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27 octobre 2013 7 27 /10 /octobre /2013 21:47

L'exposition Miró à Landerneau : ça me botte , ou Au Bonheur des Messieurs.

 

  Pas plus que de Flaubert de Charles Perrault , on ne nous fera dire que Joan Miró relève de ce que MM. Binet, Moll et Krafft-Ebing ont décrit comme le fétichisme de la chaussure. Celui-ci suppose "un désir et une excitation sexuelle pour les chaussures (féminines habituellement) à l'exclusion de  tout le reste". Nous sommes ici dans la création artistique, et non dans l'étude clinique d'un cas. Mais cette confusion est si fréquente que la paraphilie est nommée parfois rétifisme, du nom de Restif de la Bretonne pour son roman Le pied de Fanchette (1763). Être l'auteur de Cendrillon peut aussi vous valoir des étiquettes définitives.

 Aussi n'est-ce pas la curiosité envers la Psychopathia Sexualis ( Richard von Krafft-Ebing, Études médico-légales : Psychopathia Sexualis. Avec recherche spéciales sur l’inversion sexuelle, Traduit sur la 8e édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Éd. Georges Carré, Paris, 1895.) mais la simple et pure émotion artistique qui m'a amené à parcourir les galeries de l'exposition Joan Miró l'Arlequin artificier du Fonds Hélène et Édouard Leclerc aux Capucins de Landerneau en passant d'une sculpture à l'autre à la recherche de toutes les chaussures que le sculpteur catalan avait fait réalisé en bronze, et dont il avait poli les formes fines, pointues et cambrées avec un soin particulier.

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   Pourtant...quel gâchis de délaisser tout ce matériel onirique qui ne demande qu'à être interprété ! Quelle agressivité dans cette association avec la molette crantée d'une scie ! Quel appropriation dans ce plaisir d'infliger la gravure de son nom dans la matière !

 

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 Quelle complaisance à associer la froideur de la mécanique industrielle, de ses essieux et de ses tiges avec la ligne sinueuse de l'accessoire de mode !

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Cet homme là ne sait-il pas sculpter le pied d'un homme, pour se contenter de ses richelieu, ses derby et ses molière ? Oh non, il le prouve immédiatement, Phidias et Praxitèle l'accueilleraient dans leurs rangs :

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Mais c'est plus fort que lui, quand il ne sculpte pas des croissants de lune, il forme, presque machinalement, des chaussures.

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On aura remarqué qu'il ne s'agit pas réellement d'ailleurs de chaussures, et que ces formes pleines, creusées en leur cambrion d'une gorge rectangulaire, dépourvues de quartiers ou de tiges, et à l'empeigne percé de deux trous, correspondent plutôt à ces formes rigides qu'on place dans ses escarpins pour éviter qu'ils ne se déforment.

         Site L'Homme Chic.

 Autrement dit des embauchoirs ou embouchoirs dont M. Sakoski, bottier à Paris en 1809, distinguait trois modèles : formes correctives ; semi-correctives ; et d'entretien. Elles étaient "composées de telle sorte qu'à l'aide d'une simple clef de pendule on puisse en augmenter les dimensions dans tous les sens, et sur plusieurs points différents, variables à volonté. Quatre boutons, qui se placent à volonté dans des trous sont destinés à élargir à volonté l'endroit convenable de la chaussure. Deux arbres carrés portent le mouvement dans l'intérieur des formes : l'un se tourne avec la clef lorsqu'on veut allonger ou raccourcir ; l'autre sert, à l'aide de deux roues d'angle, d'une vis de rappel et de plans inclinés, à élargir et à faire sortir, ensemble ou séparément, les boutons. Des pièces à coulisse consolident l'assemblage de la semelle avec le talon. (Dictionnaire chronologique et raisonné des descouvertes ... en France Paris : Colas, 1823.)

  Il y a autant de différences entre une chaussure et son embauchoir qu'entre les rangées de dents d'un sourire juvénile, et l' appareil multibague d'un orthodontiste. Ou entre une poitrine d'adolescente et un corset de Milwaukee. Et si on peut suspecter (à tort) Charles Perrault de fantasmer sur les pantoufles de vair de Cendrillon, on doit dédouaner de toute suspicion de fétichisme un sculpteur catalan qui écoule un stock d'embauchoir récupéré chez un bottier en faillite !



                      chaussures 9998v

 

 

Quoique...

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Published by jean-yves cordier
27 octobre 2013 7 27 /10 /octobre /2013 20:07

             

                   Exposition Joan Miró

à la Fondation Leclerc de Landerneau (1). 


Les sculptures extérieures : "Personnage ithyphallique" !

 

Pour voir l'exposition Joan Miró l'arlequin artificier du Fonds pour la culture Hélène et Édouard Leclerc aux Capucins de Landerneau , le visiteur peut emprunter la rue des Capucins, ou celle de la Fontaine Blanche.

Ceux qui, sagement, suivront mon conseil et choisiront la première option (conseillée aux enfants et aux personnes sensibles) seront accueillis par cette sculpture, le Monument à la femme (Femme, Monument, 1970) , surnommé l' Œuf.

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Ils admireront ensuite l'innocent La Caresse d'un oiseau (Bronze peint, 1968), qui  plaira aux enfants.

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Ils laisseront à leur gauche l'ensemble suivant, avant de gagner l'entrée, et les caisses. : 

 

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Ils apercevront de loin un bronze musclé, qu'ils attribueront peut-être, comme moi, naïvement ou trop influencé par Ionesco, à un rhinocéros surmonté d'un gros garde-bœuf:

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Les audacieux qui ont choisi de passer la rue de la Fontaine Blanche n'auront point ces hésitations, et ils identifieront plus volontiers la statue qui se présente, pour eux, frontalement.

Le titre est "Personnage" , 1970.

E.T. ?  Si on veut, mais très en forme.


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  Séduit par l'anecdote, je suis comme le rustre qui fixe du regard l'index du sage, au lieu de regarder la Lune. 

 Car cette cour des Capucins possède, comme les cités antiques, ses deux portes et ses deux axes. 

Porte du Levant dont le gardien est l'Homme, dans l'élévation de son désir de féconder le possible.

Porte de l'Occident, Porte du Large gardé par la Femme, qui est le Possible de l'Homme, et qui se révèle dans le creux de son potentiel encore virginal comme dans la plénitude de son fruit : Vierge Mère et son Œuf transcendant.

  Le chemin que j'ai parcouru de l'une à l'autre de ces Portes prend alors une autre tournure, et manifestement, les Commissaires ont inscrit dans la partition de cet espace quelque sémiologie que le visiteur peut décrypter : quel est l'axe orthogonal au méridien Féminin-Masculin ? 

  Je l'ignore encore, mais il me plairait de placer en son zénith la Caresse, ses couleurs de clown et sa liberté ludique, et en son nadir la pyramide monochrome à allure de robot inhumain.

  Il restait, dans cette cour d'exposition, une sculpture à décrire, géant humanoïde blanc à l'œil bleu que je place ici dans l'Inachevé d'un Futur. Et l'immense champ de vos rêveries.

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Published by jean-yves cordier
20 octobre 2013 7 20 /10 /octobre /2013 10:39

 

L'asynclitisme, ou comment ôter un bouchon de champagne.

— Philaminte : Comment t'y prends-tu pour faire si bien sauter, à chacun de nos anniversaires,  le bouchon de nos bouteilles de champagne ?

— Argan : Eh, c'est un coup de main ! Après avoir délié le muselet, mis dans ma poche la capsule de fer blanc (je serais volontiers placomusophile, et j'ai longtemps récolté les capsules congés de mes bouteilles de Bordeaux), je place mes pouces de chaque coté de la tête du champignon de liège et j'applique un mouvement d'inclinaison, alternativement d'un coté, puis de l'autre, jusqu'à la délivrance joyeuse que célèbre aussitôt le pop du coup de canon tiré en cette occasion. Et je collectionnerais plus volontiers le cri primal de ces "pop", "boum", "bang" suivi du doux ruissellement des pschitt pschitt pschitt des bulles, si les sons étaient des objets plutôt que ces djinns voués depuis leur création à l'éphémère. Mais  ce caractère éphémère (du grec  ε ̓ φ η ́ μ ε ρ ο ς , qui ne dure qu'un seul jour" ) n'est-il pas le propre de la fête, et de surcroît de l'anniversaire ?

 —  Bélise : A défaut de collectionner les bouchons de champagne, comme les buttappooenophiles, je me pique de réunir les noms techniques. Comment désigne-tu le geste que tu viens de nous miner, Argan ?

— ....

— Clitandre : Le nom n'existe pas encore, ou pas dans cet usage. Il me faut aujourd'hui l'emprunter au Dictionnaire de l'Académie de Médecine, et à l'Obstétrique, et vous proposer le nom d'asynclitisme.

— Trissotin, ânonnant : du grec * a : du préfixe « a » (an- devant une voyelle ou h muet) : privatif, signifie « sans » ou « arrêt » ou « absence de » ; * syn : du grec sun [syn-, sym-, syl-], avec, semblable ; * clitisme, clitique : du grec klinê, lit, ou de klinein [-cline, clino-], incliner. : "incliner dans des sens opposés." 

— Argan : "Incliner dans des sens opposés", mais c'est exactement cela ! Et l'extraction de la tête du bouchon hors du col de la bouteille est réellement une délivrance, qui relève de la maïeutique ! Excellent, baptisons illico ce nouvel emploi du nom ! Champagne, Philaminte, champagne ! 

http://www.essentielle.be/food/champagnedu-raffinement-dans-un-monde-de-bruts-5594.html

 

 

— Clitandre. Quelques précisions en guise d'Ego te baptizo in nomine :

 1. voici d'abord la définition  de l'Académie de Médecine 2013. 

 Asynclitisme, n.m. "Inclinaison latérale, en avant ou en arrière, de l’axe sagittal du pôle céphalique fœtal par rapport à l’axe du détroit supérieur qu’elle emprunte.

Il permet l’engagement dans un bassin aplati ou rétréci ou en cas de présentation du sommet en variété postérieure mal fléchie. Il s’agit d’un asynclitisme antérieur ou postérieur selon que la bosse pariétale antérieure ou postérieure se présente en premier."

2. La dystocie.

Le même mot peut désigner, soit un mouvement, soit un blocage de progression ou dystocie : N. m.  Défaut de coïncidence entre l'axe du bassin et l'axe de la tête du fœtus pendant l'accouchement. Adj. Asynclitique.

 Il peut aussi décrire seulement un mode d'engagement : soit en synclitisme (engagement simultané des deux bosses pariètales), soit en asynclitisme (engagement d'une bosse avant l'autre). Grande encyclopédie Larousse 1971.

3. Le Mécanisme de Bonnaire

 Le mouvement , l'asynclitisme des bosses pariétales pour aider au dégagement de la tête jusqu'au menton, porte le nom de mécanisme de Bonnaire, donné par  E. Bonnaire, gynécologue français (1858-1918) : "Mécanisme permettant le passage de la tête fœtale dans le détroit inférieur du bassin cyphotique: la tête se dégage obliquement en deux temps par un mouvement d’asynclitisme des bosses pariétales".http://dictionnaire.academie-medecine.fr/?q=de)&page=16 

Érasme Bonnaire :Collection Académie nationale de médecine 

http://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/image?anmpx42x0006c

 Il ne faut pas confondre ce "Mécanisme de Bonnaire" avec la "Manœuvre de Bonnaire", dilatation du col entre l'index et le médius des deux mains.

  Des manœuvres d'asynclitisme semblent avoir été décrites également par Champetier de Ribes complétées par Budin : traction en avant et en bas pour engager le parietal postérieur, et franchir le promontoire, puis traction en arrière et en bas pour engager le pariétal  antérieur. (illustrations ici


4. Plongée dans le passé des écoles d'obstétriques de la fin du XIXe siècle.

   L'engagement par le pariétal postérieur avait été décrit correctement par Smellie dès 1752, mais avait été contesté par Naegélé en 1819, qui affirmait l'engagement par le pariétal antérieur, ce qui fut enseigné en France jusqu'en 1850 malgré les protestations de Baudeloque ou de Mme Lachapelle.

    Refusant cette asymétrie de la présentation, la théorie du synclétisme s'impose ensuite : les deux pariétaux s'engagent désormais ensemble dans les enseignements de West (1857), Cazeaux (1858), Duncan (1861) Leischman (1864) et Tarnier (1865).

  La nouvelle théorie synclitique est attaquée par Duncan et Playfair (William Smouth Playfair, Traité d'accouchement, 2ème édition, 1878 traduction Henri Marc Vermeil) qui défendent la notion d'"asynclitism". Comme l'admet alors Tarnier, si la tête descend de manière que le diamètre bi-pariétal soit parallèle au plan du détroit supérieur, et aux différents plans de l'excavation qu'il traverse successivement, (synclitisme), ce parallélisme ne se vérifie que pour la moitié supérieure de l'excavation. Parvenue dans la moitié inférieure et particulièrement au détroit périnéal, , ce synclitisme se rompt, la tête s'incline, la bosse pariétale devient plus basse, par rapport aux plans du bassin qu'elle traverse, que la bosse pariétale postérieure. Il y a asynclitisme, physiologique. 

 En France, S. Tarnier et G. Chantreuil  se convertissent à cette nouvelle conception, et renoncent à la "théorie du synclitisme" (encore tardivement défendue par Küneke) dans leur Traité des accouchements, Paris : Lauwereyns, 1882 page 640. On peut donc dater de 1882 l'apparition de ce nom dans la langue française. Le mot est repris par A. Auvard en 1890 (Traité pratique d'accouchements, Paris : Doin). En 1886, Barnes et Barnes parlent, pour désigner la dystocie, d' asynclitisme exagéré (Traité théorique et clinique d'obstétrique, Paris : Masson 1886). 

Tout semblerait simple, mais Schultze, Schatz, Robert Barnes contestent la représentation adoptée. En 1886 et 1891, H. Farabeuf en France démontre que, dans les bassins normaux comme les bassins rétrécis, la tête foetale s'engage par le pariétal postérieur. Puis Pinard et Varnier, par des travaux anatomiques faisant appel à des coupes de femmes congelées, démontrent que l'asynclitisme, loin d'être réservé à la partie inférieure, survient précocement, mais s'inverse lors de la progression, passant de l'inclinaison sur le pariétal postérieur à celui sur le pariétal antérieur; (Ribemont-Dessaignes 1896, p.365).

 Ce débat sur l'asynclitisme occupe donc la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Sans en pénétrer les subtilités, je retiens que c'est alors que le nom est apparu dans notre langue.


5. Usage médical extra-obstétrical.

 S'il n'avait pas encore été adopté par les invités aux noces de Dom Pérignon avec la Veuve Cliquot, le terme a déjà été détourné de son usage obstétrical par les chirurgiens : 

a. Dans le Nouveau Traité de technique chirurgicale, Paris : Masson, 1967, Lucien Léger, ‎Jean Patel  écrivent :

Cette manœuvre est aisée lorsque la taille de la rate est réduite ou moyenne; lorsque la rate est volumineuse, c'est un véritable accouchement, avec ses manœuvres d'asynclitisme et de bascule, qu'il faut faire, avec une certaine fermeté.

b. Dans un cours de chirurgie du cancer de l'œsophage en ligne :

http://www.medix.free.fr/sim/chirurgie-cancers-oesophage-suite.php "L’agrafeuse est serrée après déblocage de la sécurité. Dès lors, il faut éviter toute traction sur l’anastomose. L’extraction de la pince est grandement facilitée par l’utilisation de modèles récents dont l’enclume pivote après agrafage et desserrage incomplet. Sur des modèles anciens, il faut retirer l’agrafeuse par des mouvements d’asynclitisme et de rotation, tout en maintenant un contre-appui manuel sur l’anastomose.".

6. Proposition de nouveaux usages.

   On pourrait, avec le Dr M. Saïdani, responsable au SAMU  du CESU 35, appliquer ce nom à la manœuvre de retrait du casque intégral chez le motard accidenté : les mouvements coordonnés et prudents de flexion-déflexion du casque, alors que le menton et le rachis cervical est soigneusement immobilisé par un assistant, (voir Fiche technique du CESU 50 page 6 ici) s'apparentent en effet tant au dégagement de la tête du nouveau-né qu' à l'ouverture de la bouteille d'un vin de Champagne ; seul le contexte, dramatique ici, change.


 

 

 

 

 


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Published by jean-yves cordier
15 octobre 2013 2 15 /10 /octobre /2013 10:47

        Les églises des îles du Ponant VI.

              Eglise Notre-Dame-la-Blanche,

                   île d'Hoedic.


      Déjà publié en août 2012, je donne ici une nouvelle version de cet article, enrichi d'un historique sur les vitraux d'En-Calcat, et d'un brève biographie du recteur Pierre-Yves Jourda.

 

      Cet article doit tout au travail remarquable de l'Association Melvan http://www.melvan.org/ et à la publication par celle-ci de la monographie Notre-Dame-la-Blanche, église paroissiale de l'île d'Hoedic, 2011, dont les photographies sont de qualité bien supérieure aux miennes.  On me pardonnera les erreurs d'un amateur mal éclairé.




I. Présentation.

 

  L'église Notre-Dame-la-Blanche est située sur un monticule au Nord-Ouest du bourg, prés de l'ancien sémaphore, et bien visible pour les navires qui abordent l'île pour atteindre le port d'Argol. 

  La présence d'une chapelle sur Hoedic est attestée au XVIe siècle par le Grant routtier de Pierre Garcie Ferrande, publié en 1520, mais fondé sur des versions manuscrites de la fin du XVe. En effet, on y trouve cette description : "Sache que a Hudic y a une chappelle plus pres du bout d'amo(n)t que l'autre. Et en une poincte qu'est a devers su de l'isle en amont de la chappelle ya cinq ou six maisons." (Melvan, la revue des deux îles, n°9, 2012 p. 17). Si cette chapelle servait d'amer, c'est qu'elle était située sur un point élevé et visible de la mer en venant du continent: pourquoi pas déjà à l'endroit de l'église actuelle ?

  L'église actuelle a été précédée par un premier  édifice construit à son emplacement en 1706 par les militaires du génie de Belle-Île, et au frais de la Citadelle. Il s'agirait, dit-on, de racheter l'empoisonnement du prêtre de Hoedic, Christophe Lollinais par les soldats du fort de Beg Lalate furieux de se voir rationner en vin . Auparavant n'existait qu'un oratoire et une maison d' accueil au Paluden pour les prêtres desservants.

  Curieusement, cette première église de l'île fut baptisée "Notre-Dame-des-Neiges", mais dès 1711 on la rebaptisa Notre-Dame-la-Blanche¹. Elle est brûlée par les Anglais en 1746, restaurée avec l'aide des Etats de Bretagne et bénie en 1749. En 1802, Houat et Hoedic, relevant jusque là des ordres monastiques comme propriété de l'abbaye de St-Gildas-de-Rhuys (alors que les moines ont cessé de desservir l'île au XIVe siècle), sont érigées en paroisse. L'ile est alors rattachée à la commune de Belle-Île. Vers 1846, les militaires s'avisent de vouloir construire un fort sur l'emplacement de l'église, et rase celle-ci ; puis, ils décident de réaliser ce projet de Fort Louis-Philippe au centre de l'île, et ils reconstruisent sur le budget de l'Etat l'église qu'ils avaient démolie : c'est donc en 1853 que l'église actuelle est bâtie, par l'entreprise Bobo qui, parallélement, construit le fort, en pierre de taille, selon un plan en croix latine adossée à un reste de l'ancienne église, qui fera office de sacristie communiquant avec le choeur. Elle est bénie le 31 août 1853, en présence, bien-entendu, du capitaine du génie de Belle-Île. En 1860, la situation éminente de l'église entraine la construction, à proximité, d'un sémaphore. (et de nos jours, c'est l'héliport qui s'établit en contrebas).

  Cette construction du fort, même si celui-ci ne joua aucun rôle militaire,  aura au moins deux conséquences : les indemnités d'expropriation des précieuses terres agricoles permettra au recteur d'enrichir l'église d'un mobilier luxueux; et, d'autre-part, l'île s'ouvrira aux influences (très redoutée par le recteur) du continent.

   Grâce aux subsides du Ministère, l'église Notre-Dame-La-Blanche s'enrichie donc de statues, de tableaux d'autel, d'objets liturgiques, puis, avec l'arrivée du recteur Pierre-Louis Féchant entre 1865 et 1876, puis du recteur Raude,une grande commande est faite auprès d'une entreprise d'art religieux de Lorient, l'atelier Le Brun : l'ensemble des boiseries et lambris, la chaire et le confessionnal, la table de communion, le baptistère de marbre sculpté de bas-reliefs et enclos dans uns claustra de bois ajouré, trois statues de saint Paul, de saint Pierre et du Sacré-Coeur, l'autel en marbre de Carare, deux anges adorateurs du même marbre italien, un Christ en croix, un navire enfin, tout cela est acheminé de Lorient et installé par le directeur, Guillaume-Alphonse Le Brun, fils de Jean-Baptiste Le Brun qui fut, lui, sculpteur de la Marine à Lorient (1794-1852).

  En 1864 est institué par arrété préfectoral  le premier Conseil de fabrique, où sont nommés Jean Le Bayon, président, Marie Gildas Blanchet et Joseph Allanic. Il ne se réunira pas une seule fois en dix ans.

  L'île d'Hoedic ne se sépare de Belle-Île pour devenir une commune qu'en 1891 ; elle dépend du canton de Quiberon.

 

¹. Un toponyme "-la Blanche" est toujours susceptible d'avoir dérivé d'un toponyme gaulois bâti sur -vindo, "blanc, sacré" avec sa forme celte gwenn, galloise gwynn sur des lieux sacrès pré-chrétiens : source, éminence, etc...

 


      Liste incomplète  des prêtres et recteurs de l'île d'Hoedic (les dates isolées sont celles où la présence du recteur est attestée):

Pierre Blanchet, 1693- après 1728, desservant (qui deviendra curé de Quiberon)

Christophe Lollinais ?-1706.

Rio 1749, desservant

Puillon 1786

Jean Marion, desservant en 1776 ou 1786 ; en 1791, il fait partie des prêtres réfractaires. Il est  recteur de l'île de 1802 à 1822 (démisson pour rejoindre sa paroisse natale d'Arradon).

Pierre-Marie Glajan, 1822-1839. Né à St-Gildas de Rhuys ; Il fait construire le présbytère.

Joseph Rio, 1839-1849 avant d'être recteur de Bangor à Belle-Île.

...

Vincent Stephano, 1853-1857

Louis-Marie Raoul, 1857-1861 

Mathurin Costevec, 1861-1865

Pierre-Louis Féchant, 1865-1876

Joseph-Marie Raude, 1876-1895

Vincent-Marie Le Vu, 1892-1903

...

Alain le Blévec, 1910-..

Auguste Conan 4 juillet 1936-19 janvier 1946. (mobilisé en 1939 comme intendant de marine puis démobilisé à l'armistice).

M. Dano, 1946-


Jean Rio, 1953- puis recteur de Bangor à Belle-Île

...

Auguste Thomas 1960- , 1966

Marcel Le Mouel, 12 août 1966-1967

Louis Le Guilcher, 1967-1990 : 48ème recteur d'Hoedic.

Pierre-Yves Jourdan, 1990 -1999: premier recteur desservant à la fois Hoedic et Houat, et disposant de son propre canot, le Mea Culpa. Fils du doyen de la faculté de médecine de Montpellier Pierre Jourda, il était devenu moine à l'Abbaye d'En Calcat avant de renoncer à ses vœux ; il est alors hébergé par l'évêque de Vannes avant de se retirer en ermite sur l'Île Longue du Golfe du Morbihan (commune de Larmor-Baden) —il y est en 1981—, de  devenir recteur de l'île d'Arz, puis de Houat et Hoedic. Il est décédé le 9 juillet 2007.

PY_Jourda.jpgP-Y Jourda Image : http://jacbayle.perso.neuf.fr/livres/evenement.html

...

Jean-Noël Lanoë, 1999-2013 et plus..., recteur de Hoedic, Houat (et St-Pierre de Quiberon jusqu'en 2000)

 


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II. Les ex-voto et maquettes de procession.


        Deux maquettes sont suspendues dans la nef, et deux autres à la croisée du transept, de chaque coté. Une seule (l'Ange Gardien) est visible sur les carte-postales de 1963, et enfin la dernière n'apparaît pas sur les photographies de la monographie Melvan de 2011.

 

1.  L'Ange Gardien.

    Les archives paroissiales ont conservé la trace du versement effectué en 1879 de 433 F "pour un navire" au menuisier de Lorient Guillaume-Alphonse  Le Brun, le même qui fournissait dans le même temps les statues et le nouveau mobilier souhaité par le recteur Joseph-Marie Raude.

  C'est donc une maquette de commande, réalisée par un atelier spécialisé dans l'art religieux, mais dont le père était quand-même sculpteur de marine à l'arsenal de Lorient. Elle était sans-doute destinée à participer aux processions des fêtes, pardons et pardons de la mer, mais ne mérite pas d'être désignée sous le nom d'ex-voto.

 On pense qu'il s'agit d'un bâtiment du XVIIIe (?), l'Ange Gardien, un nom bien approprié à sa fonction actuelle.

Sa coque semble taillée en plein bois, et assez grossièrement ; de faux sabords sont peints, comme sur les navires de commerce qui feignaient être équipés de canons. Son nom est inscrit à l'arrière.

  Il est gréé en trois-mats barque, le mat d'artimon ne portant pas de hunier, mais pouvant hisser une brigantine à corne, voire un flèche.

Un trois-mâts nommé Ange Gardien est signalé, en 1856 à 1866. Un brick Ange Gardien de Saint-Malo est enregistré au Bureau Veritas 

L'église Saint-Patern de Sené renferme également un trois-mâts barque du XIXe siècle portant ce nom. Dans celle de Dampierre-sur-mer, c'est un navire du XVIIIe, classé MH, qui porte ce nom.

  Si le navire dont la maquette est exposée à Hoedic n'a pas existé, son nom est néanmoins plausible.



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      2. L'Espoir GV 7416.

  Il s'agit vraisemblablement d'un nom et d'une immatriculation fictive, les initiales GV correspondant au quartier du Guilvinec, mais le numéro et le nom n'étant pas retrouvé dans la réalité. Le nom L'Espoir peut avoir été choisi en relation avec le sens même de la démarche d'un marin faisant un voeu en situation de péril en mer.

  La maquette correspond très clairement à un dundee -thonier, comme ceux qui étaient armès par le port de Groix. Il s'agit d'un authentique ex-voto et non d'une maquette de procession, puisque ce modèle a été offert par le patron du thonier groisillon "Barque d'Yves" en remerciement de l'aide apportée par les pêcheurs de l'île lors du naufrage de ce thonier en 1951 sur les roches de Beg Melen au sud du port La Croix à Hoedic.

  Dominique Duviard ( Groix, l'Île des thoniers, Grenoble, 1978) donne les précisions suivantes sur ce "Barque d'Yves" : LGX 3942, dundee de 58,17 tonneaux, construit à Camaret en 1935, naufrage à Hoedic en 1951.

 Le site Les ex-voto marins http://www.ex-voto-marins.net/pages/lieupage56Hoedic.htm a obtenu auprès de l'incontournable association Melvan et de Michel Perrin des renseignements complémentaires : le chantier constructeur est le chantier Keraudren. Installé sur le sillon menant à N.D de Rocamadour à Camaret depuis 1892, repris en 1935 par Joseph Keraudren jusqu'à sa fermeture en 1969, et qui a construit une bonne part de la flottille de langoustiers mauritaniens camarétois.

Le patron était Yves Salahun, d'une famille d'armateur ou de capitaine implantée depuis longtemps à Groix.

Le navire ponté et gréé de deux mats mesurait 17,8m de long, 6,5m de large, 3,05m de creux ; en 1950, il avait été transformé en pinasse (chalutier à voile) à l'Arsenal de Lorient, motorisé par un moteur Man de 180-198 CV, pour pratiquer le chalutage en hiver et printemps et la pêche du germon entre juin et novembre.  

  Le récit de son naufrage a été raconté par Jean Le Pen à Henri Buttin, et on le trouvera sur le site que je vient de mentionner. J'en retiens que le drame a eu lieu en septembre, en pleine campagne de thon, par fort vent de suroît, alors que le navire ramenait une cargaison de 900 thons; l'équipage de 5 hommes avec le patron, s'était réfugié au presbytère chez le recteur. Le lendemain, il ne restait plus grand-chose du voilier, mais les marins récupérèrent 200 thons avant de regagner Groix.

 On peut se demander pourquoi le patron n'a pas offert une maquette de son propre voilier, et pourquoi la démarche traditionnelle de l'ex-voto (consigner le fait de mer avec précision pour témoigner de la grâce reçue, ici le sauvetage des cinq hommes) n'a pas été respectée.

 

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3.L'ACMIS (?) de Nantes.

  Son nom et son port d'attache  de la maquette récente de  ce trois-mâts carré figurent sur le tableau arrière et sur une flamme en haut du grand-mât. 

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      4. Le Yawl "Oiseau de feu".

 

   Il s'agit d'un des plus beaux voiliers de course, classé Monument historique depuis le 6 novembre 1992. J'ignore la raison de la présence de cette maquette.

  Long de 20,74m HT, 14,71m à la flottaison, avec une largeur au maître-bau de 3,96m et un tirant d'eau de 2,96m, il a été dessiné par Charles E. Nicholson et construit pour Ralf Hawkes, commodore du RORC, en 1937 par les chantiers Camper & Nicholson sous le nom de Firebird X : on ne pourrait imaginer de meilleurs augures. Il participe alors avec succès aux plus prestigieuses courses au large. Dans l'après-guerre, le cotre est transformé en yawl par Hugh M. Crankshaw puis il est cédé à J.E. Green avant d'être racheté en 1962 par Pierre Cointreau qui l'amena en Bretagne. Sous le nom de Flame II, il y navigua en croisière pendant 8 ans. De 1970 à 1973, il appartient à l'ancien ministre Henri Rey qui le rebaptise Vindilis II et le fait naviguer en Méditerranée

 C'est en 1973 qu'il est acheté par Michel Perroud : après une remise en état au chantier Pichavant de Pont-L'Abbé, il le nomme "Oiseau de feu", traduction de son nom d'origine. Mais en 1983, pendant un orage, le voiler amarré en rivière d'Auray rompt ses amarres et crève son bordé contre un parc à huîtres avant de couler. 

  Il est peu probable (mais pourquoi pas?) que la maquette soit l'ex-voto du sauvetage et de la restauration par le chantier Rameau d'Etel. 

  Pendant les six années suivantes, il navigue peu, mais en 1991 il est entièrement reconstruit à l'identique au chantier Raymond Labbé de Saint-Malo sous le contrôle de l'architecte Guy Ribadeau-Dumas qui lui dessine un nouveau gréement de yawl plus élancé avec 250m² de toile au près, 550 au portant.

  Possédé actuellement par l'armateur suisse L'Huillier, il navigue en course ou en charter en Méditerranée à partir de Cannes, son port d'attache.

 

 

 

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Oiseau de feu : complément.

  En octobre 2013, le recteur Jean-Noël Lanoé me signale que cette maquette est un don de Pierre Lembo : "C’est alors qu’il était skipper du bateau que Julien Lembo est décédé accidentellement en Méditerranée".

  Je retrouve alors rapidement sur le net :

  • le détail de l'historique du voilier (que j'avais résumé) sur le site www.loiseaudefeu.com qui signale : "Racheté par Pierre Lembo en 1989, il est envoyé à Saint-Malo pour une restauration totale au chantier Labbé, alors charpentier de marine le plus célèbre du pays. Le pont en pin est remplacé par du teck, les bordés, varangues et membrures abîmées sont  remplacées et les emménagements intérieurs reconstruits conformément à ceux de l’époque. L’architecte naval Guy RIBADEAU-DUMAS lui dessine un nouveau gréement plus élancé. Dès lors, Oiseau de feu porte 250m2 de toile au prés et 550 au portant."

     

  • Un message (s.d) de Julien Bembo sur le Livre d'Or de Jean-Noël Boué sur une Maquette de l'Oiseau de feu au 1/40e.
  • Le site Class Maïca qui signale :"Julien Bembo qui avait posé son sac à bord d'Acteia pendant la Semaine du Golfe 2005. Accidenté quelques semaines plus tard en Sicile, Julien repose désormais sous un château de sable que le petit muret du cimetière d'Hoedic protège juste ce qu'il faut de la brise marine. " 
  • Le site www.carnetsdevoyage.info qui rend hommage à Julien Lembo "propriétaire et skipper de l'Oiseau de feu qui, à l'aube de ses trente ans, a tragiquement disparu au large des îles éoliennes un soir de juillet 2005', et offre un superbe album de photographies de l'Oiseau de feu.

 

Inutile de dire que, dès lors, la maquette de l'Oiseau de feu suspendue sous la voûte de l'église de Hoedic devient autrement émouvante ; loin d'être une "décoration marine", elle témoigne, comme les ex-voto, d'un drame de la mer. Et la présence poignante toute proche, "sous un château de sable" de la tombe du skipper du voilier achève de souligner l'eternel, humble et audacieux défi que l'homme, générations après générations, lance à la mer.

 

III. Les statues.


   1. Chapelle latérale sud : La Vierge ETOILE DE LA MER.

Cette statue de bois polychrome fut, avec celle de St Goustan, la première à être commandée lors de la construction de l'église en 1853. Elle m'interesse par sa réference directe au monde marin : son nom d'Etoile de la Mer, traduction de Maris Stella est illustré par l'étoile qu'elle porte en diadème, et elle tient de la main gauche une ancre de marine par l'extrémité proximale de la verge, où se fixe l'organeau. C'est la classique "ancre à jas", même si le jas en question semble être ici absent (ou démonté puisque mobile) : symbole d'espérance et de dernier recours en cas de péril.

  J'ai trouvé cette statue de Maris Stella dans toutes les églises et chapelles des îles du Ponant, et dans de nombreux sanctuaires du littoral breton, et ce qualificatif de Marie, issu des litanies, semble être celui que les marins préfèrent, celui sous lequel ils invoquent la Vierge.

  Sur le lambris bleu ciel frappé d'hermines du choeur sont peints les premiers mots de la prière AVE MARIS STELLA dans un phylactère, surmontant l'ancre dûment équipée de son jas fixe sur lequel se pose un coeur enflammé. 

  Je rappelle que l'église est dédiée à Notre-Dame-La-Blanche, transformation de Notre-Dame-des-Neiges ; néanmoins, aucune statue n'est consacrée à cette Vierge, dont la représentation doit être difficile. Ce nom est aussi celui d'une chapelle de Theix, à 10 km de Vannes, d'une chapelle de Guérande, ou d'une chapelle de Bourges. 

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2. Chapelle latérale nord : Saint Goustan

  C'est donc, selon l'importance, la seconde statue, et le second personnage de l'église, son patron après Notre-Dame. Il tient un crucifix, sans-doute pour mentionner son rôle d'évangélisateur, et un poisson, qui fait allusion au "miracle du poisson" illustré aussi dans le vitrail.

  Vers 1890, le recteur Le Vu demande que la paroisse fête chaque année la Saint-Goustan, le 27 novembre, par une procession. Puis il commande en 1895 les vitraux racontant quelques scènes de la vie de ce saint, avant d'obtenir l'année suivante, le 27 novembre 1896, la translation sur l'île d'une relique provenant du tombeau du saint, récemment ouvert dans l'abbaye saint-Gildas-de-Rhuys. La relique est placée au centre d'un reliquaire d'orfévrerie en forme d'ostensoir, et ce reliquaire est renfermé dans un petit meuble vitré nommé cabinet.

 

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3. Sainte Anne et saint Joachim.

Chapelle latérale sud

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      4. Saint Michel-Archange

  Il tient, c'est inhabituel, un crucifix plutôt qu'une lance ou une épée, mais il terrasse la bête immonde aisément, du pied droit. Le dragon regrette le bon temps du Jurassique, où les siens vivaient en paix avec les ornitischiens, les sauropodes et les camarasaures, broutant les cycadales fraichement éclos et les succulents bennetittales.

 

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IV. Les vitraux.

1. Les vitraux contemporains.

Réalisés en dalle de verre éclatées et ciment à l'abbaye d'En Calcat (Tarn) et posés en 1993.


  Il faut replacer ces vitraux dans le cadre du "renouveau de l'Art Sacré", initié dès 1935 par la Revue d'Art Sacré dans la suite des Ateliers d'Art Sacré de Maurice Denis en 1919, et marqué par l'exposition Vitraux et tapisseries modernes  au Petit-Palais en 1939 : il faut suivre le fil conducteur qui mène des dominicains Marie-Alain Couturier et Raymond Pie Régamey vers les artistes contemporains engagés politiquement et notamment Jean Lurcat, de ces artistes vers la construction de la chapelle du Plateau d'Assy qui sert d'oeuvre-manifeste(1950) puis des tapisseries de Jean Lurcat vers l'atelier de Dom Robert, dominicain de l'Abbaye d'En Calcat, dans le Tarn. Pendant que Dom Robert de Chaunac ouvre cet atelier en 1958, le père Ephrem Socard, fils de maître-verrier, crée en 1950 l'atelier de dalles de verres d'En Calcat, développant cette technique novatrice des "dalles de verre" et devenant le maître du peintre-verrier toulousain Henri Guérin qui applique cette technique à l'architecture civile.

  L'abbaye d'En Calcat, qui se fait aussi connaître dans le renouveau de la Musique Sacrée, tient donc une place centrale, au moment du tournant liturgique de Vatican II, en matière d'Art Sacré. A partir des années 1960, le Père Ephrem forme à son atelier de vitrail le Père Denis Hubert, qui lui succéda en 1985 jusqu'en 1999. Frère David reprend alors l'atelier jusqu'en 2009.

  La technique joue sur la découpe et le coloris de verres  (plus de 2000 nuances disponibles) fabriqués dans les fourneaux de G. Albertini à Montigny-les-Cormeilles, et sur l'épaisseur du joint, qui reprend le rôle graphique du plomb.

  J'ignore si d'autres réalisations de cette abbaye sont visibles en Bretagne. La présence de cinq baies en dalle de verre d'En-Calcat dans l'église d'Hoedic est une sorte d'hapax technikemon où se rencontre (ou se heurte), plus encore qu'en la chapelle de la Madeleine à Penmarc'h avec les vitraux de Bazaine, la fine pointe de l'art contemporain avec l'art assez naïf de la foi bretonne, les commandes para-sulpiciennes d'un recteur en plein exercice de théocratie insulaire, et l'air marin des navires suspendus en ex-voto. Le grand souffle troublant de Vatican II et de l'art sacré a placé ici côte-à-côte les vitraux d'A. Meuret, où des bretons et bretonnes en coiffes et chapeau rond, chupenn et bragou braz  se prosternent à genoux, avec la spiritualité lumineuse, rythmée et abstraite du Père Ephrem Socard.

Le Père Denis Hubert est venu à Hoedic poser la première pierre le 18 mars 1993. (information communiquée par le recteur Jean-Noël Lanoé)

 


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Une étrange plaque de donation.

 

 Sous un vitrail sud, une plaque du 2 juillet 1994 nous indique que ces vitraux ont été "offerts par le Petit Futé  lors du baptême du Numa, César, Scipion".  Je ne retrouve alors pas d'information sur ce qui pouvait être un navire de pêche (j'avais omis de noter les virgules qui séparent les trois noms), et l'énigme me poursuit jusqu'en octobre 2013.

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  A cette date, l'association Melvan signale  à ses membres que "Le 1er prix national du mécénat populaire a, pour cette année, été accordé à la souscription pour la restauration de l’église d’Hoedic, très menacée. Cette belle distinction (5 000 €) sera remise le 20 novembre 2013 Porte de Versailles, dans le cadre du salon des collectivités. « Avec 250 donateurs ayant versé 25 000 € la mobilisation a été exceptionnelle pour une île qui compte moins de 100 habitants » se félicite Dominique Le Brigand, de la fondation du patrimoine.". 

  Cette nouvelle vient m'inciter à reprendre mes recherches. J'interroge Pierre Buttin, qui interroge lui-même les membres de l'association, et même le recteur Jean-Noël Lanoé, qui se propose de consulter les registres de catholicité de la paroisse, tout en doutant fort que l'Église ait accepté de baptiser un paroissien d'un prénom si peu catholique.

 

  Ils sont en réalité trois, trois fils nommés Numa, César, et Scipion, les trois fils (leur sœur se nomme Cléopâtre) de Dominique Auzias, le fondateur en 1976 des guides Le Petit Futé.

 

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Il faut savoir que  l'éditeur-voyageur, originaire de Carcassonne, berceau de la famille Auzias depuis des siècles, a racheté le domaine viticole de ses aïeux, le château Auzias-Paretlongue, à Pennautier. Or, on peut lire dans l'historique de ce vignoble http://www.auzias.fr/p3.html la mention suivante : "1998 Numa, César, Scipion et Cléopâtre Auzias succèdent à Anne de Ginestet-Puivert, née Castel et descendante des frères Castel et rattachent à Paretlongue le vignoble voisin de Villedubert appartenant à leur grand-mère paternelle." Le même site vous présentera, après la cuvée Monsieur et la cuvée Madame, la Cuvée Numa, rouge 1998, puis  Cuvée Cesar rouge 1998, Cuvée Cléopâtre rouge 1998 (réservée à l'Amérique du Nord) ...et Cuvée Scipion rouge 1998, réservée à Hong Kong et à la République Populaire de Chine. 

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  L'histoire complète de cette donation est aussi riche que passionnante. Je la place en Annexe pour la clarté de la visite de l'église.

 

 

 

2. Les vitraux d'A. Meuret, Nantes, 1895. 

 

  Ils ont été commandés par le recteur Vincent-Marie Le Vu (en fonction de 1892 à 1903) pour 900 F. à l'atelier Antoine Meuret de Nantes.
  Le recteur a théoriquement le choix entre près de 150 ateliers en province en France, mais certains sont de telles institutions, pour ne pas dire industries, qu'elles sont peu contournables : Champigneulle à Bar-le-Duc avec 125 employés,  Bazin-Latteux dans l'Oise (60 employés), Lorin à Chartres, dont je rencontre si souvent les éxécutions (53 employés), Hucher-Rathouis du Mans (40), et enfin le plus proche, Meuret-Lemoine et ses 32 employés. C'est donc cet atelier, qui vient de travailler à la cathédrale de Vannes, qui emporte le marché.

  Quand au thème, il est choisi par l'actualité, puisqu'au début des années 1890, on vient de découvrir lors de fouilles de l'ancienne abbatiale de Saint-Gildas de Rhuys le tombeau de saint Goustan, et que les os du saint ont été identifiés par sa blessure au pied ( Goustan, fait prisonnier à 18 ans par des pirates, avait été abandonné sur l'île d'Ossa (Ouessant, ou plutôt Houat) à cause de cette blessure ; puis Felix l'avait recueilli, et conduit à Rhuys).

  Saint Goustan, Gunstan ou san Sten (que l'on rapproche du breton ar stean, l'étain) est né en Cornouaille britannique en 974. Sa vie est contée par frère Albert Le Grand, de Morlaix, dans sa Vies des saincts de la bretaigne armorique, Nantes 1637 link . Il dit s'être documenté dans les anciens légendaires manuscrits de Saint-Gildas de Rhuys. Enlevé par des pirates pour servir de gabier, et priant Dieu pendant sa longue captivité nautique, "il lui arriva une grosse défluxion sur un pied, lequel luy enfla tellement qu'il ne se pouvait remuer" ( c'est, Freud ne s'y serait pas trompé, une forme commune du complexe d'Oedipe, du grec oedipos, pied enflé.) "De sorte que le capitaine du navire, voyant q'uil n'en pouvait plus tirer de service, le fit mettre à terre à la coste de Léon." Il prie Dieu de le guérir, et se rend auprès de saint Pol de Léon, avnt d'aller en pélerinage  à Rome. Revenu en Bretagne, "et résolu de faire divorce avec le monde", il se rend à l'abbaye Saint-Gildas de Rhuys où Félix le reçoit parmi ses moines ; recherchant une vie plus solitaire encore, il se retire sur "l'île d'Hoüadic" avec un compagnon nommé Budic (Budoc).

 

Première baie 

  • Saint Goustan bénit la première colonie.Les moines de Rhuys se préoccupèrent de coloniser les îles alors désertes en y conduisant des familles de la Presqu'île de Rhuys, et c'est Goustan qui les accompagne à Hoedic alors que Félix se retire en ermite à Houat. Il est difficile de comprendre pourquoi Antoine Meuret, qui travaillait à Nantes et avait déjà vu des navires, a dessiné un voilier qui ressemble au mariage d'une coque avec une poule (les faucons s'y laissent prendre).
  • Saint Goustan chasse le démon d'Hoedic.C'est bien-sûr la première tâche à accomplir, surtout après deux siècles où les bandes de viking ont sévi. Mais, selon Albert Le Grand, ce ne fut pas si facile, car le diable, "crevant de rage de se vor défié par ce jeune homme" lui présentait des spectres et des fantômes horribles ; Gustan les faisait disparaître d'un simple signe de croix, mais restait sur ses gardes et ne se promenait qu'avec un bénitier à la main. Bien lui en pris, car c'est déguisé en homme que le démon l'aborda et lui proposa me mettre un terme à ses privations et macérations. Lassé de ne pas convaincre, il tombe le masque et s'énerve : "Quoi ! N'est-ce pas assez à vous autres moines de nous avoir chassé de tout le reste du monde, sans que vous veniez nous persécuter jusque dans les îles les plus stériles et inhabités ?" Qui se souciera enfin de cette menace pour la biodiversité ? Mais on dit que, sur quelques roches de Pen Men ou des Cardinaux, l'espèce pourrait se reproduire encore; ailleurs, elle vit masquée, indécelable, à nos cotés.

             Satan se vengea en lui jouant un vilain tour : il se transforma en un cheval qui trainait son licol, et, bien-sûr, Goustan, posant son bénitier se saisit de la longe : le satanée cheval tira si fort qu'il blessa le saint à l'épaule.

 

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      Deuxième baie : 

  • S. Goustan apaise la tempête.    On dit qu'il apaisa une tempête, mais l'histoire exacte est, selon le frère Albert, qu'une flottille de navires du Comté de Cornouailles (ce détail est attesté sur le vitrail d'Hoedic où le nom "Cornouailles" est inscrit à la proue du canot) fut contraint de mouiller en rade d'Hoedic pour attendre des vents favorables ; mais ceux-ci se faisaient attendre, et les marins supplièrent Goustan d'employer ses talents de thaumaturge à faire tourner le vent, lui promettant, en cas de réussite, "qu'ils luy feroient présent d'un habit complet"; le marché conclu, et le bon vent obtenu, les navires allèrent "faire leur emplète " à saint-Nazaire, mais revenus devant Hoedic, ils refusèrent de s'arréter,pour profiter du vent portant. C'est alors seulement, pour les punir et à la demande du saint très-puissant en météorologie, que la tempête se leva, jetant les navires vers les rochers de l'île. Le capitaine comprit sa faute, prit son annexe, amena au saint son habit de belles étoffes de Nantes, et la flottille put repartir.

                Les matelots, sur le navire en perdition, portent le bonnet effectivement porté par les marins bretons. Le capitaine, qui amène le baluchon de bélinges, de Noyales ou de Crées, et son second portent aussi ce bonnet, une marinière à capuchon ou une veste en toile cirée, mais des bragou, guêtres et chaussures qui ne sont peut-être pas appropriées à la navigation.

              L'artiste a repris, pour le navire, le même modèle de bateau à proue ornithoïde.

  • Le miracle du poisson. Certains disent que, déposé sur l'île d'Ossa par les pirates, Goustan survécut grâce à un poisson que Dieu lui apportait. Mais selon la Vie de saincts dee bretaigne armorique, c'est à Hoedic que l'affaire se passa. Saint Budoc était tombé malade ; Gustan le presse de manger, alors que, précisément, les deux ermites n'ont rien à manger depuis longtemps. Il se rend sur le rivage, se met à genoux, "& incontinent un gros Marçouin, nageant à fleur d'eau, se vint rendre à lui & expira à ses pieds". Ils firent bombance, et envoyèrent le surcroit à leurs frères de Rhuys.

      Une autre fois, le même procédé ne réussit pas, et Goustan en tenta un autre : "levant le bas de sa robe, fit signe à un navire qui cinglait à pleines voiles". Devant ce spectacle peu commun d'un moine soulevant sa robe, le navire se détourna et leur offrit des vivres.

 

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V. Les autres éléments remarquables.

  1.La girouette, en forme de bar, et (on est une île de pêcheurs ou on ne l'est pas) le faîtage du chevet couvert d'ardoises "posées en arête de poisson".

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2. Le Chemin de croix sur plaque de cuivre (ou de tole) commandé par le recteur Raude en 1883 aux établissements Louis Chovet de Paris. Déposé en 1964 par le recteur Thomas pour une ouevre plus moderne, il a été restauré  et réinstallé en 1986 à la demande d'Henri Buttin, historien de l'église, sans-doute pour "son style représentatif de cette époque".

3. Le tryptique Grecoïde placé dans le transept sud ressemble à une copie d'un Greco avec une Crucifixion, l'Annonciation et la Vierge à l'Enfant : c'est une peinture sur toile , réalisée en décor d'u film l'Incorrigible de Philippe de Broca, tourné en 1975 avec Belmondo. Le peintre-décorateur Éric Moulard en a fait don au recteur.

4. Les armoiries épiscopales et papales du lambris qui donnent une fourchette de date de réalisation de 1878 à 1897 : la voûte lambrissée a été peinte par l'atelier A.G. Le Brun en 1878 et 1879, traitée en ciel étoilé enrichi de fleurs de lys et d'hermines. Deux autres blasons accompagnent ces armoiries, dont l'un représente un calice et une hostie.

  • à droite du choeur, armoiries de Mgr Jean-Marie Becel , évêque de Vannes (1865-1897) : d'hermines à la croix d'azur, auquelles est parfois suspendue la croix de sa légion d'honneur. Devise :Caritas cum Fide.
  • à gauche du choeur en vis-à-vis, armoiries du pape Léon XIII (1878-1903), d'azur au cyprès de sinople planté sur une plaine de même accompagné au francs quartiers d'une comète d'or et en pointe de deux fleurs de lys d'argent, à la fasce d'argent brochant sur le tout.

 

 

ANNEXE. La donation des vitraux de l'abbaye d'En-Calcat.

      Remerciements à Dominique Auzias pour cette histoire, et pour les vitraux.

Comme je l'ai écrit plus haut en racontant comment j'ai fini par comprendre le sens de la plaque de donation des vitraux d'En-Calcat, cette histoire est aussi riche que passionnante. Elle m'a été raconté le lendemain même de ma découverte, par Dominique Auzias lui-même, lors d'un entretien téléphonique alors que, de retour de ses vignobles de Chine (Chateau Reifeng-Auzias), il attendait un vol vers l'Amérique. 

 Ne comptez pas sur moi pour abréger ce récit, mais plutôt de l'enrichir de toutes les paperolles possibles.

  1. L'Alumnat d'En-Calcat.

Savez-vous ce qu'est un "alumnat" ?  Le mot vient du latin alumnus, "disciple", et il désigne "dans quelques ordres religieux, un établissement secondaire réservé à leur propre recrutement" (Larousse). Si vous cherchez sur la toile alumnat d'Encalcat, vous trouverez des quantités de référence sur des enregistrements de chœurs de garçon chantant, avec les moines d'En-Calcat, des chants grégoriens ; mais ce sera à peu près tout.

L'abbaye Saint-Benoît d'En-Calcat  a été  fondée en 1890 par Dom Romain Banquet (1840-1929) parallèlement à une fondation de bénédictines à Dourgne, l'abbaye Sainte-Scholastique. En-Calcat devient abbaye en 1894.  Dès octobre 1890, l'abbé Romain et ses frères accueillirent des enfants, les alumni, considérés comme  de véritables postulants, ou "prè-postulants" qui de ce fait faisaient partie de la communauté et en partageaient la règle ; et on comprend que beaucoup d'entre eux ne restaient pas plus de quelques semaines à quelques mois.

  En 1903, la loi sur les congrégations de 1901 contraint les moines et leurs alumni au nombre réduit, à prendre l'exil pour l'Espagne, à Parramon. Des élèves sont repris par les parents ne tolérant pas ce départ à l'étranger, d'autres recrues arrivent, permettant de reconstituer l'alumnat, puis repartent face aux conditions très rudes. En 1907, huit enfants viennent de France et le collège reprend. En 1908, la communauté s'installe dans l'ancienne abbaye San Pedro de Besalú ; quatre petits aveyronnais orphelins de mère sont conduits par leur père M. Guillaume à l'alumnat. L'effectif est de 16 en 1906, de 22 (chiffre record depuis la fondation) en 1907, puis de 26, mais beaucoup ne restent que quelques mois et seuls 5 rentrent au noviciat. Devant ces difficultés, Dom Romain décide d'accueillir désormais des enfants pour leur scolarité, en dehors de tout projet de recrutement, les parents ayant l'assurance que leur enfant recevra au sein de la communauté religieuse un enseignement et une éducation chrétienne de qualité. L'alumnat change de statut et devient alors une école monastique. Elle accueille les quatre fils du Colonel De Chabannes, dont trois deviendront moines.

En 1918, la communauté revient à En-Calcat. 

  Je manque d'information jusque dans les années 1950, où je trouve en ligne le témoignage d'un alumni : "A cette époque l'abbaye disposait d'un "alumnat", petit collège de trente enfants ; j'y ai passé quatre ans de ma vie de 1946 à 1950 (Père abbé Dom Marie, Père Maître : Père Jean Marie) ... Nous sommes rentrés 12 en 6° (c'était la nombre maximal) mais nous n'étions plus que 8 en 5°,  6 en 4° ; nous rentrâmes à trois en 3° ... classe que je terminais seul, X. nous quitta en milieu d'année et XX. eut un accident  et ne termina pas l'année

Le régime de l'Abbaye ne convenait pas à tous ; on ne sortait que 3 fois par an: le lendemain de Noël, le lendemain de Pâques, et le 14 Juillet ; Le dortoir n'était pas chauffé, nous servions tous la messe tous les jours (Il y avait alors 70 prêtres à l'abbaye), il était interdit de parler, sauf en récréation et en classe ...nous correspondions par signes, comme les moines avec lesquels nous prenions nos repas au grand réfectoire ... écoutant les lectures : à midi la bible, le soir un livre  suivi de la suite de "La règle de Saint-Benoît" que j'ai du entendre 5 ou 6 fois. 

Les "anciens d'En-Calcat" ne sont guère plus de 200, et, compte tenu du recrutement qui se faisait de bouche à oreille, nous étions pratiquement tous cousins et ceux qui ne sont pas encore sur la base devraient y atterrir un jour ou l'autre ....La communauté, conduite par le Père Abbé Dominique HERMANT (1965-1978) vit activement le grand renouveau insufflé par le Concile de Vatican II : que ce soit la redécouverte de l’importance de la lectio divina (étude de la Parole de Dieu), ou l’adaptation à l’économie moderne ... Mais Il n'y eut plus d'alumnat ... Quel dommage pour tous !"

  Le Père Lambert, Benoît Kampé de Fériet, y fut professeur de mathématique. On mentionne aussi que "Dès le début de son séjour à En Calcat, dom Urbain organise, forme et dirige la schola d'enfants, tout en assurant quelques cours à l'Alumnat du monastère. Il supplée le maître de choeur dom Maur Sablayrolles, souvent appelé au dehors". Je ne retrouverais pas d'autre information, si ce n'est la mise en vente d'un Cours simplifie d'anglais, a l'usage des eleves de l'alumnat de l'abbaye de st. benoît d'en calcat, fasc. n° 1 par Frère PAUL-GABRIEL, Edité par Abbaye de St. Benoît d'En Calcat, Dourgne, 1941 (amazon). 

 Quelques anciens élèves mentionnent leur scolarité à l'alumnat, comme Arnaud Ramière (1939), ou Bernard de Monès.

Lorsqu'il ferma ses portes, en 1966, le collège formait encore une trentaine d'élèves.

 

2. Dominique Auzias, élève de l'Alumnat d'En-Calcat.

 Dominique Auzias, fondateur des guides du Petit-Futé en 1976 est issue d'une vieille famille de propriétaires viticoles de Carcassonne. Il a été élevé, comme ses frères, à l'Alumnat d'En-Calcat dont l'école comprenait alors 15 élèves. On pourrait tout redouter de telles écoles monastiques, qui m'évoquent les écoles coraniques, ou les moinillons en guenille des monastères tibétains, mais Dominique Auzias ne semble pas garder un mauvais souvenir d'un établissement où le travail scolaire n'occupait que la moitié de l'emploi du temps, l'autre moitié, selon la formule monastique Laborare orare est, "travailler c'est prier" étant consacré au travail manuel. Or, à l'époque, il ne s'agissait de rien d'autre que de participer, auprès de Dom Robert, à la réalisation de ses célèbres tapisseries ; et ainsi, le jeune Dominique, se souvient à 12 ans, d'avoir dessiner le coq que Dom Robert plaça au coin d'une tapisserie. [En examinant les œuvres de Dom Robert, le coq le plus proche de cette description serait celui de l'aquarelle de la "Vierge de la chapelle de l'Alumnat".]

  On imagine combien cette fréquentation d'un grand artiste a pu être stimulante, lorsque l'on sait que, par ailleurs, le "vitrier" était le Père Ephrem, le maître de musique était Dom Clément (Maxime Jacob). On peut ajouter la présence de Dom Marie-Alain Rivière, O.S.B., travaillant aux cotés de Dom Clément pour le renouveau de la musique sacrés (on pourra lire son étude de l' "épisema horizontal" dans la musique grégorienne si on veut s'en convaincre). A travers lui, c'est toute la belle-famille d'Alain-Fournier l'auteur du Grand Meaulnes  qui est représenté : lui-même est le fils d'Alain-Fournier et de son épouse Isabelle Rivière ; ou sa sœur Jacqueline, religieuse. Et l'oncle de Dom Marie-Alain Rivière n'est autre que Jacques Rivière, l'ami, confident et correspondant d'Alain-Fournier avant de devenir, entre autres, le patron de la NRF et l'éditeur de Proust. Voilà seulement quelques éléments illustrant l'émulation artistique de l'abbaye à cette époque. 

  C'est à cette occasion qu'il fit la connaissance de Claude Jourda, alias "Frère Pierre-Yves Jourda". 

3. Une rencontre dans le Morbihan.

  Pierre-Yves Jourda mit un terme à ses vœux à l'abbaye d'En-Calcat et fut "recueilli" quelques temps par l'évêque de Vannes ; dans les années 1980, il vécut en ermite sur la petite île Longue du golfe du Morbihan, devant Larmor-Baden, puis il fut nommé recteur de l'île d'Arz.

  En même temps, Dominique Auzias a épousé Nathalie ; sa belle-famille possédait une propriété dans le golfe du Morbihan au Logéo (entre Sarzeau et Arzon), et lors d'un séjour de vacances, il eut la surprise de retrouver le Père Jourda. Celui-ci lui proposa de baptiser le premier enfant du couple, prénommé Numa, dans l'église de l'île d'Arz, ce qui fut fait.

  Lorsqu'un second enfant, prénommé César, vint au monde, le père Jourda était devenu recteur de Houat et Hoedic, et, tout naturellement, le baptême eut lieu à Hoedic. 

  De la même façon, le jour où il fallu baptiser Scipion, on organisa la traversée ; c'était presque devenu une habitude que de larguer le mouillage du voilier de plaisance au Logéo pour mettre le cap vers Hoedic avec le courant de marée, les grands-parents prenant la vedette à Port-Navalo ; de célébrer la cérémonie à l'église ; d'offrir un "pot"  au fort de l'île ; puis d'amorcer le retour sans tarder avec le flot, de passer Méaban et Ker Pen Hir, de saluer l'Île Longue en pensant à son ancien ermite, de profiter des courants devant Berder et Ar Gazec pour, en fin de journée, reprendre le mouillage du Logéo.

  Quand à  Cléopâtre, la petite dernière, elle fut baptisée ailleurs.. 

4. Des vitraux en remerciement.

  Lorsque Dominique Auzias voulut témoigner de sa gratitude, il demanda au Père Jourda ce qui pourrait être fait ; celui-ci songeait à donner de nouveaux vitraux à l'église. Et, tout naturellement, les deux "Anciens d'En-Calcat" songèrent à s'adresser à l'atelier de vitrail de l'abbaye. C'était alors, depuis la mort du Père Ephrem, le Père Denis Hubert qui faisait office de maître-verrier, mai Dominique Auzias participa au carton. Il se souvient de trois thèmes associant l'histoire d'En-Calcat et le monde des marins: le premier rappelle les bérets à pompon rouge des matelots ; le second est une allégorie de la navigation, une vague de vaisseaux se dirigeant vers le ciel, et le troisième est dédié à la féminité.

5. De drôles de prénoms.

 Le premier prénom attribué, celui de Numa, est une reprise du prénom d'un glorieux ancêtre, Numa Gaydes d'Aygues Vives. Celui-ci, qu'une municipalité a qualifié un peu rapidement d'Amiral,  était directeur du Génie Maritime, c'est à dire officier de la marine, mais non officier de marine, seul autorisé à recevoir le grade d'amiral.

Gayde Numa Émile Prosper, Directeur du Génie maritime Né le 9 août 1856 à TRÈBES (Aude) - Décédé le 22 février 1944 à AIGUES-VIVES (Aude). 
Élève de l'École polytechnique le 1er novembre 1877, Élève du Génie maritime le 1er octobre 1879. Au 1er janvier 1881, à l'École d'application du Génie maritime de CHERBOURG. Ingénieur de 2ème classe le 7 novembre 1881. Ingénieur de 1ère classe le 10 novembre 1883. Au 1er janvier 1885, 1886, port BREST. Ingénieur en chef de 2ème classe le 27 novembre 1891. Le 31 janvier 1892, Sous-chef de la 2ème Section (constructions neuves et premier armement) de la Direction des constructions navales à BREST. Idem au 1er janvier 1894. Chevalier de la Légion d'Honneur le 30 décembre 1895. Aux 1er janvier 1897, 1899 (nomination du 2 décembre 1895), en résidence à PARIS, Attaché au service technique des constructions navales du Ministère de la Marine. Ingénieur en chef de 1ère classe le 14 novembre 1899. Au 1er janvier 1900, même affectation. Idem au 1er janvier 1906. Officier de la Légion d'Honneur le 13 juillet 1906. Ingénieur général de 2ème classe le 13 décembre 1907. Au 1er janvier 1911, à PARIS, Directeur du service de la surveillance des travaux confiés à l'industrie (nomination du 13 juillet 1908); Membre de la Commission des machines et du grand outillage. Commandeur de la Légion d'Honneur le 31 décembre 1913. Idem au 1er janvier 1915. Ingénieur général de 1ère classe le 25 mai 1916. Aux 1er janvier 1917, 1918, à PARIS, Adjoint à l'Inspecteur général des constructions navales LOUIS; Président de la Commission centrale des marchés industriels; Membre du Comité consultatif des demandes et exonérations de pénalités. Au 1er janvier 1921, Inspecteur général des constructions navales; mêmes fonctions. Grand Officier de la Légion d'Honneur le 30 janvier 1921.

  Un domaine viticole dans le Haut-Minervois,  un cru, et une rue d'Aigues-Vives portent son nom, ainsi que ce titre usurpé d'amiral. (Chateau l' Amiral, Avenue de l'Amiral Guayde, Aigues-Vives ).

On sait mieux que Numa, ou  Numa Pompilius était le deuxième des sept rois mythiques de la monarchie romaine. 

 

  Ce premier né Auzias portant ce prénom, on imagine bien que les parents ne pouvaient faire autrement que de nommer César le second, et Scipion le cadet, avant de décerner à la jeune dernière le prénom de Cléopâtre.

  Le Père Jourda, avant de les baptiser, avait tenté de trouver des saints apostoliques et romains sous le patronage desquels les placer ; et il avait réussi paraît-il à trouver un saint César ; Scipion n'avait pas, par contre, d'équivalent.

  Ce sont leur prénoms d'État Civil, mais ils portent aussi les prénoms bien chrétiens (voire royal pour le premier) de Louis, Maxime, Camille, et Élisabeth. 

  Muni de tous ces renseignements, le père Lanoé a fini par retrouver sur les registres de la paroisse, à la date du 2 juillet 1994, la mention du baptême par Pierre-Yves Jourda de Camille, Scipion, Christophe, Émile Auzias, et de son frère Maxime François César. 


      A propos de Pierre-Yves Jourda.

  Le père Jean-Noël Lanoé a bien voulu me donner les précisions suivantes :

 "Concernant Pierre-Yves Jourda, quelques ajustements.

Il a quitté son abbaye d’En Calcat pour tenter une expérience érémitique, en accord avec ses supérieurs. Il s’est d’abord installé dans l’île de La Jument, située dans le Golfe sur le territoire d’Arzon, mais le port qu’il utilisait a été d’emblée Larmor-Baden. Sur La Jument, il assurait aussi la surveillance des parcs ostréicoles. Assez vite (je n’ai pas de dates), il quitte La Jument et vient s’installer à l’Ile Longue, sur le territoire de Larmor. Là, il bénéficie de la vedette mise à sa disposition par le Comte de Liraut propriétaire de l’île. Il a travaillé un temps à la pêche, d’abord avec un pêcheur d’Arzon (Lulu Bonnec), puis il a fait une brève tentative seul. A cette occasion, il est devenu « inscrit maritime ». Mais il est vite devenu le passeur pour transporter les visiteurs de Larmor à Gavrinis et son célèbre Tumulus. Il était donc toujours moine bénédictin. Mais ses supérieurs et l’évêque de Vannes, constatant sans doute qu’il éta

it de moins en moins ermite, lui ont proposé de prendre la paroisse de l’Ile d’Arz. Et c’est à cette période qu’il a été relevé de ses vœux religieux et « incardiné » au Diocèse de Vannes. Il n’était donc plus moine bénédictin mais prêtre « séculier » du Diocèse de Vannes. Et c’est à ce titre qu’il est par la suite devenu Recteur de Houat et Hoëdic de 1990 à 1999. De là, il a été nommé Recteur de Merlevenez, Nostang et Saint Hélène. En 2006, il s’est retiré dans une maison qu’il possédait à Plouharnel, tout en étant en liens étroits avec l’abbaye de Kergonan. Et en 2008, à l’occasion d’un déplacement à Grenoble pour une ordination sacerdotale dans une famille amis  (famille d’ailleurs qu’il avait connue à Hoëdic), il a fait un grave malaise, on lui a découvert une importante tumeur au cerveau et il est décédé peu après.

Je l’ai bien connu pas  seulement parce qu’il est mon prédécesseur. Mais comme je suis originaire de Larmor-Baden, j’ai eu l’occasion de le rencontrer peu de temps après son arrivée à La Jument et nous sommes toujours restés en lien.

Pierre-Yves Jourda, premier recteur inscrit maritime.

Pierre-Yves Jourda a dû se déclarer inscrit maritime quand il a travaillé à la pêche avec Lulu Bonnec et ce statut a été nécessaire quand il faisait le passeur de Gavrinis. A Houat et Hoëdic, le fait d’être « inscrit » lui donnait droit au carburant « dédouané » (prix professionnel) et cela lui a aussi permis d’obtenir l’autorisation de transporter des « passagers », en l’occurrence les scolaires d’Hoëdic scolarisés au Collège des iles du Ponant à Houat.

Sur le nom du canot.

Le nom « Mea Culpa », une trouvaille ! A l’évidence choisi pour le jeu de mot « coule pas ». Mais l’origine est dans la prière du « je confesse à Dieu » en latin. Dans la prière, au début de la messe,  les fidèles se frappent la poitrine par trois fois en disant « c’est ma faute, c’et ma faute, c’est ma très grande faute », en latin « mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa », (d’où l’expression courante « battre sa coulpe »). Et ce nom a eu beaucoup de succès quand une souscription a été lancée dans les médias (y compris Thalassa)  : « un canot pour not’recteur ». En fait d’ailleurs, la souscription n’a payé qu’une partie du bateau, le reste ayant été payé par Pierre Legris*  (Legris entreprise), ami très proche de Pierre Yves.

 

Ceci dit, et pour la petite histoire, le lendemain du jour où il avait pris possession de son bateau, Pierre-Yves est venu me chercher au port du Crouesty pour  la prédication de  la Saint Gildas à Houat (29 Janvier). Et en me ramenant à Arzon le soir, il m’a passé la barre et a fait le tour du propriétaire sur le Mea Culpa. Il m’a dit qu’il trouvait qu’il y avait beaucoup d’eau dans ses coffres. Le lendemain, en faisant route entre les deux îles « Mea culpa » a failli couler ! Le presse étoupe faisait l’eau, pas assez serré !!!  "

 

* Le père Jourda était effectivement très ami avec Pierre Legris, chef d'entreprise dont le fils né en 1951 porte le prénom de Pierre-Yves et a été baptisé par le père Jourda. Pierre-Yves Jourda, actuellement P.D.G du groupe familial Legris Industries, spécialiste des fluides, a acheté l'île de Govéan dans le Golfe du Morbihan, avec sa superbe plage juste en face...du Logéo.

 


 

Sources, références et liens.

BUTTIN, Pierre. d'après les articles de Henri Buttin , Notre-Dame-la-Blanche : église paroissiale de l'île d'Hoedic / Buttin, Pierre, Préface  de Jean-Noël Lanoë,  Melvan : Ille-d'Hoedic, 2011. - (32 p. : ill. en coul. ; 24 cm.)

 JOURDA, Pierre-Yves. "L'Ile aux chevaux entre Houat et Hoedic". Bulletin et mémoires de la Société polymathique du Morbihan, 1998, 124 , p. 269-279.

JOURDA, Pierre-Yves, participation (Jean Noli p. 21, etc...)à  Les îles de Bretagne sud, approche bibliographique / sous la dir. d'Eric Auphan ; ill. Catherine Bayle. - Quimper : Bibliographie de Bretagne ; Ouessant : Culture, Arts et Lettres des Îles, 2001. - 304 p. : ill., cartes ; 21 cm. 

JOURDA Pierre-Yves, « Là-haut, est-ce qu'il y aura des îles ? », Cahiers Henri Queffélec, n° 2, Paris, 1994

 JULLIEN Claude-François, "Un canot' pour notre recteur", Nouvel Observateur, 27 décembre 1990 en ligne.(Récit de la souscription pour l'achat d'un canot pour le recteur Pierre-Yves Jourda).

 

Sur l'Abbaye Saint-Benoît d'En-Calcat.

CAULET Serge, En-Calcat et la loi du 1er juillet 1901 sur les associations,

 http://www.researchgate.net/publication/47464088_En_calcat_et_la_loi_du_1er_juillet_1901_sur_les_associations

 

Dans ce blog lavieb-aile : 

1) Les autres églises et chapelles des îles du Ponant :

Les églises des îles du Ponant I. Groix, Saint-Tudy.

Les églises des îles du Ponant II. Groix, chapelle de Quelhuit.

Les églises des îles du Ponant III. Belle-île-en-mer, Locmaria.

Les églises des îles du Ponant IV. Belle-île-en-mer, église St-Nicolas à Sauzon

Les églises des îles du Ponant V. Bourg de l'île de Houat.

Les églises des îles du Ponant VII. L'Île-aux-Moines.

Les églises des îles du Ponant VIII. L'île d'Arz.


2) Vitraux contemporains : voir aussi :


Bazaine à Penmarc'h :

  Chapelle de la Madeleine à Penmarc'h : les vitraux de Jean Bazaine.

Manessier à Locronan, 

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-de-manessier-a-locronan-chapelle-de-bonne-nouvelle-103071184.html

  les vitraux de Saint-Louis à Brest :

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-de-l-eglise-saint-louis-de-brest-103429661.html

Jacques Le Chevallier à Gouesnou :

http://www.lavieb-aile.com/article-l-arbre-de-jesse-de-l-eglise-de-gouesnou-et-les-autres-vitraux-117897470.html,

Gérard Lardeur à Langonnet :

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-de-gerard-lareur-a-langonnet-104407243.html

ou Gérard Lardeur à Saint-Sauveur :

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-contemporains-de-saint-sauveur-finistere-90229755.html



 

 Voici la Vierge de la Chapelle de l'Alumnat :

      Autres oeuvres de Dom Robert

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Published by jean-yves cordier
6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 20:50

            Des ex-libris comminatoires.

 

  Le titre me plaît, mais il ne convient pas : ces ex-libris s'adressent à un emprunteur indélicat, ou distrait, ou au quidam qui trouverait le livre concerné, mais il ne le menace d'aucun châtiment. L'intention de leur auteur est sans-doute plus conjuratoire d'une perte que réellement destinée à convaincre celui qui trouverait ce livre, et qui aurait sans-doute, même au XVIIIe siècle, quelque difficulté à retrouver le propriétaire qui n'indique pas son adresse. Les derniers exemples, ceux de Mac Orlan et de Gus Bufa, s'adressent sans-doute plutôt à des "amis" censés avoir oublié de rendre le livre emprunté dans la bibliothèque ; mais l'aspect conjuratoire, derrière l'ironie ou l'effet de comique, persiste.

  

Premier exemple : Jean Kerserf et Tiryan (?) Du Fossé.

Sur le même exemplaire, on trouve à la dernière page la mention suivante :


DSCN6537c

 

O, VOUS, AMIS, QUI, ME

Trouvez ayez la bienveillance ayez la charitez s'il vous plait de me rendre quar pour moy de passer dans des mains étrangères ce me seroit je vous assure une peine fort amère je suis à K[er]serf de bon droit je luy appartient je brûle d'une amoure extr extreme de retourner Suitte entre ses mains

A Lorient le 10è janvier 1759

JEAN KERSERF DE LORIENT 

Vous amis qui me trouverez ayez la bienveillence ayez la charitez s'il vous plait de me rendre car pour moi de passer dans des mains étrangères ce me seroit je vous assur une paine fort amere.

 

... et dans les premières pages celle-ci :

 DSCN6530cc.jpg

 

VOUS : AMIS qui me trouvairay ayé la Bien veillance la charitez sil vous plait de me rendre car pour poy de passer dans des main etrangere se me seroi je vous assoure une painne fort amerre je suis a Tiryan (?) Du fosse De Bon Droit je Luy apartien je Brulle d'un amoud extraime de retourner dans ses mains a Lori[e]nt ce 3 9bre 1764.

In : Abrégé d'Anatomie pour l'Instruction des élèves-chirurgiens de la marine de l'école de Brest par Monsieur de Courcelles Première partie Ostéologie. A Brest chez Romain Malassis Imprimeur du Roi et de la Marine MDCC.LII.

Tampon de l'École de Médecine navale de Brest.

Cachet de l'École de Santé navale de Brest.

Exemplaire conservé au Service Historique de la Marine à Brest.R 7139.

 

 

On retrouve un Jean Kerserf inscrit comme passager sur le rôle de la Henriette (1739-1740)  de Lorient . On pouvait s'attendre à le trouver parmi les chirurgiens, mais ce n'est pas le cas. Plus tard, on retrouve un Jean Kerserf inscrit comme menuisier à bord du Philibert pour un voyage vers la Chine.

La Henriette, frégate de la Compagnie des Indes, armée pour le Sénégal le 5/10/1739, désarmée le 23/07/1740. étapes Lorient-Sénégal-Saint-Domingue-Lorient. Pierre Bouquet Chirurgien-major, Pierre Bouvet deuxième chirurgien, Jean-Baptiste Desvignes 3ème chirurgien.http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/indes/sites/default/files/compa_inde_pdf/2P/28/ROLE2P28-II.9.PDF

 

Rôle du Philibert 1745-1746 armé pour la Chine Jean Kerserf charpentier.http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/indes/sites/default/files/compa_inde_pdf/2P/31/ROLE2P31-II.12.PDF

 

 

Deuxième exemple : sur un livre de Pierre Mac Orlan.

 

L'ex-libris pouvant faire l'objet de droit d'auteur, je renvois à ce site.

Ex libris réalisé par Gus Bofa (1883-1968). "Où avez vous pris ce livre ? Serait-ce point d'aventure chez Mac Orlan ?"

 

Troisième exemple :

"Ce livre appartient à GUS BOFA. Que fait-il icy ?"

                  L'ex-libris pouvant faire l'objet de droit d'auteur, je renvois à ce site.          


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Published by jean-yves cordier
22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 16:35

Le canot Patron François Morin,

canot SNSM à Ouessant de 1960 à 1995.


   Sous la coque au chantier du Guip à Brest.

 

  Le canot Patron François Morin a équipé la station de sauvetage d'Ouessant de 1960 à 1995 ; il avait été construit aux chantiers Lemaistre à Fécamp. Il a assuré durant ses 35 années de carrière 198 sorties de sauvetage (dont l'Amoco Cadix) et 250 transports sanitaires.

  Ce canot tout-temps est un chef-d'œuvre de construction navale,  insubmersible et auto-vidant, doté d'une double coque ; il est reconnu "bâtiment d'intérêt patrimonial". Propriété de la commune d'Ouessant, il est géré par l'Association Patron François Morin qui en assure la restauration ; après le remplacement des reserves de flottablilité eut lieu la réfection quasi-complète de la partie arrière par le réputé Chantier du Guip. 

 

Le canot sur le Quai Malbert devant le chantier, avril 2013 :

DSCN1064c

 

 

DSCN1063c


 

  Louis Mauffret accueillait à son chantier les visiteurs brestois le 14 et 15 septembre 2013 lors des Journées du Patrimoine.

                          guip-patron-francois-morin 9372c

 

 

                          guip-patron-francois-morin 9431c

 

  L'une des particularités du canot, et qui montre à quel point les constructeurs s'attachèrent à en faire un navire parfaitement adapté au sauvetage, est la présence, au dessus de chaque hélice, de trappes de visite permettant de libérer une hélice engagée par un cordage.


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                         guip-patron-francois-morin 9436c

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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 19:58
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Published by Lavieb Aile
21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 19:56
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Published by jean-yves cordier
17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 22:42

La chapelle Saint-Adrien à Plougastel (3) Groupes : Saint Yves, saint Martin et saint Éloi.

 

Outre ses boiseries du 16 et 17e siècles et ses statues, la chapelle Saint-Adrien de Plougastel possède trois groupes sculptés qui participent à l'intérêt de la visite.


I. Saint Yves entre le pauvre et le riche.

Bois polychrome, hauteur 80 cm, 17e siècle.

Le thème est si connu qu'il ne trouve son intérêt que par les variations d'interprétations ou les détails particuliers. Ici, ce sont, pour la statue du pauvre, le sac de justice (vide) ; la manche trouée ; le couteau à la ceinture. Pour le riche, le chapeau ; la barbe taillée à la Richelieu ; la perruque frisée ; la forme de la bourse suspendue à la ceinture ; et les pièces d'or, présentes dans la main droite et la main gauche.  Quant à Saint-Yves, il porte le surplis et la barrette sur une robe noire, et une pèlerine.

groupes 9459c

 

groupes 9584cc

 

II. Saint Martin donnant son manteau au pauvre.

Niche à volets, bois polychrome ; coffre restauré moderne. Hauteur 80 cm, 17e siècle.

Le motif central est parfaitement conforme à la tradition iconographique des "Charités de saint Martin", où le pauvre est également infirme (jambe de bois; perte de l'oeil gauche), son dénuement contrastant avec la beauté du cheval et de son harnachement et avec la stricte ordonnance de l'uniforme d'officier de Martin de Tours. Ce thème illustre la Légende dorée de Jacques de Voragine. 

  C'est l'occasion de rappeler que notre mot chapelle vient du nom du lieu où était conservé le manteau (en latin capa) du saint. C'est cette capa qui est aussi à l'origine de la dynastie des Capet.

L'officier porte, plutôt qu'une cuirasse, un plastron sanglé par l'arrière au dessus de son manteau. Son chapeau de feutre noir cylindrique est bien attesté à la fin du XVIe siècle. On le retrouve chez les matelots et  officiers de marine aux XVIII et XIXe siècle :voir ici. 

Le volet droit (à notre gauche) montre deux évangélistes avec leur attribut, Marc (lion) et Matthieu (ange/homme), et dans des cartouches, saint François et un saint évêque.

Le volet gauche montre Saint Luc (taureau) accompagné  d'un saint martyr tonsuré, et saint Jean (aigle) avec saint Nicodème tenant la couronne d'épines et les clous de la Passion. 

 

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III. Groupe de saint Éloi.

 

16e siècle, hauteur : 1 m. Bois polychrome, fond bleu, couleurs rouge, noir, vert orangé et or. Dans une niche à volets dont les colonnes aux sculptures baroques de grappes de raisins et de pampres, saint Éloi est vêtu en évêque, mais a perdu sa crosse.  

   Le volet placé à notre gauche est sculpté en bas-relief de deux panneaux : Dieu le Père soutenant le corps du Fils et saint Nicolas identifiable aux trois enfants sortant du saloir du boucher. Le premier panneau peut être désigné comme une "Trinité souffrante", thème apparu dans les vitraux de Suger à Saint-Denis au 12e siècle, mais le troisième terme de la Trinité, la colombe, me semble s'être absenté. C'est, en sorte, un Pater dolorosa.

  Le volet opposé offre à notre dévotion saint François d'Assise montrant ses stigmates, et un évêque non identifié.

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Sources et liens :

 

 HUCHET (Albert), " La chapelle de Saint-Adrien", in Plougastel-Daoulas, Patrimoine architectural et statuaire, Les amis du Patrimoine de Plougastel, imp. Cloître, Landerneau 1987, pp. 86-97.

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Published by jean-yves cordier
17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 22:41

 

 La chapelle Saint-Adrien à Plougastel (2) Les statues. Le culte de saint Adrien pour la santé de ses intestins.

 

      Voir  La chapelle Saint-Adrien à Plougastel (1) : d'exceptionnels panneaux sculptés du XVIIe siècle.

  La chapelle Saint-Adrien possède de nombreuses statues, mais celle de saint Adrien, et, encore plus discrète, celle de saint Erasme, nous permettre de découvrir un motif statuaire très particulier, l'entérophorie.

Kézako ? Suivez le guide, et ne l'oubliez pas à la sortie.


     I. Le culte de saint Adrien, et sa statue.

   On s'interroge sur l'origine de ce culte et, dans une monographie sur l'art religieux de Plougastel, on peut lire ceci : " Une légende, rapportée par Arthur de La Borderie, attribue le début de l'évangélisation de la Bretagne à saint Philippe et à un disciple de Joseph d'Arimathie, nommé Drénalus, en breton Drénan, qui aurait fondé l'évêché de Lexobie et serait mort en l'an 92. C'est aussi le patron du Drennec. Mais, au XVIe siècle, le clergé voulut à tout prix remplacer les saints bretons par ceux du calendrier romain, et c'est ainsi qu'officiellement saint Drénan fut changé en saint Adrien, martyr à Nicodème vers l'an 303, reconnu comme ayant le privilège de défendre contre les maladies contagieuses. Mais la ferveur continue à prier saint Drénan.".

  Mais quelque esprit savant dénicha un acte du 27 décembre 1414 dans lequel était mentionné le toponyme de saint-Adrien dès le XVe siècle : il y était question de "messe du St. Esprit pour Marguerite fille de Le Burelle pendant sa vie durante et de requiem après son décès; la dite Marguerite"   aurait donné à l'abbaye de Daoulas  "5 sols de rentes sur terres entre Saint-Adrien et Plougastel ". 

 

  En réalité, la curiosité ne s'éveille vraiment que lorsqu'on découvre la statue en bois du saint éponyme, de 1 mètre de haut et datée du 15e siècle ; non qu'elle soit d'une beauté exceptionnelle, mais parce que l'on découvre un personnage tenant des deux mains ses entrailles qui écartent de leur volume la tunique et le manteau. 

  Oui, un saint entérophore ("qui porte ses intestins") !


 

                                         statues-et-groupes 9472c

 

J'avais d'abord cru avoir affaire à sainte Émérentienne, que j'avais vu à la Ferrière, mais tenant plutôt les pierres de sa lapidation dans son tablier ; ou saint Mammes,  comme à l'église Saint-Martin de Reugny-Neuillé, à Saint-Nicolas de Coulaines (Sarthes), à Notre-Dame du Roncelet à La Mâre  ; ou encore saint Mesme ou Mesmin.

Mais les bretons invoquent plutôt, en cas de coliques, saint Adrien, comme à la chapelle Saint-Maudé de Guiscriff (Morbihan), 

 

 

Mais qu'est-ce que l'entérophorie ? Une version basse de la céphalophorie (Saint Denis, saint Trémeur, sainte Noyale...). Roland Vasseur, qui reprend ce néologisme à la suite de Louis Réau en personne, répond ainsi : " Le personnage entérophore est debout, généralement habillé, son vêtement ouvert à la hauteur de l'abdomen laisse voir une ouverture verticale par où sort les intestins lovés que le saint présente dans ses mains." L'image traduit la nature du supplice enduré. La statue de Plougastel répond parfaitement à cette définition. Rolland Vasseur décrit la statue de saint Mesmin à l'église de Jouy-Mauvoisin, et cite aussi celle de Noyer (Eure), ou de Mamet au Grand-Andely (Eure), de la chapelle de Magnitot dans le Val-d'Oise, etc...

L'auteur cite les saints entérophores suivants, Mesme et Mesmin étant deux formes d’un prénom masculin et de son dérivé (en latin Maximus, Maximimus) dont on rencontre de nombreuses variantes conservées dans la toponymie de diverses régions de France :

" 1) Saint Érasme, appelé aussi saint Elme ou saint Arras, honoré le 2 juin, et quelquefois confondu avec saint Agapit, Agrappart, Agrapa, natalice le 18 août11. Son entérophorie particulière l’écarte de notre sujet, soit qu’il porte ses entrailles enroulées sur un cabestan, soit qu’il subisse le supplice du déroulement des intestins. Il réclamerait à lui seul une étude spéciale.

2) Saint Mammès, honoré le 17 août.

3) Saint Wulmer, honoré le 20 juillet12

4) Saint Vilmer ou Vimer, qui n’est sans doute qu’un avatar du précédent

 5) Saint Mexme de Chinon, honoré le 20 août et dont l’entérophorie n’est signalée que par Louis Réau.

 6) Saint Mamert ou Mamère et saint Adrien qui ne sont entérophores qu’en Bretagne.

 7) Saint Mémor. Mémoire, Mêmor ou Movor qui est spécifiquement breton (Finistère et

Côtes-du-Nord).

 8) Signalons également l’existence d’une sainte entérophore : sainte Émérantienne

Seuls gardent leur individualité saint Adrien, saint Érasme, saint Wulmer et saint Mammès, ce dernier ayant donné naissance à une série d’entérophores soit sous l’influence de variations dialectales de son nom ou par assimilation à des noms dont la consonance prêtait à confusion avec le sien ou une de ses variantes. La similitude des noms autorisait les substitutions que favorisaient certaines concordances des natalices. Mamert, Mammerce, Mamet, Mammant, Mammas, Mammard, Mamé, Mesme, Mesmé, Mesmin et Mammès ne sont donc quand ils sont entérophores qu’un seul et même personnage."

 Une sainte Émérantienne entérophore est présente en la chapelle Notre-Dame-de-Toute-Aide  La Prénessaye , Querrien, Côtes d'Armor. Jusqu'en 1978, la chapelle Saint-Lubin de Plémet en possédait une. 

 J'avais découverte Émérentienne dans la chapelle Notre-Dame des Fleurs ( Moustoir-Remungol, 56500) lors de ma visite de l'Art dans les Chapelles :

                    moustoir-notre-dame-des-fleurs-7418c.jpg

 

Dans la chapelle Notre-Dame-du-Haut de Trédaniel existe une statue de saint Mamert entérophore, de même qu'en la chapelle saint-Maudez de Trébry (22), alors que la chapelle dédiée à Saint Mamert à La Chapelle-Neuve a disparu.

Il est notable que la fête de saint Adrien de Nicodémie  comme celle de saint Mesme,  se tenait le 8 septembre, date de la fête de la Nativité de la Vierge. Et que cette éviscération n'est pas sans rapport avec l'accouchement.

 Saint Adrien en Bretagne est invoqué pour les maux de ventre, "an droug bouzelloù", mais son homologue Mesmin était aussi consulté pour les hernies et éventrations : hernie ombilicale du nourrisson, hernie inguinale du petit enfant, éventration de la femme.

Je retrouve en Bretagne les occurrences suivantes :

 

1) Fontaine Saint-Adrien / Sant-Rien Drien ou Drîn Spézet (29) :  " On se rend ensuite à la fontaine que l'on doit normalement vider avant d'en prélever de l'eau que l'on boit et dont on se frictionne, sur place ou à domicile si l'on en a emporté. Il y a peu de temps, on étendait une chemise sur l'eau et on l'examinait. Si elle s'enfonçait, manches premières, le malade était condamné. Si elle surnageait, il était guéri. 

L'eau de la fontaine possède la vertu d'apaiser les maladies abdominales (contrairement à ce qu'on annonce parfois, l'eau de cette fontaine n'a jamais eu sa source dans la chapelle). 
Une guérison des coliques est également obtenue sur place, à l'intérieur de la chapelle où, sur une ancienne borne romaine, est posée une pierre dite "pierre Saint-Adrien". Il suffit de s'en frotter le ventre pour apaiser les coliques les plus tenaces. " (Site Fontaines de Bretagne avec ref. biblio.)

Le même site signale d'autres lieux de culte :

2) à Santec, " La veille du pardon a lieu le traditionnel tantad (feu de joie). Le jour, une procession organisée derrière la statue du saint parcourt les rues du bourg. Au retour dans l'église, les mères, accompagnées de leurs enfants, vont toucher les vêtements du saint. Ici, saint Adrien est appelé à veiller sur les problèmes abdominaux des enfants. "

3) à Persquen (56), église Saint-Adrien, pas d'entérophoriste. " Un culte lui est rendu et on l'invoque pour l'apaisement des maux de ventre. On lui demande également de redonner de la vigueur aux affaires. "

4) à Saint-Barthélémy (56). " le culte est demeuré particulièrement vivant. Au lieu-dit "Saint-Adrien" est construite une chapelle placée sous le vocable du saint. Les pèlerins viennent y demander la guérison de leurs maux de ventre. A cet effet, il leur faut se plier aux exigences des rites ancestraux qui associent les pratiques de la chapelle et celles de la fontaine toute proche. Tout d'abord, il convient de faire le tour de la chapelle, puis on y entre pour prier le saint avant de déposer une offrande dans le tronc. Ensuite, au moyen d'un balai, on balaie le sol (si l'on n'a pas apporté son balai, on trouve, à l'intérieur, près de la porte, des balais de genêt à cet effet). 

On se rend ensuite à la fontaine que l'on doit normalement vider avant d'en prélever de l'eau que l'on boit et dont on se frictionne, sur place ou à domicile si l'on en a emporté. Il y a peu de temps, on étendait une chemise sur l'eau et on l'examinait. Si elle s'enfonçait, manches premières, le malade était condamné. Si elle surnageait, il était guéri. 
L'eau de la fontaine possède la vertu d'apaiser les maladies abdominales (contrairement à ce qu'on annonce parfois, l'eau de cette fontaine n'a jamais eu sa source dans la chapelle). 
Une guérison des coliques est également obtenue sur place, à l'intérieur de la chapelle où, sur une ancienne borne romaine, est posée une pierre dite "pierre Saint-Adrien". Il suffit de s'en frotter le ventre pour apaiser les coliques les plus tenaces. "

Je retrouve aussi :

5). Scaer, chapelle Saint-Adrien, statue du saint entérophore signalée mais non confirmée.

6). A Batz-sur-Mer, la statue de saint Adrien, du XVe, découverte dans un enfeu de Notre-Dame-du-Mûrier ; on la décrit, le saint restant droit impassible pendant que son cœur et ses boyaux sont tombés à ses pieds. 

7). Guicliff, chapelle saint-Maudé déjà citée.

8).  Le Saint (56), à Bouthiry :Vestiges de la Chapelle de Saint-Adrien : "Au village de Bouthiry, le clocheton reste le seul vestige de la chapelle du XVIème siècle. Il rappelle l'existence de Saint Adrien, dont on peut voir la statue au côté de la Vierge de Pitié (classées). On implorait le saint pour protéger de toutes les épidémies contagieuses et particulièrement de la peste et de la dysenterie. Il était également invoqué pour guérir les enfants de coliques. En ruine au début du XXème siècle, la chapelle est entièrement démolie en 1932. La fontaine est située à 400 m au sud-ouest du petit monument."

9) Chapelle Saint-Maurille Langombrac'h à Landaul (56) : La chapelle est placée sous le vocable de Saint Maurille, mais trois autres saints y sont célébrés : Saint Mamert, Saint Adrien, dont la statue en bois polychrome le représente tenant ses entrailles dans ses mains, et Saint Durlo.

  

10) A Spézet, dans l'église saint-Pierre, l'Inventaire du Patrimoine décrit une statue du XVIe siècle de Saint Adrien vêtu d'un "ample manteau dont il ramène curieusement les pans entre les deux mains." (GLAD, dossier vert). A l'évidence, sur la photo, ce sont bien les anses intestinales qui pendent en arcs entre les deux mains.

Vignette

 

      Enfin des statues de saint Adrien sont signalées, sans entérophorie, à Melrand, à Pluméliau,, à Plourac'h dans l'église Notre-Dame, ou à la Chapelle Saint-Adrien de St-Bartélémy (56) où je l'ai photographié tenat l'enclume de son supplice:

                     St-barthelemy-morbihan-chap-saint-adrien-7539c.jpg

Il reste à découvrir qui est ce saint Adrien : un officier de l'armée romaine chargé de participer aux persécutions contre les chrétiens avant de se convertir à leur religion, puis de subir le martyr en 300 à Nicomédie. Bien-entendu, je pense à saint Acace et aux dix mille martyrs, crucifiés sous Adrien en 140 pour le même motif. 

La légende de Saint Adrien est rapportée dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, juste après la fête de la Nativité de Marie le 8 septembre. Elle est translatée fidèlement par Wikipédia ainsi : 

 " Adrianus était officier dans l'armée de l'empereur Romain Galère qui faisait appliquer avec zèle les quatre édits de persécution des chrétiens de Dioclétien. Vers 306, alors qu'Adrianus avait vingt-huit ans, il se convertit devant le courage de trente-trois chrétiens de Nicomédie que Galère avait ordonné de supplicier en les faisant fouetter à coups de nerfs, en leur broyant la bouche avec des pierres, puis en les emprisonnant après leur avoir mis le garrot. Apprenant cette conversion, l'empereur fit emprisonner Adrianus avec les autres chrétiens puis, quelque temps après, le fit comparaître devant lui en présence de ses compagnons pour le faire fouetter ; les coups furent si violents qu'à la fin les entrailles d'Adrianus sortaient de son corps. Puis Adrianus et ses compagnons furent de nouveau jetés en prison. Comme des matrones, dont Nathalie, soignaient en cachette les martyrs dans leur prison, l'empereur Galère ordonna qu'on tranche les pieds puis les jambes des prisonniers puis qu'on fasse brûler leur corps. Adrianus fut le premier supplicié et on lui coupa également une main. Quand on jeta les corps des martyrs au feu, Nathalie voulut se précipiter dans le brasier mais une pluie violente éteignit les flammes. Nathalie récupéra alors la main de son mari qu'elle conserva précieusement. Réfugiée peu de temps après à Constantinople pour échapper à la proposition de mariage que lui avait fait un tribun, elle rendit l'esprit après avoir vu, en songe, Adrianus lui demander de le rejoindre dans la paix éternelle. Les reliques de Nathalie et d'Adrianus ont été transférées, en 1110, de Constantinople au monastère de Grammont en Belgique.

Saint Adrien de Nicomédie et son épouse sainte Nathalie sont fêtés en Orient ensemble le 26 août. En Occident, saint Adrien est fêté le 8 septembre et son épouse Nathalie, qui l'encouragea à souffrir le martyre, est fêtée le 26 août. Il est réputé guérir les maux de ventre."

 

 

On le dit aussi patron des soldats, des bouchers et des marchands d'armes. C'est l'un des cinq saints invoqués contre la peste. (avec saint Roch, saint Sébastien, saint Antoine et saint Christophe)  L'un de ses attributs est l'enclume, sur laquelle il aurait été martyrisé. Lorsqu'il est représenté en armure, comme un officier romain, il est très proche de saint Acace.

 

 


II. La statue de saint Érasme.

  J'en étais là de mes découvertes, un peu écœuré par ce étalage de boyaux (je n'apprécie ni les tripes, ni le boudin) et peut-être aussi avais-je, car il était tard, l'estomac dans les talons, lorsque je m'approchais d'une autre statue, posée sur le bahut sculpté, entre deux anges ni céroféraires ni thuriféraires. Une statue bien banale, en pierre polychrome, d'une soixantaine de centimètres et datant manifestement du 15e siècle. 

  Le saint me souriait benoîtement, habillé comme un père abbé mais tenant de la main droite un objet ; un râteau peut-être, ou une fleur bien fanée.

 

 





                                statues-et-groupes 9537c

 

Si je n'avais pas eu avec moi le guide des Amis du Patrimoine, comment aurais-je pu identifier saint Érasme ? Un saint dont j'ignorais même l'existence et dont aucune chapelle n'avait présenté à ma dévotion l'effigie ! Il n'y avait qu'un seul Érasme pour moi, celui de l'Éloge de la folie.

Or, qui est saint Érasme ? Érasme de Formia, évêque d'Antioche, fut martyrisé sous Dioclétien en 303. En 303 ! Sous Dioclétien ! Comme Adrien ! Ils auraient pu se connaître ! Et comment fut-il supplicié, le bon Érasme ? En-lui-arrachant-les-boyaux.  

  S'il n'appartient pas au club très fermé des saints entérophore, c'est que le cruel maître des hautes œuvres voulait sortir du déjà-vu lassant des supplices ordinaires, du lion mangeant sainte Blandine, de l'amputation des seins de Barbe ou d'Agathe, de la roue, de la décollation, des fouets, ou du gril de Laurent. Il avait lu tout le Trattato degli instrumenti di martirio e delle varie maniere di martirizzare de Gallonio et voulait marquer son temps par quelque invention nouvelle.

  Or, après lui avoir enfoncé une alène sous chaque ongle des doigts, le bourreau le brûla au fer rouge et l'arrosa d'huile bouillante. Pas de quoi fouetter un chat, direz-vous; lui aussi, et il fit préparer une de ces broches à manivelle qu'il emprunté au rôtisseur ; ayant ouvert le ventre du saint d'un habile coup de scalpel, il compléta cette laparotomie d'une entérotomie et fixa l'extrémité ainsi dégagée des saints intestins sur la broche. Tournant alors la manivelle comme s'il s'agissait de la poignée d'un limonaire, il lui chantait Ramona ou quelqu'air sadique de son invention.

  Il allait bientôt devenir le patron des marins, qui l'appelèrent Saint Elme et le voyait allumer des feux sur les basses-vergues, par temps d'orage (les vergues de cacatois étant alors ramenées près du chouquet par leur balancine), des malandrins lui décernèrent comme attribut le treuil de cabestan, seule manivelle digne de lui sur les navires. A la manœuvre, poussant ensemble sur les barres du cabestan pour guinder le mât de hune, ils s'imaginaient voir s'enrouler en spires régulières des boyaux de chanvre, et cela leur donnait du cœur à l'ouvrage, et chaud au ventre.

(plus sérieux :Erasme de Formia wikipédia)

 Ce supplice est si connu, et Dieric Bouts, puis Nicolas Poussin, l'ont immortalisé de telle sorte que je suis impardonnable d'avoir méconnu Érasme.

Dieric Bouts, Triptyque du martyr de saint Érasme, 1455, Louvain : 


Martyre de saint Érasme  Nicolas Poussin,  entre 1628 et 1629Rome, Vatican, Pinacothèque

 

  Pourtant, l'église de Vieux-Vy-sur-Couesnon possède une statue de saint Érasme en entérophore, ce qui est troublant lorsqu'on est à Plougastel face à la fois à un Érasme porteur de râteau (c'est peut-être un treuil) et à un Adrien éventré.

Statue de saint Érasme,Vieux-Vy-sur-Couesnon , 16e siècle (source : inventaire patrimoine)

      Image plein-écran

Selon le site topic-topos, à Vieux-Vy-sur-Couesnon, "À l'entrée du chœur prolongé par la sacristie, se trouvent de part et d'autre une statue de la Vierge à l'Enfant achetée en 1840 et cette représentation de saint Érasme, retrouvée dans une grange. Appelé aussi saint Elme, il porte au creux des mains ses intestins qui lui auraient été arrachés en les enroulant sur un treuil. Il est invoqué pour les maux d'entrailles, par les femmes en couches et les navigateurs dans la tempête."

 Un autel lui était dédié à saint-Pol-de-Léon. Il figure parmi les saints martyrs invoqués dans le Livre d'Heures d'Anne de Bretagne : il compte en effet parmi les 14 saints auxiliaires.  Edouard Valin signale un devant d'autel le représentant à la commanderie de Lambader.


La présence de ces deux saints est-elle due à une épidémie de peste, ou, mieux, à une épidémie de dysenterie survenue au XIVe siècle ? 

  Cette association de deux saints entérophore ou littéralement étripé me fait penser à la description de l'église de Daoulas, telle que je l'avais lue dans le Bulletin diocésain de Quimper sous la plume des chanoines Abgrall et Peyron : "Autel de saint-Erasme, où est représenté son martyre, dit le chanoine Pinson, en sculpture à faire pitié ; c'est peut-être de cet autel que provient le panneau en bois sculpté qui se voit au Musée de Morlaix, et où l'on voit les bourreaux dévidant sur un cabestan les entrailles du martyr.

[…] Autel de Saint-Memor ; saint très honoré dans le pays, représenté tenant les entrailles entre ses mains. On le confond avec saint Mamert et saint Adrien, dont on arracha également les entrailles ; mais il semble se distinguer, à Daoulas, de saint Érasme, qui subit un martyre analogue " Bull. Dioc. Arch. Archéol. 1907.

  Dans la même église, de l'abbaye qui a peut-être fondé cette chapelle de Saint-Adrien, se trouve ou se trouvaient deux saints qui ont eu des problèmes avec leurs intestins ; saint Érasme, et saint Mémor. Saint Memor possède une croix à Gouesnou, sa statue à la Trinité-Plouzané (Louis Ogès 1974), il est connu aussi comme saint Mémoire .

  Par ce détour par saint Érasme, je découvre donc une autre statue entérophore, celle qui existait avant la Seconde Guerre dans la chapelle de La Trinité-Plouzané près de Brest. Elle est décrite par le site de la mairie de Plouzané comme : "Saint Mémor (ou Mémoire), en costume épiscopal, avec mitre et crosse, tenait de la main droite les entrailles qui sortaient de son ventre. Ce saint était invoqué en Bretagne par les personnes qui souffraient de maux de ventre."

 A quelques kilomètres, l'église de Saint-Renan, Notre-Dame-des-Liesses renferme une statue de Saint Mémor tenant ses entrailles. A Plouarzel, la chapelle St-Yves en contenait une aussi.


III. Les autres statues.

décrites en parcourant la chapelle les bras du transept du nord  au sud.

Saint Corentin.

Bois, 1,15m, 16e siècle.

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Sainte Marguerite.

"issant" du dragon. 


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Vierge et enfant.

      Kersanton, La Vierge est couronnée ; l'enfant tient dans la main droite une pomme ou le globe terrestre, et pose la main gauche sur le sein maternel.

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Saint Philippe.

Bois, 1 m, 16e siècle. Quel sont les critères d'identification ? (l'apôtre Philippe devrait être pieds nus, et tenir une croix ; l'apôtre  qui porte la lance est Mathias).

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Saint Fiacre.

Bois ; attributs : la bêche la tenue monastique et le livre.


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Saint évêque ou saint abbé. Saint Aaron?

Bois, 1,20 m, 16e siècle.

J'ignore sur quel critère cet évêque a été identifié comme saint Aaron d'Aleth, sant Aihran, ermite du 6e siècle venu du pays de Galles s'installer près de Lamballe avant de se fixer à Aleth, la future Saint-Malo. Il y fonda un monastère dont il fut l'abbé, et son disciple n'était autre que saint Malo ou Maclow.

 

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Saint Rivoal.

Bois, 1 m, 17e siècle.

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Dans la nef, à gauche : Sainte Anne.

Kersanton, 80 cm, 16e siècle.

Je rappelle qu'une inscription plaçait la chapelle sous la protection de sainte Anne.

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 Dans la nef, pignon ouest. Crucifix.

Bois, 1,40m, 15e siècle.

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Le pardon se célèbre le deuxième dimanche de mai.

Cette chapelle a été restaurée au cours de l'année 1955.

 

 

 

 

 

Sources et liens :

 HUCHET (Albert), " La chapelle de Saint-Adrien", in Plougastel-Daoulas, Patrimoine architectural et statuaire, Les amis du Patrimoine de Plougastel, imp. Cloître, Landerneau 1987, pp. 86-97.

 VASSEUR (Roland), Saint Mesmin l'entérophorehttp://mantes.histoire.free.fr/items/fichiers/1289.pdf.


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