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3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 22:32

Les statues (et vitrail) de l'église de Plourin-les-Morlaix (1).

 

Je ne savais pas quelle œuvre présenter en premier, car tout m'avait séduit, lors d'une brève visite par un froid matin de janvier. J'étais seul dans la semi-obscurité des églises dont l'éclairage n'est pas allumé ; partant du chœur, je parvins près de la dernière baie de la façade sud. Soudain, le silence que je me plaisais à rompre de la résonance de mes pas s'amplifia pour m'imposer le recueillement.

  Aucune Foi n'était nécessaire pour comprendre la musique frémissante et tendre  que la lumière matinale faisait désormais monter.


                          statues 0235c

 


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Published by jean-yves cordier
3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 16:10

 

   L'Arbre de Jessé de l'église de Plourin-les-Morlaix (Finistère).

 

On le boude peut-être un peu parce qu'il s'agit d'une copie de l'œuvre du XVIe siècle, copie demandée par un recteur qui trouvait l'ancienne trop vétuste. Seule la Vierge date du XVIe siècle. On ignore s'il s'agit d'une copie fidèle.

Je le trouve néanmoins très beau et très intéressant à découvrir, et je l'aborderai en toute naïveté, sans m'appuyer sur des études précédentes —que je n'ai pas trouvé— dans le seul plaisir de l'exploration du regard.

Il est à la fois semblable aux Arbres de Jessé sculptés que j'ai déjà étudiés en Bretagne, et —comme tous—, il présente des singularités. La principale est que, au lieu de trouver 12 rois de Juda échelonnés sur les branches, associés à Isaïe et Jérémie, nous voyons deux rangées de six personnages de chaque coté, et quatre personnages "au sol" soit 28 personnages dont seuls certains sont identifiés par des phylactères. Donc, un petit jeu de déduction nous attend.

 

Voir dans ce blog lavieb-aile des articles consacrés aux Arbres de Jessé de Bretagne:  

Les sculptures :

Et les vitraux : 

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

Je traiterai plus tard de :

  • Vitrail de l'Arbre de Jessé de la Chapelle St-Fiacre de La Faouët : c.1480.

 Le docteur Louis le Thomas (cf. Sources) a recensé les Arbres de Jessé de Bretagne 

Parmi les 19 Arbres sculptés recencés en Bretagne dont 6 en Finistère (outre Plourin-les-Morlaix, Locquirec, Plounevezel, Plouzevedé/Berven, St-Thégonnec, St-Yvi) celui-ci appartient au sous-groupe à Démones, comme 13 de ces 19 Arbres.

  Ces Démones fascinent Louis Le Thomas, qui leur a consacré un article particulier, et les classe en deux figurations anthropomorphiques, celle de Démone-Serpent ou anguiforme, ou ophioure (ou "Echidna"), et celles, plus rares, de Démone-poisson (ou "Néreïde"). Il  voit dans ces formes qui "relèvent d'une gynécomorphie du Serpent de la tentation"  "l'occasion rare, dans l'iconographie religieuse; d'une étude du nu féminin, bustes et torses de démones ayant été, dans les Arbres de Jessé bretons, traités avec une verve évidemment complaisante et un réalisme particulièrement suggestif" car elles ont "pour attribut principal des mamelles orthomorphes, discoïdes, d'un galbe partout très exagéré" dont le mérite est néanmoins de consoler le fidèle des démons et démones de l'iconographie religieuse, très souvent affligées de mamelles pendantes, à titre péjoratif, et d'inspiration probablement monacale". Souvent, hélas, ces "exubérance mammaire a servi de prétexte à une chirurgie iconographique correctrice particulièrement tenace afin, presque partout, de réduire —sinon de supprimer— cette exubérance en pratiquant des amputations, alors qu'aux personnages "cacheurs" de Molière suffisait...le mouchoir".

 Le docteur remarque aussi que ces Démones ne peuvent être figurées entières, pour s'effacer derrière Jessé, et que le sculpteur devant les réduire à un torse ou buste plus ou moins étriqué, à caractère féminin amenuisé, accentue leur galbe mammaire par compensation.

A la question qu'avait posée le chanoine Abgrall (Est-ce Éve ? Est-ce le serpent qui l'a trompé ?), Louis Le Thomas répond : c'est le Serpent, car il tend la pomme plutôt qu'il ne s'en saisit, mais aussi en raison de ses caractères chtoniens : main griffue, tête cornue, animalité.

 

Étude de l'Arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Plourin-les-Morlaix (Finistère).

N.b : on pardonnera la qualité des images, prises dans une église non éclairée un matin de janvier.

   Il occupe le bras gauche du transept, au dessus de l'autel, et est encadré de deux bâtis à pilastres, médaillons monogrammés, angelots, où court l'inscription en breton Itron Varia Plourin Hor Patrones, "Vierge Marie de Plourin, notre Patronne". Il occupait jadis sans-doute une niche à volets, comme à Locquirec, mais il a été replacé dans une niche dont le fond est peint en bleu-nuit.

Dieu-le-Père —sous-titré YAWHÉ — culmine dans les Nues soutenues par deux anges.

 

arbre-jesse 0217c

 

 


arbre-jesse 0189c


 Au centre se trouve la Vierge et l'Enfant ; la Vierge, couronnée,  traitée en Vierge de l'Apocalypse, les pieds reposant sur un croissant lunaire, fait un geste d'accueil et de don de la main droite. Je reconnais dans la manière dont son voile passe derrière sa nuque pour rassembler les cheveux cette façon que j'ai si souvent notée dans les Vierges bretonnes du XVIe siècle (voir  Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu.) et si rarement ailleurs. Les cheveux s'en échappent pour descendre en deux mêches devant les épaules et en un ruisseau sur le dos.

Elle est vêtue d'une longue chemise ou tunique blanche, d'une robe dorée, et d'un manteau bleu aux pans réunis par un fermail de lourds anneaux d'or.

L'Enfant, blond et bouclé, vêtu d'une robe mauve, trace de la main droite une bénédiction vers l'assemblée.

                     arbre-jesse 0218c


arbre-jesse 0191c

 

La Vierge foule la Démone, dont les traits bestiaux ne sont pas trop soulignés ici, si on excepte la main ou patte tridactyle griffue du premier plan. Les voltes maléfiques de sa queue ne sont pas visibles, ses seins "discoïdes" sont à peine soulignés, et son visage possède la grâce de celui des sirènes. Elle brandit, comme toujours, la pomme de la Tentation, et, demi-dressée, elle n'accepte pas sa défaite.

L'ancêtre Jessé, couché sur le coté, sommeille, les yeux clos, la main gauche sous la tête ; il est vêtu d'une tunique aux manches de belle étoffe grise, d'une robe rouge et d'un scapulaire gris. Le tronc de son arbre ne prend pas ostensiblement racine de son thorax, mais apparaît derrière son dos, pour se scinder rapidement en deux branches latérales. 

 arbre-jesse 0194c

 

Il reste à identifier les quatre personnages qui ne font pas partie de l'Arbre généalogique, mais sont tournés vers le spectateur dans des gestes de témoignage. Qui sont ces Témoins, et qu'attestent-ils ? La Tradition répond qu'il s'agit d'Isaïe et de Jérémie, proclamant la véracité de leurs prophèties Isaïe 11,1 "Puis un rameau sortira de la branche de Jessé, et un rejeton naîtra de ses racines".

Je considère que les deux personnages en robe rouge ou lie-de-vin, à coiffure "de prêtre juif", barbus, sont les deux prophétes.

arbre-jesse 0195c

 Je dois donc m'interroger sur le personnage à robe noire, vêtu d'un scapulaire, portant une aumônière bien remplie à la ceinture. Je propose : ABRAHAM ?

De même, qui est son vis-à-vis ? Le visage glabre —le seul des 28 visages— pourrait correspondre à saint Jean, mais la présence d'une aumônière (qui est souvent un attribut du Juif vétéro-testamentaire) contredit cette idée. ISAAC ?

arbre-jesse 0196c

 

 

J'étudie maintenant les personnages disposés sur l'arbre; ses deux branches se sont rapidement divisées encore en deux rameaux tournicotants qui donnent de gros boutons floraux servant de coussins à certains, alors que d'autres sont posés sur les branches elle-mêmes. 

Le groupe de gauche (à la droite de la Vierge):

Douze personnages sont donc répartis en deux ensembles verticaux, mais on constate vite que chacun de ces ensembles est différent : au centre, ce sont des rois, les rois de Juda, coiffés de couronne et porteurs de sceptres. Deux tiennent des livres. A l'extérieur, ni sceptres, ni couronnes ni livres, mais, pour certains, des phylactères : de bas en haut ARAM, ESROM et PHARES.

                     arbre-jesse 0221c

 

Le groupe de droite :

Il obéit à la même organisation ; parmi les "rois", on identifie le premier, David, qui tient sa harpe. A l'extérieur, les phylactères de JESÉE, OBED, BOOZ, SALMON, NAASON, et AMINADAB.


                            arbre-jesse 0220c

 

 

Ces phylactères nous permettent de nous référer à la généalogie de Jésus donné par Matthieu dans l'incipit de son Évangile : la succession est la suivante (je surligne les noms cités plus haut)  :

1) les Patriarches : Abraham - Isaac - Jacob - Juda - Pharès - Esrom - Aram - Aminadab -  Naasson - Salmôn - Booz - Obed - Jessé .

2. Accession à la Royauté : David - Salomon - Roboam - Abia - Asa - Josaphat - Joram -Osias - Jotham - Achaz - Ézéchias - Manassé - Amon - Josias - Jeconiah.

3. Déportation à Babylone et perte de la Royauté : - Salathiel - Zorobabel - Abioud - Eliaqim - Azor - Sadoq - Ahim - Elioud - Eléazar - Matthan - Jacob - Joseph - Jésus. 

On comprend donc que douze des Rois de Juda sont figurés dans les deux groupes du centre, au plus près du Christ et de sa mère ; que les ancêtres avant David sont placés en périphérie ; que Jessé est représenté deux fois ; que le Salmon en haut à droite n'est pas le roi Salomon fils de David, mais Salmôn, celui qui épousa Rahab, prostituée de Jéricho.

 Alors que la Généalogie de Jésus dans les Évangiles est basée sur le chiffre symbolique quatorze ("Il y a donc en tout quatorze générations depuis Abraham jusqu'à David, quatorze générations depuis David jusqu'à la déportation à Babylone, et quatorze générations depuis la déportation à Babylone jusqu'au Christ" Matthieu 1:17), celle des Arbres de Jessé est consacrée à la célébration du chiffre douze. Cela explique sans-doute pourquoi Abraham et Isaac sont placés au pied de l'arbre et non pas dedans. 

 

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             arbre-jesse 0199c

 

 

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                                         arbre-jesse 0201c

 

 

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arbre-jesse 0210c

 

Sources et Liens.

 

— Site Topic-topos : Plourin 

— Louis Le Thomas, Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique, Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221, 1961.

— Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, première partieBulletin de la société Archéologique du Finistère 165- 196, 1963.

 — Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, troisième partieBulletin de la société Archéologique du Finistère pp. 35-72, 1963.

 

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Published by jean-yves cordier
2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 12:12

Rimes et échos dans l'onomastique des rhopalocères du "Wiener Verzeichniss" de 1775: quand Denis & Schiffermüller jouaient aux dominos avec Linné et Scopoli.

 

On peut se demander comment les auteurs choisissaient les noms dont ils baptisaient les espèces animales qu'ils décrivaient. Pourquoi celui-ci, plutôt que celui là ? Le choix est tellement vaste ! Certains, comme Linné pour les papillons diurnes de son Systema Naturae de 1758, ont fourni leurs clefs, alors que, pour d'autres auteurs, il nous revient de les découvrir. Comme dans les travaux de Georges Perec ou de ses collègues de l'Oulipo, il s'agit parfois d'une création littéraire à contraintes internes cachées, menée par des règles qui ne laissent guère de larges choix  à l'auteur. Retrouver les règles du jeu peut être  (comme dans la lecture de "La Vie Mode d'Emploi") palpitant et gratifiant. 

Noms des Papillons diurnes (rhopalocères) créés par Linné dans le Systema Naturae de 1758.

 J'ai montré précédemment que Denis et Schiffermüller avaient abondamment fait appel à l'onomastique (ensemble des Noms Propres des personnages d'un auteur) de Virgile, principalement mais non exclusivement dans son œuvre bucolique.

Onomastique virgilienne et zoonymie des rhopalocères (papillons).

  Pourtant, achoppant à comprendre, à propos de leur zoonyme agestis, [Aricia agestis ou Collier-de-Corail) la raison du non respect de l'orthographe latine de Virgile Acestes (Énéide I,195) ou du grec Ægestes, j'ai cru mettre en évidence une structure de référence spéculaire avec le nom qui précédait cette espèce dans leur liste (et avec laquelle la distinction est délicate), le Papilio Alexis de Scopoli, notre Polyommatus icarus.

 Dans mon hypothèse, les auteurs —peut-être Michael Denis, le poète et le professeur de Belles-Lettres — avaient modelé Ægestes en Agestis pour qu'il crée avec Alexis une sorte de couplage Alexis / Agestis avec un effet de rime.

 

Un autre exemple me vint alors à l'esprit : au Papilio* Macaronius de Scopoli, ils avaient répondu par un Papilio Coccajus, Coccaie étant le surnom de l'auteur des Poèmes Macaroniques. Dans leur texte, page 187, les deux noms apparaissent l'un en dessous de l'autre et l'effet graphique souligne l'effet sonore de rime (coccajus correspond à Coccaiius):

P. Macaronius Scop.

P. Coccajus.

 * Ces Neuroptères sont décrits par D. & S. comme des « Papilio ».

 Intrigué par la possibilité de trouver d'autres exemples de rimes sonores ou de reprise en écho de la structure du mot, de son sens ou de sa source dans la littérature, j'ai dressé la liste des espèces décrites. La voici.

 

Lire le "Wiener Verzeichniss" en ligne : http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN574458115&DMDID=DMDLOG_0006&LOGID=LOG_0008&PHYSID=PHYS_0167


Liste des Rhopalocères décrits en 1775 par Denis & Schiffermüller.

Les noms sont classés tels qu'ils apparaissent pages 158-183, répartis en groupes de A à P. Je souligne les noms créés par D&S. Les espèces décrites dans le Supplément sont indiquées pour information mais ne sont pas comptabilisées. 

 

A

Malvae L.

Tages L

Fritillum

Comma L.

Linea Müller (P. sylvestris Poda)

Brontes

Steropes

 

B

Apollo L.

Mnemosyne L.


C

Polyxena

Machaon L.

Podalyrius L. (sic)

 

D.

Crataegi L

Brassicae L.

Rapae L.

Napi L.

Sinapis L

Daplidice L.

Cardamines L.

 

E

Rhamni L.

Palaeno L.

Hyale L.

 

F.

Galathea L.

Aegeria L.

Megaera L.

Maera L.

Dejanira L.

Ligea L.

Medea

Jurtina L.

Pyrrha

Medusa

Hyperanthus L.

Arcanius L.

Hero L.

Pamphilus L.

Manto

Arethusa

Semele L.

 
Arachne

Phaedra L.

Briseis L.

Alcyone

Hermione L.

Proserpina

[Herse : dans le Supplément page 320].

[Iphis : dans le Supplément page 321]


G.

Iris L.

Ilia

Jole (ou Iole)

[Clytie]   Forme d'Ilia ; dans le Supplément page 321.

 

H.

Populi L.

Sibylla L.

Camilla

Lucilla

 

I.

Atalanta L.

Cardui L.

Io L.

Antiopa L.

Polychloros L.

Xanthomelas

Vau album

Urticae L.

C album L.

Prorsa L.

Levana L.

 

K.

Pandora

Paphia L.

Adippe L.

Aglaja L.

Niobe L.

Latona L.

Euphrosyne L.

Pales

Dia L.

Daphne

 [Selene : dans le Supplément page 322]

L.

Phoebe

Maturna L.

Cynthia

Hecate

Dyctynna

Delia

Cinxia L.

Trivia

Lucina L.

[Artemis : Supplément page 322]


 

M.

Virgaureae L.

Hippothoe L.

Chyseis

Helle

Phlaeas L.

Xanthe

Circe

[ Lampetie: Supplément page 322]

 

N.

Endymion

Daphnis

Arion L.

Alcon 

Acis

Damon

Damaetas

Argiolus L.

Alsus

Corydon Scop.

Adonis

Alexis [Scop.]

Agestis

Argus L.

Aegon

Hylas

Battus

Amyntas.

[Dorylas : Supplément page 322]

O.
Rubi L.

Betulae L.

Quercus L.

Pruni L.

Spini.

 

P.

Macaronius Scop.

Coccajus

 

      Commentaires.

  La première constatation est que Linné lui-même avait engendré, peut-être involontairement, un système sinon rimé, du moins assonant, ne serait-ce qu'en donnant, au sein de ses phalanges, des noms masculins terminés en -us pour ses Equites, féminin terminés en -ea pour ses Nymphales, et pour quelques Plebei, à nom de plante-hôte, des noms terminés par-i.

 Le premier exemple de rimes (pauvres) entre les noms de Linné et ceux de D. & S. apparaît pour le groupe F : aux  Galathea,  Aegeria,  Megaera, Maera, Dejanira,  Ligea,  Jurtina, Phaedrade Linné répondent en écho Medea, Pyrrha, Medusa, Arethusa et Proserpina des auteurs viennois.

      Le groupe G (Apaturinae) est intéressant car les auteurs ont choisi de répondre au nom Iris de Linné par des noms de deux syllabes commençant par la lettre I (ou J, équivallente) : Ilia et Iole (forme sous laquelle le nom est repris par Cramer, et sous laquelle il apparaît dans Animalbase)

On sait que Iris est, dans la mythologie grecque, la messagère des dieux, plusieurs fois mentionnée par Homère comme "aux pieds légers". Linné poursuit donc ses références à l'Iliade. Néanmoins, Iris est aussi citée dans l'Énéide de Virgile (Chant IV vers 700).

Ilia est la princesse troyenne, fille du roi Priam, (voir l'argument  de l'opéra de Mozart Idoménée, roi de Crète) et son nom vient d'Ilion, autre nom de Troie. Dans la mythologie romaine, elle est la mère de Romus et Romulus : c'est Rhea Sylva, "la Troyenne". Cette origine est mentionnée par Virgile dans le chant VI de l'Énéide, v.777. Le nom Ilia répond donc à Iris non seulement par son -I- initial, mais aussi par la référence à l'Iliade (Guerre de Troie) et par l'auteur commun Virgile.

Iole, ou Iolé, est la  fille d'Eurytos, roi d'Oechalie; Elle est mentionnée par Ovide (9, 140). Devenue la captive d'Héraclès et la concubine d'Héraclès à Trachis, auprès de Déjanire, celle-ci  va la considérer comme sa rivale et offrir à Héraclès la tunique de Nessos, qui, croit-elle, lui assurera la fidélité d'Héraclès. Mais la tunique, empoisonnée, cause la mort d'Héraclès. D'après les Trachiniennes de Sophocle, Hercule, au moment de mourir, avait imposé à Hyllus, le fils que lui avait donné Déjanire, d'épouser Iolé. L'effet de réponse et  d'écho du nom Iris est donc ici moins complet. (Iolas est aussi un personnage de la deuxième Bucolique de Virgile).

 Ce sont ces trois noms qui me font comparer le jeu de création littéraire auquel se livrent Denis et Schiffermüller, non pas à un poème rimé, mais à un jeu de domino, où la pièce peut s'accoupler soit à la partie initiale du mot, soit à sa partie terminale. Mais il faudrait imaginer un Domino dont les pièces aient aussi différentes couleurs, et, chacune, une note de musique : les points seraient multipliés si, en plus de réunir deux demi-pièces analogues, le joueur parvenait à faire correspondre les couleurs, ou le son. De même, le créateur de zoonymes cherche non seulement à trouver un nom ayant la même terminaison ou la même initiale que le nom modèle, mais aussi le même nombre de syllabe (compte double), la même structure, le même auteur de l'Antiquité (compte triple), la même œuvre du même auteur. Ou bien, en Scrabble ou en mot croisé, il faut trouver dans l'exemple d'Iris, un nom de quatre lettres, débutant par un I, désignant un personnage de l'Antiquité, si possible cité par Homère ou, à défaut, se rapportant à Troie. Finalement, les candidats ne sont pas si nombreux, et un nom qui semble non déterminé, pris au hasard dans une liste innombrable de noms mythologiques ou de la littérature grecque ou latine, s'avère en réalité choisi avec soin, et même imposé par les règles du jeu.

Bonus : Ilia se paye le luxe de susciter, en outre, une allusion avec le nom vernaculaire français "Le Mars" et avec la plante-hôte le saule, tous les deux cités par les deux sources littéraires du Songe d'Ilia, Ennius et Ovide. Voir la Zoonymie d'Apatura ilia.

 N.B Papilio iole est actuellement une forme d' Apatura iris caractérisée par l'absence de bande ou de taches blanches en dessus et en dessous.


 De même, pour le groupe HSibylla L. trouve son écho dans Camilla et Lucilla D. & S. Je comprends mieux la nécessité de choix de ce Lucilla, personnage historique (impératrice, fille de Marc-Aurèle) qui me semblait incongru.

Dans le groupe I des Nymphalinae, "vau album" répond au "C-album" de Linné, et, plus intéressant, xanthomelas (l'exception de la liste car c'est un adjectif descriptif) "jaune et noir", trouve son modèle dans le polychloros, "de plusieurs verts" ou plus vraisemblablement "de plusieurs couleurs".

Ce lien d'affinité  polychloros/xanthomelas avait déjà été repéré par A.M. Emmet (1991) qui écrivait : " Xanthomelas : Les auteurs se sont départis ici  de leur pratique de nommer les papillons de jour du nom de personnage mythologique et ont formé ici un nom basé sur la couleur, par analogie avec le polychloros et exprimant ainsi leur affinité". On ne peut mieux dire. Cela illustre qu'à coté des rimes sonores , on trouve des rapprochements basés sur la sémantique, et d'autres basés sur une même source littéraire. On voit l'importance de cet appariement des noms, car lui seul permet de comprendre et de justifier l'écart surprenant à la régle générale de dénomination.

Le groupe L des Variegati, les Damiers de Geoffroy contient neuf espèces dont  le Papilio  Maturna de Linné, le  Cinxia de Linné et son Lucina :   Maturna est une déesse romaine du blé à maturité, Lucina "la lumineuse" et Cinxia   "la ceinture" sont des épithètes de Junon. Fidèles à leur habitude, ils calquent les noms qu'ils créent sur ceux de Linné mais en  choisissant d'autres épithètes d'une déesse, Artémis en l'occurence, si possible se terminant par -a et n'ayant pas plus de trois syllabes  : Phoebe, (version féminine de Phoebus Apollon), Cynthia (en référence au Mont Cinthus (Kynthos) son lieu de naissance), Delia ( née sur l'île de Délos), Trivia (ou Phôsphoros : porteuse de lumière, de torches : celle qui éclaire) et, Dictynna ou Dictymna, compagne d'Artémis. Quand à Hecate, elle est proche d'Artémis puisque c'est, comme elle, un déesse lunaire. 

Dans le groupe N des Polyommatinae, il est évident que D. & S. ont appliqué une double consigne : répondre par un effet de rime au modèle Arion de Linné avec Endymion, Alcon,  Damon, Aegon, (comme l'avait déjà fait Scopoli ou Poda avec Corydon), et, d'autre part, puisque Arion est cité par Virgile dans sa 8e Églogue, de multiplier (comme l'avait fait Scopoli avec Alexis)  les reprises de noms de bergers virgiliens de l'ensemble des Églogues : Daphnis  Acis Damaetas Alsus Adonis Battus Amyntas.

 C'est dans ce même groupe que se trouve le couple apparié Alexis/Agestis, dans les deux noms sont proches, et dont l'auteur est le même, Virgile, soit dans les Bucoliques pour Alexis, soit dans l'Énéide pour Agestis (Acestes).

Je retrouve dans ce groupe la règle du Domino, puisque les noms viennent en "Repons" soit par leur finale, soit par leur initiale : l'initiale A du modèle Arion de Linné justifie ainsi  Alcon, Aegon, Acis, Alsus, Adonis, Amyntas et Agestis. 

Enfin la contrainte interne d'imitation du modèle Arion par un "mot de cinq lettres" est appliquée pour  Alcon, Damon, AegonAlsus et Hylas.

Alcon et  Aegon réussissent la meilleure performance d'imitation de Arion avec les mêmes lettres initiales et finales, le même nombre de lettres, le même auteur (Virgile), la même œuvre (Bucoliques) et le même thème (nom de personnage).


Dans le groupe O des Theclinae, il est clair que les auteurs viennois répondent par leur Spini aux Rubi, Betulae, Quercus et Pruni de Linné.

Dans le groupe P des Neuroptères, j'ai déjà mentionné le couple Macaronius / Coccajus.

 

Des Dominos à la Mimesis.

Au delà de l'aspect ludique de performance littéraire, cette écriture à contrainte obéit à l'un des principes fondamentaux de la littérature antique : la mimesis. 

L'invention poétique se donne alors comme visée l'imitation des Anciens (considérés eux-mêmes comme image spéculaire du réel, ou de la Nature) dans cette aporie [créatrice] du surpassement d'un modèle indépassable. Le plus bel hommage.

 


Conclusion.

Je n'ai pas épuisé la recherche de correspondances de fidélité entre les onomastiques de Linné et de Denis & Schiffermüller, mais le exemples que j'ai donné me semblent significatifs d'une volonté délibérée, qu'avait déjà initiée Scopoli, de conserver les mêmes stratégies dénominatives, mais aussi de donner aux noms de papillons une cohérence interne par les jeux de rimes et d'assonance, de réciprocité de sens et d'unité des sources gréco-latines.

 Étudié de manière isolée, ou au sein de la taxonomie contemporaine qui éparpille les créations des anciens auteurs, un zoonyme peut paraître insolite ou inexpliqué, alors qu'il retrouve sa cohérence lorsqu'il est replacé dans sa publication originale, et qu'on garde à l'esprit cette clef d'une recherche d'échos d'imitation, de référence, de complicité ou d'harmonie sonore avec les auteurs précédents.





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Published by jean-yves cordier
1 février 2014 6 01 /02 /février /2014 22:21

 

Onomastique virgilienne et zoonymie des rhopalocères (papillons) nommés par Denis & Schiffermüller en 1775.

 

      Voir aussi  Noms des Papillons diurnes (rhopalocères) créés par Linné dans le Systema Naturae de 1758.

 

Tu sei il mio maestro e il mio autore

Tu sei solo colui dal quale io tolsi

lo bello stile che mi ha fatto onore

Dante, s'adressant à Virgile (La Divina Commedia,  Inferno, I)

 

  Par  sa maîtrise consommée de la langue latine, par  le rythme majestueux de son hexamètre incomparable, par  la symétrie et la perfection de sa forme poétique, par  son immense savoir et par l'esprit philosophique qui imprègne son œuvre, par la force profondément morale et pratique de ses appels au devoir et à l'héroïsme, par sa présentation spirituelle de la vie humaine et lde a mort, par  sa tendresse, et par sa capacité à décrire le théâtre simple et humble de la nature, Virgile restera toujours l'un des plus grands poètes du monde. Il a été encensé par le Moyen-Âge et la Renaissance, mais, au XVIIIe siècle, lorsque l'entomologie devint une science et qu'à la suite de Linné, des passionnés de toute l'Europe se mirent à décrire, classer et dénommer les insectes, il restait la référence suprême, avec Horace et Homère, en matière d'"Humanités". 

                              Image illustrative de l'article Mosaïque de Virgile

Virgile, mosaïque d'Hadrumète (3e siècle) Source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Virgil_Mosaic_Bardo_Museum_Tunis.jpg

 Dans ses Bucoliques, Virgile fonde la tradition latine de l’onomastique bucolique. L'étude de son Onomastique, dans ses trois œuvres principales, les Bucoliques et ses dix Églogues, les Géorgiques et ses quatre Livres et l'Énéide et ses douze Chants, montre  combien il influença les nomenclateurs des espèces animales. Geoffroy en 1762, Roesel (certes, dans son ouvrage sur les grenouilles) et les viennois Denis et Schiffermüller choisirent une citation de Virgile pour leur épigraphe. 

  Linné citait aussi Virgile dans son Systema Naturae de 1758, mais accordait la meilleure place à Pline l'Ancien, tout en choisissant comme thème de son onomastique des Lépidoptères le monde homérique de la Guerre de Troie. Aussi ne trouve-t-on aucun nom "virgilien" dans les noms de papilio du Systema Naturae.

En 1762, Geoffroy puisait largement dans la poésie bucolique de Virgile pour ses noms vernaculaires des papillons Amaryllis, Tircis, Corydon. L'année suivante, Scopoli avait créé le Papilio Alexis. 

 Mais c'est avec Denis et Schiffermüller, en 1775, que cette influence onomastique s'affirma. Pour le prouver plutôt que de l'affirmer, il me fallait mener la double étude des noms créés par Virgile pour ses bergers, puis ceux créés par les auteurs viennois pour leurs papillons de jour. 

 

      I. Onomastique virgilienne.

 

 Je me suis appuyé sur l'analyse que mena Daniel Vallat dans son article "Phénomènes de réécriture dans l'onomastique du genre bucolique". Cela indique que l'Énéide en est exclue.

 Théocrite, puis surtout Virgile par sa réécriture ou son réemploi des noms de Théocrite et leur réutilisation dans différentes Églogues, créèrent de véritables Types onomastique, des noms typiques de bergers et de bergères que notre poésie pastorale du XVI et XVIIe siècle reprit à son tour avec délice. Ces noms évoqueront désormais le genre Bucolique.

Cet auteur étudie d'abord l'onomastique des Idylles de Théocrite des quelques 60 noms de personnages (le n° de l'Idylle est entre parenthèse): je souligne en gras les noms (vernaculaires ou scientifiques) de papillon. 

Ageanax (7) ; Aigon (4) ; Akrotimè (27) ; Alkippa (5) ; Amaryllis (3 ; 4) ; Amyntas, Amyntichos (7) ; Antigenes (4) ; Aratos (6 ; 7) ; Aristis (7) ; Battos (4) ; Bombyka (10) ; Boukaios, Boukos (10) ; Brasilas (7) ; Chromis (1) ; Galatea (6 ; 11) ; Glauka (4) ; Damoitas (6) ; Daphnis (1 ; 5 ; 7 ; 8 ; 9 + ép. 3 ; 4) ; Erithakis (3) ; Eukritos (7) ; Eumaras (5) ; Eumedes (5) ; Hippokion (10) ; Kalaithis (5) ; Klearista (5 + 2) ; Komatas, Kerastas (5 ; 7) ; Korydon (4 ; 5) ; Kratidas (5) ; Krokylos (5) ; Lakon (5) ; Lampriadas (4) ; Lykidas (7 ; 27) ; Lykon (7 + 2) ; Lycopas (5) ; Lykoreus (7) ; Menalcas (8 ; 9 ; 27) ; Mikon (5) ; Milon (4 ; 8 ; 10) ; Molon (7) ; Morson (5) ; Myrto (7) ; Nais (8) ; Nikias (11 + ép. 8) ; Olpis (3) ; Paraibatis (3) ; Philetas (7) ; Philinos (7) ; Philondas (4 ; 5) ; Phrasidamos (7) ; Polybotas (10) ; Polyphamos (6 ; 7 ; 11) ; Pyrrhos (4) ; Siburtas (5) ; Sikelidas (7) ; Simichidas (7) ; Thyrsis (1 + ép. 6) ; Tityros (3 ; 7) ; Xenea (7) ;

Puis, Daniel Vallat dresse la liste de 44 noms de personnage choisis par Virgile. Parmi ceux-ci, 17 sont repris de Théocrite (37 %). Là encore, je souligne en gras les noms de papillons diurnes.


Aegle (6) ; Aegon (3 ; 5) ; Alcimedon (3) ; Alcippa (7) ; Alcon (5) ; Alexis (2 ; 5 ; 7) ;Alphesiboeus (5 ; 8) ; Amaryllis (1 ; 2 ; 3 ; 8 ; 9) ; Amyntas (2 ; 3 ; 5 ; 10) ; Antigenes (5) ; Bauius (3) ; Caesar (9) ; Chromis (3) ; Cinna (9) ; Codrus (2 ; 5) ; Conon (3) ; Corydon (2 ; 5 ; 7) ; Damoetas (2 ; 3) ; Damon (3 ; 8) ; Daphnis (5 ; 2 ; 3 ; 7 ; 8 ; 9) ; Delia (3) ; Galatea (1 ; 3 ; 7 ; 9) ; Gallus (6 ; 10) ; Iollas (8) ; Lycidas (7 ; 9) ; Lycoris (10) ; Meliboeus (1 ; 3 ; 7) ; Menalcas (2 ; 3 ; 5 ; 9 ; 10) ; Maeuius (3) ; Micon (3 ; 7) ; Mnasylus (6) ; Moeris (8 ; 9) ;Mopsus (5 ; 8) ; Neaera (3) ; Nysa (8) ; Palaemon (3) ; Phyllis (3 ; 5 ; 7 ; 10) ; Pollio (3 ; 4 ; 8) ; Stimichon (5) ; Thestylis (2) ; Thyrsis (7) ; Tityrus (1 ; 3 ; 5 ; 6 ; 8) ; Varius (9) ; Varus (9) ;
Animaux : Hylax (8) ; Lycisca (3).

 

L'auteur notela variabilité des personnages d’une bucolique virgilienne à l’autre, malgré et peut-être à cause de l’identité du nom propre, crée un monde instable, où les tentatives de lectures unitaires et cohérentes des personnages sont souvent en porte-à-faux. Virgile s’inscrit certes dans un cadre prédéfini, mais ne s’y enferme pas." Il remarque ensuite que les noms nouvellement créés sont parfois latins, ce qui  semble normal pour un auteur latin, mais sont aussi des nouveaux noms grecs ("Meliboeus", ou, en pastiche des terminaisons en -as -ys et -on, Illoas, Phyllis, Alcon, Palaemon) : "Après lui, l’onomastique de la bucolique sera définitivement grecque, ce qui, contrairement aux apparences, n’était pas évident pour un genre qui manie relativement peu l’onomastique mythologique (contrairement à la tragédie) et qui, somme toute, reprend assez peu de noms propres à ses devanciers grecs (contrairement à la comédie)". En outre —et l'entomologiste n'y sera pas indifférent— « la plupart des personnages de cette œuvre ont des noms tirés des choses de la campagne ».  Mais de nombreux noms sont, par des influences grecques transgénériques, de toute époque, déjà employés par Homère (Chromis), par Callimaque (Phyllis), par Parthenius, ( Neaera), alors que Alexis provient des épigrammes érotiques de l'Anthologie de  Méléagre. Cette reprise s'accompagne d'un changement de statut, Phyllis, personnage mythologique, fille de Lycurgue devenant désormais une bergère.

 

II. L'onomastique des rhopalocères du Wiener verzeichniss de Denis et Schiffermüller (1775).  

De Homère à Virgile et de Linné à Schiffermüller ou du mythologique grecque au bucolique latin. 

Linné avait placé les papillons de jour, répartis en Phalanges, comme un monde virtuel dont les noms reproduisait la Grèce antique, celle de Homère lors de la Guerre de Troie.

 Tout en respectant ses options générales, ses successeurs opérèrent un basculement vers la poésie latine de Virgile, essentiellement bucolique mais aussi épique.

 

Je vais donc rechercher, en m'aidant des articles correspondant de Wikipédia, à quoi ou à qui font références les 48 noms de papillons diurnes (rhopalocères) créés en 1775 par les deux jésuites du Theresiangrasse de Vienne.

Je rappellerais que si Ignaz Schiffermüller, le collectionneur et dessinateur principal, était professeur d'architecture, son collègue Michael Denis était professeur de Belles-Lettres après avoir enseigné le latin. Il était surtout préoccupé de faire revivre le patriotisme autrichien par un retour aux sources de l'antiquité germanique et par la traduction d'Ossian en langue allemande, mais cela ne l'empéchait pas obligatoirement de ne pas admirer Virgile, ou de le connaître parfaitement. 

 — Acis : 1. Dans la mythologie grecque, Acis  est un jeune berger de Sicile, fils du dieu Pan et de la nymphe Symaethis, qui fut aimé de la Néréide Galatée. 2. Cité dans la 3Églogue de Virgile par Damète ("C'est toi qui sous nos vieux ormeaux/ Brisas du jeune Acis l'arc et les chalumeaux") 

— Adippe, déjà utilisé pour un Papilio nymphalis par Linné 1767 avec la mention "in Fauna Cydippe perperam pro Adippe legitur" , Cydippe dans Fauna suecica par mauvaise lecture de Adippe. Pas d'origine étymologique, bien que les auteurs y voit le nom d'une Nymphe ou d'une femme de l'Antiquité grecque.

 — Adonis est un mortel, amant d'Aphrodite. Mais il est cité par Virgile dans la 10e Églogue.

 — Aegon : personnage des 3e et 5e Églogues de Virgile.

Agestis, Aegestes, Aegestus ou Acestes selon Virgile, sicilien descendant des Troyens par sa mère. fils du dieu-fleuve Crimissus ou Crinisus  et de la troyenne Egeste. Il rejoint le camp des Troyens lors de la guerre de Troie puis regagna la Sicile avec son ami Elymus. Il était le roi de Drépanum, dans l'Ouest de l'île, près du mont Eryx dédié à Vénus.Aidé par Elymus, fils batard d'Anchise, il créa la ville d'Aegesta ou Segesta en Sicile. Il accueillit Énée lors de son périple, et l'aida à ensevelir Anchise sur le mont Eryx. Virgile Énéide, Livre 5, 746-778.

 — Alcon :  personnage de la 5Églogue de Virgile

— Alcyone, fille d'Eole et épouse de Ceyx : Ovide, Métamorphoses XI v.421 et Virgile, Géorgiques Livre I v. 399.

 Apollodore, Bibliothèque (I, 7, 3-4).

Hygin, Fables  (LXV).
Lucien, Alcyon ou la Métamorphose .
Ovide, Métamorphoses  (XI, 410-580).

 — Alsus, berger cité par Virgile dans l'Énéide Livre XII vers 304-305 alors qu'il tue Podalire.

— AmyntasBerger (Amyntas, Amyntikos) de la 7e Idylle de Théocrite, et des 2e, 3e, 5e et 10Églogues de Virgile.

— ArachnéArachné ou Arachne (en grec ancien Ἀράχνη / Arákhnê), dans la mythologie gréco-romaine, est une jeune fille originaire de Lydie qui excellait dans l'art du tissage. Les Métamorphoses d’Ovide, Livre VI plus ancienne attestation connue de ce mythe.

Les Géorgiques de Virgile. Livre IV v. 246 :Virgile a caractérisé l'araignée comme « odieuse à Minerve »1 ( aut invisa Minervae / In foribus laxos suspendit aranea casses)

— Arethusa

Dans la mythologie grecque, Aréthuse (en grec ancien Ἀρέθουσα / Aréthousa) est une nymphe du cortège d'Artémis, qui a donné son nom à la ville de  Syracuse sur l'île d'ortygie. Étant la fille de Nérée, elle est aussi une Néréide. S'étant arrêtée près du fleuve Alphée pour s'y baigner, elle inspira à ce fleuve un tel amour qu'il la poursuivi de ses ardeurs. Pour échapper à sa poursuite, elle s'enfuit jusqu'en Sicile et implore le secours d'Artémis qui, après avoir tenté de la cacher dans un nuage, la change en source ou en fontaine. L'Alphée mêle alors ses eaux à celles d'Aréthuse qui disparaissent pour venir rejaillir à Ortygie, île voisine de Syracuse, où elles formèrent une fontaine d'eau douce bien qu'entourée des eaux salées de la mer.

Les Idylles de Théocrite  mentionnent Aréthusede même que Virgile Éneide III v 694,  Virgile, Géorgiques Livre IV vers 344 Atque Ephyre atque Opis , et asia Deiopeia ; Et tandem positis velox Arethusa sagittis,  Virgile Eglogue X v.1 Extremum hunc , Arethusa , mihi concede laborem :  "Une dernière fois, Aréthuse, souris à mes efforts. Inspire-moi pour mon cher Gallus quelques vers, mais des vers qui soient lus de Lycoris elle-même".

 

— Artemis,  déesse grecque bien connue.

—  Battus, berger Battos de la 4e Idylle de Théocrite.

— Camilla : Camilla : Dans la mythologie romaine, Camille, fille de Métabus (roi des volsques), est une femme guerrière citée dans l’Énéide. Virgile, Énéide  (Chants VII et XI)

— Chryséis   est une jeune captive mysienne originaire de Chrysè, ville de Mysie. Fille de Chrysès, prêtre d'Apollon, après qu'on eut tué son époux Epistrophos, elle fut prise comme captive par les Grecs partis pour Troie pendant leurs raids d'approvisionnement, lorsqu'ils pillèrent Thèbe sous le Placos. Lors du partage, elle échoit à Agamemnon. Voir Eschyle, Agamemnon  (v. 1439) ; Homère, Iliade  (I ; 111 ; 143 ; 182 ; 369 ; 439) et Hygin, Fables (CXXI, 3).

— CirceDans la mythologie grecque, Circé (en grec ancien Κίρκη / Kírkê, « oiseau de proie ») est une magicienne très puissante, qualifiée par Homère deπολυφάρμακος (polypharmakos), c'est-à-dire particulièrement « experte en de multiples drogues ou poisons », propres à opérer des métamorphoses.Circé est la fille d’Hélios (le Soleil) et de l’Océanide Perseis, sœur d’Éétès et de Pasiphaé. Homère  Hésiode et Cicéron  la considèrent, de par sa naissance, comme une déesse à part entière, ce qui ne semble pas avoir été le cas du reste de sa parentèle.

Elle apparaît principalement au chant X de l’Odyssée d'Homère mais est citée aussi  par Apollodore, Cicéron, Euripide, Hésiode, Ovide, Pausanias, Description de la Grèce(V, 19, 7).et Virgile, Énéide, livre III qui mentionne la terre de Circé, (le Monte Circello).

— Coccajus, Merlin Coccajus, dérivé de cocus, coquus "le cuisinier", ou Merlon Coccaïe, est le surnom du dominicain défroqué italien de Mantoue Theofilo Folengo, (c1496-1554), auteur de vers macaroniques (Poema Macaronicum de gestis...Baldi ,1517), en même temps qu' Antoine Arena en faisait en France. Son ouvrage fut traduit en Français sous le titre de "Histoire macaronique de Merlin Coccaie, prototype de Rabelais " (Gallica).

L'explication du choix de ce zoonyme peu banal par Denis & Schiffermüller devient évident si on se réfère à la page 187 : la description de l'espèce suit immédiatement celle de Papilio macaronius, que Scopoli avait baptisé ainsi (p. 168). Ces deux espèces désignent deux neuroptères, les Ascalaphes : l'Ascalaphe bariolé Libelloides macaronius et l'Ascalaphe soufré Libelloides coccajus.

— Corydon, berger des Églogues 2 ; 5 et 7 de Virgile

— Cynthia, épithète d'Artémis. Étymologiquement, Cynthia vient du mot grec kynthios signifiant « qui vient du Kynthos ». En effet en Grèce, sur l'île de Délos, se trouve le mont Kynthos, lieu mythique où seraient nés la déesse Artémis et son frère Apollon. De ce fait, Artémis est parfois appelée Cynthia. Pendant la Renaissance et le Baroque, c'est l'un des noms les plus habituels de la Lune

  Damaetas (Damète) est un berger qui apparaît dans la 3e Églogue de Virgile où il rivalise avec  Ménalque devant Palémon choisi comme juge et (Galathée lui jette une pomme puis s'enfuit "en souhaitant qu'on la voit") et dans la 5e Églogue 

  — Damon est un berger qui est nommé par Ménalque et Damète dans la 3e Églogue de Virgile.

— Daphne correspond, dans les Métamorphoses d'Ovide, à la nymphe Daphné, transformée en laurier en fuyant Apollon; Ce nom désigne aussi la fille de Tirésias, prêtresse à Delphes.

 — Daphnis, fils d'Hermes et d'une nymphe, est un berger qui fut divinisé. Mais c'est aussi le titre de la 5e Églogue de Virgile, un dialogue entre Ménalque et Mopsus qui pleurent tous les deux la mort du berger Daphnis.

— Delia, ou Délie personnage féminin dont la beauté inspire à Tibulle 5 des Élégies de son Livre I. Mais Virgile avait employé ce nom dans sa 3e Églogue.

— Dictynna, ou Dictymna est une nymphe ou une déesse crétoise, avatar de Britomartis ; elle es confond parfois avec Diane et en devient un épithète (Diane Dictynne). Ovide Livre II. Tibulle 4Élégie "à Priape". 

— Dorylas est cité par Ovide Livre XII (les Lapithes et les Centaures). Selon Pierre Chompré :"Dorylas est l'un de ceux qui osèrent attaquer Persée dans la cour de Céphée. Il fut tué avec les autres de la main de Persée. L'un des centaures se nommait Dorylas." Il appartient aux guerriers qui participèrent aux noces de Pirithous

— Endymion est un berger dont Séléné, déesse lunaire, est tombée amoureuse. Il est cité dans la 3Églogue de Virgile.

— HecateDans la mythologie grecque, Hécate (en grec ancien Ἑκάτη / Hekátê) est une déesse de la Lune, fille du Titan Persès  et de la Titanide Astéria, la nuit étoilée, et est originaire de Thrace. On considère parfois qu'elle est la fille de Tartare. Elle emprunte surtout des traits à Athéna, Déméter et Artémis. L'art grec l'a d'ailleurs souvent représentée semblable à Artémis. Ovide, Métam."la triple Hécate"   Virgile Enéide livre VI v. 118.

— Helle, Dans la mythologie grecque, Hellé (en grec ancien Ἕλλη / Héllê), fille du roi Athamas et de Néphélé, est la sœur de Phrixos. Selon une tradition rapportée par Valerius Flaccus, Hellé devient ensuite une divinité marine protectrice. Apollodore, Bibliothèque  (I, 9, 1)./Hygin, Fables  (III)./Ovide, Fastes  (III, 857-876), Métamorphoses  (XI, 195)./ Valerius Flaccus, Argonautiques (I et II).

 — Hylas est un Argonaute éromène d'Héracles qui fut capturé par les nymphes séduites par sa beauté. Il est ité dans la 6e Églogue de Virgile. (Pseudophilotes baton)

— Ilia, une prêtresse royale, aussi nommée  Rhéa Silvia, fille de Numitor, mère des jumeaux Romulus et Rémus : Virgile, Enéide: VII, 659 : Elle passe pour la fille d'Enée et son nom rappele  sa ville natale. (Apatura ilia)

 — IoleDans la mythologie grecque, Iole, fille d'Eurytos, roi d'Œchalie, et sœur de Déionée et d'Iphitos, pressée par Héraclès qui ravageait les Etats de son père, se précipita du haut des remparts ; mais le vent, enflant sa robe, la soutint dans l'air et elle redescendit sans se blesser. Selon d'autres versions, Eurytos refusa sa fille au héros, ce qui fut cause de sa perte et de celle de son fils Iphitos. C'est l'amour d'Héraclès pour Iole qui causa la jalousie de Déjanire et l'envoi de la fatale tunique de Nessos. Voir les plaintes de Iole dans Hercule sur l'Œta de Sénèque (v. 173-225).

Mais Iole (Iolla ou Iollas) est invoquée par Damète dans la 3e Églogue de Virgile : Iolla, mitte mihi Phyllida, est meus natalis.

— Iphis, , jeune crétoise, fille de Ligdos et de Théléthuse est évoquée par Ovide.

— Lampetie, fille du Soleil, l'une des sœurs de Phaëton avec Phaéthuse comme deux nymphes personnifiant la lumière solaire dans Homère, Odyssée, XII, mais aussi dans Apollonios de Rhodes, Hygin, Ovide, et Properce.

 

— Lucilla, Impératrice romaine (149-Capri 182), fille de Marc Aurèle et de Faustine, femme de Lucius Verus. Elle conspira contre son frère Commode, fut exilée à Capri et mise à mort 

— Manto, Dans la mythologie grecque, Manto est la fille du célèbre devin de Thèbes Tirésias qu'Ulysse alla consulter dans l'au-delà de la vie. Lorsque Thèbes capitula devant les Épigones, elle fut emmenée à Delphes auprès d'Apollon. Certaine d'avoir hérité des dons exceptionnels de son père, le dieu lui confia un de ses propres oracles, àClaros, en Asie Mineure. Elle conçut Mopsos de sa liaison avec le dieu.

Selon Virgile, elle aurait donné son nom à Mantova (Mantoue) en Italie. 


"Lui aussi  Ocnus, le fils de la prophétesse Mantô
et du fleuve toscan, arrive des rivages de sa patrie
 il te donna, ô Mantoue, des murailles et le nom de sa mère,
 Mantoue, riche d'aïeux, mais pas tous de même race" Virgile Énéide Livre X v. 199

— Medea,  Dans la mythologie grecque, Médée  est la fille d'Aétès, roi de Colchide et d'Idye, océanide, fille d'Océan et Théthys. . Elle est magicienne, comme sa tante Circé . Métamorphoses VII d'Ovide.

 

— Pales, divinité des prairies et des bergers. Virgile, Géorgiques livre III "Te quoque, magna Pales"

— Pandora, épouse d'Épiméthée.Dans la mythologie grecque, Prométhée vola le feu aux Dieux pour le donner aux hommes. Pour se venger, Zeus ordonna à Vulcain de créer une femme faite de terre et d’eau. Elle reçut des Dieux de nombreux dons : beauté, flatterie, amabilité, adresse, grâce, intelligence, mais aussi l’art de la tromperie et de la séduction. Ils lui donnèrent le nom de Pandore, qui en grec signifie "doté de tous les dons". Elle fut ensuite envoyée chez Prométhée. Epiméthée, le frère de celui-ci, se laissa séduire et finit par l’épouser. Le jour de leur mariage, on remit à Pandore une jarre dans laquelle se trouvaient tous les maux de l’humanité. On lui interdit de l’ouvrir. Par curiosité, elle ne respecta pas la condition et tous les maux s’évadèrent pour se répandre sur la Terre. Seul l’espérance resta au fond du récipient, ne permettant donc même pas aux hommes de supporter les malheurs qui s’abattaient sur eux. C’est à partir de ce mythe qu’est née l’expression "boîte de Pandore", qui symbolise la cause d’une catastrophe

Homère,  Iliade vers 527 et suivants du chant XXIV,

Apollodore, Bibliothèque: I.7.2
Hésiode, Théogonie: 561
Pausanias, Périégèse: I.24.7 

— PhoebeDans la mythologie grecque, ce nom peut faire référence à : Phébé la Titanide, unie à son frère Coéos, Phébé l'Héliade, qui fut changée en peuplier comme ses sœurs, Hilaire et Phébé, les « Leucippides », Phébé fille de Tyndare, fille de Tyndare, ou Phébé, surnom d'Artémis, voire de la Lune dans des textes anciens. 

C'est la Titanide lunaire qui est évoquée par Virgile : Vento semper rubet aurea Phoebe. — (Virgile, Géorgiques 1, 431).

— Polyxena, Dans la mythologie grecque, Polyxène (en grec ancien Πολυξένη / Polyxénê), fille de Priam et d'Hécube, est une princesse troyenne. Elle fut aimée d'Achille qui la vit pendant une trève lors de la guerre de Troie. Il la fit demander en mariage à Hector.  Voir  Euripide dans sa tragédie Hécube, et Ovide dans ses Métamorphoses.

"Achille et Polyxène" est la dernière tragédie lyrique de Jean-Baptiste Lully, écrite en 1687  

— Proserpina, Proserpine est une divinité romaine équivalente à Perséphone dans la mythologie grecque. Elle est la fille de Cérès (ou Déméter) et Jupiter. Proserpine est la déesse des saisons. La mythologie raconte qu’elle a été enlevée par Pluton, dieu des Enfers qui l’a ensuite épousée. Comme Pluton est le frère de Jupiter et Proserpine sa fille, on déduit que Pluton est en couple avec sa nièce. Un accord aurait été conclu avec celui-ci afin qu'elle puisse retourner avec sa famille certaines périodes de l’année. Ainsi, elle passe six mois aux Enfers (ce qui symbolise notre automne et notre hiver) puis six mois avec sa mère (ce qui correspond à nos printemps et été).

Virgile la cite dans ses Géorgiques : Iamque pedem referens casus evaserat omnes ;redditaque Eurydice superas veniebat ad auras, pone sequens, namque hanc dederat Proserpina legem, Géorgiques 4 vers 485-487

— Selene, Dans la mythologie grecque, Séléné (en grec ancien Σελήνη / Selếnê), fille des Titans Hypérion et Théia, sœur d'Hélios (le Soleil) et d'Éos (l'Aurore), est une déesse de la Lune — plus spécifiquement de la pleine lune, second membre de la triade composée d'Artémis (croissant de lune) et d'Hécate (nouvelle lune). Elle est souvent assimilée à Artémis, même si elle personnifie plutôt l'astre lunaire lui-même. Cette déesse a été romanisée sous le nom de Luna. Voir son amant Endymion.

— Spini : le nom vient de la plante-hôte indiquée dans le texte page 186Pruni spinosae. Il fait suite à Papilio rubi, P. Betulae, P. Quercus, P. Pruni., quatre noms de Plebei nommés par Linné en fonction de leurs plantes-hôtes.

— Trivia, Trivia (du latin trivius, a, um, « qui se trouve aux carrefours ») est une déesse de la religion romaine et de la mythologie romaine, dans l'Antiquité. On pensait qu'elle hantait les carrefours et les cimetières, et qu'elle était liée aux pratiques de magie et de sorcellerie. Elle n'est parfois qu'un surnom ou un synonyme de Diane ou de la déesse grecque Hécate, avec qui elle avait en commun de posséder des sanctuaires situés près des carrefours.

 Le mot Trivia ne se trouve ni dans les Églogues, ni dans les Gèorgiques. Il est cité par Virgile dans la Descente aux Enfers de l'Énéide : Iam subeunt Triuiae lucos atque aurea tecta. Énéide, 6 ,15 "Déjà, ils pénètrent dans le bois sacré de Trivia, sous les toits dorés."  

 

— vaualbum C'est, avec Xanthomelas, l'un des deux seuls zoonymes "descriptifs" de la liste des noms créés par Denis et Schiffermüller : il indique la marque blanche en forme de virgule, ou de lettre-v- des ailes.

— Xanthe, Xanthé : l'une des Océanides selon le catalogue de la Théogonie d'Hésiode, et dans les Géorgiques Livre IV de Virgile :

 

— Xanthomelas est ici le deuxième épithète descriptif utilisé par Denis et Schiffermüller : ses deux racines grecques signifient jaune et noir et qualifie la couleur des ailes.

 

        Récapitulatif .

Cette liste des noms de rhopalocères créés par Denis et Schiffermüller comporte :

— Un seul nom de plante-hôte, Spini.

— Deux adjectifs descriptifs, vaualbum et Xanthomelas.

— Un nom cocasse, Coccajus, choisi pour répondre au Papilio macaronius de Scopoli.

— un nom inexpliqué, Adippe (Nymphe ?), mais qui provient en fait de Linné.

— 43 noms de personnages grecs ou latins soit 89,5%.

Parmi ces derniers, les auteurs viennois ont pu trouvé dans l'œuvre de Virgile plus de la moitié (29 noms soit 60%), et dans celle d'Ovide 8 autres noms.  Au total, 37 noms sur 43 proviendraient de la poésie latine, et seuls 6 sont, dans mes recherches, propres à la mythologie ou la littérature grecque. Il existe bien-sûr des noms qui sont à la fois cités par Virgile, et qui appartiennent à la mythologie antérieure.

Les 29 noms provenant de Virgile (Bucoliques 14 ; Géorgiques 6 ;  Énéide 9) 

  • Acis :  Ég 3 
  • Adonis : Ég. 10.
  • Aegon : Ég. 3- 5.
  • Agestis:  Én.
  • Alcon :  Ég 5 
  • Alcyone : Gé (et Ovide)
  • Alsus : Én
  • Amyntas: Ég. 2-3-5- 10
  • Arachné : Gé  (Ovide )
  • Arethusa :  Én ; Gé; Ég 
  • Camilla :  Én.
  • Circe :  Én.
  • Corydon : Ég. 2-5-7.
  • Damaetas : Ég 3-5
  • Damon  :  Égl.3
  • Daphnis : Ég. 5.
  • Delia : Ég. 3.
  • Endymion : Ég.3
  • Hecate : Én.
  • Hylas : Ég. 6.
  • Ilia :  En. 7 :659
  • Iole : Ég. 3.
  • Manto Én. 
  • Pales :  Gé.
  • Phoebe : Gé.
  • Proserpina Gè.
  • Trivia : Én.
  • Xanthe : Gé.

Les 8 noms provenant d'Ovide.

  • Daphne 
  • Dictynna,  
  • Dorylas 
  • Helle
  • Iphis 
  • Lampetie 
  • Medea
  • Polyxena

 

Les 7 noms restant :

— Lucilla vient à part, c'est un personnage de l'histoire romaine.

  • Artemis, dans les auteurs grecs
  • Battus, berger de Théocrite.
  • Chryséis ; Homère, Hygin
  • Cynthia,
  • Pandora : Homère, Apollodore, Hésiode, Pausanias,
  • Selene. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SOURCES ET LIENS.

Virgile, Les Bucoliques texte latin et français :http://fleche.org/lutece/

Virgile, les Géorgiques en français en ligne http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/georg/georgi.html

 
— Sylvie Ballestra-Puech, « L’araignée, le lézard et la belette : versions grecques du mythe d’Arachné », Rursus [En ligne], 2 | 2007. URL : http://rursus.revues.org/97 ; DOI : 10.4000/rursus.97
http://pendientedemigracion.ucm.es/info/amaltea/revista/num2/voisset.pdf

— Lire (JYC) http://www.anagnosis.org/phil/virgile_georgiques_iv_485_505

Oberthür (Charles) Études de lépidoptérologie comparée.  : https://archive.org/stream/etudesdelpidop521911ober#page/8/mode/2up/search/virgile

 — VALLAT (Daniel)  « Phénomènes de réécriture dans l’onomastique du genre bucolique », Interférences Ars Scribendi, numéro 4, mis en ligne le 5 mai 2006, http://ars-scribendi.ens-lsh.fr/a

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Published by jean-yves cordier
29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 23:10

Des putti chez les grenouilles (Roesel, 1758).

 

Introduction.

  Je poursuis mon enquête qui a débuté avec le Frontispice du Wiener Verzeichniss de Denis & Schiffermüller (1775) et ses putti aux ailes de papillons  Les frontispices du "Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge" de Denis et Schiffermüller (1775-1776). , puis qui m'a fait découvrir l'usage presque constant de ces fils de Vénus dans les frontispices d'Histoire naturelle du XVIIIe siècle, mais aussi dans de nombreuses gravures de l'époque qu'ils envahissent comme un petit peuple  chargé de missions qu'ils sont les seuls à connaître Frontispices et épigraphes en Entomologie (Lépidoptères). .

   J'avais posé l'hypothèse qu'ils remplissaient, en Histoire naturelle, un rôle transitionnel entre monde humain et monde sauvage, cette Nature dont, depuis le Systema Naturae de Linné en 1758, les Naturalistes s'étaient donnés mission de dénombrer et de dénommer les espèces, transgressant alors un interdit ancestral ; car il est vrai que les espèces sauvages, notamment les plus petites, dont la domestication était apparue inutile ou impossible, ne portaient pas de nom jusqu'en cette fin de XVIIIe siècle.  Nommer, c'est se rendre "comme maître et possesseur" d'un domaine resté jusqu'alors in-tact.

Aussi bien, depuis l'aube de l'humanité, les Papillons ne portaient qu'un nom collectif, "les papillons", et, parfois, "les phalènes". Notons que dans le monde grec (Maria Goudi), mais aussi ourdmourtien, italien et de Haute-Bretagne (Sébillot), le papillon est un symbole de l'âme, et notamment de l'âme des morts. On ne l'aborde pas impunément.

Pour les papillons, nommer supposait d'abord de capturer. D'élever les chenilles.  Puis d'épingler les imagos. 

Pour les grenouilles, dont il est ici question, nommer supposait aussi de capturer. Puis de disséquer. Ces transgressions délicates —et peut-être dangereuses— à représenter nécessitaient de faire encore appel aux Éros potelés et joufflus.


Pourtant, cet article se moque bien de défendre cette hypothèse parfaitement gratuite : son seul but est de faire partager le plaisir de regarder, comme avant l'âge des noms, de belles images.

 

 Le livre que j'ouvre aujourd'hui avec délectation est celui de Johann August Roesel, Historia Naturalis Ranarum Nostratium in qua omnes earum proprietates / Die natürliche Historie der Frösche hiesigen Landes Nürnberg, 1753-1758 : "L'Histoire Naturelle des Grenouilles de notre région". Il a été publié par volumes séparés de 1753 à 1758 et préfacé par Haller. Le tirage a atteint 600 exemplaires.

Selon M. Niekisch, Roesel a été victime d'un A.V.C (hémiplégie gauche) en octobre 1752 et a repris le travail en 1753 : sa production et son étude zoologique n'en deviennent alors que plus admirables; (Wikipédia donne la date de 1759 pour cet accident).

Chacune des Sections est introduite par une Vignette gravée (la plupart par Martin Tyroll), représentant les grenouilles, pour la première fois, dans leur milieu naturel. Ces vignettes précèdent le corpus des Planches, réuni en fin d'ouvrage, réalisées par Roesel lui-même, et qui présentent les différentes espèces de grenouilles (famille des Ranidae, Ordre des Anura) dans des scènes de copulation qui alternent avec des travaux de dissection des dites grenouilles montrées avec la plus grande précision et l'absence de toute retenue. Les Vignettes introduisent prudemment le lecteur à ces transgressions, et s'opposent, par leur monde enchanté et médiatisé, à l'ensemble des Planches.

Toutes les images proviennent de l'exemplaire mis en ligne par l'Université d'Heiselberg, rognées et cadrées, parfois éclaircies ou contrastées.

 

 

 Roesel, AJ 1758. Historia natvralis ranarvm nostrativm dans QVA omnes earvm proprietates, praesertim qvae annonce generationem ipsarvm pertinente, fvsivs enarrantvr, CVM praefatione illystris viri Alberti v Haller. - Die natürliche Historie der Frösche hiesigen Landes, worinnen alle Eigenschaften derselben, sonderlich aber ihre Fortpflanzung, umständlich beschrieben werden. Mit einer Vorrede Herrn Albrecht von Haller. Herausgegeben und mit zuverlässigen Abbildungen gezieret. - Pp [1-9], V-VIII [= 5-8], 1-115, [1], pl. [A], onglet. I-XXV [= 1-25]. Nürnberg. (Fleischmann). 

 

1. Les cigognes mangeant les grenouilles près d'un déversoir.

Dessin de Roesel, gravure G.D. Heumann.

Roesel Ranarum nostratium Cigognes

 

 

Section II : Putti disséquant une grenouille.

Dessin Johan Justin Preisler (1698-1771), directeur de l'Académie de peinture de Nuremberg), gravure Martin Tyroll.

Selon M. Niekish (2009), "Preisler" représente en réalité soit Roesel lui-même, soit son épouse et collaboratrice Elisabeth Maria Roesel (jusqu'à son décès en mai 1758), soit son ami et maître Georg Leonhardt Huht.

Un putti coiffé d'un chapeau de paille tient un scalpel. A l'opposé, son collègue porte le filet à grenouilles. Une chouette a capturé une grenouille.

Au centre, étendue sur un faisceau de roseau, une grenouille est retenue par des liens végétaux (tout est très "nature" dans cette scène) alors qu'un putti, qui a abandonné sa lyre, exécute d'un bistouri adroit une incision médiane. Son assistant l'observe avec intérêt ; il tient une "lancette" si démesurée qu'il semble avoir quitté précipitamment Mars endormi, sans quitter son égide à tête de Gorgone. (Voir Botticelli, Vénus et Mars :

                                           Image illustrative de l'article Vénus et Mars

Roesel Ranarum nostratium sectio II putti dissection

 


 

3. Section III. Chasse à la grenouille par les putti armés d'arbalètes.

Dessin de Johan Justin Preisler, gravure Martin Tyroff. Le chapitre est consacré à la grenouille verte, "Der Grüne Wasserfrosche" . 

Cette technique de chasse, destinée à satisfaire la demande de cuisses de grenouilles, est paraît-il attestée, et l'arme porte en allemand le nom de "Froschschnepper" (Arbalète à grenouille), décrite dès 1731 ("Frosch-Schnepper, ist ein Instrument, die Frösche damit zu schiessen. Es bestehet solches in einem an einer langen mit einem stählernen Bogen versehenen hvltzernen Armbrust oder Schnepper, auf welcher ein langer von starcken ... ").

roesel ranarum nostratium sectio III putti arbalete

 

4.Section V. Bord d'étang : reproduction et ponte des grenouilles. 

Pas de putti cette fois-ci ; peut-être parce que la gravure est l'œuvre de Roesel lui-même.

Je retrouve ici le point de vue à raz de terre que Roesel avait adopté pour son frontispice. La saison de reproduction, pendant laquelle les grenouilles pondent dans les eaux peu profondes les longs chapelets d'œufs que l'on voit serpenter ici, correspond aux mois de février à avril, mais les deux hirondelles représentées incitent à penser que nous sommes plutôt en avril. 

Les deux poteaux de bois portent, gravés, chacun la lettre R inscrite dans un cercle. Il est possible que cela fasse allusion au couple des Roesel, ou au décès de l'épouse de Roesel en mai 1758.

roesel ranarum nostratium sectio V bufo

 

      5. Les autres vignettes.

 Trois vignettes montrent des lieux où Roesel a réalisé son travail de terrain ; ce sont trois châteaux (qui existent toujours quoique l'un soit en ruine), alors entourés de lacs ou de zones humides

  — "Die Oberg-Bürg bey Nürnberg" (Section IV) dans le chapitre consacré au Sonneur à ventre jaune ; gravure par Heumann. Le séjour de Roesel à Oberburg est attesté : l'endroit appartenait à Lorenz Wilhelm Neubauer et à Johann Georg Friedrich von Hagen. Ce dernier avait hérité d' Oberburg en 1748, avait soutenu le travail de Rösel et acheté après sa mort une partie de sa collection.

— "Unter-Bürg bey Nürnberg", (Section VI), par Christ ......

— "Gleishammer beis Nürnberg" (Section VII), par J.A. Joninger (?). Aujourd'hui "Zeltnerschloss".  Chapitre du crapaud calamite Kreuzkröte. 

Quelques exemples des Planches.

Il existe 24 Planches.

N.B : j'ai omis toutes les scènes de dissection, pour favoriser le regard d'artiste de Roesel plutôt que son regard de naturaliste ; j'ai conservé les images de tendre étreinte.  Les amateurs de dissection peuvent consulter les planches elles-même en ligne.

      Gravures sur cuivre mises en couleur à la main, J. A. Roesel dessinateur et graveur.

Tab. I. Coitus et generatio ranae fuscae terrestris, détail :

Roesel Ranarum pl I

 

Roesel ranarum Planche

Roesel ranarum Planche IX

 

Roesel ranarum Planche IX. bas png

 

Roesel ranarum Planche XIa png

 

Roesel ranarum Planche XVIIa

Roesel ranarum Planche XXIa

 

Roesel ranarum Planche XXIa 2

Roesel Ranarum pl I. 2 png

 

Source et liens.

— NIEKISCH, Manfred 2007 : "Die Vignetten der Historia Naturalis ranarum Nostratium 1758 Einblicke in das Leben et Werk des Août Johann Roesel von Rosenhof und seine herpetologischen Pionierleistungen" . Sekretær 7 (1): 33-60

 http://eurekamag.com/research/030/911/die-vignetten-der-historia-naturalis-ranarum-nostratium-1758-einblicke-das-leben-werk-des-august-johann-roesel-von-rosenhof-und-seine-herpetologischen-pionierleistungen.php

— Exemplaire numérisé par l'Université d'Heidelberg 

http://www.ub.uni-heidelberg.de/helios/fachinfo/www/kunst/digilit/natura/roesel1758.html

— Exemplaire numérisé par Goettingen 

http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN484611879&IDDOC=275809

— Exemplaire mis en ligne par Gallica (déplorable) :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k970909/f10.image

— Planches numérisées de l'Université de Bourgogne (avec Haller en nom d'auteur) :http://www.queneau.fr:8080/sdx/pl/doc-tdm.xsp?id=D0002_d0e27606&fmt=tab&base=fa

— Article du NZ Nürgerger Zeitung :

-  http://www.nordbayern.de/nuernberger-zeitung/2.192/kunstler-und-froschflusterer-1.666652/kommentare-7.491792

- http://www.nordbayern.de/nuernberger-zeitung/2.283/die-welt-der-insekten-und-frosche-auf-kupfertafeln-1.626717

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Published by jean-yves cordier
27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 22:03

Frontispices et épigraphes en Entomologie (Lépidoptères) au XVIIIe siècle.

 

Voir : Les frontispices du "Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge" de Denis et Schiffermüller (1775-1776).

 Ayant découvert le frontispice et les épigraphes de Denis & Schiffermüller (1775), j'ai voulu savoir quelles avaient été les options des autres auteurs contemporains en Entomologie, notamment dans les traités de lépidoptérologie. Ma récolte fut modeste, ce qui confère d'autant plus de valeur à la publication des deux jésuites viennois, mais elle ne fut pas sans intérêt.

Rappel chronologique des publications:

 

  • 1630 : Hoefnagel, Diversae insectarum volatilium.
  • 1734-1742 : Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, 6 volumes.
  • 1758 : Linné, dixième édition du Systema Naturae.
  • 1761 : Linné, Fauna svecica, 2ème édition
  • 1762 : Etienne Louis Geoffroy, Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, 2 volumes in-4°, Paris.
  •  1763 : J.A. Scopoli, Entomologica Carniolica,Vienne. https://archive.org/details/ioannisantoniisc00scop
  • 1766 : Moses Harris, The Aurelian or Natural History of English Insects, namely Moths and Butterflies. puis en 1775 The English lepidoptera, or the Aurelian's Pocket Companion.
  • 1767 : Linné, 12ème édition du Systema Naturae.
  • 1775 : J.C.Fabricius, Systema entomologica.
  • 1775 : Rottemburg (S.A.von)  "Anmerkungen zu den Hufnagelischen Tabellen der Schmetterlinge", in Der Naturforscher, J.J Gebauer Witwe und J.J Gebauer :Halle
  • 1775 :  J. Caspar Fuessly .  Verzeichnis der ihm bekannten schweizerischen Insekten mit einer ausgemahlten Kupfertafel: nebst der  Ankündigung eines neuen Insecten Werks,  Zürich, H. Steiner,1775. http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/65772#/summary
  • 1775 : Denis et Schiffermüller,  Ankündigung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend. /1776  Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge
  • 1776 : J.C. Fabricius  Genera insectorum
  • 1776 : Otto Friedrich Müller, Fauna insectorum Fridrischdaliana. Zoologiae Daniace Prodromus.
  • 1775 à 1782 : Caspar Stoll et Pieter Cramer, Die uitlandische Kapellen : description de 1650 espèces du Surinam.
  • 1777-94 : J.C.Esper Die Schmetterlinge in Abbildungen nach der Natur, 
     1-5, seconde édition avec additions   par Toussaint von Charpentier en 1829-1839.
  • 1779-1792 :  Jacques-Louis Florentin Engramelle, Papillons d'Europe peints d'après nature Planches peintes par M. Ernst, gravés par M. Gérardin, et coloriés sous leur direction, décrits par le R.P. Engramelle, religieux augustin du quartier de Saint Germain, À Paris chez Delaguette/ Basan & Poignant, 29 cahiers, 8 volumes.

 

 

                    I. Frontispices.


Définition (Wikipédia) : "Un frontispice est une illustration, placée, dans un livre, sur l'une des pages de titre. Il peut être sur une page faisant face à la page de titre, ou se trouver sur la page de titre, sous le titre. Souvent réalisée en gravure, le frontispice représente généralement une scène importante du livre, ou le portrait de l'auteur". Pour Littré, son sujet "est analogue au but et à l'esprit de l'ouvrage". C'est dire l'importance de son étude.

Furetière : en architecture, il s'agit de " la face et la principale entrée d'un vaste bâtiment qui se présente de front au spectateur". 

 

1°) édition de 1481 de Thomas, de Cantimpré, Das Buch der Natur page 244 http://www.wdl.org/fr/item/3158/view/1/244/

 

Il ne s'agit en réalité d'un frontispice, mais d'une illustration (gravure sur bois, colorée) en plein volume, dont l'intérêt tient à son ancienneté.

              Fullscreen-capture-12012014-50230-PM.jpg

 

2°) Hoefnagel, Diversae insectae, 1630.

 

Jacob Hoefnagel est un artiste néerlandais, né en 1575 et mort vers 1630. Il est le fils de Joris Hoefnagel (1545-1600), un artiste d'Anvers employé par les ducs de Bavière qui réalise les illustrations des plantes et d'animaux présents dans le cabinet de curiosités de l'empereur Rudolph II, à Prague. Jacob réalise la gravure des peintures de son père.

Ses Diversae Insectarum Volatium icones ad vivum accuratissimè depictae per celeberrimum pictorem paraissent chez Nicolao Ioannis Visscher d'Amsterdam en 1630. C'est l'une des toutes premières œuvres uniquement consacrée aux insectes. Les illustrations d'Hoefnagel sont souvent les premières que l'on connaissent pour de nombreuses espèces. Les 16 belles gravures montrent 302 insectes dont 37 Coleoptères, 22 Orthoptères, 14 Odonates, 16 Neuroptères, 72 Lépidoptères, 35 Hyménoptères, 78 Diptères, 21 Hémiptères et 7 larves. Ces espèces viennent du centre et du nord de l'Allemagne. (Wikipédia consulté le 27/02/2014)

 

Exemplaire numérisé par BHL

n4_w627

 

 


3°) Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, 1734

   Cette gravure sur cuivre est due à Philippe Simonneau. Là encore (décidément !) ce n'est pas un frontispice, mais une vignette appartenant à la première page (p.14) du premier mémoire : elle a le mérite d'illustre tous les procédés que Réaumur déployait dans sa propriété du Poitou. Ce grand savant, qui fut président de l'Académie des Sciences pendant quarante ans passait le temps libre de ses étés à étudier avec la plus grande minutie les insectes et à en dessiner les métamorphoses, et, ici, il nous fait, pour ainsi dire, pénétrer dans ses laboratoires.

Vendee-Tourisme-Manoir-des-Sciences-de-Reaumur-facade   images?q=tbn:ANd9GcSGPCfdMBGCw8_ybB8y1ce 

 

              n14_w428  

Vignette-Reaumur.png


4°) Roesel von Rosenhof, Insecten Belustigung, 1740.

Der monatlich-herausgekommenen Insecten Belustigung Erste Sammlung, August Johann Rösel Miniatur-Malhern, Nürnberg, Fleischmann

Un mot sur le titre : il se traduit par "Amusement des Insectes", ou "Le Divertissement par les Insectes".

Source image : Heidelberger H.B.

 Cette fois-ci, c'est un réel frontispice, et l'un des plus beaux ou des plus riches, parce que plein de mystères. Nous y trouvons des vases fleuris au sommet d'un portique, une figure allégorique, une statue de la Diane d'Éphèse entre deux cerfs, un savant de l'Antiquité qui se consacre à la Géométrie (Aristote ? Pythagore ?), un bas-relief d'un autre Maître de l'Antiquité, et surtout, un épigraphe et une scène à putti sur lesquelles je vais revenir.

- Le bas-relief ovale serait celui de Pline l'Ancien (23-79 ap. J.C).

- Le personnage assis serait la Science, tenant des instruments de mesure et un triangle avec une masse de gravité, une allusion à Newton.

- L'Allégorie témoigne de la recherche du Savoir (car elle tient un livre) associée à l'enracinement dans le monde réel (elle pose le pied sur la sphère terrestre), par une vision clairvoyante ( la main droite tendue vers le Soleil) dans le but de favoriser la Paix (la palme de son bras gauche).  

- La signification de la présence de la statue de l'Artemis d'Éphèse, telle qu'elle est conservée au Musée archéologique d’Éphèse entre deux animaux, mériterait une réflexion à part entière. Représente-t-elle la Mère primordiale ? Elle est considérée aussi comme Astarté, déesse de la fertilité, de la beauté et de l'amour. Elle tient un lion ou un griffon sur chaque bras, de multiples animaux sont posés sur les étagères de son tronc-colonne (licornes, centaures, chevaux, dromadaires, bœufs). Tout cela est bien, mais maintenant, que sont ces nœuds sur son voile ? Six papillons, dont les deux sommitaux croisent leurs antennes. Comparée à son modèle (infra, Wikipédia), il s'avère qu'il s'agit d'un petit clin d'œil fantaisiste de Roesel.

                                 220px-Sel%C3%A7uk_statue_Artemis.jpg

 

(Artémis multimammia du type d'Éphèse, IIe siècle apr. J.-C., Musée deSelçuk)


Ce frontispice coloré est l'œuvre de Johan Justin Preisler (1698-1771) et a été gravée par Martin Tyroff (Augsbourg 1704-1758), graveur en taille douce et marchand d'estampes à Nuremberg et auteur d'un autoportrait de 1751 (INHA), de portraits, de compositions à putti, etc.

Les deux artistes ont aussi collaborés pour des armoiries (Arm. Imhoff, Arm. Haller, Arm. Gender), un portrait de l'empereur François Ier, un buste de Georges III (Br. Mus.) : dans tous les cas, le style est assez proche du frontispice étudié, avec des putti entourés d'allégories.

                  Frontispice-roesel.png

 

L'épigraphe.

  Il s'agit d"une citation extraite de l'Histoire Naturelle de Pline, Livre XI chapitre 2* : RERUM NATURA NUSQUAM MAGIS QUIAM IN MINIMIS TOTA EST.

* chapitre 1 des éditions actuelles.

 Elle peut se traduire par "la nature des choses n'est nulle part mieux révélée que dans les petites choses." et est extraite de ce passage :

sed turrigeros elephantiorum miramurumeros

 taurorumque colla et truces in sublime iactus, 

tigrium rapinas, leonum iubas,

 cum rerum natura nusquam magis quam in minimis tota sit

quapropter quaeso ne legentes,

quoniam ex his spernunt multa, 

etiam relata fastidio damnent, 

cum in contemplatione naturaenihil possit uideri superuacuum. 

  "Nous admirons les épaules des éléphants chargées de tours, le cou des taureaux, leur force à lancer en l'air ce qu'ils saisissent, les déprédations des tigres, les crinières des lions, tandis que la nature n'est tout entière nulle part plus que dans les êtres les plus petits. En conséquence, je prie les lecteurs, malgré le mépris qu'on a pour beaucoup de ces insectes, de ne pas condamner et dédaigner ce qui est rapporté ici : dans l'observation de la nature rien ne peut paraître superflu." (Trad. Dubochet 1848)

  Elle sera reprise par Guillaume-Antoine Olivier en 1808 en introduction de son Entomologie page de titre, par Dézalier d' Argenville dans sa Conchyliologie de 1780, etc. Mais surtout, Linné placera la suite immédiate de cette citation au cœur du Systema Naturae de 1758, p. 341, juste au moment où il aborde les Insectes.

Je n'ai trouvé qu'une seule description ou transcription de cet épigraphe (et du frontispice) par Charles Oberthür, Études de Lépidopterologie comparée, 1910 p. 81.

 

Les Putti et leurs occupations.

Ces petits Amours que j'avais découvert sur le Frontispice de Denis et Schiffermüller 1775 avaient, manifestement, des ancêtres : il s'agit d'un Thème qui est repris et décliné par de nombreux auteurs, et dont il me faudrait chercher les références littéraires. Ces putti sont d'autant plus intéressants qu'ils se livrent aux mêmes occupations que chez les deux auteurs viennois : l'un capture les papillons de son petit filet (mais non, il pêche avec son troubleau dans une petite mare ! Quoi ? Des grenouilles bien-sûr !), alors que les deux autres s'émerveillent devant les beautés du Petit Monde après avoir épinglé les papillons multicolores sur des plateaux rond ou rectangulaire. Des flacons de verre annoncent de studieuses analyses des espèces prélevées. On peut, puisque l'auteur nous incite à nous émerveiller des plus petits détails, noter l'escargot qui progresse à gauche, ou le nœud papillon dans les cheveux du putto agenouillé.


                             Frontispice-roesel-detail.png

 

Les putti appartiennent, depuis l'Antiquité, au vocabulaire des ornemanistes, mais, dans ces frontispices, ces petits êtres semblent avoir une autre fonction que celle d'ornements et être  les Génies intermédiaires, créatures hybrides entre la Science et la Nature ou médiateurs transitionnels entre le monde domestique et dénommé, et le monde sauvage sur lequel l'homme doit encore assurer son emprise: quelques exemples :

Dessin de Jacques de Sève, gravure de Dominique Sornique,  Buffon, Histoire Naturelle, III, 1749, vignette précédant la « Description du Cabinet du Roy », p. 1.  

                25813_36.png

Buffon, Histoire Naturelle, Cabinet du roi, tome III page 13

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Buffon, Histoire Naturelle, Tome I page 3, Premier Discours.

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4'°) Roesel von Rosenhof, Insecten Belustigung, Partie 3, 1740 .

Cette fois, le dessin est signé Nicol Gabler [Nicolas Gabler (1725-1785)].  On lit ensuite Roesel a R exec. puis Mich. Rößler sculps.

 

Charles Oberthür a décrit l'espèce de papillon qui figure ici dans ses Études de Lépidopterologie comparée fasc.V de 1911 page 12 : Callimorpha dominula Linné, 1758, l' Écaille marbrée rouge.

Cf. Roesel Vol. 3 page 267-270 et planche 47; sa chenille est celle, velue, noire rayée de jaune qui croque un bouton de fleur. 

La chenille du premier plan est celle que Roesel fait figurer dans la Planche : celle du Sphinx Tête-de-mort Acherontia atropos. Je peux alors en déduire que le feuillage et les fleurs blanches qui l'entourent sont celles de Solanum tuberosum, la pomme de terre.

Plus bas, on voit une sorte d'asticot dans une coupelle : je laisse au suivant le soin de l'identifier.

Le frontispice de l'exemplaire numérisé par GDZ Göttingen est celui-ci : le titre  est inscrit sur une feuille de papier posée sur un pot de grès ; j'ai mis un certain temps à comprendre que c'est son couvercle, dont la poignée est munie d'un anneau, qui est posée devant nous. 

               Roesel-Insecten-belustigung-partie-2-frontispice.png

Par contre, le frontispice de la version publiée en néerlandais par son gendre Kleemann, dans l'exemplaire numérisé par BHL library est presque identique mais réserve une surprise. A la place du titre, un curieux dessin a été reporté : c'est un détail de la Planche 73 de l'ouvrage en allemand celle qui débute, après un nouveau frontispice , Die historie der polypen der süssen Wasser und anderer kleiner Wasserinsecten hisiges Landes, "l'Histoire des Polypes d'eau douce et autres petits insectes de nos régions.".  Roesel, s'étant procuré un microscope, et de l'eau d'un marais voisin, observa dans le vase quelques globules mêlées à un grand nombre d'autres petits êtres : ils reposaient au fond de l'eau, et ressemblaient bien plus à des grains de matières muqueuse ou au fruits de certains mollusques qu'à de véritables polypes. Chaque globule est retenu à la masse commune mais celle-ci est libre ; elle change de place assez volontiers mais lentement et se fixe tantôt en un lieu tantôt en un autre. Roesel leur donna le nom de Feberbusch Polypen ou Polypes à plumets. Cuvier rebaptisa ces zoophytes bryozoaires les Cristatella.

  Roesel raconte sa découverte des travaux de Abraham Trembley, ce Genévois réfugié aux Pays-Bas et qui avait découvert en 1740 "la régénération des hydres d'eau douce". Il devint du jour au lendemain une star internationale, non seulement par la découverte de ce petit animal long d'un centimètre et ressemblant à un tube muni d'une tête en forme d'étoile, ou de sa capacité de se regénérer après avoir été coupé en deux, mais par l'idée d'envoyer par la poste à ses correspondants un kit composé des petites bêtes dans une bouteille et d'un mode d'emploi. Plus tard, il étudie de nouveaux polypes d'eau douce, qui ne mesurent plus qu'un dizième de millimètres.

Roesel signale aussi les travaux de Baker et Anderon (William Anderson] qui baptisent des polypes The Bell-flowers animals or Plumed-polypes.

http://www.geology.19thcenturyscience.org/books/1838-Johnston-BritishZoophytes/PDFpages/316.pdf

Trembley http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8515435

Certes, j'ai quitté le sujet que je m'étais fixé, l'entomologie, mais j'ai découvert un aspect méconnu des travaux de Roesel : les notices biographiques Wikipédia en français, anglais ou allemand ne les mentionnent pas. Découvrez-les ici GDZ page 433.

                         Roesel-Frontispice-Insecten-Belustigung--partie-trois-Kleem.png

Le Frontispice de l'Histoire des Polypes d'eau douce de Roesel :

On notera le sens de l'humour de l'auteur, qui crée un caducée et un casque ailé d'Hermès à partir de ses zoophytes.

                               Roesel-Frontispice-Histoire-des-Polypes-d-eau-douce-png

 

 

 

 

5°) Geoffroy, Histoire des insectes, 1762, Tome I.

 

Cette vignette sous le titre permet de découvrir aussi l'épigraphe, une citation du Livre IV des Géorgiques de Virgile :

Admiranda tibi levium spectacula rerum, "je te ferais découvrir des choses admirables" ou "je te ferais voir le spectacle admirable des choses".

Un ruban couronne la gravure, et porte les mots FIDES ET CONCORDIA AD LABOREM CONCITANT ("Soutenu par la foi et l'harmonie au travail ??"). Le ruban se termine, à gauche, par une clef.

La gravure associe encore deux allégories (Fides et Concordia ?) et deux putti occupés à prendre soin de plusieurs ruches . Celle-ci sont posées sur une base en marbre blanc qui porte une inscription en italiques. Hélas, je ne peux déchiffrer que le premier mot, "Papillon". Au premier plan brûle un pot à feu.


page-de-titre-Geoffroy-tome-I.png

 


6°) Engramelle, Papillons d'Europe peints d'après nature, 1779.

Ce frontispice a été dessiné par Gérardin et gravé par J.J Juillet. Deux arbres délimitant un sentier à l'orée d'un bois sert de support à une tenture frangée d'or. Le titre s'y trouve inscrit :

 Insectes d'Europe peints d'après nature par Ernst Gravées et Coloriés sous sa direction Première partie. Les chenilles crisalides et Papillons de Jour. Décrits par le R[évérend] P[ère] Aug[ustin] Q[uartier S[aint] G[ermain].

Se vend à Paris chez :

-MM. Ernst et Gerardin Rue de la Harpe Ancien Collège de Narbonne

-P.M De Laguette Imprimeur -Libr, rue de la Vieille Draperie

-Bazant et Poignant Mds d'Estampes rue et hotel Serpente.

Avec Privilège du roi

On entrevoit sous le rideau une vue urbaine, réduite à un château dont on discerne le donjon et la porte à herse, et qui semble entouré d'eau. 

Trois papillons sont représentés : une piéride sur une pivoine, un azuré, et un nymphalidé.

                                1

  Mais j'ai eu la surprise de constater qu'il existe selon les exemplaires, des différences notables. Ainsi, celui que présente (hélas en noir et blanc) Archive.org (ici) montre, dans la partie basse, au lieu d'une piéride, ce qui ressemble à un mâle d'Aurore  Anthocharis cardamines, et, de l'autre coté, sous toute réserve, une Carte Géographique Araschnia levana. Mais surtout, on distingue deux ou peut-être trois belles chenilles qu'il vous revient d'identifier.

 

 7°) Engramelle, Papillons peints d'après nature, Volume III.

 

Cette potiche en stuc à l'assaut de laquelle monte une pyramide de fleurs m'intéresse moins, bien que le Sphinx de droite semble une citation du frontispice de Denis et Schiffermüller. La chenille verte est celle d'un Sphinx .

 

 

                           Frontispice-Engramelle-vol.-II-gallica.png


8°) HERBST Johann Friedrich Wilhem, JABLONSKY Karl Gustav, 1793,  Natursystem aller bekannten ins und ausländischen Insecten als eine Fortsetzung der von Büffonschen Naturgeschichte Der Schmetterlinge sechster Theil mit 36 illuminirten kupfertafeln, In der Paulischen Buchhandlung : Berlin, 1793.

L'intérêt de cet ouvrage consacré aux coléoptères est de retrouver ce thème des putti. Il semble y avoir un tabou interdisant de représenter des naturalistes au travail, et imposant de les remplacer par d'innocents enfants, comme si il y avait à cette époque un sentiment coupable de commettre une transgression. Or, si l'être humain s'était là jusque abstenu de nommer tous les animaux qu'il n'avait pas domestiqué, dans une tacite délimitation d'un territoire du familier —où les animaux reçoivent un nom propre—, d'un territoire de la relation et de la chasse —où les animaux propres à être mangés reçoivent un nom commun, et d'un territoire sauvage et non-mangeable où les animaux ne sont pas nommés, ce n'était certainement pas par hasard et sans obéir à un impératif fondamental.

 Et si, depuis le coup de théâtre transgressif de Linné l'humain s'autorisait à obéir à cette injonction qui sert d'épigraphe au Wiener Verzeichniss (Numeros et nomina, "dénombre et dénomme"), ce n'est pas sans avoir à vaincre des résistances inconscientes.

 Je peux établir un parallèle avec la pratique des dissections anatomiques, elles-aussi frappées d'un même interdit : si, dans les frontispices des livres de médecine, ce sont des Putti qui mènent les dissections, c'est qu'il est aussi audacieux de montrer (Rembrandt confirmant la règle par son exception) un anatomiste au travail qu'un naturaliste épinglant ses spécimens.

 

[Bandeau où l'on voit des amours s'apprêter à faire une dissection] Mémoires de l'Académie royale de chirurgie. Tome I Paris : Charles Osmont, 1743 :

                       06649.jpg : http://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/image?06649

 


                        frontispice-Herbst-Berlin-1794.png

 

 

 

9°)  La Revue Der Naturforscher, Berlin, 1774-1804.

 Il s'agit du périodique dans lequel Rottemburg publia de 1775 à 1777 ses descriptions de la collection de Hufnagel : 

  • Rottemburg, S. A. von (1775-1777): Anmerkungen zu den Hufnagelischen Tabellen der Schmetterlinge. Erste Abtheilung./ Zweyte Abtheilung/.Der dritten Abtheilung erste Classe./Der dritten Abtheilung zwote Classe.:Der dritten Abtheilung dritte Classe– Der Naturforscher, 6: 1-34. ; 7  105-112 ;  8: 101-111 ; 9: 111-144 ; 11: 63-91.

 http://www.ub.uni-bielefeld.de/diglib/aufkl/naturforscher/naturforscher.htm

 

  Dans ce frontispice qui est la page de titre de la Revue Der Naturforscher ("Le Naturaliste"), on voit précisément le Naturaliste en question, assis en pleine campagne comme à son bureau, la plume à la main : ce sont les Amours qui lui apportent les spécimens d'Histoire naturelle qu'ils vont prélever dans la Nature. Il s'agit peut-être d'un de ces savants qui embarquent dans les grandes expéditions d'exploration scientifique, et dont on voit le navire mouillé dans l'estuaire. Je distingue un lion, une sorte de chat à long museau, une ruche, un putti ramenant un oiseau (?), un autre portant sur sa tête une corbeille de fruits ou de fleurs, un troisième prélevant dans l'eau un crustacé alors qu'une étoile de mer et un oursin sont posés près de lui.

 Je peux y voir une illustration de cette fonction transitionnelle que remplissent les Génies (comme les nommait Schiffermüller) entre Humanité savante, et Nature.

 

http://www.ub.uni-bielefeld.de/cgi-bin/navtif.cgi?pfad=/diglib/aufkl/naturforscher/118752&seite=00000002.TIF&scale=5

Originalseite

 

 

                                          

                           II. Les épigraphes.

 

 

 1°) Christopher Merret 1667 Pinax :

Citation d'Hippocrate en grec (non déchiffrée)

2°) Merian 1679 :

 Der raupen wunderbare, http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/merian1683bd2/0001?sid=60cf69e1e42d9f47fab471b161dd0ee3

Maria Sybilla Merian cite un poème de Arnold,

Die Erde wird nicht müß / Das Jahr erholt das wieder / Die Raupe legt sich nieder/ als wäre sie fast sodf.

3°) Petiver, Musei 1695

L'apothicaire  londonien James Petiver cite Aristote dans son  Musei Petiveriani centuria prima, Londres 1695 ; mais je n'ai pas retrouvé l'origine de cette citation, qui a été reprise plus tard soit par Johannes Gistel en 1837, soit par la Société impériale des naturalistes de Moscou dans ses Memoires soit  par Ermenegildo Pini  Protologia: en épigraphe du analysim scientiae sistens ratione prima exhibitam, Volume 1.

Prima laus est humanae sapientiae, valde similia posse distinguere. Aristote 

 

 

4°) Linné, Fauna svecica 1746 (et 1761) :

Linné cite Quintilien : il s'agit (à partir de la seconde phrase) d'un extrait de l'Institution Oratoire Livre XII chapitre 6, 3 : le titre du chapitre est Quod sit incipiendi causas agere tempus ("A quel âge l'orateur doit-il  commencer à plaider"). Quand à la première phrase, elle est attribuée à Quintillien par quelques auteurs.


Quae praesenti opusculo desunt suppleat Aetas ;

Non enim differendum est tyrocinium in Senectutem

Nam quotidie crescit metus

Majusque fit semper quod ausuri sumus ;

Et dum deliberamus, quando incipiendum,

Incipere jam serum fit,

Quare Fructum studiorum viridem

Et adhuc dulcem promi decet,

Dum et Venia ,

Et spes est,

Et paratus favor,

Et audere non dedecet.

 Quintilianus.

 "Il manque à ce présent travail d'être nourri par l'âge;" 

"D'un autre coté il ne faut pas prolonger son apprentissage jusqu'à la vieillesse ; car chaque jour on devient plus timide, chaque jour on se grossit d'avantage les difficultés, et pendant qu'on délibère si on commencera, il est déjà trop tard pour commencer. Je veux donc que le fruit des études ne se produise que quand, encore un peu vert, il a néanmoins encore quelque saveur, lorsque l'âge est un titre à l'indulgence." Quintilien


 

 5°) Linné, 1758, Systema Naturae.

O Jehovah !

Quam magnifica sunt Tua Opera !

Vir insipiens non cognoscit ea

& stultus non animadvertit ea.

David.

"Que tes œuvres sont grandes, ô Éternel [que tes pensées sont profondes]! 

L'homme stupide n'y connaît rien, 

Et l'insensé n'y prend point garde".

 Cet épigraphe de Linné a été souvent cité, mais personne ne l'a, à ma connaissance, rapporté à un psaume de David ; j'ai trouvé certes cité une fois le Psaume 104, mais la seconde partie des versets ne s'y trouve pas. Il s'agit en fait du Psaume 92, 6-7 ; j'ai donné la traduction de Louis Segond.

 



 6°) Rösel von Rosenhof 1758

 Historia naturalis ranarum nostratium, (frontispice), J.J. Fleischmann, Nuremberg, viii, 115.

 Je place ici ce frontispice de Roesel alors qu'il introduit à son traité sur les Batraciens car d'une part son épigraphe sera repris par Geoffroy à propos des Insectes, mais aussi parce qu'il est très riche d'enseignement. J'apprécie d'une part le point de vue à hauteur du ras du sol qu'adopte l'illustrateur ; il nous introduit dans une optique de petit animal, où les fleurs sont d'immenses parasols, et les tiges de rosiers ressemblent à des troncs d'arbres sur lesquels il faut grimper. Une mare d'eau prend l'allure d'une mer. On trouve ici les techniques de l'estampe japonaise, avec le renversement de perspective, un champ de vision étroit, un "arbuste" en premier plan mais coupé par les bords de la planche. 

 Une ironie ricanante a fait basculer dans la mare ce socle de marbre de l'antiquité grecque, lézardé (sic), en position excentrée, et en train de sombrer ; et la grenouille qui découvre l'inscription lapidaire :

ADMIRANDA TIBI LEVIUM SPECTACULA RERUM

avec la curiosité d'un naturaliste face à une espèce encore innommée doit se préparer à se retourner vers ses copines pour un bon moment d'hilarité. 

Pourtant, la citation virgilienne est l'une des plus belles, et des plus humbles. 

Ce frontispice a servi de couverture au FASEB Journal d'août 2009, la revue de l'Association américaine des sociétés de biologie expérimentale : les auteurs proposaient alors pour la citation de Virgile la traduction suivante : "Regard with wonder that which the smallest of creatures display", ce qu'il me faut traduire à mon tour par " Regarde avec émerveillement ce que les plus petites créatures te présentent"

 La gravure est due, comme le frontispice d'Insecten Belustigung, au burin de Martin Tyroff ; mais cette fois-ci le dessin et la couleur sont dues à "August Johan Roesel" lui-même : comme nous sommes loin des allégories surannées !

 

                   illustration stylisée

Johann Roesel von Rosenhof ( 1705-1759 ), descendant d'une famille noble autrichienne , était un peintre miniaturiste, naturaliste, et entomologiste dont les spécialités sont les insectes, les amphibiens et  les reptiles, et qui est l'auteur de deux des publications les plus importantes de l'histoire naturelle du 18ème siècle. Les cinq volumes de l'Historia naturalis ranarum sont consacrés à des grenouilles et contient les descriptions détaillées de Roesel sur le cycle de vie , l'anatomie et l'ostéologie de toutes les espèces de grenouilles en Allemagne . Les 300 planches gravées de couleur à la main, produites en collaboration avec son épouse, sont des merveilles d'art miniaturiste qui ont acquis à Roesel la reconnaissance générale.

      Encore un mot. Ai-je dérogé à mon sujet (les frontispices consacrés aux papillons) en plaçant ici cette planche ? Moins qu'on ne le pense ; regardez :

 

 Roesel Ranarum Frontispice

 

 

7°) Poda 1761 :

Insecta musei graecencis Graecii typis haeredum Widmanstadii, 1761 : 

 

Insecta ob corporis parvitatem a vulgo contemnuntur, ab hominis vero cordatis, qui res non magnitudine sed pretio aestimant, in pretio & admiratione habentur.  Aldrovand.

  "Les insectes sont méprisés par les vulgaires pour la petitesse de leur corps. Mais l'homme sage, qui n'estime pas les choses selon leur taille, mais selon leur valeur, les admire et connait leurs mérites" Ulysse Aldrovandi.


) Geoffroy 1762, Histoire des insectes

Admiranda tibi levium spectacula rerum.

Cf Geoffroy et Roesel, supra.

9°) Leonardo de Prunner (1798)  in Lepidoptera Pedemontana

 Cet auteur cite un texte de Linné : il s'agit des quatre premières lignes de l'Impedium Naturae qui introduit le Systema Naturae page 5 :

Deum sempiternum, omniscium, omnipotentem vidi, et obstupui : legs aliquot ejus vestigia per creata rerum, in quibus omnibus, etiam ut fere nullis, quae vis ! Quanta sapientia ! Quam inextricabilis perfectio ! C.A. Linné in imp. Nat. sp. an.

J'ai vu Dieu éternel, omniscient, tout-puissant, , et j'ai été surpris: [...] Quelle force ! Quelle sagesse! Quelle inépuisable perfection! 

 


Sources et liens

— Louis Marin 1987, Esprit créateur, : http://www.louismarin.fr/ressources_lm/pdfs/EsprCreat2.pdf

— Université de Lyon, Frontispices et pages de titre :http://sites.univ-lyon2.fr/lesmondeshumanistes/frontispices/

— Frontispices des livres médicaux : http://www.bium.univ-paris5.fr/expo/sommaire.htm

— HOEFNAGEL , D. I. 1630. Diversæ insectarum volatilium icones ad vivum accuratißime depictæ. - pp. [1], pl. 1-16. [Amsterdam].  :Typis[que] mandatæ a Nicolao Ioannis Visscher,1630  . BHL

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Published by jean-yves cordier
20 janvier 2014 1 20 /01 /janvier /2014 22:56

 

Les frontispices du Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge de Denis et Schiffermüller (1775-1776).


      Michael Denis et Ignaz Schiffermüller étaient deux jésuites enseignant à la très réputée Académie Theresianum de Vienne jusqu'au démantèlement de leur ordre en 1773. Denis enseignait les belles-lettres et Schiffermüller le dessin architectural civile et militaire ; ils étaient l'un et l'autre imprégnés de l'esprit des scientifiques des Lumières. En 1775, il firent paraître une "Annonce" d'une Liste systématique des papillons des environs de Vienne. Le même texte paraît l'année suivante, mais seul le titre change : Systematische Verzeichniß der Schmetterlinge des Wienergegend. Dans les deux cas, aucun nom d'auteur n'est indiqué : on apprend seulement en page de titre que ce travail a été réalisé par des enseignants à l'Académie Impériale du Théresianum. En réalité, lorsque le livre se répand à travers l'Europe des naturalistes (sous le nom de Wiener Verzeichniss, W.V en abrégé), les auteurs ne sont plus "Thérésiens", car l'ordre des jésuites a été dissous en septembre 1773 par l'empereur Joseph II, et ils ont perdu leur poste au Theresianum. 

 Ignaz Schiffermüller.

Beaucoup d'auteurs estiment qu'Ignaz Schiffermüller a été le principal ou même l'unique auteur du Verzeichniss. Un bref portrait de sa carrière est sans doute une introduction nécessaire à la compréhension de sa publication, et de leurs frontispices.

   Né à Linz en 1727, il  a suivi son noviciat auprès des Jésuites, a étudié la Philosophie à Vienne de 1749 à 1752 en s'initiant à la minéralogie et la numismatique auprès des frères jésuites. Au Gymnasium de Passau en 1752-1754, il rencontre Jean-Baptiste Darmani, autre jésuite qui lui fait découvrir la botanique. Puis vient l'ornithologie et l'entomologie. Après une année à Wiener Neustadt où il enseigne la poésie et la Rhétorique, il revient à Vienne : de 1755 à 1759 il étudie la Théologie à l'Université, puis est nommé sous-régent et préfet au séminaire de Saint-Pancrace. C'est en 1759 qu'il intègre l'Académie du Theresianum. Il accomplit sa troisième année probatoire en 1760-1761 à Judenburg où il mène plusieurs Missions en Haute-Styrie. Il reprend son poste au Theresianum comme Préfet des étudiants les plus âgés ; il est nommé professeur en 1765 et il enseigne pendant plus de 15 ans le dessin architectural et l'architecture civile et militaire et la théorie de construction. Il poursuit aussi sa seconde passion, l'établissement d'une nomenclature scientifique des couleurs.

  Pendant ce temps,  son intérêt pour l'Histoire naturelle ne le quittait pas. Son professeur de minéralogie Joseph Franz avait été chargé du Musée des Jésuites en 1759 ; parallélement, François-Etienne de Lothringie le mari de l'impératrice Marie-Thérèse (qui donne son nom au "Theresianum") avait poursuivi un Cabinet d'Histoire naturelle. Ignaz débute en 1757 dans la plus grande discrétion une collection d'insectes (principalement des papillons), mais il est bientôt contraint de la dévoiler à quelques amis. Heinrich Joh. Kerens, professeur de Philosophe et de droit naturel (futur évêque de Roermonds) et  le directeur du Theresianum, tente de le convaincre de publier ses résultats, mais Schiffermüller manque de confiance en lui. Michael Denis, professeur en Belles-Lettres, l'assure de son aide, et ils vont ensemble prospecter la région de Vienne. De 1770 à 1774, ils partent parfois en excursion de dix jours durant, notamment au Schneeberg, dans les Alpes viennoises, à 2000m. d'altitude ; les collègues (on cite Alois de Goldegg et Lindenburg ) et les élèves du Theresianum participent aussi à la collecte des papillons. Schiffermüller a alors 400 chenilles et papillons, et il passe des heures, assis au coté de Denis pour consulter la 12ème édition (la plus récente) du Systema Naturae de Linné. En 1772, il fait publier son traité des couleurs "Versuch eines Farbensystems". Mais en 1773, alors que le classement des papillons était bien avancé, le pape Clément XIV fait paraître la bulle du 21 juillet 1773 abolissant la Compagnie de Jésus ; cette décision prend effet en Autriche le 14 septembre 1773. Denis est alors nommé bibliothécaire de la Bibliothèque Garelli, adjacente à l'Académie ; il se préoccupe de son œuvre poétique (sous son anagramme de Sined le barde), et n'a plus de temps à consacrer aux papillons. Schiffermüller poursuit seul le travail : il totalise 1150 espèces de papillons, alors que Linné n'en avait publié que 450! Non content de les identifier, de les classer et de les nomer, il étudie et décrit leurs différents stades et leurs mœurs. A la fin de l'année 1775, il est prêt, et publie l'Ankündung ou annonce, qui diffère très peu de l'ouvrage qui aparaît en 1776 sous le titre de Systematisches Verzeichnis der Schmetterlinge der Wienergegend herausgegeben von einigen Lehrern am k. k.Theresianum.

  Mais en 1777, un autre coup du sort le frappe : il est nommé directeur du Nordischen Collegiums de Linz. Il s'y rend la mort dans l'âme, emportant sa précieuse collection à laquelle il consacrera à sa passion le peu de temps que lui laissera la direction de 50 élèves. L'année suivante, il reçoit la visite de Paula von Shranck, son aîné de 20 ans dans la Compagnie de Jésus et qui avait été enseignant au collège de Linz de 1769 à 1773. Schrank découvre la collection de Schiffermüller, et reviendra l'aider à la mettre en ordre en 1783. En 1788, le monastère de Linz a été supprimé.

  Plus tard, Schiffermüller obtint le décanat (la cure) de Waizenkirchen, à 40 km à l'ouest de Linz et 260 km de Vienne. A sa mort en 1806, sa collection fut sollicitée par le British Museum, mais un médecin et entomologiste de Linz, Caspar Erasmus Duftschmidt s'évertua à amener la collection à Vienne ; elle fut reçue  par le Cabinet impérial d'Histoire naturelle (Kaiserlichen Hof-Naturalienkabinett) du Hofburg Palace à Vienne avec l'appui de son directeur Carl Schreiber, mais elle fut détruite lors d'un incendie pendant la révolution de 1848. 

 

 

 

 

 

 

       Michael Denis  (1729-1800)                            Ignaz Schiffermüller (1727-1826)

      Denis                                         schifferportfolio mueller                                                     

 ÉTUDE DES FRONTISPICES.

 

 sources d'intérêt :

-intérêt bibliophilique : certains frontispices sont en noir et blanc (exemplaire de Göttingen par ex.) et d'autres sont en couleur. Il existe deux frontispices différents, alors qu'il n'y a eu qu'une seule impression de l'ouvrage, mais deux publications, l'une en 1775 avec le titre Anklündung (Annonce) et l'autre en 1776 sous le titre Systematisches Verzeichniß (Liste systématique ...). 

-Les inscriptions (épigraphes) et l'influence de la poésie latine de Virgile.

-Les espèces de lépidoptères représentées.

-Les Cupidons et les techniques de chasse au papillon.

-Le parc du château de Schönbrunn : culture classique latine et nomenclature zoologique.

-La comparaison avec le frontispice du Traité des couleurs de Schiffermüller paru en 1772.

 



                   Le  Frontispice n° 1.


Cliquez pour agrandir.

            frontispice couleur Denis et Schiffermüller 2

 

      Nous voyons, dans un encadrement de plantes dressées en arc, un jardin "à la française" dont la perspective est fermé par un bâtiment. Trois Amours jouent devant nous au premier plan, alors que des papillons et un oiseau butinent les fleurs. 

  Le charme de ce frontispice est qu'il ne naît pas de la fantaisie d'un illustrateur composant un tableau bucolique pour attirer les lecteurs, mais qu'il répond à un programme très précis établi par l'auteur lui-même, le professeur de dessin Schiffermüller. Aussi, comme ces vignettes de Dictionnaires où l'artiste a réuni différents objets et animaux dont le nom débute par la lettre de l'alphabet qui va être traitée, suscitant alors une curiosité attentive et enjouée du lecteur, ce frontispice cumule les détails significatifs, et, notamment, sert de planche naturaliste illustrant les espèces de papillons décrits dans le volume. 

  On y trouve six espèces animales qu'il s'agit d'identifier ; mais trois autres espèces de lépidoptères ont prêtées leurs ailes aux petits enfants : saurez-vous les reconnaître ? 

— Un angelot brandit un objet : lequel ?

— Les deux autres jouent ensemble, mais à quoi ?

— Les fleurs sont-elles identifiables aussi précisément que les papillons ? Quelles sont-elles ?

— Deux  haies taillées selon l'art topiaire créent des niches abritant des statues. Pourquoi ? 

— Le paysage lui-même est-il identifiable ? 

— Enfin, deux inscriptions sont visibles : que veulent-elles dire ? 

Autant d'énigmes passionnantes. Par chance, comme dans les albums de mots-croisés, la réponse est, partiellement mais avec précision, donnée dans le chapitre VIII du Wiener Verneizchniss, chapitre dont les sept paragraphes sont entièrement consacrés au commentaire du "Titelkupfel", le frontispice.

Le jeu se double d'un jeu des sept différences, en comparant les deux frontispices.

Cerise sur le gâteau, un troisième frontispice... Ah, ça, c'est la surprise !


 I. Les personnages, les insectes et les fleurs.


1°)  N'aviez-vous pas envie de commencer par ces belles fleurs rouges et grimpantes qui attirent l'œil ? Il est assez facile d'y reconnaître Campsis radicans - la Bignone ou Trompette de Virginie.

                                           

 

 

Or, cette plante se nomme en anglais Hummingbirds vine, "Vigne de colibris", ce qui nous aide (si besoin) à nommer le petit oiseau vert dont le bec est introduit dans une des trompettes rouges. C'est le colibri nommé en français Émeraude orvert  et dont le nom scientifique est Chlorostilbon mellisugus Linnaeus, 1758 : un oiseau de 7,5 cm.

                              277px-Histoirenaturel04muls_0195.jpg

 

E. Mulsant et Edouard Verreaux: Histoire naturelle des oiseaux-mouches, ou, Colibris constituant la famille des trochilidés Lyon: Au Bureau de la Société linnéenne,Volume 4 (1861) [2] Louis Victor Bevalet (1808 -) page 194  


Voici le commentaire des auteurs : 

  § II  "Le petit oiseau placé au dessus est représenté dans sa taille naturelle : c'est une espèce de Colibri ou Honigsaucer ("suceur de miel"), l'une des 15 espèces décrites par Linné, Trochilus Mellisugus. Nous savons déjà qu'il existe dans ce Genre des espèces encore plus petites. Sloane et Edward indiquent leur poids, qui n'est que de quelques grains à chaque fois (*). La ressemblance de leur comportement  avec celui des papillons, et notamment avec celui  des Sphinx a déjà été mentionnée dans une certaine mesure ici (Chapitre IV § 4) mais on trouvera plus de développement chez Catesby (**).

( * ) Ici aussi, on trouve dans le beau Cabinet d'Histoire naturelle du Hofrath Freiherr von Buol deux de ces oiseaux qui sont sensiblement plus petit que celui présenté ici dans notre collection, quoiqu'ils semblent être de la même espèce.

( ** ) Ils obtiennent leur nourriture (disent ces auteurs ) comme les abeilles le font des fleurs. Ils sucent le nectar de la même manière avec leur langue, qui est un tube. Ils volent en l'air par un battement d'aile si imperceptible qu'ils semblent flotter au dessus des fleurs sans bouger. Ils butinent d'une fleur à l'autre, et parce qu'ils vivent par eux seuls , " Catesby, Volume I page 65).

 Ce naturaliste a décrit encore (page 65) une autre espèce de ces oiseaux, Trochilus Colubris, sur une Bignone ou "Trompetenblume" ["fleur-trompette"]. Or nous avons cette plante ici, et la Bignone (Bignonia radicans Lin.)  n'est pas rare dans les jardins impériaux : nous y avons fait appel pour représenter le Colibri ici, d'autant que le jardinier impérial M. Reichard ♥ von den Schot nous a assuré que, lors d'un séjour aux Antilles, il en voyait des quantités. [...] Catesby  appelle ces petites espèces Humming Birds "Oiseau-Bourdon" de la même façon que Réaumur , De Geer et autres entomologistes français désignent les papillons crépusculaires par les noms de  "Bourdon" , "Papillons bourdons" ou "Sphinx -bourdon". A contrario, Monsieur Klein donne à ce Genre des Colibris le nom de gatterlinds Papillons Voir Vögelhistories, Vögelverzeichniß , IV famille XIV Geschlet   

 ♥ Sans-doute Johannes Reichardt ou Reichert, jardinier de la cour à Weimar

 

N.B : Trochilus colubris = Colibris à gorge rubis, Archilochus colubris.

Une troupe de Colubris s'en prennent ici à un Bignonia : Peints par Audubon en 1825 :http://www.nyhistory.org/node/30276

 

                                  colibri-gorge-rubis-bignonia-radicans.png


 

 

2°) Juste en dessous de ce Colibri, on voit un papillon, presque plus gros que l'Oiseau-mouche, et butinant le même plant de Bignone. Un Sphinx, à l'évidence, mais lequel ? J'allais tièdement opter pour le petit pourceau, le Petit Sphinx de la vigne Deilephila porcellus. Mais  j'ai été voir la réponse : il s'agit d'une espèce américaine décrite par Linné en 1758 sous le nom de Sphinx vitis et actuellement connue sous celui d'Eumorpha vitis, ou "Sphinx de la vigne" :


                             220px-Eumorpha_vitis_sjh.JPG  

 

 Allons découvrir ce que Schiffermüller (Denis devait sûrement l'appeler "Schiff", ou "le bon Schiff") nous donne comme commentaire : 

 " Le grand papillon qui apparaît sur cette planche en dessous de l'oiseau, aspirant comme lui le nectar des fleurs, est un Sphinx américain, le Sphinx vitis de Linné. Mérian a décrit aussi ce papillon sur la planche 47 figure 1 de ses Insectes du Surinam. Du moins, Linné se réfère à elle. Notre dessin est reproduit très fidèlement, mais en même temps s'inspire de son illustration et de la description que Linné en donne".

Pourquoi les auteurs n'ont-ils pas choisi l'un des 16 Sphinx dont ils donnent la description dans leur ouvrage page 40 à 43 ? Bizarre. Peut-être est-ce à cause de son envergure (85 à 105 mm), qui dépasse la taille du colibri ? Mais le Sphinx tête de mort peut atteindre 13 cm §  Si Denis et Schiffermüller ont placé l'un dessous l'autre un Colibri et un Sphinx, c'est peut-être pour illustrer l'idée d'une sorte de continuité ou de comparaison entre les Ordres du Règne animal : voici leur deuxième paragraphe :

   "Nous avons examiné plus haut ( III. Sect. , principalement § II.et III ) quels étaient les genres de papillon qui ressemblaient le plus aux oiseaux : notre opinion était que les Sphinx venaient à la première place, les Phalènes ou  papillons de nuit à la seconde place, alors que le troisième groupe, les papillons de jour, se rapprochaient des Insectes "Neßflügelichen" (Neuroptera Linné), et notamment des Demoiselles (Libellula). Cette opinion qui a guidé ensuite notre présentation des papillons ne convaincra peut-être pas immédiatement tout le monde, aussi avons nous cru bon d'en donner une démonstration visuelle. 

 Pour remplir l'espace centrale de la Planche apparaissent quelques Génies qui montrent la façon d'attraper les papillons."

  Je note que Schiffermüller désigne les Amours, ou Éros, sous le nom de "Génies" (Genien), ce qui me déçoit car je vois dans ces Cupidons à aile de lépidoptères une préfiguration du grand genre Cupido de Schrank ; Si Schiffermüller avait employé le terme de "Cupido" j'aurais été comblé!


 Pour cette moitié de l'image, je ne dois plus décrire qu'un plant d'œillets et quelques autres plantules que je suis bien incapable de nommer. Passons à l'autre coté.


3°) L'autre plante grimpante qui forme avec la Bignone une fenêtre ovale est bleue : c'est une Ipomée, de la famille des Convolvuceae. Sans-doute Ipomoea purpurea, la Volubilis, symbole de l'amitié dévouée. Cette idée honorerait nos deux ex-jésuites. Ses fleurs attirent trois papillons différents, et une...libellule.

4°) Le premier des papillons, au sommet de l'arche florale, est le Sphinx de l'Épilobe ou Sphinx de l'Œnothère Proserpinus proserpina Pallas, 1772. C'est une espèce qui mesure 20 à 21 mm (ou 36-45 mm Lepinet.fr) et dont l'article Wikipédia indique que "souvent diurne, ce sphinx visite les fleurs à la façon d'un colibri". De même, le site Lepinet.fr signale : "L'abdomen du Sphinx de l’Epilobe est très caractéristique. Court et trapu, il présente des écailles latérales transformées qui lui confèrent une plus grande agilité en vol, un peu à la manière des colibris. Mais la particularité unique du Sphinx de l’Épilobe réside dans ses ailes postérieures jaunes plus ou moins vives bordées de noir, très visibles notamment lorsque le papillon est en vol stationnaire devant une fleur." Pas d'erreur, Schiffermüller poursuit sa démonstration comparative avec les Colibris.

                                              220px-Proserpinus_proserpina.jpg

Voilà le commentaire qu'il y consacre :

 "Sur la page opposée est représenté un Sphinx européen qui appartient à notre famille E, et que nous avons désigné sous le nom de Sphinx oenotherae [cf W.V. page 43]. Sa chenille est tantôt verte, tantôt brune. Elle présente sur le onzième anneau, au lieu de la corne des autres chenilles de Sphinx, un disque en forme de miroir. Cette espèce était initialement étrangère, mais elle est très commune dans les jardins européens, [...] sur la plante sauvage Oenothera biennis Lin. Elle est nommée par certains  "Gelbe Weiderich", par d'autre "Nacht-schlüßelblume" et par d'autres encore "Richkraute" ou Weinblume", par les jardiniers vulgairement "Rapunzel" [Raiponce], mais plus correctement dans le Traité de botanique de Mr Dietrich "Nachtkerze" [Onagre] (*) ."

  

                              

   "On trouve aussi souvent cette chenille sur le "Schottenweiderich" [l'Épilobe], Epilobium palustre et hirsutum."

 

 

 

5°) Pour suivre l'ordre choisi par les commentaires, observons maintenant le papillon posé à la partie la plus basse du rameau fleuri  et qui, à l'inverse des Sphinx et du Colibri, ne butine pas les fleurs ; il est facile de reconnaître ici une noctuelle, et j'avais identifié la Zeuzère du marronnier Zeuzera pyrina en me demandant la raison de sa présence. Vite, le commentaire des auteurs !

 


                              http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Zeuzera.pyrina.jpg

                              Description de cette image, également commentée ci-après

   "Du même coté où se trouve le petit Sphinx est posé au pied du rameau un papillon de nuit aux stries blanches, noires et bleu-nuit. Il correspond à celui que Linné a décrit dans sa Fauna suecica sous le nom de Phalena Noctua pyrina,  mais que Poda nomme Ph. N. aesculi. Il se trouve, dans notre Catalogue, Famille N n°3 parmi les "Spinnen" [Le terme Spinnen correspond chez D &S aux Bombyces de Linné ; cf page 60 : Bleichringigte Spinner ; Phalaena Bombyces albapunctea ; Chenilles rongeant le bois de Lyonnet ; Pferdekastanienspinner ; B. aesculi Noct.L. ]

 Le mâle, qui n'a jamais été décrit à notre connaissance, possède des antennes en peigne très large et tout à fait remarquables. La femelle est décrite par Réaumur (*) et par Schaffer (**), mais elle a chez eux la moitié de la taille naturelle, et la gravure de Schaffer laisse supposer que son propre dessin est très trompeur. On trouve aussi chez Seba (***) une illustration de notre papillon, mais qui montre sur des ailes  ouvertes comme celles d'un papillon de jour, l'aspect [en damier] de la Fritillaire pintade "Blumenblättern der Spielbretblume"(Fritillaria Meleagris) ou un motif semblable à des bonnets intriqués [Traduction très incertaine]

La Phalène aesculi a sur le dessus de ses ailes de fréquents points, ou des taches en partie rondes et en partie allongées, qui ont, sur l'imago fraîchement éclos, l'aspect de velours bleu foncé et qui prennent, selon l'orientation de la lumière la couleur tantôt  bleu ciel, tantôt bleu marine, tantôt bleu-noir."

(*) Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes  Volume.2. planche 38. f.3-4.

(**) Schaffer Abbild. Regensb. Ins. Tab. 31.F.8-9.

(***) Thes. Sebae, in ins. "Phaleine connue sous le nom de Tygre terrestre"...Pyrina Lin.  

 

 

 

6°) Au dessus de cette Zeuzère, juste en dessous du Sphinx de l'Épilobe, mais lui faisant face sur les fleurs d'Ipomée, se trouve l'un des papillons les plus beaux, membre de la noble famille des Papilionidae, et dont les deux Viennois ont donné la première description, ce dont ils pouvaient se sentir particulièrement fiers : la Diane, Zerynthia polyxena ([Denis & Schiffermüller], 1775). 

 § VI  "Au dessus de cette Phalène et en face du petit Sphinx, un papillon est posé sur une "Belle-de-jour" [ "Windeblume", Morgen Glory : Ipomée, Volubilis]. Cette espèce de papillon diurne vit, autant qu'on puisse le savoir, presque exclusivement dans les environs de notre ville, ou là bien plus qu'ailleurs. Ce témoignage vaut aussi envers ceux qui l'ont décrit ailleurs, comme Rösel (*) ou Mr B.R. Scopoli (**). Ce dernier la nomme Hypermnestre. Mais comme Linné avait utilisé déjà ce nom pour désigner un papillon de l'est de l'Inde, nous l'avons nommé Polyxène, désignation destinée aussi à souligner que cette espèce, selon la partition de Linné en Phalanges et subdivision (Equites Trojani, Equites Achivi) et selon sa Nomenclature, vu les marques bleues qui zèbrent son thorax, appartient aux chevaliers troyens  comme Hector, Énée ou Hélène etc. [erreur des auteurs, Linné ne cite pas Hélène (Helena) mais Helenus, masculin.] [ Noms des Papillons diurnes (rhopalocères) créés par Linné dans le Systema Naturae de 1758.]"

( * ) Roesel, Insecten Belust. Tom. IV Bande. page 53 et 54. Le papillon illustré planche VII Fig.1- 2 y est  très beau et exactement conçu sauf le corps dont il manque des pièces.

( ** ) Scopoli, Entomologia Carniolica, page 149.

  "Quelqu'un demandera peu-être pourquoi nous considérons ce papillon comme un Chevalier (Equites,L.) dont les ailes inférieures sont habituellement [schwänge : caudées?] ? Le fait que les deux Chevalier Troyens connus en Europe, Papilio machaon et P. podalirius, portent des queues (caudati) ne fait pas loi. LInné décrit les caractères nécessaires en quelques mots : Alis primoribus ab angulo postico ad apicem longioribus, quam ad basin  [...]

 

7°) Il reste à décrire la libellule verte qui est posée sur une fleur d'Ipomée : c'est, selon les auteurs, l'Agrion jouvencelle, Coenagrion puella, dont on distingue peu de caractères distinctifs hormis peut-être les ptérostigmas sombres.

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 Elle fait l'objet du paragraphe 7 

§VII : "Enfin, un insecte de l'ordre des Neuroptères ( Neuroptera Lin.) se trouve sur ​​le frontispice, juste en dessous du papillon. Pour les lecteurs qui sont encore très nouveaux arrivants en Entomologie, nous dirons que c'est une nymphe aquatique, ou Demoiselle (Wassernymphe oder Jungfer) ( Libellula Lin.), la dernière de la liste décrite par Linné (n° 21 Puella) [En réalité n°18 : Linné page 546] . Les yeux sont écartés l'un de l'autre, et les ailes incolores sont marqués d'un point brun. Le dos et toute la surface supérieure de l'abdomen est vert clair ( corpore viridi aurato) [?]. La poitrine, et la moitié inférieure du corps est jaune pâle, et la plaque arrière a deux lignes jaunes coupées en longueur."

  "Notre intention en plaçant cette petite créature sur l'illustration à côté des papillons est facile de deviner, et nous l'avons déjà indiqué à l'occasion, : nous voulions illustrer la transition avec notre premier genre de papillon, les papillons diurnes, et rappeler aussi dans une certaine mesure à l'esprit les espèces de cet Ordre d'Insectes." 


8°) Les Cupidons et leurs ailes. Deux Amours aux ailes de papillon admirent des papillons épinglés sur un plateau rond ; un troisième tient une baguette (recouverte de glu) et attrape ainsi les papillons ( cf. Virgile). L'Amour de gauche porte les ailes d'un Papilio apollo. Celui de droite est équipée des ailes d'Aglia tau L., l'hétérocère "la Hachette".

— Papilio apollo (ici dessiné par Hübner, ami de Schiffermüller) :

             475px-Parnassius_apollo_-_Roter_Apollo.j

— Aglia tau L. ( site lepiforum Hans-Joachim Weigt) :

                                pic23642_s.jpg

 

— dans les parterres du jardin à la Le Nôtre, cinq autres putti poursuivent les papillons : le groupe le plus proche est formé de trois petits joufflus qui ont soit les ailes blanches et orange des mâles d'Anthocharis cardamines L., l'Aurore., soit les ailes bleus d'un Azuré mâle (par exemple Polyommatus icarus).

Peints par Hübner :

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                                P.icarus%20m+f.jpg 

9°) 



II. L'arrière-plan : Schönbrunn ?

A l'arrière-plan s'étend, autour d'un bassin et d'un jet d'eau central, et d'une allée médiane menant à un bâtiment lointain qui ferme la perspective, trois ensembles de parterres délimités par des lignes de buis. De chaque coté, deux portiques végétaux  sont taillés de dix niches qui abritent, sans-doute, les statues d'Hommes Illustres.

  Bien qu'il soit très vraisemblable que nous soyons ici en face d'un jardin théorique, sorti d'un dessin d'architecte, il est possible d'évoquer le parc du château de Schönbrunn à Vienne, avec ses jardins à la française réalisés par Jean Tréhet, sa Gloriette (1775), sa fontaine de Neptune (réalisée après 1776), et surtout son Grand Parterre, qui avait été bordé, sous la direction de Johann Wilhelm Beyer entre 1773 et 1780, par 32 sculptures grandeur nature représentant des divinités mythologiques et des vertus, œuvres notamment de J.B. Hagenauer.

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        Apollon                  Amphion                   Flore nymphe             Angerona

Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Sculptures_in_the_Sch%C3%B6nbrunn_Garden

Si je m'y attarde, c'est que j'y vois une intention de Schiffermüller qui, dans son rôle de nomenclateur, a dû, comme Linné avant lui, associer la capture d'un nouvelle espèce (sujet du motif des Amours chassant les papillons) avec la détermination d'un nom tiré de la mythologie (comme Polyxène, fille de Priam, princesse troyenne pour leur Papilio polyxena).

J'ai donc choisi parmi les 32 statues de Schönbrunn, celles correspondant à Papilio apollo, Papilio amphion, Les Nymphales, et Angerona prunaria L.1758.

Ces statues répondent aussi en écho aux deux citations latines de Virgile pour illustrer combien les naturalistes de la fin du XVIIIe siècle vivaient dans un monde structuré et scandé par les références à l'Antiquité grecque et latine.

 


III. Les inscriptions et épigraphes.

 

  

—F. Landerer sculpt : gravée par F. Landerer : Ferdinand Landerer (Stein 1730-1795) graveur sur cuivre et peintre, qui contribua aussi aux autres publications de Schiffermüller, notamment son Versuch eines Farbensystems de 1772 (cf infra). Professeur pour le dessin des ingénieurs à l'académie militaire, il était donc un collègue de Schiffermüller. (On mentionne qu'il travaillait à Vienne depuis 1760).

On remarquera que Landerer n'est pas mentionné comme le dessinateur, le peintre ou l'auteur du frontispice (on trouverait alors "Landerer pinct. ou fecit"), et, d'ailleurs, seul un naturaliste a été capable de dessiner et de mettre en couleur avec précision les espèces de lépidoptères : l'auteur est, sans nul doute, Ignaz Schiffermüller. 

— En haut : première épigraphe : Numeros et nomina Virg. Geor I.

 " ÉPIGRAPHE n. f. XVIIe siècle. Courte sentence, courte citation placée en tête d’un ouvrage ou d’un chapitre pour en indiquer l’objet ou l’esprit."


Il s'agit d'une brève —mais cruciale— citation du Livre I des Géorgiques de Virgile. Comme on le verra, elle a été déjà utilisée par Schiffermüller dans son Traité des couleurs de 1772 ; cette répétition d'emploi indique qu'il s'agit, sinon d'une devise personnelle, du moins d'un manifeste auquel le naturaliste se reconnaît particulièrement. Or, elle se traduit par "dénombr(er) et nomm(er)", ce qui résume effectivement la mission que Linné a confié à ses disciples et que tous les naturalistes reprennent à leur compte. Ce Mot d'ordre semble évident, mais pourtant, avant Linné, la nécessité d'une Désignation d'une espèce par un Nom Propre (avec sa structure double générique et spécifique) n'était apparue à personne. 

  Ce dénombrement et cette dénomination est non seulement la base du Verzeichniss avec sa Nomenclature et ses nombreuses nouvelles espèces, mais c'est aussi la préoccupation de tout le mouvement d'exploration des Lumières : on n'appréhende bien que ce qui est nommé, classé, répertorié. Cette taxinomie est caractéristique de l'épistémè de l'époque.

 Numeros et nomina est donc plus qu'un Mot d'ordre : c'est un Credo.

Par ailleurs, les vers de Virgile parlent de la capture des animaux par des "lacs" ou pièges et par de la glu ; ce qui est le sujet du frontispice.

Virgile, Géorgique Livre I. Trad. Itinera Electronica
Du texte à l'hypertexte

[1,130] praedarique lupos iussit pontumque moueri, 
mellaque decussit foliis ignemque remouit 
et passim riuis currentia uina repressit, 
ut uarias usus meditando extunderet artis 
paulatim, et sulcis frumenti quaereret herbam, 
ut silicis uenis abstrusum excuderet ignem. 
tunc alnos primum fluuii sensere cauatas; 
nauita tum stellis numeros et nomina fecit 
Pleiadas, Hyadas, claramque Lycaonis Arcton. 
tum laqueis captare feras et fallere uisco 

1,130] qui commanda aux loups de vivre de rapines, à la mer de se soulever; qui fit tomber le miel des feuilles, cacha le feu et arrêta les ruisseaux de vin qui couraient çà et là: son but était, en exerçant le besoin, de créer peu à peu les différents arts, de faire chercher dans les sillons l'herbe du blé et jaillir du sein du caillou le feu qu'il recèle. Alors, pour la première fois, les fleuves sentirent les troncs creusés des aunes; alors le nocher dénombra et nomma les étoiles : les Pléiades, les Hyades et la claire Arctos, fille de Lycaon. Alors on imagina de prendre aux lacs les bêtes sauvages, de tromper les oiseaux avec de la glu ...

 

— En bas : deuxième épigraphe  Leges et Foedera Virg. G.I. 

Citation de Virgile, Georgiques, I :continuo has leges aeternaque foedera  certis 

[1,60] continuo has leges aeternaque foedera certis 
imposuit natura locis, quo tempore primum 
Deucalion uacuum lapides iactauit in orbem, 
unde homines nati, durum genus.  

[1,60] Telles sont les lois et les conditions éternelles que la nature a, dès le début, imposées à des lieux déterminés, lorsqu'aux premiers temps du monde Deucalion jeta sur le globe vide les pierres d'où les hommes naquirent, dure engeance. 


Le livre est donc placé sous les auspices de Virgile. C'était déjà le cas de l'ouvrage de Geoffroy , qui citait les Géorgiques de Virgile dans sa page de titre : admiranda tibi levium spectacula rerum Virg. Georg. iv..        

      On pourra comparer (et opposer partiellement)  ici  cette page avec le frontispice  de l'Aurelian de Moses Harris de 1778, qui cite, lui,  le Psaume 111 : "The Works of the Lord are Great, Sought out of all them that have pleasure therein"  "Grandes sont les œuvres du Seigneur ; tous ceux qui les aiment s'en instruisent"

 frontispice couleur Denis et Schiffermüller 2

 

 

 

 

                     Le   frontispice n°2 :

 

L'image est inversée à la fois parce que les fleurs et insectes qui se trouvaient à droite sont à gauche et réciproquement, mais aussi parce que le paysage a changé comme si l'observateur s'était retourné pour contempler le parc du château. 

 Si les papillons et la libellule sont les mêmes, ils se sont disposés différemment ; de même l'Ipomée purpurea est placée au dessous de la Bignone, et l'arcature opposée est constituée d'une Ipomée couleur mauve, au-dessus d'une plante à fleurs jaunes ; les œillets ont disparus.

 

             Renaissance Frontinspiz - Papillons de la région de Vienne, 1776

© Antikariat Norbert Donhofer   http://www.antiquariat-donhofer.at/show_content.php?sid=57

 

      Surtout, ce deuxième frontispice permet de mieux détailler les activités des Cupidons.

Techniques de chasse aux papillons chez les Amours (Cupido puer).

Prenons notre loupe : Les Cupidons sont désormais cinq au premier plan : l'un tient un filet particulier, à deux branches articulées en ciseau et dont les deux raquettes carrées se referment sur le papillon. L'autre tend, apparemment, une branche couverte de glu où est accroché un ver de terre (??) et un papillon, les autres se montrent leurs captures ou les fixent sur un de leurs deux plateaux (à fond de liège ?). On foit parfaitement , si ce n'est l'épingle, du moins le geste d'épinglage que fait le petit Éros aux ailes de Hachette.  Un filet plus habituel pour nous, mais assez court est posé à terre. A l'arrière-plan, dans le parterre de gauche, deux Amours pourchassent de leur filet les papillons. On reconnaît dans leur dos au premier plan comme précédemment les couleurs et motifs des ailes de Papilio apollo et d'Aglia tau,et d'Anthocharis cardamines mais aussi, derrière les ailes bleues d'un Azuré, un pan des ailes d'un Nacré ou d'un Collier argenté. 

 Les filets en pince sont trés utilisés à l'époque. Harris les décrits dans son Aurelian (1766 et 1773) comme "Scissors-net" ou plutôt "Scithers-Net" et Michael Samson (2000) indique " c'est une variante du filet qui consiste en une paire de raquettes fixées à deux morceau de fer rivetés l'un à l'autre et dont le manche dispose d'anneaux pour recevoir le pouce et l'index ; selon Harris, les fers à friser des coiffeurs font très bien l'affaire ; on les dénomme parfois "les forceps".

  Mais il n'est pas besoin de traverser la Manche pour les trouver, et Engramelle en donnera une très bonne illustration en 1779 dans son Papillons d'Europe peints d'après nature page 198

  "Ce filet ou pince Fig.23, quoique très bon pour la chasse, n'est pas si commode que les précédents ; il est fort lourd et ne peut de porter dans la poche. Il est par conséquent plus embarrassant à la promenade : à cela près, il réunit tous les avantages des autres, et son exécution est moins coûteuse. Son manche est composé de deux morceaux de bois d'environ trois pieds de long, coudés depuis la charnière a jusqu'en bas, pour que les mains du chasseur ne se touchent pas en fermant le filet ; ses raquettes de gaze ou de marli de treize pouces sur onze, sont entourés d'un fort fil de fer d'une ligne au moins de diamètre, et forcément arrêtées au bout de chaque branche. Pour qu'elles ne se renversent pas en fermant l'instrument, on les assujettit avec deux arc-boutants faits du même fil de fer qui font deux demi-cercles en dehors, comme on le voit sur cette figure."

On notera que le dessinateur est le R.P. Engramelle lui-même, à la différence de toutes les autres gravures de son ouvrage. Peut-être est-ce même un autoportrait ?

(Cliquer pour agrandir)

          Engramelle-chasse-aux-papillons-page-24-filet-en-ciseau.png

 

On trouve un autre modèle, plus éloigné de celui que manie le putto , sur la Planche II :

                            Engramelle-planche-II-Filets.png

   De même, nous voyons mieux sur ce frontispice le jeune "Génie" qui tend un morceau de bois; j'"ai dit plus haut que j'imaginais (influencé par Virgile lui-même) que cet enfant de Vénus tentait de les capturer au gluau. Mais je peux aussi imaginer maintenant qu'il a capturé une femelle, l'a attaché par un fil à son bâton, afin d'attirer les mâles. 

 En digression, cela me rappelle cette gamine de Paris que Nabokov (dans Autres Rivages) avait rencontré sur les quais, tenant attaché ainsi à un fil — selon lui par jeu sadique— un Vulcain.

Là encore, Engramelle atteste de cette pratique, même s'il ne conseille pas d'attacher la femelle à un fil : "Une femelle de papillon est un appât certain pour attirer les mâles : ainsi lorsqu'on aura pris une femelle, on pourra la fixer avec une aiguille sur une tige ou une feuille. Les mâles du canton viendront la visiter."

 Cette méthode était utilisé par les éleveurs de Bombyx du mûrier pour l'accouplement : 

Abbé Brotier, 1793 "Mémoire sur les connaissances et l'usage de la soie chez les Romains" in Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles lettres, Volume 46 page 458:

Quand les papillons sont entièrement sortis de leur cocon, et que leurs ailes sont développées, on les prend, on les attache avec un fil par une aile à un petit faisceau de moelle séchèe de grand millet, ; le fil avec lequel on les attache doit être assez long pour leur laisser la liberté de marcher et de voltiger ; on attache à chaque faisceau un papillon mâle et un papillon femelle, chacun à une des extrémités du faisceau et le dos tourné l'un à l'autre. Il y a en a qui n'attachent au faisceau que la femelle, et laissent le mâle en liberté : d'une façon ou d'une autre l'accouplement est bientôt fait.

 

 

 

III. LE CHAPITRE VIII DU WIENER VERZEICHNISS : LA DESCRIPTION DU FRONTISPICE.

On trouve, si on en avait besoin, un argument supplémentaire pour considérer ce Frontispice comme un Manifeste lorsqu'on découvre que le chapitre VIII du Verzeichniss est consacré à le décrire, sous le titre Erklärung der Titelkupfers ("Explication sur le Frontispice"). Il comprend les pages 236 à 244 réparties en sept paragraphes.

(Transcription du texte en caractères typographiques "fraktura" sous toutes réserves, et avec de nombreuses erreurs)

                                             

 

                                                    I §.

 


   Nun einmal hinweg mit Streitigkeiten ! Zweifel, Einwürfe, Werkmale oder Unterscheidungszeichen, Ab // und Untertheilungen, Namen, Beinamen, und was dergleichen mehr trocknes Zeug ist, hat lange genug gedauert.

Wir gestehen es ; wer wird es aber bei dem unzählichen heere der Insecten zu einer ordentlichen naturgeschichte nicht vorläufig nöthig finden ? Allein nun sind wir über alles, was ermüden konnte, weg ; nun därfen wir gleichsam das Amt verdrießlicher Schullehrer niederlegen : und in einem gefälligeren Tone nur erzählen, was löbliche Wißbegierde begnügen, was angenehme Bewunderung erwecken, was etwan auch häusliche Würthschaft befördern kann.

Die wenigen Kupfertafeln haben wir beygefüget, um etwa manchen, in der Schmetterlinggeschichte bisher unbewanderten Lesern oder auch angehenden Insectenförschern von einer jeden der neun theils Gattungen, theils Abheilungen ein  oder zwei Beispeile vor Augen zu legen, und dadurch richtigere begriffe beyzubringen ; oder auch (es sei nun schon gesagt) um uns und unsere sonst sehr geschickte, aber in diesem Fache noch unerfahrne Künstler da, bei diesem Bande, zu üben, wo kleine Unrichtigkeiten, wenn welche unterliesen, weniger nachtheilig wären.

sonst sehr geschickte , aber in diesem Fache noch unerfahrne Künstler da, bey diesem Bande, zu üben, wo kleine Unrichtigkeiten, wenn welche unterliefen, weniger nachtheilig wären. 

 

                                         II §

 

Wir untersuchten oben (III. Absch.,vornehmliche II.u.III. §) welche von den angenommenen den Schmetterlinggattungen vor den zwey übrigen mehr Achnlichkeit mit den Vögeln hätte. Unser Ausspruch war, dieser Vorzug komme den Abendschmetterlingen oder Schwärmern zu; den Phalänen bestimmten wir den zweyten Platz, und nur den dritten den Tagschmetterlingen oder Faltern, als die den netzflügelichten Insecten (Neuroptera L.) namentlich einigen Jüngferchen (Libellulae) näher kamen.

Diese Meynung, die uns dann in der Anordnung der Schmetterlinge leitete, wird vielleicht nicht bey allen Liebhabern der Insectenkenntniß sogleich Beifall erhalten. Wir fanden daher für gut , sie einigerweise auch ihren Augen zur Prüfung vorzulegen. Den Mittelraum der Tafel anzufüllen , schienen einige Genien , die die Art, Falter zu haschen, vorstellten, vor andern Dingen dienlich. Aber die einzelnen darauf vorgestellten Thierchen möchten manchen unserer Leser zum Theile unbekannt seyn. 

 

                                          III §


    Der kleine, oben, ganz in seiner natürlischen Größe geschilderte Vogel ist eine Art des Kolibri oder Honigsauger, den herrn von Linné die fünfzehnte (Trochilus Mellisugus). Man weiß schon, daß es von dieser Gattung noch kleinere Arten giebt. Sloane und Edward geben ihr Gewicht an, das jedesmal von weinigen Granen ist*. Wie viele Aehnlichkeit aber ihre Lebensart mit jener der Schmetterlinge, vornehmlich der Schwärmer, habe, ist schon oben (IV. Abschnitt IV §) einiger massen angezeigt ; und man kann es noch genauer aus Catesby** vernehmen.


(*)Auch hier finden sich in dem ansehnlichen naturalienkabinete des Hofraths Freiherr von Buol zwey solche Vögelchen, die merklich kleiner sind, als das hier aus unserer Sammlung vorgestellte ; ob sie schon von der nämlichen Art zu seyn scheinen.

(**) Sie erhalten ihre Nahrung (schreibt verselbe) nach Art der Bienen, von Blumen. Sie saugen den Honigchau aus denselben mittels ihrer Zunge, die ein Röhrchen ist. Sie erhalten sich in der Luft durch ein so schnelles, so unbemerkliches Flattern, daß sie ohne alle Bewegung der Flügel über den Blumen zu schweben scheinen. Sie schwärmen von einer Blume zur andern ; weil sie von diesen allein leben » I. Bande. 65.S.

 Dieser Naturforscher stellt eben dort (65. Tafel) eine Art dieser Vögelchen (Trochilus Colubris L.) auf einer Bignonie oder Trompetenblume vor, ohne doch eine Ursache davon zu geben. Wir haben eben diese, hier in den kaiserlichen Garten nicht seltene Pflanze (Bignonia radicans Lin.) mit dem Vogel zu schildern um so viel mehr gewählet, weil uns der k.k . Hofgärtner Herr Reichard (*) von der Schot versichert, daß man diese Vögelarten, derer er einst in den antillischen Enländern eine beträchtliche Menge auf Rosten weil. 

  Franz des I. gesammelt hatte, meist mit dieser Blume fange ; indem man sie von einer Laube mit zweey Fingern ausstreckt, und dann des begierig darein stechenden Vogels Schnabel seft hält. Catesby nennt diese kleinsten Arten "Humming Birds", bienenartig Summende Vögel ; wie Réaumur, de Geer und andere französische Entomologen die Abendschmetterlinge mit dem Namen "Bourdons", "Papillons-bourdons" oder "Sphinx-bourdon" belegen. Dem Herrn Klein aber heißt eben diese Gattung der Vögel auch glatterdings Schmetterlinge. Man sehe seine Vorber, zür Vögelhistorie, furzes Vögelverzeichniß, IV. Familie XIV. Geschlet.

 


                                                  IV §

      Der große Schmetterlinge, der auf dieser Tafel unter dem Vogel, aus den Blumen der nämlichen Pflanze saugend, erscheint, ist ein amerikasnischer Schwärmer, Sphinx Vitis Lin. Auch Merian hat diesen Abendschmetterlinge auf ihrer 47. Tafel I fig. (Ins. Surinam) geschildert. Wenigstens beziehet sich der Hr. v. Linne darauf. Unser Stück, das getreulich entworfen ist, weichet doch von ihrer Abbildung sehr merklich ab ; trifft aber zugleich mit der linneischen Beschreibung um so viel richtiger ein.

 Auf der entgegengeseßten Seite kommt oben ein kleiner europäischer Schwärmer vor. Er steht in der Familie E, und heißt uns Sphinx Oenotherae. Seine Raupe ist  bald grün, bald braun ; hat auf dem eilften Ringe, statt des ben andern Schwärmerraupen gewohnlichen hornes, eine länglischtrunde, ein wenig erhobene, spiegelförmigte Wackel.

Sie lebt auf einer  ursprünglich fremden, nunmehr aber in den europäischen Garten sehr gemeinen,  ja hier auch schon außer denselben zuweilen wild wachsenden Pflanze, oenothera biennis Lin. ; 

Die von einigen gelber Weiderich, von andern Nachtschlüßelblume, und wieder von andern Richkraut oder Bleinblume, von den Gärtnern insgemein Kapunzel, von Hrn Dietrich aber (Pfl. R.) schicklicher Nachtkerze genennet wird.(*). Man findet diese Raupenart doch fast eben so oft auf einem ganz inländischen Sumpfges wächse, dem Schottenweiderich (Epilobium palustre und hirsutum), von dem wir aber schon einer andern Schwärmerart ben Namen gegeben hat.


(*) Dieser Namen ist von dem nachtlichen Aufblühen der hochgelben in einer langen Lehre stehenden Blumen herenommen, und schon auch von dem Nomenclator der linneischen Pflanzengattungen (Versuch einer deutschen Nomenclatur der linneischen Gattungen. Erfurt)  allein angewendet worden. Die übrigen angeführten Veneunungen kömten die Pflanze seicht mit der Campanula Rapunculus und Rapunculoides, mit der gemeinen Lysimachia und Polygala und mehr andern, benen dieselben edenfalls bengelegt werden, vermengen machen.


 

 

                                             V §

 

    Auf der nämlichen Seite mit dem kleinen Schwärmer ruhet unten an den Ranken ein weißer, schwarzblaugesprengter Nachtschmetterling. Er stellet denjenigen vor, der bei Hrn v. Linne einst (fauna suec.) Ph. Noctua Pyrina hieß ; ist aber, nach Poda (**) dei Namen Ph. N. aesculi führet. In unserm verzeichnisse kömmt er unter den Spinnern vor, (Fam. N, n°3), zu denen er ganz gewiß gehöret. Das Männchen, das, soviel uns bekannt ist, noch nirgends abgebildet, oder beschrieben ist, hat sehr breit gekämmte ganz sonderbare Fühlhörner. Das Weibchen ist bei Réaumürn (*) und Schäffern geschildert ; aber bei jenem hat es kaum die Hälfte der natürlichen Größe ; und das schäffersche Bild läßt vermuthen, daß  desselben Urbild gar sehr verlogen war. Bei Seba wird ebenfalls eine Abbildung für den gegenwärtigen Spinner angegeben (**) ; allein sie zeigt Schmetterlingsflügel, die durchgehends den Blumenblättern der Spielbretblume (Fritillaria Meleagris) oder der Verflechtung eines Körbchens ähnlich sehen . Die Phalaena aesculi hat auf ihren niedlichen weißen Oberflügel häusige Puncte, oder theils runde, theils länglichte Fleckchen, die, wenn der Schmetterling frisch ausgekrochen ist, einigermassen erhoben, einem dunkelblauen Sammet sehr ähnlich, und bey verschiedener Wendung bald hellblau, bald seegrün, bald schwarzblau scheinen. Wie werden zu seiner Zeit beydes Geschlecht samt der Raupe mit der größten Genauigkeit zu entwerfen trachten.

(**) Insecta Mus. Graec. Pag. 88. Ph . Noctua, Hippocastani.

(*)  Tom.2.tab.38. f.3-4.

(**) Abbild. Regensb. Ins. Tab. 31.F.8-9.

(***) Thes. Sebae, in ins. Phaleine connue sous le nom de Tygre terrestre...Pyrina Lin.

 

                                         VI §

 

  Ueber diesem Spinner, zu nächst bei dem kleinern Schwärmer ist ein buntscheckichter Falter an einer Windeblume vorgestellt. Dieser artige Tagschmetterling wohnt, soviel bisher bekännt ist, fast nur in der nächsten Gegend um unsre Stadt, oder doch nirgends häusiger, als hier herum. Dieß Zeugniß gegen auch die, die ihn anderswo beschrieben haben, Rösel (*) und H. B. R. Scopoli (**). Der letztere nennt ihn Hypermnestra ; aber da der Ritter Linnäus diesen Namen schon einem ganz verschiedenen ostindischen Falter (Papil.198) beygelegt hat, haben wir denselben mit Polyxena verwechselt, welche Benennung zugleich andeuten soll, daß diese Schmetterlingart nach der linnäischen Nomenclatur und Untertheilung (Equites Tröes, Equites Achivi) im Betrachte der blutrothen Mackeln, die sich an der Brust des Thierchens jederzeit zeigen, zu den trojanischen Rittern, wie die P.P Hector, Aeneas, Helena u.s.m. Gehöre.

(*) Insecten Belust. Tom. IV. Bande. 53 u.54 . S. Der Falter ist dort (Tab. VII. Fig.1-2) sehr schön und genau entworfen, den Leib ausgenommen, der an dem ihm zugeschickten Stücke mangelte.

 (**) Entomolog. Carniol. Pag. 149.54

 Uber mit welchen Grunde, wird vielleicht jemand sagen, zählt man diesen Falter überhaupt den Ritter (Equites L.) dei, die sonst an den Unterflügeln Schwänge tragen ?Daß die zween in Europa bisher bekannten Ritter, P. Machaon und P. Podalirius, geschwänzet sind (caudati), macht noch kein Gesätz. Linnäus meldet bei Bestimmung dieser seiner ersten Phalanx mit keinen  Worte von diese

n Anhängen, die seine ost »und west » indischen, Ritter zum Theile haben, und zum Theile gänzlich vermissen. Er nimmt für den Charakter jener falterarten nur das Verhältniß des Maakes an, das an den Oberflügeln der Untenrand gegen dem Innenrande hat (« Alis primoribus ab angulo postico ad apicem longioribus, quam ad basin »). Nun aber haben die Oberflügel aller vollkommen ausgewachsenen Stücke dieser Art wirklich einen längern Unten als Innenrand. Der Leib ist über dieß nach der Länge bunt gestreiset, die Unterflügel sind sehr verlängert (*) und an der innern Seite hohl ausgeschreiset ; sie umfassen  daher auch den Leib des ruhenden Falters nicht, ja sie stehen von demselben sehr merklich ab. Dieß sind aber sämtlich deutliche Verkmaale, durch die sich die erwähnten zwo europäischen Ritterarten, auch ohne die geschwänzten Unterflügel von andern Faltern immer unterscheiden würden. Ja der scharfsichtigste Reaumür hat das letztere, die hohlgekrümmten, den Leib in der Ruhe nicht umfassenden Unterflügel für sich allein für ein so beträchtlich Unterscheidungszeichen seiner vierten Falterclasse (Les Papillons à queüe) angesehen, daß ner ausdrücklich erinnet, Falter, die so gestaltete Flügel trügen, würden von dieser Classe seyn, wenn auch die Flügel nicht in Schwänze verlängert wären (**) ; ebwohl dergleichen Falterart zu seiner Zeit noch nicht entdecket war. Endlich kann man wohl auch an den Unterflügeln unsrer Art die vier oder fünf Zahne, die gewiß sonderbar, und durch die Zeichnung oder durch den bunten in den Mittelraum vordringenden Saum gleichsam verlängert sind, einigermassen für Schwänze gelten lassen.

(*) Diese Länge der Unterflügel ist auf der Lafel noch nicht genau ausgebrücket.

 

(**) Mémoires pour l'Hist. Des Ins. Tom. I. Mem. VI. Pag.345.

So dachten wir, bevor wir noch die Raupe kannten. Als wir dieseentdeckten, und sahen, daß sie, ganz wie die Fenchel und die Mandelfalterraupe, zu ihrer Vertheidigung am Genicke eine fleischichte Gabel verborgen habe, wurden wir in unsrer Meinung um so viel mehr bestättiget.

Die Raupe ist sehr artig, an zacken und allen farben, was sent sehr selten, dem falter ähnlich.  Aber wir müßen uns für die eigentliche Geschichte der Art etwas vorbehalten !

   Nur eines können wir noch zu erörtern  nicht wohl umgehen. Wohl belesene Naturforscher möchten uns sonst etwa, da wir dieser, als einer der hiesigen Gegend meist eigenen Art auch einen neuen Namen schöpfen, eines nicht geringen Versehens beschuldigen. Wird sie denn nicht, können sie sagen, schon vom Linnäus in dem Natursysteme unter dem Namen Rumina (Pap. N° 200) genau beschrieben ? Ist sie nicht auch bei Catesby unter den carolinischen Vögeln (*) deutlich entworfen ? — Wir müßen gestehen, daß die catesbysche Abbildung auch uns gleich beim ersten Anblicke auf den Gedanken geführet hat, man habe durch die selbe unsern Falter schildern wollen. So gleich oder ähnlich sind Größe, Flügelform, Wackeln, Zeichnung und Farben. — Aber wie ? Soll sich diese österreichische Falterart zugleich in Carolina finden ? Nein ! Man hat nicht nöthig, sie gar so weit entfernet zu glauben. Denn, obschon H. v. Linne Catesbys Schilderung anziehet, überseßet er doch seinen P. Rumina in unser Europa (« habitat in Europa australi »).

*) Catesby, carolina, Vol. 2, tab. 95.

 

Und freilich, Catesby giebt ja selbst seinen Schmetterling, ob er ihn schon unter den carolinischen Vögeln anführet, für keinen Amerikaner aus : er zeigt im Gegentheile durch die lateinische Aufschrift (« Papilio medius Gadetanus ») deutlich an, daß derselbe in der gegend von Cadix zu hause sei. Mit Spanien und Portugal aber hat die Wienergegend auch einen P. Daplidice, eine PH. Noct. L. album, eine Ph. Geom. Pantaria und mehr andere Schmetterlinge gemein — So ist denn kein Anstand mehr, die zween falter für eine und die nämliche Art zü erklaren ? — Ja doch ! Ein sehr breites schwarzes Querband auf denden Seiten der Unterflügel, eine hochgelbe sehr verbreitete Wackel auf der Unterseite eben derselben, sechs rothe Fleckten auf der Oberseite der Borderflügel, die auch Hr. Linnäus für ein Unterscheidungszeichen des Rumina aufgenommen hat, (supra in primoribus alis punctis sex...rubis ») und dergleichen andere Werckmaale, die sich bei dem catesbyschen, nie aber bei unserem Falter finden. — Wie nun?— Wir sind der Meinung, die Rumina Lin. sei eine verschiedene Art, die sich doch ganz an unsere Polyxena anschmiegt (*).

  Seba entwirft (The. Tom.4 Tab. 40 f.14) eine dritte, die gleichfalls der unsrigen an der Zeichnung und dem Flügelrande sehr ähnlich steht, aber als seladongrün beschrieben wird (**). Würden wir nicht manchen Naturforscher einen gefälligen Dienst leisten, wenn wir, um dergleichen Verwandtschaften ins Licht zu seßen, solche ausländische Schmetterlinge bei der Geschichte und Abbildung unserer Familie, etwa in Vignette beifügten ?

 

 

(*) Was wir von dem osbeckischen Falter, den der Ritter ebennfalls für den P. Rumina anführet, halten sollen ; sind wir noch ungewiß. Ja der Beschreibung desselben (« Pa. Tetrapus ; alis ex coccino luteo argenteo nigroque variegatis ») macht uns sonderbar das argenteo irre.

 

                                                  VII §

 Endlich ist auf dem Titelkupfer, gleich unter dem Falter, von dem bisher gehandelt worden, ein Insect aus der Ordnung der mit neßförmigten Flügel (Neuroptera Lin.) vorgestellet. Nur für diejenigen Leser, die in der Insectenkenntniß noch gar sehr Neulinge sind, haben wir beizuseßen, daß es eine Wassernymphe oder Jungfer (Libellula Lin.) und zwar eine Abänderung der leßten linneischen Art (n°21. Puella) ist. Die Augen sind von einander entfernet ; die in der Ruhe aufgerichteten ganz ungefärbten  Flügel haben einen braunen Randpunct ; der Rücken und die ganze Oberseite des Hinterleibes ist blankgrün (corpore viridi aurato) ; die Brust, und die untere hälfte des Leibes blaßgelb ; der Rückenschild mit zwo gelben Linnen nach der Länge durchschnitten. Die Absicht, die wir hatten, dieses thierchen auf der Tafel neben den Schmetterlingen zu entwerfen, wird man leicht errathen ; ja wir haben sie schon ein und andersmal angedeutet : wir wollten den Uebergang von unsrer letzten Schmetterlinggattung, den Faltern, auf die Arten dieser Insectenordnuug einigermassen auch vor Augen legen. Doch läßt sich ein richtiges Urtheil von der Verbindung zwoer dergleichen Ordnungen nur aus der Vergleichung einer größer Anzahl solcher Arten fällen.

 

 

      IV. LE FRONTISPICE DU VERSUCH EINES FARBENSYSTEMS    de SCHIFFERMÜLLER (1772).

https://archive.org/stream/versucheinesfarb00schi#page/n3/mode/2up

 

  Il est très interessant, pour comprendre le Wiener Verzeichniss de Denis et Schiffermüller, de jeter un coup d'œil au Versuch eines Farbensystems que Schiffermüller avait fait paraître en 1772, trois ans auparavant, car les ressemblances entre les deux livres sont frappantes : même éditeur, Augustin Bernardi, même disposition typographique du titre, bien qu'elle reçoive ici la gravure qui sera isolée en frontispice, même graveur Landerer, même mention de la fonction d'enseignant au Theresianum (im K.K theresianischen Collegio), même disposition du texte, et même façon de faire surmonter chaque page d'un motif à trois couronnes de fleurs ; même typographie intérieure, même système de notes en bas de page. 

  Lorsqu'on vient de détailler le frontispice du Verzeichniss, il est étonnant de rencontrer dans la gravure du Farbensystems des éléments communs : les Éros (sans ailes ici, bien-sûr) y forment un groupe central étudiant la théorie des modulations de couleurs, mais d'autres explorent le milieu naturel et semblent procéder à la collecte, dans des boites, d'échantillons alors que d'autres observent l'eau s'écoulant d'un jet et, vraisemblablement, la palette de ses reflets irisés. Dans une planche intérieure, on les retrouvera encore, étudiant les variations chromatiques de la lumière.

Pareillement encore, on retrouve la succession de niches abritant des statues, et cela renforce la conviction que chaque détail est voulu, réfléchi, et porte un sens à décrypter.

 Cette conviction culmine avec la découverte des mêmes épigraphes de Virgile, placées de la même manière aux deux antipodes d'une couronne de rameaux.


                          Schiffermuller-Versuch-eines-farbensystems-1772.png

 

 

                          muller.jpg

 

 

Sources.

— [Schiffermüller, Ignaz, et Michael Denis] : Systematisches Verzeichniß der Schmetterlinge der Wienergegend herausgegeben von einigen Lehrern am k.k. Theresianum. Wien, Augustin Bernardi, 1776. avec un frontispice en couleur, page de titre calligraphiée, 2 planches gravées et une vignette, 322 pages, in 4°. 

 

— HOFFMANN (Emil, Linz-Kleinmünchen), 1952 ,  "Ignaz Schiffermüller", Zeitschrift der Wiener Entomologischen Gesellschaft, 37.Jahrg.(63Band), 15 Oktober 1952 n°4-5 pp 57-64.

http://www.landesmuseum.at/pdf_frei_remote/ZOEV_37_0057-0065.pdf

—MALICKY, "Ein Besuch bei Ignaz Schiffermüller", Entomologisches Nachrichtenblatt 8,4, avril 1961. http://www.landesmuseum.at/pdf_frei_remote/EN_8_4_1961_0001-0004.pdf

— SPETA (Franz) 2003   "Schiffermüller (1727-1806) Une biographie ", Denisia (8) sept.2003 11-14. http://81.10.184.26:9001/personen_add/Schiffermueller_Ignaz_DENISIA_0008.pdf

"Ignaz Schiffermüller der erste Wissenschaftlich arbeitende Lepidopterologe, eine Sohn Oberösterreich" Apollo, sn, sd.  http://www.landesmuseum.at/pdf_frei_remote/APO_19_0001-0002.pdf

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Published by jean-yves cordier
18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 11:27

 Denis et Schiffermüller "les thérésiens" : à la découverte de leur Verzeichniß (1775) .


      En 1775-1776 parut à Vienne le Catalogue des papillons des environs de Vienne, sans nom d'auteur, quoique le titre indique  qu'il a été écrit par des membres de l'Académie Impériale Theresian. Aussi Oberthür les nommait-il, en 1910, "les Thérésiens". Ignorant tout de cette "Theresian", j'ai voulu en savoir plus ; j'ai  découvert à cette occasion les frontispices de cette publication, qui sont de vrais rébus dont le décryptage fait les délices d'un amateur.

Les frontispices du "Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge" de Denis et Schiffermüller (1775-1776).

       L'origine de ce nom de Thérésien fut très simple à découvrir, et c'est seulement mon manque de culture générale qui me faisait ignorer l'existence du Theresiangasse, et comment Marie-Thérèse d'Autriche (d'où lui vient son nom) vendit l'ancienne résidence d'été préférée (Favorita) des empereurs autrichiens aux Jésuites afin qu'ils y créent une école destinée à former les jeunes gens de l'élite viennoise. Des candidats triés sur le volet apprenaient dans la nouvelle "Theresianische Ritterakademie", selon les méthodes les plus modernes, les base d'une future carrière dans l'administration. Parallèlement s'y trouvaient une Académie militaire et une Académie des Langues Orientales préparant aux carrières militaires et diplomatiques. Tenu de 1746 à 1773 par les jésuites de la Compagnie de Jésus, l'école portait le nom de "Collegium Theresianum". A la dissolution en 1773 de la Compagnie de Jésus par l'Empereur Joseph II, consécutive à une bulle du pape Clément XIV, l'établissement devint une "Ingenieurakademie" avant de retrouver son nom et ses fonctions de "Theresianische Ritterakademie" sous la férule des frères Piaristes.

Or, je ne pouvais ignorer plus longtemps non plus que les Jésuites portaient un intérêt à toutes les sciences en général, mais à l'Histoire naturelle en particulier, et qu'ils disposaient non seulement de Musées d'Histoire naturelle, mais aussi, parmi leurs membres, de Pères particulièrement érudits en minéralogie, conchyliologie, botanique ou zoologie. Le Muséum du Père Kircher (Museum Kircherianum) , complété par Philippe Bonnani,  à Rome, ou l'Histoire naturelle de Pologne (1721) du Père Rzaczynski en témoignent, tout comme le Musée du Collège des Jésuites de Gratz, en Styrie. 

  Le nom des auteurs était une première énigme : ce catalogue viennois (Wiener verzeichniss)  a été attribué traditionnellement à Johan Nepomuk Michael Denis et à Ignaz Schiffermüller, et cela a été officialisé par l'Opinion 516 (Hemming, 1958) de la Commission International de Nomenclature Zooologique ICZN. Néanmoins, en 2005, Kurda et Belicek se sont déclarés  convaincus  que Schiffermüller était le seul auteur, alors que K. Sattler et W.G. Tremewan , in Nota lepid.33(1) ; 3-10, ont démontrés au contraire que derrière « les Thérésiens » pouvaient se cacher plusieurs auteurs.

  Après le coup d'envoi du Systema Naturae de Linné dans sa dixième édition de 1758, les collectionneurs européens ont eu à cœur de décrire et de nommer les espèces de lépidoptères de leur collection, ou d'explorer les environs à la recherche d'espèces inconnues : ce fut le cas du médecin français Geoffroy en 1762 pour les Insectes des environs de Paris, ou de J. Caspar Fuessly pour Entomologia Carniolica en 1763 (Duché de Carniole, actuelle Slovénie), de Moses Harris pour les papillons de Grande Bretagne. La même année 1775 où parut ce Catalogue "des environs de Vienne" référence implicite au titre de Geoffroy, Fuessly publia son étude des papillons de Suisse. 

Néanmoins, il faut signaler l'importance qui est donnée dans le Wiener verzeichniß à un auteur français plus ancien, passionné des métamorphoses des chenilles : René-Antoine Ferchault de Réaumur.

Rappel chronologique :

  • 1734-1742 : Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, 6 volumes.
  • 1758 : Linné, dixième édition du Systema Naturae.
  • 1761 : Linné, Fauna svecica, 2ème édition
  • 1762 : Etienne Louis Geoffroy, Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, 2 volumes in-4°, Paris.
  •  1763 : J.A. Scopoli, Entomologica Carniolica, Vienne. https://archive.org/details/ioannisantoniisc00scop
  • 1766 : Moses Harris, The Aurelian or Natural History of English Insects, namely Moths and Butterflies. puis en 1775 The English lepidoptera, or the Aurelian's Pocket Companion.
  • 1767 : Linné, 12ème édition du Systema Naturae.
  • 1775 : J.C.Fabricius, Systema entomologica.
  • 1775 : Rottemburg (S.A.von)  "Anmerkungen zu den Hufnagelischen Tabellen der Schmetterlinge", in Der Naturforscher, J.J Gebauer Witwe und J.J Gebauer :Halle
  • 1775 :  J. Caspar Fuessly .  Verzeichnis der ihm bekannten schweizerischen Insekten mit einer ausgemahlten Kupfertafel: nebst der  Ankündigung eines neuen Insecten Werks,  Zürich, H. Steiner,1775. http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/65772#/summary
  • 1775 : Denis et Schiffermüller,  Ankündigung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend. /1776  Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge
  • 1776 : J.C. Fabricius  Genera insectorum
  • 1776 : Otto Friedrich Muller, Fauna inscetorum Fridrischdaliana. Zoologiae Daniace Prodromus.
  • 1775 à 1782 : Caspar Stoll et Pieter Cramer, Die uitlandische Kapellen :description de 1650 espèces du Surinam.
  • 1777-94 : J.C.Esper Die Schmetterlinge in Abbildungen nach der Natur, 
     1-5, seconde édition avec additions   par Toussaint von Charpentier en 1829-1839.
  • 1779-1792 :  Jacques-Louis Florentin Engramelle, Papillons d'Europe peints d'après nature par M. Ernst, gravés par M. Gérardin, et coloriés sous leur direction, décrits par le R.P. Engramelle, religieux augustin du quartier de Saint Germain, À Paris chez Delaguette/ Basan & Poignant, 29 cahiers, 8 volumes.

 

 Avec l'ouvrage de Geoffroy, le fameux Catalogue viennois ou « Wiener Verzeichnis » de 1775-1776 a été la publication la plus influente de la fin du 18ème siècle dans la jeune Europe des lépidoptéristes, et elle a fait l'objet de différents travaux concernant son titre, l'année de sa sortie, ses auteurs et la validité des noms d'espèce. Elle fut en effet publiée en 1775 sous le titre Ankündung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend, et l'année suivante sous celui de Systematisches Verzeichniß der Schmetterlinge der Wienergegend. Bien que cela suggère différentes éditions, le texte ne fut imprimé qu'une fois (Sherborn in Prout 1900 : 158) ; néanmoins, il y a deux frontispices différents, deux différentes pages de titre, et deux versions différentes, inversées en miroir, des planches (versions à la fois colorées et noir et blanc).

 

 

                       I. LES DIFFÉRENTS EXEMPLAIRES .


(A) = Ankündung.

(S)= Systematisches

F1 Frontispice n°1 n-b (noir et blanc) /c  Couleur.

F2 Frontispice n°2

 

Je n'ai pas trouvé de recensement exhaustif des exemplaires ; Kudrna et Belicek (2005) donnent la liste provisoire suivante de 6 à 7 exemplaires:

-Bibliothèque Nationale de Vienne

-Bibliothèque Nationale de Prague,

-Bibliothèque Nationale de Münich

-Peut-être à la Bibliothèque Nationale de Paris (selon J. Diller ; non retrouvé par mes recherches)

-British Library

-British Library, Bloomsbury

-Linnean Society de Londres 

J'ai personnellement constitué la liste suivante : 

 

 

  

1. Exemplaire de la Bibliothèque du Forschungsinstitut und Naturmuseum Senckenberg de Francfort (selon Sattler): il a d'abord appartenu à J. C. Gerning (qui est mentionné dans le Supplément (Nachtrag) du  ‘Wiener Verzeichnis’ comme le collectionneur de plusieurs espèces de Francfort) puis il a été acquis par  C. von Heyden. Cet exemplaire est  accompagné par deux pages de titre et en outre a un index imprimé unique de 29 pages avec pagination indépendante (pp. 1-29 ) et des plaques.

2. Bibliothèque du British Museum (selon J. Prout). (A)

3. Linnean Society : (A)

 

                 Exemplaires disponibles en ligne :

2. Göttingen : (S) F1

 http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN574458115&DMDID=DMDLOG_0001&LOGID=LOG_0003&PHYSID=PHYS_0010

— ex-libris : Ex Bibliotheca Acad. Georgiae Augustae

Frontispice en noir et blanc, type 1.

3. Bibliothèque de l'Université de Dusseldorf: (S) F?

http://digital.ub.uni-duesseldorf.de/urn/urn:nbn:de:hbz:061:1-139796

4. Google books 1 : exemplaire de la Bibliothèque Nationale d'Autriche

  K.K Hofbibliothek Oster Nationalbibliothek : (A) F1

— Ex-libris  : K.K Hofbibliothek Oster Nationalbibliothek

— Tampon : Kaiserlich Ku...liche Wien

http://books.google.fr/books?id=79BYAAAAcAAJ&pg=PA18&lpg=PA18&dq=

Systematisches+Verzeichni%C3%9F+der+Schmetterlinge+der+Wienergegend&source=bl&ots=

VklSvjaOLi&sig=bBzV2efhWQvkgTXWiHkYguMaoXI&hl=fr&sa=X&ei=

GBTcUt3lE8i40QXvtIGIBg&ved=0CC8Q6AEwADgK#v=onepage&q=

Systematisches%20Verzeichni%C3%9F%20der%20

Schmetterlinge%20der%20Wienergegend&f=false

5. Google books 2 : exemplaire de la Bayerstaatsbibliothek.

a) L'ex-libris : l'inscription Inventa levetvi Franciscus praepositus cann regg: in Polling anno 1744 montre qu'il a appartenu à Franz Töpsi (1711-1796), le Prieur de Polling, en Bavière, diocèse d'Augsburg.

—Devise : Quoniam susceptici me exaltabo te. Armoiries à trois médaillons : bouc sur une croix couchée / Croix radieuse et ancre + étoiles/ blason 

b)  en page de garde : Mention manuscrite Hist. naturalis Regnum animal clapis V insecta 387.

6. Bayerstaatsbibliotek (A) en ligne :http://reader.digitale-sammlungen.de/en/fs1/object/display/bsb10231078_00009.html

7. Google Books : Exemplaire Regia Monacensis (A)

 http://books.google.fr/books?id=NeRAAAAAcAAJ&printsec=frontcover&dq=Ank%C3%BCndung&hl

=fr&sa=X&ei=YgrdUrKlFsaN0AWd7oCwCQ&ved

=0CDUQ6AEwAA#v=onepage&q=Ank%C3%BCndung&f=false

8. Exemplaire de la Bibliothèque Nationale d'Autriche (S) F1 n-b

http://digital.onb.ac.at/OnbViewer/viewer.faces?doc=ABO_%2BZ179681708

 

 

 

 


       II. Discussion sur les problèmes posés par cette publication. (d'après Klaus Sattler)

 

La présence de deux pages de titre portant deux dates différentes, et dont une est une "Annonce" (Anküdung), la présence de deux frontispices, l'absence de noms d'auteurs (alors qu'en 1772 Schiffermüller avait indiqué son nom sur son Versuch eines Farbensystems) incite à diverses supputations. D'autant qu'un exemplaire, à Francfort, comporte les deux titres. L'Ankündung n'était-il qu'un simple prospectus qu'un bibliothécaire aurait placé par un bibliothécaire dans la Verzeichniss ?  ( Sattler 1970: 2 ) On pense plutôt que les auteurs ont eu d'abord un projet beaucoup plus ambitieux (qui allait peut-être concerner aussi la minéralogie ; ou la botanique) qui était de publier une étude très détaillée de chacune de leurs espèces de papillons, et qu'ils avaient donc choisi, pour leur volume, le titre d'Anküdung. Il s'est passé près de vingt ans entre le moment où Schiffermüller débuta en 1757 secret une collection de lépidoptères, et la parution de l'ouvrage en 1775-76 ; entre temps, les auteurs avaient perdu leur statut de jésuite, et, surtout, celui d'enseignant au Theresianum (et peut-être alors aussi beaucoup de temps libre). Lorsque le secret de Schiffermüller fut connu parmi ses collègues, il a reçu un tel encouragement enthousiaste qu'il a collaboré avec d'autres (et en particulier son ami Denis) vers 1764 avec l'intention de produire, grâce aux talents du professeur de dessin Schiffermüller, une œuvre très illustrée sur les Lépidoptères de la Vienne district.  Si les couleurs des spécimens de la collection ne pouvaient pas être conservées, les dessins coloriés du naturaliste permettaient de les préserver. Mais leur nouvel emploi du temps les amenèrent à ne dresser qu'un Catalogue initial énumérant seulement les espèces, et qui était sans-doute achevé en 1771, l'Avant-Propos étant daté du 16 mars 1771. L'impression prit beaucoup de retard (mentionné dans l'Addendum ou Nachtrag), et ils se décidèrent à le publier, avec seulement deux planches précédées (comme dans les Mémoires de Réaumur, l'un de leurs modèles) d'une description très détaillée, conforme à ce qu'ils auraient rédigé pour toutes leurs espèces s'ils l'avaient pu. Une mise à jour (Supplément) fut ajoutée à la liste composée en 1771, et le livre parut soit sous son titre initial d'Ankündung, soit sous son titre actualisé de Systematisches  Verzeichniss.

La date de publication.

Conformément aux dispositions du Code international de nomenclature zoologique , la Commission internationale de nomenclature zoologique ( Hemming 1958) a considéré  l'Ankündung comme "publié à une date non déterminée  après le 17 mai 1775 et avant le 8 Décembre 1775 " , cette dernière étant la date du premier commentaire dans le  Jenaische Zeitungen von Gelehrten Sachen Vol. 98 p. 825. La date de la lettre de Schiffermüller à Linné (11 Septembre 1775) appartient à cette fourchette.

  Les noms sont donc datés de 1775, cette publication n'ayant pas la préséance sur Rottemburg 1175 ou Fuessli 1775, mais sur Cramer,1775, l'ordre de préséance étant le suivant : Fabricius 1775 -Rottemburg 1775 – Fuessli 1775 [Denis & Schiffermüller] 1775 - Cramer 1775 (in Cramer 1779).

Les auteurs.

Il est évident que l'auteur principal est le jésuite, professeur d'architecture ou de dessin d'architecture à l'Académie Impériale du Theresian Ignaz Schiffermüller, le réalisateur principal de la collection de lépidoptères (qu'il emporta à Linz où il fut affecté ensuite). Mais celui-ci n'a accepté de se lancer dans l'aventure d'une publication que lorsque Michael Denis, professeur de Belles-Lettres  l'a assuré de son aide. Selon Sattler citant Promitzer (1990: 432), leur collaboration fut complète et  rien ne fut  rédigé avant que les deux d'entre eux ne se soient déclarés satisfait de son exactitude. De même, il faut tenir compte des opinions des auteurs contemporains qui ont, presque sans exception , considéré le « Wiener Verzeichnis » comme le travail de plusieurs auteurs et , plus spécifiquement, comme celui de Schiffermüller et Denis ou vice versa . En ce qui concerne la séquence des noms des auteurs , il convient de noter que, dans le passé, l'ordre dans lequel apparaissait le nom des auteurs ne jouait aucun rôle, les auteurs étant souvent cités dans l'ordre alphabétique . Dès le début les contemporains de Michael Denis et Ignaz Schiffermüller ont utilisé presque exclusivement le pluriel pour parler de la paternité de la « Wiener Verzeichnis ». La collection de papillons est habituellement , mais pas exclusivement, considéré comme appartenant à Schiffermüller : elle est allé avec lui à Linz , où elle a été consulté, entre autres, par Schrank ( en 1783 ), Fabricius ( en 1784 ) et Hübner ( en 1797) , avant que Schiffermüller l'emporte  dans sa retraite en Waizenkirchen d'où elle a été prise à Vienne après sa mort, avant d'être  détruite par le feu en 1848 . Tout ce qui reste aujourd'hui sont des doublons qui avaient été donnés à Fabricius à l'occasion de sa visite à Linz ( Karsholt & Gielis 1995 : 32 ).

Klaus Sattler donne un argument important pour considérer que, à l'inverse de l'opinion de Kudrna et Belicek qui retienne Schiffermüller comme seul auteur, l'œuvre a bien été écrite à quatre mains : il s'agit d'un document de Denis  dans lequel il se répertorie lui-même comme co-auteur. Dans un catalogue , publié en 1780 , des « Merkwürdigkeiten » [ curiosités ] dans la bibliothèque Garelli , dont Denis était à cette époque le bibliothécaire , il a enregistré , pour la année 1776,  Systematisches Verzeichniss d ... von und Schiffermüller Denis".  Denis poursuit en disant que la poursuite de ce travail avait été interrompu pendant quelques années, à la suite de la nomination de Schiffermüller à la direction du Nordisches Collegium de Linz ( Denis 1780).

 Dans un courrier adressé à Linné par Schiffermüller, où il explique que "son nom n'est pas ajouté à l'avant de l'ouvrage", ce dernier signale de Denis fut d'une aide précieuse, notamment pour l'identification des "Tortrices, Pyralides et Tineae". (Voir cette lettre en Annexe)

  Enfin, les auteurs se sont dédiés réciproquement des espèces :  denisella Tinea (p. 138) et schiffermillerella Tinea (p. 142). Il est de règle de ne pas se dédier à soi-même une espèce, et Schiffermüller, s'il était le seul auteur, n'aurait pas osé nommer une espèce, fut-ce une teigne, de son propre nom.

On peut conclure que Schiffermüller fut le collectionneur principal, le seul illustrateur sans-doute de sa collection — en tant que professeur de dessin—, et l'auteur principal du Wiener Verzeichniss, mais qu'il reçut l'aide conséquente de Michael Denis pour la collection et surtout pour la rédaction de l'ouvrage, ce qui le conduisit à ne pas mentionner son nom comme auteur. Rien n'indique pourquoi il renonça à indiquer "Denis et Schiffermüller" comme auteurs, mais peut-être risquait-il alors de froisser d'autres collaborateurs secondaires.  

 Schiffermüller n'a pas utilisé les planches illustrant les espèces de sa collection, et les a emporté avec lui à Linz ; elles sont aujourd'hui conservées par le National Hystory  Museum de Londres.

 

 

 

 

Les espèces et genres dont [Denis & Schiffermüller] sont reconnus les auteurs.

 

Les auteurs définissent 3 genres, Sphinx (début page 40,"Erste Gattung (Genus L.)", "Sphinges"), Phalaena ( p. 48, "Zweyte Gattung") et Papilio (p. 158, "Dritte Gattung"). Sphinx et Papilio ont la même structure, avec des noms génériques et les sous-groupes nommés A, B, C, etc. . Les Phalènes sont décrits un peu différemment, et répartis en différentes Divisions ou "Abtheilungen" ("Erste Abtheilung" Bombyces p. 48, "Zweyte Abtheilung" Noctuae p. 66, "Dritte Abtheilung" Geometrae p. 95, "Vierte Abtheilung" Pyralides p. 118, "Fünfte Abtheilung" Tortrices p. 125, "Sechte Abtheilung" Tineae p. 132, "Siebente Abtheilung" Alucitae p. 144) et divisés en sous-goupes A, B, C, etc. pour chaque Abtheilung separément Dans le système binominal, Gattung correspond à « genre » et "Abtheilung" à « sous-genre » . En 1902, Sherborn a dressé la liste des nouvelles espèces décrites dans le genre Phalaena de façon incorrecte sous le nom générique Bombyx, Noctua, Geometra etc., cette erreur ayant été traditionnellement répétée jusqu'à l'époque moderne. Voir Schrank 1785 pour la description des quelques noms qui avaient été cités sans description. 

 

 

Il y eut des discussions sur la validité de nombreux noms mentionnés dans ce travail.  Koçak 1982 et 1984 ne considère que 491 noms valides, et 181 non valides, soit un total de 672 noms nouveaux. Sattler & Tremewan 1984 invoquent la notion que, pour respecter la stabilité des usages, le Code ne devrait pas être respecté dans la lettre de son texte légal, et qu'il faudrait admettre la validité des noms qui ont été utilisés longtemps par l'ensemble des auteurs, même s'ils sont théoriquement invalides. De nombreuses espèces ont été seulement décrits avec un nom vernaculaire germanique et le nom de la plante-hôte.

Le site Animalbase http://www.animalbase.uni-goettingen.de/zooweb/servlet/AnimalBase/home/reference?id=2501 donne la liste complète de 702 noms décrits comme nouveaux

 En cours ...        

 

                 DESCRIPTION DES EXEMPLAIRES.

Ankündung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend 1775=Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge der Wienergegend. Herausgegeben von einigen Lehrern h kk Theresianum. Wien, A. Bernardi, 1776. Grand in-4 ° 30 cm. 322 pp, frontispice, et deux plaques gravées, pliées en deux. Gravure sur cuivre coloriée à la main. Titre Ankündung par bois gravé.

 

a) Les Frontispices : cf. article séparé.

 Certains sont en noir et blanc, d'autres coloriés. Il y a deux dessins différents, inversés, mais représentant les mêmes épigraphes de Virgile et les mêmes espèces animales (un colibri, une libellule et quatre papillons).


b) Les Pages de titre.  

      Il existe une première page de titre datant de 1775, plus sobre, et une seconde, à la calligraphie très élaborée.

b1.  Le titre de 1775 : Ankündung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend.

Traduction : "Annonce d'un travail systématique des papillons des environs de Vienne". "Ankündung" est une forme abrégée archaïque pour "Ankündiging". (Exemplaire Bibl. Nat. Autriche numérisé par Google  ).

Le terme "Ankündung" est une forme abrégée mais non fautive de "Ankündigung" ; on le trouve, par exemple, dans le titre d'un ouvrage de Joseph Baader publié en 1783 à Augsbourg  :  Ankündung eines balsamischen Seifensyrups als eines beynahe spezifischen. Cet exemple n'est pas isolé et on le retrouve dans un nombre assez conséquent de livres du XVIII au XXe siècle.

La planche provient d'une impression par bois gravée.

 

                     ankundung-page-de-titre.png


 b2. Le titre de 1776 : Systematisches Verzeichniß der Schmetterlinge der Wienergegend herausgegeben von einigen Lehrern am k.k. Theresianum. Wien, verlegts Augustin Bernardi, Zuchhändler 1776.

Il se traduit : "Catalogue systématique des papillons des environs de Vienne composé par certains enseignants de l'Académie Impériale du Theresianum. Vienne, publié par Augustin Bernardi, Libraire 1776."

Cette page de titre est signée d'une écriture minuscule Brunet f[ecit] au dessus des deux traits horizontaux. C'est en effet un travail d'artiste en calligraphie gothique, dont les entrelacs jouant sur les pleins et déliés évoquent les initiales cadelées (de cadel, "cadeau") des manuscrits du XVe siècle :

                 Verzeichniss-denis-page-de-titre.png

 

 

 

f) la composition du texte.

Le texte est imprimé dans la police typographique allemande ancienne dite schwabacher schrift ou plutôt fraktura avec l' ornementation "en trompe d'éléphant" des lettres capitales. Cela entraîne le lecteur non familier des textes en gothique vers des confusions entre A et U, V et B, f et s, k et t, etc...

Avant-propos : An den Leser page 1-4. ("Pour le lecteur")

Deux auteurs sont cités avec référence en bas de page,  Réaumur et de Pierre Lyonnet

[Pierre Lyonet, 1762 Traité anatomique de la chenille, qui ronge le bois de saule ].

On notera que cette préface est datée du seize mars 1771 : "Beschrieben an k.k. Theresian den 16 Märzen 1771".

 

 

p. 5 :  Ier Chapitre : Section I. Entwurf des Werkes ("Conception de l'ouvrage").

Importance de la necéssité de maîtriser le dessin naturaliste (Schiffermüller est professeur de dessin) avec citation de Réaumur et de P. Lyonnet, puis de Réaumur et Schwammerdam.

p.9 : Chapitre II. Kurzer Unterricht von der vier Ständen  der Schmetterlinge überhaupts ("courtes leçons des quatre états des papillons en général) . Citation de Dante et de Milton (Paradise Lost, Livre VII v. 479)

p. 20 : Chapitre III.  Gedanken von der Stelle der Schmetterlinge in Thierreiche, ihrer Folge untereinander, und ihren Namen.) 

 (Réflexions sur la place des papillons au sein du Règne animal, sur ses rapports avec les autres Ordres, et sur leur Noms).

p. 27 : Chapitre IV. Versuch einer Eintheilung mit zuziehung ihrer Raupen (Tentative de classification des papillons en fonction de leurs chenilles.). Nombreuses citations de Réaumur et de de Geer ; citation de Schäffer, Lyonnet, 

p.35 : Chapitre V. Von den Farben der Schmetterlinge. (Des couleurs des papillons). La lecture de ce chapitre promet, de la part de Schiffermüller, l'auteur d'un traité des Couleurs, d'être passionnante...mais la barrière de la langue ne m'y donne pas accès.

p. 40 : Systematische Nomenklatur der in Werke zu beschreibenden Schmetterlinge.

C'est le Catalogue à proprement parler ; les papillons sont répartis en trois Genres (Gattung), Abendschmetterlinge ou Schwärmer (Sphinx), Phalaena ou Nachtschmetterlinge et Falter ou Tagschmetterlinge.

Erste Ordnund des Insectenclasse : Die Schmetterlinge (Lepidoptera Linn.)

Erste Gattung (Genus L.) der Schmetterlingordnung.

Die  oder Schwärmer Sphinges L.

Les Papillons à antennes prismatiques Réaumur. Les Sphinx Geoffroy.

p. 48 : Die Nachtschmetterlinge (Phalaena)

p. 158 : Die tagschmetterlinge oder Falter (Papiliones L.)

p. 187 : Chapitre VI. Betrachtung über die gegenwärtige anordnung des uns bekannten Schmetterlinge ( Examen de la disposition actuelle des papillons connus de nous ) 

p. 213 : Chapitre VII. Fortsetzung des Vorigen oder Erläuterung fernerer Zweifel und Einwürfe. ( Explication sur les doutes et objections précédentes) 

p. 236 : Chapitre VIII. Erklärung des Titelkupfers (Eclaircissement sur les Frontispices).

 commentaire sur le frontispice, énumérant les espèces animales représentées comme une illustration de la proximité, et des différences entre l'Ordre de Oiseaux (Colibri), des Neuroptères (Libellule) et des trois "Genres" de papillons, les Diurnes, les Sphinx et les Nocturnes ou Phalènes. 

p. 244 : Chapitre IX : Erklärung der zwo übrigen Kupfertafeln Tab. Ia und b (Éclaircissemnt sur les deux planches gravées Ia et b) : I, Der Eichenschwärmer  Sphinx Quercus. IV. Der Eichbuschspinner Ph. Bombyx Argentina. VI Die Wintersaateule Ph. Noctua Segetum XIII. Der Holzbirnspanner Ph. Geometrica Lunaria XV. Der Weidenzünsler Ph. Pyralis Salicalis XVIDer Buchenwickler Ph. Tortrix fagana. XVII Die Wickenschabe Ph. Tinea Viciella  XIX Die Windegeistchen  P. Alucita Pterodactyla Lin. et Scop. XX. Der Ruchgrasfalter Papilion Proserpina.

p. 304 : Vignette de Schiffermüller : noms des différentes parties des papillons.

Image :304

Vignette gravée Schiffermüller

Planche  Ia gravée par Landerer (Land.f) : papillons, chenilles et plantes-hôtes.

Image in Kudrna & Belicek 2005 :

                  Denis-et-Schiffermuller-planche-Ia.png

Planche Ib

Image in Kudrna & Belicek 2005 :

                        Denis-et-Schiffermuller-planche-Ib.png

p. 305 : Nachtrag zum Schmetterlingeverzeichnisse (Supplément au Catalogue des papillons)

p. 322 : dernière page, cul de lampe

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                                  LES AUTEURS:

      Michael Denis et Ignaz Schiffermüller étaient deux jésuites enseignant à la très réputée Académie Theresianum de Vienne jusqu'au démantèlement de leur ordre en 1773. Denis enseignait les belles-lettres et Schiffermüller le dessin architectural civile et militaire ; ils étaient l'un et l'autre imprégnés de l'esprit des scientifiques des Lumières. En 1775, il firent paraître une "Annonce" d'une Liste systématique des papillons des environs de Vienne. Le même texte paraît l'année suivante, mais seul le titre change : Systematische Verzeichniß der Schmetterlinge des Wienergegend. Dans les deux cas, aucun nom d'auteur n'est indiqué : on apprend seulement en page de titre que ce travail a été réalisé par des enseignants à l'Académie Impériale du Théresianum. En réalité, lorsque le livre se répand à travers l'Europe des naturalistes (sous le nom de Wiener Verzeichniss, W.V en abrégé), les auteurs ne sont plus "Thérésiens", car l'ordre des jésuites a été dissous en septembre 1773 par l'empereur Joseph II, et ils ont perdu leur poste au Theresianum. 

 

       Michael Denis  (1729-1800)                            Ignaz Schiffermüller (1727-1826)

 

 

      Denis                                         schifferportfolio mueller                       

 Ignaz Schiffermüller.

Beaucoup d'auteurs estiment qu'Ignaz Schiffermüller a été le principal ou même l'unique auteur du Verzeichniss. Un bref portrait de sa carrière est sans doute une introduction nécessaire à la compréhension de sa publication, et de leurs frontispices.

   Né à Linz en 1727, il  a suivi son noviciat auprès des Jésuites, a étudié la Philosophie à Vienne de 1749 à 1752 en s'initiant à la minéralogie et la numismatique auprès des frères jésuites. Au Gymnasium de Passau en 1752-1754, il rencontre Jean-Baptiste Darmani, autre jésuite qui lui fait découvrir la botanique. Puis vient l'ornithologie et l'entomologie. Après une année à Wiener Neustadt où il enseigne la poésie et la Rhétorique, il revient à Vienne : de 1755 à 1759 il étudie la Théologie à l'Université, puis est nommé sous-régent et préfet au séminaire de Saint-Pancrace. C'est en 1759 qu'il intègre l'Académie du Theresianum. Il accomplit sa troisième année probatoire en 1760-1761 à Judenburg où il mène plusieurs Missions en Haute-Styrie. Il reprend son poste au Theresianum comme Préfet des étudiants les plus âgés ; il est nommé professeur en 1765 et il enseigne pendant plus de 15 ans le dessin architectural et l'architecture civile et militaire et la théorie de construction. Il poursuit aussi sa seconde passion, l'établissement d'une nomenclature scientifique des couleurs.

  Pendant ce temps,  son intérêt pour l'Histoire naturelle ne le quittait pas. Son professeur de minéralogie Joseph Franz avait été chargé du Musée des Jésuites en 1759 ; parallèlement, François-Etienne de Lothringie le mari de l'impératrice Marie-Thérèse (qui donne son nom au "Theresianum") avait poursuivi un Cabinet d'Histoire naturelle. Ignaz débute en 1757 dans la plus grande discrétion une collection d'insectes (principalement des papillons), mais il est bientôt contraint de la dévoiler à quelques amis. Heinrich Joh. Kerens, professeur de Philosophe et de droit naturel (futur évêque de Roermonds) et  le directeur du Theresianum, tente de le convaincre de publier ses résultats, mais Schiffermüller manque de confiance en lui. Michael Denis, professeur en Belles-Lettres, l'assure de son aide, et ils vont ensemble prospecter la région de Vienne. De 1770 à 1774, ils partent parfois en excursion de dix jours durant, notamment au Schneeberg, dans les Alpes viennoises, à 2000m. d'altitude ; les collègues (on cite Alois de Goldegg et Lindenburg ) et les élèves du Theresianum participent aussi à la collecte des papillons. Schiffermüller a alors 400 chenilles et papillons, et il passe des heures, assis au coté de Denis pour consulter la 12ème édition (la plus récente) du Systema Naturae de Linné. En 1772, il fait publier son traité des couleurs "Versuch eines Farbensystems". Mais en 1773, alors que le classement des papillons était bien avancé, le pape Clément XIV fait paraître la bulle du 21 juillet 1773 abolissant la Compagnie de Jésus ; cette décision prend effet en Autriche le 14 septembre 1773. Denis est alors nommé bibliothécaire de la Bibliothèque Garelli, adjacente à l'Académie ; il se préoccupe de son œuvre poétique (sous son anagramme de Sined le barde), et n'a plus de temps à consacrer aux papillons. Schiffermüller poursuit seul le travail : il totalise 1150 espèces de papillons, alors que Linné n'en avait publié que 450! Non content de les identifier, de les classer et de les nomer, il étudie et décrit leurs différents stades et leurs mœurs. A la fin de l'année 1775, il est prêt, et publie l'Ankündung ou annonce, qui diffère très peu de l'ouvrage qui apparaît en 1776 sous le titre de Systematisches Verzeichnis der Schmetterlinge der Wienergegend herausgegeben von einigen Lehrern am k. k.Theresianum.

  Mais en 1777, un autre coup du sort le frappe : il est nommé directeur du Nordischen Collegiums de Linz. Il s'y rend la mort dans l'âme, emportant sa précieuse collection à laquelle il consacrera à sa passion le peu de temps que lui laissera la direction de 50 élèves. L'année suivante, il reçoit la visite de Paula von Shranck, son aîné de 20 ans dans la Compagnie de Jésus et qui avait été enseignant au collège de Linz de 1769 à 1773. Schrank découvre la collection de Schiffermüller, et reviendra l'aider à la mettre en ordre en 1783. En 1788, le monastère de Linz a été supprimé.

  Plus tard, Schiffermüller obtint le décanat (la cure) de Waizenkirchen, à 40 km à l'ouest de Linz et 260 km de Vienne. A sa mort en 1806, sa collection fut sollicitée par le British Museum, mais un médecin et entomologiste de Linz, Caspar Erasmus Duftschmidt s'évertua à amener la collection à Vienne ; elle fut reçue  par le Cabinet impérial d'Histoire naturelle (Kaiserlichen Hof-Naturalienkabinett) du Hofburg Palace à Vienne avec l'appui de son directeur Carl Schreiber, mais elle fut détruite lors d'un incendie pendant la révolution de 1848. 

 

 

 Johann Nepomuk Cosmas Michael Denis (Wikipédia)

Johann Nepomuk Cosmas Michael Denis dit Michael Denis ou Sined der Barde (Michael le barde) est un bibliographe, un poète et un entomologiste autrichien, né le 27 septembre 1729 à Schärding en Bavière et mort le 29 septembre 1800 à Vienne.

Il étudie au gymnasium de Passau, établissement dirigé par des jésuites. Il entre dans la Compagnie de Jésus en 1747. Il commence par enseigner le latin et la rhétorique d’abord à Graz puis à Klagenfurt. Après quatre années d'étude de la théologie à Graz, il est ordonné prêtre en1757 et commence à prêcher à Pressburg.

En 1759, il est nommé professeur de belles-lettres à la très réputée Académie Theresianum de Vienne où il demeure jusqu’en 1773, date à laquelle la Compagnie est dissoute. Il devient alors bibliothécaire à la bibliothèque Garelli, conjointe de l’Académie. Lorsque celle-ci disparaît en 1784, il obtient un poste de bibliothécaire-assistant à la bibliothèque de l’Empereur et en 1791, de bibliothécaire en chef.

Son œuvre poétique est particulièrement connue; il fait partie d’un cercle de poètes qui se nomment les bardes. .

Il s’intéresse également à l’entomologie et notamment aux papillons. Avec son collègue de Theresianum, Ignaz Schiffermüller (1727-1806), il constitue une remarquable collection de lépidoptères, mais celle-ci est détruite par les flammes lors la révolution de 1848. Les deux entomologistes font paraître la première faune autrichienne.

 

Anecdote : Michael Denis et Mozart.

 

       Un aria pour ténor a été composé par Mozart sur un poème de Michael Denis : il a pour titre Sineds' Bardengesang auf Gibraltar (le chant de Gibraltar de Sined le barde) : O Calpe! Dir donnert's am Fusse K.Ahn.25/K. 386d Récitatif „O Calpe! dir donnerts am Fuße" avec accompagnement de piano. Le Mont Calpe est le nom que porte le Rocher de Gibraltar, et l'hymne célèbre la victoire de la Grande-Bretagne résistant au siège par les troupes franco-espagnoles, et à l'attaque par des batteries flottantes en septembre 1782. Mais Mozart abandonna le projet après trois couplets, trouvant le style du poète fort beau certes, mais trop emphatique à son goût ( un style“exagéré et grandiloquent” ).

 

        

 

 

       .

      ANNEXE. La lettre de Schiffermüller à Linné le 11 septembre 1775. (in Kudrna et Belicek)

 

Nobilissime ac clarissime Vir !

Excusa, munusculum tibi offerre ignotus quod audeam, Systematicum Lepidopterorum circa Vienam observatorum catalogum. Cupido summopere, tuum de eo nosse judicium ; quo , quae erronea aut quoquo  modo defectuosa sunt, emendare in ea, quam per partes edere meditor, horum insectorum historia possim. Ego te, in Botanica, ita et in hac naturalis historiae parte ducem per omnia ac magistrum secutus sum ; paulo amplius tamen, pro enormi, quam haec regio obtulit, ac porro promittit, phalaenarum praecipue copia, tua subdividenda Genera censui, Familie nomine, plantarum a te statutis generibus fors suppari adapto. Tu, Vir illustrissime ! Boni rem consule, ac, si tantillum tibi vacat, vel leviter opus perlustra, ac tribus saltem lineis, quae de eo sentis expone.

  Nomen meum in libri fronte non adjeci ; cujus rei rationes alio in opere, quod de coloribus in lucem dedi, exposiu ; praecipua est, quod amici quidam observationes aliquas suppeditaverint praecipuus illorum, Michael Denis, etiam operam multam, in determinandis ordinandisque Tortricubus praesertim, Pyralidibus ac Tineis contulerit.

Vale, Vir Nobilissime ac summe colende

Datum Vienae in caes. Reg. Theresiano Collegio 11ma Septembris  1775. Ignatius Schiffermüller Architecturae civitis ac militaris Professor.

 

 

 

                                      Sources et liens.

 

— KUDRNA (Otakar),  Belisek (Josef), 2005, On the "Wiener Verzeichnis", its authorship and the butterflies named therein. Oedipus 23 :1-32, 2005. http://www.ufz.de/export/data/22/46695_Oedippus_23.pdf : 

— PROUT (Louis B.)  "On the ‘Ankündung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend’ of Schiffermüller and Denis" Journal of Natural History: Series 7 Volume 6, Issue 31, 1900 pages 158-160http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00222930008678350

  — SATTLER (Klaus) TREMEWAN (Gerald) :2009 , "The authorship of the so-called "Wiener Verzeichnis" ". Nota Lepid. 32(1) 3-10  http://www.soceurlep.eu/tl_files/nota/bd32_1/01_Sattler.pdf

— SATTLER (Klaus) "Das Wiener Verzeichnis von 1775",  Zeitschrift der Wiener Entomologischen Geselischaft 80: 2–7, pls 1–3 http://www.landesmuseum.at/pdf_frei_remote/ZOEV_54_0002-0007.pdf

LYONNET (Pierre)

 — http://docnum.unistra.fr/cdm/compoundobject/collection/coll13/id/149468/rec/1

— https://archive.org/details/CUbiodiversity1121751

— http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/

— http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/65772#/summary

— FUESSLI, Johann Caspar, 1743-1786 Verzeichnis der ihm bekannten schweizerischen Insekten mit einer ausgemahlten Kupfertafel: nebst der  Ankündigung eines neuen Insecten Werks Zürich,H. Steiner,1775

 

 

 

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Published by jean-yves cordier
11 janvier 2014 6 11 /01 /janvier /2014 22:33

      Le vitrail des Mois et du Zodiaque

           de la cathédrale de Chartres.

      La frise des Mois et du Zodiaque du portail occidental.

      Les horloges de la cathédrale .

Voir aussi :  Les travaux des Mois, le Zodiaque, et le Temps des médaillons de la cathédrale d'Amiens.

 

"Alice poussa un soupir de lassitude. « Je crois que vous pourriez mieux employer votre temps, déclara-t-elle, que de le perdre à poser des devinettes dont vous ignorez la réponse.
– Si tu connaissais le Temps aussi bien que moi, dit le Chapelier, tu ne parlerais pas de le perdre, comme une chose. Le Temps est un être vivant. [...]

—Tout ce que je sais, c'est qu'il faut que je batte les temps quand je prends ma leçon de musique.

– Ah ! cela explique tout. Le Temps ne supporte pas d’être battu. Si tu étais en bons termes avec lui, il ferait presque tout ce que tu voudrais."

 

 

 

Qui trop embrasse mal étreint...Le Temps ! Chartres ! 

Les commentaires vont bon train... Comme il y va ! Quel fatras !

Mais j'ai voulu réunir des éléments de l'iconographie du thème (le plus souvent traité conjointement) de la succession calendaire des Mois et de leurs Travaux agricoles, et des signes du Zodiaque, assemblés sous la main de Dieu qui, dans sa Bonté, les créa et nous les confia. Vingt-quatre motifs, dont la représentation est fixée depuis les Chaldéens ou les Babyloniens (-1740), et qui se suivent à la queue-leu-leu .

Le cœur de cet article est la présentation du vitrail ; les autres éléments venant, à mes yeux, en contrepoint.

MENU.

— Le Zodiaque de l'Horloge astrolabique (1407).

— Les travaux des Mois et le Zodiaque du portail Nord (1198-1217).

— Les travaux des Mois et le Zodiaque du portail Royal (1142-1150).

— Les travaux des Mois et le Zodiaque du vitrail du déambulatoire Sud (>1218), mis en parallèle à celui de la Rosace de Notre-Dame de Paris.

— Le vitrail des Mois et du Zodiaque : inspiré par les Géorgiques de Virgile ?

Il resterait à étudier le Zodiaque sculpté du Jubé. Demain.

Ces réalisations sont à comparer aux œuvres suivantes :

 

 

 

I. LE CADRAN SOLAIRE ET LA MÉRIDIENNE.

1. L'Ange au cadran : le cadran est daté de 1578.

L'Ange-méridien du XIIe siècle autrefois sculpté à l'angle méridional du vieux-clocher semble le plus ancien témoin que la ville de Chartres possède destiné à marquer les heures, et à l'usage du public. Il porte dans ses bras un cadran solaire. Il s'agit d'une copie moderne, l'original étant placé dans la crypte.  

 

                          horloges 9988c

 porches-zodiaque 6825

 

 

2. Les "Méridiennes" sont apparues avec l'avènement des premières horloges mécaniques. Celles-ci étant de précision et de fiabilité précaires on a eu longtemps recours aux "horloges solaires" pour le réglage de leurs "homologues" mécaniques! Les méridiennes servent à marquer le passage du soleil au méridien local en indiquant le midi du temps vrai. 

 

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II. LES HORLOGES DE CHARTRES ET LE ZODIAQUE.

Repères en horlogerie :

— En 1295, le pape Urbain II instaure l'Angélus, sonné manuellement afin de convier les fidèles à la récitation de l'oraison à sept heures, midi et dix-neuf heures. Louis XI en 1472 instaure par décret cette pratique .

 L'angélus se sonne par trois séries de trois tintements suivis d'une « pleine volée ». Les tintements correspondent au début du versicule, du répons et de l’Ave. A Chartres, l'Angélus, à 8h, 12h et 19h, est précédé 2 minutes avant par le carillon sur 6 notes (il n'y a que six cloches) d'un Salve Regina adapté.

— Les premiers mécanismes à rouages apparaissent au XIIIe siècle pour animer les marteaux qui frappent les cloches.

— Les premières horloges, à une seule aiguille, apparaissent au XVe siècle : leur précision n'est que de 40 minutes.

 —Le balancier n'est inventé qu'au XVIIe siècle, améliorant la précision : l'aiguille des minutes apparaît alors.

 

 

L'horloge astrolabique de Chartres.

 

Elle se compose d'un cadran extérieur, et d'un cadran intérieur décoré d'un Zodiaque.

Le cadran extérieur du pavillon de l'Horloge est visible depuis la rue de l'Étroit Degré. 

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  Ministère de la Culture : "Le pavillon de l'Horloge, construit au flanc nord de la cathédrale, fut commandé par le chapitre de la cathédrale pour abriter le mécanisme d'horlogerie qui actionnait jusqu'en 1887 le timbre à marteau placé dans la lanterne du clocher nord et l'horloge de la façade. Ce mécanisme était relié à la cloche par un système de tringles extérieures fixées à la paroi de la tour. A la fin du 19e siècle, une horloge comtoise fut installée pour indiquer les heures au cadran de la façade. Le pavillon fut consolidé en 1862, restauré en 1864 ; la pierre fut nettoyée et les chiffres du cadran furent redorés à la feuille d'or en 1991. Le mécanisme fut restauré en 1990 ; bien que vraisemblablement incomplet, il est toujours en état de marche. On accède au mécanisme installé à l'étage par un escalier intérieur, une fosse de six mètres de profondeur permettait la descente des poids. Le mécanisme devait être remonté tous les jours.

  "Cadran encadré de pilastres et parsemé d'étoiles et de rayons, anges musiciens et sirènes portant des torches allumées et présentant un cuir découpé dans les écoinçons, corniche supérieure ornée d'éléments végétaux, inférieure ornée d'oves et de denticules, alternance de modillons à feuille d'acanthe et coquille Saint-Jacques, pilastres d'angle amortis par des candélabres à l'antique."

Jehan Texier, dit Beauce Jehan de (maître d'oeuvre)

 

 

Le cadran intérieur se trouve dans la clôture du chœur, côté nord.

 

 

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" Au Moyen-Âge, l'emprise progressive de la religion catholique et la prédominance absolue de l'agriculture structurent la vie des hommes tant sur une journée (prières, taches agricoles, …) que sur une année (cycles liturgiques et saisonnier).

Avant l'apparition de l'horloge mécanique, le cadran solaire servait aussi bien à indiquer le temps public que le temps religieux. De par sa situation au pied de la tour nord, porté par un ange (statue du XIIe siècle), ce cadran donnait l'heure à tous les habitants de la ville de Chartres. Pour l'église, cependant, l'usage d'un cadran solaire est primordial. Celle-ci a dû recourir aux savants et à leurs instruments de mesure au risque de mal déterminer la date de Pâques (depuis le concile de Nicée de 325, il s'agit du premier dimanche qui suit la pleine lune de printemps).

Au Moyen-Âge, les arts et les connaissances scientifiques sont presque exclusivement cultivés par les religieux qui pour la réglementation des offices, ont besoin d'une subdivision précise du jour et de la nuit. C'est pourquoi les premières horloges étaient placées à l'intérieur des églises.

L'horloge astronomique est mentionnée dès 1407. Bien que son mécanisme ait été employé à forger des piques lors de la Révolution, son cadran et ses rouages chargés de l'animer sont toujours en place. D'une configuration particulière, elle constitue avec l'horloge de Bourges, les deux seuls exemplaires de ce type conservés et connus dans le monde.

Son cadran d'un mètre de diamètre indique les 24 heures de la journée, les phases de la lune, le temps d'un cycle lunaire, et les signes du zodiaque correspondants au mois de l'année. L'unique aiguille de l'heure est munie d'une fente longitudinale afin d'indiquer la hauteur de l'astre en fonction des périodes de l'année."

(in Bon de souscription à la restauration du mécanisme, DRAC Centre, s.d http://www.cechfrance.fr/document/souscription_chartres.pdf )

  Le mécanisme a fait l'objet d'une restauration depuis 2008 par l'entreprise Prêtre de Mamirolles. Le redémarrage a été inauguré le 22 mai 2010.   

 

Description du cadran in Irène Jourd'heuil Patrimoine restauré en région Centre n°21 (mai 2010) Publication de la Direction régionale des affaires culturelles du Centre, en ligne :

 

  "Présenté dans un médaillon de pierre, sculpté de vases d’où s’échappent des rinceaux et bordé d’un tore de ruban ajouré, le cadran est porté par deux anges en haut-relief aux ailes rapportées, probablement en bois doré mais aujourd'hui disparues, semblant prendre appui sur les contreforts qui encadrent la travée. Un motif peu lisible forme culot sous le cadran et est flanqué dans les écoinçons inférieurs, de deux motifs de rosaces à feuilles dentelées. D'après Marcel Bulteau, il s'agissait d'un troisième ange brisé qui saisissait le cadran par dessous et semblait le maintenir en suspens dans les airs. Au-dessus du médaillon de pierre, la travée est ajourée et laisse voir le décor de la voûte, divisée en de multiples voûtains par un jeu complexe de liernes et tiercerons formant une résille de flammes et mouchettes moulurées sous l’extrados. Malgré les modifications du XVIIIe siècle, cette voûte s’ouvre du côté du choeur par trois arcs trilobés.Au Moyen Âge, la mesure du temps était essentielle, notamment pour l'organisation de la vie religieuse. La fin du XIIIe siècle vit l'apparition des horloges qui connurent un développement extraordinaire au XIVe siècle où apparurent notamment les horloges astrolabiques. Ces dernières se définissent par leur programme qui ne se contente pas de fournir l'heure mais qui reproduit le mouvement annuel du soleil et/ou celui de la lune.

  "Le mouvement de la lune est montré par l'affichage de ses phases qui connaissent des variations infinies depuis la nouvelle lune jusqu'à la pleine lune tandis que le mouvement du soleil dans le zodiaque au cours d'une année est quant à lui indiqué par le mouvement d'une aiguille dans le cas d'un zodiaque fixe, ou par le mouvement du zodiaque lui-même. Il s'agit alors d'un transfert des caractéristiques propres de l'astrolabe, dont les horloges de ce type sont des mécanisations. Ce transfert a pour conséquence que la projection stéréographique caractéristique de l'astrolabe ne concerne pas seulement la sphère céleste mobile mais aussi la sphère fixe de référence. D'où la projection de l'horizon du lieu avec la partie diurne quand le soleil est au-dessus de l'horizon et la partie nocturne quand il est au-dessous.

   "Cette projection s'accompagne aussi généralement de la présence des lignes des heures inégales, vieille division en parties égales d'une part de la partie diurne de la journée, et d'autre part de sa partie nocturne. D'où une conséquence paradoxale qui veut que l'horlogerie astrolabique a contribué à assurer une certaine survie aux heures inégales alors que l'horlogerie était censée faire prévaloir les heures égales. Outre le fait que ce type d'horloge aide à l'organisation des offices mais aussi à la détermination de la date de Pâques, et celle des éclipses, il trahit aussi un intérêt certain pour l'astrologie car la disposition du zodiaque par rapport à l'horizon et par conséquent des planètes qu'il héberge, permet de déterminer les horoscopes.

 

    "En 1258, les Chartrains obtinrent que les chanoines soient tenus de faire établir et entretenir une horloge publique placée en un endroit éminent et qui put servir pour toute la ville. Il s'agit de la plus ancienne mention d'une horloge (sans doute hydraulique) à Chartres. Elle fut installée dans une des maisons situées juste devant le collatéral sud de la cathédrale. En 1359, un document atteste que la cathédrale possédait deux horloges qui ne devaient néanmoins pas sonner d'elles-même : l'une à l'extérieur et l'autre à l'intérieur pour le service du culte. C'est la plus ancienne mention que nous ayons d'une horloge installée à l'intérieur de l'édifice. On peut supposer qu'elle remplissait l'office d'un réveil-matin.

 

  "En 1407, un acte capitulaire décrit dans la cathédrale, à un emplacement qui n'est pas précisément connu, une horloge indiquant, outre les heures, les signes du zodiaque. Le chapitre ordonne en effet que le cadran sur lequel se voit le zodiaque soit refait richement. Il pourrait s'agir de l'horloge que l'on conserve encore aujourd'hui, même si l'on ne peut en avoir aucune certitude et s'il reste même quelques incertitudes : les roues en fer épais, assemblées à la forge, évoquent d'autres dispositifs plus récents... Si cette proposition d'attribution et de datation était exacte, ces éléments n'auraient été installés qu'ultérieurement dans la clôture actuelle. Une délibération capitulaire de 1527 nous apprend en effet que cette même année, deux escaliers étroits en vis sont construits au sud, dans la clôture, le second ouvre dans le déambulatoire par une porte flamboyante percée sous le cadran et mène au mécanisme de l’horloge. Cette dernière fut terminée vers 1528 et totalement intégrée dans son encadrement de pierre."

Description du cadran lui-même (Irène Jourdr'heuil, op. cité)

  "Le cadran indique :

- les vingt-quatre heures du jour

- le jour lunaire et les phases de la lune

- les signes du zodiaque peints sur un disque indiquant la

marche du soleil dans l'écliptique

- la hauteur du soleil au cours de l'année

 - les heures des lever et coucher du soleil

Mesurant 105 cm, le cadran est constitué de quatre plaques indépendantes en alliage cuivreux assemblées sur un axe central :

1- le cadran horaire est fixe et timbré des vingt-quatre heures de la journée divisées en deux fois douze heures, séparées par des feuilles de trèfles marquant les demie-heures. Une croix en fer forgée fixée sur la bande des heures servait de support à l'axe d'une aiguille qui faisait le tour de cette dernière en 24 h indiquant ainsi l'heure équinoxiale locale.

La restauration a révélée des traces de polychromie sur le cadran horaire, qui correspond aux traits de gravure de la tôle et qui pourrait donc être le décor originel, atteste la présence de noir, doré, vert, blanc jaunâtre et rouge minium posés sur une couche d'apprêt de couleur blanc/gris.

 

2- le cadran lunaire ou des étoiles, en tôle en alliage cuivreux de couleur or en bronze ou laiton, est orné d’étoiles or sur fond bleu azur. Mobile, il fait un tour en une journée lunaire.

Une polychromie sous-jacente de couleur bleue nuancée y est détectable.

3- le cadran lunaire est percé d’un orifice permettant de faire défiler le cercle en alliage cuivreux de couleur or en bronze ou laiton, des différentes phases de la lune dans le ciel de Chartres en fonction de son occlusion plus ou moins complète.

4- le cadran zodiacal, en tôle en alliage cuivreux de couleur or en bronze ou laiton, est orné des noms et figurations des douze signes du zodiaque (représentant les mois) et des trente degrés de chacun d’eux. Il se mouvait d’un degré environ chaque jour et pour savoir dans quel signe était le soleil, il suffisait de voir quel était celui qui passait sous la grande aiguille de l'astre. La ligne en arc de cercle qui est fixée au cadran horaire est l’horizon du lieu : elle est le seul élément appartenant au tympan de l’astrolabe qui soit représenté, à la différence de ce qui se passe parfois ailleurs, où il y a aussi la partie nocturne du tympan et les heures inégales.

Sur le cadran zodiacal, on observe la trace d'une dorure ancienne et la présence de polychromie bleue,rouge, verte... Les lettres actuelles laissent apparaître par transparence sous la couleur blanche du fond, les anciennes lettres.

Dans l'unique aiguille des heures qui indique l'heure équinoxiale, réalisée en alliage ferreux, un petit soleil se déplaçait dans une longue fente, appelée boutonnière, indiquant la hauteur de l'astre par rapport à l'horizon en fonction des périodes de l'année et plus précisément par rapport au cercle excentrique (écliptique) fixé sur le cadran zodiacal. La représentation actuelle du soleil, fixé désormais à la pointe de l'aiguille, est donc sans doute le fait d'une restauration soit maladroite, soit renonçant à la lecture de certaines informations. L'horloge de Chartres était remise à l'heure chaque midi à l'aide des cadrans solaires et, en particulier à partir de la fin du XVIe siècle avec la réforme du calendrier promulguée par le pape Grégoire XIII, à l'aide des méridiennes extérieure et intérieure (calculée et installée en 1701, il ne subsiste de celle du chanoine Claude Estienne que l'indication de midi au 21 juin).

Techniques de fabrication

  "Au Moyen Âge, armuriers et forgerons réalisaient les horloges à l'aide de la forge, du compas et de la lime. Parmi les éléments métalliques de l'horloge de Chartres, ceux réalisés en fer semblent avoir été forgés. Les éléments en alliage de cuivre semblent quant à eux avoir été mis en forme par planage et découpe. On trouve sur les surfaces métalliques de nombreuses traces de fabrication en gravure, comme les lignes de tracés ainsi que des lignes de symétrie servant à placer les éléments ou à marquer le futur décor comme au niveau du cadran extérieur. Les dents de trois des roues ont ainsi des lignes de traçage marquées par de petits points. La plupart des éléments ont été assemblés soit par rivetage, soit par soudure. L'ensemble des cadrans et aiguilles sont fixés entre eux par des tenons.

  "La technique picturale, domaine du peintre, est à base d'huile ou émulsion (colle et huile) sur métal. La peinture est appliquée au pinceau en couches fines ou épaisses. Une partie du fond est dorée à la mixtion et l'ensemble est non verni.

  "La restauration de la polychromie de l’horloge a été menée en 2006 par Géraldine Aubert, diplômée de l’Institut National du Patrimoine. Le grand apport de la restauration a été de révéler la présence d'une polychromie sous-jacente de très bonne qualité bien que lacunaire."

 

 

 

Les douze signes du Zodiaque portent les noms de Aries  Pesces Aquarius Capricornus Sagitarius Scorpius Libra Virgo Leo Cancer  Gemini Taurus.

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  Thése Lyon : les premières horloges mécaniques :http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2004/eyraud_ch/pdfAmont/eyraud_ch_chapitre02.pdf

      http://www.cathedrale-chartres.fr/portails/portail_nord/baie_droite/vouss5_00.php

 

III. LE ZODIAQUE ET LES TRAVAUX DES MOIS DU PORTAIL NORD (1198-1217).

Ce Zodiaque précède celui du vitrail (postérieur à 1218). Il occupe les voussures les plus extérieures de la Baie de droite, consacrée à des éléments anté-testamentaires (Job et le Jugement de Salomon) préfigurant l'Incarnation (Baie de gauche) et le Triomphe de la Vierge (Baie centrale). Il se trouve donc à la droite immédiate du Couronnement de la Vierge, de même qu'à l'intérieur, le vitrail des Mois et du Zodiaque voisine celui de la Vierge à l'Enfant de la Belle Verrière.

La voussure 6 du portail présente les douze signes du Zodiaque. La voussure 5 place, en regard de chaque couple de signe zodiacal, le travail du mois correspondant.

 "Dans ces voussures, les activités rurales suivent la marche du soleil. La Lumière du jour croît jusqu'au soltice d'été : le mois de juin est au sommet de l'arc. Puis les jours décroissent jusqu'au soltice d'hiver : le mois de décembre est au bas de l'arc" (Site www.cathedrale-chartres.fr

 

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Cliquer pour agrandir :

Inscription DIEMPS. : Bonhomme Hiver ; Capricorne ; Verseau ; Poissons ; Belier / Janvier ; Février ; Mars ; Avril.

Chaque mois correspondant à deux signes du zodiaque, l'artiste, pour créer le décalage nécessaire, a débuté la série zodiacale par un personnage de chaque coté ; Bonhomme Été et Bonhomme Hiver. Près de ce personnage se lisent les lettres DIEMPS (ou DTEMPS??), d'où on peut isoler le mot latin Diem, "Jour".

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 Personnage (Temps?), Capricorne, Verseau, Poissons et Janvier -Février-Mars.

—  Janvier : Janus terminant de manger le Passé, et se préparant à entamer le Futur, tenu de la main gauche. Janus présente deux visages. Celui de gauche est celui d'un vieillard et représente les travaux de l'année écoulée ; celui de droite est un visage jeune et symbolise l'an nouveau.

 

—  Février est un homme chaudement vêtu présentant ses jambes dénudées au feu.

— Mars taille la vigne avec une serpe à talon ou serpe à huppé bien visible.

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Bélier, Taureau, Gémeaux et Avril, Mai et Juin.

—Avril, richement vêtu d'une cape, tient un objet à deux branches (fleurs brisées ?)

—Mai, chasse au faucon.

— Juin tient sa faux et la pierre à aiguiser.

Les Gémeaux réunissent leurs mains pour tenir une boule (fruit ?).

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Même scène (détail) Taureau, Gémeaux et Mai, Juin.

                        porches-zodiaque 0242v

 

 

Cancer, Lion, Vierge, Balance et Juillet, Août, Septembre, Octobre.

— Juillet remonte sa tunique pour dégager ses jambes nues ; il porte un fagot.

— Août coupe les foins à la faucille.

— Septembre, coiffé d'un bonnet, foule le raisin des vendanges en s'aidant d'une sorte de pilon.

— Octobre ramène une récolte de ? qui gonfle le manteau à capuchon dont il se sert comme sac.

 

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Scorpion, Sagittaire, et Octobre, Novembre puis Bonhomme Été.

— Scorpion en lézard à six pattes et Sagittaire en Centaure qui a perdu son arc.

— Novembre mal visible garde les cochons ?

— Décembre, lui, tue le cochon.

— Été, beau comme un dieu grec, quasi nu, tient derrière lui un voile glorieux.

 

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Capricorne.

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Bélier.

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Taureau.

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Gémeaux.

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Lion.

 

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Cancer (Écrevisse).

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Verseau.

                      porches-zodiaque 6840c

 

Les Poissons.

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IV. LE ZODIAQUE DU PORTAIL ROYAL (Ouest), baie de gauche.

Il est plus ancien que le précédent et date de 1142-1150. Il appartient à l'art roman.

L'écart iconographique est frappant: les motifs du zodiaque sont bien différents.

La disposition adoptée fait alterner sur deux voussures un signe zodiacal, puis un travail du mois.

J'ai tenté de décrypter les images, avec le sentiment de ne pas y être parvenu. 

1.   Voussure interne, du bas à droite  vers la gauche :

A droite :

  • Repas de Janvier/Janus attablé devant une coupe et un pain
  • Capricorne 22 décembre-19 janvier
  • Février, homme vêtu d'un manteau et d'une pelisse fourrée se chauffant
  • Verseau : 20 janvier-18 février
  • Mars, taille de la vigne

Au centre, un élément ovale tombe, en goutte, d'un autre élément horizontal marqué par des lignes ondulées (C'est la colombe de l'Esprit-Saint descendant des nuées, et tenant une nimbe crucifère). Je pose l'hypothèse que le signe des Poissons, attendu ici, est remplacé par un Poisson ICHTUS, symbole du Christ ; il est situé juste au dessus de la tête du Christ de l'Ascension, dans le tympan.

Il faut repartir du bas à gauche :

  • Avril couronné de fleurs et tenant deux plants
  • Bélier 21 mars -19 avril
  • Mai : Chasse au faucon.
  • Taureau 20 avril-20 mai
  • ? Homme, qui serait Juin.

2. voussure la plus extérieure du bas à gauche vers la droite:

  • Les Gémeaux sont absents
  • Juillet, les foins.
  • Cancer (six pattes et deux pinces)  22 juin-22 juillet
  • Août, la moisson est battue : le fléau est au dessus de la tête de l'homme.
  • Lion : 23 juillet-23 août.
  • Septembre, foulage du raisin
  •  Vierge (assise) : 24 août-22 septembre 

Repartir du bas à droite :

  • Vendanges, coupe du raisin.
  • Balance 23 septembre-23 octobre
  • Novembre, tuée du cochon.
  • Scorpion (huit pattes) 24 octobre-22 novembre.
  • Banquet annuel de décembre : un homme est servi par une servante.
  • Sagittaire 23 novembre-21 décembre.

Il manque donc deux signes, les Poissons et les Gémeaux, deux signes gémellaires qu'on a prétendu retrouver...dans la Baie droite du même portail, sur la voussure 1. voir :

http://www.cathedrale-chartres.fr/portails/portail_royal/baie_droite/vouss12_16.php

http://www.cathedrale-chartres.fr/portails/portail_royal/baie_droite/vouss12_15.php

Comme la sculpture représente un seul poisson (sous des arbres où deux oiseaux sont perchés), on a prétendu...qu'un des poissons avait disparu.

Or, ni ces Gémeaux, ni ces Poissons ne répondent à des modèles fixés depuis la haute antiquité ; d'autre part, il n'y a aucune raison (on a parlé d'erreur de remontage des portails) de transférer des éléments d'un portail à l'autre.

Il me paraît donc beaucoup plus séduisant, et conforme aux pensées théologiques élevées des commanditaires, de postuler que ces deux signes géméllaires sont des symboles du Christ. Cela semble clair pour les Poissons, car le Poisson est depuis le christianisme primitif non seulement le symbole, mais le signe du Christ dont le Christogramme ichtus (du grec ancien ἰχθύς / ikhthús « poisson ») est l'acrostiche de Ièsous Christos Théou Uios Sôtêr "Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur".

 Si l'hypothése est juste, dans ce cas, le signe des Gémeaux doit procéder d'une explication du même ordre.

 Au deuxième siècle Zénon de Vérone avait composé un Zodiaque eucharistique, qui fut repris du XVe au XVIIe siècle, et dans lequel les douze signes sont des qualités du Chrst (par exemple, "comme le soleil dans les Gémeaux, il exerce les deux  fonctions de l'amitié, il converse avec plaisir et donne avec largesse"). Ce n'est pas la bonne piste.

 L'explication est peut-être très simple et pragmatique : chaque demi arc est composé  de cinq signes ou scènes en voussure interne (ils sont plus petits, car l'arc est plus court) et de six motifs en voussure externe. Si le théologien voulait faire figurer cette belle idée de remplacer Pisces (Poissons) par Ichtus, il était obligé de renoncer aussi, à un autre signe pour obtenir un chiffre pair et réaliser un portail symétrique. C'est précisément le signe des Gémeaux qui vient après avoir rempli l'arche interne, en symétrie des Poissons tout en bas de l' hémi-arc gauche externe. 

Or, les deux anges situés de part et d'autre du Christ en Ascension peuvent réaliser une figure des Gémeaux. Cela fera l'affaire.

Ou bien, tout simplement, l'artisan a ôté les signes Pisces et Gemini pour avoir dix signes, comme il a réduit le nombre d'apôtres à dix dans le linteau.

 

 

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IV. LE VITRAIL DES TRAVAUX DES MOIS ET DU ZODIAQUE DU DÉAMBULATOIRE SUD. 

On peut voir ce vitrail comme un assemblage des signes, somme toute bien banale dans tous nos horoscopes, des signes du Zodiaque. Mais lorsqu'on a remarqué, tout en bas, le sonneur arc-bouté à la corde des cloches, puis que l'on remarque que cette corde monte, par le milieu des quatre quadrilobes centraux (Janvier , Mai, Juillet et Octobre) jusque au Christ Chronocrator qui siège en majesté là où on attendait le campanile et ses cloches, on comprend qu'on a affaire à la mise en image d'une prédication sur le Temps, où l'ordonnance des Mois et celle des Constellations participent à un corps christique mystique : le chrétien vivra le cours des heures, des jours et des saisons comme un temps religieux marqué par les oraisons et les offices, dans une participation active à la réalisation de l'avènement christique.

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  Quelques temps plus tard, les Livres d'Heures ne diront rien d'autres. Comme le son des cloches, la Parole de Dieu scande cette matière invisible de la Vie qu'est le Temps.

 

I. Le registre inférieur : les donateurs.

Trois vitraux à Chartres sont, dit-on (C. Manhes-Deremble (1993) ; Wikipédia (2014), des donations des vignerons : celui de Saint Lubin, la Vie de la Vierge 28b, et celui du Zodiaque. Les deux derniers font figurer le comte Thibaud VI de Chartres (et de Blois ), dit le Jeune ou le Lépreux, à l'écu au champ d'azur coupé d'une bande d'argent. Thibaud VI est mort en 1218, après avoir contracté la lèpre aux Croisades.

Les armes du Comte Thibaut VI de Blois sont: Blason Blois Ancien.svg " D'azur, à une bande d'argent, cotoyée de deux cotices d'or." Ces armes se retrouvent sur le pennon à l'extrémité de sa lance.

 

Dans le vitrail des Mois, il est à cheval face à un groupe de personnages . La bande d'argent de l'écu est traversée par une ligne ondée noire doublée de lignes parallèles : le champ azur est divisée par des lignes fines en carreaux centrés par un point.

       Une inscription précise COMES : THEOBALD[US]. DAT. HO.. V. ESP(El) VINERU*S : AD : PRECES : COMITIS:  (PERT)ICE .IENSIS.

*tilde

— Comes Theobald dat : "le comte Thibaud fait donation"

— HO...S :  HO[C] . 

— Espe : la barre du P est barrée en abréviatif de p(er) ; mais le mot espere n'a pas de sens en latin. On peut croire à VESPER (soir), incongru. C'est un fragment de verre, qui a peut-être été mal replacé.

— Le mot Vinerus serait fautif pour Vinetus, i, "la vigne". Mais comment comprendre le tilde sur le U ? Vineruns ? Cette incompréhension n'incite-t-il pas à deviner un mot signifiant "vitre" ? 

 — ad preces comitis : "à la demande (prière) du comte"

— P..ice.iensis : peut-être : Perticensis "du Perche"; le P au jambage barré serait ici plausible:

L'inscription est déchiffrée ainsi : "Le Comte Thibaud fait donation de ce vignoble selon le vœu du comte du Perche". Ce dernier ne peut être que Thomas, Comte du Perche, né vers 1195 et mort devant Lincoln le 20 mai 1217, c'est à dire un an avant Thibaud de Chartres. La scène se passerait donc entre le 20 mai 1217 et le 22 avril 1218. 

Au total, cette inscription n'a pas été déchiffrée avec fidélité, ou plutôt elle a été bouleversée dans sa partie droite (bris) sur les deux lignes superposées, et conserve une part de mystère. Il semblerait logique que la donation porte sur le vitrail, plutôt que sur un vignoble ; les trois personnages prosternés devant le chevalier armé et en tenue de combat correspondent mal à une scène de réception de don de vignes, et mieux à un croisé délivrant les chrétiens. 

 Un auteur américain, Henry Adams (2004) s'est penché sur cette inscription et sur les personnages incriminés ; je renvois à sa publication, disponible en ligne, mais je m'en inspire pour préciser ceci : 

      La seconde bataille de Lincoln a eu lieu au château de Lincoln le 20 mai 1217, dans le cadre de la Première Guerre des barons, entre les forces de Louis de France – le futur Louis VIII – et celles du roi Henri III d'Angleterre.

L'armée du roi de France est alors attaquée par une partie de l'armée anglaise, commandée par Guillaume le Maréchal régent d'Angleterre. Le comte du Perche, Thomas du Perche, est tué dans la bataille, qui est la dernière victoire du Maréchal. Guillaume le Maréchal, qui aurait pu faire prisonnier Louis de France, le raccompagne sur la côte du sud de l’Angleterre. Les batailles navales de Sandwich et de Douvres, la même année, suivront.

 Louis de France, dit "Le Lion"( né en 1187), Thomas du Perche (né vers 1195) et Thibaud de Chartres étaient cousins et avaient à peu-près le même âge : voici leurs liens généalogiques. Ils étaient amis en 1215 et vénéraient tous les trois la Vierge de Chartres. Nous savons que Thibaut de Chartres a participé à cette bataille par le poème d'un Ménestrel de Reims qui écrit : "Et assembla granz genz par amours, et paro deniers, et par lignage.

 Et fu avec lui li cuens dou Perche, et li cuens de Montfort, et li

 cuens de Chartres, et li cuens de Monbleart, et mes sires Enjorrans

de Couci, et mout d'autre grant seigneur dont je ne parole mie."

Carte généalogique montrant les liens entre l'Angleterre, la Champagne, Chartres, la France et le Perche (in Henry Adams) :

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Carte montrant la situation voisine du Perche et de Chartres :

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Le "pagus perticensis" ou Comté du Perche se trouve à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Chartres ; le comte Rotrou IV et son fils Geoffroy III participèrent aux croisades. Le fils de Geoffroy est le Thomas du Perche qui nous interesse.

Au total, j'interprète l'inscription comme le don de ce vitrail par le Comte Thibaut de Chartres sur la demande de son ami et cousin Thomas du Perche, mort durant la bataille de Lincoln le 22 mai 1217. Le don d'un "vignoble" reste possible, mais me semble étrange. 

  Je note par exemple que, dans la liste des corporations de Chartres en 1524, comme elle apparaît dans l'Ancien réglement de la ville, Arch. Munic. t.I, p. 212, in Rev. Archeol. vol.14(2) p. 485, celle des vignerons n'est pas citée. Cette liste est pourtant longue, qui comprend les boulangers, pelletiers,foulons, barbiers et chirurgiens, tissiers en drap, peigneurs et escardeurs, tonnelires, cordiers, merciers, chausseliers, menuisiers, orfèvres, maréchaux, potiers d'étain, charpentiers et charrons, maçons, chaudronniers, cordonniers, armuriers et fourbisseurs, tondeurs, tisseurs en soie, tanneurs, corroyeurs, chapeliers et couturiers. Mais point de vignerons.

 

 

 

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La donation, partie gauche. 

  Dans un médaillon symétrique à celui de droite, cinq personnages s'activent dans une vigne ; ou plutôt trois d'entre eux, penchés, tête nue, travaillent la terre avec des houes. Ils portent des braies et des guêtres, et une tunique mi-longue. Deux d'entre eux ont derrière leur dos, en ceinture, un sac oblong.

  Les deux autres ont la tête recouverte par un capuchon ou scapulaire, comme des moines ; ce long scapulaire recouvre une tunique descendant aux chevilles. Que fait le personnage au premier plan ? De la main droite, il tend un objet au dessus de la terre travaillée par les autres hommes ; et son bras gauche retient un sac, ou une serpe. Son collègue semble tenir des deux mains un manche. 

  Autour d'un tronc épais, noueux et de bois clair des sarments serpentent de façon désordonnée. Enfin, en bas, une roue surplombe une plaque armée de billes.

 

 

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Je ne sais pas sur quelle base, quel acte de donation, des experts ont affirmé qu'il s'agissait ici du témoignage que ce vitrail était offert par les Vignerons. La région de Chartres n'est pas une région où cette culture était dominante : elle n'est pas la source de la richesse locale. Le vitrail n'est pas non plus voué à la vigne, et, si sa culture illustre les mois de mars, de septembre et d'octobre, c'est également le cas des autres vitraux consacré au thème des Mois, comme à Notre-Dame de Paris, ou celui des Livres d'Heures.

 On peut aussi penser que le vitrail répond à un programme théologique où la culture de la vigne va développer la métaphore de la Vie, avec sa croissance, ses cycles, ses  métamorphoses, ses dangers, son exigence d'ascèse et de vigilance ; la vigne comme visualisation du temps; la vigne de l'évangile de Jean :

 

Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.Tout sarment qui, en moi, ne porte pas de fruit, il le retranche; et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde, afin qu'il en porte davantage.Déjà, vous êtes purs, à cause de la parole que je vous ai annoncée.Demeurez en moi, et moi en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure uni à la vigne, ainsi vous ne le pouvez non plus, si vous ne demeurez en moi.Je suis la vigne, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, porte beaucoup de fruits: car, séparés de moi, vous ne pouvez rien faire.Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors, comme le sarment, et il sèche; puis on ramasse ces sarments, on les jette au feu et ils brûlent. Jn 15, 1-6.

Mais la culture de la vigne appartient, comme nous l'avons vu sur les Portails de Chartres, à l'iconographie des Travaux des Mois de façon très traditionnelle et stéréotypée.

 

Janvier et le Verseau.

 C'est le premier quadrilobe.

JANUARIUS : le nom latin révèle qu'il honore le dieu romain Janus, dieu des portes, des commencements et des fins (de l'l'Alpha et de l'Oméga), dieu bifrons, à la double face, encore tournée vers le passé et déjà tournée vers le futur.

 

Januarius
Les six premiers ans que vit lhomme au monde.
Nous comparons a Janvier droictement
Car en ce moys vertu ne force habonde
Nemplus que quant six ans ha ung enfant.

(Citation anachronique —1510— extraite, comme les suivantes, du Livre d'heures à l'usaige du Mans publié par Simon Vostre)

 Le personnage Janvier est figuré au seuil d'une porte, mais il a ici trois visages, celui du milieu correspondant —bien-sûr— au présent.

On pense évidemment à la méditation de Saint-Augustin (Confession, 11, 1) :

Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé ; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ; il serait l’éternité. Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus ? Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas ?

La corde du sonneur se confond ici avec le montant de la Porte. 

      Le Verseau (20 janvier-19 février) commence très heureusement ce cycle de l'écoulement du temps puisque son signe est ♒ une représentation de l'eau.

 

Tu es celui qui passe,

Et tu es le passeur, où me mènes-tu?

Prends-moi, prends-moi dans tes bras,

Porte-moi sur l'autre rive.

Je veux boire avec toi les heures de demain.

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                     Zodiaque 6765 janvier

      Comparaison : la Rosace de Notre-Dame de Paris :

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Février.

FEBRUS est ici un personnage au visage presque animal (profil léonin, chevelure comme une crinière) qui tend les pieds et les mains vers un feu, un brasier. Il est assis sur des coussins posés sur une cathèdre près duquel est posé un vase ou un pichet. C'est un paysan ou un vigneron puisque son outil, à la lame arrondie, est posé à son coté. 

 

Februarius
Les six dapres ressemblent a Fevrier.
En fin duquel commence le printemps
Car lesperit se ouvre prest est a enseigner
Et doulx devient lenfant quant ha douze ans.

  Février est le mois le plus froid de l'année, et la manière de l'illustrer par des paysans face à un feu se retrouve dans Février du vitrail de la Rosace de Notre-Dame de Paris aussi bien que dans les Très Riches Heures du Duc de Berry (1410), dans un livre d'Heures de Rouen 1425, le livre d'Heures de Marguerite d'Orléans v1430, celui de Jeanne de France Bnf  du XVe siècle etc.

 

Tu es l'Ardent vers qui se tendent mes paumes

Que serais-je sans Toi ?

Tu répands de la neige douce comme de la laine,

Mais à mon âme tu réserves le feu.

Tu envoies tes paroles, et tu les fonds,

Là ! elles coulent comme un vin nouvelet,

Tu es l'Hiver et son contraire,

Et ma face est tournée vers Toi.

 

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Les Poissons / Pisces.

De quand date cette représentation de deux poissons jumeaux reliés d'une bouche à l'autre par un tuyau ? Les sumériens les figuraient déjà,  pas toujours tête bêche.  La mythologie grecque voit dans ces poissons  les formes assumées par Aphrodite et Éros, poursuivis par le monstre Typhon, pour lui échapper en se jetant dans un fleuve. 

 

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Comparer avec N.D de Paris :

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Le mois de Mars.

MARCIUS, forme du latin classique Martius, était le premier mois de l'année du calendrier romain ; il marquait le début du printemps et celui des campagnes militaires, et porte le nom du dieu de la guerre. Les paysans romains étaient incités à tailler la vigne et à semer le blé.

 

 

Martius
Mars signifie les six ans ensuivans.
Que le temps change en produissant verdure
En celluy aage sadonnant les enfans
A maint esbat sans soucy ne sans cure.

La scène nous montre la taille de printemps (taille sèche) d'une vigne particulièrement exubérante au moyen d'une serpe de taille, alors que les mains du paysan sont protégées par des moufles.

L'homme, barbu, porte des chausses, une tunique rouge descendant aux chevilles, et un capuchon vert. 

La sève, comme l'énergie vitale des désirs, menace d'être envahissante et de produire une plante folle et stérile, si elle n'est pas soumise à l'ascèse du renoncement au superflu.

 

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Le Bélier ARIES.

 C'est la figure de cette énergie animale brutale qui nécessite d'être domptée. Il est entouré d'une végétation luxuriante, et il symbolise par ses cornes la puissance de l'énergie sexuelle et fécondatrice.

Le signe est très ancien : il  se nomme immeru (l'Agneau mâle) chez les sumériens, dikra (le Bélier) dans le Zodiaque de Qumran (même sens), <isw> en égyptien (même sens) et Κρος (Bélier) en grec.

Dans la mythologie grecque, Aries représenterait le bélier volant Chrysomallos, chevauché par Phrixos, dont la Toison d'or a inspiré le récit de Jason.

Pour la symbolique chrétienne, il rappelle le Sacrifice d'Abraham, l'Agneau pascal, mais il est aussi une figure du Christ comme conducteur de ses brebis, les fidèles de l'Église.

Pour le plaisir de filer la métaphore initiale du Christ comme cloche rythmant le temps, notre mot bélier vient de l'ancien français belin (1170), dont l'origine à partir du néerlandais belle, "cloche", est très sérieusement envisagée (CNRTL) : c'est l'animal princeps, le bélier à sonnaille équipé d'une cloche qui, par son signal sonore, mène le troupeau.

 

 

 

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Même scène sur la rosace de Notre-Dame, dans les Très Riches Heures, le livre d'Heures de Jeanne de France, etc.

Avril.

APRILIS est le mois dédié par son étymologie à Aphrodite, mais selon Ronsard "Avril c'est ouvrir".  Wiktionnaire :  Du latin Aprilis, de l’étrusque Apru, du grec ancien ἈφροAphro, abréviation d’Ἀφροδίτη, Aphrodite, déesse de la beauté et de l’amour ; influencé par aperire (« ouvrir »), parce que c’est le moment où les fleurs commencent à s’ouvrir.

 

Aprilis
Six ans prochains vingt et quatre en somme
Sont figurez par Avril gracieux
Et soubz cest aage est gay et ioly lhomme
Plaisant aux dames courtois et amoureux.

Le Bonhomme Avril nous présente donc des inflorescences stylisées en feuilles d'acanthe, cueillies sans-doute à l'extrémité des deux tiges qui l'entourent.

 

 

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Le vitrail de la rosace de Notre-Dame de Paris est très comparable, mais possède plus de charme et de simplicité naturelle car les tiges et le corps de l'homme sont souples et sinueuses.

 

 

Le Taureau, TAURUS.

Comme le bélier, dont il partage la symbolique de puissance mâle, il est entouré de fleurs géantes et presque débridées par la fantaisie d'un hubris génétique.

Du grec  τ α υ ̃ ρ ο ς , le Taureau évoque la forme que Zeus prit pour capturer la belle Europe, ou le Minotaure de Crète, qu'affronta Thésée, ou le taureau blanc envoyé sur l'île par Poséidon : la force brutale, excessive et dévastatrice  de la poussée vitale, si elle n'est pas maîtrisée par l'intelligence ou la culture.

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Mai et les Gémeaux : deuxième quadrilobe.

      On retrouve ici la corde du sonneur, qui sépare d'un coté le mois de Mai, MAIUS, et de l'autre le signe zodiacal des Gémeaux.

Maius

Au moys de may ou tout est en vigueur
Autres six ans comparons par droicture
Qui trente sont : lors est lhomme en valeur

 

En la fleur, force, et beaulte de nature.

 J'ignore pour quelle raison le mois de Mai est représenté ici par un Croisé près de son cheval en train de brouter. La selle avec ses pommeaux est intéressante à détailler. Dans les Très Riches Heures, Mai est illustré par une troupe de seigneurs et de dames, à cheval, mais c'est une image de la cavalcade du premier mai, ce qui ne semble pas le cas à Chartres. A Paris, Mai est représenté par un homme en train de chasser au faucon.

La représentation des Gémeaux, deux hommes (Castor et Pollux) se donnant la main, est assez rudimentaire, sans le charme du vitrail homologue de Notre-Dame de Paris


Zodiaque 6764

 

 

Juin.

IULIUS (erroné pour Junius) procède au fauchage de l'herbe grâce à sa faux au long manche équipée de deux poignées asymétriques. Sa tunique rouge courte remonté dans la ceinture recouvre des braies fendues aux jambes. Sa pierre à aiguiser est derrière lui, dans un récipient plein d'eau,car  il l'utilise toutes les 15 à 30 minutes.

Le marteau nécessaire pour "battre" la lame sur une enclumette est utilisé plus rarement, toutes les 12 heures en moyenne ; il faut enlever la lame du manche.

 

 

Junius
En iuing les biens commencent a meurir
Aussi fait lhomme quant a trente six ans.
Pour ce en tel temps doit il femme querir
Se luy vivant veult pourveoir ses enfans.

  La fenaison est le thème habituel de ce mois, retrouvé , à Paris (vitrail tardif), ou dans les Très Riches Heures du Duc de Berry.

 

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Le Cancer.

Le mot cancer provient du grec Καρκίνος (karkinos) qui signifie crabe. 

 Ce monstre octopode à l' échine crénelée à queue verte ressemble à un acarien grossi xx fois ; mais sa carapace écaillée et ses huit pattes sont fidèles à l'iconographie la plus ancienne.

 Cet animal qui change de carapace annuellement est symbole de métamorphose.

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Rosace de Notre-Dame de Paris : le Cancer est parfois nommé "l'Ecrevisse".

 

Juillet et le Lion : troisième quadrilobe.

JUNIUS (erroné pour Julius, voir l'erreur commise pour Juin) fauche les blés à la faucille. Il est vêtu d'un bliau blanc retenu par une ceinture, de chausses rouges et de bottines vertes fendues par un soufflet sur l'avant.

 

Julius
Saige doit estre ou ne sera iamais
Lhomme quant il ha quarante deux ans
Lors la beaulte decline desormais
Comme en Juillet toutes fleurs sont passans.

 


LEO le Lion, dans les représentations classiques, marche vers l'Orient (sur les planisphères), queue redressée et gueule close.

La "corde du sonneur" qui sépare en deux les compartiments a adopté la couleur rouge de la bordure.

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Notre-Dame de Paris :

 

 

Août.

AUGUSTUS a tellement chaud qu'il bat torse nu et pieds nus  les épis de blés grâce à son fléau articulé. La fourche et le fauchet (râteau à dents de bois) sont plantés dans les meules déjà formées et liées.

 

Augustus
Les biens de terre commence len cueillir
En Aoust, aussi quant lan quarantehuit
Lhomme approche : il doibt biens acquerir
Pour soustenir vieillesse qui le suit.

 

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La Vierge. 

VIRGO présente, comme Aprilis , deux fleurs rouges, symbolisant sa virginité. Celle de Notre-Dame de Paris est comparable, mais ne tient qu'une fleur, de la main gauche.

  La doublure claire de sa cape vieux-rose descend en sept plis horizontaux.

 

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Septembre.

SEPTENBER : on retrouve ici la culture de la vigne, les vendanges étant traditionnellement associées à ce mois. Deux hommes, jambes nues, foulent le grain dans une cuve ; l'un cueille aussi les grappes à l'aide d'une serpe, et les pose dans un panier. Le second prend appui sur le manche d'un outil. On remarquera son bonnet, sans-doute imposé par la circonstance :

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September
Avoir grans biens ne fault point que lhomme cuide.
Sil ne les a, a cinquante quattre ans.
Nemplus que sil a sa granche vuide
En Septembre : plus de lan naura riens.

 

 

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La Balance, Libra.

Elle tient son nom latin du grec ancien λίτρα, lítra (« mesure de poids grecque utilisée en Sicile ») dont est tiré "litre" en français. Son iconographie se contente souvent de la balance à double plateau, celle de la Justice, sans représenter le personnage qui la tient. 

  A Chartres, la femme qui tend le bras droit pour laisser le fléau s'équilibrer est remarquable par sa posture en léger arc qu'accentue l'inclinaison mélancolique de la tête. De la main gauche, elle amortit les oscillations.

 

 

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Octobre et le Scorpion : quatrième quadrilobe :

 Là encore, dans ce dernier quadrilobe avant l'apex,la ligne médiane blanche en qui je me plais à voir la corde du sonneur sépare Octobre d'un coté et Scorpion de l'autre.

OCTOBER est à cheval sur une futaille de vin dont il compense l'évaporation à l'aide d'un tonnelet. 

 

October
Au moys doctobre figurant soixante ans
Se lhomme est riche cela est a bonne heure
Des biens quil a nourrit femme et enfans
Plus na besoing quil traveille ou labeure.

 


SCORPIO a quatre pattes, un corps verdâtre à l'échine épineuse, et  une queue entortillée recourbée à sa droite et terminée en tête animale.


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Novembre : 

 

 

November
Quant a soixante six ans vient .
Representez par le moys de Novembre
Vieux et caduc et maladif devient .

 

Lors de bien faire est temps quil se remembre.

      Le maître-verrier qui a indiqué ici "DECENBER" a du se faire sonner les cloches ! On tue les cochons à partir de la Saint-Martin (le 11 novembre), et le Ménagier de Paris disait : l'en dit que l'en doit tuer les masles es mois de novembre, et les fumelles en décembre".

On a offert une glandée généreuse à celui-ci  pour l'attirer à son dernier repas. Au Moyen-Âge, les cochons n'étaient pas de la race rose et glabre des Large White, c'étaient des cochons velus, à la peau sombre, et qui fréquentaient les forêts ou divaguaient dans les rues pour les nettoyer des immondices, une clochette au cou.

 A priori, l'homme ne va pas décapiter le cochon avec sa cognée, mais "seulement" l'estourbir avant de le saigner au niveau du cou, récoltant le sang pour le boudin.

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Le Sagittaire, SAGITARIUS: 

 C'est un Centaure, chimère grecque mi-homme et mi-cheval, mais à Chartres, la liaison des deux ne paraît pas naturelle du tout, et il ressemble à un acteur ou un nain de jardin émergeant d'un cheval de comédie. Le Sagittaire de Notre-Dame de Paris est bien mieux réussi.

 

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      Notre-Dame de Paris : 

 

Décembre.

DECENBER est un roi attablé à un festin, composé de la hure du cochon tué en novembre, de pains (à la croûte taillée en croix), de poissons, et de vin. De chaque coté se voit une porte ; on distingue un puits (ou un foyer).

Ce banquet de fin d'année sert aussi d'illustration pour le mois de Décembre à Notre-Dame de Paris (thème très proche, mais avec un couple), aux Très Riches Heures du duc de Berry, etc..

December
Lan par Decembre prent fin et se termine
Aussi fait lhomme aux ans soixante douze
Le plus souvent : car viellesse le myne .
Lheure est venue que pour partir se house.


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Le Capricorne.

      L'alliance d'une chèvre avec un poisson .

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Le Christ bénissant.

 


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Il est l'Appel et la Conclusion, l'Alpha et l'Oméga, il est celui qui transforme, comme les deux candélabres du début et de la fin, le temps en lumière. C'est le vingt-cinquième panneau, mais selon une formule où les douze mois et les douze signes ne font plus qu'Un, 24 = 1. Le temps humain des travaux des mois, et le temps des vastes cycles cosmiques se révèlent comme une théophanie dans une optique de salut.

 

 

 

      Les Travaux des Mois et le Zodiaque : un poème virgilien issu des Géorgiques Livre I ?

 

Vertitur interea caelum cum ingentibus ignis

Ennius, (Pendant ce temps tourne le ciel avec leurs  astres immenses).

Vertitur interea caelum, Virgile, En. II, 250

  Il est possible de considérer le vitrail des Travaux des Mois et du Zodiaque comme un grand poème lumineux ; il faut, pour cela, se dégager des liens trop prégnants et trop médiatisés qui associent les signes zodiacaux à nos horoscopes ou aux prédictions astrologiques, et les faire tourner dans la grande roue cosmique, dans une vision philosophique de la place de l'homme dans la création : homme soumis aux lois de la nature, homme soumis depuis Adam à la nécessité de gagner son pain à la sueur de son front plutôt que d'être comme les petits oiseaux, qui ne sèment ni ne moissonnent, homme qui, par l'observation des Signes, apprend à deviner le cours du temps et à y adapter sa pratique, dans cette sagesse pragmatique que les paysans possèdent. 

  Oui, il est possible d'entendre, chanté par les verres colorés, les hexamètres de Virgile  qui exposent, précisément, cette vision philosophique. Cela n'est pas obligatoire, mais comme, alors, le contemplation du vitrail s'enrichit !

J'en donnerai des extraits dans ma traduction préférée, celle de Jacques Delille :

 

Je chante les moissons : je dirai sous quel signe 
Il faut ouvrir la terre et marier la vigne ; 
Les soins industrieux que l’on doit aux troupeaux ; 
Et l’abeille économe, et ses sages travaux. 
Astres qui, poursuivant votre course ordonnée, 
Conduisez dans les cieux la marche de l’année ; 
Protecteur des raisins, déesse des moissons, 
Si l’homme encor sauvage, instruit par vos leçons, 
Quitta le gland des bois pour les gerbes fécondes, 
Et d’un nectar vermeil rougit les froides ondes ;   

 

Tel est l’arrêt fatal du maître du tonnerre : 
Lui-même il força l’homme à cultiver la terre ; 
Et, n’accordant ses fruits qu’à nos soins vigilants, 
Voulut que l’indigence éveillât les talents. 
Avant lui, point d’enclos, de bornes, de partage ; 
La terre était de tous le commun héritage ; 
Et, sans qu’on l’arrachât, prodigue de son bien 
La terre donnait plus à qui n’exigeait rien. 
C’est lui qui, proscrivant une oisive opulence, 
Partout de son empire exila l’indolence. 
Il endurcit la terre, il souleva les mers, 
Nous déroba le feu, troubla la paix des airs, 
Empoisonna la dent des vipères livides, 
Contre l’agneau craintif arma les loups avides, 
Dépouilla de leur miel les riches arbrisseaux, 
Et du vin dans les champs fit tarir les ruisseaux. 
Enfin l’art à pas lents vint adoucir nos peines ; 

Tout cède aux longs travaux, et surtout aux besoins.

 

 Observe donc leur cours. Sitôt que la Balance 
Du travail, du repos, du bruit et du silence, 
Rendra l’empire égal, et du trône des airs 
Entre l’ombre et le jour suspendra l’univers, 
Avant que des vents froids le souffle la resserre, 
Tandis qu’elle est traitable, on façonne la terre  

Pour régler nos travaux, pour marquer les saisons, 
L’art divisa du ciel les vastes régions. 
Soleil, âme du monde, océan de lumière, 
Douze astres différents partagent ta carrière. 

Le globe ainsi connu t’annonce les saisons : 
Quand il faut ou semer, ou couper les moissons, 
Abattre le sapin destiné pour Neptune, 
Aux infidèles mers confier sa fortune : 
Et ce n’est pas en vain que ces astres brillants 
En quatre temps égaux nous partagent les ans.

Plusieurs font à loisir, retenus par l’orage, 
Ce qu’il faudrait hâter sous un ciel sans nuage : 
Ils aiguisent leur soc, ils comptent leurs boisseaux ; 
Creusent une nacelle, ou marquent leurs troupeaux ; 
Préparent des liens à leurs vignes naissantes ; 

Les fêtes même, il est un travail légitime. 
Ne peut-on pas alors, sans scrupule et sans crime, 
Tendre un piège aux oiseaux, embraser des buissons, 
D’un mur tissu d’épine entourer ses moissons, 
Ou rafraîchir ses prés que la chaleur altère, 
Ou baigner ses brebis dans une eau salutaire ? 
C’est dans ces mêmes jours que, libre de travaux, 
Chacun porte aux cités les présents des hameaux ; 
Et, rapportant chez soi les tributs de la ville, 
Presse les pas tardifs de son âne indocile. 
La lune apprend aussi, dans son cours inégal, 
Quel jour à tes travaux est propice ou fatal. 
 

Au dixième croissant de la lune nouvelle, 
On peut du fier taureau dompter le front rebelle, 
Planter la jeune vigne, ou d’une agile main 
Promener la navette errante sur le lin. 
Une clarté plus pure embellit le neuvième : 
Le brigand le redoute, et le voyageur l’aime. 
Chacun a son emploi ; mais, dans ce choix du temps, 
Ainsi que d’heureux jours, il est d’heureux instants. 
Faut-il couper le chaume ? On le coupe sans peine 
Quand la nuit l’a mouillé de son humide haleine : 
Pour dépouiller les prés, attends que sur les fleurs 
L’aurore en souriant ait répandu ses pleurs. 
Plusieurs pendant l’hiver, près d’un foyer antique, 
Veillent à la lueur d’une lampe rustique : 
Leur compagne près d’eux, partageant leurs travaux, 
Tantôt d’un doigt léger fait rouler ses fuseaux ; 
Tantôt cuit dans l’airain le doux jus de la treille, 
Et charme par ses chants la longueur de la veille. 

 
Mais c’est en plein soleil, dans l’ardente saison, 
Qu’au tranchant de la faux on livre la moisson, 
Que sur l’épi doré le fléau se déploie. 
Donne aux soins les beaux jours, et l’hiver à la joie. 
L’hiver, tel qu’un nocher qui, plein d’un doux transport, 
Couronne ses vaisseaux triomphants dans le port, 
Tranquille sous le chaume, à l’abri des tempêtes, 
L’heureux cultivateur donne ou reçoit des fêtes : 
Pour lui ces tristes jours rappellent la gaieté ; 
Il s’applaudit l’hiver des travaux de l’été.

Alors même sa main n’est pas toujours oisive ; 
De l’arbre de Pallas il recueille l’olive ; 
Le myrte de Vénus lui cède un fruit sanglant, 
Et le laurier sa graine, et les chênes leur gland. 
Les flots sont-ils glacés, les champs couverts de neige ? 
Il tend des rets au cerf, prend l’oiseau dans un piège, 
Ou presse un lièvre agile, ou, la fronde à la main, 
Fait siffler un caillou qui terrasse le daim. 
D’autres temps, d’autres soins. Dirai-je à quels désastres 
De l’automne orageux nous exposent les astres, 
Quand les jours sont moins longs, les soleils moins ardents ; 
Ou quels torrents affreux épanche le printemps, 
Quand le blé d’épis verts a hérissé les plaines, 
Et des flots d’un lait pur déjà gonfle ses veines ? 
L’été même, à l’instant qu’on liait en faisceaux 
Les épis jaunissants qui tombent sous la faux, 
J’ai vu les vents, grondant sur ces moissons superbes, 
Déraciner les blés, se disputer les gerbes, 
Et, roulant leurs débris dans de noirs tourbillons, 
Enlever, disperser les trésors des sillons.




Les êtres animés changent avec le temps : 
Ainsi, muet l’hiver, l’oiseau chante au printemps. 
Ainsi l’agneau bondit sur le naissant herbage, 
Et même le corbeau pousse un cri moins sauvage. 
Mais, malgré ces leçons, crains-tu d’être séduit 
Par le perfide éclat d’une brillante nuit ? 
Du soleil, de sa sœur, observe la carrière. 
Quand la jeune Phébé rassemble sa lumière, 
Si son croissant terni s’émousse dans les airs, 
La pluie alors menace et la terre et les mers. 

 


 
Le soleil à son tour t’instruit, soit dès l’aurore, 
Soit lorsque de ses feux l’occident se colore. 
Si, de taches semé, sous un voile ennemi 
Son disque renaissant se dérobe à demi, 
Crains les vents pluvieux ; leurs humides haleines 
Menacent tes troupeaux, tes vergers et tes plaines. 
Si de son lit de pourpre on voit l’aurore en pleurs 
Sortir languissamment sans force et sans couleurs ; 
Si Phébus, à travers une vapeur grossière 
Dispersant faiblement quelques traits de lumière, 
Semble luire à regret, de leurs feuillages verts 
Les raisins colorés vainement sont couverts ; 
Sous les grains bondissants dont les toits retentissent, 
La grêle écrase, hélas ! Les grappes qui mûrissent. 
Surtout sois attentif lorsque achevant leur tour 
Ses coursiers dans la mer vont éteindre le jour ; 
Du pourpre, de l’azur, les couleurs différentes 
Souvent marquent son front de leurs taches errantes : 
Saisis de ces vapeurs le spectacle mouvant ; 
L’azur marque la pluie, et le pourpre le vent : 
Si le pourpre et l’azur colorent son visage, 
De la pluie et des vents redoute le ravage : 
Je n’irai point alors, sur de frêles vaisseaux, 
Dans l’horreur de la nuit m’égarer sur les eaux. 
Mais lorsqu’il recommence et finit sa carrière, 
S’il brille tout entier d’une pure lumière, 
Sois sans crainte : vainqueur des humides autans, 
L’aquilon va chasser les nuages flottants. 

 
Ainsi ce dieu puissant, dans sa marche féconde, 
Tandis que de ses feux il ranime le monde, 
Sur l’humble laboureur veille du haut des cieux ; 
Lui prédit les beaux jours, et les jours pluvieux. 
Qui pourrait, ô soleil ! T’accuser d’imposture ? 
Tes immenses regards embrassent la nature : 
C’est toi qui nous prédis ces tragiques fureurs 
Qui couvent sourdement dans l’abîme des cœurs. 

 

 

   Au moment où ce vitrail a été posé, chaque lettré connaissait ces vers par cœur, et il est même possible —pour le seul plaisir— d'imaginer que ses commanditaires ont choisi, délibérément, d'illustrer Virgile dans le déploiement de ces panneaux. On sait que le poète de Mantoue figure, dans le vitrail de l'Arbre de Jessé de Chartres, comme une figure prophétique du Messie, par une interprétation d'un passage de la 4e Églogue de ses Bucoliques.

 

Vltima Cumaei uenit iam carminis aetas ;

magnus ab integro saeclorum nascitur ordo. 5

iam redit et Virgo, redeunt Saturnia regna,

iam noua progenies caelo demittitur alto.

tu modo nascenti puero, quo ferrea primum

desinet ac toto surget gens aurea mundo

Les temps sont révolus qu’annonçait la Sibylle.

C’est aujourd’hui que naît le grand orbe des siècles.

Déjà revient la Vierge et la paix de Saturne.

Un nouvel univers descend du haut des cieux.

Un enfant naît qui scellera l’âge de fer,

 

Suscitera la race d’or (Trad. J. Perret)

 

On sait aussi qu'il occupait déjà cette place dans le drame liturgique de la "Procession des Prophètes du Christ". C'est dire la place qu'il occupait aux yeux de l'Église. On sait aussi que Dante le choisit deux siècles plus tard comme Guide de ses Enfers. Au treizième siècle Virgile figure, parmi les poètes, à la première place. Après que sa biographie ait été rédigée par toute une série de textes anonymes de l'époque carolingiennne, une tradition légendaire du XIIe siècle lui attribua une mère nommée Maggia, et des compétences étendues en médecine et mathématique, c'est-à-dire, pour l'époque médiévale, en astrologie. Il passait alors pour un "philosophe", Maître des sept arts libéraux et capable de prédire l'avenir. On lui prête aussi des connaissance en magie, pouvoirs occultes ou surnaturels et en nécromancie.

  Mais surtout, Virgile est celui dont les œuvres sont commentées et étudiées par les élèves et étudiants. Selon André Vernet (1982) "Aucun écrivain n'a été autant mentionné et de façon aussi constante dans les catalogues des bibliothèques médiévales", et les exemplaires de ses œuvres se comptent par centaines ou par milliers dans l'Europe médiévale, des éditions ayant été établies à l'usage des écoles carolingiennes. Traduite, annotée, glossée, citée, découpée en florilèges, sa poésie est partout.

  Alors que, dans cette société rurale, le sentiment de la nature était très fort, les Bucoliques et les Géorgiques eurent un succès particulier, d'autant plus qu'une interprétation des poèmes les transformaient en argumentation chrétienne. Dans les Bucoliques, ce sont surtout les épisodes d'Aristée et d'Orphée et Eurydice qui intéressèrent les exégètes, puisqu'ils abordaient le thème de la mort et de la renaissance.

Paul Legendre, en 1906, a étudié un manuscrit de la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Père près de Chartres, le Ms 13, datant du IXe siècle, contenant 8 feuillets consacrés à des commentaires des Églogues V à VII de Virgile : ces commentaires dépassent en amplitude ceux —de référence— de Servius, avec des réflexions philosophiques, littéraires, grammaticales et des références mythologiques. La profusion de ces commentaires, qui semble destiner à une classe, témoigne de l'importance de cette auteur, notamment à Chartres.

 Les évêques de Chartres pendant la construction et reconstruction de la cathédrale (les commanditaires en puissance) ont été de 1176 à 1180, Jean de Salisbury ; de 1181 à 1183, Pierre de Celle et de 1182 à 1217, Renaud de Bar (ou de Mousson). On sait que Jean de Salisbury, membre de l'école de Chartres, est l'élève d'Abelard ; dans le prologue du Livre V de son Polycraticus, il présente Virgile comme la figure emblématique du poète païen "qui a recherché l'or de la sagesse dans la fange". Cet auteur est célèbre pour avoir donné corps à la légende d'un Virgile magicien, fabriquant une mouche de bronze pour chasser toutes les mouches opportunes. Abelard était convaincu que la lecture des Géorgiques pouvait se faire dans un sens chrétien, notamment en s'appuyant sur le commentaire de Macrobes.  Au sein de l'École de la cathédrale de Chartres, Bernard Sylvestre avait composé le "Commentaire sur les six premiers livres de l'Énéide" et voyait dans Énée une figure de l'âme humaine tombée sur terre dans la prison du corps et découvrant son parcours rédempteur. Mais ses gloses reviennent fréquemment sur des points intéressant les sciences de la nature, cosmogonie et météorologie, qui sont au cœur des Géorgiques.

 La réception des œuvres de Virgile par l'École de Chartres est un sujet si vaste qu'il ne sera évoqué ici que pour justifier mon hypothèse d'une influence du Livre I des Géorgiques sur la conception du vitrail des travaux des Mois de Chartres. Pour le reste, on se rapportera aux travaux de Peter Dronke, Francine Mora-Lebrun, etc...

Je resterai au seuil de cette idée, qui pourrait me faire reprendre chaque panneau en l'illustrant de citations de Virgile, ou qui pourrait aussi me voir partir à la recherche de cette influence dans les autres baies de Chartres.

Mon seul but serait de laisser la poésie latine imprégner, tel une musique et un encens, les sens du visiteur qui regarde cette verrière.


 


 

 

 

Sources :

—Le Zodiaque de la rosace de Notre-Dame de Paris :

http://cathedrale.gothique.free.fr/Notre-Dame_de_paris.htm

— http://www.uranos.fr/PDF/SOM_FR_01C_T2.pdf

— http://cosmobranche.free.fr/MythesConstellations.htm

—  ADAMS 

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Published by jean-yves cordier
10 janvier 2014 5 10 /01 /janvier /2014 13:40

 

Fallait-il vraiment changer le nom du papillon l'Azuré des mouillères ?

 

 

Voir :   Zoonymie du papillon l'Azuré des mouillères Maculinea alcon.

Introduction.

Dans un document du Muséum d'Histoire Naturelle publié en 2013 par Dupont et al. les auteurs préconisent de remplacer le nom vernaculaire français de Maculinea alcon "L'Azuré des mouillères" (Gérard Chr. Luquet, 1986) par celui de "l'Azuré de la Pulmonaire". Présentation et discussion critique.


  Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet proposait comme nom principal pour Maculinea alcon ([Denis & Schiffermüller], 1775) "l'Azuré des mouillères", pour remplacer "le Protée" (Engramelle, 1779) et le "Polyommate alcon" (Godart, 1821).


 Le zoonyme "l'Azuré des mouillères" est créé à cette occasion par G. Chr. Luquet qui regroupe l'immense majorité des 83 espèces de la sous-famille des Polyommatinae sous les noms de Azurés et de Sablés (et quelques-uns sous le nom d'Argus ou  de Bleu nacré).            

  L'Azuré des mouillères est, dans sa liste, l'un des de 63 Azurés. Cette stratégie lui permet d'indiquer, par le nom vernaculaire, l'appartenance à un groupe aux caractéristiques communes, comme le permet le nom de genre pour le nom scientifique. Cela allège aussi l'effort de mémoire, car il suffit de retenir le second terme du nom vernaculaire, qui sera généralement soit un nom géographique (Azuré canarien, de l'Argolou, d'Anatolie, d'Oranie, cordouan, sarde, crétois...), soit d'un milieu,  soit surtout le nom de la plante-hôte (Azuré de la Luzerne, du Trèfle, des Nerpruns, des Cytises, etc, etc.).

 

 

Or, selon Dupont et al. (2013) :

Il convient de remplacer le nom « Azuré des mouillères » (Luquet, 1986 : [15]) par « Azuré de la Pulmonaire ». Le mot mouillère, qui s’applique à une micro-zone humide sans exutoire, située dans une parcelle cultivée (Gérard Arnal, comm. pers.), est impropre à désigner cet Azuré, car ce type de biotope ne correspond en aucun cas à la biologie de l’espèce. Pulmonaire, en revanche, fait allusion à la plante nourricière de la chenille, la Pulmonaire des marais ou Gentiane pulmonaire (Gentiana pneumonanthe), ainsi nommée parce qu’elle était autrefois utilisée dans le traitement curatif des maladies du poumon (Luquet, in Doux & Gibeaux, 2007 : 204).

 Pascal Dupont (MHNH et Service du patrimoine Naturel) est particulièrement habilité à émettre un jugement sur le bien-fondé du nom vernaculaire de cette espèce, après avoir été l'auteur en 2010 du Plan National d'Action en faveur des Maculinea -Opie : http://www.insectes.org/opie/pdf/1587_pagesdynadocs4c23506fd6f5b.pdf

      Mais il semble que cela soit Gérard  Luquet lui-même (l'un des auteurs de la publication de 2013) qui a souhaité corriger son choix initial, car il avait en 2007 incité Doux et Gibeaux à utiliser Azuré de la Pulmonaire à la place d' Azuré des mouillères. De même, il a utilisé ce nom dans son adaptation en français du guide Nathan de Heiko Bellmann en 2008. Enfin, Perrein et al (2012) indiquent les deux noms de Azuré des mouillères et Azuré de la Pulmonaire, et indique : "La Pulmonaire est un ancien nom de la Gentiane des marais Gentiana pneumonanthe, utilisée autrefois contre certaines pneumopathies, selon Gérard Luquet (Comm. pers.).

Le nom "Mouillère".

 Le CNRTL donne pour "Mouillère" :

  "Terrain bas, marécageux, où le bétail et les chars peuvent s'enliser (Fén. 1970). Synon. molière* 

 Étymol. et Hist. 1845-46 «partie de pré ou de champ constamment humide» (Besch.). Altération, d'apr. mouiller*, de molière «terrain marécageux» (ca 1300, Chart. de Blanche de Navarre, fo248 Cf. le lat. médiév. mollaria «champ cultivé où l'on voit sourdre de petites sources, terrain creux où les eaux croupissent» (1132 ).

*Molière (féminin) : B. − Terre grasse et marécageuse. La mer (...) a déposé, en effet, un cordon littoral dont la trace est visible (...) dans les molières ou marais de Cayeux (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p.98).

Ce nom récent (1834), mais attesté dans la toponymie (lieu-dit Les Mouillères) est utilisé pour désigner des "sources", des marécages, des terrains argileux qui ne se drainent pas, des zones restreintes des champs qui restent inondées.

  

La Gentiane  dite "pulmonaire" : étymologie et Matière médicale.

File:Gentiana pneumonanthe Sturm9.jpg

 

 illustration: Jacob Sturm in Johann Georg Sturm Deutschlands Flora in Abbildungen 1796

  Le nom Gentiana date des grecs anciens :  selon Dioscoroide et Pline (Livre 25 chap. 7) , cette plante doit son nom à Genthius (180-68 avant J.C), roi d' Illyrie (près de l'Albanie) , qui en découvrit les vertus toniques. Elles furent insuffisantes pour lui éviter d'être vaincu par le préteur romain Anicius. Genthios (pour les hommes) et Genthis (pour les femmes) comme Gentian sont des prénoms encore en usage, en Albanie notamment.

  Linné a décrit les 23 espèces du genre Gentiana dans son Species Plantarum de 1753 page227 Gentiana pneumonanthe est la 5e espèce, avec la mention Habitat in pascui humidiusculis. C'est la Gentiana palustris angustifolia du Pinax de Bauhin page 188. 

  C'est surtout la Gentiane jaune qui connaissait un usage thérapeutique, sous forme d'extrait, de vin ou de poudre, comme tonique et fébrifuge. Sa racine figure dans la Liste des drogues utilisées pour l'hôpital de la marine de Brest et pour les coffres de mer en 1777. Sa poudre rentre dans la composition d'un Opiat antiscorbutique, selon la recette du même Hôpital.

  La G. pneumonanthe (Marsh gentian) était considérée comme moins active, mais plus amère. A la différence de sa Gentiana centaurium, (S.P. n°14 page 229) Linné n'indique pas pour celle-ci une référence à la Matière médicale.

Je n'ai pas trouvé de témoignage sur une utilisation particulière dans les troubles pulmonaires. Il me semble que cela est dû à une "mauvaise" traduction de l'épithète pneumonanthe par "pulmonaire", le terme "Gentiane pulmonaire" n'étant attesté (par un moteur de recherche dans les Livres) qu'à partir de 1905. Selon Alexandre de Théis dans son  Glossaire de botanique, ou, Dictionnaire étymologique de tous les noms Paris : Dufour, 1810, l'étymologie de -pneumonanthes est la suivante :

Pneumonanthes : du grec pneumo, "air, souffle", et anthes, "fleur,   De sa corolle ventrue et qui ressemble à une vessie remplie d'air. Boëhmer dit qu'on la nomme pneumonanthes « parce qu'elle croît sur les montagnes aux lieux exposés au souffle des vents ». C'est une erreur, elle croît dans les marais. Bauhin, Pinax 188 l'a nommée même gentiana palustris.

  Linné n'a donc pas créé le nom pneumonanthe avec l'intention de décrire les qualités expectorantes ou pectorales de la plante, qualités qui, une fois encore, ne sont pas attestées.

Car en réalité ce n'est pas Linné qui est l'inventeur de ce nom, qu'il a repris au médecin et botaniste allemand Cordus. Valerius Cordus (1515-1544) a publié  Annotationes in Pedacii Dioscoridis de Materia medica libros V où il décrit 500 plantes et qui paraît en 1561 (ou à Nuremberg en 1541 ?), et Gessner a publié de façon posthume son Historia stirpium et sylva Strasbourg 1561 avec ses notes personnelles.

  J'ai suivi jusqu'à présent le fil de mes recherches. Parvenu à ce stade, je remets les éléments dans l'ordre :

1. Valerius Cordus a décrit page 162 de son Historia une gentiane qu'il nomme Pneumonante : 

 De Pneumonante , id est Lungenblüme [Gentianae minoris, speciem esse apparet, qualem hîc exhibeo, aut similimam] cap. CLI. Pneumonanthes caulem qui busdam in locis producit singularem ...

Dodonaeus Violam cathalianam vocat...

(V. Cordius, Historia stirpium Libra IV, Gessner, édité par Rihelius, 1561. BHL lib.)

2. Cordus mentionne un nom vernaculaire allemand Lungenblüme [Poumon-Fleur] qui traduit ou explique le nom de Pneumonante/pneumonanthes, et qui peut relever de la Théorie des signatures attribuant des propriétés thérapeutiques à une plante selon sa ressemblance avec un organe ou une pathologie. Mais Cordus ne commente pas ce nom dans son texte, et ne mentionne pas d'usage médical.

3. Dalechamps et Desmoulins la signale en 1615 sous ce nom dans leur description de la Calathiana ou Violette d'automne  (Histoire générale de Dalechamps VII, 17 page 712). Pas d'utilisation thérapeutique signalée.

4. Etienne Blankart écrit en 1754  (Etienne Blankaart, Johann Heinrich Schulze Steph. Blancardi Lexicon medicum renovatum, in quo totius artis medicae ...1754): 

Vox ipsa significat Florem pulmonalem, sed an inserviat morbis pulmonum, necdum compertum habeo. B. Longe bloem, G. Lungea blume, A. Marsh-gentian 

 "Son nom signifie Fleur du Poumon, mais  je n'ai pas encore appris qu'elle soit utile aux maladies pulmonaires"

5. Ce nom de Pneumonanthe est repris par les différents auteurs  dans leurs Botaniques, puis par Linné, sans faire mention de propriétés pulmonaires. [Linné donne une traduction de Lungenblüme (Felwort en anglais, Maldelgeer en néerlandais) en 1760].

6. La plante est nommée en français "Gentiane pulmonaire" pour la première fois en 1905 par la Société horticole du Doubs (Vol. 49 à 50, p. 345).

7. La Revue horticole suisse ajoute en 1994 : Gentiane pulmonaire "car elle soignait, dit-on, les affections bronchiques".

8. L'article Wikipédia (consulté le 10-1-2014) ne donne comme nom vernaculaire que "Gentiane des marais, Gentiane pneumonanthe".

  Ce nom de Gentiane "pulmonaire" est à mon sens  inadéquat car il laisse penser que le nom français traduit fidèlement le nom latin pneumonanthe, et que cette plante connaît un usage traditionnel pour soigner les affections pulmonaires. Il est préférable, comme le fait l'auteur de l'article Wikipédia, de respecter l'intégrité du nom sous sa forme "Gentiane pneumonanthe", ou d'utiliser le nom tout aussi traditionnel de "Gentiane des marais".     

   Le nom de "Pulmonaire des marais" est bien signalé sur le site de référence Tela Botanica, mais avec la mention "régional ou secondaire". (Par contre, le site ne mentionne pas "Gentiane pulmonaire"). L'appellation est retrouvée en France à partir de 1850 et devient alors assez communément citée comme nom "vulgaire" dans les compte-rendus et les publications.

  En conclusion,

la décision de remplacer le nom de "Azuré des mouillères" (bien répandu dans le public)  par "Azuré de la Pulmonaire" risque d'entraîner d'autres confusions que celle qu'elle souhaitait éviter ; loin de signaler que la plante-hôte est Gentiana pneumonanthe (elle-même plus connue sous le nom de "Gentiane des marais" que sous le nom  de "Gentiane Pulmonaire"), ce nom porte à croire que l'espèce est inféodée à une Pulmonaire, plante du genre Pulmonaria (Borraginacées) comme la Pulmonaire officinale, la Pulmonaire semblable, la Pulmonaire des montagnes ou (dans le genre Mertensia) la Pulmonaire maritime. Ces plantes doivent leur nom au fait que, selon les Romains, la racine de certaines espèces était censée guérir les maladies du poumon, mais on considère généralement que, selon la Théorie des signatures, l'attribution de cette propriété est liée, par analogie, aux taches éparses sur les feuilles des principales espèces, ces taches évoquant celles du poumon. (d'après Wikipédia).

N.B : le site Wikipédia consulté le 10 janvier 2014 donne pour Phengaris alcon (Maculinea alcon) les noms de "Azuré des mouillères" et de "Protée".

 

Dans le même temps, l'usage du nom de genre Maculinea, Eecke, 1915 en usage depuis le deuxième tiers du XXe siècle a été contesté au profit de celui de Phengaris Doherty, 1891, plus ancien.  Or, la Commission s'est prononcé sur le maintien du nom Maculinea, en raison de sa diffusion, de l'emploi régulier qui en a été fait dans les publications, et du fait que le public connaissait les espèces du genre sous ce nom.

Les mêmes arguments ne valent-ils pas pour le nom vernaculaire Azuré des mouillères ?

Document :

cas 3508 : Paclt, J, Bulletin of Zoological Nomenclature mars 2013 70(1) : 52

This comment is in support of Case 3508 to conserve the junior synonym Maculinea Eecke, 1915 for the Large Blue butterfly. The historical use of the two synonyms, Maculinea Eecke, 1915 and Phengaris Doherty, 1891 is summarized by Paclt (2012), with Maculinea shown to be very widely used and Phengaris very little used, almost solely by, or following, the authors of the comment opposing the case. Article 23.2 of the Code (the Principle of Priority) is to be used to promote stability, and not to upset a long-accepted name in its accustomed usage by introducing a little-used senior synonym as was done by Fric et al. (2007). The genus Phengaris was introduced in 1891, and since then has been the subject of very few publications, while Maculinea was used in all catalogues, field guides and educational posters and has been the subject of numerous behavioural, ecological and conservation studies. The Commis- sion is formally asked for a ruling in support of Case 3508 and for conservation of the junior synonym Maculinea, which is a classical case of common usage vs priority, as described in Article 23.9.3 of the Code.  

Source :

— DUPONT (Pascal), DEMERGES (David), DROUET (Eric) et LUQUET (Gérard Chr.). 2013. Révision systématique, taxinomique et nomenclaturale des Rhopalocera et des Zygaenidae de France métropolitaine. Conséquences sur l’acquisition et la gestion des données d’inventaireRapport MMNHN-SPN 2013 - 19, 201 p. 

  http://www.mnhn.fr/spn/docs/rapports/SPN%202013%20-%2019%20-%20Ref_Rhopaloceres_Zygenes_V2013.pdf


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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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