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7 juillet 2012 6 07 /07 /juillet /2012 19:49

          Sortie entomologique à Morlaix

                  avec Bretagne Vivante.

  Date  : 7 juillet 2012.

Situation météorologique : favorable  (aux grenouilles et aux escargots) : pluie continue.

 

I. Le Tristan

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II. La Libellule à quatre taches.

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III. La chenille de l'Orthosie gothique Orthosia gothica (Linnaeus, 1758)

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      IV. L'exuvie de sympetrum striolatum

(par déduction de la présence de l'imago à proximité)

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Sympetrum striolatum (archive 2011) :

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 Par ailleurs  et dans le désordre:

 

Ischnura elegans

Amaryllis

Myrtil

Pisaura mirabilis

Chorthippus parallelus

Vipère péliade

Orchis maculata.

stratocumuli.

pluvia pluvia.



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Published by jean-yves cordier
1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 18:51

Sortie à PLozevet ( Finistère Sud) avec Bretagne Vivante .

 


Les Sonneurs (1908), sculpture de René Guillivic à Plozevet. C'est le portrait d'un couple de sonneurs du pays, Yann Kerloc'h dit Yann Dall (1875-1960), le sonneur aveugle et Thomas Bourdon.

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 Lieu : Littoral entre Plozevet et Plouhinec / étang de Pouldiguou

Date : 30 juin 2012

Motif : Formation Invertébrés organisée par Bretagne Vivante et le GRETIA ; Sortie menée par Mickaël Buord.

But : recherche des insectes, papillons, libellules, ou arachnides... 

 

 

I. Le littoral.

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  Sur le front de dune dont la tombée peut être occupée par les terriers de la cicindèle, nous inspectons les plants de mauve (chenilles d'hespérie de la mauve ?) , puis les plants de roquette de mer Cakile maritima  à la recherche de la punaise phytophage propre à cette plante, Eurydema herbacea.  Le tout sans succès. Descendant sur la grève, nous nous attachons à retourner les pierres (et à les replacer) afin de rechercher un hôte qui s'y repose avant de passer la nuit à travailler : c'est Broscus cephalotes (Linnaeus, 1758).  

   Ce carabe qui creuse son terrier sous les débris fait alors la navette entre la laisse de mer et le bord de dune, chassant le talitre et autres gros insectes. Eurêka, en voici un, puis un autre : 

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  Satisfaits, nous quittons la plage et son petit peuple de nettoyeurs de laisse de mer et nous gagnons l'arrière-dune.

 

  II. Dunes et chemins vers la chapelle St-They. 

  La prairie dunaire serait pleine de promesses pour les papillons, mais ils sont rares : Fadets communs, Collier-de-corail, Amaryllis,  hétérocères ensommeillés, exceptionnelles zygènes du trèfle.

    De loin se repère un plant de Molène où nous découvrons un de ses habitués, la chenille de Cucullia Verbascum, la Cucullie de la Molène (ou du Bouillon-blanc, c'est blanc-bonnet et bonnet-blanc) : 

 

 

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  Shargacucullia verbasci (Linnaeus, 1758)

 

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La tête ...

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      ...et le wagon de queue : 

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        Nous reprenons notre bâton de pèlerin à travers les ajoncs puis sur les sentiers où, rarement, quelque Tircis se querelle contre un intrus . La rencontre d'une Eristale fait figure de petit évènement ; une pièride apparaît : est-ce Brassicae ? Non, c'est Rapae.

   Là, sur cette inflorescence, c'est l'Ephippigère de la vigne, une sauterelle aux ailes atrophiées et au pronotum en forme de selle : son étymologie dérivée du grec ephippios, "couverture ou selle de cheval", a le mérite de faire retenir l'orthographe d'Ephippiger ephipigger (Fiebig 1784)

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    Puis on descend vers un lieu humide où les seules libellules sont des Caloptèryx, faut-il en faire des gorges chaudes ? Nous montrons un goût dédaigneux, comme le chat du bon Horace. 

  Où sont les observations entomologiques d'antan ? Déjà nous approchons de la chapelle St-They, mais nous avons coiffé notre casquette d'entomologistes et nous ne nous intéresserons pas à ce saint Dey, Tey, Thei, émule de saint Gwénolé dont on ne sait d'ailleurs pratiquement rien. 

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  Mais qui dit chapelle dit fontaine, qui dit fontaine dit ruisseau ou lieu humide, locus amoenus de tout naturaliste : nous voilà vite en train de batifoler parmi le thym et le serpolet, ou, à défaut, le rumex, les joncs et les orties pour constater que les nymphes du lieu ont pour nom Calopteryx virgo, un point c'est tout. Et nous allions repartir bredouille de ce havre champêtre si...

  Bredouille  est un terme dont il va, si la situation météorologique actuelle se prolonge, me falloir approfondir la connaissance : contraint de l'utiliser, j'aurai alors le loisir d'en savourer les origines. Celles-ci seraient à trouver dans le jeu du Tric-trac, où, vers 1611, il désigne la situation avantageuse d'un joueur ; ou une partie double qu'on marque de deux jetons ; une partie bredouille, c'est une partie qui en vaut deux. Le "trictrac", très en vogue du XIIe au XIXe siècle, se jouait à deux personnes, chacun ayant deux dés et quinze dames ; et c'était à celui qui gagnerait ses douze trous le premier. Et si je gagne tous mes trous sans même que vous ayez le temps de jeter vos dés , alors, "je joue bredouille", et vous, vous avez été "mis en bredouille". Je gagne si rarement aux jeux que j'en bredouille.

    Mais en 1694, patatras, tout se renverse, et on dit qu' une femme est sortie bredouille du bal quand elle n'a point été prise pour danser. Mais au XXe siècle, l'ambivalence du mot persiste puisque avoir la bredouille ou être en bredouille , c'est "avoir le jeton qui indique que l'on fait de suite douze points, six trous ou douze trous. Dans ce dernier cas, on gagne la grande bredouille"(Quillet, 1965). Si on veut, "avoir la bredouille", c'est gagner la partie bredouille, celle qui vaut double, alors qu'"être bredouille", c'est la perdre.  

  Mais non, saint They nous préserve d'une telle déconfiture, d'une capilotade inavouable et fait apparaître devant nous une bryone, dioïque de surcroît, digne représentant des Cucurbitacées dont elle est, en nos contrées, la seule espèce sauvage. Et, sur les feuilles de cette Bryonia dioica Jacq.,1774, c'est Henosepilachna argus Geoffroy, 1762 qui se goberge.

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  A ce nom barbare est associé celui de notre compatriote le Docteur Étienne-Louis Geoffroy (1725-1825)  Histoire des noms français de papillon I : Etienne Louis Geoffroy et, par la mention trop laconique "1762",  une référence à son Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, dans laquelle ces animaux sont rangés par un ordre méthodique, Paris, Durand page 325. Rendons ici hommage à notre savant qui proposait alors le nom de Coccinelle argus, et qui disait pourquoi (si on sait qu'Argus est le héros aux cent yeux) : 

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    Il semble y avoir embrouille, car Geoffroy la décrit rouge, avec des points noirs entourés de jaune, mais puisque c'est à lui que les taxonomistes, assez tatillons pourtant lui ont attribués le titre d'"auteur spécifique", ne disons mot. D'ailleurs, elle est rouge dans le nord, où elle mange de la Bryone, et orange dans le sud, où elle mange du melon. (Wikipédia) La notre, dans l'ouest et sur sa bryone était aussi orangée qu'un "Chamonix", délicieux moelleux fourré à l'orange dont la marque LU m'avait rendu addict, dans les temps jadis, pour mon quatreur.

    Cette coccinelle à onze points ( encore un et elle "avait la bredouille" !) porte de nos jours le nom vernaculaire de Coccinelle orange, ou Coccinelle de melon, ou Coccinelle de la Bryone. Les gens de la Manche (Livory 2003) l'ont observé, une fois, sur le cornichon, et on en parle encore.

  Son nom générique à coucher dehors n'est pas dû à un français, mais à deux savants de 1961, Li et Coock ; On peut se dégager des premières lettre et écrire (Henos)epilachna, de la sous-famille des épilachnines, qui est un groupe phytophage : au lieu de manger , grâce à une ou deux dents, des pucerons, ces coccinelles végétariennes se nourrissent à l'aide de mandibules multidentées de nos cucurbitacées qui sont melons, courges, courgettes et cornichons, ou de nos légumineuses ( subcoccinella 24punctata). Que font nos services sanitaires, que fait Monsanto face à cette engeance ? 

   Comme toutes les coccinelles, elle affiche ses couleurs "aposématiques" pour signifier aux amateurs d'insectes qu'elle n'est pas comestible. En effet, les bryonines et cucurbitacines contenues dans toutes les parties de la plante dont elle se délecte, elle et sa larve, sont éminemment toxiques y compris pour l'homme : elle seule sait s'en protéger. 

  C'est une des rares coccinelles velues : ses élytres sont recouverts d'un duvet très fin, mais qui lui donne cet honnête aspect dépoli :

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  Nous abandonnons cette coccinelle à poil (mais bien heureuse de s'en être tirée face à cette troupe d'entomologistes sans se faire disséquer les genitalia ) pour partir à la recherche d'autres belles rencontres : tout-près, c'est un accouplement de Collier de Corail, ou, pour parler latin Aricia agestis [(Denis & Schiffermuller], 1775) in copula. On les distingue de Polyommatus icarus par les deux points noirs les plus antérieurs, qui sont ici au même niveau, et en décroché par rapport à la ligne pointillée qui suivait jusque là les marques orangées ; chez l'Argus commun, ou de la bugrane, ce décroché de la ligne des points noirs n'existe pas.

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    Après du menu fretin dont je n'ai pas tenu d'inventaire, nous rencontrons un premier longicorne, la Lepture tachetée Rutpela maculata Poda, 1761.

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  Puis nous rencontrons la très admirée Agapanthie à pilosités verdâtre, Agapanthia villosoviridescens de Geer, 1775. Le genre Agapanthia est dû à Jean-Guillaume Audinet-Serville, collaborateur de Latreille pour l'Encyclopédie Methodique, alors que l'espèce a été nommée par Charles de Geer (1720-1778), suédois élève de Linné à Uppsala mais qui admirait tant notre Réaumur qu'il reprit, pour sa publication princeps, le même titre Mémoires pour servir à l'histoire des insectes que notre ingénieux René-Antoine.

  Le nom agapanthe vient du grec, associant ἀγάπη (a̍gápê) (affection, amour divin) et ἄνθος (a̋nthos) (fleur).

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  Elle vient poser sa figure héraldique en sommité de ce promontoire épineux , telle la chêvre de Monsieur Seguin prête à affronter ici même le Loup  malencontreux.

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        Influencé par son Trop-pique, ce Capricorne n'apprècie que ce qui pique : les chardons ( Cirsium vulgare, très commun, Cirsium arvense, Cirsium crispus ). Si ce fakir s'accorde parfois un séjour sur les ombellifères, c'est pour mieux apprécier la Grande ortie Urtica dioica.

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  Après tant de piques, nous pensâmes à notre pique-nique. Puis nous nous rendîmes à l'étang de Pouldiguou.

 

III. L'étang de Pouldiguou.

  Ce fut alors l'occasion de multiples observations d'Odonates ; mais à défaut d'en citer la liste, je ne donnerai ici que quelques photos. Nous cherchions Orthetrum brunneum, qui y a été signalé, et dont nous cherchions à reconnaître les ptérostigmas brun-roux, la face blanc-bleuté, le thorax et  l'abdomen bleu du mâle. Mais ce fut Orthetrum coerulescens qui se présenta, pour une démonstration de ce qu'il savait faire le mieux : copuler.

 Noter les bandes blanches du thorax, caractéristique qui élimine l'hypothèse d'un brunneum.

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    Je ne suis pas parvenu à prendre en photo les nombreux zygoptères ; je ne peux proposer que ceux-ci : 

Ceriagrion tenellum ou Agrion délicat:

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Ischnura elegans :

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De la famille des Chrysomelidae : une  donacie : est-ce Donacia semicuprea Panzer, 1796, espèce la plus fréquente en Europe, sur les glycéries ? Non : les meilleurs de nos experts se prononcent pour Donacia versicolorea (Brahm, 1790) .

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  Plus loin, un Dytique Dytiscus sp encore tout mouillé des plongées qu'il affectionne (du grec dyticos, "qui aime à plonger" ) : Le Cybister à cotés bordés Cybister lateralimarginalis (De Geer, 1774). A la différence du Dytique bordé Dytiscus marginalis, son pronotum n'est pas cerclé d'orange.  On peut aussi observer les éperons des tibias des pattes postérieures (bien visible sur la patte babord) qui sont fins et identiques chez Dytiscus, et asymétriques chez Cybister, l'un étant fin et l'autre épais. (link)

  Il s'agirait d'une femelle, reconnaissable aux élytres crénelées... mais selon André Lequet, justement, les élytres de Cybister lateromarginalis sont toujours lisses. Dites-moi que ce n'est pas vrai ! 

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Plus à l'écart des berges, une chrysomèle :Chrysolina (Erythrochrysa) polita (Linnaeus, 1758), la Chrysomèle polie. Ses élytres ponceau contrastent avec le corselet vert bronze et la tête vert métallisé. Elle fréquente les lieux humides que la menthe embaume. Son nom vernaculaire est attesté dès 1817 (Dumeril, in Dict. Sc. Nat. Cuvier vol.9) après qu' en 1790 Ollivier et d'Alembert (Encycl. Meth. vol.26 p. 696) aient opté pour "La Chrysomèle lisse", et qu' en 1762 Etienne-Louis Geoffroy se soit contenté de la désigner comme "la chrysomèle rouge à corselet doré", (Hist. abr. ins. Paris t I p.258) lui qui avait su inventer à ses chrysomèles des noms charmants comme "l'arlequin doré", "le petit vertubleu", ou  "le grand vertubleu".

  Le grand art, pour un entomologiste, est de choisir à sa petite bête un nom de baptème qui laisse persister un certain flottement sémantique. "Chrysomèle lisse" était mal choisi, trop franc, stérile comme un galet. "Chrysomèle polie", tout en voulant dire exactement la même chose, garde des ombres secrètes ; et vous ne pouvez vous empécher, lorsque vous la rencontrez, de vous attendre à ce qu'elle soulève obséquieusement son chapeau pour vous saluer.

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  La journée touche à sa fin ; un dernier tour dans des landes où, l'annèe passée, folatrait encore le Damier de la Succise ne me permet d'admirer que la Crételle des près Cynosurus cristatus L. Traduisant le nom gréco-latin de Cynosurus, les anglais la nomment "queue de chien" (Dog's-tail) et les allemands la comparent à un peigne (Wiesen kammgrass) car les épillets stériles forment comme des peignes en face des épillets fertiles. Parmi les papillons, les azurés et les cuivrés l'apprècient. C'est la plante-hôte du Fadet, Coenonympha pamphylus.

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IV. La sortie de nuit.

 

  Au risque de décevoir, je ne dirai rien des quelques trente espèces observées, tant j'étais content de voir, pour la première fois, le Sphinx du troène Sphinx ligustri Linnaeus, 1758.

 


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  Zoonymie : 

Nom de genre : Sphinx, Linnaeus, 1758

Nom d'espèce : Sphinx ligustri, Linnaeus 1758 . Du nom de l'une des plantes hôtes, Ligustrum vulgare, le troène. Les autres sont le Lilas, le Frène, le Sureau, mais aussi le Viburnum, l'Ajonc, les Spirées.

Copyright www.biodiversitylibrary.org.



Nom vernaculaire :

France : Sphinx du troène, Engramelle, Papillons d'Europe peints d'après nature, tome III, n° 113, illustration planche 85, déssinée par Ernst et gravée par J.J. Juillet. 1782 p.8 : link

GB : Privet Hawk-moth. c'est à dire Sphinx du troène ("privet").

D : Ligusterschwärmer

 

La Rosette, Miltochrista miniata Forster 1771.

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Published by jean-yves cordier
20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 12:28

Longicornes, Capricornes, cinq Cérambicidés qui vous font les cornes.

 

I. Trois Lepturiens (Lepturinae, Latreille, 1802).

1. La Strangalie à forme de capricorne Pachytodes cerambyciformis, Schrank, 1781

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2. La Rhagie à deux fascies Rhagium bifasciatum Fabricius, 1775

 

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3. La Grammoptère à antennes rousses Grammoptera ruficornis Fabricius, 1175.

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II. Un Lamiaire (Lamiinae Latreille, 1825)

La Saperde à villosité verdâtre Agapanthia villosoviridescens De Geer, 1775

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III. Un Cérambyciné (Cerambycinae, Latreille, 1802)

Le Clyte bèlier Clytus arietis (Linné, 1758)

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Zoonymie

Nom de genre : Clytus, Laicharting 1784. 

  Du latin Clytus, i, m : 1. fils d'Egyptus.- 2 fils d'Arménius.-3 compagnon de Phinée.

Nom d'espèce : Clytus arietis (Linné, 1758) : protonyme : Cerambyx arietis. Du latin aries, arietis, "bélier". 

Nom vernaculaire : le Clyte bélier.

  • La Lepture à trois bandes dorées, 1772, Louis-Etienne Geoffroy, Histoire abrégée des insectes des environs de Paris, tome I n°  p. 214 link
  • Capricorne à quatre bandes jaunes, 1775, De Geer, Histoire abrégée des insectes
  • Callidie bélier, Olivier, 70, pl.II fig.20
  • Callidie bélier, 1803, Pierre-André Latreille, Histoire naturelle des Crustacées et des Insectes ... Volume 11 p. 296, link


 

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Published by jean-yves cordier
19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 20:33

L'Agrion orangé ou Pennipatte orangé Platycnemis acutipennis Selys, 1841.

 

 


 

Date : 27 mai 2012

Lieu : Forges-la-Forêt.

 

I. Coeur copulatoire. 

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II. Ponte surveillée ou en tandem :

 

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Zoonymie

 

Genre : Platycnemis Selys, 1841.

  Dans sa Monographie des libellulidées d'Europe, Roret, Paris 1840, p. 148 link  le baron Edmond de Selys-Longchamp (1813-1900) reprend le sous-genre Platycnemis de Toussaint de Charpentier ( Horae Entomologicae, Vratislavae 1825) en le caractérisant ainsi : "Les jambes des quatre pieds postérieurs dilatés ou élargies sur leur coté, et garnies de cils longs. Les deux jambes antérieures garnies également de cils longs. " Et il ajoute : " la tête est plus large et transverse que dans aucune autre Libelluline."

De Platy-, du grec platys, "plat", et -cnemis, du grec désignant une jambière ou "bottine militaire" , la cnémide, hautes jambières que portaient les guerriers grecs sur le devant des jambes. Cela se réfère aux tibias dilatés caractèristiques.


Espèce : Platycnemis acutipennis, Selys, 1841.

 Nouvelles Libellulidées d'Europe, par Edme de Selys-LongchampRevue zoologique, Paris, 1841 p. 246, .link

 : "Espèce très distincte de l'espèce type Pl. platypoda en ce qu'elle est plus petite, ses ailes plus étroites et le corps d'un rouge-clair presque sans taches chez le mâle avec quelques stries dorsales chez la femelle. Habite le midi de la France" Dès 1850, on le signale dans l'Ouest de la France

Du latin médieval acuti-, "aigu", et -pennis, "plume, aile"

 

Nom vernaculaire : 

Le terme "Agrion orangé" est utilisé en 1843 par Pierre Boitard en traduction de Agrion aurantiaca de Selys, qui proposait "Agrione orangé". (Monographie des Libellulidés, Roret, Paris 1840 p. 159, n° 6 bis). Il ne s'agit donc pas de notre espèce qui est, assez vilainement, appelée Platycnème acupenne par la Société Royale des sciences de Liège en 1850 link

  Je n'ai pas pu retrouver la date de la première application du nom d'Agrion orangé à Platycnemis acutipennis.

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Published by jean-yves cordier
19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 19:24

Demi-deuil et Gazé à Crozon : le retour.

 

Date : 15 et 19 juin 2012

Lieu : dans les prairies naturelles de la Presqu'île.

 

I. Le Demi-deuil :

 

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II. Le Gazé.

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III. Le Myrtil.

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IV La Sylvaine .

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Published by jean-yves cordier
18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 12:38

L'arbre de Jessé de l'église de La Ferrière (22). Les vitraux et les statues.

 

I. Présentation

   Succédant à un premier édifice, qui avait été donné à l'abbaye de Marmoutier (Tour) par l'évêque de Saint-Brieuc en 1128, et qui fut incendié par les Anglais lors de la guerre de Cent Ans, l'église Notre-Dame de La Ferrière date du XIV-XVe siècle ; elle est en forme de croix lattine avec adjonction à l'aile nord d'une chapelle communicant avec cette aile. elle a été reconstruite en 1767 (clocher), 1770 (nef), 1889 (choeur et transept). Elle porte les armes des Rohan.

  Les vitraux actuels se répartissent sur cinq baies : un arbre de Jessé de 1551 dans la chapelle nord, des scènes de la vie de la Vierge et de celle de sainte Anne dans la baie d'axe du choeur, et trois scènes de la vie de sainte Barbe datant de 1546 dans trois baies sud de la nef.  Mais ils n'occupent pas leur emplacement d'origine, et ont suivi les aléas des transformations successives. Restaurés en 1804 par la fabrique, celle-ci ne put réunir, en 1845, les 600 frs nécessaires à une nouvelle remise en plomb, et  en 1855,  J.H  Geslin de Bourgogne et A. de Barthélémy mentionnent qu'ils trouvèrent, "quelques débris épars dans l'église et le village" qui leur permirent de reconstituer trois verrières, l'arbre de Jessé, la vitre dédiée à Marie et à Anne, et le vitrail de sainte Barbe; en 1899-1900, la chapelle sud dite chapelle saint-Laurent fut abattue ainsi que le chevet, avant d'être reconstruits : c'est de cette époque que date la dispositions actuelle, due à la restauration du verrier Laigneau de saint-Brieuc.

  

  .

Source :  

  • Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Corpus Vitrearum Les Vitraux de Bretagne, Presses Universitaires de Rennes 2005.
  • René Couffon, Contribution à l'étude des verrières anciennes du département des Côtes-du-Nord, Les Presses Bretonnes Saint-Brieuc 1936, pp. 136-142, link
  • Je n'ai pu consulter Annie Clément, Les vitraux du XVIe siècle de La Ferrière dans les Côtes d'Armor et l'atelier de Michel Bayonne. Mémoire de maîtrise : Histoire de l'Art, Rennes 2, 1996. 
  • GLAD, site du Service Régional de l'Inventaire de la DRAC Bretagne, La Ferrière, Le mobilier de l'église  http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=PALISSYIM22002675 

 

II. L'arbre de Jessé.

  Placè en 1900 dans la chapelle nord, il fut alors restauré (vraisemblablement par l'atelier Laigneau, qui réalisa alors un vitrail de saint Laurent pour la nouvelle chapelle sud), puis déposé en 1948 lors de travaux de maçonnerie avant d'être replacés en 1951 après leur restauration par l'atelier Hubert de Sainte-Marie.

  Il est formé d'une seule lancette en arc brisé que les barlotières divisent en 21 panneaux, et il porte en bas deux indications, la date de 1551, et la signature MB, interprétée comme étant celle de Michel Bayonne.

  a) Michel Bayonne est un peintre verrier de Rennes, auquel on attribue aussi les vitraux de Moulins, Beignon, Saint-Gondran (35).

 Voir  L' arbre de Jessé de l'église de Moulins (35).

L'arbre de Jessé de l'église de Beignon.


b) L'année 1551 :

   Elle correspond à l'ouverture de la seconde des vingt-cinq  cessions du Concile de Trente ; mais l'incidence sur les choix déterminant ce vitrail doit  être modeste, d'une part car les relations conflictuelles entre la France et l'Empire de Charles Quint  ( où se situe la ville de Trente) firent que le roi François II ne laissa pas les évêques français se rendre à la première cession.

   Elle se situe aussi dans une période de poursuite de la lutte contre le protestantisme par une série d'Édits royaux représsifs. Luther s'oppose aux représentations qui font de Marie une Reine, et s'en prend notamment à la virga Jessé, la Vierge qui apparaît depuis le XV-XVIe siècle en nsommité des arbres de Jessé comme la Fleur Divine à la place du Christ en croix des arbres de Jessé du XII-XIVe.

  Début de la Contre-Réforme, période d'intransigeance contre le protestantisme, l'année 1551 est aussi en France en lien avec une crise gallicane et un conflit entre le roi et le pape Jules III.

  La Bretagne, à cette date, est réunie à la France depuis à peine 19 ans.

  

 

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      Six premiers panneaux : Jessé endormi entouré de deux prophètes.

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  Ayant déjà présenté l'arbre de Jessé de Moulins et celui de Beignon, par le même artiste, qui reprend la même disposition et les mêmes cartons de personnage, je m'attarderai ici plutôt à rechercher les différences, ou les éléments spécifiques.   J'ai placé les clichés correspondants de Moulins, puis de Beignon.

  Un prophète (Isaïe ou Jérémie)

Inscription Ecce virgo concipiet et pariet filium qui cite Isaïe 7, 14.

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       Jessé, endormi à l'entrée de sa tente ; inscription Jessé. 

arbre-jesse 4111ccc  vitraux-arbre-de-jesse 4451v beignon 5659c

 

Deuxième prophète.

 Inscription Egredietur virga de radicce Jessé et flos de [radice ejus ascendet], Isaïe 11,1.

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Commentaires.

  L'arbre-livre : Les trois personnages, Isaïe, Jérémie et Jessé, tiennent des livres : l'arbre de Jessé ne naît pas seulement de Jessé lui-même. Ses racines, ce sont les livres eux-mêmes, et les Phylactères qui en portent les inscriptions. De même qu'il n'y a pas de lignage sans mémoire, pas de généalogie sans registres, la religion chrétienne n'est rien sans Livre ni Transmission. Tout, dans l'Ancien Testament comme dans le Nouveau, se base sur l'accomplissement d'une promesse divine : promesse à Noé, promesse à Abraham en Genèse 12, 1-7 : "Pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père. Va dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction." Promesse faite à Moïse, celle de la Terre Promise. Et à coté de ces promesses territoriales, les très nombreuses promesses de progéniture : celle des Chênes de Mambré, Gen.18 1-15 qui fit tant rire Sarah ("j'ai pourtant passé l'âge de l'maour, et mon seigneur est un vieillard"), qui préfigurent la promesse (dans les apocryphes) par laquelle Anne accouchera de Marie, et celle de l'Annonciation par laquelle toute la généalogie de Jessé s'accomplira par la naissance du Christ.

  Il faut souligner par un effort de représentation cet notion d'un arbre enraciné dans les pages du Livre et s'élevant jusqu'au Verbe, un arbre dont les branches ne se distinguent pas vraiment des phylactères prophétiques, dont la sève est faite de lettres et de mots proclamés, dont les feuilles sont celles que l'on feuillette.

  Les femmes cachées.

   On considère trop rapidement que l'arbre de Jessé est la représentation de l'incipit de l'évangile de Matthieu, passage écrit pour des juifs afin de les convaincre de la descendance davidique de Jésus. Mais les versets 2 à 5, qui précèdent l'énumération des rois de Juda, disent :

   "Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères, Juda engendra Pharès et Zara, de Thamar, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram, Aram engendra Aminadab, Aminadab engendra Naasson, Naasson engendra Salmon, Salmon engendra Booz, de Rahab, Booz engendra Jobed, de Ruth, Jobed engendra Jessé, Jessé engendra le roi David. David engendra Salmon, de la femme d'Urie."

  Quatre femmes sont mentionnées, Thamar, Rahab, Ruth, et Bethsabée.

  • Thamar est la belle-fille de Juda, celle qu'il a choisi de donner comme épouse à son fils Er. A la mort de celui-ci , c'est, selon la loi du lévirat, Onan le frère d'Er qui doit l'épouser, mais celui-ci refuse de féconder la veuve et il meurt à son tour. C'est alors Chela qui devrait l'épouser, mais Juda s'y oppose : flouée, Thamar décide de se déguiser en prostituée et attire Juda dans son piège. Enceinte, elle donne à Juda deux jumeaux, Perets et Zerah ou Zara, l'ancêtre du Christ.
  • Rahab est une prostituée de Jéricho, ville où elle abrite deux espions de Josué poursuivis par la police ; cela lui vaut d'être sauvée lors de la prise de la ville ; plus tard, Sâlmon, fils de Naschson épouse Rahab qui lui donne un fils, Booz.
  • Ruth est une étrangère au peuple hébreu, une Moabite qui a épousé un émigré venant de Béthléem ; devenue veuve, sa belle-mère Naomi lui donne la liberté de revenir chez les siens, mais elle choisit de suivre Naomi qui rentre à Bethléem. Là, elle épouse Booz, fils de Salmon et de Rahab comme nous l'avons vu, et elle en eut un fils nommé Obed.
  • Bethsabée est la femme d'Urie le Hittite, un des généraux du roi David. Celui-ci l'observe lors de son bain, la désire et envoie Urie se faire tuer au combat, puis épouse Bethsabée. Salomon est né de cette union.

        Matthieu résume en fait la fin du Livre de Ruth 4, 19-22 tout en mentionnant le rôle des épouses : Perets engendra Hetsron ; Hetson engendra Ram ; Ram engendra Amminabad ; Amminabad engendra Naschson ; Naschon engendra Salmon ; Salmon engendra Boaz ; Boaz engendra Obed ; Obed engendra Isaï (Jessé) ; Isaï engendra David. Il rappelle ainsi que David, et le Christ, descendent de quatre femmes particulières : l'une prostituée, l'autre déguisée en prostituée pour séduire son beau-père, la troisième étrangère (non juive), la dernière au coeur d'une relation adultère et homicide...

     "En dessous" de Jessé et de son arbre, dans les couches plus profondes de la généalogie du Christ, placé "hors cadre" de tous les arbres de Jessé (ou peut-être suggéré par le personnage de la Démone des arbres sculptès), la prostitution et l'adultère. Ou plutôt la ruse de Thamar retournant le jugement de Juda contre lui-même et l'acculant au pardon ;   le jugement d'un être par ses oeuvres et par sa foi, Rahab préfigurant Marie-Madeleine ;  l'accueil de l'étrangère dévouée Ruth qui devient ancêtre des rois de Juda ; et la relation adultérine et meurtrière David-Bethsabée pardonnée et bénie après que la la faute ait été rachetée.

  Là encore, on peut voir soudain ce qui ne figure que par défaut dans ce vitrail apparaître clairement : quatre femmes portant les quatre pieds du fauteuil où Jessé s'est endormi . Thamar . Rahab .  Ruth . Bethsabée. 

  Cet arbre que j'imagine désormais, avec à sa base les Livres pleins d'histoires cocasses, de personnages picaresques, d'aventures dynamisés par une sexualité vivante, plurielle, sans complexe, j'aimerais bien le renverser ; partant du récit d'une femme qui renonce à la sexualité pour concevoir son enfant sans passer par l'ouverture risquée à l'autre et par la perte de l'intégrité de soi, partant de cette parthénogenèse ( parthéno = vierge/ genèse = naissance) dressant en apothéose le couple exclusif mère-enfant, l'arborescence se développerait, rencontrant ces rois pies ou impies mais toujours truculents qui, assis à califourchon, raconteraient leurs frasques et leurs combats ; David accompagnerait à la harpe son fils Salomon chantant les couplets coquins de son Canticum canticorum,  Jessé se réveillerait, il pousserait la chanson à son tour, et enfin les quatres femmes, en en riant encore, raconteraient leurs déguisements, leurs nuits d'amour, et les hommes gentiment bernés... Nous serions loin de la vierge et de son bébé, nous serions dans les tribus, dans les grandes tribus pleines de bruits et de tumultes et Noé aurait tellement bu qu'il faudrait encore que Cham, Seth et Japhet  le rhabillent. 

 

  Mais c'est une autre histoire que La Ferrière nous amène à raconter : celle de la conception virginale de sainte Anne, puis celle de la Vierge, puis le martyr de sainte Barbe qui se refuse au mariage et a fait voeu, comme Marie, de rester vierge à jamais.

 

 

      Les six panneaux sus-jacents :  six rois de Juda.


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Salomon 

Il présente, d'un beau geste, un passage de la Bible : sans-doute dans l'un des livres dont on lui attribut la paternité, comme le Cantique des Cantiques mais hélas, nous ne savons pas ce qu'il désigne ainsi.

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David

On remarquera l'utilisation de verre rouge gravé.

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      Ézéchias

  Toujours gaillard, en tenue de combat (cuirasse légère), le sabre au coté. Mais bizarrement glabre.

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Josaphat :

 

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      Roboam :

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Asa

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Les neuf panneaux supérieurs.


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    1; A gauche, Amon (en bas) et   Josias  :


Amon

  Glabre lui-aussi.(restauré ?)  Au dessus de sa tête, la main de Josias m'a intrigué.

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  En effet, cette main semble contenir des grains blancs que l'on retrouve sur la manche : lié à l' attaque du pigment par l'acide chlorhydrique libéré par des micro-organismes, cet effet m'a permis de rêver d'une image pleine de charme et de sens, où les larmes se transmettraient de génération en génération comme des perles précieuses. Les artefacts sont, parfois, les ailes les plus sûres de nos songes.

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Jozias

  Le Corpus Vitrearum signale que la tête des rois des panneaux sommitaux latéraux sont dus à la restauration de Laigneau. Cela concerne donc Jozias et Jéconias.


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      Au milieu, Joram

drôlement perché dans l'arbre et tourné vers Joatham qui lui lance un regard malicieux en lui faisant signe de son index de venir le voir. 


 

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Jéconias

  Il s'agit, je l'ai dit, d'une restauration de Laigneau (1900). Le roi de Juda a une tête de seigneur du début de la Renaissance, la main gauche est... maladroite, la couronne semble plus propre à venir se poser sur la tête de Blanche Neige que sur celle d'un roi de Palestine. Enfin, le verre et ses pigments semblent avoir été beaucoup plus vulnérable à cette lèpre du vitrail que nous constatons ici.

  Pourtant, cette image est intéressante puisque la présence de Jéconias crée un écart par rapport aux arbres de Jessé précédents (Moulins et Beignon). Je rappelle que la séquence généalogique donné par l'Évangile de Matthieu, et qui sert de base à l'iconographie des arbres de Jessé, est : David - Salomon - Roboam - Abia - Asa - Josaphat - Joram - Osias - Jotham - Achab- Ézéchias - Manassé. (à la suite desquels viennent dans la liste Amon - Josias - Jéconiah). C'est celle qui est respéctée à Beignon et Moulins.

  A La Ferrière, nous avons  David - Salomon - Ézéchias - Josaphat - Roboam - Asa -  Amon - Jotham- Ozias - Jozias -  Joram  - Jéchonias : à la place de Abia, Achab et Manassé nous trouvons les trois successeurs de Manassé Amon, Josias et Jéconiah. 

  Cela peut être ne peut être dû à un choix de l'artiste, qui doit respecter le programme du commanditaire : cela relève donc soit du commanditaire, soit d'un restaurateur. Les trois rois Abia, Achab et Manassé ont pu être écarté pour leur impiété, qui est attestée, mais pourquoi alors mettre à la place Amon, fils de Manassé qui fut aussi impie que son père ?

  Ici, la tenue vestimentaire de Jéconias est celle d'Abia sur le vitrail de Moulins, et d'Ozias sur celui de Beignon, avec cet élément ventral à trois franges, et une bourse.

 

 

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A Moulins  (personnage de gauche) :  vitraux-arbre-de-jesse 5834c

 

    A Beignon :beignon 5666c

 

La Vierge :     

  Elle est, comme à Moulins, "issant d'une corolle végétale" entourée de nuées, et remettant à son Fils un fruit ; mais l'oeuvre est moins belle qu'à Moulins, la Vierge est coiffée de son manteau qui forme voile, et Jésus marche en faisant le tour de la corolle florale...

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Les deux anges en adoration sont altérès.

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II. La maitresse-vitre de la Baie 0 :

site du Service Régional de l'Inventaire :  Maîtresse-vitre :  http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=PALISSYIM22002605

    Elle est composée de deux lancettes et d'un tympan à un oculus et deux écoinçons. La lancette de gauche, divisée en trois registres est consacrée à la Vierge ; celle de droite, partagée en deux registres, se consacre à sainte Anne, ou plus précisément à la conception et à la naissance de la Vierge. Ce qui fait que l'ensemble de la verrière raconte une Vie de la Vierge. 

   Jadis, ces panneaux étaient répartis dans deux baies différentes de la chapelle sud ; c'est l'atelier Laigneau qui les a rassemblés vers 1899 dans la baie d'axe du choeur, tout en procédant à de larges restaurations.

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1. La lancette de gauche.

  Elle est formée par trois ensembles qui correspondent tous à la fête de l'Assomption le 15 août.

a) Registre inférieur : Dormition de la Vierge

Le Corpus signale quelques restaurations, surtout dans la partie gauche, et un ange bleu du XVe placé en bouche-trou.

Inscription BRE/NO sur la base de la colonne de gauche : René Couffon y voit, sous la forme NObre, l'abréviation de Novembre.

Sur la base de la colonne de droite, inscription de la date de 1551.

Sur l'architrave, inscription SVRGE . AMICA . MEA . ET .  VENI.

C'est le titre d'une oeuvre de Palestrina datée de 1563; Surge Prospera Amica mea et veni est un des motets de Roland de Lassus (1532-1594).

Les paroles sont extraites du Cantique des Cantiques 2 :10b-13 " (Le figuier a montré  ses fruits, la vigne en fleur a répandu ses parfums, ) lève-toi, ô ma bien-aimée, ô ma plus belle, et viens".

  La Vierge endormie est entourée de onze apôtres, dont saint Pierre qui semble lire un office, tandis qu'un autre tient un encensoir. Au ciel, le Christ Sauveur entouré d'anges en adoration s'apprète à accueillir sa Mère.

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b) Registre médian : Assomption de la Vierge.

2 panneaux de gauche et deux panneaux de droite refaits, ainsi que les panneaux contenant la Vierge, restaurés partiellement.

L'inscription indique ASSUMPTA EST MARIA IN C(A)ELUM C'est une antienne  grégorienne (Assumpta est Maria in caelum gaudent angeli, laudantes benedicunt Dominum) ou le titre d'une Messe de Palestrina.

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c) Registre supérieur : Couronnement de la Vierge.

 De très nombreuses parties ont été restaurées. 

  Traditionnellement, Marie ne doit pas figurer (Wikipédia) dans le triangle tracé par les trois déités de la  Trinité, pour montrer qu'elle conserve sa nature humaine. Ici, elle semble au centre d'un cercle formé par Dieu le Père, les anges et le Christ. 

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2. La lancette de droite : Conception de Marie par Anne.

  La fête de la Nativité de la Vierge a lieu le 8 septembre ; elle est précédée 9 mois auparavant par la fête de l'Immaculée Conception. Cette fête de la Conception de la Vierge du 8 décembre a été instituée en Orient dès le VIIe siècle, puis en Angleterre au XIIe siècle, puis dans le reste de l'Occident sous l'influence des Franciscains malgré l'opposition de Bernard de Clairvaux et des Dominicains. En 1439, un décret du Concile de Bâle affirme l'immaculée conception mais ce concile est considéré comme schismatique et le décret non valide. Après des positions favorables, Sixte IV publie une bulle Gravis Nimis de 1483 interdisant désormais toute prise de position pour ou contre la conception immaculée de la Vierge. Néanmoins, la fête du 8 décembre est maintenue.


A) Registre supérieur : Annonce aux époux.

  Il comporte deux parties : 

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a) L'annonce faite à Joachim.

avec l'inscription qui court sur les deux parties : "Co(mm)e(n)t l'ange parut à Joachim et  à Anne et leur dict qu'ils auroient lignée."

  C'est un beau vitrail, où Joachim qui s'est retiré dans le désert avec son troupeau après avoir été mis à l'écart de la communauté hébraïque en raison de sa stérilité, reçoit la visite de l'ange lui annonçant que son épouse Anne va enfanter. La posture de Joachim et son costume (dont on peut remarquer qu'il ne présente pas d'éléments franchement sémites ou cultuels marquant le judaïsme de Joachim) sont admirables, mais ce sont d'avantage les trois bergers  qui recueillent l'attention, ainsi que le paysage  traité en grisaille bleutée. Celui-ci rappelle la présence de la ville, et du temple dont Joachim a été chassé. Parmi les trois bergers, l'un joue de la cornemuse, ce qui donne un témoignage sur la facture de cet instrument en 1551 : les musicologues y remarquent "un bourdon d'épaule court et relativement cylindrique, avec pavillon, et un hautbois de taille et forme sensiblement semblables".

   La scène est tirée, via la Légende Dorée, du Protévangile de Jacques :

   "Un ange du Seigneur est descendu auprès de lui, disant : Joachim, Joachim, le Seigneur Dieu a exaucé ta prière. Descends d'ici. Voici que Anne ta femme a conçu en son sein. Aussitôt Joachim est descendu, il a convoqué ses bergers, leur disant : "Apportez-moi ici dix agneaux sans tache ni défaut. Ces dix agneaux seront pour le Seigneur Dieu. Apportez-moi aussi douze veaux bien tendres et les douze veaux seront pour les prêtres et le Conseil des Anciens. Aussi cent chevreaux, et les cent chevreaux seront pour tout le peuple."


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b) L'annonce faite à Anne :

  Anne est vêtue d'une guimpe, et d'un manteau de la même étoffe que le manteau de Joachim, ce qui est touchant. Par la fenêtre, elle peut voir un paysage à fabrique, qui peut évoquer le lieu où se trouve Joachim. Enfin, Judith sa servante se réchauffe au feu de la cheminée. 

 Au début du récit, Anne pense que Joachim est parti pour toujours : elle était stérile, la voilà "veuve" par surcroit : le Protévangile nous donne à lire des Lamentations dignes de celles de Job :

   " Et sa femme Anne avait deux sujets de se lamenter et de se marteler la poitrine. "J'ai à pleurer, disait-elle, sur mon veuvage et sur ma stérilité !". Vint le grand jour du Seigneur. Judith, sa servante, lui dit : Jusqu'à quand te désespereras-tu ? C'est aujourd'hui le grand jour du Seigneur. Tu n'as pas le droit de te livrer aux lamentations. Prends donc ce bandeau que m'a donné la maîtresse de l'atelier. Je ne puis m'en orner car je ne suis qu'une servante et il porte un insigne royal." Anne lui dit :" Arrière, toi ! Je n'en ferai rien, car le Seigneur m'a accablée d'humiliations. Et peut-être ce présent te vient-il d'un voleur et tu cherches à me faire complice de ta faute."

  Et Judith la servante dit : "Quel mal dois-je te souhaiter encore, de rester sourde à ma voix ? Le Seigneur Dieu a clos ton sein et ne te donne point de fruit en Israêl !". Alors Anne, malgré son désespoir, ôta ses habits de deuil, se lava la tête et revêtit la robe de ses noces. Et vers la neuvième heure, elle descendit se promener dans son jardin. Elle vit un laurier et s'assit à son ombre. Après un moment de repos, elle invoqua le Maître : "Dieu de mes pères, dit-elle, bénis-moi, exauce ma prière, ainsi que tu as béni Sarah, notre mère, et lui as donné son fils Isaac". Levant les yeux au ciel, elle aperçut un nid de passeraux dans le laurier ; aussitôt elle se remit à genoux "las, disait-elle, qui m'a engendrée et de quel sein suis-je sortie ? Je suis née, maudite devant les fils d'Israël. On m'a insultée, raillée et chassée du temple du Seigneur mon Dieu. Las, à qui se compare mon sort ? Pas même aux oiseaux du ciel, car les oiseaux du ciel sont féconds devant ta face, Seigneur. Las, à qui se compare mon sort? Pas même aux animaux stupides, car les animaux stupides sont aussi féconds devant toi, Seigneur. Las, à qui se compare mon sort ? Non plus aux bêtes sauvages de la terre, car les bêtes sauvages de la terre sont fécondes devant ta face, Seigneur.

   " Las, à quoi se compare mon sort ? A ces eaux non plus, car ces eaux sont tantôt calmes tantôt bondissantes, et leurs poissons te bénissent, Seigneur. las, à qui se compare mon sort ? Pas même à cette terre, car la terre produit des fruits en leur saison et te rend grâce, Seigneur".

  Et voici qu'un ange du Seigneur parut, disant : Anne, Anne, le Seigneur Dieu a entendu ta prière. Tu concevras, tu enfanteras et on parlera de ta postérité dans la terre entière."

  Anne répondit : "Aussi vrai que vit le Seigneur Dieu, je ferai don de mon enfant, garçon ou fille, au Seigneur mon Dieu et il le servira tous les jours de sa vie."

 

  Commentaires : 

    L'annonce faite à Anne prend le relais de la prophétie d'Isaïe qui fonde l'Arbre de Jessé : l'annonce "on parlera de ta postérité dans la terre entière" rejoint  la prophètie "et voici qu'un surgeon naîtra de la racine de Jessé ". Dans les deux cas, c'est l'annonce faite à un personnage assez agé d'une postérité. Mais la particularité, c'est la réaction d'Anne qui, au lieu de rêver de ses petits enfants, arrière-petits enfants sur sept générations, consacre son enfant au service de son Dieu. Le voue-t-elle exactement à la virginité et au célibat ? Ce serait un comble, après s'être tant lamentée de sa stérilité.


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B) Registre inférieur : concrétisation de l'annonce .

  Là encore, deux scènes sont placées côte à côte.

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a) La rencontre des époux à la Porte Dorée.

Inscription : La re(n)co(n)tre de Joachim et An(n)e ala porte dorée.

 

   "Joachim arriva avec ses troupeaux. Anne attendait aux portes de la ville. Dès qu'elle le vit paraître avec ses bêtes, elle courut vers lui, se supendit à son cou et s'écria : Maintenant je sais que le Seigneur m'a comblée de bénédictions ! Voici : la veuve n'est plus veuve et la stérile a conçu ! " Et Joachim, ce premier jour, resta chez lui à se reposer.

   "Le lendemain, il apportait ses offrandes : "Si le Seigneur Dieu m'a été favorable, pensait-il, la lame d'or du prêtre me le révèlera." Il présenta ses offrandes, et scruta la tiare du prêtre quand celui-ci monta à l'autel du Seigneur ; et il sut qu'il n'y avait pas de faute en lui. Maintenant, dit-il, je sais que le Seigneur Dieu m'a fait grâce et m'a remis tous mes péchés." Et il descendit du temple du Seigneur, justifié, et il rentra chez lui. "

 

Commentaires :

  La tradition considère qu'Anne a été enceinte avant même de retrouver son époux (par l'effet de sa foi) ou par la seule étreinte échangée à la Porte Dorée (l'une des deux portes de la muraille Est de Jérusalem) : la Vierge Marie est donc conçue de façon virginale.

  On voit que l'enjeu est différent pour Joachim, et que ce qui compte pour lui, c'est d'être dégagé de la disgrâce que réalisait la sterilité de son couple, considérée comme une désapprobation divine et donc lièe à ses fautes. Il avait été mis au ban de sa communauté, mais désormais "justifié", il y retrouve sa place. C'est un enjeu social avant d'être un enjeu personnel et généalogique.

  Ce vitrail est pour moi le plus beau de ceux de La Ferrière. Les deux personnages secondaires, Judith à droite et le berger à gauche, sont pleins d'intêret.

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b) La naissance de Marie.

Inscription : C(omm)e(n)t anne enfanta . nostre dame.

   "Six mois environ s'écoulèrent ; le septième, Anne enfanta. "Qu'ai-je mis au monde?" demanda-t-elle à la sage-femme. Et celle-ci répondit : "Une fille". Et Anne dit : "Mon âme a été exaltèe en ce jour !". Et elle coucha l'enfant. Quand les jours furent accomplis, Anne se purifia, donna le sein à l'enfant et l'appela du nom de Marie." (Protévangile de Jacques)

  De même que nous avons pu voir des représentations de "Vierge couchée",  Vierges couchées de Bretagne : Le Yaudet, Guiaudet et Kergrist., nous avons ici l'illustration d'Anne accouchée, en post-partum immédiat : quatre femmes sont venus l'assister, dont l'une lui présente un bouillon, l'autre fait sêcher les linges devant le feu, tandis que deux autres donnent à l'Enfant-Marie son premier bain. 

  On notera la date de l'accouchement : sept mois après les retrouvailles des époux, ce qui indiquerait une conception deux mois auparavant, lors de la visite de l'ange. Autre argument pour la conception virginale de la Vierge.

  

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3. Le tympan.

il comporte un décor ornemental et, dans l'oculus, Moïse (par Laigneau ?) habillé en grand-prêtre, face aux tables de la Loi.

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Commentaires :


 


III. Le vitrail de sainte Barbe.

 

  Il s'agit de trois baies cintrées de la façade sud de la nef (Baie 6, 8 et 10), où des verrières à losanges de verre blanc contiennent chacune une scène de la vie de sainte Barbe.

  Le vitrail d'origine date de 1546 et se trouvait  dans la chapelle nord jusqu'à ce que, entre 1874et 1897, le recteur le fasse déplacer. Puis en 1899, les vestiges de cet ensemble dédié à sainte Barbe sont "tassés" dans la baie 2, sans-doute par Laigneau. En 1961, l'atelier Hubert de Sainte-Marie dépose les éléments de cette baie 2 et les répartit en 1968-1969 en trois baies : les vitraux sont alors largement complétés, et insérés dans une verrerie moderne. 

  La comparaison s'impose avec le vitrail de l'église de Moncontour consacré à la Vie de sainte Barbe, et lui aussi légendé de manière identique.

1. Baie 6 : Décollation de sainte Barbe.

Inscription : Son père la mit à mort.

  Le visage de la sainte a perdu ses traits car la grisaille en est effacée. On remarque la présence du verre rouge gravée utilisée pour sa tunique.

  Je ne reprend pas la légende de sainte Barbe, que j'ai détaillée ici :  Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, Ste Barbe. Mais, éclairé par les remarques de J.F. Faü sur l'antijudaïsme des artistes chrétiens, je note que Michel Bayonne, sous prétexte de donner à voir l'origine orientale de Dioscore, riche paîen d'Héliopolis en Perse, a repris les détails vestimentaires des personnages de l'Ancien Testament de ses arbres de Jessé, et a ainsi donné à ce personnage de Méchant les traits discriminants et stéréotypés du Juif ; à fortiori pour le visage apparaîssant en arrière-plan.

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Baie 8 : Flagellation de sainte Barbe

Inscription (moderne ) : C(omment) . le . provost . la . fit . fouetter de . verges.

Au coin inférieur droit se trouve l'inscription Vitraux du XVIe complétés en 196.. par l'atelier HSM .

A nouveau, le corps de sainte Barbe a perdu sa grisaille.


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Baie 10 : Comparution de sainte Barbe devant son père.

Inscription : Devant le Roy son père.

Le Corpus Vitrearum signale que le panneau supérieur est entièrement moderne.

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IV. Commentaires sur le programme des vitraux.

  Décrire les trois verrières de l'église de La Ferrière n'est pas le plus difficile. Comprendre quelle est l'intention du commanditaire, et comment ces trois baies forment un ensemble cohérent obéissant à un projet théologique, voilà qui est plus complexe et plus aventureux. Je vais donner des éléments de réflexion plutôt que d'élaborer une théorie.

1. L'Arbre de Jessé.


  Je note déjà que l'Arbre de Jessé, en 1551, est un thème qui commence à décliner, pour disparaître complètement dans la seconde moitiè du  XVIIe siècle.

  Deuxièmement, ce motif iconographique, initialement destiné à illustrer la généalogie de Jésus, est devenu au XV-XVIe siècle une manière d'illustrer la généalogie de Marie : c'est elle qui apparaît désormais comme la fleur ultime de l'arbre, et dans la prophètie d'Isaïe " Et voici qu'une vierge engendrera et accouchera d'un fils", l'accent est mis sur le mot virgo, vierge, comme si la prophètie annonçait la Vierge plutôt que le fils. 

  Cela ne va pas sans un détournement du texte de l'Évangile de Matthieu, ni sans un écart de logique, puisque en Matthieu 1, 16 la liste des descendants de Jessé s'achève par "Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, qu'on appelle Christ." L'arbre de Jessé devrait placer, en sommité de l'arbre, Joseph, père légal de Jésus. L'arbre de Jessé n'est donc pas l' illustration du texte du Nouveau Testament, (comme dans les Bibles enluminées du XIIIe siècle) mais celle de la prophètie d'Isaïe sur la tige de Jessé et la fleur qu'elle produit. Il s'agit de montrer que la Vierge et le Christ réalise l'Ancien Testament, et que, comme l'affirme le Symbole de Nicée, c'est l'Esprit-Saint qui a parlé par les prophètes.

   Donc, la prophétie principale qui sert de racine à ce thème est Isaïe 7,14 Ecce virgo concipiet et pariet filium et le mot principal y est virgo, la vierge. Non seulement ce verset permet d'argumenter le rôle fondamental de Marie, mais il insiste sur la conception virginale du Christ par Marie.

  La conception virginale signifie que Marie a conçu son Fils par l'opération du Saint-Esprit, sans relation sexuelle. C'est bien différent de l'Immaculée Conception, qui stipule que Marie a été conçue sans hériter du péché originel. Ce fut un point  ardu et débattu pendant tout le Moyen-Âge. L'arbre de Jessé tardif (XV-XVIe) est considéré par Émile Mâle, ou par Jean Fournée en Normandie, comme appartenant à l'iconographie propre aux "immaculistes", surtout lorsque la Vierge y est représentée par exemple au dessus du croissant de lune  comme la Femme de l'Apocalypse.

   Cet Arbre de Jessé renvoie aussi au thème de la Parenté auquel appartiennent aussi Parenté de Jésus, Sainte Trinité, Sainte Parenté d'Anne et de ses trois maris, Trinité féminine assoçiant Anne, Marie et Jésus (Anne trinitaire), généalogie de l'ascendance féminine de Jésus avec Esmérentie la mère d'Anne, etc...

  Enfin j'ai pu y voir la problématique des rapports entre Ancien et Nouveau Testament, traités comme rapports d'opposition avec rupture entre la Loi et la Foi, et s'inscrivant dans les relations entre l'Église (et la société) et le Judaïsme ou comme rapports génésiques comme dans la typologie biblique développée par les Pères de l'Église, où la royauté des rois de Juda préfigure celle du Christ ou plutôt ici celle de la Vierge.

  Dans cette polysémie de l'Arbre, les deux autres verrières permettent-elles de privilégier un axe particulier ? La première évidence est que la "marialisation" de l'Arbre s'y trouve confirmée. La seconde, c'est que c'est le thème de la virginité qui crée un lien-navette entre les oeuvres.

  2. la verrière de la Vie de la Vierge.

  Elle confirme l'importance donnée au personnage de Marie et à sa "divinisation", puisqu'elle culmine dans le couronnement de la Vierge, qui crée un lien entre la royauté de David et de ses decendants, et celle de la Reine des Cieux. 

3. La verrière de sainte Anne.

  Elle vient mettre l'accent sur le thème de la Parenté, mais surtout sur celui de la conception virginale de Marie par Anne : Anne devient enceinte par l'oeuvre de l'Esprit-Saint. Au Moyen-Âge et à la Renaissance, on distingue deux conceptions : la conception active ou charnelle durant l'acte générateur, et la conception passive ou spirituelle durant laquelle l'âme "infuse" dans l'embryon ;  le péché originel est contracté soit par l'acte sexuel, soit lors de la spiritualisation . Une conception sans acte sexuel peut être considérée comme autorisant une conception "immaculée", sans inoculation du péché originel.

  Ce vitrail ne met pas l'accent sur la généalogie de Marie, alors que dans les textes apocryphes Joachim est signalé être "de la maison de David". 

4. La verrière de sainte Barbe.

  Classiquement invoquée contre la foudre et les risques de mort violente, sainte Barbe, dans le contexte du programme de vitraux de La Ferrière, paraît plutôt comme l'exemple de la vierge martyrisée. Comme Marie, Barbe ou Barbara a renoncé à la vie sexuelle et au mariage pour se consacrer à l'amour divin. 

5. Conclusion.

 Le principe unificateur de ce programme de vitrail semble être l'apologie de la Virginité : "virgo-virga" d'Isaïe s'épanouissant dans la Fleur-Reine d'une Mère à l'Enfant, Vierge Marie élue comme Reine des Cieux, naissance merveilleuse dans le sein vierge d'Anne, ou vierge martyre.  La virginité est associée depuis toujours à la divinité : Hestia grecque, Vesta déesse romaine du foyer, Artémis-Diane lunaire et chasseresse... dans les liens complexes qui associe cette virginité avec la pureté et l'innocence.

 

 

 

V. Les statues.

 

Vierge à l'Enfant

Bois polychrome, XVIIe.


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Groupe de l'Annonciation.

  Ce groupe en kersantite date de la première moitié du XVe. L'ange Gabriel tient un phylactère portant les mots AVE MARIA, alors que la Vierge, aux très longs cheveux nattès, semble surprise dans sa lecture et se tourner vers l'intrus en disant : "Quoi ? Moi ?" A ses pieds, un vase contient le lys symbole de sa pureté. 

  Les statues étaient jadis peintes, et on voit encore des traces rouges, ocre et bleues (robe de la Vierge), bleu-vert (base), ou ocre (vase).

Malgré une facture bretonne, on remarque une influence extérieure, venue des Flandres.

 

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Notre-Dame de Ferrière

Statue romane du XIIe siècle en tilleul. La vierge assise tient l'enfant bénissant.

 

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Christ aux liens

Bois polychrome, XVIe siècle


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Saint Jean-Baptiste

Bois polychrome, XVIe-XVIIe

 

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 Sainte Emerance.

 Bois polychrome, XVI ou XVIIe

  J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait de sainte Emérentie, la mère de sainte Anne : 

   "Selon le rapport de Cyrille le Confesseur, Père Carme au Mont-Carmel, cette sainte ayant atteint l'âge nubile et voulant se marier, elle consulta sur ce sujet les ermites du Mont-Carmel qui firent des prières particulières pour savoir la volonté de Dieu ; dont trois étant en prières ravis en extase, virent un arbre dont sortaient trois branches. De la première sortait une fleur d'une odeur merveilleuse, des deux autres deux fleurs moindres en beauté que la première. Ensuite, ils entendirent une voix qui leur dit : "Cet arbre est Emérentie, qui doit être la source d'une génération admirable ; elle fut mariée à un homme juste nommé Stolan, de qui elle eut une fille nommée Ismélie, qui eût pour ses enfants Eliud et Elisabeth. Eliud eut pour fils Emin père d'Ennemercie de qui est venu saint Sératie, et d'Elisabeth, saint Jean-Baptiste. Ensuite Emérentie eut une seconde fille nommée Anne, laquelle étant arrivée à l'âge nubile ses parents lui firent épouser un homme riche nommé Joachim qui demeurait à Nazareth."

  Mais il s'agit de sainte  Émerance, jeune romaine qui fut lapidée par des païens en 304 alors qu'elle priait sur la tombe de sainte Agnès, dont elle serait la soeur de lait et qu'elle avait assisté pendant son martyre.

Une chapelle Sainte-Émerance existe à La Pouèze, en Anjou, où un pélerinage vient demander son intercession contre la colique, ou encore à Rochemeunier (Maine-et-Loire). Elle a une église à son nom à Pellouailles-les-Vignes. En Bretagne, on signale sa chapelle à Locméren-sous-bois (56), sa statue à Saint-Péran (35), datant du début du XIXe, à Hirel (35) ("sainte Émerence) milieu XVIIIe. A Bain-de-Bretagne, elle était invoquée par les nourrices en mal de lait, qui lui offraient de petits bonnets.

  Sous le nom d'Émérentienne, elle est enterrée en la basilique Sainte-Agnès-hors-les-murs à Rome, et on trouve son nom sur une croix dans la cathédrale d'Amiens. 

  Elle tient son tablier remplie de pierre, souvenir de sa lapidation.

  Un document polygraphié mis à la disposition des visiteurs dans l'église de La Ferrière donne la description faite par l'abbé Georges Dorange, ancien recteur, des oeuvres de son église : il signale qu'elle était vénérée par les femmes enceintes.




 

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Saint Germain

Bois polychrome, XVIIe. Il a perdu ses pieds, lesquels, malgré son nom, ne sont pas des boulevards.

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Sainte Barbe

Bois polychrome, XVIe siècle ; elle tient la palme du martyr et l'un de ses attributs, le livre ouvert témoignant de son érudition, mais il manque la tour à trois fenêtres. 

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La chapelle sud, celle que le recteur Dorange nomme "la chapelle aux hommes".

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Notre Dame de Bon Secours

Bois peint, XVIIe siècle

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Saint Roch

Bois polychrome, XVIIe siècle. inscription "Saint Rohc". 

Il porte le costume des pélerins allant à Rome, les "Romeux" ou Romieux (du latin Romaeus) et notamment le chapeau frappé des armoiries du Vatican, aux clefs de saint Pierre croisées sur fond de gueules. Théoriquement l'une de ces clefs est d'or symbolisant le pouvoir spirituel de l'Église, et l'autre est d'argent représentant sa continuité dans le temps.

  Je ne rappelle que très rapidement  que saint Roch, né en 1340 à Montpellier, devint médecin et soigna les lépreux notamment lors de son pélerinage vers Rome ; atteint de la maladie, il se retira à l'écart, mais un chien providentiel  lui apportait chaque jour un pain (ce chien tire son nom de saint Roch, c'est le "roquet"). Roch est toujours représenté montrant le bubon de peste de sa cuisse gauche. Ici, il a confondu sa droite et sa gauche. Il porte, bien-entendu, une "pélerine", un bourdon, et une besace.

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Saint Laurent

Bois polychrome, XVIe ; tenue de diacre, porte le livre et le grill de son supplice.

 

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Statue "de Saint Vincent Ferrier"

ou "saint Vincent Fairier" selon l'inscription. son ciboire le désignerait plutôt, selon l'abbé Dorange,  comme saint Pascal Bayon, franciscain espagnol du XVIe siècle célèbre pour sa dévotion envers l'Eucharistie. Le Pape Léon XIII l'a nommé patron des Congrès eucharistiques et des Confrèries du Saint-Sacrement.

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Published by jean-yves cordier
18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 12:00

Le vitrail de l'arbre de Jessé  de l'église Saint-Pierre de Beignon (Morbihan).

 

Voir :  L' arbre de Jessé de l'église de Moulins (35).

L' arbre de Jessé de l'église de Trédrez (22).

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Confort-Meilars.

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun :


Source : Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, Presses Universitaires de Rennes 2005

 

   Beignon était une barronie du diocèse d'Aleth (actuel Saint-Malo), et les titulaires du siège épiscopal veillaient sur son église avec une attention toute particulière, car l'évêque  possédait un manoir à Beignon dès le XIe siècle . L'église Saint-Pierre a été reconstruite au XV ou XVIe siècle après avoir été incendiée par les Anglais en 1483. Sous l'épiscopat de Mgr Bohier (1535-1567), d'importants travaux ont été réalisés, dont elle conserve des sablières signées par Iseul en 1539, date à laquelle l'édifice reçoit une nouvelle couverture. C'est l'année suivante que la maîtresse-vitre fut placée.  Sous la Révolution, elle est à nouveau saccagée (mais deux vitraux sont sauvés sur un ensemble plus complet jadis), et c'est l'infatigable réparateur des églises de son diocèse Mgr Bécel qui reconstruit l'édifice au milieu du XIXe siècle.


I. L'arbre de Jessé.

Attribué au verrier rennais Michel Bayonne par l'utilisation des mêmes cartons pour les verrières de La Ferrière (22) qui est signé du monogramme MB, et pour celles de Moulins (35), ce vitrail est daté de 1540-1550 car très clairement contemporain de la maîtresse-vitre qui porte la date de 1540. Elle occupe la baie 1, dans le transept nord. Constituée de trois lancettes, d'un tympan à trois ajours et deux écoinçons, elle aurait été offerte par Mgr François Bohier, évêque de Saint-Malo (1535-1567).

  Pour faciliter la comparaison, j'ai placé le cliché correspondant de l'arbre de Jessé de Moulins à coté de celle de Beignon.

 

                       beignon 4250c

 

 1. Les panneaux inférieurs.

Au registre inférieur, Jessé assis sur une cathèdre dort, la tête soutenue par la main. Il est. entouré de deux prophètes.

beignon 5649c

 

Ces panneaux ont été très restaurés, et sont même entièrement modernes pour  les deux clichés suivants. 

 

Inscription Dns dabit vobis signu(n) Ecce virgo concipiet et pariet filium Esa 7, 14 issu de la citation Propter hoc dabit dominus ipse, vobis signum. "C'est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-même un prodige. Voilà que la vierge concevra et elle enfantera un fils qui sera nommé Emmanuel."

  Le prophète (Isaïe) est très richement habillé d'un manteau damassé d'or (le même tissu que l'étoffe qu'il tient de la main gauche) au dessu d'une tunique rouge (technique du verre rouge gravé) et d'une chemise ou tunique à manches longues bleue. Ce prophète n'a rien a voir avec celui de l'arbre de Jessé de Moulins, dont j'ai étudié les traits sémites ou hébraïques, et le restaurateur lui a donné le visage glabre d'un empereur romain : erreur de casting.

  beignon 5661c  vitraux-arbre-de-jesse 4450c (Moulins)

Jessé dort sous sa tente, sur le ciel de laquelle est inscrit, pour changer du sempiternel phylactère, la citation EGREDIETURVIRGADERADICE. IESSE ET... L'intention est bonne, mais le restaurateur, en utilisant les lettres capitales sans intervalle, donne l'impression d'une épigraphie romaine.

beignon 5659c  vitraux-arbre-de-jesse 4451v (Moulins)

 

 

Le deuxième prophète n'est pas à son avantage. On dirait un Poseidon d'une fontaine vétuste. Là encore, sa tunique damassée a été taillée dans la tenture du pavillon de Jessé. 

Inscription en lettres néogothiques citant Jérémie 33, 15: In diebus illis et in tempore illo germinare faciam David germen iustitiae et faciet  iuducium et iustitiam in terra, "En ces jours et en ce temps, je ferai éclore à David un germe de justice ; il pratiquera la justice et l'équité dans le pays".

  Les auteurs de ces verres ont signé leur oeuvre en bas à gauche : Lusson & Lefévre : il s'agit d'Antoine Lusson fils (1840-1876) , du Mans , et de son collaborateur  Léon Lefévre. (Antoine Lusson père exerça jusqu'en 1853).

   beignon 5660v  vitraux-arbre-de-jesse 4452c (Moulins)

 

2.Deuxième registre : Salomon, David et Roboam.

 

beignon 5650c

 

Là encore, je m'étonne du visage glabre du roi Salomon, après avoir vu toutes les longues barbes du vitrail de Moulins.

 beignon-5655cc.jpg  vitraux-arbre-de-jesse 4453v (Moulins)

 

David est, par contre, très proche de celui de Moulins (photo accolée)

beignon 5663c  vitraux-arbre-de-jesse 5831c (Moulins)

Roboam.

La encore, la comparaison avec la verrière de Moulins est amusante, puisque, pour le même carton, le roi qui était nommé Ezechias à Moulins ( contre tout respect de la chronologie) est ici nommé Roboam (qui est ici, en tant que fils de Salomon, à une place logique).

beignon 5662c vitraux-arbre-de-jesse 5832c

                                                                                                                          (Moulins)

 

 

3. Les neuf panneaux supérieurs : 

beignon 5651c

 

1. Lancette de gauche : de haut en bas, Manassé, Joram et Ezechias

avec deux visages glabres (mais cette lancette gauche a été très restaurée dans sa partie supérieure)

beignon 5667c    vitraux-arbre-de-jesse 5833c

 

 

 

 

 

2. Lancette médiane : de haut en bas Achaz, Ozias, et Josaphat.

 

vitraux-arbre-de-jesse-5657cc.jpgbeignon 5666c  vitraux-arbre-de-jesse 5834c (Moulins)

 

 

3. Lancette de droite : Asa, Joatham et Abia.

vitraux-arbre-de-jesse-5658cc.jpg

beignon 5665c vitraux-arbre-de-jesse 5836c

 

 

  Au total, nous avons donc la succession des rois suivants : David - Salomon - Roboam - Ezechias - Abia - Josaphat - Joram - Joatham - Ozias - Manassè - Asa - Achaz, qui suivent la liste donnée par l'évangile de Matthieu 1, 7-16 et sont conforment aux Douze rois de Juda des arbres de Jessé. Nous verrons qu'à La Ferrière, il en va différemment.

 

Le tympan est formé d'un oculus montrant une "Vierge au lait" qui a été très restaurée, notamment la tête de la Vierge. Les deux ajours latéraux montrent des anges musiciens (très refaits) et les armoiries d'or au lion d'azur, au chef de gueules de Mgr Bohier, donateur supposé. Parmi les instruments, une flûte traversière, une viole, une harpe, un chebec, une flûte à bec...et un instrument non identifié.

 

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vitraux-arbre-de-jesse-5653cc.jpg


II. La Maîtresse-vitre, vitrail de la Passion du Christ et de saint Pierre.

Baie 0 formée de 4 lancettes et tympan à 8 ajours. Réalisé en 1540, ce vitrail s'apparente à celui de Saint-Gondran (35) par Michel Bayonne. 

  Restaurations vers 1880 par ? puis en 1964 par l'atelier Hubert de Sainte Marie et par L'atelier Le Bihan en 1989-90.

 


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Registre inférieur : 

1. Arrestation du Christ avec le Baiser de Judas ; à terre, saint Pierre, reconnaissable à son toupet, frappe le serviteur du grand prêtre et lui coupe l'oreille.

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2. Comparution devant Pilate, représenté avec une barbe bifide, des traits et une tenue juive, alors qu'il est le préfet romain, pour signifier qu'il fait partie des "méchants" (voir plus bas Simon le Magicien).

 

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3. Crucifixion : on reconnait Marie-Madeleine, Marie en pâmoison, saint Jean, et Longin donnant le coup de lance dans le flanc droit.

 

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4. Mise au tombeau en présence de Marie, Marie Madeleine versant le flacon de parfum sur les pieds du Seigneur, saint Jean, une sainte femme, et Joseph d'Arimathie dont il est intéressant de détailler la tenue de riche juif, membre du Sanhédrin : on voit un manteau rouge à manches courtes garnies de franges, sous lequel est une tunique à manches longues, couleur rouge clair. Le manteau est ceint par la ceinture jaune traditionnelle. Il porte deux bandes d'orfroi très richement dotées de pierreries. Des caleçons bleus et des bottines jaunes complètent ce costume. Un attribut important est constitué par la bourse, qui semble très pleine. Au total, de multiples indications sont données à la fois sur la richesse et sur la haute position de Joseph d'Arimathie, et à la fois sur son appartenance juive. C'est une constance de toutes les Déplorations bretonnes.

En bas et à droite, les armoiries d'hermines à la croix d'azur  et la devise Caritas cum Fide de Mgr Jean-Marie Bécel, évêque de Vannes de 1866 à 1897, qui a financé une restauration.

  Le fond bleu est décoré d'un fin paysage avec trois croix, le Golgotha, et un tronc d' arbre mort et de jeunes arbustes, qui peut être une allégorie du cycle de la Croix, et de la résurrection.

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Deuxième registre 

1. Remise des clefs à saint Pierre.

  Simon fils de Jonas, pêcheur du lac de Tibériade, reçoit du Christ son nom de Pierre : Et vous", demande Jésus aux apôtres" qui dites-vous que je suis ?" Simon, qui répond toujours avant les autres qui sont plus taiseux, répond "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant." et Jésus satisfait reprend : "Tu es heureux, Simon, fils de Jonas : car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre [Kephas en araméen], et que sur cette pierre je bâtirai mon Église et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur le terre sera liè dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux." (Matthieu 16, 15-18).  On raconte que saint Pierre possède deux clefs, l'une en or, céleste, qui doit être la clef du Paradis et l'autre en argent, terrestre (ou : l'une pour le salut des âmes et l'autre pour le Paradis).  

  Le Christ et saint Pierre portent le même manteau rouge, couleur de la Passion, montrant la communauté (relative) de leur mort sacrificielle, par crucifixion pour Jésus et crucifiement pour Simon Pierre.

   Dans le fond, une muraille fortifiée de tourelles aide à imaginer ce royaume, ses portes et ses clefs.

  

  1. maitresse-vitre 5678c

2. Prédication de saint Pierre.

  "Au jour de la Pentecôte, par sa prédication, il convertit trois mille hommes" : cette citation de la Légende Dorée est une transposition des Actes des Apôtres, 2, 21 "Ceux qui acceptèrent sa parole furent baptisés ; et en ce jour-là, le nombre des disciples augmenta d'environ trois mille"

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3. Saint Pierre donnant le baptême.

  Dans le fond, un paysage assez pauvre avec deux arbres.

 

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4. guérison du paralytique.

Actes des Apôtres, 9, 32-43 relate la guérison d'Énée et la résurrection de Tabitha, une femme de Jaffa. " Pierre, qui parcourait tout le pays, se rendit un jour chez les croyants qui vivaient à Lydda. Il y trouva un homme appelé Énée qui était couché sur un lit depuis huit ans, parce qu'il était paralysé. Pierre lui dit "Énée, Jésus-Christ te guérit ! Lève-toi et fais ton lit." Aussitôt Énée se leva."

   Si Pierre se reconnaît à sa clef (qui ne passe pas inaperçue ici) et à son toupet, il est aussi remarquable par ses pieds nus, caractère iconographique de tout apôtre.

  le Corpus Vitrearum désigne ce panneau sous le titre de "guérison du boiteux", mais mes modestes recherches n'ont trouvé, en Actes 14, 8, que le récit de la guérison d'un boiteux de naissance de la ville de Lystre, qui n'avait jamais marché. Mais, dans ce cas, c'est Paul, et non Pierre, qui le fait se lever d'un bond et marcher.


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Registre supérieur. Trés largement restauré, peu de pièces originales.

1. Saint Pierre libéré de prison.

C'est la belle histoire racontée par le chapitre 12 des Actes des Apôtres. (Elle prouve que saint Pierre possédait au moins une paire de sandales).

  " Vers le même temps, le roi Hérode se mit à maltraiter quelques membres de l'Église, et il fit mourir par l'épée Jacques, frère de Jean. Voyant que cela était agréable aux juifs, il fit encore arrêter Pierre. C'était pendant les jours des pains sans levain. Après l'avoir saisi et jeté en prison, il le mit sous la garde de quatre excouades de quatre soldats, avce l'intention de le afire comparaître devant le peuple après la Pâque. Pierre était donc gardé dans sa prison,; et l'Église ne cessait d'adresser pour lui des prières à Dieu. La nuit qui précéda le jour où Hérode allalit le afiree comparaître, Pierre, lié de deux chaînes, dormait entre deux soldats, et des sentinelles davant la porte gardaient la prison."

   " Et voici, un ange du Seigneur survint, et une lumière brilla dans la prison. L'ange réveilla Pierre, en le frappant au coté, et en disant : Lève-toi promptement § Les chaînes tombèrent de ses mains. Et l'ange lui dit : Mets ta ceinture et tes sandales. Et il fit ainsi. l"ange dit encore : Enveloppe-toi de ton manteau, et suis-moi. Pierre sortit, et le suivit, ne sachant pas que ce qui se faisait par l'ange fût réel, et s'imaginant avoit une vision."

  "Lorsqu'ils eurent passés la première garde, puis la seconde, ils arrivèrent à la porte de fer qui mène à la ville, et qui s'ouvrit devant eux ; ils sortirent, et s'avancèrent dans une rue. Aussitôt l'ange quitta Pierre".

 

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2. Dispute avec Simon le magicien.

Les relations de Pierre avec Simon le Mage, palestinien qui faisait preuve de talent dans des prouesses physiques (comme celle de voler devant la foule ébahie), sont, très shématiquement de deux ordres : celles lièes à la condamnation de la simonie, vénalité des valeurs spirituelles, décrites dans les Actes des Apôtres,  et celles lièes au judéo-christianisme, théme majeur des Actes. Les discussions entre les deux protagonistes se trouvèrent exposées dans un texte du Ve siècle, les Homélies ou Recognitions  Pseudo-clémentines, qui rassemblent l'argumentation contre les opposants de Pierre ou de la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem autour de Jacques, frère de Jésus, en faisant de Simon Le Magicien le porte-parole de toutes tendances confondues.

a) La condamnation de la  simonie.

  Les Actes des apôtres consacrent le début du chapitre 8 à l'histoire de Simon, "qui, "se donnant pour un personnage important, exerçait la magie et provoquait l'étonnement des foules de Samarie" qui le considérait comme investi de la puissance divine. Mais quand ce peuple vint écouter plutôt la bonne nouvelle annoncée par Philippe, Simon vint se faire baptiser et ne quitta plus Philippe, observant lesmiracles et les grands prodiges qu'il réussisait. Il profita d'un voyage de Pierre et Jean en Samarie pour proposer aux apôtres de leur acheter leur pouvoir d'imposition des mains et de transmission du Saint-Esprit. Pierre, dont on connaît la nature vive, l'envoya au diable avec ses deniers sonnants et trébuchants en disant

" Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s'acquérait à prix d'argent ! Il n'y a pour toi ni part ni lot dans cette affaire, car ton coeur n'est pas droit devant Dieu. Repens-toi donc de ta méchanceté, et prie le Seigneur pour que la pensée de ton coeur te soit pardonnée, s'il est possible : car je vois que tu es dans un fiel amer et dans les liens de l'iniquité".

  Depuis lors, dans l'Église, on donna le nom de "simonie" au péché de faire commerce des bénéfices spirituels du culte comme les grâces, les bénédictions, le pardon des péchés, les indulgences raccourcissant le séjour au Purgatoire, ou tout les sacrements, ainsi que toute tentative de corruption des clercs. 

  Simon le magicien apparaît donc dans les Actes comme l'inique, le méchant cupide, voué aux puissances de l'argent. Jean-François Faû a montré comment les artistes du Moyen-Âge représentaient ces personnages systématiquement en Juifs quelque-soit leur religion. C'est encore le cas à la Rennaissance,  nous en avons vu un exemple avec Pilate, et en voici un autre avec Simon, qui est représenté de profil, avec la barbe longue qui s'oppose à la barbe taillée de Pierre, avec le turban associé à un chapeau terminé par une houppe, et qui recouvre un bonnet dont on ne voit que les pointes tombant sur les oreilles et s'achevant par un gland de frange. Sa tenue est complétée par le manteau , la tunique dorée courte dont les manches s'évasent en deux "tsitsit" rouges ou franges rituelles. Le geste de la main droite, qui désigne le livre, est particulier, le pouce apparaissant entre index et majeur comme pour faire la corne...du diable.

  Derriére lui, un personnage est coiffé du chapeau pointu jaune ou pileus cornutus dont le port fut imposé aux juifs après le Concile de Latran de 1215, mais qui était abandonné à l'époque de ce vitrail. Il sert donc seulement à renforcer la stigmatisation.

 b) les "disputes" autour du judéo-christianisme.

  Ce sont bien ces discussions qui sont représentés sur le vitrail et non l'épisode de la simonie. Nous sortons du fait-divers exploité pour nous placer dans l'histoire, celle de la naissance de la religion chrétienne, avec toutes les polémiques et les échanges, soit entre les apôtres eux-mêmes, soit entre l'Église primitive et des tendances hérétiques. 

  Au centre de ces débats se trouve la place à donner au judaïsme. Pierre et surtout Jacques font partie de ceux qui souhaitent maintenir leur identité juive et respecter la Torah, tout en supprimant les sacrifices, le Christ ayant accompli le sacrifice rédempteur, alors que Paul apôtre des "gentils" (païens) prèche pour l'universalité, et pour l'opposition entre la Loi (torah) et la Foi . Des discussions ont lieu pour savoir si la communauté peut baptiser des "païens" non circoncis ou pour décider s'il faut leur imposer les lois mosaïques. Cela motive la réunion du Concile de Jérusalem en 50, ou Pierre prend position pour l'admission des païens sans les soumettre à ces lois, et Jacques à sa suite déclare (Actes des Apôtres 15, 19-20) qu'il ne souhaite que trois restrictions : "Je suis d'avis qu'on ne crée pas de difficulté à ceux des pïens qui se convertissent à Dieu, mais qu'on leur écrive de s'abstenir des souillures des idoles, de l'impudicité, des animaux étouffés et du sang".

Rappellons nous que Pierre est mort à Rome en 65, alors que la chute du Second Temple de Jérusalem suivie par la Diaspora date de 70. Rappellons aussi qu'une discussion entre spécialistes a lieu de nos jours pour préciser si le Christianisme s'est séparé du Judaïsme soit avec les positions de Paul de Tarse, soit, plutôt, au IVe siècle. 

  Les Pseudo-clémentines, textes apocryphes des évangiles du IIIe siècle attribués à Clément, premier évêque de Rome, décrit l'itinéraire de Pierre et ses discussions et entretiens avec divers protagonistes, dont principalement Simon le Mage.  Dans les textes pseudo-clémentins, Pierre s'oppose à Paul dont Simon le Magicien constituerait une sorte de prête-nom, et le christianisme paulinien y est présenté comme hérétique..  

  Les discussions y amènent aussi Pierre à réfuter à travers les propos de Simon les thèses du marcionisme, et l'existence de deux dieux, un dieu bon mais extérieur au monde, et un démiurge, créateur, sévère, vengeur et foncièrement mauvais. Marcion se présentait comme un nouveau Paul, plus radical qui lui dans son rejet de la Torah.

  Le face-à-face de Pierre et de Simon  dans ce vitrail est donc à considérer comme le témoin des difficultès rencontrés par le groupe des apôtres issu d'une communauté judaïque de Galilée et confronté à l'héllénisme d'une part, aux pharisiens d'autre part, à la multitude des dérives gnostiques ou hérétiques.

 

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3. Comparution devant Néron.

  Cette scène n'a sans-doute pas de réalité historique. On sait d'après Tacite que Néron, après le Grand Incendie de Rome en 64, voulut faire taire les rumeurs qui lui en attribuaient la responsabilité et en accusa les chrétiens, qu'il persécuta. Dans la tradition, Pierre aurait été victime de cette persécution en 64 et Paul en 67. Mais il est tout-à-fait improbable que Néron ait interrogé Pierre.

   Pierre qui avait été le premier évêque d'Antioche pendant sept ans, serait venu à Rome au début du règne de Néron (54), vivant en clandestin. 

  Le vitrail montre quatre personnages : saint Pierre, un garde romain, Néron figuré comme un roi de France, identifié par l'inscription du manteau, et un quatrième, vêtu d'une tenue orientale ou hébraïque, et en pleine argumentation digitale avec Pierre.

  Est-on certain du titre donné à ces panneaux ? Car quelque chose ne colle pas : ce roi nommé Néron (par le restaurateur, car le panneau a été refait sauf la tête de lancette et la partie inférieur) est le même qui, sur la scène précédente, semble un intrus dont la présence ne s'explique pas. Et ici, c'est ce personnage, doublon de Simon Le Magicien, qui n'explique ce qu'il fait là.



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4. Crucifiement de saint Pierre.

Traditionnellement, on dit que le martyre de saint Pierre eut lieu dans l'enceinte du Circus Vaticanus qu'avait construit Caligula sur la colline Vaticane, inter duas metas, "entre les deux bornes" de la spina du cirque ; soit approximativement là où s'élève la Basilique Saint-Pierre de Rome. 

  Eusèbe de Césarée, dans le premier chapitre de son Histoire Écclésiastique Livre III, écrit que " venu à Rome en dernier lieu, il y fut crucifié la tête en bas, ayant demandé de souffrir ainsi". On ajoute souvent le commentaire qu'il fit ce choix par indignité de subir le même martyre que le Christ. 

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Tympan : 

Dans sa partie basse, Réssurrection et anges adorateurs très dégradés.

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Dieu le Père  et la colombe du Saint-Esprit, pui deux anges tenant l'un la lance, l'autre la couronne d'épine. 

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Published by jean-yves cordier
18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 11:45

   Le vitrail de l'arbre de Jessé

de l'église Saint-Martin de Moulins (35)

 

Voir aussi :  L' arbre de Jessé de l'église de Trédrez (22).

L' arbre de Jessé de l'église de Saint-Aignan (56).

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Confort-Meilars.

L'arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Saint-Thégonnec.

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun :

 

 

I. Présentation.

 


   C'est pour admirer les vitraux que je me rends à l'église Saint-Martin de Moulins, en Ille-et-Vilaine, mais après avoir remarqué la quête discrète de la flêche polygonale du clocher, je prends le temps de regarder le monument composite, la nef du XIIe siècle reconstruite au XVIIIe ayant été completée au XV-XVIe siècle par une chapelle latérale au nord et deux chapelles jumelles au sud, celles dont la photographie montre les deux pignons encadrant une porte de style Renaissance.  Le choeur a été refait et agrandi en 1836.


  I. L'Arbre de Jessé, Baie 3.

  Sources : Françoise Gatouillat et Michel Herold, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum  Presses Universitaires de Rennes, 2005.

Les vitraux sont attribués par les spécialistes et notamment par R. Couffon, Annie Clément et Jean-Pierre Le Bihan à Michel Bayonne, maître-verrier rennais du XVIe siècle, après qu'ils aient comparés l'arbre de Jessé de Moulins avec celui de La Ferrière (56) daté de 1551, et de Beignon (56) et avoir constaté des modèles communs et des procédés techniques analogues. 

  On attribue en outre à ce verrier les vitraux des Iffs (v.1550), de St Gondran, de l'église Saint-Martin de Romillé, de La Chapelle-Janson, ou de Visseiche.

  L'arbre de Jessé de Moulins est daté vers 1560 par estimation, sans inscription, mais par rapprochement avec les autres verrières de l'église, datées de 1560 (Baie W) et de 1561 (baie 4, décrite en 1860, et qui aurait été vendue). 

  Le rang inférieur des panneaux a été détruit à une époque ancienne et remplacé par des vitreries à bornes, avant qu'une restauration soit effectuée par Tournel après 1912. Jean-Pierre Le Bihan procéda à une restauration en 1992, avec suppression des plombs de casse sur 87 pièces et collage sur doublage : on lira avec intérêt son étude avant restauration sur son blog ici : http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-34768049.html


  La baie 3, haute de 4,20m, dresse ses 3 lancettes et son tympan à 3 ajours et 5 écoinçons sur le pignon de la chapelle nord. On comparera son arbre de Jessé avec ceux de La Ferrière ( dans un article à venir) et de Beignon (idem) pour constater la proximité des cartons. Globalement, la composition est d'une lecture claire, aérée, et on distingue vite l'arborescence qui conduit, par les douze rois de Juda, la généalogie partant de Jessé sous sa tente (prédominance de couleurs rouges, ocres et vertes) jusqu'à la Vierge et son Fils, enveloppés du bleu du manteau.


                  vitraux-arbre-de-jesse 4444c

Chaque lancette est constituée de neuf panneaux, mais j'étudierai la verrière en trois registres inférieur, médian et supérieur pour respecter la cohérence des cartons. 

En bas, Jessé est endormi assis dans une cathèdre sous un pavillon de toile rouge ; il est entouré de deux prophètes, classiquement Isaïe et Jérémie, qui tiennent les coins de la tenture pour dévoiler Jessé. Chacun tient un livre et est entouré d'une phylactère. 

 

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  A gauche, le prophète est entouré de l'inscription "Orietur Stella ex Jacob, et consurget virga de Israël.nu 24" : il s'agit d'une citation du Livre des Nombres, 24,17 et de l'oracle de Balaam : "De Jacob monte une étoile et d'Israël surgit un sceptre". L'étoile a été rapprochée de celle qui a guidé les Mages et les bergers vers la crêche de Bethléem (Matthieu 2, 2 et 2, 7). Je rappelle que la partie basse (deux panneaux inférieurs) est dû à une restauration. 

  Sa tenue vestimentaire marie des traits typiques des habits de la Renaissance, comme les manches et des bottines à crevé, avec un turban, une barbe bifide, une tunique d'or à franges rouges et un châle à frange également, destinés à indiquer la religion juive du personnage de l'Ancien Testament.

  On peut penser qu'il tient le Livre des Nombres. 

  Il s'agirait du prophète Jérémie. C'est lui qui apparaît avec Isaïe sur sur le vitrail de Confort-Meilars, sur une peinture murale de l'arbre de Jessé de 1500, sur l'arbre de Jessé de Moncontour (vitrail du XVIe), de La Ferrière, de Beignon, de l'église Saiint-Godart de Rouen (1506), tout comme à la chapelle Saint-Guen de Saint-Tugdual, etc, etc... Cette quasi-constance de la présence du prophète ne m'en donne pas l'explication.


                    vitraux-arbre-de-jesse 4450c   

 

   Jessé révèle son identité par un phylactère, au cas où nous ne l'aurions pas reconnu, avec cette habitude de s'endormir sur sa lecture et de se plonger dans des songes généalogiques, la tête soutenue par la main accoudée. Jean-Pierre Le Bihan signale  que la posture assise a été adoptée par les maîtres verriers rouennais, notamment parce que la posture allongée ( celle du XIIe siècle du vitrail de Saint-Denis, point d'origine de tous nos vitraux d'arbres de Jessé ) est délicate à placer sur les baies à trois lancettes.

   Vous le trouverez en train de faire la sieste sur la plupart des vitraux qui le représentent. Est-il frappé, comme le héros des Pickwick Papers de  Dickens, du Syndrome de Pickwick (C.S. Burwell), est-ce un "Blue Bloater" dont l'hypoventilation alvéolaire et l'obésité suscitent un syndrome des apnées-hypopnées du sommeil (S.A.H.S) ? Il ne présente pourtant pas le morphotype de Fat Joe, et je ne l'entends pas ronfler. Ou alors, est-il concerné par la Maladie de Gélineau ?  Difficile de l'affirmer. La seule chose qui est sûre, c'est que Jessé est le petit-fils de Boaz, bien connu par les lecteurs de la Légende des Siècles de Victor Hugo par son surnom de Booz endormi. Bref, une transmission génétique possible, mais qui a du s'inverser dans les générations suivantes si on en juge sur les rejetons suspendues aux branches, hyperactifs invétérés, joueurs de musique ou agitateurs de hochets.

  

  Il porte le turban, la barbe bifide, mais comme c'est un roi et non un prophète (assimilé à un prêtre), il ne porte pas le châle à frange, mais un manteau d'or doublé d'hermine (bel anachronisme bien-sûr pour cet usage des rois de France) sur une robe violette. On note aussi l'aumonière, mais celle-ci n'est pas d'origine.

  Le dais vermillon et or est constellé de motifs ronds par la technique du verre gravé, propre au verre de couleur rouge dont on enlève par meulage (gravure) la couche pigmentée.

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Le deuxième prophète (ce serait, pour J.P.Le Bihan,  Elie) se place sous l'inscription : Et egredietur v(ir)ga de radice iesse et flos de radice eius asce(n)det, Isaïe 11", mais je ne vois pas pourquoi il ne s'agirait pas ici d'Isaïe lui-même avec sa fameuse prophétie "Et une tige s'élevera de la racine de Jessé (la traduction grecque de la forme hébraïque "Isaïe" afin de ne pas le confondre avec le prophète), une fleur s'élevera de ses racines."

  Ce personnage porte une coiffe haute et pointue comme une amande au dessus du turban. Deux rubans latéraux à franges en sortent. Un camail en fourrure d'hermine, un manteau vert à larges et courtes manches serré à la taille par une ceinture violette et de beaux souliers carmins complètent sa tenue. C'est ce portrait qui, j'en suis sûr, inspira Huysmans lorsqu'il décrivait Hérode en ses termes : " Sa longue barbe flottait comme un nuage blanc sur les étoiles en pierreries qui constellaient la robe d'orfroi plaquée sur sa poitrine" (A rebours, 1884)

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Le deuxième registre donne à voir trois des douze rois de Juda : Salomon à gauche, David au centre, Ezechias à droite, assis-perchés sur les branches de l'arbre qui semble surgir du toit de la tente royale. J'admire l'entrelacs de la ramure qui rappellent des éléments gothiques ; des feuilles d'acanthe s'enroulent  et répondent aux orbes des phylactères.

  La généalogie du Christ est présentée différemment dans les Évangiles par Luc et par Matthieu. C'est le texte de Matthieu qui est suivi par les artistes qui réalisent ces arbres de Jessé. Matthieu 1, 7-16 donne la séquence suivante : 21 individus d'Adam à Abraham, puis 12 personnages d'Isaac à Jessé, puis 26 personnage de David à Joseph, père légal (mais non biologique, bien-sûr) de Jésus. Parmi ces 26 personnages, seuls 12 figurent sur la plupart des arbres de Jessé, ce sont les "rois de Juda" David, Salomon, Roboam, Abia, Asa, Josaphat, Joram, Osias, Jotham, Ézèchias et  Manassé [mais parfois aussi Amon, Josias et Jéconiah].

   Au départ, en Égypte, il y avait 12 tribus portant chacune le nom d'un des douze fils de Jacob, également nommé "Israël" : les douze tribus d'Israël. Ces tribus sont unifiées sous le régne de Saül, auquel succède David et Salomon, puis vers -930 sous le règne de Roboam, fils de Salomon, son royaume se scinde en Royaume de Juda au sud, dont la capitale est Jérusalem, et regroupant les tribus de Juda et de Benjamin (et une partie des Lévites), alors que les dix autres tribus au nord fondent le royaume d'Israël, centré sur Samarie. Ce royaume est détruit par les Assyriens en -722 et on perd la trace des dix tribus. 

  Ici, ce sont les rois de Juda que nous allons suivre. Leur royaume durera jusqu'en -587, date de la destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor. Leur histoire est traversée par trois axes de force : la tentative permanente de l'Assyrie pour les soumettre ; la division avec le Royaume d'Israël et les guerres qui les opposeront ; et enfin la progression très aléatoire malgré les exortations des Prophètes d'un polythéisme accueillant pour les cultes cananéens, vers le monothéisme du culte rendu à Yahvé Mais nous les suivrons dans le désordre de leur position sur l'Arbre à Rois.

 

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Salomon, (970 à 920 av. J.C) fils de David et de Bethsabée et donc petit-fils de Jessé, chaussé de rouge, porte sa couronne sur une sorte de casque-turban. L'homme aux 700 épouses et 300 concubines (Premier Livre des Rois, 11,3) est vêtu d'une tunique dorée, d'une robe lie-de-vin, toutes les deux damassées ; je remarque la forme particulière des manches.  Outre le sceptre, il tient un livre, sans-doute le Livre des Proverbes ou le Cantique des Cantiques, qu'on lui attribue. 

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    Le roi David (1010-970 av. J.C) tient résolument sa harpe, sur laquelle il composa ses Psaumes. Il porte sa couronne sur un chapeau en forme de petit-bateau (ou, plus sérieusement, de chapeau jaune pointu porté par / imposé aux juifs ) Sous son manteau royal doublé d'hermines, sa tunique de pourpre est mouchetée de blanc par la technique du verre rouge gravé.

  Fils de Jessé, c'est en toute logique qu'il apparaît sur la fourche maîtresse de l'arbre, juste au dessus de son père.

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      Ezéchias (716-687 av. J.C) avant-dernier sur la liste chronologique, est séparé de son voisin par douze générations : c'est ici un gaillard débordant de vitalité et saisi dans l'instantané chorégraphique d'une figure de danse guerrière proche de la pyrrhique : il s'agit peut-être de la "debka" hébraïque (ou dabkeh palestinienne, le mot signifiant "coup de pied") dans ses premières exécutions, ou, en tout cas, une danse qui est pratiquée avec le bouclier, le sabre, et les protège-tibias ( qui, en Grèce, portent le nom de cnémides). 

  Dans la Bible (Deuxième Livre des Rois, Livre d'Isaïe, Deuxième Livre des Chroniques), Ezechias est un roi bon, juste et attentif à lutter contre l'idolatrie (détruisant le serpent d'airain de Moïse, qui était devenu l'objet d'un culte idolâtre)  et à restaurer les traditions, mais qui, renversant la politique de soumission menée par son père Achaz et  cherchant à secouer le joug assyrien, déclencha le siège de Jérusalem : il évita la destruction de la ville en versant aux troupes du roi Sennacherib un fort tribut. (selon le Cylindre de Taylor, source assyrienne et non biblique, la somme s'élevait à 30 talents d'or et 800 talents d'argent). 

  Ézéchias débute son régne 6 ans après la destruction du royaume d'Israël, dont il accueille les réfugiés en les incorporant dans l'appareil cultuel et administratif tout en recueillant auprès d'eux tout un matériel textuel de traditions et de lois qu'il fait éditer. Il renforce les défenses de Jérusalem et fait creuser un tunnel qui amène les eaux de la source de Gihon à l'intérieur de l'enceinte. Il recherche l'appui des égyptiens qui lui fournissent (2R. 18 24) des chars et des cavaliers.

   D'après mon ancien camarade de classe à Sainte-Croix Dominique Charpin, désormais assyriologue patenté et directeur d'études à l'Ecole pratique des Hautes Études, "Après la chute du royaume du Nord, un seul état-tampon subsistait entre les assyriens et l'Égypte, le petit royaume de Juda. Celui-ci balança entre l'idée de se soumettre aux assyriens, et celle de croire qu'ils pouvaient compter sur le soutien des égyptiens pour rester indépendant. Mais à un moment, ils allèrent trop loin, et Sennacherib, fils de Sargon, décida de mettre un point final à la situation. En 701, il marcha sur Juda à la tête de sa puissante armée; ils assiégèrent Lachisch, seconde ville du royaume ". C'est après la prise de Lachisch et de 46 places-fortes qu'Ézèchias dut nègocier pour éviter à Jérusalem le même sort. Mais selon les archéologues cela fut le début, paradoxalement, , d'une explosion économique pour Juda, qui participa sous le contrôle de l'Assyrie au commerce et à la production d'huile link.

  Selon http://introbible.free.fr/histchutesam.html#desint, Ézèchias, qui ne fut ni destitué ni déporté, résista à Sennacherib, dont les troupes furent victimes soit d'une épidémie de peste, soit d'une contre attaque des égyptiens, soit du trop grand nombre de villes à controler en même temps. 

  A la fin de sa vie, Ézéchias était moins gaillard que sur notre vitrail : il tomba même sévèrement malade, et le prophète Isaïe vint lui annoncer qu'il allait mourir. Le roi en fut contrit, et pleura à chaudes larmes, ce qui émut le coeur du Seigneur. Il lui  renvoya Isaïe, qui était encore dans la cour pour lui annoncer qu'il lui accordait quinze années de plus. 

  C'est un texte que je trouve très beau, et que je ne peux résister à citer, comme je l'avais fait dans mon article sur l'arbre de Jessé de Confort-Meilars, Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Confort-Meilars.  panneau A2 avec les dix degrés qui avancent ou qui reculent. Nous allons prendre du retard, tant-pis, mais lisez cela  (copié à la main, comme les vieux moines!): 

Deuxième Livre des Rois 20 1 :

  "En ces jours-là, Ézéchias fut atteint d'une maladie mortelle. Le prophète Isaïe, filsd'Amoc, vint lui dire : "Ainsi parle Yahvé. Mest de l'ordre à ta maison, car tu vas mourir, tu ne vivras pas." Ézéchias se tourna vers le mur et fit cette prière à Yavhé : "Ah ! Yahvé, souviens-toi, de grâce, que je me suis conduit  fidèlement et en toute probité de coeur devant toi, et que j'ai fait ce qui était bien à tes yeux." Et Ézéchias versa d'abondantes larmes. Isaïe n'était pas encore sorti de la cour centrale que lui parvint la parole de Yahvé : "Retourne dire à Ézéchias, chef de mon peuple : Ainsi parle Yahvé, Dieu de ton ancêtre David. J'ai entendu ta prière, j'ai vu tes larmes. Je vais te guérir : dans trois jours, tu monteras au temple de Yahvé. J'ajouterai quinze années à ta vie, je te délivrerai, toi et cette ville, de la main du roi d'Assyrie, je protégerai cette ville à cause de moi et de mon serviteur David." 

   Isaïe dit : Prenez un pain de figues" ; on en prit un, on l'appliqua sur l'ulcère et le roi guérit. Ézéchias dit à Isaïe : A quel signe connaîtrais-je que Yahvé va me guérir et que, dans trois jours, je monterai au temple de Yahvé ?" Isaïe répondit : "Voici, de la part de Yahvé, le signe qu'il fera ce qu'il a dit : Veux-tu que l'ombre avance de dix degrés, ou qu'elle recule de dix degrés ? " Ézéchias dit : "C'est peu de chose pour l'ombre de gagner dix degrés ! Non ! Que plutôt l'ombre recule de dix degrés !" Le prophète Isaïe invoqua Yahvé et celui-ci fit reculer l'ombre sur les degrés que le soleil avait descendu, les degrés de la chambre haute d'Achaz - dix degrés en arrière."

 Comment faire un pain de figues :  Lavieb-aile vous donne la recette :

Prendre une livre de figues de Barbarie (Opuntia ficus-indica encore nommé nopal ou Cactus Raquette) séchèes et les faire bouillir dans 375 cl de lait de brebis pendant six minutes. Ne salez pas.  Verser la préparation dans un plat creux et laisser refroidir. Démouler le pain ainsi formé et le couper en deux avant de l'appliquer sur l'ulcère. Le traitement est plus efficace lorsque le pain est légèrement tiède, et gélatineux. L'huile de figue peut, par ses propriétés anti-radicalaires, compléter le résultat. Mais s'il-vous-plaït, ne me croyez pas, nul n'est prophète en son pays.



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      Le troisième registre montre, partiellement ou complètement, neuf rois de Juda.

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1. Dans la lancette de gauche, Joram en haut domine Roboam (en vert) et Oziam.

Oziam (781-714), ou plutôt Ozias, encore nommé Azarias, douzième roi de Juda, fut un roi exemplaire, à l'égal de Salomon, jusqu'à ce qu'à la fin de sa vie il ne se pique de vouloir s'attribuer les fonctions du sacerdoce. Dieu, qui avait lu Dumézil et la théorie de la trifonctionnalité, lui envoya la lèpre.

 On le voit mieux sur le cliché présentant Salomon : riche tunique de velours, manches à crevé, collerette, hauts-de-chausse verte, bourse admirable à la ceinture, et geste élégant mais énigmatique de la main gauche qui se tend comme pour assurer un équilibre.

       Roboam (933-916) est le fils de Salomon : on voit que la position sur les branches de l'arbre n'obeit pas à la logique généalogique. Par son attitude intransigeante envers les dix tribus d'Israël dont il recevait l'allégeance, en refusant d'entendre leurs doléances (trop d'impots et de corvées), il provoqua le schisme des deux royaumes.

  Un chapeau couronné orné d'une escarboucle jaune et ronde, un manteau vert animé de plis tourmenté et d'un pan folâtre, une tunique jaune d'or, un col bouffant, des traits du visage expressifs... que dire encore ? Ce geste de la main gauche, très vivant, témoignant d'une discussion en cours.

 Joram , septième roi de Juda entre 848 et 841 av. J.C. est le fils de Josaphat. Il épousa Athalie, fille du roi d'Israël Achab, ce qui permit d'établir la paix entre les deux royaumes, mais la reine, devenue veuve, imposa le culte de Baal à son peuple. C'est la version de la tragédie de Racine, mais Joram, roi impie, avait déjà adopté les convictions païennes de son épouse lors de son règne. Le prophète Elie lui prédit une fin horrible, et il mourut dans d'atroces souffrances après de longues douleurs aussi abdominales qu'abominales.

   Sur sa tunique courte (kethôneth), il porte la ceinture (khagôr) que l'on noue pour se déplacer ou pour combattre. Au dessous, une piéce d'armure en lattes métalliques couvre les épaules et les cuisses. La couronne est posée sur un turban.

  Son geste indicatif de la main droitre est difficile à interpréter, puisqu'on s'attendrait à ce qu'il désigne soit la Vierge, soit les Prophètes annonçant le Messie.




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2. Dans la lancette du milieu, Asa domine Josaphat (en jaune et orangé) et Abiam.

 Abiam, ou Abia, ou Abijam est donc le fils de Roboam. Il hérita du scisme religieux et politique avec le royaume d'Israël, devenu l'ennemi du royaume de Juda, et il combattit les troupes de leur roi Jeroboam lors de la bataille de Tsemarayim. Il fut victorieux, tuant 500 000 hommes d'Israël. Grâce à Dieu.

 Josaphat (870-848) fut un roi aussi louable aux yeux de l'Eternel que son père Asa ; il se préoccupa de se rapprocher du royaume d'Israël, et maria son fils Joram à la fille du roi, la dénommée Athalie. On sait que cela détourna le royaume de Juda du culte de Yavhé vers celui de Baal.

Asa, (-911-870) est le fils d'Abijam et le petit-fils de Roboam. Ce roi pieux lutta contre les idoles cananéennes.



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  3.  Sur la lancette de droite, Manasses domine Joathan et Achaz.


Joatham, fils d'Osias assure la régence lorsque son npère devint lépreux. Il combattit les ammonites, les syriens de Damas et les troupes du roi Pequah, du royaume d'Israël : comme ont fait ses pères, comme feront ses fils.

Achaz (732-716) est, nous l'avons vu, le père d'Ézèchias et le fils de Joatham. Ce jeune roi (il accède au trône à 20 ans) est confronté à la situation géoploitique suivante : au nord, le royaume d'Israël (son ennemi), dirigé par Pequah, puis par Osée, fait alliance avec la Syrie pour affronter les assyriens, et demande à Achaz de rejoindre cette alliance syro-éphraïmite, mais celui-ci refuse. La coalition marche sur Jérusalem en faisant de nombreuses victimes dans les rangs des Judéens, de nombreux prisonniers, et en s'emparant d'un lourd butin, mais assiège la ville Achaz en est réduit à procéder au sacrifice de son propre fils qu'il immole par le feu. Ce geste ne suffit pas à calmer la colère de Dieu (car Achaz est impie) et le roi doit faire appel au soutien du roi assyrien Téglat Phalassar III. Celui-ci le contraint à remettre en tribut les richesses du Temple, et à adorer les idoles assyriennes. Vu de l'extérieur, on peut penser que les affaires de Yahvé vont au plus mal.

  On notera que le phylactère indique le nom de Achia..,  peut-être par erreur de restauration.

  Le jeu gestuel et notamment manuel des trois rois complète la gamme des postures dans laquelle Michel Bayonne s'avère particulièrement habile, faisant se correspondre tout un vocabulaire des expressions des  mains, tout un langage muet mais que nous ne pénétrons pas.

  Les costumes sont différents à chaque fois, tout en puisant dans une base commune, turban couronné, camail en hermine, tuniques, manteaux, cuirasses légères, haut-de-chausses, sceptres, bottines ou chaussures très souples et ajustées, en alternant le jaune d'argent, le rouge ou  le violet.

 Manasses (687-643) ou Manassé fut l'exemple même à ne pas suivre, faisant tout le contraire de ce qui est agréable à Yahvé pour aller adorer Baal et sa parèdre Ashera. Il érigea même dans le Temple de Salomon un poteau sacré en l'honneur d'Ashera.

La séquence de ces rois illustre assez bien comment le peuple hébreu, initialement polytheiste, passa, avec des alternances, à une monolâtrie avec Yahvé comme dieu principal (dont Ashera était l'épouse) puis à un monothéisme exclusif.

   C'est délibéremment et par calcul politique que Manassé rompit radicalement avec la politique de résistance à l'Assyrie et de maintien des traditions religieuses qu'avait suivi son père Ézéchias pour se soumettre aux assyriens et donc accueillir leur culte des idoles. Il éleva, comme l'avait fait Achaz, un pieu sacré pour Ashéra et des autels pour Baal.


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Sources : http://introbible.free.fr/histchutesam.html#desint

Le tympan

Il est constitué d'un oculus, de deux ajours latéraux et de cinq écoinçons ; ceux-ci montrent la colombe du Saint-Esprit en haut, et deux anges en prière en bas


 

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      1. Les prophètes Jérémie et Esaïe

  Vus en buste émergeant des nues, les deux prophètes contemplent la fleur qui accomplit leur oracle, et l'artiste ne manque pas d'en profiter pour étendre la gamme des attitudes manuelles, celle d'Esaïe pouvant évoquer l'énumération scholastique des arguments comme si celui-ci, après avoir compté et nommé tous les successeurs de Jessé, citait encore les passages des Écritures prouvant que, par Marie,  Jésus, "de la maison de David", accomplissait l'Ancien Testament et manifestait sa Messianité.

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     2. La Vierge et l'Enfant :

  Les auteurs du Corpus les décrivent joliement "issant d'une corolle végétale dans une gloire rayonnante entourée de nuées" : lorsque le langage spécialisé décrit si exactement l'image en une belle expression, cela mérite citation. A la fois fleurs et fruits de l'arbre Jesséen (je tente le néologisme), ils s'épanouissent dans le plissé du manteau bleu. Marie est couronnée, reine superlative de tous ces rois de Juda, ses cheveux longs sont ceints d'un large ruban plissé qui les rassemble avant d'en libérer les mêches sur les épaules (je retrouve ce type de coiffure noté chez les Vierges allaitantes du Finistère  Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu.) sa gorge est sagement caché par ce col colette d'une fine chemise, et, de la main gauche, elle présente à son fils une pomme-monde (une figue pour J.P.Le Bihan) qu'il semble bénir.

  L'association entre virga  de la citation  Nombres 24,17 inscrite sur la base du vitrail et virgo, "vierge", désignant Marie date du IIIe siècle. Le mot latin virga, ae désigne une branche verte et mince, un rejeton, un sion, une bouture, mais aussi une cravache, une badine, un bâton de marche, la verge du licteur ou les verges dont on fouette quelqu'un, et encore le sceptre ou baguette d'autorité, et (Juvénal) le rameau d'un arbre généalogique. Reprenons les deux citations :

Nombres 24, 17 :orietur stella ex Iacob et consurget virga de Israhel, "Un astre sort de Jacob, un sceptre s'élève d'Israël"

Isaïe 11,1 : et egredietur virga de radice Iesse et flos de radice eius ascendet, " Et une tige s'élevera de la racine de Jessé , une fleur s'élevera de ses racines.

Mais les choses se compliquent avec la citation suivante, qui emploie virgo et non virga:

Isaïe 7, 14 : Ecce virgo concipiet, et pariet filium, et vocabitur nomen ejus Emmanuel, "Et voici qu'une vierge concevra, et enfantera un fils, et on l'appelera du nom d'Emmanuel"

Virgo, inis, est la jeune-fille, la vierge, la vestale, la nymphe, mais aussi la jeune-femme mariée. (Dictionnaire latin de Charles Lebaigue en ligne).

   C'est Tertullien qui écrit au IIIe siècle Virga ex radice Maria ex David, flos ex virga filius  Mariae , "Marie issue de David (donc, de Jessé) est la tige issue de la racine, et le fils de Marie est la fleur qui s'élève du rejeton."

 

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            3. Aaron et Moïse

On peut remarquer le tilde sur le o de Aaro(n), ou bien les cornes en épi de cheveux de la tête de Moïse, liées à une erreur de traduction latine par saint Jérome du texte original qui disait seulement que le visage de Moïse était devenu rayonnant lorsqu'il redescendit du Sinaï après s'être entretenu avec Yahvé. Egaré par une racine proche de geren, "la corne", Jérome a traduit videbant faciem Moysi esse crnutam, "ils virent que le visage de Moïse était cornu".

  Aaron et Moïse sont frères, ils appartiennent tout-deux à la tribu de Levi qui se consacrera après l'épisode du veau d'or au sacerdoce. Aaron est le premier grand-prêtre des Hébreux. 

  Comment expliquer leur présence dans un arbre de Jessé ? La caste des prêtres devait-elle être représentée à coté de la caste des monarques? Il semblerait plutôt que l'on ait rapproché assez tot la virga de Jessé ( "et consurget virga de Israël", et un sceptre surgira d'Israël) et la virgae de Moïse et Aaron. En effet, Aaron a été choisi comme grand-prêtre après qu'on ait tiré au sort une verge ou branchette à son nom parmi un lot de treize, chaque tribu ayant mis la sienne. Et on remarqua le lendemain matin que le bâton d'Aaron avait poussé des boutons fleuris, et que ces fleurs étaient forées en amande. Le bâton est depuis lors l'insigne du grand-prêtre.

  La "virga" de Moïse est d'abord sa houlette de berger,  puis ce bâton que Dieu lui demanda de jeter à terre : il se transforma en serpent, pour reprendre sa forme initiale lorsque Moïse le reprit, et ce miracle servit de preuve pour le peuple hébreu que Dieu l'avait réellement investi.

 Enfin, il est possible que les commanditaires de l'oeuvre ait voulu faire allusion à l'Épître aux Hébreux de saint Paul. En effet, celui-ci explique que, dans la Nouvelle Alliance, Jésus est le nouveau Grand Prêtre, mais qu'il n'est pas, comme Aaron, de la tribu de Lévi, mais de la tribu de Juda pour un sacerdoce de valeur supérieure à celui des Lévites : il est Grand Prêtre selon l'ordre de Melchisedech, Grand Prêtre pour l'éternité (Hébreux 7 ). L'arbre de Jessé, argumentaire pour ce rattachement à la tribu de Juda s'inscrit alors comme une illustration du passage de l'ancienne loi à la nouvelle loi, rendant la répétition rituelle des sacrifices inutile puisque le Christ s'est donné lui-même en sacrifice définitif. 

  Cette nouvelle vision de l'arbre de Jessé s'inscrirait alors dans une discussion, débutée très tôt dans l'histoire du christianisme, poursuivie au Moyen-Âge puis en ces années 1550 des vitraux de Michel Bayonne, discussion avec ou contre les Juifs pour répondre à leurs critiques. Ou, plus précisément, comme une charge contre le Judaïsme. Ce théme fera l'objet de développements ultérieurs.


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III. Vitrail au dessus de la tribune, Baie W.

 

   Au dessus de la tribune, laquelle n'est pas accessible au public, on entr'aperçoit de loin une baie en plein cintre de dix panneaux, masquée au regard par le garde-corps et par je ne sais plus quelle installation malheureuse. J'ai du, pour en avoir une idée, la photographier au 400mm en me plaçant dans le choeur... Ce sont là les reliquats d'une Passion qui occupait la maîtresse-vitre, attribuée à Michel Bayonne, six scènes fragmentaires que Tournel compléta en 1912 ; Jean-Pierre Le Bihan restaura cette vitre composite en 1994. J'utilise toujours dans ma description les données du Corpus Vitrearum, op. cité.

 

Le registre supérieur de quatre panneaux montre à droite un Portement de croix, moderne en dehors de quelques piéces d'origine comme la tunique et la main du Christ, et (?) le buste du cavalier. Du coté gauche, la scène de la Mise en croix conserve également de rares fragments originels comme le soldat de l'angle inférieur gauche, quelques pièces au sol autour du Christ et deux personnages en haut à droite. 

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     Les deux registres moyen et inférieur montrent en haut et à droite la Flagellation (datant de 1912 sauf la frise architecturale qui porte la date de 1560, le buste et le bras du flagellateur et deux personnages de l'arrière-plan). A gauche, la Comparution devant Pilate conserve au contraire ses verres d'origine hormis, en son centre, le serviteur servant de l'eau, le dos du soldat voisin, la muraille du dessus et quelques pièces secondaires. La frise a été copiée sur son homologue de droite, avec la date de 1912.

    En bas, nous trouvons des fragments de deux Comparutions devant Pilate, avec la date de 1560 sur celui de droite.


  

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IV. Les Juifs dans l'art chrétien du XVIe siècle, à propos des vitraux de Moulins.

      Par définition, un arbre de Jessé amène l'artiste à représenter entre dix et vingt personnages de l'Ancien Testament pour deux à trois personnages du Nouveau Testament : Jessé, 12 rois de Juda, deux prophètes, ici Moïse et Aaron, soit 17 personnages vétéro-testamentaires à Moulins, et Marie, Jésus, (saint Jean parfois) pour les personnages néo-testamentaires. Selon ses convictions, celles de son époque et les données théologiques que le commanditaire veut voir illustrer, il peut être amené à opposer les vêtements, les attitudes et les visages  pour marquer soit la complémentarité des deux Testaments, soit la rupture entrainée par la Nouvelle Alliance. 

   Par ailleurs, tous ces personnages sont des Juifs, et l'artiste peut également témoigner des opinions, croyances et préjugés de son époque pour représenter des stéréotypes, ou bien pour témoigner de la façon dont les juifs s'habillaient, se coiffaient, etc... à son époque.

  Car par définition aussi, un arbre de Jessé, en représentant la généalogie hébraïque de Jésus, illustre aussi les racines que la religion catholique trouve dans le Judaïsme. 

  Autant d'enjeux, de problématiques que l'on peut tenter d'appréhender en observant les détails de l'iconographie.

  Mais pour repérer une éventuelle discrimination, il faudrait que l'on puisse comparer les personnages juifs avec d'autres, par exemple des Romains (mais qui figurent parmi les "méchants") dans une scène de la Passion. Sur l'arbre de Jessé de Moulins, cette comparaison au sein de l'oeuvre n'est pas possible, et seule une comparaison avec l'iconographie religieuse contemporaine peut être effectuée.

  En outre, l'Ancien Testament donne parfois des précisions sur la tenue vestimentaire des Hébreux, et un artiste peut s'inspirer de ces données pour représenter un roi, un prophète ou un prêtre, sans visée discriminatoire.

  C'est dire si le sujet est délicat à aborder ; je me donne ce petit défi, sans prétention, pour voir où me mène ma curiosité.

1. La tenue vestimentaire des Hébreux de l'Ancien Testament, ou Bible hébraïque est décrite par Alexandre Westphal en 1932 dans son Dictionnaire Biblique http://456-bible.chez-alice.fr/westphal/5430.htm

  On peut en retenir que cette tenue est composée d'une tunique légère, courte (s'arrétant au dessus des genoux), et d'une longue robe semblable aux burnous actuels. La laine de mouton est le matériau principal, cédant parfois la place à la soie. La couleur dominante est le blanc, mais les riches peuvent faire teindre en variante de rouge (pourpre, cramoisi, écarlate, vermillon) les broder, les tisser d'or.

  • La tunique ou kethonêth en hébreu, en laine ou en lin, courte et sans manche chez le peuple, pouvait être longue avec des manches jusqu'aux poignets chez les princes. 
  • La ceinture ou khagôr est portée sur la tunique pour se "ceindre les reins" pour travailler, combattre ou marcher.
  • Le manteau (begèd et simlâh) n'est parfois qu'une pièce de tissu, rectangulaire et dont on s'enroule pour se protéger ou se réchauffer, avant de s'en servir de couverture la nuit.
  • La robe ou meîlh, vêtement de cérémonie réservée à la classe aisée.
  • Le manteau de cérémonie (addéreth) manteau royal lourd et très  coloré et parfois enrichi d'or.
  • Le vêtement des prêtres ou éphod, se compose de caleçons allant des reins jusqu'aux genoux, d'une tunique étroite à manches et en lin, d'une ceinture brodée ou abnét nouée sur le devant et retombant jusqu'aux pieds après avoir fait plusieurs fois le tour de la taille. Le prêtre allait pieds nus. Le grand prêtre portait en plus une grande robe violette, garnie en bas de glands en forme de grenades et de clochettes en or. L'éphod lui-même était de lin tissé d'or et de fils de couleur, assez court, et ses deux parties avant et arrière se réunissaient sur les épaules par deux agrafes et deux pierres précieuses. Un pectoral, sorte de sac carré, y était suspendu ; 
  • La mitre ou bonnet des prêtres, "dont le nom hébreu, dérivé d'un mot désignant une coupe, semble indiquer que sa forme était conique". Le grand prêtre portait une tiare munie d'une plaque d'or
  • La chaussure usuelle était la sandale, plaquette de bois ou de cuir fixée par des lanières
  • La tête était couverte soit par le manteau, soit par un voile, ou par un linge carré que maintiennent des anneaux de grosse corde.
  • Les riches, les prêtres et les rois portent un turban, le tsânîph, enroulement sans-doute d'une mousseline autour d'un petit bonnet intérieur.
  • Les rois disposaient d'un vestiaire dont l'importance justifiait qu'un fonctionnaire spécial soit voué à sa garde.
  • L'utilisation des franges ou houppes semble répondre à un ordre de Dieu dans Nombres 15,38 "Dis aux enfants d'Israël, pour eux et pour leurs descendants, de faire une frange (tsitt-tsitt) aux cotés de leurs manteaux. Quand vous la regarderez, [la racine de tsitt-tsitt signifie "regarder, briller"] vous vous souviendrez de tous mes commandements pour les mettre en pratique". Et, dans Deutéronome 22, 12, " Tu feras des franges (gedilim, tresses) aux quatre cotés du vêtement dont tu te couvres". Ces franges étaient bordées d'un ruban de couelur violette et servaient de signe de reconnaisance. Le châle de prière actuel, ou tallît comporte des houppes à ses quatre extrémités. 

 

   La tenue de Jésus peut être déduite du texte des Évangiles : une tunique sans coutures, le manteau vaste et flottant des rabins, un turban blanc sur la tête, des sandales retenues par des courroies, et une ceinture de lin. Mais les figurations du Christ dans l'art chrétien fut d'abord de type gréco-latin, avec la tunique arrêtée aux genoux,, le petit manteau correspondant au pallium romain ; plus tard, les artistes adoptèrent un type syrien plus vraisemblable avec l'ample et longue robe orientale. Puis les deux types se mélangèrent.

 

Muni de ces renseignements, je peux reprendre l'examen des panneaux du vitrail : 

Jérémie porte :

  • un bonnet à oreillettes et une barbe bifide
  • un châle de prière à franges (glands)
  • 5 houppes rouges au bord inférieur de la robe
  • un manteau-couverture (simlah) vert
  • une tunique d'or

Jessé porte :

  • Un turban à oreillettes, centré par une escarboucle,
  • un  grand manteau d'or doublé d'hermine
  • une robe violette à longues manches

 

Isaïe porte :

  • Un turban à longues oreillettes terminées par des houppes
  • une barbe bifide
  • un riche manteau de cérémonie vert, fendu sur le coté, orné de pierreries
  • une ceinture violette
  • un camail d'hermine
  • et des manches à crevés, style Renaissance.

Salomon porte:

  • Un casque-turban couvrant les oreilles
  • Une tunique damassée en or et une robe longue damassée
  • des manches à houppes
  • une bourse

David porte : 

  • un chapeau à pompon
  • une robe  longue, dorée et doublée d'hermine,
  • une robe rouge à longues manches 

Ézéchias porte : 

  • une coiffure couvrant les oreilles
  • une tunique courte rouge,
  • des houppes ou glands au bord inférieur de la tunique ainsi qu'en haut des bottes
  • une épée

Oziam porte :

  • Un turban à oreillettes.
  • Une tunique courte rouge
  • un camail,
  • des caleçons verts et des bottes

Roboam porte : 

  • un grand manteau vert

Joram porte :

  • un grand manteau rouge
  • une ceinture verte

Abiam porte :

  • un grand chapeau pointu à gland, couvrant les oreilles
  • une cuirasse
  • une bourse

Josaphat porte :

  • un grand "burnous" de toile à rayures jaunes et orange

 Asa porte :

  • sa couronne sur sa tête nue, sans bonnet
  • une tunique d'or sur une chemise rouge
  • une robe courte verte
  • des caleçons, des bottes,
  • une cuirasse

Achaz porte :

  • Une couronne mais a tête nue 
  • une cuirasse
  • une épée, 
  • les jambes nues
  • des manches à crevés.


Joatham porte :

  • un turban à escarboucle
  • un camail
  • une robe violette boutonnée devant, et ornée sur les bords de pierreries
  • une ceinture jaune

 Manasses porte :

  • un turban à escarboucle
  • une cuirasse
  • un camail
  • une tunique
  • une robe violette
  • une ceinture jaune
  • des caleçons rouges


dans les ajours, Jérémie porte:

  • une barbe longue
  • un turban à escarboucle et à oreillettes en pointe
  • une robe rouge


 Isaïe porte : 

  • la tête nue
  • une longue barbe
  • un manteau de cérémonie violet
  • une tunique dorée


Aaron porte une tenue assez conforme à celle du gran prêtre qu'il est : 

  • une longue barbe
  • une mitre conique jaune fendue, ornée de joyaux
  • un bonnet à longues oreillettes en pointes
  • une robe viollet

 

 

Moïse porte : 

  • la tête nue avec les cornes traditionnelles
  • une longue barbe
  • un manteau rectangulaire rouge
  • une tunique verte
  • une chemise jaune

 

Si je m'interresse au vitrail de la tribune, je dois considérer seulement les personnages non restaurés ; ce sont des membres du Sanhédrin, ou des prêtres. J'y ajoute Pilate, puisque ce citoyen romain semble habiller comme un Juif.

  On retrouve le camail en hermine, le manteau, les longues barbes, les crevés, et le chapeau pointu au dessus d'un turban d'étoffe rayée.

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   Pour conclure, les personnages de l'Ancien Testament, de religion juive, sont représentés sur le vitrail de Moulins par des traits iconographique qui introduisent une orientalisation et même une sémitisation, du moins pour les stéréotypes de l'époque : ce sont les barbes longues, le turban, le bonnet à oreillettes, et dans quelques cas les franges ou houppes des bords des vêtements, voire même pour Jérémie 1, un châle de prière. Nous avons vu que manteaux, tuniques, robes, caleçons, turbans, mitre du prêtre, sont bien attestés dans les Écritures et ne sont pas de pure fantaisie. Néanmoins ces traits sont associés à d'autres qui relèvent de l'usage consistant à représenter les personnages de la Bible avec des tenues "modernes", des années 1550-1560, comme les manches à crevés, les bottes fines et ajustées, la barbe depuis que François Ier en a lancé l'usage (mais c'est une barbe taillée), les étoffes damassées. Rien ne permet de soutenir la thése d'une discrimination de la représentation qui viendrait opposer de "vilains" personnages hébraïques de l'Ancien Testament avec  de "bons" personnages du Nouveau Testament, ou même d'une discrimination raciste relevant de l'anti-judaïsme, à moins de les passer à un nouveau crible, celui de publcations récentes.

 

  Mes réflexions sont sous-tendues par les publications de Bernhard Blumenkrantz et de Jean-François Faü.

    Bernhard Blumenkrantz a publié en 1966 Le Juif médiéval au miroir de l'art chrétien, Études augustiniennes, Paris, 159 p. link Il y indique qu'après les croisades, vers 1196, le juif devient facilement reconnaissable dans l'art chrétien par un visage allongé, une longue barbe, un nez accusé, un manteau différent du chrétien et la rouelle bipartite.  Puis on voit apparaître le bonnet pointu et les papillotes, puis au XIVe siècle le nez busqué ; au XVe siècle, cette orientalisation est achevée.

   Blumenkrantz explique ensuite  la tendance à représenter tous les personnages méchants sous les traits des juifs : et je pense alors à ce que j'ai constaté pour Ponce Pilate.

 (Voir aussi du même auteur Juifs et chrétiens dans le Monde occidental, 430-1096, Paris-Louvain 2006) 

  Reprenant mes clichés, je constate dans le tympan de l'arbre de Jessé que sur les profils de Jérémie et d'Aaron les nez sont busqués. Les "cornes" de Moïse ont pu  favoriser l'assimilation du Juif au Diable. Enfin la plupart des coiffures sont traitées au jaune d'argent, et nous avons au moins trois exemples de chapeaux pointus jaunes.

  Jean-François Faü a fait paraître en 2005 L'image des Juifs dans l'art chrétien médiéval, Editions Maisonneuve et Larose, pour permettre de repérer dans l'art chrétien les manifestations de stigmatisation des Juifs, et de" débarasser des oripeaux de l'antijudaïsme médiéval une éducation chrétienne ancestrale" (site Judaïque Cultures).

  Quelques éléments sont à connaître :

    C'est en 1215 que le décret du IVe Concile de Latran avalisé par le pape Innocent III fixe l'obligation aux Juifs de porter un signe distinctif afin qu'ils ne se mélangent pas aux Chrétiens et que les mariages mixtes soint évités.  Ce signe sera le chapeau jaune en Allemagne, les tables de la Loi en Angleterre, et , par la décision de Louis IX en 1269, le port de la rouelle, rond d'étoffe rouge ou  jaune, symbolisant l'or et l'avarice, ou les deniers de Judas.

  Les Juifs, soumis à un antijudaïsme les rendant collectivement responsables de la mort du Christ, les accusant de profanation d'hostie, ou d'empoisement des fontaines lors des épidémies de peste (1322), furent exclus par les rois de France en 1254 (remplacé par le versement d'argent), en 1306, puis définitivement en 1394 jusqu"à la Révolution.

   En 1560, Michel Bayonne n'a pas pu s'inspirer du costume juif contemporain puisque d'une part les juifs étaient expulsés, et que, d'autre part, ils ne portaient pas de costume spécifique (c'est ce qui rendait nécessaire la rouelle).


 

   Pour en finir, il ne me semble pas que ce vitrail témoigne, à quelques exceptions près, d'une stigmatisation des personnages hébraïques, mais une lecture nouvelle du thème de l'arbre de Jessé illustrant l'épître aux Hébreux de saint Paul me semble une source de réflexion autrement plus

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Published by jean-yves cordier
16 juin 2012 6 16 /06 /juin /2012 23:27

           L'oeil-de-boeuf chez Flaubert

( à l'occasion de l'article Chapelle Sainte-Suzanne à Sérent , le dais de Saint-Sacrement.)

I. Le dais de la Fête-Dieu.

"couleur ponceau" et or.

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  Un dais (ou pavillon, ou parasol liturgique, ou encore un poële) de Saint-Sacrement est un baldaquin mobile composé d'une armature portée par quatre hampes, aux sommités parfois ornées de plumes d'autruche, et de quatre bandes de soie brodée appelées "pentes". Il est porté par quatre hommes, quatre notables choisis soigneusement. Il est destiné à abriter le prêtre qui présente le Saint-Sacrement lors de la procession de la Fête-Dieu. Le dais est encadré par les enfants de choeur, les diacres, des porteurs de cierges ou de photophore, de bannières et de croix, et par les thuriféraires ou porteurs des encensoirs, et il est  suivi de la musique, des communiants de l'année, et des fidèles.

  Cette fête qui célèbre la Solennité du Corps et du Sang du Christ a lieu soixante jours après Pâques. Sortant de l'église à l'issue de la messe, la procession se dirige en suivant un chemin de sciure et de pétales dans les rues pavoisées de draperies, de feuillages et de guirlandes vers les reposoirs que les paroissiens de chaque quartier ont réalisés. Ces reposoirs sont des autels ornés de décorations florales et d'objets pieux, devant lequel la procession s'arrête : le prêtre encense l'hostie contenue dans l'ostensoir et présente celui-ci à l'assistance avant de la bénir. Lors de cette station, des prières et des chants sont débutés par l'officiant et repris par les fidèles.

  L'office du Saint-Sacrement a été codifié par Thomas d'Aquin afin de célébrer l'Eucharistie : on y chante l'hymne Pange Lingua, l'hymne Panis Angelicus, et on y récite le Lauda Sion. A chaque Salut du saint-Sacrement, deux strophes du Pange Lingua sont entonnées, sous le nom de Tantum ergo. Ce chant débute ainsi :

Tantum ergo Sacramentum veneremur cernui 

Et antiquum documentum novo cedat ritui.

Il est si grand, ce sacrement ! Adorons le, prosternés : 

Que s'effacent les anciens rites devant le culte nouveau !

  Ce sont ces mots que l'on trouvent inscrits ici, sur le "ciel" du dais.

 

  La Fête-Dieu selon Flaubert : la fin d' Un coeur simple.

  Un coeur simple fait partie, avec La légende de saint Julien-l'Hospitalier et Hérodias du livre  Trois Contes que Flaubert a fait paraître en 1877. On connaît le récit, dans Un coeur simple, de la vie de Félicité, servante de Mme Aubin à Pont-l'Évêque, et de sa passion pour Loulou, perroquet d'Amérique. C'est la fin de ce conte qui donne une belle description d'une procession de la Fête-Dieu et de sa station devant un reposoir, où Loulou, empaillé, figure parmi les objets de valeur qu'on y expose.


    "Tous les enfants des écoles, les chantres et les pompiers marchaient sur les trottoirs,-tandis qu'au milieu de la rue s'avançaient premièrement le Suisse  armé de sa hallebarde, le Bedeau avec une grande croix, l'Instituteur surveillant les gamins, la Religieuse inquiète de ses petites filles. Trois des plus mignonnes frisées comme des anges jetaient dans l'air des pétales de roses ; le Diacre les bras écartés modérait la musique -et deux encenseurs se retournaient à chaque pas vers le Saint-Sacrement, que portait, sous un dais de couleur ponceau tenu par quatre fabriciens, M. le Curé dans sa belle chasuble ; - un flot de monde se poussait derrière entre les nappes blanches couvrant le mur des maisons et l'on arriva au bas de la côte."


   [...] "Bientôt on distingua le ronflement des ophicleides, les voix claires des enfants, la voix profonde des hommes. Tout se taisait par intervalles, et le battement des pas, que des fleurs amortissaient, faisait le bruit d'un troupeau sur le gazon.

 Le clergé parut dans la cour. La Simonne grimpa sur une chaise pour atteindre l'oeil-de-boeuf, et de cette manière dominait le reposoir.

Des guirlandes vertes pendaient sur l'autel, orné d'un falbalas, en point d'Angleterre. Il y avait au milieu un petit cadre enfermant des reliques, deux orangers dans les angles, et, tout le long, des flambeaux d'argent et des vases en porcelaine, d'où s'élançaient des tournesols, des lis, des pivoines, des digitales, des touffes d'hortensia. Ce monceau de couleurs éclatantes descendait obliquement, du premier étage jusqu'au tapis se continuant sur les pavés ; et des choses rares tiraient les yeux. un sucrier de vermeil avait une couronne de violettes, des pendeloques en pierre d'Alençon brillaient sur de la mousse, deux écrans chinois montraient des paysages. Loulou, caché sous des roses, ne laissait voir que son front bleu, pareil à une plaque de lapis.

  Les fabriciens, les chantres, les enfants se rangèrent sur les trois cotés de la cour. Le prêtre gravit lentement les marches, et posa sur la dentelle son grand soleil d'or qui rayonnait. Tous s'agenouillèrent. Il se fit un grand silence. Et les encensoirs, allant à pleine volée, glissaient sur leurs chaînettes.

  Une vapeur d'azur monta dans la chambre de Félicité. Elle avança les narines, en la humant avec une sensualité mystique ; puis ferma les paupières. Ses lèvres souriaient. Les mouvements du coeur se ralentirent un à un, plus vagues chaque fois, plus doux, comme une fontaine s'épuise, comme un écho disparaît ; et, quand elle exhala son dernier souffle, elle crut voir, dans les cieux entrouverts, un perroquet gigantesque, planant au dessus de sa tête."

 

  L'oeil-de-boeuf chez Flaubert.

 " J'ai en moi, au fond de moi, un embêtement radical, intime, âcre et incessant qui m'empêche de rien goûter et qui me remplit l'âme à la faire crever." Gustave Flaubert, Lettre à Louise Colet, 20 décembre 1848.

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   Le passage d'Un coeur simple qu'on vient de lire fait certainement partie des chefs-d'oeuvre littéraires français, au même titre que l'incipit de Salammbô ou la fin de Madame Bovary, un texte rodé au gueuloir, réglé comme du papier à musique, parfait comme une oeuvre de Bach, et si j'éprouve du plaisir à le lire, ce plaisir est décuplé par la copie que je viens d'en donner, par la dactylographie qui vient faire frapper le rythme de la ponctuation en résonances corporelles. Chez Flaubert, la copie se transforme en interprétation musicale.

  L'oeil-de-boeuf à travers lequel "la Simonne" contemple la scène est aussi l'oeil du lecteur, par un procédé littéraire permettant au romancier de conserver un point de vue placé dans la chambre où Félicité agonise, tout en donnant à voir ce qui se passe dans la cour de la maison. La chambre, présentée dans le premier chapitre page 5, se situe au second étage : "Une lucarne, au second étage, éclairait la chambre de Félicité, ayant vue sur les prairies". Mais c'est à la page 53 qu'on lit la première mention de l'oeil-de-boeuf :"En face de la fenêtre surplombant le jardin, un oeil-de-boeuf regardait la cour." (Brouillons:" Vis-à-vis de la fenêtre donnant sur le jardin, un oeil-de-boeuf regardait la cour"). 

  La fonction de cette ouverture vitrée est donc précisée : ce n'est pas d'éclairer (la chambre) de donner sur (le jardin), fonctions passives, mais de regarder.

  Si le lecteur est amené à suivre la description du romancier en se plaçant à la place de Simonne et de regarder l'arrivée de la procession, ce n'est pas par n'importe quel regard, car le voilà doté d'un oeil de boeuf, d'un regard bovin. Flaubert installe son lecteur, sur le plan spatial, à un point panoramique et plongeant, mais en outre il le réduit à n'être tout entier qu'un oeil dilaté, cyclopéen, et bestial.

 

 Boeuf et oeil-de-boeuf dans et chez Flaubert.

  On n'accorderait pas tant d'attention à ce détail sémantique si on ne savait pas que, chez Flaubert, la fonction bovine est tout, sauf accessoire. En effet, le boeuf (bos, bovis en latin) a une place de premier plan dans son onomastique puisqu'elle se retrouve dans le nom de Charles Bovary et  dans celui de Bouvard dans Bouvard et Pécuchet. [pecuchet peut dériver du latin pecus, "bétail"], alors que le veau se retrouve dans le nom d'un artiste-peintre de Madame Bovary, Vaufrylard, ou dans le nom du comte de Vaubyessard et de son château, et la vache dans le nom du conseiller Tuvache, toujours Madame Bovary.  On voit comme ces noms sont transformés par des finales dépréciatives en -ar, -ard et -ache.

 Le boeuf se trouve aussi, dans Madame Bovary, à une place phallique notable, celle du nerf de boeuf de Charles, sa cravache dont la recherche permet le frôlement des corps de Charles et d'Emma lors de leur entrevue initiale.

   Dans sa correspondance, Flaubert, dans son voyage sur le Nil en 1849, écrit " Mon oeil, stupide comme celui du boeuf, regardait l'eau, tout simplement.


      On retrouve l'oeil-de-boeuf dans Madame Bovary lors de la scène des Comices agricoles. On sait qu'Emma et son amant Rodolphe contemplent toute la fête du haut de la fenêtre du premier étage de la mairie, voyant sans être vus, dans une position scopique proche de celle de Simonne dans la chambre de Félicité. On se souvient que la scène de séduction qui s'y déroule est entrecoupée de bribes du discours parlant de cultures et d'élevage, entrelaçant le vocabulaire amoureux avec les mentions "des races chevalines, ovines, bovines et porcines", et qu'entre les silences entre les amants, on entend "partir derrière soi un long mugissement de boeuf". On sait aussi que Félicité apparaîtra comme une résurgence du personnage de Catherine-Nicaise-Elisabeth Leroux, qui y reçoit une médaille d'argent pour "cinquante-quatre ans de service dans la même ferme". ("Dans la fréquentation des animaux, elle avait pris leur mutisme et leur placidité").

    C'est dans les brouillons du texte des Comices que le terme "oeil-de-boeuf" est utilisé ; Flaubert décrivait des ouvriers tentant d'accrocher des lampions, mais ses phrases vont penser à une image obsédante dont l'auteur tente de faire quelque-chose : "Le bras cependant apparaissait toujours dans l'oeil de boeuf (sic)", "Lorsque, tout en haut du milieu de l'oeil de boeuf (sic) percé dans le tympan de l'édifice, on vit un bras sortir puis s'allonger".

  Dans Bouvard et Pécuchet, l'oeil-de-boeuf est employé au chapitre X consacré à l'éducation des enfants : "Le cabinet noir au fond du couloir devint leur chambre à coucher. Elle avait pour meuble deux lits de sangle, deux cuvettes, un broc. L'oeil-de-boeuf s'ouvrait au dessus de leur tête, et des araignées couraient le long du plâtre." Cet oeil là ne sert pas à regarder une scène, mais semble placé ironiquement, par un effet visuel, au dessus des deux têtes comme les cornes d'un trophée de chasse au dessus de celle d'un mari trompé : comme la figure de la Bêtise, idée fixe de Flaubert lors de la rédaction de ce roman.

 

  Le boeuf dans Un coeur simple.

   Si dans Un coeur simple, c'est un perroquet qui, parmi les animaux, occupe la place principale, le boeuf occupe la seconde ; ou plutôt, un troupeau de boeuf et un taureau. Je veux parler, bien-sûr, de la scène du premier chapitre :

  " Des boeufs, étendus au milieu du gazon, regardaient tranquillement ces quatre personnes passer. Dans la troisième pâture, quelques-uns se levèrent, puis se mirent en rond devant elles.--"Ne craignez rien ! " dit Félicité ; et, murmurant une sorte de complainte, elle flatta sur l'échine, celui qui se trouvait le plus près ; il fit volte-face, et les autres l'imitèrent."


  Nous voyons d'abord ces boeufs être associés à la fonction de regarder ; puis au rond ; et enfin, nous découvrons des liens d'affinité entre eux et Félicité, qui par "une sorte de complainte", sait les manoeuvrer. La servante, qui a été jadis "fille de basse-cour" (Edition Louis Conard 1910, http://fr.wikisource.org/wiki/Trois_Contes p. 7) et savait "brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre" (p.1) est à son affaire. (Flaubert n'est peut-être pas si averti des subtilités agricoles, et a peut-être pris pour des boeufs ce qui n'était que des vaches )

 

     "Mais quand l'herbage suivant fut traversé, un beuglement formidable s'éleva. C'était un taureau que cachait le brouillard. Il avança vers les deux femmes. Mme Aubain allait courir.

_ Non ! non ! Moins vite !

     Elles pressaient le pas cependant, et entendaient par-derrière un souffle sonore qui se rapprochait. Ses sabots, comme des marteaux, battaient l'herbe de la prairie ; voilà maintenant qu'il galopait !"

 

   Brouillard : la fonction visuelle s'efface au profit de l'ouïe : beuglement, souffle, martellement des pas. Mais il se trouve que ce martellement est repris à la scène finale, ma première citation, pour décrire le bruit de la procession de la Fête-Dieu : "Tout se taisait par intervalles, et le battement des pas, que des fleurs amortissaient, faisait le bruit d'un troupeau sur le gazon." Ce retour de la scène du taureau dans le récit d'une cérémonie religieuse observée dans un oeil-de-boeuf doit être interprétée, tant elle est frappante. Je propose d'y voir : 

  • une dépréciation de la manifestation religieuse dont la description n'est pas donnée comme vécue par un de ses participants et en partageant sa foi, son exaltation et ses émotions, mais comme observée froidement de l'extérieur : non seulement sans adhésion participative aux émois et aux croyances collectives, mais dans un traitement particulier des informations qui rompt avec les présupposés consensuels (spiritualité, admiration respectueuse, dévotion) pour les inverser en une manifestation de force primitive, irrationnelle, menaçante par son échauffement. Cette dépréciation est retrouvée dans la description de la procession par l'utilisation régulière de majuscules dont sont affublées les personnalités, ainsi déshumanisées et transformées en "types" : Le Suisse, Le Bedeau, L'Instituteur, La Religieuse, Le Diacre, M. l'Abbé...L'art de Flaubert (c'est ce qui a empêché Ernest Pinard de faire condamner Madame Bovary) est d'être un prince du pince-sans-rire et de jongler si bien avec l'ambiguïté que rien n'est attaquable en soi. Les majuscules seront une marque de respect, le mot "falbala", malgré son usage péjoratif fréquent, n'est qu'un terme technique pour une "bande d'étoffe froncée en largeur garnissant les toilettes féminines (certes) et l'ameublement " (vous voyez !), les portraits des personnages sont exacts (mais écrire le Suisse "avec sa hallebarde", le Bedeau "avec une grande croix", le Diacre "les bras écartés modérait la musique" n'est pas innocent, pas plus de que choisir, dans la décoration du reposoir, de montrer les éléments les plus prosaïques, les vases en porcelaine et surtout le sucrier de vermeil. Certes l'ophicléide est un instrument dont l'usage est attesté dans les fanfares (militaires) et à l'église de 1820 à 1880, il n'y a rien à redire... mais cet instrument en forme de serpent prête à rire et Flaubert le sait bien.
  • Une reprise, tel un leitmotiv, au moment où Félicité se meurt, du thème du Taureau dont le souffle des naseaux vient la menacer.
  • Je proposerai une hypothèse plus audacieuse : on sait que le grand évènement traumatique de la vie de Flaubert n'est pas d'avoir été poursuivi par un taureau, comme Félicité, n'y d'avoir, comme Montaigne (Livre II, 6)  frôlé la mort dans un accident de cheval, n'y encore, comme Rousseau, d'avoir été renversé par un mâtin à la barrière de Ménilmontant, mais d'avoir été terrassé par une première crise"d'épilepsie" à l'âge de 22 ans en janvier 1844 : "Ma vie active s'est arrété avec mes 22 ans...j'ai les nerfs qui ne me laissent pas tranquille" "ma nature de saltimbanque". Il se trouve que cette attaque nerveuse est survenue dans un cabriolet sur la route de...Pont-l'Évêque. Il est possible de penser qu'à la suite de cette attaque, Flaubert se soit mis à redouter toute exaltation mentale, qu'elle soit sexuelle ou intellectuelle et qu'il se soit imposé (ou se soit crut imposer) une castration de toute force vitale, cherchant à acquérir un regard bovin sur le monde, désactivé, desimpliqué, regard de l'"ermite de Croisset" toujours repris comme saint Antoine  pourtant par de vieux démons.

  " Félicité se retourna et elle arrachait à deux mains des plaques de terre qu'elle lui jetait dans les yeux. Il baissait le mufle, secouait les cornes et tremblait de fureur en beuglant horriblement. Mme Aubain, au bout de l'herbage avec ses deux petits, cherchait éperdue comment franchir le haut-bord. Félicité reculait toujours devant le taureau, et continuellement lançait des mottes de terre qui l'aveuglaient, tandis qu'elle criait : Dépêchez-vous ! Dépêchez-vous !

[...] Le taureau avait acculé Félicité contre une claire-voie ; sa bave lui rejaillissait à la figure, une seconde de plus il l'éventrait. elle eut le temps de se couler entre deux barreaux, et la grosse bête, toute surprise, s'arrêta.



  On voit comment les choses se sont inversées, et comment l'oeil-de-boeuf, regard distant et circonscrit sur le monde, devient l'oeil-du-taureau, qu'il s'agit d'aveugler. Comment cette folie furieuse de l'emballement des forces animales se tempère par le terre-à-terre. Et comment nos relations humain-animal peuvent basculer, comme tout face-à-face avec l'altérité, de la connivence à la terreur. 

  

                         "Quand au Bovarysme, n'est-il pas d'abord un bovinisme, une sorte de contagion bovine de la bêtise et de la torpeur ?"  Didier Philippot, Le rêve des bêtes, Flaubert et l'animalité, Revue Flaubert n° 10, 2010, http://flaubert.univ-rouen.fr/revue/article.php?id=44

En conclusion, l'oeil-de-boeuf  témoigne chez Flaubert de la place ambiguë de l'animalité dans son oeuvre : ce qui ne semble d'abord qu'une technique littéraire de prise de vue plongeante se révèle être aussi le reflet de notre bêtise, mais aussi l'aspiration à un regard placide, distant et dépassionné porté sur le monde.

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   Dans Un coeur simple, le motif du boeuf accompagne en contrepoint celui du perroquet, dévaluation ironique de la Parole Sainte, du Paraclet et de l'élan mystique, et miroir caustique de notre propre psittacisme lorsque Loulou imite Mme Aubain dans ses automatismes face aux coups de sonnette en répétant "Félicité ! La porte ! La porte ! "

   Dans les deux cas, il s'agit de venir contester le regard habituel que les contemporains de Flaubert portaient sur leur société, celle du Second Empire campé sur la morale, la religion et la foi dans les bienfaits du Progrès, ou de contester notre propre regard encore chevillé à ses certitudes de supériorité à l'égard des autres races animales.

   On se souvient peut-être de ce passage de la Recherche où Proust compare un artiste de génie à un oculiste qui nous tend un nouveau verre à travers lequel se modifie notre vision du monde. C'est le même Proust qui écrivait dans un article sur le style de Flaubert que celui-ci "a renouvelé presque autant notre vision des choses que Kant, avec ses Catégories, les théories de la Connaissance et de la réalité du monde extérieur".

  Le verre d'oculiste de Flaubert, c'est un oeil : l'oeil du boeuf. A travers lui, nos confortables fictions consensuelles apparaissent comme frappées du sceau de la Bêtise. 

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Published by jean-yves cordier
14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 21:00

   

 Chapelle Sainte-Suzanne, paroisse de Sérent (Morbihan).

            Paramentique et vieilles dentelles.

 

  La chapelle de Sainte-Suzanne, sur la route reliant Sérent à Josselin, près du village de Quéhellec, a été construite entre 1500 et 1550. Elle est composée d'une nef unique et d'un chevet Beaumanoir à trois pans. Un calvaire-autel très original se trouve dans le placître.

 

  I. L'exposition de vêtements sacerdotaux et de culte .

 L'exposition telle que je la découvre le 28 mai 2012 (Sur le mur, 4 des 8 panneaux des fresques du XVIe siècle, découvertes en 1837  sous l'enduit, par le recteur, l'abbé Marot et représentant des scènes de croisades ou de la vie de sainte Suzanne.) :

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   Quelle bonne idée ! J'en rêvais depuis longtemps, après avoir vu tant de magnifiques chasubles alignées dans les placards dans ces armoires basses nommées "chasubliers" de sacristie, sur de tristes porte-manteaux, avec, en guise de chasse-spleen, une ou deux pastilles de naphtaline comme dans le mauvais vieux temps. La personne qui, habitant la maison voisine, fait visiter la chapelle m'explique que c'est son fils qui ayant créé un musée des costumes bretons à proximité, a eu l'idée d'utiliser les mannequins dont il disposait pour mettre en valeur le beau patrimoine de la sacristie de Sérent. 

      Autour de l'autel, il a placé les enfants de choeur. Ceux-ci portent non l'aube, mais la soutane, longue robe noire ou rouge  boutonnée par devant que vient recouvrir partiellement le surplis blanc (en lin, chanvre ou coton descendant jusqu'aux genoux) ou comme ici  la cotta, petit surplis très court, à manches courtes et larges, fendue sur la poitrine et sans col. La cotta comporte ici une bande de dentelle dans la partie inférieure, simple mais élégante et très seyante dans le premier exemple, mais brodée de motifs floraux et  religieux dans le second. C'est l'occasion pour moi de me perdre dans le monde infini du textile. Cette dentelle est-elle un tulle ? Et si oui, est-ce du tulle bobin, à maille hexagonale  et arrondies, ou du tulle de Malines à maille hexagonale mais allongée ?  Du tulle grenadine en soie, du tulle de Bruxelles à maille carrée avec torsion à quatre pans, du tulle grec à gros réseau, du tulle Tosca à maille circulaire, ou du tulle filet à larges mailles carrées ? A choisir, j'aimerais, pour ces enfants de choeur, du tulle point d'esprit, à plumes, ou du tulle zéphir, très fin et très léger, dont on imagine qu'il s'envole au moindre  soupir d'un ange qui passe, mais je dois sans-doute m'en tenir à la dentelle, une de ces dentelles liturgiques 100% coton motif Calice, IHS ou Croix et Roses fabriquées autrefois par de laborieux ouvroirs.


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  Nous pouvons commencer la visite ; chaque pièce attend les commentaires de personnes compétentes, capable d'expliquer le nom et l'usage de chaque vêtement :

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      S'agit-il  d'un pavillon de ciboire, ou d'une tenue de cérémonie destinée à orner une statuette d'Enfant-Jésus ?: 

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Couleur violette :

     Les vêtements et linges liturgiques forment un ensemble, obligatoirement de même tissu et de même décor, associant la chasuble, le voile de calice, la bourse ou portefeuille, le manipule et l'étole. Seules les chasubles, les dalmatiques, les chapes et deux manipules, sont présentées. 

  La couleur doit être adaptée au "temps liturgique" de l'année. Celle-ci débute avec la couleur violette le premier dimanche de l'Avent. La couleur violette s'applique aux temps de préparation (Avent, Carême) et de Pénitence. Elle peut désormais remplacer aussi le noir pour les funérailles.

  La chasuble est le vêtement porté par le prêtre au dessus de l'aube et de l'étole lors de la célébration de la messe. Son nom qui dériverait de casa, la maison, vient du bas-latin casula, nom d'un vêtement de dessus, à deux pans et sans manches, que l'on enfile par la tête. Du Ve au XIXe siècle, elle se réduit à deux pans étranglés à la taille, forme qui lui a valu le nom de "chasuble violon", avant de revenir au XXe siècle à la forme initiale plus ample, dite "chasuble gothique". Réalisées en soie, en drap, en Gros de Tours ou en velours, doublées ou non, elles sont très souvent brodées et enrichis d'adjonction d'éléments textiles ou métalliques (cannetille, fil doré ou argenté). Un galon, ou un tissu délimité par un galon, dessinent au dos une ligne verticale, une  croix ou un Y, et sur le devant une forme en T. 

  La chape est un grand vêtement en soie ou en drap, semi-circulaire agrafé par devant  qui est revêtu lors des processions, vêpres, au salut ou à l'absoute par n'importe quel clerc. Elle comportait jadis un capuchon, dont le chaperon, pièce d'étoffe en forme de tablier décorée et bordée de franges située au revers, est un vestige. Elle est bordée par devant par un galon ou par une bande plus large nommée orfroi.

 

 

Cette chape porte, sur un fond damassé, un symbole eucharistique, la représentation du pélican se frappant la poitrine pour nourrir ses enfants de sa chair.

 

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Couleur blanche :

C'est la couleur des jours de fête et de réjouissance des Temps de Noël et de Pâques et autres fêtes du Christ, de la Vierge Marie et des saints qui ne sont pas martyrs: 

  Cette chasuble est ornée d'une croix enrichie de décors végétaux et floraux au fil d'or, et de l'inscription IHS dans un cercle central carmin.

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      Cette chape porte le christogramme IHS au coeur d'une sorte de mandala chatoyante.

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Couleur verte :

        C'est la couleur du Temps ordinaire de 34 dimanches qui va de l'Épiphanie jusqu'au Carême et de la Pentecôte (exclue) au 34ème dimanche ordinaire précédent l'Avent.

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 Cette chasuble possède la particularité d'être ornée sur un fond damassé d'un motif central  en broderie au point de tapisserie. Le monogramme IHS y est entrelacé avec des roses, des épis de blés et une fleur bleue. Un galon trace une croix s'évasant à l'encolure.

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Couleur jaune / Or :

  Le drap d'or peut remplacer, par concession du rite romain, les couleurs, rouge, blanc ou vert, alors que le jaune peut remplacer toutes les couleurs, sauf le noir.

  Cette chasuble fait jouer le moiré de son étoffe. La figure centrale du Sacré-Coeur apparaît dans une mandorle au croisement des branches de la Croix, alors que Jean-Baptiste vêtu de peaux de bêtes annonce l'arrivée du Messie par sa banderole Ecce Agnus Dei.

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  Cette chape plus simple est brodée ton sur ton des lettres IHS.

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Une chasuble vieil-or dont les rinceaux tracent une croix autour du monogramme christique est présenté à coté d'une dalmatique particulièrement somptueuse.

         Les dalmatiques sont des tuniques courtes, que l'on enfile par la tête comme les chasubles mais qui sont de forme rectangulaire (et non -pour les premières chasubles- semi-circulaire en forme de planète ) et qui disposent de manches courtes. Elles sont portées par les diacres et sous-diacres.

  Celle-ci porte, tracé par un galon blanc, une fourche à trois branches dans lesquelles grimpent des entrelacs d'or délimitant un cercle et six losanges. Le cercle porte le monogramme marial MA , alors qu'une inscription en lettres rouges se répartit dans les losanges, disant : Dominus Initium Viarum Suarum. C'est une citation de Proverbes 8, 22 : Dominus creavit me initium viarum suarum, en parlant de la Sagesse : "Dieu m'a créée dans le commencement de ses oeuvres et avant qu'il créat aucune chose. Il m'a établit dès l'éternité et dès le commencement, avant qu'il eût fait la terre et les abîmes, avant que les fontaines fussent sorties de la terre et qu'il eût affermi les montagnes; Il m'a enfanté avant toutes les collines". Saint Jérome (Epistola CXL ad Cyprianum prebysterum, 6) fait du Christ la figure de la Sagesse.

Quelques déchirures témoignent de la fragilité de la soie de ce vêtement.

On admirera aussi les dessous en dentelle.

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      Couleur rouge :

   Le rouge, couleur de la Passion et de l'Esprit-Saint,  est porté le dimanche des Rameaux, le Vendredi Saint, à la Pentecôte, et à l'Exaltation de la Sainte-Croix. C'est aussi la couleur des fêtes des apôtres et des saints martyrs.

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      Chasuble et manipule pour la fête de l'Assomption le 15 août.

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Couleur noire :

        C'était essentiellement la couleur de l'office des défunts, et aussi celle du Vendredi Saint, mais depuis le concile de Vatican II, le violet est préconisé pour les funérailles et le rouge pour le Vendredi-Saint.

 

  Ce vêtement n'est pas une chasuble ni une dalmatique puisqu'il est doté de manches longues. 

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Couleur bleue.

  Son utilisation pour le culte marial est qualifiée d'abusive en dehors de l'Espagne lors de la fête de l'Immaculée Conception. Pourtant, elle est attestée en Bretagne, par exemple dans un inventaire de 1792 de la chapelle de Rocamadour à Camaret-sur-Mer, ou sur un vitrail de Lanvoy à Hanvec.

 

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Les manipules :

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Le dais de la Fête-Dieu


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  Un dais (ou pavillon, ou parasol liturgique, ou encore un poële) de Saint-Sacrement est un baldaquin mobile composé d'une armature portée par quatre hampes, aux sommités parfois ornées de plumes d'autruche, et de quatre bandes de soie brodée appelées "pentes". Il est porté par quatre hommes, quatre notables choisis soigneusement. Il est destiné à abriter le prêtre qui présente le Saint-Sacrement lors de la procession de la Fête-Dieu. Le dais est encadré par les enfants de choeur, les diacres, des porteurs de cierges ou de photophore, de bannières et de croix, et par les thuriféraires ou porteurs des encensoirs, et il est  suivi de la musique, des communiants de l'année, et des fidèles.

  Cette fête qui célèbre la Solennité du Corps et du Sang du Christ a lieu soixante jours après Pâques. Sortant de l'église à l'issu de la messe, la procession se dirige en suivant un chemin de sciure et de pétales dans les rues pavoisées de draperies, de feuillages et de guirlandes vers les reposoirs que les paroissiens de chaque quartier ont réalisés. Ces reposoirs sont des autels ornés de décorations florales et d'objets pieux, devant lequel la procession s'arrête : le prêtre encense l'hostie contenue dans l'ostensoir et présente celui-ci à l'assistance avant de la bénir. Lors de cette station, des prières et des chants sont débutés par l'officiant et repris par les fidèles.

  L'office du Saint-Sacrement a été codifié par Thomas d'Aquin afin de célébrer l'Eucharistie : on y chante l'hymne Pange Lingua, l'hymne Panis Angelicus, et on y récite le Lauda Sion. A chaque Salut du saint-Sacrement, deux strophes du Pange Lingua sont entonnées, sous le nom de Tantum ergo. Ce chant débute ainsi :

Tantum ergo Sacramentum veneremur cernui 

Et antiquum documentum novo cedat ritui.

Il est si grand, ce sacrement ! Adorons le, prosternés : 

Que s'effacent les anciens rites devant le culte nouveau !

  Ce sont ces mots que l'on trouvent inscrits ici, sur le "ciel" du dais.

 

Voir l'article suivant (L'oeil-de-boeuf chez Flaubert ) qui reprend cette présentation du dais en l'illustrant d'un texte de Gustave Flaubert.

 

Les bannières

 

Bannière de sainte Anne, scène de la Sainte Éducation.

  Deux armoiries l'une d'azur, l'autre de gueules au trois épées d'argent surmontées d'une couronne


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Bannière de la Vierge à l'Enfant

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 Bannière des Croisés Eucharistiques.

  Je découvre avec cette bannière ce que fut la Croisade Eucharistique créée en 1914 à la suite d'un décret du pape Pie X autorisant la communion des enfants : trois niveaux spirituels hiérarchisent l'accès des enfants à une sorte d'Imitation de Jésus-Christ pour "travailler, souffrir et se réjouir avec Jésus", comme page, puis comme croisé, puis comme chevalier. Allez voir comme moi l'artickle Wikipédia :   http://fr.wikipedia.org/wiki/Croisade_eucharistique

 

  Ces drapeaux étaient sans-doute crées dans chaque paroisse sur le même modèle, puisqu'à Sainte-Mélaine, La Chapelle-de-Brain (35), l'Inventaire Régional rapporte un exemple très proche, avec la même inscription ECCE PANIS ANGELORUM, Voici le pain des anges, écrit sur le cercle circonscrivant la croix. L'autre face porte l'inscription INVENIAT REGNUM TUUM et Apostolat de la prière.   Voir : http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=PALISSYIM35011536

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Les statues.


Sainte Suzanne

Bois polychrome du XVIIe siècle.

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Saint Yves 

est présenté dans ses fonctions d'official de Tréguier, coiffé du bonnet carré, tenant un placet de la main droite et des sacs de justice à gauche.

Statue en bois polychrome du XVIIe.

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Sainte Marguerite d'Antioche issant du dragon.

Bois polychrome, XVIIe siècle.

    Le détail, c'est bien-sûr le noeud qui s'est formé sur la queue du dragon, vengeance castratrice sans-doute de la Vierge qui devait repousser les avances d'Olibrius, l'affreux gouverneur romain qui portait si bien son nom. Elle, Marguerite, la pure perle blanche sertie dans le triomphe de sa virginité, mains jointes, menton haut, se campe fièrement dans sa posture de sainte , alors que le monstre hurle dans les douleurs de cet accouchement peu banal.
  Sainte Catherine est la protectrice des femmes enceintes. 

 

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Sainte Anne trinitaire.

Bois polychrome, fin XVIe siècle.

Graduation de taille correspondant aux trois générations. Comme à l'accoutumée, Anne est assise et  porte le voile, la guimpe, et une robe verte, alors que Marie, debout ou juste appuyée sur le siège, porte une couronne sur ses cheveux dénoués, et une robe bleue. On retrouve les objets usuels, le livre, ici tenu par sainte Anne est fermé, ce que l'on peut interpréter comme l'Ancien Testament qui vient se clore, et le globe terrestre, que Jésus bénit.

  Selon Michèle Bourret ( Le Patrimoine des communes du Morbihan, vol.1, 1996), cette statue pourrait être due au ciseau en taille directe du sculpteur Guillovic qui travaille à Cléguerec et Séglien entre 1574 et 1583 car elle reprend en modèle une statue de sainte Anne de Cléguerec. 

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Les vitraux.

 

Ils datent de la fin du XVe-début XVIe siècle.

Baie 2, éléments datés de 1500.

  Il représente un saint évêque bénissant, et saint Nicolas présentant le donateur, (un seigneur de Sérent) avec l'inscription Mater mei me ma~to n. On signale aussi l'écusson de Sérent, qui est de gueules à trois quintefeuilles d'hermine : j'ai peut-être oublié de le photographier, à moins qu'il s'agisse de l'élément rouge à trois pièces blanches situé sous le cou du donateur. Les vitraux ont été restaurés, sans-doute par Le Bihan de Quimper (?? : le Corpus Vitrearum indique actuel des panneaux a été réalisé en 1978 par Hubert de Sainte-Marie)

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Baie 0 (Abside)

ici, il s'agissait pour moi de Jean l'évangéliste (cheveux longs) tenant son calice, mais le Corpus Vitrearum y voit un saint sans attribut particulier. Le fond damassé est semé de "gouttes" blanches par la technique du verre gravé. L'auréole relève de la même technique.

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Baie 1  une Vierge à l'Enfant datant du 4ème quart du XVe siècle (restaurée vers 1974), et une sainte aux cheveux longs tenant dans la main droite un flacon doté d'un couvercle, et dans celle de gauche des rouleaux. Je penchais pour Marie-Madeleine, mais les experts du Corpus, plus observateurs, reconnaissent dans ces objets un encrier et un matériel d'écriture, sans pouvoir proposer d'identification ; ils datent cette oeuvre de 1500.

  Un écritoire permet de ranger les plumes d'oie, de corbeau ou de cygnes, la boite à sable de séchage, le grattoir ; ne pourrait-il pas s'agir alors d'une Sibylle ? Ou de Saint-Jean ?

 

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • jean-yves cordier
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

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