampélite de l'Aber à Crozon.

Glâné sur la toile :

http://paleopolis.rediris.es/cg/CG2003_A07_SR/

 


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SOURCES ET LIENS.

Wikipédia : https://en.wikipedia.org/wiki/Graptolithina

http://www.redes-cepalcala.org/ciencias1/geologia/paleontologia/invertebrados/graptolites_sierra_morena.htm

http://www.etab.ac-caen.fr/discip/geologie/paleozoi/EcouvesNS/ampelites.html

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Published by jean-yves cordier - dans Presqu'île de Crozon
10 avril 2016 7 10 /04 /avril /2016 08:50

La Cène (1590) de la Collégiale de Pont-Croix exposée au château de Kerjean (Saint-Vougay, Finistère). Où est le traître ?

Martin Luther en Bretagne catholique.

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Voir sur l'exposition Il était une foi, La religion en Bretagne au XVIe siècle au château de Kerjean :

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L'exposition Il était une foi. La religion en Bretagne au XVIe siècle organisée au château de Kerjean du 26 mars au 2 novembre 2016 sous la direction de Philippe Ifri et le conseil scientifique de Georges Provost est consacrée à la manière dont la Réforme rencontre en Bretagne  une "relative indifférence". Selon le texte que peut lire le visiteur :: 

« Il était une foi » explore un point charnière de l’histoire bretonne - la question de la place du catholicisme dans la Bretagne du 16e siècle - au moment où les mutations liées aux découvertes de la Renaissance engendrent le monde moderne, et pose un regard contemporain et original sur la place du sacré dans nos sociétés. Sous l’égide de Martin Luther, un religieux allemand, une autre façon d’être chrétien naît dans l’Allemagne du 16e siècle avant de se diffuser dans une grande partie de l’Europe : le protestantisme. La France plonge alors dans une crise spirituelle qui divise profondément le pays : si la grande majorité de la population demeure catholique, une minorité importante rejoint la Réforme protestante, sous l’influence de Jean Calvin. En 1562, une guerre civile éclate entre les deux camps qui ne prendra fin que 36 années plus tard. En attendant, la Réforme est arrivée rapidement en Bretagne mais elle n’y remporte qu’un succès très limité. Dans une terre pourtant propice aux échanges de marchandises et d’idées, la communauté catholique reste soudée. Comment expliquer cette relative indifférence aux débats religieux qui font rage ailleurs en France ?" 

Effectivement, le visiteur va découvrir la Vierge allaitante de la chapelle saint-Vénec, témoin de l'importance du culte marial :

Le fait que la dévotion envers Marie soit particulièrement remise en cause par la Réforme protestante ne fait qu’encourager cet engouement chez les catholiques. Les représentations artistiques de la Vierge connaissent un succès européen depuis la fin du Moyen Âge. Elles soulignent volontiers l’humanité de celle qui répond de plus en plus au vocable de « Notre-Dame ». On trouve ainsi de nombreuses Vierges allaitantes ou des « saintes parentés » présentant la Vierge et sa famille rassemblées, ou encore d’innombrables Vierges pleurant sur le corps de leur fils mort. Autant de scènes qui insistent sur l’humanité d’un personnage auquel les fidèles recourent pour toutes sortes de demandes. 

Puis, il pénètrera dans une pièce où est rassemblée une collection (prélevée dans les chapelles et églises bretonnes) haute en couleur de statues témoignant de l'importance du culte des saints : "un saint pour chaque chose". Or, le protestantisme a dénoncé ce recours à un "panthéon" hétéroclite et ce culte reposant sur la notion de contrat : les fidèles demandent, attendent satisfaction et remercient le saint par un ex-voto (objet, pèlerinage, etc.). Les Protestants recommandent aux fidèles d'adresser leurs prières à Dieu plutôt qu'à la Vierge ou à ses saints. Les catholiques romains vénérent les images et les reliques (depuis le concile de Nicée II en 787), les Protestants non ; parfois, ils se sont livrés au saccage iconoclaste des statues et des vitraux, voire des édifices, comme à la cathédrale du Mans en 1562, à l'abbaye de Saint-Martin de Tours ou comme, encore en 1562, lors de la destruction de la cathédrale d'Orléans

Bien que ces caractéristiques me paraissent propres à l'Église du XVIe siècle avant le Concile de Trente et la Contre-Réforme plutôt qu'à une spécificité bretonne, l'exposition se plaît à montrer les aspects folkloriques du culte des morts et met théâtralement  en scène le fameux Ankou des contes et veillées. Sous le titre La Magie au quotidien, on lit que "La foi quotidienne se vit, en effet, dans un monde perçu comme le théâtre permanent de forces surnaturelles : Dieu, la Vierge, les saints mais aussi le démon, les astres... Le fidèle ordinaire attend souvent des rituels religieux une efficacité du même ordre que la formule de la sorcière. Entre religion et magie, foi « orthodoxe » et déviations, bien et mal, les frontières sont floues pour le croyant du 16e siècle. Le démon, représenté sur de nombreux vitraux, calvaires ou statues, est parfois l’objet d’invocations symétriques à celles faites à Dieu ou à la Vierge. De certains saints l’on attend aussi qu’ils causent du tort à un ennemi… Autant de pratiques que l’Église du 17e siècle tentera de bannir." (cartel d'exposition).

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Dieu et treize statues de saints et saintes :  Mélar, Languis, Égarec, Mamert, Alar ou Eloi, Barthélémy,  Anne, Apolline Marguerite, Barbe, Roch,

Dieu et treize statues de saints et saintes : Mélar, Languis, Égarec, Mamert, Alar ou Eloi, Barthélémy, Anne, Apolline Marguerite, Barbe, Roch,

Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.
Diaporama des statues.

Diaporama des statues.

L'Ankou.

L'Ankou.

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Pourtant, l'exposition ne dit rien de l'influence, pourtant réelle du protestantisme en Bretagne, province d'autant plus exposée à celle-ci que  la Bretagne est en relation étroite par sa façade maritime avec les pays de l'Europe du Nord. Selon le site de la Société de l'histoire du protestantisme français http://www.shpf.fr/cahiers/page.php?num=42&idpage=247 

"Le Protestantisme en Bretagne aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles est un sujet peu connu. Pourtant la Bretagne dispose de sources non négligeables. Pour le XVIe siècle, l'on dispose de la remarquable histoire écrite par le pasteur Le Noir de Crevain en 1683 et publiée par le pasteur Vaurigaud en 1851.    
Traditionnellement on attribue à d'Andelot lors de la tournée qu'il fit en Bretagne en 1558, la création d'un réseau de châteaux réformés. Mais il ne fut pas le seul introducteur de la Réforme en Bretagne, l'action des Rohan et de familles bretonnes plus modestes: La Lande de Machecoul, la Muce-Ponthus, La Roche-Giffart, Montbourcher du Bornage... fut aussi déterminante. Charles Lalande de Calan au début du siècle estimait à 77 les familles nobles de Bretagne qui, pendant un temps plus ou long, professèrent le protestantisme.
Sur ces 77 familles le quart étaient encore protestantes à la révocation de l'Edit de Nantes.

 

En 1565, au plus fort de l'expansion protestante la Bretagne compta 28 églises. Les vingt années suivantes sont marquées par les premiers signes du déclin. La Ligue provoqua la dispersion de toutes les églises les unes après les autres à l'exception de celle de Vitré, l'ultime refuge dont la population huguenote peut-être estimée à 1.000 personnes sur une population totale de l'ordre de 5 à 7.000 habitants à la fin du siècle." (extraits)

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L'un des points de désaccord entre catholiques et protestants concerne la  transsubstantiation (présence réelle du corps du Christ dans l'hostie consacrée lors de l'eucharistie, un dogme promulgué lors du concile de Latran IV en 1215).  

Rappel (Wikipédia) :

Chez les catholiques, le rite fondamental du « culte » est la Messe, dont l'élément essentiel est la célébration de l'eucharistie, commémoration du dernier repas.

"Au moment de la Réforme protestante, l’aspect sacrificiel de la messe a été rejeté par certains réformateurs. Le dogme a été contesté et la célébration dominicale a pris un sens plus ou moins différent dans les diverses confessions protestantes. 

Les luthériens ont gardé l’essentiel de la liturgie catholique mais ont redéfini le dogme, parlant de consubstantiation (sous l’apparence du pain et du vin, il y a simultanément la réalité du corps du Christ et du pain, respectivement du sang du Christ et du vin).

À la suite de Zwingli notamment, les premiers réformés ont contesté plus radicalement la messe, l’eucharistie, n’y voyant qu’un geste symbolique ; dès lors, la lecture et l’explication de la Parole de Dieu (la Bible) prit une place beaucoup plus centrale dans la célébration dominicale. La « Sainte Cène » (du grec κοινός / koinos, « commun », d’où : repas pris en commun ou du latin cena, repas du soir) n’est pas célébrée tous les jours, ni même tous les dimanches.

Jean Calvin, pour sa part, et les Églises réformées et évangéliques qui le suivent, confessent dans le sacrement la présence réelle du Christ qui le préside, mais sur un monde spirituel (par l’action du Saint-Esprit) et non pas matériel. Les Églises réformées, de nos jours, tendent vers une célébration hebdomadaire de la Cène."

Les représentations de la Cène dans les vitraux du XVIe siècle des églises catholiques peuvent être considérées (comme celles de la Messe de Saint-Grégoire, ou celle du repas d'Emmaus) comme des proclamations des enjeux théologiques alors en jeu. 

Nous allons maintenant voir que la Cène de Pont-Croix, exposée à Kerjean, et que l'on peut donc considérer comme une défense du sacrement de l'Eucharistie, est un cheval de Troie proclamant, sournoisement et tacitement, des thèses protestantes. J'ignore si les commissaires de l'exposition ont choisi sciemment cette œuvre, mais elle est présentée sans aucun commentaire signalant cette ambivalence.

 

Le visiteur parvient devant une vitrine où est disposée la Cène de la Collégiale de Roscudon à Pont-Croix, un assemblage de figurines (réunies à Pont-Croix  derrière une vitre dans un coffre à battants, à pans coupés de 97 cm de haut, 129 de large et 65 cm de profondeur).

La cartel indique :

Le cartel indique La Cène, 17e siècle, bois polychrome. La Bretagne n'a pas manqué d'être séduite, dès le 15e siècle, par la finesse du travail des ateliers flamands. Des retables de bois doré, œuvre des huchiers d'Anvers, sont visibles à la cathédrale de Rennes ou à la chapelle de Kerdèvot près de Quimper. Les modèles flamands du 16e siècle exercent également une influence sur les sculpteurs bretons. Il en va ainsi de la Cène réalisée au 17e siècle par l'atelier quimpérois Le Déan pour la Collégiale de Pont-Croix à partir d'une peinture de Pieter Coecke van Aelst diffusée par une gravure (1585). 

Ces données sont issues d'une hypothèse conçue par René Couffon (Mémoires de la Société d'émulation des Côtes- du- Nord, 1957) qui a reconnu ici le tableau de Pieter van Aelst de 1531, mais selon une disposition inversée indiquant le recours à une gravure ; or on ne connaît pas d'estampe contemporaine de la Cène de Peter Coecke, mais il en est une plus tardive, datée de 1585 et due à Hendrik Goltzius. D'autre part le groupe ne porte pas les marques des huchiers d'Anvers. Ces éléments conduisent à une datation vers 1590.  Voir :

— base Palissy http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=IM29002655

— Beaulieu Michèle. "Le retable de la Cène à Pont-Croix". In: Bulletin Monumental, tome 115, n°4, année 1957. p. 300; http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1957_num_115_4_4026_t1_0300_0000_1

J'ignore ce qui  conduit cette exposition  à attribuer une date plus tardive ("17e siècle") et une fabrication issue des ateliers quimpérois, mais on trouve aussi à Roscudon deux retables en bois sculpté exécutés par les quimpérois Jean et Pierre Le Déan en 1672-1673.

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A Kerjean, le cartel comporte aussi la photographie (de petite taille) de l'une des 22 répliques du tableau   de Pieter van Aelst (entre 1527 et 1550).  (N.B: on écrit aussi Pieter Coecke van Alost, ce qui rappelle que ce peintre est natif d'Alost)

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Pieter_Coecke_van_Aelst#/media/File:Das_letzte_Abendmahl.jpg

https://didierbazy.files.wordpress.com/2014/12/le-testament-des-ombres.png

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pieter_Coecke_van_Aelst#/media/File:Das_letzte_Abendmahl.jpg

https://didierbazy.files.wordpress.com/2014/12/le-testament-des-ombres.png

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Voici maintenant l'œuvre exposée :

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La Cène (1590), bois polychrome, Collégiale de Pont-Croix (29), photographie lavieb-aile.

La Cène (1590), bois polychrome, Collégiale de Pont-Croix (29), photographie lavieb-aile.

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Les apôtres entourent le Christ : six d'un côté et six de l'autre. Huit nous font face, deux occupent les bords étroits, et deux nous tournent le dos. Au centre de la table, l'agneau pascal dans un plat. Treize assiettes et un haut récipient contenant le vin complètent cette vaisselle. Les disciples sont assis sur des tabourets individuels ; ils sont soit pieds-nus (ce qui est l'un de leurs attributs), soit chaussés, comme leut maître, de sandales. Le mobilier et les vêtements sont peints en or, sauf le piètement de la table, qui est vert. 

Dans chaque Cène, le jeu consiste à deviner qui est qui. Jean se reconnaît à l'absence de barbe (mais ici, deux autres apôtres sont imberbes) et à sa place à droite du Christ. Pierre est à gauche, le crâne dégarni. Mais où est Judas ?

 

Le moment représenté est celui rapporté par les quatre évangiles, ici par Matthieu 26 :20-23 :

 

Le soir, Jésus se mit à table avec les Douze et,  pendant qu'ils mangeaient, il dit:

    ---Vraiment, je vous l'assure: l'un de vous me trahira.

Les disciples en furent consternés. Ils se mirent, l'un après l'autre, à lui demander:
---Seigneur, ce n'est pas moi, n'est-ce pas?

 En réponse, il leur dit:

---Celui qui a trempé son pain dans le plat avec moi, c'est lui qui me trahira.

Plus précisément, cette dernière phrase n'est pas figurée, et on ne voit personne tendre la main vers le plat central. Mais les gestes des apôtres, le recul de leur corps (ou, pour Jean, le rapprochement)  correspondent à la demande : --Seigneur, ce n'est pas moi, n'est-ce pas?

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La Cène (1590), bois polychrome, Collégiale de Pont-Croix (29), photographie lavieb-aile.

La Cène (1590), bois polychrome, Collégiale de Pont-Croix (29), photographie lavieb-aile.

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C'est en examinant la peinture de Van Alost que je découvre Judas, par la bourse qu'il tient dans la main gauche. Nous parvenons au verset 25 de Matthieu 26 :

A son tour, Judas, qui le trahissait, lui demanda:
---Maître, ce n'est pas moi, n'est-ce pas?
---Tu le dis toi-même, lui répondit Jésus. 

(Notez aussi le chien blanc, Le Bien, qui combat un chat noir, le Mal).

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Pieter van Alost, La Cène, détail.

Pieter van Alost, La Cène, détail.

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Sur la peinture, mais aussi sur le groupe sculpté, on voit que le tabouret de Judas est incliné.  Car dans le même temps où Judas tend vers sa poitrine un index  offusqué, il se lève. L'évangile de Jean 13:30 atteste de cette action :

 Dès que Judas eut pris le morceau de pain, il se hâta de sortir. Il faisait nuit. 

 

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La Cène (1590), bois polychrome, Collégiale de Pont-Croix (29), photographie lavieb-aile.

La Cène (1590), bois polychrome, Collégiale de Pont-Croix (29), photographie lavieb-aile.

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Le peintre a donc respecté scrupuleusement le texte évangélique. Pourtant, il existe un élément intriguant et atopique. L'un des disciples semble étranger à la scène, dont il se détourne pour nous regarder, dans l'attitude classique du Mélancolique*, main sous le menton.

*cf. la Mélancolie de Dürer.

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La Cène (1590), bois polychrome, Collégiale de Pont-Croix (29), photographie lavieb-aile.

La Cène (1590), bois polychrome, Collégiale de Pont-Croix (29), photographie lavieb-aile.

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La résolution de cette énigme est donnée par les travaux de Jacques Lauprêtre et Danièle Séraphin qui ont découvert le prototype (le premier tableau, l'original) de la Cène de Pieter van Aelst et ont soumis cette huile sur bois à des investigations, notamment par infrarouge OSIRIS et Rayons X. Selon ces auteurs, Pieter Coeck d'Alost a représenté dans le personnage qui nous intrigue Martin Luther, le père de la Réforme protestante. 

 

 

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La Cène (détail), Pieter Coecke van Alost.

La Cène (détail), Pieter Coecke van Alost.

Martin Luther Cranach 1525, Bristol.
Martin Luther Cranach 1525, Bristol.

Martin Luther Cranach 1525, Bristol.

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Je n'ai pas (encore) lu cet ouvrage de Jacques Laupêtre, mais on en trouve les conclusions dans l'article Wikipédia sur cette Cène, et ailleurs en ligne. Un détail de la Cène de Pont-Croix est convaincant : comme sur le tableau, l'apôtre porte ici une pelisse, et non une tunique largement ouverte sur le cou. Ce manteau de fourrure figure sur les portraits de Luther. Je note aussi qu'il porte, sous ce manteau, une robe à l'encolure boutonnée et au petit col. Il n'est pas pieds-nus, mais fait partie des apôtres portant des sandales. 

J'apprends que le peintre a fait de chaque apôtre  le portraits des grands noms du protestantisme ou des figures tutélaires de ce mouvement : à   gauche se succèdent sur le tableau Luther, Melanchthon, Frédéric le sage, Jean Baptiste, Augustin, le prophète Jonas, et sur le côté gauche Paul de Tarse  qui vient  comme serviteur et qui est donc absent de la sculpture. Un commentateur ajoute : " ils sont tous là pour encourager Luther, pris par la mélancolie, pour qu’il ne désespère pas, la lumière vient de son côté et les « pères » sont là pour le soutenir. A droite on trouve Zwingli , en position de Judas, Eck en rouge avec Oecolampade, et Carlstadt avec Thomas de Vis dit Cajetan  et d’autres. Ces réformateurs s’opposent à la doctrine luthérienne  de la présence réelle du Christ dans le pain et le vin, pour n’y voir qu’un symbole. Le tableau est réalisé juste avant le colloque de Marburg 1529 qui va essayer de mettre de l’ordre dans la théologie protestante concernant la Cène. "

 A l’époque où sévissait l’Inquisition, les menaces d’hérésie et le risque du bûcher, du fait du terrible contexte politico-religieux de ce début du XVIe siècle aux Pays-Bas espagnols, enflammés comme le reste de l’Europe par les idées novatrices de la Réforme protestante,  Pieter Coeck d’Alost  a dissimulé ici son admiration pour Martin Luther et son attachement à la cause luthérienne, comme bon nombre d’artistes et d’intellectuels de la Renaissance flamande.  

 

Né à Alost, petite ville de Flandre, où son père était échevin, mort à Bruxelles, , Pieter Coecke est, avec les Flamands Lambert Lombard, Michel Coxie, Lancelot Blondeel et le Hollandais Jan van Scorel, un des hérauts de la pré-Renaissance aux Pays-Bas  En 1526, établi à Anvers, il épouse Anna Mertens, fille du peintre Jan van Dornicke ; l'année suivante, il est inscrit comme franc-maître à la Gilde Saint-Lucd'Anvers ; à la mort de son beau-père, il reprend la direction de l'atelier spécialisé dans la reproduction, destinée à l'exportation vers l'Espagne, le Portugal, l'Allemagne du Nord et vers la Pologne, de quelques thèmes religieux à succès, à partir d'une série de schémas invariables mis au point dans l'atelier même. C'est probablement autour de 1530 qu'il faut situer le séjour de Coecke à Bruxelles chez Van Orley, le grand fournisseur de cartons pour les tapissiers de cette ville. Par la suite, Coecke introduira à Anvers la technique de la tapisserie. Il est le maître de Brueghel l’Ancien (et son beau-père). 

 

Couverture duTestament des Ombres

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CONCLUSION.

Dans une exposition destinée à montrer la vigueur du catholicisme en Bretagne au XVIe siècle et sa résistance — l'exception bretonne — aux thèses de la Réforme, la présence de la Cène de Pont-Croix copiée sur celle de Pieter Van Alost ne manque pas de sel. Est-elle délibérée de la part des Commissaires ? Mais alors, pourquoi ne pas l'avoir décryptée pour le public ? Est-elle au contraire un cheval de Troie ayant réussi à garder le masque et à figurer encore aujourd'hui comme une apologie de l'Eucharistie et de la transsubstantiation ? 

Les commanditaires de Pont-Croix, et les huchiers bretons, ont-ils été dupes de l'artiste d'Alost ? J'en doute, car on ne taille pas dans le bois une pelisse anachronique et dépareillée pour l'un des personnages, et on n'en détourne pas le visage de la scène pascale sans s'interroger. Cette sculpture témoigne-t-elle d'un foyer protestant à Pont-Croix à la fin du XVIe siècle ou au début du XVIIe siècle ?

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SOURCES ET LIENS.

Dossier de presse de l'exposition (avec de très belles images) :

 http://www.art-culture-france.com/images/pieces_jointes/saint-vougay_:_exposition__il_/DP%20Il%20etait%20une%20foi.pdf

— LAUPÊTRE (Jacques), SÉRAPHIN (Danièle), 2013,  Le Testament des Ombres, Mise en Cène de Martin Luther par Pieter Coeck d'Alost, Éditions d'Art Hermann, Paris, .

—RIVIALE (Laurence), 2007,  Le vitrail de Normandie, entre Renaissance et Réforme, Corpus vitrearum, France Etudes VII, Presses Universitaires de Rennes.s

— La Cène, à Bruxelles :

https://www.fine-arts-museum.be/fr/la-collection/pieter-coecke-van-aelst-atelier-de-la-cene?artist=coecke-van-aelst-pieter-1

— La Cène de Coecke van Aelst Wikipédia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_C%C3%A8ne_(Coecke_van_Aelst)

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Published by jean-yves cordier
8 avril 2016 5 08 /04 /avril /2016 11:46

La Vierge allaitante dite Notre-Dame ​ de Tréguron de la chapelle Saint-Vénec de Briec au château de Kerjean (29).

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Voir :

— LES VIERGES ALLAITANTES. 12 articles.

http://www.lavieb-aile.com/article-virgo-lactens-ou-miss-nene-5-candidates-du-finistere-les-vierges-allaitantes-96615012.html

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— Exposition Il était une foi. La religion en Bretagne au XVIe siècle au château de Kerjean :

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C'était en janvier 2012. J'avais obtenu les clefs auprès d'un voisin et j'avais découvert la chapelle Saint-Vénec, sombre et glacée, délabrée, verte d'humidité. Misérable. 

(Cette incurie n'a pas changé, même au mois d'août 2015 si j'en crois ce témoignage d'une bénévole).

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Mais, comme dans l'étable de Bethléem, cette masure (en réalité un chef-d'œuvre architectural) cacahit une Vierge de toute beauté : Notre-Dame de Tréguron.

La raison de ma visite était précisément cette Vierge allaitante, objet de vénération des nourrices, comme à la chapelle de Tréguron à Gouezec dont elle emprunte l' appellation, et que j'avais visitée quelques jours auparavant pour débuter mon enquête.  

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Quatre ans après, quelle surprise ! Je retrouve cette statue en parcourant l'exposition Il était une foi. La religion en Bretagne au XVIe siècle organisée au château de Kerjean. 

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Vierge dite  Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

Vierge dite Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

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Détournant l'idée darwinienne de sélection naturelle, on peut imaginer le travail effectué par la sélection culturelle pour parvenir à cet achèvement du type de la Vierge allaitante fusionnant avec la Vierge au fruit.

Marie, nouvelle Éve, tient une pomme, mais ce n'est pas le fruit jaune et rouge de la gourmandise coupable, mais une sphère d'or, un fruit spirituel et immaculé, celui qui est issu de la racine de Jessé. Tout en accomplissant entièrement son rôle humain de mère nourricière, elle présente à son Fils cette figure de sa mission : racheter l'humanité du Péché Originel. L'Enfant, tout en tenant le sein aux rondeurs pleines, regarde la pomme et y prévoit le globe terrestre qu'il tiendra comme Sauveur du Monde. 

Un mouvement se crée en un cercle invisible mais prégnant : il débute par le regard de la Mère sur l'Enfant, se poursuit par le regard de Jésus sur la pomme, s'achève par le bras de Marie qui remonte vers le visage. Dans le fruit du jardin d'Éden, métamorphosé, fusionnent les trois métaphores de Marie, du Fils, et de l'Humanité rédemptée.

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Vierge dite Notre-Dame  de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

Vierge dite Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

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Il est possible de  se livrer à une lecture de cette sculpture en se dégageant  du contexte religieux et social qui l'a vu naître, et y voir simplement une mère archetypale, qui, tout en donnant le sein à son fils, se livre à ses pensées anticipatrices sur l'avenir dont elle rêve pour lui. N'est-ce pas ce que toute mère  fait, dans ce tendre et privilégié instant de la tétée ? Et le fruit plein et doré de ses espérances et de ses attentes se gonfle, parfaitement perceptible pour l'enfant qui s'en nourrit.

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Vierge dite Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

Vierge dite Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

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Quelle beauté ! Quelle perfection dans cette fusion des formes et de la pensée créatrice ! Ce sont les compliments que je lui adresse tout en la photographiant sous l'éclairage idéal de cette exposition, où une pièce lui est réservée. 

Mais, sans que ses lèvres ne remuent, j'entends la Dame me confier a bassa voce :

— Elle me manque.

— Qui ?

— Ma chapelle.

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Vierge dite  Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

Vierge dite Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

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Vierge dite  Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

Vierge dite Notre-Dame de Tréguron, chapelle Saint-Vénec, Briec, photographie lavieb-aile.

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— Pour un bel aperçu de l'exposition, et de très belles photographies : 

http://www.art-culture-france.com/images/pieces_jointes/saint-vougay_:_exposition__il_/DP%20Il%20etait%20une%20foi.pdf

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Published by jean-yves cordier - dans Vierges allaitantes
8 avril 2016 5 08 /04 /avril /2016 08:00

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Le château de Kerjean à Saint-Vougay (Finistère nord) organise l'exposition IL ÉTAIT UNE FOI, La religion en Bretagne au 16e siècle (26 mars 2016 - 02 nov. 2016)  

 

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"Un saint pour chaque chose", château de Kerjean, avril 2016.

"Un saint pour chaque chose", château de Kerjean, avril 2016.

J'ai pu y voir le groupe d'Anne trinitaire de l'église Saint-Thomas  de Landerneau, un ancien prieuré-cure dont la tour a été achevée en 1630, mais dont la nef gothique date du milieu ou de la fin du XVIe siècle. Le groupe sculpté de sainte Anne daterait de la fin du XVIe siècle. Dans la même église se voit une Vierge couchée en bois (cliquez) datée des années 1430-1450.

Vierges couchées de Bretagne : Le Yaudet, Guiaudet et Kergrist. Les trois Vierges couchées de Bretagne.  http://www.lavieb-aile.com/article-les-trois-vierges-couchees-de-bretagne-le-yaudet-guiaudet-et-kergrist-105600979.html 

Dans l'iconographie de cette représentation trinitaire (dont l'exemple le plus fameux est dû à Léonard de Vinci), j'ai proposé, dans mon analyse de l'ensemble de 17 sculptures (cf. Vallée de l'Aulne)  de  séparer un type I où les deux femmes sont presque de tailles égales, chacune assises sur un siège, et un type II dans lequel Marie est représentée dans les bras de sa mère Anne, et a une taille d'enfant par rapport à sa mère. 

A Saint-Thomas, nous avons donc affaire à mon type II. Anne porte sur le bras gauche Marie, qui porte l'Enfant-Jésus, à la fois installé sur les genoux de sa mère et soutenu sous les fesses par sa grand-mère. Comme il se doit, Anne est voilé (on ne doit pas voir ses cheveux), Marie est couronnée sur des cheveux qui retombent librement dans son dos. Jésus a les cheveux bruns frisés ou bouclés. Par rapport aux autres groupes, on remarque l'absence du fruit (grappe de raisin ou pomme), mais la présence du livre, quasi obligatoire comme objet transitionnel. Il manque peut-être un objet, car la main droite de sainte Anne ne retient plus que du vide. 

La disposition en taille décroissante des personnages est aussi amusante que la lecture du conte de Boucles d'or, surtout lorsque l'on regarde la tunique brune de Jésus et sa paire de bottines juste au dessus du sarrau bleu et des pantoufles de la petite Marie, qui balance (je crois) rythmiquement ses jambes. Ou bien que l'on regarde les trois têtes qui sont en train d'observer le même lointain objet , et que l'on remarque leur air de famille, car Grand-maman Anna a transmis son nez en trompette aux deux autres. J'avais déjà été distrait de pensées hautement théologiques (n'en doutez pas) pour les mêmes motifs lors de ma visite à la chapelle de Tréguron (n°3 des groupes de la Vallée de l'Aulne). 

Les trois personnages s'inscrivent dans la même aventure, celle qui est au cœur même du livre sur lequel l'Enfant "apprend" à lire ce que sa nature divine connaît parfaitement : le salut de l'humanité après que leurs ancêtres Éve et Adam aient croqué la pomme. Elles consultent les Écritures (et, pour Mère-Grand, les textes apocryphes) qui racontent leurs Vies, et que leurs Vies écrivent, sous la forme d'un Logos divin.

Sainte Anne trinitaire de l'église Saint-Thomas à Landerneau, photographie lavieb-aile.

Sainte Anne trinitaire de l'église Saint-Thomas à Landerneau, photographie lavieb-aile.

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Sainte Anne trinitaire de l'église Saint-Thomas à Landerneau, photographie lavieb-aile.

Sainte Anne trinitaire de l'église Saint-Thomas à Landerneau, photographie lavieb-aile.

Sainte Anne trinitaire de l'église Saint-Thomas à Landerneau, photographie lavieb-aile.

Sainte Anne trinitaire de l'église Saint-Thomas à Landerneau, photographie lavieb-aile.

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LIENS ET SOURCES.

http://www.dailymotion.com/video/x41ecw4_saint-vougay-exposition-au-chateau-de-kerjean_creation

— COUFFON (René) Le BARS (Alfred), 1988,  Nouveau répertoire 

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/LANDERNE.pdf

— Notice de la SPREV:

http://www.sprev.org/centre-sprev/landerneau-eglise-saint-thomas-de-cantorbery/

Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Landerneau", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper, 16e année 1916, Quimper, 17e année 1917, p. 321-332, 353-361, 5-12, 33-47, 65-76, 97-106.

 — Ermioni Iliana Syrrou, « « L’iconographie de Sainte Anne Trinitaire dans l’art de Toscane (XVe-XVIe siècle », Master 1, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sous la direction du Professeur Philippe Morel », Genre & Histoire [En ligne], 11 | Automne 2012, mis en ligne le 26 juillet 2013, consulté le 08 avril 2016. URL : http://genrehistoire.revues.org/1718 

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Published by jean-yves cordier - dans Anne trinitaire
5 avril 2016 2 05 /04 /avril /2016 21:51

Je ne vais pas me fouler, je vais recopier — à la main — le texte d'Isabelle Isnard proposé par le site de la base Palissy des Monuments historiques :

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PM60000268

"Le vitrail a été donné à l'église par l'abbé Spey Broeck. Son classement a été demandé par le donateur. Il a été proposé au classement le 8 octobre 1984. A l'origine, il se trouvait dans une chapelle privée détruite pendant la guerre de 1914-1918. Ce vitrail sort des ateliers Van Doorne comme l'indique la présence du monogramme du maître. Le paysage de la scène est réalisé avec une grande minutie dans les détails qui n'est pas sans rappeler le travail d'Albrecht Dürer. Le panneau peut être daté du début du 17e siècle. h = 60 ; la = 40. Le panneau figuré est entouré d'une bordure de verre blanc décorée de motifs décoratifs en jaune d'argent. Sur le panneau figuré : Adam et Eve au centre de la composition cachent leur nudité et fuient sous les injonctions de l'ange représentés à gauche du panneau. La scène se déroule dans un paysage animé par de nombreux animaux dont un lièvre. "

Mais, direz-vous, qui est cet abbé Spey Broeck ? Lavieb va vous l'apprendre. Carlos Speybroeck fut le curé de la paroisse de Précy-sur-Oise de 1979 à 2011. Un historien érudit, puisqu'on lui doit Précy au fil de l'eau  et Précy-sur-Oise pendant la Révolution (1989). Mais aussi le membre de la Commission d'art sacré de l'Oise. 

Et le peintre Van Doorne, dites-nous un peu, Lavieb, de qui il s'agit ?

Je n'en sais rien. J'ai juste réussi à trouver les trois lettres AVD au dessus de la tête du lièvre. Je trouve une famille de sculpteurs et d'artistes de Malines, des Jan, des Martin, mais aucun peintre-verrier. Ce monogramme est proche de celui d'Albrecht Dürer AD. 

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Ma photo n'est pas meilleure que celle mise en ligne sur l'article Wikipédia par Chatsam, mais elle la complète.

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Adam et Ève chassés du Paradis, vitrail de Van Doorne, début du XVIIe siècle, ancienne chapelle privée.

Adam et Ève chassés du Paradis, vitrail de Van Doorne, début du XVIIe siècle, ancienne chapelle privée.

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Adam et Ève chassés du Paradis, vitrail de Van Doorne, début du XVIIe siècle, ancienne chapelle privée.

Adam et Ève chassés du Paradis, vitrail de Van Doorne, début du XVIIe siècle, ancienne chapelle privée.

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Published by jean-yves cordier - dans Beauvais
5 avril 2016 2 05 /04 /avril /2016 07:59

Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche (Eure) vers 1552.

Voir ici sur le même thème :

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Cette baie n°14 (3e travée sud des bas-cotés de la nef) est composée de 3 lancettes cintrées et d'un tympan à 2 écoinçons et 3 ajours : haute de 4,50 m et large de 2,30 m, elle a été offerte vers 1552 par le conseiller du roi (alors, Henri II) Jean Le Tellier des Ébreux, en même temps que la baie n°13 de l'Annonciation, qui lui fait face du coté nord. 

 

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Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

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Sur une banderole qui court dans la partie supérieure se lit un verset d'Isaïe 63: 

Torcular calcavi solus et de gentibus non est vir mecum Isaïe 63:3

En voici la traduction par L. Segond, précédée des versets 1 et 2 : "Qui est celui-ci qui vient d'Édom, De Botsra, en vêtements rouges, En habits éclatants, Et se redressant avec fierté dans la plénitude de sa force? -C'est moi qui ai promis le salut, Qui ai le pouvoir de délivrer. Pourquoi tes habits sont-ils rouges, Et tes vêtements comme les vêtements de celui qui foule dans la cuve? J'ai été seul à fouler au pressoir, Et nul homme d'entre les peuples n'était avec moi."

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Torcular calcavi solus et de gentibus non est vir mecum Isaïe 63

torcular calcavi solus et de gentibus non est vir mecum

 

calcavi eos in furore meo et conculcavi eos in ira mea et aspersus est sanguis eorum super vestimenta

Qui est celui-ci qui vient d'Édom, De Botsra, en vêtements rouges, En habits éclatants, Et se redressant avec fierté dans la plénitude de sa force? -C'est moi qui ai promis le salut, Qui ai le pouvoir de délivrer. -

2 Pourquoi tes habits sont-ils rouges, Et tes vêtements comme les vêtements de celui qui foule dans la cuve? -

3 J'ai été seul à fouler au pressoir, Et nul homme d'entre les peuples n'était avec moi;

Jean Le Tellier des Ebrieux, grand rapporteur de la Chancellerie de Franc

 
Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

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Le Christ vêtu du manteau rouge de la Résurrection se tient devant la vis d'un pressoir, les pieds sur la margelle de la cuve remplie de raisins. Les plaies de ses mains, de ses pieds et de son flanc ne sont pas visibles, pas plus que le sang qui s'en écoule, mais la transsubstantiation qui relie sang du Christ et vin de l'eucharistie prend ainsi une forme didactique. Le sang/vin s'écoule dans un baquet, et une main (celle du donateur) y remplit une coupe.

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Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

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À gauche, on voit une charrette chargée d'un tonneau tirée par un lion et un bœuf (attributs des évangélistes Marc et Luc) et guidée par un aigle et un ange (attributs des évangélistes Jean et Matthieu), ce qui développe  une autre lecture allégorique liant le sang du Christ et la Parole, le Logos, le Verbe.

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Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

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Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

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Le donateur figure accompagné de 12 hommes de son  entourage et enfants de sa famille, au-dessus de son écu d'azur à la fasce d'argent. La Revue de Rouen et de Normandie volume 8, 1840  m'apprend que "  noble homme et sage maistre Jehan Le Tellier , seigneur des Ebrieux , natif de Conches, [était] grand rapporteur et correcteur des chancelleries de France, maistre des requestes ordinaires de la reine. Son nom et ses qualités sont consignés sur une grande plaque de cuivre gravé, datée de 1553 et encastrée dans la muraille."

 

 

Jean le Tellier et les siens, Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

Jean le Tellier et les siens, Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

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Sa devise Non quam magnis satis non quam satis parvum ["Jamais assez grand, jamais assez petit" ?] et la date de 1552 (restaurée) figurent sur un cartouche. 

 

Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

Le vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

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Jean le Tellier, donateur, vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

Jean le Tellier, donateur, vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

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La donatrice est entourée de six femmes et filles.

 

 

La donatrice et son entourage, vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

La donatrice et son entourage, vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

La donatrice et son entourage, vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

La donatrice et son entourage, vitrail du Pressoir Mystique, baie n°14 de l'église Sainte-Foy de Conches-en-Ouche, photographie lavieb-aile.

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DISCUSSION.

Le thème du Pressoir Mystique (en latin torculus Christiest très ancien, et trouve son origine dans l'évangile  «  Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.» Évangile selon Jean , 15:1. Une lecture typologique a trouvé des résonnances avec des passages vétéro-testamentaires comme  Isaïe 63 mentionnant "les habits écarlates, le vêtement de fouleur au pressoir ", et avec le passage de l'Apocalypse « Le manteau qui l'enveloppe est trempé de sang ; et son nom ? Le Verbe de Dieu » (Ap 19, 13). Les Pères de l'Église Tertullien,saint Cyprien, saint Augustin, saint Grégoire puis Isidore de Séville ont développé cette image de la Passion comme Pressoir, les poètes latins comme Venance Fortunat  l'ont repris : « Entre tes bras s'enlace la vigne, d'où coule pour nous en abondance le doux vin qui a la rougeur du sang » (Poèmes II, 1).  La métaphore se répandit ensuite dans toute l'Europe, dans l'art pictural, associé au thème du Bain Mystique, dans le sang du Christ  : aspersion du Sang du Christ, Fontaine des vertus, Fontaine de grâce, Fontaine de vie.

On le trouve donc illustré partout, sur les chapiteaux de Vézelay, dans les enluminures, en peinture, etc... Je citerais d'une part le polyptique de l'Agneau mystique des frères Van Eyck (Gand, 1432) et le Bain mystique de Jean Bellegambe à Lille (1510).

Mais mon propos est d'associer ce vitrail de Conches avec un vitrail de Beauvais, la Fontaine de Deité (baie n°10, 1524) attribué à l'atelier des Le Prince, car à Conches, "les baies 3, 0, et 2 sont tout à fait dans la suite des Le Prince de Beauvais, et la baie 4 se rapproche plus précisément des œuvres attribuées à Nicolas Le Prince" (Callias-Bey, 2001, p.129). 

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SOURCE ET LIENS.

— CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum Recensement des vitraux anciens de la France-Volume VI, CNRS / Inventaire Général, Tours, 2001, 495 p, page 133.

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Published by jean-yves cordier - dans Conches-en-Ouches
4 avril 2016 1 04 /04 /avril /2016 22:36

Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais baie n° 6, Le Jugement Dernier .

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Voir :

L'église Saint-Étienne :

La cathédrale :

Beauvais :

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La baie n° 6 du Jugement Dernier  comporte  quatre lancettes lancéolées organisées en 2 registres, et un tympan à 8 mouchettes bilobées et 6 écoinçons.  Elle mesure 7,10 m de haut et 3,20 m de large.

Cette œuvre, datée vers 1522 et atribuée à Engrand Le Prince par J. Lafond,   a été restaurée par Roussel en 1878.

 

 

Selon la description donnée en 1999 par Isabelle Isnard pour la notice des Monuments historiques : 

"Le Jugement Dernier occupe les trois lancettes de gauche. A droite, l'Enfer, au centre saint Michel psychopompe et à gauche la résurrection des morts, leur séparation et les âmes des élus qui montent au ciel. Au dessus, le Christ Juge entouré de saint Jean-Baptiste, de la Vierge en prière et de deux anges sonnant la trompette. Dans le registre supérieur de la lancette de droite, des donateurs sont présentés par saint Pierre. Dans le registre inférieur, le panneau moderne présente le curé de Saint Etienne lors des restaurations de 1878. Au tympan, une Trinité dans la mouchette centrale et autour, dans les soufflets, des anges musiciens, le Soleil et la Lune. Restauration de Roussel en 1878. Le panneau représentant le curé en donateur est moderne. Transcription : " Roussel, 1878" http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=PM60003013

On apprend aussi que "cette verrière a été très restaurée au XIXe siècle. A l'origine le registre inférieur du vitrail d'Engrand exposait un certain nombre de corps nus qui ont choqué quelques bonnes âmes du XIXe. Ce registre a été supprimé. Les débris ont néanmoins été remis en place et restaurés par le maître verrier beauvaisien Roussel en 1878.". Mais les sources consultés n'indiquent pas la date de ce vandalisme poudibond et dévot. Stanislas de Saint-Germain indique en 1843 (page 70) que "les détails inférieurs ont été brisés récemment". Mais il en donne néanmoins une description qui peut laisser penser que la destruction du registre inférieur n'a pas été totale. Il y a là quelque chose d'incohérent et d'insuffisament précisé. Si des esprits prudes s'étaient offusqués de certains détails anatomiques, ils les auraient fait dissimuler ou ôter sans s'en prendre à l'ensemble des panneaux, comme les paroissiens bretons le firent des statues de Vierges allaitantes, dont la poitrine étaient rhabillées, ou les Italiens des peintures de Michel-Ange qui étaient corrigées. C'est d'ailleurs, sur l'autel de la Chapelle Sixtine, les personnages nus du Jugement Dernier (1536-1541) qui "bénéficièrent " des repeints de pudeur du "Braghettone" Daniel de Volterra.

 On sait certes aussi que Beauvais fut, au XVII et au XVIIIe, par son Lycée, un centre de rayonnement et d'enseignement du jansénisme. Mais selon Stanislas de Saint-Germain, les destructions eurent lieu au peu avant 1843.

Enfin, je trouve que le registre inférieur ne mérite pas le qualificatif d'Affreuse platitude" décerné par Jean Lafond dans le texte (par ailleurs remarquable bien entendu)   de  Jean Lafond en 1929 :

 

"Le vitrail du Jugement Dernier est contemporain de l'Arbre de Jessé [1522-1524], dont il forme pour ainsi dire le pendant, et l'on peut croire qu'Engrand Le Prince a pris dans son exécution une part prépondérante. La partie inférieure de la verrière a été mutilée par de bonnes âmes que choquaient les nudités de la Résurrection des Morts et de l'Appel des Élus. Le chanoine Barraud rapporte ce trait de vandalisme, non sans le flétrir très justement. En fait, seul le premier compartiment (qui représentait ce double sujet) a été entièrement détruit pour faire place à une composition moderne dont la décence ne compense pas l'affreuse platitude.

Le Pésement des Âmes, et l'Enfer, dans les travées voisines, ne sont que restaurées, fort mal d'ailleurs. Il faut admirer l'armure d'or et d'argent de l'archange aux ailes vertes , et – à gauche de la gueule de Léviathan qu'ouvre un monstrueux diable rouge –, une très belle tête de damné. Même le portrait du bon curé Potier est surmonté d'un excellent panneau décoratif qui rappelle le dernier vitrail de la chapelle de la Vierge.

A la partie inférieure de l'armure, est tracée l'invocation Sancte mi[ch]ael . Sur une jambière, on distingue les lettres A et (N) ?

Le registre supérieur est parfaitement conservé . Le Christ est assis sur l'arc-en-ciel, les pieds posés sur le globe du monde. Son large manteau rouge laisse voir les plaies de la Passion. Auprès de son visage nimbé de rayons d'or, on aperçoit d'un côté un lis et de l'autre un glaive. Ces symboles de la Miséricorde et de la Justice éclairent le geste du divin juge, qui bénit les élus, et abaisse la main gauche en signe de réprobation. A la droite du Christ est agenouillée la sainte Vierge, vêtue d'une robe violette et d'un manteau blanc broché d'or. Elle intercède pour les hommes en joignant les mains. De l'autre côté, c'est saint Jean-Baptiste, vêtu d'une peau de bête sur laquelle est jeté un manteau rouge. Sa tête barbue et chevelue, au profil maigre, au nez incurvé, est peinte avec cette grisaille brun clair dont nous avons déjà noté l'emploi dans le portrait présumé d'Engrand Le Prince [Arbre de Jessé].

Au dessus de ces deux personnages, des anges blancs, aux vastes ailes éployées, paraissent dans les nuages bleus et sonnent de grandes trompette recourbées. Un troisième ange, le soleil et la lune, occupent la pointe des lancettes.

A l'exception du dernier détail, toute cette ordonnance suit très fidèlement le modèle donné par Albert Dürer dans la Petite Passion sur bois (vers 1509-1511). On remarquera qu'elle n'occupe que trois compartiments : il fallait bien mettre le Christ au centre du tableau. Le peintre verrier s'est servi de la quatrième lancette pour loger le donateutr et sa femme sous une forte architecture d'or décorée de putti et de dauphins. Ces donateurs, dont les armoiries ont disparues, sont présentés par un majestueux saint Pierre.

Le tympan, fort intéressant, au point de vue de l'iconographie, met en scène, autour d'une Trinité environnée d'anges musiciens, saint Jean-Baptiste flanqué de deux personnages de l'ancienne loi, et la Vierge Marie qui forme avec deux saintes femmes un groupe délicieux. " (J. Lafond 1929 pages 79-80).

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Baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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I. REGISTRE SUPÉRIEUR.

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Les trois panneaux de gauche forment un tout, dans lequel Engrand Le Prince se réapproprie avec talent le Jugement Dernier de Dürer dans sa série de la Petite Passion : ici, chez Le Prince, les trois personnages sont des entités autonomes comme trois foyers de radiations sacrées.

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Albrecht Dürer, Jugement Dernier de la Petite Passion.

Albrecht Dürer, Jugement Dernier de la Petite Passion.

Registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette A. La Vierge.

On  évoque la Vierge de la Déposition en baie n°0.

Lancette A, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette A, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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J'essaye de comprendre "comment c'est fait". Le verre blanc, chez Engrand Le Prince, n'est pas blanc-transparent, il est laiteux, crémeux, l'application de grisaille plus ou moins dense le transforme en une matière soulevée par par des modelés, des arêtes, des flux et des plis. Le plissé de la robe de l'ange, d'abord concentrique autour du tronc, frise et se gaufre sur les manches. Si l'on suit, comme dans le pavillon d'une oreille, les circonvolutions du trait blanc dont on pense qu'il est "enlevé" par quelque outil, on constate qu'il est doublé (comme dans la technique du triple trait du moine Théophile) par un trait gris sombre, et enfin on perd le tracé. 

Le visage obéit à d'autres lois. Il est passé au blanc comme celui d'une geisha ou d'un pierrot lunaire, et seuls quelques traits parcimonieux, denses, écrivent deux yeux, la ligne des narines et la clef de sol de l'oreille. Pourtant, le front est bombé, les joues sont gonflées, le regard est concentré. Rien n'indique comment nous viennent ces convictions.

Le jaune d'argent des cheveux  me retient à son tour. Ces cheveux, ce sont des nouilles, des pailles ou des herbes folles, un champ de blé peint par Van Gogh, ce sont des flammes et des flammêches, emportés par un coup de vent dégageant le front .

Me voilà aux ailes  maintenant : le verre vert est travaillé par des grisailles vaporeuses où le doigt de l'artisan vient d'abord tracer des  contours foliaires, avant que le manche d'un pinceau ne vienne zébrer la surface par des traits rapides pour exprimer les nervures alaires.

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Ange buccinateur annonçant le Jugement, lancette A, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Ange buccinateur annonçant le Jugement, lancette A, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Je poursuis mon exercice avec le visage et le voile de la Vierge.

 

 

Vierge, lancette A, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Vierge, lancette A, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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L'étoffe dorée est damassée selon le motif propre à Engrand Le Prince et à son atelier : une palmette et des  "roues dentées" piquées par trois sur un pétale. Le cément jaune d'argent est dilué à gauche et se concentre sur le pan de droite pour devenir orange.

 

Damas de la robe de la Vierge, lancette A, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Damas de la robe de la Vierge, lancette A, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Tête de la lancette A. Le Soleil anthropomorphe (visage de 3/4).

Ce soleil, comme la lune de la lancette D, indiquent la dimension cosmique du Jugement.

 

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Tête de la lancette A, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Tête de la lancette A, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette B. Le Christ.

On passe toujours trop vite devant les œuvres... Je relis Jean Lafond :

"Le Christ est assis sur l'arc-en-ciel, les pieds posés sur le globe du monde. Son large manteau rouge laisse voir les plaies de la Passion. Auprès de son visage nimbé de rayons d'or, on aperçoit d'un côté un lis et de l'autre un glaive. Ces symboles de la Miséricorde et de la Justice éclairent le geste du divin juge, qui bénit les élus, et abaisse la main gauche en signe de réprobation."

Malgré deux visites de la verrière et de (très) longues heures passées à trier et sélectionner mes images et à rédiger cet article, je n'avais pas vu l'arc-en-ciel. Il est fait d'un verre bleu clair, assombri au pinceau d'un arc bleu au centre (grisaille ou émail ?) et d'une bordure au jaune d'argent en partie basse. Tout cela pour deux morceaux de verre de quelques cm².

L'éclat de lumière jaune, qui adopte la forme vague d'une étoile, est fait de six panneaux (avant la pose de plombs de casse) de verre blanc passés au jaune d'argent, avec une réserve en forme de croix autour de la tête, et des variations de densité du cément qui créent autour du Christ vainqueur de la mort cette radiance surnaturelle impressionnante. 

 

 

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Lancette B, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette B, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Ce que je n'avais pas vu non plus, c'est le lis blanc : j'avais pris la tige verte pour une sorte d'éclair, et la corolle blanche m'avait échappé. Je VOIS  maintenant cette extraordinaire et inédite image du glaive dont la pointe touche l'oreille gauche, alors que la tige du lis semble s'échapper de l'oreille droite. Cela a la force d'une vision extatique, bouleversante ou renouvellante car les réflexions sur les significations possibles de cette composition sont infinies.

Le regard (ce regard qui troue des chairs blanches et qui est l'une des signatures immédiatement identifiables de l'atelier des Le Prince) est tourné vers la droite, vers le coté du jeune lis en fleur, de la main qui bénit et accueille les Élus, celui de la Miséricorde. Le glaive glacé de la Justice et de la Loi, métamorphosé par le passage par le Christ, transforme son intransigeance acérée et tranchante en la tendresse chaleureuse et  bienveillante du pardon. Est-il possible d'aller aussi loin dans la compréhension théologique du christianisme par l'expression d'une seule image ?

Que fait la main gauche ? Elle ne repousse pas, elle n'a aucune agressivité, elle semble vouloir calmer certains excès. Du coté gauche se tient Jean-Baptiste dans son vêtement de poils de chameau : le Précurseur est un exalté vivant dans le désert et se nourissant de sauterelles : c'est le dernier des Prophètes de l'Ancien Testament, un Élie redivivus. Dans le tympan, il est entouré de deux prophètes. Est-ce sa virulence que Jésus tempère de son geste apaisant ?

 Le lis, avec sa fleur immaculée, symbole de pureté, de virginité, est tourné vers la Vierge, la Nouvelle Éve.

 On semble voir ici l'illustration du verset de l'évangile de Jean 12:46-47 : 

 

"Je suis venu comme une lumière dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres.

 Si quelqu'un entend mes paroles et ne les garde point, ce n'est pas moi qui le juge; car je suis venu non pour juger le monde, mais pour sauver le monde. "

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Lancette B, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette B, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Tête de la lancette B. Ange adorateur.

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Tête de la lancette B, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Tête de la lancette B, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette C. Saint Jean-Baptiste.

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Lancette C, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette C, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Tête de lancette C. La Lune anthropomorphe (un profil).

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Tête de lancette C, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Tête de lancette C, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette D. Le couple de donateurs présenté par saint Pierre.

Saint Pierre est placé devant une tenture verte damassée, dans une niche qui l'isole des trois lancettes précédentes. Mais le motif du damas est le même que celui de la robe de la Vierge .

Staniaslas de Saint-Germain, en 1843, et Fanny Dénoix, en 1868, ne décrivent que saint Pierre et passent sous silence les donateurs, qui ne devaient donc pas être alors très visibles.

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Lancette D, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette D, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Tête de lancette D.

C'est un chef-d'œuvre de jaune d'argent. Dans la partie basse, quatre enfants nus en deux groupes semblables (un garçon bouclé, assis, tenant un bâton et faisant un signe de la main, auprès d'un compagnon au cheveux paille, soulevant des deux bras une sorte d'emblème). En haut, l'emblème en question, où deux poissons à gueule d'aigle s'affrontent en traçant un cercle, qui circonscrit un vase.

 

 

Tête de lancette D, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.
Tête de lancette D, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Tête de lancette D, registre supérieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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II. REGISTRE INFÉRIEUR.

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On se rappelle que cette partie a été partiellement ou totalement détruite, et refaite avec des éléments modernes.

Registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette A. Les Élus appelés par un Ange.

Toujours le même motif de damas pour l'Ange.

Une femme portant une guimpe nous regarde presque malicieusement. C'est peut-être une donatrice, et  alors sans doute une religieuse.

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Lancette A, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette A, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette B.

L'archange Saint-Michel tient sa balance. A droite, un homme dont l'âme est trop lourdement chargé de péchés est déjà emporté par un diable, tandis que sur le plateau le plus haut, une femme (la compagne du damné) tend desespérément le bras pour le rattraper par le pied. En vain, bien-sûr. Une chrétienne qui regrette déjà son mari à l'entrée dans le Paradis, est-ce vraiment bien catholique ?

En 1868, le vitrail n'était pas si détruit que cela, puisque Fanny Dénoix en a laissé la description amusée suivante : 

"Au bas, s'opère le pèsement et la classification des âmes. Mais quel ingénieux combat ! Un mari, trop lourd d'iniquités, est repoussé vers l'abîme. Sa femme prédestinée, elle, s'efforce de le retenir, de l'entraîner chez les bienheureux ; et la pauvre épouse obligée de lâcher prise, abandonne au démon cette part de sa vie. La femme est comique d'épouvante, l'époux est inimitable de couardise."

 

Sur la pièce d'armure se lisent les mots Samcte Michael, mais on trouve aussi sur la cuissarde droite un superbe A, seule lettre distincte d'un groupe de trois.

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Lancette B, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette B, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette B, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette B, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette C.

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Lancette C, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette C, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette C, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette C, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette C, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette C, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette C, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette C, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette D.

Elle montre un saint et une sainte présentant un écclésiastique, en posture de donateur.

Le nimbe du saint (en tenue monastique mais tenant la crosse d'un abbé) porte l'inscription SANCTUS CNSTANCIANVS . Puis vient sainte Anne, avec le nimbe portant l'inscription SANCTA ANNA.

Il n'existe aucun "sanctus constancianus" . Il existe dix "Saint Constantin", mais aucun ne fut abbé. Saint Constant ou constance était sacristain de l'église Saint-Étienne d'Ancône. Quelle est la clef de ce mystère ?

 

Un cartel indique :

 L'an de N.S.J.C 1878 Mre Ctien POTIER Estant curé feit refaicter ceste vitre par J.E. ROUSSEL de la Corption des Maistres Peintres-Verriers de France à Beauvais.

 

L'abbé Potier était alors curé doyen de Saint-Étienne de Beauvais, et il a fait procéder à la restauration de cette vérrière par J.E. Roussel, peintre-verrier installé  37, rue Sainte-Marguerite, à Beauvais.  Actif de 1877 jusqu'à son décès en 1891, ce peintre était associé à T. Malhot, cartonnier. Louis Koch sera son successeur. On lui doit aussi les vitraux de la chapelle, Notre-Dame de Piété, à Auneuil en 1880

 L'abbé Potier était  chanoine honoraire de Beauvais dès 1863 . Il avait été (ou un homonyme)  premier vicaire de la cathédrale en 1852 et 1865. La Société Académique de l'Oise conserve encore ses "Sermons et discours choisis". Il nous regarde derrière ses lunettes cerclées et porte la tenue écclesiastique des chanoines, avec le surplis blanc aux manches et à la bordure aérées par une fine dentelle ; ses épaules sont chaudement recouvertes d'une courte pèlerine dont la fourrure blanche apparaît en périphérie, une sage et douillette précaution lorsqu'il faut rester durant l'office dans les stalles du chœur. La nommerez-vous "aumusse",  signe distinctif du canonicat ? Ou plutôt "Camail" ? Ou mozette ? Sachez qu' un espace sépare les deux pans du camail sur la poitrine, alors que la mozette se boutonne à ce niveau.

Quoiqu'il en soit, notre saint homme, émule peut-être de Prosper Mérimée, a souhaité imiter les inscriptions médiévales et multiplier les tournures désuettes sans se soucier du ridicule et du fautif. "Estant curé", il a "feit refaicter ceste vitre", mais, pour mieux singer ses prédecesseurs, il aurait du écrire "refaictier" ou "refetier", ou "reffaitier" et ainsi se conformer au Dictionnaire de Godefroy. Certes, celui-ci ne fut publié qu'en 1881 et je lui donne l'absolution, pourvu qu'il adopte une tête moins suffisante.

Les abréviations Mre Ctien   peuvent-elles être comprises comme Maître ou Messire Ctien Potier ? Quel est le prénom de l'abbé ? Chrétien ? 

Bingo, je finis par trouver la bonne réponse et par identifier du même coup le saint tutélaire : saint Constantien de Javron.

Constantien, ermite à Javron, est né en Auvergne devint moine à l'abbaye de Micy (Saint-Mesmin) près d'Orléans, où il fit la connaissance d'un compatriote, l'ermite saint Fraimbault. Ils  se retirèrent tous deux  vers 570 dans un ermitage de la forêt de Nuz. Saint Innocent, l'évêque du Mans, les accueille et favorise leur projet. Il oblige Constantien à recevoir la prêtrise afin qu'il joue un rôle missionnaire auprès des populations locales. Saint Domnole, le successeur de saint Innocent, lui assigne les mêmes fonctions. La réputation de sainteté de Constantien atteint le roi Clotaire qui vient lui rendre visite dans sa retraite. Le saint lui prédit la victoire contre les Bretons d'Armorique. Le moine mourut en 570 et il fut enterré à Javron où s'établit un prieuré dépendant du monastère Saint-Julien de Tours. Au XIe siècle, une partie de ses reliques, mises à l'abri à la cathédrale du Mans,   fut transportée par Hilduin  à l'abbaye de Breteuil, près de Beauvais. Il est  fêté le 1er décembre (dans le Maine) et le 2 décembre (à Beauvais), avec le titre d'abbé.

Voir Vie des saints du diocèse de Beauvais page 499-505.

Je trouve la confirmation du prénom de l'abbé à propos d'un monument qu'il fit dresser en son honneur dans l'église : dans  Une visite à Beauvais : historique, promenade dans la ville, les faubourgs, hommes célèbres du Beauvaisis  par Alexis Martin éditeur A. Hennuyer , Paris, 1894 il est fait mention "du monument élevé à la mémoire de Constancien Potier, curé de la paroisse, mort en 1870 [?] ".

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Lancette D, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette D, registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Lancette D (détail), registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette D (détail), registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Haut du panneau .

C'est certainement l'œuvre d'Engrand Le Prince. On y voit trois enfants nus, des feuillages et deux oiseaux.

Lancette D (détail), registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Lancette D (détail), registre inférieur, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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III. LE TYMPAN.

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Je renvois à la description de Jean Lafond citée supra .

Tympan, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Tympan, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Ange musicien, tympan, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Ange musicien, tympan, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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Tympan, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

Tympan, baie n°6 du Jugement Dernier, église Saint-Étienne de Beauvais, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

 

— Les vitraux de l'église Saint-Etienne sur le site de l'Association Beauvais Cathédrale  ABC :

http://www.cathedrale-beauvais.fr/nouveausite/saintetienne/vitraux/vitrauxste.html

— Le site www.patrimoine-histoire :

http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Beauvais/Beauvais-Saint-Etienne.htm

— Wikipédia :

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-%C3%89tienne_de_Beauvais

Site therosewindow

http://www.therosewindow.com/pilot/Beauvais-st-etienne/table.htm

 

— BARRAUD. - Descriptions des vitraux de l'église Saint-Etienne de Beauvais. Mémoires de la Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise, 1852-1855, II - 4, p. 537-598.

 

 — CALLIAS-BEY (Martine) , Véronique CHAUSSÉ , Françoise GATOUILLAT ,Michel HÉROLD, 2001, Les Vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum ; Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Commission régionale Haute-Normandie. Nombreuses pages sur l'atelier Leprince, 48-49 etc.

 

— DANJOU (1847), Note sur les vitraux de l'église Saint-Étienne de Beauvais,  Société académique de l'Oise. Mémoires de la Société académique d'archéologie, sciences et arts du département de l'Oise. 1847 (T1) page 62.

http://visualiseur.bnf.fr/ark:/12148/cb32813221g/date1847

— DÉNOIX (Fanny Descampeaux Dénoix des Vergnes ) Beauvais ...Description matérielle : In-18, III-194 p. Édition : Beauvais : tous les libraires , 1868. 2e éd., page 125 et suivante.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65168165/f138.image

 

— HÉROLD (Michel), 1995, L'atelier des Leprince et la Normandie, Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen , Rouen, musee des beaux-arts , 190 pages, p. 44-5

— LAFOND (Jean), 1943, Pratique de la peinture sur verre à l'usage des curieux suivi d'un essai sur le jaune d'argent et d'une note sur les plus anciens verres gravés [s. n.] (Rouen) 

— LEBLOND (Dr Victor),1921, L'art et les artistes en Île de France au XVIe siècle  d'après les minutes notariales  . Beauvais & Beauvaisis. Paris : E. Champion ; Beauvais : Imprimerie départementale de l'Oise, 1921. 352 p.-VII, VII pl. ; 25 cm.

— LEBLOND (Dr Victor) LAFOND (Jean) 1929, L'Eglise Saint-Etienne de Beauvais. / [Dr.] V[ictor] Le Blond. étude sur les vitraux par Jean Lafond.  Paris. 1929 38 grav. et 1 plan  pages 65-118.

— LEBLOND , 1924, Nicolas le Prince, verrier et tailleur d'images  : un artiste Beauvaisin au XVIe siècle / Dr Victor Leblond.

— PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis), 1978, Les vitraux de Paris, de la région parisienne, de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais , Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France Centre national de la recherche scientifique, 1978 - 275 pages

— SAINT-GERMAIN (Stanislas de ), 1843, Notice historique et descriptive sur l'église Saint-Etienne de Beauvais page 61 et suivantes.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6517959k.r=%22saint-etienne%22

— VASSELIN (Martine), 2000, « Les donateurs de vitraux au XVIe siècle en France : leurs marques et leurs représentations », Rives nord-méditerranéennes [En ligne], 6 | 2000, mis en ligne le 10 mars 2011, consulté le 06 avril 2016. URL : http://rives.revues.org/61

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Published by jean-yves cordier - dans Beauvais

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