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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 09:30

              L'église de Saint-Thuriau :

            N rétrogrades et autres curiosités. 

 Les faits et prouesses édifiantes de la Vie de Messire Saint Thuriau.

          Vitrail, peintures murales et retables.

 

 

 

 

I. Les sièges des fabriciens dans les stalles du choeur.

  Préférant le détail curieux aux poncifs, je ne débuterai pas par ce qui fait, à juste titre, la réputation de cette église du XV, XVIe siècle agrandie au XVIIe puis restaurée en 1877. Je m'intéresserai aux sièges placés de chaque coté du choeur, car ils conservent encore, tracés à la peinture blanche, les noms des paroissiens (souvent les notables et les cultivateurs les plus aisés) qui avaient été élus, ou bien (car je n'ai pas la preuve qu'il s'agisse des fabriciens) ceux qui avaient acheté de leurs deniers ou de leur mérite ce privilège.

  Leur intéret historique est accentué par le fait que chaque nom est associé à un toponyme, celui de leur habitat sans-doute, mais peut-être aussi celui de leur quartier, ou d'anciennes frairies, amenant à formuler l'hypothèse que chaque quartier puisse élire un représentant ; bref, il y a là une petite énigme que les historiens de la commune ont peu-être déjà élucidée, mais qui m'a retenu un moment.

 

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st-thuriau 7348c

 

 


  Ces inscriptions ne sont pas datées, mais un indice peut nous aider : il y a parmi la demi-douzaine (j'ai omis de compter le nombre exact) de sièges de chaque coté,  un seul dont le nom est inscrits en lettres d'or Et du coté doit, c'est celui du maire de l'époque, Jean-François Le Par, de Kerautuem 

 

st-thuriau-7345c.jpg

 

  Or le Bulletin des Lois de la République de 1871 vol. 36 Bn° 1588 p. 399 mentionne l'attribution du rang de chevalier de la Légion d'Honneur à "M. Le Par, maire de Saint-Thuriau, 38 ans de services municipaux dont 30 ans comme maire". A moins qu'il y ait eu plusieurs maires portant ce patronyme, nous pouvons dire que ces inscriptions datent d'après 1841, ou, en supposant que la décision de la République ne soit  publiée qu'un peu après la cessation d'activité du maire, d'après 1839.

  Or, Saint-Thuriau est une commune assez récente, créée précisément le 1er août 1839 par un arrété de Louis Philippe décrétant que la trève (sous-division d'une paroisse) de Saint-Thuriau sera "distraite" de la commune de Noyal-Pontivy. Je suppose donc que nous voyons inscrit ici le nom du premier maire de la nouvelle commune ; et, pourquoi pas, de son conseil municipal. L'idée avait déjà été évoquée en 1790, puis sans-doute préparée au début du XIXe siècle où les habitants rénovent la chapelle afin qu'elle devienne digne d'être un église paroissiale : construction des fonts baptismaux en 1821, construction de la sacristie en 1831.

  Du coté gauche, c'est Pierre Le Goevel de Perhannes qui est honoré par les lettres d'or. Je n'ai pas trouvé d'information sur ce personnage, même avec la forme Le Guevel qui est la forme attestée.

st-thuriau-7334.JPG

 

  Voici donc la liste partielle des titulaires des sièges des stalles :

1. Stalles de gauche :

  • François Le Par, du Goazu. Il faut sans-doute comprendre "du Gohazé", où se trouve la chapelle du même nom : elle figure sur une chartre de 1160, et apparaît  comme la première paroisse chrétienne fondée dans la région, à partir de laquelle la christianisation se serait étendue ; ce fut une paroisse alors que Saint-Thuriau n'était qu'une trève de Noyal-Pontivy. Le toponyme breton ar Gohazé (Coazé, Cohazé) viendrait de Gozh-, "vieux" et Mazé, où on peut voir une forme bretonne de Matthieu, ou un dérivé de Diazez, "assise" (source : toponymie de Pontivy link).
  • Toussaint Carel, du Goazé. Même commentaire.
  • Louis Le Guidevais de Coconec. Ce toponyme est mentionné par L.T. Rosenzweig dans son Dictionnaire topographique du Morbihan. Une rue actuelle porte le nom de Coet Connec.
  • Pierre Le Goevel de Perhannes (lettres d'or). Le toponyme est retrouvée dans l'actuelle rue Perhanne.
  • Charles Robic du Roch Le Mote(n). L'écluse du Roch se trouve sur le Blavet à l'ouest de la commune, suivie de l'actuelle rue de Rochmotten.
  • Jean-Marie Picard du Moulin. Il existe une rue  Moulin du Roch. Le moulin du Roch date de 1471. En 1860, le canal du Blavet fut agrandie pour permettre le passage de péniches plus fortes, et la minoterie se vit dotée d'une écluse et fut rehaussée de deux niveaux. 
  • Julie Oliviero de la Vieille-Oussaye. Le lieu-dit, puis la rue de la Vieille Houssaye se trouvent au Nord, vers la fontaine de Houssaye (sur la commune) et la Chapelle de la Houssaye (sur Pontivy). Le toponyme figure sur la carte de Cassini. On dispose d'un certificat de naissance du 11 juin 1820en la mairie de Malguenac  concernant l'enfant Guillemette, née de Pierre pierre 37 ans laboureur du village de Coëtmeur et de Julie Oliviero son épouse.

2. Stalles de droite

  • Vincent Guiguende de K/Lodet. C'est le premier exemple de l'abréviation des toponymes en Ker- par un K dont le jambage est barré. J'avais déjà rencontré l'abréviation par omission des lettre -er en épigraphie, notamment sur les murs des monuments religieux de Plogonnec, au XVIe siècle, mais son usage au XIXe siècle et l'emploi de ce signe barrant le K fait l'intérêt de cette constatation ; les autres toponymes en Ker- seront également abrégés par ce procédé. Le Lieu-dit Kerlodet est encore attesté actuellement par une Cité de Kerlodet et une rue au nord-ouest du bourg.
  • st-thuriau 7338c

 

  • Louis Le Par de K(er)autuem. Avec François et Jean-François, c'est le troisième membre de la famille Le Par, manifestement bien implanté à Saint-Thuriau. On n'emploie plus la forme Kerautuem, mais c'est Kerautem qui est toujours attesté comme l'un des quartiers de la commune.
  • Joseph Guégan de Calavre. Calavre est l'un des quartiers actuels de Saint-Thuriau : en partant de l'écluse du Roch à l'ouest et en se dirigeant vers le bourg, on empruntera les rues de Rochmotten, de Kerautem, puis de Calavre. Le toponyme figure sur la carte de Cassini (Calavre).
  • Mathurin L...
  • Pierre Guégan de K(er)ihuel. Le ruisseau de Kerihuel et le lieu-dit du même nom se trouvent au nord de la commune.
  • Jean-François Le Par de K(er)autuem, maire : déjà mentionné; le toponyme correspond à un actuel quartier de la commune.
  • Mathurin Le ...de K(er)leau.
  • Mathurin...L..NE..EK(er).  Bizarrement, tous les noms débutant par Mathurin sont partiellement effacés!
  • Joseph Le Par du Goazé , quatrième Le Par, et troisième mention du quartier de Gohazé.
  • Jean-Pierre Robic du Roch Le Motten. 

 

II. La voûte lambrissée et ses peintures: Vie de saint Thuriau.

 

  Le lambris a été peint par un peintre italien en 1779 ; mais il a sans-doute été repeint (par une main anonyme) puisque l'on sait qu'à la Révolution les "bleus" mirent le feu au mobilier de l'église, et que la voûte en était restée complètement noircie et avait du être repeinte. Quoiqu'il en soit, les peintures dont la vue est offerte au spectateur ont un charme naïf bien séduisant. En outre, les inscriptions accumulent comme à plaisir les N rétrogrades dont je suis friand. Enfin, on peut y étudier les costumes des personnages, reflet sans-doute fidèle de ceux que portaient les paroissiens. 

  Si la voûte a été repeinte, on a respecté les inscriptions des commanditaires, ce qui témoigne d'une fidélité à l'oeuvre de 1779 : ces inscriptions se trouvent à droite et à gauche du choeur, sur le lambris des bras de transept.

  A droite nous lisons "Méliau Le Féllic trésorier en charge a fait faire ce lanbri."

  "Méliau" ou Miliau ou Milio est un prénom breton renvoyant à saint Méliau, à laquelle la paroisse proche de Plumiliau est consacrée.  Méliau Le Fellic, né le 15 juin 1741 s'est marié à Saint-Thuriau le 28 janvier 1765 avec Louise Héno ; il est aussi attesté comme parrain de Méliau Héno. Il eut trois enfants, Pierre, Marie et Jacquette. Il avait donc 37 ans lors de la peinture du lambris. (source : Yasni :link)

  L'orthographe "lanbri" est fautive et non seulement désuète ; mais elle permet de découvrir l'étymologie du verbe lambrisser, à l'origine du nom. Ce verbe, sous les formes lambruschier (1175), lambroissier (1225) puis lambrisser (1449) vient du latin lambruscare, "orner avec les vrilles de la vigne", du latin lambrusca, "vigne sauvage" (Source : CNRTL, Trésor de la Langue Française). On "lambrissait" les murs par des ornements de platre ou de stuc, et non seulement par des planches de bois comme la plupart des charpentes des chapelles et églises bretonnes.

 

                                st-thuriau 7318c

 

La seconde inscription mentionne : "Messire Lebare recteur Monsieur Le Mouel curé. Le sieur Relo pretre 1779."

  Les deux derniers noms sont attestés au XVIIIe siècle sur la paroisse. (Louis le Mouel, né en 1772 et Jeanne Relo).

Le recteur de Noyal-Pontivy de 1773 à 1791 est bien Louis-Marie Le Bare.

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1. Le cycle de saint Thuriau.

  Il comporte 24 panneaux, faisant le tour de la voûte.

  La vie de saint Thuriau est décrite par Dom Lobineau (Vie des Saints, link) en 1725, ou plus précocément par Albert le Grand v. 1640 dans sa Vie des saints d'Armorique link . C'est le livre de ce dernier auteur qui semble être à l'origine de ces peintures. D'autant que le frère Le Grand était de Morlaix.

 Vue générale de la nef. Le cycle commence au fond à gauche. J'ai reconstitué l'ordre comme j'ai pu. Parmi ces six panneaux de gauche, trois s'inscrivent dans un encadrement en arc  croisé, et les trois autres dans un cadre presque carré, entourés de rinceaux de roses. Au sommet, des anges portant des écus alternent avec des quatrefeuilles et autres motifs.

peintures 7361c

 

LE JENNE St-THURIAU GARDE LES MOUTONS.

  On remarque le costume que porte le jeune Thuriau, très proche de celui des statues de saint Isidore, et donc des cultivateurs aisés de la Bretagne du XVIIIe : chapeau "breton" rond et noir, redingote ou veste longue à boutons dorés au dessus d'un gilet blanc (que l'on découvre sur les autres panneaux) et d'une chemise blanche, ; pantalon court (braies) qui n'est pas ici plissé, et dont la partie basse est serrée par  trois boutons ;  guêtres blanches et chaussures noires à boucle dargent. C'est, d'après les spécialistes, le costume de tous les paysans du royaume, sans particularité régionale avant le milieu du XIXe siècle.

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St THURIAU PRIE AU TOMBEAU DE St SAMSON.

       Saint Samson, l'un des sept saints fondateurs de Bretagne, est mort à Dol vers 565. Son tombeau se trouve dans la cathédrale de Dol.  il  avait fondé l'Abbaye de St-Samson (voir infra) et est reconnu, par tradition, comme le premier évêque de Dol.

  Albert le Grand donne cette scène comme fondatrice dans la vie de Thuriau. 

 

"Ne faisant encore que sortir d'enfance, touché de Dieu, il conçut un saint mépris pour les choses terriennes, élevant son esprit aux Célestes et Eternelles, &,voulant servir parfaitement à Dieu, il sortit de la maison paternelle en habit déguisé. & se rendit dans la cité de Dol, où il visita en grande révérence, le sépulchre de saint Samson, auquel il rendait une spéciale dévotion, fréquentant son église et priant à son tombeau : Ce qu'ayant remarqué un bon personnage de Dol, voyant la modestie, simplicité,  innocence et piété de ce jeune enfant, il le prit en affection, l'emmena avec luy, l'envoya aux champsen une sienne métairie garder ses brebis ; Présage qu'il devait un jour estre Pasteur, non de brebis et d'animaux, mais d'hommes."


peintures 7368c

 

St THIARMAIL ENTEND St THURIAU CHANTER.

  Thiarmail ou Armael était évêque de Dol ; remarquant les dispositions particulières pour l'étude du latin et des matières sacrée tout autant que sa voix mélodieuse, il l'adopta comme son fils, lui enseigna les lettres sacrées, l'ordonna prêtre puis le nomma comme successeur à la tête du diocèse de Dol.

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St THIARMAIL DEMANDE St THURIAU A SON MAITRE.

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CE MONSIEUR DONNE UN PRECEPTEUR AU JEUNE St THURIAU

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St THURIAU RENONCE AU MONDE. 

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  Quittant le coté gauche de la nef pour le bras nord du transept, nous découvrons la suite (quatre panneaux) : on retrouve les deux types d'encadrement, carré et en arc, mais un motif apparaît, celui d'un rideau de théatre frangé d'or soulignant la sollennité de la scène. On verra cette draperie culminé avec les deux dernières réalisations, l'Assomption et saint Isidore.

 

St THURIAU EST ORDONNÉ PRÊTRE.    

avec deux beaux N rétrogrades.

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St THURIAU VISITE LES MALADES.

 

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St THURIAU EST ÉLU ABBÉ DE St SAMSON.

 Avec un N rétrograde à la fin du nom SAMSON.

  Albert le Grand : " Il fut fort soigneux de conserver les lys de la chasteté (qu'il garda entière jusqu'à la mort), son humilité était très profonde ; iune simplicité si naïve et innocente que c'était merveille. Bref, il profitait si bien dans ce monastère que l'archevêque l'ayant promeu d'Ordre en Ordre jusqu'à la Prestrise, le fit Abbé du dict Monastère et Supérieur des autres clercs : à laquelle Dignité se voyant élevé, il s'humiliait et s'abaissait en soy-même, sans, en rien, se préférer à ses compagnons.."

 

On  voit que le peintre a su montrer combien Thuriau était moins dissipé que ses camarades en soutane, trop prompts à chahuter.

 

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      St THURIAU EST SACRE ARCHEVÉQUE DE DOL.

  L'exactitude éxige de préciser que saint Thuriau fut évêque, et non archévêque de Dol, le siège archiépiscopal n'ayant été créé par Nominoé qu'en 848, avant que Dol ne soit rétrogradé au rang d'évêché par Innocent III en 1208.

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  L'histoire se prolonge dans le choeur, coté gauche (deux grands panneaux), puis droit (deux autres panneaux) : elle raconte les aventures d'un certain Rivalon. Elle s'accompagne de  panneaux  décrits plus tard.

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RIVALON MET LE FEU A L'ABBAYE DE St SAMSON

  Rivalon est "un puissant et riche Seigneur, mais  fort meschant furieux et cruel" (A. Le Grand) "lequel, sans aucun sujet, par une pure malice et forcenerie, mit le feu dans un monastère". Tout y brula, sauf, O miracle, le missel où étaient les saintes évangiles, qui, échappant aux flammes, sauta de l'autel pour gagner le jardin où les bons moines regardaient brûler leur monastère. Je commençais à penser que ce détail avait été ignoré par l'artiste, mais en réalité, on voit bien, au dessus de la mitre de l'Abbé, le missel enflammé et volant.

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St THURIAU FAIT A RIVALON RECONNAITRE SA FAUTE.

        C'est ce que l'on nomme du beau nom d'admonestation, un mot issu du telescopage d'admonere (avertir) et de molestus (pénible). Les plus belles et les plus pénibles  admonestations sont vertes, et on peut gager que Thuriau admonesta vertement Rivalon en lui passant un savon. 

 

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St THURIAU IMPOSE UNE PENITENCE A RIVALON.

  Je suis décu : j'ai beau observer la peinture, je ne vois pas que l'artiste ait représenté ce détail crucial du récit de la mirifique Vie de saint Thuriau où, Rivalon ayant promis de réparer sept fois son exaction (et même de rendre au monastère "sept fois le double"), "voilà, chose admirable, une très claire et brillante colombe, laquelle rependait des rayons et une extrème clarté par toute la maison, descendit et se reposa quelques temps sur l'épaule du Saint, lui parlant à l'oreille".

  Une note du texte (de Morcet de Kerdanet) révèle qu'il s'agissait, suivant les actes, de l'archange saint Michel, qui s'était transformé en colombe. Ce qui est un prodige inouï.

 


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RIVALON TRAVAILLE A REBATIR L'ABBAYE DE St SAMSON.

Nouvel N rétrograde sur Rivalon.

 

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Bras sud du transept : quatre panneaux:


      St THURIAU FAIT PLANTER UNE CROIX.

Trois N rétrogrades, dont un sur le titulus.

  On ne comprend rien de cette image si on n'a pas le texte d'Albert le Grand pour expliquer que cette érection est destinée à commémorer une vision qu'eut le saint : car la foule de Dol qui l'accompagnait lors des processions de Rogations l'entendir crier en regardant en l'air : "Or, je vois  le Ciel ouvert et les Anges du Seigneur porter l'Arche du Testament". Une croix de pierre fut plantée à l'endroit même de la vision béatique.

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St THURIAU RESUSCITE UNE FILLE NOMMÉE MELDO.

Outre l'orthographe "resuscite" au lieu de "ressuscite", on note deux nouveaux N rétrogrades

  Saint Thuriau rendit la vie à trois morts ; mais on n'a conservé que le nom de cette jeune Meldoc, la fille de Guiridgal, qui a eu la chance de se faire enterrer au moment où Thuriau passait en présence d'une multitude de fidèles. C'était, d'ailleurs, tout-près de cette croix que nous venons de voir dresser. Il exigea seulement à la famille d'attendre qu'il ait fini sa prédication, pui se mit à l'ouvrage et opéra le miracle. Les parents le remercièrent.

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St THURIAU PRECHAIT AVEC ONCTION.

 Avec deux nouvelles occurences du fameux N à l'envers.

"Prêcher avec onction" et abondance de coeur, c'est prêcher en apôtre, sous l'onction du Saint-Esprit, l'onction secrète de la grâce. Lorsqu'Albert Le Grand écrivait sa Vie des Saints d'Armorique, c'était la grande période de la prédication, des foules rassemblées et édifiées par l'abbé Le Maunoir après Michel Le Nobletz. Cette onction oratoire suscitait les conversions les plus  éclatantes, les guérisons les plus extraordinaires. 


peintures 7377c

 

      St THURIAU MOURRU LE 12  JUILLET   749.

  La date communément acceptée pour le déces du saint est celle du 13 juillet. On corrigera mourru par " mourut" et on s'interessera à la veillèe mortuaire. La chambre est tendue d'étoffes noires ornées de tête de mort et d'os croisés blancs. Un crucifix est placé entre les mains jointes du défunt. Un prêtre est assis à sa droite, et un goupillon placé dans le seau d'eau bénite. On s'étonne de l'absence de cierges.

  En France, l'organisation de la cérémonie, et la capacité de procurer " draps, serges blanches et noires, velours, satins, robe de deuil, plaques, dais, chapelles ardentes, argenterie et toutes autres choses" était le privilège depuis 1641 et jusqu'à l'An II d'une Corporation des Crieurs. Ceux-ci, ou un convieur, un clochetteur, passent chez les amis, les voisins et la famille pour les inviter à la veillée mortuaire plutôt qu'à l'enterrement lui-même pour lequel  on adresse un "billet d'enterrement".

L'assistance récite le chapelet, le Salve Regina, puis à la levée du corps le prêtre asperge le corps d'eau bénite et récite le De Profundis.

 Le saint fut enterré dans la cathédrale de Dol, comme saint Samson.


peintures 7376c

 

 

Après les dix-huit panneaux consacrès à la vie du saint, on  contemple enfin le lambris de la nef, coté droit : six panneaux sont répartis en symétrie des six du coté gauche, mais se consacrent à la période posthume, aux miracles attribués aux reliques, et au culte de ces reliques :

 

 

 

DES MACONS TRAVAILLENT LA FETE DE St THURIAU.

  Là encore, difficile de comprendre cette image sans l'aide du grand Albert : mais je suis fatigué de recopier le texte, qui est ici un peu long. C'était à Paris, après que les reliques y aient révélé leurs pouvoirs : on fétait la Saint-Thuriau avec faste, mais voilà qu'un architecte mécréant ou aussi ignorant des coutumes que s'il était tombé de la lune, décida de faire travailler ses maçons en ce jour chommé. Ceux-ci "avaient plus besoin de gagner de l'argent que de gagner des pardons" et le patron les menaçait de les licencier sans indemnité. On voit le résultat : patatras ! Les maçons s'y rompirent les quatre membres alors que l'architecte se rompit le col (le cou, et non le col du fémur). C'était le chantier de l'église Saint-Etienne.

 


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  RELIQUES DE St THURIAU EN PROCESSION POUR OBTENIR DE LA (pluie).

        Ces reliques sont figurés ici par un buste bénissant de saint Thuriau en costume d'évêque. 

  " ...la louable coutume à Paris, quand le sécheresse est excessive,de porter en solennelle procession le corps de saint Thurian, et par son intercession, ils obtiennent de la pluye."


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LE FEU PRIT DANS L'AUBERGE ET FUT ETEINT PAR St THURIAU.

    L'incendie est tel qu'il resiste à tout : l'aubergiste a engrangé là une quantité invraisemblable de paille et de foins.  Les gens du quartier viennent de se précipiter à Saint-Germain, où les Os Sacrès de saint Thuriau sont conservés en son reliquaire sur l'autel Saint-Michel ; les bons moines leurs confient les saintes Chasses et les voilà partis. 

  Aussitôt que les reliques sont apposées aux flammes que celles-ci, "chose merveilleuse !", s'éteignent.


peintures 7362c

 

LE FEU DANS LE SELLIER DU ROI ETEINT PAR St THURIAU.

  C'est presque la même histoire : " La saison des vendanges approchant, on accomodait, es celliers du roi, les vaisseaux et fustailles destinez pour y recevoir le vin de provision : comme on faisait bouillir du goudron, de la braye, de la  poix pour poisser et cimenter lesdites tonnes, le feu se prit à la poix & étouppes, de là aux vaisseaux mêmes, puis au cellier, puis du cellier au Palais Royal, qui était tout-joignant. Mais si subitement qu'on ne put si-tost y remédier que la flamme ne se fust eparse partout ; on y accourut de toute part pour tascher à y remédier, mais en vain. On courut aux prochaines églises, d'où l'on apporta les saintes Reliques pour les apposer, comme très forts boulevards à la fureur de cet élément. " Mais ces reliques de premier secours s'avérèrent vaines, et il fallut recourir à celles de saint Thuriau, qui furent mises dans un chariot ; elles y firent miracle.

  L'église de Saint-Germain-des-Prés disposa de la puissance de cette Châsse jusqu'en 1791, où les reliques furent détruites. Une autre partie de son corps, conservée en la cathédrale de Chartres connut le même sort lors de la Révolution. C'est la raison principale de la création par Napoléon du premier corps professionnel de Sapeurs-pompiers.


 

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LES NORMANDS FONT LA GUERRE AUX BRETONS POUR AVOIR LES RELIQUES DE St THURIAU.

        Le peintre a représenté les "normands" comme la troupe de l'ancienne province de Normandie, mais les normands qui ravagèrent le pays de Dol au IXe siècle, ce sont les "gens du Nord", les scandinaves, les Vikings, quoi! Et face à cette invasion, de nombreuses reliques, comme de nombreuses archives, furent transférés vers l'Est. Dol de Bretagne fut pillée, libérée, pillée à nouveau en 944 ou en 996, et les bandes vikings d'Olaf Lagman ne ressemblaient pas du tout aux troupes de cavaliers qui s'affrontent ici. 

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TRANSPORT DES RELIQUES DE St THURIAU A SAINT GERMAIN LAUXERROIS.


 

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III. Voûte lambrissée, les  autres peintures.

Dans les bras du transept, deux grands panneaux montrent, de manière très théatrale, du coté nord l'Assomption de la Vierge et du coté sud saint Isidore.

1. L'Assomption :

  Sous un dais de velours bordeaux couronné, doublé d'hermines, la Vierge s'élève parmi les nuées.

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2. Saint Isidore.

  On sait que ce saint espagnol est le patron des laboureurs. Il a droit ici aux mêmes honneurs que la Vierge, au même dais couronné, mais c'est dans une niche encadrée par deux dauphins, entre les colonnes de marbre et sous les pots à feu qu'il apparaît, la faucille d'une main et la gerbe de blé de l'autre, dans son costume traditionnel. C'est le costume du paysan endimanché du XVIIIe siècle, celui qu'il porte aussi dans toutes les statues à son éffigie de presque chaque chapelle d'une région qui lui voue un culte fervent : de haut en bas le chapeau rond de feutre noir, la veste longues, à basques et  à boutons dorés ; la large ceinture de cuir sur une chemise blanche ; les braies plissées serrées sous les genoux par des rubans rouges; et puis les guêtres blanches qui sont retenues sous les chaussures noires. Bref, la litanie habituelle.

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                                    st-thuriau 7317c

 

3. Dix autres figures du choeur :

 

  Et puis viennent dans le choeur les figures de saint Athanase et de saint Patern, des quatre évangélistes (registre inférieur), de saint Joseph tenant le lys de sa chaste pureté, d'un ange présentant un enfant, de saint Etienne (tenant trois pierres de sa lapidation), et d'une sorte de Petit Prince qui est peut-être saint Louis.

Au total, 36 panneaux, auxquels il faudrait ajouter les figures des médaillons : une vraie concurrence à la chapelle Sixtine.

 

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Saint Joseph ; l'ange (gardien?)

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Saint Marc et le lion ; saint Luc et le taureau.

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IV. Les retables.

 

1. Bras de transept sud : saint Jean-Baptiste.

 Jean-Baptiste est entouré de saint Matthieu ...et de ?

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2. Retable bras sud du transept : le don du Rosaire.

  Au centre, tableau représentant le don du Rosaire à saint Dominique et sainte Catherine, avec les médaillons des mystères du Rosaire.

 A droite, Vierge à l'Enfant ; à gauche saint Julien.

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3. retable du maître-autel.

  Sous Dieu le Père dans une niche en situation dominante, un tableau représente l'Assomption. On retrouve, peint sur le mur, le même dais de velours rouge, les mêmes glands de passementerie et le même fond d'hermines que ceux qui présentaient, dans les lambris, saint Isidore ou la Vierge. Une inscription précise "Autel privilégié pour les défunts".

  Les niches latérales abritent la statue de saint Thuriau à gauche et celle  de saint Nicolas à droite.

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 Un exemple des sablières :

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Pour terminer, le cadran solaire de 1636:

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  Lire, à suivre : église de Saint-Thuriau, le vitrail du XVIe siècle. L'église de Saint-Thuriau : le vitrail du XVIe siècle.

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Published by jean-yves cordier
7 septembre 2012 5 07 /09 /septembre /2012 21:36

    La chapelle de La Trinité à Cléguerec

     et son arbre de Jessé.

  Si la paroisse de Cléguerec est mentionnée dès le IXe siècle, la construction de la chapelle de la Trinité au creux d'un vallon date du XV ou XVIe siècle. C'est un édifice sur un plan en croix latine à la nef séparée du choeur par un jubé surmonté par une poutre de gloire. 

 

 

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I. L'arbre de Jessé.

 Il porte paraît-il la date de 1594 et le nom de Dréau. Il se trouve dans le choeur, à la droite de la maîtresse-vitre. Il est l'un des dix-neuf haut-reliefs en bois de Bretagne représentant Jessé et son arbre généalogique qui, à travers les douze rois de Juda, conduisent à la Vierge et à son Fils. Parmi ces dix-neufs exemples iconographiques, qu'il est passionnant de comparer entre eux, j'ai déjà rendu visite à ceux de :

 

Vue d'ensemble :

 Il est composé de cinq sous-ensembles se détachant sur un fond uni violet : les anges, la Vierge, les six rois de gauche, le six rois de droite, et, en bas, Jessé et la démone.

  Le cadre de la niche alterne les motifs successivement or-rouge-or-bleu-or-vert-etc... Ce sont aussi les couleurs des figures centrales, auxquelles s'ajoutent le mauve, le marron, le vert foncé, le rose des carnations, et quelques touches de noir.

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Partie supérieure de la niche

  La niche est très bien conservée ; son dais à huit colonnes est décoré de grotesques rose et or d'inspiration italienne selon le goût Renaissance: mascarons grimaçant, oiseaux affrontés sur des entrelacs de feuillages, silhouette monstrueuse, où tout se relie par une tige végétale.

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La vierge et l'Enfant :

        La Vierge est debout sur le croissant lunaire comme la Vierge de l'Apocalypse, et ce croissant repose lui-même sur une corolle florale. Elle est vêtue  d'un manteau bleu doublé d'hermines et largement bordé d'un galon d'or, alors que des motifs dorés apparaissent comme des impressions sur le tissu ; un pan croise l'abdomen pour venir s'attacher à gauche. Ce manteau recouvre une robe dorée cintrée par une ceinture et au décolleté carré ; les manchettes sont ornées de croisillon et laissent voir la dentelle gaufrée de la chemise.

  La coiffure est du type qui m'intéresse depuis que je l'ai découverte sur toutes les Vierges allaitantes du Finistère  Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu.: C'est une sorte de voile dont les pans retiennent les cheveux vers l'arrière en se rejoignant derrière la nuque.

  Marie présente à son Fils une poire, comme sur une estampe de Dürer de 1511, un tableau de G. Bellini de 1490, et on n'y verrait qu'un symbole de fécondité ou de fructification si on ignorait que Cléguerec est surnommée la capitale du Chistr' per, ou cidre de poire et qu'une espèce propre au pays, la per boreign ou poire borgne, dont le poiré se conservait six ans, abondait sur les talus. On découvre alors une Vierge à la poire à la chapelle Notre-Dame-de-Saint-André, une autre à la chapelle Sainte-Anne de Boduic (où l'Enfant-Jésus tient une bouteille de poiré !), 

 

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Au dessus, trois anges devaient soutenir la couronne mariale, qui a disparu. J'admire la grâce attitudes, la délicatesse des coloris orangé, mauve ou bleu-ciel des robes et tuniques. 

 

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Les rois de Juda

  Ils sont tous barbus (sauf un de chaque coté), tous couronnés et tiennent tous le sceptre (sauf David), mais chaque roi est différent.

 

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La démone et Jessé. 

  Il est des spécialistes de tout : s'il est quelqu'un qui connaît tout sur les démones bretonnes, c'est bien le docteur Louis le Thomas qui leur a consacré un ouvrage, puis est revenu à leur description dans son article Les Arbres de Jessé Bretons du Bulletin de la Société Archéologique du Finistère de 1963. C'est en anatomiste qu'il y décrit la maudite fille de Lilith de la chapelle de la Trinité à Cléguérec : "Aux pieds de Jessé, Démone avec visage frontal et tronc en torsion légère. Mamelles discoïdes".

   Il a choisi la meilleure part, et elle ne lui sera point ôtée, la place de sénologue des démones armoricaines ; et je me détournerai des charmes équivoques de la belle cornue qui joue à la balle sur la plage en nageant pour me charger de la partie botanique du dossier. Certes mon confrère Le Thomas a noté "l'implantation thoraco abdominale du tronc de l'Arbre" Jesséen, mais ce n'est pas la moindre des originalités de cet arbre-ci que de croiser, sitôt issu des entrailles ancestrales, la ligne médiane pour virer à senextre avant de se diviser en deux troncs secondaires horizontaux, Jessodavidien à gauche et jessoroboamien à droite ( truncus circumflexa senestra et truncus circumflexa dextra ) dont chacun va se redresser pour suivre l'axe saggittal, drainant la sève de façon ascendante sans anastomose avec le système controlatéral en abandonnant, à chaque étage royal,  un rameau. Originale, cette partition que dépasse aisément n'importe quel arbre bronchique (arbor bronchialis, TA), arbre urinaire (systema urinarium, TA) , ou réseau dendritique neuronal ? Non, bien-entendu.

   Non, ce qui n'est pas banal en matière de Jesséologie, c'est la façon dont la queue de la démone va, par une rivalité mimétique qui passionnerait René Girard, adopter l'aspect exact du tronc jesséen, le croiser en le dominant et l'imiter jusque dans son développement horizontal, mais, bien incapable néanmoins de culminer en tractus ou en truncus, achopper en un lamentable noeud de mouchoir puis en  queue de cochon (caudus porcus ) ou  en tire-bouchon : ce plagiat, ce mauvais pastiche du chêne généalogique, comme un soufflé raté ne parvient pas se dresser et s'écroule en désastre, en eau de boudin.

  Jessé, l'air de celui qui n'a rien vu, poursuit sa lecture.

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      II. La niche de la sainte Trinité.

Datant du XVIe siècle, cet ensemble est assez semblable au précédent, par son dais, où l'on retrouve les mascarons et décors floraux, ainsi que quatre pilastres, ou par son inscription en lettres noires capitales. La couleur violette du fond est également comparable. La niche elle-même est encadrée par deux colonnes torsadées dorées. 

  Au centre se voit un majestueux Dieu le Père à la chevelure superbement bouclée, à la barbe taillée longue et large,  assis sur une cathèdre dorée, coiffé d'une tiare, vêtu comme un évêque d'une chape rouge et or fermée par un fermail d'or. A sa raideur hiératique s'oppose l'affaissement du corps de son fils, grimaçant sous la douleur, portant la main sur la plaie de son coté droit. Seule la barbe crée un lien de ressemblance avec le Père...

  Le Christ pose ses pieds sur le globe terrestre marqué d'une croix, ou globus crucifer. La colombe de l'Esprit-Saint est posé sur sa tête. Ainsi est représenté tout le mystère de l'Incarnation dans la séquence Dieu le Père / Esprit-Saint / Christ / Univers et donc Humanité.

 La puissance de ce Mystère est soulignée par des rayons lumineux divergents en mandorle et par deux fois sept anges que je serais tenté de nommer "séraphins" ( les brûlants), les plus proches du trône  de Dieu, quoiqu'on ne voit pas leurs trois paires d'ailes.

 Sur l'extérieur, ce sont sept anges musiciens 

 


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Anges musiciens : 

  On trouve de haut en bas à gauche un joueur de ? (boite à rythme?) puis de hautbois, puis de flûte traversière ; à droite, en haut le même instrument qu'à gauche, puis une flûte courte, une flûte, et une harpe.

  Ils portent en bandoulière des phylactères dont le texte est très effacé ; on devine quelques lettres. 

 

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   Registre inférieur : à gauche, un personnage tient un phylactère portant les mots MARIA INT... C'est selon toute vraisemblance Joseph. Puis vient la Vierge, couronnée, cheveux longs, au manteau bleu doublé d'hermines et à la robe dorée au décolleté rectangulaire. Ensuite, deux enfants de choeur, à genoux, tiennent chacun un chandelier et, au centre, le calice et l'hostie. Un homme barbu, vêtu seulement d'une tunique serrée par une ceinture, prie à genoux : serait-ce un berger ? Jean-Baptiste ? Je vois bien derrière lui une aile, mais qui appartient à un ange.  

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Le transept nord

 Le croisillon nord est éclairé par une baie vitrée de verre blanc; celle-ci est encadrée par les statues de saint Nicolas et de la sainte Vierge portant son Fils. 

 

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Saint Antoine :

  Du patron des Antonins, il présente tous les attributs : la cloche accrochée à un bâton, le petit cochon, et le costume religieux des membres de l'Ordre des chanoines de Saint-Antoine qui soignaient les victimes du Mal des ardents avant qu'on en découvre la cause sous la forme de l'ergot de seigle contaminant les farines.

  Tous les attributs ? Non, il manque le Tau, la lettre T représentatif de la béquille dont usaient les malades, que les moines soignaient par une alimentation de bonne qualité.

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Saint Bartélémy.

 L'apôtre tient le couteau de son martyre de la main droite, et sa dépouille de sa propre peau marqué de son portrait barbu sur le bras gauche. 

 Saint Dorothée affirme expréssément qu'il a été crucifié, la tête en bas, à Albane en Arménie ; saint Théodore soutient qu'il a été écorché ; et d'autres prétendent qu'il a eu la tête tranchée. Mais comme le remarque justement Jacques de Voragine, on peut concilier chaque opinion, et considérer qu'il fut d'abord crucifié, puis écorché vif pour accentuer ses souffrances, et enfin, dernier chef de pretium doloris, qu'il fut décapité. Nous aurions donc ici le moment où Barthélémy se rend sur le billot.

  Sa représentation la plus connue est celle que Michel-Ange a peint à la Chapelle Sixtine.

  On ne sera pas étonné qu'il soit le patron des bouchers, des tanneurs et des relieurs : il le mérite.

  Sa fête tombe le 24 août, et c'est le hasard du calendrier qui associe son nom au massacre de la Saint-Barthélémy, le 24 août 1572. Il est invoqué ...contre les maladies de peau où il est d'une efficacité redoutable.

  Sa légende rejoint le mythe grec du flutiste Marsyas, dépecé pour avoir oser défier Apollon.

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Saint Mathurin.

      L'Exorciste, c'est lui, brandissant le crucifix chasse-diable et lisant les formules latines du rituel de son De exorcismis et supplicationibus quibusdam de 1614. Avant de procéder, vêtu de son surplis,  aux aspersions d'eau bénite sur l'énergumène (du grec energumenos, "possédé du démon"), il devra d'abord lui placer les extrémités de son étole violette sur le cou.

 

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Le transept sud

Le croisillon sud, partie la plus ancienne, contient un retable  composè d'une toile représentant Jean-Baptiste enfant entouré de chérubins, surmonté d'une niche supérieure encadrée de pots à feu qui renferme un Christ aux liens ou Ecce Homo  et encadré des statues de saint Meen et de saint Patern. Sur l'autel, un ange porte un candélabre.


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Christ aux liens.

 

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      Saint Meen.

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      Saint Paterne

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Ange porte-cierge.

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Le choeur :

  Deux anges portant un chandelier sont placés sur l'autel.

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La colombe du Saint-Esprit

  Élément indispensable de la Trinité, elle apparaît dans un nuage en naperon de dentelle et dans l'irradiation de rayons solaires, sur le lambris peint en ciel étoilé sous-tendu comme un dais à huit fleurs de lys.

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      Le jubé. 

Il date du XVI-XVIIe siècle et a été restauré en 1976. Sa tribune est décorée, coté ouest, par neuf panneaux, deux en faux-marbre, l'un à gauche représentant saint Jean-Baptiste, cinq consacrés aux apôtres groupés par deux, et l'élément central sous le Christ en croix consacré à une déposition. 

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      Saint Jean-Baptiste. Saint Barthélémy (le couteau, le livre fermé) et saint Matthieu ou Matthias (la hache ).

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      Saint Jacques le Majeur (chapeau, bourdon, aumonière)  et saint Jean (imberbe ; calice)

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      Saint Pierre (la clef) et saint André (la croix en X) . Saint Jacques le Mineur avec le foulon et saint Matthieu (lance).

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Dernier panneau :  saint Philippe (la croix) et saint Thomas (le T d'architecte)

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Les sablières

Deux pélerins (?) réunis par un petit personnage central.

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Un homme avec un outil à long manche attrape un animal par la queue ; le second, capuchonné, tend vers sa tête un objet.

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       Deux joueurs de flute : un phylactère reliant les deux instruments est tenu par un ange central.

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Les bannières 

      Bannière de la sainte Trinité où Dieu le Père, l'Esprit-Saint et le Christ en croix sont alignés.

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 Bannière de Notre-Dame : 

La Vierge à l'Enfant sur le croissant lunaire tient une poire entourée d'un ruban bleu.

 

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Published by jean-yves cordier
6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 22:34

          Chapelle Ste-Tréphine à Pontivy.

 

  Il s'agit de l'ancienne chapelle tréviale de Stival, datant du XVe siècle, reconstruite au XVIIe siècle sur un plan rectangulaire et dont la charpente lambrissée date de 1653 ; ce lambris a été peint en 1704. Elle est dédiée à sainte Tréphine, Tryphine, Triphine, Triffine ou Tréffine, en breton sant Trifin, sainte martyre du VIe siècle victime d'un des précurseurs de Barbe-Bleue, et qui était invoquée pour les enfants malades, ceux qui arrivent après terme ou ceux qui tardaient à marcher .

  Le nom Trifina ou Trivina apparaît, selon Albert Deshayes comme la forme féminine de l'anthroponyme masculin Trivin, apparenté au gallois triw, "vrai, exact, fidèle".

 

  Elle est fêtée le 7 novembre et son fils Trémeur le 21 juillet.


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Armoiries sur la poutre avec la date de 1625.

  Les six besants (d'or?) sur fond de gueules évoquent les Malestroit. Ailleurs, les Rohan ont frappé de leurs macles (losanges) et d'hermines les entrants.

 

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 I.  Les représentations de sainte Tréphine.

 

Le grand retable, et les statues de sainte Tréphine et de sainte Noyale, date de 1819 et a été réalisé ou restauré par Jean Le Chevallier, "peinte de Sourn".

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Statue de la sainte en "céphalophore", portant sa tête.

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Statue de procession installée sous son baldaquin couronné, sur son brancard, et vêtue d'une chasuble de la liturgie des Défunts.

  Sur sa tête, un turban rouge orné de pierres précieuses.

 

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  Au dessus de l'autel, un tableau représente le mari cruel Conomor à cheval s'apprêtant à trancher la tête de son épouse. Il est habillé d'une tenue de cuirassier, et la bave de son cheval témoigne de sa rage. 

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II. Le lambris peint et ses neuf tableaux.

  Il a été peint en 1704 par  Jean-Baptiste Le Corre et sa femme. Les maître-peintres de Pontivy  Le Corre père et fils (Louis et Jean) furent actifs de 1685 à 1745 ; on les trouve désignés comme sieur du Pont, et ils signaient leurs oeuvres Dupont. On retrouve aussi un Martin Le Corre, en 1736, ou auteur du retable de Stival en Pontivy, paroisse où Louis avait peint le lambris.

   Leur oeuvre est abondante en Centre-Bretagne et concerne des lambris, des retables, des tableaux ou des restaurations de dorure : lambris de l'église Saint-Cornély à Carnac en 1731, lambris de Saint-Mériadec à Stival,  chapelle Ste-Suzanne à Mûr-de-Bretagne, plusieurs toiles de la chapelle St-Mélec à Lanouée ou à la chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours à Rohan, tableau de l'église de Trévé (22), etc...

    La voûte lambrissée comporte neuf tableaux racontant la vie de sainte Tréphine décapitée par son mari Conomor et ressuscitée par saint Gildas. Les tableaux en forme de médaillons portés par des anges s'intègrent à des éléments architecturaux où s'adossent des atlantes , à des pavillons, des rinceaux ou des teintures, des feuillages d'acanthes. Ils sont légendés par des cartouches à l'écriture appliquée.

   Malgré une facture naïve, il s'agit d'un vrai travail d'ornemaniste, dans le sens donné au XVIIIe de "peintre, sculpteur  ou dessinateur d'ornements pour les plafonds, panneaux ou lambris ou pour les vaisseaux", ou, comme l'expliquait Claude Perrault, "toutes les choses qui ne sont point les parties essentielles, mais qui sont ajoutées seulement pour rendre l'ouvrage plus riche et plus beau". L'artiste puise dans des recueils d'ornements, où abondent les modèles de feuilles d'acanthes, rosaces, coquilles, palmettes, rubans, cartouches ou trophées. Parmi les artistes les plus connus figure Charles Le Brun (1614-1690) et son élève Jean Bérain père (1640-1711), ornemaniste du roi, ou encore Jean Lepautre (1618-1682), mais il faut tenir compte aussi des ornemanistes des arsenaux de Marine à Lorient ou à Brest 

 

 1.

 "Guérok compte de Vannes donne sa fille en mariage au compte Gonomor sous le cauptionnemt de St Gildas d'un report vi pour vie" "A ésté peint lan 1703".

 

 

 

 

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2.     

  La sainte se voyant grosse fuit la tyrannie de son mary et ....l'atrape sous le bois de Lannaux.

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3.

La sainte se voyant poursuivie par son mary se jette de cheval et se cache dans le bois de lanuos mais lui layant trouvé la prend par les chveux luy tranche la tête.

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4. 

Guerock averti par les serviteurs de la sainte de sa mort va avec les gens d'armes et faict transporter son corps dans son chateaux de lermine à Vannes.

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      5.

      Le père de sainte Tréfine vient trouver St Gildas dans son hermitage pour lui déclarer la mort de sa fille et lui souvenir de son cauptionnement

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6

St Gildas estant arrivé au chateau de finance le jeta par terre d'une poignée de sable.

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7. 

St Gildas estant randue à vannes vat au chateau de l'Ermine trouva la ste morte sur son lit il luy remit la teste sur le corps et la resuscita.

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8.

Après estre resuscité elle accoucha d'un fils qui fut nommé Trémeur elle fit bâtir à Vannes où elle finit sa vie.

 

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Statue de saint Louis.

  Placée dans une niche située à droite du maître-autel avec la légende St LOUIS ROY DE FRANCE, elle représente Louis IX présentant la couronne d'épine qu'il a obtenu en août 1238 auprès de Baudouin II, dernier empereur de Constantinople, pour 40 000 livres tournois.

 

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  Statue de saint Isidore.

  Malgré, ou à cause de la petite taille de cette statue, c'est l'une des plus attachantes de celles que j'ai rencontré autour de Pontivy ; elle a perdu le bras droit qui tient traditionnellement la faucille, mais on a attaché une belle gerbe de blé au bras gauche par  une ficelle à gâteau dorée. On admire sa culotte plissée, ses guêtres à sept boutons latéraux, ses chaussures noires, mais surtout sa veste rouge plissée sur le coté, à revers doré et à treize boutons dont les petites poches au rabat boutonné, sais-je pourquoi ?, me séduisent comme ces détails trop réels d'un jouet. Et le chapeau, où est-il passé ?

  Ce n'est pas le costume "mouton blanc" connu au XIXe siècle à Pontivy, mais le costume des paysans, sans particularité régionale, des siècles précédents.


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  Données sur la légende de sainte Tréphine.

 

  La lecture de la bande dessinée des huits tableaux précédents ne donne qu'un aperçu partiel de la légende de sainte Tréphine, et laisse néanmoins dans l'ombre son argument principal : la terrible manie du "meschant et vicieux" Comonor, le mari, lequel, ne supportant pas l'idée que son épouse donne le jour à un enfant, poignarde celle-ci sitôt qu'elle se retrouve enceinte, se faisant veuf comme d'autres se font hara-kiri : or, il avait déjà abusé de "cette manière la plus cruelle et la plus détestable d'abuser du sacrement du Mariage" (dom Lobineau) laquelle consistait en somme "pour assouvir sa concupiscence & pallier ses saletez plutost que pour désir d'avoir lignées, à traiter ses femmes plûtost en qualité de concubines que de légitimes épouses" (Albert Le Grand).

  Nous avons donc affaire à un thème dont l'histoire biblique de Tobie a exposé la version féminine avec le personnage de Sara et de ses sept défunts maris : si Tréphine avait lu son histoire, elle aurait fait brûler du fiel de poisson le jour des noces et alléluia ; mais le lut-elle le long livre au lent débit du laid Tobie ?

  L'autre aspect qui nous échappe en levant le cou vers les lambris peints, c'est que le comte Guérech (ou Waroch 1er)  n'est absolument pas en position de refuser sa fille à l'irascible Conomor (son nom signifie "grand chien"), qui est roi de la Donomée (la partie nord de la Bretagne), comte du Poher, et protecteur de Guérech, qui ne régne que sur le vannetais (Bro-Waroch ou Bro-erec).

  Par contre, ici, la mention d'un cautionnement de saint Gildas "d'un report vie pour vie" (si je déchiffre bien le cartouche) me semble beaucoup plus explicite que les versions de la Vita d'Albert le Grand et de Dom Lobineau : si tu la tues, Dieu reprendra ta vie.

  Il resterait à identifier ce bois de Launnois, ce chateau de l'Hermine et de Finance (dans la région de Vannes) :le chateau de l'Hermine est l'ancien chateau de Jean IV à Vannes.

  Mais avant de vous laisser le soin de vous régaler des récits proposés en lien, je vais me payer le plaisir de recopier le passage le plus beau. A vos mouchoirs !

 

 "Comorre se rendit à Vennes & épousa sa Dame dans le Chasteau de Vennes, & l’ammena avec soy en ses terres, la traittant assez respectueusement, jusqu’à ce qu’il sentit qu’elle fut grosse ; car lors il commença à la regarder de travers ; ce qu’apercevant la pauvre Dame, &, craignant la fureur de ce cruel meurtrier, resolut de se retirer à Vennes vers son pere pour y accoucher, & puis, aprés s’estre délivrée de son fruit, s’en retourner vers son mary. Cette resolution prise, elle fit, d’un bon matin, équiper sa Haquenée, &, avec peu de train, sortit avant jour du Chasteau, & tira le grand galop vers Vennes ; le Comte, à son reveil, ne la trouvant pas prés de soy, l’appelle & la fait chercher par tout ; mais ne se pouvant trouver, il se doute de l’affaire, se lève et s’accoustre promptement, prend la botte, monte à cheval, la suit à pointe d’espron, & enfin l’attrape à l’entrée des rabines d’un Manoir hors les faux-bourgs de Vennes. Elle, se voyant decouverte, descend de sa Haquenée, &, toute éperduë de crainte, va se cacher parmy des halliers en un petit boccage là auprés ; mais son mary la chercha si bien qu’il la trouva. Lors la pauvre Dame se jette à genoux devant luy, les mains levées au Ciel, les jouës baignées de larmes, luy crie mercy ; mais le cruel bourreau ne tient conpte de ses larmes, l’empoigne par les cheveux, luy desserre un grand coup d’épée sur le col & lui avale la teste de dessus les espaules, &, laissant le corps sur place, s’en retourna chez soy. " 'Albert le Grand)

 

sources : 

 

         Concernant saint Trémeur, qui perdit la tête en digne fils de sa mère  voir : Chapelle Saint-Trémeur à Plougastel.   

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Published by jean-yves cordier
5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 21:43

       Église Saint-Mériadec à Stival :

        Le vitrail de l'arbre de Jessé.

 

Voir aussi :

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun :

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Confort-Meilars.

L' arbre de Jessé de l'église de Moulins (35).

L'arbre de Jessé de l'église de Beignon.

L'arbre de Jessé de l'église de La Ferrière.


 

    La belle église saint-Mériadec de Stival (56) à Pontivy possède sous forme de fragments des vitraux du XVe siècle, et deux baies renfermant des verrières du XVIe siècle : la Passion, en baie 2, et un Arbre de Jessé, dans la maîtresse-vitre ou baie 0.

  Ces vitraux sont classés MH 1904. L'arbre de Jessé qui nous occupe est daté par estimation des années 1550, alors que la Passion est datée par une inscription de 1552.

 

  La baie 0 est composée de quatre lancettes trilobées de cinq panneaux chacune, et d'un tympan à cinq ajours.

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I. Registre inférieur.

  On montrera ici huit panneaux puisque les trois personnages occupent indirectement la partie basse des panneaux A2 à D2.


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   Jessé apparaît comme un vieillard très digne, vénérable mais plein de présence . Ni tout-à-fait assis ni allongé, il est installé sur une marche de ce qui pourrait être sa maison, accoudé à un rebord de colonnade, dans la posture qui lui est familière, le front ou la tempe droite supportés par la paume de la main droite ; et, comme toujours, il a interrompu la lecture du livre à fermoir dont il retient la page de la main gauche, et il songe. Ce songe semble doux et agréable, et les images qui se construisent au dessus de lui, nées de la fécondité de son imagination prophétique, ont tout lieu de le satisfaire, puisqu'il voit son fils David accéder à la royauté, agrandir le royaume, développer ses capacités artistiques, respecter plus ou moins les traditions religieuses et morales qu'il se préoccupe de lui transmettre, et transmettre le trône à un fils. Il voit, le chenu vieillard, l'éleveur de brebis de Bethléem, le fils d'Obed, le petit-fils de Ruth la Moabite (une étrangère)  une dynastie se développer comme un chêne dont il serait le tronc et les racines. Il se préfigure une descendance glorieuse sur sept fois sept générations, le chêne n'en finit pas de croître en rameaux droits et vigoureux, et, là-bas, dans la nébuleuse canopée des siècles des siècles, il lui semble deviner une vierge tenant un beau bébé. Une vierge, chair de sa chair, qui conserve toute la gloire et la perfection de sa virginité tout en donnant naissance à un fils extraordinaire (lorsque l'on songe, tout est possible), un plus que roi, le superlatif de tous ces souverains qu'il a engendré, un Roi des Rois. 

  Un vent doux caresse les boucles de sa barbe, agite les tresses rituelles de son vêtement, et sa chaleur l'assoupit un peu plus. Qu'il est bon d'être grand-père d'un roi, qu'il est bon d'être l'arrière-arrière grand-papa d'une vierge impeccable et du Messie ! Car il en est sûr, le boutchou tout là-haut dans les feuilles de chêne et les glands, va, ce sera le Messie.

 

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  Voilà que Jessé voit surgir un personnage qui vient lui parler, et ses paroles, comme c'est amusant, s'enroulent comme un cerf-volant que le vent chaud emporte. C'est du latin, mais Jessé comprend tout comme si c'était de l'hébreu, ce rêve est vraiment épatant, il boit ces paroles comme du petit-lait, Et egredietur virga de radice iesse et flos de radice eus ascendet,  "un rameau sortira du tronc de Jessé, un rejeton surgira de la racine". 

  Et un autre, coiffé comme un nain de jardin, lui fait coucou derrière la couverture  et voilà qu'il parle lui-aussi, que le cerf-volant blanc se déroule comme une publicité tirée par un petit avion dans le ciel d'été : Ecce Virgo concepiet et pariet filium, c'est clair comme de l'eau de roche, Virga à gauche, "la tige", Virgo à droite, "la vierge", "Voici que la Vierge concevra et donnera naissance à un fils", c'est sûr, tout va se réaliser comme il l'a prédit ! Le roi n'est pas son cousin, au père Jessé. 

  S'il avait la vue plus perçante encore, il verrait que ces deux personnages se nomment Isaïe et Jérémie, des prophètes qui viendront des siècles après lui annoncer les bonnes nouvelles dont il a rêvé, et écrire le Livre qu'il tient, c'est merveille, ouvert sur les versets d'Isaïe 11, 1 et Isaïe 7, 14. 


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II. registre moyen, huit panneaux .

  A l'étage du dessus, cavalièrement assis sur le toit du pavillon paternel (une simple bergerie, mais depuis le fameux rêve, Pépé Jessé a des goûts de riche), deux descendants de Jessé, David à gauche, qui ne quitte pas sa harpe, et l'un de ses petits fils à  droite. S'ils se penchaient, ils liraient AVE MARIA GRATIA PLENA, "Salut Marie, pleine de grâce", mais ces paroles sont destinées à rester cachées encore quelque temps.  A l'extrême gauche, c'est Salomon, en position de chevalier servant, l'index dressé vers la cime de l'arbre où il vient de voir sans-doute aussi le Divin Enfant : Bon sang, grand-papa avait raison!

 Les deux rois de droite ne donnent pas leur nom, mais il y a fort à parier qu'il s'agit de Roboam et d'Abia.

Au troisième étage vivent Ionas (3ème gauche) qui a mis son nom, puis trois rois bien fatigués des vicissitudes de la monarchie, puisque deux d'entre eux ont retiré leur couronne, jouant avec ou la portant en bracelet, alors que le dernier siège en turban. Trop épuisés aussi pour se raser, ils gardent des barbes longues comme celles des divinités marines des fontaines d'un jardin de Toscane, support en hiver de stalactites de glace et, en été de tapis de mousses insanes.

 

 

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III. Registre supérieur, quatre panneaux.

  Nous voilà sous les combles, où habitent, dans l'arborescence prolifique du bon Jessé, les quatre derniers rois de Juda de cet arbre ; l'un indique le nom d'Abas. Chaque costume est somptueux, bien différent du voisin, et on retrouve des "attributs" ou caractéristiques présents sur les autres arbres de Jessé du Morbihan, comme l'épée et la dague de l'un, la manière de danser pied nus, le port de pièces d'épaules en forme de gueule, etc... qui nécessiteraient une étude en règle.

  Un exemple : le troisième roi, qui est imberbe, porte sur le bord de ses cnémides (plus savant que "protège-tibia") une inscription : (J)ULIEN.. et AMEN . Émouvant, non?

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Abas : ressemblance avec le carton d'Ezechias (arbre de Jessé de Moulins) ou de Roboam (arbre de Jessé de Beignon). 

 

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Remarquer la beauté des cnémides, et l'inscription qu'elles portent :

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IV Le tympan.

 

  Il me réserve deux surprises : la première est que la Vierge qui culmine dans ce vitrail est une vierge allaitante ; le détail est partiellement caché par la barlotière et m'avait d'abord échappé. La seconde est que l'artiste a repris le motif du "pavillon", cette "tente ronde ou carré terminée en pointe" et qu'on dresse lors des campagnes militaires ou pour les chevaliers après les joutes. Le terme vient du mot paveilun (XIIe siècle), "tente militaire", mais aussi de papillon : c'est une tente de campagne, dont les pans s'ouvrent comme les deux ailes d'un papillon, et dont le sommet se referme en entonnoir comme le pavillon d'un instrument de musique. Vers 1260 il désigne déjà aussi "un dais qu'on met sur l'autel" et si je donne ces explications, c'est à la fois pour mieux dégager la forme de ce dais rouge dont la cohérence est brisé par le réseau de maçonnerie, mais aussi pour montrer comment la reprise du motif de la tente de Jessé, dans ses montagnes arides de Juda, pour abriter solennellement la Mère de Dieu suit l'évolution sémantique. 

   Cela me paraît habile de la part du concepteur du vitrail de reprendre à nouveaux frais le motif initial : en bas, dans les lancettes, l'Ancien Testament développe son arborescence à partir de la tente de l'ancêtre mythique, sous ses couleurs et sous son pavillon. Puis, rupture et continuité, le Nouveau Testament trouve place dans le tympan, étendant les ailes d'un nouvel ordre, d'un nouvel engendrement, sous un autre pavillon tout semblable au premier.

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1. Les deux soufflets inférieurs.


Alors que deux prophètes (qui annonçaient l'avènement d'une vierge et de son fils) créaient l'ouverture de la Maison de Jessé, ce sont ici deux anges, splendidement dessinés, qui tiennent ouvert le dais majestueux et sacré qui abrite la Vierge. Répondant aux entrelacs de rameaux de l'arbre généalogique, un rinceau de feuilles de vignes ou d'acanthe détache ses ornements au jaune d'argent sur le velours ponceau. 

  Je mentionnerai ici la présence  des armoiries qui occupent la tête des quatre lancettes: ce sont successivement de gauche à droite celles de :

  • de Coëtlogon : de gueules, à trois écussons d'hermines (devise : A peb amser Coëtlogon, de tout temps Coëtlogon)
  • de Bahuno : de sable au loup passant d'argent surmonté d'un croissant de même.Les Bahuno du Liscouët, propriétaire du château de Kerdisson, avaient droit d'enfeu et de sépulture en l'église de Stival.
  • de  Lesquen : de gueules à un épervier d'argent, la tête contournée, membré et becqué d'or, accompagné en chef d'un croissant versé entre deux molettes, et en pointe aussi d'une molette, le tout du même.
  • de Lantivy : de gueules à l'épée d'argent en pal, la pointe en bas.(Devise : Qui désire n'a repos)

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2.Le soufflet supérieur et les deux ajours.

  On y voit le sommet tronqué du pavillon, deux anges présentant la couronne au dessus de la Vierge, un phylactère avec les lettres ECCEANU (Ecce agnus Dei qui tollit peccata mundi, Voici l'agneau de Dieu), lequel est placé au dessus d'un enfant que cet inscription désigne comme étant Jean-Baptiste. Marie est vêtu d'une robe mauve ouvert en V sur la poitrine, s'évasant en col montant brodé et ourlé d'or,  et d'un manteau bleu. Elle présente le sein droit à l'Enfant-Jésus. En arrière-plan à droite des éléments architecturaux figurent peut-être une balustrade, composant d'une margelle sur laquelle la Vierge est assise.

Dans les ajours, les armoiries en éminence des Rohan à gauche (de gueules à neuf macles d'or, posés 3,3,3) et de Bretagne à droite.

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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 21:06

Église Saint-Mériadec en Stival (Pontivy, 56)

          Le vitrail de la Passion (1552).

 

 

  Cette baie de la façade sud est faite de trois lancettes trilobées (A à C) de cinq panneaux et d'un tympan ajouré, sur le thème de la Passion et de la Résurrection. Les couleurs principales sont le rouge, le bleu et le violet, le vert, le jaune ou l'or (jaune d'argent), et le vieux rose.

                    passion 6999c

 I. Registre inférieur


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Panneau A1 : Jésus au Mont des Oliviers ; signature du restaurateur.

a) signature inscrite sur le pilier gauche : L'an 1908 fut réparée cette verrière et fut par l'ouvrier Marcel Delon de Paris.

  Cette signature imite le style graphique et la forme  littéraire de la signature du maître-verrier, placée sur le pilier de droite (panneau C1). L'"ouvrier"Marcel Delon est un maître-verrier ou plus exactement peintre-verrier  parisien, élève d'Oudinot avant de créer son propre atelier en 1889,  qui a travaillé en restauration de vitraux, mais aussi bien-sûr en création, par exemple au Couvent des Jacobins de Saintes dans le style Art Nouveau ou au Musée Adrien Dubouché à Limoges.

b) inscription gothique : Come notre signeur s'en fut prier au jardin des olives.

Je rappelle que la scène se passe à Gethsémani, littéralement pressoir à huile" en araméen. Jésus est tourné vers un calice présenté par un ange, alors que les trois apôtres Pierre, Jacques et Jean chargés de l'accompagner des cette nuit obscure se sont endormis. En arrière-plan à droite, on voit la troupe des gardes du Grand-Prêtre arriver : "Comme il parlait encore, voilà que Judas, l'un des douze, arriva, et avec lui une foule nombreuse armée de glaives et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple." (Mat 26, 47) 

   Le Christ est vêtu d'une robe violette, qui servira à le distinguer jusqu'à la scène de son dépouillement, et qu'il retrouvera sur le tympan, après avoir porté lors de la résurrection le manteau rouge pourpre propre à la gloire de cet évènement.

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Panneau B1 : arrestation de Jésus.

Inscription : Come n(o)tre Signeur fut  .. ins par les juifz.

Blason non identifié.

 "Celui qui le trahissait leur avait donné un signe : "celui à qui je donnerai un baiser, c'est lui : arrétez-le ". Et aussitôt, s'avançant vers jésus, il dit :"Salut, Rabbi !" et il lui donna un baiser. Jésus lui dit :" Ami, tu es là pour cela !"; Alors, ils s'avancèrent, mirent la main sur Jésus et le saisirent."  (Mat, 26, 48-50)

            

                  passion 7006c

 


Panneau C1. Comparusion devant Anne.

Inscription : Come notre signeur fut mené devant An(n)as.

 

  Selon Matthieu, Jésus fut d'abord présenté à Caïphe, le grand prêtre, et non à Anne, beau-père de Caïphe et grand prêtre avant celui-ci.

Inscription sur le pilier droit : EN lan 1552 fut faicte cette vitre et f.t lou(v)rier Jeha. Le Flaman.

 

 

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II. Registre intermédiaire.

 

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      Panneau A2 : Couronnement d'épine et scène d'outrage.


Inscription : Come n(o)tre signeur fut co(u)roné par les juifz

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Panneau B2 : Flagellation.

      Inscription : Come notre signeur fut flagellé.

passion 6299c

 

Panneau C2 :

Inscription : Come n(ot)re signeur fut mené devant Anne.

  C'est seulement dans l'évangile de Jean que Jésus est présenté, juste après son arrestation, devant Anne, (ou Hanne, Anan ben Seth), qui l'interroge en son palais avant de le renvoyer à son gendre Caïphe, grand prêtre en fonction cette année-là.

  Sur cette image, Anne porte la tiare et le diadème (ici orné d'un croissant lunaire), en dehors de toute vraisemblance car les habits sacerdotaux ne sont portés que dans le temple.

        A l'arrière-plan, sous une main, on voit la tête auréolée de saint Pierre, qui, pendant cette comparution, assis dans la cour du palais et se réchauffant auprès d'un brasier, est reconnu par les serviteurs, puis par Malchus, celui-là même à qui il a coupé l'oreille lors de l'arrestation : c'est l'épisode du triple reniement de Pierre, et du chant du coq. 

   L'interrogatoire d'Anne a donc lieu en pleine nuit.

  Lire : http://theologiedelepiscopat.chez-alice.fr/episodes/209.htm

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3. Registre intermédiaire 2 :

 

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Panneau A3 :

      Inscription : Come n(ot)re signeur fut prése(n)té aux juifz.

  Cette scène est la plus originale de la verrière. Elle correspond au texte évangélique suivant dans Jean 19, 4-6 : "Pilate sortit de nouveau, et dit aux Juifs : Voici, je vous l'amène dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime. Jésus sortit donc, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit : Voici l'homme."

    Cet épisode est représenté traditionnellement en art statuaire ou en peinture sous le titre Ecce Homo, qui reprend en latin les derniers mots de Pilate, "Voici l'homme". Mais le Christ y est souvent figuré seul. Ici, l'accent n'est pas mis sur le portrait dramatique de l'homme accablé et souffrant, mais sur la dérision, et sur le déchaînement de la "crise mimétique", lorsque par une fascination haineuse qui s'amplifie et réunit toute une foule  contre un bouc émissaire, l'unanimité se forme vers le sacrifice final.

  Le personnage en robe jaune porte inscrit le nom PILAT ; il est représenté en costume et chapeau juif, comme souvent. On ne peut distinguer le reste des inscriptions de sa robe : VCE...SINO.. Il se courbe en avant et adopte la même posture fléchie humiliante qu'il fait prendre au Christ, et tient son sceptre d'une façon comparable à celle par laquelle Jésus tient le roseau qui singe sa royauté, si bien qu'il se crée un jeu de miroir entre les deux protagonistes. La cruauté de l'outrage fait au Christ est dramatiquement mise en scène, et on pense à ce que devaient être les Mystères de la Passion du Moyen-Âge. Le texte de Jean peut être complété par celui de Matthieu, dans laquelle les injures faites au Christ se passent dans le prétoire et sont exercées par les soldats : "Alors les soldats du gouverneur prirent Jésus avec eux dans le prétoire, et ils assemblèrent toute la cohorte. L'ayant dévêtu, ils jetèrent sur lui un manteau écarlate. Ils tressèrent une couronne avec des épines, qu'ils posèrent sur sa tête, avec un roseau dans sa main droite ; et fléchissant le genou devant lui, ils lui disaient par dérision : "Salut, roi des Juifs !". Ils lui crachaient aussi dessus et, prenant le roseau, ils en frappaient la tête".

 

Mais ici, c'est la violence de la foule qui est exprimée : dans les cris, les gestes, les postures, les regard et la haine des visages.


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      Panneau B3 :

Inscription : Come n(ot)re signeur porta sa croix. 

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      Panneau C3.

Inscription : Come n(ot)re signeur fut despoillé.

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4.Registre supérieur :


 

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Panneau A4:

      Inscription : Come notre signeur ressuscita

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 Panneau B4 : Crucifixion.

Inscription : Come n(ot)re signeur fut crucifié.

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Panneau C4. Déposition.

Inscription : Come n(ot)re signeur fut desce(n)du de la croix.

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5. Tympan

  Ce qui est du au restaurateur dépasse très largement l'oeuvre du XVIe siècle. Au centre, l'Ascension du Christ. Dans les mouchettes inférieures, anges dont l'un porte la colonne de la flagellation, l'autre la couronne d'épine. 

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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 20:42

L'église Saint-Mériadec en Stival (56) :

Légende de saint Mériadec, peintures murales.

 

  En 1985 puis en juin 1986, des peintures murales ont été mises à jour, encadrant la maîtresse-vitre du choeur et racontant la vie de saint Mériadec. Classées aux Monuments historiques, elles ont été restaurées par l'entreprise Pierre Laure.

  Elles étaient pourtant déjà partiellement visibles en 1883 pour  l'abbé Euzénot qui décrit "huit fresques qui, pour être anciennes, n'en sont pas moins détestables". ('Bull. S.A.F. 1883 p. 282). Quatre autre étaient masquées.

 Pour les dégager, l'atelier Jean Jubin a du déposer un retable du XVIIIe siècle réalisé par le sculpteur Louis-Marie Le Magado et le peintre Martin Le Corre, retable en bois polychrome classé Monuments historiques en 1982 :

Dans les années 1980, le retable en place, masquant les peintures murales (photographie Jean Jubin) : 

La partie droite du retable majeur de Stival en cours de déposition par l'atelier Jean Jubin dans les années 1980

http://www.pontivy.fr/patrimoine/index.php?post/2010/05/20/De-Stival-%C3%A0-Sainte-Anne-d-Auray

 

   Stival, ancienne trève de Malguénac, est sur le territoire de la puissante famille de Rohan dont l'origine remonte à 1120 et, à cette époque, c'est Jean II de Rohan (1452-1516) qui est vicomte de Rohan, de Léon et comte de Porhoët. Avec son épouse Marie de Bretagne, il exerce une puissante activité de mécénat architectural et artistique ( voir Le retable de la chapelle Notre-Dame de La Houssaye à Pontivy (56).  ), dans le souci d'étendre son influence et de devenir duc de Bretagne. 

  Son souci de doter la chapelle de Stival d'un cycle de peinture dédié à la vie de saint Mériadec est en relation avec la nécessité d'assurer leur légitimité et d'enraciner leur pouvoir puisqu'en 1479, le vicomte de Rohan avait fait établir un  Mémoire où il soutient qu'il descend du troisième fils du roi Conan; les autres fils étant saint Mériadec, l'aîné, et le successeur du roi Conan, le second. Il remonte ainsi, "de père en fils en droicte ligne masculine" au roi Conan, du Ive siècle, avec une double ascendance royale d'une part (plus ancienne que les ducs de Bretagne et que les rois de France), sainte d'autre part avec saint Mériadec, évêque de Vannes. (Voir André-Yves Bourgés, Le contexte idéologique du développement du culte de saint Mériadec http://fr.scribd.com/doc/2348375/Le-culte-de-saint-Meriadec )

Dans le même temps , Jean II fait construire le château actuel de Pontivy, habitable vers 1485, et vers 1500 sa chapelle est consacrée à saint Mériadec. 

 Deux autres sanctuaires honorent ou honoraient saint Mériadec : l'église de Noyal-Pontivy, où se trouve ce qu'on nomme "le tombeau de saint Mériadec" ; et Saint-Jean-du-Doigt à Plougasnou, dont l'église est construite sur un ancienne chapelle dite de Traon-Mériadec et qui conserve une statue et une relique du saint. Ce dernier lieu est bien situé sur les terres d'influences des vicomtes de Rohan, comtes de Porhoët (Pontivy et Noyal-Pontivy) mais aussi vicomte de Léon.

Le vicomte (ou les chanoines à son service) pouvait citer en référence la Vita de saint Mériadec du Légendier de la cathédrale de Vannes (perdu depuis), ou un lectionnaire de la cathédrale de Tréguier (perdu depuis la révolution, mais une copie est disponible).

Nous disposons actuellement de la Vie de saint Mériadec étable par le frère Albert Le Grand  dans sa Vie des saints de bretaigne armorique, Nantes, 1637 ou de celle de dom Guy-Alexis Lobineau Les Vies des saints de Bretagne, Rennes 1725 link. Les Propres des diocèses (partie des bréviaires propre à chaque diocèse pour célébrer les saints locaux) relatent aussi sa légende : Propre de Nantes de 1790, Propre de Vannes de 1660, 1726 et 1757.

 


 

 

 

 

 

 

       Les peintures murales.

 

 Ce ne sont pas des fresques, dont la peinture est appliquée sur un enduit frais, a fresco, et qui sèche ne même temps que lui, mais des peintures a tempera, dont les pigments sont liés à l'oeuf (jaune d'oeuf ou oeuf entier) ou parfois le miel ou le lait et appliqués sur une préparation sêche de plâtre ou de craie : elle est difficile à utiliser car elle sèche vite, durcit et devient insoluble. De plus, elle est sensible à l'humidité. L'aspect en est mat. A Saint-Mériadec, les pigments (rouge de cinabre, bleu azurite, vert de cuivre) protégés par l'écran du retable, ont préservé leur éclat, .

  La datation a pu être précisée par l'étude des costumes et évaluée à la fin du XVe siècle (1480-1500, Charles VIII). En effet, les hauts-de-chausse unis ou rayés, les pourpoints resserrés à la taille, les couvre-chefs à large bords, et le style des chaussures sont caractéristiques.

 

Elles sont organisées en deux sous-ensembles, l'un à gauche du vitrail illustrant l'engagement de Mériadec dans la vie ecclésiastique puis d'ermite, l'autre à droite montrant son accession malgré sa volonté au poste d'évêque de Vannes. De chaque coté, six panneaux organisés en deux registres se lisent en débutant en haut à gauche.

  Je donne en titre celui que je trouve édité sur une plaquette distribuée dans l'église aux visiteurs.

J'ai transcrit les inscriptions en moyen-français comme j'ai pu, n'en ayant pas trouvé de relevé. Les erreurs y sont certainement nombreuses, d'autant que leur conservation est parfois trés médiocre ou parcellaire. Ces légendes répondent à un modèle très répandu sur les vitraux de la même époque (et sur celui de la Passion, de 1552, ici même) débutant par Comment... Des tildes remplacent les lettres m dédoublées, je les ai indiqué entre parenthèse. La première lettre de chaque inscription est peinte en rouge, comme dans les manuscrits et les incunables.

 Après  cette inscription, j'indiquerai le passage de la Vie de saint Mériadec qui lui correspond.

Puis j'étudierai les détails de l'image.

 

 


      I. Mériadec, fils du roi Conan et frère des Rohan.

a) Inscription: Com(m)ent saint mariadeuc, filz du duc de bretaigne . descendu de la ligne du roy cognan prouche du vico(m)te de rohan . Lequel saplicquoyt à dieu le ciur si fort qu'on s'emerveilloyt de la saincte vict qui demenay en (n) la tennelle.

  b) Selon Albert Le Grand, saint Mériadec naquit en 758 en Bretagne armorique, et ses parents l'envoyèrent à la cour du roi de Bretagne "et y demeura cinq ans entiers, vivant parmi les autres courtisans sans se souiller des vices ordinaires de la cour, comme la salamandre dans le feu sans se brûler. Il était dévot envers Dieu, lequel il servait fidèlement."


   L'inscription est proche du texte latin du Bréviaire de Vannes de 1589, reprenant le lectionnaire de cette ville : Beatus Mereadocus de genere Brittannorum ex recta linea consanguinitatis Conani regis magnifici procreatus.

c) On admet que Mériadec naquit plutôt au début du VIIe siècle.  Le roi légendaire Conan-Mériadec serait né en Grande-Bretagne à la fin du IVe siècle, puis serait devenu chef de guerre en Gaules comme duc d'Armorique avant de devenir le premier roi de Bretagne.

d) l'image montre Mériadec assis en train d'étudier, et quatre autres personnages, dont le roi. En arrière-plan, un paysage riche en constructions (tour, toits) sans perspective, avec deux arbres, deux personnages près de la tour et un autre gravissant une côte.

  L'étude des chapeaux montre trois types : celui de Mériadec rappelle le bonnet carré des clercs et se retrouve sur la tête du personnage du milieu. Nous voyons aussi deux chapeaux en forme de cône, et un chapeau à larges bords orné d'une médaille. Comparons aux portraits de Charles VIII (1483-1498):

VIII Charles VIII Ecole Francaise 16th century Musee de Conde Chantilly.jpghttp://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_VIII_de_France


 


 

peintures 6988c

 peintures 6989c

 

 

 peintures 6975c

     II. Mériadec donne ses biens aux pauvres, se fait moine.

a) Inscription : Com(m)ent il don(n)a son bien aux povres; et puis laysa laytat (mondagey?) et semut en ce lieu cy et hermittant au parmi d'un hope qui estayt ycy pour lors amille pas du chasteau de pontuit estant vestu des plusgros d...

b) Albert le Grand : "Mériadec resta cinq ans chez le roi Conan puis décida de revenir chez lui, où son père voulut le marier ; devant le refus du jeune homme et son souhait de rentrer dans les Ordres il l'établit comme riche ecclésiastique, pourvu des meilleurs bénéfices : "il reçut tous les ordres par les mains de l'évêque de Vannes, saint Hincweten, jusqu'à la prêtrise inclusivement. Ayant chantré Messe, il jugea que cette dignité recquérait un genre de vie toute autre que celui qu'il avait mené par le passé". Il se démit de tous ses bénéfices, vendit son patrimoine et distribua ses biens aux pauvres, "et se retira en un lieu fort écarté et solitaire, au vicomté de Rohan, non loin de la ville de Pontivy".

c) Cet endroit retiré à mille pas du chateau de Pontivy, c'est bien-entendu Stival, à l'endroit où la chapelle fut construite.

d) L'image : Mériadec est vêtu comme sur l'image précédente ; il donne des pièces de monnaie à trois pauvres, pieds nus, ou estropiés marchant avec canne ou béquilles. En arrière-plan, l'une des trois tours du chateau de Pontivy. Il reste à interpréter le personnage coiffé d'un turban.

peintures 6986c

 

 

 

      III. Le saint ermite en prière à Stival, près Pontivy.


a) Inscription : Com(m)ent il estoyt en noraysson davant deux pierres dont lungne est a céans et l'autre...    

b) Je ne trouve pas mention de ces pierres dans la Vie d'Albert le Grand ni dans celle de dom Lobineau ; mais cela semble faire allusion à des lechs, et notamment à la pierre surnommée "prie-dieu de Mériadec" qui se dresse à quelques mètres au sud de la tour de l'église. "Haut de 1m75  à partir du sol, il a été dans la partie supérieure de la face est, sur une longueur de 0,90m,  [taillé profondément au dessus de la base qui restant en saille, formerait ainsi une sorte d'accoudoir. Dans la partie amincie apparaissent des restes de sculpture,[...]} comme un fut de croix surmonté par un triangle de façon à figurer une croix de Saint-André[...] Le sommet du lech est creusé d'une cavité où est plantée une petite croix de pierre à branches courtes et de longueur différente. La face ouest porte en creux comme la trace d'un pied de chêvre. D'après la tradition locale, assez peu respectueuse en cet endroit, saint Mériadec était souvent distrait en ses prières  par les ébats d'une chêvre qui venait le visiter. Un jour, saisi d'impatience, il se leva, se plaça derrière l'animal et d'un coup de pied vigoureux, le précipita sur le lech qui se creusa sous le pied de la chêvre. En même temps, lélan fut si fort que le pied du saint, rencontrant une pierre, y rentra profondément, laissant un sillon sous la forme d'une chaussure gigantesque. Cette pierre, lors de la construction de l'église fut mise dans le mur,  du latéral sud, près de la cage d'escalier, où on la voit encore." (abbé Euzénot, B.S.A.F.). Ce lech a bénéficié des compétences de la Société préhistorique de France, qui révèlé dans son bulletin en 1916 que cette chêvre n'était autre que le Diable. Pierre Saintyves, de la même société, a pu reconnaître dans la croix de saint-André de la face est une croix "certainement carolingienne". Ce lech est sans-doute le même qui est signalé comme situé dans le cimetière, décrit comme "lech à croix sculpté" et nommé "oratoire de St-Mériadec".(Bull. Soc. Polym. Morb. 1861) ;

c). on objectera que, si les pierres qui figurent sur l'image ressemblent tout-à-fait à des menhirs ou des stèles christianisées, on n'y voit pas la chêvre. Je répondrai ce que Saint-Exupéry répondit au Petit-Prince qui voulait son mouton : "ça, c'est la caisse, le mouton que tu veux est dedans". La chêvre, elle, est dans l'oratoire et on voit son ombre près de la porte.

  On voit aussi à gauche, à nouveau, le chateau de Pontivy, ses mûrs sans fenêtres, son pont-levis et ses trois tours.

 contiennent la seule représentation connue du château féodal de Pontivy avec ses quatre tours.

peintures 6980c

  IV. Il refuse l'offre de revenir à la cour royale.

a) Inscription : Com(m)ent l eut de...plusieurs de se parents et amis vid..du saint moine yci en l(herm)itage... le..les aultres pour le ramener au monde dont il refusait la (moralité?).

b) Albert Le Grand : "Ses parents, ayant eu avis de son intention tâchèrent à l'y divertir et y employèrent le crédit & sollicitaion du seigneur de Rohan, son premier parent, et mesmes celui du roi, et des principaux de la cour. Mais l'amour de Dieu l'avait tellement prévenu qu'il fut insensible à toutes leurs persuasions".

c) Sur l'image, le roi se distingue aisément par sa couronne et son camail d'hermines ; les autres nobles portent le chapeau à larges bords. Le moine porte à la ceinture un chapelet à sept gros grains, comme les sept douleurs de la Vierge.

 

 peintures 6974c

V. Il prie le vicomte de Rohan de poursuivre les voleurs.

a) Inscription : ??

b) Albert le Grand : "Le vicomte de Rohan, son proche parent, l'étant allé une fois voir, saint Mériadec se plaignit à luy du dommage que les paroisses circonvoisines receviaent journellement de quelques voileurs qui, sortant de quelques cavernes de la prochaine forest, se rueoient à l'improviste sur le plat pays & commettoient de grand exces de brigandages sur le pauvre peuple qui en estoit extrémement grevé, l'exhortrant à donner ordre de faire justice de ces voileurs & en nettoyer le pays. Le vicomte lui répondit qu'il l'eut bien désiré, mais qu'il ne le pouvait aisément faire. Alors le Bienheureux saint Mériadec lui répartit : "Mon cousin, octroyez-moi trois foires franches pour la paroisse de Noyal : l'une pour les Nones de juillet ( qui est le sixième du mois), l'autre le sixième des Ides de septembre (c'est le huitième du mois), le troisième le premier jour d'octobre, & je les extermineray en quelle sorte que jamais plus le pays n'en sera  incommodé. Le vicomte luy accorda sa demande, et en peu de jours, le saint accomplit sa promesse, et par ses prières débarrassa le pays des ravines de ces brigands. Ce que voyant ledit seigneur de Rohan, il rendit graces à Dieu et à saint Mériadec & octroya les trois susdites foires, qu'il fit confirmer par le roy & publier par toute la Bretagne".

c) Il se tenait dix foires à Pontivy, sept qui duraient un seul jour, et trois qui duraient sept à dix jours : la Foire de la Noyale qui commence le cinq juillet, la foire de Houssaye le neuf septembre, et la Broslade le vingt-deux octobre.  Les foires de Noyal attiraient plus de gens que partout ailleurs   et les seigneurs de Rohan y tenaient leurs "plaids", séance de justice annuelles. La situation de Noyal-Pontivy entre Oust et Blavet fit de ces foires des évenements commerciaux de première importance, si bien "qu'on assiste à l'abandon du réseau routier gallo-romain et à l'essor de Pontivy comme nouveau noeud routier "(http://www.tudchentil.org/spip.php?article697)

  Cet épisode est loin  d'être une quelconque anecdote puisqu'elle se situe au coeur du pouvor économique et judiciaire des Rohan ; car ce sont ces foires médièvales qui ont fait la fortune de la famille, et il est capital de montrer la légitimité des droits perçus par les seigneurs de Rohan : nécessité d'insister sur la franchise de ces foires, sur le fait qu'elles auraient été "octroyées" par le vicomte, "confirmées" par le roi, et "publiées par toute la Bretagne". Mais le fait que ces foires soient instituées en même temps que le pays était débarrassé de ses voleurs est tout aussi capital, comme l'illustre le conflit qui amena Alain VI de Rohan à défendre en 1285 son droit et privilège de punir un voleur en sa ville de Pontivy : l'exercice de la justice, le droit de châtier est l'expression hautement symbolique du pouvoir des vicomtes.  

  La préoccupation des Rohan d'établir une parenté avec saint Mériadec semble n'être apparue qu'au XIVe ou XVe siècle (avec une première mention de ce saint dans leurs actes officiels en 1438), et André-Yves Bourges fait l'hypothèse d'un moine au service des Rohan au chateau de Pontivy, voire d'un scriptorium en leur abbaye cistercienne de Bon-Repos, pour rédiger une Vita de saint Mériadec en 1430 afin de participer à une mythification des origines. Et il se trouve que les foires de Noyales furent peut-être l'occasion de ce projet de mystification par l'hagiographie factice ou réécrite, puisque c'est deux ans avant cette date de 1430, le 18 octobre 1428, que le duc Jean V donna à Alain IX de Rohan les lettres stipulant que  "Et en regart de trois foires autrefois fondées en son terrouer de la vicomté de Rohan en l'honneur de saint Meriadech et de sainte Noyale, nommées Noyal, la Houssaie et la Broaladre, quelles tousdiz ont esté et sont francehes de touz devoirs, requerant que les y vuillons maintenir, nous voulons et octroions pareillement que aucuns desd impostz n'y soient levez et que lles en demeurent franches et quictes."

d) l'image montre Mériadec face à trois cavaliers (le vicomte, le roi et un troisième) et trois ecuyers. Les données concernant le costume abondent : je note les chausses rayées ; l'éperon parfaitement visible ; la chevelure mi-longue, etc...

peintures 6976c

 


VI. La cloche de Mériadec guérit une femme sourde.


 a)Inscription : ...plusieurs maladies...

b) Albert Le Grand ne dit rien d'autre que ceci : "Sa sainteté était si connüe par toute la Bretagne que de toute part le peuple se rendoit en son Hermitage pour participer aux graces et faveurs que Dieu lui départoit par ses mérites".

  En 1725, dom Lobineau est plus prolixe : "Il n'est point incroïable, après un changement si extraordinaire où sa persévérance égala sa ferveur, qu'il ait, comme on a dit, rendu la vüe aux aveugles et l'ouïe aux sourds, guéri les boiteux, fait marcher les muets, appaisé les tempêtes, procuré un heureux retour aux mariniers, délivré les hommes de l'obsession des démons."

c) l'image trouve sa source ailleurs: dans la présence en la chapelle du Bonnet de Saint Mériadec, une cloche en cuivre battu de 21 cm de haut avec l'anse, en forme de bonnet carré, muni d'un battant. Sur l'un de ses cotés on lit les mots PIR TUR FIC IS TI, écrits de haut en bas. Elle appartient au groupe des six cloches à main d'origine gauloise ou irlandaise conservées en Bretagne, avec celle de Saint-Pol Aurélien en la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon (Haut=Moyen-Âge), celle de saint Ronan à Locronan, celle de la Société d'émulation des Cötes d'Armor (  venant peut-être de Perros-Guirrec) du XIIe siècle . Elles étaient initialement frappées de l'extérieur comme des gongs, et possédent toutes des capacités de guérir certains troubles. Celle de saint Mériadec passe pour soigner les maux de tête et d'oreille, et même la surdité. Elle appartient au trésor paroissial depuis les temps immémoriaux, et la tradition en attribue la possession à Mériadec lui-même. Au commencement de la Révolution, elle fut transportée à Pontivy, mais les habitants de Stival allèrent la rechercher. En mars 2009, elle fut dérobée lors du cambriolage du presbytère, puis retrouvée à Cannes en août.

 Lors du pardon de saint-Mériadec, elle est portée en procession, et les fidèles peuvent demander que leur soit imposée la cloche, exactement comme on voit le saint le faire sur la peinture murale. 

Voir sur ces cloches et  les pouvoirs thérapeutiques du son : La Roue à carillon de Confort-Meilars, celle de Locarn et de Priziac .

d) l'image montre que Mériadec a perdu deux grains a son chapelet ; il bénit une femme en lui imposant la cloche, alors que deux estropiés accourent au bruit des miracles qui s'accomplissent ici.


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VII. Il refuse aux chanoines de devenir évêque de Vannes.

a) Inscription : Com(m)ent on luy présenta les lectres pour être évesque de Vennes lequel estoyt elleu par le conseil des chanoines et bourgeois de la cyté la quelle chose il refusa du tout en tout.

b) Albert Le Grand : "Cependant que saint Mériadec ravissait toute la Bretagne de sa sainteté, saint Hincweten, évesque de Vennes, vint à mourir ; duquel les obsèques faites, le clérgé et peuple s'assemblèrent pour faire élection d'un pasteur digne de posséder ce Siège et convinrent unanimement en nostre saint Mériadec, lequel fut eleu et déclaré evesque de Vennes, et députèrent quatre chanoines pour l'aller trouver & lui faire scavoir l'élection qu'ils avoient faite de luy, les chargeant expressément que, sans avoir égard à ses excuses, ils l'amenassent en ville. Il le furent trouver en son Hermitage et luy firent scavoir leur commission, dont il fut bien étonné, se voyant obligé de quitter sa cgère solitude et de s'en retourner de rechef converser parmi les hommes, et ne voulait condescendre à leur requeste, rejetant loin de soy la pesanteur d'un si lourd fardeau trop disproportionné à ses faibles épaules.  "

c) La "liste de évêques de Vannes" donnée par Wikipédia donne effectivement, après saint Patern, premier évêque du Ve siècle, saints Clément, Modeste,  Armand, Saturnin, Guénin, Ignoroc, Budoc, un saint Hinguéthen (657-659 ?) auquel succède Mériadec quatorzième évêque de Vannes de 659. Cela ne fonde en rien l'historicité de cet épiscopat légendaire. 

   L'élection, ou désignation canonique, n'est pas un vote sans gravité, une proposition banale, mais un processus réglé par le droit canon, où le Chapître épiscopal qui gére la succession après la mort de l'ancien évêque désigne un titulaire dans un choix qui sera ensuite confirmé par le supérieur hiérarchique (à moins que l'élection soit faite par provision apostolique en consistoire). Mais cela ne se fait pas, comme jadis où une cerémonie  le scrutinium serotinum, précèdait le samedi soir le sacre du lendemain, en un jour, mais donne lieu à de longs débats, études de questions, réponses à des points du droit canon, enquête approfondie sur la personnalité de l'impétrant, lors de ce qui se nomme "le procès de confirmation" où un juge confrmateur s'enquiert d'éventuels empêchements.

Cette élection fait accéder à la titulature, au titre qui va conférer les pouvoirs sacerdotaux (la charge de sanctifier) et les pouvoirs pastoraux (enseignement et gouvernement), les pouvoirs temporels n'étant octroyé qu'après serment de fidélité au roi de France.

  Face  à la gravité et la lourdeur de cette élection, on imagine bien qu'un "refus" de l'intéressé ne soit pas vraiment de mise, et qu'un membre du clergé ne puisse décliner, ne serait-ce que par obeissance, la charge qui lui est confiée; d'ailleurs, il est déjà titulaire, et investit du droit au siège épiscopal. Les lettres qui lui sont présentées ne sont pas des courriers, mais les titres de sa nomination.

d) l'image

  • Légende : on note l'orthographe lectres, "lettres officielles", que l'on retrouve indirectement dans notre "lecture". Le latin littera, "caractère d'écriture" a donné lettre, "missive, acte officiel, écrit", et au XVe siécle on emploie les formes lettres (180 occurences dans le dictionnaire du Moyen Français 1350-1500) et lectres (27 occurences).
  • pour les différentes lettres d'armes, missives, minatoires, pendantes (où un sceau est attaché par un ruban), procuratoires, répulsoires, réquisitoires, révocatoires, subreptices (frauduleuses), testimoniale, d'admonition, de complainte, de créance (qui donne pouvoir à un ambassadeur de converser avec l'interlocuteur), de debitis, de pareatis ou de vidimus, et j'en passe.  On remarque aussi l'orthographe evesque, rappelant que notre mot évêque dérive de la forme raccourcie episcu, du latin episcopus, "surveillant, qui supervise". 
  • image : derrière l'ecclésiastique en surplis, qui a ôté son chapeau en signe de respect et qui tend les fameuses lectres, le personnage qui reste coiffé, vêtu d'un manteau douilletement garni de fourrure à l'encollure, pourrait être le vicomte de Rohan, lequel portait à la ceinture sur chacune des peintures précédentes une aumonière bien large : cette présence rappellerait que c'est l'appui du vicomte qui permet cette nomination, en remerciement de l'épisode des voleurs et des foires.



peintures 6991c

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      VIII. Il accepte enfin, devant toute une délégation.

 a) Inscription : Com(m)ent ...Mariadeuc ellut évesque de vennes par...les évesques de bretaigne et des plus pu...et bourgeois vinrent..à son hermitage et lamenèrent par toute...commandement du pape.

b) Albert Le Grand : "Les commissaires, voyans que leurs prières et persuasions ne servoient de rien, l'enlevèrent de force et l'emmenèrent à Vennes, où tout le peuple le reçeut avec une joie extrème & ne bougèrent d'auprès de luy de peur qu'il n'échapast, jusqu'au lendemain que tous les évesques de Bretagne s'estans assemblés en l'église cathédrale de Vennes, il fut déclaré Evesque de ladite Ville & peu-après fut sacré en l'Église de Saint Samson à Dol, par l'archevesque dudit lieu, Métropolitain de Bretagne, et vescut quelques années an cette prélature, s'aquittant en bon Pasteur à l'endroit de ses Oüailles."

c) La mention de la cérémonie à Dol est anachronique, puisque le diocèse de Vannes dépend de la province ecclésiastique et de l'archidiocèse de Tours ; ce n'est que sous Nominoé, en 848, que Dol prétendit au titre d'archevéché, avant que les évêques de Tours n'obtiennent en 1209 le désaccord officiel du pape. Cet anachronisme subsite si on accepte la date de naissance de saint Mériadec proposée par Albert Le Grand en 758, mais on s'accorde plutôt pour placer sa nomination à Vannes en 759.

d) image : l'ermite est face à un chanoine en surplis et à quatre autres personnages, alors qu'un cardinal se tient sur son cheval en second plan.

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IX. Mériadec sur son trône épiscopal.

a) Inscription : Com(m)ent il fut élevé à la dignité d'evesque de vennes et non obstant que toujours il refusa cette dignité disant que...quand il conn.. la prendre il la prit par ..diance. 

b) Albert Le Grand : cf peinture VIII

c)

d) image : elle représente l'investiture à Dol par un évêque et un archévêque, ou "consécration", qui précède ce que l'on nomme  "l'intronisation" , ou "inauguration", ou "installation", ou "prise de fonction" dans sa cathèdrale après sa "joyeuse entrée" en sa ville. C'est alors une fête pleine de faste, de cantiques et d'acclamations, sous les volées des cloches, depuis les remparts à travers les rues pavoisées, dans un grand cortège triomphal où, Chapitre épiscopal en tête, tout le clergé régulier et séculier, les échevins et notables  et le bon peuple des fidèles du diocèse accompagnent le prélat jusqu'à son trône, ou chaire épiscopale dans le choeur tendu de tapisseries pour la lecture des "lectres" accréditant le bon berger de la part du Saint-Siège. Quel joyeux advénement (jocundus adventus) que cette première entrée (primus ingressus), et que le banquet qui la concluera! Certes le rituel en cours lors de la création de ces peintures n'est attesté que depuis le XIIIe siècle, mais l'adventus des magistrats ou de l'empereur  du monde romain est accordé aux évêques de manière documentée dès le VIe siècle au Nord des Alpes, selon la "coutume gauloise" (Gaule gallo-romaine) de faire parader l'évêque sur son siège dans les rues  .

  Revenons à la consécration, ou ordination de l'évêque : elle doit se faire avec l'approbation du pape, par l'évêque métropolitain ou archévêque assisté d'au moins deux autres évêques, lors d'un sacrement dont la matière, son acte essentiel, est l'imposition des mains en silence sur la tête du futur prélat, alors que sa "forme" est la prière consécratoire qui suit. Vient ensuite l'onction d'huile sur la tête.

  Ici, ces étapes ont été réalisées (sinon Mériadec serait agenouillé devant l'archévêque), et nous arrivons au moment où sont remis l'anneau épiscopal, la mitre, la crosse, avant que ne soit présenté le livre des Évangiles (à droite). J'omets les gants, les fameux chirothèques car ils ne sont, selon le rite, portés que par l'évêque consécrateur (l'image est scrupuleuse sur ce point) et ne seront remis au nouveau collègue qu'après la bénédiction. Ils sont ici violets, et devraient être orner au dos d'une broderie. Et puis il ne faudrait pas oublier les  sandalia, les sandales épiscopales basses comme des pantoufles, ni et les bas liturgiques ou caligae, en soie entrelacée de fil d'or ou richement brodés, dont la couleur est assortie à la chasuble. Ces sandales ne se portaient que lors des messes pontificales solennelles, comme lors de l'ordination. On ne sait rien des bretelles épiscopales.

  Il manque donc un évêque ; deux clercs (chanoines) portent le surplis, un personnage à droite n'est que partiellement visible, alors qu'à gauche un autre, ceint d'une épée et porteur d'un mystérieux objet au bout d'un bâton, gravit un escalier, petite énigme iconographique.

  Les prélats sont vêtus d'une chasuble orfrayée (l'une rouge, l'autre or, et la troisième bleue). Les mitres sont dites auryphrigiales, précieuses ou dorées, car leur drap est couvert de perles et orné de broderies de fil d'or et de pierres précieuses.

 

peintures 6990c

 

 peintures 6985c

 

 

  X. Evêque, il continue à prendre soin des pauvres.

a) Inscription : Com(m)ent oetoyt touhours la b... et accomplissait les..purs de ..il faysot miracles aux gentz et aux bestes misericorde.

b) Albert Le Grand :"Il estoit fort compassif et miséricordieux, envers les pauvres affligez, rude et austère envers soy-même, doux et bénin envers son prochain.

c)

d) image : saint Mériadec fait la charité en tenue épiscopale, avec une chasuble qui semble ornée de scènes religieuses. Un cavalier richement vêtu ( le vicomte ?) nous permet d'étudier les chaussures, basses, à lanière, et à bout carré, qui voisinent avec celles du mendiant.


peintures 6981c

      XI. Il enseigne la Bonne-Nouvelle de l'Evangile.

a) Inscription : Com(m)ent il enseignait la bonne doctrine ver..les chanoines + autres gens pour vivre sellon les com(m)andements de dieu.....du monde en leur sont contraires au salut des povres animes.

b) Albert Le Grand : ?

d) image : la bonne surprise de celle-ci est de découvrir, sur le bas du surplis du diacre qui suit Mériadec en portant les saintes Écritures, une inscription : ESTIENNE LEVR, semblable à celles par lesquelles les artisans signaient leur travail. On voudrait en savoir plus, on cherche, on soulève du regard les robes des chanoines... Le premier ressemble à Raminagrobis, un saint homme ... vivant comme un dévot ermite, faisant la chattemite,... bien fourré, gros et gras...avec sa soutane fourrée de haut en bas et autour des poignets, dédaignant le surplis qu'il porte sous le bras mais qu'il a pris soin de faire garnir d'éléments de fourrure (de belette à n'en point douter) qui pendent en passementerie caline ; après cette pieuse majesté fourrée vient un clerc en robe rouge qui compte ses arguments selon le comput digital. Je vous réserve la surprise de son surplis où sont peintes les lettres O RENNESIEN OR LEVQV qui pourraient correspondre à un artiste du nom de Léveque. On peut s'amuser à y voir une certain Etienne Léveque, artiste peintre.

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      XII. Il s'éteint en l'an 666.

a) Inscription: ...din les frères chanoines...

b) Albert Le Grand : Enfin, ayant gouverné son Église en grande sainteté, il passa de ce séjour mortel à la gloire immortelle. Son saint corps fut inhumé en sa Cathédrale, ou Dieu a fait plusieurs miracles par son intercession, comme aussi au lieu de son Hermitage.

c) Albert Le Grand ne donne pas la date du décès, alors que dom Lobineau mentionne la date fantaisiste de 1302. Saint Mériadec est fêté le 7 juin, date présumée de son déces. C'est le propre de Vannes qui donne la date de son ordination en 659 et celle de son décès en 666 (circa annum 666 ...obiit).

d) image : le corps de saint Mériadec est étendu et un personnage prie à ses pieds, dans la position d'orant des donateurs de peinture et vitraux ; il porte l'aumonière qui caractérisait précedemment le vicomte de Rohan. Derrière lui, un enfant de choeur ou diacre lit ou chante sur un livre de prières. En arrière, un autre clerc en surplis tend un objet brillant comme l'or, alors qu'il a dans la main droite un panier. Plus près de nous, un autre encore place dans la main gauche du saint une sorte d'étendard doré à motifs rouge et vert. Un chanoine en chasuble chante chaleureusement. La mitre de l'évêque est posée à terre, mais une auréole semble bien avoir pris sa place autour de la tête de Mériadec. Un crucifix est présentée par un acolyte.


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 Conclusion.

  Si nous pouvions déplacer l'autel à baldaquin du choeur, nous verrions ces douze panneaux de peinture datés de 1480-1500 se développer en deux ailes autour du vitrail de l'Arbre de Jessé de 1552. 

   Les peintures murales ont été commanditées par Jean II de Bretagne, vicomte de Rohan, pour illustrer par une hagiographie légendaire une  ascendance royale (Conan Mériadec) et uen parenté sainte avec saint Mériadec : ce programme relève de tentatives de diffusion iconographique d'une filiation mythologique. 

 Loin d'être propre aux Rohan, cet effort de filiation avec des héros, des rois, des saints ou des dieux est constant, et c'est lui qui assure, par le biais de travaux rédactionnels de moines et d'abbés assujéttis aux puissants, le développememnt des cycles légendaires.

  Que ce soit  la légende de Mélusine pour  les Lusignan, que ce soit la légende de Troie pour les rois Francs avec le prince mythique Francion ou pour les Bretons dans le Roman de Brut avec Brutus, petit-fils d'Énée, les Princes ont tenté de fonder leur pouvoir sur des mythes de fondation. 

  La mise en parallèle, en la chapelle saint-Mériadec de Stival, de cette acendance royale et sacrée avec l'ascendance de Jésus avec le roi David par l'arbre de Jessé est saisissante, et éclaire tout à la fois notre compréhension du vitrail (frappé en superiorité des armes des Rohan et de Bretagne) et du cycle de peinture qui l'encadre.

 

 

 

 

 

 

 

Sources :

 


 

 --Sur l'élection et l'inauguration des évêques, notamment sous Charles VIII : voir les travaux de Véronique Julerot :

--Sur les mythes troyens de fondation : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mythe_des_origines_troyennes

 

--Document édité par L'Art dans les chapelles, http://www.artchapelles.com/internet/index.php

 


  J'attends avec impatience toute aide, toute correction et critique capable d'améliorer cet article et de combler ses lacunes.

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Published by jean-yves cordier
5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 15:53

          L'église Saint-Mériadec en Stival.

   

 

I. Présentation.

  Stival fut considérée comme une trève de la paroisse de Malguénac, mais elle est attestée dès 1314 sous le nom de paroisse d'Estival (du bas-latin aestivalium, "pâturage d'été"), un pouillé de 1422 en faisait une paroisse distincte avant d'être réunie à Malguénac en 1516. Elle comprenait quatre  prairies, dont Sainte Tréffine. Après la Révolution, en 1804, elle est inclue dans le territoire de la commune de Pontivy mais elle reste une paroisse distincte depuis 1820.

  L'église paroissiale n'était pas celle que nous voyons, qui n'était qu'une chapelle, mais elle se situait dans l'enclos de la chapelle, à coté d'elle sous le nom d'église Saint-Pierre; en ruine, elle a été désaffectée en 1914 et détruite en 1931. 

  La liste des recteurs est disponible dans l'article de l'abbé Euzénot :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2075789/f256.image.r=stival.langFR

 Les principales familles nobles étaient :

  • De Bahuno de Liscoët, de sable au loup passant d'argent surmonté d'un croissant de même
  • De Lantivy, d'azur au lion d'or lampassé et armé de gueules,à trois contre-cotices de même brochant sur le tout.

La chapelle Saint-Mériadec adopte un plan en croix latine à chevet plat; la nef date de la seconde moitié du XVe siècle, le transept et le chevet furent construit dans un deuxième chantier au début du siècle suivant. Un clocher-tour à l'ouest est doté d'un escalier en tourelle accolée. Le proche sud porte une inscription datant sa construction de 1845.


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II. Le lambris du choeur.

 La nef possède un vaisseau unique couvert par un lambris en berceau brisé sur arceau de bois avec clefs pendantes, et s'appuyant sur les sablières sculptées. Dans le choeur, au dessus du maître-autel à baldaquin dû au sculpteur Guéguen (1684) et doté d'un baldaquin à quatre colonnes corinthiennes de 1730, la couverture lambrissée est peinte, sur fond bleu et moulures jaunes et rouges, des quatre évangélistes avec leur attribut : ils sont dus au peintre Louis Le Corre et datent de 1687.


 

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III. Le retable latéral nord (XVIIe). 

 

 

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        Le retable est centré par un tableau représentant le Don du rosaire par la Vierge à saint Dominique et sainte Catherine. Les statues de saint Fiacre, patron des jardiniers, et de sainte Anne encadrent cette oeuvre.

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  La statue surplombant l'autel est celle d'une vierge allaitante dont l'Enfant referme le décolleté en V de la robe sans dévoiler la poitrine encore recouverte par la chemise blanche:

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      IV. Le retable sud (XVIIe)

C'est le retable dédié à saint Jean-Baptiste et qui est dû au ciseau d'Allain Guyot, maître-sculpteur à Pontivy en 1688.

Au sommet, Jean-Baptiste tenant l'agneau sur un livre, entouré de deux orants comme des télamons à la partie inférieure réduite à un pilier. Des colonnes corinthiennes en faux-marbre multicolore soutiennent aussi l'entablement, surmonté d'un fronton curviligne brisé. Celui-ci n'est que la reprise, de taille réduite, du fronton principal dont les volutes sont reliées entre elles par une généreuse guirlande de fleurs et de fruits. De chaque coté, deux anges accoudés et pensifs sont habillés d'une petite robe d'été dénudant l'épaule, comme deux mannequins d'un défilé de mode, lors d'une pause.

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Retable : pas de photo ; le tableau du centre représente le christ vainqueur de la mort, sortant du tombeau ; de chaque coté, entre des colonnes torsadées, les statues de saint Mériadec en évêque à droite et saint Laurent, diacre, avec son grill.

 Buste reliquaire de saint Mériadec

Placé sous la statue du saint, il dispose d'un élément pectoral portant les reliques.

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V. La statue de saint Isidore.

        Le saint des cultivateurs porte, c'est bien classique, une gerbe de blé à gauche, mais au lieu de la faucille habituelle, c'est une houe qui a été placée ici. La veste longue, "à la française" est intéressante à détailler, avec sa ceinture à boucle métallique, ses dix boutons dorés, et ses deux poches.

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VI. Les autres vitraux (que celui de la Passion et l'arbre de Jessé, traités à part).

 

Saint Laurent.

  dans un éclaté de différents fragments en grisaille et de verres colorés qui confère au saint et à son grill le charme d'un collage surréaliste, d'un extrait d'Alcools d'Apollinaire, ou d'un cadavre exquis.

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La Circoncision.

 Ce vitrail provient de l'ancienne église saint-Pierre, où il rentrait dans la composition d'un ensemble de autre panneaux du choeur ; comme la première église avait été démolie en 1853, on ignore où se trouvait à l'origine ce panneau. Il se trouve actuellement au fond de la chapelle des fonts baptismaux, laquelle est fermée par une grille.

 Le éléments anciens incomplets ont été restaurés le mieux qu'il était possible dans des verres contemporains, mais l'état d'origine a été décrit par l'abbé Euzènot qui l'a admiré en 1883 : "Debout derrière une table sur laquelle il a posé le couteau de la circoncision et ses lunettes, le grand prêtre, coiffé de la mitre et couvert de la chape, reçoit Jésus des mains de Marie ; saint Joseph, un cierge à la main, éclaire la scène".

  On ne voit plus saint Joseph tenir la chandelle, mais il se penche en arrière-plan pour tenter d'assister à une scène qui lui échappe. Par contre, le couteau est visible au premier plan, et surtout, surtout, les lunettes sont encore là, très visibles comme une paire de cerises ou un comme ces deux boules agaçantes reliées par un noeud en tête d'alouette et nommées tacatac link, ou  bégléri link chez les Grecs qui s'en servent comme d'un komboloï.

 Ce sont ces lunettes qui sont fascinantes, posées comme des longues-vues face à un panorama pour inciter le touriste à y voir de plus près le spectacle. Si on admet que le vitrail date du XVIe siècle, les lunettes, qui avaient été inventées en Italie vers 1300, avaient déjà plus de 200 ans d'existence, sous cette forme de deux lentilles convexes en cristal de roche montées sur un pince-nez. En 1434, Van Eyck avait déjà peint le chanoine Van der Paele link tenant ses binocles contre son bréviaire. Les branches de lunettes permettant leur fixation derrière les oreilles attendront le XVIIIe siècle pour être inventées.

  La Circoncision de Notre-Seigneur est la fête liturgique du 1er janvier. 


  

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VII. La bannière.

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VIII. L'autel extérieur.

      C'est dit-on le socle d'un ancien calvaire qui représente saint Mariadec entre la Vierge et saint Jean.

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Published by jean-yves cordier
4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 08:42

Chapelle Notre-Dame de Carmès à Neuillac :

 

Pourquoi tant de scapulaires ?

 

 

 

 

 

        Tous les  visiteurs qui découvrent la chapelle Notre-Dame de Carmès à Neulliac ne font pas la même erreur que moi, qui avait compris "Notre-Dame des Carmes", et qui pensait découvrir un ancien couvent de Pères Carmes, comme à Vannes, Rennes,  Pont-L'Abbé, Brest ou Carhaix, à Nantes, à  Dol ou Crehen (22). Dans le cadre de la manifestation L'Art dans les chapelles, la guide m'expliqua que le nom, Carmès et non Carmes, dérivait, sans-doute, d'un ancien Ker maes, ou Car ar maes, "hameau des champs", et que jamais aucune communauté de carmes ou de carmélites ne s'y était installée. 

 

   Tout serait simple si, en réalité, l'histoire, ou le subconscient des paroissiens, n'avait cessé de jouer sur l'ambiguïté du toponyme : car au XVIIe siècle link, la chapelle était aussi connue sous le nom de Notre-Dame du Mont Carmel ; et, par ailleurs, des scapulaires, dont on sait qu'ils sont comme  l'attribut vestimentaire essentiel de l'Ordre des Carmes, sont représentés partout dans la chapelle. 

On découvre ces paires de rectangles décorés de quelques pieux motifs et reliès par un ruban, par exemple, sur les bannières :

1. Bannière N.D de Carmès en Neuillac. (au verso : Notre-Dame de Lourdes)

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  Ici, la Vierge et son Fils portent en outre autour du cou un coeur suspendu à un ruban. Les images du scapulaire sont le Christ en croix et la Vierge.

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2.Bannière N.D de Carmesse. (au verso ; saint Joseph, inscription paroisse de Neulliac)

 Cette bannière là est intitulée N.D de Carmesse, indiquant que l'orthographe du nom n'est . pas fixé. Les deux "plaquettes" (je ne sais si ces rectangles portent un nom spécifique) présentées par une Vierge de l'Apocalypse  représentent Marie, et deux anges en adoration devant le Sacré-Coeur. 

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  3. Statue de procession , Vierge à l'Enfant.

On le trouve aussi présenté par la statue de la Vierge couronnée, qui est portée en procession lors du pardon, puis offerte à l'admiration des fidèles sous un voile de tulle et une guirlande d'ampoules électriques durant la fin août avant de regagner sa niche vitrée à gauche du choeur. Le scapulaire est un élément rapporté, en textile, et non sculpté à l'origine, et il porte les images de la Vierge et du Christ crucifié.

  La statue est menée en procession le dimanche qui suit le 15 août . Portée jadis par 6 jeunes conscrits avant leur départ pour le Service Militaire, alors que les rubans étaient tenus par les communiantes de l'année, elle est actuellement portée par deux hommes jusqu'à la fontaine voisine pour le feu de joie.

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  4. Lambris du choeur, à droite.

Levant les yeux, on l'observe encore sur le lambris du choeur sur la peinture dite "du voeu de Louis XIII". Ce titre m'étonne car ce thème iconographique fréquent célébre la décision de Louis XIII de consacrer le 10 février 1658, la France à la Vierge Marie pour rendre grâce de la grossesse d'Anne d'Autriche, laquelle accouchera en septembre du futur Louis XIV. Mais c'est  la Vierge de l'Assomption qui est invoquée, chaque paroisse devant  marquer le jour du 15 août par une procession. Ici, on voit la Vierge ou plutôt son Fils faire descendre du ciel le précieux scapulaire vers une assemblée comprenant le roi (imberbe comme Louis XIV) deux ou trois religieux, une religieuse et quatre autres personnes, tandis que deux angelots agitent deux autres scapulaires, dont l'un est illustré par le coeur et la croix du scapulaire des chouans. Chacun sait que Louis XIII est reconnaissable à sa moustache. 

  Le lambris a été peint en 1705 par La Palme. 

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 5. Tableau du retable central du maître-autel.

Dans le choeur enfin, à la place centrale sur le retable principal, une toile du XVIIe siècle représente Notre-Dame du Scapulaire remettant celui-ci à Simon Stock (cf infra) et à Thérèse d'Avila.

 

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 " L'explication " (qui n'explique pas tout, si on écarte l'homonymie approximative Carmès / Carmes) est que ce lieu est devenu central pour les Confréries du Scapulaire du département ou de la région, qui s'y rassemblaient lors du pardon du mois d'août. 

  Scapulaire, Confrérie du Scapulaire, voilà des noms qui n'évoquent peut-être plus grand-chose, et dont j'ai dû, je le confesse, approfondir le sens. Ainsi, j'ai appris (Revue de Bretagne n°45-46) quen Bretagne, deux principales confréries s'établirent au XVI et XVIIe siècle dans la plupart des paroisses, celle du Rosaire et celle du Scapulaire ; affaiblies par la Révolution, elles réapparurent vers 1814, et pour le diocèse de Rennes (comme très vraisemblablement pour les autres diocèses bretons), on pouvait écrire en 1911 qu'elles existaient dans chaque paroisse ety que : "La confrérie du scapulaire du Mont-Carmel est aussi répandue que celle du rosaire et ses associés sont encore plus nombreux ; il est même des paroisses, comme Bains et Parigné, où tous les habitants en font partie. D'ailleurs c'est une coutume générale dans tout le diocèse d'enrôler tous les enfants dans la Confrérie du scapulaire à l'époque de leur première communion, et il en est bien peu, surtout dans nos campagnes, qui abandonnent plus tard, même par négligence ce précieux souvenir qui leur rappelle leur consécration à Marie et les joies inéffables qu'ils ont goûtés pour la première fois au banquet eucharistique ; tous considèrent avec raison le scapulaire comme une sauvegarde contre tous les dangers de l'âme et du corps".link Ce qui fut confirmé par un monsieur peut-être septuagénaire qui signala, lors de notre visite, qu'il avait reçu le scapulaire dans sa jeunesse, au plus tard juste avant la dernière guerre.

 

  On pourra consulter un ouvrage pieux paru en 1837 au Mans et nommé Recueil abrégé de l'institution, privilèges indulgences et devoirs de la confrèrie du scapulaire de Notre-Dame du Mont Carmel, avec la manière de le bénir, de le recevoir. linkOn y trouvera , si on ne se laisse pas décourager par ce titre dévot, les renseignements les plus clairs sur la confrérie. 

    C'est bien des premiers moines disciples d'Élie établis autour du Mont-Carmel en Palestine, et du vêtement qui couvrait leurs épaules (scapula en latin), que dérive le scapulaire. Lors qu'ils furent chassés au XIIIe siècle vers l'Occident, les ermites se regroupèrent. Dans la nuit du 15 au 16 juillet 1251, la très Sainte Vierge apparut à leur général de l'Ordre, saint Simon Stock alors qu'il priait dans son couvent d'Aylesfort en Angleterre : elle lui remis le scapulaire en disant Dilectissime Filii, hoc accipe tui Ordinis Scapulare meae confraternitatis signum, tibi et cunctis carmelitis privilegium, in quo quis moriens, aeternum non patietur incendium ; ecce signum salutis, salus in periculis, foedus pacis et pacti sempiterni. Ce qui signifie pour ceux qui ne parlent ni le latin de cuisine ni le latin marial, "Quiconque mourra revêtu de cet habit sera préservé des flammes éternelles" et en outre il sera protégé de tous les dangers du corps et de l'âme pendant toute sa vie. C'était un vêtement constitué de deux parties d'étoffes, dont l'un descend dans le dos alors que l'autre tombe devant l'abdomen.

  Ce privilège fabuleux (échapper à la damnation !), réservé aux Pères Carmes, fut étendu cinquante ans plus tard après que la Vierge soit apparue à Jean XXII pour promettre à tous les fidèles qui rentreraient dans la Confrérie non seulement la préservation des feux infernaux, mais aussi la délivrance du Purgatoire le samedi suivant la mort. Il suffit de lire la Bulle Sabbatine  de 1316 Sacratissimo uti culmine pour découvrir qu'il suffit, pour jouir de ce second privilège, ou "privilège sabbatin", de remplir trois conditions :

  • Porter le Scapulaire, dans sa dimension réduite, c'est à dire "deux morceaux de laine brune tissée de forme rectangulaire, reliés entre eux par deux cordons de manière à être portés autour du cou." Ceux et seulement ceux qui auraient de graves inconvénients à porter cette étoffe peuvent porter la médaille du scapulaire.
  • "Garder la chasteté de son état", ce qui signifie la chasteté la plus stricte pour les célibataires, et, pour les personnes mariès, l'observance des lois du mariage.
  • La récitation quotidienne du Petit Office de la Vierge, ou du chapelet.

  On devient membre de la Confrérie par imposition du scapulaire préalablement béni par un prêtre (ou un diacre). Il doit alors être porté jour et nuit, dissimulé sous les vêtements.

   Outre la Confrérie du Scapulaire, il existait aussi à Carmès  une Confrérie des Âmes du Purgatoire, pour prier pour ceux qui, sans-doute, n'avaient pas leur scapulaire sur eux le jour de leur décès, afin de raccourcir par les messes et dévotions des bonnes âmes ici-bas le triste séjour purificateur (purgatoire vient de purgatorius, "qui purifie"). Il est étonnant que l'on ne mentionne pas ici une Confrérie du Rosaire, alors même que le lambris est consacré aux quinze Mystères du Rosaire, et que nous avons vu que les deux confréries du scapulaire et du rosaire étaient très répandues.

  On pouvait gagner des jours de Purgatoire aussi en assistant aux offices grâce aux Indulgences : on les obtient pour soi, ou pour une âme du purgatoire.

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  Le port de vêtement sacré aux vertus protectrice est répandu. On sait peut-être que les Mormons reçoivent, lors de leur initiation au temple, des sous-vêtements sacrés nommés "garments" ou "vêtement de la sainte prètrise" qu'ils s'engagent à porter en permanence. Les chouans portaient en protection un scapulaire marqué de l'emblème du Sacré-Coeur, et qui est l'origine de l'insigne vendéen, un coeur rouge avec une croix.


  Disposant de ces informations, nous pouvons partir à la découverte de la chapelle Notre-Dame de Carmès :

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                                                     Neuillac-N-D-des-Carmes 7049c

 

La nef :

  Les lambris ont été peints en 1705 par La Palme, un peintre d'origine espagnole . Ils ont été rénovés en 1814 par Jean Blévin (peintre de Loudéac auteur d'une Vierge de Miséricorde datée de 1793 pour le retable nord, et d'une Éducation de la Vierge à Lannebert en 1796), puis par l'atelier François Bailly à Paris de 1986 à 1990.

  L'ensemble est constitué de 16 panneaux peints sur bois et quatre peints sur toile. Les 16 panneaux sur bois sont consacrés aux Mystères de Rosaire, sauf celui que nous avons découvert sous le titre Notre-Dame du Scapulaire :Voeu de Louis XIII. On dénombre donc cinq mystères joyeux, cinq mystères douloureux et cinq mystères glorieux. 

  Ces lambris sont complétés par quatre toiles marouflées de 1772 : Adoration des mages, fuite en Égypte, Sainte-Famille et Sainte Trinité, et la Vierge de l'Apocalypse.

  On remarque aussi les portraits des quatre évangélistes et des quatre Pères de l'Église (Ambroise, Augustin, Grégoire et  Jérome), ceux de sainte Catherine et de saint Pierre, les médaillons de diverses hommes ou femmes, les trois vertus théologales et les quatre vertus cardinales.

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Le choeur :

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 Le maître-autel, le retable du don du Scapulaire, la statue de N.D de Carmès en haut, la Vierge de procession au premier plan à droite: 

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La statue de saint Laurent, surmontant une inscription commémorative de 1810: elle est signée J. Perzo, nom du fabricien. Le patronyme Perzo est répandu à Neulliac, c'est aussi celui d'un lieu-dit de cette commune.

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La statue de saint Étienne et une inscription commémorative de 1887.

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Transept sud.

  Inscription : le point remarquable est la notion "d'autel de la frairie". Il s'agit d'une subdivision de la paroisse, chaque frairie ayant sa chapelle, son autel, son saint et ses assemblées ou pardons. Mais les Confréries avaient aussi leur chapelle. 

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     Un tableau (classé Monuments historiques) est placé dans le bras sud du transept. Restauré en 1975,  il porte l'inscription Donné par testament de deffunt Missire Jean Toumelot, P. Piriou recteur, 1641. On y voit Dieu le Père, l'Esprit-Saint, deux anges en adoration, quatre chérubins, deux putti écartant largement le manteau de protection que la Vierge étend au dessus d'une foule parmi laquelle se distinguent un pape, un cardinal, un évêque, un prêtre à genoux en surplis. La Vierge porte à la ceinture un objet, mais rien ne me permet d'y voir un scapulaire. 


                       Neuillac-N-D-des-Carmes 7056c

 

Transept nord :

Détail du lambris, bras nord du transept : Mystère glorieux, la Pentecôte.

 

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 Détail de blochets :

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détails de sablière : 

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Saint Nicodème, coincé dans le fond du transept nord et portant la couronne d'épine et la paire de tenaille, puisque c'est lui qui s'est chargé de la Déposition du Christ.:

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La sacristie : elle date de 1768.

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La fontaine :

  A 150 mètres en contre-bas de la chapelle, elle porte le nom de Notre-Dame de la Clarté et date de la fin du XVIII-début XIXe.

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                                       Neuillac-N-D-des-Carmes 7170c

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Published by jean-yves cordier
3 septembre 2012 1 03 /09 /septembre /2012 21:42

Chapelle Notre-Dame de Carmès à Neulliac : les lambris du XVe siècle .

 

 

 

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Sur les peintures murales, voir aussi :

​Sur d'autres anges musiciens :

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La chapelle Notre-Dame de Carmès est un édifice de grande taille, propre à accueillir jadis les foules qui s'y rendaient de toute la région pour le grand Pardon ; mais si elle fut agrandie au XVIIIe, le premier sanctuaire date du XVe (1470-1500 par Jean du Porzo) , et sa tour du XVIe, avec une date gravée de 1521. 

  En 1705, le peintre La Palme réalisa un somptueux programme de décors des lambris, qui impressionne le visiteur dès qu'il pénètre dans les lieux. Cette oeuvre fut restaurée en 1814 par Blévin.

  En 1983, il était grand-temps de procéder à une restauration de grande ampleur, au cours de laquelle les lambris furent déposés. Or, ces travaux réservaient une énorme surprise : dans les deux bras du transept, l'ancien lambris se révéla orné de peintures du XVe siècle dans un état de conservation et de fraîcheur exceptionnel, consacrées à la vie de sainte Catherine. On trouva dans le chœur deux autres panneaux  consacrés à saint Pierre et à saint Jean.

  Les membres de la commission des Monuments historiques étaient enthousiastes : "Inestimable !" "Unique !" " Je dirais même plus, mon cher ami, ek-cep-cio-nel! " : c'est, à ce jour, le seul exemple de peinture sur bois de la première moitié du XVe siècle connu en Bretagne. C'était grossièrement  l'époque de la guerre de Cent ans, du règne de Charles VII ou de Louis XI, du peintre Jean Fouquet, et en Bretagne celui des ducs Jean V et François. D'autres sources indiquent une datation de la fin du XVe, vers 1470-1500, proche du mariage d'Anne de Bretagne et de Charles VII en 1491.

  Pourtant, les charpentes des églises et chapelles de Bretagne étaient, et sont encore, la plupart du temps, recouvertes par un lambris de chêne ou de sapin prenant appui sur les sablières, et ces lambris furent régulièrement peints, mais ces planches étaient sensibles à l'humidité et aux attaques des xylophages, et les comptes de fabrique mentionnent fréquemment la nécessité de leur réfection, soit par changement des boiseries, soit par superposition d'un nouveau lambris au dessus de l'ancien, soit par simple renouvellement des peintures.

    La surprise de spécialistes de l'art médiéval frappe aussi le visiteur du dimanche qui a traversé, écrasé par le faste des peintures, la nef et le chœur, et que l'on guide derrière l'autel ; passant une porte, il pénètre dans la belle sacristie peinte en gris. Il monte une escalier étroit et , poussant une nouvelle porte, il pousse aussi un cri, ou  reste ébahi : huit panneaux faits de planches inégales de bois clair sont répartis sur trois cotés de la pièce voûtée, et le trait fin et sûr des dessins semble avoir été tracé hier par un artiste contemporain, mais de talent rare.

  On ignore le nom de l'artiste du XVe siècle qui en est l'auteur, mais on évoque une influence flamande ou italienne, et on écarte la possibilité que ces lambris soient l'oeuvre d'un peintre local.

  Un beau travail de restauration a permis de débarrasser les panneaux de coulées noirâtres, bien visibles sur les premiers clichés qui furent pris avant que soit prise la décision d'aménager la sacristie pour y présenter ce corpus.     http://carmes.alvinet.com/visite/lambris-xv.html 

  Chaque panneau, de un mètre de large sur six de haut, se compose dans sa partie basse d'une scène historiée ou d'un saint personnage, et dans sa partie basse de deux anges tenant les instruments de la Passion ou participant à un concert spirituel.

  Après avoir donné une vue d'ensemble (mais les photographies sont celles qu'on peut attendre avec la taille réduite du local et l'éclairage adapté à la protection des œuvres), je présenterai la succession des anges, puis la bande dessinée de la partie inférieure. Je les numéroterai en partant de la gauche.

 

  A gauche : suite du cycle de sainte Catherine, trois panneaux 1 à 3.

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Au centre , cycle de sainte Catherine, deux panneaux 4 et 5:

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                             general-7093c.jpg

 

A droite : saint Pierre et saint Jean, et translation du cercueil de Catherine, trois panneaux 6 à 8.

 

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I. Les anges musiciens : 

 Onze anges participent au concert : cinq musiciens jouant de la harpe, de la vielle à roue, de la sacqueboute, du luth à manche court et du psaltérion, accompagnant six chanteurs déchiffrant les partitions dont les portées comportent quatre lignes, et des notes représentées par des carrés noirs. La portée de quatre lignes est celle de la musique grégorienne, et la cinquième ligne est apparue à la Renaissance. Les œuvres de musique sacrée sont des chants des offices de Pâques et de Noël.

Ange jouant de la harpe, Panneau 1 :

  On compte les dix cordes de l'instrument. Les didascalies des psaumes Ps 6 et Ps 12 mentionnent la harpe à huit cordes, et le Psaume 33 dit : "Célébrez l'Éternel avec la harpe. Célébrez-le sur le luth à dix cordes".

                             lambris 7077c

 

Ange tenant un phylactère, Panneau 1

où est inscrit le début de l'hymne chanté à la liturgie des heures de l'office des matines et après l'évangile lors des messes des dimanches et fêtes : Te Deum laudamus te dominum confitemur. C'est le fameux Te Deum entonné lors des célébrations des victoires ou en hymne d'action de grâce en remerciement d'événement exceptionnel : "Dieu, nous te louons, Seigneur nous t'acclamons". Sa première mise en musique polyphonique date du XIVe siècle.

  La première lettre est en rouge, comme dans les manuscrits aux lettrines ornées, ce qui nous rappelle l'origine du mot rubrique emprunté au latin rubrica, terre rouge et désignant initialement le titre du chapitre, écrit en rouge. Le pigment était soit du minium ou un mélange minium-massicot, issu du plomb, soit du cinabre, vermillon fait de sulfure de mercure.

  Ici, l'ange est placé au dessus du supplice de l'arrachement mammaire de l'impératrice Faustine, pour rendre grâce de sa conversion et de son martyre.

 

                           lambris 7074c

 

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Ange tenant un rouleau , panneau 2

 Allel ... virginias que : uliu

Peut-être s'agit-il du chant de communion "Alleluia Beata viscera Mariae Virginis, quae portaverunt aeterni Patris Filium Alleluia". Heureux le ventre de la Vierge Marie qui porta le Fils de Dieu. (Office ordinaire de la sainte Vierge, de Pâques à Pentecôte, Paroissien romain). Il appartient bien à la musique sacrée et je je retrouve mentionné en 1300 dans le Codex Las Huelgas, ou bien chanté en grégorien par les moines de Solesmes sous le titre Beata Viscera.

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                         lambris 7075c

 

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Ange jouant de la vielle à roue, panneau 2 :

 L'instrument, aussi nommé chifonie, est connu depuis le IXe siècle, utilisé par les ménestrels. Il dispose  d'un clavier actionné par la main gauche, et il pouvait être joué à l'église sous le nom d'organistrum, par deux instrumentistes assis côte-à-côte, l'un tournant la manivelle et l'autre frappant des deux mains les touches du clavier. Au XVe siècle, on le trouve représenté entre les mains des anges, des rois ou de nobles personnages, ou a contrario tenu par les mendiants. 

  On le décrit comme "un instrument à cordes dont la table d'harmonie est percée d'une fente pour le passage de la roue et dont le manche, dégagé du corps, est monté de quatre cordes, deux bourdons placés de chaque coté du manche de l'octave et deux cordes mélodiques, accordées à l'unisson, passant dans une boite fixée à la table. Leur longueur est modifié par un clavier placé sur le bord gauche de l'instrument. L'archet est remplacé par une roue, mue par une manivelle et protégée par un couvercle de sapin" (http://www.peiresc.org/Musique/Musiq.03.html)

 

Ici, je vois cinq cordes, et la main gauche de l'ange, peut-être un simple figurant et non un instrumentiste confirmé, semble chercher en vain un clavier non représenté*. Le couvercle, orné ou percé d'une ouïe trilobée, semble très large ; mais je n'y connais rien.

  *Un commentaire avisé de Danièle Deveaux en avril 2014 corrige ma bévue : "Concernant l'ange jouant de la vielle à roue vous dites qu'il n'y a pas de clavier, mais en regardant attentivement à gauche de l'index de la main gauche, il y a 3 touches visibles. Elles peuvent se confondre avec les plis du tissu, mais un examen attentif permet de les distinguer."  Bien vu !

Mais a contrario, Arnaud Lachambre m'indique dans son commentaire d'août 2017 ceci : 

 

"Je tiens à m'inscrire en faux contre la remarque de Madame Danièle Deveaux, qui croit voir les touches de la vielle là où je ne vois que la prolongation des plis du vêtement. Cette erreur est bien compréhensible et pardonnable pour qui ne connait pas le fonctionnement d'une vielle à roue. D'abord parce que si touches il y avait, elles ne seraient pas sous l'éclisse ou le fond de l'instrument, mais sous le "plumier" ou boîtier où l'on voit ici les cordes, ensuite parce qu'il n'y en aurait pas que trois.

Mon hypothèse est que l'artiste, comme souvent, n'était pas familier avec l'instrument et l'a dessiné de mémoire ou à partir d'un croquis inexact. J'en veux pour preuve le nombre d'erreurs qui font que cette vielle n'est pas une reproduction fidèle d'un instrument existant : l'absence de touches donc, la disposition asymétrique des chevilles sur la tête, le cache-roue mal placé et succinctement dessiné, une décoration florale là où devrait être le cache-roue, l'absence d'ouïes, l'absence de cordes au niveau du corps de l'instrument (elles ne sont visibles que sur le manche, ce qui serait éventuellement possible plumier ouvert, mais dans ce cas seules une à trois cordes passeraient par là, le reste étant des bourdons disposés de chaque côté du boîtier, et l'artiste aurait alors négligé de représenter les tangentes et sautereaux), la mauvaise position du bras gauche de l'ange... 

Seule la forme générale de l'instrument rappelle des modèles connus antérieurement au Moyen-Âge et à la Renaissance, mais plus du tout en 1705. Le trait de renfort sur l'éclisse est en revanche un joli détail, conforme à de nombreux modèles comme la vielle du Manuscrit du Zodiaque (Lyon, 1430), jusqu'à la "Rixe des Musiciens de Georges de la Tour". 

Tout ceci étayerait l'hypothèse que l'artiste aurait basé cette représentation sur une ou plusieurs images anciennes plutôt que sur un instrument réel, et aurait pêché par oubli et imprécision sur nombre de détails."

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                        lambris 7070c

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Ange tenant un rouleau de musique , panneau 3.

La partition (qu'un musicologue pourrait peut-être étudier) comporte les lignes de portées, mais seuls quelques fragments des paroles (peut-être edi...clara ? ).

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Ange jouant de la sacqueboute, panneau 3.

  Le nom tordu, et la forme en tuyau de plomberie qui pourrait être raccommodé avec un boud'ficelle dorée, de cet instrument en font, avec le serpent l'un de mes préférés. Sacquer et bouter, c'est pousser et tirer, et, à l'impératif, cela donne Sacque! Boute! Pousse! Tire!  mais en 1306, la sacqueboute est une arme, une "lance à bout crochu destinée à désarçonner l'adversaire" (Trésor de la Langue Française). Le mot apparaît en 1466 dans son emploi musical sous la plume de Pierre Michault pour désigner une trompette grave à pompe mobile.

  1466! Ce dessin du XVe est donc contemporain de l'apparition du mot.

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                        lambris 7071c

 

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Ange tenant une partition panneau 4.

 Je déchiffre "ipum e paschali lau(des) Agnius redemit mi..", ce qui renvoie à la séquence liturgique de Pâques Victimae paschali laudes, : A la victime pascale les chrétiens offrent leurs louanges ; l'Agneau a racheté les brebis. Composée par l'aumônier de l'empereur Konrad II Wipon vers 1040, elle figure dans le Codex Las Huelgas (1300) déjà cité ; parmi les seize séquences pascales médiévales, elle est la seule a été reprise dans le Missel Romain de 1570. Elle inspira le choral  Christ ist erstanden de Luther, repris par Jean-Sébastien Bach dans son choral BWV 4. Elle a donc donné lieu à des études approfondies http://www.bach-cantatas.com/CM/Christ-ist-erstanden.htm#Wipo1040

 

http://www.unavoce.fr/content/view/1198/64/

paques0_9_2_victimaepaschalilaudes.png

 

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lambris-7084c.jpg

 

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Ange du panneau 6 :

   Au dessus de saint Pierre, il déploie un instrument désormais invisible. Il s'agissait d'un manche à luth court.

 

                    lambris 7063c

 

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Ange tenant une partition panneau 6 :

 

 On déchiffre ..  quem .....p..

 s'agit-il du répons grégorien  ii, quem vidisti pastores ? de quem quaeritis ? de Beatus quem elgisti ? ou du second verset du Regina Coeli laetare, "quia quem meruisti portare alleluia" ? Bien que les fragments de lettres suivantes ne le laissent pas parfaitement imaginer, c'est la solution que j'adopte, puisque la première ligne de cette antienne est présentée par l'ange du panneau 7.

           lambris-7063cc.jpg

 

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Ange tenant un psaltérion, Panneau 7

  Cet instrument , que les anges affectionnent particulièrement, sans-doute-parce que son nom indique qu'il est destiné à accompagner les psaumes, est représenté depuis le XIIe siècle ; il se tient comme il nous en est donné ici une démonstration, la caisse de résonance plate appliquée contre le thorax, suspendu autour du cou par une sangle. La forme de" groin de porc" est caractéristique, de même que la tenue des plectres (en plume d'oie) entre index et majeur ou plutôt ici entre majeur et annulaire. Les cordes métalliques (une quinzaine) sont tendues entre des chevilles en os, et résonnent par sympathie lorsque l'une d'entre elles est pincée. Dès le siècle suivant, les anges l'abandonneront.

  On voit une rosace centrale et quatre ouïes rondes à chaque coin.

 

                            lambris-7061c-copie-1.jpg

                    

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Ange tenant une partition Panneau 7:

 Il s'agit de celle de l'antienne à la Vierge Regina celi letare, l'une des quatre antiennes mariales du catholicisme, et dont le texte est lié à la joie de la Résurrection : Regina coeli laetare alleluia / Quia quem meruistit portare alleluia / Resurrexit, sicut dixit alleluia / Ora pro nobis Deum alleluia. Elle est chantée à la fin des Complies du dimanche de Pâques à celui de la Trinité.

 

  Cet ange se tient au dessus de saint Jean.

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                       lambris 7060c

 

 

II. Anges tenant les instruments de la Passion.

Panneaux 4 et 5

Un ange porte, à droite, la colonne de flagellation.

L'ange de gauche tient un instrument haut de deux mètres, nommé Trompette marine, Trompa marina, un monocorde (mais il a pu avoir jusqu'à 4 cordes) à corde frotté par un archet droit (visible ici). J'ai observé cet instrument à Beauvais, joué par une sirène sur une peinture murale datant vers 1313 :

 http://www.lavieb-aile.com/2015/10/les-quatre-sirenes-musiciennes-de-beauvais.html

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Sirène joueuse de trompette marine, Beauvais, tour nord du palais épiscopal, photographie lavieb-aile.

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Je l'ai aussi entendu joué par un ange des voûtes de la chapelle mariale de la cathédrale du Mans. instrument à deux cordes).

http://www.lavieb-aile.com/article-un-concert-de-noel-pour-nicole-et-michel-125275886.html

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concert 1722c

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Enfin, on peut voir un ange musicien jouant de la Trompa marina sur le retable peint par Hans Memling pour Santa Maria la Real de Najera. (Merci à "P.L" pour ces informations en commentaire).

lambris 7083c

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      Panneau 5, registre moyen :

      L'ange porte la lanterne et l'éponge imbibée de vinaigre. 

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 lambris 7092ccc

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      Panneau 8;

L'ange porte la lance qui frappa le flanc droit du Christ en croix.

                         lambris 7062c

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Au dessus de lui, un ange porte la croix :

lambris-7089cc.jpg

 

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      III. Le cycle de sainte Catherine.

 Il s'agit de la légende de sainte Catherine d'Alexandrie, telle qu'elle a été recueillie par l'italien Jacques de Voragine et écrite en latin dans la Légende Dorée entre 1261 et 1266, chapitre CLXIX pour la fête du 25 novembre. Mais une Vie Sainte Katherine versifiée avait précédé la Légende dorée, écrite en français par Clémence de Barking, moniale de l'abbaye de Barking, entre 1153 et 1175.  On peut citer aussi :

  • La vie me damne sainte Kateline Vierge, vers, anonyme
  • De Sainte Catherine (1616 octosyllabes d'une version picarde)
  • Dés le XIIIe siècle une Passion de sainte Catherine fut écrite par Aumeric Talbert en dialecte poitevin.
  • La Légende dorée est traduite en  français en prose vers 1348 par Jean de Vignay.
  • Cette traduction est reprise en 1476 par le dominicain Jean Batallier, de l'Université de Paris.
  • La vie de sainte Katherine en prose par Jean Miélot paraît en 1457, commanditée par Philippe III le Bon, duc de Bourgogne. 
  • La première version connue publiée en breton date de 1576, à Curburien, imprimerie St François. (Aman ez deraov buhez an itron sanctes Cathell guerhes ha merzeres en Brezonec neuez Imprimet e Cuburien euit Bernard de Leau, peheny a cho e Montrolles, voar pontz Bouret : en bloaz M.D.LXXVI)

  Il est très vraisemblable que des Passions de Sainte Catherine, Vierge et Martyre ont figuré dans le répertoire du théatre religieux, avec leur très nombreux figurants, et que les scènes que nous découvrons ici avaient été vues par les paroissiens sur les tréteaux avant de figurer sur les lambris. Le 26 février 1454, à Rouen, on joua le Mystère de sainte Catherine sur le Marché aux Veaux (M. Bouhaïk-Girones), et le Jeu de sainte Catherine à Metz en 1434 (durant trois jours) sur la place du marché. Cette fois-là, le rôle de Catherine était tenu par un notaire nommé Jean Didier, les femmes étant sévèrement exclues.

 

Nous avons affaire (comme sur les vitraux des Vies de Saint du XVe) à des images placées au dessus d'une inscription gothique, comme une bande dessinée. Pour les décrire, je placerai les panneaux selon l'ordre narratif logique, et je débuterai par l'inscription.



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Panneau 5 : 

Saincte Katherine devroy convertist a nostre foy cinquante grans mestres en ars quelle par macence furent c...

Soit ; Sainte Catherine en vérité convertit à notre foi 50 grands maîtres (ou philosophes païens) en argumentation  quele par Maxence furent c..

  On note les tildes et les P barrés abréviatifs.

  L'image décrit peut-être aussi une première rencontre de "Catherine, fille du roi Coste, née dans la pourpre et élevée dès l'enfance dans les arts libéraux" et de Maxence, empereur romain : la jeune (et extrêmement jolie, selon Maxence) demoiselle s'adresse sans vergogne à l'empereur alors qu'il s'apprête à offrir un sacrifice aux idoles et à contraindre les chrétiens à y assister ; et la voilà discutant "conformément aux diverses modes du syllogisme, par allégorie et par métaphore" et laissant Maxence stupéfait et coi.  C'est alors qu'il décide de convoquer à Alexandrie "tous les grammairiens et rhéteurs du temps" en leur promettant de fortes récompenses s'ils parvenaient à répondre à cette effrontée à la pernicieuse éloquence qui prétend que les dieux romains ne valaient rien à coté de son Seigneur Jésus-Christ.

  On voit donc Maxence assis sur le trône impérial et tenant son sceptre, entouré de huit philosophes vêtus à la mode du XVe siècle, comme les bourgeois du temps de Louis XI. Catherine, aidée par un ange qui lui dicte secrètement  répond point par point à ses interlocuteurs, chacun utilisant le fameux comput digital scholastique. Au VIIIe siècle Bède le Vénérable (Beda venerabilis) en avait conseillé l'usage dans son De loquela per gestum digitorum, dont la lecture est, à mon sens, trop négligée.

  La future sainte est déjà auréolée, elle porte une robe longue damassée et dorée recouverte par un corselet (ou cotte cintrée) frappé d'hermines. Elle est couronnée puisqu'elle est fille de roi. Les cheveux longs tombant dans le dos sont ceux d'une jeune vierge.

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                                        catherine 7095c

 

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catherine 7081c

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Panneau 4 : 

La roigne la va visiter en la charte par compagnie Katherine luy va precher la foy divine et fut convertie.

 

  Les cinquante philosophes s'avèrent non seulement incapables de démontrer que les propositions de Catherine étaient erronées, mais au contraire si convaincus de le justesse de ses dires qu'ils se convertissent au Christ ; si bien que Maxence les fait brûler vifs.

 

"Pendant que les chrétiens s'occupaient de les ensevelir, Maxence dit à Catherine : "Noble fille, aie pitié de ta jeunesse, et je te ferai impératrice dans mon palais, et le peuple adorera ton image au milieu de la ville!". Mais elle : "cesse de dire des choses dont la pensée même est un crime. J'ai pris le Christ pour fiancé, lui seul est ma gloire et mon amour ; et ni caresses ni tourments ne pourront me détourner de lui!". L'empereur la fit alors dépouiller de ses vêtements ; il la fit frapper de griffes de fer, puis, l'ayant jetée dans une obscure prison, il ordonna que pendant dix jours on la laissât sans nourriture."

   "Or sa femme qui avait pour amant un officier nommé Porphyre, vint la nuit dans la prison de Catherine. Et, y étant rentrée, elle vit la cellule remplie d'une clarté immense, et elle vit que les anges pansaient les plaies de la prisonnière. Et celle-ci, s'étant mise à lui décrire les joies éternelles, la convertit et lui prédit la couronne du martyre. Ce qu'apprenant, Porphyre alla se jeter lui-aussi aux pieds de Catherine, et il reçut la foi du Christ avec deux cents de ses hommes." (Jacques de Voragine, Légende dorée).

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                          catherine 7094c

 

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Panneau 3 :

Puis ung a(n)ge  luy envoia.  d' paradis qui onguent po(u)r la guerir lui apporta + la co(n)forta doulcement.

    On remarque toujours les tildes remplaçant les "n", le signe + remplaçant "et",  le mot "a(n)ge oublié qui a été suscrit, l'élision du "u" dans "du paradis", les lettres conjointes pa (paradis), po (pour), do (doulcement), ou encore l'abréviation de "pour" par por.

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 catherine 7067c

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catherine 7073c

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Panneau 2:

Comment les roues so(n)t paretz. pour Katherine marturer. ung foueld(r)e du ciel desce(n)d qui quat(re) m(ille) païe(n)s destruit..

Le mot "marturer" est la forme en moyen français (martyrer, martirier) de "martyriser". (Glossaire de la langue romane de Jean-Baptiste de Roquefort).

  Maxence revenant de voyage retrouve celle qu'il a enfermée 10 jours sans nourriture aussi fraîche qu'une autre jouvencelle ; il lui propose à nouveau de l'épouser, et devant son refus il lui donne le choix entre l'abjuration de sa foi, ou la mort dans des tourment effroyables : il ne fallait pas en promettre tant à la vierge exaltée : "Quelques tourments que tu puisses imaginer, n'hésites pas à me les infliger, car j'ai soif d'offrir ma chair et mon sang à Jésus."

  " Alors un préfet conseilla à l'empereur de faire garnir quatre roues de pointes de fer, et de s'en servir pour déchirer les chairs de Catherine, de façon à épouvanter par un tel  exemple les autres chrétiens. Et l'on décida que de ces quatre roues, où on attacha la sainte, deux seraient poussées dans un sens, et deux dans un autre, pour que les membres de Catherine furent arrachés et broyès en morceau. Et voici qu'un ange secoua si fortement la masse énorme des quatre roues que quatre mille païens périrent écrasés." (Jacques de Voragine, Légende dorée) 

 

 Le peintre, qui ne manquait pas d'humour, a placé au dessus de cette scène l'ange qui tourne, comme un tournebroche, la manivelle de la vielle à roue...

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                      catherine 7068c

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                  lambris 7070c

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 catherine 7072c

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Panneau 1 :

Quand le roy luy la fist ...denude entière.

 

  On pourrait penser qu'il s'agit d'un nouveau supplice réservé à Catherine, celui de l'arrachage des seins, comme celui que connut son alter ego sainte Barbe. Mais on lit :

"En ce moment, l'impératrice, qui avait assisté à la scène [celle des roues ] du haut du palais, s'enhardit à descendre, et reprocha à son mari tant de cruauté. Le roi lui fit arracher les mamelles, puis trancher la tête." (ibidem)

En réalité, le panneau représente sainte Catherine flagellée par deux bourreaux, dont on voit au dessus des quatre planches de restauration, l'extrémité des fouets dardés de barbelés. 

 

                                        catherine 7069cc

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Panneau 8 :

Les anges l'ont enseveli

"Après quoi la sainte eut la tête tranchée, et de son corps jaillit du lait au lieu du sang. Et des anges, recueillant ses restes, transportèrent son corps sur le mont Sinaï." (ibid.)

 

                        lambris 7066c

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IV Un saint Pierre et saint Jean.

 

Panneau 6 : saint Pierre (?) ou un saint évangéliste.

Pas d'attribut visible ; la chapelle Notre-Dame de Carmés était autrefois dédiée à saint Pierre et saint Paul. Mais l'absence de calvitie et de toupet, de clefs ou d'épée ne plaide pas pour cette hypothèse. 

   Ce panneau était placé dans le chœur face à saint Jean, et il s'agit donc peut-être d'un des trois autres évangélistes (Matthieu, Luc et Marc). L'objet qui apparaît mal entre les mains du saint se révèle être un livre (caractéristique des apôtres en général et des évangélistes en particulier) sur les clichès qui précèdent la restauration, et peut-être un animal ou l'ange de Matthieu peut s'imaginer en dessous. 

                   pierre-et-jean 7064c

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Panneau 7 : saint Jean

  Jean l'évangéliste est représenté avec deux de ses attributs, l'aigle à ses pieds et la coupe d'où sortent les serpents témoins du poison qu'elle contenait.

On lit l'inscription (S)aint J.h.n

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                      pierre-et-jean 7065c

 

 

 

                             pierre-et-jean 7088c

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 Remerciements.

  Merci aux auteurs des commentaires (cf infra), qui m'ont permis de corriger mes erreurs et contre-sens.

 

      Sources et liens: 

http://carmes.alvinet.com/visite/lambris-xv.html 

http://delestienne.eu/France/Neulliac/Notre-Dame-de-Carmes.html

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Published by jean-yves cordier - dans Peintures murales Anges musiciens Neuillac
3 septembre 2012 1 03 /09 /septembre /2012 11:10

Sortie entomologique dans les Montagnes Noires avec Bretagne Vivante le 1er septembre.

 

   Sous la conduite de Mikaël Buord, nous étions une quinzaine à manier le filet à papillon autour de Leuhan (29) puis sur les berges du Canal de Nantes à Brest au site d'écluse du Voaquer n°215 à Chateauneuf-du-Faou. Je ne donnerai que quelques-unes de nos trouvailles ; mais pour commencer, puisque personne ne me regarde, je vais me consacrer à mon péché mignon : rêver devant la drôle de gueule de mes potes les poteaux de clotûre :

                      poteau 2979c

 

poteau 2985c

 

Orthoptères :

La Tambourinaire : Meconema thallasinum (de Geer, 1773).

 

 

tambourinaire-meconema-thallassinum 2899c

 

tambourinaire-meconema-thallassinum 2904c

 

Le Phanéroptère commun Phaneroptera falcata Poda, 1761.

 

La femelle : larve.

phaneroptera-falcata 3022c

      femelle, adulte :

phaneroptera-falcata 3046c

 

Le mâle :

 

                           phaneroptera-falcata 3069c

 

phaneroptera-falcata 3071c

 

phaneroptera-falcata 3110c

 

La Decticelle bariolée Metrioptera roeselii (Hagenbach, 1822):

metrioptera--roeselli 2910c

 

Plus fort : la Decticelle des alpages Metrioptera saussuriana (Frey-Gessner, 1872):

Tettigoniidae

Zoonymie : protonyme Platycleis saussuriana : Frey-GessnerMitteilungen der Schweizerische Entomlogischen. Gesellschaft. IV n°8 pl. 1 fig a-b

L'entomologiste suisse Émile Frey-Gessner (Aarau,1826-Genève,1917) fut le directeur technique d'une filature de coton paternelle avant d'apprendre les sciences naturelles à Zurich, puis d'enseigner dans le canton d'Argovie. Ses publications sur les insectes incitèrent le Musée d'Histoire Naturelle de Genève à lui confier en 1872 ses collections, dont il fut le conservateur pendant près de 40 ans. Il décrivit 454 espèces d'abeilles suisses. On lui doit Matériau pour servir à l'étude de la Faune du Valais, Fauna insectorum helvetia : Hymenoptera, Apidae (1899-1911), etc...

L'épithète "saussuriana" ne se réfère bien-sûr pas au linguiste Ferdinand de Saussure, mais à son père, Henri de Saussure (Genève 1829-Genève 1905), entomologiste collectionnant et étudiant notamment les hyménoptères et les orthoptères. C'est grâce à lui que les collections d'orthoptères du Muséum d'Histoire Naturelle de Genève, dont Frey-Gessner était le conservateur, devinrent parmi les plus riches au monde. On apprend accessoirement qu'il fut aussi l'arrière-grand-père de Delphine Seyrig.

Synonyme : Platycleis abbreviata saussureana Fruhstorfer, 1921

Platycleis abbreviata Auct.

Platycleis noui, Saulcy 1887.

 

  Jadis considérée comme une espèce montagnarde occupant la zone 900-1100 m des Alpes, des Pyrénnées et du Massif Central, elle a été ensuite retrouvée en Normandie ; en Bretagne, elle occupe deux sites uniquement, dont les Montagnes Noires. La decticelle des alpages est remarquable par son bel abdomen vert, qu'elle n'a pas voulu montrer au photographe.

 metrioptera-saussuriana 2936c

 

metrioptera-saussuriana 2948c

 

 

Les trichoptères (au bord du canal) : 

 

aux ailes à marges blanches :

trichopteres 3135c

trichopteres 3136c


 

aux yeux rouges et en forme d'élégante cravate:

 

 

trichopteres 3157c

 

trichopteres 3160c

 

Les araignées :

L'argiope ou épeire fasciée, son stabilimentum et son cocon :

epeire-fasciee 2973c

 

                                         epeire-fasciee 3002c

 

epeire-fasciee 3008c

 

L'épeire à quatre points Araneus quadratus :

 

araneus-quadratus 2930c

                                                araneus-quadratus 2994c

araneus-quadratus 2991c

 

La coccinelle asiatique

reconnaissable au M noir de sa tête, comme M le maudit :

coccinelle-asiatique 2977c

 

 Platycnemis pennipes:

platycnemis-pennipes-3154c.jpg

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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