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13 mai 2014 2 13 /05 /mai /2014 18:03

    Les 28 stalles du XVIe siècle de la Vie de Jésus, dans la sacristie de la cathédrale Saint-Julien du Mans.

 

   La cathédrale possédait au XVIe siècle 96 stalles, réparties en deux ensemble de 48 de chaque coté du chœur tandis que les bancs des enfants de chœur  étaient placés au fond, contre le jubé. En 1562, la cathédrale est mise à sac par les Huguenots qui s'en prennent au jubé, détruisent les  tombeaux, les statues, les autels, les sculptures, les vitraux, les stalles, les reliquaires, les orgues, le sépulcre du Christ, et à l'extérieur du monument, les statues des galeries du chœur, de la nef et de la grosse tour. Les chanoines décident rapidement la réfection des stalles et dès 1563, les moines de la Couture, puis, en 1571, ceux de Saint Vincent, offrirent du bois pour leur confection. Le travail fut terminé en 1576. Mais elles furent mutilées plus tard sous l'évêque Grimaldi en 1768, puis recouvertes en 1830 d'une couche de peinture jaune sous l'évêque Carron. Enfin en 1855, sous l'épiscopat de Mgr Nanquette, les dossiers de ces stalles furent définitivement démontés et 28 d'entre eux furent dressés sur les murs intérieurs de la sacristie, incorporés dans un meuble en menuiserie : il ne restait que 69 stalles y compris d'autres qui furent placées dans le déambulatoire, et on en décrit actuellement 50 au total. Leurs scènes représentent la vie du Christ, avec quelques allégories s'insérant dans les motifs de décoration, et portent les dates de 1575 et de 1576. 

 Leur intérêt repose sur :

  • l'admiration suscité par ce travail de sculpture en chêne.
  • L'éventail des motifs baroques d'ornemanistes en registre inférieur.
  • le document iconographique que ce corpus représente, à étudier pour recherche leurs sources (gravures) et leur comparaison avec d'autres supports, notamment pour moi les Passions des verrières.
  • les circonstances de leur création après le saccage par les protestants, afin d'y déceler un argumentaire lié à la Contre-Réforme (comme s'y est consacrée Laurence Riviale pour les vitraux de Normandie).

   Enfin, je rappellerai que la cathédrale de Saint-Claude dans le Jura possédait un ensemble très précieux de stalles du XVe siècle : lorsqu'un incendie le détruisit en grande partie, les chercheurs découvrirent que ce chef d'œuvre souvent célébré n'avait jamais fait l'objet de description détaillée ou d'étude approfondie. Au Mans, ces panneaux sont si disponibles aux visiteurs que je n'ai trouvé en ligne aucune étude critique récente (bien que je ne doute pas, comme on n'en doutait pas non plus à Saint-Claude,  que des travaux confidentiels soient déposés dans les services ad hoc) : n'attendons pas qu'il soit trop tard.

  C'est ici un travail de touriste, avec les photographies prises lors d'une rapide visite à midi sur ma route vers Chartres,  lors de laquelle j'ai été surpris par la qualité de ce que je découvrais, mais où les panneaux étaient peu accessibles pour certains, à contre-jour ou dans la pénombre pour d'autres : j'ai fait ce que j'ai pu, en passant. D'autres viendront j'espère pour mieux faire.

Je débute par le panneau daté 1576.

42. Noli me tangere : Jésus  apparaissant après sa résurrection  sous la forme d'un jardinier à Marie-Madeleine. 

  Chaque dossier est encadré par une architecture à arcature en plein cintre soutenu par deux colonnes. Deux figures (ici, deux têtes d'anges) occupent les coins supérieurs. Sous cette architecture, le panneau se divise en deux parties, l'une historiée selon les différents épisodes de la Vie de Jésus et l'autre décorative, qui réalise une console où s'appuie la scène.

a) Scène historiée. 

Jean, 20:11-18

                        stalles 1595c

   Ici comme dans d'autres exemples, plusieurs temps du récit trouvent place dans des registres ou des zones différentes. Jésus coiffé d'un chapeau de jardinier, mais nimbé, vêtu d'une robe ceinte à la taille, tenant une bêche à manche en T, tend la main (qui porte les stigmates de la crucifixion) vers Marie-Madeleine qui recule sous l'effet de la surprise ou de l'effroi. Elle est tombée à genoux, a lâché le flacon d'aromates, et semble pousser un cri d'exclamation. Toujours élégante, elle porte une robe dont la ceinture est centrée par une broche, une chemise au col ruché et un chaperon à longs rubans. Ce mouvement des deux personnages illustre mal le Noli me tangere, "Ne me touches pas" Jn 20:17 du Christ qui supposerait un élan inverse.

Au dessus, deux anges les regardent depuis l'ouverture de  la grotte qu'ils gardent. Au loin, le Golgotha ou Mont du Crâne, et ses trois croix.

b) motif décoratif.

Rubans dont les entrelacs savants dégagent trois orbes, recevant des fruits et, au centre, un triangle avec la date : 1576.

La date de 1576 :

  • 14 ans après la prise de la ville par les calvinistes et le saccage de la cathédrale (1562) et 4 ans après le Massacre de la Saint-Barthélémy (24 août 1572).
  •  En décembre 1575, Jean Casimir, fils du comte palatin, pénètre avec 25.000 hommes dans l'est du royaume qu'il dévaste. En 1576, la fuite du roi de Navarre assigné à la cour depuis quatre ans, l'encerclement de Paris par les troupes coalisées et leur supériorité numérique contraignent Henri III à s'incliner. La paix est signée à Etigny.

       Le 6 mai 1576, le roi accorde l'édit de Beaulieu qui répond favorablement aux revendications des Malcontents de François d'Alençon. Il accorde aux protestants la liberté de culte et des places de sûreté (garanties militaires). Il crée dans les parlements des chambres mi-parties où les protestants et les catholiques sont représentés à parts égales. Le roi indemnise également toutes les victimes de la Saint-Barthélémy.
  • Le roi est Henri III (1574-1589).
  • Épiscopat du cardinal Charles d'Angennes de Rambouillet, de 1556 à 1587.  "Charles d'Angennes est le deuxième fils de Jacques d'Angennes (m. 1562), seigneur de Rambouillet, gouverneur du Dauphiné, et le frère de Nicolas d'Angennes seigneur de Rambouillet. Il est élu évêque du Mans en 1556, mais ne prend possession de son diocèse qu'en 1560. Pendant son épiscopat, Le Mans est attaqué par les calvinistes et la cathédrale Saint-Julien est gravement vandalisée. Il est ambassadeur du roi Charles IX auprès de Pie V et ambassadeur de la France au Saint-Siège à partir de 1558. D'Angennes participe au concile de Trente à partir de 1562. Le pape Pie V le crée cardinal lors du consistoire du 17 mai 1570. Le cardinal d'Angennes participe au conclave de 1572, lors duquel Grégoire XIII est élu pape, et de 1585 (élection de Sixte V)". (Wikipédia)
  • Pontificat de Pie V.
  • Fin de la 5ème guerre de religion (1574-1576).
  • Le Concile de Trente a eu lieu de 1542 à 1563.

 

 

                             stalles 1566c

Je poursuis ma visite en me déplaçant dans la sacristie de la gauche vers la droite, (c'est à dire pour l'instant vers la sortie) : les scènes vont décrire la période qui suit la Résurrection et où le Christ se manifeste à ses disciples.

 


43. Les disciples d'Emmaüs.

a) Scène historiée.

Luc 24:13-35 

 Il faut, pour les catholiques, voir dans cet épisode évangélique une preuve de l'institution de l'Eucharistie non seulement comme sacrement (ce que les protestants reconnaissent), mais comme une célébration qui n'est pas qu'une commémoration, mais la transformation des espèces (pain et vin) en corps et sang du Christ selon le dogme de la transsubstantiation ( que les protestants ne reconnaît pas).

                    stalles 1596c

 

Deux pèlerins (bâton de marche dont l'un est un bourdon avec sa calebasse qui sert de gourde ; chapeau proche d'un bonnet à glands ; pèlerine ; besace) dont l'un se nomme Cléopas marchent avec le Christ qu'ils ne reconnaissent pas encore ; ils ne l'identifient que dans la scène supérieure où, arrivés dans l'auberge, il rompt le pain.

Luc 24:30 :et factum est dum recumberet cum illis accepit panem et benedixit ac fregit et porrigebat illis  Luc 24:35 et quomodo cognoverunt eum in fractione panis. "Pendant qu'il était à table avec eux, il prit le pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna.[...] comment ils l'avaient reconnu au moment où il rompit le pain"

Ce geste illustré dans la lunette est très important pour l'Église puisque le premier nom de la messe pour les chrétiens des catacombes  a été fractio panis "fraction du pain" (en grec klasis tou artou) qui est fractio Verbi, "partage de la Parole" et fractio Vitae, "partage de la Vie". Ce geste est une fracture tout autant qu'une fraction, et rappelle que la brisure du pain  est le préalable à son partage tout comme le sacrifice du Christ et sa mort est la condition de l'Eucharistie. 

b) motif décoratif.

Ce motif est ici remplacé, et seulement ici, par une autre scène historiée qui est une caricature violente d'un office de l'Église réformée. Vingt-deux personnages des deux sexes sont réunis, mais six démons sont aussi avec eux et leurs tendent des liens. Au centre, sous une colonne et sur un piédestal, leur chef mène la danse de sa baguette.

La traduction de la Bible en français était alors condamnable pour l'église et considérée comme une vulgarisation coupable ; a fortiori l'accès des laïcs à la lecture des textes saints, et, comble de forfaiture, par une femme est ici dénoncé.

 

 

 

Calvinisme au Mans et prise de la ville en 1562 (voir mes sources infra)

      Les premiers prédicateurs du calvinisme, dans le Maine furent Henri Salvert, qui y vint de Tours en 1559, et Merlin, de La Rochelle, un des disciples de Théodore de Bèze. Près du Mans, Mamers devint bientôt l'un des plus ardents foyers du protestantisme dans cette contrée.  La première communauté de l'église réformée selon l'Évangile  du Mans fut établie en 1561 et organisée par Pierre Merlin. On y trouve outre le pasteur, dix anciens et deux diacres beaucoup d'artisans, mais aussi des gentilshommes (près d'un huitième de la noblesse) et surtout une majorité de magistrats et d'officiers.

Le refus du Parlement de Paris d'enregistrer l'édit de tolérance ou paix de Saint-Germain signé le 17 janvier 1562 autorisant la pratique limitée du culte réformé afin d'apaiser les tensions entre les deux partis, et le massacre de Wassy par les catholiques du duc de Guise au mois de mars font échouer la politique de conciliation voulut par la régente Catherine de Médicis.  Partout en France les huguenots prennent les armes.

Le 3 avril 1562, conformément à la politique du chef du parti huguenot, le prince de Condé, les protestants du Mans prennent pacifiquement le contrôle de leur ville avec l’intention déclarée de défendre le roi contre les menées des factieux catholiques. La prise de la cité se fait sans coups férir avec l'appui des troupes de Bellesme et de Mamers. En l'absence du connétable, les chefs calvinistes s'emparent des clés de la ville et ferment les portes. Immédiatement des patrouilles se forment pour éviter tout désordre et crime.

   L'évêque Charles d'Angennes prend  la fuite en emportant une partie du trésor de la cathédrale, trésor qu'on ne retrouva jamais, et se réfugia dans son château de Touvoye. Les nouveaux chefs de la cité envoient alors un député à la reine pour lui expliquer qu'ils n'avaient agi que pour se soumettre au roi contre les menées des Guises. Mais entre temps le Parlement de Paris a déclaré les huguenots criminels de lèse-majesté, autorisant par là leur poursuite et mise à mort.
C'est à partir de ce moment que les événements dégénèrent au Mans et dans sa région. Dans la ville même la foule s'en prit aux riches couvents des Jacobins et des Cordeliers qui furent pillés et brûlés . Le 7 mai la cathédrale Saint-Julien fut à son tour mise à sac, les images profanées, les tombeaux des comtes et des évêques brisés.
Sortant de la ville les pilleurs se répandirent dans les villages alentours, affrontant quelques paysans qui s'opposaient à eux.  D'après les chroniqueurs de l'époque, les protestants firent alors régner la terreur, opprimant les catholiques,en représailles des ordres donnés par les Guises d'exterminer tout protestant dans les villes du Maine. L'un des chefs calvinistes le plus redouté était René de Rouvraye, sire de Bressault surnommé "ce diable de Bressault" qui terrorisa le Maine et l'Anjou de 1562 à 1572 date de son arrestation et exécution à Angers. S'en prenant essentiellement aux biens ecclésiastiques il pilla à la tête d'une troupe de brigands les églises et les couvents,  torturait les religieux , et portait en baudrier leurs oreilles coupées.
En 1562 il prit part au pillage de la cathédrale Saint-Julien du Mans avant de s'enfuir vers la Normandie lors de la reprise de la ville par les catholiques en juillet.  

Les objectifs de ces méfaits sont divers : financement de la guerre, enrichissement personnel mais aussi purification religieuse et pratique du  "vandalisme pédagogique" consistant à détruire les images et les croix pour faire remarquer que Dieu reste muet devant ce que les catholiques considèrent comme un sacrilège. Les destructions nombreuses d’images et d’objets sacrés s’inscrivent en effet dans une vague d’iconoclasme qui touche tout le pays, cet acharnement populaire traduisant à sa manière la condamnation calviniste des images et des reliques porteuses de pratiques superstitieuses. 

Cette situation se maintiendra jusqu’au 11 juillet, date à laquelle la ville est abandonnée, délivrance qui fut attribué à un miracle de sainte Scholastique, patronne de la ville fêtée ce jour-là.

On ne s'étonnera pas de voir de nombreux membres de cette assemblée coiffés du bonnet carré (mortier) des magistrats, lorsqu'on lira la liste des personnes qui prirent le contrôle de la ville :  le lieutenant particulier du sénéchal, Jehan de Vignolles et Marie Mestayer sa femme ; le juge magistral criminel du siège présidial, maître Thibault Bouju et Marie Trouillart, sa femme ; la plupart des gens du roi ; des gardes des remembrances ; un grand nombre des membres du corps de ville, quatre conseillers magistrats, des procureurs du roi et des avocats du roi au siège présidial, le prévôt des marchands, le contrôleur du grenier à sel, et autres personnes nantis du pouvoir.

Le Présidial du Mans, ou Tribunal de justice venait d'être institué, comme 60 autres en 1551 par Henri II ; il comprenait un Président, un Lieutenant-Général, un Lieutenant criminel : juge des affaires criminelles, un Lieutenant particulier assesseur criminel, un Chancelier ; des Conseillers (juges), des  contrôleurs, secrétaires, etc...

Sur Jean de Vignolles : voir Hôtel de Vignolles au Mans.



stalles 1620c

 

 

44. Jésus se manifeste au dix apôtres. 

a) scène historiéeJean,20:19:23

  Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu'ils avaient des Juifs, Jésus vint, se présenta au milieu d'eux, et leur dit: La paix soit avec vous! Et quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent dans la joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau: "La paix soit avec vous! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie." Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit: "Recevez le Saint Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus."

Ce texte est un argument pour la validité du sacrement de Pénitence (la Confession), alors que la confession n'est pas retenu comme un sacrement par les calvinistes. (Pour Luther, l'Eglise, par le ministère des clefs, elle a le pouvoir de pardonner les péchés.) 

b) motif décoratif :

coquille Saint-Jacques, fruits, gousse de pois, draperies.

                        stalles-2-1569c.jpg

 

 

45. Incrédulité de saint Thomas.

a) scène historiéeJean 20:24-29

Le Christ ressuscité apparaît aux onze apôtres : 

 

Huit jours après, les disciples de Jésus étaient de nouveau dans la maison, et Thomas se trouvait avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées, se présenta au milieu d'eux, et dit: La paix soit avec vous! Puis il dit à Thomas: "Avance ici ton doigt, et regarde mes mains; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté; et ne sois pas incrédule, mais crois". Thomas lui répondit: "Mon Seigneur et mon Dieu!" Jésus lui dit: "Parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru!"

  Thomas, dont le nom signifie "jumeau" en araméen, est, dans le Credo apostolique, associé au cinquième article "Il est descendu aux enfers ; le troisième jour il est ressuscité des morts" : s'il représente communément l'incrédulité (comme disent les bretons Thomas na gredas, na welas, "Thomas ne croit pas s'il ne voit pas"), il est aussi le témoin clef de la Résurrection.

b) motif décoratif : masques et fruits.

                              stalles 1598c

 

 

46. La pêche miraculeuse    

a) scène historiée Jean 21:1-14.

Une pêche miraculeuse racontée en Luc 5:1-11 survient avant la résurrection, mais ce panneau, placé dans cet ordre, fait référence au récit de Jean et au miracle survenu après la résurrection. Il s'agit encore (cf Emmaüs) d'une référence à l'Eucharistie. Mais, selon l'homélie 24 de Grégoire le Grand, c'est aussi une métaphore décrivant les apôtres appelés à devenir pêcheurs d'hommes. C'est encore là que Jésus dit à Pierre "pais mes agneaux" (pasce agnos meos ; en grec : "mes petits agneaux") puis "pais mes brebis" (pasce oves meas), en le désignant ainsi comme le berger des fidèles. Ce terme pastoral est repris par Pierre dans sa première épître : 1 Pierre 5.2 "Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde, non par contrainte, mais volontairement, selon Dieu; non pour un gain sordide, mais avec dévouement".

 On peut y voir la confirmation de l'apostolat de Pierre et l'institution du pouvoir temporel et spirituel de Rome, que conteste les protestants.

 Selon le texte, le filet des apôtres ramena à terre 153 poissons. Pourquoi ce nombre ? Saint Augustin dans sa glose remarqua que c'était la somme des nombres entiers jusqu'à 17 (Traité de l'évangile de saint Jean,  Migne, Patrologie Latine, tome 35, col.1963-1964 ). Or 17 est le nombre de peuples cités dans les Actes des Apôtres 2,1-11 dans le récit de la Pentecôte comme étant "toutes les nations qui sont sous le ciel" : dans cette interprétation, 153 correspond à "la multitude des chrétiens", c'est donc l'effectif du cheptel confié à Pierre. 

 Peu de détails remarquables sur la stalle elle-même ; Jean est debout devant Jésus et tient un poisson alors que Pierre est à genoux pour trier le filet, devant un grill où cuisent les poissons. La forme des embarcations, très creuses avec un château-avant défendu par des créneaux évoque les carvelles médiévales plutôt que des barques galiléennes...

b) motif décoratif :

carré central entre deux oiseaux fantasques.

 

                           stalles 1600c


 


 

 

 

47. Remise des clefs à Saint Pierre.

  a) scène historiée.

    Nous poursuivons l'évangile de Jean Jn 21:15-17

 Dans le contexte de la Contre-Réforme, ce panneau souligne comme le précédent que l'Église Apostolique et Romaine trouve le récit de son institution dans l'évangile.

b) Motif décoratif.

non photographié...

 


                       stalles 1601c

 

 

 

    48. Ascension.

a) scène historiée.

Actes des Apôtres 1:6-10.

b) Motif décoratif :

Masque cornu, têtes animales

                        stalles 1602c

 

 

49. Pentecôte.

a) Scène historiée.

Actes des Apôtres 2:1-12

Douze apôtres, la Vierge et deux saintes femmes.

b) Motif décoratif.

Comme les deux dates de 1575 et 1576, ce panneau donne une référence historique puisqu'il consiste en un monogramme H couronné. En 1576, l'épisode des guerres de religion reçut le nom de guerre des trois Henri : Henri III , roi de France, chef des royalistes ou politiques; Henri de Navarre chef des protestants; Henri 1er duc de Guise, chef des ligueurs. L'évêque du Mans étant fidèle au roi, il s'agit ici de la marque du roi Henri III.


                   stalles-2 1604c

 

On peut voir le dernier panneau n° 50   dans le chœur : c'est le dossier de l'ancienne cathèdre .

 Fin du cycle de la Vie de Jésus.

 

Le début du cycle est visible dans  le déambulatoire sud (dossiers 1 à 14) et dans le  déambulatoire nord (dossiers 15 à 20. Dans la sacristie, la série se poursuit par le n°21 :

 

Reprise du cycle de la Vie de Jésus dans la sacristie : 


     21. Jésus marchant sur les flots

a) scène historiée : 

Matthieu 14:22-33.

b) motif décoratif.

Ove entre deux oiseaux.

                            stalles 1607c

 

22. Transfiguration.

a) scène historiée.

Matthieu 17:1-8

b) motif décoratif.

"corbeille", fruits, gousses de pois, ...

               stalles-2 1606c

 

 


23. Guérison des dix lépreux

a) scène historiée.

Luc 17:12-19

Partie centrale : les dix lépreux, visage dissimulé par un foulard, et portant à la ceinture deux accessoires, peut-être un gobelet, et une sorte d'étole.

Lunette : parmi les dix lépreux guéris, un seul vient rendre grâce.

b) Motif décoratif. 


                       stalles 1611c

 

 

24. Le Christ et les petits enfants.

a) scène historiée.

Marc 10:13-16. 

Marc 10:46-52.

Dans la lunette : Guérison de Bartimée, mendiant aveugle (?).

b) motif décoratif.

Visage féminin couvert d'une guimpe.

                            stalles 1612c

 

 

 

25. Résurrection de Lazare

a) scène historiée.

Jean 11:32-44 

  A Béthanie, Jésus ressuscite Lazare pourtant enseveli depuis quatre jours, pour la plus grande joie de ses sœurs Marthe et Marie (Madeleine), alors qu'un assistant se pince le nez. C'est l'apôtre Pierre (reconnaissable à son toupet sur une calvitie fronto-pariétale élargie) qui se penche sur le tombeau; Comme d'habitude, Marthe fait sa prude sous sa guimpe tandis que Marie-Madeleine, qui a choisi la meilleure place très près de Jésus, fait la belle avec sa chemise au col ruché et sa coiffure élaborée. En haut, trois pharisiens regardent cela d'un air désapprobateur. 

b) motif décoratif.

Ove présenté par deux anges ; masque et fruits.

                           stalles 1614c

 

 

 26. Entrée à Jérusalem. Datation de 1575.

a) scène historiée.

Matthieu 21:1-11.

Comme d'habitude, cette Entrée triomphale à Jérusalem de Jésus monté sur un ânon est associée au récit de Zachée sur son sycomore Luc 19:1-10.

Cette scène est traitée de façon identique sur de multiples enluminures et gravures. 

b) motif décoratif.

cuir en médaillon (fleur de lys) tenu par deux anges ; draperies à franges. date 1575.


                               stalles-2 1570c

                                stalles-2 1616c

 

  27. Vendeurs chassé du Temple.

a) scène historiée.

Jean 2:14-22

b) motif décoratif.

Masque et griffons.

 

                               stalles-2 1571c

                      stalles-2 1618c

 


28. Guérison de l' aveugle-né ; fontaine de Siloé.

a) scène historiée

Jean 9:1-12 Partie centrale, Jésus guérit l'aveugle-né en appliquant sur ses yeux un mélange de boue et de salive. Au dessus : Jean 9:7, l'aveugle se rince au réservoir de Siloé, et y voit clair. Dans la lunette : les pharisiens reprochent à Jésus sa guérison un jour de sabbat Jean 9:35-38.

b) motif décoratif.

Médaillon : serpent autour d'une flèche.

                                        stalles-2 1572c

 

 

29. La Cène : Communion de Judas.

 

a) scène historiée : la Cène.

Jean 13:21-30

Elle adopte la disposition où la table est parallèle au bord du panneau, le Christ et huit apôtres étant placés d'un coté, deux autres apôtres en bord de table, et deux autres enfin du coté du spectateur.  

C'est l'illustration d'un passage de l'évangile de Jean, dans lequel Jésus tend une bouchée à Judas, le désignant ainsi comme celui qui va le trahir. On nomme parfois ce passage Communion de Judas, ce qui ouvre des discussions soit sur le caractère possiblement profanateur de cette communion ( mais l'Eucharistie n'est vraiment instituée que par la Passion), soit sur le libre-arbitre de Judas qui répond à un don et un partage de nourriture par la trahison.

 

Jean 13:21. Après avoir dit cela, Jésus fut troublé intérieurement et il déclara solennellement: "Oui, vraiment, je vous l'assure: l'un de vous me trahira".

22 Les disciples, déconcertés, se regardaient les uns les autres; ils se demandaient de qui il pouvait bien parler.

23 L'un d'entre eux, le disciple que Jésus aimait, se trouvait à table juste à côté de Jésus.

24 Simon Pierre lui fit signe de demander à Jésus de qui il parlait.

25 Et ce disciple, se penchant aussitôt vers Jésus, lui demanda:
    "Seigneur, de qui s'agit-il?"

26 Et Jésus lui répondit: "Je vais tremper ce morceau de pain dans le plat. Celui à qui je le donnerai, c'est lui."
Là-dessus, Jésus prit le morceau qu'il avait trempé et le donna à Judas, fils de Simon Iscariot.

27 Dès que Judas eut reçu ce morceau de pain, Satan entra en lui.
Alors Jésus lui dit: "Ce que tu fais, fais-le vite".

28 Aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi il lui disait cela.

29 Comme Judas gérait la bourse commune, quelques-uns supposèrent que Jésus le chargeait d'acheter ce qu'il leur fallait pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres.

 30 Dès que Judas eut pris le morceau de pain, il se hâta de sortir. Il faisait nuit.

  Par cette mise en évidence du libre-arbitre du disciple Judas, ce panneau peut s'inscrire dans les réflexions théologiques de la Contre-Réforme s'opposant aux thèses calvinistes de la prédestination.

 Ce choix entre les deux voies du Bien et du Mal peut trouver son illustration dans les deux apôtres situées du coté du spectateur, Judas le traître, et l'autre, dont le nom importe peu, mais qui reste fidèle.

La bouchée est ronde comme une hostie, mais elle a été prélevée dans le plat qui, au centre, contient l'agneau pascal. Un couteau, sur la table, symbolise la trahison, mais il est d'habitude placé près de Judas. Enfin le chien qui ronge quelque reste de repas peut renvoyer à Judas et à sa vile conduite, mais le plus souvent c'est un chat animal lié à Satan) qui est représenté.

 

Parmi les apôtres on identifie Jean endormi devant Jésus et Pierre qui tient son glaive. En arrière-plan, les murailles de Jérusalem.

b) motif décoratif.

Tête d'angelot, entrelacs, fruits, gousse de pois.

                                 stalles 1573c

 

 

                          stalles 1578c

 

30. Lavement des pieds.

a) scène historiée

Jean 13:1-9 et Jn 9:12-15.

b) motif décoratif.


                          stalles-2 1580c

 

 

31. Comparution devant Caïphe.

a) scène historiée.

Matthieu 26:57-66. Le "souverain sacrificateur Caïphe" (au bonnet ostensiblement hébraïque et ridicule) entend les deux témoins, dont le premier commente sur ses doigts le chiffre trois ( Jésus a dit qu'il rebâtirai le temple en trois jours). Cinq soldats amènent le prisonnier et le malmènent.

Dans la lunette : Caïphe déchire ses vêtements alors que ses gardes se livrent à une scène d'outrages. 

b) motif décoratif.

?

                     stalles-2 1581c

 

32. Comparution devant Pilate.

Pendaison de Judas ; Pleurs de Pierre.

a) scène historiée

— Scène principale Luc 23:1-4  Six soldats romains (dont l'armure damasquinée est soigneusement rendue) conduisent Jésus devant Pilate. 

Le petit chien qui dort sur sa corbeille m'intéresse puisque je l'ai déjà observé sur les Passions des maîtresses-vitres du Finistère et que j'en ai recherché les origines dans les gravures de Dürer ou de Schongauer, toujours associé à Pilate (mais, jusqu'à présent, hargneux et aboyant). Le vitrail de la Passion (Maîtresse-vitre) de l'église St-Thurien de Plogonnec (29).  J'ajoute au dossier "Chien de Pilate" d'autres références, celles de gravures de Wenceslas d'Olmütz (v.1496) ou Michel Wohlgemuth (monogramme W), inventeur de la gravure à l'eau forte : celle où Pilate est accompagné, au Prétoire, de deux chiens, et celle, qui suit la précédente, où Jésus est présenté au peuple par Pilate tandis qu'un chien montre ses dents. ici. En fait, ces gravures, comme celles de Jean de Culmbach (même référence p.383) ou d'autres d'un graveur inconnu, sont des copies de celles de la Passion de Schongauer avec un chien sur l'Ecce Homo (Unterlinden, Colmar) et deux chiens sur la Comparution. Dans cette série, le grand-prêtre est accompagné aussi par un chien.

  martin_schongauer_christ_before_pilate_f

— Dans la lunette : La pendaison de Judas (Matthieu 27:5) et les pleurs de saint Pierre au troisième chant du coq (Luc 22:62).

b) motif décoratif.

Cuir à masque central, léonin, et têtes à oreilles pointues. 

                    stalles 1627c

 


33. La Flagellation.

a) scène historiée

— scène principale : Luc 23:6-12. Jésus est attaché à la colonne de flagellation et fouetté à l'aide de deux sortes d'instruments : le flagrum " fouet à manche court portant plusieurs lanières épaisses et larges (généralement 2, parfois 3), munies à quelque distance de leur extrémité de balles de plomb ou d’os de mouton (flagrum talis tessellatum)" ou le flagellum , verges ou fouet à plusieurs cordes entortillées et nouées (ici), et un autre instrument qui ressemble ici à un fagot de tiges assemblées comme un balai. Ce supplice se déroule sous les yeux d'un responsable qui détient le bâton de l'autorité (Pilate ??) . Cette scène est tout à fait comparable aux flagellations des Passions des vitraux bretons, 

 Voir Flagellation selon Schongauer :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6951445h

— dans la lunette : comparution devant Anne (personnage à identifier à l'arrière).

b) motif décoratif.

Tête féminine en guimpe dans un cuir à entrelacs, gousses et fruits.

                              stalles 1628c

 

 

 

 

34. Ecce homo.

 

a) scène historiée

 Marc 15:16-20 Jésus revêtu en dérision de la pourpre impériale, un roseau en guise de sceptre, et couronné d'épines, est présenté par Pilate à l'assemblée des prêtres juifs et des anciens, ce qui s'écarte du texte de Marc où ce sont les soldats qui présentent ainsi le Christ "à toute la cohorte" (des soldats).

b) motif décoratif.

Dans un cuir, tête de grotesque, fruits et épis.

                  stalles 1633c

 

 


35. Le Christ aux outrages.

 

a) scène historiée

 Jean 19:4-11  le Christ toujours vêtu de la tunique pourpre et couronné d'épines est frappé par un roseau, reçoit un coup de pied, est salué avec dérision et frappé de bâtons sous le regard de quatre  Juifs.

Schongauer :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6951446x.r=pilate+schongauer.langFR

b) motif décoratif.

Encadrés de deux chimères à tête de cheval, deux serpents affrontent leurs gueules et enroulent leurs queues.

                      stalles 1636c

 

 

36. Portement de croix.

a) scène historiée

 Luc 23:26-32 Jésus porte sa croix et trébuche, battu par deux soldats dont le premier porte un pantalon à crevés. Un homme, qui ne peut être que Simon de Cyrène malgré son allure juvénile, aide à porter la croix. Au dessus du Christ, un homme armé d'un marteau semble déjà vouloir débuter la mise en croix. Un centurion à cheval accompagne la montée vers le calvaire.

— Dans la lunette, devant trois saintes femmes, Véronique présente le voile de la Sainte Face. Un homme herculéen conduit deux hommes ligotés, sans-doute les deux larrons.

b) motif décoratif.

Dans une gloire inscrite dans un quadrilobe, l'agneau divin, nimbé, porte la croix et l'étendard.

Fruits et épis au dessous.


                           stalles 1638c

 

 

37. Christ en croix.

 a) scène historiée

Jean 19:31-34. Le soleil et la lune encadrent la scène. Dans la lunette, sous des nuages vermiformes, le Christ crucifié autour des deux larrons suspendus par les bras et que rien ne différencie l'un de l'autre.

En partie basse à droite, les soldats, renonçant à partager la tunique du Christ qui est sans couture, la jouent aux dés. A leur gauche, le Golgotha avec son crâne justifiant son nom, mais qui représente aussi le crâne d'Adam. A gauche, deux saintes femmes encadrent saint Jean soutenant la Vierge en pâmoison.

 Au pied de la croix, sainte Marie-Madeleine éplorée, très richement vêtue et coiffée.

Parmi les six cavaliers, deux peuvent être identifiés, Longin qui donne le coup de lance dans le flanc droit, et le Centenier converti, qui tend le bras en s'écriant Dei filius erat iste (Matthieu 27:54).

b) motif décoratif.

Un serpent enroulé autour d'une croix comme autour d'un caducée.

                   stalles 1642c


                        stalles-1641c.jpg


38. Déposition de croix.

a) scène historiée

Marc 15:40-47

      De gauche à droite Joseph d'Arimathie; Jean, Marie, Marie-Madeleine, Marie Salomé et Marie Cléophas, puis Nicodème.

b) motif décoratif.

deux griffons ; deux masques dont la bouche libère des bouquets de fruits.

                           stalles 1644c

 

39. La Mise au tombeau.

a) scène historiée

Jean 19:31-34.

Schéma traditionnel avec Joseph d'Arimathie (bonnet, aumônière) à la tête du Christ, Nicodème (bonnet hébraïsant, longue barbe) aux pieds. Mais Joseph tient un outil, et Nicodème un flacon, comme pour procéder à l'embaumement. A droite du tombeau orné d'une tête de mort, une sainte femme, Jean, Marie, Marie-Madeleine, une sainte femme.

 

b) motif décoratif.

Deux masques ; médaillon fait de l'entrecroisement de deux rameaux et contenant un cœur dans une couronne. Fruits et gousses.

                                         stalles 1645c

 

 

 

 

40. La Résurrection.

a) scène historiée.

      Le Christ ressuscité tient la croix frappée de l'étendard et a revêtu la tunique de sa gloire. Dans une mandorle rayonnante, il trace un geste de bénédiction. Les soldats hallebardiers se détournent dans une vrille surprenante de leur corps. A terre, l'un des soldats, ébloui, se protège de son bouclier tandis que l'autre semble tétanisé, tête en extension.

Comparer avec

Schongauer : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69514532.r=christ+schongauer.langFR

- Dürer : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6951208j.r=christ+d%C3%BCrer.langFR

 motif décoratif.

Entre deux griffons, Jonas prêt à être avalé par le Poisson (ou baleine selon notre tradition). Ce passage dans le ventre du poisson est mis en parallèle avec le passage par les Limbes du Christ par l'évangile de Matthieu 12:40 :Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand poisson, de même le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre.

 

                          stalles 1647c

stalles-1647cccv.jpg

 

 

41. Ange annonçant aux saintes femmes la résurrection de Jésus.

a) scène historiée

 Matthieu 28:5-8  et Marc 16:1-8 Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d'aller embaumer Jésus. Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever. Elles disaient entre elles: Qui nous roulera la pierre loin de l'entrée du sépulcre? Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée. Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d'une robe blanche, et elles furent épouvantées. Il leur dit: Ne vous épouvantez pas; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié; il est ressuscité, il n'est point ici; voici le lieu où on l'avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit.

Marie-Madeleine est la seule à ne pas avoir la gorge couverte.

— Dans la lunette : Jésus Sauveur apparaissant à une femme agenouillée à un prie-dieu.

b) motif décoratif.

Médaillon ovale inscrit dans un rectangle, fruits.

                       stalles-2-1593cc.jpg

 

Poursuite du cycle : Noli me tangere, voir première figure.

 

 

                             ANNEXE

Document du début du XXe siècle numérisé par http://ali.ham1.free.fr/vmcath07.html

pp 79-84

   "Avant le pillage fait par les huguenots en 1562, le chœur était garni de 96 stalles, 48 de chaque coté, « tant hault que bas, icelles chaises ayant grant beauté de faczon et revers, et de hauteur de douze pieds ou environ ». Pour réparer le désastre de 1562, le chapitre fit travailler aux stalles en chêne que nous voyons maintenant. Elles furent achevées en 1576. Privées de leurs abats-voix et de leurs dossiers placés en partie dans la sacristie, en partie en réserve, ces stalles, à l'origine au nombre de 90 (50 hautes et 40 basses) se trouvent réduites à 76. Sur l'initiative de Mgr Grente en 1923, elles viennent d'être débarrassées d'une affreuse peinture jaune que Mgr Carron leur avait fait infliger en 1830. Les rampes en menuiserie qui bordent des deux cotés les les petits escaliers conduisant aux hautes stalles étaient autrefois accompagnées de figures fantastiques, d'enroulement etc. dont on a conservé quelques morceaux. On a remplacé au XIXe siècle ces fantaisies artistiques par des ouvrages de menuiserie en forme de volutes. Les miséricordes des hautes stalles sont ornées de sujets très variés : têtes, griffons, oiseaux, enfants, animaux. Celles des basses stalles portent des corbeilles, des coquilles et autres conceptions du même genre. Quant aux dossiers, ils retracent, sculptés en bas-reliefs, les épisodes de la vie de Notre-Seigneur : Annonciation _ Visitation _ Naissance de J

ésus-Christ _ Circoncision _ Adoration des Mages _ Massacre des Innocents _ Jésus au milieu des docteurs _ Prédication de saint Jean _ Baptême de Jésus-Christ _ Tentation de Jésus-christ _ Vocation de Simon et d'André _ Noces de Cana _ Jésus et la Samaritaine _ Miracle de Capharnaüm et belle-mère de Simon guérie _ Jésus guérit deux possédés : les démons entrent dans le corps des porcs _ Résurrection du fils de la veuve de Naïm . Guérison de la femme affligée d'une perte de sang _ Madeleine essuie les pieds du Sauveur. Pardon accordé à la femme adultère. _ Jaïre, chef de la Synagogue. Guérison d'une main desséchée _ Guérison de deux aveugles et d'un possédé _ Multiplication des pains Cananéenne _ Jésus marchant sur la mer. Saint Pierre : sa barque agitée par les flots _ Transfiguration _ Les dix lépreux guéris : un seul reconnaissant. _ Jésus bénit les petits enfants . Guérison d'un sourd-muet _ Résurrection de Lazare _ Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem _ Vendeurs chassés du Temple. _ Aveugles guéris. Fontaine de Siloé _ La Cène _ Jésus pris et conduit chez Anne et Caïphe _ Jésus devant Pilate . Larmes de saint Pierre._ flagellation. Jésus devant Hérode _ Jésus couronné d'épines, un roseau à la main, le manteau de pourpre sur les épaules, est présenté aux Juifs. _ Les soldats outragent Jésus. _ Portement de Croix. Simon le Cyrénéen._ Crucifiement. _ Le corps de Jésus descendu de la croix._ Le corps de jésus mis au tombeau. _ Résurrection. _ L'ange annonce aux saintes femmes que Jésus est ressuscité. _ Apparition à Madeleine._ Les disciples d'Emmaüs, (cul de lampe : Assemblée protestante présidée par Satan) _ Le Christ apparaît à dix apôtres._ Apparition aux onze apôtres. _ Saint Thomas. _ Apparition de Jésus sur le bord de la mer. _ Saint Pierre reçoit les clefs. _ L'Ascension. _ La Pentecôte._ Jugement Dernier. _ La Foi, la Charité l'Espérance et la Justice. Ces quatre derniers panneaux fermaient les stalles à l'entrée du chœur. L'œuvre entière est d'une valeur inégale. Les personnages sont mal dessinés et naïvement exécutés, tandis que la partie décorative ne manque pas de mérite et indique un habile menuisier.

 

 

 

Sources et liens.

— La vie de Jésus: oeuvre anonyme datée de 1576 sculptée sur les dossiers des stalles de la Cathédrale Saint-Julien au Mans Cathédrale Saint-Julien (Le Mans, France) Association Signes des temps, 2000 - 115 pages (non consulté)

 — FLEURY Gabriel, 1910 La Cathédrale du Mans, Petites monographies des grands édifices de la France H. Laurens :Paris Gallica 

Deux liens sur le protestantisme au Mans

— http://lissillourgenealogie.pagesperso-orange.fr/guerre%20religion%20maine.html

 —TRAVIER (Didier) 1561-2001, 450 ans de protestantisme au Mans et dans la Sarthe, Nïmes 2011, 25 pages. http://data.over-blog-kiwi.com/0/18/39/52/201211/ob_b61d4c_2011-450-ans-protestantisme-sarthe-didier-travier.pdf

Iconographie :

— Dossier de stalle, Noli me tangere et date 1576 photographié en 1910 in G. Fleury page 17

— Dossier de stalle Jésus au temple photographié en 1910 page 19.

— Porte du Jubé, transformée en porte de la sacristie : Fleury fig. p.21

— Le document le plus complet, auquel je rends hommage:  La Vie de Jésus en 50 stalles de la Cathédrale du Mans : http://fr.scribd.com/doc/57062817/Vie-de-Jesus-en-50-stalles-de-la-Cathedrale-du-Mans

— http://emonnier48.perso.sfr.fr/Pays%20de%20Loire/Sarthe/lemans/cathedrale/

cathedralechapelle.htm

— https://www.flickr.com/photos/tourainesereine/5366964526/in/photostream/

 

 

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Published by jean-yves cordier
9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 15:15

        "Juchés sur les épaules des géants" :

les quatre évangélistes et les quatre prophètes de la rose sud de la cathédrale de Chartres.

Un breton de Moélan à l'origine d'une métaphore célèbre sur le savoir cumulatif, et sur la dette due aux Anciens. Son application en typologie biblique sur les verrières de Chartres.

 

 

  L'expression "nous sommes comme des nains juchés sur les épaules de géants" est une métaphore si évocatrice qu'elle appartient au langage courant, parfois réduite à sa finale "grimpé sur les épaules de géants" dans la formule anglaise  "Stand on the shoulders of giants ", alors que plus personne n'utilise la forme latine nani gigantum humeris insidentes. 

    Isaac Newton qui l'a employée dans une lettre à Robert Hoocke du 5 février 1675 , en fait une formule rhétorique de modestie scientifique : If I have seen further it is by standing on ye sholders of giants, "si j'ai vu un petit peu mieux, c'est parce que je me tenais sur des épaules de géants".

    Un peu avant lui, en 1647, Pascal avait écrit dans la préface de son Traité du vide " […] parce que, (les Anciens) s'étant élevés jusqu'à un certain degré où ils nous ont portés, le moindre effort nous fait monter plus haut, et avec moins de peine et moins de gloire nous nous trouvons au-dessus d'eux. C'est de là que nous pouvons découvrir des choses qu'il leur était impossible d'apercevoir. Notre vue a plus d'étendue, et, quoiqu'ils connussent aussi bien que nous tout ce qu'ils pouvaient remarquer de la nature, ils n'en connaissaient pas tant néanmoins, et nous voyons plus qu'eux. " C'est l'idée de l'effet cumulatif du savoir, idée nouvelle s'opposant aux paradigmes médiévaux et antiques de mimesis (imitation des Anciens sans prétendre les égaler), révolution copernicienne ouvrant les perspectives d'un savoir infini.

 

     Récemment Jean-Claude Ameisen, par le titre de son émission de France-Inter ou de son ouvrage "Sur les épaules de Darwin, le battement du temps", reprends cette métaphore dans le même sens, celui des progrès scientifiques par savoir cumulatif et plus généralement du progrès par micro-adaptation évolutive.

  L'origine de cette expression est bien connue et remonte au XIIe siècle : elle n'est attribuée à Bernard de Chartres que par le biais d'une citation de ce dernier dans le Metalogicon de Jean de Salisbury, dans le Livre III : 

 Dicebat Bernardus Carnotensis nos esse quasi nanos gigantium humeris insidentes, ut possimus plura eis et remotiora videre, non utique proprii visus acumine aut eminentia corporis sed quia in altum subvehimur et extollimur magnitudine gigantea.

  "Bernard de Chartres disait que nous sommes comme des nains assis sur les épaules de géants de sorte que nous pouvoir voir davantage [de choses] qu’eux et plus loin non certes à cause de l’acuité de notre propre vue, ou de la hauteur de notre corps mais parce que nous sommes soulevés en hauteur et élevés à une hauteur gigantesque" (III, 4) 

Bernard de Chartres ne dit pas directement que notre savoir est supérieur à celui des Anciens, mais que notre situation, notre "point de vue" est préférable

   En réalité, Priscien, grammairien du 6è siècle avait eut une réflexion comparable en écrivant que les grammairiens récents sont plus perspicaces que les anciens : quanto juniores, tanto perspicaciores.   Ce que les modernes ont en plus, c'est la perspicacité  (latin perspicax, "vue perçante", de specio "regarder" et per, "à travers").  Ce détour permet de comprendre que dans la métaphore de Bernard de Chartres, tout  tourne autour du regard, du champ de vision et de son empan. C'est d'ailleurs un élève de Bernard de Chartres, Guillaume de Conches , qui fut le maître de Jean de Salisbury, qui  cite cette remarque.

   Bernard de Chartres, Guillaume de Conches (ca 1080-1150) et Jean de Salisbury (1115 ?-1180 ?) ont été des enseignants de  la fameuse École de Chartres, une "école cathédrale"  créée pour la formation des clercs à la suite de l’impulsion de la réforme carolingienne par l' enseignement des matières profanes (trivium soit Grammaire + Rhétorique + Dialectique et quadrivium soit Arithmétique + Musique + Géométrie + Astronomie). Elle avait été fondée par Fulbert  après 1006 et ancrée, sur le plan philosophique, sur la pensée platonicienne. Dirigée par un chancelier (ou écolâtre) secondé par un chantre, son enseignement  "s’appuie sur les auteurs anciens : Quintilien, mais aussi Cicéron, Macrobe, Sénèque et Boèce par lesquels ils avaient accès à Platon (dont seul le Timée était directement accessible à cette époque).  Il s’agit de former correctement des étudiants, de faire en sorte qu’ils soient des gens imprégnés des valeurs de l’antiquité et qui soient capables de bien s’exprimer en prenant modèle sur les écrivains anciens." (P. Cibois)

   Mais si on sait que  Jean de Salisbury fut aussi évêque de Chartres, on ignore souvent que Bernard de Chartres fut évêque de Quimper de 1159 à 1167, sous le nom de Bernard de Moélan (Moélan est, au sud-ouest de Quimperlé, une paroisse littorale de Bretagne sud sur les rives du Belon). La Chronique de l'abbaye de Quimperlé fait mention de ce breton né à Moélan au territoire de l'abbaye et qui fut en l'année 1159 appelé au siège épiscopal de Quimper après avoir été chancelier dans l'église de Chartres. Bernard avait été maître de l’école épiscopale de 1114 à 1119 et chancelier de 1119 à 1124 (E. Bréhier). Il décéda le 2 août 1167, et il est l'auteur des Vitae de saint Corentin et de saint Ronan, le saints les plus considérables du diocèse. (Hauréau 1872).

Mon propos n'est pas de poursuivre une réflexion sur le sens de la métaphore du maître breton sur "les nains juchés sur les épaules des géants" dans le cadre du platonisme chartrain (cf. L. Spina 2004 U. Eco 2006 ou P. Cibois 2012) mais de montrer des images de cet aphorisme, les gigantesques prophètes portant sur leurs épaules les petits évangélistes, tels qu'ils apparaissent sous la rose sud de la cathédrale de Chartres. Car cet article n'est pas bâti de savoirs, mais de sensations : celles que connaît le navigateur lorsque, ayant quitté Port Tudy à Groix et longeant la côte bretonne aux falaises abruptes, ayant dépassé Brigneau, il scrute en vain la rive, et malgré le recours de ses jumelles, ne découvre la profonde ria de Merrien (le modeste mais enchanteur port de Moélan-sur-Mer). Plus encore que de sensations, cet article est tissé de souvenirs, celles de mes lectures adolescentes de Merveilles des Petits Ports dans lequel Jean Merrien (pseudonyme de René Marie La Poix de Fréminville, le descendant du Chevalier qui, après la mort de sa chère Caroline, avait pris l'habitude de s'habiller en femme !). Comme je rêvais alors de ces escales atlantiques, de ces ammarrages à quai ou de ces béquillages en port d'échouage! 

  Sensations encore lorsque, avec d'autres jumelles, je découvrais le vitrail de Chartres où quatre acrobates faisaient les pitres sur les épaules de leur camarade à une vingtaine de mètres au dessus de moi. Quel spectacle, amplifié par la qualité de verres Zeiss ! J'aurais voulu en faire profiter tous les touristes qui, privés de mes yeux de géants, ne regardait que la rosace ou le fanion de leur guide. C'est à défaut d'avoir, ce jour là, crié à travers les stalles Regardez ! Regardez ! C'est merveilleux ! que je mets en ligne ces images.

Sensations enfin, gustatives, que celles qui naissent de la prononciation de "juché sur les épaules" avec ce savoureux "juché" trop souvent omis. Car, initialement, et encore aujourd'hui dans les soubassements de notre mémoire, le mot est teinté d'ironie, pour avoir été utilisé d'abord dans le Roman de Renart (écrit juste après la mort de Bernard de Moélan) pour qualifier les poules sur leur perchoir ou jucheoirs. (Godefroy)

 

LES LANCETTES DES QUATRE ÉVANGÉLISTES JUCHÉS SUR LES PROPHÈTES A CHARTRES.

 

  A Chartres, sous la rose sud de l'Apocalypse, la métaphore de l'évêque de Quimper a été utilisé ou détournée dans une visée de typologie biblique pour signifier que le Nouveau Testament s'appuie sur les textes de l'Ancien, ou que les évangélistes affirment ce qu'avant eux annonçaient les prophètes ; mais je ne pense pas que le commanditaire souhaitait voir les évangélistes qualifiés de "nains" et les prophètes de "géants". On peut même dire que cette évocation est, pour l'Église, parfaitement déplacée...

   Ces images nous conduisent à considérer la fameuse phrase autrement. Jusqu'à présent nous l'entendions en nous identifiant aux "nains" liés au présent, les "géants" relevant du passé. Mais ici nous nous plaçons dans le temps du plan divin (ou hors du temps), chaque prophète et chaque évangéliste devenant deux acteurs complices du même projet : sur l'image, ils sont contemporains et co-actifs. Le "grand" (le plus ancien) et le "jeune" (le plus récent) visent le même but et leurs regards vont vers la même direction. Le plus jeune pose ses mains sur le front ou la tête du plus âgé pour s'inspirer de ses pensées et de ses écrits. A la différence d'autres représentations, on ne trouve pas ici de différenciation des prophètes qui stigmatiserait leur caractère hébraïque (longue barbe bifide, longs cheveux, bonnet juif, vêtements à franges rituelles, aumônières) mais au contraire certains prophètes, comme certains évangélistes sont imberbes et d'autres sont barbus ; les visages sont aussi nobles pour les prophètes que pour les apôtres. 

  Mais de même que les apôtres de Cluny sont représentés sur des consoles supportées par des prophètes, malgré leur connivence les évangélistes de Chartres surpassent les prophètes en actualisant leur prophéties enfin réalisées par l'accomplissement christique. 

Description. 

L'ensemble Rosace sud et lancettes des verrières hautes de la façade méridionale porte le numéro 122 et le nom de verrière de la maison de Dreux Bretagne.

Une lancette centrale représentant la Vierge à l'enfant est encadrée de quatre lancettes où les quatre évangélistes sont montés sur les épaules de quatre prophètes : de gauche vers la droite : Jérémie porte saint Luc, Isaïe saint Matthieu, Ézéchiel  saint Jean, et Daniel porte saint Marc. Ces données sont connues et mon but est de faire admirer des images suffisamment agrandies de ces couples et de les mettre à la disposition de chacun.

En dessous, mais bien plus petits, les donateurs sont représentés debout ou à genoux. Ce ne sont pas eux qui sont sur des épaules de géants, ce sont les textes de l'Ecriture. 

  Mais les nains que nous sommes aujourd'hui  devenons encore plus petits lorsqu'il nous faut lire le message typologique que les théologiens et penseurs de l'Ecole de Chartres et leurs successeurs ont inscrit sur cette verrière : pourquoi Luc est-il couplé à Jérémie, quel lien s'établit entre l'évangile de Luc et le Livre de Jérémie ? En matière d'herméneutique, nous n'arrivons pas à la cheville des grands penseurs médiévaux, et l'escabeau nous manque pour nous hisser plus haut. J'essayerai pourtant d'esquisser des pistes. Je ne crains pas le ridicule, car de si haut, ils ne me verront pas.

 

 

 

 

 lancettes-evangelistes 2204c

 

 

lancettes-evangelistes 2197vcv               lancettes-evangelistes 2187c

 

 

                                             lancettes-evangelistes 2188c

 

 

 

 

 

 

                lancettes-evangelistes 2189c     lancettes-evangelistes 2190c

 

 

1.  Saint Luc est juché sur les épaules de Jérémie. 

Eucharistie.    Proposition typologique :   Luc 22:20 Il prit de même la coupe, après le souper, et la leur donna, en disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous est mis en parallèle avec Jérémie 31:31 :Voici, les jours viennent, dit l'Éternel, Où je ferai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle.

Reliques et culte chartrain. 

 A Chartres, un reliquaire dit "des Maries", offert en 1449 par Jean Bernard, archevêque de Tours rassemblait les reliques des saints restes épars qui avaient perdu leur écrin principal au cours de périodes troublées : on y trouvait des reliques des saints Paul, Barthélémy, Marc et Luc, et de sainte Marguerite. Ces reliques de saint Luc et de saint Marc provenaient vraisemblablement, comme d'autres, du sac  des églises de Constantinople par les croisés lors de la 4ème Croisade en 1204. 

Selon l'Ordinaire chartrain, saint Luc était célébré le 18 octobre avec la même solennité que les apôtres, c'est-à-dire avec neuf leçons lues au cours des offices de la journée. (C. Lautier 2005)

Inscription :   :S':LUCAS:

                           lancettes-evangelistes 2185vv

 

 

2. Saint Matthieu est juché sur les épaules du prophète Isaïe.

 

 Incarnation. La citation d'Isaïe 7,14 occupe une place centrale au début de l'Évangile de Matthieu .

 Livre d'Isaïe (7, 10-14; 8, 10) : Le Seigneur envoya le prophète Isaïe dire au roi Acaz: «Demande pour toi un signe venant du Seigneur ton Dieu, demande-le au fond des vallées ou bien en haut sur les sommets.» Acaz répondit: «Non, je n'en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l'épreuve.»

Isaïe dit alors: «Écoutez, maison de David! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes: il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu! Eh bien! Le Seigneur lui-même vous donnera un signe: Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, et on l'appellera Emmanuel», c'est-à-dire: Dieu avec nous.

 

: Matthieu 1 :22-23  Tout cela arriva afin que s'accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète : Voici, la vierge sera enceinte, elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous.

Reliques et culte chartrain.

La cathédrale conservait la relique du chef de saint Matthieu,  issue du sac de Constantinople en 1204. Elle avait été offerte par Gervais de Châteauneuf qui avait apporté lui-même la relique à la cathédrale et avait fait également une fondation de quarante sous annuels de rente pour son anniversaire (C. Lautier). Lors de sa fête le 21 septembre, le saint était honoré par une procession la veille et, selon le rituel ordinaire de Chartres au XIIIe siècle, par la lecture à l'office de neuf lectures ou "leçons", contre trois pour les fêtes ordinaires.

Inscription : St MAT(K)S : le sigle qui ressemble au K, un h avec une apostrophe, est abréviative de MATTHEUS. 

 

                          lancettes-evangelistes 2192cv

 

  3. La Vierge et l'Enfant.

La Vierge couronnée tient l'Enfant tout en présentant ostensiblement la fleur symbole de sa virginité et de son accomplissement de la prophétie d' Isaïe 11 :1 Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines.

Entre l'arche et l'arcature trilobée, deux sphères symbolisent le soleil et la lune.

 

                 lancettes-evangelistes 1868c

 

4. Saint  Jean est juché sur les épaules du prophète Ézéchiel.

 

 

  Quatre vivants. Apocalypse.

     Le Livre du Prophète Ézéchiel débute par une vision spectaculaire de création. Il voit les cieux ouverts et au centre du cercle lumineux, quatre êtres vivants. Il les décrit comme suit: « Leur aspect ressemblait à ceci: quant à la forme de leurs visages, elles avaient toutes quatre une face d’homme et une face de lion à droite, toutes quatre une face de taureau à gauche et toutes quatre une face d’aigle » (1: 10).

Jean eut une vision similaire, rapportée dans l’Apocalypse 4: 6-: « Le premier être vivant ressemblait à un lion, le deuxième à un jeune taureau, le troisième avait un visage semblable à celui de l’homme et le quatrième ressemblait à l’aigle ».

Le texte de l'Apocalypse suggère une nouvelle explication des "nains juchés sur les épaules... : on y lit : " Monte ici, et je te ferai voir ce qui doit arriver dans la suite" (Ap.4,1). Les évangélistes, et Jean tout particulièrement, en "montant ici", en se hissant sur le niveau du ton et de l'inspiration prophétique, accèdent à un degré de vision très particulier, celui de la vision eschatologique. Ils n'écrivent pas un récit historique ou un témoignage, mais une Vision, celle du Salut. 

Inscription :  S/IO(K)ES.

Comme pour Matthieu, utilisation du signe abréviatif semblable à un K pour remplacer IO(HANN)ES c'est à dire Saint Jean.

                      lancettes-evangelistes 2189cv

 

 

      5. Saint Marc juché sur les épaules de Daniel.

 Le Fils de l'Homme dans les nuées avec puissance et gloire.

— Daniel, 7:13,14 : « Je regardais dans les visions de la nuit, et voici que sur tes nuées vint comme un Fils d’homme [et ecce cum nubibus caeli quasi filius hominis veniebat ]; il s’avança jusqu’au vieillard, et on le fit approcher devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et règne, et tous les peuples, nations et langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit. » 

 

— Marc  Mc 13,26. "Alors on verra le Fils de l'homme venir sur les nuées, [ Filium hominis venientem in nubibus] avec beaucoup de puissance et de gloire." 

Le Fils de l'Homme dans les nuées figure au sommet du tympan de la Porte du Sauveur de la cathédrale d'Amiens, au dessus du Jugement Dernier.

Voir aussi Matthieu 24:36 : "C'est alors que le signe du Fils de l'homme apparaîtra dans le ciel. Alors tous les peuples de la terre se lamenteront, et ils verront le Fils de l'homme venir sur les nuées du ciel avec beaucoup de puissance et de gloire."

 

.

 

Reliques et culte chartrain. 

 A Chartres, un reliquaire dit "des Maries", offert en 1449 par Jean Bernard, archevêque de Tours rassemblait les reliques des saints restes épars qui avaient perdu leur écrin principal au cours de périodes troublées : on y trouvait des reliques des saints Paul, Barthélémy, Marc et Luc, et de sainte Marguerite. Ces reliques de saint Luc et de saint Marc provenaient vraisemblablement, comme d'autres, du sac  des églises de Constantinople par les croisés lors de la 4ème Croisade en 1204. 

"Si saint Luc est fêté avec la même solennité que les apôtres, c'est-à-dire avec neuf leçons lues au cours des offices de la journée, il n'en est pas de même pour saint Marc qui ne bénéficie que d'une simple mémoire le 25 avril dans le calendrier chartrain." (C. Lautier 2005)

Inscription : -S- MARCVS:

 

        lancettes-evangelistes 1867cv

 

LES DONATEURS DU VITRAIL.

 

 

1. Yolande de Dreux.

fille du couple de donateurs, elle est née en 1218, ce qui est une indication possible de la date du vitrail. Comtesse de Penthièvre et de Porhoët, elle épousera Hugues XI de Lusignan et deviendra comtesse de la Marche et d'Angoulême.

Sa robe porte les armoiries de sa famille. Ses cheveux dénoués indiquent qu'elle n'est pas mariée.

lancettes-evangelistes 2198c

 

2. Alix de Thouars duchesse de Bretagne.

Elle est coiffée d'un touret, et porte les armoiries de son époux Pierre de Dreux qui suit. 

Née en 1201 et morte en 1221, elle est reconnue duchesse de Bretagne en 1213 à la mort de son père Guy de Thouars qui, en tant que baillistre, en assurait la régence pendant sa minorité.

 

 

lancettes-evangelistes 2199c

 

3. Armoiries des comtes de Dreux (sous la Vierge).

L'écu (en forme d'amande) est suspendu à l'arcature reposant entre deux colonnades, et est entouré de deux vases dont les effluves (ou les fleurs) sont figuré(e)s en grisaille.

Échiqueté d'or et d'azur au franc-quartier d'hermine et à la bordure de gueules.  

lancettes-evangelistes 2200c

 

 

 

 Le comte Pierre de Dreux dit Mauclerc.

Pierre de Dreux 1187-1250. Baillistre de Bretagne (assurant la gérance du Duché) au chef de son épouse Alix de 1213 à 1221, puis au nom de son fils mineur Jean de 1221 à 1237.

Selon une hypothèse, d'abord destiné à une carrière dans le clergé, Pierre de Dreux y renonce après avoir longtemps étudié aux Écoles de Paris, d'où serait venu son surnom de « Mauclerc », c'est-à-dire « mauvais clerc » qu'on lui a attribué après sa mort. C'est en souvenir de cet épisode ecclésiastique qu'il aurait brisé le blason paternel (Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules) avec un franc quartier d'hermine, alors réservé au clergé. (Wikipédia)

Bien mal en point d'avoir été défiguré d'un coup d'épée à la bataille de la Massoure (1249), il périt en mer lors de son retour de Croisade en mai 1250.

 Il est aussi le donateur de la verrière haute voisine n°120 ( La Vierge et l'Enfant dans la Rose et deux prophètes dont Osée) et de la verrière 124 ( Pierre Mauclerc dans la Rose : le prophète Michée et le prophète Malachie). Ces trois baies développent donc la pensée médiévale des liens avec les textes prophétiques. 

lancettes-evangelistes 2201c

 

Jean de Dreux

Né en 1217, il deviendra le comte Jean 1er le Roux et duc de Bretagne en titre en 1221 à la mort de sa mère, mais, comme il était âgé de quatre ans, son père assura la régence jusqu'à sa mort en 1237. Meurt le 8 octobre 1286.

N.B Pierre de Dreux et Alix de Thouars eurent un troisième enfant, Arthur de Bretagne (1220-1224) : s'il ne figure pas ici, cela indique que le vitrail est antérieur à sa naissance. Puisque Yolande y figure, cela laisse  la fourchette 1218-1220, qui est cohérente avec d' autres données. L'évêque de Chartres est alors (depuis 1217) Gautier.

 

 

lancettes-evangelistes 2202c

 

 

 

 

LA ROSE DE L'APOCALYPSE.

 

 rose-2206c.jpg

 

 

   Cette rose est une illustration de la première vision de l'Apocalypse de Jean.

« Monte ici, et je te ferai voir ce qui doit arriver dans la suite. Aussitôt je fus ravi en esprit. Et voici, il y avait un trône dans le ciel, et sur ce trône quelqu'un était assis. Celui qui était assis avait l'aspect d'une pierre de jaspe et de sardoine ; et le trône était environné d'un arc-en-ciel semblable à une émeraude. Autour du trône je vis vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, et sur leurs têtes des couronnes d'or. Du trône sortent des éclairs, des voix et des tonnerres. Devant le trône brûlent sept lampes ardentes, qui sont les sept esprits de Dieu. Il y a encore devant le trône comme une mer de verre, semblable à du cristal. Au milieu du trône et autour du trône, il y a quatre êtres vivants remplis d'yeux devant et derrière. Le premier être vivant est semblable à un lion, le second être vivant est semblable à un veau, le troisième être vivant a la face d'un homme, et la quatrième être vivant est semblable à un aigle qui vole. Les quatre êtres vivants ont chacun six ailes, et ils sont remplis d'yeux tout autour et au dedans. Ils ne cessent de dire jour et nuit : Saint, saint, saint et le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, qui était et qui est, et qui vient ! » Ap 4,1-11.

Cette vision se décline en cercles successifs sur la Rose :

 

 

 

 

rose 2208c

 

1. " Et voici, il y avait un trône dans le ciel, et sur ce trône quelqu'un était assis. Celui qui était assis avait l'aspect d'une pierre de jaspe et de sardoine ; et le trône était environné d'un arc-en-ciel semblable à une émeraude".

 Au centre de la rose se trouve le Christ en majesté, tenant la coupe du sang de la Nouvelle Alliance et entouré de deux cierges, qui figurent sans-doute la lumière qui vient de l'Ancien et du Nouveau Testament. Son fond rouge est celui de la Passion. Ce cercle central est entouré de douze fleurons blancs, ce chiffre douze pouvant être mis en rapport avec les tribus d'Israël, les apôtres, les heures ou les mois, etc. Il annonce les douze médaillons du cercle à venir.

rose 2209c

 

 2.  "Au milieu du trône et autour du trône, il y a quatre êtres vivants remplis d'yeux devant et derrière. Le premier être vivant est semblable à un lion, le second être vivant est semblable à un veau, le troisième être vivant a la face d'un homme, et la quatrième être vivant est semblable à un aigle qui vole. Les quatre êtres vivants ont chacun six ailes, et ils sont remplis d'yeux tout autour et au dedans. Ils ne cessent de dire jour et nuit : Saint, saint, saint et le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, qui était et qui est, et qui vient !"  

 Le cercle suivant représente, alternant avec des anges thuriféraires, le Tétramorphe  : le lion, symbole de l'évangéliste Marc ; le bœuf, symbole de l'évangéliste Luc ; l'homme, symbole de l'évangéliste Matthieu ; l'aigle, symbole de l'évangéliste Jean. Ils se détachent sur un fond bleu quadrillé de rouge.

 

rose 2217c

 

 

 3.  "Autour du trône je vis vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, et sur leurs têtes des couronnes d'or. Du trône sortent des éclairs, des voix et des tonnerres. Devant le trône brûlent sept lampes ardentes, qui sont les sept esprits de Dieu. Il y a encore devant le trône comme une mer de verre, semblable à du cristal ."

  Une surprise m'attendait lorsque j'explorai, armé toujours de mes jumelles, le cercle suivant : je crus que, tel Dante abordant sa descente des orbes concentriques de l'Enfer, un sortilège m'avait transporté parmi les médecins à demi-fous d'une réunion d'uroscopie de l'université de Salerne, puisque je découvrais des hommes brandissant un flacon en en mirant le contenu coloré, tandis qu'ils tenaient, entre deux autres fioles, un instrument de musique. Mais un guide bienveillant m'expliqua qu'il s'agissait des vingt quatre Vieillards de l'Apocalypse ( Apocalypse 5,8) et que leur vase, rempli de parfum, symbolise leurs prières. Ils sont répartis en deux cercles de médaillons et, en périphérie, de demi-médaillons.

Entre ces deux cercles, des quadrilobes avec les blasons de Pierre de Dreux, donateur.

 

Ici, deux harpes et deux vièles. L'une des vièles est ovale et le corps de l'autre est étranglé ; l'une des harpes possède des ouvertures dans sa table.

rose 2210c

Idem, et  Psaltérion.

rose 2211c

  Trois harpes, une vièle à corps ovale, un psaltérion.

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      Psaltérion, harpe, vièle à corps ovale, vièle à corps étranglé, tenu manche vers le bas.

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  Trois vièles dont une tenue manche en bas ; un psaltérion.

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      Quatre vièles.

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Quatre vièles.    

rose 2216c

 

 

DATATION.

  J'ai suggéré le créneau 1218-1220. l'article Wikipédia indique, selon la notice de la direction du Patrimoine de 1992  1221-1230. Les publications de C. Lautier (2003) et C. Manhes-Deremble (1993) permettent de déduire que le chantier de la reconstruction de la cathédrale après l'incendie de 1194 s'est étalée de 1195 à 1235, les vitraux étant installés au fur et à mesure de cette construction ; ceux des parties hautes du transept (et donc la baie 122) venant assez tardivement : 

  "En 1990, une étude de dendrochronologie des restes de bois d'échafaudage situés au-dessus des tailloirs des piles, dans les bas-côtés de la nef et du chœur, a donné par l'analyse des extrémités des boulins, la date de 1195-1200 pour les bas-côtés de la nef, celle de 1210 environ pour les bas-côtés du chœur.

Les chanoines s'installèrent solennellement dans le chœur en 1221, bien que l'édifice n'ait pas totalement été terminé puisque l'essentiel de la construction ne devait être achevé que vers 1230/35.  L'érection des parties hautes de la nef est sans doute contemporaine des parties basses du chevet, suivie des niveaux supérieurs du chœur et de l'abside et, enfin, des parties hautes du transept, d'abord au côté sud puis au côté nord. Quant aux vitraux, ils furent sans doute installés au fur et à mesure qu'avançait la construction, du moins la majorité d'entre eux." (Lautier 2003)"

 

 

 RESTAURATION

La baie 122 a été restauré par les Amis de la cathédrale de Chartres et reposée en  2009 : http://www.amiscathedrale.com/Les_realisations.html

Sources et liens.

— CIBOIS (Philippe), « Sur les épaules des géants », La question du latin, 25 novembre 2012 [En ligne] http://enseignement-latin.hypotheses.org/6359  

— ECO (Umberto) 2006 A reculons comme une écrevisse Google 

SPINA (Luigi) "Nains et géants, une dialectique antique" L'Information littéraire 2004/I vol.56  http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=INLI_561_0028

— KURMANN-SCHWARZ( Brigitte)   "Récits, programme, commanditaires, concepteurs, donateurs : publications récentes sur l'iconographie des vitraux de la cathédrale de Chartres"  Bulletin Monumental  1996 Volume 154 pp. 55-71  

 — HAURÉAU   (Jean-Barthélémy) 1872 "Bernard de Chartres et Thierry de Chartres"  Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Volume 16 pp. 75-84  Persée

LAUTIER Claudine 2003 « Les vitraux de la cathédrale de Chartres. Reliques et images » Bulletin Monumental   Vol.  161

 — Description des vitraux de Chartres : 

http://www.cathedrale-chartres.fr/vitraux/rose_sud/index.php

— Site sur les évangiles :http://home.nordnet.fr/caparisot/html/marcsept.html

— Wikipédia article Des nains sur les épaules des géants. http://fr.wikipedia.org/wiki/Des_nains_sur_des_%C3%A9paules_de_g%C3%A9ants

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Published by jean-yves cordier
8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 11:16

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la basilique Notre-Dame d'Alençon (Orne).

 

Voir dans ce blog lavieb-aile:  

Et les vitraux : 

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

 

 

Les points forts de cet Arbre de Jessé :

  • La typologie biblique et le couple Anne / Jessé.
  • Les donateurs et la découverte de la Confrérie Angevine.
  • L'Affaire du "compas de Jessé" : symbole ou artefact ?
  • Les versets prophétiques, inhabituels.
  • La source iconographique, les Heures de Pigouchet chez Vostre.
  • Les verres rouges gravés et l'usage du jaune d'argent.
  • Les boucles et chaînes d'oreilles des rois.
  • La belle restauration de 2007-2010.

  Mises à l’abri pendant la seconde guerre mondiale, les onze verrières du XVIe siècle témoignent de l’art des peintres-verriers de la Renaissance.

  Dans la nef, dans sa partie haute, cinq verrières nord illustrent des récits bibliques et cinq verrières sud présentent des épisodes de la vie de Marie, sainte patronne du lieu.

  Mais au dessus du porche et dominant le buffet des grandes orgues, un Arbre de Jessé a été offert en 1511 par la confrérie de Notre-Dame l’Angevine qui regroupait les professions du cuir. Il s'agit de la baie 111 haute de 6,30 m et large de 5,60 m ; elle est divisée par des meneaux en 8 lancettes de 44 panneaux, et en 8 ajours. 

   Une visite trop rapide un dimanche matin alors que l'office allait débuter ne m'a pas permis de réaliser des images correctes de cette verrière alors même que, l'orgue étant démonté pour restauration la baie se trouvait mieux dégagée qu'à l'ordinaire. 

arbre-de-jesse-3780.JPG

 

   Néanmoins, un simple coup d'œil permet d'en constater toute l'originalité : de même que dans la nef, les verrières hautes alternent à gauche (nord) des scènes de l'Ancien Testament et, à droite, des scènes de la Vie de la Vierge, selon une démarche de typologie biblique, cette verrière qui surmonte le célèbre porche (qui contenait aussi un Arbre de Jessé sculpté) met en parallèle les deux temps de la généalogie de Jésus : le temps qui est attesté dans l'Ancien Testament et qui mène de Jessé à Joseph "de la maison de David" et à Jésus par la succession de douze rois de Juda (abrégé de la généalogie énoncé en Matthieu 1 :7-16), et le temps néo-testamentaire et des évangiles apocryphes qui mène d'Anne et de Joachim à leur fille Marie.

 Cette mise en parallèle des deux temps repose sur l'idée de placer à coté de la représentation classique de Jessé allongé donnant racine à son arbre généalogique, une Nativité de la Vierge, où sainte Anne allongée dans son lit  d'accouchée "répond" à son homologue de l'autre coté du meneau central.

  Loin d'être un "encart" dans le vitrail, cette Nativité y est une partie essentielle dans la réflexion théologique qui est ici proposée : Anne et Jessé font figure de Parents primordiaux du Christ, et, dans l'image, ce sont leurs deux corps couchés et féconds qui donnent naissance au registre supérieur.

  Cette partition de tout le programme iconographique de la basilique justifie que, en haut de la baie, la Vierge et son fils ne soient pas placés au sommet, mais seulement au sommet de l'hémi-baie sud, au même niveau qu'un roi de Juda du coté nord ; et cette égalité de niveau serait choquante si nous ne disposions pas de cette clef de lecture.

 


 

                 LE REGISTRE INFÉRIEUR 

  Les deux lancettes extrêmes gauche et droite abritent en deux fois deux panneaux les donateurs. Puis la Nativité de la Vierge occupe neuf panneaux, et Jessé allongé six panneaux.

 

       arbre-de-jesse 3807c

 

arbre-de-jesse 3782c

 

I. Les donateurs. 

Comme l'attestait une inscription en lettres gothiques encore visible au XIXe siècle LAN MCCCCC VNZE... LES CONFRERES DE LANGEVINE, la verrière a été offerte en 1511 par les artisans du cuir, regroupés en la Confrérie de l'Angevine ou de la Nativité. Cette confrérie de l'Angevine avait sa fête le jour de la Nativité de la Sainte Vierge, patronne de la basilique. Son nom viendrait, suivant la tradition, de ce que la fête de la Nativité (8 septembre) fut primitivement célébrée en Anjou par saint Manville, évêque d'Angers, dans le IVe siècle. Cette confrérie est aussi attestée à Vire, où elle regroupait les bourgeois les plus considérés, était dirigée par trois Majeurs, et desservie par sept puis neuf chapelains chargés de dire quotidiennement une messe, et d'assurer la musique. (Les anciennes confréries de Vire, page 7). 

A Alençon, elle regroupait les artisans du cuir, c'est à dire les tanneurs (installés sur les bords de la Briante rue des Sieurs (jadis Sueurs ou Suours, "sutoris", cordonniers), les bourreliers et les cordonniers (ailleurs regroupés en confrérie de saint-Crépin et saint Crépinien). Au XVIIe, on décrivaient (L. Duval 1886)  les corporations des bâtiers-bourreliers ; des carreleurs qui travaillaient au ressemelage des chaussures ; des cordouaniers ; des corroyeurs ; des mégissiers ; des tanneurs ; et des prud'hommes vendeurs de cuirs.

La date de 1511

Le porche flamboyant a été construit entre 1510 et 1517, et le décor vitré de la nef fut posé, pour six des dix verrières, entre 1529 et 1531. La baie 111 a donc été posée la première, sitôt le porche débuté.

                                                 arbre-de-jesse-3784c.jpg

A gauche : deux cordonniers travaillent dans leur échoppe (où se voyait jadis une statuette de l'Amour).

 

 

                                  arbre-de-jesse 3783c

A droite, trois tanneurs brassent une cuve, tandis qu'un bourrelier confectionne une selle. L'industrie du cuir était florissante à l'époque pour le harnachement nécessaire aux chevaliers, cavaliers et charretiers.

I.bis : Les auteurs : les frères Juissel ?

      Cette verrière est attribuée à l'atelier des frères Guillaume et Robin Juissel, au vu d'un document du 14 avril 1516 qui les rend responsable, leur vie durant, de travaux d'entretien de l'église Notre-Dame, sans mentionner la nature de ceux-ci (Inventaire des Titres de Notre-Dame rappellant l'acte passé devant les Tabellions le 14 avril après Pâques). Au XVIe siècle, les peintres-vitriers était  chargés  de confectionner ou de réparer les accessoires que réclamaient les cérémonies religieuses. Ainsi trouvons-nous en 1508 dans les comptes de l'église Notre-Dame la note suivante : "payé aux painctres qui ont faict des langues de feu et ung pigeon pour le jour de la Pentecoste la somme de cinq sols" (in Gérasime Despierres 1891 page 480)

G. Despierres donnent les indications suivantes :

—En 1453, il était déjà fait mention de Jean Juissel, peintre-vitrier, bourgeois d'Alençon, admnistrateur de la confrérie de Toussaint fondée en l'église de Saint-Léonard d'Alençon, époux de Robine de Lanchal (Tabell. d'Alençon).

— 1506 : son fils Robin Juissel, peintre-vitrier, bourgeois d'Alençon, décédé vers 1545 et son gendre Jean Tabur.

— 1516 : Guillaume Juissel, frère de Robin et décédé le 19 avril 1538, date de sa succession.

L'Arbre de Jessé n'est donc attribué à ces artisans que par présomption et conjonction de dates.


 II. La Nativité de la Vierge. 

  Alors que la verrière a été largement restaurée, cet ensemble est authentique à 80%, ce qui donnent une bonne fiabilité aux détails de posture et de vêtements.

  Sa présence dans le vitrail s'explique pour les raisons de typologie biblique que j'ai énoncées, mais aussi puisque la fête de la Nativité de la Vierge est celle de la Confrérie.

  La scène est délimitée par une architecture à l'antique. Sous un baldaquin bleu à bordure or, Anne est sur son lit d'accouchée, la tête couverte de la guimpe qui lui est traditionnelle, main jointe. Deux sages-femmes, tête couverte d'un voile, prennent soin de la jeune Marie et lui donnent le bain. Une autre femme est agenouillée, main jointe : elle porte une coiffe en bourrelet ou turban centré par une broche, et un voile.

  Qui est la jeune personne qui se trouve au pied du lit ? Les cheveux déliés indiquent qu'elle n'est pas mariée, et sa luxueuse coiffure signale qu'elle n'est pas une servante. Cette coiffure est, comme la précédente, une coiffe à bourrelet à bijou frontal, mais elle est retenue par une bande sous le menton.

En 1842, De la Sicotière décrivait que cette jeune femme était vêtu d'hermine; qu'une femme faisait chauffer un linge sur un brasier allumé, alors qu'au milieu de l'appartement, un prêtre, près d'un bassin  rempli d'eau, semble prêt à baptiser l'enfant...

 

arbre-de-jesse 3807c

 

 

III. Jessé allongé.

Sa posture est semblable à celle de tous les Arbres de Jessé contemporain, allongé sur le coté droit, adossé à un coussin damassé, la main sous la tête dans la posture du songeur, les yeux clos. Sa tenue vestimentaire est riche, hébraïsante et patriarcale associant un bonnet bleu à revers jaune, une première tunique verte, une robe jaune d'or damassée, mais dont on suit difficilement la cohérence du tracé, de son galon à perles et de son revers pour les dissocier du manteau rouge à revers bleu et galon or.

  Là où je ne vois que le repli du galon, les auteurs anciens ont pensé que Jessé tenait dans la main gauche un compas, et, s'interrogeant sur le sens de cet accessoire, ils ont suggéré que l'ancêtre pouvait en son songe inspiré "mesurer par la pensée l'espace de temps qui le séparait de la venue du Sauveur" : De la Sicotière 1842 page 105  et Jules Corblet 1860.  L'idée saugrenue a été citée telle quelle par d'autres auteurs (Bull. Monum. 1845)  Callias-Bay et David (2006) reprennent pour le Corpus cette idée, estimant y voir "Dieu mesurant le Temps et l'homme l'Espace". Je suis convaincu que le galon, ici dépourvu du cément au jaune d'argent, des deux pans droit et gauche du manteau réunis par la poigne de Jessé dessine cet artefact trompeur.

  Le tronc de l'arbre naît de la poitrine du rêveur, et c'est un tronc vert habilement choisi de la même couleur que l'habit. Il se déploie vite en une jungle luxuriante (eh, c'est que Jessé, fils d'Obed, a huit fils, pas moins, et que outre David, les arborescences de ses rêveries accompagnent les destinées d' Eliav, de Avinadav, de Chamma, de Nethanel, de Raddaï et d'Ozem, sans compter celui dont l'histoire a oublié le nom) dont les entrelacs seraient digne d'un Douanier Rouisseau ; mais cette partie du vitrail est, paraît-il, entièrement restaurée.

  

arbre-de-jesse 3782c

 

Selon Martine Callias-Bay et Véronique David, la source de ce vitrail se trouve dans la gravure des Heures à l'usage de Rome de Philippe Pigouchet publié chez Simon Vostre à Paris le 16 septembre 1498 et dont les gravures sont dues au maître des Très Petites Heures d'Anne de Bretagne de 1498 : cela permet de vérifier l'absence de compas, mais la présence de plis divergents du manteau.

  Source : archive.org https://archive.org/stream/OEXV281#page/n33/mode/2up

 

 

LES PROPHETES.

 1. A gauche : inscription  Ysaye XL : Levate in excel[sium] oculos vestros
Isaïe 40:26. "Levez bien haut les yeux [et regardez. Qui a créé les astres ?]"

Il s'agit là d'une citation originale dans un arbre de Jessé où l'on trouve régulièrement Isaïe 7:14. Quelle est la raison de ce choix ? 


                                                   arbre-de-jesse 3784c


2. A droite : Jeremie XXIII regnabit rex et sapiens erit

 Jérémie 23:5 «[Voici venir le temps, l'Eternel le déclare, où je vais donner à David un germe juste]: il régnera avec sagesse  et il exercera le droit et la justice dans le pays". Cette prophétie est considérée par les Pères comme annonçant la venue de Marie et de son Fils.

 Elle est citée par exemple par Isidore de Séville : De fide catholica contra Judeos chap. IX § 6 Quia de stirpe natus est Christus  Migne, Patrologie latine LXXXXIII 466 a :

   

                                    arbre-de-jesse 3783c

 

 

LE REGISTRE SUPÉRIEUR : LES ROIS.

 

  On trouve, posés sur des corolles blanches et rouges, six rois de Juda à droite, et cinq autres à gauche (la place du douzième étant occupé par la Vierge). Les rois situés en périphérie à droite et au centre à gauche portent un manteau rouge, alors que les autres sont vêtus de pourpre et de bleu. Avec les deux prophètes et les deux anges adorateurs, ils forment un double escalier grimpant de Jessé au Christ.

Le costume des rois est bordé de galons dorés perlés et fermé par des mors-de-chape également doré ; les coiffures qui varient de la toque au turban sont enrichies de broches et de médaillons ou de soieries ;  les revers semblent fourrées d'hermine. Les rois   tiennent un sceptre et sont pour la plupart couronnés. Leur nom n'est pas indiqué, et aucun attribut ne permet de les identifier. En 1842, De la Sicotière remarquait "parmi eux, un nègre remarquable par sa figure et son costume", mais celui-ci a disparu en même temps que le compas de Jessé. 

  La particularité iconographique est que trois d'entre eux portent un anneau à l'oreille, et l'un d'eux une chaîne de quatre anneaux.

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                               arbre-de-jesse 3790c

 

                                        arbre-de-jesse 3796c

 

LA VIERGE et l'ENFANT. LES ANGES.

Couronnée par un ange, la Vierge à la robe pourpre et au manteau bleu est une Vierge de l'Apocalypse, entourés de rayons d'or et les pieds posés sur un croissant de lune. Nimbe crucifère de Jésus en verre rouge gravé.

Un phylactère au sommet porte une inscription que je n'ai pas déchiffrée. Près de la Vierge, un ange déroule la banderole portant les mots Stirpes (brais?)

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Stylistique et RESTAURATION.

Stylistique : M. Callias-Bay et V. David signalent la présence de verres rouges dégradés, de verres  gravés sur le nimbe de Jésus, le chapeau d'un roi et sur les galons de vêtements, et de nombreux détails de vêtements teintés au jaune d'argent

Une restauration a été réalisée par Théodore Bernard en 1851.

Les vitraux ont été démontés et mis à l'abri pendant la Seconde Guerre Mondiale.

En 2006, Callias-Bay et David écrivaient  "Verrière assez restaurée (au tiers refaite, notamment une partie du personnage de Jessé, l'ange adorateur de la moucherre droite, la tête des rois situées dans les mouchettes, une partie de la scène de la Naissance de la Vierge, l'échoppe des cordonniers)"


La baie 113 a été restaurée en 2007-2010 par l'atelier VitrailFrance du Mans et remise en place lors d'une inauguration du 14 septembre 2012 :

"En octobre 2009, une analyse détaillée des vitraux sur table lumineuse, en atelier, confirme l’approche réalisée sur échafaudage : six panneaux entiers sont du XIXe siècle, dont le feuillage de “l’Arbre de Jessé” ; les retouches du XXe siècle sont ponctuelles ; le panneau “La naissance de la vierge” est authentique à plus de 80% ; les corporations ont été copiées en parties mais avec qualité (au XIX e siècle) ; les plombs de casse sont présents en quantité infime. À part quelques têtes de rois, de nombreux personnages, costumes et anges sont authentiques".

  "Cette analyse détaillée permet de mettre au jour quelques restaurations anciennes, du XVIe ou XVIIIe siècle, montrant le réemploi de verres anciens issues de verrières disparues, provenant d’un décor sans aucun rapport avec celui de la baie 113. Le morceau coloré est alors choisi uniquement en fonction de sa couleur pour combler un trou car ce sont les plombs qui assurent le dessin."

Elle a bénéficié de la suppression des plombs de casse et de collage silicone CAF, du remplacement de certains verres, de mise en place de plomb Tiffany. Afin de protéger la verrière restaurée, un doublage en verre thermoformé reprenant le réseau de plomb (atelier Debitus à Tours)  est installé derrière la face externe du vitrail et la verrière ancienne est reposée déportée sur l’intérieur. Le vide ainsi créé permet une libre circulation de l’air, qui permet une ventilation efficace entre les deux faces des verres.

— Voir articles Ouest-France 18 septembre 2009, du 30 mars 2010 et du 28 décembre 2010

— Voir reportage Fr3 26 juillet 2013

©Photographie Ouest-Fance : le verre de protection thermoformé.

Les vitraux d’Alençon bénéficient d’une technique de pointe.

http://www.ville-alencon.fr/Download/DP_Inauguration_Arbre_Jesse.pdf

 

Sources et liens.

— CORBLET (Jules) 1860, Étude iconographique sur l'arbre de Jessé Paris  page 9.

—DE LA SICOTIÈRE, 1842 "Notice sur les vitraux de Notre-Dame d'Alençon, "Bulletin monumental tome  VIII 105-115. gallica.

— CALLIAS-BAY (Martine), DAVID (Véronique), Les vitraux de Basse-Normandie, recensement n° VIII du Corpus Vitrearum, 2006, Presses Universitaires de Rennes.

DESPIERRE (Gérasime) 1891 Portail et Vitraux de Notre-Dame d'Alençon, nomenclature des peintres, peintres-vitriers au XVe et XVE siècle à Alencon  Réunion des sociétés savantes des départements à la Sorbonne vol. 15  pp 466-489

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Published by jean-yves cordier
8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 08:26

L'exposition Les maîtres italiens du musée des beaux-arts de Brest.

Je ne donnerai que deux images de ma visite : celles du Saint Luc peignant la Vierge (ca.1695) de Luca Giordano ; non pas pour approfondir l'étude de cette sorte d'autoportrait où le peintre utilise son saint patron, qui est aussi le patron de tous les peintres, pour se montrer au travail dans son atelier entouré de ses apprentis (déguisés en putti) et dont l'un, à gauche, prépare les pigments en les réduisant en poudre, ni pour m'intéresser au peintre napolitain surnommé Luca Fà-presto mais pour deux autres raisons qui tiennent en un détail.

 


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Détail :

               expo-art-italien 4007c

 

D'une part, j'ai été séduit par ce jeune italien qui m'observait de ses grands yeux attentifs comme s'il avait trouvé son sujet et qu'il s'apprêtait à me croquer (et qui sait si mon portrait ne se trouve pas, depuis mon passage, à l'envers de la toile ?), et d'autre part, j'étais content de retrouver une représentation de l'appui-main ou canne à peindre, cet accessoire que Vermeer m'avait fait découvrir alors qu'il s'en servait pour peindre sa Clio (L'Art de la peinture).

 

La visite d'une exposition est souvent faite de ces micro-événements qui, par les rêveries qu'ils permettent ou par les chaînes d'évocation qu'ils déclenchent, nous comblent de bonheur. Ici, ce détail me rappelait ma lecture de L'Ambition de Vermeer de Daniel Arasse, plus loin une Judith au glaive ensanglanté m'évoquait celle de L'Âge d'homme de Michel Leiris, et ainsi de suite.

 


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Published by jean-yves cordier
4 mai 2014 7 04 /05 /mai /2014 19:34

La légende de saint Nicolas dans les vitraux de la cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais de Sées (Orne).

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Voir :

la liste de mes 155 articles sur les vitraux

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   Il s'agit des trois baies 13, 15 et 17 qui éclairent la chapelle Saint-Nicolas, l'une des quatre chapelles rayonnantes du déambulatoire autour de la chapelle axiale de la Vierge. Leur numéros impairs indiquent qu'elles sont placées au nord, à gauche du chœur.

Je les décrirai pour un visiteur qui vient de l'entrée et découvre les baies dans l'ordre 17, 15  puis 13, c'est à dire en apprenant d'abord qui est le donateur, puis en contemplant un premier épisode de la Légende de saint Nicolas de Bari, le fameux miracle des trois clercs ressuscités, puis un épisode moins connu où il sauve trois jeunes femmes de la prostitution à laquelle les livre leur père.

Alors que la cathédrale a été d'abord vitrée entre 1270 et 1280, deux chapelles ont reçu leur vitrage entre 1370 et 1375, celle de Saint-Nicolas et celle de Saint-Jean-Baptiste : toutes deux possèdent des vitraux d'un art très raffiné évoquant celui de la cour royale de Charles V, que l'on retrouve aussi à Rouen. L'habileté à manier le jaune d'argent s'y exerce de façon remarquable pour colorer les cheveux, les damas, les orfrois et parfois les yeux. (L'utilisation du jaune à l'argent débute vers 1300 à Paris puis en Normandie à Rouen, Jumièges, Dives-sur-Mer, Mesnil-Villeman en 1330).

       A Sées, les vitraux sont disposés "en litre", les panneaux colorés prenant place sous forme d'une bande horizontale, la litre, au milieu d'une vitre en verre blanc seulement divisée par un réseau de grisaille décorative, et encadrée d'une bordure colorée. Cette disposition assure à l'édifice une clarté avantageuse, et au spectateur une lisibilité lumineuse du vitrail. 

   Les vitraux des chapelles autour du chœur ont beaucoup plus souffert de la corrosion que les verrières hautes, et  ont été restaurés entre 1879 et 1895 par Leprévost qui replaça les grisailles d'origine (ou ce qui en restait) par des copies. Les verres d'origine ont été vendus et se retrouvent dans des collections américaines, où Meredith Lillich (1990) les a étudiés avec soin, attribuant ceux de la chapelle qui nous concernent à un "Maître de Saint-Nicolas" : ils sont conservés au Glencairn Museum, Bryn Athyn, P.A en deux panneaux de grisaille, l'un avec des ancolies et l'autre avec des lierres (cf Lillich fig.3 page 165). M. Lillich a constaté que cette grisaille n'était pas traitée comme un élément secondaire laissé à une "seconde main", mais qu'elle était réalisé par le maître-verrier qui réalisait les panneaux colorés, ces éléments décoratifs étant différents selon chaque artiste. Si ceux de la chapelle axiale étaient raffinés et recherchés, ceux de la chapelle Saint-Nicolas étaient, selon ses termes, seulement "corrects, relevant d'une certaine "routine" correspondant au style contenu du peintre de cette chapelle".

 

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I. Baie 17.

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Elle est composée de deux lancettes et d'un tympan ajouré et atteint 6,00 m de haut sur 1,20 m de large. La bordure alterne les carrés bleu, bleu clair et pourpre avec des carrés blancs recevant un décor (losange où s'inscrit un quatre-feuilles) et traités au jaune d'argent.

Deux personnages de haute taille, l'un en habit bleu, l'autre pourpre, sont accompagnés sous une niche architecturée à trois lobes par un personnage de taille plus réduite, et dont la couleur de l'habit est inversé, formant un ensemble homogène à la symétrie équilibrée, très aérée et très lisible.

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                             saint-nicolas 3575c

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1. Lancette de gauche : saint Nicolas et donateur (1370).

 

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a) Inscription de donation.

Une inscription en lettres gothiques fournit l'identité du donateur et la date de donation ; je la déchiffre imparfaitement: OUDI : P~BR : TRE~CEN : CAPELLANus: ~I : PUNCRECTE :I: SIGILITus : SAGIENTIS : ...COPus : FECIT : IN HONORE BEATI NICOLAUs....ANNO DOMINI : MILEO : CCC : LXX.

*Soit  Oudin presbyter trecensis capellanus in ..... sagientis episcopus fecit in honore beati Nicolaus anno domini mileo CCC LXX.

 Un docte prédécesseur, lors d'une excursion de 1914 de la Société historique et archéologique de l'Orne publiée dans son Bulletin tome 34  déchiffrait pour sa part : "? ? ? ? oudi ; pbr. trecen Capellan : i : puti Ecle : Sigilis Sagien ? cop' : fecit iieri in honore : bi Nicolaya ? no : dni mileo : ccc° txxv ? " 

Soit : " Oudin prêtre de Troyes chapelain ....évêque de Sées fit  en l'honneur du Bienheureux Nicolas l'année du Seigneur 1370."

 

Le chapelain (Nicolas ?) Oudin de Troyes était secrétaire de l'évêque Guillaume de Rances (48e évêque de Sées de 1364 à 1384 et confesseur de Jean le Bon) et était venu à Sées vers 1363. Rances se trouvant dans l'Aube au nord-est de Troyes, Guillaume de Rances et Oudin de Troyes sont donc des compatriotes. 

Guillaume de Rances sur Wikipédia : "Guillaume ou Jean de Rancé, né à Rances et mort en 1378 , est un évêque de Séez du xive siècle. Guillaume est entré dans l'ordre des dominicains. Devenu confesseur du roi Jean, il accompagne ce prince en Angleterre après qu'il a été fait prisonnier à la bataille de Poitiers (1356) et n'est de retour en France avec lui qu'au mois d'octobre 1360. Le roi Jean le nomme en 1364, l'un de ses exécuteurs testamentaires conjointement avec l'évêque de Beauvais, et le comte de Tancarville. Guillaume tient en 1369 un synode diocésain, où il fait plusieurs statuts pour la réformation de la discipline ecclésiastique dans son diocèse. Il unit à l' abbaye de Saint-Martin en 1372 les prieurés de Coulonges du Gast près Tanville et de l'hermitage de Chaumont dans la forêt d'Écouves. Guillaume de Rancé serait aussi l'auteur de quelques ouvrages de piété savoir: Repertoriurn Scripturse sacrze, Soliloquum et Homiliae, tous restés manuscrits."

 

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saint-nicolas 3673c

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      b) Description.

 

Niche hexagonale, dont les piédroits sont ornés de moulures en sifflet, et dont le pinacle central culmine avec un fermaillet à croix. Bordure alternant des verres de couleur (bleu et lie-de-vin) et des verres blancs décorés à la grisaille et au jaune d'argent de losanges à quadrilobe.

Saint Nicolas : nimbe rouge ; mitre orfrayée ; chasuble bleue à revers vert ; surplis blanc orné de broderies or ; pas de gants, à moins que ceux-ci n'apparaissent que par le galon d'or du poignet ; bague d'or sur les deux majeurs ; pantoufles épiscopales ;  crosse dont la volute est ornée de crochets et se termine en feuille, et dont le nœud retient un linge blanc parallèle à la hampe, le sudarium.

L'élément le plus remarquable, avec les damas,  réside dans les pupilles rehaussées au jaune d'argent. (cliquez sur l'image pour agrandir), mais on admirera aussi avec quelle précision le jaune d'argent est peint sur les pierres ou pièces qui décorent la chasuble, sur le décor à crochets de la mitre, sur la broderie à aigle éployé de la partie médiane de l'aube, etc.

Oudin, tonsuré, porte une chasuble pourpre à l'orfroi traité au jaune d'argent, un manipule vert, et un surplis blanc.

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                  saint-nicolas 3672c

 

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2. Lancette de droite : éducation de la Vierge.

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Sainte Anne, la tête dans une guimpe, tenant un  livre enveloppé dans son manteau, fait l'éducation de la Vierge, cheveux longs, robe bleue, qui tient également un livre. Les deux femmes se tiennent par la main.

Têtes de sainte Anne et de la Vierge restaurées. Même fond damassé or à feuillages et oiseaux. 

 

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L'existence d'une chapelle vouée à Saint-Nicolas est sans-doute liée à la possession de reliques du saint évêque, reliques qui devaient être placées sur un autel de la chapelle. Ces reliques sont mentionnées dans un serment prononcé en 1153 : " serment prêté sur l'eucharistie et sur toutes les reliques de la cathédrale de Sées : «sur le bois de la Sainte-Croix et sur le sang de saint Gervais et de saint Protais et sur les reliques de saint Maurice et de saint Georges  saint Cammundus et saint Nicolas, sur le bras de saint Laumer et sur toutes les autres reliques de l'église de Sées:" (Marais et Beaudouin p.49) .

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Dans les deux lancettes se remarque le fond damassé or (jaune d'argent sur fond blanc) aux oiseaux affrontés : ce motif vient des lampas (tissus de soie broché d'or) de Lucques en Italie. Il sert de fond, par exemple, au retable dit de Flémalle (v.1430). On le retrouve dans un décor analogue de feuillage (en enlevé sur lavis de grisaille) sur la maîtresse-vitre de Saint-Jacques de Merléac (22) créée en 1402 par G. Béart, et ces couples d'oiseaux italianisants figurent aussi sur la maîtresse-vitre de la cathédrale de Quimper. On retrouve dans ces deux cas le rehaut des yeux au jaune d'argent. A l'ancienne abbatiale Saint-Sever-Calvados, un verre du début du XVe siècle montre un perroquet sur un sarment de vigne. Des oiseaux affrontés se retrouvent aussi sur les fonds damassés de la Sainte-Chapelle de Bourges de Jean de Berry, aujourd'hui replacés dans la crypte de la cathédrale et datant de 1395-1400. Un motif à dragons affrontés est présent aussi à la cathédrale d'Évreux, sur les fonds damassés des baies 209 et 210 ("Verrière royale") datant de 1390-1400, et un damas à perroquets verts se voit dans la baie 19 (vers 1360-1370 et après 1387) .  Tous ces vitraux se regroupent donc dans la fourchette 1370-1402, même si on retrouve les dragons affrontés sur la baie 10 de Saint-Lô qui date de 1420-1425, sur la baie 30 de la cathédrale de Bourges (avant 1415), etc. Ils relèvent tous de l'art de cour, liés aux règnes de Charles V (qui fut duc de Normandie de 1355 à 1364), Charles VI (1380-1422) et à l'exercice de la régence par les oncles de Charles VI Jean de Berry et Philippe II de Bourgogne. 

Les ornements liturgiques médiévaux étaient, au XIVe et XVe, de somptueuses draperies de soies, d'or et d'argent ou de velours, comme l'attestent les inventaires du trésor  de Notre-Dame-de-Paris (M. Beaulieu 1967). Mais alors qu'il existait des ateliers de soieries à Troyes, Paris, Reims, Poitiers, les inventaires ne mentionnent qu'une seule origine : la ville de Lucques en Italie, réputée pour ses lampas et camocas. L'inventaire du mobilier de Charles V énumère les "chapelles" (ensemble coordonné d' ornements liturgiques avec chape, chasuble, tunique, dalmatique, aube, amict, étole, fanons, parements d'autel, couverture de lutrin, dossiers,  ...)  de samit,  de satanin (satin), camocas d'oultremer,  diapré ondé, cendal et sortail dont le registre décoratif est proche de celui des vitraux. parmi ces motifs sont mentionnés des papegaux, ou perroquets.

 

 

 

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II. Baie 15.

      Elle est composée comme la précédente de deux lancettes et d'un tympan ajouré et atteint 6,00 m de haut sur 1,20 m de large. La bordure de carrés bleu porte des rosettes blanches et jaunes. La grisaille décorative reçoit dans un réseau de losanges des feuilles trilobées qui se développent à partir d'une tige centrale

  Au centre de la chapelle en absidiole, cette baie se consacre à l'épisode le plus légendaire de la Vie de saint Nicolas, celui qui, bientôt, va si bien effacer tous les autres que l'on identifiera le saint à la seule vue d'un personnage vêtu en évêque accompagné de trois enfants sortant d'un saloir : la résurrection des trois clercs  qu'un aubergiste a tué pour leur dérober leur argent. 

  La verrière est donc un stade intermédiaire entre les vitraux légendaires dont les nombreux médaillons relatent tous les épisodes de la Vie de saint Nicolas telle qu'elle est fixée par la Légende Dorée de Jacques de Voragine, et ceux où il suffit de représenter le saint avec son attribut, les trois "enfants" levant les bras et s'éveillant en sortant d'un baquet. Ici, c'est la scène qui précède le miracle de résurrection, celle du meurtre des trois clercs dans leur sommeil, qui est  représentée : l'homme qui a noué un tablier à la taille, lève sa hache au dessus des trois étudiants (une vision rapprochée montre qu'ils portent la tonsure des clercs) tandis que son épouse, à droite, tend une chandelle.

Que trois panneaux de la lancette de droite soient consacrés à la tavernière, à sa coiffure en barbette  et ses cheveux ramassés sous une résille, à sa grande blouse blanche au dessus d'une robe bleue montrent que l'accent est mis sur sa responsabilité dans le meurtre, comme complice. 

La leçon théologique est donc bien différente puisqu'elle insiste sur le crime commis et la responsabilité partagée des époux, alors que la scène suivante, celle du pardon par saint Nicolas est omise, et que la fameuse scène où les clercs bondissent hors du tonneau dans une belle image de renouveau donc de baptême n'est pas encore d'actualité.

Comparer avec un vitrail de 1416 :  Vitrail de Chartres : Grisaille du Miracle de saint Nicolas Baie n° 10.

 

 

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      Anecdote : en 1876, dans leur Essai historique page 426, Marais et Beaudouin décrivait cette verrière en y voyant l'histoire de saint Julien-l'Hospitalier tuant par erreur son père et sa mère couchés dans leur lit conjugal tandis que la comtesse sa femme tenant une lumière éclaire peut-être les pauvres qu'il a passé sur sa nacelle. Sic. 

 

 

 

 III. Baie 13. 

Elle est composée de deux lancettes et d'un tympan ajouré et atteint 6,00 m de haut sur 1,20 m de large. La bordure rouge  accueille des "castilles" (châteaux stylisés) . La grisaille du verre blanc périphérique est à motifs de feuilles de lierre à fermaillets (ces carreaux en losanges  qui servent de points colorés réguliers dans le panneau de grisaille) à fleurs de lys. Cette grisaille et ces fermaillets ont été refaits, le verre original se trouvant au Glencairn Museum.

 Le sujet de cette verrière est l'un des premiers épisodes de la Vie de saint Nicolas telle que la relate la Légende dorée : 

 

   À la mort de ses parents, devenu très riche, il chercha un moyen d’employer ses richesses, non pour l’éloge des hommes, mais pour la gloire de Dieu. Or un de ses voisins, homme d’assez noble maison, était sur le point, par pauvreté, de livrer ses trois jeunes filles à la prostitution, afin de vivre de ce que rapporterait leur débauche. Dès que Nicolas en fut informé, il eut horreur d’un tel crime, et, enveloppant dans un linge une masse d’or, il la jeta, la nuit, par la fenêtre, dans la maison de son voisin, après quoi il s’enfuit sans être vu. Et le lendemain l’homme, en se levant, trouva la masse d’or : il rendit grâces à Dieu, et s’occupa aussitôt de préparer les noces de l’aînée de ses filles. Quelque temps après, le serviteur de Dieu lui donna, de la même façon, une nouvelle masse d'or. Le voisin, en la trouvant, éclata en grandes louanges, et se promit à l’avenir de veiller pour découvrir qui c’était qui venait ainsi en aide à sa pauvreté. Et comme, peu de jours après, une masse d'or deux fois plus grande encore était lancée dans sa maison, il entendit le bruit qu’elle fit en tombant. Il se mit alors à poursuivre Nicolas, qui s’enfuyait, et à le supplier de s’arrêter, afin qu’il pût voir son visage. Il courait si fort qu’il finit par rejoindre le jeune homme, et put ainsi le reconnaître. Se prosternant devant lui, il voulait lui baiser les pieds ; mais Nicolas se refusa à ses remerciements, et exigea que, jusqu’à sa mort, cet homme gardât le secret sur le service qu’il lui avait rendu.

 

 

 

                                                                                                                                                                                saint-nicolas 3658c

 

      Dans le panneau de gauche, un homme est allongé, à moitié recouvert d'un drap rouge à revers or ; il a placé sa main sous sa tempe, d'un air songeur, tandis qu'une des trois femmes lui soutient la tête et le front d'un geste énigmatique, mi-tendre et mi-apaisant. Cet homme est le père confronté à une telle misère qu'il envisage (c'est l'explication de son attitude songeuse) de prostituer ses filles. Mais des pièces d'or, grosses comme des oranges, parviennent à travers une ouverture du mur et circulent de main en main, d'une fille à l'autre, jusqu'au père. On remarque la coiffure des trois jeunes filles, une résille réunissant les cheveux en un turban, et celle du père, un bonnet ou chaperon retenu par une sangle mentonnière.

Dans le panneau de droite, Nicolas, anonyme bienfaiteur, fait parvenir une autre pièce d'or par la fenêtre d'une tourelle à porte verte. Il porte une mitre de soie blanche dont les fanons flottent sur la nuque, une chasuble, une dalmaticelle et une aube blanche, le manipule au bras gauche (damas vert aux franges bleues) le bâton pastoral et les pantoufles, mais pas de gants (les ongles des longues mains sont visibles).

Le visage de chaque personnage est réalisé en un verre vieux rose sensible à l'altération.

Chaque scène est surmontée par une arcature trilobée. Le fond est bleu, en alternance avec le fond rouge de la baie 15. 

De l'ensemble de la scène se dégage une ambiance paisible dont toute condamnation agressive de la conduite morale du père est absente.

 

 

 

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Sources et liens.

 

— CALLIAS BEY (Martine, DAVID (Véronique), 2006,  Les vitraux de Basse-Normandie, Corpus Vitrearum VIII, Presses Universitaires de Rennes 2006, page 225-226.

— LABARTE, Jules, 1879 Inventaire du mobilier de Charles V, roi de France: Impr. Nationale

https://archive.org/stream/inventairedumobi00laba#page/n5/mode/2up

 — LAFOND Jean  1955 Les Vitraux de la cathédrale de Sées, Paris, Société française d'archéologie.‎

 — LAUTIER Claudine, 2000   "Les débuts du jaune d'argent dans l'art du vitrail ou le jaune d'argent à la manière d'Antoine de Pise"  in Bulletin Monumental    Volume   158  pp. 89-107 Persée 

— LILLICH (Meredith Parsons) 1990  "Les vitraux de la cathédrale de Sées à Los Angeles et dans d'autres Musées américains" in  Annales de Normandie Volume 40  pp. 151-175 in Persée 

 

 — LILLICH (Meredith Parsons) The Armor of Light: Stained Glass in Western France, 1250-1325 Google, extraits.

— MARAIS (H.) BEAUDOUIN (H.) 1876 Essai historique sur la cathédrale et le chapitre de Séez  Thomas et Mention : Alençon . xxx, 449 p. Archive.org

— MAZET Jean-François 2010, Saint Nicolas, le boucher et les trois petits enfants: Biographie d'une légende en ligne.

— PERROT (Françoise) 1996  "La couleur et le vitrail" Cahiers de civilisation médiévale Volume   39 pp. 211-215  

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux
19 avril 2014 6 19 /04 /avril /2014 21:13

 Le Credo prophétique et apostolique et la maîtresse-vitre de l'église de Quemper-Guezennec (22).

 

 

1. Cette verrière de Quemper-Guezennec possède une verrière consacrée à un Credo prophétique et apostolique, c'est à dire que le Credo est divisé en douze article, chacun d'entre eux présenté par un apôtre avec son attribut selon une distribution fixée depuis longtemps ; en outre, un prophète de l'Ancien Testament est associé à chacun des apôtres et présente un verset de la Bible considéré comme une préfiguration de l'article de foi. Cette succession des apôtres et des prophètes était très fréquente, notamment en sculpture dans les porches des sanctuaires, mais il est assez rare de disposer aujourd'hui de la série complète et d'un texte complet, car beaucoup de phylactères sculptés anciens ont perdu leur inscription. Cet appariement entre prophètes et apôtres suppose une profonde pensée théologique, typique notamment de la pensée médiévale, et qui s'illustre dès les débuts du vitrail religieux en France, à Saint-Denis avec Suger comme à Chartres (Prophètes de l'Arbre de Jessé). Aborder ce thème revient à embrasser un champ très large de la réflexion de l'Église depuis la Patristique jusqu'à l'École de Chartres, par exemple. C'est le premier intérêt de ce vitrail, le seul en France à présenter la série complète.

  2. En outre, il s'agit d'une verrière de 1460-1470, d'une facture comparable à celle de Lantic (22), et due aux verriers de Tréguier Olivier Le Coq et Jehan le Lavenant, et qui permet une étude stylistique intéressante.

3. Son troisième "intérêt", qui est plutôt une source de désarroi, fut de constater que la description princeps —reprise par les auteurs suivants— de René Couffon en 1935 contenait des incohérences par rapport à ma propre lecture des versets prophétiques ou de l'identification des saints personnages, et des difficultés de détermination de ceux-ci.

                                            

Cette verrière fut sauvée par une restauration du peintre-verrier Félix Gaudin de 1899, restauration très zélée au bon sens du terme mais qui, trop souvent à mon goût, "sent son XIXe siècle". Avait-elle été à l'origine de confusions ?  La version originale des citations accouplés des versets prophétiques et des articles du Credo a-t-elle été modifiée?

 

                       

                    DESCRIPTION.

 

 

C'est une baie de 8,50 m de haut et de 3,70 m de large composée de six lancettes trilobées et d'un tympan ajouré formé de trois fleurons de treize ajours, de deux mouchettes et d'écoinçons. 

                       Quemper-Guezennec 1307c

 


                    LES LANCETTES.

Le Credo illustré ici ne correspond pas au Symbole de Nicée-Constantinople (celui que l’on récite durant la Messe), mais à la formule plus synthétique du Symbole des apôtres, qui aurait été transmis directement aux apôtres par l'Esprit Saint. Son texte latin date du IIe ou du Ve siècle.

 La déclinaison du Credo débute par le haut et la gauche, m'imposant ce sens de présentation des panneaux. Je  propose la liste suivante du prophète, de l'apôtre et de son attribut, en indiquant les identifications de René Couffon en cas de désaccord. Cette lecture est, semble-t-il, la première à vérifier les sources des citations et la pertinence des identités, elle est donc sujette à caution et  souhaite déclencher une discussion.

1. Jérémie et Pierre. Clef

2. David et André. Croix de saint-André.

3. Isaïe et Jacques le Majeur. Bourdon et chapeau.

4. Daniel et Jean. Coupe de poison.

5.  Jonas et Philippe. Croix à longue hampe. (Malachie et Thomas R.C)

6.  Amos et   Thomas . La  Hache ou Hallebarde. 

7. Joël et Barthélémy. Coutelas.  (Sophonie et Barthélémy R.C)

8. Aggée et Matthieu. Plume d'écrivain. (Joël et Matthieu R.C)

9. Sophonie et Jacques le Mineur. (Michée et Jacques le Mineur R.C)

10. Zacharie et Jude Thaddée?. Hallebarde  (Zacharie et Philippe R.C)

11. Ezéchiel et Simon. La scie. (Osée et Simon R.C)

 12. Abdias et Mathias. (Ezéchiel et Mathias R.C)

 

Ces appariements et les citations prophétiques seront mis en parallèle avec ceux de :

  • Psautier de Jean de Berry, (PsJDB), BNF latin 13091, Enluminures de André Beauneveu  : 1380-1400 
  • Cathédrale de Cambrai 1404.
  • Baptistère de Sienne, fresques de Lorenzo di Pietro en 1450.

 

I. REGISTRE SUPÉRIEUR.

 

Quemper-Guezennec 1319c


1. Jérémie et saint Pierre.

"Très restaurés, dont les têtes" (Corpus Vitrearum, abrégé C.V)

a) JérémiePatrem invocab[itis] qui terram Ieremi 

 = Correspondance biblique : attribué à Jérémie, et retrouvé dans la plupart des autres Credo (Psautier de Jean de Berry, Cambray, Sienne, cathédrale de Cambrai etc.) sous la forme complète Patrem invocabitis qui terram fecit et condidit celos  (Le père vous appelle qui a fait le ciel et la terre). Mais cette citation ne correspond pas au texte de Jérémie malgré des références proposées dans la littérature Ez.3:19 ou 29:12 et 10:12 ; Isaïe 51.

"Mgr Brunod pense qu'il s'agirait d'une interprétation de Jérémie 10:12. Ce pourrait être aussi simplement une interférence entre deux textes, Jérémie3:19 et le texte que G. Durand attribue à david "A principio terram fundasti et opus manuum tuarum caeli Psaume 101:26" F. Gay, Colloque Pensée, image et communications 1993 p. 185.

-Attributs (non spécifiques) : bonnet à oreillette, barbe bifide

— Voir Psautier Jean de Berry folio 7v    : Jérémie : Patrem invocabitis qui terram fecit et condidit celos / Le père vous appele qui a fait le ciel et la terre.



b) Saint PierreCredo i[n] D[eu]m, P[a]trem omnipotentem [, creatorem caeli et terrae.].

— Article de foi : Credo in Deum, Patrem omnipotentem, creatorem caeli et terrae. "Je crois en Dieu le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre." 

—attributs spécifiques: clef ; calvitie à tonsure. Barbe frisée. Pieds nus, "attribut" propre à tous les apôtres. Nimbe, commun aussi à tous les apôtres de cette vitre, avec des variations autour d'un motif à rang de perles en périphérie. Robe, dont seule la couleur changera selon les apôtres, et manteau blanc galonné d'or, commun à tous.

— Dallage bicolore dont on suivra de panneau en panneau les variations alternant les carrés divisés en triangles, ou centrés par une perle ombrée, les damiers, les hexagones à triangles, les losanges, etc.

— PsJDB folio 8                

                                      Quemper-Guezennec 1302c


2. David et saint  André.

"Très restaurés, dont la tête de saint André" (C.V)

a) David : filius meus es ego hodie genui te

= Psaumes 2:7 : Domine dixit ad me : Filius meus es tu ego hodie genui te (Vulgate)  "Je publierai le décret : Yahvé m'a dit : Tu es mon fils, je t'ai engendré aujourd'hui".

 — attributs (non spécifiques) : couronne du roi David, chape damassée, barbe et cheveux longs.

— PsJDB folio 11v : David : Dominus dixit ad me filius meus es tu/ Le seigneur m'a dit tu es mon fils (JDB). Voir Paul, Épitre aux Romains 1,4.

— A Cambrai David (II,7) : Filius es tu ego hodie genui te 

 

—  selon le recensement d'Emile Mâle :David : Dominus dixit ad me filius meus es tu.

 

 

b) Saint AndréEt in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum. Andreas  

— Article de foi : "Et en Jésus-Christ son Fils unique Notre Seigneur".

— attributs : croix de Saint-André.

— PsJDB folio 12

                    

 

                                           Quemper-Guezennec 1303c

 

 

 


3. Isaïe et saint Jacques le Majeur.

"Très restaurés, dont la tête de saint Jacques et le panneau inférieur" (C.V)

a) Isaïe :  Ecce virgo concipiet et pariet .

= Isaïe, 7:14, Ecce virgo concipiet et pariet filium, et vocatibur nomem ejus Emmanuel : "une vierge concevra, elle enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel".

— attributs : coiffure et vêtement de prêtre juif.

— PsJDB folio 13v  : Isaïe, VII, 14, Ecce virgo concipiet et pariet filium, et vocatibur nomem ejus Emmanuel : . Une vierge qui conchevra et un fix enfantera. (JDB)

— A Cambrai, ou au Baptistère de Sienne, ou pour E. Mâle, la même citation d'Isaïe est reprise.


b) Saint Jacques le Majeur : [qui conceptus est de Spirituo Sancto n]atus est Maria Virgine. Jacobus

— Article de foi : "...qui a été conçu du Saint-Esprit et qui est né de la Vierge Marie" )

 

— attributs : Bourdon (?) et besace des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle ; objet bilobé suspendu autour du cou.

— remarque : la partie haute du bâton ressemble d'avantage au bâton de foulon de Jacques le mineur qu'à un bourdon. Absence du chapeau caractéristique de Jacques le Majeur, bien que cet objet autour du cou correspond peut-être à la bride d'un chapeau jadis porté derrière la nuque sur la version initiale. Absence de coquille Sait-Jacques. Bref, aucun critère d'identification certaine.

PsJDB folio 14 : on ne voit dans l'enluminure pas de bourdon, pas d'avantage de chapeau, mais la coquille est un critère sans ambiguïté.

                                                    Quemper-Guezennec 1304c

 

 

Quemper-Guezennec 9216c


4. Daniel et saint Jean l'évangéliste.

Le  plus bel ensemble à mon goût.

a) Daniel :   Post LXII edomadas

: Daniel 9:26: et post ebdomades sexaginta duas occidetur christus :"Après soixante-deux semaines d'années, Christ sera tué"

Contexte (Trad. L. Ségond): 

21 je parlais encore dans ma prière, quand l'homme, Gabriel, que j'avais vu précédemment dans une vision, s'approcha de moi d'un vol rapide, au moment de l'offrande du soir.

22 Il m'instruisit, et s'entretint avec moi. Il me dit: Daniel, je suis venu maintenant pour ouvrir ton intelligence.

23 Lorsque tu as commencé à prier, la parole est sortie, et je viens pour te l'annoncer; car tu es un bien-aimé. Sois attentif à la parole, et comprends la vision!

24 Soixante-dix semaines ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sainte, pour faire cesser les transgressions et mettre fin aux péchés, pour expier l'iniquité et amener la justice éternelle, pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le Saint des saints.

25 Sache-le donc, et comprends! Depuis le moment où la parole a annoncé que Jérusalem sera rebâtie jusqu'à l'Oint, au Conducteur, il y a sept semaines et soixante-deux semaines, les places et les fossés seront rétablis, mais en des temps fâcheux.

26 Après les soixante-deux semaines, un Oint sera retranché, et il n'aura pas de successeur. Le peuple d'un chef qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin arrivera comme par une inondation; il est arrêté que les dévastations dureront jusqu'au terme de la guerre.

27 Il fera une solide alliance avec plusieurs pour une semaine, et durant la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l'offrande; le dévastateur commettra les choses les plus abominables, jusqu'à ce que la ruine et ce qui a été résolu fondent sur le dévastateur.

— PsJDB folio 15v: Zacharie 12,10: Ascipiens ad me, quem confixierunt / En moy regarderont leur Dieu lequel cruchefierent. ("ils tourneront les regards vers moi, celui qu'ils ont percé)"

— Baptistère de Sienne: Ezechiel : Signa Thau gementium  : selon une vieille tradition généralement acceptée dans les milieux patristiques, la forme de la lettre grecque tau correspond à une croix; l’extrait d’Ezéchiel est ainsi interprété comme une référence au salut du genre humain à travers le sacrifice du Christ. Voir le vitrail typologique de Saint-Denis.

— Emile Mâle : Daniel, Post septuaginta hebdomadas occidetur Christus.

 

     

b) saint Jean : Johan passus sub Pontio Pilato, crucifixius, mortuus et sepultus. 

— attributs spécifiques : visage imberbe; coupe de poison d'où sortent deux serpents ailés. 

PsJDB folio 14 

                            Quemper-Guezennec 1319cc

 

 

Quemper-Guezennec 9217c


5ème article Limbes et Résurrection. Jonas et saint Philippe.

"Refaits" (C.V)

a)  Jonas: ..nt fuit Jonas in ventrem ceti 

Sicut enim fuit Jonas in ventrem ceti est une citation de l'évangile de Matthieu 12:40. Mais il répondit et leur dit: Une génération méchante et adultère cherche un signe; et il n'y aura aucun signe sera donné d'autre miracle que celui du prophète Jonas:  Car comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, de même le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre 

Les Credo prophétiques font rarement appel à un verset tiré du Livre de Jonas, mais dans ce Livre il n'est pas fait mention de baleine (ceti) mais de poisson (pisces); les versets cités sont Jonas 2:1 ;  4:3; 4:12.

 Jonas apparaît lié au cinquième article de foi pour les raisons claires énoncées par Matthieu, comme une préfiguration du séjour du Christ "dans les Limbes" ou "aux enfers".

 René Couffon, reprit par les auteurs du Corpus, indique ici Malachie, à qui il attribut le verset sur Jonas.

— PsJDB folio 15v  : Osée 13:14 :  O mors ero mors tua morsus tuus ero inferne / Mors tu es trop dure enfer par moy sera mors 

 — A Cambrai, ou dans le Baptistère de Sienne, ou selon Emile Mâle, on cite aussi Osée  13:14 Morsus tuus eri inferne, qui renvoie à la phrase du livre du prophète O mors ero mors tua, morsus tuus ero, inferne "Oh mort sera ta mort, oh enfer sera ton châtiment" ou "Je les délivrerai de la mort...Ô mort, où est ta peste ? Séjour des morts, où est ta destruction? "

 

                     


b) saint Philippe : tertia die ressurexit a mortuis Philippe

—Article : Descendit ad inferna, tertia die ressurexit a mortuis. "Il est descendu aux enfers ; le troisième jour, est ressuscité des morts"

— attribut : la croix à longue hampe.

— Remarque : René Couffon indique "tercia die" et "saint Thomas tenant sa croix", sans-doute parce qu'il suit le Psautier de Jean de Berry ou un modèle analogue : c'est bien Thomas à qui est, traditionnellement, attribué ce cinquième article (Manuscrits du duc de Berry ; baptistère de Sienne). Mais l'attribut de saint Thomas est, traditionnellement, l'équerre. Ici, la croix est l'attribut de Philippe, et son nom est indiqué sur le phylactère.

PsJDB folio 16 : saint Thomas, qui présente sa paume droite en attestation de son texte.

[ voir PsJDB folio 22 saint Philippe, avec sa croix.]

Il m'était difficile de comprendre pourquoi Philippe prend la place de Thomas: erreur lors de la restauration, l'équerre ayant été prise pour une croix, et le nom Philippe ayant été ajouté sur le phylactère ? Variante datant du XVe siècle dans le Credo apostolique ? Dans toutes les autres versions et dans le recensement de Mâle c'est Thomas à qui revient ce 5ème article. Je reviendrai sur cette discussion.

 

                             Quemper-Guezennec 1319ccc

 

 


6ème article, l'Ascension : Amos et saint Thomas .

 

a) Amos : Qui edificiat in coeli ascensionem suam."Il édifia dans le ciel son ascension".

Source : Amos 9:6  : qui aedificat in caelo ascensionem suam et fasciculum suum super terram fundavit qui vocat aquas maris et effundit eas super faciem terrae Dominus nomen eius

 " Il a bâti sa demeure dans les cieux, Et fondé sa voûte sur la terre; Il appelle les eaux de la mer, Et les répand à la surface de la terre: L'Éternel est son nom."  

— PsJDB folio 17v : Sophonie So 3,9 : Invocabunt omnes nomen domini et servient ei / Tous lapeleront et bien le serviront.

— Baptistère de Sienne, ou Emile Mâle: Amos, même citation qu'ici, qui aedificavit in coelo ascensionem suam .

 

—Grandes Heures de Berry. : Amos : Apem [sic pour Ipse] est qui edificat ascensionem suam in celo

 

 

 

b) Saint Thomas : Ascendit ad celos, sedet ad dexteram patris

— Article de foi : Ascendit in celum sedet ad dexteram dei patris omnipotentis "Il est monté au ciel, est assis à la droite de Dieu, le Père tout puissant".

 — Attribut : la hache ou hallebarde. (Classiquement, l'attribut de Thomas est la lance ou l'équerre)

Là encore, il s'agit d'un écart par rapport à la règle qui attribut cet article à saint Jacques le Mineur. Mais la présence de la hache ou hallebarde m'imposerait d'y voir soit Jude, soit Mathias (exclu ici car il est cité pour le 12e article), d'où mon embarras. Cette hache est-elle due à une restauration ?

—PsJDB folio 18 : Jacques le Mineur. attribut l'épée.

— Baptistère de Sienne, ou Emile Mâle : Jacques le Mineur.


                              Quemper-Guezennec 1319ccccc

 

 

 

 

 

 

II. REGISTRE INFÉRIEUR.

 

 

Quemper-Guezennec 1316c

 

 


7. Joël et saint Barthélémy.

a) Joël : Sebedo ut iudicui omnes gentes

Source :Joël 3:12 consurgant et ascendant gentes in vallem Iosaphat quia ibi sedebo ut iudicem omnes gentes in circuitu  "Que les nations se réveillent, et qu'elles montent Vers la vallée de Josaphat! Car là je siégerai pour juger toutes les nations d'alentour."

Ne pas confondre avec Joël 3:2.

 René Couffon qui suit Emile Mâle indique : "Sophonie"

— Ps JDB folio 19v : Joël 2,28 : Effundam de spiritu meo super omnes carnem / Sur tous je donray mon esprit.

— Baptistère de Sienne : Joël 3:12 In valle Iosaphat iudicabit omnes gentes "Dans la vallée de Iosaphat il jugera tous les peuples".

—E. Mâle : Sophonie: Ascendam ad vos in judicium et ero testis velox 

b) saint Barthélémy : Inde venturus iudicare vivos. "D'où il reviendra juger les vivants"

— Article du Credo Inde venturus est iudicare vivos et mortuos : "d’où il viendra pour juger les vivants et les morts"

 — attribut : le couteau par lequel il fut dépecé. Nimbe, pieds nus.

Nouvel écart par rapport à la tradition qui attribue cet article à Philippe:

— PsJDB folio 20 : Philippe

— Sienne, ou Emile Mâle : Philippe

 

                                    Quemper-Guezennec 1288c


8ème article. Aggée et saint Matthieu.

 a) Aggée : Spiritus meus erit in medio vestrum

— Source : Aggée 2:6 verbum quod placui vobiscum cum egrederemini de terre aegypti et spiritus meus erit in medio Vestrum nolite timere : "Je reste fidèle à l'alliance que j'ai faite avec vous Quand vous sortîtes de l'Égypte, Et mon esprit est au milieu de vous; Ne craignez pas! "

— René Couffon identifie le prophète Joël comme l'auteur de cette citation, et il est suivi par les auteurs du Corpus Vitrearum.

— Baptistère de Sienne : même citation d'Aggée.

— PsJDB folio 21v  : Malachie 3,5 : Accedam contra vos in judicio et ero testis velox / Contre vous en jugement je venray comme tesmoign apert. 

— Emile Mâle : Joël : Effundam de Spirituo meo super omnem carnem.

 

b) saint Matthieu : Mat... Credo in spiritum sanctum.

— Article du Credo : Credo in spirituum sanctum, "Je crois en l’Esprit-Saint"

— attribut : une palme, qui est plutôt la plume de l'évangéliste

 Cet article revient traditionnellement à Barthélémy. Lorsqu'on observe le coutelas du folio 22 du Psautier de Jean de Berry, on voit qu'on peut le confondre avec une plume 

— Ps FDB folio 22 : St Barthélémy Il tient un coutelas et un livre, facile à confondre avec une plume et un livre...

— Baptistère de Sienne, ou Emile Mâle : Barthélémy.

 

                                     Quemper-Guezennec 1289x

 

Quemper-Guezennec 9224c

 

 


9ème article . Sophonie et saint Jacques le Mineur.

a) Sophonie  Se [...] haec est civitas gloriosa habitans

Source : Sophonie 2:15  haec est civitas gloriosa habitans in confidentia quae dicebat in corde suo ego sum et extra me non est alia amplius quomodo facta est in desertum cubile bestiae omnis qui transit per eam sibilabit et movebit manum suam

"Voilà donc cette ville joyeuse, Qui s'assied avec assurance, Et qui dit en son cœur: Moi, et rien que moi! Eh quoi! elle est en ruines, C'est un repaire pour les bêtes! Tous ceux qui passeront près d'elle Siffleront et agiteront la main. "

René Couffon qui suit E. Mâle indique Michée.

 — Baptistère de Sienne : Sophonie, même citation.

— PsJDB folio 23v : Amos 9,6 : Ipse est qui edificat ascencionem suam in celo / Ch'est cheluy qui edefie ou chiel son assencion. (JDB). La citation de la Vulgate est : qui aedificat in caelo ascensionem suam et fasciculum suum super terram fundavit qui vocat aquas maris et effundit eas super faciem terrae Dominus nomen eius :  Il a bâti sa demeure dans les cieux, Et fondé sa voûte sur la terre; Il appelle les eaux de la mer, Et les répand à la surface de la terre: L'Éternel est son nom.

—E. Mâle: Michée : Invocabunt omnes nomen Domini et servient ei 

 


b) Saint Jacques le Mineur. Jacobus sanctam ecclesiam

— Sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum communionem "à la Sainte Eglise Catholique, à la Communion des Saints"  

— Baptistère de Sienne et Emile Mâle : Matthieu. 

— PsJDB folio 24 : saint Matthieu imberbe avec la lance et le livre.

 

                     



                                 Quemper-Guezennec 1290x

Quemper-Guezennec 9225c

 


10ème article. Zacharie et Jude Thaddée (?) .

"panneau inférieur très restauré" (C.V)

a) Zacharie : Zacharias suscitabo filios tuos.

Source : Zacharie 9:13 quoniam extendi mihi Iudam quasi arcum implevi Ephraim et suscitabo filios tuos Sion super filios tuos Graecia et ponam te quasi gladium fortium "Car je bande Juda comme un arc, Je m'arme d'Éphraïm comme d'un arc, Et je soulèverai tes enfants, ô Sion, Contre tes enfants, ô Javan! Je te rendrai pareille à l'épée d'un vaillant homme."

 

— PsJDB folio 25v : Daniel 12:2  Evigilabunt omnes alii ad vita alii ad obprobium / Tous se resvelleront, les uns en gloere, les autres en oprobre.

—Baptistère de Sienne : Malachie Cum hodio (sic) abueris (sic) dimitte "Si tu la hais laisse la partir".

— La Mailleraie ou E. Mâle: Malachie : deponet dominus omnes iniquates nostras.

 

                    

 b)  Jude Thaddée (?):  remmisionem pecatoribus 

— Article de foi :  remissionem peccatorum "Je crois à la rémission des péchés".  

Attribut : la hallebarde .

Selon la tradition, cette place revient à Simon, bien identifiable à sa grande scie de scieur de long.

— PsJDB folio 26: Simon

— Baptistère de Sienne : Simon

 

                     


                                   Quemper-Guezennec 1291x

 

11. Ezéchiel et saint Simon.

"refaits" (C.V)

a) EzéchielOssa arida audite verbum Domini  

Source : Ezéchiel 37:4  : et dixit ad me vaticinare de ossibus istis et dices eis ossa arida audite verbum Domini . 

37 La main de l'Éternel fut sur moi, et l'Éternel me transporta en esprit, et me déposa dans le milieu d'une vallée remplie d'ossements.  Il me fit passer auprès d'eux, tout autour; et voici, ils étaient fort nombreux, à la surface de la vallée, et ils étaient complètement secs.  Il me dit: Fils de l'homme, ces os pourront-ils revivre? Je répondis: Seigneur Éternel, tu le sais.  Il me dit: Prophétise sur ces os, et dis-leur: Ossements desséchés, écoutez la parole de l'Éternel!

—Erreur de René Couffon qui lit Ose, arrida audite verbum Domini et l'attribue à Osée.

— description : bonnet juif vert ; index tendu vers la gauche.

— PsJDB folio 27v  Ézéchiel 37,12 : Educam te de sepulcris tuis popule meus / Je temneray mon pueple hors de vos sepulcrez 

— Baptistère de Sienne : Zacharie 9,13: Suscitabo filios tuos (Je ressusciterai tes fils).

— Emile Mâle : Zacharie : Educas te de sepulcris tuis, popule meus. Emile Mâle commet a priori une erreur d'attribution de la citation.

 

                

                                         

b) saint Simoncarnis resurrectionem Simon. 

 — Article de foi : Credo carnis resurrectionem "Je crois à la résurrection de la chair" 

— Attributs : la grande scie (scie = Simon) nimbe ; pieds nus

Article traditionnellement confié à Jude Thaddée :     

— Emile Mâle, Baptistère de Sienne : Jude Thaddée.

— PsJDB folio 28 : Jude Thaddée.

      

                                        


                               Quemper-Guezennec 1292x


12. Abdias et saint Mathias.

      "Tête refaite" (C.V)

a) Abdias : Et erit dominus regnum a  

 Source : Abdias 1:21 : et ascendent salvatores in montem Sion iudicare montem Esau et erit Domino regnum    Des sauvés graviront le mont Sion pour dominer sur les monts d'Esaü. Alors l'Eternel sera roi! Ou bien : "le régne demeurera au Seigneur". La graphie dominus du vitrail au lieu de domino ne relève pas d'une erreur de lecture de ma part.

  René Couffon attribue ce verset à Ezéchiel ; le Corpus Vitrearum reprend cette identification

—Bonnet bleu, longue barbe, longs cheveux, manteau, chausses.

— Baptistère de Sienne : Abdias, même citation (dans la version correcte "domino").

— Église de Kenton : même citation (dans la version correcte "domino")

— PsJDB folio 29v : Michée 7,19 Deponiet Dominus omnes iniquitates nostras / Toutes nos iniquités il ostera. 

 

 — E. Mâle : Daniel : Evigilabunt alii ad vitam, alii ad mortem

 

b) Saint Mathias : et vitam eternam amen Mathia.

— Article : et vitam aeternam "et à la vie éternelle. Amen".) 

— Attributs : nimbe ; pieds nus.

— PsJDB folio 30 : Mathias, une hache.

Emile Mâle, ou Baptistère de Sienne : Mathias.


                                         Quemper-Guezennec 1294x

 

Quemper-Guezennec 9222c

 

 

 

INSCRIPTIONS DE RESTAURATION.

     " L'an de grâce 1899 Murs J. Trabadon étant recteur et B. Le Mené maire de Quemper Guézennec cette verrière fut restaurée et reposée."

  "Félix Gaudin peintre-verrier à Paris a rétabli en son primitif état cette vitre des prophètes et apôtres gravement mutilée par le temps et les hommes. "

René Couffon relate ainsi cette restauration : 

"En 1869, au moment où on commençait à démolir l'ancienne église de Quemper-Guézennec, Geslin de Bourgogne fut averti que sous un enduit d'argile et masqué par des planches de sapin, il existait dans la fenêtre du chevet une verrière ancienne. Il la fit aussitôt démonter et grâce à une subvention votée par la Société d'émulation des Côtes-du-Nord dans sa séance du 9 juin 1869, elle put être nettoyée, réparée et replacée dans le chœur du nouvel édifice reconstruit en 1870. Plus tard, en 1899, ce vitrail fut complètement et habilement restauré par le maître verrier Félix Gaudin. L'on peut seulement déplorer que l'on n'ait pas restitué dans le tympan les armoiries* qui existait jadis et dont il existe plusieurs procès-verbaux."

* dont  Kervénénoy, Galehaut de Kerriou et son épouse Aliette de Garzpern.

Les auteurs du Corpus Vitrearum VII précisent aussi ceci :

" Une photographie antérieure  à la restauration de Gaudin présente une verrière incomplète et mutilée. Le registre inférieur était alors remplacé par des losanges ; une Vierge à l'Enfant se trouvait placée en bouche-trou dans la 5ème lancette. Pour atteindre son objectif, Gaudin retira les bouche-trous et les armoiries, reconstitua un soubassement et des dais d'architecture neufs calqués sur ceux des années 1460 des baies hautes du chœur de l'église St-Séverin de Paris  et inventa un tympan tandis que furent redistribuées dans la baie et largement complétées. Le classement du vitrail en 1973 permet sa dernière restauration en date, réalisée en 1988-89 par l'atelier Avice du Mans, qui se traduit par de nombreux collages".

"Les têtes et figures restituées [par Gaudin] sont copiées, voire calquées sur des parties originales. Dais et soubassements des figures sont presque entièrement de Félix Gaudin".

Ces informations ( verrière démontée, réparée d'abord en 1869 (par un vitrier ?), "verrière incomplète et mutilée", "registre inférieur remplacé par des losanges", amènent à s'interroger sur la validité des identités des apôtres et sur celle des versets et articles  de foi.

                                    Quemper-Guezennec 1336c

 

                                 Quemper-Guezennec 1337c

 

 

                            TYMPAN.

Il est entièrement de Félix Gaudin. Quatre Évangélistes, quatre anges portant des phylactères au nom des Évangélistes et parties ornementales.

 Quemper-Guezennec 1296c

 

                       DISCUSSION

I. Datation.

Selon René Couffon 1935 : 

"Cette verrière est sensiblement contemporaine de celle de N.D. de la Cour [Lantic] et de celle de Tonquédec. Les fenestrages présentent en effet entre eux de grandes similitudes, et, d'autre part, nous savons que les armes de Galehaut de Kerriou et de son épouse Aliette de Garspern y figuraient, tandis que l'on n'y voyait pas les armes de Jeanne de Kerriou et de Vincent Ruffaut son troisième mari. On peut ainsi dater le vitrail de 1460 à 1470 environ."

Rappel généalogique :

André-Yves Gourvés signale dans un message du groupe de discussion La Noblesse bretonne
"aux AD22 la liasse 1 E 2185 dans laquelle figurent une enquête diligentée en juin 1498 sur la dévolution de la terre de Kerriou et un mémoire du 27 août 1755. Le mémoire de 1755 fait mention de deux actes supposés, l'un de 1338, l'autre de 1423 qui établiraient la généalogie suivante, que je complète par l'enquête de 1498." :

— Génération 1.
Guihomarch, cité en 1338 avec ses fils Pierre et Alain qui suivent.
— Génération 2.

 1/ Pierre de Quimper-Guézennec (sic), fils aîné du précédent, cité en 1338, avec son père et son frère Alain ;

 2/ Alain de Kerriou, cité en 1338, reçoit en partage un quart des biens de ses père et mère du consentement de son frère Pierre de Quimper-Guézennec. Alain est le père de Richard, qui suit.

— Génération 3.

 
Richard de Kerriou, père d'Alain et Gallehaut, cités en 1423, qui suivent.

 — Génération 4

 
1/ Alain de Kerriou, mort sans postérité.
2/ Gallehaut de Kerriou, héritier de son frère, épouse 1°) Marie du Garspern, d'où une fille, Jeanne, qui suit ; 2°) Aliz Kerleau

 —Génération 5

 Jeanne de Kerriou, épouse 
1°) Olivier Bodin, d'où un fils Charles Bodin
2°) Vincent Ruffault, d'où un fils Jean Ruffault, qui suit

 — Génération 6

 Jean Ruffault, héritier de Kerriou.

 

II. Stylistique.


1. Selon René Couffon 1935, dont on prendra les assertions avec prudence, :

"Les grands nimbes travaillés, la coupe si caractéristique de la barbe des personnages et leur physionomies rappellent Maître Francke ou Johanne Koerbecke. C'est donc à l'école de Maître Francke, si profondément influencée par l'art bourguignon, que l'on doit semble-t-il, attribuer le carton de la belle verrière de Quemper-Guezennec. Les couleurs foncées des verres peints permettent, semble-t-il, d'attribuer cette verrière à l'atelier de Tréguier. »


2. Selon les auteurs du Corpus Vitrearum VII (2005):

"Le Credo apostolique de l'église de Quemper-Guézennec peut lui aussi être attribué au groupe Le Coq-Le Lavenant, tant est frappante la parenté avec la verrière du Lantic".(p. 31)"

"Les données concernant ces familles suggèrent de dater les parties anciennes de la verrière de 1460-1470. Cette proposition est en accord avec l'étude du style et de la technique, qui fait du vitrail de Quemper-Guézennec un contemporain de l'œuvre de Olivier Le Coq et de Jehan Le Lavenant à Lantic, d'une facture très comparable". (p.93)

Cette "facture" se définit, selon ces auteurs, à Lantic (verrière de 1462-1463), par :

"une composition narrative à registres superposés, chaque scène et chaque lancette étant encadrée et couronnée de grandes niches d'architecture aux dais très développés qui donnent à l'œuvre une tonalité très claire. Sols dallés et fonds damassés — qui éclipsent toute mention de paysage— portent des personnages assez trapus mais non dénués d'élégance ; parmi les caractéristiques principales, on note les larges visages féminins, les yeux petits et très marqués, les chevelures roulées en arrière et partagées par le milieu des hommes barbus, dégageant des fronts très hauts, les expressions intériorisées de toutes ces figures et, pour le décor, les tissus ornés de motifs géométriques et les galons larges, souvent repris au jaune d'argent."

A ce groupe appartiendraient aussi une Vie du Christ de la chapelle de Gohazé à St-Thuriau, une Crucifixion de Sainte-Anne de Boduic à Clégueréc, et, un peu postérieures, des scènes de l'Enfance du Christ de la chapelle Notre-Dame de Kerfons à Ploubezre.

3. Ces artistes apparaissent en 1484 dans les comptes de la cathédrale de Tréguier :

"item d'avoir payé à Olivier Le Coq et Jehan Le Lenevant, vitriers, pour avoir fait et habillé les deux vittres étant au cloistre, dont l'une d'icelles estoit rompue".

"Le Coq (Olivier) de Tréguier habitait dans la rue Neuve une maison qui longtemps après lui était appelée L'Ostel Olivier Le Coq, vitrier. Il est mentionné dès 1460 dans les habitants de Tréguier. Ce fut lui qui, de 1469 à 1480, fit tous les vitraux de la chapelle Saint-Yves à Kermartin. En 1484, il fit des travaux dans la cathédrale de Tréguier, savoir dans la librairie, dans le cloître, à la chapelle Sainte-Catherine, à celle de saint-Nicolas. En 1470 et 1471, il avait fait la grande vitre qui coûtat 100 livres. Un titre des Archives des Côtes-du-Nord mentionne en 1494 un Olivier dit Vittrier qui fit des travaux à l'église de Plédernec, dépendant de l'abbaye de Bégar ; je pense que ce fut le même artiste. Nous avons encore à N.D. de la Cour un magnifique vitrail sorti de ses ateliers, qui porte sa signature ainsi que celle de son collaborateur Jehan Lelenevant".

(Anatole de Barthélémy, Annales archéologiques, 1850)




III Emission et réception : Point de vue du commanditaire et point de vue du fidèle.

   Ce vitrail illustre les différences de point de vue du commanditaire et du spectateur, car il est très probable qu'aucun paroissien n'ait jamais déchiffré les inscriptions portées par les phylactères : quand il n'est pas caché par un mobilier liturgique, le vitrail est trop éloigné de la nef pour permettre une lecture, et, même avec d' hypothétiques et anachroniques jumelles, la disposition verticale des banderoles s'oppose à cette lecture, qui se complique encore des abréviations utilisées. Cela est si vrai que, manifestement, ni René Couffon, ni les auteurs du Corpus Vitrearum, ni l'auteur d'un mémoire de maîtrise sur cette verrière ne se sont donnés la peine de se tordre le cou pour les lire avec exactitude, et que René Couffon, ayant constaté que les premiers couples de saints personnages répondaient aux schéma établis, s'est contenté de reprendre pour les suivants la liste relevée par Emile Mâle en iconographie médiévale.

  On peut donc s'interroger sur le choix du commanditaire, qui savait que ces citations ne seraient pas lues. Peut-être supposait-il qu'elles étaient connues de tous, pour figurer dans les Livres d'Heures ? Mais ceux-ci étaient encore, vers 1470, réservés à la noblesse aisée.

 Sans-doute plutôt a-t-il voulu témoigner de son propre Credo, de son acte de foi dans des vérités qu'il voulait présenter comme intangibles, sans-doute a-t-il voulu donner une démonstration spectaculaire du dogme, afin que chacun considère la Foi comme un monument structuré, argumenté, sans se soucier de voir quelque curieux venir détailler chaque citation prophétique pour la discuter.

   Malgré le caractère sentencieux et sévère de cette leçon théologique, celle-ci s'accorde, dans son sens et dans son projet, avec les Arbres de Jessé, pourtant autrement plus plaisants et accessibles : il s'agit là aussi de montrer que la religion catholique était annoncée, dans ses différents articles de foi, par l'Ancien Testament, et que le Christ était vraiment celui qu'annonçait les Prophètes.

  Sur un autre plan, comme pour les douze rois de Juda, ces deux rangées de six niches aux personnages accouplés sont, très globalement et sans qu'il soit requis de lire le texte, une exaltation du chiffre douze, regroupant dans sa symbolique celle des heures, des mois et du zodiaque pour illustrer le Tout cosmique et sa pérennité : la grande structure théologique du Temps, qui, pour l'Église, se nomme le Salut. Ce lien au temps, loin d'être arbitraire, est propre au thème iconographique lui-même, qui, nous allons le voir, s'est développé d'abord dans les Calendriers des Livres d'Heures. Cette figure à 24 personnages relève d'une tradition médiévale apparue dans les enluminures de sortes d'Abrégés théologiques et dont l'art consistait à organiser en figures mémorisables les vérités chrétiennes autour de trois chiffres, sept, dix et douze. 

 

IV. Le thème iconographique des Credo apostoliques et prophétiques.

  L'iconographie des prophètes est ancienne, et les dix-neuf prophètes de l'Ancien Testament sont présents sur les ébrasements des portails des cathédrales du XIIe siècle, tout comme ils accompagnent à la même époque les  rois de Juda dans les premiers Arbres de Jessé de Saint-Denis et de Chartres, mais  c'est plus tardivement, à partir du XIIIe siècle , dans la même réflexion théologique de lecture de l'Ancien Testament comme annonçant l'avènement du Christ  et d'approfondissement de l'article du Credo (Symbole de Nicée-Constantinople)  Il a parlé par les prophètes, que se développa la tradition de "Credo prophétique et apostolique" représentant douze prophètes couplés chacun aux douze apôtres. Chacun tient un phylactère présentant, soit une citation des livres des Prophètes, soit un article du Credo. Cette représentation reprend la symbolique du chiffre douze des Calendriers (les douze mois) ou des Arbres de Jessé (les douze rois de Juda). 

 

 Il n'est pas facile de trouver la liste des prophètes et de leur texte prophétique associés aux apôtres, et à l'article du Credo correspondant ; c'est ce qui justifie mon travail où j'ai repris les transcription des correspondances selon le vitrail de Quemper-Guézennec par J.P. Le Bihan (Q.G), celle du même vitrail relevé par René Couffon, selon les fresques de la Basilique de Sienne (B.S), selon les relevés de la Cathédrale de Cambrai en 1404, (CC)* et du Psautier de Jean de Berry (JDB).  

* In Iconographie chrétienne de Montault  p. 72.   

 

 

 

 

Origine : la formulation du Symbole des apôtres, son découpage en articles et l'attribution de ces articles à un apôtre donné relève d'une tradition qui remonte au Ve siècle : je vais recopier ici un extrait de sœur G. Peters paru sur le site Patristic.org en 2007 :

" a) Rufin d’Aquilée (345-410) écrit vers l’an 400 :

  • Nos anciens rapportent (tradunt : c’est l’idée de tradition) qu’après l’ascension du Seigneur, lorsque le Saint-Esprit se fut reposé sur chacun des apôtres, sous forme de langues de feu, afin qu’ils pussent se faire entendre en toutes les langues, ils reçurent du Seigneur l’ordre de se séparer et d’aller dans toutes les nations pour prêcher la parole de Dieu. Avant de se quitter, ils établirent en commun une règle de la prédication qu’ils devaient faire afin que, une fois séparés, ils ne fussent exposés à enseigner une doctrine différente à ceux qu’ils attiraient à la foi du Christ. Etant donc tous réunis, remplis de l’Esprit Saint, ils composèrent ce bref résumé de leur future prédication, mettant en commun ce que chacun pensait et décidant que telle devra être la règle à donner aux croyants. Pour de multiples et très justes raisons, ils voulurent que cette règle s’appelât symbole.

    Commentaire du symbole des apôtres, 2. (C’est dans cet écrit que se trouve le premier texte latin du symbole).

b) Au VIe siècle, deux sermons pseudo-augustiniens (Sermo 240 et Sermo 241) qui sont sans doute l’œuvre d’un prédicateur gaulois du VIe siècle nous transmettent une pittoresque leçon de catéchisme. Nous citons le plus court, on y explique la composition du symbole :

 

  • Pierre dit : Je crois en Dieu le Père tout-puissant, 
  • Jean dit : Créateur du ciel et de la terre. 
  • Jacob dit : Je crois aussi en Jésus-Christ son Fils unique Notre-Seigneur. 
  • André dit : Qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie. 
  • Philippe dit : A souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli. 
  • Thomas dit : Est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité d’entre les morts. 
  • Barthélemy dit : Est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant, 
  • Matthieu dit : D’où il viendra juger les vivants et les morts. 
  • Jacques, fils d’Alphée : Je crois au Saint-Esprit, la sainte Église catholique, 
  • Simon le Zélote : La communion des saints, la rémission des péchés, 
  • Judas, fils de Jacques : La résurrection de la chair, 
  • Matthias acheva : La vie éternelle. Amen. 

 

  "Il est facile de remarquer que ce symbole, composé par douze apôtres, a quatorze articles : je crois au Saint-Esprit, la sainte Église catholique = 2, la communion des saints, la rémission des péchés = 2. La division artificielle du symbole en 12 articles est née de la légende et risque de masquer le rythme ternaire du symbole trinitaire. 
Nous n’étudierons plus le développement et la permanence de la légende dans les siècles suivants. Mais il nous faut noter brièvement son retentissement dans l’art religieux. 
Dans une église du diocèse de Lyon, celle de Charlieu, des peintures du XVe siècle montrent chacun des 12 apôtres tenant une banderole où est gravé un article du symbole. D’autre part, dans des miniatures de la fin du XIIIe siècle, à chaque apôtre portant en banderole son article du symbole, correspond un prophète qui annonce déjà ce même article : on voit l’unité et la continuité des deux Testaments [6]. "Chaque apôtre,— dit avec ingénuité mais non sans profondeur saint Bonaventure (XIIIe siècle)—, est venu poser son article à l’endroit voulu, pierre vivante, ferme et immuable, tirée de la profondeur des Écritures" [Sentence de Pierre Lombard, Sent.3]. "


La réflexion sur les écrits prophétiques comme précurseur des écrits et de la foi était très importante dans l'Église à son début, et, dans le déroulement de la messe dans le diocèse d'Hippone sous la conduite de saint Augustin, la première moitié de l'office était consacré à l'enseignement, sous forme de trois lectures. La première de ces lectures  était celle d'un des prophètes, pour montrer comment il annonçait le religion chrétienne. Ainsi s'est constituée une base de textes, et donc de versets d'auteurs vétéro-testamentaires placés en parallèle avec l'enseignement de l'Église.

Ces Credo ont pu se développer aussi après les réflexions théologiques de Thomas d'Aquin : on connaît le texte d'un sermon qu'il prononça en 1273 à Naples, 

teurangelique.free.fr/livresformatweb/sermons/06credo.htm">Commentaires du Credo, où chaque article du Credo est analysé avec l'aide de très nombreuses références à l'Ancien Testament comme texte annonciateur du contenu du Symbole. 

Ces Credo apostoliques et prophétiques peuvent figurer dans des Psautiers, bréviaires et Livres d'Heures puis en sculptures à l'entrée des églises, puis sous forme de fresques (basilique de Sienne), de vitraux (Quemper-Guezennec, Kergoat à Quéméneven), ou de stalles. Leur composition autour du chiffre douze les prédisposent aussi à s'intégrer dans des Calendriers. 

 

 

                     LES MANUSCRITS.

 

 Histoire.

(il s'agit bien-sûr de renseignements glanés, qui ne découlent pas d'une compétence personnelle : voir Source).

Le thème du Credo prophétique et apostolique ne naît pas tout seul, mais dans le cadre du développement au XIIe siècle de ce que J.C. Schmitt a nommé des "images classificatrices" schématisant de manière didactique l'enseignement religieux. Cet effort  prend son essor  dans les milieux monastiques, et le résultat est soumis à une ré-élaboration systématique dans les écoles urbaines cathédrales ou canoniales ouvertes sur la société ambiante. Il découle d'un art marqué notamment par une généralisation de la logique des listes héritées d'un savoir scripturaire ou théologique plus ou moins ancien et soumis aux mêmes rythmes numériques (sept, dix, douze) qui rendent possible la mise en correspondance des données. Dès cette période aussi, ces listes sont soumises à un remarquable travail de visualisation ; c'est le cas, dans la sculpture, aux voussures des porches d'église, et dans les manuscrits, sous la forme de dessins, parfois d'images colorées au fort pouvoir mnémotechnique, contenant de nombreuses formules écrites : noms de personnages ou d'entités morales, versets bibliques, etc. La recherche d'une élucidation des vérités religieuse dans des images composites, structurées de manière géométrique et contenant des textes plus ou moins longs est déjà présente dans la miniature ottonienne. Vont ainsi  fleurir dans les Speculum theologiae des arbres (réunis dans des "vergers", et des arborescences, des tableaux, des "camemberts" ou mandalas, de roues, d'arcs radiants ou concentriques, de "tours",(Turris sapientae) des schémas en chevrons pointant vers le haut ou vers le bas, ou même de corps christique, etc.

Images empruntées au Speculum theologiae de Yale 

1r    1r    1r 1r

1r   1r  1r  1r

 

 

Ce "Catéchisme pour les Nuls" est destiné aux prédicateurs et aux confesseurs, sous forme d'exemplaires de qualité médiocre réalisées à la plume et au trait par un copiste ; mais des versions luxueuses, enluminées par des artistes, peuvent être destinées  à accompagner la pratique dévotionnelle personnelle de riches propriétaires, ou simplement à enrichir leur collection.

  Je l'ai dit, cette littérature didactique et théologie morale  connaît sa première élaboration dans les monastères dans les manuscrits enluminés : Hortus deliciarum de la moniale alsacienne Herrade de Landsberg en 1159-1175, Speculum virginum du moine bénédictin Conrad d'Hirsau au XIIe siècle, Liber floridus de Lambert de Saint-Omer v.1120, Bible de Floreffe, 1155 Ms Londres.

Hugues de Saint-Victor, (Mort en 1171), maître à penser de la principale école parisienne de la première partie du XIIe conçoit  De quinque septennis : organisation par lots de sept des  5 septénaires de l'Ecriture : 7 vices, 7 pétitions du Notre-Père, 7 dons de l'esprit, 7 Béatitudes, 7 vertus. 

Alain de Lille (mort en 1202) part de la vision des chérubins d' Ézéchiel 10:1-2 pour écrire   De sex alis cherubim. où les six ailes des chérubins servent de support à la prédication.

 Dans le dernier quart du XIIIe siècle à Paris, le franciscain Jean de Metz (Magister Johannes Metensis) élabore la Tour de sagesse appelée à un grand succès. 

 

Les manuscrits.

  • Le Psautier de Robert de Lisle (v.1330) British Library Ms Arundel 83 f.117-135 contient 24 illustrations pleine page dont le folio 128r est un superbe exemple de Credo prophétique et apostolique. 
  • Bnf latin 3438 folio 72v
  • Bnf latin 3445 folio 75
  • Bnf latin 3464 folio 173v
  • Bnf latin 3474 folio 81v
  • Bnf Latin 10630 folio 80
  • Bnf fr.9220 Verger de soulas
  • Arsenal 937 (XIIIe) folio 127v
  • Arsenal 1037 folio 6
  • Arsenal 1100 61v
  • Livre d'Heures de Jeanne II de Navarre v.1330

Calendrier des Bergers;symbole_des_apotres.jpg

 

  • Voir aussi Angers - BM - SA 3390 folio 039v-040 Credo des apôtres in Compost et calendrier des bergers

 

 Je décrirai maintenant le Verger de Soulas, en raison de la beauté des illustrations, qui en fait un superbe exemple d'un Credo prophétique  au cœur d'un corpus didactique et dévotionnel.

 

Le Speculum theologiae ou Le Verger (Vrigier) de Soulas . Bnf fr. 9220

folio 13v.

Picardie France du nord (probablement Arras), extrême fin XIIIe ; il est fait de huit feuilles de parchemin pliées en deux, soit  16 feuillets de 440 x 300 mm dont seule la face intérieure a reçu une illustration pleine page, deux pages illustrées se faisant ainsi toujours face. Il a appartenu à la librairie de Bourgogne où il est mentionné dans les inventaires de 1404 (Philippe le Hardi), 1467 (librairie de Bourgogne à Bruges) et 1487. Ce titre de "Vrigier de soulas"  traduisible en "verger de consolation" évoque le Viridarium consolationis du dominicain Jacques de Bénévent († >1271), somme des vices et des vertus sous forme d'arbres, mais son contenu en diffère.

Sur le folio 1 se trouvent le titre et l'exposé du but de l'ouvrage :"Cest livre puet on apeler Vrigiet de solas. Car ki vioult ens entrer par pensée et par estude, il i trueve arbres plaisans et fruis suffissans pour arme nourir et pour cors duire et aprendre " 

 Puis viennent seize enluminures admirables, avec emploi important de feuilles d'or, qui en font un “abrégé de la doctrine chrétienne”. C’est la tradition moraliste et scholastique qui est à l’origine de cette profusion d’arbres : folio 1v : Arbre de Jessé, folio 2 Trône de Salomon ; folio 3v : Arbor amoris, ou Arbre de vie ; folio 4 Arbre des pénitences ; folio 5v Arbre des vertus ; folio 6 Arbre des des vices ; folio 6v-7 Vision de saint Paul des peines de l'enfer ; folio 7-8v les douze peines de l'enfer ; 9v crucifix ; ; folio 10 Arbre des péchés ; folio 11v Roue des sept septénaires ; folio 12 Tour ; folio 13v Credo des prophètes et des apôtres ; folio 14 Tableau des 10 plaies d'Egypte, les 10 Commandements, les 10 plebis abusiones ; folio 15v : les 7 heures canoniques, les 7 œuvres de la Passion, les 7 dons de mémoire ; folio 16  arbre de Sagesse. (In Schmitt 1989). Les enluminures se suffisent à elles-même comme de véritable prédications ou leçons visuelles, sans texte d'accompagnement (sauf dans deux cas).

      Dans le folio 13v, se trouvent réunis sous forme d'un tableau  les 12 Prophètes, 12 "articuli fidei", et les 12 "apostoli" organisés en rangées horizontales ayant chacune une enluminure du prophète, un damier alternativement brun clair et bleu surmonté du verset prophétique, une enluminure consacrée à la vie du Christ, une nouveau espace en damier surmonté de l'article du Credo, puis une miniature de l'apôtre apparié. Chaque enluminure possède un fond doré à la feuille. Les prophètes et les apôtres sont assis sur une cathèdre à la forme simplifiée, mais seul les apôtres sont nimbés alors que la tête des prophètes est recouverte d'un large voile. La définition de l'image numérisée sur le site Gallica ne permet pas une observation minutieuse, mais les apôtres ont un attribut (Pierre:clef, André:croix latine ; Jacques M:bâton ; Jean:? ; Thomas : Bâton? ; Philippe? ; Barthélémy ? ; Matthieu :bâton ; Simon bâton ; Mathias : objet). Parmi les prophètes on ne reconnaît que la harpe de David et sa couronne.

On trouve  de haut en bas Jérémie/Pierre ; David /André ; Isaïe/Jacques Maj. ;  Zacharie/Jean ;  Osée/Thomas Amos/ Jacques Min.  ; Sophonie/Philippe ; Joël/Barthélémy ; Michée/Matthieu ; Malachie/Simon ; Daniel/Jude-Thaddée ; Ézéchiel/Mathias.

 

 

 

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      Le "Bréviaire de Belleville", un enrichissement du thème du Credo prophétique par les textes de saint Paul.

 Vers 1325, dans un bréviaire à l'usage des Dominicains, le thème du Credo prophétique s'enrichit par une présentation très originale qui associe aux douze apôtres et aux douze prophètes les douze mois de l'année, les signes du zodiaque, et surtout, sur le plan théologique douze citations des épîtres de saint Paul, citation en cohérence avec celles du Credo et des prophètes. Ainsi, face au premier article Credo in Deum, Patrem omnipotentem , creatorem caeli et terrae. et de la prophétie de Jérémie : Patrem invocabitis qui terram fecit et condidit celos se trouve Qui omnia creavit deus est de l'épître aux Hébreux. L'auteur explique clairement son projet dans une préface : "L’exposition des ymages des figures qui sunt u kalendier et u sautier, et estproprement l’acordance du veil testament et du nouvel ".

 

  Ce jeu de découpage des Écritures par série de douze et la réflexion théologique qu'il suppose s'accompagne, en iconographie, sur les enluminures de quatre manuscrits, d'une mise en scène astucieuse : en bas et à gauche de la miniature est figuré un édifice, symbolisant la Synagogue, ou l'Ancienne Loi. Sur la première peinture, correspondant à janvier, un prophète prend une pierre de cet édifice et la remet à un apôtre. Plus les mois s'écoulent, plus la "Synagogue" s'écroule, pour se retrouver en ruine pour le mois de décembre, lorsque tout le Credo a été proclamé par les apôtres qui ont utilisé tout le matériel prophétique qu'ils ont reçu.

Les textes de saint Paul sont les suivants:

1. Janvier Paulus Qui omnia creavit  Deus est, Hébreux 3, 4, Dieu est celui qui a tout créé,

2. Février Romani. Predestinatus Est Filius en virtute, Romains 1, 4, et a été utilisé comme un fils de Dieu avec puissance (par la résurrection des morts) 

3. Mars : Misit Deus Filium suum natum ex muliere Corinthi , Galates 4, 4, Dieu envoya son Fils, né d'une femme,

4. Avril : Galathi Christ crucifixus est ex infirmitate, 2 Corinthiens 13 4, le Christ a été crucifié dans sa faiblesse

5. Mai . Ephese Resurrexit propter justificationem nostram, Romains 4, 25, Il est ressuscité pour notre justification volonté, 

6.Juin Phillipenses Ascendit super omnes celos ut adimplaret omnia, Éphésiens 4, 10, il est monté au-dessus de tous les cieux, afin que tout ce qu'il (l'univers) répond

 7. Juillet  Colocenses Judicaturus  est vivos et mortuos, 2 Timothée 4, 1, Il jugera les vivants et les morts

 8. Août Thessalonicenses Dedit spiritum suum sanctum in nobis 1 Thessaloniciens 4, 8, Dieu nous a donné Son Saint-Esprit

9. Septembre Thymotheus Ipse Est caput corporis ecclesie, Colossiens 1, 18, ​​Il est celui qui est le principal organe de l'église

10. Octobre Tytus Habemus par sanguinem ejus remissionem peccatorum, Colossiens 1, 14,

11. Novembre Phylemon Omnes quidem resurgemus, 1 Corinthiens 15, 51, il est certain que nous ressusciterons tous,

 12. Décembre Hebrei Spem vite eterne promisit,  qui non mentitur Deus, Titus 1, 2, Dieu ne peut mentir, nous a promis l'espoir de la vie éternelle, 

 

 

Étudier en complément :

—La publication de Marcel de Fréville analysant les quatre ouvrages qui vont suivre:http://archive.org/stream/archivesdelartfr03sociuoft#page/144/mode/2up

Parmi ces quatre manuscrits, trois ont appartenu au duc de Berry, dont on estime qu'il était très attaché à ce Credo prophétique, apostolique et paulinien, et qu'il contribua à en diffuser le modèle. 

Le Bréviaire de BellevilleBrevarium ad usum fratrum predicatorum  1323-1326 bréviaire de Jeanne, épouse d'Olivier de Clisson, seigneur de Belleville   BNF latin 10483, Vol. 1 (partie hiver). Enluminures de Jean Pucelle : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8451634m et BNF latin 10483 et 10484. La seule page restante du calendrier comporte novembre au recto et décembre au verso : folio 6r (Malachie et Thaddée) et 6v (Synagogue en ruine, Zacharie et Mathias) (ci-dessous)


breviaire-de-Belleville-decembre.png


Horae ad usum Parisiensem [Grandes Heures de Jean de Berry]. BNF 919 : 1400-1410. Enlumineur : Jacquemart de Hesdin, pseudo-Jacquemart, Maître de Boucicaut,  Maître du duc de Bedford : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b520004510 Le couple prophète-apôtre apparaît en bas de chacune des douze pages du calendrier, exemple mars avec Isaïe/Jacques le Majeur.

—Les Petites heures du duc de Berry : BNF lat 18014   1375-1390 et 1410-1420 Horae ad usum Parisiensem ou Petites heures de Jean de Berry. Enlumineurs Jean Le Noir, Jacquemart de Hesdin, Maître de la Trinité, pseudo-Jacquemart, Limbourg.  . Même disposition que dans les Grandes Heures : voir Mars .

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8449684q/f4.image.r=Heures.langEN

—  Psautier de Jean de Berry, BNF latin 13091 . : 1380-1400 Enluminures de André Beauneveu  :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84546905/f48.image  ff. 7v-8 : Jérémie, saint Pierre ; 9v-10 : David jouant de la harpe, saint André ; ff. 11v-12 : Isaïe, saint Jacques le Majeur ; ff. 13v-14 : Zacharie, saint Jean ;ff. 15v-16 : Osée, sain Thomas ;ff. 17v-18 : Sophonie, saint Jacques le Mineur ;ff. 19v-20 : Joël, saint Philippe ;ff. 21v-22 : Malachie, saint Barthélémy ;ff. 23v-24 : Amos, saint Matthieu ;ff. 25v-26 : Daniel, Simon le Zélote ;ff. 27v-28 : Ezéchiel, Thaddée ;29v-30 : Michée, Mathias.  

  Voir aussi le calendrier des Grandes Heures .http://www.bildindex.de/obj15000020.html#|0

 

 

      Diffusion du thème iconographique du Credo prophétique en France et en Europe.

La présence des prophètes et des apôtres, non superposés, est fréquente aux ébrasements des portails et aux voussoirs des églises. On verra les piédroits de la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle (prophètes à gauche, apôtres à droite), les sculptures côte à côte dans les fenêtres hautes de la basilique Saint-Remi, à Reims ; cathédrale des trois apôtres à Saint-Claude (stalles) ; trumeau de Chartes (apôtres) et portail nord (prophètes) ; porche de la cathédrale de Tarragone ; déambulatoire de la cathédrale d'Albi ; portail du Beau Dieu à la cathédrale d'Amiens ; portail sud de la cathédrale de Bourges, etc.
La présence des prophètes pour éclairer des scènes du Nouveau Testament est également fréquemment retrouvée dans les verrières, notamment à la cathédrale de Bourges, celle de Chartres.

Néanmoins, l'existence d'un Credo prophétique est plus rare : 

Vitrail de l'ancienne abbaye de Jumiège à la chapelle de la Mailleraye-sur-Seine. Il reste quatre des 24 figures primitives.

Vitrail de la Sainte-Chapelle de Riom.


© Isabelle Védrine, Roland Maston, Région Auvergne - Inventaire général du Patrimoine culturel, ADAGP - Sainte-Chapelle, vitrail ©Isabelle Védrine, Roland Maston, Inventaire Général du Patrimoine Auvergne ADAGP

 

Vitraux de l'abside à Saint-Maclou à Rouen. Credo apostolique, Baies 54 à 64 v.1500.

Vitraux de la Sainte-Chapelle du duc de Berry à Bourges (fragments)

Vitraux de l'église de Quemper-Guezennec. v1470

Vitraux de Kergoat en Quéméneven (29), fragments : voir  Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux.

Vitraux de Saint-Serge d'Angers (E. Mâle) Credo apostolique

Statues du chœur de la cathédrale d'Albi (dernier quart XVe siècle)

Chapelle de Jean de Bourbon (abbé de 1456 à 1485) à Cluny : les consoles sont ornées de 13 prophètes, qui supportaient jadis autant d'apôtres (avec St Paul) :Jérémie, Jacob, David, Joël, Amos Malachie Daniel Ézechiel,Sophonie, Michée, Osée, Zacharie, Isaïe.

Fresques du Baptistère de Sienne : Les fresques occupent les trois voûtes d’arêtes adjacentes à la paroi du fond de l’édifice: les 12 scènes correspondent chacune à un Article de la Foi; quatre par travée,. Chaque voûtin, contenant la représentation d’un Article, est accompagné dans l’angle, en bas à droite par un apôtre, et dans celui à gauche, par un prophète. 

Stalles de la cathédrale Saint-Pierre à Saint-Claude 1447-1450 par le sculpteur genevois Jehan de VitrySur les dorsaux des 22 stalles, sont sculptés douze prophètes et douze apôtres en alternance ainsi que des abbés et des saints du monastère : Jérémie, Jacob, David, Joël, Amos Malachie Daniel Ézechiel,Sophonie, Michée, Osée, Zacharie, Isaïe. Et Syméon et Zacharie le père de Jean-Baptiste.

Stalles de la cathédrale de Genève (E.Mâle) Credo apostolique

 Stalles de l'église Notre-Dame d'Evian  "reprennent le thème du Credo apostolique de Savoie initié à Genève au 15e siècle et répété dans treize églises du Duché de Savoie, Lausanne, Fribourg, Saint Claude, Saint Jean de Maurienne, Aoste."

Portail des princes de la cathédrale de Bamberg,

Fonts baptismaux de la cathédrale de Meersburg,

Cathédrale de Paderborn : cycle des apôtres

 Châsse de saint Héribert, à Cologne sous forme de médaillons juxtaposés.

Fresque romaine de Saint-Sébastien in Pallara, dont des restes de fresques du Xe s. se trouvent dans l'actuelle église Santa Maria in Pallara.

Chœur en marqueterie de la chapelle interne du Palazzo Pubblico de Sienne, exécuté entre 1415 et 1428, par Domenico di Niccolò dei Cori,

 Fresques de la Chapelle du “Sacré Clou”, à l’hôpital de Santa Maria della Scala de Sienne réalisées en 1449 par Lorenzo di Pietro plus connu comme Vecchietta.  

http://dijoon.free.fr/text-puits.htm

.  Chambres Borgia du Vatican : Chambre du Credo par Pinturicchio décrite par X. Barbier de Montault.

 

 

 

Un exemple au XIIe siècle : l'autel portatif d'Eilbert de Cologne.

 Il est cité par Robert Favreau ( Les autels portatifs et leurs inscriptions,2003). Conservé au Kunstgewerbemuseum de Berlin, il réunit 18 prophètes, patriarches et rois portant leurs phylactères avec les douze apôtres et huit scènes de la vie du Christ. Son programme typologique est clairement affiché par deux inscriptions:

CELITUS AFFLATI DE CRISTO VATICINATI

HI PREDIXERUNT QUE POST VENTURA FUERUNT.

"Inspirés par le ciel ils ont prophétisés sur le Christ,

Ils ont prédit ce qui allait ensuite arriver".

DOCTRINA PLENI FIDEI PATRES DUODENI

TESTANTUR FICTA NON ESSE PROPHETICA DICTA

"Emplis de la doctrine de la foi les douze pères

témoignent de ce que les paroles des prophètes n'étaient pas imaginaires."

Les personnages vétéro-testamentaires :

Daniel : 

Ézéchiel : 

David : Beatus est quem tu erudieris nomine Ps 94,12 "Heureux celui que tu instruis, Seigneur."

Melchisédech : Genèse 14,18  "Melchisedech roi de Salhem apporta du pain et du vin, il était prêtre du Dieu Très-Haut"

Osée : Erit numerit filiorum Israhel quasi arena maris Os, I,10 " Le nombre des fils d'Israêl sera comme le sable de la mer".

Malachie :

Isaïe : Ecce virgo concepiet et pariet filium Is.7,14 : "Voici que la vierge concevra et qu'elle enfantera un fils".

Jérémie : Visus est in terris et cum hominibus conversatus est : Baruch3,38 : "Il est apparu sur la terre et a conversé avec les hommes".

Jonas : Tolle animam meam quoniam melior est mihi mors quam vita Jonas 4,3 : "Prends ma vie car mieux vaut pour moi mourir que vivre".

Nahum : Reddidit deus superbiam Jacob sicut superbiam Israhel, Nahum 2,2 : "Dieu a rendu la fierté à Jacob comme la fierté à Israël".

Salomon : Per sapentiam sanati sunt qui placuerint domino a principio, Sg. 9,19 :" Par la sagesse ont été guéris ceux qui ont plu au Seigneur dès l'origine".

Joël : Computruerunt jumenta in stercore suo, Joël 1,17 : "Les bêtes de somme ont pourri sur leur fumier"

Jacob : Vidi dominum facie ad faciem Gn. 32,30 : J'ai vu le Seigneur face à face"

Abdias : Transmigratio jerusalem que est in bosphori possidebit civitatem austri Abdias 20 :" Les éxilés de Jérusalem qui sont dans le Bosphore posséderont les cités du Midi."

Zacharie : 

Sophonie  : 

Balaam : Ex Jacob stella prodiet et de Israhel homo surget, Nb. 24,17 "Un astre issu de Jacob surgira et un homme se lèvera d'Israël".

2. Les apôtres

Pierre, André, Jacques, Jean, Thomas, Jacques, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Simon, Thaddée et Matthias présentent les articles du Credo.

 

      L'ordre des apôtres et leur identification à Quemper-Guezennec.

Comme je l'ai fait comprendre, j'ai été troublé de constater lors de mon examen de la verrière que la liste des apôtres, tout comme l'identification des prophètes, ne correspondait pas à ce que René Couffon (1935), puis Mireille Donnat (1993) , et enfin Françoise Gatouillat et Michel Hérold (2005) signalaient dans leurs ouvrages respectifs. Notamment, le 5e article était confié selon moi à Philippe, que j'identifiais à sa croix, mais dont le nom figurait aussi sur le phylactère. Si je me trompais, alors l'inscription était également fausse. Le sixième article était confié à un apôtre portant une hallebarde, mais je me décidais à y voir Thomas ou Jude Thaddée après avoir attribué tous les autres articles. réciproquement, le dixième apôtre, également porteur d'une hallebarde ou hache, pouvait être Jude Thaddée ou Thomas. Je rappelle la liste à laquelle j'aboutissait, en désaccord avec Couffon pour les n°5 et 10:

1. Création. Jérémie et Pierre. Clef

2. Incarnation. David et André. Croix de saint-André.

3. Annonciation. Isaïe et Jacques le Majeur. Bourdon et chapeau.

4. Crucifixion. Daniel et Jean. Coupe de poison.

5. Descente aux Limbes et Résurrection.  Jonas et Philippe. Croix à longue hampe. (Malachie et Thomas R.C)

6. Ascension.  Amos et   Thomas . La  Hache ou Hallebarde. 

7. Jugement Dernier. Joël et Barthélémy. Coutelas.  (Sophonie et Barthélémy R.C)

8. Pentecôte. Aggée et Matthieu. Plume d'écrivain. (Joël et Matthieu R.C)

9. Église. Sophonie et Jacques le Mineur. (Michée et Jacques le Mineur R.C)

10. Remission des péchés. Zacharie et Jude Thaddée?. Hallebarde  (Zacharie et Philippe R.C)

11. Résurrection des morts. Ezéchiel et Simon. La scie. (Osée et Simon R.C)

 12. Vie éternelle.  Abdias et Mathias. (Ezéchiel et Mathias R.C)

La consultation des listes les plus courantes des Credo apostoliques ne confirmait pas cet ordre. Celui-ci est, selon le Canon romain, Pierre-André-Jacques-Jean-Thomas-Jacques-Philippe- Barthélémy-Matthieu-Jude-Simon-Matthias, et selon l'orde courant la même succession se terminant par Simon-Jude-Matthias.

 Pourtant, je finissais par découvrir que l'ordre observé à Quemper-Guezennec n'était ni une fantaisie, ni une erreur de restauration. En effet :

1°) Dans les Actes des apôtres 1:13 suivi de 1:25-26 : "Dès leur arrivée, ils montèrent à l'étage supérieur de la maison où ils se tenaient d'habitude. C'étaient Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques, fils d'Alphée, Simon le Zélé[h], et Jude, fils de Jacques." Il n'y a encore que onze apôtres, Judas étant bien-sûr absent, d'où : "pour occuper, dans cette charge d'apôtre, la place que Judas a désertée afin d'aller à celle qui lui revenait. Puis ils tirèrent au sort. Matthias fut désigné. C'est lui qui fut adjoint aux onze apôtres."

L'ordre des apôtres de la verrière de Quemper-Guezennec est donc, pour la place réservée à Philippe, celui du texte des Actes des apôtres, et non celui du Canon romain. Par contre la 11e place donnée à Simon est celle du Canon.

2°) Parmi les Credo apostoliques, certains observent le même ordre pour la 5ème place donnée à Philippe :

  • Cet ordre est celui des manuels de vie chrétienne à finalité pastorale (hormis qu'ils observent l'ordre Pierre-Jean-Jacques-André , et  Simon-Jude, et non Jude-Simon) à l'usage des curés : Somme le roi de Frère Laurent (1294)  ; Doctrinal aux Simples gens (Cluny 1389) ; Le Chemin de paradis de Jean Germain évêque de Chalons, 1457 (G. Hasenorh 1993).
  • C'est aussi l'ordre d'ouvrages de théologie : Livre de dévotion ; Livre de la maison de conscience de Jean Saulnier (<1430); le Livre de grâce de Pierre Fontaine  (fin XVe-début XVIe) Ms 160 Chantilly folio 39-40.  Ces théologiens divisent le cinquième article en deux parties, dont la première est donnée à Philippe et la seconde à Thomas, ce qui impose par la suite des arrangements. Notons qu'à Quemper-Guezennec, Philippe ne tient sur son phylactère que la seconde partie de l'article 5.
  • C'est encore l'ordre de textes littéraires : Dans l'Epistre Othea (ca1400) de Christine de Pisan où les apôtres suivent l'ordre  Pierre-Jean-Jacques -André-Philippe-Thomas-Barthélémy-Matthieu-Jacques-Simon-Jude-Matthias. Même ordre dans le  Liber fortunae écrit par un curé anonyme en 1346  (G. Hasenorh 1993).
  • Les peintures murales de la cathédrale de Brunswick. Première moitié du XIIIe siècle. Pierre-André-Jacques-Jean-Philippe-Barthélémy- Thomas-Matthieu-Jacques- Jude-Simon- Matthias. Nous avons donc ici l'ordre exact de la séquence de Quemper-Guezennec. (Pensée, image et communication 1993 page 112).
  • Séries de plaques émaillées de Bamberg (Musée historique), Hanovre, Londres (British Museum), 1125-1200.

La 5eme place donnée à Philippe plutôt que Thomas  dans la verrière de Quemper-Guezennec  est attestée dans les Credo apostoliques dans les textes, ou en iconographie mais reste minoritaire, fournissant un indice précieux sur le commanditaire potentiel ou sur le modèle utilisé.

Le seul endroit où l'ordre utilisé à Quemper-Guezennec est retrouvé intégralement  est la cathédrale de Brunswick, en Basse-Saxe, ce qui peut coïncider avec l'influence stylistique suggérée par René Couffon autour du maître Francke.

 

      Les prophètes et leurs versets à Quemper-Guézennec.

1. Jérémie et Pierre. Pseudo-Jérémie Patrem invocab[itis] qui terram Ieremi 

2. David et André. Psaumes 2:7 filius meus es ego hodie genui te

3. Isaïe et Jacques le Majeur. Isaïe 7:14 Ecce virgo concipiet et pariet

4. Daniel et Jean. Daniel 9:26 Post LXII edomadas

5.  Jonas et Philippe. Matthieu 12:40 [Sicut eni]m fuit Jonas in ventrem ceti 

6.  Amos et Thomas . Amos 9:6 Qui edificiat in coeli ascensionem suam.

7. Joël et Barthélémy. Joël 3:12 Sebedo ut iudicui omnes gentes

8. Aggée et Matthieu. Aggée 2:6. Spiritus meus erit in medio vestrum

9. Sophonie et Jacques le Mineur. Sophonie 2:15 haec est civitas gloriosa habitans

10. Zacharie et Jude Thaddée? Zacharie 9:13 suscitabo filios tuos.

11. Ezéchiel et Simon. Ezéchiel 37:4 Ossa arida audite verbum Domini

 12. Abdias et Mathias. Abdias 1:21 Et erit dominus regnum missus 

 

Si je compare cette liste au tableau qui, dans Fr. Gay 1993 page 190-191, récapitule les versets cités dans 22 Credo prophétiques, je ne retrouve aucun modèle réunissant exactement le choix de Quemper-Guézennec, car le vitrail breton présente, à coté de versets utilisés presque partout ou assez fréquemment (Pseudo-Jérémie ; Psaume 2:7 ; Isaïe 7:14 ;  Amos 9:6 ; Ezéchiel 37:4), des raretés. Ainsi :

4. Daniel 9:26 Post LXII edomadas  n'est retrouvé que dans le Verger de Soulas.

5.  "Jonas" Matthieu 12:40 [Sicut eni]m fuit Jonas in ventrem ceti n'est attesté nulle part.

7. Joël 3:12 Sebedo ut iudicui omnes gentes n'est pas cité ailleurs : c'est (peut-être plutôt par erreur d'attribution) Joël 3:2 qui est mentionné dans 5 cas sur 22.

8. Aggée et Matthieu. Aggée 2:6. Spiritus meus erit in medio vestrum. Cette citation est retrouvée dans 5 cas sur 22, uniquement sur des stalles, celles de Romont, Hauterive, Moudon, Yverdon et Estavayer. Pourtant elle est aussi attestée dans le Livre d'Heures de Jeanne II de Navarre (ici)

9. Sophonie et Jacques le Mineur. Sophonie 2:15 haec est civitas gloriosa habitans. Sophonie est cité 5 fois, mais pour 1:15 et 3:9 ; 3:15 ; 3:16 ; 3;20 

10. Zacharie et Jude Thaddée? Zacharie 9:13 suscitabo filios tuos. Zacharie est cité 17 fois sur 22, mais la plupart du temps pour son verset 12:10 et jamais pour 9:13. Ce verset est néanmoins employé à Sienne et à Cambray.

12. Abdias et Mathias. Abdias 1:21 Et erit dominus regnum  

Abdias n'est cité qu'une seule fois (Autel d'Eilbertus) avec la mention Abdias 20 dans l'étude de Fr; Gay, mais on le retrouve cité à Sienne, dans le chœur de la cathédrale de Cambray (1404), dans l'église de Kenton selon un relevé de 1824, et dans un manuscrit ca 1400 cité ici. On le trouve aussi dans l'Expositio super symbolum de Thomas d'Aquin (Bibl. Univ. de Munich, Cod.Ms 84 f.82-92), etc..

 

Conclusion sur ce point : une étude comparative des citations prophétiques ne sera réellement réalisable que lorsque l'on disposera du corpus de tous les Credo prophétiques européens ; je n'ai retrouvé aucun modèle exact des citations réunies à Quemper-Guézennec, mais une exploration en ligne des différents extraits est vite fructueuse pour indiquer le travail qui attend les prochains esprits curieux. Cette exploration montre que, dans tous les cas, ces inscriptions bretonnes sont en lien avec celles d'autres Credo.


Liens et sources :

 

 

 

 http://www.patrimoines.lorraine.eu/fileadmin/illustrations/C006198_291-93.pdf

 

Émile Mâlehttp://patrimoine.amis-st-jacques.org/documents/000135_e_male_credo_des_apotres_2.pdf

—Denis Pichon Note sur les peintures murales de Notre-Dame-du-Tertre à Châtelaudren : présence d'un Credo prophétique Société d'émulation des Côtes-d'Armor, 2000, 130, p. 115-122

Robert Favreau Les autels portatifs et leurs inscriptions, Cahiers de civilisation médiévale 2003 Volume   46 pp. 327-352 :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_2003_num_46_184_2865

 — Baptistère de Sienne : http://www.viaesiena.it/fr/caterina/itinerario/battistero/articoli-del-credo/articoli-della-seconda-campata

 — Psautier de Jean de Berry, Enluminures de André Beauneveu 1380-1400 : gallica 

— RANSON (Lynn) 2002 A franciscan program of illumination Insights and Interpretations: Studies in Celebration of the Eighty-fifth .publié par Colum Hourihane  ..pp 84-89 En ligne

 —COUFFON (René)  1935, "Les verrières anciennes des Côtes-du-Nord" Bulletins et Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord t.67 pp.115-117. En ligne. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441314t/f141.image

GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel) 2005 , Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes pp.100-102. Cité sous l'abréviation (C.V)

— DONNART (Mireille)  La maîtresse-vitre de Quemper-Guézennec (fin XVe siècle) Mémoire de maîtrise Paris X-Nanterre 1990. (non consulté)

— DONNART (Mireille), 1993 "Prophètes et apôtres dans la La maîtresse-vitre de Quemper-Guézennec (fin XVe siècle)", Actes du Colloque Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon (1993). L'auteur reprend les assertions de René Couffon, ses transcriptions erronées des phylactères et ses fausses identifications des auteurs des versets prophétiques, de même que l'évocation de l'influence de Maître Francke.

— GAY (Françoise) 1993, Le choix des textes des prophètes face aux apôtres au Credo", in Actes du Colloque Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon 

HASENORH (Geneviève), 1993 "Le Credo apostolique dans la littérature française du Moyen-Âge", Actes du Colloque Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon 

LACROIX (Pierre) , Renon, Andrée,  Mary, Marie-Claude, Vergnolle, Éliane [Publ.] Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon (1993).Sommaire en ligne 

 — GAULTIER DU MOTTAY (Joachim) Répertoire archéologique du département des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc, 1883-1884, extrait des Mémoires de la Société archéologique et historique des Côtes-du-Nord, nouvelle série, T.I, 1883-1884.

LE BIHAN (Jean-Pierre) "Vitraux disparus et comment ? Quemper -Guézennec, un Credo des apôtres découvert", Blog 

—LUNEAU (Jean-François) Félix Gaudin (1851-1930), peintre-verrier et mosaïste, thèse de doctorat  Université de Clermont II, 2002.

— RENON F, relevé du Credo du chœur de la cathédrale de Cambray en 1404 Revue de l'art chrétien: recueil mensuel d'archéologie religieuse, Volume 8 Arras ; Paris 1864 page 262.

SCHMITT (Jean-Claude), 1989  "Les images classificatrices", in Actualité de l'histoire à l'Ecole des chartes: études réunies à l'occasion publié par Société de l'Ecole des charte 1989 pp.311-341.


 

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Published by jean-yves cordier
18 avril 2014 5 18 /04 /avril /2014 14:33

Les vitraux de l'église Saint-Pierre de Saint-Nicolas-du-Pélem.

L'église paroissiale Saint-Pierre est l'ancienne chapelle Saint-Nicolas du château de Pélem, qui ne reçut son nouveau vocable qu'en 1860 en supplantant l'église curiale Saint-Pierre de Bothoa. Elle porte donc la marque des anciens châtelains : famille Jourdrain, seigneur du Pélem :

Potier du Courcy : Jourdain, sr. du Pellem paroisse de Bothoa. Réf. et montres 1448 à 1543, par. de Bothoa et Carnoët, ev. de Cornouaille. D'or à la bande de gueules, chargée de trois macles d'or. Fondu dans Quélen.

Une sablière de l'église porte l'inscription "An l'an mil cccc L xx iii" (En l'an 1473) : puisqu'il est vraisemblable que la verrière ne fut installée qu'une fois l'église ait reçu sa couverture, on peut estimer qu'elle est postérieure à 1473, et les auteurs du Recensement du Corpus vitrearum retiennent la fourchette de 1470-1480.

 

Maîtresse-vitre ou Baie 0. Vitrail de la Passion et de la vie du Christ.

 Elle se compose de deux baies jumelées  formées chacune de trois lancettes trilobées de 7m de haut et 1,58m de large organisées en quatre registres, et coiffées chacun d'un tympan à 13 ajours. Les lancettes sont divisées par 5 barlotières et 15 vergettes.

Elle a été composée entre 1470 et 1480, à peu-près en même temps que la verrière de Tonquédec, dont les panneaux, sans partager exactement les mêmes cartons, sont si proches qu'on estime qu'ils ont été réalisés par un même atelier. Voir  La maîtresse-vitre de l'église Saint-Pierre de Tonquédec. pour la mise en parallèle des panneaux.

Elles se lit comme un seule ensemble, selon la lecture traditionnelle pour une verrière, de bas en haut et de gauche à droite.

 

                     vitrail 7869c


 

vitrail 7827c

 

 

 

I. REGISTRE INFÉRIEUR. DONATEURS.

1. Saint Nicolas.

Le saint patron de la chapelle seigneuriale porte sur son épaule droite les armoiries D'or à la bande de gueules, chargée de trois macles d'or (mais la bande n'est pas de gueules (rouge), mais d'argent (blanc)).

L'église Saint-Gilles de Malestroit (56). Vitrail de saint Gilles et saint Nicolas.  1400-1425

Vitrail de Chartres : Grisaille du Miracle de saint Nicolas Baie n° 10.

 

Dans le coin inférieur gauche se lit la marque du restaurateur : Restauré par Laigneau Peintre-verrier St-Brieuc 1883.

 

                         vitrail 4255c

 

2. Ecclésiastique donateur présenté par saint Jean l'évangéliste.

Saint Jean est conforme aux poncifs, imberbe, longs cheveux blonds, robe et manteau bleus, tenant son attribut, la coupe de poison d'où se dresse un serpent à forme de dragon.

Le donateur est tonsuré comme un ecclésiastique, et  il porte une chape à l'orfroi brodé d'or montrant un ange jouant de l'organon.

Armoiries sur le fermail de la chape : d'argent à trois fasces qui ont été attribuées soit aux Trogoff (Lanvaux : de gueules à trois fasces  d'argent ; Trogoff : de gueules à trois fasces  d'argent, au lambel de même), "soit de préférence à Christophe de Troguindy,  recteur de Bothoa en 1491" (Corpus Vitrearum p. 101) Pourtant les armoiries de Troguindy sont de gueules à sept besants d'or : 

Potier de Courcy, Nobiliaire et armorial de Bretagne tome 2

TROGUINDY (DE), vicomte dudit lieu, par. de Penvénan, — de Kerhamon, par. de Servel, — châtelain de la Roche-Jagu, par. de Ploëzal, — sr de Kergoniou et de Launay, par. de Camlez,— de Kerropartz et de Kerguémarc'hec, par. de SaintMichel-en-Grève, — de Kernéguez, par. de Goudelin, — du Bignon, par. de Morieuc, — de Launay, par. de Bréhant-Moncontour, — de la Ville-Hélan, par. de Plurien. Maint. au conseil en 1704, ress. de Jugon ; réf. et montres de 1427 à 1543, par. de Penvénan, Camlez, Lannion et Saint-Michel-en-Grève, év. de Tréguier. De gueules à neuf (aliàs : sept), besants d'or. (G. le B.)

Il s'agit peut-être plutôt , encore d'après Potier de Courcy de "Robiou, sr de Quilliamont, près Pontrieux, — de  Troguindy, par. de Tonquédec, — de Keropartz, par. de Ploëzal, — de Kerguézennec. Maint, par les commissaires en 1726 par arrêt du pari, de 1777, onze gén., et admit aux Etats de 1786.  D’argent à trois fasces d’azur.  Jean, procureur et miseur de Guingamp en 1553."

 


                                       vitrail 4256c

 

 

3. Baptême du Christ. 

Inscription COM(M)ENT SENT JEHAN BATISA NOT S(EIGNEUR).

Il s'agit d'un panneau du XVIe siècle placé ici en bouche-trou, et provenant d'une Vie de saint Jean-Baptiste d'une autre baie.

Fond damassé bleu.

Détail 1 : pour une fois, Jean-Baptiste n'est pas représenté comme un sauvage ermite errant dans le désert, vêtu d'une peau de bête et renonçant à se couper les cheveux ou à se raser. Sa coupe de cheveu est celle d'un gentilhomme du XVe siècle, son manteau rouge lie-de-vin, sa fine chemise et sa robe or lui font honneur, et seul l'aspect frangé ou plutôt plissé de la bordure inférieure lui donnerait un air de Davy Crockett. Paradoxalement, les rôles sont inversés et c'est le Christ, plus petit que Jean, qui, recevant les eaux du Jourdain, semble un misérable ayant bien besoin d'une bonne douche.

Détail 2 : le rendu des volumes des plis de la robe est obtenu, non pas par des densités différentes de la grisaille, mais par des hachures plus ou moins resserrées, comme le fait un graveur sur cuivre. Ces vêtements datent de la restauration par Laigneau.

Détail 3 : La traditionnelle colombe de l'Esprit, Troisième Personne de la Trinité, apparaît ici, traversant les nuées, comme envoyé le long d'un rayon d'énergie spirituelle dorée par le souffle d'un ange.


                       vitrail 4261c

 

4. Décollation de saint Jean-Baptiste .

Inscription COM(M)ENT SENT JEHAN FUT DE COLÉ.

Panneau également monté en bouche-trou.

Fond damassé bleu.

Détail 1 : alors que le saint porte la même robe et le même manteau que dans le panneau précédent, il présente désormais la longue chevelure et la barbe qui le caractérisent. 

Détail 2 : Salomé  tend le plat d'étain pour recevoir la tête du saint, tête qu'elle a obtenu d'Hérode après avoir dansé.

                      vitrail 4259c

 

 

5. Couple de donateur présenté par saint Pierre.

 

"Couple non identifié, peut-être Guillaume Jourdrain et Jeanne de Moëlou-Rostrenen (Couffon, 1935) présentés par saint Pierre (costumes et soubassement refaits)". (C.V)


                        vitrail 4258c

 

 

6. Couple de donateurs présentés par saint Sébastien.

La cote du donateur est aux armes des Jourdain, armes qui sont rappelées aussi, comme pour saint Nicolas, sur l'épaule. René Couffon suggère d'y voir  Yvon Jourdrain, fils de Guillaume Jourdrain, Sr de Pellem, du Pebel, de la Bellenoë et sa femme Isabeau de Quimerc'h, fille d'Yvon et de Jeanne de la Feuillée. A noter que saint Sébastien, patron des archers porte lui-même des armoiries d'or à l'aigle bicéphale de sable.

Si la coupe de cheveux du donateur est celle des gentilhommes de la fin du XVe siècle et si la coiffure de la donatrice est un bourrelet enveloppé dans une riche étoffe et centrée par une broche de perles, la coiffure du saint n'est pas banale. Elle ne correspond pas, comme je l'ai cru, à une stylisation de mèches blondes puisqu'elle est centrée elle aussi par un bijou carré entouré de perles.

 

 

                 vitrail 4257c

 

 


 

                  DEUXIÈME REGISTRE.  


7. Résurrection de Lazare.

Devant une assemblée de huit personnes, dont Marthe (en coiffe nouée sous le menton ou "barbette") et Marie (assimilée à Marie-Madeleine et dotée d'un nimbe), ainsi que quatre apôtres (nimbés) dont Jean (imberbe) est le plus visible, le Christ procède au miracle de la résurrection de Lazare (enseveli depuis quatre jours), dont un homme ouvre le linceul.

 Le personnage à toque noire (bleue sombre en réalité) est peut-être l'un des Juifs décrits par Jean,11 : " Jésus pleura. Sur quoi les Juifs dirent : « Voyez comme il l'aimait ». Et quelques-uns d'entre eux dirent : « lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût point ? » .

La main gauche du Christ est serti à plomb vif ("en chef d'œuvre") sur le verre pourpre de la robe. Cela souligne le langage muet des mains, dont le verre blanc n'est jamais couvert de grisaille ou de sanguine, le geste paume de face de Jésus répondant au même geste du Juif.

Le carrelage porte deux marques noires, qui se poursuivent sur le linceul. 

 

                           vitrail 4248c

 

 

8. Entrée à Jérusalem.

                      vitrail 4249c

 

 

Comme je l'indique dans ma présentation du panneau identique de Tonquédec, ce dessin peut être rapproché d'une gravure sur bois de Guillaume Le Rouge dans son édition des "Postilles et espitres" de Pierre Desrey (Troyes,1492 et Paris, 1497 Gallica). Mais le vitrail précèderait ces éditions de plus de dix ans. La maîtresse-vitre de l'église Saint-Pierre de Tonquédec.  

Entrée à Jérusalem Postilles

 

9. Lavement des pieds.

 

                      vitrail 4251c

 

 

10. Cène.

  "Inscription incohérente (?) sur le dallage, où René Couffon lit AIGA. N. POSEA.F.SUNT AUG.1470 et dont il tire la date qu'il attribue à la pose de la verrière le 4 août 1470." (C.V)

"Lettres gothiques sur le carrelage : SA M S GA CP RO NA I GA POSEAFSUNC DCJUG+ a 70 " (Dufief et Menant 2005)

Fond damassé vert.

La table de la Cène est placée en diagonale, l'un de ses coins, en face de Jésus, étant dirigé vers le spectateur au milieu du panneau. Ainsi, les apôtres sont répartis tout autour, deux et deux en bas, trois et trois dans la partie haute, et saint Jean assoupis juste devant le Christ. On compte donc onze apôtres. Pourtant, celui qui est absent n'est pas Judas, qui est au contraire le second protagoniste de la scène. En effet, celle-ci décrit ce moment de l'évangile de Jean où Jésus désigne celui qui va le trahir en disant aux apôtres "c'est celui à qui je donnerai le morceau trempé". 

Bien que le morceau ne soit pas visible, et que Judas ne soit pas identifiable par la bourse contenant les deniers, ou par des signes de stigmatisation, cette scène est donc à rapprocher des "Communions de Judas". Ce dernier, sans être isolé du groupe et placé de l'autre coté de la table comme dans d'autres choix iconographiques, se retrouve néanmoins dans la position la plus basse de l'image dans un axe Judas/Christ centré sur le point de contact bouche de Judas/main du Christ. Les deux regards sont dirigés l'un vers l'autre. Les deux personnages portent un manteau de même couleur. La problématique théologique sous-jacente n'est donc pas l'Institution de l'Eucharistie, comme dans les Cènes où la table est parallèle au bord inférieur du panneau ou du tableau, mais celle du Libre-arbitre et du choix de Judas de trahir son co-pain, celui-là même avec lequel il partage le repas. Dans cette diagonale des regards se joue le tournant décisif de la Passion, Jésus sachant qu'il va être trahi, et ne s'écartant pas de la trajectoire du Salut, et Judas, se sachant démasqué, et ne s'écartant pas de son projet de trahison. 

Le couteau joue bien-sûr un rôle crucial comme symbole de la rupture du pacte d'amitié et d'appartenance au groupe, symbole de la trahison mais aussi symbole de la mort à laquelle cette trahison va conduire.

 

 

                     vitrail 4252c

 


11. Agonie au Jardin des Oliviers. 

Comme dans la Résurrection de Lazare, la valeur expressive de la main du Christ est soulignée par le sertissage à plomb vif de la pièce de verre blanc à l'intérieur du verre pourpre.


                     vitrail 4253c

 

12. Arrestation de Jésus, Baiser de Judas.

Deux lettres se lisent sur la lame des glaives : lettre F sur celui de saint Pierre en haut et lettre N sur celui de Malchus en bas. Lettres considérées par Couffon comme étant "certainement les initiales de l'artiste".

L'opposition/ confrontation des deux visages  est riche de sens, l'un apparaissant comme le double négatif de l'autre. La couleur jaune très appuyée de la chevelure et de la barbe de Judas, une couleur connotée négativement depuis l'époque médiévale, dénonce le traître face à la couleur brune de Jésus. Les deux regards disent la maîtrise, la compréhension et l'acceptation clémente de l'un, la duplicité et le désarroi de l'autre. 

Autour de ce doublon central, figé et fixé pour l'éternité dans le drame de cette gémellité/duplicité, se développe un tourbillon de violence fait de mains, de regards et d'armes (qui occupent les quatre coins) dans un espace très resserré.

                                       vitrail 4254c

 

 

TROISIÈME REGISTRE.

 

13. Comparution devant Pilate.

Inscription sur la manche d'un soldat au premier plan : JKXGAL F (?) déchiffré par Couffon  J. KERGAL FECIT.

                   vitrail 4242c


14. Flagellation.

      C'est une tradition iconographique de faire de cette représentation un véritable motif chorégraphique dans lequel le corps délié des tortionnaires (de jeunes athlètes aux serpentines grâces d'acrobate) s'opposent à la rectitude de la colonne de flagellation et à l'immobilité souffrante de la victime ; s'y opposent ici également les couleurs des belles étoffes en périphérie et l'axe central blanc dans la pâleur du corps glacé et parcouru par la sueur de sang.

                       vitrail 4243c

 


15. Couronnement d'épines.

      Autre tradition iconographique où l'artiste montre son savoir-faire sur un exercice différent : au lieu des lignes souples des lanières des fouets et des gestes d'élan et de frappe, la rectitude des bâtons et la force immobile, organisée en un grand X, des hommes arque-boutés pour mieux faire pénétrer la pointe des épines dans la chair. Ici, les lignes en X des leviers est complétée par les lignes divergentes des barres que tiennent les deux personnages inférieurs. L'un est peut-être Pilate tenant le bâton de pouvoir, l'autre un bourreau s'apprêtant à frapper.

                                vitrail 4244c

 


16. Dérision.

Après le moment statique précédent, la farce reprend et les bourreaux s'en donnent à cœur joie. L'opposition centre immobile/périphérie en mouvement atteint ici son paroxysme en raison de l'inquiétude menaçante et du malaise créé par le visage encapuchonné, et par la strangulation qui semble être opérée. Rien n'exprime mieux l'horreur de bourreaux pris dans l'ivresse de l'affiliation traumatique collective et de l'émulation face au bouc émissaire, et capables du pire dans une insouciance joviale et bon-enfant.

En opposition avec les scènes terrifiantes dans lesquels les bourreaux sont masqués (type Ku Klux Klan), dans celle-ci, le visage de la victime est occulté, dans un anonymat laissant la place à chacun d'entre nous. Face à ce vide, ce trou blanc, rien ne nous permet plus de nous rassurer sur ce qu'endure la victime ; l'inouï, l'inconcevable, l'insupportable peuvent trouver place sous ce drap blanc.



                            vitrail 4236c

 

 

17. Portement de croix.

Fond bleu damassé ; Jean et Marie en larmes à gauche, Simon de Cyrène en chaperon violet soutenant la croix, un bourreau frappant le Christ d'un objet doré. Le Christ porte le manteau pourpre de son supplice, conduit par une corde par un premier soldat en armure tandis qu'un autre, qui porte trois clous, le frappe d'un coup de genou.

 

                            vitrail-7846cc.jpg

18. Mise en croix.

La ronde infernale reprend : à l'immobilité de l'axe horizontal des trois visages saints (Marie, Jean, Jésus), figés dans leur souffrance, s'oppose la violence de la ronde écartelée des quatre bourreaux, en plein mouvement ; le soldat en armure qui portait les clous les enfonce à coups de marteau, et trois bougres aux visages mauvais complètent le travail.

Fond damassé rouge. Importance du verre blanc, peu de couleurs : bleu, rouge, pourpre, jaune (pas de vert).

Détail : nombreux "rivets" sur la cuirasse.

                      vitrail 4247c

 

 

QUATRIÈME REGISTRE.

 

19. Crucifixion.

Croix qui déborde sur la bordure architecturée ; crâne d'Adam qu pied de la croix. Les saints personnages sont — comme toujours— à droite du Christ : Marie, Jean, et Marie-Madeleine. En face, un personnage invraisemblable puisqu'il est habillé comme un notable juif (c'est alors Caïphe) avec manteau mauve au revers d'hermine et manches dorées, aumônière  et bonnet mais qu'il porte un glaive en forme de cimeterre. Son geste très expressif levant l'index droit comme s'il désignait le Christ crucifié et plaçant sa paume verticalement indique qu'il est l'auteur d'une phrase importante de cette scène, mais laquelle ? Ou bien l'index levé est celui du centurion placé en arrière, et qui serait le bon centenier affirmant : celui-ci est vraiment le Fils de Dieu.

                              vitrail-4233cc.jpg

 

20. Descente aux Limbes.

  Placé par erreur lors d'une restauration avant la Déposition, ce panneau représente une scène qui n'est pas signalée dans les Évangiles, mais qui correspond à la tradition selon laquelle le Christ serait descendu aux Enfers (article du Credo) où il aurait rendu visite aux Limbes des Patriarches ou limbum patrum où patientent les âmes des justes qui sont décédés avant la Résurrection. Ces Limbes, ou seuil, marge de l'Enfer, sont symbolisés en iconographie par la gueule béante du Léviathan. Adam et Ève sont les premiers à l'accueillir. 

                            vitrail 4234cc

 

21. Déposition. 

      D'habitude, Joseph d'Arimathie supporte le corps du Christ tandis que Nicodème, armé d'une pince, et monté sur une échelle, détache le clou qui maintient un bras. Ici, Joseph d'Arimathie descend de l'échelle en entourant la taille du Christ ; Nicodème retire le dernier clou qui fixe encore les pieds. La Vierge en pleurs s'apprête à embrasser la main ensanglantée de son Fils ; deux saintes femmes sont présentes.

 Les Juifs (Joseph et Nicodème) sont barbus et coiffés d'un bonnet, richement vêtus de robes à revers, chausses et chaussures fines, et, pour Joseph, d'une chape orfroyée. 

Détail : sur le dos du Christ, les marques de fouet et de verges sont représentées par des signes stéréotypés en forme de A gothique ou de lettre Π.

                           vitrail 4235c

 

22. Mise au tombeau.

Fond damassé vert d'eau.    

Selon une disposition fréquente, Marie-Madeleine est seule du coté droit du tombeau, entre celui-ci et le spectateur, mais au lieu d'être agenouillé à ses pieds, elle se penche vers la main droite. De l'autre coté, debout, Joseph d'Arimathie soutenant la tête du Christ, une sainte femme (Marie Salomé ou Marie Cléophas), l'apôtre Jean —qui ne porte plus le manteau vert précédent —, la Vierge, et Nicodème aux pieds tenant le linceul. Joseph d'Arimathie et Nicodème ne portent ni le même bonnet, ni les mêmes vêtements que dans le panneau précédent.

Les mêmes marques de supplice en forme de trépied sont visibles sur le thorax nu : peut-être celles que laisseraient les fers de l'extrémité d'un fouet, complétés par une larme de sang ? L'article Flagellation de Wikipédia indique que "Les Romains utilisaient un fouet très contondant (flagra) [flagra talaria, flagellum], formé de lanières équipées d'un plomb en H et d'osselets taillés en pointe. La plupart des condamnés succombaient à moins de 50 coups de cet instrument." Le site de la revue Kephas  précise : "chaque coup laisse une trace précise sur le corps en forme de double haltère".

Le Christ a, selon les Évangiles, été flagellé sur ordre de Pilate et donc par les soldats romains ; ceux-ci n'auraient donc pas appliqué la règle hébraïque des "quarante coups moins un" (saint Paul II Corinth.,XI,26), 13 sur la poitrine et 13 sur chaque épaule.

                             vitrail 4237c

 

 

23. Résurrection.

Fond damassé bleu.

Lettre S sur la lame du glaive du soldat du premier plan. Présence d'une arbalète, dont les carreaux à empennage ont été passés à la ceinture du soldat.

Roger Barriè, dans son étude des Passions d'origine quimpéroise, identifie l'origine de ce motif iconographique du Christ enjambant le tombeau aux gravures sur cuivre des "Postilles et exposition des Épistres" de Troyes 1492/Paris 1497.

                          vitrail 4239c

 

 

Les-postilles-Resurrection.png


24. Ascension.

par Laigneau

 

                         vitrail 4241c

 

Les Dais architecturaux.

Les niches de quatre d'entre eux comportent des saints :

1. Saint Nicolas.

                              vitrail 4229c

2. Saint Pierre et saint Paul.

 


                           vitrail 4231c

Sainte Barbe.

La sainte est identifiable à la palme du martyre mais surtout à la tour dans laquelle elle fut enfermée.

                                    vitrail 4268c

 

 

 

LE TYMPAN

Il a été entièrement refait, avec des anges tenant sur des phylactères des versets du Gloria ou présentant des instruments de la Passion, peut-être inspirés du tympan de Tonquédec.


vitrail 4216c

 

 

 

Analyse.

 

Données historiques et datation.

 

"Cette verrière historiée a été commandée par plusieurs donateurs parmi lesquels on a pu identifier les Jourdain du Pélem. Par analyse stylistique, on peut rapprocher cette verrière des verrières de Tonquédec et avancer une datation dans le 4e quart du 15e siècle, datation confirmée par un autre rapprochement avec les fresques de la voûte de l´église Notre-Dame de Kernascléden (Morbihan) réalisées vers 1470." (Dufief et Menant 2005)

Restaurations.

"Certains panneaux du 16e siècle, le 1c et le 1d, ont été réutilisés. D´après les archives, la verrière a subi 3 restaurations : la première, en 1772, est l´oeuvre d'Yves Raoult qui la remonte en plombs neufs ; la deuxième, une réparation, a lieu en 1789 ; la dernière intervient entre 1796 et 1800. En 1883, au cours d´une restauration de l´atelier briochin Laigneau, on retouche le panneau 1c et refait le panneau 4f et les panneaux des tympans à l´exception des écoinçons." (Dufief et Menant 2005)

" Depuis 1889, seule peut être signalée la restauration menée en 1962-1963 par l'atelier Scaviner de Pont-L'Abbé" (C.V)

 

Depuis, la baie zéro a été entièrement démontée et restaurée en 2008 par l’ Atelier Hubert de Sainte Marie – Vitraux HSM de QUINTIN  

Style.

"La verrière, en dépit des restaurations subies et de la disparition de certains panneaux, est dans état de conservation suffisamment bon pour nous renseigner sur l'art de J. Kergal, auteur probable de cette composition.

Sur le plan technique : la palette privilégie les teintes sourdes et les contrastes entre ces dernières et les vastes zones de verre blanc rehaussé de grisaille et / ou de jaune d'argent.

Le sertissage au plomb a été utilisé surtout pour mettre en valeur les mains, élément expressif doublement important, au niveau de la figure individuelle comme de la composition du panneau.

Le trait appuyé évoque très directement la technique de la gravure sur bois. Le traitement graphique n'est pas le seul point commun entre la verrière et certaines gravures sur bois contemporaines (voir doc. 1 et 2). On est également frappé par la ressemblance au niveau de la composition (organisation de l'espace et groupement des personnages en profondeur), la présence ou le traitement de certains détails vestimentaires (drapés plissés cassés, casques à turbans). Surtout, la force expressive des gestes et des visages est la même dans la Mise en croix de la verrière et sur la gravure. Si le modèle exact qui a pu influencer l'auteur de la verrière n'a pas été retrouvé, il semble évident que l'œuvre ne peut s'expliquer sans faire référence à la gravure sur bois contemporaine flamande. De plus, la verrière appelle de multiples comparaisons avec les œuvres géographiquement et chronologiquement voisines de Lantic* et Tonquédec**. On peut supposer que, dans la plupart des cas, les mêmes cartons ont circulé ou qu'il y a eu copie."  (Dufief et Menant 2005). 

* vers 1462-1464. Vitrail signé Olivier Lecoq et Jehan Le Lavenant 

** entre 1470 et 1486. 9 panneaux de Tonquédec sont semblables à ceux de St-Nicolas-du-Pélem, par copie ou reprise des mêmes cartons.


Je note aussi :

— la façon dont l'artiste dessine sur la racine du nez des visages masculins un anneau de chair ou, au minimum, une dilatation centré par une fossette.

— le dessin des yeux : dans le blanc de la conjonctive, un cercle noir délimite un rond blanc ou gris, occupé dans la partie supérieure par un rond noir : le rond blanc est réduit à un croissant convexe vers le haut. Cet ensemble est plus ou moins masqué par les paupières, dont les cils ne sont pas figurés.


Attribution.

Les auteurs les plus sérieux (ceux du Corpus Vitrearum comme ceux du Service Régional de l'Inventaire) reprennent l'attribution proposée par René Couffon et voient en un certain J. Kergal le verrier créateur de cette vitre. Ainsi Dufief et Menant décrivent "La signature : KERGAL J F[ecit] est en lettres gothiques sur la manche du personnage du 1er plan en 3a." et parlent de "...l'art de J. Kergal, auteur probable de cette composition. ".

   Pourtant, le déchiffrage de René Couffon peut être discuté. L'auteur est habitué à des conclusions hâtives et péremptoires qui ont souvent été clairement démenties, telle cette inscription IHS d'Erguè-Gabéric dont il avait fait une date de restauration de 1728, ou cette attribution à Jost de Negker de la verrière de La Martyre dont Jean-Pierre Le Bihan a dressé la critique ici .

Son interprétation des lettres du dallage en est un autre exemple, puisqu'il lit AIGA. N. POSEA.F.SUNT AUG.1470 là où Dufief et Menant lisent: SA M S GA CP RO NA I GA POSEAFSUNC DCJUG+ a 70 .

Ici, on lit sur la brassière de l'armure sept signes gothiques, dont aucun n'est lisible avec une certitude absolue ; la première peut être un G, la seconde un J. La troisième en forme de L avec signe inclus doit-elle être lue comme l'abréviation de Ker ? La quatrième est-elle un G ? La cinquième est sans-doute un A sans barre. La sixième a la forme d'un V et ne peut être considérée comme un L qu'en l'inclinant. La dernière semble un signe typographique plutôt qu'une lettre. 

 Si bien même on y lit "J. Kergal", pourquoi en faire la signature du maître-verrier ? Une exigence minimale serait de retrouver des traces de cet artisan, traces soit généalogiques, soit professionnelles par recoupement d'autres informations. Certes Kergal est un patronyme breton, surtout attesté en Morbihan, et qui reprend un toponyme signifiant "village des étrangers".

 

Roger Barrié, confronté aux multiples lettres inscrites sur les galons des verrières du Finistère, s'était résolu dans sa thèse  à n'y voir le plus souvent que des assemblages dépourvues de sens, ou des fragments d'antiennes ou d'oraisons. .


 

 

 Sources et liens.

COUFFON (René)  1935, "Les verrières anciennes des Côtes-du-Nord" Bulletins et Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord t.67 pp.123-128. En ligne.  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441314t/f148.image

—Cité sous l'abréviation C.V :  GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel) 2005 , Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes pp.100-102.

DUFIEF (Denise), MENANT (Marie-Dominique), 2005, Saint-Nicolas-du-Pelem, Maîtresse-vitre Baie 0 : la Passion Inventaire général du Patrimoine en ligne. http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=PALISSYIM22003789

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Published by jean-yves cordier
17 avril 2014 4 17 /04 /avril /2014 13:42

La maîtresse-vitre de l'église Saint-Pierre de Tonquédec.

 

      N.b les initiales C.V indiquent une citation du recensement du Corpus Vitrearum 2005. B.G. renvoient à Barthélémy et Guimart 1849, R.C à René Couffon 1935.

 

La baie 0 de l'église Saint-Pierre est la seule qui conserve ses vitraux anciens. Ses six lancettes trilobées et son tympan de 3 groupes d'ajours forment une verrière de 12 mètres de haut et 4,30 mètres de large. On remarque immédiatement que les verres anciens n'occupent qu'un rectangle central de quatre lancettes et les six têtes de lancettes, mais que les deux lancettes latérales et toute la partie basse reçoivent une vitrerie colorée aux tons fumés et patinés, de losanges égayés de pièces bleus et rouges. Celle-ci a été posée par l'atelier de Quentin HSM de Hubert de Sainte Marie en 1954-1955.

  L'église actuelle date de 1835, à l'exception du chevet qui date du XVe siècle. La baie de ce chevet disposait encore de ses 24 panneaux jusqu'à 1847, où la foudre frappa l'édifice. Mais la verrière a été décrite dans son état antérieur par Barthélémy et Guimart (Bulletin monumental, 1849 pp. 35-38).


                lancettes 1250c

 


                   LES LANCETTES. 

 

On dénombre donc 16 panneaux anciens en quatre registres de quatre lancettes, et six  têtes de lancettes. Leur examen est décevant à première vue mais l'un de leur principal intérêt est d'être confronté au vitraux très proches de St-Nicolas-du-Pélem, les deux œuvres s'éclairant mutuellement.

Voir :  Les vitraux de Saint-Nicolas-du-Pélem.  

Cette verrière est datée de 1470 (C.V).

                   lancettes 1251c


REGISTRE INFÉRIEUR.

 C'est le registre où figure le saint patron et trois donateurs.

lancettes 1253c

 

 

Saint Pierre.

"Partie inférieure de la composition très restaurée" (C.V)

Le patron de l'église est représenté assis sur une cathèdre, en tenue épiscopale (tiare et chape orfroyée, gants ), tenant une seule clef à l'anneau carré frappé d'un quadrilobe. Le livre qu'il tient (les Écritures) est enveloppé d'une étoffe de protection faisant étui, comme le seront les autres livres des donateurs. 

Fond pourpre, dossier vert, dalmatique rouge, chape bleue à revers blanc, surplis  blanc.


                          lancettes 1254c

 

 

Panneau perdu depuis 1837 : Le Sire de Tonquédec revêtu d'une casaque à ses armes.

"Il est à genoux devant un prie-dieu sur lequel est un livre. Derrière lui un saint vêtu de blanc avec un camail d'hermines" (B.G)

René Couffon déduit qu'il s'agit de Rolland de Coëtmen, et que le saint est saint Yves, ce qui semble judicieux.

 

Lancette 2 : donatrice présentée par sainte Marguerite.

a) L'identification de la sainte ne pose pas de problème, puisque deux attributs, le crucifix (du moins, une croix) et le dragon, désignent Marguerite d'Antioche, vierge et martyre et sauroctone  du IVe siècle qui eut à combattre les avances du gouverneur romain Olibrius ; avalée par un monstre, elle lui ouvrit les entrailles à l'aide de son crucifix, et "issa [sortit] hors du dragon". [Quelqu'un corrigera sans-doute Wikipédia 2014 qui écrit qu'on la représente "hissée sur le dragon"]. Si un doute subsistait, il suffit de lire l'inscription qui indique S. MARGARITA ORA DEORUM PRO /ME. "Sainte Marguerite, priez Dieu pour moi."

Chemise à col en petit V, robe rouge, manteau bleu, nimbe vert, chevelure blonde retombant sur les épaules.

b) La donatrice est vêtue d'une robe aux armes mi-parti de Coëtmen et d'Anger.

Nous faisons ainsi connaissance avec la famille de Coëtmen et ses armoiries de gueules aux neuf annelets d'argent, 3, 3 et 3. Sa devise était item, item ("de même, toujours de même") . Les neuf annelets d'argent (monnaie de Byzance) qui témoigneraient de la participation des Coëtmen aux croisades sont aussi sculptés à l'extérieur de l'église. A l'origine, il s'agissait d'une église seigneuriale dépendant de l'évêché de Tréguier, mais elle fut érigée en Collégiale le 17 août 1447 par Jean de Ploeuc, évêque de Tréguier. Elle fut dès lors desservie par un prévôt (doyen) assisté de 4 ou 6 chanoines formant le chapitre. Il en fut ainsi jusqu’à la Révolution. Puis elle devint église succursale, par décret du 1er frimaire de l'an XII, sous le Consulat.

La Maison de Coëtmen-Penthièvre est une famille de haute noblesse de Bretagne, issue en ligne directe des comtes de Rennes, et éteinte dans la maison de Rougé au milieu du XVIIIe siècle.

Les Coëtmen sont issus d'Henri Ier d'Avaugour, comte de Trégor et Goëlo, et de Mathilde de Vendôme. Leur premier représentant connu est Geslin, qui reçut en partage la terre de Coëtmen, à Tréméven, actuel département des Côtes-d'Armor. Issus en ligne directe de la maison de Rennes, ils font partie des comtes de Bretagne ou Eudonides. Le premier sire de Coëtmen, Geslin, épouse l'héritière anonyme de Prigent de Tonquédec, et en prend alors le nom et les titres. Ses descendants se nomment ensuite « vicomte de Coëtmen et de Tonquédec ». Il a pour successeurs:

  • Alain, vivant en 1260, son fils ;

  • Prigent vers 1270, son fils, époux d'Amée ou Amette de Léon, de gueules à sept annelets d'argent [Prigent I  épousa d'abord Eugénie, peut-être fille de Châteaubriant, et en eut Guyon, puis en 1298, Amette fille d'Hervé, vicomte de Léon, et de Catherine de Laval.]

  • Rolland Ier mort en 1311, son fils époux d'Alix de la Rochejagu ; 

  • Guy mort en 1360 son fils épouse Marie de Kergolay ;
  • Rolland II (1285-1364) épouse Jeanne de Quintin ;

  • Jean Ier (1310-1371) épouse le 8 février 1340 Marie de Dinan (1316-) dame de Runefau et de Goudelin ou du Guildo; Marie de Dinan, fille de Rolland III de Dinan, est la sœur de Rolland IV de Dinan, seigneur de Montafilant, qui épouse Jeanne de Craon (Voir Tympan, héraldique, pour l'importance de cette alliance).

  • Rolland III  (1345-1425) épouse Jeanne de Penhoët (1379-1453). Il soutint Olivier de Clisson, connétable de France  contre le duc de Bretagne Jean IV, du parti anglais, et perd ainsi son château, démoli par Alain de Pierrier, maréchal de Bretagne. En 1400, il recevra 3.000 livres d'indemnités et fait reconstruire son château à l'identique en 1406. Il porte  de gueules à sept annelets d'argent  ; cimier couronné d'une cigogne, supporté par un lion et une cigogne (B. 1849)

  • Rolland IV mort en 1470 épouse Jeanne du Plessis-Anger (la sœur de Rolland IV, Marguerite de Coëtmen épousa Olivier de Thomelin)

  • Jean II de Coëtmen, (1435-1496) épouse Jeanne du Pont. (Sépulture dans le chœur de l'église, à même le sol) La terre de Coëtmen est érigée en baronnie des États de Bretagne en 1487. Ils sont ensuite " barons de Coëtmen et vicomtes de Tonquédec" . A partir de 1472, grâce à l'octroi par le duc d'un billot, impôt exceptionnel perçu dans la châtellenie, Jean II agrandit le château de Tonquédec d'un très beau logis  à larges baies dominant la vallée du Léguer.

(Source corrigée et complétée: Wikipédia 2014)

René Couffon, qui voyait dans le seigneur du panneau perdu précédent Rolland de Coëtmen, a fait de cette donatrice son épouse, Jeanne d'Anger : Jeanne, dame du Plessis-Anger, aux armes de vair à trois croissants de gueules , épousa le 19 octobre 1430 Rolland IV Seigneur de Coëtmen, vicomte de Tonquédec (Geneanet.org).

 

Néanmoins, ces armoiries n'étaient pas visibles en 1837 pour Barthélémy et Guimart qui signalent que la vitre était cassée à cet endroit. Les armoiries sont donc de constitution récente et n'ont pas de valeur identificatrice. Disons que l'hypothèse de Couffon est plausible.

On pourrait penser que la donatrice est présentée par sa sainte patronne et qu'elle se prénomme donc Marguerite (cf. Marguerite de Coëtmen), mais sainte Marguerite est si souvent présente dans les verrières bretonnes pour présenter les épouses des seigneurs qu'il faut plutôt penser qu'elle est invoquée (comme dans les Livres d'Heures) comme appartenant aux  principales intercesseurs protégeant les femmes des dangers de la maternité, avec sainte Catherine et donc, pour la noblesse dont la transmission du titre est l'enjeu majeur, qu'elle figure ici comme la principale autorité dont il faut s'assurer les faveurs. (Elle est présente entre autre à Ergué-Gabéric). 

Puisque cette jupe héraldique "n'est pas d'époque", reportons notre intérêt sur la partie haute du panneau : la coiffe à bourrelets garnie de perles (attribut de Marguerite) et dont le sommet semble replié en arrière; le surcot garni de fourrure d'hermine, le décolleté arrondi, le collier en or, la taille très fine et l'abdomen joliment projeté en avant, et enfin la garniture en joyaux et perles de la ligne médiane.


                         lancettes 1255v

 

lancettes 9068c

 

 

Donateur présenté par saint Jean.

 

a) Là encore, Jean l'Évangéliste est facilement identifiable à son allure de bel Apollon blond et imberbe, et à la coupe de poisson d'où sort un dragon. Devant lui, le phylactère porte l'inscription : Mater Dei memento mei ad resurrectionem , "Mère de Dieu souvenez-vous de moi au jour de la Résurrection".

Fond vert, robe bleue, manteau rouge, nimbe d'or.

Détail : de la coupe sortent non pas un mais deux dragons ailés et crachant leur venin.

b) Le jeune seigneur, coiffé à la mode de la fin du XVe, a été identifié comme Jean II de Coëtmen, contemporain de la construction du vitrail, et donc, directement, son commanditaire. A genoux devant le prie-dieu (avec un bon coussin aux glands dorés), il est en armure, avec ses éperons, l'épée ceinte, et son tabard est à ses armes. "Dans ce panneau, seuls les annelets du blason ont été refaits" (R.C).

      Du site Infobretagne.com, j'extrais les renseignements suivants : 

      Dès 1457, Jean était écuyer résidant à la cour ducale, puis il servait sous les ordres du maréchal de Malestroit ; il devint vers 1461 gendarme des ordonnances et commandant de 49 hommes d’armes ainsi que de 277 archers. Il était déjà chambellan lorsqu’il héritait de son père en 1471. Successivement membre du conseil, puis grand-maître d’hôtel, le vicomte de Coëtmen tint les monstres de 1474, 1475, 1476, 1477, 1481 et 1483. Il était chargé en 1472 d’inspecter les fortifications de la ville de Dol.

Jean de Coëtmen se trouva mêlé aux dissensions qui naquirent de la haine vouée par la noblesse bretonne, à Pierre Landais, ministre de François II. [...] Au mois de mai, trois armées françaises entraient dans la province ; le duc alors à Vannes, se retirait vers Nantes où La Trimouille l’assiégeait inutilement du 19 juin au 26 août.  Dans cette circonstance, le vicomte de Coëtmen seconda vaillamment son souverain : nous voyons ses services et son dévouement authentiquement constatés dans la charte qui, au mois de septembre 1487, érigeait Coëtmen en baronnie [...] Jean de Coëtmen souhaitait vivement arriver à cette prééminence ; car, dès l’année précédente, il faisait faire partout des enquêtes dont le but évident est de faire constater ses droits et privilèges héréditaires, ainsi que l’illustration et l’antiquité de sa race .

      Le nouveau baron eut encore de hautes missions à remplir, vers la fin de sa vie : ainsi il allait en ambassade vers le roi de France en 1488 ; l’année suivante on le trouve désigné pour se rendre au devant des ambassadeurs venus d'Angleterre, enfin en 1491, il allait lui-même en Angleterre avec son fils et sa bru.

                           lancettes 1256v

 

lancettes 9065c

 

lancettes 9200v

 

 

Donatrice présentée par saint Christophe.

"Saint Christophe, en tunique violette et manteau vert, porte sur ses épaules l'enfant-Jésus nimbé , en robe violette, et tenant le globe du monde. Sur un phylactère : S. XPRIS TOFORE ORA DEO PRO ME. "Saint Christophe, priez Dieu pour moi." (R.C) 

Lorsque je lus cette description de Couffon, je dus observer longtemps le dessin avant de comprendre l'organisation de l'image, discerner le beau visage d'enfant blond, replacer le visage quasi fantomatique du saint dans le prolongement du fût blanc qui, derrière la donatrice, correspondait à la jambe nue plongée dans le ruisseau rougeâtre, et assembler mentalement ce puzzle. Je me suis aidé, par exemple, du folio 20 du Livre d'Heures de Françoise de Foix, conservé à la  Bibliothèque Rennes Métropole - Ms 2050 :

 


00_a_a_a_aRennes_2050.jpg

 

Voir aussi le Livre d'Heures de Jean de Montauban v.1430-1440 MS 1834 f. 123.

Là encore, saint Christophe, classiquement représenté en Géant, fait partie des 14 saints intercesseurs ; il est invoqué contre la peste, les tempêtes et les dangers des voyages, ou, plus généralement, contre la mort subite en état de péché.

b) La donatrice :

"Sur un fond bleu, Jeanne du Pont. A genoux devant un prie-dieu bleu, la donatrice porte en tête un chapel et est vêtue d'un surcot violet garni d'hermines et d'une jupe armoriée mi-parti au I de Coëtmen, au II coupé du Pont et de Rostrenen" (R.C) 

 Barthélémy et Guimart parlent d'armoiries D'or au lion de gueules couronné d'azur.

Les armoiries du Pont sont, depuis Jean II du Pont qui écartela les armes du Pont avec celles de Rostrenen, mi-parti  d'or au lion de gueules  qui sont du Pont et d'hermine à trois fasces de gueules qui sont Rostrenen. Ici, je vois clairement bien-sûr les armes de Coëtmen et celles de Rostrenen mais le lion de gueules m'échappe.

 

Jeanne du Pont, épouse de Jean II de Coëtmen en 1458, était la  fille de Pierre IX du Pont-L'Abbé (lui-même fils de Jean II du Pont-L'Abbé et de Marguerite de Rostrenen) et de Hélène de Rohan-Guéméné. Elle eut quatre enfants, Gillette, Louis, Marguerite, et Anne.

      Y a-t-il vraiment un prie-dieu ? Je vois surtout le bon coussin à glands dorés, et le livre (je suis sûr que ce Livre d'Heures est ouvert à la page du 25 juillet et de l'oraison à saint Christophe) est soigneusement protégé par son étui de toile fine. 

 

                                 lancettes 1257c

 

La dame est habillée comme sa belle-mère Jeanne d'Anger avec les mêmes bijoux (collier et parure de "surcot" en or, perles et larmes d'or et argent suspendues), mais elle a choisi des manches couleur bordeaux, et une coiffure à macaron. Malgré un plomb de casse malencontreux qui la défigure, un examen rapproché lui rend toute sa grâce juvénile ; on voit son front épilé, les cheveux ramassés sous un bourrelet en étoffe précieuse, et deux "macarons" latéraux. Tenterez-je le terme d'"escoffion" ? 

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DEUXIÈME REGISTRE 

 

 

lancettes 1262cc


Nous quittons l'étage des donateurs pour des scènes de la Vie de Jésus et de sa Passion. Comme dans toutes les Passions bretonnes ? Oui, mais avec quelques surprises.

Résurrection de Lazare .

Voilà un thème qui n'est pas si commun, bien d'Émile Mâle en ait fait le recensement (La résurrection de Lazare dans l'art, Revue des arts, 1951). Son intérêt ici est d'être comparé au panneau analogue de St-Nicolas-du-Pélem.

"Buste de Lazare et partie inférieure du panneau restaurés" (C.V)

"La figure de Lazare a été refaite ainsi que celle du personnage qui découd le suaire"

 


                    lancettes 1258c

 

       lancettes 1258c        vitrail 4248c

 

      Iconographie :

http://rouen.catholique.fr/spip.php?article762

Iconographie chrétienne.

 

Entrée à Jérusalem.

      "Une partie du coin inférieur droit a été refaite" (R.C)

Ce thème est ici, assez bizarrement, traité en deux panneaux, l'un consacré au Christ sur son ânon "sur lequel aucun homme ne s'est jamais assis" (Marc, 11:2) et l'autre aux spectateurs qui posent sur le sol leur vêtements (Marc, 11:8). 

Comme cela est établi dans la tradition iconographique, la scène de Zachée monté dans son sycomore à l'entrée de Jésus à Jéricho (Luc,19) est fusionnée à cette Entrée à Jérusalem.


lancettes 1259c lancettes 1260c

 

L'une des sources de ces panneaux me semble être une gravure sur bois de Guillaume le Rouge illustrant les "Postilles" ; l'ouvrage a été publié à Chablis en 1489, donc à une date plus tardive que celle estimée pour ces vitraux, et il existe donc peut-être une gravure antérieure qui aurait servi de modèle (outre les gravures de Pierre Le Rouge, père de Guillaume, dans son Livre d'Heures à l'usage de Rome de 1486, non consulté). Mis à part l'absence de l'ânon, la ressemblance entre la gravure et les deux panneaux est nette. C'est Matthieu 21:7 qui indique "ils amenèrent l'ânesse et l'ânon, mirent sur eux leurs vêtements, et le firent asseoir dessus", alors que Marc 11:2 ne parle que de l'ânon. La partie droite de la gravure correspond à Matthieu 21:8 : La plupart des gens de la foule étendirent leurs vêtements sur le chemin; d'autres coupèrent des branches d'arbres, et en jonchèrent la route.

 

            Entree-a-Jerusalem-Postilles.png

Comment expliquer la présence de deux panneaux ? La gravure servant de modèle est-elle parvenue aux verriers découpée en deux, et les artisans ont-ils considéré qu'il s'agissait de deux scènes ? Un argument pour le penser est qu'ils ont transformé l'un de spectateurs accueillant le Christ devant la porte de Jérusalem avec un nimbe crucifère, faisant alors figurer le Christ dans ce panneau mal compris.  Ou plutôt, ils se sont adaptés à la dimension étroite des panneaux et ont sciemment répartis la scène sur deux panneaux.

Iconographie :

Rouen.catholique.fr.

 

Le rapprochement avec le panneau de St-Nicolas-du-Pélem :

Malgré la conservation et la restauration très différente des deux vitraux, la similitude est suffisamment grande pour penser à un carton identique. L'erreur de casting de la division en deux panneaux n'a pas été reproduite à St-Nicolas-du-Pélem, mais la scène entière n'a pas non plus été restituée : peut-être posait-elle le problème de sa disposition sur un panneau trop étroit.

On remarque un élément commun à toute la verrière, la mise en valeur des mains et de la gestuelle : la main du Christ, et le geste de bénédiction, se détache avec d'autant plus de force de l'arrière-plan coloré qu'il vient couper le tronc du sycomore où est grimpé Zachée.

La version de St-Nicolas-du-Pélem permet de mieux constater l'emploi particulier qui est fait des verres incolores : ils sont disposé en diagonale avec un ensemble supérieur gauche, un ensemble inférieur droit, et la main centrale servant de conjonction.  

Détail : à Tonquédec, l'œil de l'ânon est rehaussé de jaune d'argent.

lancettes 1259c        vitrail 4249c

 

La Cène. Panneau détruit.

Selon le témoignage de Barthélémy et Guimart : "On voit le Christ entouré des douze apôtres. Son disciple bien-aimé a la tête sur son sein, et Judas sans nimbe tend la main vers lui.".

Le sujet principal de ce panneau était donc ce moment où Jésus révèle aux apôtres celui qui va le trahir : selon Matthieu 26:23, "celui qui a mis avec moi la main dans le plat, c'est celui qui me livrera".  

Voir Ugolin de Sienne, La Cène, v. 1315-1340, Metropolitan Museum of Art :

 

 

 

Le Lavement des pieds (?) (panneau détruit).

René Couffon nomme ce panneau sans le décrire, car il se fonde sur Barthélémy et Guimart qui écrivent :"Nous n'avons pu nous rendre compte de la scène suivante, qui paraît représenter le Christ et six apôtres, dont l'un tient caché dans ses mains un objet en forme de reliquaire". 


La Jardin des oliviers.

"Le Christ prie à genoux. Devant lui un ange blanc et or présente un calice surmonté d'une hostie. Les trois apôtres dorment : saint Pierre, nimbé de vert, en robe rouge et manteau bleu, a la main sur la garde de son épée ; saint Jean, nimbé de rouge, en robe verte et manteau rouge ; saint Jacques, nimbé d'or, en robe bleue. Au fond, des soldats s'approchent avec précaution". (R.C, qui suit B.et G.)

La présentation d'une coupe, celle du sang du Sacrifice, est citée par les Évangiles, comme dans Matthieu 26 :  Il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, et il commença à éprouver de la tristesse et des angoisses.

38 Il leur dit alors: Mon âme est triste jusqu'à la mort; restez ici, et veillez avec moi.

39 Puis, ayant fait quelques pas en avant, il se jeta sur sa face, et pria ainsi: Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux.

40 Et il vint vers les disciples, qu'il trouva endormis, et il dit à Pierre: Vous n'avez donc pu veiller une heure avec moi!

41 Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation; l'esprit es bien disposé, mais la chair est faible.

42 Il s'éloigna une seconde fois, et pria ainsi: Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite!

 

Mais l'hostie n'a pas vraiment sa place dans la représentation textuelle de ces versets.

 


                      lancettes 1261v

 

Comparaison avec St-Nicolas-du-Pélem : 

lancettes 1261v       vitrail 4253c

 

 

Le Baiser de Judas (panneau détruit).

 

"Les soldats juifs [sic] s'emparent de Jésus-Christ. L'un d'eux lève son sabre, c'est sans-doute celui qui coupa l'oreille de saint Pierre [sic !]." (B et G)

 

TROISIÉME REGISTRE.

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Scène des outrages.

"Jésus est souffleté. Le Christ, vêtu comme précédemment, a la tête complètement enveloppée dans un linge dont deux bourreaux serrent les extrémités. Celui de gauche est coiffé d'un turban blanc à fond rouge, vêtu d'une veste bleue et d'une chausse l'une rouge l'autre verte et chaussé de souliers l'un vert, l'autre rouge. Le bourreau de droite porte une robe rouge à collet bleu, des chausses bleues et des bottes jaunes. A l'arrière-plan, deux autres personnages : l'un à gauche, casqué, a une casaque violette. L'autre à droite porte un bonnet vert et une robe bleue à manches rouges. La scène se détache sur un fond rouge. Ce panneau est à remarquer. Parmi les très nombreuses verrières de la Passion qui subsistent en Bretagne, c'est la seule avec celle de St-Nicolas-du-Pélem, faite d'ailleurs avec le même carton, où le Christ ait la tête complètement enveloppée. Rappelons que l'on trouve semblables représentations sur des ivoires du XIIIe siècle, et également sur des broderies telles que la chape de saint Louis, évêque de Toulouse à Saint-Maximin. " (R.C.)

Cette réflexion de René Couffon sur ce motif iconographique est intéressante; le Christ est souvent confronté à ses bourreaux avec un bandeau sur les yeux, mais plus rarement avec la tête totalement recouverte. On en trouve un exemple dans un vitrail de l'église Sainte-Madeleine de Troyes (site J. Provence).

Détail 1 : Le premier élément, très souvent retrouvé dans ces représentations des bourreaux de la Passion, est la valeur négative des mélanges de couleur (rayure ; vêtement mi-parti ; dépareillage ) ou de l'emploi du vert et du jaune. Le bleu et le rouge sont réservés au Christ, à la Vierge et aux saints, alors que le mélange vert-rouge est utilisé pour les "méchants". Cette discrimination chromatique est accentuée par la forme des vêtements, les chausses, les chaussures et les coiffures n'étant jamais portés par les "bons".

Détail 2 : opposition entre la passivité et l'immobilité du Christ en position centrale et le déploiement des gestes violents et des visages agressifs en périphérie.

 


               lancettes 1263cv

Comparaison avec St-Nicolas-du-Pélem :


 lancettes 1263cv              vitrail 4236c

 

 

Comparution devant Pilate.


"Le Christ, vêtu comme précédemment, comparaît devant Pilate. Celui-ci, en robe rouge à perlages avec manches violettes, col d'hermine et souliers bleus est assis. Devant lui, au premier plan, un garde, dont la figure est rouge, porte un bonnet d'or, une veste verte à galons d'or et des chausses rouges. Derrière le Christ un personnage en veste bleue présente un plateau avec aiguière d'or. Les architectures sont jaunes." (R.C) 


                         lancettes 1263cc

 

Comparaison avec St-Nicolas-du-Pélem.

lancettes 1263cc   vitrail 4242c

 

 

La Flagellation ; panneau détruit. 

"Notre Seigneur, attaché à une colonne, est frappé de verges". (R.C)


Le Couronnement d'épines.

      "La scène se détache sur un fond rouge. Le Christ, sans nimbe et vêtu d'une robe violette, est assis les mains liées. A gauche, un bourreau barbu en bonnet rouge, veste verte et chausses rouges, semble présider l'exécution. A droite, un autre bourreau, en veste bleue et chausses rouges, injurie Notre-Seigneur. Au second plan, trois bourreaux enfonce à force sur la tête du Christ la couronne d'épines. Celui de gauche porte une casaque bleue et rouge à manches rouges ; celui du centre à tête grimaçante est en manches de chemise et justaucorps vert et bleu ; enfin, celui de droite est en veste à manches rayées." (R.C)


 

                             lancettes 1263cccc

 

Comparaison avec St-Nicolas-du-Pélem.

lancettes 1263cccc   vitrail 4244c

 

 

Le Portement de croix ; panneau détruit.

 

 

 

Mise en croix.

"Scène sur fond vert avec arbres bleus. Le bourreau au premier plan porte une veste bleue à manches rouges et des chausses rouges. Un autre, à gauche, est en robe violette ; un autre, à droite, en veste bleue à broderies d'or et en chausses rouges. Au second plan, la Vierge en robe rouge et manteau bleu garni d'hermines. Dans le fond, personnage en armure et casaque violette". (R.C)

                           lancettes 1263ccccc

 

lancettes 1263ccccc     vitrail 4247c

 

 

 

 

 

REGISTRE SUPERIEUR.

 

lancettes 1263cc (2)


 

Vierge de Pitié.

"En grande partie moderne" (C.V)

Intitulé "Descente de croix" par René Couffon : "La vierge en robe rouge et manteau bleu soutient le corps de son fils, fond jaune." (R.C)

Signalé comme panneau perdu du registre inférieur

                  lancettes 1264c

 

Crucifixion ; panneau détruit.

Déposition.


Mise au tombeau.

"Importantes restaurations" (C.V) Il s'agit peut-être de la partie supérieure, qui diffère de celle de St-Nicolas-du-Pélem, et dont le personnage de gauche ressemble plus à une sainte femme qu'à "Joseph d'Arimathie, rasé" (Couffon). Cette partie supérieure semble un collage d'une autre Mise au tombeau.

      "Au fond du panneau, la Vierge, nimbée d'or et portant un manteau bleu, se penche vers le Christ, dont elle soutient de ses mains le bras gauche. Saint Jean, auprès d'elle, est en violet. En tête du linceul, Joseph d'Arimathie, rasé, porte un turban jaune et une robe verte ; Nicodème, barbu, est en robe rouge . Au premier plan, la Madeleine, en robe rouge et manteau bleu, tient sa boite de parfum d'or et oint le bras droit du Christ. Le fond de cette scène est vert." (R.C)



                                lancettes 1264ccc

 

Comparaison avec St-Nicolas-du-Pélem :

 

lancettes 1264ccc       vitrail 4237c

 

 

Descente aux Limbes.

 

 "Adam et Ève très refaits" (C.V)

 

"La porte de l'enfer est figurée par la gueule du Léviathan en gris bleu avec œil jaune. Le Christ porte un manteau rouge et tient à la main gauche une croix d'or. De la main droite il saisit Adam, derrière lequel on aperçoit Ève. Le fond de la scène est rouge." (R.C)

                                         lancettes 1264cccc

 

 

Comparaison avec St-Nicolas-du-Pélem :

 

lancettes 1264cccc  vitrail 4234cc

 

Résurrection.

"Scène refaite au XVIIe s" (C.V)

   "Le Christ, en manteau rouge et tenant une bannière or et blanche, sort du tombeau dans une gloire. A gauche, un soldat, en armure argent et or et chaussures rouges, tient un bouclier gris bleu. A droite, un autre soldat, en armure argent et or, porte un pourpoint bleu à manches rouges. La scène se détache sur un fond bleu." (R.C)

                                  lancettes 1264ccccc

 

Comparaison avec St-Nicolas-du-Pélem :

     lancettes 1264ccccc                 vitrail 4239c

 

 

Têtes de lancettes.

Deux exemples de ces couronnements d'architecture :


 lancettes-9087v.jpg

 

 

 

     lancettes-9089v.jpg

 

 

                          TYMPAN

  Il est composé d'anges présentant les instruments de la Passion, d'anges musiciens, d'anges présentant des armoiries, d'autres présentant des phylactères. On y trouve aussi le monogramme du Christ et la tête du Christ couronnée d'épines. Restauration en 1954-55 par Hubert de Sainte Marie, avec de nouveaux verres pour les armoiries et les figures de la partie supérieure.

 

 

tympan 1265c


I. L'Héraldique.

  Les armoiries de la verrière de Tonquédec ont été décrites dans une enquête de 1486 faite par Jean de Tonquédec, mais lors de leur visite, Barthélémy et Guimart constatent que "Le tympan est rempli d'anges tenant les instruments de la passion. Les blasons ont été brisés et remplacés par du verre blanc". Lorsque  l'atelier Hubert de Sainte Marie, qui restaura le tympan en 1954-1955, eut à remplacer ces verres blancs, au lieu de  respecter les éléments héraldiques fournis par cette documentation de 1486 (et publiée par de Barthélémy), il créa de nouveaux blasons reprenant les armoiries portées par les donateurs des lancettes, soit de gauche à droite celles des Coëtmen, puis  mi parti Coëtmen/ du Plessis-Anger [de gueules aux neuf annelets d'argent / de vair à trois croissants de gueules] , de Coëtmen, puis mi-parti Coëtmen/du Pont-Rostrenen, et en sommité les blasons fascé de gueules et d'argent et ??.

Les armoiries décrites en 1486 mentionnent "en laquelle (vitre) sont au susain lieu en deux bannières écartellées les armes pleines d'Avaulgour qui sont d'argent à un cheff de gueules et les armes de Tonquédec":

On trouvait donc, selon les explications de Barthélémy,

"au milieu les armes pleines d'Avaugour*,  écartelées de Tonquédec. Au dessous quatre bannières mi-parti de Tonquédec et de Léon, de Craon**, de Laval et de Montafilant*** : ces armoiries signalaient les alliances des quatre vicomtes qui s'étaient succédés depuis Prigent, époux d'Amée de Léon." (B.et G.)

*D'Avaugour : d'argent au chef de gueules.

**Losangé d'or et de gueules.

*** Geoffroy III de Montafilant-Dinan (v1200-avant 1260) épousa une fille de Geslin ou de Prigent de Coëtmen. Jean Ier de Coëtmen (1310-1371) épousa  Marie de Dinan,elle-même sœur de Rolland IV de Dinan, seigneur de Montafilant, qui épousa Jeanne de Craon.


 

 

tympan 9186v


Armes (modernes) de Coëtmen :

Selon Anatole de Barthélémy, les annelets, considérés par certains comme un souvenir des jeux de bague, correspondaient à des tours "vues à vol d'oiseau". J'ignore si cette hypothèse de 1849 a été confirmée.

               tympan 9161c

 

 


Armes (modernes) de Jeanne du Pont 

mi-parti  d'or au lion de gueules armé, lampassé et couronné d'azur qui sont du Pont et d'hermine à trois fasces de gueules qui sont Rostrenen

tympan 9162c

 

 

 

II. Les figures.


Tête du Christ couronné d'épines.

tympan 9172c

 

Anges presentant le Vexilla Regis.

Les anges tiennent des phylactères qui portent des vers du cantique Vexilla Regis, l'hymne de la Passion ou de la Croix pendant que d'autres tiennent les instruments de la Passion.

Vexílla Regis pródeunt,     Voici que les étendards de notre Roi s’avancent ;   

 Fulget Crucis mystérium :   Sur nous la croix resplendit dans son mystère,    

Quo carne carnis cónditor,     Où, dans sa chair, le Créateur du monde
Suspénsus est patíbulo.             Fut pendu au gibet .

Quo vulnerátus ínsuper
Mucróne diro lánceæ,
Ut nos laváret crímine,
Manávit unda et sánguine.

Impléta sunt quæ cóncinit
David fidéli cármine,
Dicens: In natiónibus
Regnávit a ligno Deus.

Arbor decóra, et fúlgida,
Ornáta Regis púrpura,
Elécta digno stípite,
Tam sancta membra tángere.

Beáta, cujus bráchiis
Sæcli pepéndit prétium,
Statéra facta córporis,
Prædámque tulit tártari.

O Crux ave, spes unica,
Hoc Passiónis témpore,
Auge piis justítiam,
Reísque dona véniam.

Te summa Deus Trínitas,
Colláudet omnis spíritus:
Quos per Crucis mystérium
Salvas, rege per sæcula. Amen.



Vexilla Regis est une hymne latine du poète chrétien Venance Fortunat, évêque de Poitiers ; elle fut chantée pour la première fois le 19 novembre 569 quand une relique de la Sainte Croix, envoyée par l'empereur byzantin Justin II à la requête de sainte Radegonde, fut transportée de Tours au monastère de Sainte-Croix à Poitiers.


tympan 9163v

 

Ange porteur de phylactère et ange porteur de l'éponge de vinaigre.

David..

tympan 9164v

 

 

 

tympan 9171c

 

 

 

 

Mugrone diro lanceae (le M est inversé).

tympan 9177v

 

impleta sunt quae

tympan 9180v

 

suspensus  est patibulo

tympan 9181v

 

Quo carne carnis conditor

tympan 9182v

Quo [vulneratus insuper]

tympan 9192v

 

 

tympan 9193v

      Monsira clavis ...?

tympan 9196v

tympan 9183v

 

tympan 9185v

tympan 9190c

an/tympan-9194v.jpg">tympan 9194v

 

 

Discussions.

I. Restaurations :

a) Après les dégâts de la foudre de 1847, regroupement des panneaux de la Passion et des donateurs en quatre lancettes encadrés des vitreries de couleur ou du verre blanc.

b) Classement MH en 1911.

c) Devant la dégradation alarmante, restauration limitée par l'atelier Tournel en 1913 : remise en plomb, restauration des panneaux, remplacement des vitreries couleur par des vitreries blanches de petit module à la demande de l'architecte en chef Haubold.

d) Remplacement de ces vitreries par des vitres claires patinées de salissures cuites.

e) Restauration par l'atelier Hubert de Sainte Marie, de Quintin, qui crée de nouvelles vitreries.

II. Datation vers 1470.

Elle a été proposée par René Couffon en se basant sur l'identité établie ou déduite des donateurs : Roland de Coëtmen, accompagné de son épouse Jeanne Anger, est décédé en 1470. Son fils aîné Olivier, qui ne figure pas sur la verrière, est décédé en 1467, ce qui fournit un terminus ante quem. Le terminus post quem est fixé par Couffon à l'annonce officielle du décès de Rolland de Coëtmen le 3 février 1470. (Pourquoi ne pourrait-il pas figurer ici, en hommage rendu par son fils commanditaire, après son décès ? Pourquoi ne pas rendre l'embellissement de l'église contemporain de la période, après 1472, où Jean de Coëtmen entreprit d'agrandir son château ? Je l'ignore.) 

Cette datation vers 1470 et après 1467 a été acceptée par les auteurs du Recensement qui considèrent qu'elle est plausible sur le plan stylistique.

La verrière, très proche, de St-Nicolas-du-Pélem est datée par estimation de 1470-1480.

Rappel : cette date correspond :

  • à Jean II de Coëtmen, Vicomte de Tonquédec en titre de 1470 à 1496.
  • au duc de Bretagne François II (1458-1488) et au Chancelier de Bretagne Guillaume Chauvin (qui cédera la place à Pierre Landais en 1481). 
  • au roi de France Louis XI (1461-1483)
  • à l'épiscopat de Christophe II du Châtel, évêque de Tréguier de 1466 à 1479 et neveu du cardinal d'Avignon Alain IV de Coëtivy. Les papes sont Paul II puis Sixte IV.

 

III. Attribution.

 Prompt à attribuer aux œuvres des auteurs, René Couffon constatant le rapprochement stylistique avec la verrière de Notre-Dame-de-la-Cour du Lantic —due à Olivier Le Coq et Jehan Le Lavenant — avait commencé par suggérer que ces deux artistes pouvaient être responsables du vitrail de Tonquédec. Mais en 1935, constatant que la verrière de St-Nicolas-du-Pélem est très proche de celle de Tonquédec et qu'il est nécessaire de leur attribuer une origine commune, Couffon renonça à cette hypothèse. Il envisagea alors une influence des gravures de l'école de Westphalie, notamment du maître de Schoppingen "en considérant la coiffure caractéristique de saint Pierre, la garde de l'épée du centurion et l'aigle à deux têtes du vitrail de Saint-Nicolas-du-Pélem", mais il concluait qu'il ne pouvait désigner l'auteur de ces verrières.

On sait que, concernant St-Nicolas-du-Pélem, il a cru déchiffrer la signature de l'auteur, un certain Kergal. 

Les auteurs du Corpus observent qu'entre Tonquédec et St-Nicolas-du-Pélem existent des rapports certains, mais sans reprise exacte des mêmes cartons : "la mise en parallèle exacte des réseaux de plomb, du dessin et de la peinture indique qu'il n'y a pas répétition exacte des patrons à grandeur." Il y a partage d'un même matériel graphique, appartenant peut-être à un seul atelier.

  


Sources et liens.

— COUFFON (René)  1935, "Les verrières anciennes des Côtes-du-Nord" Bulletins et Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord t.67 pp.123-128. En ligne.  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441314t/f148.image

 

—  GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel) 2005 , Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes pp.100-102.

— BARTHELEMY (Anatole de)  GUIMART (C.) 1849 "Notice sur quelques monuments du département des Côtes-du-Nord". Bulletin monumental. Collection de mémoires et de renseignements sur la statistique monumentale de la France - 2è série, Tome 5, 15è vol. de la Collection. pp. 35-38.

— BARTHELEMY (Anatole de) 1849 " Lettre à Mr Georges de Soultrait sur les armoiries et les monnaies des anciens comtes de Goello et de Penthievre, cadets de Bretagne ». Revue archéologique, Volume 6 partie I, Leleux : Paris 1849. pp 273-287. En ligne.

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Published by jean-yves cordier
16 avril 2014 3 16 /04 /avril /2014 07:44

La maîtresse-vitre de l'église Notre-Dame de Miséricorde à Runan (22).

 

 

 

 

Ma documentation préalable : le vitrail étant daté de 1423, je réunis pour moi-même ces renseignements (cf. sources et liens):

 1°)   En 1423

—Duché de Jean V le Sage (1399-1442)

— Evêque de Tréguier Jean II de Bruc.

2°) Runan appartient au territoire de Chateaulin-sur-Trieux qui prit le nom de paroisse de Plouëc-sur-Trieux. Parmi les nobles de Plouec-sur-Trieux on dénombre à la réformation du fouage de 1426  (Alain) de Kernechriou, Martin Bronier, Jehan de Plusquellec et Jehan de Kerourguy et à la montre de 1481 10 nobles dont  Jehan Kernechriou de Loesic, Jehan le Caourcin, Olivier de Lesqueldry le sieur de Ploesquellec (Source Infobretagne)

3°) René Couffon écrit en 1935:

         Rappelons brièvement que la chartre apocryphe de 1182 relatant les biens des Templiers en Bretagne, mentionne parmi ceux-ci l'église de Runargant. Elle advint ensuite aux hospitaliers ; et dut à ce fait d'être parfaitement entretenue au cours des siècles, comme toutes les églises et chapelles de l'ordre, par les divers commandeurs. Ceux-ci s'en faisaient en effet un point d'honneur, et ne manquaient p d'ailleurs pas de s'attirer l'attention du grand prieuré d'Aquitaine sur les améliorations réalisées, dans le but non désintéressé d' »obtenir une commanderie plus importante.

Mais elle dut principalement sa magnificence aux fondations qu'y firent les ducs de Bretagne, en raison de sa proximité de leur résidence de Châteaulin-sur-Trieux. En 1381, le duc Jean IV y fait fondation d'une chapellenie par semaine, puis le 2 juin 1414, le duc Jean V concède en faveur de la chapelle une foire annuelle le 8 septembre, jour de la fête de Notre-Dame. Quelques années plus tard le 19 mai 1421, il crée une nouvelle foire au jour et fête de saint Barnabé « pour augmentation de la dite chapelle et du service divin en icelle ». Enfin le 28 mars 1436, il concède à la chapelle de Runan une troisième foire le samedi précédant le pardon de la chapelle fixé au dernier dimanche de juillet.

Une enquête du 13 août 1439 nous montre d'autre part que la belle chapelle du midi, due au commandeur Pierre de Keramborgne, dont les armes ornent également les contreforts du porche, avait été terminée l'année précédente.

L'étude architectonique confirme en effet qu'à l'exception de la longère nord et du bas-coté adjacent reconstruits récemment, toute l'église date du début du XVe siècle.

 

Au milieu du XIXe siècle, sous une couche de mortier dont elle avait été enduite probablement pendant la Révolution, Geslin de Bourgogne découvrit et nettoya la belle verrière que nous admirons aujourd'hui, après sa restauration en 1886, par la fabrique du Carmel du Mans. Elle comporte six panneaux renfermant chacun un personnage sous un grand dais gothique et porté sur une console architecturale surmontant elle-même un écu blasonné.[...]  

      Les Hospitaliers.

Il s'agit de l’Ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, qui reçut les biens des Templiers vers 1312 . Cet Ordre  dont saint Jean-Baptiste est le saint patron est  organisé en commanderies. Runan appartient à la commanderie du Palacret en Saint-Laurent (près de Bégard), elle-même regroupée au XIVe ou début du XVe siècle environ sous la tutelle de la commanderie de la Feuillée (commune du Finistère ). Les commanderies  possédaient une maison commandale  (ou manoir). Dès 1438 le commandeur Pierre de Keramborgne fit sculpter son blason tenu par des lions au dessus des fenêtres (de gueules à un heaume de profil d'or accompagné de trois coquilles d'argent).

La chapelle Notre-Dame de Runazhan (dédiée à Notre-Dame de Bon-Secours) devient une « église trève » de la paroisse de Plouëc dès 1439. Une léproserie exista à Runan au XVe siècle. Malgré sa richesse, la fabrique de Runan ne devait au commandeur du Palacret que 24 sols de rente, et « pour les offrandes du lieu 100 sols, à la Nativité de Notre-Dame. » Par ailleurs, ce commandeur avait certains droits sur la halle de Runan, et jouissait de treize tenues et d'une dîme. (ici)

 

 

Baie 0 ou maîtresse-vitre.

      Haute de 5,60 m et large de 3,70 m, elle est composée de six lancettes trilobées et d'un tympan de 34 ajours. Elle est estimée dater de 1423 (Couffon).

Dans chaque lancette, une grande niche d'architecture en grisaille et jaune d'argent sur verre blanc avec armoiries dans les socles et fleurs de lys ou armoiries dans les têtes forme le cadre du motif sur verre coloré sur fond damassé alternativement bleu et rouge aux somptueux motifs (Corpus Vitrearum 2005, agrégé C.V. infra)


 Runan 1343c

 

      LES LANCETTES

      Une Crucifixion au Christ entouré de la Vierge et de saint Jean est accompagnée de figures en pied de saint Pierre, de Sainte Catherine d'Alexandrie et de sainte Marguerite (ou Hélène).

 Runan 1350c

 

 

 Trois lancettes de gauche :

                             Runan 1367c

 

 

Première lancette : saint Pierre.

      En zoomant sur l'image (cliquez), on remarque le livre à fermoir, mais surtout le galon d'or du manteau blanc, qui porte des sortes de lettres gothiques répétées régulièrement..

                                Runan 1371c

      Ce gros-plan permet d'une part d'admirer les motifs du fond damassé aux motifs d'oiseaux, d'autre part de noter la précision du travail de grisaille (cils ). Saint Pierre se reconnaît certes à sa clef, mais aussi à sa calvitie respectant un "toupet" ici traité comme une tonsure. 

Runan 9248c

 

 

Socle : armoiries des Le Goalès :

 Le Goalès de Mézaubran : de gueules au croissant d'argent, accompagné de six coquilles de même.

      Dans cette famille, Guillaume de Golès ou de Goalès ou de Goalès de Mézaubran fut abbé de l'abbatiale cistercienne de Plounéour-Menez entre 1462 et 1472.

Devise : faventibus astris (Rietstap)

Début de l'inscription de restauration de l'atelier Huchet (1886) : "Les membres de la fabrique étant MMrs Y. Levézouet maire, J.L. Guillou F. Toullelan, Y.M Guyomard. F. Bihannic..." (voir suite dans la sixième lancette )


Runan 1355c

 

 

Deuxième lancette : la Vierge.

Les lancettes 2, 3 et 4 composent une Crucifixion où la Vierge à gauche et saint Jean à, droite encadrent le Christ en croix.

En zoomant sur l'image (cliquez), on admire le même galon que sur la chape de saint Pierre, et on y lit Varia ou Maria. Le revers du manteau est finement damassé (partie basse).

 

                                         Runan 1370c

 

Le détail de la tête permet de découvrir sous le voile, par transparence, une couronne. C'est du moins l'avis des auteurs du Corpus vitrearum ("Vierge couronnée" p. 96), car je considère qu'il ne s'agit que de la poursuite du motif qui orne l'ensemble de la bordure du manteau.

Beauté du dessin des mains et de celui du visage, dont les yeux sont rehaussés au jaune d'argent.

Un mot sur cette technique, qui devait jadis être apparente sur le visage de saint Pierre, et qui va être découvert sur les personnages suivants : on l'observe à Dol de Bretagne (Baie 8, v.1420), à la cathédrale de Quimper (v.1415) ou dans le vitrail de saint Gilles à Malestroit (1401-1425) L'église Saint-Gilles de Malestroit (56). Vitrail de saint Gilles et saint Nicolas. , ou dans les vitraux du bras nord de la cathédrale du Mans (v. 1435), "ainsi que dans plusieurs panneaux conservés en Ille-et-Vilaine" (C.V. p.28). On voit que cet emploi est limité à un étroit créneau temporel autour de 1420, et spatial dans l'ouest de la France.  Il confère aux personnages une sacralité, extra-humaine, qui évoque  la fonction des fonds d'or dans les icônes ou chez les primitifs italiens. 

Néanmoins, j'ai cru remarquer la même particularité pour l'ânon du Christ dans l'Entrée à Jérusalem de Tonquédec.

Runan 9246c

 

 

 

Runan 1376c

 

Socle : armoiries d'Alain de Kernechriou :

    De Kernechriou (ou de Crec'hriou) seigneur de Lestrézec  écartelé d'argent et de sable

Mais ici, les armes doivent de blasonner  écartelé d'argent et de sable à la cotice de gueules brochant sur le tout

En 1421, Alain de Kernechriou apparaît parmi les 4 nobles de Plouëc-sur-Trieux à la réformation du fouage. En 1437, Alain de Kernechriou appartient aux Nobles de Tréguier et de Goello qui prêtent serment de fidélité (Dom Morice)    

 

Troisième lancette : Crucifixion.

      Fond damassé bleu orné de feuillages et de fruits (grenades ?) qui apparaissent verts par application de jaune d'argent sur le verre bleu. Neuf anges nimbés entourent la croix, dont cinq recueillent le Précieux Sang dans des calices, et quatre se prosternent. Deux os viennent caler le pied de la croix. 

Le Christ lui-même est remarquable par son caractère longiligne et ses traits expressionnistes ou par le ruissellement du sang en longues gouttes souvent groupées par trois.. 

                                Runan 1369c

 


Runan 9254c

 

Socle : armoiries des Le Caourcin :

Jean Le Caourcin de Kerambellec possédait la chapelle privative nord.

Potier de Courcy : Caourcin, Sr de Kerambellec, par. de Runan, — de Remarquer, par. de Penvénan, — de Penanhéro. Réf. et montres de 1427 à 1543, par. de Cavan et Plouec, év. de Tréguier. D'argent à une tête de maure de sable, tortillée du champ.

 

                             Runan 1377c

 

Trois lancettes de droite.

 

                             Runan 1356c

 

 

Quatrième lancette : saint Jean l'évangéliste.

Fond damassé rouge sans motif original. 

Manteau au même galon en festons or à trois perles que le manteau de la Vierge et celui de saint Pierre.

Finesse des doigts entrecroisés.

                                Runan 1359c

Notez à nouveau  les pupilles rehaussées au jaune d'argent, particulièrement impressionnantes ici :

Runan 9249c

 

Tête de lancette :

Au sommet du pinacle central se trouvent les armoiries d'azur au léopard d'or au lambel de gueules de Henri du Parc de la Rochejagu (mort en 1423) et de Catherine de Kersaliou (morte en 1433), dont le gisant se trouve à droite de l'entrée de l'église. Les mêmes armoiries se trouvent aussi au sommet de la lancette voisine dédiée au Christ en croix.

Il s'agit des du Parc de Rosnoën : Église de Rosnoën et ses inscriptions lapidaires : tilde, N rétrograde, et esperluettes! descendant de Maurice du Parc.


 

                                      Runan 1363c

 

 

Socle : armoiries des Le Saint :

Le Saint de Kerambellec : D'argent au lion de sable accompagné de 4 merlettes de même 3 et 1. Leur devise Et sanctum nomen ejus est placé au dessus du retable de la chapelle nord dédiée à Notre-Dame de l'Agonie ...autour des armes des le Caourcin.


                        Runan-1368vvv.jpg

 

Cinquième lancette : sainte Catherine d'Alexandrie.

Fond damassé bleu à rinceaux d'acanthe.

Couronnée, tenant son épée, elle est clairement identifiable, comme appartenant aux quatorze saints intercesseurs et dont on implore la protection face aux dangers du célibat (cf. catherinettes) ou ceux qu'encourent les femmes enceintes.

 


                                   Runan 1358c

 

Runan 9251c

Tête de lancette :

                                          Runan 1364c

 

Socle : armoiries des Lezversault.

Cette identification est donnée par René Couffon et reprise par le Corpus Vitrearum ; l'abbé Monnier les attribuait, avec une lecture erronée (huit besans) aux Le Saint de Kerambellec et de Chevigné, en ajoutant "anciennes armoiries des commandeurs de Dinan". On peut les blasonner de gueules à quatre fuseaux d'argent en fasce accompagné de six besants de même, et les rapprocher des armoiries de Dinan  de gueules à quatre fusées d'hermine posées en fasce, accompagnées de six besants de même

Je recherche donc des informations sur cette famille de Lezversault :

En 1342, Charles de Blois attribua le domaine de Brélidy à la famille de Lezversault. Je trouve mentionnés comme seigneur de ce lieu:

 —en 1453 Yvon de Lezversault,  .

— 1491 : Pierre-Philippe de Lezversault et sa femme Guyonne de  Rostrenen-

— 1501 : Roland de Lezversault

— En 1509 : Jean de Lezversault : Jean de Lezversault (mort après 1509) seigneur de Brélidy et de Lezversault épousa Marguerite de Langourla. A son décès il est qualifié (1511) de "principal héritier et noble fut dudit Rolland de Rostrenen... sr en son temps de Brelledy" ce qui laisse supposer une filiation ; leur fille Péronelle († >1525) * héritière des titres épousa le 13 avril 1505 Jacques du Parc Seigneur de Locmaria en Ploumagoar; sgr de Brelidy et Lézerzault ; le titre de seigneur de Lezversault échut à leur fils François du Parc (>1515-1576), qui épousa  Guillemette de  Kerloaguen  

*Péronelle produit cette année là un aveu pour le domaine  manoir de Lezversault et pour les tenues qui en dépendent à charge de payer  les douaires dus à Marguerite de Bouteville, veuve de Roland de  Rostrenen, seigneur de Brélidy, et à Marguerite de Langourla, dame du Parc,  veuve de Jean de Lezversault (ADLA, B 2296, d'après l'inventaire). Ce qui laisse supposer des liens avec les Rostrenen.

Source : fil de discussion sur yahoo.groupe La Noblesse bretonne.2006.

Une dalle de Runan "portait l'effigie d'un chevalier en armure du XVIe siècle, tombe décorée des armes des Quelen, des Boutteville, des Lezversault et des Rostrenen" (Congrés arch. 1950)

Le même fil de discussion de 2006 signale que "Guy Le Borgne indique : LESVERSAULT en Brelidy Evesché de Tréguier, ancien surnom de cette  maison, C. portoit de gueulle à une fasce fuselée d'argent accompagné de six Besans de mesme trois en chef & trois en pointe , 2 & 1. Maintenant du Parc Locmaria, & Keranroux idem.", entraînant une précision d'Hervé Torchet  "Les armes de Lesversault sont très évidemment dérivées de celles modernes de Dinan (fusées accompagnées de tourteaux, le tout d'hermines et sur champ de gueules."

En consultant à "fusées" le dictionnaire héraldique de Bretagne,   je trouve Cheveigné "4 fusées d'or en fasces, accompagnées" (de sable à quatre fusées d'or en fasce, accompagnées de six besants de même, posés 3, 3. ), puis Dinan (cf.)

Finalement, je trouve dans l'Armorial général de Rietstap :  Lesversault —Bret. De gu. à une fasce de fusées d'arg., acc. de six bes. du même", ce qui confirme le message précédent en en précisant la source, mais induit une confusion en écrivant "une fasce de fusées" avec fusées au pluriel. Voir ici "fusées"

Au total, les armoiries représentées ne sont pas peut-être pas exactement celles des Lezversault , ni exactement celles de Dinan, mais ont des points communs avec les unes et les autres, soit par excès de zèle du restaurateur, soit pour une autre raison.

 

 

 

 

Runan-1356vv.jpg

 

Sixième lancette : sainte Marguerite d'Antioche.

      L'identification de sainte Marguerite (qui accompagne souvent les donatrices, et qui voisine souvent avec sainte Catherine dans toutes les paroisses) n'est pas certaine, car elle tient une croix à longue hampe plutôt qu'un crucifix, et surtout que son fidèle dragon est absent ; aussi Louis Monnier et René Couffon y ont vu sainte Hélène, d'autant que la sainte est couronnée.

Voilà ce qu'écrivent les auteurs du Corpus Vitrearum page 28 :

  "Ces verrières [de Quimper] ont été à juste titre rapprochées de celles de Runan et de Malestroit, où se retrouve le même goût pour les représentations en camaïeu affichées devant des tentures précieuses. La première contient des personnages en pied d'une grande élégance, notamment une sainte Catherine drapées de soieries brodées d'or d'une qualité supérieure aux vitraux de Quimper. L'œuvre, qui paraît un peu plus tardive vers 1423, témoigne de raffinements nouveaux dans le dessin des encadrements architecturaux comme dans l'expression adoucie des figurations"

 Mais R. Couffon nous signale que "ce panneau manquait lors de la découverte de la verrière et a été très habilement refait" ! Louis Monnier le décrivait pourtant en 1900 (Saint Jean et, croyons-nous sainte Hélène et sainte Honorine...).

C'est une incitation à zoomer sur cette splendide robe d'or, son tissu damassé aux pommes de pin. Le brocart est une étoffe de soie rehaussée de dessins brochés d’or et d’argent alors que le damas ou damassé est un tissu (plutôt d'ameublement)  dont les dessins sont tissés et non brodées. Cette robe est très cintrée à la taille, très ajustée sur la poitrine, avec une encolure arrondie , et des manches moulantes recevant les longues mèches de chevelure blonde. Les motifs du tissage sont les fleurs et les pommes de pins.


                                            tissu-damasse  tapis-coupe-velours-bronzin ici.

On admirera aussi la finesse de dentelle des fils d'or qui occupent les coins de la croix.

                                        Runan 1357c

 

 

Mais peut-être n'aura-t-on pas remarqué ce détail : un oiseau, séduit par la parfaite ressemblance des perles de la couronne royale avec des baies sauvages, est venu se poser pour y picorer, continuant à battre des ailes comme un colibri. Éloge suprême pour un artiste, critère comparable à ces chevaux qui ne hennirent que face à un tableau équestre d'Apelle.

 

Runan 9252c

 

Tête de lancette :

                                         Runan 1365c

 

 

Socle (restauré) et Armoiries :

Armoiries mi-parti de Kergrist :  d'or au croissant de sable accompagné de quatre tourteaux de même et de Plusquellec ou Pluscallec chevronné de six pièces d'argent et de gueules brisé d'un lambel d'azur (Tudchentil) (ou selon l'abbé Monnier de Coëtquen : bandé d'argent et de gueules, un lambel à trois pendants d'azur mais ce blasonnement n'est pas retrouvé associé au lambel).

Suite de l'inscription de restauration :

"Cette vitre a été restaurée en 1886 à la fab.[rique] du Carmel du Mans par MMrs Hucher et Fils Successeurs, étant évêque de St-Brieuc Mgr Bouché et recteur de Runan Mr l'abbé F.M. Le Corps ".

Eugène Hucher (1814-1889)  avait repris en 1875 avec son fils Ferdinand la "Fabrique du Carmel', atelier de carmélites (Arrondeau 1997) créé en 1853 et spécialisé dans la restauration des vitraux. Cet ancien employé de l'administration des Domaines, érudit local et ami de l'évêque du Mans Mgr Nanquette avait dessiné dès 1842 les cartons pour les baies du chœur de Notre-Dame-de-la-Couture au Mans, s'était formé auprès des verriers anglais la même année, et avait eu l'idée d'exploiter les calques des vitraux de la cathédrale du Mans, relevés en 1840 par Fialeix, pour les éditer et les colorer en utilisant les carmélites. (Alliou et Brissac 1986) Il devint directeur artistique et archéologique de l'Office des vitraux peints du Carmel du Mans. En 1848 il publie ses  Etudes artistiques et archéologiques sur Ie vitrail de la Rose de la cathédrale du Mans, Monnoyer: Le Mans; en 1850, son Explication des vitraux dits des Monnayeurs placés dans la chapelle du Chevet de la cathédrale du Mans, Monnoyer : Le Mans. Etc. Ce fut aussi un numismate auteur d'une Histoire du jeton au Moyen-Âge, un siggilographe, un amateur de l'Art Gaulois...

Les calques, qui sont conservés au Musée Tessé du Mans, furent édités en un luxueux ouvrage présenté à l'Exposition universelle de 1855.

A la mort de Eugène Hucher en 1889, Ferdinand Hucher lui succéda. L'atelier se trouvait au 116 rue de la Marriette au Mans. Leur travail de restauration —ou de création— se rencontre partout dans l'Ouest, à Saint-Lô, à Dinan, Saint-Pol-de-Léon, Malestroit, Bannalec, etc.

 

 


Runan 1354c

 

 

LE TYMPAN

On y trouve des anges musiciens ( dont l'un joue d'une flûte double ? et l'autre d'un psaltéron), de phylactères avec la devise des ducs de Bretagne A MA VIE, des armoiries couronnées du duc de Bretagne d'hermine plain, ou  mi-parti  du duc Jean V et de la duchesse Jeanne de France. Dans la partie basse, armoiries de Rostrenen à l'extrême gauche ; au centre, deux armoiries de Kernechriou   écartelé d'argent et de sable, et dans les quatre quatrefeuilles, celles, d'azur à dix billettes d'or, quatre, trois, deux et un  de Jean du Perrier comte de Quintin et de son épouse Constance Gaudin décédée en 1423.

 Armes des du Perrier

 

  "Au troisième rang, un écu aux armes des du Perrier et un autre losangé mi-parti : au I, du Perrier, au II, écartelé Gaudin et Brienne de Beaumont, armes de Jean du Perrier, sire de Quintin et du Perrier et de Constance Gaudin sa femme, fille de Péan et de Jeanne Riboule. Enfin au dessus des troisième et quatrième panneaux, un écusson losangé mi-parti du Parc de la Rochejagu et de Kersaliou et autre des armes pleines des du Parc, armes de Henry du Parc Sr de la Rochejagu et de sa femme Catherine de Kersaliou.

Ces grandes armoiries permettent de dater avec une très grande précision la verrière. En effet, l'on sait, d'une part, que c'est par contrat du 3 janvier 1423 que Jean du Perrier, veuf d'Olive de Rougé, épousa Constance Gaudin, et d'autre part, qu'Henry du Parc Sr de la Rochejagu décéda en cette même année 1423 entre le 2 octobre et le 19 décembre. L'on peut donc dater la commande de cette verrière de l'an 1423, les armes d'Alain du Parc, frère et héritier d'Henry, et de sa femme Miette de Tréal n'y figurant pas. Cependant les armes de Catherine de Kersaliou précédant les armes pleines des du Parc indiquent que lors de son exécution, Catherine était sans-doute veuve. Probablement était-elle même la donatrice de la verrière, comme semble l'indiquer la présence de sainte Catherine, elle mourut le 15 novembre 1433.". (R.C.)

 

 

Runan 1347c

 

 

DISCUSSION

Influences stylistiques et atelier.

 

  "La figure des personnages et leurs grandes nimbes, les plis profonds de leurs vêtements dénotent manifestement une influence allemande. Les figures de la Vierge et de sainte Catherine s'apparentent en effet à celles de Conrad de Sœst, du maître de la basse saxe et du maître du Rhin moyen, artistes appartenant tous trois, comme l'on sait, à l'école de Westphalie ; quant aux plis, ils se rapprochent tout particulièrement de la facture du dernier.

Si elle est un peu grise et manque de couleurs, la verrière de Runan est très belle comme dessin. A quel atelier l'attribuer ? En existait-il déjà un à Tréguier ou au contraire doit-on voir là une œuvre de celui de Guingamp ? Il est impossible, en l'absence de textes, de conclure » (R.C)

 Voir Conrad de Soest Wikipédia.


 

Sources et liens.

 — BARTHELEMY (Anatole de)  GUIMART (C.) 1849 "Notice sur quelques monuments du département des Côtes-du-Nord". Bulletin monumental. Collection de mémoires et de renseignements sur la statistique monumentale de la France - 2è série, Tome 5, 15è vol. de la Collection. pp. 35-38.

— COUFFON (René)  1935, "Les verrières anciennes des Côtes-du-Nord" Bulletins et Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord t.67 pp.101-104. En ligne.  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441314t/f126.image

 —  GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel) 2005 , Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes pp.100-102.

 — GÉLARD, François . (1900) - In: Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou (1900), pp 128-135, 372-377

MON(N)IER (abbé Louis)  "L'église de Runan, ses origines, son histoire"  in Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou, Tome XVIII, du 1° sem. 1900 (06/1900)  page 372- Gallica L'abbé Monnier était desservant de l'église de Runan avant de devenir curé-doyen de Mûr de Bretagne.

—Idem (suite) tome XXIV p. 128  ; p.190

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411436v/f387.image.r=runan%20vitrail.langFR

— Idem : la maîtresse-vitre page 134 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411436v/f395.image.r=runan%20vitrail.langFR

Idem page 135 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411436v/f392.image.r=runan%20vitrail.langFR

 :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411436v/f285.image.r=runan.langFR

 — Idem tome XXV, 57, 198

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411435g/f134.image.r=runan.langFR.

ROPARTZ  (Sigismond ),1854 "Les Statues de Runan", dans Annuaire des Côtes-du-Nord , Saint- Brieuc, 1854  En ligne :p. 87 (84-92)

 

— Site Topic-topos 

— Site Infobretagne http://www.infobretagne.com/runan-eglise.htm


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Published by jean-yves cordier
10 avril 2014 4 10 /04 /avril /2014 22:19

Les vitraux récents de l'église Saint-Guinal d'Ergué-Gabéric.

 

 

I. Vitraux de François Lorin.

 Baie 6, 7, et  8 par le maître-verrier François Lorin de Chartres, 1947.

vitraux d'après les cartons d'André Pierre.

1. Saint Guénolé bénissant le jeune Gwénaël.

Signature André Pierre inv. à gauche, Lorin Chartres France 1947 à droite.

                               vitraux-recents 0972c

 

 

2. Découverte de la statue miraculeuse de sainte Anne à Auray par Yves Nicolazic .

 

 


                      vitraux-recents 0971c

 


3. Sainte Famille dans l'atelier de Nazareth.

Signature Lorin Chartres 1947 à gauche et André Pierre inv. à droite.

                         vitraux-recents 0975c

 

 

II. Verrières anonymes du XIXe.

Beaux exemples des stéréotypes de l'art suplicien compassé et fade de la deuxième partie du XIXe siècle. Peut-être dues à Guillaume Cassaigne, vitrier quimpérois installé Place au Beurre, puisque celui-ci est intervenu à Kerdévot.

Baie 1 : Sainte Marguerite et saint François.

Le Corpus Vitrearum y voit "sainte Marguerite et saint Tugdual", mais le parallélisme avec la baie 2 du XVIe siècle montrant deux donateurs présentés par saint François et sainte Marguerite me suggère de voir, à droite, saint François. Les trois nœuds de la cordelière rappelle aux franciscains les trois vœux qu'ils ont prononcé, celui de pauvreté, celui d'obéissance, et celui de chasteté.

Dans l'oculus, la colombe en gloire traversant un soleil radieux.


                         vitraux-recents 0976c


2. Baie de façade 10 saint Pierre et Paul.

 restaurée au XXe siècle. Saint Paul fait la promotion de son Épître aux Éphésiens.

Dans l'oculus, une croix potencée mauve sur fond blanc dans un écu couronné.

                       vitraux-recents 0973c


 

 

Baies de façade 9 : le Baptême du Christ

 restaurée au XXe siècle.

Dans l'oculus, armoiries (fantaisie ,) mi-parti de France et d'argnet à quatre fasces de gueules ?

inscription Ecce Agnus Dei sur l'oriflamme.

Cette vitre "copie" la scène du XVIe siècle qui figure dans la maîtresse vitre :

vitraux 0964c

                     vitraux-recents 0974c

 

 

Baie 3 et 5 : grisailles néogothiques.

non photographiées.

III. Baie 4 :  Verrière géométrique par Hubert de Sainte Marie (deuxième moitié XXe siècle). Non photographiée.

Selon Jean-Pierre Le Bihan, elle remplace "un vitrail kaleidoscope de Cassaigne, date proche de 1850".


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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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