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1 juin 2014 7 01 /06 /juin /2014 14:10

Les œufs et la chrysalide d'Aporia crataegi le Gazé.

 

Quelques jours après avoir observé à Crozon les premiers Gazé en vol, je trouvais une chrysalide (ancienne Gare le long de l'étang de Kerloc'h) le 20 mai.

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Le 1er juin, sur la falaise séparant l'Aber de Postollonec, je remarquais une femelle en train de pondre sur un prunellier  : aux jumelles, je voyais son abdomen s' arquer pointe en bas et frapper la feuille sur laquelle elle était posée, un coup toutes les cinq secondes environ. Rapidement, elle fut importunée dans son travail par un mâle qui cherchait à s'accoupler. Je repérais l'endroit et poursuivi ma promenade. Au retour, j'allais observer le résultat, mais je ne remarquais pas tout-de-suite le petit amas jaune. Comment, sans contrôle de la vue, madame Gazé avait-elle pu aligner ses œufs avec une telle précision ?  Voir une vidéo d'André Lequet sur le spectacle de frappe chirurgicale auquel j'ai assisté :  https://www.youtube.com/watch?v=i9Sjv4i3YX8

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En les regardant à la loupe, je vis qu'ils ressemblaient à de jolis bouteilles de soda-citron cannelée et  à l'opercule étoilée dont les six branches scintillaient comme en un diadème.

Une femelle pondra environ 500 œufs ; sur cette feuille, il s'en trouve près de 120.

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les mêmes, le 24 juin :

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Voir l'incomparable site Insecte.net :http://www.insectes-net.fr/aporia/aporia2.htm

 

Le 22 juin à Kerdreux, j'assiste au même spectacle : cette femelle tête en bas m'intrigue par son comportement :

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Published by jean-yves cordier
29 mai 2014 4 29 /05 /mai /2014 18:05

Le peintre Jules Noël rétrograde ? Persiste et signe à Quimper !

  Le 1er juin 2013, j'ouvrais le débat dans ces colonnes: le peintre Jules Noël est-il délibérémment rétrograde ou emploie-t-il un N rétrograde pour signer ses œuvres par caprice passager, par égarement spéculaire ou par dysorthographie ou autre trouble de la Constellation des dys ? 

 Voir : Jules Noël à Brest, un peintre délibérément "rétrograde".  

Mes arguments pour une atteinte structurelle et durable et non pour un trouble cyclique ont du paraître particulièrement convaincants, car je n'ai reçu aucun commentaire.

  Néanmoins, je renforce ma thèse avec de nouvelles preuves, tirées d'une visite au Musée des Beaux-Arts de Quimper. En effet, ce temple de l'art a acquis  la boite de peinture de l'artiste, et, dans ce lieu intime que le peintre ne décore que pour lui même, en dehors de toute parade ostentatoire, je découvre qu'il a signé sa pochade (guère si vilaine) en commettant la faute d'inversion de la lettre capitale. 

Jules Noël (Nancy, 1810 - Alger, 1881) : Boite de peinture ayant appartenu à l'artiste. Acquisition 2000. 

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Lorsque l'on aura zoomer (cliquez pour agrandir) sur le fond de contreplaqué pour admirer la signature, ou les formes pleines de la chaloupe de Morlaix mis au sec le temps d'une marée sous un moulin pour ravauder la voile, qu'on se sera demandé si le matelot porte, ou pas, une boucle d'oreille, que l'on aura observé la planche servant d'échelle, la femme en coiffe accroupie sur la grève, ou quelqu'autre détail du gréement, il sera temps de jeter un œil aux deux toiles de Jules Noël exposées dans cette salle.

L'une est une vue du port de Brest, l'autre montre une rue de Morlaix.

Le port de Brest en 1849.

A l'instar des Vernet ou des Ozanne qui ont été séduits par la plus belle rade du monde, ses lumières, les mouvements permanents de ses navires ou le pittoresque des diverses embarcations ( Plougastel, Kerhorres aux mœurs bohémiennes), Noël a peint à plusieurs reprises le port de Brest de 1839 à 1864 : il s'agit de la quatrième vue de l'arrière-port le long des rives de la Penfeld : à vos jumelles ! Vous verrez en zoomant l'image les bagnards vêtus de rouge, dont certains se reposent au premier plan alors que d'autres gravissent la rive, sous de grands arbres.

Inutile d'ajouter que la signature du maître fait encore un pied-de-nez aux conventions.

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Les navires sont mouillés devant les bâtiments tout en longueur de la Corderie, du Bagne (254 m) et de l'Hôpital Maritime. Le drapeau (un pavillon) tricolore a été rétabli en 1830.

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Au second plan de cette vue de détail, les petits nains se révèlent être une équipe de sept bagnards portant un lourd madrier, et suivis par un surveillant. A l'arrière-plan, je crois reconnaître les bâtiments du plateau des Capucins, construits de 1841 à 1845. Il s'agit de trois grandes halles parallèles larges de 15 mètres et longs de 150 mètres.

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"Une rue à Morlaix en 1830", tableau de 1870.

Sous l'église gothique Saint-Mélaine et au pied des escaliers, l'animation bat son plein, ce qui donne l'occasion à mon auguste homonyme de multiplier les détails à observer. Mais qui pourra me donner le nom, ou m'expliquer le fonctionnement du véhicule hippomobile stationné devant le ferblantier, et qui semble dépourvu de roues, la caisse paraissant suspendue entre les deux chevaux ?

 

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Voir aussi  La vie cachée de Joyeux Noël le brestois, conte.

Sur l'exposition Jules Noël aux Musée des Beaux-Arts de Quimper en 2005 :http://www.latribunedelart.com/jules-noel


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Published by jean-yves cordier
20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 22:28

La chenille de Depressaria daucella ([Denis & Schiffermuller], 1775).

 

Petite chenille gris foncée et orange à points blancs très abondante sur certaines inflorescences.

Ancienne gare, Crozon, 20 mai 2014.041c

 

C'est la chenille d'un elachistidae ou Oecophoridae de 21 à 24 mm de long particulièrement momôche méchante comme une teigne (Denis et Schiffermuller l'avaient nommé Tinea daucella) et dépourvu d'intérêt ; seule la chenille est plaisante à voir, et lorsqu'on la voit abonder sur les tiges et les ombelles des oenanthes safranées du bord d'un fossé, on souhaite bien apprendre son petit nom. Voilà, c'est fait.

 Mais son intérêt ne s'arrête pas là, et le site aramel.free.fr peut vous apprendre comment elle pénêtre dans les tiges creuses pour sa nymphose. 

Son nom lui vient de Daucus carota, la carotte sauvage qui n'est nullement la plante-hôte de notre bestiole. Il est préférable de ne pas confondre la carotte sauvage et l'Oenanthe safranée, qui peut "tuer une vache en une heure". 

Gratitude : au site european-lepidopteres.fr qui m'a permis d'identifier mademoiselle après une heure de recherche dans mes bouquins.

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Published by jean-yves cordier
19 mai 2014 1 19 /05 /mai /2014 08:19

    Le cri du cœur d'Enée et le papillon : Zoonymie du genre Hesperia Fabricius, 1793.

 

      Nota bene : cet article est désormais complété et modifié par :

Zoonymie de la Virgule Hesperia comma.

Hesperia

  Hesperia était le nom que les anciens donnaient à l'Italie (Hesperia proxima) et à l'Espagne (Hesperia ultima) "à cause de Hesper étoile qui est à l'Occident" (P. Danet).  "Hesperus signifie occiduus et on donnait ce nom à l'Etoile du soir , que nous nommons l'Etoile de Vénus". Mais le nom lorsqu'il apparaît dans l'Énéide de Virgile, prend une valeur très forte, celle, sans craindre l' anachronisme, d'une sorte de Terre Promise, d'un Far West (traduction presque littérale d'Hespérie), la terre qui va concrétiser tous les espoirs des Troyens en fuite de leur ville saccagée pour fonder un nouveau royaume. La première occurrence  arrive dans le Livre I vers 530 :

Est locus, Hesperiam Grai cognomine dicunt,

terra antiqua, potens armis atque ubere glaebae

Il existe un lieu que les Grecs nomment Hespérie,

terre antique, puissante par ses armes et la fécondité de son sol.

Bibliotheca Classica selecta donne en note

 

(1, 530-534). Hespérie, Oenotrie et Italie sont en fait des synonymes en poésie. Hespérie est la traduction française d'un mot grec (Hesperia), désignant « le Couchant » et donné par les Grecs aux régions occidentales (par rapport à eux). En poésie, le mot est également utilisé pour désigner l'Espagne, toujours « le Couchant », mais par rapport à l'Italie. Au sens strict, l'Oenotrie (cfr aussi en 7, 85) est une contrée située entre Paestum et Tarente, mais le terme est utilisé pour désigner l'Italie. Les Oenotriens, descendants d'Oenotrus, fils de Lycaon, roi d'Arcadie, seraient venus en Italie plusieurs siècles avant la guerre de Troie, et auraient occupé la Lucanie et le Bruttium, au sud de l'Italie, mais auraient finalement donné leur nom à l'ensemble de la péninsule. Quant à l'Italie, elle doit probablement son nom à une forme grécisée d'un mot italique Vitelia (= pays des veaux). Quoiqu'il en soit, il ne désignait à l'origine que l'extrémité sud du pays, puis s'étendit progressivement vers le nord. Pour expliquer le mot, certains Anciens lui trouvèrent un éponyme en la personne d'un certain Italus, dont on fit notamment un roi oenotrien, fils de Télégon et de Pénélope, et qui aurait ensuite donné son nom au pays.  

On le retrouve au Livre III v.503, au Livre VII vers 4, mais Hesperio et Hesperiam (III, 163 ; III, 185 ; VIII, 148 ; XII, 360) Il faut pouvoir entendre ce nom comme l'aurait fait tout lecteur de Virgile du temps de Fabricius, l'entendre sonner glorieusement comme le But, l' Etoile vers laquelle Enée et ses hommes tentent, après maints orages, maints détournements, de parvenir. Il faut le resituer au cœur de l'épopée latine pour en saisir toute la force.

  C'est pour l'Hespérie que Enée s'arrache aux bras de Didon, provoquant son suicide. C'est vers Hesperia qu'il fait voile à partir de Carthage, affrontant la colère de Neptune : 

Francesco de Murra, Le départ d'Enée, v.1740, Musée des beaux-arts de Brest.

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  Il peut être utile d'écouter les lamentations de Didon délaissée dans Didon et Enée de Purcell (When I am laid, acte III) par Simone Kermes ici pour mesurer la puissance dramatique d'Hesperia, et pour que ce nom de papillon ne soit pas seulement imagé par le bras tendu de Enée, mais aussi sonorisé.   

  Mais c'est la lecture des 12 livres de l'Eneïde qui permet réellement de voir ce nom revenir comme un leitmotiv, une hantise accompagnant, aspirant le héros et son peuple de Troie vers l'Italie.

  En même temps qu'il désigne pour Énée comme sous une forme cosmique ou astrale le sol sacré du pays à atteindre et qu'il le pare d'un nom idéal, il symbolise aussi, pour Virgile, l'Espérance qu'il formule pour Rome, celle de se dégager d'un siècle de guerres civiles et, sous la conduite d'Octave, de créer cet État paisible et prospère que chacun attend.

"Le poème [de l'Énéide] avait été conçu et commencé quelques onze ans plus tôt [que la mort de Virgile le 21 septembre de l'an 19 av. J.C], dans l'émerveillement et dans l'espoir de la paix revenue entre les Romains après un siècle de guerre civile. D'abord la victoire d'Actium et l'effacement d'Antoine[...] puis la modération d'Octave vainqueur, le rétablissement de la République." (Jacques Perret, Énéide, introduction, C.U.F; Les Belles Lettres : Paris, 1977).

Et ce poème s'ouvre ainsi :

...at nunc horrentia Martis

arma uirumque cano, Troiae qui primus ab oris

Italiam fato profugus Lauiniaque uenit

litora, multum ille et terris iactatus et alto

ui superum saeuae memorem Iuononis ob iram,

multa quoque et bello  passus dum conderet urbem,

inferretque deos Latio, genus unde Latinum,

Albanique patres, atque altae moenia Romae.

 

Je chante les combats du héros prédestiné qui  fuyant

les rivages de Troie aborda le premier en Italie, près de Lavinium ;

longtemps il fut malmené sur terre et sur mer

par les dieux puissants, à cause de la cruelle Junon, à la rancoeur tenace

il endura aussi bien des maux à la guerre, avant de fonder sa ville

et d'introduire ses dieux au Latium, le berceau de la race latine,

des Albains nos pères et de Rome au  aux altières murailles.(Trad. Boxus et Poucet).

 Cet horizon lointain et chéri qu'est l'Hesperia porte toutes les forces qu'évoquent ces premiers vers : la prédestination ; la lutte contre l'adversité ; l'exil ; l'endurance ; la fondation d'une Patrie ; la renaissance d'une terre natale.

 Curieusement, ce sens du mot Hesperia n'a pas été retenu par les auteurs qui se sont penchés sur ce qu'ils appellent "l'étymologie" du nom créé par Fabricius, et ils se sont tournés vers des personnages de la mythologie grecque, Hesperos, sa fille Hesperis, ses petites-filles les trois Hespérides :

Dans la mythologie grecque, Hespéros (en grec ancien Ἕσπερος / Hésperos), fils de Japet et de Clymène, frère d'Atlas, est un Titan.

Sa fille Hespéris est l'heure du soir, dans la mythologie grecque. Elle engendra les Hespérides avec Atlas.

Les Hespérides (en grec ancien Ἑσπερίδες / Hesperídes, « fille d’Hespéris, l’Occident, le Couchant personnifié ») sont les nymphes du Couchant, filles d'Atlas et d'Hespéris (ou de Nyx (la Nuit), ou de Phorcys et Céto selon les versions), ou même d'Hespéros.

On en compte traditionnellement trois,  Églé, Érythie et Hespérie). Elles résident dans un verger fabuleux, le jardin des Hespérides, situé à la limite occidentale du monde (probablement sur les rives océaniques de l'Espagne ou du Maroc).

Héra leur avait donné pour tâche de veiller sur les pommes d'or du jardin des Hespérides qu'elle leur avait confiées, et leur avait pour cela adjoint l'aide du dragon Ladon. (D'après Wikipédia).

Bien que Fabricius ait créé ce nom de genre en 1807, on le date de 1793, car il l'avait déjà utilisé comme nom d'espèce.

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Published by jean-yves cordier
18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 14:19

 La Baie 217 du transept nord de la cathédrale Saint-Julien du Mans.

                     II. La Rose.

Voir :  Le vitrail du Credo apostolique de la cathédrale du Mans, ou baie 217 du transept nord.

 

  Il s'agit plutôt d'une marguerite : car autour d'un cœur divisé par une croix pattée, une roue de vingt-quatre rayons groupés en douze pétales  forme autant de loges que je numéroterais de 1 à 24. Comme au théâtre, chaque loge est occupé par un personnage. En périphérie, 24 trilobes séparés par des cœurs bilobés, et enfin 12 autre trilobes porteurs d'inscriptions. 

 

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Au centre : le Tétramorphe.

   "Le tétramorphe, ou les « quatre vivants », ou encore les « quatre êtres vivants », représente les quatre animaux ailés tirant le char de la vision d'Ézéchiel (Ez 1 ; 1-14). Leur origine remonte à la nuit des temps et on les retrouve dans diverses civilisations de l'Antiquité avant de les retrouver dans la Bible avec Ézechiel d'abord puis avec saint Jean dans l'Apocalypse (Apoc 4; 7-8). Plus tard, les Pères de l'Église en ont fait l'emblème des quatre Évangélistes " (Wikipédia)

— A gauche en haut : sur fond damassé bleu, l'AIGLE de Jean, nimbé de rouge avec l'inscription JO/US.

— A droite en haut sur fond damassé rouge le LION ailé nimbé de bleu de Marc, inscription MARCA(Y)

— A droite en bas sur fond damassé rouge l'HOMME (ici ANGE) de Matthieu nimbé de rose avec l'inscription S. MATT(OI).

— A gauche en bas sur fond damassé bleu le TAUREAU ailé nimbé de rouge de Luc, inscription SANCTUS LUC...

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Deuxième cercle à 24 rayons.

 

Parmi les 24 lancettes ou pétales ainsi délimitées, la loge n°1 est réservée au Christ et la loge voisine 24 à la Vierge.

1. Loge n°1 : le Christ roi. Loge n°2 Ange thuriféraire.

Le Christ en manteau rouge et robe bleue, couronné, nimbe bleu, bénissant de la main droite, tient le globus cruciger ou orbe dans la main gauche. Il se tient assis sous un dais d'or et d'argent (blanc et jaune). Le fond est semblable à ceux des lancettes, rouge damassé constellé de couronnes jaunes serties en incrustation ou chef d'œuvre; il se prolonge dans la tête du pétale. 

Les pupilles des yeux du Christ, comme celles de tous les personnages à suivre, sont rehaussées au jaune d'argent.

La robe de l'ange est ornée de trois balles vertes (deux à feuilles et une à pois) qui semblent venir en surimpression sur le personnage plutôt que de correspondre à un motif de la robe.

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Loge 24 : Couronnement de la Vierge.

 La vierge s'incline, à genoux, mains croisées sur la poitrine vers le Christ qui la bénit. Elle porte des couleurs inverses de son Fils, manteau bleu et robe rouge, avec le nimbe vert clair. Un ange (bleu) descend poser une couronne sur sa tête. 

 

 

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      Loges n° 23 et 24 : Ange thuriféraire et Vierge couronnée.

 

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 La loge n° 12 est occupée par le Christ ressuscité assis sous un baldaquin et montrant les plaies de ses mains. Son nimbe rouge est crucifère. Manteau rose, robe bleue. Fond damassé vert clair à feuillage, sol en damier rouge et noir. Il est considéré par R. Barrié comme le Christ-Juge présidant au Jugement dernier, et est entouré de deux anges buccinateurs qui en annonce l'échéance. Il siège sur un arc-en-ciel (jaune -pourpre- vert-rouge) qui naît  d'un soleil.

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Les 21 autres loges sont occupées par des anges. 

                                             LE CONCERT SPIRITUEL

Les anges des loges 2 à 5 et 19 à 23 se livrent à un concert spirituel. Des anges, en pied, tournés vers la scène centrale, jouent de divers instruments :

  • Échiquier d'Angleterre
  • Olifant
  • Trompe.
  • Harpe
  • Double flûte
  • Cornemuse.
  • Orgue portatif.

 

— Loge n°3 : Ange jouant d'un échiquier de musique.

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Chapelle de la Vierge :

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Deux liens pour découvrir cet instrument exceptionnel également présent dans la voûte de la chapelle de la Vierge: 

La robe blanche porte un motif rouge particulier ; il est certes possible de l'attribuer à la combinaison des plis laissant apparaître le revers de la robe, mais cet effet n'a pas la cohérence attendue. Le même motif apparaît en miroir sur l'ange n° 22, qui reprend le même carton retourné. et sur ceux des loges 16, 17 et 19. Ces motifs me semblent en réalité aussi gratuits que les balles de couleur qui décorent d'autres robes.

Les cheveux sont bouclés de manière particulière autour d'un serre-tête que l'on retrouvera aussi (agrémenté de perles) chez l'ange n° 7, et encore chez le joueur d'orgue n°23.

Loge n°4 : ange joueur de trompe (Cor ou olifant ).

Photographie précédente.

Le cor ou olifant est un instrument princier voire royal qui impressionne par sa puissance. Long de quelques 80 centimètres, il doit son nom au fait qu'il est parfois fabriqué à partir d'une défense d'éléphant, origine qui lui confère un prestige supplémentaire. Les nobles s'en servaient pour la chasse ou pour faire annoncer le repas du soir. Le plus célèbre est celui de Roland à Roncevaux, avec lequel il souffla si désespérément pour prévenir Charlemagne qu'il s'en rompit les veines du cou ou de la tempe.

  On remarquera les bandes décoratives de la robe et des manches, ornées de lettres dont certaines peuvent correspondre à des caractères latins (F, V, A ) plus ou moins contorsionnés, et d'autres à des caractères pseudo-orientaux ou coufiques : ils sont semblables à ceux qui ornent certaines bordures des draps d'honneurs des donateurs. Simple variation d'ornementation fantaisiste ou cryptographie ?  

Loge n° 5 et 6 : joueur de trompe et ange thuriféraire et naviculaire.

Les mêmes caractères "coufiques" se retrouvent sur les manches et le torse du thuriféraire, mais aussi sur la robe du musicien. 

Le thuriféraire ou porteur d'encens ( thus = encens et ferre = porter) est aussi un naviculaire ou porteur de navette, ce récipient qui contient la réserve d'encens. J'ai d'abord cru qu'il tenait une cocotte en papier ou un de ces bateaux que, dans un lointain jadis, je fabriquais dans une feuille dûment pliée ; et la comparaison n'est pas si sotte, puis que "navette", du latin navis, signifie stricto sensu "petit navire". 

Au dessus d'eux, une étoile en chef d'œuvre.

 

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Loge 20 : harpiste.

Harpe à 12 cordes.

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Loges n°21 : joueur de flûte double.

Une observation attentive permet de voir, sur la sorte d'écu que l'ange porte à son coté, cinq fleurs de lys circonscrites dans un soleil, et des feuilles (d'érable); Ce sont les mêmes motifs qui décoraient, dans le registre inférieur des donateurs, les draps de bordure et ceux qui recouvraient les prie-dieu.

La flûte double, dont les deux tuyaux sont réunis en un seul instrument selon un angle de 45°, permet de jouer la mélodie d'une main sur un tuyau percé de six trous et le bourdon de l'autre sur un tuyau plus court et non percé. Elle est aussi représentée sur la voûte de la chapelle de la Vierge

 

 

 

 

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Loges n°22 et 23 : Cornemuse et orgue portatif.

a) Le joueur de cornemuse tient dans sa bouche l'embouchure avec laquelle il gonfle le sac. Le chalumeau de bourdon repose sur son épaule droite tandis que les doigts de ses deux mains s'activent sur les trous du chalumeau mélodique.

Cornemuse de la chapelle de la Vierge : 

                                 instrumentarium 4464c

b) L'orgue portatif dispose d'une double rangée de 15 tuyaux; il se suspend par une sangle passée à l'épaule, et l'ange —ou plus communément le musicien, qui marchait en tête des processions— peut jouer de la main droite sur le clavier, et actionner de l'autre le soufflet.

La cathédrale possède deux autres représentations d'orgue portatif, l'une, très effacée, sur la voûte de la chapelle de la Vierge et l'autre en terre cuite dans la très belle Sainte Cécile. Ce dernier qui est plutôt positif que portatif prend place sur une console.

 

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b) les anges n°7 à 10 et 14 à 18 portent les 9 instruments de la Passion ou Arma Christi.

 

De droite à gauche :

  • les dès du tirage au sort de la tunique 
  • les verges ?
  • l'éponge de vinaigre, 
  • la colonne de flagellation,
  • la lance,
  • la croix,
  • Couronne d'épines, 
  • Les clous,
  • le manteau de pourpre.

Loge n° 7 et 8 : Ange portant les dès ; portant deux bâtons .

On retrouve dans les robes blanches ces éléments graphiques bleus en bâtonnet correspondant peut-être aux plis.

Le damier sur lequel sont posés les trois dés m'intéresse puisqu'ils témoignent d'une étymologie ancienne de la fleur nommée fritillaire et des papillons fritillary (brièvement, les fritillaires, ou le groupe des Fritillary, dont les pétales ou les ailes sont en damier, tiennent ce nom du latin fritillus, "cornet à dés", les dés étant lancés sur un plateau sans-doute en damier. La preuve sur ce vitrail. Voir  Fritillaire)

Ce plateau de jeu porte trois dès pourvus chacun de leur points : 5 ; 3 et 2 pour l'un, 4 ; 3 et 2 pour l'autre et 6 ; 2 ; 1 pour le troisième.

La minutie du peintre s'observe d'avantage encore en examinant le serre-tête de l'ange, qui comporte des motifs de perles organisés en cercles de six autour d'une perle centrale. 

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Loge n° 9 et 10 anges portant l'éponge de vinaigre et la colonne de flagellation.

l'éponge de vinaigre est présentée au bout d'une branche d'hysope (Jean 19:29)

 

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Loges n° 15 à 17.

N° 15 :Ange portant la croix.

N°16 : Ange portant la couronne d'épine

N° 17 : Ange portant les clous (en bleu).

La robe de l'ange n°15 est ornée de ces boules à pois déjà observées sur celle de l'ange n°2, mais aussi dans les fonds ; et là encore, la distribution de ces boules ne respecte pas la cohérence des volumes du drapé. Elles appartiennent à la même logique que les bâtonnets bleus et les V inversés des autres robes, elles sont signes purs, graphèmes aussi dépourvus de sens que les caractères "coufiques", écriture sacrée inaccessible à nos esprits. Ou plutôt, ce sont des éléments rythmiques dans le concert des couleurs.

 

                     035c

 

Troisième cercle : Gloire en haut et  Jugement Dernier en bas.

I. La Gloire royale.

Au sommet, trois têtes du Christ au nimbe crucifère et aux cheveux réunis par une escarboucle centrale. (voir infra Inscriptions).

Illustrant les paroles du Gloria placées en périphérie, des anges présentent au sommet de la rose ce qui a été interprété comme des mitres, mais qui me semble correspondre à des triples couronnes, parfaitement cohérentes avec le thème du Couronnement, ou à la réunion de ces couronnes et de mitres. Puis viennent de chaque coté symétriquement :

  • une couronne 
  • une mitre à triple couronne
  • une couronne,
  • une mitre
  • une mitre.

Ces mitres et ces couronnes associent peut-être les évêques, le roi de France et les princes donateurs à la gloire divine.

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II. Le Jugement.

Le Jugement Dernier n'occupe que la moitié inférieure de la rose, sous forme de scènes de résurrection des morts à l'extrémité de deux pétales : "bustes d'hommes dénudés et de femmes aux chevelures ondoyantes, sortant de terre et levant les bras dans un ultime et pathétique élan. "Tous sortent de la mort comme on sort d'un songe, dira au siècle suivant Agrippa d'Aubigné." (R. Barrié p. 14).

Il intègre donc le Christ de la loge n°12, l'arc en ciel de l'ébranlement cosmique et les deux anges, dont les trompettes annoncent l'heure du Jugement.

 

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De la droite vers la gauche (pour changer) :

Pétales 9 et 10 : un pape et un évêque sortent nus du tombeau, tenant qui sa mitre, qui sa tiare ; un troisième personnage nu (féminin ?) . Fond damassé constellé de boules à pois ou de couronnes. Une nouvelle sorte de boules apparaît (en bas) divisées en quartiers alternativement vierges ou portant des pois. 

Phylactère : IE FI LI V...NTE VENITE ADOR[EMUS]

014c

 

Pétales 11 et 12 : 

Trois autres personnages émergent de terre ou du tombeau et lèvent les bras en supplication. L'un semble encapuchonné par son suaire.

Phylactère : QUI TOLLIS  MUDI INIPE DE P[er[E...M

 016c

 

Pétales 11 à 14 : 

A gauche, le personnage du bas est une reprise du carton inversé de celui de droite. Dans les boules ou cercles du fond de sa mouchette sont inscrits des carrés contenant des fleurs (de lis).

Une femme vue de face sort de terre parmi les graminées et les fleurs. Une autre femme tend les bras ; ses cheveux recouvrent son dos.

017c

 

Phylactère D[OMI]NE DE9 (DEUS) AGNUS DEI FILIUS

018c

 

 

Pétales 15 et 16 :

Un homme sort de terre et lève les bras, de même qu'une femme aux long cheveux et qu'une autre femme vue de dos.

Inscription : DO[MIN]E  DE9 RE[X] CELESTIS   US P[er] OM

019c

 

109c

 

 

                Le corpus des inscriptions.

  Négligé par les auteurs qui ont décrit cette fleur ou la baie où elle s'épanouit, ce corpus est pourtant essentiel puisque c'est lui qui exprime l'intention théologique du commanditaire. Il n'est pas là pourtant pour être lu, puisqu'il tourne tout autour d'elle  à vingt métres du sol, mais il fonctionne comme un mantra, faisant tournoyer une parole sacrée dans un concert spirituel ; les chanoines à l'intention desquels la verrière avait été construite, leur apportant la lumière spiritualisée par son passage à travers le filtre coloré faisait monter leur chant dans la succession des heures canoniales rythmé par le même chiffre de 2 x 12 que les pétales de lumière. Musique et vibrations colorées se rejoignaient, mais cette musique et ces couleurs n'étaient pas dépourvus de sens, ils servaient la parole de Dieu Verbe incarné. Les mots sacrés Sanctus, Dominus, Filii et Gloria que nous allons découvrir repris par les anges étaient déjà prononcés dans le chœur, et leur inscription, loin d'être décoratifs ou superflus, étaient essentielles. 

 Ces inscriptions n'occupent (hormis, au centre, les noms des quatre évangélistes) que la périphérie, dans les douze triangles dessinés par l'interstice de la courbe des pétales. En outre, dans la demi-sphère supérieure, celle du concert spirituel, six autres inscriptions, réduites à un seul qualificatif divin, s'inscrit à la pointe des pétales. Soit dix-huit inscriptions, dont nous pouvons déjà donner le thème : le Gloria in excelcis Deo ou Grande Doxologie, chant de louange par excellence. Deux autre  cercles encadrent la base de la rose, donnant place à deux anges à phylactère, soit vingt-deux citations. 

 Je les numéroterai à partir du Midi de l'horloge de verre : la mouchette triangulaire qui occupe l'intervalle entre le pétale occupé par Marie et celui occupé par le Christ sera le numéro 1 des mouchettes M1, puis, dans le sens des aiguilles de la grande montre viendra P1 dans la pointe du double pétale, et ainsi de suite. Mais ces inscriptions ayant une cohérence, je débuterai à 21 heures là où débute la série P.

On voudra bien pardonner mes erreurs de transcription et me les indiquer.

M10 : LAUDAMUS TE ADORAMUS TE GLORIA

P10 : SANCTUS

M 11 : GLORIA IN EX CELSIS

P11 : DOMINUS

M12 : au dessus d'une tête de Christ à nimbe crucifère bleu et rouge : FILI DEI IESU CHRISTI. Fond jaune orné de rinceaux et de boules noires à points rouges comme des mûres.

M1 : Position culminante : au dessus d'une tête du Christ au nimbe crucifère rouge à croix bleue : VITA ET VIRI , référence à Jean 14:6 Ego sum Via et Veritas et Vita, je suis la Voie, la Vérité et et la Vie. Fond vert constellé d'étoiles jaunes incrustées en chef d'œuvre.

P1 : ange à tête rouge : DOMINUS

M2 : Tête du Christ au nimbe crucifère bleu et rouge : MISERERE NOBIS

P2 : Ange à tête rouge : DOMINUS

M3 :  ET ----RIA PERA VOLE LOUE ET IN TERRA 

P3 : SANCTUS

 M4 : Ange blanc nimbé de rouge :TIBI NU TUA(M) HA LIAM (Gratias agimus tibi magnam tuam...Hosanna ?)

M5 : Ange blanc aux ailes bleues : IE FILI VIN.NTE....VENITE ADOREMUS. (Domine Fili unigenite ..Venite adoremus)

M6 : QUI TOLLIS -- MU(N)DI  INIPE DE P[re]E...M (rapprocher de :  qui tollis peccáta mundi, súscipe deprecatiónem nostram)

M7 : l'inscription de cet élément central est remplacée par un ange musicien 

M8 : D[OMI]NE DE[US] AGNUS DEI FILIUS

M9 : DO[MIN]E  DE9 RE[X] CELESTIS  US P[er] OM . Domine deus rex celestis Deus pater omnipotens

 

 

Voici maintenant le texte du Gloria dont je surligne en gras les passages cités :

 

Glória in excélsis Deo et in terra pax homínibus bonae voluntátis. Laudámus te, benedícimus te, adorámus te, glorificámus te, grátias ágimus tibi propter magnam glóriam tuam, Dómine Deus, Rex cæléstis, Deus Pater omnípotens. Dómine Fili Unigénite, Iesu Christe, Dómine Deus, Agnus Dei, Fílius Patris, qui tollis peccáta mundi, miserére nobis; qui tollis peccáta mundi, súscipe deprecatiónem nostram. Qui sedes ad déxteram Patris, miserére nobis. Quóniam tu solus Sanctus, tu solus Dóminus, tu solus Altíssimus, Iesu Christe, cum Sancto Spíritu: in glória Dei Patris. Amen  

 

 067c

 

 

065c

 

071c

 

073c

 

077c

 

 

Les inscriptions des deux cercles à la base de la rose.

 

 1. Cercle de droite : deux anges présentant l'Agnus Dei.

 a) Ange aux ailes bleues : AGNUS DEI QUI TOLLIS PECCATA MUNDI

b) Ange aux ailes rouges : AGNUS DEI MISERERE NOBIS

Ces paroles  sont celles de l'Agnus Dei :

« Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis. »

« Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, miserere nobis. »
« Agnus Dei, qui tollis peccáta mundi, dona nobis pacem. »

013xc

 

 

 

2. Cercle de gauche : deux anges présentant le Sanctus.

a) Ange aux ailes bleues :PLENI SUNT CELI ET TERRA GLORIA TUA HOSANNAH IN EXCELSIS

b) Ange aux ailes rouges : SCSUS SCS D[OMI]US DEUS SABBAOHT que je transcris en SANCTUS SANCTUS SANCTUS DOMINUS DEUS SABAOTH

Ce sont des extraits du Sanctus :

Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus, Deus Sábaoth !

Pleni sunt caeli et terra glória tua.

Hosánna in excélsis !

Benedictus qui venit in nómine Dómini.

Hosánna in excélsis !

 

                011c

 

112c.jpg

 

Les inscriptions des anges des tympans 

Ces inscriptions sont partie prenante du programme scripturaire de la rose : elles sont portées par les petites roses bilobées de l'apex des lancettes, chaque lobe renfermant un ange tenant un phylactère.

 

1. A gauche : Ange du haut : LAUDATUS IN .VENI IN UD. DU. Ange du bas :  NAM EX ELSIS AMEN

2. A droite : Ange supérieur : AGNUS DEI QUI TOLLIS PECCATA MUNDI

Ange inférieur : IN MUNDI -- E.CEL.IS 

 

Les monogrammes.

a) La rose est encadrée à sa base par deux ensembles symétriques associant le monogramme du Christ et celui de Marie : IHS et M (A).

               011c   012c       

 

                                  111c

 

                         123c

 

 

Les lettres IHS sont remarquables avec leurs hampes fleuries sur fond de rinceau, mais le monogramme marial, lui aussi remarquable par le déploiement refermé sur lui-même de la lettre M est resté énigmatique et rebelle à mes efforts de déchiffrer le signe blanc (lettre A ?).

La recherche calligraphique transforme ces initiales en formes pures.

b) Monogramme IETRUS

 Dans l'écoinçon qui sépare les patriarches du tympan de gauche se loge ce monogramme que je lis IETR9 , soit IETRUS : faut-il comprendre PETRUS ? On remarque la lettre T dont la barre traverse le fût à la manière d'une croix.

                       063x

c) Le monogramme IOTES.

 En position symétrique dans le tympan de droite se trouve le monogramme IOTES.

Son sens m'échappe ; faut-il comprendre IOHANNES (Jean) ? 

                         064c

 

Une conception d'ensemble.

   Prenons un peu de recul, et, avec Roger Barrié, resituons cette baie du transept nord dans sa position, à gauche du chœur qu'occupent les stalles des chanoines (fermé par le jubé ), et dans un vis à vis avec le transept sud achevé en 1392 et où les orgues seront installées vers 1530. 

 "L'intégrité du volume intérieur du transept est d'autant plus respectée que cet espace est le lieu privilégié des vibrations physiques engendrées par le mystère de la musique et de la lumière. A l'instrument installé sur la tribune méridional en 1529, qui dut avoir un prédécesseur dès le XVe siècle, même en projet seulement, correspondent les orgues lumineuses de la grande rose sur la façade septentrionale" (Barriè in Mussat 1981).

  On sait que l'architecture romane glorifiait Dieu par le son, portant toute son attention à l'acoustique pour que les chants des clercs soient sacralisés par les phénomènes de résonnance  et transformées dans un processus ascensionnel en voix des anges se rapprochant de Dieu. L'architecture gothique, au contraire, a donné la première place non plus au son, mais à la lumière, et il est significatif que l'on doive à l'abbé Suger l'un des premiers édifices gothiques à Saint-Denis (1135), mais aussi les premiers vitraux connus en France, dans une illustration de la pensée du Pseudo-Denis l'Aréopagique, Dieu est lumière.

   En 1377, l'évêque du Mans avait fait peindre le magnifique ensemble des anges musiciens sur les voûtes de la chapelle axiale dédiée à la Vierge ; près de 50 ans plus tard, l'évêque Chastelain fait figurer les anges musiciens jouant des mêmes instruments, mais ils sont irradiés par la lumière solaire et leur musique spirituelle se met au service de la glorification de la royauté du Christ et de Marie. Les paroles sacrées des phylactères sont elles-mêmes spiritualisées et transformées en mantras (je n'ai pas de nom équivalent pour le catholicisme) scandant les mots Sanctus et Dominus ou récitant les formules du Gloria, du Sanctus et de l'Agnus Dei qui, pour les chanoines rompus au latin, sont prononcées "de cœur et de bouche". Plus encore, les monogrammes transforment les lettres des mots Marie et Jésus en formes pures, en chorégraphie vibrantes de lumière.

  A ce concert de couleur et de lumière ("orgues lumineuses") déployant la gloire et la puissance de la royauté divine est associée la représentation de l'espérance du pardon des péchés et de la ressurection des morts au Jugement Dernier, selon le dogme énoncé par les douze articles de la Foi (Credo apostolique) : c'est dans cette espérance que les huit donateurs (trente-deux à l'origine dans tout le transept) sont agenouillés, tête levée vers la Source, VITA et VERI, la Voie, la Vérité et la Vie.

Sources et liens : 

 

 

Je place en tête de cette liste l'article principal, que j'ai cité sans modération :

— GATOUILLAT (Françoise) "Les vitraux du bras nord du transept de la cathédrale du Mans et les relations franco-anglaises à la fin de la guerre de Cent Ans " in Bulletin Monumental    2003 Volume   161 pp. 307-324 J'en donnerai le résumé : 

  "Seule la rose nord de la cathédrale du Mans a conservé des vitraux figurés ; les trois fenêtres qui l'entourent comprenaient également à l'origine un rang de portraits accompagnés d'armoiries, décrites dans un manuscrit de 1798 qui relate un état plus ancien. Le texte permet d'identifier la plupart des personnages représentés et de restituer le programme de l'ensemble. Autour de la rose offerte par le roi de- France Charles VII - dont le portrait existe encore - et sa belle-famille d'Anjou, les autres verrières étaient des dons de Jeanne de Laval, veuve de du Guesclin, du clergé local, et d'Anglais parmi lesquels Edmond Beaufort, régent de France après 1435. L'étude de cette surprenante série conduit à nuancer la perception que l'on avait des relations entre les deux camps dans la phase finale de la guerre de Cent ans. Non seulement le chantier fut mené à terme dans la ville occupée de 1425 à 1448, mais des œuvres d'art chargées d'un message de propagande politique en faveur des Valois n'en furent pas bannies."

 

— BARRIÉ (Roger) 1981 "Les vitraux" in MUSSAT (A), La cathédrale du Mans, Paris p. 139-146.

 — BERGEOT (Karine ) 2009 "Les conflits internationaux dans le vitrail en Sarthe". La foi dans le siècle, Mélange offert à Brigitte Waché. Collectif, Presses Universitaires de Rennes cf. En ligne 3 décembre 2009

— BOUTTIER (Michel), 2000,  La cathédrale du Mans, Ed. de la reinette, 151 p.

BRASSY (Christian), Anges musiciens du Moyen-Âge site en ligne. http://www.apemutam.org/instrumentsmedievaux/articles/anges.pdf

— CHARLES (Abbé Robert) 1880 Guide illustré du touriste au Mans page 39 https://archive.org/details/GuideIllustrDuTouristeAuMans

— Monographie de la Cathédrale du Mans en ligne http://195.220.134.232/numerisation/tires-a-part-www-nb/0000005402304.pdf 

— CHANTELOUP (Luc) 2009 Les Anges musiciens de la cathédrale du Mans, un concert céleste. Editions de la Reinette 32 pages.

— ESNAULT (Abbé Gustave ) "Le Transept septentrional de la cathédrale du Mans, architectes et bienfaiteurs (1393-1430)", Bulletin monumental, 1879, p. 63-79, Gallica

— FLAMAND Jean-Marie 2010 Les écoles de grec à Paris au XVe siècle Conférence donnée par Jean-Marie Flamand dans le cadre du séminaire d’histoire des bibliothèques anciennes : "Livres pouvoirs et réseaux savants à l’origine de l’Europe moderne (14e -17e siècles)", animé par Donatella Nebbiai, Paris, IRHT (26 mars 2010) http://www.europahumanistica.org/?Les-ecoles-de-grec-a-Paris-au-XVe-siecle  [ concerne Guillaume Fillastre]

—FLEURY (Gabriel) La Cathédrale du Mans page 75-76.

— FÖRSTEL Christian, Guillaume Fillastre et Manuel Chrysoloras: le premier humanisme français face au grec. [paru dans : Humanisme et culture]  http://hal.inria.fr/docs/00/90/74/28/PDF/Guillaume_Fillastre_et_Manuel_Chrysoloras_2002.pdf

— GATOUILLAT (Françoise) "Les verrières de la cathédrale du Mans" in 303. Arts, Recherches et Créations, 3e trimestre 2001, n. 70 pp 168-175.

 — GATOUILLAT (Françoise) 2005 "L'épiphanie de la gloire des Valois : le vitrail au service de la propagande royale" [Charles VI à Évreux et Charles VII au Mans] in Glasmalerei im Kontext. Akten des XXII. internationalen Colloquiums des Corpus Vitrearum - Nürnberg : Germany (non consulté)

— HASENOHR (Geneviève)1993, "Le Credo apostolique dans la littérature française du Moyen-Âge, premières approches" in Pensées, images et communications en Europe médièvale,Asprodic  1993p.178).

— HUCHER (Eugène) 1848 « Études artistiques et archéologiques sur le vitrail de la rose de la cathédrale du Mans » Bulletin monumental p. 345-372 Gallica 

— LEDRU  (Abbé Ambroise) "Adam Chastelain évêque du Mans et le transept nord de la cathédrale (1422-1424)",  Union historique et littéraire du Maine 1ère série  t.2 n°5 mai 1874 page 82-91.

 — LEDRU  (Abbé Ambroise)  1879 "Le transsept septentrional de la cathédrale du Mans",  Bulletin monumental  T.7 vol. 45  pp. 63-79 en ligne sur Gallica

 — LEDRU  (Abbé Ambroise) Chavanon (Jules) "La Cathédrale Saint-Julien du Mans, ses évêques, son architecture, son mobilier", Bibliothèque de l'école des chartes  1900 Volume 61 pp. 536-545 (non consulté)

 — MÂLE (Emile) Le Credo des apôtres in L'art religieux à la fin du Moyen-Âge en France page 246.

 — MERLETTE (Abbé Pierre) « Guillaume Fillastre, ami de Pierre d'Ailly et l'humaniste au concile de Constance » http://www.histoire-compiegne.com/imageProvider.asp?private_resource=11094&fn=33-17.pdf

 — RENOUARD (P), 1811 Essai historique sur la ci-devant Province du Maine, Le Mans, 1811, Tome 1 . 

TAPIA Nahmias (Rachel) "Le transept de la cathédrale du Mans : histoire et architecture", Mémoire de Master 2010 ?, thèse en cours à Paris 4 sous la direction de Dany Sandron: "Étudiante en archéologie médiévale à Paris IV Sorbonne, Rachel Tapia a réalisé son mémoire de Master 2 sur le transept Nord de la cathédrale Saint-Julien au Mans. À l’évidence, une étude exhaustive de l’intégralité de ce transept permettrait de déterminer les différentes étapes de sa construction, d’en analyser les influences et également de reconsidérer au profit du chapitre la maîtrise d’ouvrage jusqu’alors considérée comme « l’œuvre du roi ». Rachel Tapia propose de réaliser des études physico-chimiques pour enrichir ses recherches. Sa thèse de doctorat Histoire de l’art et Archéologie devrait permettre de sortir de l’ombre ce monument incontournable de l’architecture médiévale de la région du Maine."

 — THOMASSY Raymond. 1842  "Guillaume Fillastre considéré comme géographe à propos d'un manuscrit de la Géographie de Ptolémée", Bibliothèque de l'école des chartes Volume 3  pp. 515-516

 

  

— Photographies :  http://vitrail.ndoduc.com/vitraux/htm5601/eg_StJulien_217.php

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Published by jean-yves cordier
18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 13:57

Le vitrail du Credo apostolique de la cathédrale du Mans, ou baie 217 du transept nord.  I. Les lancettes : Credo apostolique et donateurs.

 

 

Liens internes à mon blog lavieb-aile :

 — la partie II de cet article:  La Rose du transept nord de la cathédrale du Mans.

Voir aussi  :

— Les stalles de la sacristie de la cathédrale du Mans.

— Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale du Mans.

Concernant les Credo apostoliques, voir :

— La maîtresse-vitre de l'église de Quemper-Guezennec (22).

Pour le rapprochement avec la baie 40 de Chartres :

— La baie 40 ou Chapelle de Vendôme des vitraux de la cathédrale de Chartres.

 

  L'amateur de vitraux découvrira vite que la cathédrale Saint-Julien du Mans ne le cède en rien avec sa voisine de Chartres pour l'intérêt et la beauté de ses verrières du XIIe siècle (nef), XIIIe siècle (chapelles rayonnantes)  et XVe siècle (transept nord), cette diversité suivant les aléas des campagnes de construction, des destructions par intempéries ou des agrandissements.

        Si les vitraux du XIIe siècle avec la fameuse Ascension sont bien connus, et si ceux du XIIIe viennent de faire l'objet d'une thèse remarquable de Maria Godlevskaya (Poitiers 2013), ceux du XVe, certainement parfaitement étudiés et scrutés par les spécialistes, ne font pas l'objet de descriptions complètes disponibles en ligne. Pour la baie qui nous concerne, Françoise Gatouillat a publié une étude approfondie sur ses donateurs, ses liens avec le contexte historique (guerre de Cent ans) et les cartons du Maître de Barthélémy, mais cela ne couvre pas l'ensemble de la baie, (qui comporte 124 ou 126 sujets au total) mais seulement sa partie inférieure. Le Corpus Vitrearum dans son Recensement II Centre Pays de la Loire y consacre moins d'une page, n'identifie pas les apôtres ou les patriarches et ne décrypte pas les inscriptions. De même, ces inscriptions, parce qu'elle date du XVe, n'ont pas été colligés et étudiés dans le Corpus des inscriptions de la France médiévale (vol. 24 de 2010) comme ceux du XII et XIIIe siècle. Roger Barrié, dont j'ai déjà exploité avec admiration la thèse dans mes articles sur les Passions du Finistère,  y consacre (in Mussat 1981) 7 pages remarquables qui donnent la meilleure synthèse générale sur cette baie. Au XIXe siècle, l'abbé Ledru avait déjà effectué un travail d'archive considérable, et Eugène Hucher, qui  a donné les calques des vitraux du Mans, avait exercé sa perspicacité sur certains détails.

(Post-scriptum : lorsque j'ai écrit ceci, je n'avais pas encore eu accès à la publication de J.B. de Vaivre 1993)

  J'ai fait mon miel de leurs travaux, et je les ai complété de mes petites découvertes.

— localisation : transept nord, baie du pignon nord. Baie 217 placée au dessus du triforium royal (fleurdelisé).

— Composition : une rose au dessus de deux arcatures jumelles de quatre lancettes

— Datation : entre 1430 et 1435.

— Contexte historique : guerre de Cent ans (1337-1453) et guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs (1407-1435). Folie de Charles VI, régence de Philippe le Hardi, l'épopée de Jeanne d'Arc (1428-1430), le règne de Charles VII à partir de 1422 et son sacre à Reims en 1429.

— Contexte religieux : Le Grand Schisme d'Occident (1378-1417), l'affrontement du pouvoir royal et pontifical, le concile de Constance (1414-1418), la Pragmatique sanction de Bourges (1438).

— Surface totale : plus de 110 m2.


                     baie-217-credo-apotres-4696c.jpg

 

Ci-dessous : Image Commons.wikipedia.org

                     File:Le Mans - Cathedrale St Julien Rose.jpg

 

 


Préambule :  La construction du transept nord et son vitrage.    

 

Ledru 1879 p.69 ; Barriè 1981 p. 136 et 139.

La construction du chœur de la cathédrale s'était achevée en 1254 mais laissait l'ancien transept mal raccordé à la hauteur des voûtes. Ce transept s'appuyait sur deux tours nord et sud, dont la dernière servait de clocher au faubourg. Le chapitre cathédral du Mans décida d'abord la reprise du transept sud qui fut achevé en 1395, avant d'organiser le chantier du transept nord. Il dut alors rechercher des donateurs, aidé pour cela par une décision de l'évêque Pierre de Savoisy d'accorder des indulgences aux fidèles généreux. 

 

   Le 3 août 1392, en expédition vers la Bretagne, le roi Charles VI fut pris de sa première crise de folie en traversant la forêt de  l’Augonay et tua de son épée quatre chevaliers qui l'accompagnaient.  Ramené au Mans ligoté, il retrouva ses esprits. Il s’intéressa à la cathédrale dont on achevait le bras sud du transept et fit un don pour la reconstruction du bras nord du transept de l’édifice ;  de retour à Paris, il offrit des terres parce que : « Voulons et ordonnons, pour la grande et spéciale dévotion que nous avons à monsieur saint Julian, que pour faire la croisée de l’église, soit baillés  et délivrés dix-mil francs que nous y donnons ».  La somme était importante et permit de maintenir l’activité du chantier, le roi expédiant tous les mois des sommes dont les chanoines tenaient le compte exact.  Les crises de folie se répéteront et, lucide entre ses «absences», le malheureux roi délègue le gouvernement à son frère cadet Louis d'Orléans et la tutelle de son fils aîné, le Dauphin, à la reine Isabeau de Bavière et à ses trois oncles.

  Les fidèles contribuèrent aussi à la construction, et une commission fut nommée pour récolter les dons. En 1398, Adam Chastelain succéda comme évêque à Pierre de Savoisy, nommé évêque de Beauvais ; il obtint en 1402 du pape des indulgences spéciales favorisant les dons. Le don royal et les nombreuses contributions permirent à l’archidiacre de Sablé de bénir la première pierre en 1403, tout en offrant six écus d'or. En mars 1405, Adam Chastelain fit un don de mille livres, et obtient de nouvelles indulgences de Benoit XIII. Le Chapitre s'impose en 1406  un prélèvement du dixième du gros de leurs prébendes. En 1419, la construction menace de tomber en ruine, et des prêtres, chanoines et archidiacre amènent leurs offrandes ou effectuent des legs. En 1421, traversant la ville avec son armée, le dauphin (futur Charles VII l'année suivante) promet un don de mille livres et en verse 500 dès le mois de septembre suivant. En 1423, le chapitre sollicite la générosité "des dames de Laval" (sans-doute Jeanne de Laval-Tinténiac, décédée en 1437, et Anne de Laval 1385-1466 ). En juin 1424 débutent les dons conséquent (plus de 200 écus d'or) du cardinal Guillaume Fillastre, cumulard de divers bénéfices dont les prébendes du canonicat du Mans. 

C'est ainsi qu'au début du XVe siècle fut réalisée la construction du bras nord du transept de la cathédrale du Mans dont les deux travées furent édifiées entre 1403 (première pierre) et 1429 (charpente en 1425) sous la direction initiale de l'architecte Nicolas de l' Escluse puis à partir de 1421 de Jean de Dampmartin,* qui deviendra en 1432 architecte de Saint-Gatien de Tours. Ces dates permettent de dater les verrières qui s'y trouvent vers 1430-1435, la guerre de Cent Ans (1337-1453) n'étant pas encore achevée et les anglais occupant encore Le Mans. En janvier 1420 ou en 1424 le chapitre obtiendra un sauf-conduit des anglais pour faire venir les pierres et matériaux du chantier.

Ipsa die (XXIe januarii 1420 v.s.), receptimus in magistrum operum ecclesie nostre Johannem de Dampmartin, oriundum de Gergeau, Aurelianensis diocesis (G. Esnault 1879)

Les territoires (rose) occupés en 1429 (Wikipédia) :  220px-Trait%C3%A9_de_Troyes.svg.png

 


   A l'origine le programme de verrière du transept  s'étendait dans les quatre baies (trois fenêtres latérales et pignon) numérotées 213, 215, 217, 219, 221, chacune équipées de 8 lancettes larges de 78 cm et comportait au registre inférieur 32 donateurs agenouillés et tournés vers la grande rose et les apôtres de la baie centrale 217, qui va retenir notre attention. 

Mais  les quatre fenêtres hautes des murs latéraux : baies 213, 215, 219 et 221 ont perdu leurs vitraux, dont quelques panneaux ont été replacés dans la baie  217. Les fenêtres des parties basses, les deux baies jumelles 87 et 89 ont conservé quelques panneaux très mutilés.

  Au centre de ce bras nord se trouve donc l'immense verrière du pignon nord (17 m x 7 m), avec la rose  consacrés pour la rose au couronnement de la Vierge et au Jugement dernier, et sa galerie de huit lancettes à un Credo apostolique et dix donateurs. La rose culminant à une vingtaine de mètres, il faudra lever la tête.

baie-217-credo-apotres 9334c

 


 

  I. LE CREDO APOSTOLIQUE.

Registre supérieur et intermédiaire des lancettes.   

   Les apôtres sont pieds nus comme il se doit, et portent (ou sont enrubannés par) un phylactère où est inscrit l'article du Symbole des apôtres qui leur est attribué par une tradition qui connaît d'ailleurs des variantes. Ils sont debout sous une niche gothique flamboyante aux montants hérissés de pinacles et dont le fond, le cul-de-four et les arches ont des couleurs différentes pour chacun. Sous la clef de voûte est suspendu une boule parfois ovoïde au dessus de la tête de l'apôtre et rappelant peut-être la langue de feu du Saint Esprit. Au dessus, dans le registre supérieur, un dais sur deux reçoit deux personnages coiffés d'un chaperon, la main à la ceinture, et tenant sur l'épaule un objet à manche. Dans le registre intermédiaire, dans des architectures crénelées, d'autres personnages sont logés et encadrés de clercs nimbés et orants. 

   La formulation du Symbole des apôtres, sa division en douze articles et l'attribution de ceux-ci à chacun des douze apôtres date d'une tradition qui remonte au Ve siècle, époque où Rufin d'Aquilée (ca.400) fait du Symbole un texte élaboré par les disciples sous l'inspiration de l'Esprit Saint et au VIe siècle, où le Pseudo-Augustin attribue chaque article à un apôtre dans son Sermo 241. Au XIIe siècle se développe parmi les prédicateurs le goût pour les images classificatrices et les séries numériques autour des chiffres sept, dix et douze dans des diagrammes didactiques ; la classification des douze articles et des douze apôtres peut s'enrichir de douze prophètes et de leurs versets.  Ce thème apparaît dans de luxueux manuscrits enluminés comme le Verger de Soulas à la fin du XIIIe siècle. En 1330, dans le Bréviaire de Belleville un verset des épîtres de Saint Paul est associé à chacun des douze articles, lesquels accompagnent la succession des douze mois du calendrier. Ces calendriers sont adoptés dans des Psautiers et Livres d'Heures comme ceux du duc de Berry (Psautier de Jean de Berry en 1380-1400 ; Petites Heures du duc Jean de Berry  en 1385-1390 ; Grandes Heures du duc de Berry en 1400-1410 ) et le Credo apostolique figure dans les vitraux de la Sainte-Chapelle du duc Jean de Berry de Bourges, construite de 1392 à 1397 par Drouet de Dammartin et investie en 1405. Il figurait aussi dans la Sainte Chapelle de Riom élevée entre 1395 et 1403 pour le compte de Jean de Berry par Guy de Dammartin, mais qui ne reçut ses verrières que vers 1445-1455.

 Jean de Dampmartin, architecte du transept nord du Mans à partir de 1421, était le fils de Drouet de Dampmartin bâtisseur de la Sainte-Chapelle de Bourges, et le neveu de Guy de Dampmartin, maître général des œuvres de Jean de Berry depuis 1360. Il est autorisé de penser qu'il avait bénéficier de l'impulsion artistique crée à Bourges par Jean de Berry (mort en 1416) autour de l'enlumineur Pol de Limbourg et des sculpteurs Beauneveu et Jean de Cambrai. Ces influences venant de Bourges et du duc de Berry sont l'une des raisons expliquant le choix du Credo des apôtres au Mans vers 1435.

Les autres vitraux consacrés à ce thème se trouvaient en Bretagne (à Quemper-Guezennec 1460-1470  et à Kergoat en Quéméneven 1475-1499), à Rouen (vers 1500) ou à Jumièges. (voir liste complémentaire en annexe). Seul Quemper-Guezennec a conservé, comme ici au Mans, sa verrière complète, après restauration.

Mais le vitrail du Mans possède une originalité : saint Paul y figure à la seconde place. Comme il ne tient pas un article du Credo, l'ordonnancement du Symbole des apôtres n'est pas décalé pour autant.

 

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Ce Credo se décrit de haut en bas et de gauche à droite.


Les huit apôtres du registre supérieur.

 

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Saint Pierre

— Fond damassé bleu à motif des tiges se divisant régulièrement. Cul-de-four bleu clair, absidioles jaunes. 

— Attribut : La clef ; le livre qui porte l'inscription : Domine ne in furore tuo argas me neque in, "Éternel! ne me punis pas dans ta colère, Et ne me châtie pas dans ta fureur", premier verset du psaume 38 de David que nous retrouverons inscrit sur le livre de prière d'Adam Chastellain au registre des donateurs. ( de Vaivre 1993 ).

— 1er Article :  Credo in Deum, Patrem omnipotentem, Creat[orem] celi et terrae. ( "Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre,")

— paléographie : sans être compétent, l'écriture gothique semble de type textura avec des lettres droites (sans aucune courbe sauf pour des portions au tracé très fin), très uniforme, aux empattements en losange. Chaque trait étant de même largeur que le vide qui suit, d'où l'effet régulier de trame ou tissu (textura), le texte est difficile à déchiffrer lorsqu'il est mal conservé. Ici, on détaillera par exemple le mot patrem, bien lisible, au A, R, E très élégants.

—Manteau rouge et robe verte. Au lieu de la calvitie caractéristique, on note des cheveux bouclés et une barbe qui ressemble à deux longs favoris. 

— Le culte des apôtres en général, et de saint Pierre en particulier, sur le plan spatial (au Mans) et sur le plan temporel (hic et nunc, au début du XVe, puis après les remises en cause des Huguenots) reste à mener, mais je remarque le nombre des églises qui leur sont très tôt consacrées : abbaye bénédictine de Saint-Pierre-et-Saint-Paul de la Couture (ca 605), chapelle Saint-Pierre dès 865 devenant la Collégiale Saint-Pierre-la-Cour, église Saint-Pierre-le-Réitéré, cimetière des Douze Apôtres, église de Saint-Pierre-l'Enterré pour ne citer que les sites les plus faciles à dénombrer. De même, les apôtres tiennent une place importante à l'intérieur même de la cathédrale, dans le vitrail de l'Ascension (XIIe s) ou sur les stalles du Chapitre, mais cette place leur revient de droit.

Plus significatif, le transept, édifié par l'évêque Innocent, de la cathédrale du VIe siècle comportait deux autels, l'un dédié à la vierge et l'autre à saint Pierre. (Mussat, 1981)

 

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Saint Paul

— Fond damassé pourpre à motif de feuilles nervurées, constellées de couronnes jaunes serties en chef d'œuvre. Voûte bleu clair et rouge. Emploi du jaune d'argent pour la bordure du phylactère (comme pour les suivants), la garde et la poignée de l'épée (le pommeau et les quillons), la barbe et les cheveux. Son regard est tourné vers la droite, dans la direction de saint Pierre.

— Manteau vert à revers blanc, nimbe bleu se confondant avec un capuchon de même couleur.

— Attribut : l'épée de sa décapitation. La calvitie fronto-pariétale respectant un toupet.

— Article : saint Paul ne présenta pas d'article de foi, mais une inscription non déchiffrée EGO SUM...IN NPOL. Hucher y a lu EGO SUM A POCTE UM GRÃ DEI que je déchiffre sur son calque peut-être Ego sum min.. apost..grã dei : 

Je propose d'y voir une version abrégée de la Ière épître aux Corinthiens 15:9 Ego enim sum minimus apostolorum, qui non sum dignus vocari  apostolus, quoniam persecutus sua ecclesiam dei, "Oui, je suis le moindre des apôtres; je ne mérite pas de porter le titre d'apôtre, puisque j'ai persécuté l'Eglise de Dieu."

 

 

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Saint André.

— Fond damassé vert à feuilles et oiseaux affrontés (visible près du pied droit) caractéristique des lampas de Lucques ; on retrouve les couronnes jaunes répartis sur le fond. Voûte pourpre et jaune. Jaune d'argent pour les cheveux et la barbe, les couronnes.

— Roger Barrié fait remarquer l'emploi de la technique des pièces en incrustation dites en chef d'œuvre pour le sertissage des couronnes jaunes. 

— Manteau bleu à revers blanc, robe rouge.

— Attribut : la croix en X ou croix de Saint-André.

 — Deuxième article : Et in IHM X~PM, Filium eius unicum, Dominum nostru[m] (et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur,)

— Notez en zoomant les deux personnages nimbés dans l'architecture en grisaille.

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Saint Thomas.

— Fond damassé à motif de fleurs proche de la fleur de lis. Voûte bleue et rouge. Jaune d'argent pour la hampe de la lance. Nimbe blanc au décor complexe.

— Premier exemple d'un carrelage : c'est ici un damier alternant les épreuves en positif et en négatif blanc-noir et noir-blanc du même motif, sur fond vert. 

— Thomas ne porte pas un manteau, mais une sorte de chasuble (sans ouverture antérieure)  bleue à revers blanc descendant bas sur les  manches et à capuche.

— Attribut : la lance.

 .— Troisième article :  qui co[n]cept[us] est de Spiritu S[an]c[t]o, nat[us] ex Mari[a Virgine], (qui a été conçu du Saint-Esprit, (et) qui est né de la Vierge Marie ). (Paléographie : emploi de l'abréviation 9 remplaçant -us, "nat 9" se lisant natus)

— Ordre des apôtres : bien que la lance identifie clairement le personnage comme saint Thomas, celui-ci est très généralement responsable du cinquième article, alors que le troisième revient à Jacques le Majeur sans exception dans la littérature française du Moyen-Âge (G. Hasenohr, in Pensées, images et communications 1993) et dans les vitraux connus. 

De fait, Jean-Bernard de Vaivre a identifié cet apôtre comme étant saint Jacques le mineur.

 

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Les quatre apôtres suivants.

 

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Saint Jean.

— Fond damassé bleu clair à rinceau sous forme de deux tiges montantes dont les grandes feuilles aux échancrures rondes délimitent des serpentins noirs. Voûte vert clair et jaune.  Jaune d'argent pour les cheveux, la coupe, les anneaux des serpents.

— Manteau rouge (la couleur propre à Jean), robe verte.

— Carrelage : sur le verre vert, dessin à la grisaille de carrés divisés en six triangles. 

— Attribut : la coupe de poison (qu'il but sans dommage pour témoigner de son élection divine), le poison étant représenté par les six têtes d'un dragon (ou six serpents) annelé. Le visage imberbe, beau et jeune comme un Apollon est aussi un attribut propre au disciple préféré du Christ. Noter ici les cheveux longs et blonds renforçant l'aspect androgyne habituel.

— Quatrième article : pass[us] sub Põcio Pilato, cruci[fixus], mort[uus], et ..pu[ltus],(a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli, ). Paléographie : l'inscription sans doute très restaurée mais sans-doute aussi avec fidélité permet d'admirer de nombreuses caractéristiques comme le deux-points initial ;  la forme de la lettre P en Y carré évitant les boucles; l'abréviation "mort 9" pour mortuus, etc.

  — Les quatre personnages du sommet de la niche de l'étage du dessous sont bien visibles ici.

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Saint Philippe ?. 

— Fond damassé pourpre à motif de rinceaux, fleurs et cercles, constellé de couronnes jaunes serties en chef d'œuvre. Voûte rouge et bleue, boule centrale bleue. Nimbe bleue

— carrelage sur verre bleu : carreaux divisés en quatre triangles dont deux noirs.

— Manteau vert à revers blanc (manche) et robe rouge. Remarquez les pupilles soulignées au jaune d'argent.

— Attribut : néant . Il existe donc un doute sur l'identification. (l'attribut habituel de Philippe  est la croix à hampe) Mon identification repose sur le fait que dans quelques textes littéraires et de pastorales Philippe se voit attribuer cet article (G. Hasenohr, in Pensées, images et communications 1993 p.178).

 — Cinquième article : Descendit ad inferna ter cia die a nnortuis (sic) soit  descendit ad inferostertia die resurrexit a mortuis, ( est descendu aux enfers, le troisième jour, est ressuscité des morts ;)

—Je l'ai dit, ce cinquième article est traditionnellement celui porté par saint Thomas, ou parfois par saint Philippe. Jean-Bernard Le Vaivre identifie cet apôtre comme saint Thomas.

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Saint Jacques le Majeur.

— Fond damassé Voûte bleue et rouge. Nimbe bleu clair.

— Carrelage blanc et noir sur verre bleu, les carreaux noirs portant un dessin serpentin.

— Notez les mains en pince de crabe, que de Vaivre considère comme des moufles à deux doigts..

— Attributs : le chapeau à larges bords rabattu sur le devant, le rabat portant une coquille ; le bourdon, ici équipé de bagues ; la besace ou panetière, elle aussi ornée d'une coquille ; la pèlerine, décorée d'une douzaine de coquilles. 

— Sixième article : as[cen]dit ad celossedet ad dexter[am] Dei Patris [omnipotentis], (est monté au ciel, est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant ). Paléographie : le texte commence en bas à droite, tourne autour de la tête et du bourdon et revient devant la main droite, les lettres n'étant lisibles que si on tourne autour du personnage pour suivre les circonvolutions. Le texte n'est donc pas inscrit pour être lu et déchiffré par un fidèle, censé connaître parfaitement son Credo. Le mot PATRIS peut être comparé au PATREM du phylactère de Pierre pour constater quelques différences de style.

 

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Saint  Jacques le Mineur ?.

— Fond damassé à motif de fleurs stylisées (refait à droite)  Voûte bleue et pourpre. "La terrasse comporte un gironné de pourpre et de sable" selon de Vaivre qui emploie un langage propre à l'héraldique pour désigner un motif pourpre et noir divisé en plusieurs parties triangulaires opposées par la pointe. 

— Nimbe rouge. Manteau rouge à revers blanc formant de savantes ondulations géométriques. Robe verte. Visage refait.

— Attribut : néant. Jacques le Mineur se charge d'habitude du sixième article ; son attribut est le bâton à foulon.

— Septième article : inde venturus est iudicare vivos et mortuos. (d'où Il viendra  pour juger les vivants et les morts.). Paléographie : l'inscription débute à gauche au dessus de la main droite du saint.

De Vaivre est prudent dans son identification : "Un saint, tourné vers la gauche, que l'on dit être Philippe bien qu'il ne soit présenté aucun de ses attributs classiques".

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Les cinq apôtres du registre intermédiaire.

 

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Saint Barthélémy.

— Fond damassé vert à feuillages et oiseaux de type lampas de Lucques. Voûte bleu et rouge, nimbe rouge.

—  carrelage : losanges noirs sur verre bleu.

— Pupilles soulignées au jaune d'argent.

— Attribut: une croix et un couteau, le "coutelas" par lequel il fut dépecé. La croix peut s'expliquer par ce commentaire de Jacques de Voragine dans sa Légende dorée :  « Sur le genre exact du martyre de saint Barthélémy les avis diffèrent : car saint Dorothée affirme expressément qu'il a été crucifié. Et il ajoute que son supplice eut lieu dans une ville d'Arménie nommée Albane, comme aussi qu'il fut crucifié la tête en bas. D'autre part, saint Théodore assure que l'apôtre a été écorché vif ; et il y a encore d'autres historiens qui prétendent qu'il a eu la tête tranchée. Mais, au fait, cette contradiction n'est qu'apparente : car rien n'empêche de penser que le saint a d'abord été mis en croix, puis, pour plus de souffrances, écorché vif, et enfin décapité." Bien-sûr.

— Huitième article : Credo in Spiritu[m S]anctum, ( Je crois en l'Esprit-Saint)

 

 

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Saint Matthieu.

— Fond damassé rouge à feuillages. Voûte  verte et bleue.  Sol à carreaux rose et noir.

 — Nimbe verte ornementée ; manteau bleu et pourpre. Robe verte. Pupilles soulignées au jaune d'argent. Emploi du jaune à l'argent pour les cheveux et la barbe, le manche de la hache

— Attribut : la hache 

— Neuvième article : [sanct]am Ecclesiam catholicamsanctoru[m] communione[m],  ( à la sainte Église catholique, à la communion des saints,)

 

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Saint  Simon.

 

— Fond damassé bleu à feuillages et oiseaux imitant les lampas de Lucques. Voûte vert clair et rouge. Nimbe bleu clair ornementé.

— Notez les pupilles soulignées au jaune d'argent .

— Carrelage : verre jaune à carreaux noirs.

 — Attribut : épée. J'ai hésité en me demandant s'il ne s'agissait pas d'un artefact dû à un revers du manteau, mais on distingue la poignée jaune quadrillée. L'épée est l'attribut de Paul, et parfois aussi de Mathias, mais ce dernier est toujours lié au 12ème article.  L'attribut de Simon est souvent une scie.  

— Dixième article : remissionem peccatorum, (à la rémission des péchés,). Paléographie : la seule fraction lisible de l'inscription est PRI, forme abrégée peut-être de peccatorum.

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Saint  Jude Thaddée .

— Fond damassé rouge constellé de couronnes jaunes serties en chef d'œuvre. Voûte rouge. Nimbe bleue.

— Manteau vert à revers blanc, robe rouge. Cheveux, barbe et pupilles partiellement rehaussés de jaune d'argent.

— Attribut : néant. J'attribue cet article à Jude en raison de la fréquence avec laquelle il lui est imparti traditionnellement, et après avoir attribué les autres articles à ses collègues. J.B. de Vaivre écrit : "Saint difficile à identifier dans lequel on a voulu voir saint Thaddée" .

— Onzième article : carnis resurrectionem, (à la résurrection de la chair)

 

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Saint Mathias.

— Fond damassé ocre constellé de boules rouges serties en chef d'œuvre. Nimbe bleue

— Manteau vert à revers blanc, venant recouvrir la tête ; robe rouge.

— Carrelage à carreaux noirs sur verre bleu.

— Attribut : néant. (habituellement, la hallebarde)

— Douzième et dernier article : vitam aeternam. (et à la vie éternelle.)  

 

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II. LES TYMPANS. 

Chacune des baies jumelles de quatre lancettes qui composent la galerie de la Baie 127 sous la rose est coiffée d'un tympan de deux quadrilobes et d'une rosace à deux compartiments. Dans les quadrilobes sont représentés des personnages de l'Ancien Testament enrubannés d'inscriptions, et dans les rosaces deux anges eux-aussi porteurs d'inscriptions. Deux autres rosaces latérales appartiennent à cet ensemble mais seront visibles sur la photographie de la rose. 

Ces tympans s'intègrent dans le programme comme des représentations intermédiaires entre l'Ici-bas des donateurs suivi du Dogme de l'Église ( représentée symboliquement par saint Pierre, premier évêque, et par les douze articles du Credo) et la Rose du Christ glorieux et Juge : Abraham, Noé et Moïse sont les témoins d'une Alliance renouvelée par le Christ en un Salut, et David roi, mais aussi auteur des psaumes pénitentiels et roi coupable et racheté (Bethsabée) fait la transition entre le Jugement Dernier, et les supplications des donateurs. Les anges qui sont associés à ce programme présentent le Gloria et sa double fonction, célébrer la gloire divine, et implorer pour le pardon.

Je reprends les identifications donnes par l'abbé Charles en 1880.

I. Le tympan de la baie de gauche :

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1. Abraham.

— Fond damassé bleu à feuilles "de chêne", déjà observé dans les lancettes pour saint Jean.

— Le plus admirable, ce sont bien-sûr les splendides pupilles jaunes. Je les ai mentionné à propos des apôtres.

— Inscription : ABRAHAM VOCA ATRO. IMI ....

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2. "Noé".

 

— Fond rouge à feuilles de fougères.

— Personnage coiffé d'un chaperon et vêtu de bleu et de jaune. Pupilles rehaussées au jaune d'argent.

— Inscription : NOE  NUI RFFUICI :  IT INIÃMI 

 


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3. Couple d'anges présentant le GLORIA.

— Fond damassé bleu d'un coté et rouge de l'autre.

— Robes blanches. Cheveux, emmanchure et bord de phylactère traités au jaune d'argent.

— Inscription : on distingue selon les boucles du phylactère des fragments qui composent un Gloria :  NAM EX ELSIS AMEN

 

 

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4. Monogramme IETRUS

Dans l'écoinçon qui sépare les trois groupes précédents se loge ce monogramme que je lis IETR9 , soit IETRUS : faut-il comprendre PETRUS ? On remarque la lettre T dont la barre traverse le fût à la manière d'une croix.

 

II. Le tympan de la baie de droite.

 

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1. Moïse. (Très restauré)

Il est identifié avec certitude par les langues de feu (qui ont été à l'origine du fait que l'un des attributs de Moïse soit les cornes). Celles-ci, qui "préfigurent" celles reçues par les apôtres à la Pentecôte, trouvent leur origine dans le texte biblique de l'Exode 34 :29-34 où Moïse reçoit les tables de la Loi sur le Sinaï :

 "Puis Moïse redescendit du mont Sinaï, tenant en main les deux tablettes de l'acte de l'alliance. Il ne savait pas que la peau de son visage était devenue rayonnante pendant qu'il s'entretenait avec l'Éternel. Aaron et tous les Israélites regardèrent Moïse, et s'aperçurent que la peau de son visage rayonnait. Ils eurent peur de s'approcher de lui. Alors Moïse les appela. Aaron et tous les chefs de la communauté s'avancèrent vers lui, et il s'entretint avec eux. Après cela, tous les Israélites s'approchèrent de lui et il leur transmit tous les commandements que l'Éternel lui avait donnés sur le mont Sinaï. Quand il eut terminé de leur parler, il se couvrit le visage d'un voile." (Trad. Bible du Semeur).

Ses pupilles sont également rehaussées de jaune d'argent, et, associé à ce visage rayonnant, cela prend encore plus de signification.

Les deux Tables portent des inscriptions riches en initiales dans une disposition énigmatique ; le nom Moïs(e) y figure.


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2. David.

Il est aussi facilement identifiable par sa couronne. 

— Fond rouge à feuilles de chêne. 

— Inscription : SUSTINUI QUI SIMUL CONTRISTARETUR ET NON FUIT ET QUI CONSOLARETUR:

Psaume 69 (68) : 21-23 :  in conspectu tuo sunt omnes qui tribulant me inproperium expectavit cor meum et miseriam et sustinui qui simul contristaretur et non fuit et qui consolaretur et non inveni  et dederunt in escam meam fel et in siti mea potaverunt me aceto  fiat mensa eorum coram ipsis in laqueum et in retributiones et in scandalum:

"L'insulte m'a brisé le cœur, jusqu'à défaillir. J'espérais la compassion, mais en vain, des consolateurs, et je n'en ai pas trouvé.  Pour nourriture ils m'ont donné du poison, dans ma soif ils m'abreuvaient de vinaigre."

Commentaire : cette citation évoque la Passion et fait de David une figure annonçant prophétiquement le Christ (Jn 19:29), ce qui justifie la lecture de ce passage le Jeudi saint, Ier nocturne dans le paroissien romain.

Mais il est possible d'imaginer que cela soit une allusion politique aux difficultés de Charles VII dont la royauté était contesté. Le psaume décrit l'extrême détresse d'un homme persécuté pour sa piété. Le psalmiste commence par exposer à Dieu l'horreur de sa position car s'il ne nie pas ses fautes, il  constate que c'est pour la cause de Dieu qu'il souffre ; il supplie Dieu de le délivrer, puis sa requête se change en malédiction contre ses ennemis nombreux et implacables; il se décrit, pour avoir obéi à l'Éternel, couvert d'outrages et renié par les siens.

 

On verra que, dans la partie basse de la baie (dans sa nouvelle organisation après restauration) ou dans l'ensemble du transept, on assiste à une sorte d'office religieux où sous l'égide de trois saints, les Princes et prélats de ce monde prient et méditent aux thèmes de la mort, de la culpabilité et du pardon en utilisant les psaumes du roi David : il existe une circulation verticale où les prières des Patriarches et leurs figures résonnent tantôt comme préfiguration du Christ, et tantôt comme porte-paroles des donateurs. 


 

 

3. Le couple d'anges : le Gloria.

Même disposition qu'à gauche avec un fond bleu et des ailes rouges et inversement.

Inscription des phylactères : Ange supérieur : AGNUS DEI QUI TOLLIS PECCATA MUNDI

Ange inférieur : IN MUNDI -- E.CEL.IS 

Plutôt qu'un extrait de l'Agnus Dei, "Agneau de Dieu toi qui enlève les péchés du monde, prends pitié de nous", il s'agit de la partie pénitentielle du Gloria, qui inclut ce passage.

 

 

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4. Le monogramme central : IOTES.

Son sens m'échappe ; faut-il comprendre IOHANNES ?  

 

 

 

III. REGISTRE INTERMÉDIAIRE  : LES TROIS SAINTS .

 

Apôtre Mathias ; saint pape ; saint évêque ; saint Louis.

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Je les décrirai de gauche à droite après l'apôtre Mathias qui termine le Credo par son article Vitam eternam. Un seul à été identifié formellement, le roi Saint Louis.

1. Saint René (ou saint Rémi).

 

— Fond damassé vert clair à feuillages et oiseaux comme un lampas de Lucques.

— Sol carrelé noir sur verre bleu.

—Dais rouge et jaune.

— Le saint (nimbe rouge) porte une mitre et une sorte de férule papale en forme de croix qui le désignent comme un pape, mais aucun indice ne permet une identification. La liste des papes canonisés ne permet pas de désigner un pape plutôt qu'un autre, et aucun de ceux-ci n'est en relation avec le Mans. Ce vitrail étant daté de 1430-1435, ces dates correspondent au pontificat de Eugène IV (1431-1447) qui a succédé à Martin IV (1417-1431), la chrétienté sortant avec ce dernier de la crise pontificale nommé Grand Schisme d'Occident. Pour J.B. de Vaivre, la croix "patriarcale" est celle d'un archévêque (saint Bonaventure, saint Claude ?).

—Il trace une bénédiction d'une main non gantée mais qui porte deux anneaux d'or, l'un à l'auriculaire et l'autre à l'index.

Il est vêtu d'une dalmatique (fermée sur le devant) à manches longues et larges, en étoffe blanche brodée de fleurs aux pétales contournées de digitations insolites, sur laquelle est cousue une bande bleue antérieure et sans-doute dorsale divisée en un Y sur les épaules, les clavi

 

   Les auteurs plus autorisés (R. Barrié) que moi l'identifient comme Saint René. Il faut comprendre Saint René d'Angers (424-450), saint légendaire qui doit son nom (le jeu de mot re-né) à ce qu'il avait été ressuscité par l'évêque d'Angers saint Maurille, avant de devenir lui-même évêque d'Angers puis de Sorrente (Wikipédia). Il est fêté le 12 novembre comme saint René d'Angers, et le 16 novembre comme Saint René de Naples. Voir sa biographie.

René...Anjou...Naples... inutile de chercher loin pour penser au bon roi René d'Anjou ou René Ier de Naples, né le 16 janvier 1409 à Angers et mort le 10 juillet 1480 à Aix-en-Provence, fils de Louis II d'Anjou et de Yolande d'Aragon, les donateurs du registre sous-jacent. Saint René serait ici comme puissance tutélaire de l'Anjou, particulièrement à l'honneur dans cette baie. Il avait été élevé à Angers avec son cousin le futur Charles VII, de six ans son aîné.

Pourtant, le rapprochement avec la baie de la Chapelle de Vendôme de Chartres m'incite plutôt à y voir Saint Rémi : cette baie 217 est toute entière consacrée au thème de la royauté, et l'évêque de Reims, qui a reçu du Saint-Esprit la sainte ampoule qui a servi à l'onction lors du sacre de tous les rois de France, tient un rôle essentiel aux yeux du roi Charles VII et de ses alliés, après l'héroïque sacre du roi à Reims sous la conduite de Jeanne d'Arc. La croix qu'il tient est la même qu'à Chartres.


 

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2. Saint évêque (saint Denis ?).

Saint Julien, 1er évêque du Mans ? 

A l'époque, l'évêque du Mans était Adam Chastelain (cf infra) de 1398 à 1439, mais il ne s'agit pas ici de lui.

J'ai pensé un moment à  Saint Louis d'Anjou évêque de Toulouse, fils de Charles II roi de Naples, petit neveu de saint Louis, puisque nous verrons que le registre inférieur est en bonne partie consacrée à la famille d'Anjou.

Roger Barrié suggérait  plus judicieusement Saint Maurille "objet d'une dévotion attentionné de la part de René d'Anjou" et dont nous avons vu qu'il avait, comme évêque d'Angers, ressuscité saint René.

Mais le rapprochement avec le vitrail de la Chapelle de Vendôme de la cathédrale de Chartres suggère d'y voir saint Denis. La basilique Saint-Denis est la nécropole des rois de France, et le premier évêque de Paris est, avec saint Rémi, le saint qui a le lien le plus étroit avec la monarchie française. En outre, le trio Saint Louis, Saint Denis et saint Rémi est parfaitement cohérent. 

Fond damassé pourpre à motif de feuillage. Chape bleu orfroyée, mitre orfroyée, crosse à crochets et fleuron ; robe verte et surplis. Pas de gants ni de bagues.

Le jaune d'argent des yeux n'est que légèrement perceptible.

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3.  Le roi Louis XI ou Saint Louis roi de 1226 à 1270 est la caution principale, l'Ancêtre revendiqué de cette verrière, mais aussi le bâtisseur de la Sainte-Chapelle (1248). Il apparaît en surcot à ses armes, d'azur semées de fleurs de lis d'or.

   J-B. de Vaivre en donne une belle description : "Saint Louis enfin, en armure dont on distingue les grèves et les solerets en écaille de fer ainsi que l'un des gantelets à garde, le brassard de fer et une coudière de fer damasquinés d'or dépassant d'un manteau d'azur semé de fleurs de lis d'or, doublé d'hermines. De la main droite il tient un sceptre au bâton d'argent virolé d'or. La main gauche est appuyé sur une épée dont on ne voit que la fusée d'or et le fourreau bleuté. Le visage du roi est tourné vers la gauche. Ses cheveux blonds sont longs. Le bas du visage porte une fine barbe. La couronne d'or est à cinq fleurons."

— Fond damassé rouge à ramages, sol bleu uni. 

                       

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"Ainsi la dynastie angevine rappelait, au moyen de ces trois figurations, son origine royale, ses prétentions aux royaumes méditerranéens de Naples et de Sicile et sa place dans la diplomatie européenne" (R. Barrié, 1981).

 

 IV. LES DONATEURS DES LANCETTES DE LA BAIE 217.

Par le jeu des recompositions liées à différentes restaurations, notamment après les dévastations des huguenots en 1562, ils sont désormais au nombre de huit, certains regardant à droite et d'autres à gauche dans le désordre de leur réunion. Ce sont eux qui ont été magistralement étudiés par Françoise Gatouillat. 

"Au transept nord de la cathédrale du Mans, bâti autour de 1425, s'alignaient 32 portraits répartis en quatre fenêtres. Huit seulement ont survécu sous la rose, mais une description ancienne des armoiries permet de restituer le programme global. Dans la galerie nord, le roi Charles VII, dont l'image est conservée, accompagnait sa belle-famille d'Anjou. A l'est, une série rétrospective à la gloire de la dynastie angevine était un don de la veuve de Du Guesclin, morte en 1433. A l'ouest enfin, à côté d'une verrière offerte par le clergé local, étaient représentés des donateurs anglais, dont Edmond Beaufort, régent de France à partir de 1435. Le Maine étant sous domination anglaise depuis 1425, l'occupant a non seulement admis la mise en place de vitraux exaltant la légitimité des Valois, mais il a lui-même contribué à l'achèvement du chantier entre 1435 et 1448." (Abstract, Gatouillat 2003)

 

Lancettes de gauche, registre inférieur : je les nommerai 1, 2, 3, 4.

1 :Chanoine; 2 : l'évêque Adam Chastelain ; 3 : Louis II de Bourbon ; 4 : le cardinal Fillastre.

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Lancettes de droite, registre inférieur : 5, 6, 7, 8.

5 : Charles VII; 6 : Louis II d'Anjou 7 : Marie de Blois-Bretagne ; 8 : Yolande d'Aragon.

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Je puiserai dans ce jeu de carte selon ma fantaisie :

 

N° 5 : Le roi Charles VII. Roi de 1422 à 1461. 

      Il porte un surcot aux nouvelles armes de France d'azur à trois fleurs de lis d'or (depuis 1376) et se tient agenouillé à son prie-dieu dans la posture du donateur. Dès le 13 mai 1393, Charles VI avait donné mille écus pour ce travail qui prit alors les noms d'ouvrage du roi, d'ouvrage nouveau, d'ouvrage de la forge, et que plus tard, en 1421, Charles VII, alors dauphin, avait promis mille livres au chapitre pour le même usage au mois de mai, et en versa 500 dès septembre au chapitre (Hucher 1848 p. 369 et F. Gatouillat note 26). Cette cotte est doublé de rouge, ce qui a pu faire croire qu'il s'agissait de Louis III (Hucher) ou Louis Ier d'Anjou (de Vaivre). 

Les caractéristiques de l'armure, dont on distingue surtout les solerets à plaque de recouvrement articulées, confirment J.B.de Vaivre dans une datation de 1435-1440.

 

— Sol à grands carreaux à fleurs jaunes. Le fond est somptueux, royal, sous forme d'une tenture (un "drap d'honneur") au centre ponceau damassé de motifs de feuillages et à la bordure jaune et blanche évoquant une soierie de fils d'or et d'argent ornée de feuilles de chêne et quatrefeuilles dorées. 

— Le visage aux traits fortement soulignés du roi frappent immédiatement le spectateur : nous verrons qu'ils sont caractéristiques de l'auteur présumé des cartons, le Maître de Barthélémy.

Les yeux aux pupilles soulignées de jaune d'argent ne sont pas réservés aux apôtres et patriarche et ils aiguisent aussi le regard de Charles VII. 

 — Sur son  livre de prière se lit le verset domine salvum fac regem et exaudi nos in die qua invocaverimus te (Éternel, sauve le roi ! Qu’il nous exauce, quand nous l’invoquons !) est l'un des psaumes davidiques (Psaume XIX) attachés à la liturgie royale : on lira avec intérêt l'article Wikipédia Domine salvum fac regem concernant cette affirmation de la royauté de droit divin. Ce détail commence à préciser la cohérence de la verrière puisqu'il justifie la présence, dans le tympan, du roi David. L'article Wikipédia précise que "dès le VIIe siècle, on priait pour le roi en invoquant Abraham, Moïse et David", les trois personnages qui sont représentés au tympan (il me reste à identifier le soi-disant "Noé"). Le but de cette verrière serait d'affirmer la légitimité de Charles VII comme roi dans la lignée de Louis XI et selon l'élection du droit divin, et de souligner que sa puissance temporelle est en relation avec les puissances religieuses et divines. Un axe se dessine débutant par le Couronnement de Marie dans la Rose, passant par David couronné dans le tympan, traversant le bloc des Articles du Credo en équivalent de la force des Dogmes de l'Église dans la partie supérieure des lancettes, se prolongeant par la présence du Roi-Saint en registre intermédiaire au coté des évêques, et s'achevant par enfin Charles VII prononçant l'hymne davidique constitutif de la royauté, accompagné d'autres seigneurs et dames lisant dans leur Livre d'Heures d'autres psaumes de David.

Nous pouvons donc visualiser le massif horizontal des treize apôtres et des douze articles du Credo, traversé comme dans une croix par l'axe vertical d'une filiation royale et divine à la fois reliant le Christ-Roi et la Vierge couronnée à David, Saint Louis et Charles VII. Cette appropriation de l'espace de l'église et du dogme de l'Église  par le pouvoir royal s'exprime aussi par la clef de voûte aux armes de France couronnée en haut de la travée que ferme la rose, par les lis et fleur de lis ou par les cerfs ailés qui se retrouvent dans l'édifice. Il s'agit aussi d'une appropriation du Temps, si on songe que les douze articles du Credo apostolique ont été associés aux douze mois de l'année dans les Calendriers des Livres d'Heures.

Charles VII et Bourges.

Le  vitrail le plus illustre représentant le thème du Credo des apôtres était celui de la Sainte-Chapelle de Bourges et les manuscrits de Jean de Berry en portent les plus belles représentations. J'ai réalisé un collage d'informations issue de Wikipédia pour montrer que Charles VII, le "roi de Bourges" et duc de Berry a pu contribuer au choix de ce Credo du Mans et lui donner comme modèle celui de Bourges, dont le style était reconnu au Mans par Louis Grodecki. Mais au-delà du choix d'images pieuses, il s'agit peut-être d'une volonté, comme je viens de le dire, de reprendre le contrôle de l'Église, ce qui sera l'objet de la Pragmatique Sanction de Bourges de 1438. Pour aiguiser encore mon hypothèse, je dirai que cette baie de 1433 (F. Gatouillat), par la place qui est donnée à la royauté divine et de droit divin est un préalable de cette Sanction et de son gallicanisme, et qu'elle dérive elle-même des débats du Grand Schisme d'Occident (1378-1417) sur la supériorité des Conciles sur le Pape:

Ses fiançailles avec Marie d'Anjou sont célébrées au Louvre en décembre 1413 : les enfants, n'ont respectivement que dix et neuf ans. La mère de Marie, Yolande d'Aragon, ne souhaitait pas, depuis la sanglante Révolte des Cabochiens survenue au printemps 1413 à Paris, laisser les jeunes fiancés dans la capitale, les hôtes royaux de l'hôtel Saint-Pol étant notamment menacés par les Bourguignons. Elle réussit à emmener sa fille et son futur gendre en Anjou le 5 février 1414. Puis, au début de l'année 1415, sa belle-famille emmène Charles en Provence au château de Tarascon. Il revient en Anjou à la fin de l'année. Aussi, le prince peut-il passer, avec sa fiancée, quelques heureuses et paisibles années, jusqu'en 1417. Pendant son séjour, le dauphin Charles est instruit par les meilleurs maîtres et il leur doit d'être le prince le plus cultivé de son époque, comme son grand-père, Charles V. Charles devient dauphin de France, à l'âge de 14 ans, à partir du 5 avril 1417. À l'initiative d'Yolande d'Aragon, il était rentré à Paris au début de l'année 1417 en compagnie de son mentor, Jean Louvet, président de Provence, pour assister au Conseil de Régence. Le dauphin prend part à la régence du royaume avec ses conseillers Armagnacs. Il est fait duc de Touraine, duc de Berry et comte de Poitou . En mai 1417, il est nommé lieutenant-général du royaume, chargé de suppléer son père en cas d'empêchement. Pour échapper aux manœuvres du duc de Bourgogne Jean sans Peur, Charles VII quitte Paris dans la nuit du 29 mai 1418 et se réfugie à Bourges, capitale de son duché de Berry, entouré des fidèles officiers de la couronne affiliés au parti d'Armagnac, qui deviendront ses premiers conseillers. C'est dans cette ville de Bourges qu'il se proclame régent du royaume de France. Le dauphin Charles établit le Parlement à Poitiers et la Cour des Comptes à Bourges et prend les armes pour reconquérir son royaume.  Au XIVe siècle la ville avait été la capitale du duché de Berry, qui avait été donné en apanage à Jean de Berry ; celui-ci y avait développé une cour fastueuse et y avait attiré  de nombreux artistes parmi les plus brillants de son temps.. Son plus grand ouvrage sera la construction d’un palais ducal (grand palais) bâti sur les restes de la muraille gallo-romaine, et en continuité des restes d’un palais plus ancien appelé le petit palais (ancien palais des vicomtes de Bourges dont la construction primitive remonterait à Pépin le Bref). Ce palais sera rattaché par une galerie (galerie du cerf) à la Sainte-Chapelle (ou chapelle palatine). Le dauphin, futur Charles VII de France, ayant trouvé refuge à Bourges, va utiliser l’administration mise en place par son grand-oncle, le duc de Berry, pour pouvoir reprendre le contrôle de son royaume (hôtel des monnaies, cour de justice, siège épiscopale). Son fils futur Louis XI naîtra d’ailleurs dans le palais des archevêques en 1423. Charles VII y promulgua la Pragmatique Sanction de Bourges en 1438.

 

 


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N° 8 : Yolande d'Aragon.

Yolande d'Aragon (1381-1442), fille du roi Jean Ier d'Aragon) duchesse d'Anjou et comtesse du Maine, donatrice de la rose. Elle est identifiée par ses armoiries qui peuvent se lire parti au premier de Jérusalem et d'Anjou, au second d'Aragon qui est d'or à quatre pals de gueules, les armes de Jérusalem étant  d'argent à la croix potencée d'or cantonnée de quatre croisettes du même. 

—Fond damassé bleu à fleur de lis stylisée, encadré par un drap d'honneur d'or et d'argent (blanc et jaune) où se lisent entre des lis de France des lettres latines imitant les caractères coufiques.

—Le livre à fermoirs porte une inscription sur laquelle je vais revenir.

—Damas vert sur le prie-dieu.

— Couronne posée sur une coiffure à coques derrière laquelle flotte un voile où s'inscrit des caractères graphiques séparés par un deux-point. Pupilles soulignées au jaune d'argent. Vêtement blanc à ornementation jaune, robe rouge.

Yolande d'Aragon est surnommé la Reine des quatre royaumes en raison de ses prétentions aux trônes de Sicile, de Naples (ou de Hongrie), de Jérusalem et d'Aragon, mais elle préféra tenir sa cour à Angers et Saumur. Son mariage avec Louis II d'Anjou en Décembre 1400, à Arles , faisait partie d'un effort , réalisé dans les mariages antérieurs , pour résoudre les réclamations contestées sur le royaume de Sicile et de Naples entre les deux maisons d'Anjou et d'Aragon. Ils eurent six enfants  dont Louis III d'Anjou (1403 † 1434) - duc d'Anjou, comte de Provence, roi de Naples ; Marie d'Anjou (1404 † 1463) épouse du roi de France Charles VII, et donc mère de Louis XI ; René d'Anjou (1408 † 1480) - duc d'Anjou, duc de Bar, duc de Lorraine (par alliance), comte de Provence, roi titulaire de Sicile et de Naples, le fameux  " bon Roi René" ; Yolande (1412 † 1440), épouse de François Ier, duc de Bretagne, et Charles (1414 † 1472), comte du Maine dont le fils fut duc d'Anjou. Elle est veuve en 1417 

      Pendant toute sa vie, elle soutient la cause de cette grande maison féodale qu’est l’Anjou et cherche à la fortifier et à asseoir son influence pendant que son époux se ruine et s’épuise à conquérir le lointain royaume de Naples. Elle fait ainsi de l'Anjou un des bastions de la résistance française contre les Bourguignons et contre les Anglais. En effet, pendant  la seconde période de la guerre de Cent Ans, Yolande d’Aragon a toujours pris le parti de la France contre les Anglais et les Bourguignons. Devenue la belle-mère du Roi de France Charles VII, elle joue un  rôle important à ses côtés pendant de nombreuses années.  Après 1429,  Yolande aide le comte Arthur de Richemont de Bretagne qui combat les Anglais, qu'il chasse d'une partie de la Guyenne et de la Normandie et elle finit par secouer l'apathie de Charles VII.

Rappel : 

  • 1415 :Victoire des Anglais sur les Français à Azincourt (1415 ).
  • 1419 : Assassinat de Jean sans Peur à Montereau : le fils de Jean, Philippe le Bon lui succède et avec Henri V d'Angleterre force Charles VI à signer le traité de Troyes (21 mai 1420) qui désigné Henry comme « régent de France » et l'héritier du trône français.
  •  En 1421 , le dauphin Charles est déclaré comme déshérité .

Yolande protège  et  soutient Charles VII alors qu’il n’est encore sous le nom de Charles de Ponthieu que le fiancé de sa fille Marie, puis lorsqu’il devient Dauphin du royaume de France, alors que son trône est convoité par le Roi d’Angleterre et le Duc de Bourgogne et que sa propre mère Isabeau de Bavière est alliée aux anglais.  Entourant le Dauphin puis le jeune roi de conseillers et domestiques issus de la Maison d’Anjou et usant de son réseau d’influence, elle joue pendant de nombreuses années, le rôle de conseillère occulte de Charles VII. Elle facilite aussi l’arrivée de Jeanne d’Arc à la cour du Roi, l'impose à son gendre et devient son plus fidèle soutien et finance son armée lorsque la Pucelle part au secours de la ville d’Orléans assiégée par les Anglais. 

Sa présence au coté de Charles VII est donc un manifeste anti-anglais, pro-Anjou qui se trouve complété dans la baie 215 offerte par Jeanne de Laval en faveur du camp breton qui tente de se libérer des anglais.

Le chroniqueur contemporain Jean Juvénal des Ursins décrivit Yolande comme « la plus belle femme du royaume ». Charles de Bourdigné, chroniqueur de la maison d'Anjou, dit d'elle « Elle était considérée comme la plus sage et la plus belle princesse de la chrétienté ». Plus tard, le roi Louis XI affirma que sa grand-mère avait « un cœur d'homme dans un corps de femme ».  

 

 

 

 

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http://xenophongroup.com/montjoie/yolande.htm

 

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L'inscription du livre de prière de Yolande.

Après de nouvelles photographies au 400 mm et plusieurs heures d'effort, j'obtiens (mais J.B de Vaivre en donnait le résultat !):

DOMINE IESU / X[ST]E FILI DEI VI/ VI PONE PASSI/ONEM CRUCEM ET / MORTEM

TUAM INT[ER] IUDICI... / TUUM ET --  /INA[N]S[US] -IUNC-- IN HORA M ~ --/ NRE 

 

Domine Jesu Christe Filii Dei vivi, pone passionem crucem et mortem tuam inter judicium tuum et animam meam nunc et in horam mortis meae. 

L'oraison se poursuit par : et mihi largiri digneris gratiam et misericordiam: vivis et defunctis requiem et veniam: Ecclesiae tuae pacem et concordiam, et nobis peccatoribus vitam et gloriam sempiternam. Qui vivis et regnas cum Deo patre in unitate spiritus sancti Deus, Per omnia saecula saeculorum.

Traduction proposée :

 Seigneur Jésus-Christ Fils du vrai Dieu, interpose (pono, posui "poser") ta Passion de la Croix et ta mort entre ton jugement et mon âme, maintenant, et à l'heure de ma mort ;  et daigne m'accorder la grâce et de la miséricorde ; le pardon et la paix pour les vivants et les défunts ;  la paix et la concorde pour ton Église ; et la vie et la gloire éternelle pour nous, pauvres pêcheurs. Toi qui vis et règnes avec Dieu le Père dans l'unité du Saint-Esprit,  Dieu saint pour les siècles des siècles.

 

On trouve cette oraison :

  • dans un Livre d'Heures de la Sainte Vierge Marie à l'usage de la Sarre publié par Antoine Vérard à Paris en 1503-1505 (folio 56v) Hore beate virginis marie ad usum Sarum, dans l'Office de la sainte Croix (Horae Sancta Crucis). 
  • Dans le Livre d'heures de Maubruny, vers 1523, également pour l'Office de la Croix. Mémoires des antiquaires du Centre page 109 . Ces Heures sont d'origine inconnue mais une influence bretonne y est décelée.
  • Dans le Livre d'Heures (cf image infra)de l'University of West Ontario.
  • Dans le Livre d'Heures de l'University of South California,
  • Récitée quotidiennement par le comte Jean d'Angoulême (1399-1467).
  • dans le testament de 1410 du chanoine de Nantes Jean de la Rive.
  • etc.

Hucher l'avait trouvé dans les Heures à l'usage du Mans jusque dans l'édition imprimée en 1510

 

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Source image suivante :University of South California 

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6. Le duc Louis II d'Anjou.

(1377-1417) Roi titulaire de Naples, comte de Provence, et duc d'Anjou

On reconnaît la couronne ducale et, sur la cotte, les armoiries de Jérusalem et d'Anjou.

L'armure dont on distingue les cuissards, genouillères et jambières est "d'un type en usage vers 1435-1440" (de Vaivre, 1993).

Hucher ne distinguait déjà sur le livre que les mots nos nosti.

— Fond damassé vert à motifs de petites fleurs serrées (et d'oiseau ,) portant quatre cercles rose contenant des étoiles et des perles. Drap d'honneur à bordure orné de trois fleurs de lys et de caractères coufiques ou latins à allure coufique. Replis rouge. Sol blanc et jaune. Mains restaurées. Visage aux traits fortement soulignés propre au style du Maître de Barthélémy l'anglais.

Eugène Hucher voyait dans les caractères "coufiques" une manière exotique d'écrire des caractères latins pour rappeler que les princes figurés ici étaient souverains à Jérusalem ; il déchiffrait ici, sur la partie droite, les lettres L.R.I.I., comprises comme Louis II Roi ; Roger Barrié n'y voyait que de simples fantaisies ornementales suivant un modèle oriental incompris. On retrouve ces ornementations sur les anges de la Rose.


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      Calque par Hucher (1848) Gallica

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7.  Marie de Blois-Bretagne

Marie de Blois, comtesse de Provence, reine de Naples et mère de Louis II d'Anjou. Le portrait de son époux Louis Ier d'Anjou figurait certainement, selon Françoise Gatouillat, à ses cotés.

      A six ans elle fut mariée à Charles d'Espagne Le 9 juillet 1360 eut lieu le second mariage de Marie. Elle épousa Louis d'Anjou, fils du roi Jean II et de Bonne de Luxembourg et lui apporta Guise en dot. Ils eurent trois enfants : Marie (1370-v1383), Louis II (1377-1417), duc d'Anjou, comte de Provence et roi de Naples et Charles du Maine (1380-1404), prince de Tarente. (Wikipédia)

— Fond damassé rouge. Bordure blanche et jaune à motifs de feuilles (chêne, acanthe) et fleurs. Replis verts. Sol rouge foncé.

— Tête restaurée (couronne, coiffure et coiffe inspirées de celle de Yolande d'Aragon). Tunique blanche aux manches brodées d'or. Robe jaune à traîne blanche (fourrure ?). reprise du carton utilisé pour Yolande d'Aragon.

— Livre à pattes et fermoirs dorés, à la tranche dorée, entre-baillé de telle sorte que la lecture des deux pages centrales est difficile : ---LLEN---.

— armoiries parti  Jérusalem d'Anjou et de et de Bretagne (d'hermine plain) : les deux armoiries sont identiques 

 

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N° 3 : Louis II de Bourbon.

  Portrait rétrospectif de Louis II de Bourbon (1337-1410) : tourné vers la droite, il provient de la baie  voisine 215, à l'est du transept. Les motifs de cette identification (il fit fondation annuelle à la cathédrale en hommage au corps de saint Julien , fondations attestées en 1396 et jusqu'à 1468 ; il fit partie du conseil de régence de Charles VI avec Jean de Berry et le duc d'Anjou, etc.) sont détaillés par F. Gatouillat, qui n'écarte pas la possibilité d'y voir à défaut le duc Jean Ier de Bourbon (1381-1434).

Son rôle de donateur est attesté par Ledru 1879 qui signale un don de cinq florins or.

— Fond damassé rose à motifs de fleurs contenant quatre boules vertes circonscrivant une fleur à cinq pétales. Drap d'honneur blanc et jaune à feuilles de chêne, rameau, fleur inscrite dans un cercle ; plis latéraux verts. 

— Le seigneur, aux cheveux coupés court, est agenouillé, l'épée ceinte, en armure, à son prie-dieu ; un livre est ouvert mais son inscription n'est plus lisible. Son surcot est aux armes d'azur aux trois fleurs de lys d'or à la bande de gueules. 

Jean Ier imita Charles V et remplaça sur ses armoiries le semé de lys par trois fleurs de lys

                                  donateurs 9308c

 

 


LE CLERGÉ.


N° 4 : Le cardinal Guillaume Fillastre.

  C'est l'un des donateurs les plus généreux* pour la construction du transept (il effectua des dons successifs au profit de l'ouvrage de 1423 à 1427), ce qui lui a valu cette place, ainsi que de voir ses armes placées à la première clef de voûte du croisillon septentrional du transept à coté de celles de Charles VII. Plus exactement, il n'occupait pas cette place, mais la baie 221 de la partie ouest du transept, d'où il tournait le regard vers la rose.

* Dons du cardinal Fillastre de 200 écus en 1424, de 100 écus, de 200 écus. (En 1428, il offrit 400 écus pour terminer la tour septentrional de la cathédrale de Reims, dont il avait été le doyen en 1392).

Le cardinal est agenouillé, tourné vers la gauche, à son prie-dieu devant un livre où un texte est inscrit. Il porte une chape rouge à revers blanc et se détache sur un fond damassé bleu encadré par un drap d'honneur identique aux précédents, blanc à "broderies" d'or mêlant les caractères coufiques à trois fleur de lis inscrites dans un cercle. Ce drap retombe en plis verts sur le coté. Devant lui est posé son chapeau de cardinal (galero cardinalice), et j'ai pris d'abord un gros pompon  comme  l'un des glands (houppes ou fiocci), mais ceux-ci apparaissent au premier  plan, à l'extrémité de neuf des quinze cordons. Ce galero coiffe l'écu aux armes De gueules, au massacre d'or, à la bordure bordée de même

      On ne voit pas hélas sa belle devise Liement (avec joie) qu'il avait fait inscrire dans sa maison de Cloître à Reims.

Le prie-dieu est recouvert d'une étoffe blanche à fleurs d'or. Il me resterait à déchiffrer le texte que porte le livre, mais je ne lis qu'un douteux domine ...mihi..canbr..ã. L'attentif Roger Barriè n'avait pu déchiffrer sur l'ensemble des livres des donateurs que "ici ou là un mot indiquant que le livre est ouvert à l'office des morts".

                                         


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Biographie  (P. Merlette; Wikipédia)

 Attention de ne pas le confondre avec son homonyme Guillaume Fillastre le Jeune, (1400 ou 1407-1473) peut-être son "neveu" ou fils, abbé de Saint-Bertin à Saint-Omer, évêque de Verdun de Toul et de Tournai et auteur d'un traité sur la Toison d'or. 

Guillaume Fillastre (l'Ancien) (né en 1348 à La Suze, dans le Maine - mort le 6 novembre 1428 à Rome) était un ancien chanoine du chapitre de Saint-Julien, cardinal français, canoniste, humaniste et géographe. Après un diplôme de doctor juris utriusque obtenu à Angers  où il fut maître quelques années, il gagne l'université de Paris et, comme beaucoup d'autres clercs et universitaires, il se met en ce moment là à cumuler les bénéfices, les canonicats, dans différentes églises. Il est chanoine à Angers, au Mans, chanoine et archiprêtre à Laval qui n'est pas un diocèse mais qui comporte un chapitre important, et il prend place dans le clergé de Reims, d'abord comme doyen de Saint-Simphorien, ensuite comme chanoine du chapitre cathédral de Reims, l'un des plus puissants de France. A quarante-cinq ans, il est élu doyen du chapitre cathédral et va le rester vingt-deux ans. Fillastre enseigna la jurisprudence (et les mathématiques) à Reims et, en 1392, fut nommé doyen de son chapitre métropolitain. Pendant le Grand Schisme d'Occident, il montra au début beaucoup de sympathie pour Benoît XIII . En 1409, cependant, il prit part à la tentative de réconcilier les factions au sein du concile de Pise. L'antipape Jean XXIII lui conféra ainsi qu'à son ami Pierre d'Ailly la dignité de cardinal (1411), et en 1413 il fut nommé archevêque d'Aix.

   Fillastre joua un rôle très important au concile de Constance où lui et son ami le cardinal d'Ailly furent les premiers à soulever la question de la renonciation des prétendants rivaux (février 1415). Il acquit un grand renom par les nombreux problèmes juridiques sur lesquels il donna des décisions. Le pape Martin V, à l'élection duquel il avait beaucoup contribué, le nomma légat a latere en France (1418), où il devait promouvoir la cause de l'unité de l'Église. En reconnaissance des succès qu'il avait obtenus dans cette fonction, il fut nommé archiprêtre de la basilique du Latran. En 1421, il démissionna du siège d'Aix, et en 1422 fut affecté à l'évêché de Saint-Pons de Thomières. Il mourut à Rome dans sa quatre-vingtième année, comme cardinal-prêtre de San Marco.

 Pour ma part, c'est comme humaniste bibliophile que Guillaume Fillastre m'intéresse, surtout après la lecture de Quattrocento de Stephen Greenblatt qui raconte la chasse aux manuscrits grecs encore conservés dans de vieilles bibliothèques de couvent par Poggio Bracciolini dit Le Pogge, et son sauvetage du Rerum Naturae de Lucrèce.  Le Pogge était secrétaire de la Curie employé par Jean XXIII et participa au Concile de Constance tout comme Fillastre, et c'est lorsque le pape (et désormais antipape) fut condamné et prit la fuite qu'il voyage alors pour écumer les bibliothèques plus ou moins lointaines, et pour y redécouvrir les textes de l’Antiquité classique copiés à l’époque de la Renaissance carolingienne, allant à Saint-Gall (à partir de 1416), puis à Einsiedeln, à Fulda et à Murbach, ou jusqu’à Cluny, Langres et à Cologne.

 De même, Guillaume Fillastre, grand collectionneur de manuscrits, a veillé à la constitution de la bibliothèque du chapitre cathédral de Reims en se faisant copier des livres ou des manuscrits qu'il y  adressait : l’inventaire de cette bibliothèque, qui date du XVe siècle, mentionne un recueil de discours de Cicéron, qui contient aussi des discours d’Eschine et de Démosthène ; les notes marginales de lecture laissées par Guillaume Fillastre montrent son intérêt pour les ouvrages philosophiques de Cicéron, mais aussi pour le Gorgias et le Phédon de Pllaton qu'il traduisit du grec en latin. C'est ainsi qu'il avait copié la traduction latine de la Géographie de Ptolémée (sans les cartes), qui avait été terminée par Jacopo d'Angelo da Scarperia en 1409, un manuscrit qu'il avait beaucoup de difficulté à obtenir de Florence. En même temps que ce précieux codex de Ptolémée, il fit copier à Constance et il envoya en 1418 à la bibliothèque du chapitre de Reims, qu'il avait lui-même fondée et déjà dotée de nombreux manuscrits de valeur, une grande carte du monde tracée sur peau de morse, et un codex de Pomponius Mela (Cosmographie ; Ethicus. Cosmographie ; Itinéraire dit d’Antonin. Ms 1321 de Reims).

 Ainsi Guillaume Fillastre figure, avec Jean Gerson, chancelier de l'Université de Paris, Pierre d'Ailly (Petrus de Alliaco, chancelier de l’Université de Paris et maître de Gerson), parmi les principaux membres du mouvement humaniste français sous Charles VI et Charles VII. A Constance, capitale de la chrétienté de 1414 à 1418 en même temps que capitale européenne du livre et de l’écrit,  durant les trois ans et demi de délibérations entrecoupés d'interruptions, il put rencontrer les membres de la Florence des humanistes (Poggio Braciolini ou Leonardo Bruni, mais aussi un personnage comme le Grec Manuel Chrysoloras (décédé chez les Dominicains de Constance en 1415).


 

 

 

N° 2 : L'évêque Adam Chastelain, évêque du Mans de 1398 à 1438.

Portrait  provenant de la baie 221, à l'ouest de celle-ci.

a) Des informations données par A.R. Le Paige, (1777) j'extrais ceci qui illustre les liens entre les personnages de cette verrière: La reine de Jérusalem, Yoland, comtesse du Maine, etc. permit en 1417 à l'évêque Adam de bâtir à ses frais une tour en la partie de son palais épiscopal, sur les fossés de la ville, vis à vis l'église des Cordeliers. Cette tour était destinée à protéger le palais face à l'arrivée des anglais  et forme le début d'un système fortifié  au sud de la cathédrale.

b) De la biographie de Julien Remi Pesche, (1828) ceci : La province était alors occupée par les Anglais. L'évêque Chastelain, du consentement du gouverneur de la ville pour le roi de France, alla trouver le duc de Bedford qui les commandait, pour l'exhorter à épargner les églises et les ecclésiastiques, ce que le duc lui promit.

c) de l'abbé Ambroise Ledru "Adam Chastelain évêque du Mans et le transept nord de la cathédrale (1422-1424)",  Union historique et littéraire du Maine 1ère série  t.2 n°5 mai 1874 page 82-91., j'emprunte cette description du panneau :

Le personnage chapé, nu-tête, mains jointes, est à genoux devant un prie-Dieu garni d'un tapis vert ; sur ce tapis est posé une mitre blanche à fanons rouges, rehaussée d'or, et à coté un livre sur lequel on lit Domine, ne in furore arguas me, etc. Son manipule est rouge et sa crosse très finement ornementée, est appuyée sur son bras gauche. Son écusson, surmonté d'une mitre et d'une crosse, est d'argent à trois chevrons de sable (voir la planche).

[A. Ledru analyse ensuite le texte de Hucher qui, dans ses Calques des vitraux du Mans », y voyait Pierre de Savoisy dont la famille porte De gueules à trois chevrons d'or à la bordure engrelée d'azur, et attribue cette erreur à celle des armoriaux du Maine, dont les auteurs donnaient pour Adam Chastelain, à la suite d'une mauvaise interprétation de l'Histoire des Evêques du Mans de Le Corvaisier, d'azur au château d'argent couvert et girouetté de trois girouettes de même. ] La preuve de cette erreur est apporté par l'abbé Ledru grâce à un document du 30 novembre 1400 conservé dans les archives de la fabrique de Requeil et scellé par l'évêque du Mans : ce sceau porte un écu chargé de trois chevrons et la devise DEO GRATIAS.

Le psaume 6  du livre des psaumes est attribué au roi David d'après l'indication du premier verset et fait partie des sept psaumes pénitentiels. Il est appelé en latin Domine ne in furore. Ce psaume est probablement destiné à quelqu'un qui a été frappé par la maladie, à moins qu'il n'exprime les sentiments d'Israël souffrant de l'oppression d'un autre peuple.  Dans la liturgie des Heures, le psaume 6 est récité ou chanté à l’office des lectures du lundi de la première semaine. (Wikipédia) :

 

  1 in finem in carminibus pro octava psalmus David

2 Domine ne in furore tuo arguas me neque in ira tua corripias me  Éternel! ne me punis pas dans ta colère, Et ne me châtie pas dans ta fureur.

3 miserere mei Domine quoniam infirmus sum sana me Domine quoniam conturbata sunt ossa mea   Aie pitié de moi, Éternel! car je suis sans force; Guéris-moi, Éternel! car mes os sont tremblants.

4 et anima mea turbata est valde et tu Domine usquequo  Mon âme est toute troublée; Et toi, Éternel! jusques à quand?

5 convertere Domine eripe animam meam salvum me fac propter misericordiam tuam  Reviens, Éternel! délivre mon âme; Sauve-moi, à cause de ta miséricorde.

6 quoniam non est in morte qui memor sit tui in inferno autem quis confitebitur tibi  Car celui qui meurt n'a plus ton souvenir; Qui te louera dans le séjour des morts?

7 laboravi in gemitu meo lavabo per singulas noctes lectum meum in lacrimis meis stratum meum rigabo   Je m'épuise à force de gémir; Chaque nuit ma couche est baignée de mes larmes, Mon lit est arrosé de mes pleurs

8 turbatus est a furore oculus meus inveteravi inter omnes inimicos meos   J'ai le visage usé par le chagrin; Tous ceux qui me persécutent le font vieillir.

9 discedite a me omnes qui operamini iniquitatem quoniam exaudivit Dominus vocem fletus mei  Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal! Car l'Éternel entend la voix de mes larmes;

10 exaudivit Dominus deprecationem meam Dominus orationem meam suscepit  L'Éternel exauce mes supplications, L'Éternel accueille ma prière

11 erubescant et conturbentur vehementer omnes inimici mei convertantur et erubescant valde velociter Tous mes ennemis sont confondus, saisis d'épouvante; Ils reculent, soudain couverts de honte.

On le trouve attesté dans un Livre d'Heures à lusaige du Mans folio xx publié par Vostre en 1510, mais aussi dans les Heures du XVe :

BM Toulouse Ms 2842, Livre d'Heures d'Yvon de Cugnac, XVe :

 

                                            David

Heures de Béthune 

                           Heures-de-B%C3%A9thune-Le-roi-David.jpg

Je ne parviens pas à déchiffrer les inscriptions des livres ouverts devant les autres donateurs, mais cet exemple suggère que leurs textes correspondent aux pages habituelles des Livres d'Heures. 

      De quelle faute l'évêque fait-il pénitence ? Collective ou personnelle ? de ses arrangements avec l'occupant ? d'une faute secrète (rappelant l'adultère de David avec Bethsabée) ?

La prière des donateurs s'élève vers la Rose et son Christ-Juge.

 

Pour compléter la description de l'abbé Ledru, je ferai remarquer l'inscription IHS en lettres jaunes sur le capuchon de la chape, monogramme du Christ semblable à ceux que l'on trouve inscrits dans les écoinçons du tympan. Ici, la lettre centrale est surmontée d'un tilde, comme dans l'exemple suivant (Wikipédia) mais le tilde traverse ici  la hampe du H.

                                210px-IHS-monogram-Jesus-medievalesque.s

 

 

                                  donateurs 9307c

 

 


 

 

 

N° 1 : Chanoine non identifié.

Ce chanoine anonyme a remplacé à une date indéterminée le portrait du comte d'Arundel Jean Fitz Alan, lieutenant du roi d'Angleterre et du duc de Bedford pour la guerre de France, mort le 12 mai 1434, et dont la présence dans cette verrière est insolite.

Sa présence ne sera pas jugée accessoire au moment même (2014) où Rachel Tapia prépare une thèse tendant à démontrer l'importance du rôle joué par le chapitre des chanoines du Mans dans la construction du transept nord.

« Librement restitué à partir des restes d'amusse en 1909 », il pourrait être celui décrit dans un manuscrit de 1798 dans la baie 215, accompagné d'armoiries d'argent à six losanges de sable placés trois, deux, un qui semblent être celles de la famille poitevine Fumée ou Fumé ( homonyme de celle du médecin de Charles VII originaire de Tours) (Gatouillat  ). Le blason est signalé plus tard à propos de Nicolas Fumée de la Perrière, maire de Poitiers en 1546, écuyer d'une famille originaire d'Anjou.

Grâce à Jean-Bernard de Vaivre, je distingue ou devine l'aumusse aux cinq queues de petit-gris que le chanoine bien fourré porte sur le bras gauche. Elles se voient mieux sur le calque de Hucher reproduit par de Vaivre dans sa figure 18.

  Comme le chaperon, l'aumusse, signe distinctif du chanoine, était initialement une coiffure et un capuchon couvrant les épâules, pour devenir un triangle porté sur le bras gauche lorsqu'on est assis, et sur le dos en position debout. Elle est de vair ou de petit-gris.  

 


                        donateurs 9306c

 

Au total, 

a) la baie 217, telle que Françoise Gatouillat la reconstitue, associait à l'origine  trois générations des ducs de la seconde maison d'Anjou associées aux souverains. Ils se succédaient dans la verrière selon l'ordre généalogique, chacune des figures étant tournés vers la gauche : depuis la droite de la galerie Marie de Bretagne agenouillée derrière Louis 1er d'Anjou, puis Yolande d'Aragon et Louis II précédés  d'u frère de marie d'Anjou ( Louis III d'Anjou et sa troisième épouse  ou René d'Anjou et de d'Isabelle de Lorraine) et en tête du cortège le roi Charles VII et la reine Marie d'Anjou : le roi et la reine étaient donc suivis de la famille d'Anjou sur trois générations :

— Yolande d'Aragon : sa fille Marie d'Anjou (1404-1463) épousa Charles VII et devint mère de Louis XI. Il manque ici son portrait (perdu).

—Son époux depuis 1399 Louis II duc d'Anjou (1377-1417), roi en titre de Naples et comte de Provence

—Les parents de Louis II : le duc Louis Ier mort en 1384 et Marie de Blois-Bretagne morte en 1404.

b) Cette verrière 217 voisinait la baie 215 où se trouvait, toujours selon la reconstitution de F. Gatouillat d'après un manuscrit de René Anselme Négrier de la Crochardière (>1562 et < 1798) :  

  • le pape Clément VII au centre (Robert de Genève devenu en 1378 Clément VII, dont l'élection par le collège des cardinaux principalement français fut à l'origine de grand schisme d'Occident. C'est grâce à lui que Louis Ier fut adopté par la reine Jeanne Ier de Naples en 1381 ; il soutint financièrement la reconquête du royaume en 1382 ; et c'est de ses mains que Louis II reçut la couronne de Naples en 1389 à Avignon.)
  • l'évêque Gontier de Baigneux, évêque du Mans de 1367 à 1385, ses armes d'or à l'orle de sable se trois pièces étant reprises 18 fois dans les peintures murales de la chapelle axiale. 
  • Jeanne de Laval-Chatillon  aux armoiries d'or à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d'argent et cantonnée de seize alérions d'azur.épouse de Guy XII après avoir épousé Bertrand du Guesclin ; elle est entourée de ses deux époux :
  • Bertrand du Guesclin (7e lancette) dont le portrait était encore conservé au début du XIXe siècle : « On voit la figure de Duguesclin sur un des vitraux de l’église Saint-Julien au-dessus des fonts baptismaux. Ce connétable est représenté mains jointes. Sur son manteau sont peintes ses armoiries, d’argent à l’aigle déployée de sable » (Renouard p.301).
  • Guy XII de Laval
  • Olivier de Clisson (2e lancette)
  • Un chevalier dont le portrait est maintenant relégué dans le chœur portant d'hermines à trois pals ondés de gueules au franc quartier de sable au loup passant d'or ....et identifié partiellement comme « un chevalier breton du cercle blésiste » (de Charles de Blois)
  • Un chevalier aux armes «d'azur à la croix estoquée brisées en cœur d'une molette de sable » non identifié.

 La baie orientale était donc un don de Jeanne de Laval-Chatillon comme programme commémoratif de sa famille bretonne. Dans cette baie étaient réunis autour de Jeanne de Laval, qui vécut jusqu'en 1433 et qui jouissait d'une grande popularité auprès des Manceaux, des personnages morts depuis longtemps et liés plus ou moins directement aux destinés du premier duc d'Anjou et de son beau-père, le bienheureux Charles de Blois. Cette baie 215 illustre la convergence des intérêts politiques de la famille des Laval et des Valois d'Anjou. 

c) les baies occidentales 221 et 219.

— La baie 221 contenait le portrait de Adam Chastelain et de Guillaume Fillastre, qui furent déplacés en baie 217 après les dégradations de 1562. Elle contenait en outre quatre autres personnages qui y demeuraient encore par la suite et qui se distinguent par leurs armes

  • armoiries de gueules à un massacre de cerf d'argent tourné de front. (proche de celles du cardinal Fillastre)
  • Armoiries d'argent à une macle d'azur :  sans-doute celles de l'archidiacre Guezennot Tréanna cité en relation avec l'évêque Chastelain dans un acte de 1433 et qui, moyennant finances, obtint des Anglais un congé de six mois en février 1434 « pour aller à Rome et au saint concile ».
  • Armoiries d'argent à un chevron d'azur 

    accompagné de trois frelons volantes de sable ambrées d'argent : A. Ledru a  remarqué leur similitude  avec les armes parlantes de Geoffroy Freslon, élu évêque du Mans en 1258, émettant l'hypothèse d'un descendant de sa famille.

  • Armoiries 

    d'or à trois chauve-souris volantes deux et un » qui évoquent celles de la famille angevine et bretonne de Rabasté.

 Au total "la verrière 221, dont les trois donateurs identifiés sont des contemporains de la construction, peut avoir été toute entière offerte par des membres du clergé local ou ayant des intérêts locaux. Elle pouvait également comprendre le portrait du chanoine « défiguré », tôt transporté dans la baie orientale pour y boucher un trou, avant de remplir le même office au bas de la grande baie nord." (Gatouillat 2003).

— La baie 219 : participation des anglais.

Elle abritait parmi quatre autres personnages un couple de nobles anglais dont l'homme portait d'Angleterre à la bordure d'hermines et son épouse parti des précédentes et  échiquetées d'or et d'azur au chevron d'hermine et de gueules à la fasce d'or accompagné de six croix coupées de même, qui est Beauchamp. Les donateurs sont donc Eléonore Beauchamp, fille du comte de Warwick et son époux Edmond Beaufort (1406-1455), comte de Dorset, comte de Somerset en 1444, puis duc en 1448. Les armes de ce dernier permettent à Françoise Gatouillat de dater le portrait et sa donation au Mans "entre son mariage en 1434-1435, et 1444, date à laquelle il abandonna la bordure d'hermines". Elle ajoute  :

"Présent par intermittence sur le sol français à partir de 1427 Edmond Beaufort y devint l'un des principaux représentants du roi d'Angleterre en France après la mort du régent Bedford, peut-être dès la fin de l'année 1435, quoi qu'il en soit avant 1437 : en 1447, il est qualifié "d'ancien capitaine général et gouverneur des pays d'Anjou et du Maine". Sa commande de vitraux est clairement liée à la période pendant laquelle il eut la responsabilité de la province. La verrière entière fut-elle offerte par l'occupant ? Il est difficile de le prouver mais c'est probable. Parmi les personnages voisins des Beaufort se tenaient deux cardinaux qui portaient l'un et l'autre  d'argent à trois roses de gueules boutonnées d'or*  - double don d'un même prélat ? - ; les armes d'un troisième donateur, d'argent à trois lys de gueules , restent également à identifier, et le dernier était le chevalier originaire de la baie 115, maintenant conservé dans le chœur. Malgré ces incertitudes, il demeure que la donation du comte d'Arundel* ne fut pas une initiative isolée. Son effigie autrefois rapportée sous la rose provenait à l'évidence d'une des lancettes de cette fenêtre. Les chefs de l'occupation anglaise ont bien contribué, de manière concertée, à l'oeuvre du bras nord de la cathédrale, y faisant placer leur portraits".

 

 

*Edmond Beaufort (vers 1406 – 22 mai 1455), 1er comte de Dorset (1442), 4e comte (1444) puis 1er duc de Somerset (1448), fut l'un des grands capitaines anglais de la fin de la guerre de Cent Ans et du début de la Guerre des Deux-Roses. Il est le  neveu de Henri Beaufort, évêque de Winchester et régent d'Angleterre. Ces deux hommes étaient les demi-frères de Henri IV d'Angleterre et les oncles de Henri V. Entré très jeune comme commandant dans l'armée anglaise, Edmond Beaufort est capturé lors de la bataille de Baugé en 1421 et restera prisonnier de Charles VII pendant dix ans. Libéré en 1431 en échange de Charles d'Artois, comte d'Eu, il retourne en Angleterre où il se met au service de Henri Beaufort. (Wikipédia)

**   armes de la famille Le Roy de Brée, du Manoir, en Bessin (Dictionnaire encyclopédique de la noblesse de France de Nicolas Viton de Saint-Allais (1773-1842); Armes de la famille bretonne Grignon, ou à celle d'Yver. Armes de la famille bretonne de Rosmorduc en Logonna-Daoulas. Aucun cardinal ne porte ces noms.

 

                    STYLISTIQUE.

Les sources d'intérêt stylistique ne manquent pas dans cette baie : 

  • rehaussement des pupilles au jaune d'argent pour la majorité des personnages sacrés mais aussi historiques,
  • fonds damassés variés,
  • multiple exemples de la technique d'incrustation de pièces rondes à l'intérieur d'une piece de verre ("en chef d'œuvre") : apôtres Paul, André,  Philippe, Jude et Mathias ; Fond de la Vierge et du Christ dans la rose.
  • utilisation de caractères coufiques ou pseudo-coufiques, encore mal expliqués.
  • identification de l'auteur d'une partie des cartons, le Maître de Barthélémy au style très affirmé.

 

 1. Les pupilles rehaussées de jaune d'argent, propre à l'ouest de la France en 1370-1430.

 je les ai déjà observé :

Cette particularité, qui confère aux personnages un caractère sacré de haute spiritualité, est propre à l'Ouest de la France dans la période 1370-1430. On le constate aussi à Dol-de-Bretagne (ca 1420) ou à la cathédrale de Quimper (ca 1415).

Roger Barrié, qui trouve déjà que le grand nombre de verres blancs des phylactères, des robes des anges et des architectures entraînait une impression "d'atonie", la grisaille des dessins étant trop grêle  "de sorte que leur fort rayonnement n'est réglé par aucun écran", juge que le rayonnement du jaune d'argent qui colore les pièces d'architecture est aussi envahissant que celui du blanc qui leur sert de

base colorée" et que "le scintillement [des couronnes d'or des fonds] recherché pour plus de somptuosité pulvérise cependant à distance les masses de couleur."


2. Les damas. Un seul atelier local exploitant un stock de cartons anciens ou récents.

J'ai détaillé les motifs des différents fonds damassés, trouvant plaisir à reconnaître les oiseaux affrontés propres aux lampas de Lucques et à les voir alterner avec des motifs à rinceaux, plus anciens et d'autres à larges fleurs. Ils témoignent des goûts vestimentaires et d'ameublement (courtines tendues dans les églises les jours de fête) pour les tissus brodés, les damas, brocarts et lampas que le développement de l'industrie textile à la fin de la guerre de Cent Ans rendait accessible. Les soieries de Lucques en Italie, d'inspiration orientale furent fabriquées dès le XIIIe siècle et si elles sont aussi imitées dans les vitraux d'Arnault de Moles à Auch (1507-1513), ces fonds se retrouvent dans les vitraux dès 1400 et pendant le premier quart du XVe siècle en Normandie à Sées, Saint-Lô, Rouen (Saint-Maclou) ou à Evreux (Cathédrale, ou église Saint-Thaurin). Ils associent des feuillages stylisées et des fleurs à des perroquets, des cygnes ou des personnages fabuleux affrontés (M. Callias Bay 2006). Plus tard, dans la seconde moitié du XVe siècle apparaissent des motifs plus grands et plus simplifiés. Ces motifs sont répétés au moyen de pochoirs rigides ou de planches dessinées ou calquées sur les tissus. Ils peuvent être peints avec les pochoirs, ou au contraire enlevés 

J'ai lu dès lors avec intérêt le commentaire qu'en fait Françoise Gatouillat (2003) :

"L'emploi d'une variété de damas plus ou moins archaïques, associé à la manière de teinter de jaune d'argent les pupilles, est l'indice que la commande de la rose a été reçue par le même atelier, que l'on peut présumer local, surtout si les verrières des deux étages ont été exécutées à un certain nombre d'années d'intervalle. Les caractères stylistiques hétérogènes de la rose prise dans son ensemble - sans les portraits rapportés - pourraient avoir pour origine les phénomènes d'association ou de sous-traitance fréquents dans le cas de chantiers importants ; ils reflètent plus certainement des pratiques usuelles, éclairées par les récentes recherches sur la genèse des œuvres de ce domaine. Comme on le sait aujourd'hui, même dans le cadre d'une commande de prestige, les peintres-verriers n'étaient pas tenus d'avoir systématiquement recours à des cartons neufs ; ils restaient libres d'exploiter, autant que faire se pouvait, les documents déjà archivés dans leur atelier, étant entendu que ceux des sujets dont les modèles ne pouvaient se trouver en stock, en particulier l' image des commanditaires, étaient dessinés pour la circonstance. Ainsi, dans la galerie de la rose, les disparités nettes entre les figures d'apôtres d'une part, et celles des donateurs princiers d'autre part, s'expliquent certainement par la nature des modèles utilisés par le ou les peintres sur verre. Les patrons des premières devaient préexister , tandis que ceux qui ont guidé l'exécution des secondes ont été produits tout spécialement. Le responsable de la réalisation a ainsi procédé à une combinaison de cartons, utilisant, selon les sujets, le travail d'un peintre contemporain ou adaptant des dessins plus anciens ayant servi pour d'autres chantiers. Il semble qu'il a agi de même avec les pochoirs à l'aide desquels ont été obtenus les damas des tentures, certainement tributaires de documents d'âges divers réunis dans son fonds d'atelier ou dans ceux de ses éventuels associés : ainsi sont juxtaposés des rinceaux de feuillage gras en usage au milieu du XIVe siècle, des « étoffes » d'inspiration lucquoise à menus motifs d'oiseaux, déjà présents bien avant 1400 à Evreux et un peu plus tard à Bourges, et d'autres à larges ramages végétaux, suivant une mode qui naît vers 1430."

 

 3. Les couleurs.

"Les verres teints dans la masse ne manquent pas de qualité : le rouge est puissant, le bleu plein de spiritualité, le vert foncé profond, le vert jaunâtre et le mauve délicats ; cette dernière couleur, obtenue par des procédés chimiques à partir du cobalt, est d'une instabilité relative entre le violet et le rose. Elle est réservée ici à des zones limités, tels la robe du Christ-juge ou les bonnets des Patriarches, comme une élégance de la gamme colorée." (R. Barrié 1981)

4. La technique picturale.

"Peu appuyée comme nous l'avons dit, elle relève d'une facture précieuse qui évite la mièvrerie : le dessin des visages, net et élégant, est extrêmement soigné pour le profil du nez, pour le pli de la bouche petite et surtout pour l'œil allongé en amande ; les modelés légers et les enlevés à la brosse concourent à donner cette suavité et cette noblesse inventées par les ateliers royaux à partir de 1380 ; les étoffes coulent avec une aisance qui ne rappelle en rien le métier de sculpteur. Enfin le jaune d'argent, seule véritable teinture dont dispose le peintre-verrier et découvert au début du XIVe siècle, accentue l'ondoiement des chevelures et des barbes dessinées en traits fins ; il colore même la prunelle des yeux de manière à donner l'acuité du regard vivant à ces calmes figures. La discrétion du modelé, la spiritualité des couleurs, les fonds damassés font référence au style manifesté à Évreux et surtout à Bourges avec les figures des apôtres de la chapelle de Jean de Berry vers 1405".

 " Par contre, les donateurs sont d'une échelle légèrement plus grande et ressortissent d'un style différent. Bien des éléments picturaux, comme les prunelles en jaune, le tracé des fleurons, les fonds, la gamme colorée, et même les caractères techniques, telle l'habileté de la mise en plomb, sont communs ; cependant le trait de peinture noire plus énergique, le dessin plus aigu et le modelé plus sommaire confèrent à ces figures une expressivité remarquable qui est accentuée par la liberté d'utilisation du jaune d'argent qui colore, en touches non délimitées par le trait, le bout d'un nez, les sourcils ou un menton. Cette expressivité qui va jusqu'à la laideur rompt avec la manière suave des ateliers royaux ; mais la ressemblance des princes et des reines entre eux appartient plutôt à un style uniforme qui affirme des caractères marqués sans recherche de la vraisemblance réelle, sans individualisation propre au portrait. Tout autant que le style noble, le style expressif est une convention, ici réaliste, sans souci avec le rapport à la réalité qui inspirera l'art de la seconde moitié du XVe siècle.[...] Aussi pensons-nous que la vitrerie est contemporaine de l'achèvement du gros œuvre avant 1430 et fut exécuté dans un atelier local s'inspirant du style des ateliers royaux. Pour la datation de la galerie des donateurs deux hypothèses peuvent être avancées [: soit immédiatement après la rose en 1430 par le même atelier; soit après la mort de Yolande d'Aragon et après la reddition anglaise en 1448] "(Roger Barrié p. 144-145)

5. Le style des figures d'apôtres.

La série des treize apôtres n'est pas homogène par son style et par les proportions des personnages. Louis Grodecki 1961 a évoqué pour une partie des apôtres, ceux dont le canon est le plus élancé, le style de l'art du début du XVe siècle, comme il s'exprime notamment dans les vitraux du Credo de la Sainte-Chapelle de Bourges. J-B de Vaivre écrit que "deux mains au moins se distinguent ...l'une a donné des personnages aux figures fines (Saint Pierre, les deux saints évêques, saint Louis)l'autre a produit des têtes de dimension importantes et aux traits plus frustres (saint Paul, saint Matthieu, saint Thomas)".

4. Les cartons du Maître de Barthélémy l'Anglais:

Je commencerai en présentant ce "Maître" actif vers 1430/1450 dont j'ignorai l'existence en empruntant sa biographie au site arts-graphiques.louvre.fr:


   "Enlumineur anonyme redécouvert à la fin du siècle dernier. Son œuvre d'enlumineur a été ressuscité par Eberhard König en 1976 (Eberhard König, « Un grand miniaturiste inconnu du XVe siècle français : le peintre de l'Octobre des Très Riches Heures du duc de Berry », Les Dossiers de l'archéologie, 16, 1976, p. 96-123.), mais sous l'attribution erronée du « peintre du mois d'octobre » du calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry. En 1982 John Plummer (dans cat. exp. Last Flowering. French Painting in Manuscripts (1420-1530) from American Collections, New York, 1982, p. 25) l'a rebaptisé du nom de son manuscrit le plus spectaculaire, un 'Livre des propriétés des choses' de Barthélemy l'Anglais (Paris, BnF, Fr. 135-136).*"

* De proprietatibus rerum, traduit par Jean Corbichon

  "Actif dans l'ouest de la France : à Angers selon König, au Mans selon Plummer. Nicole Reynaud a élargi l'activité de l'artiste et l'a située dans l'orbite de la maison d'Anjou, en lui attribuant, entre autre, la fresque du Triomphe de la mort (Palerme, Galleria regionale della Sicilia), qu'il aurait peinte au retour d'un séjour à Naples au moment du court règne de René d'Anjou. Ses hypothèses ont été acceptées par König en 1996 (Eberhard König, 'Das Liebentbrannte Herz : Der Wiener Codex und der Maler Barthélemy d'Eyck', Graz, 1996, p. 83-86 et pl. 16), tout en identifiant le Maître de Barthélemy l'Anglais avec le peintre et brodeur de René d'Anjou, Pierre du Billant, beau-père de Barthélemy d'Eyck, le peintre en titre de René, opinion que je ne saurais partager. [Biographie rédigée à partir de la vie de l'artiste publiée par Nicole Reynaud dans 'Les enluminures du Louvre, moyen âge et Renaissance', catalogue raisonné sous la direction scientifique de François Avril, Nicole Reynaud et Dominique Cordellier, assistés de Laura Angelucci et Roberta Serra, Paris, 2011, p. 163]
Synonymes : Peintre du Livre de la propriété des choses" "Peintre de l'Octobre ." "Maître du Triomphe de la Mort". Voir le manuscrit Bnf 135 et Bnf 136

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Or,  c'est Nicole Reynaud, la meilleure spécialiste de cet artiste, qui l'a identifié comme l'auteur des cartons des nobles donateurs de la baie 217. Outre le manuscrit du Livre de la propriété des choses,(ca 1445) on lui attribue les cartons de la tenture dite des Chasses du Devonshire et la fresque du Triomphe de la Mort, réalisée peu après 1441 pour le Sénat de Palerme. Une fois de plus, je citerai Françoise Gatouillat (2003) :

   "La présence de ce peintre en Italie,probablement liée à celle de René d'Anjou à Naples à partir de 1438 ou peut-être à celle de sa femme deux ans plus tôt, contribue à fixer un terminus ante quem pour la production des cartons des vitraux du Mans. Le traitement du portrait de Charles VII, au nez fort et à la bouche charnue, se révèle, au filtre du style si étrange et véhément de ce peintre, sans contradiction avec les images célèbres qu'a laissées du roi, à un âge plus avancé, Jean Fouquet, dans le tableau du Musée du Louvre et dans l'Adoration des mages des Heures d'Etienne Chevalier. Parmi les autres portraits de la même baie, seule la représentation de la duchesse Yolande permet de saisir un autre aspect de son style, qui correspond de manière convaincante avec celui des figures féminines de la tenture de Londres . Mais l'on reconnaît encore la manière très plastique, anguleuse et lisse à la fois, du même peintre dans nombre des ajours de la rose ou dans la figure de saint Louis au registre médian de sa galerie. Les modèles des panneaux transférés depuis les fenêtres latérales ont en revanche pu être demandés à d'autres peintres. L'effigie du duc de Bourbon, importée depuis la baie 215, peut sans conteste être attribuée au peintre verrier des portraits ducaux et royaux d'après les techniques de peinture et l'emploi d'un motif de fond récurrent dans la rose ; l'auteur du carton, même si les traits du visage paraissent plus suaves que ceux du roi, paraît bien être l'artiste de cour désigné ci-dessus : Jeanne de Laval dut faire le choix de mobiliser les compétences de l'équipe qui travaillait à la fenêtre principale, ce qui renvoie encore à la complémentarité des deux programmes. À l'inverse, les portraits des deux prélats provenant de la baie 221, de proportions plus menues, paraissent de conception radicalement différente, la tension des visages aux yeux étirés et aux nez pointus renvoyant davantage aux figures rudes et conventionnelles de la « verrière historique » du chœur de la cathédrale d'Evreux qu'à l'art puissant du Maître de Barthélémy l'Anglais. Le cartonnier n'en fut sans doute pas ce dernier, bien qu'ils n'aient pas été exclus du corpus de ses œuvres par Mlle Reynaud ; cependant, d'après les pochoirs utilisés pour les fonds, il ne semble pas que leur interprète fut distinct de l'exécutant de la commande royale. Force est de constater que la durée de l'activité de l'atelier de peinture sur verre manceau est difficile à cerner et que l'identification de l'un de ses pourvoyeurs de modèles, pour l'instant mal connu, n'apporte que de minces précisions chronologiques. On se prend enfin à regretter la disparition de tout élément de la verrière anglaise, qui empêche de vérifier si ses donateurs avaient pressenti les mêmes artistes que les commanditaires français ou s'ils avaient pu importer leurs vitraux d'outre-Manche, comme il a été envisagé pour la verrière de Foulques Eyton à Caudebec."

 

Vitraux représentant le Credo des apôtres (recensement en Alsace-Lorraine et en Haute-Normandie) in Pensée, communications 1993.

  •  Strasbourg, église protestante Saint-Guillaume ; 3ème quart XVe s.
  • Strasbourg, cathédrale, chapelle Sainte-Catherine, vers 1330.
  • Walbourg, (Bas-Rhin) église, baie 4, 4e quart XVe s. 4 apôtres
  • Metz, (Moselle) cathédrale Saint-Etienne, baie 15, début XVIe s.
  • Metz, cathédrale, baie 36, 3e quart XIVe (Hermann de Munster)
  • Zetting, (Moselle) église Saint-Marcel, vitrail du choeur baie 3, 2e quart XVe s. 
  • Les Andelys (Eure) église Notre-Dame, vers 1535
  • Beaumont-le-Roger (Eure) église Saint-Nicolas, dernier quart XVe.
  • Evreux (Eure) Cathédrale Notre-Dame. Fenêtre 110, 1er quart XVIe
  • Verneuil-sur-Avre (Eure) église de la Madeleine dernier tiers du XVe s.
  • Caudebec-en-Caux (Seine-Maritime) église Notre-Dame XVe s.
  • La Mailleraye-sur-Seine (Seine-Maritime) chapelle du château. provenant de Saint-Pierre de Jumièges XIVe s.  
  • Jumièges (Seine-Maritime) église Saint-Valentin XVe s. Il reste 3 apôtres.
  • Rouen (Seine-Maritime) Cathédrale Notre-Dame : Saint Pierre, XVe ; et fin XVe s.

 

      RESTAURATIONS

En 1562 la vitre fut la cible des Huguenots et dût être restaurée,

 Une restauration a été réalisée par H. Carot de Paris en 1909-1901 (inscription).

Le vitrail a été déposé en 1997 et exposé à l'abbaye de l'Épau.


 

Conclusions.

J'ai été trop long, pour un sujet plus laborieux que fructueux qui dépasse mes compétences et dont  je n'ai pu que présenter le matériel (images) et dégager les problèmes, ou reprendre sans talent un travail déjà effectué. Une étude épigraphique des phylactères des apôtres, des patriarches et des anges, des monogrammes du tympan ou des livres tenus par les donateurs reste à compléter. La place du thème iconographique du Credo apostolique dans les vitraux et l'influence de la cour du duc de Berry et de la Sainte-Chapelle de Bourges reste aussi à explorer, tout comme la valeur possible de ce thème comme affirmation du gallicanisme qui se met en place au XVe siècle. Bien d'autres aspects attendent patiemment, dans ces verrières du transept nord du Mans, les esprits curieux mais plus avertis que le mien.

  Pire encore, je termine cet article interminable  en découvrant la parenté thématique, chronologique et peut-être stylistique avec la Chapelle Vendôme de la Cathédrale de Chartres (1417-1420) : un nouveau chapitre m'attend.

 


      Rappel : Partie II :   La Rose du transept nord de la cathédrale du Mans.

 

Sources et liens : 


 

Je place en tête de cette liste l'article principal, que j'ai cité sans modération :

— GATOUILLAT (Françoise) "Les vitraux du bras nord du transept de la cathédrale du Mans et les relations franco-anglaises à la fin de la guerre de Cent Ans " in Bulletin Monumental    2003 Volume   161 pp. 307-324 J'en donnerai le résumé : 

  "Seule la rose nord de la cathédrale du Mans a conservé des vitraux figurés ; les trois fenêtres qui l'entourent comprenaient également à l'origine un rang de portraits accompagnés d'armoiries, décrites dans un manuscrit de 1798 qui relate un état plus ancien. Le texte permet d'identifier la plupart des personnages représentés et de restituer le programme de l'ensemble. Autour de la rose offerte par le roi de- France Charles VII - dont le portrait existe encore - et sa belle-famille d'Anjou, les autres verrières étaient des dons de Jeanne de Laval, veuve de du Guesclin, du clergé local, et d'Anglais parmi lesquels Edmond Beaufort, régent de France après 1435. L'étude de cette surprenante série conduit à nuancer la perception que l'on avait des relations entre les deux camps dans la phase finale de la guerre de Cent ans. Non seulement le chantier fut mené à terme dans la ville occupée de 1425 à 1448, mais des œuvres d'art chargées d'un message de propagande politique en faveur des Valois n'en furent pas bannies."

 

— BARRIÉ (Roger) 1981 "Les vitraux" in MUSSAT (A), La cathédrale du Mans, Paris p. 139-146.

 — BERGEOT (Karine ) 2009 "Les conflits internationaux dans le vitrail en Sarthe". La foi dans le siècle, Mélange offert à Brigitte Waché. Collectif, Presses Universitaires de Rennes cf. En ligne 3 décembre 2009

BOUTTIER (Michel), 2000,  La cathédrale du Mans, Ed. de la reinette, 151 p.

— CHARLES (Abbé Robert) 1880 Guide illustré du touriste au Mans page 39 https://archive.org/details/GuideIllustrDuTouristeAuMans

— Monographie de la Cathédrale du Mans en ligne http://195.220.134.232/numerisation/tires-a-part-www-nb/0000005402304.pdf 

— ESNAULT (Abbé Gustave ) "Le Transept septentrional de la cathédrale du Mans, architectes et bienfaiteurs (1393-1430)", Bulletin monumental, 1879, p. 63-79, Gallica

FLAMAND Jean-Marie 2010 Les écoles de grec à Paris au XVe siècle Conférence donnée par Jean-Marie Flamand dans le cadre du séminaire d’histoire des bibliothèques anciennes : "Livres pouvoirs et réseaux savants à l’origine de l’Europe moderne (14e -17e siècles)", animé par Donatella Nebbiai, Paris, IRHT (26 mars 2010) http://www.europahumanistica.org/?Les-ecoles-de-grec-a-Paris-au-XVe-siecle  [ concerne Guillaume Fillastre]

—FLEURY (Gabriel) La Cathédrale du Mans page 75-76.

— FÖRSTEL Christian, Guillaume Fillastre et Manuel Chrysoloras: le premier humanisme français face au grec. [paru dans : Humanisme et culture]  http://hal.inria.fr/docs/00/90/74/28/PDF/Guillaume_Fillastre_et_Manuel_Chrysoloras_2002.pdf

— GATOUILLAT (Françoise) "Les verrières de la cathédrale du Mans" in 303. Arts, Recherches et Créations, 3e trimestre 2001, n. 70 pp 168-175.

 — GATOUILLAT (Françoise) 2005 "L'épiphanie de la gloire des Valois : le vitrail au service de la propagande royale" [Charles VI à Évreux et Charles VII au Mans] in Glasmalerei im Kontext. Akten des XXII. internationalen Colloquiums des Corpus Vitrearum - Nürnberg : Germany (non consulté)

HASENOHR (Geneviève)1993, "Le Credo apostolique dans la littérature française du Moyen-Âge, premières approches" in Pensées, images et communications en Europe médièvale, Asprodic  1993p.178).

HUCHER (Eugène) 1848 « Études artistiques et archéologiques sur le vitrail de la rose de la cathédrale du Mans » Bulletin monumental p. 345-372 Gallica 

— LEDRU  (Abbé Ambroise) "Adam Chastelain évêque du Mans et le transept nord de la cathédrale (1422-1424)",  Union historique et littéraire du Maine 1ère série  t.2 n°5 mai 1874 page 82-91.

 — LEDRU  (Abbé Ambroise)  1879 "Le transsept septentrional de la cathédrale du Mans",  Bulletin monumental  T.7 vol. 45  pp. 63-79 en ligne sur Gallica

 — LEDRU  (Abbé Ambroise) Chavanon (Jules) "La Cathédrale Saint-Julien du Mans, ses évêques, son architecture, son mobilier", Bibliothèque de l'école des chartes  1900 Volume 61 pp. 536-545 (non consulté)

 — MÂLE (Emile) Le Credo des apôtres in L'art religieux à la fin du Moyen-Âge en France page 246.

 — MERLETTE (Abbé Pierre) « Guillaume Fillastre, ami de Pierre d'Ailly et l'humaniste au concile de Constance » http://www.histoire-compiegne.com/imageProvider.asp?private_resource=11094&fn=33-17.pdf

 — RENOUARD (P), 1811 Essai historique sur la ci-devant Province du Maine, Le Mans, 1811, Tome 1 . 

TAPIA Nahmias (Rachel) "Le transept de la cathédrale du Mans : histoire et architecture", Mémoire de Master 2010 ?, thèse en cours à Paris 4 sous la direction de Dany Sandron: "Étudiante en archéologie médiévale à Paris IV Sorbonne, Rachel Tapia a réalisé son mémoire de Master 2 sur le transept Nord de la cathédrale Saint-Julien au Mans. À l’évidence, une étude exhaustive de l’intégralité de ce transept permettrait de déterminer les différentes étapes de sa construction, d’en analyser les influences et également de reconsidérer au profit du chapitre la maîtrise d’ouvrage jusqu’alors considérée comme « l’œuvre du roi ». Rachel Tapia propose de réaliser des études physico-chimiques pour enrichir ses recherches. Sa thèse de doctorat Histoire de l’art et Archéologie devrait permettre de sortir de l’ombre ce monument incontournable de l’architecture médiévale de la région du Maine."

 — THOMASSY Raymond. 1842  "Guillaume Fillastre considéré comme géographe à propos d'un manuscrit de la Géographie de Ptolémée", Bibliothèque de l'école des chartes Volume 3  pp. 515-516

VAIVRE (Jean-Bernard de),  1993 "Datation des vitraux du bras nord du transept de la cathédrale Saint-Julien du Mans" Bulletin Monumental Volume 151 pp. 497-523 Persée

— Photographies :  http://vitrail.ndoduc.com/vitraux/htm5601/eg_StJulien_217.php

 

 RAYNAUD Clémence « Ad instar capelle regie parisiensis » : la Sainte-Chapelle de Bourges, le grand dessein du duc de Berry Bulletin Monumental 2004   Volume 162  pp. 289-302      Persée

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Published by jean-yves cordier
15 mai 2014 4 15 /05 /mai /2014 11:10

Le vitrail de la Baie 9 de l'Arbre de Jessé de la cathédrale Saint-Julien du Mans (XIIIe siècle).

 

Voir, sur la cathédrale, dans ce blog :

 

 

Voir dans ce blog lavieb-aile des articles consacré aux Arbres de Jessé de Bretagne:  

Et les vitraux : 

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

 

 

Introduction.

    La cathédrale du Mans offre au visiteurs deux vitraux de l'Arbre de Jessé : la lancette de droite de la baie 9 dans la chapelle de la Vierge, datée de 1230-1240, et la baie 110. Cet article traite de la baie 9. C'est un travail d'amateur.

 

Sur les 11 baies de deux lancettes de la chapelle de la Vierge de la Cathédrale Saint-Julien du Mans, seules 5 lancettes ont gardé leurs verres anciens, et celle de l'Arbre de Jessé est la seule à avoir conservé sa place d'origine. La baie porte le numéro 9, et la lancette est celle de droite. Celle de gauche consacrée à Adam et Ève est du XIXe siècle. La baie mesure 5,50 x 2,70 m.

Les points forts :

  • La mise en parallèle avec les Arbres de Jessé de Saint-Denis et Chartres.
  • L'inscription au dessus de Jessé que j'attribue à Hildebert de Lavardin.
  • Le choix des prophètes.
  • La stylistique.

La lancette datée ca 1235 est composée de 21 panneaux organisés en six registres principaux : elle présente la généalogie menant de Jessé à La Vierge et à Jésus par l'intermédiaire de trois rois de Juda entourés de prophètes. Pour les photographier en amateur, j'ai été  gêné par l'éclairage intérieur de la chapelle.

               arbre-de-jesse 1664c

 

 

            arbre-de-jesse 1668c     

 

 

 

                   arbre-de-jesse 1670c

 

0. Panneaux 1, 2, 3

(numérotation selon Godlevskaya) : frise d'acanthe avec l'inscription EGREDIETUR VIRGO DE RADICE JESSE ET ... : inscription incomplètement visible pour le spectateur et qui cite Isaïe 11:1. Ces trois panneaux semble modernes.

I. REGISTRE INFÉRIEUR : JESSÉ ET GUILLAUME DE MARCÉ.

Panneaux 4, 5, 6 selon Godlevskaya.

1. Panneau 4 : Le donateur Guillaume de Marcé.

  a) Inscription

Je lis GVILLI...dE MARCEI  mais selon le Corpus des inscriptions de la France médiévale CIFM page 208 il faut lire :

GVILLM

DE : MARCEIO soit Guillelmus de Marceio, Guillaume de Marcé

Le CIFM indique que la paléographie de l'inscription est en accord avec la datation ca 1235 du support notamment dans la forme du M et du D, et donne ce commentaire : "Ecriture mélangeant les formes onciales très évoluées (G, D, E, M) et les traits droits des capitales (V, L, I). Module étroit, tracé fin, ductus complexe, écriture régulière sont les principales caractéristiques  de cette inscription. Jeu important sur les pleins et les déliés ; toutes les lettres courbes sont fermés par un trait fin. Abréviation originale pour le prénom Guillelmus : le second L est barré et la finale -us peut être suspendue par une apostrophe. Trois points séparent la préposition du toponyme. Pas de décor particulier." Puis : "on ignore tout de ce personnage en dehors de ce texte."

b) description :

Il est décrit ainsi au début du XXe siècle "Il porte l'amict, la dalmatique violette, et par dessus, une étole verte en sautoir, signe du diaconat".

 Quelques parties restaurées (chaussures ; carrelage).

c) le donateur.

Le chanoine (membre du chapitre de la cathédrale) Guillaume de Marcé nous est connu par un document qui semble prouver qu'il occupait une place privilégiée aux yeux de son évêque, puisque celui-ci, Nicolas, (46e prélat du Mans de 1214 à sa mort en 1216), donna "à l'abbaye de Saint-Vincent six sols de rente pour la pictance du couvent, à la charge de célébrer tous les ans une messe à son intention et à celle de Guillaume de Marcé, chanoine". Selon A.N et E. Didron, il mourut en 1275, ce qui n'est pas vraisemblable.

D'autres renseignements sont fournis par les actes du Capitulaire de l'évêché du Mans ("Nécrologie-Obituaire de la Cathédrale du Mans", Archives historiques du Maine VII par G. Busson et A. Ledru, Le Mans 1906 en ligne) et indique que Guillaume de Marcé était chanoine du chapitre de la cathédrale en 1192 et en juillet 1213 (Nicolas futur évêque étant dans les deux cas le doyen du Chapitre ) qu'il était "procurator" du doyen en 1192 et qu'il décéda vers 1219:

—Capitulaire de l'évêché du Mans n°1000 : 6 avril 1192. lettres dans laquelle l'évêque Hamelin confirme en les reproduisant les dispositions prises par le Chapitre à l'égard des futurs chanoines. Hec sunt nomina canonicorum […] Guillelmus de Marcé, procurator decani*, tunc temporis absentis

*note : le doyen depuis 1180 était Nicolas qui devint évêque du Mans le 27 mai 1214 et mourut le 28 février 1215.

—Capitulaire de l'évêché du Mans N° 1030 : Juillet 1213 : Lettres qui constatent l'achat fait par le chapitre d'une maison de la Grand-Rue...contenant une liste des membres du chapitre dont Wilhelmus de Marcé.

— Page 253 : Chanoines dont le décès est mentionné : vers 1219 Guillelmus de Marcé.

Ces dates sont cohérentes avec celles estimées pour le vitrail, puisque le chanoine peut parfaitement avoir fait donation au Chapitre pour ce vitrail lorsque la construction de la chapelle était envisagée, peu avant son décès.

 

Guillaume de Marcé ne fut pas, vers 1235, le seul chanoine donateur de verrières : 

a) verrière 101 (1250-1260) et verrière 105 (avant 1258):  le donateur est un membre de la famille Chamaillart ou d'Anthenaise ou Vincent de Pirmil, chanoine du Mans devenu plus tard archevêque de Tours (1257-1270) ou Hamelin d’Anthenaise,

 b) La verrière centrale (baie 200) : Geoffroy de Loudun, évêque jusqu’à sa mort en août 1255 ; elle commémore la cérémonie du 24 avril 1254. 

 c)  la baie 204 (250-1275) : Gauthier de Poillé, mort en 1276, mentionné dans le martyrologe du Mans.

 

d) baie 111, ca 1255 : Guillelmus Rolandi ou Guillaume Roland, chanoine de la cathédrale entre 1256 et 1260. 

Baie 108 (milieu XIIIe) : mention de Philippus Romanus (Philippe Romain) et de Maître Robert Pelé (?) considéré comme des chanoines du Mans

2. Panneau 5 et 6 : Jessé songeur .

 

arbre-de-jesse 1670cc

      Basilique de Saint-Denis. 1144.               Cathédrale de Chartres 1150

saint-denis 9558cc  arbre-de-Jesse 6784c

 

On peut jouer au jeu des sept différences entre les Arbres de Jessé de Saint-Denis (1144), de Chartres (1150) et du Mans (1235) mais les ressemblances sont évidentes : même fond bleu ; même posture allongée pieds nus sur un lit, la tête à demi redressée par un coussin appuyé sur un dossier et le corps tourné vers la droite ; même yeux clos et même main soutenant le menton dans une pose qui dément le sommeil et affirme la réflexion songeuse ; même visage barbu de patriarche et même bonnet hébraïque ; même tronc de l'arbre naissant de l'entre-cuisse pour bourgeonner rapidement ; même lampe indiquant la pensée vigilante ;  même couverture ou manteau rouge sur les replis godronnés du drap ; mêmes éléments architecturaux rendant présente la ville de Bethléem, dont Jessé est un riche propriétaire de troupeaux ; et même jeu d'arcades délimitant le lieu du rêve prophétique.

L'inscription indique C. : CARN / ALITER ESS(E)

                           SIE : dEVS : EX : IESSE : CE(P)..

Il s'agit d'un fragment, peut-être monté sens dessous-dessus, de Sic deus ex Jessé coepit carnaliter esse citée par Bernard de Montfaucon qui signale en 1724 (Supplément... p. 51) se souvenir de l'avoir lue sur le vitrail de Jessé à Saint-Denis. A-t-il confondu avec l'Arbre du Mans ? Etait-elle aussi inscrite jadis à Saint-Denis ? C'est discutable en raison de son origine que je vais détailler. Disons auparavant que Eugène Hucher, qui a donné le calque des vitraux du Mans (1864) en a relevé le texte qu'il transcrit aussi Sic : deus : ex : Jessé : cepit : carnaliter : esse.  

Cette inscription est précieuse puisque l'interrogation du moteur de recherche n'en donne qu'une origine : Hildebert de Lavardin, évêque du Mans entre 1097 et 1125 avant d'être archevêque de Tours de 1125 à sa mort en 1133, brillant intellectuel et poète. On trouve ces vers publiés par Migne en 1854 dans sa Patrologie sous le titre Venerabilis Hildeberti Inscriptionum christianarum libellus E ms codice 117 mod. Et 164 vet. Turon. Biblioth. XII saecul. Primum editus J.J Bourassé canonico Turon. en ligne

1232 VII Virga Jessé.

Virga parit florem, licet arida, flosque saporem

Sic Deus ex jesse coepit carnaliter esse.

Trad. ? La vierge a donné une fleur, bien que sèche, fleur et saveur

ainsi Dieu a pris son origine de la chair de Jessé ??

 

  Cette constatation est intéressante puisque l'on sait  que Hildebert avait à son service pour la reconstruction de la cathédrale non seulement le moine Jean, maître-maçon prêté par Jean de Vendôme, mais aussi un vitrier (maître-verrier), le vitrarius Guillaume ; qu'il a fait réaliser des vitraux pour son palais épiscopal et peut-être pour la cathédrale (Godlevskaya) ; et que certains spécialistes ont des arguments pour penser que les vitraux les plus anciens du Mans (la fameuse Ascension) datent peut-être de son épiscopat ; et que la présence de cette citation de son œuvre sur ce vitrail contribue donc à souligner sa place en matière de verrière, ou son importance aux yeux des chanoines du chapitre manceau. 

 Plutôt que comme bâtisseur, Hildebert  est surtout réputé comme  un auteur réputé de sermons, traités de théologie, poèmes, et d’une abondante correspondance d’un très haut niveau poétique avec ses amis ecclésiastiques (Baudri de Bourgueil, Marbode de Rennes…), un véritable humaniste, amoureux des beautés du monde terrestre et de l'Antiquité, ce qui est exceptionnel avant 1100. 

Commentaire du Corpus des inscriptions (Debais, 2010) :

Au regard de l'original, on doit admettre la possibilité de nombreuses restaurations, voire de défections complètes d'inscription. Cependant, en l'absence de critique d'authenticité, on ne peut que le supposer.[...] Le E mis pur le C dans sic est peut-être lui aussi dû à une mauvaise restauration. L'hexamètre léonin riche inscrit au dessus de Jessé et qui commente l'ensemble de la verrière semble original dans sa formulation, même si son contenu, inspiré sans-doute d' Isaïe XI,1 est très répandu dans l'exégèse médiévale commentant l'incarnation du Christ. On retrouve en revange le mot carnaliter dans d'autres vers médiévaux. On ignore si la disposition du texte est originale ou due au remontage de la baie. Si elle est originale, elle pourrait correspondre à une lecture ascendante de la baie, très difficile à attester dans les traces actuellement visibles en épigraphie. 

 

 

II. DEUXIÈME REGISTRE : Roi 1, Osée et ?

Panneaux 7, 8, 9 selon M. Godlevskaya.

Un premier roi de Juda (David si l'ordre généalogique est suivi) portant sceptre et couronne prend place dans une mandorle formé par l'écartement des tiges de l'arbre, tandis que ses pieds sont posés sur l'aisselle de la tige et que sa main droite saisit un rameau blanc. Manteau jaune, robe verte ; pieds chaussés (à la différence de Jessé). La cuisse gauche jaune vif a été refaite, en remplacement d'un bouche-trou de restauration.

Il est encadré de deux prophètes :

— Panneau 7 : Osée à sa droite. (Inscription  +OSEE : PRO ).  

 —Panneau 9 :  à sa gauche (+ A/ BDIA.S+ ). 

Les prophètes sont nimbés, tête nue, et vêtus d'une robe et d'un manteau.

 

arbre-de-jesse 1670ccv

 

 

  Saint-Denis (1144)                                                          Le Mans (1150)

saint-denis 9550c       arbre-de-Jesse 6687c

 

Là encore, la disposition est la même qu'à Saint-Denis et qu'à Chartres, mais au Mans, les rois tiennent un sceptre dans la main gauche. A Chartres, les prophètes sont Ezéchiel à droite et Osée à gauche.

 

III. TROISIÈME REGISTRE : Roi 2, Amos et Nahum.

Panneaux 10, 11, 12 selon Godlevskaya.

Deuxième roi de Juda (peut-être Salomon, fils de David), de même posture et même costume que "David" (le même carton a été repris). Il est entouré de deux prophètes:

+AMOS : +   à sa droite.

— +NAHUM (ou Naum) à sa gauche. Restauration probable de l'inscription.

arbre-de-jesse 1670ccvv

 

Saint-Denis                                                            Chartres

 

saint-denis 9551c arbre-de-Jesse 6687cc

 

 

IV. QUATRIÈME REGISTRE. LA VIERGE ET ISAÏE.

Panneaux [13], 14, 15  selon Godlevskaya.

La Vierge ne se distingue des rois que par un visage féminin encadré d'un voile. Isaïe est à sa gauche et présente un phylactère où il est inscrit ISAIAS+ (sans-doute rétabli par une restauration récente). Le prophète doit cette place à ses prophéties :

Isaïe7 : 14 propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitis nomen eius Emmanuhel ou bien Isaïe 11:1 et egredietur virga de radice Iesse et flos de radice eius ascendet  : ce sont les versets qui annoncent la venue d'une vierge (virgo) descendant de Jessé (de radice Iesse)  qui concevra un fils (filium ; flos).

arbre-de-jesse 1669cv

 

 

arbre-de-jesse 1669c

 

Un panneau a été déposé et remplacé par un écran noir. Ce panneau manquant n°13 est sans-doute celui dont le site lrmh.culture.fr nous propose une photographie : mais l'inscription ne s'est pas laissée déchiffrée, d'autant qu'elle est à l'envers. ABOM  BO..AS ?? Guilhermy a omis de la relever lors de sa visite de 1866. Selon le CIFM, il faut lire, écrit à l'envers de haut en bas ARON :PROPHETAS. Aaron n'est pas un prophète, mais le premier Grand prêtre d'Israël et frère de Moïse. Il peut (épître aux hébreux) être considéré comme une figure du Christ par les sacrifices auxquels il procédait.

 

Photo panneau 13 ©LRMH J.P. Bozellec 1998 placé à coté de panneau 7 © lavieb-aile: 

 

DIA00098936.png  arbre-de-jesse 1670ccvvx

 

 

Saint-Denis (1144) : la Vierge entre deux prophètes.

saint-denis 9553c

 

Chartres (1150) : la vierge entre Zacharie et Daniel.                                        

arbre-de-Jesse 6689c

 

A propos du panneau manquant 13 .

M. Godlevskaya écrivait l'année dernière : 

  "J’ai appris au LRMH que le panneau absent, celui de la baie 9 (panneau 13 dans ma numérotation), représentant un prophète (que l’on peut voir entre autres sur le photomontage de la verrière) sortit du LRMH le 9 décembre 1998 et fut transporté par Didier Alliou (des Ateliers Avice-Vitrailfrance) au Musée de Tessé au Mans pour l’exposition « Le vitrail et le XIXe siècle : les ateliers manceaux ». Le retour était prévu, mais s’agissait-il du retour au LRMH ou à la cathédrale ? Ce n’est pas clair. Le fait est que maintenant le panneau ne se trouve ni dans un endroit ni dans l’autre. On ignore au LRMH où il se trouve, et la demande de renseignement que j’ai envoyé à la DRAC des Pays de la Loire à Nantes n’a pas donné de suite." !!!

 

V. REGISTRE SUPÉRIEUR : CHRIST ET SEPT COLOMBES DE L'ESPRIT; DEUX PROPHÈTES.

      Panneaux 16 à 21 selon M. Godlevskaya.

Le Christ assis sur l'élément sommital de l'arbre, pieds nus, bénit de la main droite et tient un livre de la main gauche.

Il a à sa droite le prophète Abias ou Zacharie ? (je lis LARIAS — Guilhermy a lu ABIAS— et le CIFM ZARIAS : interprété comme Zacharias) et à sa gauche le prophète Malachie (MALACHIAS).

Au dessus de la tête du Christ, les rameaux se divisent trois  fois en un fleuron triple, et sept colombes convergent vers ces bourgeons floraux. Chacune est inscrit dans une mandorle, de  couleur alternativement jaune  et verte. Chacune est nimbée, mais la colombe supérieure jouit d'un nimbe crucifère.

 

arbre-de-jesse 1668cv

 

Saint-Denis (1144)                                                                  Chartres (1150)

saint-denis 9554c  arbre-de-Jesse 6690cc

 

                     DESCRIPTIONS ANTÉRIEURES.

F. de Guilhermy fait état de la vitrerie de la chapelle de la Vierge  après l'orage de 1858 et avant la grande campagne de sa restauration dans les notes rédigées lors de sa visite à la cathédrale au début des années 1860:[...]

baie. Un diacre agenouillé, ainsi nommé : gvi~ll de marce . Il est vêtu d’une aube brune, à galons d’or ; écharpe verte ; robe de dessous également verte. Jessé couché sur un lit, au-dessus duquel brûle une lampe ; il se retourne pour parler au donateur ou peut-être pour mieux l’écouter. On lit ce commencement d’inscription : sic devs : ex iessa : ge . De Jessé sort un arbre qui porte deux rois sur les branches. Ces quatre premiers personnages n’ont pas de nimbes. Les deux rois sont escortés de deux prophètes. La Vierge nimbée, voilée,couronnée occupe le troisième rang de la généalogie. Au sommet, le Christ bénissant, placé entre Abias et Malachie ; au-dessus de sa tête, sept colombes nimbées, dont quatre bleues et trois blanches. La Vierge a certainement deux prophètes à ses côtés ; j’ai omis d’en prendre note. Le tympan est tout rapiécé (Guilhermy fol.96 v° 97 r°, in M. Godlevskaya 2013).

 

 

                     RESTAURATIONS

Les vitraux de la cathédrale ont subi beaucoup de réparations.

Après un ouragan des 9 et 10 novembre 1810, un orage extraordinaire les a dévastés en 1858.

 "Le 21 juin 1859, le ministre des cultes ouvre un premier crédit et la grande campagne de restauration débuta alors. Elle dura jusque vers 1900 et toucha toutes les verrières. Les travaux furent confiés aux peintres verriers Coffetier et Lusson, avec la collaboration du cartonnier Steinheil, puis plus tard de Champigneulle, le repreneur de l’atelier Coffetier, sous la direction générale de l’architecte Boeswillwald." (Godlevskaya page 234)

Eugène Hucher a publié en 1865 les calques des vitraux de la cathédrale. Leur comparaison avec les verrières actuelles permettent d'observer que des verres avaient été remplacés par des "bouche-trous", qui ont été eux-mêmes remplacés (par un verre moderne). C'est le cas, comme le décrit Maria Godlevskaya (fig. p.20), pour une partie de la robe du roi 1.  

Pour le XXe siècle, je ne dispose que d'informations générales sur les vitraux anciens qui furent démontés en 1939, mis à l'abri, photographiés puis remontés aux emplacements antérieurs de 1947 à 1955 après une révision générale, qui a comporté une partielle remise en plombs par Jean-Jacques Gruber et Max Ingrand. (M. Godlevskaya, 2013)

 

                                                 STYLISTIQUE

1. Rappel des notions générales sur le style au XIIIe siècle.

"Avec l’architecture gothique, les fenêtres s’agrandissent, la tonalité des vitraux peut donc se foncer et la palette du peintre-verrier se diversifier.
Le bleu est plus soutenu, le bleu-rouge domine dans les fonds, tandis que les couleurs se nuancent : vert-olive et vert-émeraude, rouge carmin et rouge vermillon ; le jaune est moins employé.
Les fenêtres basses, à portée de vue, racontent des épisodes (vie du Christ, vies des Saints), tandis que les fenêtres hautes, plus éloignées, présentent de grands personnages (Vierge, apôtres…).
Les premières « grandes roses » apparaissent sur les façades (N. D. de Paris, Chartres…). (Centre International du Vitrail ici)

N.b : au XIIIe siècle, on ignore encore l'usage du jaune d'argent. 

2. Une Ecole de l'Ouest ? Influence des ateliers de Chartres.

 

"On divise d’habitude les vitraux du XIIIe siècle de la cathédrale du Mans en trois «séries», celle des chapelles, celles du déambulatoire supérieur et celle des fenêtres hautes. Cette classification, tout à fait logique, est justifiée par le plan architectural, la chronologie des travaux, ainsi que par les différences du style des vitraux. Il est fort probable que les chapelles rayonnantes reçurent leur vitrage progressivement, puisque le nombre des baies était considérable, s’élevant jusqu'à sept pour certaines, cette supposition est aussi confortée par l’analyse stylistiques des pièces authentiques conservées. [...] En ce qui concerne les panneaux authentiques qui se trouvent actuellement dans les baies 9, 5, 3, 1, 0 et 6 de la chapelle de la Vierge, ceux qui se trouvent dans les baies 9, 5, 3 et 1 seraient tous fait par le même atelier, alors que la baie 0 présente un style différent ; les fragments authentiques présents dans la baie 6 ne comprennent pas de têtes de personnages et ne seront pas analysés ici pour cette raison.

   L. Grodecki considère que les panneaux des baies 9, 5 et 3 sont tous du même style et que leur exécution est « fort belle, à très petite échelle de coupe (notamment dans les mosaïques des fonds), la couleur est soutenue, assez variée, par la proportion importante des jaunes et des verts, le style de la peinture est élégant par l’allongement de certaines silhouettes, par la maigreur des visages, mais harmonieux plutôt qu’expressif. Il semble que ce sont là les caractères du « principal atelier » de la cathédrale vers 1235, différent de l’atelier qui fit le vitrail de saint Eloi [baie 24]. Il se rattache aux sources chartraines, et non pas à l’art parisien qui évolue déjà, à ce moment, vers un « maniérisme » plus accusé» (Grodecki 1961 p.79).

L. Grodecki ne se prononce pas sur le style de la baie 1, car la majeure partie de cette verrière est du XIXe siècle, mais l’étude du panneau authentique démonté de cette verrière et conservé actuellement au LRMH permet de constater que c’est le travail de l’atelier qui a fait les vitraux des baies 9, 3 et 1.

  Quant aux sources chartraines, l’opinion de L. Grodecki est clairement exprimée sur ce sujet : « Même s’il ne semble pas possible d’identifier à Chartres la présence des mêmes peintres-verriers, la filiation est plausible (aux vitraux de Charlemagne et de saint Jacques en particulier [vers 1220]). Vers 1240, cet art reste fort traditionnel, car les centres parisiens ou normands se sont déjà tournés, à ce moment, vers un style plus expéditif». C. Brisac, quant à elle, pense, « qu’il n’est pas étonnant que ce style chartrain, l’un des principaux de la cathédrale beaucerone, ait exercé une influence au Mans. La taille et le renom du chantier qui venait de s’y achever expliquent facilement cette attraction. Des artistes formés à Chartres vinrent vraisemblablement au Mans dès les années 1235 ». Tout en affirmant avec L. Grodecki, que le style des fenêtres en question reprend la tradition chartraine que l’on observe dans la verrière de Charlemagne (baie 7), elle considère que l’ordonnance de ces vitraux « combine, en effet, des traditions du début de ce siècle et des nouveautés apparaissant dans les années 1230-1240, dont certaines seront reprises à la Sainte-Chapelle du Palais à Paris. La composition où alternent des compartiments historiés d’inégale grandeur, s’enlevant sur des mosaïques bicolores à petite échelle et au décor floral encore soigné, l’utilisation de barlotières forgées à la forme des médaillons sont des formules passéistes. Les bordures et les encadrements réduits souvent à des filets lisses, sans peinture, comme la simplification des ornements végétaux des fermaillets ou « broches » réunissant les scènes entres elles, annoncent un changement en vue d’une exécution plus sommaire, que l’agrandissement des baies impose». La variété des manières que l’on observe dans les fenêtres basses de la cathédrale de Chartres, où plusieurs petits ateliers œuvrèrent en même temps, ne permet pas de parler de « sources chartraines » sans préciser les baies, voire les panneaux, précis. Ayant eu la chance heureuse d’étudier les quelques panneaux démontés provenant des fenêtres basses de la cathédrale de Chartres en décembre 2009 au LRMH, en même temps que les panneaux démontés des baies 5 (panneau 8b), 3 (panneau 9) et 1 (panneau 8) qui y étaient conservés, je peux confirmer une forte ressemblance entre ces vitraux du Mans et quelques panneaux de la baie 42 de la cathédrale de Chartres (panneaux 20, 21, verrière consacrée à l’Assomption de la Vierge) dont l’authenticité n’est pas en doute . On y voit la même forme de tête avec un grand front, le même dessin du nez et des sourcils larges et peu arqués, des yeux avec de grandes pupilles rondes tracés par le double contour qui ne se ferme pas à l’extérieur de l’œil. Comme la datation des verrières basses de la nef de la cathédrale de Chartres est discutable, variant entre 1205 et 1227, on peut avoir entre 30 et 8 ans d’écart avec les vitraux de la chapelle de la Vierge du Mans (si l’on admet la datation de 1235 pour Le Mans)." (M. Godleskaya pages 341-347 ; le surlignage est de moi)

Comparaison avec la baie 9 (lancette de gauche sans-doute) Panneau conservé au laboratoire de recherche des Monuments Historiques  de Champs-sur-Marne et photographié en 1998 par J.P. Bozellec. © LRMH Bozellec

(S'agit-il de Tobie guérissant son père de cécité ?)

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Comparaison avec le style de la baie 1 : ©LRMH Bozellec 1998. Jésus conduisant ses parents au temple.

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Exemple du style de la baie 3 : © LRMH Bozellec: Enfance du Christ.

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Exemple du style de la baie 5 : © LRMH Bozellec: Présentation de la Vierge au temple.

                             DIA00098923.png

 

 

3. Réutilisation des cartons.

  "Passons en revue les cas d’utilisation des mêmes cartons dans les vitraux du chevet du Mans en commençant par les vitraux des chapelles rayonnantes. Le seul cas que j’ai constaté provient de la baie 9, lancette droite, qui représente l’Arbre de Jessé . Ici les rois David et Salomon sont fait à l’identique en se distinguant uniquement par les couleurs des vêtements, et la majeure partie de la figure de la Vierge reprend également le même dessin. On emploi quatre cartons pour les figures des prophètes, deux pour la partie gauche (panneau 7 = panneau 13 ; panneau 10 = panneau 16) et deux pour la partie droite de la verrière (panneau 9 = panneau 18 ; panneau 12 = panneau 15). On n’utilise pas les cartons de la partie gauche à l’envers pour la partie droite et vice versa, mais on se donne la peine de créer quatre types différents, quoique ressemblants. La situation se répète à l’autre niveau (au sens figuré et propre) dans l’Arbre de Jessé du déambulatoire supérieur (lancette axiale de la baie 110)" (M. Godlevskaya 2013).

4. Couleurs. 

  Les circonstances dans lesquelles j'ai pris mes photographies ( dans la chapelle de Notre-Dame-du-Chevet abondamment éclairée par des projecteurs qui mettent en valeur l'instrumentarium des peintures murales de la voûte et leurs anges) ternissent les couleurs des verres qui ne reçoivent plus leur lumière de l'extérieur, mais de l'intérieur (sauf sans-doute à certaines heures d'un beau soleil). Alibi d'un amateur, certes. Mes images se prêtent mal à une analyse des couleurs du vitrail.

  Mais il est néanmoins évident qu'il est composé autour de l'opposition/complémentarité du bleu et du rouge : le bleu sert de fond aux mandorles qui se détachent elles-même sur fond  rouge ; les demi-médaillons latéraux au fond bleu, cerclé de rouge et de perles blanches reposent sur un arrière-plan de carreaux...rouges et bleus.

  Ces teintes principales étant mises en place, le vitriarus ne dispose plus, pour les accessoires et décors et pour les vêtements, que des autres couleurs : blanc des visages et des tiges de l'Arbre ; jaune des nimbes, des inscriptions ; vert des feuilles ; blanc, vert et jaune des robes, verres auxquels s'ajoute le vieux rose. Pour les vêtements, l'artiste n'utilise que les duos rose pourpre et vert d'une part (six personnages dont la Vierge et le Christ), jaune et vert d'autre part (trois personnages dont "David"), rose et blanc (deux prophètes) blanc et bleu (un) et blanc et jaune (un) enfin. Aucune couleur n'est utilisée à visée dévalorisante, mais le sujet ne s'y prête pas. Les valeurs pourpre ou vieux rose du donateur, de Jessé, de la Vierge, du Christ et de cinq prophètes apparaissent dotées de qualités  d'élévation spirituelle, alors que le vert, couleur des feuilles de l'arbre, porte les valeurs de croissance vitale. Le duo vert et rose pourpre pourrait se traduire par : "Force vitale de l'Esprit", cette force qui, sous la métaphore de la transmission généalogique de la vie organique, chemine dans le plan divin de Jessé jusqu'au Christ.

N.b : je remarque que M. Godlevskaya qualifie de "rouge" la couleur que je nomme faute de mieux "vieux rose" et qui varie du pourpre assez foncé au lie-de-vin. La différence est pourtant importante, car le verre rouge est toujours plaqué (mince verre rouge sur du verre incolore). Elle remarque la fréquence avec laquelle la Vierge est vêtue de "rouge" et vert, dans plus de 15 panneaux du XIIIe siècle au Mans, dont l'Arbre de Jessé de la baie 9 (p. 394). Il me semble pourtant que la couleur rosâtre de la robe du panneau 14 est bien différente du rouge franc du fond du panneau. Une part de la subtilité de l'analyse des couleurs dépend de ce "détail".

   En dehors de son emploi pour les fonds, le rouge crève l'écran par son emploi isolé pour le bonnet de Jessé, et cet exception mériterait qu'on s'y arrête ; le bonnet était vert à saint-Denis et jaune à Chartres. Placé sur la tête du songeur, cette couleur souligne sa puissance cérébrale et la force de sa vision. On peut y voir aussi, comme la langue de feu de la Pentecôte, le signe de l'élection divine.

   Puis-je prétendre, avec ces images, sans compétence technique, sans connaissance approfondie des verres authentiques, parler de l'emploi de la grisaille ? Non, mais je rends ma copie de débutant pour constater qu'elle est surtout utilisée en longs traits fins pour les plis des vêtements et les veinures des feuilles, les chevelures, ou en traits courts pour les visages. 

 

 

 

Sources et liens.

https://archive.org/stream/lacathdraleduman00fleu#page/64/mode/2up

 

Monographie de 1923 numérisée sans nom d'auteur  page 78 

BOUTTIER (Michel) 1999

BOUTTIER (Michel) (2000)

DEBIAIS (Vincent) 2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale volume 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe, (région Pays de la Loire) CNRS éditions : Paris 274 pp : texte page 206-207.

— DIDRON  (Adolphe Napoléon et Edouard) 1853  Annales archéologiques vol.13 page 357

DIEUDONNÉ ( Adolphe) Hildebert de Lavardin évêque du Mans, archévêque de Tours page 62-63 https://archive.org/stream/hildebertdelava01dieugoog#page/n79/mode/2up/search/guillaume

FLEURY (Gabriel) page 74 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6105792n/f79.image.r=jess%C3%A9.langFR

 — GATOUILLAT (Françoise),    2003, "Les vitraux du bras nord du transept de la cathédrale du Mans et les relations franco-anglaises à la fin de la guerre de Cent Ans"  Bulletin Monumental  Volume 161 pp. 307-324

 — GODLEVSKAYA (Maria) 2013  Les vitraux du XIIIe siècle de la cathédrale du Mans, aspects iconographiques et stylistiques. Thèse de doctorat Poitiers en ligne       http://www.academia.edu/4008810/these

_Les_vitraux_du_XIIIe_siecle_de_la_cathedrale_du_Mans._Aspects_iconographiques_

et_stylistiques_

— GRODECKI (Louis) 1961 in Congrès archéologique de France

GUILHERMY (Ferdinand François, Baron de) « Vitraux du Mans », Localités de France (1844), Bibliothèque nationale de France, Nouvelles acquisitions françaises 6103, folio 92 recto – 99 verso. [notes manuscrites] transcrites in Godlevskaya 2013.

 —GUYARD DE LA FOSSE , 1837 Histoire des évêques du Mans page 210 (mentionne Guillaume de Marcé)

HUCHER (Eugène) LAUNAY (Abbé Alexis René) 1864 Calques des vitraux peints de la cathédrale du Mans... par M. Eugène Hucher et l'abbé Launay. Introduction historique école primitive de peinture sur verre au Mans, par l'abbé Lottin Didron : Paris 42 pages Gr. in fol. Planche 26. (non consulté)

LEDRU (Abbé Ambroise) 1907 Cathédrale du Mans, p. 264.

— LEDRU (Abbé Ambroise) "Nécrologie-Obituaire de la Cathédrale du Mans", Archives historiques du Maine VII par G. Busson et A. Ledru, Le Mans 1906 en ligne

LILLICH (Meredith Parsons), 1994 The Armor of Light. Stained Glass in Western

France, 1250-1325, Berkeley, Los Angeles, Oxford, 1994.

LILLICH Meredith Parsons, 1973  “Three Essays on French Thirteenth Century

Grisaille Glass”, Journal of Glass Studies, Vol. 15, 1973, p. 69-78.

LILLICH (Meredith Parsons), 2001 Studies in Medieval Stained Glass and Monasticism, Londres, 2001.

LILLICH (Meredith Parsons), 2011 The Gothic Stained Glass of Reims Cathedral, University Park Pennsylvania, 2011.

PIOLIN (Paul) Histoire de l'église du Mans volume 4  en ligne : sur Guillaume de Marcé page 225, 262, et 431.

— Avant-propos de GRODECKI (Louis) 1981 Vitraux du Centre et du Pays de la Loire Corpus Vitrearum Recensement II CNRS : Paris 336 pages, 287 ill. in-4°

— Monographie des abbés Marquet (s.d) Pichon (1876), Voisin (1866)

 — WATLING Stuart http://www.medievalart.org.uk/LeMans/LeMans_default.htm

 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier
13 mai 2014 2 13 /05 /mai /2014 18:03

    Les 28 stalles du XVIe siècle de la Vie de Jésus, dans la sacristie de la cathédrale Saint-Julien du Mans.

 

   La cathédrale possédait au XVIe siècle 96 stalles, réparties en deux ensemble de 48 de chaque coté du chœur tandis que les bancs des enfants de chœur  étaient placés au fond, contre le jubé. En 1562, la cathédrale est mise à sac par les Huguenots qui s'en prennent au jubé, détruisent les  tombeaux, les statues, les autels, les sculptures, les vitraux, les stalles, les reliquaires, les orgues, le sépulcre du Christ, et à l'extérieur du monument, les statues des galeries du chœur, de la nef et de la grosse tour. Les chanoines décident rapidement la réfection des stalles et dès 1563, les moines de la Couture, puis, en 1571, ceux de Saint Vincent, offrirent du bois pour leur confection. Le travail fut terminé en 1576. Mais elles furent mutilées plus tard sous l'évêque Grimaldi en 1768, puis recouvertes en 1830 d'une couche de peinture jaune sous l'évêque Carron. Enfin en 1855, sous l'épiscopat de Mgr Nanquette, les dossiers de ces stalles furent définitivement démontés et 28 d'entre eux furent dressés sur les murs intérieurs de la sacristie, incorporés dans un meuble en menuiserie : il ne restait que 69 stalles y compris d'autres qui furent placées dans le déambulatoire, et on en décrit actuellement 50 au total. Leurs scènes représentent la vie du Christ, avec quelques allégories s'insérant dans les motifs de décoration, et portent les dates de 1575 et de 1576. 

 Leur intérêt repose sur :

  • l'admiration suscité par ce travail de sculpture en chêne.
  • L'éventail des motifs baroques d'ornemanistes en registre inférieur.
  • le document iconographique que ce corpus représente, à étudier pour recherche leurs sources (gravures) et leur comparaison avec d'autres supports, notamment pour moi les Passions des verrières.
  • les circonstances de leur création après le saccage par les protestants, afin d'y déceler un argumentaire lié à la Contre-Réforme (comme s'y est consacrée Laurence Riviale pour les vitraux de Normandie).

   Enfin, je rappellerai que la cathédrale de Saint-Claude dans le Jura possédait un ensemble très précieux de stalles du XVe siècle : lorsqu'un incendie le détruisit en grande partie, les chercheurs découvrirent que ce chef d'œuvre souvent célébré n'avait jamais fait l'objet de description détaillée ou d'étude approfondie. Au Mans, ces panneaux sont si disponibles aux visiteurs que je n'ai trouvé en ligne aucune étude critique récente (bien que je ne doute pas, comme on n'en doutait pas non plus à Saint-Claude,  que des travaux confidentiels soient déposés dans les services ad hoc) : n'attendons pas qu'il soit trop tard.

  C'est ici un travail de touriste, avec les photographies prises lors d'une rapide visite à midi sur ma route vers Chartres,  lors de laquelle j'ai été surpris par la qualité de ce que je découvrais, mais où les panneaux étaient peu accessibles pour certains, à contre-jour ou dans la pénombre pour d'autres : j'ai fait ce que j'ai pu, en passant. D'autres viendront j'espère pour mieux faire.

Je débute par le panneau daté 1576.

42. Noli me tangere : Jésus  apparaissant après sa résurrection  sous la forme d'un jardinier à Marie-Madeleine. 

  Chaque dossier est encadré par une architecture à arcature en plein cintre soutenu par deux colonnes. Deux figures (ici, deux têtes d'anges) occupent les coins supérieurs. Sous cette architecture, le panneau se divise en deux parties, l'une historiée selon les différents épisodes de la Vie de Jésus et l'autre décorative, qui réalise une console où s'appuie la scène.

a) Scène historiée. 

Jean, 20:11-18

                        stalles 1595c

   Ici comme dans d'autres exemples, plusieurs temps du récit trouvent place dans des registres ou des zones différentes. Jésus coiffé d'un chapeau de jardinier, mais nimbé, vêtu d'une robe ceinte à la taille, tenant une bêche à manche en T, tend la main (qui porte les stigmates de la crucifixion) vers Marie-Madeleine qui recule sous l'effet de la surprise ou de l'effroi. Elle est tombée à genoux, a lâché le flacon d'aromates, et semble pousser un cri d'exclamation. Toujours élégante, elle porte une robe dont la ceinture est centrée par une broche, une chemise au col ruché et un chaperon à longs rubans. Ce mouvement des deux personnages illustre mal le Noli me tangere, "Ne me touches pas" Jn 20:17 du Christ qui supposerait un élan inverse.

Au dessus, deux anges les regardent depuis l'ouverture de  la grotte qu'ils gardent. Au loin, le Golgotha ou Mont du Crâne, et ses trois croix.

b) motif décoratif.

Rubans dont les entrelacs savants dégagent trois orbes, recevant des fruits et, au centre, un triangle avec la date : 1576.

La date de 1576 :

  • 14 ans après la prise de la ville par les calvinistes et le saccage de la cathédrale (1562) et 4 ans après le Massacre de la Saint-Barthélémy (24 août 1572).
  •  En décembre 1575, Jean Casimir, fils du comte palatin, pénètre avec 25.000 hommes dans l'est du royaume qu'il dévaste. En 1576, la fuite du roi de Navarre assigné à la cour depuis quatre ans, l'encerclement de Paris par les troupes coalisées et leur supériorité numérique contraignent Henri III à s'incliner. La paix est signée à Etigny.

       Le 6 mai 1576, le roi accorde l'édit de Beaulieu qui répond favorablement aux revendications des Malcontents de François d'Alençon. Il accorde aux protestants la liberté de culte et des places de sûreté (garanties militaires). Il crée dans les parlements des chambres mi-parties où les protestants et les catholiques sont représentés à parts égales. Le roi indemnise également toutes les victimes de la Saint-Barthélémy.
  • Le roi est Henri III (1574-1589).
  • Épiscopat du cardinal Charles d'Angennes de Rambouillet, de 1556 à 1587.  "Charles d'Angennes est le deuxième fils de Jacques d'Angennes (m. 1562), seigneur de Rambouillet, gouverneur du Dauphiné, et le frère de Nicolas d'Angennes seigneur de Rambouillet. Il est élu évêque du Mans en 1556, mais ne prend possession de son diocèse qu'en 1560. Pendant son épiscopat, Le Mans est attaqué par les calvinistes et la cathédrale Saint-Julien est gravement vandalisée. Il est ambassadeur du roi Charles IX auprès de Pie V et ambassadeur de la France au Saint-Siège à partir de 1558. D'Angennes participe au concile de Trente à partir de 1562. Le pape Pie V le crée cardinal lors du consistoire du 17 mai 1570. Le cardinal d'Angennes participe au conclave de 1572, lors duquel Grégoire XIII est élu pape, et de 1585 (élection de Sixte V)". (Wikipédia)
  • Pontificat de Pie V.
  • Fin de la 5ème guerre de religion (1574-1576).
  • Le Concile de Trente a eu lieu de 1542 à 1563.

 

 

                             stalles 1566c

Je poursuis ma visite en me déplaçant dans la sacristie de la gauche vers la droite, (c'est à dire pour l'instant vers la sortie) : les scènes vont décrire la période qui suit la Résurrection et où le Christ se manifeste à ses disciples.

 


43. Les disciples d'Emmaüs.

a) Scène historiée.

Luc 24:13-35 

 Il faut, pour les catholiques, voir dans cet épisode évangélique une preuve de l'institution de l'Eucharistie non seulement comme sacrement (ce que les protestants reconnaissent), mais comme une célébration qui n'est pas qu'une commémoration, mais la transformation des espèces (pain et vin) en corps et sang du Christ selon le dogme de la transsubstantiation ( que les protestants ne reconnaît pas).

                    stalles 1596c

 

Deux pèlerins (bâton de marche dont l'un est un bourdon avec sa calebasse qui sert de gourde ; chapeau proche d'un bonnet à glands ; pèlerine ; besace) dont l'un se nomme Cléopas marchent avec le Christ qu'ils ne reconnaissent pas encore ; ils ne l'identifient que dans la scène supérieure où, arrivés dans l'auberge, il rompt le pain.

Luc 24:30 :et factum est dum recumberet cum illis accepit panem et benedixit ac fregit et porrigebat illis  Luc 24:35 et quomodo cognoverunt eum in fractione panis. "Pendant qu'il était à table avec eux, il prit le pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna.[...] comment ils l'avaient reconnu au moment où il rompit le pain"

Ce geste illustré dans la lunette est très important pour l'Église puisque le premier nom de la messe pour les chrétiens des catacombes  a été fractio panis "fraction du pain" (en grec klasis tou artou) qui est fractio Verbi, "partage de la Parole" et fractio Vitae, "partage de la Vie". Ce geste est une fracture tout autant qu'une fraction, et rappelle que la brisure du pain  est le préalable à son partage tout comme le sacrifice du Christ et sa mort est la condition de l'Eucharistie. 

b) motif décoratif.

Ce motif est ici remplacé, et seulement ici, par une autre scène historiée qui est une caricature violente d'un office de l'Église réformée. Vingt-deux personnages des deux sexes sont réunis, mais six démons sont aussi avec eux et leurs tendent des liens. Au centre, sous une colonne et sur un piédestal, leur chef mène la danse de sa baguette.

La traduction de la Bible en français était alors condamnable pour l'église et considérée comme une vulgarisation coupable ; a fortiori l'accès des laïcs à la lecture des textes saints, et, comble de forfaiture, par une femme est ici dénoncé.

 

 

 

Calvinisme au Mans et prise de la ville en 1562 (voir mes sources infra)

      Les premiers prédicateurs du calvinisme, dans le Maine furent Henri Salvert, qui y vint de Tours en 1559, et Merlin, de La Rochelle, un des disciples de Théodore de Bèze. Près du Mans, Mamers devint bientôt l'un des plus ardents foyers du protestantisme dans cette contrée.  La première communauté de l'église réformée selon l'Évangile  du Mans fut établie en 1561 et organisée par Pierre Merlin. On y trouve outre le pasteur, dix anciens et deux diacres beaucoup d'artisans, mais aussi des gentilshommes (près d'un huitième de la noblesse) et surtout une majorité de magistrats et d'officiers.

Le refus du Parlement de Paris d'enregistrer l'édit de tolérance ou paix de Saint-Germain signé le 17 janvier 1562 autorisant la pratique limitée du culte réformé afin d'apaiser les tensions entre les deux partis, et le massacre de Wassy par les catholiques du duc de Guise au mois de mars font échouer la politique de conciliation voulut par la régente Catherine de Médicis.  Partout en France les huguenots prennent les armes.

Le 3 avril 1562, conformément à la politique du chef du parti huguenot, le prince de Condé, les protestants du Mans prennent pacifiquement le contrôle de leur ville avec l’intention déclarée de défendre le roi contre les menées des factieux catholiques. La prise de la cité se fait sans coups férir avec l'appui des troupes de Bellesme et de Mamers. En l'absence du connétable, les chefs calvinistes s'emparent des clés de la ville et ferment les portes. Immédiatement des patrouilles se forment pour éviter tout désordre et crime.

   L'évêque Charles d'Angennes prend  la fuite en emportant une partie du trésor de la cathédrale, trésor qu'on ne retrouva jamais, et se réfugia dans son château de Touvoye. Les nouveaux chefs de la cité envoient alors un député à la reine pour lui expliquer qu'ils n'avaient agi que pour se soumettre au roi contre les menées des Guises. Mais entre temps le Parlement de Paris a déclaré les huguenots criminels de lèse-majesté, autorisant par là leur poursuite et mise à mort.
C'est à partir de ce moment que les événements dégénèrent au Mans et dans sa région. Dans la ville même la foule s'en prit aux riches couvents des Jacobins et des Cordeliers qui furent pillés et brûlés . Le 7 mai la cathédrale Saint-Julien fut à son tour mise à sac, les images profanées, les tombeaux des comtes et des évêques brisés.
Sortant de la ville les pilleurs se répandirent dans les villages alentours, affrontant quelques paysans qui s'opposaient à eux.  D'après les chroniqueurs de l'époque, les protestants firent alors régner la terreur, opprimant les catholiques,en représailles des ordres donnés par les Guises d'exterminer tout protestant dans les villes du Maine. L'un des chefs calvinistes le plus redouté était René de Rouvraye, sire de Bressault surnommé "ce diable de Bressault" qui terrorisa le Maine et l'Anjou de 1562 à 1572 date de son arrestation et exécution à Angers. S'en prenant essentiellement aux biens ecclésiastiques il pilla à la tête d'une troupe de brigands les églises et les couvents,  torturait les religieux , et portait en baudrier leurs oreilles coupées.
En 1562 il prit part au pillage de la cathédrale Saint-Julien du Mans avant de s'enfuir vers la Normandie lors de la reprise de la ville par les catholiques en juillet.  

Les objectifs de ces méfaits sont divers : financement de la guerre, enrichissement personnel mais aussi purification religieuse et pratique du  "vandalisme pédagogique" consistant à détruire les images et les croix pour faire remarquer que Dieu reste muet devant ce que les catholiques considèrent comme un sacrilège. Les destructions nombreuses d’images et d’objets sacrés s’inscrivent en effet dans une vague d’iconoclasme qui touche tout le pays, cet acharnement populaire traduisant à sa manière la condamnation calviniste des images et des reliques porteuses de pratiques superstitieuses. 

Cette situation se maintiendra jusqu’au 11 juillet, date à laquelle la ville est abandonnée, délivrance qui fut attribué à un miracle de sainte Scholastique, patronne de la ville fêtée ce jour-là.

On ne s'étonnera pas de voir de nombreux membres de cette assemblée coiffés du bonnet carré (mortier) des magistrats, lorsqu'on lira la liste des personnes qui prirent le contrôle de la ville :  le lieutenant particulier du sénéchal, Jehan de Vignolles et Marie Mestayer sa femme ; le juge magistral criminel du siège présidial, maître Thibault Bouju et Marie Trouillart, sa femme ; la plupart des gens du roi ; des gardes des remembrances ; un grand nombre des membres du corps de ville, quatre conseillers magistrats, des procureurs du roi et des avocats du roi au siège présidial, le prévôt des marchands, le contrôleur du grenier à sel, et autres personnes nantis du pouvoir.

Le Présidial du Mans, ou Tribunal de justice venait d'être institué, comme 60 autres en 1551 par Henri II ; il comprenait un Président, un Lieutenant-Général, un Lieutenant criminel : juge des affaires criminelles, un Lieutenant particulier assesseur criminel, un Chancelier ; des Conseillers (juges), des  contrôleurs, secrétaires, etc...

Sur Jean de Vignolles : voir Hôtel de Vignolles au Mans.



stalles 1620c

 

 

44. Jésus se manifeste au dix apôtres. 

a) scène historiéeJean,20:19:23

  Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu'ils avaient des Juifs, Jésus vint, se présenta au milieu d'eux, et leur dit: La paix soit avec vous! Et quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent dans la joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau: "La paix soit avec vous! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie." Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit: "Recevez le Saint Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus."

Ce texte est un argument pour la validité du sacrement de Pénitence (la Confession), alors que la confession n'est pas retenu comme un sacrement par les calvinistes. (Pour Luther, l'Eglise, par le ministère des clefs, elle a le pouvoir de pardonner les péchés.) 

b) motif décoratif :

coquille Saint-Jacques, fruits, gousse de pois, draperies.

                        stalles-2-1569c.jpg

 

 

45. Incrédulité de saint Thomas.

a) scène historiéeJean 20:24-29

Le Christ ressuscité apparaît aux onze apôtres : 

 

Huit jours après, les disciples de Jésus étaient de nouveau dans la maison, et Thomas se trouvait avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées, se présenta au milieu d'eux, et dit: La paix soit avec vous! Puis il dit à Thomas: "Avance ici ton doigt, et regarde mes mains; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté; et ne sois pas incrédule, mais crois". Thomas lui répondit: "Mon Seigneur et mon Dieu!" Jésus lui dit: "Parce que tu m'as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru!"

  Thomas, dont le nom signifie "jumeau" en araméen, est, dans le Credo apostolique, associé au cinquième article "Il est descendu aux enfers ; le troisième jour il est ressuscité des morts" : s'il représente communément l'incrédulité (comme disent les bretons Thomas na gredas, na welas, "Thomas ne croit pas s'il ne voit pas"), il est aussi le témoin clef de la Résurrection.

b) motif décoratif : masques et fruits.

                              stalles 1598c

 

 

46. La pêche miraculeuse    

a) scène historiée Jean 21:1-14.

Une pêche miraculeuse racontée en Luc 5:1-11 survient avant la résurrection, mais ce panneau, placé dans cet ordre, fait référence au récit de Jean et au miracle survenu après la résurrection. Il s'agit encore (cf Emmaüs) d'une référence à l'Eucharistie. Mais, selon l'homélie 24 de Grégoire le Grand, c'est aussi une métaphore décrivant les apôtres appelés à devenir pêcheurs d'hommes. C'est encore là que Jésus dit à Pierre "pais mes agneaux" (pasce agnos meos ; en grec : "mes petits agneaux") puis "pais mes brebis" (pasce oves meas), en le désignant ainsi comme le berger des fidèles. Ce terme pastoral est repris par Pierre dans sa première épître : 1 Pierre 5.2 "Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde, non par contrainte, mais volontairement, selon Dieu; non pour un gain sordide, mais avec dévouement".

 On peut y voir la confirmation de l'apostolat de Pierre et l'institution du pouvoir temporel et spirituel de Rome, que conteste les protestants.

 Selon le texte, le filet des apôtres ramena à terre 153 poissons. Pourquoi ce nombre ? Saint Augustin dans sa glose remarqua que c'était la somme des nombres entiers jusqu'à 17 (Traité de l'évangile de saint Jean,  Migne, Patrologie Latine, tome 35, col.1963-1964 ). Or 17 est le nombre de peuples cités dans les Actes des Apôtres 2,1-11 dans le récit de la Pentecôte comme étant "toutes les nations qui sont sous le ciel" : dans cette interprétation, 153 correspond à "la multitude des chrétiens", c'est donc l'effectif du cheptel confié à Pierre. 

 Peu de détails remarquables sur la stalle elle-même ; Jean est debout devant Jésus et tient un poisson alors que Pierre est à genoux pour trier le filet, devant un grill où cuisent les poissons. La forme des embarcations, très creuses avec un château-avant défendu par des créneaux évoque les carvelles médiévales plutôt que des barques galiléennes...

b) motif décoratif :

carré central entre deux oiseaux fantasques.

 

                           stalles 1600c


 


 

 

 

47. Remise des clefs à Saint Pierre.

  a) scène historiée.

    Nous poursuivons l'évangile de Jean Jn 21:15-17

 Dans le contexte de la Contre-Réforme, ce panneau souligne comme le précédent que l'Église Apostolique et Romaine trouve le récit de son institution dans l'évangile.

b) Motif décoratif.

non photographié...

 


                       stalles 1601c

 

 

 

    48. Ascension.

a) scène historiée.

Actes des Apôtres 1:6-10.

b) Motif décoratif :

Masque cornu, têtes animales

                        stalles 1602c

 

 

49. Pentecôte.

a) Scène historiée.

Actes des Apôtres 2:1-12

Douze apôtres, la Vierge et deux saintes femmes.

b) Motif décoratif.

Comme les deux dates de 1575 et 1576, ce panneau donne une référence historique puisqu'il consiste en un monogramme H couronné. En 1576, l'épisode des guerres de religion reçut le nom de guerre des trois Henri : Henri III , roi de France, chef des royalistes ou politiques; Henri de Navarre chef des protestants; Henri 1er duc de Guise, chef des ligueurs. L'évêque du Mans étant fidèle au roi, il s'agit ici de la marque du roi Henri III.


                   stalles-2 1604c

 

On peut voir le dernier panneau n° 50   dans le chœur : c'est le dossier de l'ancienne cathèdre .

 Fin du cycle de la Vie de Jésus.

 

Le début du cycle est visible dans  le déambulatoire sud (dossiers 1 à 14) et dans le  déambulatoire nord (dossiers 15 à 20. Dans la sacristie, la série se poursuit par le n°21 :

 

Reprise du cycle de la Vie de Jésus dans la sacristie : 


     21. Jésus marchant sur les flots

a) scène historiée : 

Matthieu 14:22-33.

b) motif décoratif.

Ove entre deux oiseaux.

                            stalles 1607c

 

22. Transfiguration.

a) scène historiée.

Matthieu 17:1-8

b) motif décoratif.

"corbeille", fruits, gousses de pois, ...

               stalles-2 1606c

 

 


23. Guérison des dix lépreux

a) scène historiée.

Luc 17:12-19

Partie centrale : les dix lépreux, visage dissimulé par un foulard, et portant à la ceinture deux accessoires, peut-être un gobelet, et une sorte d'étole.

Lunette : parmi les dix lépreux guéris, un seul vient rendre grâce.

b) Motif décoratif. 


                       stalles 1611c

 

 

24. Le Christ et les petits enfants.

a) scène historiée.

Marc 10:13-16. 

Marc 10:46-52.

Dans la lunette : Guérison de Bartimée, mendiant aveugle (?).

b) motif décoratif.

Visage féminin couvert d'une guimpe.

                            stalles 1612c

 

 

 

25. Résurrection de Lazare

a) scène historiée.

Jean 11:32-44 

  A Béthanie, Jésus ressuscite Lazare pourtant enseveli depuis quatre jours, pour la plus grande joie de ses sœurs Marthe et Marie (Madeleine), alors qu'un assistant se pince le nez. C'est l'apôtre Pierre (reconnaissable à son toupet sur une calvitie fronto-pariétale élargie) qui se penche sur le tombeau; Comme d'habitude, Marthe fait sa prude sous sa guimpe tandis que Marie-Madeleine, qui a choisi la meilleure place très près de Jésus, fait la belle avec sa chemise au col ruché et sa coiffure élaborée. En haut, trois pharisiens regardent cela d'un air désapprobateur. 

b) motif décoratif.

Ove présenté par deux anges ; masque et fruits.

                           stalles 1614c

 

 

 26. Entrée à Jérusalem. Datation de 1575.

a) scène historiée.

Matthieu 21:1-11.

Comme d'habitude, cette Entrée triomphale à Jérusalem de Jésus monté sur un ânon est associée au récit de Zachée sur son sycomore Luc 19:1-10.

Cette scène est traitée de façon identique sur de multiples enluminures et gravures. 

b) motif décoratif.

cuir en médaillon (fleur de lys) tenu par deux anges ; draperies à franges. date 1575.


                               stalles-2 1570c

                                stalles-2 1616c

 

  27. Vendeurs chassé du Temple.

a) scène historiée.

Jean 2:14-22

b) motif décoratif.

Masque et griffons.

 

                               stalles-2 1571c

                      stalles-2 1618c

 


28. Guérison de l' aveugle-né ; fontaine de Siloé.

a) scène historiée

Jean 9:1-12 Partie centrale, Jésus guérit l'aveugle-né en appliquant sur ses yeux un mélange de boue et de salive. Au dessus : Jean 9:7, l'aveugle se rince au réservoir de Siloé, et y voit clair. Dans la lunette : les pharisiens reprochent à Jésus sa guérison un jour de sabbat Jean 9:35-38.

b) motif décoratif.

Médaillon : serpent autour d'une flèche.

                                        stalles-2 1572c

 

 

29. La Cène : Communion de Judas.

 

a) scène historiée : la Cène.

Jean 13:21-30

Elle adopte la disposition où la table est parallèle au bord du panneau, le Christ et huit apôtres étant placés d'un coté, deux autres apôtres en bord de table, et deux autres enfin du coté du spectateur.  

C'est l'illustration d'un passage de l'évangile de Jean, dans lequel Jésus tend une bouchée à Judas, le désignant ainsi comme celui qui va le trahir. On nomme parfois ce passage Communion de Judas, ce qui ouvre des discussions soit sur le caractère possiblement profanateur de cette communion ( mais l'Eucharistie n'est vraiment instituée que par la Passion), soit sur le libre-arbitre de Judas qui répond à un don et un partage de nourriture par la trahison.

 

Jean 13:21. Après avoir dit cela, Jésus fut troublé intérieurement et il déclara solennellement: "Oui, vraiment, je vous l'assure: l'un de vous me trahira".

22 Les disciples, déconcertés, se regardaient les uns les autres; ils se demandaient de qui il pouvait bien parler.

23 L'un d'entre eux, le disciple que Jésus aimait, se trouvait à table juste à côté de Jésus.

24 Simon Pierre lui fit signe de demander à Jésus de qui il parlait.

25 Et ce disciple, se penchant aussitôt vers Jésus, lui demanda:
    "Seigneur, de qui s'agit-il?"

26 Et Jésus lui répondit: "Je vais tremper ce morceau de pain dans le plat. Celui à qui je le donnerai, c'est lui."
Là-dessus, Jésus prit le morceau qu'il avait trempé et le donna à Judas, fils de Simon Iscariot.

27 Dès que Judas eut reçu ce morceau de pain, Satan entra en lui.
Alors Jésus lui dit: "Ce que tu fais, fais-le vite".

28 Aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi il lui disait cela.

29 Comme Judas gérait la bourse commune, quelques-uns supposèrent que Jésus le chargeait d'acheter ce qu'il leur fallait pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres.

 30 Dès que Judas eut pris le morceau de pain, il se hâta de sortir. Il faisait nuit.

  Par cette mise en évidence du libre-arbitre du disciple Judas, ce panneau peut s'inscrire dans les réflexions théologiques de la Contre-Réforme s'opposant aux thèses calvinistes de la prédestination.

 Ce choix entre les deux voies du Bien et du Mal peut trouver son illustration dans les deux apôtres situées du coté du spectateur, Judas le traître, et l'autre, dont le nom importe peu, mais qui reste fidèle.

La bouchée est ronde comme une hostie, mais elle a été prélevée dans le plat qui, au centre, contient l'agneau pascal. Un couteau, sur la table, symbolise la trahison, mais il est d'habitude placé près de Judas. Enfin le chien qui ronge quelque reste de repas peut renvoyer à Judas et à sa vile conduite, mais le plus souvent c'est un chat animal lié à Satan) qui est représenté.

 

Parmi les apôtres on identifie Jean endormi devant Jésus et Pierre qui tient son glaive. En arrière-plan, les murailles de Jérusalem.

b) motif décoratif.

Tête d'angelot, entrelacs, fruits, gousse de pois.

                                 stalles 1573c

 

 

                          stalles 1578c

 

30. Lavement des pieds.

a) scène historiée

Jean 13:1-9 et Jn 9:12-15.

b) motif décoratif.


                          stalles-2 1580c

 

 

31. Comparution devant Caïphe.

a) scène historiée.

Matthieu 26:57-66. Le "souverain sacrificateur Caïphe" (au bonnet ostensiblement hébraïque et ridicule) entend les deux témoins, dont le premier commente sur ses doigts le chiffre trois ( Jésus a dit qu'il rebâtirai le temple en trois jours). Cinq soldats amènent le prisonnier et le malmènent.

Dans la lunette : Caïphe déchire ses vêtements alors que ses gardes se livrent à une scène d'outrages. 

b) motif décoratif.

?

                     stalles-2 1581c

 

32. Comparution devant Pilate.

Pendaison de Judas ; Pleurs de Pierre.

a) scène historiée

— Scène principale Luc 23:1-4  Six soldats romains (dont l'armure damasquinée est soigneusement rendue) conduisent Jésus devant Pilate. 

Le petit chien qui dort sur sa corbeille m'intéresse puisque je l'ai déjà observé sur les Passions des maîtresses-vitres du Finistère et que j'en ai recherché les origines dans les gravures de Dürer ou de Schongauer, toujours associé à Pilate (mais, jusqu'à présent, hargneux et aboyant). Le vitrail de la Passion (Maîtresse-vitre) de l'église St-Thurien de Plogonnec (29).  J'ajoute au dossier "Chien de Pilate" d'autres références, celles de gravures de Wenceslas d'Olmütz (v.1496) ou Michel Wohlgemuth (monogramme W), inventeur de la gravure à l'eau forte : celle où Pilate est accompagné, au Prétoire, de deux chiens, et celle, qui suit la précédente, où Jésus est présenté au peuple par Pilate tandis qu'un chien montre ses dents. ici. En fait, ces gravures, comme celles de Jean de Culmbach (même référence p.383) ou d'autres d'un graveur inconnu, sont des copies de celles de la Passion de Schongauer avec un chien sur l'Ecce Homo (Unterlinden, Colmar) et deux chiens sur la Comparution. Dans cette série, le grand-prêtre est accompagné aussi par un chien.

  martin_schongauer_christ_before_pilate_f

— Dans la lunette : La pendaison de Judas (Matthieu 27:5) et les pleurs de saint Pierre au troisième chant du coq (Luc 22:62).

b) motif décoratif.

Cuir à masque central, léonin, et têtes à oreilles pointues. 

                    stalles 1627c

 


33. La Flagellation.

a) scène historiée

— scène principale : Luc 23:6-12. Jésus est attaché à la colonne de flagellation et fouetté à l'aide de deux sortes d'instruments : le flagrum " fouet à manche court portant plusieurs lanières épaisses et larges (généralement 2, parfois 3), munies à quelque distance de leur extrémité de balles de plomb ou d’os de mouton (flagrum talis tessellatum)" ou le flagellum , verges ou fouet à plusieurs cordes entortillées et nouées (ici), et un autre instrument qui ressemble ici à un fagot de tiges assemblées comme un balai. Ce supplice se déroule sous les yeux d'un responsable qui détient le bâton de l'autorité (Pilate ??) . Cette scène est tout à fait comparable aux flagellations des Passions des vitraux bretons, 

 Voir Flagellation selon Schongauer :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6951445h

— dans la lunette : comparution devant Anne (personnage à identifier à l'arrière).

b) motif décoratif.

Tête féminine en guimpe dans un cuir à entrelacs, gousses et fruits.

                              stalles 1628c

 

 

 

 

34. Ecce homo.

 

a) scène historiée

 Marc 15:16-20 Jésus revêtu en dérision de la pourpre impériale, un roseau en guise de sceptre, et couronné d'épines, est présenté par Pilate à l'assemblée des prêtres juifs et des anciens, ce qui s'écarte du texte de Marc où ce sont les soldats qui présentent ainsi le Christ "à toute la cohorte" (des soldats).

b) motif décoratif.

Dans un cuir, tête de grotesque, fruits et épis.

                  stalles 1633c

 

 


35. Le Christ aux outrages.

 

a) scène historiée

 Jean 19:4-11  le Christ toujours vêtu de la tunique pourpre et couronné d'épines est frappé par un roseau, reçoit un coup de pied, est salué avec dérision et frappé de bâtons sous le regard de quatre  Juifs.

Schongauer :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6951446x.r=pilate+schongauer.langFR

b) motif décoratif.

Encadrés de deux chimères à tête de cheval, deux serpents affrontent leurs gueules et enroulent leurs queues.

                      stalles 1636c

 

 

36. Portement de croix.

a) scène historiée

 Luc 23:26-32 Jésus porte sa croix et trébuche, battu par deux soldats dont le premier porte un pantalon à crevés. Un homme, qui ne peut être que Simon de Cyrène malgré son allure juvénile, aide à porter la croix. Au dessus du Christ, un homme armé d'un marteau semble déjà vouloir débuter la mise en croix. Un centurion à cheval accompagne la montée vers le calvaire.

— Dans la lunette, devant trois saintes femmes, Véronique présente le voile de la Sainte Face. Un homme herculéen conduit deux hommes ligotés, sans-doute les deux larrons.

b) motif décoratif.

Dans une gloire inscrite dans un quadrilobe, l'agneau divin, nimbé, porte la croix et l'étendard.

Fruits et épis au dessous.


                           stalles 1638c

 

 

37. Christ en croix.

 a) scène historiée

Jean 19:31-34. Le soleil et la lune encadrent la scène. Dans la lunette, sous des nuages vermiformes, le Christ crucifié autour des deux larrons suspendus par les bras et que rien ne différencie l'un de l'autre.

En partie basse à droite, les soldats, renonçant à partager la tunique du Christ qui est sans couture, la jouent aux dés. A leur gauche, le Golgotha avec son crâne justifiant son nom, mais qui représente aussi le crâne d'Adam. A gauche, deux saintes femmes encadrent saint Jean soutenant la Vierge en pâmoison.

 Au pied de la croix, sainte Marie-Madeleine éplorée, très richement vêtue et coiffée.

Parmi les six cavaliers, deux peuvent être identifiés, Longin qui donne le coup de lance dans le flanc droit, et le Centenier converti, qui tend le bras en s'écriant Dei filius erat iste (Matthieu 27:54).

b) motif décoratif.

Un serpent enroulé autour d'une croix comme autour d'un caducée.

                   stalles 1642c


                        stalles-1641c.jpg


38. Déposition de croix.

a) scène historiée

Marc 15:40-47

      De gauche à droite Joseph d'Arimathie; Jean, Marie, Marie-Madeleine, Marie Salomé et Marie Cléophas, puis Nicodème.

b) motif décoratif.

deux griffons ; deux masques dont la bouche libère des bouquets de fruits.

                           stalles 1644c

 

39. La Mise au tombeau.

a) scène historiée

Jean 19:31-34.

Schéma traditionnel avec Joseph d'Arimathie (bonnet, aumônière) à la tête du Christ, Nicodème (bonnet hébraïsant, longue barbe) aux pieds. Mais Joseph tient un outil, et Nicodème un flacon, comme pour procéder à l'embaumement. A droite du tombeau orné d'une tête de mort, une sainte femme, Jean, Marie, Marie-Madeleine, une sainte femme.

 

b) motif décoratif.

Deux masques ; médaillon fait de l'entrecroisement de deux rameaux et contenant un cœur dans une couronne. Fruits et gousses.

                                         stalles 1645c

 

 

 

 

40. La Résurrection.

a) scène historiée.

      Le Christ ressuscité tient la croix frappée de l'étendard et a revêtu la tunique de sa gloire. Dans une mandorle rayonnante, il trace un geste de bénédiction. Les soldats hallebardiers se détournent dans une vrille surprenante de leur corps. A terre, l'un des soldats, ébloui, se protège de son bouclier tandis que l'autre semble tétanisé, tête en extension.

Comparer avec

Schongauer : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69514532.r=christ+schongauer.langFR

- Dürer : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6951208j.r=christ+d%C3%BCrer.langFR

 motif décoratif.

Entre deux griffons, Jonas prêt à être avalé par le Poisson (ou baleine selon notre tradition). Ce passage dans le ventre du poisson est mis en parallèle avec le passage par les Limbes du Christ par l'évangile de Matthieu 12:40 :Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand poisson, de même le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre.

 

                          stalles 1647c

stalles-1647cccv.jpg

 

 

41. Ange annonçant aux saintes femmes la résurrection de Jésus.

a) scène historiée

 Matthieu 28:5-8  et Marc 16:1-8 Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d'aller embaumer Jésus. Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever. Elles disaient entre elles: Qui nous roulera la pierre loin de l'entrée du sépulcre? Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée. Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d'une robe blanche, et elles furent épouvantées. Il leur dit: Ne vous épouvantez pas; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié; il est ressuscité, il n'est point ici; voici le lieu où on l'avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit.

Marie-Madeleine est la seule à ne pas avoir la gorge couverte.

— Dans la lunette : Jésus Sauveur apparaissant à une femme agenouillée à un prie-dieu.

b) motif décoratif.

Médaillon ovale inscrit dans un rectangle, fruits.

                       stalles-2-1593cc.jpg

 

Poursuite du cycle : Noli me tangere, voir première figure.

 

 

                             ANNEXE

Document du début du XXe siècle numérisé par http://ali.ham1.free.fr/vmcath07.html

pp 79-84

   "Avant le pillage fait par les huguenots en 1562, le chœur était garni de 96 stalles, 48 de chaque coté, « tant hault que bas, icelles chaises ayant grant beauté de faczon et revers, et de hauteur de douze pieds ou environ ». Pour réparer le désastre de 1562, le chapitre fit travailler aux stalles en chêne que nous voyons maintenant. Elles furent achevées en 1576. Privées de leurs abats-voix et de leurs dossiers placés en partie dans la sacristie, en partie en réserve, ces stalles, à l'origine au nombre de 90 (50 hautes et 40 basses) se trouvent réduites à 76. Sur l'initiative de Mgr Grente en 1923, elles viennent d'être débarrassées d'une affreuse peinture jaune que Mgr Carron leur avait fait infliger en 1830. Les rampes en menuiserie qui bordent des deux cotés les les petits escaliers conduisant aux hautes stalles étaient autrefois accompagnées de figures fantastiques, d'enroulement etc. dont on a conservé quelques morceaux. On a remplacé au XIXe siècle ces fantaisies artistiques par des ouvrages de menuiserie en forme de volutes. Les miséricordes des hautes stalles sont ornées de sujets très variés : têtes, griffons, oiseaux, enfants, animaux. Celles des basses stalles portent des corbeilles, des coquilles et autres conceptions du même genre. Quant aux dossiers, ils retracent, sculptés en bas-reliefs, les épisodes de la vie de Notre-Seigneur : Annonciation _ Visitation _ Naissance de J

ésus-Christ _ Circoncision _ Adoration des Mages _ Massacre des Innocents _ Jésus au milieu des docteurs _ Prédication de saint Jean _ Baptême de Jésus-Christ _ Tentation de Jésus-christ _ Vocation de Simon et d'André _ Noces de Cana _ Jésus et la Samaritaine _ Miracle de Capharnaüm et belle-mère de Simon guérie _ Jésus guérit deux possédés : les démons entrent dans le corps des porcs _ Résurrection du fils de la veuve de Naïm . Guérison de la femme affligée d'une perte de sang _ Madeleine essuie les pieds du Sauveur. Pardon accordé à la femme adultère. _ Jaïre, chef de la Synagogue. Guérison d'une main desséchée _ Guérison de deux aveugles et d'un possédé _ Multiplication des pains Cananéenne _ Jésus marchant sur la mer. Saint Pierre : sa barque agitée par les flots _ Transfiguration _ Les dix lépreux guéris : un seul reconnaissant. _ Jésus bénit les petits enfants . Guérison d'un sourd-muet _ Résurrection de Lazare _ Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem _ Vendeurs chassés du Temple. _ Aveugles guéris. Fontaine de Siloé _ La Cène _ Jésus pris et conduit chez Anne et Caïphe _ Jésus devant Pilate . Larmes de saint Pierre._ flagellation. Jésus devant Hérode _ Jésus couronné d'épines, un roseau à la main, le manteau de pourpre sur les épaules, est présenté aux Juifs. _ Les soldats outragent Jésus. _ Portement de Croix. Simon le Cyrénéen._ Crucifiement. _ Le corps de Jésus descendu de la croix._ Le corps de jésus mis au tombeau. _ Résurrection. _ L'ange annonce aux saintes femmes que Jésus est ressuscité. _ Apparition à Madeleine._ Les disciples d'Emmaüs, (cul de lampe : Assemblée protestante présidée par Satan) _ Le Christ apparaît à dix apôtres._ Apparition aux onze apôtres. _ Saint Thomas. _ Apparition de Jésus sur le bord de la mer. _ Saint Pierre reçoit les clefs. _ L'Ascension. _ La Pentecôte._ Jugement Dernier. _ La Foi, la Charité l'Espérance et la Justice. Ces quatre derniers panneaux fermaient les stalles à l'entrée du chœur. L'œuvre entière est d'une valeur inégale. Les personnages sont mal dessinés et naïvement exécutés, tandis que la partie décorative ne manque pas de mérite et indique un habile menuisier.

 

 

 

Sources et liens.

— La vie de Jésus: oeuvre anonyme datée de 1576 sculptée sur les dossiers des stalles de la Cathédrale Saint-Julien au Mans Cathédrale Saint-Julien (Le Mans, France) Association Signes des temps, 2000 - 115 pages (non consulté)

 — FLEURY Gabriel, 1910 La Cathédrale du Mans, Petites monographies des grands édifices de la France H. Laurens :Paris Gallica 

Deux liens sur le protestantisme au Mans

— http://lissillourgenealogie.pagesperso-orange.fr/guerre%20religion%20maine.html

 —TRAVIER (Didier) 1561-2001, 450 ans de protestantisme au Mans et dans la Sarthe, Nïmes 2011, 25 pages. http://data.over-blog-kiwi.com/0/18/39/52/201211/ob_b61d4c_2011-450-ans-protestantisme-sarthe-didier-travier.pdf

Iconographie :

— Dossier de stalle, Noli me tangere et date 1576 photographié en 1910 in G. Fleury page 17

— Dossier de stalle Jésus au temple photographié en 1910 page 19.

— Porte du Jubé, transformée en porte de la sacristie : Fleury fig. p.21

— Le document le plus complet, auquel je rends hommage:  La Vie de Jésus en 50 stalles de la Cathédrale du Mans : http://fr.scribd.com/doc/57062817/Vie-de-Jesus-en-50-stalles-de-la-Cathedrale-du-Mans

— http://emonnier48.perso.sfr.fr/Pays%20de%20Loire/Sarthe/lemans/cathedrale/

cathedralechapelle.htm

— https://www.flickr.com/photos/tourainesereine/5366964526/in/photostream/

 

 

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Published by jean-yves cordier
9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 15:15

        "Juchés sur les épaules des géants" :

les quatre évangélistes et les quatre prophètes de la rose sud de la cathédrale de Chartres.

Un breton de Moélan à l'origine d'une métaphore célèbre sur le savoir cumulatif, et sur la dette due aux Anciens. Son application en typologie biblique sur les verrières de Chartres.

 

 

  L'expression "nous sommes comme des nains juchés sur les épaules de géants" est une métaphore si évocatrice qu'elle appartient au langage courant, parfois réduite à sa finale "grimpé sur les épaules de géants" dans la formule anglaise  "Stand on the shoulders of giants ", alors que plus personne n'utilise la forme latine nani gigantum humeris insidentes. 

    Isaac Newton qui l'a employée dans une lettre à Robert Hoocke du 5 février 1675 , en fait une formule rhétorique de modestie scientifique : If I have seen further it is by standing on ye sholders of giants, "si j'ai vu un petit peu mieux, c'est parce que je me tenais sur des épaules de géants".

    Un peu avant lui, en 1647, Pascal avait écrit dans la préface de son Traité du vide " […] parce que, (les Anciens) s'étant élevés jusqu'à un certain degré où ils nous ont portés, le moindre effort nous fait monter plus haut, et avec moins de peine et moins de gloire nous nous trouvons au-dessus d'eux. C'est de là que nous pouvons découvrir des choses qu'il leur était impossible d'apercevoir. Notre vue a plus d'étendue, et, quoiqu'ils connussent aussi bien que nous tout ce qu'ils pouvaient remarquer de la nature, ils n'en connaissaient pas tant néanmoins, et nous voyons plus qu'eux. " C'est l'idée de l'effet cumulatif du savoir, idée nouvelle s'opposant aux paradigmes médiévaux et antiques de mimesis (imitation des Anciens sans prétendre les égaler), révolution copernicienne ouvrant les perspectives d'un savoir infini.

 

     Récemment Jean-Claude Ameisen, par le titre de son émission de France-Inter ou de son ouvrage "Sur les épaules de Darwin, le battement du temps", reprends cette métaphore dans le même sens, celui des progrès scientifiques par savoir cumulatif et plus généralement du progrès par micro-adaptation évolutive.

  L'origine de cette expression est bien connue et remonte au XIIe siècle : elle n'est attribuée à Bernard de Chartres que par le biais d'une citation de ce dernier dans le Metalogicon de Jean de Salisbury, dans le Livre III : 

 Dicebat Bernardus Carnotensis nos esse quasi nanos gigantium humeris insidentes, ut possimus plura eis et remotiora videre, non utique proprii visus acumine aut eminentia corporis sed quia in altum subvehimur et extollimur magnitudine gigantea.

  "Bernard de Chartres disait que nous sommes comme des nains assis sur les épaules de géants de sorte que nous pouvoir voir davantage [de choses] qu’eux et plus loin non certes à cause de l’acuité de notre propre vue, ou de la hauteur de notre corps mais parce que nous sommes soulevés en hauteur et élevés à une hauteur gigantesque" (III, 4) 

Bernard de Chartres ne dit pas directement que notre savoir est supérieur à celui des Anciens, mais que notre situation, notre "point de vue" est préférable

   En réalité, Priscien, grammairien du 6è siècle avait eut une réflexion comparable en écrivant que les grammairiens récents sont plus perspicaces que les anciens : quanto juniores, tanto perspicaciores.   Ce que les modernes ont en plus, c'est la perspicacité  (latin perspicax, "vue perçante", de specio "regarder" et per, "à travers").  Ce détour permet de comprendre que dans la métaphore de Bernard de Chartres, tout  tourne autour du regard, du champ de vision et de son empan. C'est d'ailleurs un élève de Bernard de Chartres, Guillaume de Conches , qui fut le maître de Jean de Salisbury, qui  cite cette remarque.

   Bernard de Chartres, Guillaume de Conches (ca 1080-1150) et Jean de Salisbury (1115 ?-1180 ?) ont été des enseignants de  la fameuse École de Chartres, une "école cathédrale"  créée pour la formation des clercs à la suite de l’impulsion de la réforme carolingienne par l' enseignement des matières profanes (trivium soit Grammaire + Rhétorique + Dialectique et quadrivium soit Arithmétique + Musique + Géométrie + Astronomie). Elle avait été fondée par Fulbert  après 1006 et ancrée, sur le plan philosophique, sur la pensée platonicienne. Dirigée par un chancelier (ou écolâtre) secondé par un chantre, son enseignement  "s’appuie sur les auteurs anciens : Quintilien, mais aussi Cicéron, Macrobe, Sénèque et Boèce par lesquels ils avaient accès à Platon (dont seul le Timée était directement accessible à cette époque).  Il s’agit de former correctement des étudiants, de faire en sorte qu’ils soient des gens imprégnés des valeurs de l’antiquité et qui soient capables de bien s’exprimer en prenant modèle sur les écrivains anciens." (P. Cibois)

   Mais si on sait que  Jean de Salisbury fut aussi évêque de Chartres, on ignore souvent que Bernard de Chartres fut évêque de Quimper de 1159 à 1167, sous le nom de Bernard de Moélan (Moélan est, au sud-ouest de Quimperlé, une paroisse littorale de Bretagne sud sur les rives du Belon). La Chronique de l'abbaye de Quimperlé fait mention de ce breton né à Moélan au territoire de l'abbaye et qui fut en l'année 1159 appelé au siège épiscopal de Quimper après avoir été chancelier dans l'église de Chartres. Bernard avait été maître de l’école épiscopale de 1114 à 1119 et chancelier de 1119 à 1124 (E. Bréhier). Il décéda le 2 août 1167, et il est l'auteur des Vitae de saint Corentin et de saint Ronan, le saints les plus considérables du diocèse. (Hauréau 1872).

Mon propos n'est pas de poursuivre une réflexion sur le sens de la métaphore du maître breton sur "les nains juchés sur les épaules des géants" dans le cadre du platonisme chartrain (cf. L. Spina 2004 U. Eco 2006 ou P. Cibois 2012) mais de montrer des images de cet aphorisme, les gigantesques prophètes portant sur leurs épaules les petits évangélistes, tels qu'ils apparaissent sous la rose sud de la cathédrale de Chartres. Car cet article n'est pas bâti de savoirs, mais de sensations : celles que connaît le navigateur lorsque, ayant quitté Port Tudy à Groix et longeant la côte bretonne aux falaises abruptes, ayant dépassé Brigneau, il scrute en vain la rive, et malgré le recours de ses jumelles, ne découvre la profonde ria de Merrien (le modeste mais enchanteur port de Moélan-sur-Mer). Plus encore que de sensations, cet article est tissé de souvenirs, celles de mes lectures adolescentes de Merveilles des Petits Ports dans lequel Jean Merrien (pseudonyme de René Marie La Poix de Fréminville, le descendant du Chevalier qui, après la mort de sa chère Caroline, avait pris l'habitude de s'habiller en femme !). Comme je rêvais alors de ces escales atlantiques, de ces ammarrages à quai ou de ces béquillages en port d'échouage! 

  Sensations encore lorsque, avec d'autres jumelles, je découvrais le vitrail de Chartres où quatre acrobates faisaient les pitres sur les épaules de leur camarade à une vingtaine de mètres au dessus de moi. Quel spectacle, amplifié par la qualité de verres Zeiss ! J'aurais voulu en faire profiter tous les touristes qui, privés de mes yeux de géants, ne regardait que la rosace ou le fanion de leur guide. C'est à défaut d'avoir, ce jour là, crié à travers les stalles Regardez ! Regardez ! C'est merveilleux ! que je mets en ligne ces images.

Sensations enfin, gustatives, que celles qui naissent de la prononciation de "juché sur les épaules" avec ce savoureux "juché" trop souvent omis. Car, initialement, et encore aujourd'hui dans les soubassements de notre mémoire, le mot est teinté d'ironie, pour avoir été utilisé d'abord dans le Roman de Renart (écrit juste après la mort de Bernard de Moélan) pour qualifier les poules sur leur perchoir ou jucheoirs. (Godefroy)

 

LES LANCETTES DES QUATRE ÉVANGÉLISTES JUCHÉS SUR LES PROPHÈTES A CHARTRES.

 

  A Chartres, sous la rose sud de l'Apocalypse, la métaphore de l'évêque de Quimper a été utilisé ou détournée dans une visée de typologie biblique pour signifier que le Nouveau Testament s'appuie sur les textes de l'Ancien, ou que les évangélistes affirment ce qu'avant eux annonçaient les prophètes ; mais je ne pense pas que le commanditaire souhaitait voir les évangélistes qualifiés de "nains" et les prophètes de "géants". On peut même dire que cette évocation est, pour l'Église, parfaitement déplacée...

   Ces images nous conduisent à considérer la fameuse phrase autrement. Jusqu'à présent nous l'entendions en nous identifiant aux "nains" liés au présent, les "géants" relevant du passé. Mais ici nous nous plaçons dans le temps du plan divin (ou hors du temps), chaque prophète et chaque évangéliste devenant deux acteurs complices du même projet : sur l'image, ils sont contemporains et co-actifs. Le "grand" (le plus ancien) et le "jeune" (le plus récent) visent le même but et leurs regards vont vers la même direction. Le plus jeune pose ses mains sur le front ou la tête du plus âgé pour s'inspirer de ses pensées et de ses écrits. A la différence d'autres représentations, on ne trouve pas ici de différenciation des prophètes qui stigmatiserait leur caractère hébraïque (longue barbe bifide, longs cheveux, bonnet juif, vêtements à franges rituelles, aumônières) mais au contraire certains prophètes, comme certains évangélistes sont imberbes et d'autres sont barbus ; les visages sont aussi nobles pour les prophètes que pour les apôtres. 

  Mais de même que les apôtres de Cluny sont représentés sur des consoles supportées par des prophètes, malgré leur connivence les évangélistes de Chartres surpassent les prophètes en actualisant leur prophéties enfin réalisées par l'accomplissement christique. 

Description. 

L'ensemble Rosace sud et lancettes des verrières hautes de la façade méridionale porte le numéro 122 et le nom de verrière de la maison de Dreux Bretagne.

Une lancette centrale représentant la Vierge à l'enfant est encadrée de quatre lancettes où les quatre évangélistes sont montés sur les épaules de quatre prophètes : de gauche vers la droite : Jérémie porte saint Luc, Isaïe saint Matthieu, Ézéchiel  saint Jean, et Daniel porte saint Marc. Ces données sont connues et mon but est de faire admirer des images suffisamment agrandies de ces couples et de les mettre à la disposition de chacun.

En dessous, mais bien plus petits, les donateurs sont représentés debout ou à genoux. Ce ne sont pas eux qui sont sur des épaules de géants, ce sont les textes de l'Ecriture. 

  Mais les nains que nous sommes aujourd'hui  devenons encore plus petits lorsqu'il nous faut lire le message typologique que les théologiens et penseurs de l'Ecole de Chartres et leurs successeurs ont inscrit sur cette verrière : pourquoi Luc est-il couplé à Jérémie, quel lien s'établit entre l'évangile de Luc et le Livre de Jérémie ? En matière d'herméneutique, nous n'arrivons pas à la cheville des grands penseurs médiévaux, et l'escabeau nous manque pour nous hisser plus haut. J'essayerai pourtant d'esquisser des pistes. Je ne crains pas le ridicule, car de si haut, ils ne me verront pas.

 

 

 

 

 lancettes-evangelistes 2204c

 

 

lancettes-evangelistes 2197vcv               lancettes-evangelistes 2187c

 

 

                                             lancettes-evangelistes 2188c

 

 

 

 

 

 

                lancettes-evangelistes 2189c     lancettes-evangelistes 2190c

 

 

1.  Saint Luc est juché sur les épaules de Jérémie. 

Eucharistie.    Proposition typologique :   Luc 22:20 Il prit de même la coupe, après le souper, et la leur donna, en disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous est mis en parallèle avec Jérémie 31:31 :Voici, les jours viennent, dit l'Éternel, Où je ferai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle.

Reliques et culte chartrain. 

 A Chartres, un reliquaire dit "des Maries", offert en 1449 par Jean Bernard, archevêque de Tours rassemblait les reliques des saints restes épars qui avaient perdu leur écrin principal au cours de périodes troublées : on y trouvait des reliques des saints Paul, Barthélémy, Marc et Luc, et de sainte Marguerite. Ces reliques de saint Luc et de saint Marc provenaient vraisemblablement, comme d'autres, du sac  des églises de Constantinople par les croisés lors de la 4ème Croisade en 1204. 

Selon l'Ordinaire chartrain, saint Luc était célébré le 18 octobre avec la même solennité que les apôtres, c'est-à-dire avec neuf leçons lues au cours des offices de la journée. (C. Lautier 2005)

Inscription :   :S':LUCAS:

                           lancettes-evangelistes 2185vv

 

 

2. Saint Matthieu est juché sur les épaules du prophète Isaïe.

 

 Incarnation. La citation d'Isaïe 7,14 occupe une place centrale au début de l'Évangile de Matthieu .

 Livre d'Isaïe (7, 10-14; 8, 10) : Le Seigneur envoya le prophète Isaïe dire au roi Acaz: «Demande pour toi un signe venant du Seigneur ton Dieu, demande-le au fond des vallées ou bien en haut sur les sommets.» Acaz répondit: «Non, je n'en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l'épreuve.»

Isaïe dit alors: «Écoutez, maison de David! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes: il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu! Eh bien! Le Seigneur lui-même vous donnera un signe: Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, et on l'appellera Emmanuel», c'est-à-dire: Dieu avec nous.

 

: Matthieu 1 :22-23  Tout cela arriva afin que s'accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète : Voici, la vierge sera enceinte, elle enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous.

Reliques et culte chartrain.

La cathédrale conservait la relique du chef de saint Matthieu,  issue du sac de Constantinople en 1204. Elle avait été offerte par Gervais de Châteauneuf qui avait apporté lui-même la relique à la cathédrale et avait fait également une fondation de quarante sous annuels de rente pour son anniversaire (C. Lautier). Lors de sa fête le 21 septembre, le saint était honoré par une procession la veille et, selon le rituel ordinaire de Chartres au XIIIe siècle, par la lecture à l'office de neuf lectures ou "leçons", contre trois pour les fêtes ordinaires.

Inscription : St MAT(K)S : le sigle qui ressemble au K, un h avec une apostrophe, est abréviative de MATTHEUS. 

 

                          lancettes-evangelistes 2192cv

 

  3. La Vierge et l'Enfant.

La Vierge couronnée tient l'Enfant tout en présentant ostensiblement la fleur symbole de sa virginité et de son accomplissement de la prophétie d' Isaïe 11 :1 Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines.

Entre l'arche et l'arcature trilobée, deux sphères symbolisent le soleil et la lune.

 

                 lancettes-evangelistes 1868c

 

4. Saint  Jean est juché sur les épaules du prophète Ézéchiel.

 

 

  Quatre vivants. Apocalypse.

     Le Livre du Prophète Ézéchiel débute par une vision spectaculaire de création. Il voit les cieux ouverts et au centre du cercle lumineux, quatre êtres vivants. Il les décrit comme suit: « Leur aspect ressemblait à ceci: quant à la forme de leurs visages, elles avaient toutes quatre une face d’homme et une face de lion à droite, toutes quatre une face de taureau à gauche et toutes quatre une face d’aigle » (1: 10).

Jean eut une vision similaire, rapportée dans l’Apocalypse 4: 6-: « Le premier être vivant ressemblait à un lion, le deuxième à un jeune taureau, le troisième avait un visage semblable à celui de l’homme et le quatrième ressemblait à l’aigle ».

Le texte de l'Apocalypse suggère une nouvelle explication des "nains juchés sur les épaules... : on y lit : " Monte ici, et je te ferai voir ce qui doit arriver dans la suite" (Ap.4,1). Les évangélistes, et Jean tout particulièrement, en "montant ici", en se hissant sur le niveau du ton et de l'inspiration prophétique, accèdent à un degré de vision très particulier, celui de la vision eschatologique. Ils n'écrivent pas un récit historique ou un témoignage, mais une Vision, celle du Salut. 

Inscription :  S/IO(K)ES.

Comme pour Matthieu, utilisation du signe abréviatif semblable à un K pour remplacer IO(HANN)ES c'est à dire Saint Jean.

                      lancettes-evangelistes 2189cv

 

 

      5. Saint Marc juché sur les épaules de Daniel.

 Le Fils de l'Homme dans les nuées avec puissance et gloire.

— Daniel, 7:13,14 : « Je regardais dans les visions de la nuit, et voici que sur tes nuées vint comme un Fils d’homme [et ecce cum nubibus caeli quasi filius hominis veniebat ]; il s’avança jusqu’au vieillard, et on le fit approcher devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et règne, et tous les peuples, nations et langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit. » 

 

— Marc  Mc 13,26. "Alors on verra le Fils de l'homme venir sur les nuées, [ Filium hominis venientem in nubibus] avec beaucoup de puissance et de gloire." 

Le Fils de l'Homme dans les nuées figure au sommet du tympan de la Porte du Sauveur de la cathédrale d'Amiens, au dessus du Jugement Dernier.

Voir aussi Matthieu 24:36 : "C'est alors que le signe du Fils de l'homme apparaîtra dans le ciel. Alors tous les peuples de la terre se lamenteront, et ils verront le Fils de l'homme venir sur les nuées du ciel avec beaucoup de puissance et de gloire."

 

.

 

Reliques et culte chartrain. 

 A Chartres, un reliquaire dit "des Maries", offert en 1449 par Jean Bernard, archevêque de Tours rassemblait les reliques des saints restes épars qui avaient perdu leur écrin principal au cours de périodes troublées : on y trouvait des reliques des saints Paul, Barthélémy, Marc et Luc, et de sainte Marguerite. Ces reliques de saint Luc et de saint Marc provenaient vraisemblablement, comme d'autres, du sac  des églises de Constantinople par les croisés lors de la 4ème Croisade en 1204. 

"Si saint Luc est fêté avec la même solennité que les apôtres, c'est-à-dire avec neuf leçons lues au cours des offices de la journée, il n'en est pas de même pour saint Marc qui ne bénéficie que d'une simple mémoire le 25 avril dans le calendrier chartrain." (C. Lautier 2005)

Inscription : -S- MARCVS:

 

        lancettes-evangelistes 1867cv

 

LES DONATEURS DU VITRAIL.

 

 

1. Yolande de Dreux.

fille du couple de donateurs, elle est née en 1218, ce qui est une indication possible de la date du vitrail. Comtesse de Penthièvre et de Porhoët, elle épousera Hugues XI de Lusignan et deviendra comtesse de la Marche et d'Angoulême.

Sa robe porte les armoiries de sa famille. Ses cheveux dénoués indiquent qu'elle n'est pas mariée.

lancettes-evangelistes 2198c

 

2. Alix de Thouars duchesse de Bretagne.

Elle est coiffée d'un touret, et porte les armoiries de son époux Pierre de Dreux qui suit. 

Née en 1201 et morte en 1221, elle est reconnue duchesse de Bretagne en 1213 à la mort de son père Guy de Thouars qui, en tant que baillistre, en assurait la régence pendant sa minorité.

 

 

lancettes-evangelistes 2199c

 

3. Armoiries des comtes de Dreux (sous la Vierge).

L'écu (en forme d'amande) est suspendu à l'arcature reposant entre deux colonnades, et est entouré de deux vases dont les effluves (ou les fleurs) sont figuré(e)s en grisaille.

Échiqueté d'or et d'azur au franc-quartier d'hermine et à la bordure de gueules.  

lancettes-evangelistes 2200c

 

 

 

 Le comte Pierre de Dreux dit Mauclerc.

Pierre de Dreux 1187-1250. Baillistre de Bretagne (assurant la gérance du Duché) au chef de son épouse Alix de 1213 à 1221, puis au nom de son fils mineur Jean de 1221 à 1237.

Selon une hypothèse, d'abord destiné à une carrière dans le clergé, Pierre de Dreux y renonce après avoir longtemps étudié aux Écoles de Paris, d'où serait venu son surnom de « Mauclerc », c'est-à-dire « mauvais clerc » qu'on lui a attribué après sa mort. C'est en souvenir de cet épisode ecclésiastique qu'il aurait brisé le blason paternel (Échiqueté d'or et d'azur à la bordure de gueules) avec un franc quartier d'hermine, alors réservé au clergé. (Wikipédia)

Bien mal en point d'avoir été défiguré d'un coup d'épée à la bataille de la Massoure (1249), il périt en mer lors de son retour de Croisade en mai 1250.

 Il est aussi le donateur de la verrière haute voisine n°120 ( La Vierge et l'Enfant dans la Rose et deux prophètes dont Osée) et de la verrière 124 ( Pierre Mauclerc dans la Rose : le prophète Michée et le prophète Malachie). Ces trois baies développent donc la pensée médiévale des liens avec les textes prophétiques. 

lancettes-evangelistes 2201c

 

Jean de Dreux

Né en 1217, il deviendra le comte Jean 1er le Roux et duc de Bretagne en titre en 1221 à la mort de sa mère, mais, comme il était âgé de quatre ans, son père assura la régence jusqu'à sa mort en 1237. Meurt le 8 octobre 1286.

N.B Pierre de Dreux et Alix de Thouars eurent un troisième enfant, Arthur de Bretagne (1220-1224) : s'il ne figure pas ici, cela indique que le vitrail est antérieur à sa naissance. Puisque Yolande y figure, cela laisse  la fourchette 1218-1220, qui est cohérente avec d' autres données. L'évêque de Chartres est alors (depuis 1217) Gautier.

 

 

lancettes-evangelistes 2202c

 

 

 

 

LA ROSE DE L'APOCALYPSE.

 

 rose-2206c.jpg

 

 

   Cette rose est une illustration de la première vision de l'Apocalypse de Jean.

« Monte ici, et je te ferai voir ce qui doit arriver dans la suite. Aussitôt je fus ravi en esprit. Et voici, il y avait un trône dans le ciel, et sur ce trône quelqu'un était assis. Celui qui était assis avait l'aspect d'une pierre de jaspe et de sardoine ; et le trône était environné d'un arc-en-ciel semblable à une émeraude. Autour du trône je vis vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, et sur leurs têtes des couronnes d'or. Du trône sortent des éclairs, des voix et des tonnerres. Devant le trône brûlent sept lampes ardentes, qui sont les sept esprits de Dieu. Il y a encore devant le trône comme une mer de verre, semblable à du cristal. Au milieu du trône et autour du trône, il y a quatre êtres vivants remplis d'yeux devant et derrière. Le premier être vivant est semblable à un lion, le second être vivant est semblable à un veau, le troisième être vivant a la face d'un homme, et la quatrième être vivant est semblable à un aigle qui vole. Les quatre êtres vivants ont chacun six ailes, et ils sont remplis d'yeux tout autour et au dedans. Ils ne cessent de dire jour et nuit : Saint, saint, saint et le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, qui était et qui est, et qui vient ! » Ap 4,1-11.

Cette vision se décline en cercles successifs sur la Rose :

 

 

 

 

rose 2208c

 

1. " Et voici, il y avait un trône dans le ciel, et sur ce trône quelqu'un était assis. Celui qui était assis avait l'aspect d'une pierre de jaspe et de sardoine ; et le trône était environné d'un arc-en-ciel semblable à une émeraude".

 Au centre de la rose se trouve le Christ en majesté, tenant la coupe du sang de la Nouvelle Alliance et entouré de deux cierges, qui figurent sans-doute la lumière qui vient de l'Ancien et du Nouveau Testament. Son fond rouge est celui de la Passion. Ce cercle central est entouré de douze fleurons blancs, ce chiffre douze pouvant être mis en rapport avec les tribus d'Israël, les apôtres, les heures ou les mois, etc. Il annonce les douze médaillons du cercle à venir.

rose 2209c

 

 2.  "Au milieu du trône et autour du trône, il y a quatre êtres vivants remplis d'yeux devant et derrière. Le premier être vivant est semblable à un lion, le second être vivant est semblable à un veau, le troisième être vivant a la face d'un homme, et la quatrième être vivant est semblable à un aigle qui vole. Les quatre êtres vivants ont chacun six ailes, et ils sont remplis d'yeux tout autour et au dedans. Ils ne cessent de dire jour et nuit : Saint, saint, saint et le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant, qui était et qui est, et qui vient !"  

 Le cercle suivant représente, alternant avec des anges thuriféraires, le Tétramorphe  : le lion, symbole de l'évangéliste Marc ; le bœuf, symbole de l'évangéliste Luc ; l'homme, symbole de l'évangéliste Matthieu ; l'aigle, symbole de l'évangéliste Jean. Ils se détachent sur un fond bleu quadrillé de rouge.

 

rose 2217c

 

 

 3.  "Autour du trône je vis vingt-quatre vieillards assis, revêtus de vêtements blancs, et sur leurs têtes des couronnes d'or. Du trône sortent des éclairs, des voix et des tonnerres. Devant le trône brûlent sept lampes ardentes, qui sont les sept esprits de Dieu. Il y a encore devant le trône comme une mer de verre, semblable à du cristal ."

  Une surprise m'attendait lorsque j'explorai, armé toujours de mes jumelles, le cercle suivant : je crus que, tel Dante abordant sa descente des orbes concentriques de l'Enfer, un sortilège m'avait transporté parmi les médecins à demi-fous d'une réunion d'uroscopie de l'université de Salerne, puisque je découvrais des hommes brandissant un flacon en en mirant le contenu coloré, tandis qu'ils tenaient, entre deux autres fioles, un instrument de musique. Mais un guide bienveillant m'expliqua qu'il s'agissait des vingt quatre Vieillards de l'Apocalypse ( Apocalypse 5,8) et que leur vase, rempli de parfum, symbolise leurs prières. Ils sont répartis en deux cercles de médaillons et, en périphérie, de demi-médaillons.

Entre ces deux cercles, des quadrilobes avec les blasons de Pierre de Dreux, donateur.

 

Ici, deux harpes et deux vièles. L'une des vièles est ovale et le corps de l'autre est étranglé ; l'une des harpes possède des ouvertures dans sa table.

rose 2210c

Idem, et  Psaltérion.

rose 2211c

  Trois harpes, une vièle à corps ovale, un psaltérion.

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      Psaltérion, harpe, vièle à corps ovale, vièle à corps étranglé, tenu manche vers le bas.

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  Trois vièles dont une tenue manche en bas ; un psaltérion.

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      Quatre vièles.

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Quatre vièles.    

rose 2216c

 

 

DATATION.

  J'ai suggéré le créneau 1218-1220. l'article Wikipédia indique, selon la notice de la direction du Patrimoine de 1992  1221-1230. Les publications de C. Lautier (2003) et C. Manhes-Deremble (1993) permettent de déduire que le chantier de la reconstruction de la cathédrale après l'incendie de 1194 s'est étalée de 1195 à 1235, les vitraux étant installés au fur et à mesure de cette construction ; ceux des parties hautes du transept (et donc la baie 122) venant assez tardivement : 

  "En 1990, une étude de dendrochronologie des restes de bois d'échafaudage situés au-dessus des tailloirs des piles, dans les bas-côtés de la nef et du chœur, a donné par l'analyse des extrémités des boulins, la date de 1195-1200 pour les bas-côtés de la nef, celle de 1210 environ pour les bas-côtés du chœur.

Les chanoines s'installèrent solennellement dans le chœur en 1221, bien que l'édifice n'ait pas totalement été terminé puisque l'essentiel de la construction ne devait être achevé que vers 1230/35.  L'érection des parties hautes de la nef est sans doute contemporaine des parties basses du chevet, suivie des niveaux supérieurs du chœur et de l'abside et, enfin, des parties hautes du transept, d'abord au côté sud puis au côté nord. Quant aux vitraux, ils furent sans doute installés au fur et à mesure qu'avançait la construction, du moins la majorité d'entre eux." (Lautier 2003)"

 

 

 RESTAURATION

La baie 122 a été restauré par les Amis de la cathédrale de Chartres et reposée en  2009 : http://www.amiscathedrale.com/Les_realisations.html

Sources et liens.

— CIBOIS (Philippe), « Sur les épaules des géants », La question du latin, 25 novembre 2012 [En ligne] http://enseignement-latin.hypotheses.org/6359  

— ECO (Umberto) 2006 A reculons comme une écrevisse Google 

SPINA (Luigi) "Nains et géants, une dialectique antique" L'Information littéraire 2004/I vol.56  http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=INLI_561_0028

— KURMANN-SCHWARZ( Brigitte)   "Récits, programme, commanditaires, concepteurs, donateurs : publications récentes sur l'iconographie des vitraux de la cathédrale de Chartres"  Bulletin Monumental  1996 Volume 154 pp. 55-71  

 — HAURÉAU   (Jean-Barthélémy) 1872 "Bernard de Chartres et Thierry de Chartres"  Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres Volume 16 pp. 75-84  Persée

LAUTIER Claudine 2003 « Les vitraux de la cathédrale de Chartres. Reliques et images » Bulletin Monumental   Vol.  161

 — Description des vitraux de Chartres : 

http://www.cathedrale-chartres.fr/vitraux/rose_sud/index.php

— Site sur les évangiles :http://home.nordnet.fr/caparisot/html/marcsept.html

— Wikipédia article Des nains sur les épaules des géants. http://fr.wikipedia.org/wiki/Des_nains_sur_des_%C3%A9paules_de_g%C3%A9ants

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Published by jean-yves cordier
8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 11:16

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la basilique Notre-Dame d'Alençon (Orne).

 

Voir dans ce blog lavieb-aile:  

Et les vitraux : 

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

 

 

Les points forts de cet Arbre de Jessé :

  • La typologie biblique et le couple Anne / Jessé.
  • Les donateurs et la découverte de la Confrérie Angevine.
  • L'Affaire du "compas de Jessé" : symbole ou artefact ?
  • Les versets prophétiques, inhabituels.
  • La source iconographique, les Heures de Pigouchet chez Vostre.
  • Les verres rouges gravés et l'usage du jaune d'argent.
  • Les boucles et chaînes d'oreilles des rois.
  • La belle restauration de 2007-2010.

  Mises à l’abri pendant la seconde guerre mondiale, les onze verrières du XVIe siècle témoignent de l’art des peintres-verriers de la Renaissance.

  Dans la nef, dans sa partie haute, cinq verrières nord illustrent des récits bibliques et cinq verrières sud présentent des épisodes de la vie de Marie, sainte patronne du lieu.

  Mais au dessus du porche et dominant le buffet des grandes orgues, un Arbre de Jessé a été offert en 1511 par la confrérie de Notre-Dame l’Angevine qui regroupait les professions du cuir. Il s'agit de la baie 111 haute de 6,30 m et large de 5,60 m ; elle est divisée par des meneaux en 8 lancettes de 44 panneaux, et en 8 ajours. 

   Une visite trop rapide un dimanche matin alors que l'office allait débuter ne m'a pas permis de réaliser des images correctes de cette verrière alors même que, l'orgue étant démonté pour restauration la baie se trouvait mieux dégagée qu'à l'ordinaire. 

arbre-de-jesse-3780.JPG

 

   Néanmoins, un simple coup d'œil permet d'en constater toute l'originalité : de même que dans la nef, les verrières hautes alternent à gauche (nord) des scènes de l'Ancien Testament et, à droite, des scènes de la Vie de la Vierge, selon une démarche de typologie biblique, cette verrière qui surmonte le célèbre porche (qui contenait aussi un Arbre de Jessé sculpté) met en parallèle les deux temps de la généalogie de Jésus : le temps qui est attesté dans l'Ancien Testament et qui mène de Jessé à Joseph "de la maison de David" et à Jésus par la succession de douze rois de Juda (abrégé de la généalogie énoncé en Matthieu 1 :7-16), et le temps néo-testamentaire et des évangiles apocryphes qui mène d'Anne et de Joachim à leur fille Marie.

 Cette mise en parallèle des deux temps repose sur l'idée de placer à coté de la représentation classique de Jessé allongé donnant racine à son arbre généalogique, une Nativité de la Vierge, où sainte Anne allongée dans son lit  d'accouchée "répond" à son homologue de l'autre coté du meneau central.

  Loin d'être un "encart" dans le vitrail, cette Nativité y est une partie essentielle dans la réflexion théologique qui est ici proposée : Anne et Jessé font figure de Parents primordiaux du Christ, et, dans l'image, ce sont leurs deux corps couchés et féconds qui donnent naissance au registre supérieur.

  Cette partition de tout le programme iconographique de la basilique justifie que, en haut de la baie, la Vierge et son fils ne soient pas placés au sommet, mais seulement au sommet de l'hémi-baie sud, au même niveau qu'un roi de Juda du coté nord ; et cette égalité de niveau serait choquante si nous ne disposions pas de cette clef de lecture.

 


 

                 LE REGISTRE INFÉRIEUR 

  Les deux lancettes extrêmes gauche et droite abritent en deux fois deux panneaux les donateurs. Puis la Nativité de la Vierge occupe neuf panneaux, et Jessé allongé six panneaux.

 

       arbre-de-jesse 3807c

 

arbre-de-jesse 3782c

 

I. Les donateurs. 

Comme l'attestait une inscription en lettres gothiques encore visible au XIXe siècle LAN MCCCCC VNZE... LES CONFRERES DE LANGEVINE, la verrière a été offerte en 1511 par les artisans du cuir, regroupés en la Confrérie de l'Angevine ou de la Nativité. Cette confrérie de l'Angevine avait sa fête le jour de la Nativité de la Sainte Vierge, patronne de la basilique. Son nom viendrait, suivant la tradition, de ce que la fête de la Nativité (8 septembre) fut primitivement célébrée en Anjou par saint Manville, évêque d'Angers, dans le IVe siècle. Cette confrérie est aussi attestée à Vire, où elle regroupait les bourgeois les plus considérés, était dirigée par trois Majeurs, et desservie par sept puis neuf chapelains chargés de dire quotidiennement une messe, et d'assurer la musique. (Les anciennes confréries de Vire, page 7). 

A Alençon, elle regroupait les artisans du cuir, c'est à dire les tanneurs (installés sur les bords de la Briante rue des Sieurs (jadis Sueurs ou Suours, "sutoris", cordonniers), les bourreliers et les cordonniers (ailleurs regroupés en confrérie de saint-Crépin et saint Crépinien). Au XVIIe, on décrivaient (L. Duval 1886)  les corporations des bâtiers-bourreliers ; des carreleurs qui travaillaient au ressemelage des chaussures ; des cordouaniers ; des corroyeurs ; des mégissiers ; des tanneurs ; et des prud'hommes vendeurs de cuirs.

La date de 1511

Le porche flamboyant a été construit entre 1510 et 1517, et le décor vitré de la nef fut posé, pour six des dix verrières, entre 1529 et 1531. La baie 111 a donc été posée la première, sitôt le porche débuté.

                                                 arbre-de-jesse-3784c.jpg

A gauche : deux cordonniers travaillent dans leur échoppe (où se voyait jadis une statuette de l'Amour).

 

 

                                  arbre-de-jesse 3783c

A droite, trois tanneurs brassent une cuve, tandis qu'un bourrelier confectionne une selle. L'industrie du cuir était florissante à l'époque pour le harnachement nécessaire aux chevaliers, cavaliers et charretiers.

I.bis : Les auteurs : les frères Juissel ?

      Cette verrière est attribuée à l'atelier des frères Guillaume et Robin Juissel, au vu d'un document du 14 avril 1516 qui les rend responsable, leur vie durant, de travaux d'entretien de l'église Notre-Dame, sans mentionner la nature de ceux-ci (Inventaire des Titres de Notre-Dame rappellant l'acte passé devant les Tabellions le 14 avril après Pâques). Au XVIe siècle, les peintres-vitriers était  chargés  de confectionner ou de réparer les accessoires que réclamaient les cérémonies religieuses. Ainsi trouvons-nous en 1508 dans les comptes de l'église Notre-Dame la note suivante : "payé aux painctres qui ont faict des langues de feu et ung pigeon pour le jour de la Pentecoste la somme de cinq sols" (in Gérasime Despierres 1891 page 480)

G. Despierres donnent les indications suivantes :

—En 1453, il était déjà fait mention de Jean Juissel, peintre-vitrier, bourgeois d'Alençon, admnistrateur de la confrérie de Toussaint fondée en l'église de Saint-Léonard d'Alençon, époux de Robine de Lanchal (Tabell. d'Alençon).

— 1506 : son fils Robin Juissel, peintre-vitrier, bourgeois d'Alençon, décédé vers 1545 et son gendre Jean Tabur.

— 1516 : Guillaume Juissel, frère de Robin et décédé le 19 avril 1538, date de sa succession.

L'Arbre de Jessé n'est donc attribué à ces artisans que par présomption et conjonction de dates.


 II. La Nativité de la Vierge. 

  Alors que la verrière a été largement restaurée, cet ensemble est authentique à 80%, ce qui donnent une bonne fiabilité aux détails de posture et de vêtements.

  Sa présence dans le vitrail s'explique pour les raisons de typologie biblique que j'ai énoncées, mais aussi puisque la fête de la Nativité de la Vierge est celle de la Confrérie.

  La scène est délimitée par une architecture à l'antique. Sous un baldaquin bleu à bordure or, Anne est sur son lit d'accouchée, la tête couverte de la guimpe qui lui est traditionnelle, main jointe. Deux sages-femmes, tête couverte d'un voile, prennent soin de la jeune Marie et lui donnent le bain. Une autre femme est agenouillée, main jointe : elle porte une coiffe en bourrelet ou turban centré par une broche, et un voile.

  Qui est la jeune personne qui se trouve au pied du lit ? Les cheveux déliés indiquent qu'elle n'est pas mariée, et sa luxueuse coiffure signale qu'elle n'est pas une servante. Cette coiffure est, comme la précédente, une coiffe à bourrelet à bijou frontal, mais elle est retenue par une bande sous le menton.

En 1842, De la Sicotière décrivait que cette jeune femme était vêtu d'hermine; qu'une femme faisait chauffer un linge sur un brasier allumé, alors qu'au milieu de l'appartement, un prêtre, près d'un bassin  rempli d'eau, semble prêt à baptiser l'enfant...

 

arbre-de-jesse 3807c

 

 

III. Jessé allongé.

Sa posture est semblable à celle de tous les Arbres de Jessé contemporain, allongé sur le coté droit, adossé à un coussin damassé, la main sous la tête dans la posture du songeur, les yeux clos. Sa tenue vestimentaire est riche, hébraïsante et patriarcale associant un bonnet bleu à revers jaune, une première tunique verte, une robe jaune d'or damassée, mais dont on suit difficilement la cohérence du tracé, de son galon à perles et de son revers pour les dissocier du manteau rouge à revers bleu et galon or.

  Là où je ne vois que le repli du galon, les auteurs anciens ont pensé que Jessé tenait dans la main gauche un compas, et, s'interrogeant sur le sens de cet accessoire, ils ont suggéré que l'ancêtre pouvait en son songe inspiré "mesurer par la pensée l'espace de temps qui le séparait de la venue du Sauveur" : De la Sicotière 1842 page 105  et Jules Corblet 1860.  L'idée saugrenue a été citée telle quelle par d'autres auteurs (Bull. Monum. 1845)  Callias-Bay et David (2006) reprennent pour le Corpus cette idée, estimant y voir "Dieu mesurant le Temps et l'homme l'Espace". Je suis convaincu que le galon, ici dépourvu du cément au jaune d'argent, des deux pans droit et gauche du manteau réunis par la poigne de Jessé dessine cet artefact trompeur.

  Le tronc de l'arbre naît de la poitrine du rêveur, et c'est un tronc vert habilement choisi de la même couleur que l'habit. Il se déploie vite en une jungle luxuriante (eh, c'est que Jessé, fils d'Obed, a huit fils, pas moins, et que outre David, les arborescences de ses rêveries accompagnent les destinées d' Eliav, de Avinadav, de Chamma, de Nethanel, de Raddaï et d'Ozem, sans compter celui dont l'histoire a oublié le nom) dont les entrelacs seraient digne d'un Douanier Rouisseau ; mais cette partie du vitrail est, paraît-il, entièrement restaurée.

  

arbre-de-jesse 3782c

 

Selon Martine Callias-Bay et Véronique David, la source de ce vitrail se trouve dans la gravure des Heures à l'usage de Rome de Philippe Pigouchet publié chez Simon Vostre à Paris le 16 septembre 1498 et dont les gravures sont dues au maître des Très Petites Heures d'Anne de Bretagne de 1498 : cela permet de vérifier l'absence de compas, mais la présence de plis divergents du manteau.

  Source : archive.org https://archive.org/stream/OEXV281#page/n33/mode/2up

 

 

LES PROPHETES.

 1. A gauche : inscription  Ysaye XL : Levate in excel[sium] oculos vestros
Isaïe 40:26. "Levez bien haut les yeux [et regardez. Qui a créé les astres ?]"

Il s'agit là d'une citation originale dans un arbre de Jessé où l'on trouve régulièrement Isaïe 7:14. Quelle est la raison de ce choix ? 


                                                   arbre-de-jesse 3784c


2. A droite : Jeremie XXIII regnabit rex et sapiens erit

 Jérémie 23:5 «[Voici venir le temps, l'Eternel le déclare, où je vais donner à David un germe juste]: il régnera avec sagesse  et il exercera le droit et la justice dans le pays". Cette prophétie est considérée par les Pères comme annonçant la venue de Marie et de son Fils.

 Elle est citée par exemple par Isidore de Séville : De fide catholica contra Judeos chap. IX § 6 Quia de stirpe natus est Christus  Migne, Patrologie latine LXXXXIII 466 a :

   

                                    arbre-de-jesse 3783c

 

 

LE REGISTRE SUPÉRIEUR : LES ROIS.

 

  On trouve, posés sur des corolles blanches et rouges, six rois de Juda à droite, et cinq autres à gauche (la place du douzième étant occupé par la Vierge). Les rois situés en périphérie à droite et au centre à gauche portent un manteau rouge, alors que les autres sont vêtus de pourpre et de bleu. Avec les deux prophètes et les deux anges adorateurs, ils forment un double escalier grimpant de Jessé au Christ.

Le costume des rois est bordé de galons dorés perlés et fermé par des mors-de-chape également doré ; les coiffures qui varient de la toque au turban sont enrichies de broches et de médaillons ou de soieries ;  les revers semblent fourrées d'hermine. Les rois   tiennent un sceptre et sont pour la plupart couronnés. Leur nom n'est pas indiqué, et aucun attribut ne permet de les identifier. En 1842, De la Sicotière remarquait "parmi eux, un nègre remarquable par sa figure et son costume", mais celui-ci a disparu en même temps que le compas de Jessé. 

  La particularité iconographique est que trois d'entre eux portent un anneau à l'oreille, et l'un d'eux une chaîne de quatre anneaux.

arbre-de-jesse 3787c

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                               arbre-de-jesse 3790c

 

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LA VIERGE et l'ENFANT. LES ANGES.

Couronnée par un ange, la Vierge à la robe pourpre et au manteau bleu est une Vierge de l'Apocalypse, entourés de rayons d'or et les pieds posés sur un croissant de lune. Nimbe crucifère de Jésus en verre rouge gravé.

Un phylactère au sommet porte une inscription que je n'ai pas déchiffrée. Près de la Vierge, un ange déroule la banderole portant les mots Stirpes (brais?)

arbre-de-jesse 3795c

 

 

 

Stylistique et RESTAURATION.

Stylistique : M. Callias-Bay et V. David signalent la présence de verres rouges dégradés, de verres  gravés sur le nimbe de Jésus, le chapeau d'un roi et sur les galons de vêtements, et de nombreux détails de vêtements teintés au jaune d'argent

Une restauration a été réalisée par Théodore Bernard en 1851.

Les vitraux ont été démontés et mis à l'abri pendant la Seconde Guerre Mondiale.

En 2006, Callias-Bay et David écrivaient  "Verrière assez restaurée (au tiers refaite, notamment une partie du personnage de Jessé, l'ange adorateur de la moucherre droite, la tête des rois situées dans les mouchettes, une partie de la scène de la Naissance de la Vierge, l'échoppe des cordonniers)"


La baie 113 a été restaurée en 2007-2010 par l'atelier VitrailFrance du Mans et remise en place lors d'une inauguration du 14 septembre 2012 :

"En octobre 2009, une analyse détaillée des vitraux sur table lumineuse, en atelier, confirme l’approche réalisée sur échafaudage : six panneaux entiers sont du XIXe siècle, dont le feuillage de “l’Arbre de Jessé” ; les retouches du XXe siècle sont ponctuelles ; le panneau “La naissance de la vierge” est authentique à plus de 80% ; les corporations ont été copiées en parties mais avec qualité (au XIX e siècle) ; les plombs de casse sont présents en quantité infime. À part quelques têtes de rois, de nombreux personnages, costumes et anges sont authentiques".

  "Cette analyse détaillée permet de mettre au jour quelques restaurations anciennes, du XVIe ou XVIIIe siècle, montrant le réemploi de verres anciens issues de verrières disparues, provenant d’un décor sans aucun rapport avec celui de la baie 113. Le morceau coloré est alors choisi uniquement en fonction de sa couleur pour combler un trou car ce sont les plombs qui assurent le dessin."

Elle a bénéficié de la suppression des plombs de casse et de collage silicone CAF, du remplacement de certains verres, de mise en place de plomb Tiffany. Afin de protéger la verrière restaurée, un doublage en verre thermoformé reprenant le réseau de plomb (atelier Debitus à Tours)  est installé derrière la face externe du vitrail et la verrière ancienne est reposée déportée sur l’intérieur. Le vide ainsi créé permet une libre circulation de l’air, qui permet une ventilation efficace entre les deux faces des verres.

— Voir articles Ouest-France 18 septembre 2009, du 30 mars 2010 et du 28 décembre 2010

— Voir reportage Fr3 26 juillet 2013

©Photographie Ouest-Fance : le verre de protection thermoformé.

Les vitraux d’Alençon bénéficient d’une technique de pointe.

http://www.ville-alencon.fr/Download/DP_Inauguration_Arbre_Jesse.pdf

 

Sources et liens.

— CORBLET (Jules) 1860, Étude iconographique sur l'arbre de Jessé Paris  page 9.

—DE LA SICOTIÈRE, 1842 "Notice sur les vitraux de Notre-Dame d'Alençon, "Bulletin monumental tome  VIII 105-115. gallica.

— CALLIAS-BAY (Martine), DAVID (Véronique), Les vitraux de Basse-Normandie, recensement n° VIII du Corpus Vitrearum, 2006, Presses Universitaires de Rennes.

DESPIERRE (Gérasime) 1891 Portail et Vitraux de Notre-Dame d'Alençon, nomenclature des peintres, peintres-vitriers au XVe et XVE siècle à Alencon  Réunion des sociétés savantes des départements à la Sorbonne vol. 15  pp 466-489

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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