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5 février 2014 3 05 /02 /février /2014 11:49

Les vitraux de l'église St-Guénolé à Concarneau : des panneaux du XVe siècle.

 

  Jusqu'en 1929, l'église paroissiale de Concarneau se trouvait intra-muros : la Ville Close de Concarneau disposait jadis d'une église Saint-Guénolé, mais qui n'était plus, après la Révolution, qu'une ruine si misérable qu'en 1830, elle fut rasée pour construire à la place "un triste monument...un des plus beaux spécimens du style dit de 1830" (Chanoine Abgrall) avec initialement  un dôme métallique. Cette deuxième église Saint-Guénolé fut démolie à son tour en 1930, ne conservant que son pignon-clocher et sa haute tour cylindrique. De 1937 à 1980, elle fut transformée "en hospice pour vieillard", terme déplorable utilisé en ces temps obscurs qui ignoraient l'élégance discrète de notre terme d'ehpad*. * in french.

   En 1912, on construisait sur les plans de l'architecte de Quimper Charles Chaussepied (1866-1930) l'église Saint-Cœur-de-Marie, en un style aussi imposant qu'improbable, auquel les mieux inspirés trouvaient des influences byzantines. Consacrée le 17 mars 1929 mais jamais terminée, ébranlée par l'ouragan de 1987, la basilique romano-byzantine menaçait de s'écrouler quand la décision fut prise de sa démolition, en 1994. Avant de le laisser disparaître, rappelons qu'elle comprenait "un porche ouest s'étendant sur toute la largeur de l'édifice, avec tribune adossée, une nef de trois travées avec bas-côtés supportant des tribunes, - puis une sorte de transept peu débordant actuellement mais qui devait à l'origine se terminer par une chapelle et deux absidioles, transept dont la partie centrale forme un tambour octogonal sur pendentifs, - une autre partie également de trois travées avec tribunes, - enfin un choeur semi-circulaire, au-dessus d'une crypte." (Le Maître, BSAF 1987). Un dernier remords imposa que l'on conserva sa tour-clocher.

 

Source image : blog paradoxitude.

 

                      vieille église concarn

   A sa place fut bâtie sur les plans de J.F. Galmiche et V. Etasse une nouvelle église Saint-Guénolé. Elle a été consacrée pour la Saint-Michel, le 29 septembre 1999.

Avant d'en découvrir les vitraux anciens et la raison de leur présence ici, découvrons quelques objets de l'art sacré :

A tout seigneur tout honneur, la statue de saint Guénolé.

Concarneau était un prieuré de l'abbaye de Landevennec, dont Guénolé était le fondateur et l'Abbé. La statue provient de la première église Saint-Guénolé et date du XVIIIe siècle.

                             concarneau 7691c

 

Crucifix.

 

                                 concarneau 7693c

 

 

 

Bannière Saint-Guénolé Priez pour nous.

              concarneau 7692c

 

Les deux vitraux du XVe siècle.

 

Ils ont été placés dans l'église récemment, mais on ignore tout du sanctuaire (sans-doute du Finistère sud, en raison de ressemblances avec ceux de la chapelle de Kerdevot en Ergué-Gabéric et de l'église de Locronan) dont ils proviennent. Ce sont deux scènes d'un cycle de la Vie de la Vierge du dernier quart du XVe siècle (règne de Charles VIII, et mariage avec Anne de Bretagne en 1491).

 On ne connaît leur existence que depuis la fin du XIXe siècle, date à laquelle ils appartenaient au naturaliste Émile Deyrolle.

                                          Emile Deyrolle

Voir le site des magasins Deyrolle :

   La Maison Deyrolle a été, et est toujours, très renommée pour proposer aux naturalistes le matériel de chasse et de collection des insectes, et pour leur propre collection de taxidermie ou de boites entomologiques. Créée par son grand-père Jean-Baptiste en 1831, elle avait été reprise par Emile Deyrolle en 1866, et celui-ci étendit l'activité à la publication d'ouvrages spécialisés sur la faune et la flore, et des fameuses planches murales du "Musée scolaire Deyrolle". En 1888, il dispose d'un vaste magasin 46 rue du Bac à Paris, dans un ancien hôtel particulier.

La famille Deyrolle possédait une villa au Coat Pin sur la Corniche à Concarneau, et avait fait monter ces vitraux dans l'escalier, dans une fausse baie gothique en bois. C'est le frère d'Émile, Théophile Deyrolle,(1844-1923) peintre et céramiste, qui avait fait construire là un immense atelier qui fut connue comme la "Villa Coat-Pin". [Le Coat Pin à Concarneau : site Filet Bleu]. C'est Théophile qui, mareyeur sur les parcs d'huître le matin, restaura le vitrail de saint Exupère à Dinéault, actuellement au Musée Breton de Quimper. Le vitrail est intégré au décor de la maison à la façon d'un vitrail civil pour susciter l'admiration des visiteurs, dont les nombreux "peintres du Groupe de Concarneau", son beau-frère Alfred Guillou, A. Granchi-Taylor, F. Le Gout-Gérard, etc.

   De 1950 à 1989, cette villa accueillit une communauté religieuse, les Petites Sœurs de l'Assomption. Au moment de la dissolution de cette communauté, l'historien Louis-Pierre Le Maître découvrit les œuvres et les fit donner à l'association diocésaine. 

Les panneaux ont été alors restaurés par le maître-verrier quimperois Jean-Pierre Le Bihan, comme il le relate sur son blog: http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-13409317.html.

  En 1995, on découvrit que quatre scènes d'une vie du Christ, d'origine bretonne, et de présentation similaire en lancettes dans des niches gothiques, étaient passées à la vente Drouot de 1927 en provenance des collections du Pr. A. Gilbert de Paris. Néanmoins, le compartimentage horizontale des deux ensembles ne coïncide pas, et a fait douter qu'ils proviennent d'une même origine.

Actuellement, ces verrières sont installés dans la baie sud du chœur, à droite de l'autel, dans un quadrillage stricte d'épaisses barlotières. Ces vitraux ne sont pas classés (!).

Il s'agit de deux lancettes trilobées de 2 mètres de haut et 0,80 m de large chacune. Elles ont en commun leurs niches architecturales d'inspiration flamande, à hautes tourelles et flèches, , traitées en grisaille et jaune d'argent et se détachant sur un ciel soit rouge, soit bleu.



 



 


          concarneau 7676c

 


 

I. L'Annonciation.

    Devant une tenture rouge finement damassée, la Vierge, nimbée, en manteau bleu et robe pourpre, est face à un livre posé sur le prie-dieu, mais elle se retourne à l'appel de l'Ange en marquant sa surprise. Ses cheveux blond , dégagés sur le front par un bandeau perlé, ruissellent sur ses épaules. Un médaillon ovale fait office de fermoir du manteau. 

L'Ange Gabriel est agenouillé. Ses vêtement rappellent ceux d'un évêque, avec un lourde chape verte aux bords richement ornés de pièces de cristal, une tunique blanche plus simple, un bonnet proche d'une mitre orfrayée. Ses ailes sont d'un beau bleu clair. Il tient dans la main gauche, non pas un lys, mais un bâton de pouvoir doré.

Marie et Gabriel sont réunis-séparés, dans l'espace intermédiaire qui est celui de la présence divine, par un bouquet de cinq lys dressés dans un vase, en symbole de virginité. Au dessus, c'est la parole divine qui circule, pliée en boucle par le manque de place. AVE MARIA GRATIA ...  DÕS TECUM, (Ave Maria  Gratia Plena, Dominus tecum, Salut Marie pleine de Grâce le Seigneur est avec toi).

Il reste à décrire le pavement en carreaux noir et blanc.

 

                     concarneau 7678c

concarneau 7684c

 

 

 

 

II. Le Mariage de la Vierge.

      Cette fois-ci, c'est sur le fond d'une tenture vert foncé que Marie et Joseph se détachent face au grand prêtre. Celui-ci porte une tenue censée illustrer sa fonction hébraïque, mais qui diffère peu de celle que portait Gabriel. C'est sans-doute le chapeau perlé qui, par sa forme pointue, est le plus caractérisé. Il unit la main droite de Marie et celle de Joseph.

  La Vierge a gardé la même tenue que dans la scène précédente, mais les pans du manteau laissent largement voir le revers frappé d'hermine : doit-on y voir une influence du mariage d'Anne de Bretagne ?

Joseph, robe bleue, chapeau ou capuche rouge, visage en verre blanc plaqué de rouge, tient un rameau fleuri (fleurs à quatre ou cinq pétales : aubépine ?). A la différence de Marie (mais en conformité avec la tradition iconographique française), Joseph n'est pas nimbé.

Le thème est, en vitrail, plus original que celui de l'Annonciation. Il est construit non pas sur les évangiles (Luc, 1,26-27 ne dit que "Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, /auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie.) Ce sont les évangiles apocryphes (Livre de la Nativité de Marie) et La Légende Dorée de Jacques de Voragine qui précisent comment cela se passa.

Légende Dorée de Jacques de Voragine Livre III, Nativité de la Bienheureuse vierge Marie, 15-18

   "Quand elle eut atteint l’âge de quatorze ans, le pontife annonça publiquement que les vierges élevées dans le temple, qui avaient accompli leur temps, eussent à retourner chez elles, afin de se marier selon la loi. Toutes ayant obéi, seule la sainte Vierge Marie répondit qu'elle ne pouvait le faire, d'abord parce que ses parents l’avaient consacrée au service du Seigneur, ensuite parce qu'elle lui avait voué sa virginité. Alors le Pontife fut incertain de ce qu'il avait à faire ; d'une part, il n'osait aller contre l’Ecriture qui dit: « Accomplissez les vœux que vous avez faits » ; d'une autre part, il n'osait induire une nouvelle coutume dans les pratiques suivies par la nation. Une fête des Juifs étant sur le point d'arriver ; il convoqua alors tous les anciens ; leur avis unanime fut que dans une affaire si délicate, on devait consulter le Seigneur. Or, comme on était en prière et que le Pontife s'était approché pour connaître la volonté de Dieu, à l’instant du lieu de l’oratoire, tout le monde entendit une voix qui disait, que tous ceux de la maison de David qui étant disposés à se marier, ne l’étaient pas encore, apportassent chacun une verge à l’autel, et que celui dont la verge aurait donné des feuilles, et sur le sommet de laquelle, d'après la prophétie d'Isaïe, le Saint-Esprit se reposerait sous la forme d'une colombe, celui-là, sans aucun doute, devait se marier avec la Vierge. Parmi ceux de la maison de David, se trouvait Joseph, qui, jugeant hors de convenance qu'un homme d'un âge avancé comme lui épousât une personne si jeune, cacha, lui tout seul, sa verge, quand chacun avait apporté la sienne. Il en résulta que rien ne parut de ce qu'avait annoncé la voix divine ; alors le pontife pensa qu'il fallait derechef consulter le Seigneur, lequel répondit que celui-là seul qui n'avait pas apporté sa verge, était celui auquel la Vierge devait être mariée. Joseph ainsi découvert apporta sa verge qui fleurit aussitôt, et, sur le sommet se reposa une colombe venue du ciel. Il parut évident à tous que Joseph devait être uni avec la sainte Vierge. Joseph s'étant donc marié, retourna dans sa ville de Bethléem afin de disposer sa maison et de se procurer ce qui lui était nécessaire pour ses noces. Quant à la Vierge Marie, elle revint chez ses parents à Nazareth avec sept vierges de son âge, nourries du même lait et qu'elle avait reçues de la part du prêtre pour témoigner du miracle. Or, en ce temps-là, l’ange Gabriel lui apparut pendant qu'elle était en prière et lui annonça que le Fils de Dieu devait naître d'elle."

 

 On voit toute l'importance du rameau tenu par Joseph.

 Le thème a été traité en peinture au XIVe siècle par Giotto à Padoue et par Fra Angelico à Florence, et à la fin du XVe siècle/début XVIe par Ghirlandaio, le Pérugin et Raphaël. En Bretagne, on le trouve dans les peintures murales de l'église de Kernascleden 

 L'autre détail intéressant est le personnage féminin qui apparait à moitié derrière la Vierge.  En peinture (où les artistes disposent d'une place suffisante), les personnages qui entourent Marie, Joseph et le Grand Prêtre sont soit les prétendants éconduits (qui brisent leur baguette restée stérile), soit le cortège nuptial, soit les parents de Marie, Anne et Joachim, soit encore les autres vierges souhaîtant se marier. Cinq à sept vierges accompagnent alors, en procession, Marie. Ici, deux personnages masculins sont visibles derrière Joseph, le premier coiffé d'un bonnet pourpre.

 Ce personnage féminin portant le voile (alors que les jeunes filles ne couvrent pas leurs cheveux), je postule qu'il s'agit de sainte Anne, et que l'homme au bonnet pourpre est Joachim ; on comparera avec la peinture de Kerascleden, où leur identification est claire. Pour être complet, on notera qu'à Concarneau, une deuxième femme s'aperçoit, à coté de Anne.

 

      Remarque-t-on la discrète signature du maître-verrier restaurateur, qui semble gravé sur le socle de marbre, sous un pan de la robe de Marie ? (la meilleure place pour un artiste chrétien). On lit LE BIHAN 1996 QUIMPER.

                         concarneau 7680c

 

concarneau 7681c

 

 

 

 

 

En comparaison, voici le même thème traité à la chapelle N.D de Lansaläun à Paule (22), et qui date de 1528 :

Le vitrail de l'arbre de Jessé de la chapelle N.D. de Lansalaün à Paule. Ce n'est que maintenant que je prête attention aux deux (demi) personnages latéraux, qui, à Paule, au vu des autres panneaux, sont clairement Anne et Joachim. 

 

vitrail-jesse 3950c

 

 


III. Le Baptème du Christ (XIXe siècle).

   Il s'agit, selon le Corpus Vitrearum d'un "médaillon récent, figurant dans le style du XIIIe siècle le Baptême du Christ, monté dans la chapelle des Fonts". Il a le mérite d'être, dans le sas d'entrée de l'église, à hauteur d'homme, parfaitement accessible à la contemplation et à l'étude, ce qui permet d'observer la complexité du travail de peinture sur verre à la grisaille ou la sanguine : les traits dessinant le nez et les sourcils, l'œil, sont des calligraphies parfaites, mais la manière dont le modelé est obtenu par la peinture diluée. Cette observation devient passionnante si on se souvient de la technique que le moine Théophile recommandait dans son Livre 2  De arte vitriaria  Chapitre 20 " Des trois teintes pour illuminer à travers le verre" : Une première grisaille très diluée sur le verre, en lavis laisse passer la lumière au maximum. Avec un chiffon on enlève les parties qui doivent rester à la lumière, c'est la technique des enlevés. Puis on applique une deuxième teinte plus épaisse pour les modelés et les ombres. Et enfin la troisième couche de grisaille pour les traits plus noir et plus épais des contours.

 

concarneau 7696c

 

 


                     concarneau 7699c

 

 

                      concarneau 7700c

 



Sources et liens:

 

GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005 Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, Presses Universitaires de Rennes, Rennes page 123.

— Notice du Diocèse de Quimper Chanoine Abgrall

http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/concarneau.pdf

— Topic-Topos :http://fr.topic-topos.com/vie-de-la-vierge-concarneau

 

 FERRARO (Séverine) Les images de la vie terrestre de la Vierge dans l’art mural (peintures et mosaïques) en France et en Italie Des origines de l’iconographie chrétienne jusqu’au Concile de Trente Thèse du 8 décembre 2012  pour obtenir le grade de Docteur de l’Université de Bourgogne en Histoire de l’art médiéval Ecole Doctorale LISIT UMR ARTeHIS. Chapitre consacré au mariage de la Vierge page 224-266.

 http://nuxeo.u-bourgogne.fr/nuxeo/site/esupversions/17fe4751-4062-42ea-ad2f-f4128184e83e

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Published by jean-yves cordier
3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 23:07

Les statues de l'église de Plourin-les-Morlaix (3).

 

 

Vierge de Pitié.

statues 0227c

 

Saint Jean l'évangéliste.

                          statues 0228c

 

 

Saint Yves entre le Pauvre et le riche.

statues 0229c

 

 

Saint Yves.

                         statues 0230c

 

 

Baptème du Christ par Jean-Baptiste dans le Jourdain.

Noter la présence, traditionnelle et légendaire, de l'ange portant la tunique, parfois identifié à saint Saturnin.

Vierges couchées (4) : calvaire de Tronoën à saint-Jean-Trolimon (29).

 

statues 0231c

 

 

 

Sainte Marguerite issant du dragon.


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Saint Sébastien.


                 statues 0239c

 

 

Vitrail : ange de l'Annonciation.

Début du XVe. Restauré au milieu du XIXe siècle.

                       statues 0240c


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Published by jean-yves cordier
3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 23:02

 Les statues de l'église de Plourin-les-Morlaix

   (2 : Anne trinitaire) .

 


                statues 0233c

 

Voir :  Anne trinitaire de l'église de Guimaëc.

Groupes de Sainte-Anne Trinitaire de la vallée de l'Aulne.

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Published by jean-yves cordier
3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 22:32

Les statues (et vitrail) de l'église de Plourin-les-Morlaix (1).

 

Je ne savais pas quelle œuvre présenter en premier, car tout m'avait séduit, lors d'une brève visite par un froid matin de janvier. J'étais seul dans la semi-obscurité des églises dont l'éclairage n'est pas allumé ; partant du chœur, je parvins près de la dernière baie de la façade sud. Soudain, le silence que je me plaisais à rompre de la résonance de mes pas s'amplifia pour m'imposer le recueillement.

  Aucune Foi n'était nécessaire pour comprendre la musique frémissante et tendre  que la lumière matinale faisait désormais monter.


                          statues 0235c

 


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Published by jean-yves cordier
3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 16:10

 

   L'Arbre de Jessé de l'église de Plourin-les-Morlaix (Finistère).

 

On le boude peut-être un peu parce qu'il s'agit d'une copie de l'œuvre du XVIe siècle, copie demandée par un recteur qui trouvait l'ancienne trop vétuste. Seule la Vierge date du XVIe siècle. On ignore s'il s'agit d'une copie fidèle.

Je le trouve néanmoins très beau et très intéressant à découvrir, et je l'aborderai en toute naïveté, sans m'appuyer sur des études précédentes —que je n'ai pas trouvé— dans le seul plaisir de l'exploration du regard.

Il est à la fois semblable aux Arbres de Jessé sculptés que j'ai déjà étudiés en Bretagne, et —comme tous—, il présente des singularités. La principale est que, au lieu de trouver 12 rois de Juda échelonnés sur les branches, associés à Isaïe et Jérémie, nous voyons deux rangées de six personnages de chaque coté, et quatre personnages "au sol" soit 28 personnages dont seuls certains sont identifiés par des phylactères. Donc, un petit jeu de déduction nous attend.

 

Voir dans ce blog lavieb-aile des articles consacrés aux Arbres de Jessé de Bretagne:  

Les sculptures :

Et les vitraux : 

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

Je traiterai plus tard de :

  • Vitrail de l'Arbre de Jessé de la Chapelle St-Fiacre de La Faouët : c.1480.

 Le docteur Louis le Thomas (cf. Sources) a recensé les Arbres de Jessé de Bretagne 

Parmi les 19 Arbres sculptés recencés en Bretagne dont 6 en Finistère (outre Plourin-les-Morlaix, Locquirec, Plounevezel, Plouzevedé/Berven, St-Thégonnec, St-Yvi) celui-ci appartient au sous-groupe à Démones, comme 13 de ces 19 Arbres.

  Ces Démones fascinent Louis Le Thomas, qui leur a consacré un article particulier, et les classe en deux figurations anthropomorphiques, celle de Démone-Serpent ou anguiforme, ou ophioure (ou "Echidna"), et celles, plus rares, de Démone-poisson (ou "Néreïde"). Il  voit dans ces formes qui "relèvent d'une gynécomorphie du Serpent de la tentation"  "l'occasion rare, dans l'iconographie religieuse; d'une étude du nu féminin, bustes et torses de démones ayant été, dans les Arbres de Jessé bretons, traités avec une verve évidemment complaisante et un réalisme particulièrement suggestif" car elles ont "pour attribut principal des mamelles orthomorphes, discoïdes, d'un galbe partout très exagéré" dont le mérite est néanmoins de consoler le fidèle des démons et démones de l'iconographie religieuse, très souvent affligées de mamelles pendantes, à titre péjoratif, et d'inspiration probablement monacale". Souvent, hélas, ces "exubérance mammaire a servi de prétexte à une chirurgie iconographique correctrice particulièrement tenace afin, presque partout, de réduire —sinon de supprimer— cette exubérance en pratiquant des amputations, alors qu'aux personnages "cacheurs" de Molière suffisait...le mouchoir".

 Le docteur remarque aussi que ces Démones ne peuvent être figurées entières, pour s'effacer derrière Jessé, et que le sculpteur devant les réduire à un torse ou buste plus ou moins étriqué, à caractère féminin amenuisé, accentue leur galbe mammaire par compensation.

A la question qu'avait posée le chanoine Abgrall (Est-ce Éve ? Est-ce le serpent qui l'a trompé ?), Louis Le Thomas répond : c'est le Serpent, car il tend la pomme plutôt qu'il ne s'en saisit, mais aussi en raison de ses caractères chtoniens : main griffue, tête cornue, animalité.

 

Étude de l'Arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Plourin-les-Morlaix (Finistère).

N.b : on pardonnera la qualité des images, prises dans une église non éclairée un matin de janvier.

   Il occupe le bras gauche du transept, au dessus de l'autel, et est encadré de deux bâtis à pilastres, médaillons monogrammés, angelots, où court l'inscription en breton Itron Varia Plourin Hor Patrones, "Vierge Marie de Plourin, notre Patronne". Il occupait jadis sans-doute une niche à volets, comme à Locquirec, mais il a été replacé dans une niche dont le fond est peint en bleu-nuit.

Dieu-le-Père —sous-titré YAWHÉ — culmine dans les Nues soutenues par deux anges.

 

arbre-jesse 0217c

 

 


arbre-jesse 0189c


 Au centre se trouve la Vierge et l'Enfant ; la Vierge, couronnée,  traitée en Vierge de l'Apocalypse, les pieds reposant sur un croissant lunaire, fait un geste d'accueil et de don de la main droite. Je reconnais dans la manière dont son voile passe derrière sa nuque pour rassembler les cheveux cette façon que j'ai si souvent notée dans les Vierges bretonnes du XVIe siècle (voir  Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu.) et si rarement ailleurs. Les cheveux s'en échappent pour descendre en deux mêches devant les épaules et en un ruisseau sur le dos.

Elle est vêtue d'une longue chemise ou tunique blanche, d'une robe dorée, et d'un manteau bleu aux pans réunis par un fermail de lourds anneaux d'or.

L'Enfant, blond et bouclé, vêtu d'une robe mauve, trace de la main droite une bénédiction vers l'assemblée.

                     arbre-jesse 0218c


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La Vierge foule la Démone, dont les traits bestiaux ne sont pas trop soulignés ici, si on excepte la main ou patte tridactyle griffue du premier plan. Les voltes maléfiques de sa queue ne sont pas visibles, ses seins "discoïdes" sont à peine soulignés, et son visage possède la grâce de celui des sirènes. Elle brandit, comme toujours, la pomme de la Tentation, et, demi-dressée, elle n'accepte pas sa défaite.

L'ancêtre Jessé, couché sur le coté, sommeille, les yeux clos, la main gauche sous la tête ; il est vêtu d'une tunique aux manches de belle étoffe grise, d'une robe rouge et d'un scapulaire gris. Le tronc de son arbre ne prend pas ostensiblement racine de son thorax, mais apparaît derrière son dos, pour se scinder rapidement en deux branches latérales. 

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Il reste à identifier les quatre personnages qui ne font pas partie de l'Arbre généalogique, mais sont tournés vers le spectateur dans des gestes de témoignage. Qui sont ces Témoins, et qu'attestent-ils ? La Tradition répond qu'il s'agit d'Isaïe et de Jérémie, proclamant la véracité de leurs prophèties Isaïe 11,1 "Puis un rameau sortira de la branche de Jessé, et un rejeton naîtra de ses racines".

Je considère que les deux personnages en robe rouge ou lie-de-vin, à coiffure "de prêtre juif", barbus, sont les deux prophétes.

arbre-jesse 0195c

 Je dois donc m'interroger sur le personnage à robe noire, vêtu d'un scapulaire, portant une aumônière bien remplie à la ceinture. Je propose : ABRAHAM ?

De même, qui est son vis-à-vis ? Le visage glabre —le seul des 28 visages— pourrait correspondre à saint Jean, mais la présence d'une aumônière (qui est souvent un attribut du Juif vétéro-testamentaire) contredit cette idée. ISAAC ?

arbre-jesse 0196c

 

 

J'étudie maintenant les personnages disposés sur l'arbre; ses deux branches se sont rapidement divisées encore en deux rameaux tournicotants qui donnent de gros boutons floraux servant de coussins à certains, alors que d'autres sont posés sur les branches elle-mêmes. 

Le groupe de gauche (à la droite de la Vierge):

Douze personnages sont donc répartis en deux ensembles verticaux, mais on constate vite que chacun de ces ensembles est différent : au centre, ce sont des rois, les rois de Juda, coiffés de couronne et porteurs de sceptres. Deux tiennent des livres. A l'extérieur, ni sceptres, ni couronnes ni livres, mais, pour certains, des phylactères : de bas en haut ARAM, ESROM et PHARES.

                     arbre-jesse 0221c

 

Le groupe de droite :

Il obéit à la même organisation ; parmi les "rois", on identifie le premier, David, qui tient sa harpe. A l'extérieur, les phylactères de JESÉE, OBED, BOOZ, SALMON, NAASON, et AMINADAB.


                            arbre-jesse 0220c

 

 

Ces phylactères nous permettent de nous référer à la généalogie de Jésus donné par Matthieu dans l'incipit de son Évangile : la succession est la suivante (je surligne les noms cités plus haut)  :

1) les Patriarches : Abraham - Isaac - Jacob - Juda - Pharès - Esrom - Aram - Aminadab -  Naasson - Salmôn - Booz - Obed - Jessé .

2. Accession à la Royauté : David - Salomon - Roboam - Abia - Asa - Josaphat - Joram -Osias - Jotham - Achaz - Ézéchias - Manassé - Amon - Josias - Jeconiah.

3. Déportation à Babylone et perte de la Royauté : - Salathiel - Zorobabel - Abioud - Eliaqim - Azor - Sadoq - Ahim - Elioud - Eléazar - Matthan - Jacob - Joseph - Jésus. 

On comprend donc que douze des Rois de Juda sont figurés dans les deux groupes du centre, au plus près du Christ et de sa mère ; que les ancêtres avant David sont placés en périphérie ; que Jessé est représenté deux fois ; que le Salmon en haut à droite n'est pas le roi Salomon fils de David, mais Salmôn, celui qui épousa Rahab, prostituée de Jéricho.

 Alors que la Généalogie de Jésus dans les Évangiles est basée sur le chiffre symbolique quatorze ("Il y a donc en tout quatorze générations depuis Abraham jusqu'à David, quatorze générations depuis David jusqu'à la déportation à Babylone, et quatorze générations depuis la déportation à Babylone jusqu'au Christ" Matthieu 1:17), celle des Arbres de Jessé est consacrée à la célébration du chiffre douze. Cela explique sans-doute pourquoi Abraham et Isaac sont placés au pied de l'arbre et non pas dedans. 

 

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arbre-jesse 0210c

 

Sources et Liens.

 

— Site Topic-topos : Plourin 

— Louis Le Thomas, Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique, Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221, 1961.

— Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, première partieBulletin de la société Archéologique du Finistère 165- 196, 1963.

 — Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, troisième partieBulletin de la société Archéologique du Finistère pp. 35-72, 1963.

 

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Published by jean-yves cordier
2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 12:12

Rimes et échos dans l'onomastique des rhopalocères du "Wiener Verzeichniss" de 1775: quand Denis & Schiffermüller jouaient aux dominos avec Linné et Scopoli.

 

On peut se demander comment les auteurs choisissaient les noms dont ils baptisaient les espèces animales qu'ils décrivaient. Pourquoi celui-ci, plutôt que celui là ? Le choix est tellement vaste ! Certains, comme Linné pour les papillons diurnes de son Systema Naturae de 1758, ont fourni leurs clefs, alors que, pour d'autres auteurs, il nous revient de les découvrir. Comme dans les travaux de Georges Perec ou de ses collègues de l'Oulipo, il s'agit parfois d'une création littéraire à contraintes internes cachées, menée par des règles qui ne laissent guère de larges choix  à l'auteur. Retrouver les règles du jeu peut être  (comme dans la lecture de "La Vie Mode d'Emploi") palpitant et gratifiant. 

Noms des Papillons diurnes (rhopalocères) créés par Linné dans le Systema Naturae de 1758.

 J'ai montré précédemment que Denis et Schiffermüller avaient abondamment fait appel à l'onomastique (ensemble des Noms Propres des personnages d'un auteur) de Virgile, principalement mais non exclusivement dans son œuvre bucolique.

Onomastique virgilienne et zoonymie des rhopalocères (papillons).

  Pourtant, achoppant à comprendre, à propos de leur zoonyme agestis, [Aricia agestis ou Collier-de-Corail) la raison du non respect de l'orthographe latine de Virgile Acestes (Énéide I,195) ou du grec Ægestes, j'ai cru mettre en évidence une structure de référence spéculaire avec le nom qui précédait cette espèce dans leur liste (et avec laquelle la distinction est délicate), le Papilio Alexis de Scopoli, notre Polyommatus icarus.

 Dans mon hypothèse, les auteurs —peut-être Michael Denis, le poète et le professeur de Belles-Lettres — avaient modelé Ægestes en Agestis pour qu'il crée avec Alexis une sorte de couplage Alexis / Agestis avec un effet de rime.

 

Un autre exemple me vint alors à l'esprit : au Papilio* Macaronius de Scopoli, ils avaient répondu par un Papilio Coccajus, Coccaie étant le surnom de l'auteur des Poèmes Macaroniques. Dans leur texte, page 187, les deux noms apparaissent l'un en dessous de l'autre et l'effet graphique souligne l'effet sonore de rime (coccajus correspond à Coccaiius):

P. Macaronius Scop.

P. Coccajus.

 * Ces Neuroptères sont décrits par D. & S. comme des « Papilio ».

 Intrigué par la possibilité de trouver d'autres exemples de rimes sonores ou de reprise en écho de la structure du mot, de son sens ou de sa source dans la littérature, j'ai dressé la liste des espèces décrites. La voici.

 

Lire le "Wiener Verzeichniss" en ligne : http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN574458115&DMDID=DMDLOG_0006&LOGID=LOG_0008&PHYSID=PHYS_0167


Liste des Rhopalocères décrits en 1775 par Denis & Schiffermüller.

Les noms sont classés tels qu'ils apparaissent pages 158-183, répartis en groupes de A à P. Je souligne les noms créés par D&S. Les espèces décrites dans le Supplément sont indiquées pour information mais ne sont pas comptabilisées. 

 

A

Malvae L.

Tages L

Fritillum

Comma L.

Linea Müller (P. sylvestris Poda)

Brontes

Steropes

 

B

Apollo L.

Mnemosyne L.


C

Polyxena

Machaon L.

Podalyrius L. (sic)

 

D.

Crataegi L

Brassicae L.

Rapae L.

Napi L.

Sinapis L

Daplidice L.

Cardamines L.

 

E

Rhamni L.

Palaeno L.

Hyale L.

 

F.

Galathea L.

Aegeria L.

Megaera L.

Maera L.

Dejanira L.

Ligea L.

Medea

Jurtina L.

Pyrrha

Medusa

Hyperanthus L.

Arcanius L.

Hero L.

Pamphilus L.

Manto

Arethusa

Semele L.

 
Arachne

Phaedra L.

Briseis L.

Alcyone

Hermione L.

Proserpina

[Herse : dans le Supplément page 320].

[Iphis : dans le Supplément page 321]


G.

Iris L.

Ilia

Jole (ou Iole)

[Clytie]   Forme d'Ilia ; dans le Supplément page 321.

 

H.

Populi L.

Sibylla L.

Camilla

Lucilla

 

I.

Atalanta L.

Cardui L.

Io L.

Antiopa L.

Polychloros L.

Xanthomelas

Vau album

Urticae L.

C album L.

Prorsa L.

Levana L.

 

K.

Pandora

Paphia L.

Adippe L.

Aglaja L.

Niobe L.

Latona L.

Euphrosyne L.

Pales

Dia L.

Daphne

 [Selene : dans le Supplément page 322]

L.

Phoebe

Maturna L.

Cynthia

Hecate

Dyctynna

Delia

Cinxia L.

Trivia

Lucina L.

[Artemis : Supplément page 322]


 

M.

Virgaureae L.

Hippothoe L.

Chyseis

Helle

Phlaeas L.

Xanthe

Circe

[ Lampetie: Supplément page 322]

 

N.

Endymion

Daphnis

Arion L.

Alcon 

Acis

Damon

Damaetas

Argiolus L.

Alsus

Corydon Scop.

Adonis

Alexis [Scop.]

Agestis

Argus L.

Aegon

Hylas

Battus

Amyntas.

[Dorylas : Supplément page 322]

O.
Rubi L.

Betulae L.

Quercus L.

Pruni L.

Spini.

 

P.

Macaronius Scop.

Coccajus

 

      Commentaires.

  La première constatation est que Linné lui-même avait engendré, peut-être involontairement, un système sinon rimé, du moins assonant, ne serait-ce qu'en donnant, au sein de ses phalanges, des noms masculins terminés en -us pour ses Equites, féminin terminés en -ea pour ses Nymphales, et pour quelques Plebei, à nom de plante-hôte, des noms terminés par-i.

 Le premier exemple de rimes (pauvres) entre les noms de Linné et ceux de D. & S. apparaît pour le groupe F : aux  Galathea,  Aegeria,  Megaera, Maera, Dejanira,  Ligea,  Jurtina, Phaedrade Linné répondent en écho Medea, Pyrrha, Medusa, Arethusa et Proserpina des auteurs viennois.

      Le groupe G (Apaturinae) est intéressant car les auteurs ont choisi de répondre au nom Iris de Linné par des noms de deux syllabes commençant par la lettre I (ou J, équivallente) : Ilia et Iole (forme sous laquelle le nom est repris par Cramer, et sous laquelle il apparaît dans Animalbase)

On sait que Iris est, dans la mythologie grecque, la messagère des dieux, plusieurs fois mentionnée par Homère comme "aux pieds légers". Linné poursuit donc ses références à l'Iliade. Néanmoins, Iris est aussi citée dans l'Énéide de Virgile (Chant IV vers 700).

Ilia est la princesse troyenne, fille du roi Priam, (voir l'argument  de l'opéra de Mozart Idoménée, roi de Crète) et son nom vient d'Ilion, autre nom de Troie. Dans la mythologie romaine, elle est la mère de Romus et Romulus : c'est Rhea Sylva, "la Troyenne". Cette origine est mentionnée par Virgile dans le chant VI de l'Énéide, v.777. Le nom Ilia répond donc à Iris non seulement par son -I- initial, mais aussi par la référence à l'Iliade (Guerre de Troie) et par l'auteur commun Virgile.

Iole, ou Iolé, est la  fille d'Eurytos, roi d'Oechalie; Elle est mentionnée par Ovide (9, 140). Devenue la captive d'Héraclès et la concubine d'Héraclès à Trachis, auprès de Déjanire, celle-ci  va la considérer comme sa rivale et offrir à Héraclès la tunique de Nessos, qui, croit-elle, lui assurera la fidélité d'Héraclès. Mais la tunique, empoisonnée, cause la mort d'Héraclès. D'après les Trachiniennes de Sophocle, Hercule, au moment de mourir, avait imposé à Hyllus, le fils que lui avait donné Déjanire, d'épouser Iolé. L'effet de réponse et  d'écho du nom Iris est donc ici moins complet. (Iolas est aussi un personnage de la deuxième Bucolique de Virgile).

 Ce sont ces trois noms qui me font comparer le jeu de création littéraire auquel se livrent Denis et Schiffermüller, non pas à un poème rimé, mais à un jeu de domino, où la pièce peut s'accoupler soit à la partie initiale du mot, soit à sa partie terminale. Mais il faudrait imaginer un Domino dont les pièces aient aussi différentes couleurs, et, chacune, une note de musique : les points seraient multipliés si, en plus de réunir deux demi-pièces analogues, le joueur parvenait à faire correspondre les couleurs, ou le son. De même, le créateur de zoonymes cherche non seulement à trouver un nom ayant la même terminaison ou la même initiale que le nom modèle, mais aussi le même nombre de syllabe (compte double), la même structure, le même auteur de l'Antiquité (compte triple), la même œuvre du même auteur. Ou bien, en Scrabble ou en mot croisé, il faut trouver dans l'exemple d'Iris, un nom de quatre lettres, débutant par un I, désignant un personnage de l'Antiquité, si possible cité par Homère ou, à défaut, se rapportant à Troie. Finalement, les candidats ne sont pas si nombreux, et un nom qui semble non déterminé, pris au hasard dans une liste innombrable de noms mythologiques ou de la littérature grecque ou latine, s'avère en réalité choisi avec soin, et même imposé par les règles du jeu.

Bonus : Ilia se paye le luxe de susciter, en outre, une allusion avec le nom vernaculaire français "Le Mars" et avec la plante-hôte le saule, tous les deux cités par les deux sources littéraires du Songe d'Ilia, Ennius et Ovide. Voir la Zoonymie d'Apatura ilia.

 N.B Papilio iole est actuellement une forme d' Apatura iris caractérisée par l'absence de bande ou de taches blanches en dessus et en dessous.


 De même, pour le groupe HSibylla L. trouve son écho dans Camilla et Lucilla D. & S. Je comprends mieux la nécessité de choix de ce Lucilla, personnage historique (impératrice, fille de Marc-Aurèle) qui me semblait incongru.

Dans le groupe I des Nymphalinae, "vau album" répond au "C-album" de Linné, et, plus intéressant, xanthomelas (l'exception de la liste car c'est un adjectif descriptif) "jaune et noir", trouve son modèle dans le polychloros, "de plusieurs verts" ou plus vraisemblablement "de plusieurs couleurs".

Ce lien d'affinité  polychloros/xanthomelas avait déjà été repéré par A.M. Emmet (1991) qui écrivait : " Xanthomelas : Les auteurs se sont départis ici  de leur pratique de nommer les papillons de jour du nom de personnage mythologique et ont formé ici un nom basé sur la couleur, par analogie avec le polychloros et exprimant ainsi leur affinité". On ne peut mieux dire. Cela illustre qu'à coté des rimes sonores , on trouve des rapprochements basés sur la sémantique, et d'autres basés sur une même source littéraire. On voit l'importance de cet appariement des noms, car lui seul permet de comprendre et de justifier l'écart surprenant à la régle générale de dénomination.

Le groupe L des Variegati, les Damiers de Geoffroy contient neuf espèces dont  le Papilio  Maturna de Linné, le  Cinxia de Linné et son Lucina :   Maturna est une déesse romaine du blé à maturité, Lucina "la lumineuse" et Cinxia   "la ceinture" sont des épithètes de Junon. Fidèles à leur habitude, ils calquent les noms qu'ils créent sur ceux de Linné mais en  choisissant d'autres épithètes d'une déesse, Artémis en l'occurence, si possible se terminant par -a et n'ayant pas plus de trois syllabes  : Phoebe, (version féminine de Phoebus Apollon), Cynthia (en référence au Mont Cinthus (Kynthos) son lieu de naissance), Delia ( née sur l'île de Délos), Trivia (ou Phôsphoros : porteuse de lumière, de torches : celle qui éclaire) et, Dictynna ou Dictymna, compagne d'Artémis. Quand à Hecate, elle est proche d'Artémis puisque c'est, comme elle, un déesse lunaire. 

Dans le groupe N des Polyommatinae, il est évident que D. & S. ont appliqué une double consigne : répondre par un effet de rime au modèle Arion de Linné avec Endymion, Alcon,  Damon, Aegon, (comme l'avait déjà fait Scopoli ou Poda avec Corydon), et, d'autre part, puisque Arion est cité par Virgile dans sa 8e Églogue, de multiplier (comme l'avait fait Scopoli avec Alexis)  les reprises de noms de bergers virgiliens de l'ensemble des Églogues : Daphnis  Acis Damaetas Alsus Adonis Battus Amyntas.

 C'est dans ce même groupe que se trouve le couple apparié Alexis/Agestis, dans les deux noms sont proches, et dont l'auteur est le même, Virgile, soit dans les Bucoliques pour Alexis, soit dans l'Énéide pour Agestis (Acestes).

Je retrouve dans ce groupe la règle du Domino, puisque les noms viennent en "Repons" soit par leur finale, soit par leur initiale : l'initiale A du modèle Arion de Linné justifie ainsi  Alcon, Aegon, Acis, Alsus, Adonis, Amyntas et Agestis. 

Enfin la contrainte interne d'imitation du modèle Arion par un "mot de cinq lettres" est appliquée pour  Alcon, Damon, AegonAlsus et Hylas.

Alcon et  Aegon réussissent la meilleure performance d'imitation de Arion avec les mêmes lettres initiales et finales, le même nombre de lettres, le même auteur (Virgile), la même œuvre (Bucoliques) et le même thème (nom de personnage).


Dans le groupe O des Theclinae, il est clair que les auteurs viennois répondent par leur Spini aux Rubi, Betulae, Quercus et Pruni de Linné.

Dans le groupe P des Neuroptères, j'ai déjà mentionné le couple Macaronius / Coccajus.

 

Des Dominos à la Mimesis.

Au delà de l'aspect ludique de performance littéraire, cette écriture à contrainte obéit à l'un des principes fondamentaux de la littérature antique : la mimesis. 

L'invention poétique se donne alors comme visée l'imitation des Anciens (considérés eux-mêmes comme image spéculaire du réel, ou de la Nature) dans cette aporie [créatrice] du surpassement d'un modèle indépassable. Le plus bel hommage.

 


Conclusion.

Je n'ai pas épuisé la recherche de correspondances de fidélité entre les onomastiques de Linné et de Denis & Schiffermüller, mais le exemples que j'ai donné me semblent significatifs d'une volonté délibérée, qu'avait déjà initiée Scopoli, de conserver les mêmes stratégies dénominatives, mais aussi de donner aux noms de papillons une cohérence interne par les jeux de rimes et d'assonance, de réciprocité de sens et d'unité des sources gréco-latines.

 Étudié de manière isolée, ou au sein de la taxonomie contemporaine qui éparpille les créations des anciens auteurs, un zoonyme peut paraître insolite ou inexpliqué, alors qu'il retrouve sa cohérence lorsqu'il est replacé dans sa publication originale, et qu'on garde à l'esprit cette clef d'une recherche d'échos d'imitation, de référence, de complicité ou d'harmonie sonore avec les auteurs précédents.





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Published by jean-yves cordier
1 février 2014 6 01 /02 /février /2014 22:21

 

Onomastique virgilienne et zoonymie des rhopalocères (papillons) nommés par Denis & Schiffermüller en 1775.

 

      Voir aussi  Noms des Papillons diurnes (rhopalocères) créés par Linné dans le Systema Naturae de 1758.

 

Tu sei il mio maestro e il mio autore

Tu sei solo colui dal quale io tolsi

lo bello stile che mi ha fatto onore

Dante, s'adressant à Virgile (La Divina Commedia,  Inferno, I)

 

  Par  sa maîtrise consommée de la langue latine, par  le rythme majestueux de son hexamètre incomparable, par  la symétrie et la perfection de sa forme poétique, par  son immense savoir et par l'esprit philosophique qui imprègne son œuvre, par la force profondément morale et pratique de ses appels au devoir et à l'héroïsme, par sa présentation spirituelle de la vie humaine et lde a mort, par  sa tendresse, et par sa capacité à décrire le théâtre simple et humble de la nature, Virgile restera toujours l'un des plus grands poètes du monde. Il a été encensé par le Moyen-Âge et la Renaissance, mais, au XVIIIe siècle, lorsque l'entomologie devint une science et qu'à la suite de Linné, des passionnés de toute l'Europe se mirent à décrire, classer et dénommer les insectes, il restait la référence suprême, avec Horace et Homère, en matière d'"Humanités". 

                              Image illustrative de l'article Mosaïque de Virgile

Virgile, mosaïque d'Hadrumète (3e siècle) Source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Virgil_Mosaic_Bardo_Museum_Tunis.jpg

 Dans ses Bucoliques, Virgile fonde la tradition latine de l’onomastique bucolique. L'étude de son Onomastique, dans ses trois œuvres principales, les Bucoliques et ses dix Églogues, les Géorgiques et ses quatre Livres et l'Énéide et ses douze Chants, montre  combien il influença les nomenclateurs des espèces animales. Geoffroy en 1762, Roesel (certes, dans son ouvrage sur les grenouilles) et les viennois Denis et Schiffermüller choisirent une citation de Virgile pour leur épigraphe. 

  Linné citait aussi Virgile dans son Systema Naturae de 1758, mais accordait la meilleure place à Pline l'Ancien, tout en choisissant comme thème de son onomastique des Lépidoptères le monde homérique de la Guerre de Troie. Aussi ne trouve-t-on aucun nom "virgilien" dans les noms de papilio du Systema Naturae.

En 1762, Geoffroy puisait largement dans la poésie bucolique de Virgile pour ses noms vernaculaires des papillons Amaryllis, Tircis, Corydon. L'année suivante, Scopoli avait créé le Papilio Alexis. 

 Mais c'est avec Denis et Schiffermüller, en 1775, que cette influence onomastique s'affirma. Pour le prouver plutôt que de l'affirmer, il me fallait mener la double étude des noms créés par Virgile pour ses bergers, puis ceux créés par les auteurs viennois pour leurs papillons de jour. 

 

      I. Onomastique virgilienne.

 

 Je me suis appuyé sur l'analyse que mena Daniel Vallat dans son article "Phénomènes de réécriture dans l'onomastique du genre bucolique". Cela indique que l'Énéide en est exclue.

 Théocrite, puis surtout Virgile par sa réécriture ou son réemploi des noms de Théocrite et leur réutilisation dans différentes Églogues, créèrent de véritables Types onomastique, des noms typiques de bergers et de bergères que notre poésie pastorale du XVI et XVIIe siècle reprit à son tour avec délice. Ces noms évoqueront désormais le genre Bucolique.

Cet auteur étudie d'abord l'onomastique des Idylles de Théocrite des quelques 60 noms de personnages (le n° de l'Idylle est entre parenthèse): je souligne en gras les noms (vernaculaires ou scientifiques) de papillon. 

Ageanax (7) ; Aigon (4) ; Akrotimè (27) ; Alkippa (5) ; Amaryllis (3 ; 4) ; Amyntas, Amyntichos (7) ; Antigenes (4) ; Aratos (6 ; 7) ; Aristis (7) ; Battos (4) ; Bombyka (10) ; Boukaios, Boukos (10) ; Brasilas (7) ; Chromis (1) ; Galatea (6 ; 11) ; Glauka (4) ; Damoitas (6) ; Daphnis (1 ; 5 ; 7 ; 8 ; 9 + ép. 3 ; 4) ; Erithakis (3) ; Eukritos (7) ; Eumaras (5) ; Eumedes (5) ; Hippokion (10) ; Kalaithis (5) ; Klearista (5 + 2) ; Komatas, Kerastas (5 ; 7) ; Korydon (4 ; 5) ; Kratidas (5) ; Krokylos (5) ; Lakon (5) ; Lampriadas (4) ; Lykidas (7 ; 27) ; Lykon (7 + 2) ; Lycopas (5) ; Lykoreus (7) ; Menalcas (8 ; 9 ; 27) ; Mikon (5) ; Milon (4 ; 8 ; 10) ; Molon (7) ; Morson (5) ; Myrto (7) ; Nais (8) ; Nikias (11 + ép. 8) ; Olpis (3) ; Paraibatis (3) ; Philetas (7) ; Philinos (7) ; Philondas (4 ; 5) ; Phrasidamos (7) ; Polybotas (10) ; Polyphamos (6 ; 7 ; 11) ; Pyrrhos (4) ; Siburtas (5) ; Sikelidas (7) ; Simichidas (7) ; Thyrsis (1 + ép. 6) ; Tityros (3 ; 7) ; Xenea (7) ;

Puis, Daniel Vallat dresse la liste de 44 noms de personnage choisis par Virgile. Parmi ceux-ci, 17 sont repris de Théocrite (37 %). Là encore, je souligne en gras les noms de papillons diurnes.


Aegle (6) ; Aegon (3 ; 5) ; Alcimedon (3) ; Alcippa (7) ; Alcon (5) ; Alexis (2 ; 5 ; 7) ;Alphesiboeus (5 ; 8) ; Amaryllis (1 ; 2 ; 3 ; 8 ; 9) ; Amyntas (2 ; 3 ; 5 ; 10) ; Antigenes (5) ; Bauius (3) ; Caesar (9) ; Chromis (3) ; Cinna (9) ; Codrus (2 ; 5) ; Conon (3) ; Corydon (2 ; 5 ; 7) ; Damoetas (2 ; 3) ; Damon (3 ; 8) ; Daphnis (5 ; 2 ; 3 ; 7 ; 8 ; 9) ; Delia (3) ; Galatea (1 ; 3 ; 7 ; 9) ; Gallus (6 ; 10) ; Iollas (8) ; Lycidas (7 ; 9) ; Lycoris (10) ; Meliboeus (1 ; 3 ; 7) ; Menalcas (2 ; 3 ; 5 ; 9 ; 10) ; Maeuius (3) ; Micon (3 ; 7) ; Mnasylus (6) ; Moeris (8 ; 9) ;Mopsus (5 ; 8) ; Neaera (3) ; Nysa (8) ; Palaemon (3) ; Phyllis (3 ; 5 ; 7 ; 10) ; Pollio (3 ; 4 ; 8) ; Stimichon (5) ; Thestylis (2) ; Thyrsis (7) ; Tityrus (1 ; 3 ; 5 ; 6 ; 8) ; Varius (9) ; Varus (9) ;
Animaux : Hylax (8) ; Lycisca (3).

 

L'auteur notela variabilité des personnages d’une bucolique virgilienne à l’autre, malgré et peut-être à cause de l’identité du nom propre, crée un monde instable, où les tentatives de lectures unitaires et cohérentes des personnages sont souvent en porte-à-faux. Virgile s’inscrit certes dans un cadre prédéfini, mais ne s’y enferme pas." Il remarque ensuite que les noms nouvellement créés sont parfois latins, ce qui  semble normal pour un auteur latin, mais sont aussi des nouveaux noms grecs ("Meliboeus", ou, en pastiche des terminaisons en -as -ys et -on, Illoas, Phyllis, Alcon, Palaemon) : "Après lui, l’onomastique de la bucolique sera définitivement grecque, ce qui, contrairement aux apparences, n’était pas évident pour un genre qui manie relativement peu l’onomastique mythologique (contrairement à la tragédie) et qui, somme toute, reprend assez peu de noms propres à ses devanciers grecs (contrairement à la comédie)". En outre —et l'entomologiste n'y sera pas indifférent— « la plupart des personnages de cette œuvre ont des noms tirés des choses de la campagne ».  Mais de nombreux noms sont, par des influences grecques transgénériques, de toute époque, déjà employés par Homère (Chromis), par Callimaque (Phyllis), par Parthenius, ( Neaera), alors que Alexis provient des épigrammes érotiques de l'Anthologie de  Méléagre. Cette reprise s'accompagne d'un changement de statut, Phyllis, personnage mythologique, fille de Lycurgue devenant désormais une bergère.

 

II. L'onomastique des rhopalocères du Wiener verzeichniss de Denis et Schiffermüller (1775).  

De Homère à Virgile et de Linné à Schiffermüller ou du mythologique grecque au bucolique latin. 

Linné avait placé les papillons de jour, répartis en Phalanges, comme un monde virtuel dont les noms reproduisait la Grèce antique, celle de Homère lors de la Guerre de Troie.

 Tout en respectant ses options générales, ses successeurs opérèrent un basculement vers la poésie latine de Virgile, essentiellement bucolique mais aussi épique.

 

Je vais donc rechercher, en m'aidant des articles correspondant de Wikipédia, à quoi ou à qui font références les 48 noms de papillons diurnes (rhopalocères) créés en 1775 par les deux jésuites du Theresiangrasse de Vienne.

Je rappellerais que si Ignaz Schiffermüller, le collectionneur et dessinateur principal, était professeur d'architecture, son collègue Michael Denis était professeur de Belles-Lettres après avoir enseigné le latin. Il était surtout préoccupé de faire revivre le patriotisme autrichien par un retour aux sources de l'antiquité germanique et par la traduction d'Ossian en langue allemande, mais cela ne l'empéchait pas obligatoirement de ne pas admirer Virgile, ou de le connaître parfaitement. 

 — Acis : 1. Dans la mythologie grecque, Acis  est un jeune berger de Sicile, fils du dieu Pan et de la nymphe Symaethis, qui fut aimé de la Néréide Galatée. 2. Cité dans la 3Églogue de Virgile par Damète ("C'est toi qui sous nos vieux ormeaux/ Brisas du jeune Acis l'arc et les chalumeaux") 

— Adippe, déjà utilisé pour un Papilio nymphalis par Linné 1767 avec la mention "in Fauna Cydippe perperam pro Adippe legitur" , Cydippe dans Fauna suecica par mauvaise lecture de Adippe. Pas d'origine étymologique, bien que les auteurs y voit le nom d'une Nymphe ou d'une femme de l'Antiquité grecque.

 — Adonis est un mortel, amant d'Aphrodite. Mais il est cité par Virgile dans la 10e Églogue.

 — Aegon : personnage des 3e et 5e Églogues de Virgile.

Agestis, Aegestes, Aegestus ou Acestes selon Virgile, sicilien descendant des Troyens par sa mère. fils du dieu-fleuve Crimissus ou Crinisus  et de la troyenne Egeste. Il rejoint le camp des Troyens lors de la guerre de Troie puis regagna la Sicile avec son ami Elymus. Il était le roi de Drépanum, dans l'Ouest de l'île, près du mont Eryx dédié à Vénus.Aidé par Elymus, fils batard d'Anchise, il créa la ville d'Aegesta ou Segesta en Sicile. Il accueillit Énée lors de son périple, et l'aida à ensevelir Anchise sur le mont Eryx. Virgile Énéide, Livre 5, 746-778.

 — Alcon :  personnage de la 5Églogue de Virgile

— Alcyone, fille d'Eole et épouse de Ceyx : Ovide, Métamorphoses XI v.421 et Virgile, Géorgiques Livre I v. 399.

 Apollodore, Bibliothèque (I, 7, 3-4).

Hygin, Fables  (LXV).
Lucien, Alcyon ou la Métamorphose .
Ovide, Métamorphoses  (XI, 410-580).

 — Alsus, berger cité par Virgile dans l'Énéide Livre XII vers 304-305 alors qu'il tue Podalire.

— AmyntasBerger (Amyntas, Amyntikos) de la 7e Idylle de Théocrite, et des 2e, 3e, 5e et 10Églogues de Virgile.

— ArachnéArachné ou Arachne (en grec ancien Ἀράχνη / Arákhnê), dans la mythologie gréco-romaine, est une jeune fille originaire de Lydie qui excellait dans l'art du tissage. Les Métamorphoses d’Ovide, Livre VI plus ancienne attestation connue de ce mythe.

Les Géorgiques de Virgile. Livre IV v. 246 :Virgile a caractérisé l'araignée comme « odieuse à Minerve »1 ( aut invisa Minervae / In foribus laxos suspendit aranea casses)

— Arethusa

Dans la mythologie grecque, Aréthuse (en grec ancien Ἀρέθουσα / Aréthousa) est une nymphe du cortège d'Artémis, qui a donné son nom à la ville de  Syracuse sur l'île d'ortygie. Étant la fille de Nérée, elle est aussi une Néréide. S'étant arrêtée près du fleuve Alphée pour s'y baigner, elle inspira à ce fleuve un tel amour qu'il la poursuivi de ses ardeurs. Pour échapper à sa poursuite, elle s'enfuit jusqu'en Sicile et implore le secours d'Artémis qui, après avoir tenté de la cacher dans un nuage, la change en source ou en fontaine. L'Alphée mêle alors ses eaux à celles d'Aréthuse qui disparaissent pour venir rejaillir à Ortygie, île voisine de Syracuse, où elles formèrent une fontaine d'eau douce bien qu'entourée des eaux salées de la mer.

Les Idylles de Théocrite  mentionnent Aréthusede même que Virgile Éneide III v 694,  Virgile, Géorgiques Livre IV vers 344 Atque Ephyre atque Opis , et asia Deiopeia ; Et tandem positis velox Arethusa sagittis,  Virgile Eglogue X v.1 Extremum hunc , Arethusa , mihi concede laborem :  "Une dernière fois, Aréthuse, souris à mes efforts. Inspire-moi pour mon cher Gallus quelques vers, mais des vers qui soient lus de Lycoris elle-même".

 

— Artemis,  déesse grecque bien connue.

—  Battus, berger Battos de la 4e Idylle de Théocrite.

— Camilla : Camilla : Dans la mythologie romaine, Camille, fille de Métabus (roi des volsques), est une femme guerrière citée dans l’Énéide. Virgile, Énéide  (Chants VII et XI)

— Chryséis   est une jeune captive mysienne originaire de Chrysè, ville de Mysie. Fille de Chrysès, prêtre d'Apollon, après qu'on eut tué son époux Epistrophos, elle fut prise comme captive par les Grecs partis pour Troie pendant leurs raids d'approvisionnement, lorsqu'ils pillèrent Thèbe sous le Placos. Lors du partage, elle échoit à Agamemnon. Voir Eschyle, Agamemnon  (v. 1439) ; Homère, Iliade  (I ; 111 ; 143 ; 182 ; 369 ; 439) et Hygin, Fables (CXXI, 3).

— CirceDans la mythologie grecque, Circé (en grec ancien Κίρκη / Kírkê, « oiseau de proie ») est une magicienne très puissante, qualifiée par Homère deπολυφάρμακος (polypharmakos), c'est-à-dire particulièrement « experte en de multiples drogues ou poisons », propres à opérer des métamorphoses.Circé est la fille d’Hélios (le Soleil) et de l’Océanide Perseis, sœur d’Éétès et de Pasiphaé. Homère  Hésiode et Cicéron  la considèrent, de par sa naissance, comme une déesse à part entière, ce qui ne semble pas avoir été le cas du reste de sa parentèle.

Elle apparaît principalement au chant X de l’Odyssée d'Homère mais est citée aussi  par Apollodore, Cicéron, Euripide, Hésiode, Ovide, Pausanias, Description de la Grèce(V, 19, 7).et Virgile, Énéide, livre III qui mentionne la terre de Circé, (le Monte Circello).

— Coccajus, Merlin Coccajus, dérivé de cocus, coquus "le cuisinier", ou Merlon Coccaïe, est le surnom du dominicain défroqué italien de Mantoue Theofilo Folengo, (c1496-1554), auteur de vers macaroniques (Poema Macaronicum de gestis...Baldi ,1517), en même temps qu' Antoine Arena en faisait en France. Son ouvrage fut traduit en Français sous le titre de "Histoire macaronique de Merlin Coccaie, prototype de Rabelais " (Gallica).

L'explication du choix de ce zoonyme peu banal par Denis & Schiffermüller devient évident si on se réfère à la page 187 : la description de l'espèce suit immédiatement celle de Papilio macaronius, que Scopoli avait baptisé ainsi (p. 168). Ces deux espèces désignent deux neuroptères, les Ascalaphes : l'Ascalaphe bariolé Libelloides macaronius et l'Ascalaphe soufré Libelloides coccajus.

— Corydon, berger des Églogues 2 ; 5 et 7 de Virgile

— Cynthia, épithète d'Artémis. Étymologiquement, Cynthia vient du mot grec kynthios signifiant « qui vient du Kynthos ». En effet en Grèce, sur l'île de Délos, se trouve le mont Kynthos, lieu mythique où seraient nés la déesse Artémis et son frère Apollon. De ce fait, Artémis est parfois appelée Cynthia. Pendant la Renaissance et le Baroque, c'est l'un des noms les plus habituels de la Lune

  Damaetas (Damète) est un berger qui apparaît dans la 3e Églogue de Virgile où il rivalise avec  Ménalque devant Palémon choisi comme juge et (Galathée lui jette une pomme puis s'enfuit "en souhaitant qu'on la voit") et dans la 5e Églogue 

  — Damon est un berger qui est nommé par Ménalque et Damète dans la 3e Églogue de Virgile.

— Daphne correspond, dans les Métamorphoses d'Ovide, à la nymphe Daphné, transformée en laurier en fuyant Apollon; Ce nom désigne aussi la fille de Tirésias, prêtresse à Delphes.

 — Daphnis, fils d'Hermes et d'une nymphe, est un berger qui fut divinisé. Mais c'est aussi le titre de la 5e Églogue de Virgile, un dialogue entre Ménalque et Mopsus qui pleurent tous les deux la mort du berger Daphnis.

— Delia, ou Délie personnage féminin dont la beauté inspire à Tibulle 5 des Élégies de son Livre I. Mais Virgile avait employé ce nom dans sa 3e Églogue.

— Dictynna, ou Dictymna est une nymphe ou une déesse crétoise, avatar de Britomartis ; elle es confond parfois avec Diane et en devient un épithète (Diane Dictynne). Ovide Livre II. Tibulle 4Élégie "à Priape". 

— Dorylas est cité par Ovide Livre XII (les Lapithes et les Centaures). Selon Pierre Chompré :"Dorylas est l'un de ceux qui osèrent attaquer Persée dans la cour de Céphée. Il fut tué avec les autres de la main de Persée. L'un des centaures se nommait Dorylas." Il appartient aux guerriers qui participèrent aux noces de Pirithous

— Endymion est un berger dont Séléné, déesse lunaire, est tombée amoureuse. Il est cité dans la 3Églogue de Virgile.

— HecateDans la mythologie grecque, Hécate (en grec ancien Ἑκάτη / Hekátê) est une déesse de la Lune, fille du Titan Persès  et de la Titanide Astéria, la nuit étoilée, et est originaire de Thrace. On considère parfois qu'elle est la fille de Tartare. Elle emprunte surtout des traits à Athéna, Déméter et Artémis. L'art grec l'a d'ailleurs souvent représentée semblable à Artémis. Ovide, Métam."la triple Hécate"   Virgile Enéide livre VI v. 118.

— Helle, Dans la mythologie grecque, Hellé (en grec ancien Ἕλλη / Héllê), fille du roi Athamas et de Néphélé, est la sœur de Phrixos. Selon une tradition rapportée par Valerius Flaccus, Hellé devient ensuite une divinité marine protectrice. Apollodore, Bibliothèque  (I, 9, 1)./Hygin, Fables  (III)./Ovide, Fastes  (III, 857-876), Métamorphoses  (XI, 195)./ Valerius Flaccus, Argonautiques (I et II).

 — Hylas est un Argonaute éromène d'Héracles qui fut capturé par les nymphes séduites par sa beauté. Il est ité dans la 6e Églogue de Virgile. (Pseudophilotes baton)

— Ilia, une prêtresse royale, aussi nommée  Rhéa Silvia, fille de Numitor, mère des jumeaux Romulus et Rémus : Virgile, Enéide: VII, 659 : Elle passe pour la fille d'Enée et son nom rappele  sa ville natale. (Apatura ilia)

 — IoleDans la mythologie grecque, Iole, fille d'Eurytos, roi d'Œchalie, et sœur de Déionée et d'Iphitos, pressée par Héraclès qui ravageait les Etats de son père, se précipita du haut des remparts ; mais le vent, enflant sa robe, la soutint dans l'air et elle redescendit sans se blesser. Selon d'autres versions, Eurytos refusa sa fille au héros, ce qui fut cause de sa perte et de celle de son fils Iphitos. C'est l'amour d'Héraclès pour Iole qui causa la jalousie de Déjanire et l'envoi de la fatale tunique de Nessos. Voir les plaintes de Iole dans Hercule sur l'Œta de Sénèque (v. 173-225).

Mais Iole (Iolla ou Iollas) est invoquée par Damète dans la 3e Églogue de Virgile : Iolla, mitte mihi Phyllida, est meus natalis.

— Iphis, , jeune crétoise, fille de Ligdos et de Théléthuse est évoquée par Ovide.

— Lampetie, fille du Soleil, l'une des sœurs de Phaëton avec Phaéthuse comme deux nymphes personnifiant la lumière solaire dans Homère, Odyssée, XII, mais aussi dans Apollonios de Rhodes, Hygin, Ovide, et Properce.

 

— Lucilla, Impératrice romaine (149-Capri 182), fille de Marc Aurèle et de Faustine, femme de Lucius Verus. Elle conspira contre son frère Commode, fut exilée à Capri et mise à mort 

— Manto, Dans la mythologie grecque, Manto est la fille du célèbre devin de Thèbes Tirésias qu'Ulysse alla consulter dans l'au-delà de la vie. Lorsque Thèbes capitula devant les Épigones, elle fut emmenée à Delphes auprès d'Apollon. Certaine d'avoir hérité des dons exceptionnels de son père, le dieu lui confia un de ses propres oracles, àClaros, en Asie Mineure. Elle conçut Mopsos de sa liaison avec le dieu.

Selon Virgile, elle aurait donné son nom à Mantova (Mantoue) en Italie. 


"Lui aussi  Ocnus, le fils de la prophétesse Mantô
et du fleuve toscan, arrive des rivages de sa patrie
 il te donna, ô Mantoue, des murailles et le nom de sa mère,
 Mantoue, riche d'aïeux, mais pas tous de même race" Virgile Énéide Livre X v. 199

— Medea,  Dans la mythologie grecque, Médée  est la fille d'Aétès, roi de Colchide et d'Idye, océanide, fille d'Océan et Théthys. . Elle est magicienne, comme sa tante Circé . Métamorphoses VII d'Ovide.

 

— Pales, divinité des prairies et des bergers. Virgile, Géorgiques livre III "Te quoque, magna Pales"

— Pandora, épouse d'Épiméthée.Dans la mythologie grecque, Prométhée vola le feu aux Dieux pour le donner aux hommes. Pour se venger, Zeus ordonna à Vulcain de créer une femme faite de terre et d’eau. Elle reçut des Dieux de nombreux dons : beauté, flatterie, amabilité, adresse, grâce, intelligence, mais aussi l’art de la tromperie et de la séduction. Ils lui donnèrent le nom de Pandore, qui en grec signifie "doté de tous les dons". Elle fut ensuite envoyée chez Prométhée. Epiméthée, le frère de celui-ci, se laissa séduire et finit par l’épouser. Le jour de leur mariage, on remit à Pandore une jarre dans laquelle se trouvaient tous les maux de l’humanité. On lui interdit de l’ouvrir. Par curiosité, elle ne respecta pas la condition et tous les maux s’évadèrent pour se répandre sur la Terre. Seul l’espérance resta au fond du récipient, ne permettant donc même pas aux hommes de supporter les malheurs qui s’abattaient sur eux. C’est à partir de ce mythe qu’est née l’expression "boîte de Pandore", qui symbolise la cause d’une catastrophe

Homère,  Iliade vers 527 et suivants du chant XXIV,

Apollodore, Bibliothèque: I.7.2
Hésiode, Théogonie: 561
Pausanias, Périégèse: I.24.7 

— PhoebeDans la mythologie grecque, ce nom peut faire référence à : Phébé la Titanide, unie à son frère Coéos, Phébé l'Héliade, qui fut changée en peuplier comme ses sœurs, Hilaire et Phébé, les « Leucippides », Phébé fille de Tyndare, fille de Tyndare, ou Phébé, surnom d'Artémis, voire de la Lune dans des textes anciens. 

C'est la Titanide lunaire qui est évoquée par Virgile : Vento semper rubet aurea Phoebe. — (Virgile, Géorgiques 1, 431).

— Polyxena, Dans la mythologie grecque, Polyxène (en grec ancien Πολυξένη / Polyxénê), fille de Priam et d'Hécube, est une princesse troyenne. Elle fut aimée d'Achille qui la vit pendant une trève lors de la guerre de Troie. Il la fit demander en mariage à Hector.  Voir  Euripide dans sa tragédie Hécube, et Ovide dans ses Métamorphoses.

"Achille et Polyxène" est la dernière tragédie lyrique de Jean-Baptiste Lully, écrite en 1687  

— Proserpina, Proserpine est une divinité romaine équivalente à Perséphone dans la mythologie grecque. Elle est la fille de Cérès (ou Déméter) et Jupiter. Proserpine est la déesse des saisons. La mythologie raconte qu’elle a été enlevée par Pluton, dieu des Enfers qui l’a ensuite épousée. Comme Pluton est le frère de Jupiter et Proserpine sa fille, on déduit que Pluton est en couple avec sa nièce. Un accord aurait été conclu avec celui-ci afin qu'elle puisse retourner avec sa famille certaines périodes de l’année. Ainsi, elle passe six mois aux Enfers (ce qui symbolise notre automne et notre hiver) puis six mois avec sa mère (ce qui correspond à nos printemps et été).

Virgile la cite dans ses Géorgiques : Iamque pedem referens casus evaserat omnes ;redditaque Eurydice superas veniebat ad auras, pone sequens, namque hanc dederat Proserpina legem, Géorgiques 4 vers 485-487

— Selene, Dans la mythologie grecque, Séléné (en grec ancien Σελήνη / Selếnê), fille des Titans Hypérion et Théia, sœur d'Hélios (le Soleil) et d'Éos (l'Aurore), est une déesse de la Lune — plus spécifiquement de la pleine lune, second membre de la triade composée d'Artémis (croissant de lune) et d'Hécate (nouvelle lune). Elle est souvent assimilée à Artémis, même si elle personnifie plutôt l'astre lunaire lui-même. Cette déesse a été romanisée sous le nom de Luna. Voir son amant Endymion.

— Spini : le nom vient de la plante-hôte indiquée dans le texte page 186Pruni spinosae. Il fait suite à Papilio rubi, P. Betulae, P. Quercus, P. Pruni., quatre noms de Plebei nommés par Linné en fonction de leurs plantes-hôtes.

— Trivia, Trivia (du latin trivius, a, um, « qui se trouve aux carrefours ») est une déesse de la religion romaine et de la mythologie romaine, dans l'Antiquité. On pensait qu'elle hantait les carrefours et les cimetières, et qu'elle était liée aux pratiques de magie et de sorcellerie. Elle n'est parfois qu'un surnom ou un synonyme de Diane ou de la déesse grecque Hécate, avec qui elle avait en commun de posséder des sanctuaires situés près des carrefours.

 Le mot Trivia ne se trouve ni dans les Églogues, ni dans les Gèorgiques. Il est cité par Virgile dans la Descente aux Enfers de l'Énéide : Iam subeunt Triuiae lucos atque aurea tecta. Énéide, 6 ,15 "Déjà, ils pénètrent dans le bois sacré de Trivia, sous les toits dorés."  

 

— vaualbum C'est, avec Xanthomelas, l'un des deux seuls zoonymes "descriptifs" de la liste des noms créés par Denis et Schiffermüller : il indique la marque blanche en forme de virgule, ou de lettre-v- des ailes.

— Xanthe, Xanthé : l'une des Océanides selon le catalogue de la Théogonie d'Hésiode, et dans les Géorgiques Livre IV de Virgile :

 

— Xanthomelas est ici le deuxième épithète descriptif utilisé par Denis et Schiffermüller : ses deux racines grecques signifient jaune et noir et qualifie la couleur des ailes.

 

        Récapitulatif .

Cette liste des noms de rhopalocères créés par Denis et Schiffermüller comporte :

— Un seul nom de plante-hôte, Spini.

— Deux adjectifs descriptifs, vaualbum et Xanthomelas.

— Un nom cocasse, Coccajus, choisi pour répondre au Papilio macaronius de Scopoli.

— un nom inexpliqué, Adippe (Nymphe ?), mais qui provient en fait de Linné.

— 43 noms de personnages grecs ou latins soit 89,5%.

Parmi ces derniers, les auteurs viennois ont pu trouvé dans l'œuvre de Virgile plus de la moitié (29 noms soit 60%), et dans celle d'Ovide 8 autres noms.  Au total, 37 noms sur 43 proviendraient de la poésie latine, et seuls 6 sont, dans mes recherches, propres à la mythologie ou la littérature grecque. Il existe bien-sûr des noms qui sont à la fois cités par Virgile, et qui appartiennent à la mythologie antérieure.

Les 29 noms provenant de Virgile (Bucoliques 14 ; Géorgiques 6 ;  Énéide 9) 

  • Acis :  Ég 3 
  • Adonis : Ég. 10.
  • Aegon : Ég. 3- 5.
  • Agestis:  Én.
  • Alcon :  Ég 5 
  • Alcyone : Gé (et Ovide)
  • Alsus : Én
  • Amyntas: Ég. 2-3-5- 10
  • Arachné : Gé  (Ovide )
  • Arethusa :  Én ; Gé; Ég 
  • Camilla :  Én.
  • Circe :  Én.
  • Corydon : Ég. 2-5-7.
  • Damaetas : Ég 3-5
  • Damon  :  Égl.3
  • Daphnis : Ég. 5.
  • Delia : Ég. 3.
  • Endymion : Ég.3
  • Hecate : Én.
  • Hylas : Ég. 6.
  • Ilia :  En. 7 :659
  • Iole : Ég. 3.
  • Manto Én. 
  • Pales :  Gé.
  • Phoebe : Gé.
  • Proserpina Gè.
  • Trivia : Én.
  • Xanthe : Gé.

Les 8 noms provenant d'Ovide.

  • Daphne 
  • Dictynna,  
  • Dorylas 
  • Helle
  • Iphis 
  • Lampetie 
  • Medea
  • Polyxena

 

Les 7 noms restant :

— Lucilla vient à part, c'est un personnage de l'histoire romaine.

  • Artemis, dans les auteurs grecs
  • Battus, berger de Théocrite.
  • Chryséis ; Homère, Hygin
  • Cynthia,
  • Pandora : Homère, Apollodore, Hésiode, Pausanias,
  • Selene. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SOURCES ET LIENS.

Virgile, Les Bucoliques texte latin et français :http://fleche.org/lutece/

Virgile, les Géorgiques en français en ligne http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/georg/georgi.html

 
— Sylvie Ballestra-Puech, « L’araignée, le lézard et la belette : versions grecques du mythe d’Arachné », Rursus [En ligne], 2 | 2007. URL : http://rursus.revues.org/97 ; DOI : 10.4000/rursus.97
http://pendientedemigracion.ucm.es/info/amaltea/revista/num2/voisset.pdf

— Lire (JYC) http://www.anagnosis.org/phil/virgile_georgiques_iv_485_505

Oberthür (Charles) Études de lépidoptérologie comparée.  : https://archive.org/stream/etudesdelpidop521911ober#page/8/mode/2up/search/virgile

 — VALLAT (Daniel)  « Phénomènes de réécriture dans l’onomastique du genre bucolique », Interférences Ars Scribendi, numéro 4, mis en ligne le 5 mai 2006, http://ars-scribendi.ens-lsh.fr/a

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Published by jean-yves cordier
29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 23:10

Des putti chez les grenouilles (Roesel, 1758).

 

Introduction.

  Je poursuis mon enquête qui a débuté avec le Frontispice du Wiener Verzeichniss de Denis & Schiffermüller (1775) et ses putti aux ailes de papillons  Les frontispices du "Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge" de Denis et Schiffermüller (1775-1776). , puis qui m'a fait découvrir l'usage presque constant de ces fils de Vénus dans les frontispices d'Histoire naturelle du XVIIIe siècle, mais aussi dans de nombreuses gravures de l'époque qu'ils envahissent comme un petit peuple  chargé de missions qu'ils sont les seuls à connaître Frontispices et épigraphes en Entomologie (Lépidoptères). .

   J'avais posé l'hypothèse qu'ils remplissaient, en Histoire naturelle, un rôle transitionnel entre monde humain et monde sauvage, cette Nature dont, depuis le Systema Naturae de Linné en 1758, les Naturalistes s'étaient donnés mission de dénombrer et de dénommer les espèces, transgressant alors un interdit ancestral ; car il est vrai que les espèces sauvages, notamment les plus petites, dont la domestication était apparue inutile ou impossible, ne portaient pas de nom jusqu'en cette fin de XVIIIe siècle.  Nommer, c'est se rendre "comme maître et possesseur" d'un domaine resté jusqu'alors in-tact.

Aussi bien, depuis l'aube de l'humanité, les Papillons ne portaient qu'un nom collectif, "les papillons", et, parfois, "les phalènes". Notons que dans le monde grec (Maria Goudi), mais aussi ourdmourtien, italien et de Haute-Bretagne (Sébillot), le papillon est un symbole de l'âme, et notamment de l'âme des morts. On ne l'aborde pas impunément.

Pour les papillons, nommer supposait d'abord de capturer. D'élever les chenilles.  Puis d'épingler les imagos. 

Pour les grenouilles, dont il est ici question, nommer supposait aussi de capturer. Puis de disséquer. Ces transgressions délicates —et peut-être dangereuses— à représenter nécessitaient de faire encore appel aux Éros potelés et joufflus.


Pourtant, cet article se moque bien de défendre cette hypothèse parfaitement gratuite : son seul but est de faire partager le plaisir de regarder, comme avant l'âge des noms, de belles images.

 

 Le livre que j'ouvre aujourd'hui avec délectation est celui de Johann August Roesel, Historia Naturalis Ranarum Nostratium in qua omnes earum proprietates / Die natürliche Historie der Frösche hiesigen Landes Nürnberg, 1753-1758 : "L'Histoire Naturelle des Grenouilles de notre région". Il a été publié par volumes séparés de 1753 à 1758 et préfacé par Haller. Le tirage a atteint 600 exemplaires.

Selon M. Niekisch, Roesel a été victime d'un A.V.C (hémiplégie gauche) en octobre 1752 et a repris le travail en 1753 : sa production et son étude zoologique n'en deviennent alors que plus admirables; (Wikipédia donne la date de 1759 pour cet accident).

Chacune des Sections est introduite par une Vignette gravée (la plupart par Martin Tyroll), représentant les grenouilles, pour la première fois, dans leur milieu naturel. Ces vignettes précèdent le corpus des Planches, réuni en fin d'ouvrage, réalisées par Roesel lui-même, et qui présentent les différentes espèces de grenouilles (famille des Ranidae, Ordre des Anura) dans des scènes de copulation qui alternent avec des travaux de dissection des dites grenouilles montrées avec la plus grande précision et l'absence de toute retenue. Les Vignettes introduisent prudemment le lecteur à ces transgressions, et s'opposent, par leur monde enchanté et médiatisé, à l'ensemble des Planches.

Toutes les images proviennent de l'exemplaire mis en ligne par l'Université d'Heiselberg, rognées et cadrées, parfois éclaircies ou contrastées.

 

 

 Roesel, AJ 1758. Historia natvralis ranarvm nostrativm dans QVA omnes earvm proprietates, praesertim qvae annonce generationem ipsarvm pertinente, fvsivs enarrantvr, CVM praefatione illystris viri Alberti v Haller. - Die natürliche Historie der Frösche hiesigen Landes, worinnen alle Eigenschaften derselben, sonderlich aber ihre Fortpflanzung, umständlich beschrieben werden. Mit einer Vorrede Herrn Albrecht von Haller. Herausgegeben und mit zuverlässigen Abbildungen gezieret. - Pp [1-9], V-VIII [= 5-8], 1-115, [1], pl. [A], onglet. I-XXV [= 1-25]. Nürnberg. (Fleischmann). 

 

1. Les cigognes mangeant les grenouilles près d'un déversoir.

Dessin de Roesel, gravure G.D. Heumann.

Roesel Ranarum nostratium Cigognes

 

 

Section II : Putti disséquant une grenouille.

Dessin Johan Justin Preisler (1698-1771), directeur de l'Académie de peinture de Nuremberg), gravure Martin Tyroll.

Selon M. Niekish (2009), "Preisler" représente en réalité soit Roesel lui-même, soit son épouse et collaboratrice Elisabeth Maria Roesel (jusqu'à son décès en mai 1758), soit son ami et maître Georg Leonhardt Huht.

Un putti coiffé d'un chapeau de paille tient un scalpel. A l'opposé, son collègue porte le filet à grenouilles. Une chouette a capturé une grenouille.

Au centre, étendue sur un faisceau de roseau, une grenouille est retenue par des liens végétaux (tout est très "nature" dans cette scène) alors qu'un putti, qui a abandonné sa lyre, exécute d'un bistouri adroit une incision médiane. Son assistant l'observe avec intérêt ; il tient une "lancette" si démesurée qu'il semble avoir quitté précipitamment Mars endormi, sans quitter son égide à tête de Gorgone. (Voir Botticelli, Vénus et Mars :

                                           Image illustrative de l'article Vénus et Mars

Roesel Ranarum nostratium sectio II putti dissection

 


 

3. Section III. Chasse à la grenouille par les putti armés d'arbalètes.

Dessin de Johan Justin Preisler, gravure Martin Tyroff. Le chapitre est consacré à la grenouille verte, "Der Grüne Wasserfrosche" . 

Cette technique de chasse, destinée à satisfaire la demande de cuisses de grenouilles, est paraît-il attestée, et l'arme porte en allemand le nom de "Froschschnepper" (Arbalète à grenouille), décrite dès 1731 ("Frosch-Schnepper, ist ein Instrument, die Frösche damit zu schiessen. Es bestehet solches in einem an einer langen mit einem stählernen Bogen versehenen hvltzernen Armbrust oder Schnepper, auf welcher ein langer von starcken ... ").

roesel ranarum nostratium sectio III putti arbalete

 

4.Section V. Bord d'étang : reproduction et ponte des grenouilles. 

Pas de putti cette fois-ci ; peut-être parce que la gravure est l'œuvre de Roesel lui-même.

Je retrouve ici le point de vue à raz de terre que Roesel avait adopté pour son frontispice. La saison de reproduction, pendant laquelle les grenouilles pondent dans les eaux peu profondes les longs chapelets d'œufs que l'on voit serpenter ici, correspond aux mois de février à avril, mais les deux hirondelles représentées incitent à penser que nous sommes plutôt en avril. 

Les deux poteaux de bois portent, gravés, chacun la lettre R inscrite dans un cercle. Il est possible que cela fasse allusion au couple des Roesel, ou au décès de l'épouse de Roesel en mai 1758.

roesel ranarum nostratium sectio V bufo

 

      5. Les autres vignettes.

 Trois vignettes montrent des lieux où Roesel a réalisé son travail de terrain ; ce sont trois châteaux (qui existent toujours quoique l'un soit en ruine), alors entourés de lacs ou de zones humides

  — "Die Oberg-Bürg bey Nürnberg" (Section IV) dans le chapitre consacré au Sonneur à ventre jaune ; gravure par Heumann. Le séjour de Roesel à Oberburg est attesté : l'endroit appartenait à Lorenz Wilhelm Neubauer et à Johann Georg Friedrich von Hagen. Ce dernier avait hérité d' Oberburg en 1748, avait soutenu le travail de Rösel et acheté après sa mort une partie de sa collection.

— "Unter-Bürg bey Nürnberg", (Section VI), par Christ ......

— "Gleishammer beis Nürnberg" (Section VII), par J.A. Joninger (?). Aujourd'hui "Zeltnerschloss".  Chapitre du crapaud calamite Kreuzkröte. 

Quelques exemples des Planches.

Il existe 24 Planches.

N.B : j'ai omis toutes les scènes de dissection, pour favoriser le regard d'artiste de Roesel plutôt que son regard de naturaliste ; j'ai conservé les images de tendre étreinte.  Les amateurs de dissection peuvent consulter les planches elles-même en ligne.

      Gravures sur cuivre mises en couleur à la main, J. A. Roesel dessinateur et graveur.

Tab. I. Coitus et generatio ranae fuscae terrestris, détail :

Roesel Ranarum pl I

 

Roesel ranarum Planche

Roesel ranarum Planche IX

 

Roesel ranarum Planche IX. bas png

 

Roesel ranarum Planche XIa png

 

Roesel ranarum Planche XVIIa

Roesel ranarum Planche XXIa

 

Roesel ranarum Planche XXIa 2

Roesel Ranarum pl I. 2 png

 

Source et liens.

— NIEKISCH, Manfred 2007 : "Die Vignetten der Historia Naturalis ranarum Nostratium 1758 Einblicke in das Leben et Werk des Août Johann Roesel von Rosenhof und seine herpetologischen Pionierleistungen" . Sekretær 7 (1): 33-60

 http://eurekamag.com/research/030/911/die-vignetten-der-historia-naturalis-ranarum-nostratium-1758-einblicke-das-leben-werk-des-august-johann-roesel-von-rosenhof-und-seine-herpetologischen-pionierleistungen.php

— Exemplaire numérisé par l'Université d'Heidelberg 

http://www.ub.uni-heidelberg.de/helios/fachinfo/www/kunst/digilit/natura/roesel1758.html

— Exemplaire numérisé par Goettingen 

http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN484611879&IDDOC=275809

— Exemplaire mis en ligne par Gallica (déplorable) :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k970909/f10.image

— Planches numérisées de l'Université de Bourgogne (avec Haller en nom d'auteur) :http://www.queneau.fr:8080/sdx/pl/doc-tdm.xsp?id=D0002_d0e27606&fmt=tab&base=fa

— Article du NZ Nürgerger Zeitung :

-  http://www.nordbayern.de/nuernberger-zeitung/2.192/kunstler-und-froschflusterer-1.666652/kommentare-7.491792

- http://www.nordbayern.de/nuernberger-zeitung/2.283/die-welt-der-insekten-und-frosche-auf-kupfertafeln-1.626717

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Published by jean-yves cordier
27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 22:03

Frontispices et épigraphes en Entomologie (Lépidoptères) au XVIIIe siècle.

 

Voir : Les frontispices du "Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge" de Denis et Schiffermüller (1775-1776).

 Ayant découvert le frontispice et les épigraphes de Denis & Schiffermüller (1775), j'ai voulu savoir quelles avaient été les options des autres auteurs contemporains en Entomologie, notamment dans les traités de lépidoptérologie. Ma récolte fut modeste, ce qui confère d'autant plus de valeur à la publication des deux jésuites viennois, mais elle ne fut pas sans intérêt.

Rappel chronologique des publications:

 

  • 1630 : Hoefnagel, Diversae insectarum volatilium.
  • 1734-1742 : Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, 6 volumes.
  • 1758 : Linné, dixième édition du Systema Naturae.
  • 1761 : Linné, Fauna svecica, 2ème édition
  • 1762 : Etienne Louis Geoffroy, Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, 2 volumes in-4°, Paris.
  •  1763 : J.A. Scopoli, Entomologica Carniolica,Vienne. https://archive.org/details/ioannisantoniisc00scop
  • 1766 : Moses Harris, The Aurelian or Natural History of English Insects, namely Moths and Butterflies. puis en 1775 The English lepidoptera, or the Aurelian's Pocket Companion.
  • 1767 : Linné, 12ème édition du Systema Naturae.
  • 1775 : J.C.Fabricius, Systema entomologica.
  • 1775 : Rottemburg (S.A.von)  "Anmerkungen zu den Hufnagelischen Tabellen der Schmetterlinge", in Der Naturforscher, J.J Gebauer Witwe und J.J Gebauer :Halle
  • 1775 :  J. Caspar Fuessly .  Verzeichnis der ihm bekannten schweizerischen Insekten mit einer ausgemahlten Kupfertafel: nebst der  Ankündigung eines neuen Insecten Werks,  Zürich, H. Steiner,1775. http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/65772#/summary
  • 1775 : Denis et Schiffermüller,  Ankündigung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend. /1776  Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge
  • 1776 : J.C. Fabricius  Genera insectorum
  • 1776 : Otto Friedrich Müller, Fauna insectorum Fridrischdaliana. Zoologiae Daniace Prodromus.
  • 1775 à 1782 : Caspar Stoll et Pieter Cramer, Die uitlandische Kapellen : description de 1650 espèces du Surinam.
  • 1777-94 : J.C.Esper Die Schmetterlinge in Abbildungen nach der Natur, 
     1-5, seconde édition avec additions   par Toussaint von Charpentier en 1829-1839.
  • 1779-1792 :  Jacques-Louis Florentin Engramelle, Papillons d'Europe peints d'après nature Planches peintes par M. Ernst, gravés par M. Gérardin, et coloriés sous leur direction, décrits par le R.P. Engramelle, religieux augustin du quartier de Saint Germain, À Paris chez Delaguette/ Basan & Poignant, 29 cahiers, 8 volumes.

 

 

                    I. Frontispices.


Définition (Wikipédia) : "Un frontispice est une illustration, placée, dans un livre, sur l'une des pages de titre. Il peut être sur une page faisant face à la page de titre, ou se trouver sur la page de titre, sous le titre. Souvent réalisée en gravure, le frontispice représente généralement une scène importante du livre, ou le portrait de l'auteur". Pour Littré, son sujet "est analogue au but et à l'esprit de l'ouvrage". C'est dire l'importance de son étude.

Furetière : en architecture, il s'agit de " la face et la principale entrée d'un vaste bâtiment qui se présente de front au spectateur". 

 

1°) édition de 1481 de Thomas, de Cantimpré, Das Buch der Natur page 244 http://www.wdl.org/fr/item/3158/view/1/244/

 

Il ne s'agit en réalité d'un frontispice, mais d'une illustration (gravure sur bois, colorée) en plein volume, dont l'intérêt tient à son ancienneté.

              Fullscreen-capture-12012014-50230-PM.jpg

 

2°) Hoefnagel, Diversae insectae, 1630.

 

Jacob Hoefnagel est un artiste néerlandais, né en 1575 et mort vers 1630. Il est le fils de Joris Hoefnagel (1545-1600), un artiste d'Anvers employé par les ducs de Bavière qui réalise les illustrations des plantes et d'animaux présents dans le cabinet de curiosités de l'empereur Rudolph II, à Prague. Jacob réalise la gravure des peintures de son père.

Ses Diversae Insectarum Volatium icones ad vivum accuratissimè depictae per celeberrimum pictorem paraissent chez Nicolao Ioannis Visscher d'Amsterdam en 1630. C'est l'une des toutes premières œuvres uniquement consacrée aux insectes. Les illustrations d'Hoefnagel sont souvent les premières que l'on connaissent pour de nombreuses espèces. Les 16 belles gravures montrent 302 insectes dont 37 Coleoptères, 22 Orthoptères, 14 Odonates, 16 Neuroptères, 72 Lépidoptères, 35 Hyménoptères, 78 Diptères, 21 Hémiptères et 7 larves. Ces espèces viennent du centre et du nord de l'Allemagne. (Wikipédia consulté le 27/02/2014)

 

Exemplaire numérisé par BHL

n4_w627

 

 


3°) Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, 1734

   Cette gravure sur cuivre est due à Philippe Simonneau. Là encore (décidément !) ce n'est pas un frontispice, mais une vignette appartenant à la première page (p.14) du premier mémoire : elle a le mérite d'illustre tous les procédés que Réaumur déployait dans sa propriété du Poitou. Ce grand savant, qui fut président de l'Académie des Sciences pendant quarante ans passait le temps libre de ses étés à étudier avec la plus grande minutie les insectes et à en dessiner les métamorphoses, et, ici, il nous fait, pour ainsi dire, pénétrer dans ses laboratoires.

Vendee-Tourisme-Manoir-des-Sciences-de-Reaumur-facade   images?q=tbn:ANd9GcSGPCfdMBGCw8_ybB8y1ce 

 

              n14_w428  

Vignette-Reaumur.png


4°) Roesel von Rosenhof, Insecten Belustigung, 1740.

Der monatlich-herausgekommenen Insecten Belustigung Erste Sammlung, August Johann Rösel Miniatur-Malhern, Nürnberg, Fleischmann

Un mot sur le titre : il se traduit par "Amusement des Insectes", ou "Le Divertissement par les Insectes".

Source image : Heidelberger H.B.

 Cette fois-ci, c'est un réel frontispice, et l'un des plus beaux ou des plus riches, parce que plein de mystères. Nous y trouvons des vases fleuris au sommet d'un portique, une figure allégorique, une statue de la Diane d'Éphèse entre deux cerfs, un savant de l'Antiquité qui se consacre à la Géométrie (Aristote ? Pythagore ?), un bas-relief d'un autre Maître de l'Antiquité, et surtout, un épigraphe et une scène à putti sur lesquelles je vais revenir.

- Le bas-relief ovale serait celui de Pline l'Ancien (23-79 ap. J.C).

- Le personnage assis serait la Science, tenant des instruments de mesure et un triangle avec une masse de gravité, une allusion à Newton.

- L'Allégorie témoigne de la recherche du Savoir (car elle tient un livre) associée à l'enracinement dans le monde réel (elle pose le pied sur la sphère terrestre), par une vision clairvoyante ( la main droite tendue vers le Soleil) dans le but de favoriser la Paix (la palme de son bras gauche).  

- La signification de la présence de la statue de l'Artemis d'Éphèse, telle qu'elle est conservée au Musée archéologique d’Éphèse entre deux animaux, mériterait une réflexion à part entière. Représente-t-elle la Mère primordiale ? Elle est considérée aussi comme Astarté, déesse de la fertilité, de la beauté et de l'amour. Elle tient un lion ou un griffon sur chaque bras, de multiples animaux sont posés sur les étagères de son tronc-colonne (licornes, centaures, chevaux, dromadaires, bœufs). Tout cela est bien, mais maintenant, que sont ces nœuds sur son voile ? Six papillons, dont les deux sommitaux croisent leurs antennes. Comparée à son modèle (infra, Wikipédia), il s'avère qu'il s'agit d'un petit clin d'œil fantaisiste de Roesel.

                                 220px-Sel%C3%A7uk_statue_Artemis.jpg

 

(Artémis multimammia du type d'Éphèse, IIe siècle apr. J.-C., Musée deSelçuk)


Ce frontispice coloré est l'œuvre de Johan Justin Preisler (1698-1771) et a été gravée par Martin Tyroff (Augsbourg 1704-1758), graveur en taille douce et marchand d'estampes à Nuremberg et auteur d'un autoportrait de 1751 (INHA), de portraits, de compositions à putti, etc.

Les deux artistes ont aussi collaborés pour des armoiries (Arm. Imhoff, Arm. Haller, Arm. Gender), un portrait de l'empereur François Ier, un buste de Georges III (Br. Mus.) : dans tous les cas, le style est assez proche du frontispice étudié, avec des putti entourés d'allégories.

                  Frontispice-roesel.png

 

L'épigraphe.

  Il s'agit d"une citation extraite de l'Histoire Naturelle de Pline, Livre XI chapitre 2* : RERUM NATURA NUSQUAM MAGIS QUIAM IN MINIMIS TOTA EST.

* chapitre 1 des éditions actuelles.

 Elle peut se traduire par "la nature des choses n'est nulle part mieux révélée que dans les petites choses." et est extraite de ce passage :

sed turrigeros elephantiorum miramurumeros

 taurorumque colla et truces in sublime iactus, 

tigrium rapinas, leonum iubas,

 cum rerum natura nusquam magis quam in minimis tota sit

quapropter quaeso ne legentes,

quoniam ex his spernunt multa, 

etiam relata fastidio damnent, 

cum in contemplatione naturaenihil possit uideri superuacuum. 

  "Nous admirons les épaules des éléphants chargées de tours, le cou des taureaux, leur force à lancer en l'air ce qu'ils saisissent, les déprédations des tigres, les crinières des lions, tandis que la nature n'est tout entière nulle part plus que dans les êtres les plus petits. En conséquence, je prie les lecteurs, malgré le mépris qu'on a pour beaucoup de ces insectes, de ne pas condamner et dédaigner ce qui est rapporté ici : dans l'observation de la nature rien ne peut paraître superflu." (Trad. Dubochet 1848)

  Elle sera reprise par Guillaume-Antoine Olivier en 1808 en introduction de son Entomologie page de titre, par Dézalier d' Argenville dans sa Conchyliologie de 1780, etc. Mais surtout, Linné placera la suite immédiate de cette citation au cœur du Systema Naturae de 1758, p. 341, juste au moment où il aborde les Insectes.

Je n'ai trouvé qu'une seule description ou transcription de cet épigraphe (et du frontispice) par Charles Oberthür, Études de Lépidopterologie comparée, 1910 p. 81.

 

Les Putti et leurs occupations.

Ces petits Amours que j'avais découvert sur le Frontispice de Denis et Schiffermüller 1775 avaient, manifestement, des ancêtres : il s'agit d'un Thème qui est repris et décliné par de nombreux auteurs, et dont il me faudrait chercher les références littéraires. Ces putti sont d'autant plus intéressants qu'ils se livrent aux mêmes occupations que chez les deux auteurs viennois : l'un capture les papillons de son petit filet (mais non, il pêche avec son troubleau dans une petite mare ! Quoi ? Des grenouilles bien-sûr !), alors que les deux autres s'émerveillent devant les beautés du Petit Monde après avoir épinglé les papillons multicolores sur des plateaux rond ou rectangulaire. Des flacons de verre annoncent de studieuses analyses des espèces prélevées. On peut, puisque l'auteur nous incite à nous émerveiller des plus petits détails, noter l'escargot qui progresse à gauche, ou le nœud papillon dans les cheveux du putto agenouillé.


                             Frontispice-roesel-detail.png

 

Les putti appartiennent, depuis l'Antiquité, au vocabulaire des ornemanistes, mais, dans ces frontispices, ces petits êtres semblent avoir une autre fonction que celle d'ornements et être  les Génies intermédiaires, créatures hybrides entre la Science et la Nature ou médiateurs transitionnels entre le monde domestique et dénommé, et le monde sauvage sur lequel l'homme doit encore assurer son emprise: quelques exemples :

Dessin de Jacques de Sève, gravure de Dominique Sornique,  Buffon, Histoire Naturelle, III, 1749, vignette précédant la « Description du Cabinet du Roy », p. 1.  

                25813_36.png

Buffon, Histoire Naturelle, Cabinet du roi, tome III page 13

         fullDHS_id9782707152947_pu2007-01s_pa01-

Buffon, Histoire Naturelle, Tome I page 3, Premier Discours.

           fullDHS_id9782707152947_pu2007-01s_pa01-

 

 

4'°) Roesel von Rosenhof, Insecten Belustigung, Partie 3, 1740 .

Cette fois, le dessin est signé Nicol Gabler [Nicolas Gabler (1725-1785)].  On lit ensuite Roesel a R exec. puis Mich. Rößler sculps.

 

Charles Oberthür a décrit l'espèce de papillon qui figure ici dans ses Études de Lépidopterologie comparée fasc.V de 1911 page 12 : Callimorpha dominula Linné, 1758, l' Écaille marbrée rouge.

Cf. Roesel Vol. 3 page 267-270 et planche 47; sa chenille est celle, velue, noire rayée de jaune qui croque un bouton de fleur. 

La chenille du premier plan est celle que Roesel fait figurer dans la Planche : celle du Sphinx Tête-de-mort Acherontia atropos. Je peux alors en déduire que le feuillage et les fleurs blanches qui l'entourent sont celles de Solanum tuberosum, la pomme de terre.

Plus bas, on voit une sorte d'asticot dans une coupelle : je laisse au suivant le soin de l'identifier.

Le frontispice de l'exemplaire numérisé par GDZ Göttingen est celui-ci : le titre  est inscrit sur une feuille de papier posée sur un pot de grès ; j'ai mis un certain temps à comprendre que c'est son couvercle, dont la poignée est munie d'un anneau, qui est posée devant nous. 

               Roesel-Insecten-belustigung-partie-2-frontispice.png

Par contre, le frontispice de la version publiée en néerlandais par son gendre Kleemann, dans l'exemplaire numérisé par BHL library est presque identique mais réserve une surprise. A la place du titre, un curieux dessin a été reporté : c'est un détail de la Planche 73 de l'ouvrage en allemand celle qui débute, après un nouveau frontispice , Die historie der polypen der süssen Wasser und anderer kleiner Wasserinsecten hisiges Landes, "l'Histoire des Polypes d'eau douce et autres petits insectes de nos régions.".  Roesel, s'étant procuré un microscope, et de l'eau d'un marais voisin, observa dans le vase quelques globules mêlées à un grand nombre d'autres petits êtres : ils reposaient au fond de l'eau, et ressemblaient bien plus à des grains de matières muqueuse ou au fruits de certains mollusques qu'à de véritables polypes. Chaque globule est retenu à la masse commune mais celle-ci est libre ; elle change de place assez volontiers mais lentement et se fixe tantôt en un lieu tantôt en un autre. Roesel leur donna le nom de Feberbusch Polypen ou Polypes à plumets. Cuvier rebaptisa ces zoophytes bryozoaires les Cristatella.

  Roesel raconte sa découverte des travaux de Abraham Trembley, ce Genévois réfugié aux Pays-Bas et qui avait découvert en 1740 "la régénération des hydres d'eau douce". Il devint du jour au lendemain une star internationale, non seulement par la découverte de ce petit animal long d'un centimètre et ressemblant à un tube muni d'une tête en forme d'étoile, ou de sa capacité de se regénérer après avoir été coupé en deux, mais par l'idée d'envoyer par la poste à ses correspondants un kit composé des petites bêtes dans une bouteille et d'un mode d'emploi. Plus tard, il étudie de nouveaux polypes d'eau douce, qui ne mesurent plus qu'un dizième de millimètres.

Roesel signale aussi les travaux de Baker et Anderon (William Anderson] qui baptisent des polypes The Bell-flowers animals or Plumed-polypes.

http://www.geology.19thcenturyscience.org/books/1838-Johnston-BritishZoophytes/PDFpages/316.pdf

Trembley http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8515435

Certes, j'ai quitté le sujet que je m'étais fixé, l'entomologie, mais j'ai découvert un aspect méconnu des travaux de Roesel : les notices biographiques Wikipédia en français, anglais ou allemand ne les mentionnent pas. Découvrez-les ici GDZ page 433.

                         Roesel-Frontispice-Insecten-Belustigung--partie-trois-Kleem.png

Le Frontispice de l'Histoire des Polypes d'eau douce de Roesel :

On notera le sens de l'humour de l'auteur, qui crée un caducée et un casque ailé d'Hermès à partir de ses zoophytes.

                               Roesel-Frontispice-Histoire-des-Polypes-d-eau-douce-png

 

 

 

 

5°) Geoffroy, Histoire des insectes, 1762, Tome I.

 

Cette vignette sous le titre permet de découvrir aussi l'épigraphe, une citation du Livre IV des Géorgiques de Virgile :

Admiranda tibi levium spectacula rerum, "je te ferais découvrir des choses admirables" ou "je te ferais voir le spectacle admirable des choses".

Un ruban couronne la gravure, et porte les mots FIDES ET CONCORDIA AD LABOREM CONCITANT ("Soutenu par la foi et l'harmonie au travail ??"). Le ruban se termine, à gauche, par une clef.

La gravure associe encore deux allégories (Fides et Concordia ?) et deux putti occupés à prendre soin de plusieurs ruches . Celle-ci sont posées sur une base en marbre blanc qui porte une inscription en italiques. Hélas, je ne peux déchiffrer que le premier mot, "Papillon". Au premier plan brûle un pot à feu.


page-de-titre-Geoffroy-tome-I.png

 


6°) Engramelle, Papillons d'Europe peints d'après nature, 1779.

Ce frontispice a été dessiné par Gérardin et gravé par J.J Juillet. Deux arbres délimitant un sentier à l'orée d'un bois sert de support à une tenture frangée d'or. Le titre s'y trouve inscrit :

 Insectes d'Europe peints d'après nature par Ernst Gravées et Coloriés sous sa direction Première partie. Les chenilles crisalides et Papillons de Jour. Décrits par le R[évérend] P[ère] Aug[ustin] Q[uartier S[aint] G[ermain].

Se vend à Paris chez :

-MM. Ernst et Gerardin Rue de la Harpe Ancien Collège de Narbonne

-P.M De Laguette Imprimeur -Libr, rue de la Vieille Draperie

-Bazant et Poignant Mds d'Estampes rue et hotel Serpente.

Avec Privilège du roi

On entrevoit sous le rideau une vue urbaine, réduite à un château dont on discerne le donjon et la porte à herse, et qui semble entouré d'eau. 

Trois papillons sont représentés : une piéride sur une pivoine, un azuré, et un nymphalidé.

                                1

  Mais j'ai eu la surprise de constater qu'il existe selon les exemplaires, des différences notables. Ainsi, celui que présente (hélas en noir et blanc) Archive.org (ici) montre, dans la partie basse, au lieu d'une piéride, ce qui ressemble à un mâle d'Aurore  Anthocharis cardamines, et, de l'autre coté, sous toute réserve, une Carte Géographique Araschnia levana. Mais surtout, on distingue deux ou peut-être trois belles chenilles qu'il vous revient d'identifier.

 

 7°) Engramelle, Papillons peints d'après nature, Volume III.

 

Cette potiche en stuc à l'assaut de laquelle monte une pyramide de fleurs m'intéresse moins, bien que le Sphinx de droite semble une citation du frontispice de Denis et Schiffermüller. La chenille verte est celle d'un Sphinx .

 

 

                           Frontispice-Engramelle-vol.-II-gallica.png


8°) HERBST Johann Friedrich Wilhem, JABLONSKY Karl Gustav, 1793,  Natursystem aller bekannten ins und ausländischen Insecten als eine Fortsetzung der von Büffonschen Naturgeschichte Der Schmetterlinge sechster Theil mit 36 illuminirten kupfertafeln, In der Paulischen Buchhandlung : Berlin, 1793.

L'intérêt de cet ouvrage consacré aux coléoptères est de retrouver ce thème des putti. Il semble y avoir un tabou interdisant de représenter des naturalistes au travail, et imposant de les remplacer par d'innocents enfants, comme si il y avait à cette époque un sentiment coupable de commettre une transgression. Or, si l'être humain s'était là jusque abstenu de nommer tous les animaux qu'il n'avait pas domestiqué, dans une tacite délimitation d'un territoire du familier —où les animaux reçoivent un nom propre—, d'un territoire de la relation et de la chasse —où les animaux propres à être mangés reçoivent un nom commun, et d'un territoire sauvage et non-mangeable où les animaux ne sont pas nommés, ce n'était certainement pas par hasard et sans obéir à un impératif fondamental.

 Et si, depuis le coup de théâtre transgressif de Linné l'humain s'autorisait à obéir à cette injonction qui sert d'épigraphe au Wiener Verzeichniss (Numeros et nomina, "dénombre et dénomme"), ce n'est pas sans avoir à vaincre des résistances inconscientes.

 Je peux établir un parallèle avec la pratique des dissections anatomiques, elles-aussi frappées d'un même interdit : si, dans les frontispices des livres de médecine, ce sont des Putti qui mènent les dissections, c'est qu'il est aussi audacieux de montrer (Rembrandt confirmant la règle par son exception) un anatomiste au travail qu'un naturaliste épinglant ses spécimens.

 

[Bandeau où l'on voit des amours s'apprêter à faire une dissection] Mémoires de l'Académie royale de chirurgie. Tome I Paris : Charles Osmont, 1743 :

                       06649.jpg : http://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/image?06649

 


                        frontispice-Herbst-Berlin-1794.png

 

 

 

9°)  La Revue Der Naturforscher, Berlin, 1774-1804.

 Il s'agit du périodique dans lequel Rottemburg publia de 1775 à 1777 ses descriptions de la collection de Hufnagel : 

  • Rottemburg, S. A. von (1775-1777): Anmerkungen zu den Hufnagelischen Tabellen der Schmetterlinge. Erste Abtheilung./ Zweyte Abtheilung/.Der dritten Abtheilung erste Classe./Der dritten Abtheilung zwote Classe.:Der dritten Abtheilung dritte Classe– Der Naturforscher, 6: 1-34. ; 7  105-112 ;  8: 101-111 ; 9: 111-144 ; 11: 63-91.

 http://www.ub.uni-bielefeld.de/diglib/aufkl/naturforscher/naturforscher.htm

 

  Dans ce frontispice qui est la page de titre de la Revue Der Naturforscher ("Le Naturaliste"), on voit précisément le Naturaliste en question, assis en pleine campagne comme à son bureau, la plume à la main : ce sont les Amours qui lui apportent les spécimens d'Histoire naturelle qu'ils vont prélever dans la Nature. Il s'agit peut-être d'un de ces savants qui embarquent dans les grandes expéditions d'exploration scientifique, et dont on voit le navire mouillé dans l'estuaire. Je distingue un lion, une sorte de chat à long museau, une ruche, un putti ramenant un oiseau (?), un autre portant sur sa tête une corbeille de fruits ou de fleurs, un troisième prélevant dans l'eau un crustacé alors qu'une étoile de mer et un oursin sont posés près de lui.

 Je peux y voir une illustration de cette fonction transitionnelle que remplissent les Génies (comme les nommait Schiffermüller) entre Humanité savante, et Nature.

 

http://www.ub.uni-bielefeld.de/cgi-bin/navtif.cgi?pfad=/diglib/aufkl/naturforscher/118752&seite=00000002.TIF&scale=5

Originalseite

 

 

                                          

                           II. Les épigraphes.

 

 

 1°) Christopher Merret 1667 Pinax :

Citation d'Hippocrate en grec (non déchiffrée)

2°) Merian 1679 :

 Der raupen wunderbare, http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/merian1683bd2/0001?sid=60cf69e1e42d9f47fab471b161dd0ee3

Maria Sybilla Merian cite un poème de Arnold,

Die Erde wird nicht müß / Das Jahr erholt das wieder / Die Raupe legt sich nieder/ als wäre sie fast sodf.

3°) Petiver, Musei 1695

L'apothicaire  londonien James Petiver cite Aristote dans son  Musei Petiveriani centuria prima, Londres 1695 ; mais je n'ai pas retrouvé l'origine de cette citation, qui a été reprise plus tard soit par Johannes Gistel en 1837, soit par la Société impériale des naturalistes de Moscou dans ses Memoires soit  par Ermenegildo Pini  Protologia: en épigraphe du analysim scientiae sistens ratione prima exhibitam, Volume 1.

Prima laus est humanae sapientiae, valde similia posse distinguere. Aristote 

 

 

4°) Linné, Fauna svecica 1746 (et 1761) :

Linné cite Quintilien : il s'agit (à partir de la seconde phrase) d'un extrait de l'Institution Oratoire Livre XII chapitre 6, 3 : le titre du chapitre est Quod sit incipiendi causas agere tempus ("A quel âge l'orateur doit-il  commencer à plaider"). Quand à la première phrase, elle est attribuée à Quintillien par quelques auteurs.


Quae praesenti opusculo desunt suppleat Aetas ;

Non enim differendum est tyrocinium in Senectutem

Nam quotidie crescit metus

Majusque fit semper quod ausuri sumus ;

Et dum deliberamus, quando incipiendum,

Incipere jam serum fit,

Quare Fructum studiorum viridem

Et adhuc dulcem promi decet,

Dum et Venia ,

Et spes est,

Et paratus favor,

Et audere non dedecet.

 Quintilianus.

 "Il manque à ce présent travail d'être nourri par l'âge;" 

"D'un autre coté il ne faut pas prolonger son apprentissage jusqu'à la vieillesse ; car chaque jour on devient plus timide, chaque jour on se grossit d'avantage les difficultés, et pendant qu'on délibère si on commencera, il est déjà trop tard pour commencer. Je veux donc que le fruit des études ne se produise que quand, encore un peu vert, il a néanmoins encore quelque saveur, lorsque l'âge est un titre à l'indulgence." Quintilien


 

 5°) Linné, 1758, Systema Naturae.

O Jehovah !

Quam magnifica sunt Tua Opera !

Vir insipiens non cognoscit ea

& stultus non animadvertit ea.

David.

"Que tes œuvres sont grandes, ô Éternel [que tes pensées sont profondes]! 

L'homme stupide n'y connaît rien, 

Et l'insensé n'y prend point garde".

 Cet épigraphe de Linné a été souvent cité, mais personne ne l'a, à ma connaissance, rapporté à un psaume de David ; j'ai trouvé certes cité une fois le Psaume 104, mais la seconde partie des versets ne s'y trouve pas. Il s'agit en fait du Psaume 92, 6-7 ; j'ai donné la traduction de Louis Segond.

 



 6°) Rösel von Rosenhof 1758

 Historia naturalis ranarum nostratium, (frontispice), J.J. Fleischmann, Nuremberg, viii, 115.

 Je place ici ce frontispice de Roesel alors qu'il introduit à son traité sur les Batraciens car d'une part son épigraphe sera repris par Geoffroy à propos des Insectes, mais aussi parce qu'il est très riche d'enseignement. J'apprécie d'une part le point de vue à hauteur du ras du sol qu'adopte l'illustrateur ; il nous introduit dans une optique de petit animal, où les fleurs sont d'immenses parasols, et les tiges de rosiers ressemblent à des troncs d'arbres sur lesquels il faut grimper. Une mare d'eau prend l'allure d'une mer. On trouve ici les techniques de l'estampe japonaise, avec le renversement de perspective, un champ de vision étroit, un "arbuste" en premier plan mais coupé par les bords de la planche. 

 Une ironie ricanante a fait basculer dans la mare ce socle de marbre de l'antiquité grecque, lézardé (sic), en position excentrée, et en train de sombrer ; et la grenouille qui découvre l'inscription lapidaire :

ADMIRANDA TIBI LEVIUM SPECTACULA RERUM

avec la curiosité d'un naturaliste face à une espèce encore innommée doit se préparer à se retourner vers ses copines pour un bon moment d'hilarité. 

Pourtant, la citation virgilienne est l'une des plus belles, et des plus humbles. 

Ce frontispice a servi de couverture au FASEB Journal d'août 2009, la revue de l'Association américaine des sociétés de biologie expérimentale : les auteurs proposaient alors pour la citation de Virgile la traduction suivante : "Regard with wonder that which the smallest of creatures display", ce qu'il me faut traduire à mon tour par " Regarde avec émerveillement ce que les plus petites créatures te présentent"

 La gravure est due, comme le frontispice d'Insecten Belustigung, au burin de Martin Tyroff ; mais cette fois-ci le dessin et la couleur sont dues à "August Johan Roesel" lui-même : comme nous sommes loin des allégories surannées !

 

                   illustration stylisée

Johann Roesel von Rosenhof ( 1705-1759 ), descendant d'une famille noble autrichienne , était un peintre miniaturiste, naturaliste, et entomologiste dont les spécialités sont les insectes, les amphibiens et  les reptiles, et qui est l'auteur de deux des publications les plus importantes de l'histoire naturelle du 18ème siècle. Les cinq volumes de l'Historia naturalis ranarum sont consacrés à des grenouilles et contient les descriptions détaillées de Roesel sur le cycle de vie , l'anatomie et l'ostéologie de toutes les espèces de grenouilles en Allemagne . Les 300 planches gravées de couleur à la main, produites en collaboration avec son épouse, sont des merveilles d'art miniaturiste qui ont acquis à Roesel la reconnaissance générale.

      Encore un mot. Ai-je dérogé à mon sujet (les frontispices consacrés aux papillons) en plaçant ici cette planche ? Moins qu'on ne le pense ; regardez :

 

 Roesel Ranarum Frontispice

 

 

7°) Poda 1761 :

Insecta musei graecencis Graecii typis haeredum Widmanstadii, 1761 : 

 

Insecta ob corporis parvitatem a vulgo contemnuntur, ab hominis vero cordatis, qui res non magnitudine sed pretio aestimant, in pretio & admiratione habentur.  Aldrovand.

  "Les insectes sont méprisés par les vulgaires pour la petitesse de leur corps. Mais l'homme sage, qui n'estime pas les choses selon leur taille, mais selon leur valeur, les admire et connait leurs mérites" Ulysse Aldrovandi.


) Geoffroy 1762, Histoire des insectes

Admiranda tibi levium spectacula rerum.

Cf Geoffroy et Roesel, supra.

9°) Leonardo de Prunner (1798)  in Lepidoptera Pedemontana

 Cet auteur cite un texte de Linné : il s'agit des quatre premières lignes de l'Impedium Naturae qui introduit le Systema Naturae page 5 :

Deum sempiternum, omniscium, omnipotentem vidi, et obstupui : legs aliquot ejus vestigia per creata rerum, in quibus omnibus, etiam ut fere nullis, quae vis ! Quanta sapientia ! Quam inextricabilis perfectio ! C.A. Linné in imp. Nat. sp. an.

J'ai vu Dieu éternel, omniscient, tout-puissant, , et j'ai été surpris: [...] Quelle force ! Quelle sagesse! Quelle inépuisable perfection! 

 


Sources et liens

— Louis Marin 1987, Esprit créateur, : http://www.louismarin.fr/ressources_lm/pdfs/EsprCreat2.pdf

— Université de Lyon, Frontispices et pages de titre :http://sites.univ-lyon2.fr/lesmondeshumanistes/frontispices/

— Frontispices des livres médicaux : http://www.bium.univ-paris5.fr/expo/sommaire.htm

— HOEFNAGEL , D. I. 1630. Diversæ insectarum volatilium icones ad vivum accuratißime depictæ. - pp. [1], pl. 1-16. [Amsterdam].  :Typis[que] mandatæ a Nicolao Ioannis Visscher,1630  . BHL

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Published by jean-yves cordier
20 janvier 2014 1 20 /01 /janvier /2014 22:56

 

Les frontispices du Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge de Denis et Schiffermüller (1775-1776).


      Michael Denis et Ignaz Schiffermüller étaient deux jésuites enseignant à la très réputée Académie Theresianum de Vienne jusqu'au démantèlement de leur ordre en 1773. Denis enseignait les belles-lettres et Schiffermüller le dessin architectural civile et militaire ; ils étaient l'un et l'autre imprégnés de l'esprit des scientifiques des Lumières. En 1775, il firent paraître une "Annonce" d'une Liste systématique des papillons des environs de Vienne. Le même texte paraît l'année suivante, mais seul le titre change : Systematische Verzeichniß der Schmetterlinge des Wienergegend. Dans les deux cas, aucun nom d'auteur n'est indiqué : on apprend seulement en page de titre que ce travail a été réalisé par des enseignants à l'Académie Impériale du Théresianum. En réalité, lorsque le livre se répand à travers l'Europe des naturalistes (sous le nom de Wiener Verzeichniss, W.V en abrégé), les auteurs ne sont plus "Thérésiens", car l'ordre des jésuites a été dissous en septembre 1773 par l'empereur Joseph II, et ils ont perdu leur poste au Theresianum. 

 Ignaz Schiffermüller.

Beaucoup d'auteurs estiment qu'Ignaz Schiffermüller a été le principal ou même l'unique auteur du Verzeichniss. Un bref portrait de sa carrière est sans doute une introduction nécessaire à la compréhension de sa publication, et de leurs frontispices.

   Né à Linz en 1727, il  a suivi son noviciat auprès des Jésuites, a étudié la Philosophie à Vienne de 1749 à 1752 en s'initiant à la minéralogie et la numismatique auprès des frères jésuites. Au Gymnasium de Passau en 1752-1754, il rencontre Jean-Baptiste Darmani, autre jésuite qui lui fait découvrir la botanique. Puis vient l'ornithologie et l'entomologie. Après une année à Wiener Neustadt où il enseigne la poésie et la Rhétorique, il revient à Vienne : de 1755 à 1759 il étudie la Théologie à l'Université, puis est nommé sous-régent et préfet au séminaire de Saint-Pancrace. C'est en 1759 qu'il intègre l'Académie du Theresianum. Il accomplit sa troisième année probatoire en 1760-1761 à Judenburg où il mène plusieurs Missions en Haute-Styrie. Il reprend son poste au Theresianum comme Préfet des étudiants les plus âgés ; il est nommé professeur en 1765 et il enseigne pendant plus de 15 ans le dessin architectural et l'architecture civile et militaire et la théorie de construction. Il poursuit aussi sa seconde passion, l'établissement d'une nomenclature scientifique des couleurs.

  Pendant ce temps,  son intérêt pour l'Histoire naturelle ne le quittait pas. Son professeur de minéralogie Joseph Franz avait été chargé du Musée des Jésuites en 1759 ; parallélement, François-Etienne de Lothringie le mari de l'impératrice Marie-Thérèse (qui donne son nom au "Theresianum") avait poursuivi un Cabinet d'Histoire naturelle. Ignaz débute en 1757 dans la plus grande discrétion une collection d'insectes (principalement des papillons), mais il est bientôt contraint de la dévoiler à quelques amis. Heinrich Joh. Kerens, professeur de Philosophe et de droit naturel (futur évêque de Roermonds) et  le directeur du Theresianum, tente de le convaincre de publier ses résultats, mais Schiffermüller manque de confiance en lui. Michael Denis, professeur en Belles-Lettres, l'assure de son aide, et ils vont ensemble prospecter la région de Vienne. De 1770 à 1774, ils partent parfois en excursion de dix jours durant, notamment au Schneeberg, dans les Alpes viennoises, à 2000m. d'altitude ; les collègues (on cite Alois de Goldegg et Lindenburg ) et les élèves du Theresianum participent aussi à la collecte des papillons. Schiffermüller a alors 400 chenilles et papillons, et il passe des heures, assis au coté de Denis pour consulter la 12ème édition (la plus récente) du Systema Naturae de Linné. En 1772, il fait publier son traité des couleurs "Versuch eines Farbensystems". Mais en 1773, alors que le classement des papillons était bien avancé, le pape Clément XIV fait paraître la bulle du 21 juillet 1773 abolissant la Compagnie de Jésus ; cette décision prend effet en Autriche le 14 septembre 1773. Denis est alors nommé bibliothécaire de la Bibliothèque Garelli, adjacente à l'Académie ; il se préoccupe de son œuvre poétique (sous son anagramme de Sined le barde), et n'a plus de temps à consacrer aux papillons. Schiffermüller poursuit seul le travail : il totalise 1150 espèces de papillons, alors que Linné n'en avait publié que 450! Non content de les identifier, de les classer et de les nomer, il étudie et décrit leurs différents stades et leurs mœurs. A la fin de l'année 1775, il est prêt, et publie l'Ankündung ou annonce, qui diffère très peu de l'ouvrage qui aparaît en 1776 sous le titre de Systematisches Verzeichnis der Schmetterlinge der Wienergegend herausgegeben von einigen Lehrern am k. k.Theresianum.

  Mais en 1777, un autre coup du sort le frappe : il est nommé directeur du Nordischen Collegiums de Linz. Il s'y rend la mort dans l'âme, emportant sa précieuse collection à laquelle il consacrera à sa passion le peu de temps que lui laissera la direction de 50 élèves. L'année suivante, il reçoit la visite de Paula von Shranck, son aîné de 20 ans dans la Compagnie de Jésus et qui avait été enseignant au collège de Linz de 1769 à 1773. Schrank découvre la collection de Schiffermüller, et reviendra l'aider à la mettre en ordre en 1783. En 1788, le monastère de Linz a été supprimé.

  Plus tard, Schiffermüller obtint le décanat (la cure) de Waizenkirchen, à 40 km à l'ouest de Linz et 260 km de Vienne. A sa mort en 1806, sa collection fut sollicitée par le British Museum, mais un médecin et entomologiste de Linz, Caspar Erasmus Duftschmidt s'évertua à amener la collection à Vienne ; elle fut reçue  par le Cabinet impérial d'Histoire naturelle (Kaiserlichen Hof-Naturalienkabinett) du Hofburg Palace à Vienne avec l'appui de son directeur Carl Schreiber, mais elle fut détruite lors d'un incendie pendant la révolution de 1848. 

 

 

 

 

 

 

       Michael Denis  (1729-1800)                            Ignaz Schiffermüller (1727-1826)

      Denis                                         schifferportfolio mueller                                                     

 ÉTUDE DES FRONTISPICES.

 

 sources d'intérêt :

-intérêt bibliophilique : certains frontispices sont en noir et blanc (exemplaire de Göttingen par ex.) et d'autres sont en couleur. Il existe deux frontispices différents, alors qu'il n'y a eu qu'une seule impression de l'ouvrage, mais deux publications, l'une en 1775 avec le titre Anklündung (Annonce) et l'autre en 1776 sous le titre Systematisches Verzeichniß (Liste systématique ...). 

-Les inscriptions (épigraphes) et l'influence de la poésie latine de Virgile.

-Les espèces de lépidoptères représentées.

-Les Cupidons et les techniques de chasse au papillon.

-Le parc du château de Schönbrunn : culture classique latine et nomenclature zoologique.

-La comparaison avec le frontispice du Traité des couleurs de Schiffermüller paru en 1772.

 



                   Le  Frontispice n° 1.


Cliquez pour agrandir.

            frontispice couleur Denis et Schiffermüller 2

 

      Nous voyons, dans un encadrement de plantes dressées en arc, un jardin "à la française" dont la perspective est fermé par un bâtiment. Trois Amours jouent devant nous au premier plan, alors que des papillons et un oiseau butinent les fleurs. 

  Le charme de ce frontispice est qu'il ne naît pas de la fantaisie d'un illustrateur composant un tableau bucolique pour attirer les lecteurs, mais qu'il répond à un programme très précis établi par l'auteur lui-même, le professeur de dessin Schiffermüller. Aussi, comme ces vignettes de Dictionnaires où l'artiste a réuni différents objets et animaux dont le nom débute par la lettre de l'alphabet qui va être traitée, suscitant alors une curiosité attentive et enjouée du lecteur, ce frontispice cumule les détails significatifs, et, notamment, sert de planche naturaliste illustrant les espèces de papillons décrits dans le volume. 

  On y trouve six espèces animales qu'il s'agit d'identifier ; mais trois autres espèces de lépidoptères ont prêtées leurs ailes aux petits enfants : saurez-vous les reconnaître ? 

— Un angelot brandit un objet : lequel ?

— Les deux autres jouent ensemble, mais à quoi ?

— Les fleurs sont-elles identifiables aussi précisément que les papillons ? Quelles sont-elles ?

— Deux  haies taillées selon l'art topiaire créent des niches abritant des statues. Pourquoi ? 

— Le paysage lui-même est-il identifiable ? 

— Enfin, deux inscriptions sont visibles : que veulent-elles dire ? 

Autant d'énigmes passionnantes. Par chance, comme dans les albums de mots-croisés, la réponse est, partiellement mais avec précision, donnée dans le chapitre VIII du Wiener Verneizchniss, chapitre dont les sept paragraphes sont entièrement consacrés au commentaire du "Titelkupfel", le frontispice.

Le jeu se double d'un jeu des sept différences, en comparant les deux frontispices.

Cerise sur le gâteau, un troisième frontispice... Ah, ça, c'est la surprise !


 I. Les personnages, les insectes et les fleurs.


1°)  N'aviez-vous pas envie de commencer par ces belles fleurs rouges et grimpantes qui attirent l'œil ? Il est assez facile d'y reconnaître Campsis radicans - la Bignone ou Trompette de Virginie.

                                           

 

 

Or, cette plante se nomme en anglais Hummingbirds vine, "Vigne de colibris", ce qui nous aide (si besoin) à nommer le petit oiseau vert dont le bec est introduit dans une des trompettes rouges. C'est le colibri nommé en français Émeraude orvert  et dont le nom scientifique est Chlorostilbon mellisugus Linnaeus, 1758 : un oiseau de 7,5 cm.

                              277px-Histoirenaturel04muls_0195.jpg

 

E. Mulsant et Edouard Verreaux: Histoire naturelle des oiseaux-mouches, ou, Colibris constituant la famille des trochilidés Lyon: Au Bureau de la Société linnéenne,Volume 4 (1861) [2] Louis Victor Bevalet (1808 -) page 194  


Voici le commentaire des auteurs : 

  § II  "Le petit oiseau placé au dessus est représenté dans sa taille naturelle : c'est une espèce de Colibri ou Honigsaucer ("suceur de miel"), l'une des 15 espèces décrites par Linné, Trochilus Mellisugus. Nous savons déjà qu'il existe dans ce Genre des espèces encore plus petites. Sloane et Edward indiquent leur poids, qui n'est que de quelques grains à chaque fois (*). La ressemblance de leur comportement  avec celui des papillons, et notamment avec celui  des Sphinx a déjà été mentionnée dans une certaine mesure ici (Chapitre IV § 4) mais on trouvera plus de développement chez Catesby (**).

( * ) Ici aussi, on trouve dans le beau Cabinet d'Histoire naturelle du Hofrath Freiherr von Buol deux de ces oiseaux qui sont sensiblement plus petit que celui présenté ici dans notre collection, quoiqu'ils semblent être de la même espèce.

( ** ) Ils obtiennent leur nourriture (disent ces auteurs ) comme les abeilles le font des fleurs. Ils sucent le nectar de la même manière avec leur langue, qui est un tube. Ils volent en l'air par un battement d'aile si imperceptible qu'ils semblent flotter au dessus des fleurs sans bouger. Ils butinent d'une fleur à l'autre, et parce qu'ils vivent par eux seuls , " Catesby, Volume I page 65).

 Ce naturaliste a décrit encore (page 65) une autre espèce de ces oiseaux, Trochilus Colubris, sur une Bignone ou "Trompetenblume" ["fleur-trompette"]. Or nous avons cette plante ici, et la Bignone (Bignonia radicans Lin.)  n'est pas rare dans les jardins impériaux : nous y avons fait appel pour représenter le Colibri ici, d'autant que le jardinier impérial M. Reichard ♥ von den Schot nous a assuré que, lors d'un séjour aux Antilles, il en voyait des quantités. [...] Catesby  appelle ces petites espèces Humming Birds "Oiseau-Bourdon" de la même façon que Réaumur , De Geer et autres entomologistes français désignent les papillons crépusculaires par les noms de  "Bourdon" , "Papillons bourdons" ou "Sphinx -bourdon". A contrario, Monsieur Klein donne à ce Genre des Colibris le nom de gatterlinds Papillons Voir Vögelhistories, Vögelverzeichniß , IV famille XIV Geschlet   

 ♥ Sans-doute Johannes Reichardt ou Reichert, jardinier de la cour à Weimar

 

N.B : Trochilus colubris = Colibris à gorge rubis, Archilochus colubris.

Une troupe de Colubris s'en prennent ici à un Bignonia : Peints par Audubon en 1825 :http://www.nyhistory.org/node/30276

 

                                  colibri-gorge-rubis-bignonia-radicans.png


 

 

2°) Juste en dessous de ce Colibri, on voit un papillon, presque plus gros que l'Oiseau-mouche, et butinant le même plant de Bignone. Un Sphinx, à l'évidence, mais lequel ? J'allais tièdement opter pour le petit pourceau, le Petit Sphinx de la vigne Deilephila porcellus. Mais  j'ai été voir la réponse : il s'agit d'une espèce américaine décrite par Linné en 1758 sous le nom de Sphinx vitis et actuellement connue sous celui d'Eumorpha vitis, ou "Sphinx de la vigne" :


                             220px-Eumorpha_vitis_sjh.JPG  

 

 Allons découvrir ce que Schiffermüller (Denis devait sûrement l'appeler "Schiff", ou "le bon Schiff") nous donne comme commentaire : 

 " Le grand papillon qui apparaît sur cette planche en dessous de l'oiseau, aspirant comme lui le nectar des fleurs, est un Sphinx américain, le Sphinx vitis de Linné. Mérian a décrit aussi ce papillon sur la planche 47 figure 1 de ses Insectes du Surinam. Du moins, Linné se réfère à elle. Notre dessin est reproduit très fidèlement, mais en même temps s'inspire de son illustration et de la description que Linné en donne".

Pourquoi les auteurs n'ont-ils pas choisi l'un des 16 Sphinx dont ils donnent la description dans leur ouvrage page 40 à 43 ? Bizarre. Peut-être est-ce à cause de son envergure (85 à 105 mm), qui dépasse la taille du colibri ? Mais le Sphinx tête de mort peut atteindre 13 cm §  Si Denis et Schiffermüller ont placé l'un dessous l'autre un Colibri et un Sphinx, c'est peut-être pour illustrer l'idée d'une sorte de continuité ou de comparaison entre les Ordres du Règne animal : voici leur deuxième paragraphe :

   "Nous avons examiné plus haut ( III. Sect. , principalement § II.et III ) quels étaient les genres de papillon qui ressemblaient le plus aux oiseaux : notre opinion était que les Sphinx venaient à la première place, les Phalènes ou  papillons de nuit à la seconde place, alors que le troisième groupe, les papillons de jour, se rapprochaient des Insectes "Neßflügelichen" (Neuroptera Linné), et notamment des Demoiselles (Libellula). Cette opinion qui a guidé ensuite notre présentation des papillons ne convaincra peut-être pas immédiatement tout le monde, aussi avons nous cru bon d'en donner une démonstration visuelle. 

 Pour remplir l'espace centrale de la Planche apparaissent quelques Génies qui montrent la façon d'attraper les papillons."

  Je note que Schiffermüller désigne les Amours, ou Éros, sous le nom de "Génies" (Genien), ce qui me déçoit car je vois dans ces Cupidons à aile de lépidoptères une préfiguration du grand genre Cupido de Schrank ; Si Schiffermüller avait employé le terme de "Cupido" j'aurais été comblé!


 Pour cette moitié de l'image, je ne dois plus décrire qu'un plant d'œillets et quelques autres plantules que je suis bien incapable de nommer. Passons à l'autre coté.


3°) L'autre plante grimpante qui forme avec la Bignone une fenêtre ovale est bleue : c'est une Ipomée, de la famille des Convolvuceae. Sans-doute Ipomoea purpurea, la Volubilis, symbole de l'amitié dévouée. Cette idée honorerait nos deux ex-jésuites. Ses fleurs attirent trois papillons différents, et une...libellule.

4°) Le premier des papillons, au sommet de l'arche florale, est le Sphinx de l'Épilobe ou Sphinx de l'Œnothère Proserpinus proserpina Pallas, 1772. C'est une espèce qui mesure 20 à 21 mm (ou 36-45 mm Lepinet.fr) et dont l'article Wikipédia indique que "souvent diurne, ce sphinx visite les fleurs à la façon d'un colibri". De même, le site Lepinet.fr signale : "L'abdomen du Sphinx de l’Epilobe est très caractéristique. Court et trapu, il présente des écailles latérales transformées qui lui confèrent une plus grande agilité en vol, un peu à la manière des colibris. Mais la particularité unique du Sphinx de l’Épilobe réside dans ses ailes postérieures jaunes plus ou moins vives bordées de noir, très visibles notamment lorsque le papillon est en vol stationnaire devant une fleur." Pas d'erreur, Schiffermüller poursuit sa démonstration comparative avec les Colibris.

                                              220px-Proserpinus_proserpina.jpg

Voilà le commentaire qu'il y consacre :

 "Sur la page opposée est représenté un Sphinx européen qui appartient à notre famille E, et que nous avons désigné sous le nom de Sphinx oenotherae [cf W.V. page 43]. Sa chenille est tantôt verte, tantôt brune. Elle présente sur le onzième anneau, au lieu de la corne des autres chenilles de Sphinx, un disque en forme de miroir. Cette espèce était initialement étrangère, mais elle est très commune dans les jardins européens, [...] sur la plante sauvage Oenothera biennis Lin. Elle est nommée par certains  "Gelbe Weiderich", par d'autre "Nacht-schlüßelblume" et par d'autres encore "Richkraute" ou Weinblume", par les jardiniers vulgairement "Rapunzel" [Raiponce], mais plus correctement dans le Traité de botanique de Mr Dietrich "Nachtkerze" [Onagre] (*) ."

  

                              

   "On trouve aussi souvent cette chenille sur le "Schottenweiderich" [l'Épilobe], Epilobium palustre et hirsutum."

 

 

 

5°) Pour suivre l'ordre choisi par les commentaires, observons maintenant le papillon posé à la partie la plus basse du rameau fleuri  et qui, à l'inverse des Sphinx et du Colibri, ne butine pas les fleurs ; il est facile de reconnaître ici une noctuelle, et j'avais identifié la Zeuzère du marronnier Zeuzera pyrina en me demandant la raison de sa présence. Vite, le commentaire des auteurs !

 


                              http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Zeuzera.pyrina.jpg

                              Description de cette image, également commentée ci-après

   "Du même coté où se trouve le petit Sphinx est posé au pied du rameau un papillon de nuit aux stries blanches, noires et bleu-nuit. Il correspond à celui que Linné a décrit dans sa Fauna suecica sous le nom de Phalena Noctua pyrina,  mais que Poda nomme Ph. N. aesculi. Il se trouve, dans notre Catalogue, Famille N n°3 parmi les "Spinnen" [Le terme Spinnen correspond chez D &S aux Bombyces de Linné ; cf page 60 : Bleichringigte Spinner ; Phalaena Bombyces albapunctea ; Chenilles rongeant le bois de Lyonnet ; Pferdekastanienspinner ; B. aesculi Noct.L. ]

 Le mâle, qui n'a jamais été décrit à notre connaissance, possède des antennes en peigne très large et tout à fait remarquables. La femelle est décrite par Réaumur (*) et par Schaffer (**), mais elle a chez eux la moitié de la taille naturelle, et la gravure de Schaffer laisse supposer que son propre dessin est très trompeur. On trouve aussi chez Seba (***) une illustration de notre papillon, mais qui montre sur des ailes  ouvertes comme celles d'un papillon de jour, l'aspect [en damier] de la Fritillaire pintade "Blumenblättern der Spielbretblume"(Fritillaria Meleagris) ou un motif semblable à des bonnets intriqués [Traduction très incertaine]

La Phalène aesculi a sur le dessus de ses ailes de fréquents points, ou des taches en partie rondes et en partie allongées, qui ont, sur l'imago fraîchement éclos, l'aspect de velours bleu foncé et qui prennent, selon l'orientation de la lumière la couleur tantôt  bleu ciel, tantôt bleu marine, tantôt bleu-noir."

(*) Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes  Volume.2. planche 38. f.3-4.

(**) Schaffer Abbild. Regensb. Ins. Tab. 31.F.8-9.

(***) Thes. Sebae, in ins. "Phaleine connue sous le nom de Tygre terrestre"...Pyrina Lin.  

 

 

 

6°) Au dessus de cette Zeuzère, juste en dessous du Sphinx de l'Épilobe, mais lui faisant face sur les fleurs d'Ipomée, se trouve l'un des papillons les plus beaux, membre de la noble famille des Papilionidae, et dont les deux Viennois ont donné la première description, ce dont ils pouvaient se sentir particulièrement fiers : la Diane, Zerynthia polyxena ([Denis & Schiffermüller], 1775). 

 § VI  "Au dessus de cette Phalène et en face du petit Sphinx, un papillon est posé sur une "Belle-de-jour" [ "Windeblume", Morgen Glory : Ipomée, Volubilis]. Cette espèce de papillon diurne vit, autant qu'on puisse le savoir, presque exclusivement dans les environs de notre ville, ou là bien plus qu'ailleurs. Ce témoignage vaut aussi envers ceux qui l'ont décrit ailleurs, comme Rösel (*) ou Mr B.R. Scopoli (**). Ce dernier la nomme Hypermnestre. Mais comme Linné avait utilisé déjà ce nom pour désigner un papillon de l'est de l'Inde, nous l'avons nommé Polyxène, désignation destinée aussi à souligner que cette espèce, selon la partition de Linné en Phalanges et subdivision (Equites Trojani, Equites Achivi) et selon sa Nomenclature, vu les marques bleues qui zèbrent son thorax, appartient aux chevaliers troyens  comme Hector, Énée ou Hélène etc. [erreur des auteurs, Linné ne cite pas Hélène (Helena) mais Helenus, masculin.] [ Noms des Papillons diurnes (rhopalocères) créés par Linné dans le Systema Naturae de 1758.]"

( * ) Roesel, Insecten Belust. Tom. IV Bande. page 53 et 54. Le papillon illustré planche VII Fig.1- 2 y est  très beau et exactement conçu sauf le corps dont il manque des pièces.

( ** ) Scopoli, Entomologia Carniolica, page 149.

  "Quelqu'un demandera peu-être pourquoi nous considérons ce papillon comme un Chevalier (Equites,L.) dont les ailes inférieures sont habituellement [schwänge : caudées?] ? Le fait que les deux Chevalier Troyens connus en Europe, Papilio machaon et P. podalirius, portent des queues (caudati) ne fait pas loi. LInné décrit les caractères nécessaires en quelques mots : Alis primoribus ab angulo postico ad apicem longioribus, quam ad basin  [...]

 

7°) Il reste à décrire la libellule verte qui est posée sur une fleur d'Ipomée : c'est, selon les auteurs, l'Agrion jouvencelle, Coenagrion puella, dont on distingue peu de caractères distinctifs hormis peut-être les ptérostigmas sombres.

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 Elle fait l'objet du paragraphe 7 

§VII : "Enfin, un insecte de l'ordre des Neuroptères ( Neuroptera Lin.) se trouve sur ​​le frontispice, juste en dessous du papillon. Pour les lecteurs qui sont encore très nouveaux arrivants en Entomologie, nous dirons que c'est une nymphe aquatique, ou Demoiselle (Wassernymphe oder Jungfer) ( Libellula Lin.), la dernière de la liste décrite par Linné (n° 21 Puella) [En réalité n°18 : Linné page 546] . Les yeux sont écartés l'un de l'autre, et les ailes incolores sont marqués d'un point brun. Le dos et toute la surface supérieure de l'abdomen est vert clair ( corpore viridi aurato) [?]. La poitrine, et la moitié inférieure du corps est jaune pâle, et la plaque arrière a deux lignes jaunes coupées en longueur."

  "Notre intention en plaçant cette petite créature sur l'illustration à côté des papillons est facile de deviner, et nous l'avons déjà indiqué à l'occasion, : nous voulions illustrer la transition avec notre premier genre de papillon, les papillons diurnes, et rappeler aussi dans une certaine mesure à l'esprit les espèces de cet Ordre d'Insectes." 


8°) Les Cupidons et leurs ailes. Deux Amours aux ailes de papillon admirent des papillons épinglés sur un plateau rond ; un troisième tient une baguette (recouverte de glu) et attrape ainsi les papillons ( cf. Virgile). L'Amour de gauche porte les ailes d'un Papilio apollo. Celui de droite est équipée des ailes d'Aglia tau L., l'hétérocère "la Hachette".

— Papilio apollo (ici dessiné par Hübner, ami de Schiffermüller) :

             475px-Parnassius_apollo_-_Roter_Apollo.j

— Aglia tau L. ( site lepiforum Hans-Joachim Weigt) :

                                pic23642_s.jpg

 

— dans les parterres du jardin à la Le Nôtre, cinq autres putti poursuivent les papillons : le groupe le plus proche est formé de trois petits joufflus qui ont soit les ailes blanches et orange des mâles d'Anthocharis cardamines L., l'Aurore., soit les ailes bleus d'un Azuré mâle (par exemple Polyommatus icarus).

Peints par Hübner :

                               images?q=tbn:ANd9GcTC42aMuegpF1IilS-dzdC

                                P.icarus%20m+f.jpg 

9°) 



II. L'arrière-plan : Schönbrunn ?

A l'arrière-plan s'étend, autour d'un bassin et d'un jet d'eau central, et d'une allée médiane menant à un bâtiment lointain qui ferme la perspective, trois ensembles de parterres délimités par des lignes de buis. De chaque coté, deux portiques végétaux  sont taillés de dix niches qui abritent, sans-doute, les statues d'Hommes Illustres.

  Bien qu'il soit très vraisemblable que nous soyons ici en face d'un jardin théorique, sorti d'un dessin d'architecte, il est possible d'évoquer le parc du château de Schönbrunn à Vienne, avec ses jardins à la française réalisés par Jean Tréhet, sa Gloriette (1775), sa fontaine de Neptune (réalisée après 1776), et surtout son Grand Parterre, qui avait été bordé, sous la direction de Johann Wilhelm Beyer entre 1773 et 1780, par 32 sculptures grandeur nature représentant des divinités mythologiques et des vertus, œuvres notamment de J.B. Hagenauer.

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        Apollon                  Amphion                   Flore nymphe             Angerona

Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Sculptures_in_the_Sch%C3%B6nbrunn_Garden

Si je m'y attarde, c'est que j'y vois une intention de Schiffermüller qui, dans son rôle de nomenclateur, a dû, comme Linné avant lui, associer la capture d'un nouvelle espèce (sujet du motif des Amours chassant les papillons) avec la détermination d'un nom tiré de la mythologie (comme Polyxène, fille de Priam, princesse troyenne pour leur Papilio polyxena).

J'ai donc choisi parmi les 32 statues de Schönbrunn, celles correspondant à Papilio apollo, Papilio amphion, Les Nymphales, et Angerona prunaria L.1758.

Ces statues répondent aussi en écho aux deux citations latines de Virgile pour illustrer combien les naturalistes de la fin du XVIIIe siècle vivaient dans un monde structuré et scandé par les références à l'Antiquité grecque et latine.

 


III. Les inscriptions et épigraphes.

 

  

—F. Landerer sculpt : gravée par F. Landerer : Ferdinand Landerer (Stein 1730-1795) graveur sur cuivre et peintre, qui contribua aussi aux autres publications de Schiffermüller, notamment son Versuch eines Farbensystems de 1772 (cf infra). Professeur pour le dessin des ingénieurs à l'académie militaire, il était donc un collègue de Schiffermüller. (On mentionne qu'il travaillait à Vienne depuis 1760).

On remarquera que Landerer n'est pas mentionné comme le dessinateur, le peintre ou l'auteur du frontispice (on trouverait alors "Landerer pinct. ou fecit"), et, d'ailleurs, seul un naturaliste a été capable de dessiner et de mettre en couleur avec précision les espèces de lépidoptères : l'auteur est, sans nul doute, Ignaz Schiffermüller. 

— En haut : première épigraphe : Numeros et nomina Virg. Geor I.

 " ÉPIGRAPHE n. f. XVIIe siècle. Courte sentence, courte citation placée en tête d’un ouvrage ou d’un chapitre pour en indiquer l’objet ou l’esprit."


Il s'agit d'une brève —mais cruciale— citation du Livre I des Géorgiques de Virgile. Comme on le verra, elle a été déjà utilisée par Schiffermüller dans son Traité des couleurs de 1772 ; cette répétition d'emploi indique qu'il s'agit, sinon d'une devise personnelle, du moins d'un manifeste auquel le naturaliste se reconnaît particulièrement. Or, elle se traduit par "dénombr(er) et nomm(er)", ce qui résume effectivement la mission que Linné a confié à ses disciples et que tous les naturalistes reprennent à leur compte. Ce Mot d'ordre semble évident, mais pourtant, avant Linné, la nécessité d'une Désignation d'une espèce par un Nom Propre (avec sa structure double générique et spécifique) n'était apparue à personne. 

  Ce dénombrement et cette dénomination est non seulement la base du Verzeichniss avec sa Nomenclature et ses nombreuses nouvelles espèces, mais c'est aussi la préoccupation de tout le mouvement d'exploration des Lumières : on n'appréhende bien que ce qui est nommé, classé, répertorié. Cette taxinomie est caractéristique de l'épistémè de l'époque.

 Numeros et nomina est donc plus qu'un Mot d'ordre : c'est un Credo.

Par ailleurs, les vers de Virgile parlent de la capture des animaux par des "lacs" ou pièges et par de la glu ; ce qui est le sujet du frontispice.

Virgile, Géorgique Livre I. Trad. Itinera Electronica
Du texte à l'hypertexte

[1,130] praedarique lupos iussit pontumque moueri, 
mellaque decussit foliis ignemque remouit 
et passim riuis currentia uina repressit, 
ut uarias usus meditando extunderet artis 
paulatim, et sulcis frumenti quaereret herbam, 
ut silicis uenis abstrusum excuderet ignem. 
tunc alnos primum fluuii sensere cauatas; 
nauita tum stellis numeros et nomina fecit 
Pleiadas, Hyadas, claramque Lycaonis Arcton. 
tum laqueis captare feras et fallere uisco 

1,130] qui commanda aux loups de vivre de rapines, à la mer de se soulever; qui fit tomber le miel des feuilles, cacha le feu et arrêta les ruisseaux de vin qui couraient çà et là: son but était, en exerçant le besoin, de créer peu à peu les différents arts, de faire chercher dans les sillons l'herbe du blé et jaillir du sein du caillou le feu qu'il recèle. Alors, pour la première fois, les fleuves sentirent les troncs creusés des aunes; alors le nocher dénombra et nomma les étoiles : les Pléiades, les Hyades et la claire Arctos, fille de Lycaon. Alors on imagina de prendre aux lacs les bêtes sauvages, de tromper les oiseaux avec de la glu ...

 

— En bas : deuxième épigraphe  Leges et Foedera Virg. G.I. 

Citation de Virgile, Georgiques, I :continuo has leges aeternaque foedera  certis 

[1,60] continuo has leges aeternaque foedera certis 
imposuit natura locis, quo tempore primum 
Deucalion uacuum lapides iactauit in orbem, 
unde homines nati, durum genus.  

[1,60] Telles sont les lois et les conditions éternelles que la nature a, dès le début, imposées à des lieux déterminés, lorsqu'aux premiers temps du monde Deucalion jeta sur le globe vide les pierres d'où les hommes naquirent, dure engeance. 


Le livre est donc placé sous les auspices de Virgile. C'était déjà le cas de l'ouvrage de Geoffroy , qui citait les Géorgiques de Virgile dans sa page de titre : admiranda tibi levium spectacula rerum Virg. Georg. iv..        

      On pourra comparer (et opposer partiellement)  ici  cette page avec le frontispice  de l'Aurelian de Moses Harris de 1778, qui cite, lui,  le Psaume 111 : "The Works of the Lord are Great, Sought out of all them that have pleasure therein"  "Grandes sont les œuvres du Seigneur ; tous ceux qui les aiment s'en instruisent"

 frontispice couleur Denis et Schiffermüller 2

 

 

 

 

                     Le   frontispice n°2 :

 

L'image est inversée à la fois parce que les fleurs et insectes qui se trouvaient à droite sont à gauche et réciproquement, mais aussi parce que le paysage a changé comme si l'observateur s'était retourné pour contempler le parc du château. 

 Si les papillons et la libellule sont les mêmes, ils se sont disposés différemment ; de même l'Ipomée purpurea est placée au dessous de la Bignone, et l'arcature opposée est constituée d'une Ipomée couleur mauve, au-dessus d'une plante à fleurs jaunes ; les œillets ont disparus.

 

             Renaissance Frontinspiz - Papillons de la région de Vienne, 1776

© Antikariat Norbert Donhofer   http://www.antiquariat-donhofer.at/show_content.php?sid=57

 

      Surtout, ce deuxième frontispice permet de mieux détailler les activités des Cupidons.

Techniques de chasse aux papillons chez les Amours (Cupido puer).

Prenons notre loupe : Les Cupidons sont désormais cinq au premier plan : l'un tient un filet particulier, à deux branches articulées en ciseau et dont les deux raquettes carrées se referment sur le papillon. L'autre tend, apparemment, une branche couverte de glu où est accroché un ver de terre (??) et un papillon, les autres se montrent leurs captures ou les fixent sur un de leurs deux plateaux (à fond de liège ?). On foit parfaitement , si ce n'est l'épingle, du moins le geste d'épinglage que fait le petit Éros aux ailes de Hachette.  Un filet plus habituel pour nous, mais assez court est posé à terre. A l'arrière-plan, dans le parterre de gauche, deux Amours pourchassent de leur filet les papillons. On reconnaît dans leur dos au premier plan comme précédemment les couleurs et motifs des ailes de Papilio apollo et d'Aglia tau,et d'Anthocharis cardamines mais aussi, derrière les ailes bleues d'un Azuré, un pan des ailes d'un Nacré ou d'un Collier argenté. 

 Les filets en pince sont trés utilisés à l'époque. Harris les décrits dans son Aurelian (1766 et 1773) comme "Scissors-net" ou plutôt "Scithers-Net" et Michael Samson (2000) indique " c'est une variante du filet qui consiste en une paire de raquettes fixées à deux morceau de fer rivetés l'un à l'autre et dont le manche dispose d'anneaux pour recevoir le pouce et l'index ; selon Harris, les fers à friser des coiffeurs font très bien l'affaire ; on les dénomme parfois "les forceps".

  Mais il n'est pas besoin de traverser la Manche pour les trouver, et Engramelle en donnera une très bonne illustration en 1779 dans son Papillons d'Europe peints d'après nature page 198

  "Ce filet ou pince Fig.23, quoique très bon pour la chasse, n'est pas si commode que les précédents ; il est fort lourd et ne peut de porter dans la poche. Il est par conséquent plus embarrassant à la promenade : à cela près, il réunit tous les avantages des autres, et son exécution est moins coûteuse. Son manche est composé de deux morceaux de bois d'environ trois pieds de long, coudés depuis la charnière a jusqu'en bas, pour que les mains du chasseur ne se touchent pas en fermant le filet ; ses raquettes de gaze ou de marli de treize pouces sur onze, sont entourés d'un fort fil de fer d'une ligne au moins de diamètre, et forcément arrêtées au bout de chaque branche. Pour qu'elles ne se renversent pas en fermant l'instrument, on les assujettit avec deux arc-boutants faits du même fil de fer qui font deux demi-cercles en dehors, comme on le voit sur cette figure."

On notera que le dessinateur est le R.P. Engramelle lui-même, à la différence de toutes les autres gravures de son ouvrage. Peut-être est-ce même un autoportrait ?

(Cliquer pour agrandir)

          Engramelle-chasse-aux-papillons-page-24-filet-en-ciseau.png

 

On trouve un autre modèle, plus éloigné de celui que manie le putto , sur la Planche II :

                            Engramelle-planche-II-Filets.png

   De même, nous voyons mieux sur ce frontispice le jeune "Génie" qui tend un morceau de bois; j'"ai dit plus haut que j'imaginais (influencé par Virgile lui-même) que cet enfant de Vénus tentait de les capturer au gluau. Mais je peux aussi imaginer maintenant qu'il a capturé une femelle, l'a attaché par un fil à son bâton, afin d'attirer les mâles. 

 En digression, cela me rappelle cette gamine de Paris que Nabokov (dans Autres Rivages) avait rencontré sur les quais, tenant attaché ainsi à un fil — selon lui par jeu sadique— un Vulcain.

Là encore, Engramelle atteste de cette pratique, même s'il ne conseille pas d'attacher la femelle à un fil : "Une femelle de papillon est un appât certain pour attirer les mâles : ainsi lorsqu'on aura pris une femelle, on pourra la fixer avec une aiguille sur une tige ou une feuille. Les mâles du canton viendront la visiter."

 Cette méthode était utilisé par les éleveurs de Bombyx du mûrier pour l'accouplement : 

Abbé Brotier, 1793 "Mémoire sur les connaissances et l'usage de la soie chez les Romains" in Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles lettres, Volume 46 page 458:

Quand les papillons sont entièrement sortis de leur cocon, et que leurs ailes sont développées, on les prend, on les attache avec un fil par une aile à un petit faisceau de moelle séchèe de grand millet, ; le fil avec lequel on les attache doit être assez long pour leur laisser la liberté de marcher et de voltiger ; on attache à chaque faisceau un papillon mâle et un papillon femelle, chacun à une des extrémités du faisceau et le dos tourné l'un à l'autre. Il y a en a qui n'attachent au faisceau que la femelle, et laissent le mâle en liberté : d'une façon ou d'une autre l'accouplement est bientôt fait.

 

 

 

III. LE CHAPITRE VIII DU WIENER VERZEICHNISS : LA DESCRIPTION DU FRONTISPICE.

On trouve, si on en avait besoin, un argument supplémentaire pour considérer ce Frontispice comme un Manifeste lorsqu'on découvre que le chapitre VIII du Verzeichniss est consacré à le décrire, sous le titre Erklärung der Titelkupfers ("Explication sur le Frontispice"). Il comprend les pages 236 à 244 réparties en sept paragraphes.

(Transcription du texte en caractères typographiques "fraktura" sous toutes réserves, et avec de nombreuses erreurs)

                                             

 

                                                    I §.

 


   Nun einmal hinweg mit Streitigkeiten ! Zweifel, Einwürfe, Werkmale oder Unterscheidungszeichen, Ab // und Untertheilungen, Namen, Beinamen, und was dergleichen mehr trocknes Zeug ist, hat lange genug gedauert.

Wir gestehen es ; wer wird es aber bei dem unzählichen heere der Insecten zu einer ordentlichen naturgeschichte nicht vorläufig nöthig finden ? Allein nun sind wir über alles, was ermüden konnte, weg ; nun därfen wir gleichsam das Amt verdrießlicher Schullehrer niederlegen : und in einem gefälligeren Tone nur erzählen, was löbliche Wißbegierde begnügen, was angenehme Bewunderung erwecken, was etwan auch häusliche Würthschaft befördern kann.

Die wenigen Kupfertafeln haben wir beygefüget, um etwa manchen, in der Schmetterlinggeschichte bisher unbewanderten Lesern oder auch angehenden Insectenförschern von einer jeden der neun theils Gattungen, theils Abheilungen ein  oder zwei Beispeile vor Augen zu legen, und dadurch richtigere begriffe beyzubringen ; oder auch (es sei nun schon gesagt) um uns und unsere sonst sehr geschickte, aber in diesem Fache noch unerfahrne Künstler da, bei diesem Bande, zu üben, wo kleine Unrichtigkeiten, wenn welche unterliesen, weniger nachtheilig wären.

sonst sehr geschickte , aber in diesem Fache noch unerfahrne Künstler da, bey diesem Bande, zu üben, wo kleine Unrichtigkeiten, wenn welche unterliefen, weniger nachtheilig wären. 

 

                                         II §

 

Wir untersuchten oben (III. Absch.,vornehmliche II.u.III. §) welche von den angenommenen den Schmetterlinggattungen vor den zwey übrigen mehr Achnlichkeit mit den Vögeln hätte. Unser Ausspruch war, dieser Vorzug komme den Abendschmetterlingen oder Schwärmern zu; den Phalänen bestimmten wir den zweyten Platz, und nur den dritten den Tagschmetterlingen oder Faltern, als die den netzflügelichten Insecten (Neuroptera L.) namentlich einigen Jüngferchen (Libellulae) näher kamen.

Diese Meynung, die uns dann in der Anordnung der Schmetterlinge leitete, wird vielleicht nicht bey allen Liebhabern der Insectenkenntniß sogleich Beifall erhalten. Wir fanden daher für gut , sie einigerweise auch ihren Augen zur Prüfung vorzulegen. Den Mittelraum der Tafel anzufüllen , schienen einige Genien , die die Art, Falter zu haschen, vorstellten, vor andern Dingen dienlich. Aber die einzelnen darauf vorgestellten Thierchen möchten manchen unserer Leser zum Theile unbekannt seyn. 

 

                                          III §


    Der kleine, oben, ganz in seiner natürlischen Größe geschilderte Vogel ist eine Art des Kolibri oder Honigsauger, den herrn von Linné die fünfzehnte (Trochilus Mellisugus). Man weiß schon, daß es von dieser Gattung noch kleinere Arten giebt. Sloane und Edward geben ihr Gewicht an, das jedesmal von weinigen Granen ist*. Wie viele Aehnlichkeit aber ihre Lebensart mit jener der Schmetterlinge, vornehmlich der Schwärmer, habe, ist schon oben (IV. Abschnitt IV §) einiger massen angezeigt ; und man kann es noch genauer aus Catesby** vernehmen.


(*)Auch hier finden sich in dem ansehnlichen naturalienkabinete des Hofraths Freiherr von Buol zwey solche Vögelchen, die merklich kleiner sind, als das hier aus unserer Sammlung vorgestellte ; ob sie schon von der nämlichen Art zu seyn scheinen.

(**) Sie erhalten ihre Nahrung (schreibt verselbe) nach Art der Bienen, von Blumen. Sie saugen den Honigchau aus denselben mittels ihrer Zunge, die ein Röhrchen ist. Sie erhalten sich in der Luft durch ein so schnelles, so unbemerkliches Flattern, daß sie ohne alle Bewegung der Flügel über den Blumen zu schweben scheinen. Sie schwärmen von einer Blume zur andern ; weil sie von diesen allein leben » I. Bande. 65.S.

 Dieser Naturforscher stellt eben dort (65. Tafel) eine Art dieser Vögelchen (Trochilus Colubris L.) auf einer Bignonie oder Trompetenblume vor, ohne doch eine Ursache davon zu geben. Wir haben eben diese, hier in den kaiserlichen Garten nicht seltene Pflanze (Bignonia radicans Lin.) mit dem Vogel zu schildern um so viel mehr gewählet, weil uns der k.k . Hofgärtner Herr Reichard (*) von der Schot versichert, daß man diese Vögelarten, derer er einst in den antillischen Enländern eine beträchtliche Menge auf Rosten weil. 

  Franz des I. gesammelt hatte, meist mit dieser Blume fange ; indem man sie von einer Laube mit zweey Fingern ausstreckt, und dann des begierig darein stechenden Vogels Schnabel seft hält. Catesby nennt diese kleinsten Arten "Humming Birds", bienenartig Summende Vögel ; wie Réaumur, de Geer und andere französische Entomologen die Abendschmetterlinge mit dem Namen "Bourdons", "Papillons-bourdons" oder "Sphinx-bourdon" belegen. Dem Herrn Klein aber heißt eben diese Gattung der Vögel auch glatterdings Schmetterlinge. Man sehe seine Vorber, zür Vögelhistorie, furzes Vögelverzeichniß, IV. Familie XIV. Geschlet.

 


                                                  IV §

      Der große Schmetterlinge, der auf dieser Tafel unter dem Vogel, aus den Blumen der nämlichen Pflanze saugend, erscheint, ist ein amerikasnischer Schwärmer, Sphinx Vitis Lin. Auch Merian hat diesen Abendschmetterlinge auf ihrer 47. Tafel I fig. (Ins. Surinam) geschildert. Wenigstens beziehet sich der Hr. v. Linne darauf. Unser Stück, das getreulich entworfen ist, weichet doch von ihrer Abbildung sehr merklich ab ; trifft aber zugleich mit der linneischen Beschreibung um so viel richtiger ein.

 Auf der entgegengeseßten Seite kommt oben ein kleiner europäischer Schwärmer vor. Er steht in der Familie E, und heißt uns Sphinx Oenotherae. Seine Raupe ist  bald grün, bald braun ; hat auf dem eilften Ringe, statt des ben andern Schwärmerraupen gewohnlichen hornes, eine länglischtrunde, ein wenig erhobene, spiegelförmigte Wackel.

Sie lebt auf einer  ursprünglich fremden, nunmehr aber in den europäischen Garten sehr gemeinen,  ja hier auch schon außer denselben zuweilen wild wachsenden Pflanze, oenothera biennis Lin. ; 

Die von einigen gelber Weiderich, von andern Nachtschlüßelblume, und wieder von andern Richkraut oder Bleinblume, von den Gärtnern insgemein Kapunzel, von Hrn Dietrich aber (Pfl. R.) schicklicher Nachtkerze genennet wird.(*). Man findet diese Raupenart doch fast eben so oft auf einem ganz inländischen Sumpfges wächse, dem Schottenweiderich (Epilobium palustre und hirsutum), von dem wir aber schon einer andern Schwärmerart ben Namen gegeben hat.


(*) Dieser Namen ist von dem nachtlichen Aufblühen der hochgelben in einer langen Lehre stehenden Blumen herenommen, und schon auch von dem Nomenclator der linneischen Pflanzengattungen (Versuch einer deutschen Nomenclatur der linneischen Gattungen. Erfurt)  allein angewendet worden. Die übrigen angeführten Veneunungen kömten die Pflanze seicht mit der Campanula Rapunculus und Rapunculoides, mit der gemeinen Lysimachia und Polygala und mehr andern, benen dieselben edenfalls bengelegt werden, vermengen machen.


 

 

                                             V §

 

    Auf der nämlichen Seite mit dem kleinen Schwärmer ruhet unten an den Ranken ein weißer, schwarzblaugesprengter Nachtschmetterling. Er stellet denjenigen vor, der bei Hrn v. Linne einst (fauna suec.) Ph. Noctua Pyrina hieß ; ist aber, nach Poda (**) dei Namen Ph. N. aesculi führet. In unserm verzeichnisse kömmt er unter den Spinnern vor, (Fam. N, n°3), zu denen er ganz gewiß gehöret. Das Männchen, das, soviel uns bekannt ist, noch nirgends abgebildet, oder beschrieben ist, hat sehr breit gekämmte ganz sonderbare Fühlhörner. Das Weibchen ist bei Réaumürn (*) und Schäffern geschildert ; aber bei jenem hat es kaum die Hälfte der natürlichen Größe ; und das schäffersche Bild läßt vermuthen, daß  desselben Urbild gar sehr verlogen war. Bei Seba wird ebenfalls eine Abbildung für den gegenwärtigen Spinner angegeben (**) ; allein sie zeigt Schmetterlingsflügel, die durchgehends den Blumenblättern der Spielbretblume (Fritillaria Meleagris) oder der Verflechtung eines Körbchens ähnlich sehen . Die Phalaena aesculi hat auf ihren niedlichen weißen Oberflügel häusige Puncte, oder theils runde, theils länglichte Fleckchen, die, wenn der Schmetterling frisch ausgekrochen ist, einigermassen erhoben, einem dunkelblauen Sammet sehr ähnlich, und bey verschiedener Wendung bald hellblau, bald seegrün, bald schwarzblau scheinen. Wie werden zu seiner Zeit beydes Geschlecht samt der Raupe mit der größten Genauigkeit zu entwerfen trachten.

(**) Insecta Mus. Graec. Pag. 88. Ph . Noctua, Hippocastani.

(*)  Tom.2.tab.38. f.3-4.

(**) Abbild. Regensb. Ins. Tab. 31.F.8-9.

(***) Thes. Sebae, in ins. Phaleine connue sous le nom de Tygre terrestre...Pyrina Lin.

 

                                         VI §

 

  Ueber diesem Spinner, zu nächst bei dem kleinern Schwärmer ist ein buntscheckichter Falter an einer Windeblume vorgestellt. Dieser artige Tagschmetterling wohnt, soviel bisher bekännt ist, fast nur in der nächsten Gegend um unsre Stadt, oder doch nirgends häusiger, als hier herum. Dieß Zeugniß gegen auch die, die ihn anderswo beschrieben haben, Rösel (*) und H. B. R. Scopoli (**). Der letztere nennt ihn Hypermnestra ; aber da der Ritter Linnäus diesen Namen schon einem ganz verschiedenen ostindischen Falter (Papil.198) beygelegt hat, haben wir denselben mit Polyxena verwechselt, welche Benennung zugleich andeuten soll, daß diese Schmetterlingart nach der linnäischen Nomenclatur und Untertheilung (Equites Tröes, Equites Achivi) im Betrachte der blutrothen Mackeln, die sich an der Brust des Thierchens jederzeit zeigen, zu den trojanischen Rittern, wie die P.P Hector, Aeneas, Helena u.s.m. Gehöre.

(*) Insecten Belust. Tom. IV. Bande. 53 u.54 . S. Der Falter ist dort (Tab. VII. Fig.1-2) sehr schön und genau entworfen, den Leib ausgenommen, der an dem ihm zugeschickten Stücke mangelte.

 (**) Entomolog. Carniol. Pag. 149.54

 Uber mit welchen Grunde, wird vielleicht jemand sagen, zählt man diesen Falter überhaupt den Ritter (Equites L.) dei, die sonst an den Unterflügeln Schwänge tragen ?Daß die zween in Europa bisher bekannten Ritter, P. Machaon und P. Podalirius, geschwänzet sind (caudati), macht noch kein Gesätz. Linnäus meldet bei Bestimmung dieser seiner ersten Phalanx mit keinen  Worte von diese

n Anhängen, die seine ost »und west » indischen, Ritter zum Theile haben, und zum Theile gänzlich vermissen. Er nimmt für den Charakter jener falterarten nur das Verhältniß des Maakes an, das an den Oberflügeln der Untenrand gegen dem Innenrande hat (« Alis primoribus ab angulo postico ad apicem longioribus, quam ad basin »). Nun aber haben die Oberflügel aller vollkommen ausgewachsenen Stücke dieser Art wirklich einen längern Unten als Innenrand. Der Leib ist über dieß nach der Länge bunt gestreiset, die Unterflügel sind sehr verlängert (*) und an der innern Seite hohl ausgeschreiset ; sie umfassen  daher auch den Leib des ruhenden Falters nicht, ja sie stehen von demselben sehr merklich ab. Dieß sind aber sämtlich deutliche Verkmaale, durch die sich die erwähnten zwo europäischen Ritterarten, auch ohne die geschwänzten Unterflügel von andern Faltern immer unterscheiden würden. Ja der scharfsichtigste Reaumür hat das letztere, die hohlgekrümmten, den Leib in der Ruhe nicht umfassenden Unterflügel für sich allein für ein so beträchtlich Unterscheidungszeichen seiner vierten Falterclasse (Les Papillons à queüe) angesehen, daß ner ausdrücklich erinnet, Falter, die so gestaltete Flügel trügen, würden von dieser Classe seyn, wenn auch die Flügel nicht in Schwänze verlängert wären (**) ; ebwohl dergleichen Falterart zu seiner Zeit noch nicht entdecket war. Endlich kann man wohl auch an den Unterflügeln unsrer Art die vier oder fünf Zahne, die gewiß sonderbar, und durch die Zeichnung oder durch den bunten in den Mittelraum vordringenden Saum gleichsam verlängert sind, einigermassen für Schwänze gelten lassen.

(*) Diese Länge der Unterflügel ist auf der Lafel noch nicht genau ausgebrücket.

 

(**) Mémoires pour l'Hist. Des Ins. Tom. I. Mem. VI. Pag.345.

So dachten wir, bevor wir noch die Raupe kannten. Als wir dieseentdeckten, und sahen, daß sie, ganz wie die Fenchel und die Mandelfalterraupe, zu ihrer Vertheidigung am Genicke eine fleischichte Gabel verborgen habe, wurden wir in unsrer Meinung um so viel mehr bestättiget.

Die Raupe ist sehr artig, an zacken und allen farben, was sent sehr selten, dem falter ähnlich.  Aber wir müßen uns für die eigentliche Geschichte der Art etwas vorbehalten !

   Nur eines können wir noch zu erörtern  nicht wohl umgehen. Wohl belesene Naturforscher möchten uns sonst etwa, da wir dieser, als einer der hiesigen Gegend meist eigenen Art auch einen neuen Namen schöpfen, eines nicht geringen Versehens beschuldigen. Wird sie denn nicht, können sie sagen, schon vom Linnäus in dem Natursysteme unter dem Namen Rumina (Pap. N° 200) genau beschrieben ? Ist sie nicht auch bei Catesby unter den carolinischen Vögeln (*) deutlich entworfen ? — Wir müßen gestehen, daß die catesbysche Abbildung auch uns gleich beim ersten Anblicke auf den Gedanken geführet hat, man habe durch die selbe unsern Falter schildern wollen. So gleich oder ähnlich sind Größe, Flügelform, Wackeln, Zeichnung und Farben. — Aber wie ? Soll sich diese österreichische Falterart zugleich in Carolina finden ? Nein ! Man hat nicht nöthig, sie gar so weit entfernet zu glauben. Denn, obschon H. v. Linne Catesbys Schilderung anziehet, überseßet er doch seinen P. Rumina in unser Europa (« habitat in Europa australi »).

*) Catesby, carolina, Vol. 2, tab. 95.

 

Und freilich, Catesby giebt ja selbst seinen Schmetterling, ob er ihn schon unter den carolinischen Vögeln anführet, für keinen Amerikaner aus : er zeigt im Gegentheile durch die lateinische Aufschrift (« Papilio medius Gadetanus ») deutlich an, daß derselbe in der gegend von Cadix zu hause sei. Mit Spanien und Portugal aber hat die Wienergegend auch einen P. Daplidice, eine PH. Noct. L. album, eine Ph. Geom. Pantaria und mehr andere Schmetterlinge gemein — So ist denn kein Anstand mehr, die zween falter für eine und die nämliche Art zü erklaren ? — Ja doch ! Ein sehr breites schwarzes Querband auf denden Seiten der Unterflügel, eine hochgelbe sehr verbreitete Wackel auf der Unterseite eben derselben, sechs rothe Fleckten auf der Oberseite der Borderflügel, die auch Hr. Linnäus für ein Unterscheidungszeichen des Rumina aufgenommen hat, (supra in primoribus alis punctis sex...rubis ») und dergleichen andere Werckmaale, die sich bei dem catesbyschen, nie aber bei unserem Falter finden. — Wie nun?— Wir sind der Meinung, die Rumina Lin. sei eine verschiedene Art, die sich doch ganz an unsere Polyxena anschmiegt (*).

  Seba entwirft (The. Tom.4 Tab. 40 f.14) eine dritte, die gleichfalls der unsrigen an der Zeichnung und dem Flügelrande sehr ähnlich steht, aber als seladongrün beschrieben wird (**). Würden wir nicht manchen Naturforscher einen gefälligen Dienst leisten, wenn wir, um dergleichen Verwandtschaften ins Licht zu seßen, solche ausländische Schmetterlinge bei der Geschichte und Abbildung unserer Familie, etwa in Vignette beifügten ?

 

 

(*) Was wir von dem osbeckischen Falter, den der Ritter ebennfalls für den P. Rumina anführet, halten sollen ; sind wir noch ungewiß. Ja der Beschreibung desselben (« Pa. Tetrapus ; alis ex coccino luteo argenteo nigroque variegatis ») macht uns sonderbar das argenteo irre.

 

                                                  VII §

 Endlich ist auf dem Titelkupfer, gleich unter dem Falter, von dem bisher gehandelt worden, ein Insect aus der Ordnung der mit neßförmigten Flügel (Neuroptera Lin.) vorgestellet. Nur für diejenigen Leser, die in der Insectenkenntniß noch gar sehr Neulinge sind, haben wir beizuseßen, daß es eine Wassernymphe oder Jungfer (Libellula Lin.) und zwar eine Abänderung der leßten linneischen Art (n°21. Puella) ist. Die Augen sind von einander entfernet ; die in der Ruhe aufgerichteten ganz ungefärbten  Flügel haben einen braunen Randpunct ; der Rücken und die ganze Oberseite des Hinterleibes ist blankgrün (corpore viridi aurato) ; die Brust, und die untere hälfte des Leibes blaßgelb ; der Rückenschild mit zwo gelben Linnen nach der Länge durchschnitten. Die Absicht, die wir hatten, dieses thierchen auf der Tafel neben den Schmetterlingen zu entwerfen, wird man leicht errathen ; ja wir haben sie schon ein und andersmal angedeutet : wir wollten den Uebergang von unsrer letzten Schmetterlinggattung, den Faltern, auf die Arten dieser Insectenordnuug einigermassen auch vor Augen legen. Doch läßt sich ein richtiges Urtheil von der Verbindung zwoer dergleichen Ordnungen nur aus der Vergleichung einer größer Anzahl solcher Arten fällen.

 

 

      IV. LE FRONTISPICE DU VERSUCH EINES FARBENSYSTEMS    de SCHIFFERMÜLLER (1772).

https://archive.org/stream/versucheinesfarb00schi#page/n3/mode/2up

 

  Il est très interessant, pour comprendre le Wiener Verzeichniss de Denis et Schiffermüller, de jeter un coup d'œil au Versuch eines Farbensystems que Schiffermüller avait fait paraître en 1772, trois ans auparavant, car les ressemblances entre les deux livres sont frappantes : même éditeur, Augustin Bernardi, même disposition typographique du titre, bien qu'elle reçoive ici la gravure qui sera isolée en frontispice, même graveur Landerer, même mention de la fonction d'enseignant au Theresianum (im K.K theresianischen Collegio), même disposition du texte, et même façon de faire surmonter chaque page d'un motif à trois couronnes de fleurs ; même typographie intérieure, même système de notes en bas de page. 

  Lorsqu'on vient de détailler le frontispice du Verzeichniss, il est étonnant de rencontrer dans la gravure du Farbensystems des éléments communs : les Éros (sans ailes ici, bien-sûr) y forment un groupe central étudiant la théorie des modulations de couleurs, mais d'autres explorent le milieu naturel et semblent procéder à la collecte, dans des boites, d'échantillons alors que d'autres observent l'eau s'écoulant d'un jet et, vraisemblablement, la palette de ses reflets irisés. Dans une planche intérieure, on les retrouvera encore, étudiant les variations chromatiques de la lumière.

Pareillement encore, on retrouve la succession de niches abritant des statues, et cela renforce la conviction que chaque détail est voulu, réfléchi, et porte un sens à décrypter.

 Cette conviction culmine avec la découverte des mêmes épigraphes de Virgile, placées de la même manière aux deux antipodes d'une couronne de rameaux.


                          Schiffermuller-Versuch-eines-farbensystems-1772.png

 

 

                          muller.jpg

 

 

Sources.

— [Schiffermüller, Ignaz, et Michael Denis] : Systematisches Verzeichniß der Schmetterlinge der Wienergegend herausgegeben von einigen Lehrern am k.k. Theresianum. Wien, Augustin Bernardi, 1776. avec un frontispice en couleur, page de titre calligraphiée, 2 planches gravées et une vignette, 322 pages, in 4°. 

 

— HOFFMANN (Emil, Linz-Kleinmünchen), 1952 ,  "Ignaz Schiffermüller", Zeitschrift der Wiener Entomologischen Gesellschaft, 37.Jahrg.(63Band), 15 Oktober 1952 n°4-5 pp 57-64.

http://www.landesmuseum.at/pdf_frei_remote/ZOEV_37_0057-0065.pdf

—MALICKY, "Ein Besuch bei Ignaz Schiffermüller", Entomologisches Nachrichtenblatt 8,4, avril 1961. http://www.landesmuseum.at/pdf_frei_remote/EN_8_4_1961_0001-0004.pdf

— SPETA (Franz) 2003   "Schiffermüller (1727-1806) Une biographie ", Denisia (8) sept.2003 11-14. http://81.10.184.26:9001/personen_add/Schiffermueller_Ignaz_DENISIA_0008.pdf

"Ignaz Schiffermüller der erste Wissenschaftlich arbeitende Lepidopterologe, eine Sohn Oberösterreich" Apollo, sn, sd.  http://www.landesmuseum.at/pdf_frei_remote/APO_19_0001-0002.pdf

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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