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23 juin 2011 4 23 /06 /juin /2011 17:32

 

 

Date : 21 juin 2011.

Lieu : Aber, Crozon (29).

 

                                                     Frontinellina frutetorum  ( C.L.Koch, 1834)

 

  C'est la première des araignées de la famille des "tisseuses de lin", ou Linyphiidés que je rencontre, et ce n'est sans-doute pas un hasard : avec ses 5 à 6 mm (mâle ou femelle), c'est l'une des plus grandes de ces araignées qui tissent des toiles en nappe dépourvues de retraite et circulent en dessous. Celle-ci bâtit une toile en forme de soucoupe dans les buissons et les arbustes, accompagnée d'une autre en forme de nappe lâche à un centimètre au dessous. Elle chasse ainsi les insectes qui ont heurtés les fils d' achoppement disposés au dessus et sont tombés dans le bol, en les saisissant par en dessous.

 

   Elle se reconnaît par ses 2 ou 3 bandes claires sur le coté, par la forme de son abdomen qui, vu de profil, est plus élevé à l'arrière. On peut l'observer dès avril, à la différence de Linyphia triangularis, qui attend août et est plutôt une araignée d'automne, et qui se reconnaît à une marque en diapason sur le prosoma. Quand à Neriene radiata, son céphalothorax est entouré d' une ceinture claire , et la face ventrale de l'abdomen présente deux segments jaunes.

 

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  • Le genre Frontinellina a été décrit tout récemment, en 1969 par Peter Johan van Helsdingen, du Ryksmuseum d'histoire naturelle de Leyden, dans A reclassification of the species of Linyphia Latreille based on the functionning of genitalia (Araneida, Linyphiidae), part I.Zoologische Verhandelingen, Leiden, vol. 105, p. 1-303.

  Cette publication est disponible en ligne, mais hélas, elle ne fournit pas l'explication du choix de ce nom de Frontinellina. Mais deux autres genres de Linyphiidae existent :Frontella Kulczynski, 1908 (une seule araignée de Russie, F. pallida), et Frontinella F. O. Pickard-Cambridge, 1902 (neuf espèces d'Amérique de d'Asie): nous avons donc affaire à des diminutifs qui s'emboîtent en poupées gigognes.

 Le genre Frontinellina rassemble trois espèces, F.dearmata (Kulczynski, 1899), F. locketi van Helsdingen, 1970 et notre F.frutetorum.

 

• l'espèce F. frutetorum a été décrite en 1834 par C.L.Koch dans Panzer Faunae insectorum germaniae initia,127 : pl.16-24, Regensburg.

 

Le zoonyme vient du latin frutetum (ou frutectum), "taillis, fourré, arbrisseau" dérivé de frutex, icis, "arbrisseau", et s'applique donc parfaitement à cette araignée qu'il faut aller photographier à quatre pattes sous des arbustes volontiers entourés de ronces et d'orties. 

 

 

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Published by jean-yves cordier
22 juin 2011 3 22 /06 /juin /2011 16:59

Date : 22 juin 2011.

Lieu : L'Aber, Crozon.

 

                                    Mangora acalypha  (Walckenaer, 1802), dite "la petite bouteille".

 

     La réception d'un numéro de la revuela Hulotte est, chaque abonné peut en témoigner, un évènement semblable à l'arrivée  dans un bon restaurant, l'entrée dans une salle de théâtre, l'annonce d'un moment gourmand et cocasse et l'assurance d'en apprendre beaucoup en se distrayant beaucoup. Aussi l'arrivée du numéro 73 (c'était hier,...en 1996 !) intitulé "Le petit guide des araignées à toiles géométriques" avait été une fête, et chacune des araignées présentées s'était gravée dans ma mémoire, alors que je me disais : demain, demain peut-être la rencontrerais-je, la Diodie tête-de-mort avec son abdomen en masque africain,ou l'Épeire dromadaire au dessin en trompe d'éléphant, l'Épeire concombre toute verte ou la toile de la cyclose conique, l'Ulobore pâle qui imite les graminées, ou  la trés belle Argiope-frelon avec sa mitre d'archevêque.

   A la page 25 était représentée une araignée qui se tenait au centre de sa belle toile de 26 à 66 rayons, tendue obliquement en plein soleil entre deux bruyères, et dont l'abdomen portait une marque formée de trois bandes noires sur  fond blanc "qui dessinent une petite bouteille à long col ". Je trouvais qu'il fallait toute l'imagination alcoolisée du Capitaine Haddock ( car c'est lui qui la présentait) pour voir un flacon dans ce logo aux trois bandes, et lorsque, quinze années plus tard, je me trouvais, le nez dans les ajoncs, face à cette araignée, je fus incapable de l'identifier. Je dus chercher dans les guides, sur le web, m'orienter peu à peu vers la solution avant de m'exclamer : "mais c'est "Petite bouteille" avec la même émotion que lors des retrouvailles d'une vieille amie.

 

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  Mangora acalypha est une aranéidé,  une cousine de l' épeire  fasciée, de l'épeire diadéme, de l'épeire des roseaux et de l' épeire de velours, toutes des Orbitéles expertes à construire de belles toiles géomètriques souvent horizontales dont le centre est remplacé par un treillage de fils de soie, et qui, pour la plupart, installent un fil d'avertissement reliant ce moyeu à une retraite où elles attendent le client. Mais Mangora, peut-être un peu portée sur la boisson, n'a pas pris cette précaution de construire un abri-vigie, et elle doit attendre dans le moyeu l'arrivée d'une proie.

 

  Elle a été décrite en 1802 par Charles Athanase Walckenaer (1771-1852) dans sa Faune parisienne, ou Histoire abrégée des insectes des environs de Paris, Paris,2 :199.

   Le titre de cette publication reproduit celui du livre d' Etienne-Louis Geoffroyparu en 1765, et s'inscrit donc comme un hommage et une actualisation du premier ouvrage d'entomologie de languefrançaise soucieux de systématique.

  Comme son prédecesseur, il donne l'insecte sous son nom français ; le nom latin est mentionné entre parenthése. Mais il n'a pas la verve  de Geoffroy tirée des bons auteurs latins avec ses Amaryllis, ses Tircis et ses Myrtil, et avant que le futur Baron Walckenaer ne devienne connu pour ses biographies de La Fontaine, Mme de Sévigné et d'Horaceou ses éditions de La Bruyère, il élabore des dénominations qui sentent encore l'étudiant des Ponts et Chaussée ou de Polytechnique maniant les racines grecques. Geoffroy nomme-t-il cette araignée l'araignée porte-feuille (p.646,n°8) ? Le jeune Charles Athanase la re-baptise A. Calophylle, comme il change l'araignée à feuille coupée de Geoffroy (Hist abr insect. II, p.647 n°9) en A. Apoclise. Il nomme quand même une araignée A. Bicorne, mais le polytechnicien promotion X1794 ne précise pas si l'arachnide le porte à la Napoléon (cornes de coté) ou comme à l' École, corne en avant et en arrière. Restant dans les formes à bosse, il nomme l' Aranea Dromadaire, et l'A. Bossue, mais il use surtout de noms tels que Myagrie, Myabore, Drypte, Céropège, Adiante, Diodie, ou Mellittagre.

   Après ces hellénismes, on ne s'étonne donc pas de trouver chez Walckenaer, page 199 :

 

                                A. Acalyphe (A. acalypha) [ c'est le A. initial d'Aranea]

 

            Abdomen ovale, alongé (sic), blanchâtre, luisant, avec trois raies longitudinales de points noirs sur la partie postérieure du dos, et quatre autres de même couleur détaché proche le corselet.

            Var.I . Abdomen avec deux raies de points noirs à la partie postérieure ; sans point proche le corselet.

          Petite : commune dans les prés,les bois, les jardins :Toile verticale.

 

  Quelle est l'étymologie de ce nom d'acalypha, je l'ignore. Un genre de la famille des Euphorbes porte le nom d'Acalypha; nos dictionnaires connaissent l'acalèphe, "nom savant donné à l'ortie de mer", l'ascalaphe, et le calyphe, "seigneur du grand Caire".

 

  Le nom de genre Mangora, créé par le recteur de Blooworth Octavus Pickard-Cambridge en 1889 n'est pas plus explicite : on mentionne bien qu'un Mangora fut cacique de Timboez, et que Thomas Moore  fit une tragédie de ses amours, mais quel rapport avec notre araignée? Si encore cela avait été Mandragora !

  

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Published by jean-yves cordier
19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 12:31

 

                                                                          L' Agélène labyrinthique.

Lieu : L' Aber, Crozon.

Date : 15 juin 2011.

 

    La famille des Agelenidae regroupe des araignées nommées araignées à toile en entonnoir, parce qu'elles tissent un abri tubulaire  d'où s'étend une petite collerette de soie ou une nappe  qui converge en entonnoir vers l'entrée afin de guider les proies. On y trouve les Tégénaires et les Agélénidés. Parmi les 500 espèces de cette famille, une trentaine vivent en Europe Centrale, dont l'une d'entre elles qui a connu en 2011 la  gloire d'être élue par l'European Society of Arachnologie Araignée Européenne de l'année : c'est l' Agélène labyrinthique, Agelena labyrinthica (Clerk, 1757).

 

La détermination de cette famille se fait par l'examen des filières postérieures, bisegmentées et proéminentes, plus longues que les antèrieures, formées de deux articles  (c'est vrai de toutes les Agélénidés) , mais, chez A. labyrinthica, avec un deuxième segment deux fois plus long que le premier : ces critères sont peu utiles au photographe ou à l'observateur qui ne voit de cette espèce qui reste le plus souvent à l'affût devant l'entrée de son repaire, que la tête et le thorax, et l'abdomen en enfilade. Peut-être pourra-t-il observer les yeux (huit au total comme la plupart des araignées) et constater que la rangée postérieure et la rangée antérieure forment deux arcs concaves vers l'arrière. Ou bien encore discerner sur le tarse des premières paires de pattes les quatre fines soies sensorielles nommées trichobothries.

 

   Voilà qui m'intéresse, les trichobothries, et en bon élève du Pr. Lavieb, je ne laisse pas passer l'occasion de déguster un nom pareil ! Tricho, c'est facile, cela veut dire "poil" en grec, mais -bothrie ? Je vais passer par "bothriocéphale" (un vers intestinal) pour trouver la signification de bothrionen grec ancien : "petite cavitè" , ce qui est conforme à la définition de ce terme. Les trichobothries sont en effet, selon J.M.Roberts, " de longues soies presqueverticale d'une patte sortant d'une petite cavité en cupule. Elles détectent les vibrations et les courants de l'air."  La disposition perpendiculaire à l'axe de la patte, et sur sa face supérieure, participe à l'efficacité. Si les araignées n'ont pas d'organe de l'ouïe, les trichobothries sont des détecteurs d'ondes sonores qui permettent à celles qui en disposent de percevoir la moindre vibration de l'air, pour déclencher un réflexe de capture lorsqu'un insecte fait vibrer l'air par ses ailes. ( Et elles perçoivent très bien mes pas qui font vibrer le sol ). Très mobiles sur la membrane du fond de la cupule, elles réagissent à des compressions de 0,1nm résultant d'inclinaisons de la soie de 0,01° ! ( Weener et Gering, Biologie et Physiologie animale), ce qui correspond, en terme d'énergie, à celle d'un quantum de lumière, ou 10-19 Joules. En outre, ces soies sensorielles sont reliées à des fibres nerveuses géantes assurant une vitesse de propagation élevée. Le temps de réaction de l'agélène, qui est évalué à 160 msec; peut lui permettre d'attraper les insectes au vol ! Bien-sûr, cela en marche que pour des vibrations de basse fréquence, à faible distance.

 

   Ces trichobothries interviennent aussi dans la reproduction, car ils vont permettre aux deux partenaires de s'entendre. En effet, à la mi-juillet, le mâle s'approche de la toile et se livre avec ses pédipalpes à un tambourinage sur l'air de "tu veux ou tu veux pas? ". Entre les deux procédés de communication (stridulation ou percussion) disponibles, ils ont choisi le tam-tam, mais loin d'un "toc-toc c'est moi", c'est un message complexe, comparable aux chants d'oiseaux, avec une fréquence de base et des modulations de fréquence et d'amplitude qui renseignent la femelle sur son prétendant, et déclenchent peut-être le comportement de soumission nécessaire.

Pour venir jusqu'au gîte de sa bien-aimée, le mâle a suivi la piste des fils que la femelle a laissé derrière elle lorsqu'elle explorait les environs.

 

  Les trichobothries ne sont pas tout, il y a encore les organes en fente simple ( s'ils sont isolés) ou organes lyriformes ( s'ils sont groupés), des sortes de jauge de contrainte réparties sur toute la cuticule et qui informent sur la déformation de la carapace et sur la pesanteur.

 

  Ces capteurs permettent de décider de dresser sa tente à tel endroit parce qu'il est une voie de passage de nombreux insectes (en langage de trichobothrie : parce qu' il y a une forte densité de vibrations stimulantes), mais durant l'été, la faune entomologique se modifie, et les bons coins deviennent des déserts : les études montrent que les agélènes changent de camp tous les mois, et utilisent leur baguette de sourcier trichobothricale pour trouver le futur emplacement. Mais si une campeuse a déjà étendu ses fils? Elle émet alors des vibrations par le fil de soie, l'intruse répond pour faire voir de quoi elle est capable, et la gagnante de ce concours vibratoire possède le terrain (avec un avantage pour la première occupante).

 

  Les araignées fileuses, à la différence des araignées sauteuses, ont une vue médiocre malgré leurs huit yeux. Mais les yeux antérieurs médians perçoivent la lumière polarisée.

 

 

  Si on la nomme labyrinthicaet non entonnoirica, c'est que son piège en entonnoir est complété par un réseau  de fils qui dressent un vrai labyrinthe tridimensionnel dans la végétation, une grand filet de soie sèche qui intercepte les insectes et les conduit vers la nappe horizontale. Mais cet épithète de labyrinthica qualifie surtout  le dédale souterrain au fond duquel la femelle construit un cocon de 50 à 130 oeufs.

 

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   Voilà ce que je parviens à voir ce cette méfiante : je devine quand-même le motif en feuille, ou en arête de poisson, de l'abdomen.

 

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   Le meilleur moyen d'observer l'Agélène est asans-doute d'attendre qu'elle tombe amoureuse : la voilà qui s'enhardit, qui navigue sur la toile ... et voilà surtout le mâle qui, après l'accouplement, installe ses pénates chez madame et accroche son hamac sur la terrasse pour un bain de soleil :

 

 

   La femelle, laissant voir le motif foliaire, ou en arête de poisson, de l'abdomen:

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 Ici, le mâle, contemplant ses gants de boxe ( ses pédipalpes) aux bulbes copulateurs généreux : il va pouvoir les raccrocher au vestiaire. Son sperme a été stocké par la femelle dans son ovothèque, avant d'être utilisé lorsqu'elle sera décidée à pondre ses oeufs, et il est peu probable qu'elle décide (cela arrive pourtant, se disent-ils tous) de vouloir chanter Alleluia in copula.

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   Il se croit chez lui désormais, mais dans le meilleur des cas il va vivre une lune de miel de quelques semaines de coexistence paisible avec la dame, puis il va mourir de sa belle mort, car la vie d'un mâle d'araignée est brève. Mais à la moindre anicroche, une réflexion désagréable sur les travaux de dentelle, une remarque sur une maille filée,  il se fera croquer par sa belle sans pouvoir la prendre, la belle.

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 Une vue approchée des pédipalpes :

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Published by jean-yves cordier
19 juin 2011 7 19 /06 /juin /2011 11:29

 18 juin, l' Aber à Crozon : dans une prairie humide fleurant bon la menthe, des araignées se sont regroupées sur quelques mètres carrées. Ce sont des Thomisidae, une famille dont les membres se plaisent à imiter les crabes, capables de marcher sur le coté autant qu'en avant et en arrière, et dont les deux premières paires de pattes de beaucoup d'espèces sont hypertrophiées comme des jambes d' Hercule. Elles chassent à l'affût, immobiles, les deux paires de pattes-pinces écartées prêtes à se refermer sur l'innocent insecte attiré par la fleur où elles guettent.

  

   La plus commune est Misumena vatia (Clerk, 1757), l' "araignée-caméléon" ou "araignée-crabe des fleurs".C'est la femelle qu'on rencontre le plus souvent, parce qu'elle est plus grosse ( 9 à 11 mm, plus du double du mâle), et qu'elle présente une belle robe abdominale blanche ornée de deux bandes rouges. Mais comme elle est capable d'adopter la couleur de la fleur qui l'accueille, elle peut devenir jaune, ou plus rarement  verte, grâce à des pigments ommochromes ; ses bandes rouges peuvent se réduire à des taches, ou être absentes. Elle choisit souvent des fleurs à corolle blanche, ou jaune.

  J.H.Fabre, dans ses célèbres Souvenirs entomologistes, écrit que la Misumène ne chasse que les abeilles, se précipitant pour planter ses chélicères " derrière la tête, à la naissance du cou", mais si J.M.Roberts confirme que leur venin est particulièrement puissant à l'égard des abeilles, celles-ci ne sont pas les seules victimes de la thomise qui s'en prend à tous les insectes butineurs, et qui les saisit et les mord là où elle le peut.

 

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  Lorsqu'elle joue au chat et à la souris avec des coléoptères, ou des insectes non butineurs, elle n'est pas la gagnante, et se les met souvent sur le dos :

 

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   A-t-elle mangé trop de Citrons ?

 

  Cette Misumène est toute jaune. On lit souvent que c' est  une ruse de camouflage et que ces araignées qui sont blanches (en réalité plutôt transparentes, dépourvues de pigments) deviennent jaunes sur une fleur jaune, son épiderme se chargeant de pigment. Mais alors, la misumène précédente, comment choisit-t-elle entre le coeur de la fleur qui est jaune, et les "pétales" qui sont blancs?

   On croyait que cette ruse avantageait les chasseuses, or (selon le site "Le Jardin des Plantes" du Muséum), des biologistes qui ont surveillé par 10 caméras de vidéosurveillance les 8000 visites d'insectes et les 78 captures de Misumena se sont aperçus que les araignées camouflées ne réussissent pas plus de prises que les autres.

   Le pigment jaune pourrait être semblable à notre carotène, qui nous fait bronzer pour nous protéger du soleil.

  Et puis, l'alimentation joue un rôle, et les araignées utilisent les pigments de leurs proies.

  Alors, celle-ci a-t-elle trop mangé de Citrons ? Ou  prépare-t-elle sa saison avec un bronzage intégrale? Ou a-t-elle besoin de lunettes ? Car la vision est capitale pour cet effet caméléon, et les misuménes rendues aveugles restent blanches comme des navets, même si on les placent en séjour forcé sur un pissenlit. 

 

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II. Une Thomise grise, Xysticus robustus peut-être.

 

   Je l'observe à deux pas des Misumènes précédentes : l'une se dissimulait, en compagnie d'une coccinelle, derrière un réseau lâche de fils de soie ; mais une autre, identique, est à l'affût sur la corolle, se prenant pour Misumena. C'est bien une araignée-crabe, avec ses pattes antérieures de pancrace, mais les Xysticus chassent habituellement au sol, et se tiennent sous les pierres.

 

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   Et celle-ci ? elle est encore différente!

 

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Published by jean-yves cordier
18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 11:55

 Cela fait  tout-de-même plus chic de les nommer élatéridés que d'utiliser ce terme de " taupin" qui manque de légèreté, et que nous pouvons laisser aux potaches des classes prèparatoires.  Mais cela ne me rend pas plus malin pour autant pour me prononcer sur leur identification : je laisse parler les images : "plaisir des yeux".

 

• date : 16 juin 2011

   lieu : bord d'étang, Pontavennec, Saint-Renan.

 

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• date : 19 avril 2011.

   lieu : dunes du Curnic, Guisseny.

 

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Published by jean-yves cordier
18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 10:53

   Elle s'appelle  Deraeocoris ruber  (Linnaeus, 1758), c' est une punaise de la famille des miridae, et ces miridés se divisent en deux : les méchants, qui sucent la sève et menacent nos plantes, et les bons, qui sont prédateurs des ennemis de nos plantes. Ce petit chaperon rouge des punaises appartient au groupe des gentils miridés, car elle se nourrit des vilaines fausses chenilles du Croesus septentrionalis, une tenthrède nommée Nematine du bouleau.

   De juin à septembre,elle arpente les tiges des orties, des ronces et autres rubus et d'autres plantes où elle se nourrit de graines, de fruits, de pucerons...ou de larve de Nématine.

  Elle est plus ou moins rouge, rougeâtre ou brunâtre, mais son cuneus, l'extrémité durcie triangulaire des ailes antérieures, est toujours rouge.

 

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Published by jean-yves cordier
17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 11:24

                                   Hanc etiam, Maecenas, adspice partem.

                                   Admiranti ibi levium spectacula rerum.             Virgile, Géorgiques, Livre IV, 2,3.

                       

                                   

                                   Daigne,ô Mécène, considérer aussi cette partie : 

                                   Le spectacle admirable de si petits objets!  Trad. Cléophas Lavieb.

 

 

    Enoplognatha ovata  (Clerk, 1757)  (ou: E. latimana Hippa et Oksala, 1982)

                                                                                             16 juin 2011.

 

C'est la première araignée que j'observe de la famille pourtant nombreuse des Theridiidae (59 espèces dans le guide Delachaux et Niestlé de J.M. Roberts, auteur qui sera la source de cet article). Mais quel nom à coucher dehors! Pourquoi pas Nabuchodonosor, Hippocampéléphantocamélos (Cyrano, acte I, scène 4), ou porus crotaphytico buccinatorius( Rouvière & Delmas, Anatomie I : 290) ! Où a-t-elle pu chercher cela ? Mais commençons par la présenter.

 

   Alors que je me promenais près de l'étang de Pontavennec à Saint Renan, mon attention fut attirée par une feuille de ronce qui, pourtant, ne faisait rien pour attirer l'attention, à ceci-près qu'elle avait été repliée sur elle-même par un savant tissage. Depuis mon observation des Cigariers, j'ouvre l'oeil.

 

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   Je clamais un "Y-a quelqu'un ?" prudent avant d' écarter délicatement les pans de cette tente,  non sans en rompre involontairement les attaches, et je me penchais vers l'abri de ce présumé.D.F avec l'attitude débonnaire et affable d'un agent du SAMU social pour découvrir  un occupant fort bien vêtu d'une veste rose et d'un pantalon bouffant jaune et vert décoré de rangées de boutons noirs, qui ne m'avait pas entendu (les araignées n'ont pas d'oreilles) et me tournait le dos. Il ressemblait à une courgette pas mûre, et aurait pu être  cousin de cette espèce que l'on nomme épeire-concombre.

 

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   Mais je remarquais une virole noire en bas de ses tibias, c'était l'Enoplognatha ovata.

 

Les theridiidae sont une famille d'araignée aranéomorphes aux pattes fines portant très peu d'épines, et à l'abdomen globuleux souvent dotés d'une ornementation colorée. Leurs chélicères, ou pinces-machoires, sont dépourvues de dents, aussi ne peuvent-elles pas croquer les carapaces de leur victime, et, comme les pensionnaires édentées de l'hospice, doivent-elles se contenter de soupes. Elles compensent la faiblesse de ces chélicères par un venin puissant qui paralyse la proie ; et alors, elles injectent par un petit orifice qu'elles pratiquent dans la cuirasse de chitine un produit qui digére les chairs, qu'elles n'ont plus qu' à aspirer, encore tièdes. 

   Ce ne sont pas des Orbitèles, ces araignées qui construisent au compas de belles toiles géométriques, et elles tendent des fils de ci de là à travers la végétation, dans les trois dimensions de l'espace, en enduisant l'extrémité des fils de quelques gouttes bien poisseuses dans lesquelles les insectes vont s'empêtrer, se débattre, rompre l'une des attaches et se retrouver suspendus à la merci de leur prédateur. Il s'agit alors d'envoyer un jet de venin paralysant, et par ici la bonne soupe !

 

   D'autant que les Theridiidae sont équipées d'un peigne tarsal : leur tarse est doté de trois griffes, deux supérieures et une médiane , et le tarse de la quatrième paire possède un peigne de fausses griffes sérrulées (de forme dentée) à la face ventrale. Celui-ci va lui servir à lancer des fils collants pour mieux embobiner sa victime.

 

• Le genre Enoplognatha a été décrit par Pietro Pavesi en 1880, alors qu'il était professeur de zoologie et directeur du Muséum de Pavie. Il comprenait 66 espèces selon The World Spider catalogue, après s'être enrichi en 2002 de la description d' une espèce de transbaïkalie par Marusik et Logunov, Enoplognatha monstrabilis (du latin signifiant "remarquable, excellent".

 

  •  L'espèce E. ovata a été décrite par le suédois Carl Alexander  Clerk en 1757 ( Aranei suecici : 58, pl.3, tab. 8) sous le protonyme d' Aranea ovata, l'araignée ovale, et elle décrite dans l'Encyclopédie méthodique de 1789 ainsi : "le corselet est ovale, aplati, d'une couleur roussâtre, foncée, luisante, avec une ligne longitudinale glauque au milieu. L'abdomen est ovale, oblong, velu, jaunâtre, avec une grande tache rouge ovale, terminée en pointe. On la trouve en Suède, sur les arbres."

La femelle mesure 4 à 6 mm, le mâle 3 à 5 mm ; les chélicères du mâle sont élargies et divergentes, dotés de dents. Le sternum est jaune clair traversé par une ligne médiane noire et aux bords soulignés d'un trait noir. le céphalothorax et les pattes sont claires, translucides, et la première paire de patte porte, à l'extrémité distale du tibia, un anneau noir.

  Surtout, cette espèce très commune en France se caractérise par la variété des coloris de son abdomen, et s'il est souvent jaune, il peut être blanc, vert, ou arborer une belle couleur rouge framboise rayé de blanc qui lui a valu son nom vernaculaire anglais de Candy Stripe Spider.

  n.b Sur Carl Alexander Clerk et la taxinomie, voir : Pisaura mirabilis.

 

  En 1982, H.Hippa et I.Oksala définissait une espèce très proche d' E. ovata, qu'ils nommèrent Enoplognatha latimana ( Définition and révision of the Enoplognatha ovata (Ckerk) group (Araneae : Theridiidae)Entomologica scandinavia, 13 : 213-222 ) et que M.J.Roberts signale comme " ordinairement sans marques rouges et avec peu ou pas de macules noires". La détermination de certitude n'étant obtenue que par l'examen des pédipalpes ou de l'épigyne, il est tenu pour prudent de se contenter, lorsqu'on  montre seulement ses photographies, de conclure à " Enoplognatha sp".

 

    Revenons à notre individu : ovata ou latimana, c'est de toute manière un mâle, avec ses bulbes copulatoires enflant ses pédipalpes comme des gants de boxe de cuir rouge :

 

 

enoplognatha 4100cc

 

  Si on observe bien, je crois qu'il est en train de tenter de réparer son rideau, et que des fils de soie sortent de ses filières. Les araignées disposent de trois paires de filières placées à l'arrière de l'abdomen . Certaines présentent un petit appendice impair et médian placé juste en avant des filières antérieures, qui porte le petit nom charmant de  colulus , et  notre animal en présente un qui est tout à fait bien proportionné, ce qui le distingue des Théridions qui n'en ont point.

 

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 Je n'ai pas vu la femelle, dont  J.M. Roberts indique qu'elle tisse un cocon bleuâtre et le surveille sous le couvert d'une feuille, cette dernière étant légèrement enroulée avec des fils de soie." et je trouve ailleurs la précision que cette poche d'oeufs (eggs sacs) est maintenu en place sur la feuille par un filet de soie.

  

 

    Il nous reste à résoudre l'énigme de son nom. La racine enopl- est assez utilisée en zoologie, où elle peut désigner une seiche (Acanthosepion enoplon Rochebrune 1884), des insectes coléoptères voisins des Clairons du  genre Enoplium Latreille, 1802 , comme Enoplium serraticorne (Olivier, 1790), des poissons de la famille des perches, les Enoploses (Enoplosus, Lacépède 1802 ) et notamment Enoplosus armatus White, 1790, ou des carpes du Laos ou du Vietnam comme Barbus enoplos ou Cyclocheilichthys enoplos Bleeker, 1850 ou Capoeta enoplos  Bleeker, 1851, des vers intestinaux du type helminthe Enoplis brevis et E. communis, des mollusques comme Enoplochiton niger, Barnes, 1824, ou encore des céphalopodes comme Enoplotheutis dubia Adam, 1960 , les Enoplotheutidae étant jadis nommé Cuciotheutis.

  Parmi les décapodes où se dissimule le homard breton existe une super-famille des Enoplometopoidea, qui contient le Homard violet et la langoustine des récifs. Le genre Enoplometopus a été créé par Milne-Edwards en 1862.

  Pour rester dans les  fonds marins, il reste à citer une algue, Pediastrum enoplon W.West et G.S.West, synonyme de Pediatrum simplex Meyen 1829.

   Et si, de retour de Paradise Beach, vous vous baladez dans la vieille ville à Mykonos, vous pourrez penser à notre araignée en parcourant la rue Enoplon Dynameon.

 

   Alors, cette racine grecque a bien une signification !

  Il suffirait de consulter Edmund Caroll Jaeger qui donne la réponse dans A source-book of biological name and term, 1978. Mais suivons plutôt Alphonse Karr, ce journaliste et romancier du temps de Balzac, ce Prince de l'esprit dont une poire ( et une rue de Paris) célèbrent la mémoire. Il nous entraine à Gènes, via Degli-orefici  chez il signor Romanengo, car c'est chez ce confiseur qu'il découvre un vieux manuscrit... il le parcourt, c'est écrit en grec, il vient de découvrir un dialogue de Lucien, le huitième dialogue des dieux : Theôn dialogoi !

   Très excité, il le traduit : c'est un dialogue entre Jupiter et Vulcain, où le boiteux rappelle au maître de l'Olympe comment est née sa fille Minerve : " Je me rappelle, ô Jupiter, que tu avais un grand mal de tête, que je te frappai la tête de mon marteau, que cette vierge en sortit toute armée (enoplos), et qu'elle se mit à danser la pyrrhique en agitant son bouclier et en agitant sa lance!"

   Oui, Athéna-Minerve, c'est la "déesse aux yeux pers" (glaucosis), mais c'est aussi celle qui sortit toute armée de la tête de Jupiter, la "vierge toute armèe", parthenos enoplos . Euréka, le mot grec enoplon signifie "armé" !

 

   Enoplognatha signifie "aux mâchoires armèes" ; on a dit que ses chélicères étaient pourtant dépourvues de dents, et la zoonymie va encore conserver quelques mystères qui, tels ceux d' Éleusis, resteront peut-être impénétrables.

 

 

 

 enoplognatha 4116cc

 

   Mais je m'avisais de sortir de ma contemplation de cette panthère rose et de regarder autour de la feuille de ronce qu'il occupait. Et qu'est-ce que je vois? Une autre feuille tissée. Je l'ouvre, toujours avec la délicatesse de mes doigts de pachyderme (à l' echelle de ces lilliputiens), et qu'est-ce que je trouve ? Une araignée ! Jaune et verte ? non, pas du tout, rouge et blanche comme un bonbon anglais, et si petit que je la prends d'abord pour le bébé du papa que je viens de découvrir, avant de réaliser que c'est une femelle qui veille sur "son cocon ovigère", mais que sa taille (moins de 3mm) exclut de la considérer comme une femelle d'Enoplognatha. (voir celle-ci ici : Tromel à crozon : Grande tortue and co. )

   Il pourrait s'agir d'une araignée cribellate de la famille des Dictynidae, du genre Nigma, que l'on rencontre " dans les arbres et les arbustes, bien camouflèes dans leur insignifiantes toiles en soie cardée tissées dsans une feuille légèrement enroulée" ( J.M.Roberts, p.84). Comme cette araignée ressemble à la femelle représentée Planche 2, fig. 1a de son Guide des araignées sous le nom spècifique de Nigma puella (Simon) avec la mention d'une taille de 2,5-3mm, j'en fais mon meilleur choix et je vous présente ma :

                                                        

                                                       Nigma puella (Simon, 1870),

décrite par Eugène Simon (1848-1924) dans (?) le premier volume de son Histoire naturelle des araignées;

Ce passionné d'araignées voyagea en Europe pour enrichir ses collections; il disposait d' un bureau au  Muséum national d'histoire naturellle. il a publié :
Les Arachnides de France, 1874-1937
Histoire naturelle des araignées 1864-1884.

 Ce "père des araignées françaises" a notamment exploré les gorges de l'Ardèche et rendu célèbre Vallon Pont-d'Arc, où  nombreuses de nos araignées ont leur locus typicus.

 

   La tache cardiaque (marque allongée et mèdiane située à l'avant de la face dorsale de l'abdomen et qui recouvre le coeur ) est ici de couleur rouge-fraise, et plusieurs raies ou macules rougeâtres la prolongent vers l'arrière : il semble que ce coloris soit propre à Nigma puella, et lui fasse mériter cet épithète de puella qui signifie "jolie".

 

 

DSCN8142cc 

 

 

    Cette araignée me donne l'occasion de faire connaissance avec les Cribélates, et avec le cribellum:

 

  Le cribellum est un organe de tissage placé devant les filières et qui se présente comme une plaque transversale percée d'orifices, des milliers de robinets minuscules qui ne produisent pas un fil, comme les filières normales, mais des fibres extrémement fines qu'un autre organe, le calamistrum, va carder pour produire une soie de texture laineuse. Le calamistrum est situé sur le métatarse des quatrièmes paires de patte, il est constitué de soies organisées en peigne, chaque soie étant dentelée d'un cotè et lisse de l'autre. Primitivement, toutes les araignées  étaient pourvues d'un cribellum, puis avec l'évolution, il aurait involué chez beaucoup d'éspèces, laissant parfois en reliquat le colulus que j'ai signalé chez l'Enoplognatha. Chez les Cribellates mâles, le calamistrum et le cribellum disparaissent avec la maturité sexuelle.

   On voit sur l'image le genre de tissu que cela produit, et qui est si collant en lui-même que les insectes s'empêtrent dans les nappes disposés pour la chasse sans qu'il soit nécessaire de les apprêter de glue.

 

 

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  Plus tard, j'en observais une autre, minuscule ( 3mm), réunissant les petites billes de ses oeufs: était-ce la même espèce ? Elles sont si petites qu'il est difficile de les photographier en amateur.

 

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Published by jean-yves cordier
13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 15:20

L'ambition d' écrire une histoire des noms vernaculaires français des Lépidoptères dépasse très largement les moyens de ce blog. Je donne plutôt ici les éléments que je réunis à ma propre intention pour marquer les jalons de mes recherches.

 

   Aussi étrange que cela puisse nous paraître, les papillons n' ont pas reçu de noms pendant des siècles, et dans la première moitié du dix-huitième siècle, voici moins de trois cent ans, les noms manquaient pour les désigner. Les premières collections connues datent de 1565 (Gessner), et ce sont ces collections qui ont mené à établir des catalogues descriptifs. Les papillons étaient alors désignés par une phrase descriptive en latin, d'une part, et par la référence d'une illustration dans un ouvrage. Voici comment, en 1762, Geoffroy désigne celui qu'il va baptiser le Myrtil :

Myrtil-geoffroy.jpg

 

    Réaumur, dans son Histoire des Insectes de 1734 n'utilise même pas cette méthode, mais il renvoie à ses propres illustrations par un commentaire tel que " les figures 4 & 5 sont celles d'une chenille qui vit sur le prunier, et surtout sur le prunier sauvage, dont la femelle a de si petites ailes qu'on a peine à les apercevoir. ". Et il est surprenant de constater que c'est par la description, et l'élevage, des chenilles que l'étude des papillons a débuté pour les auteurs français (Réaumur et Engramelle notamment). 

    Lorsqu'ils n'étaient pas désignés par la phrase descriptive latine mais par un terme français, ils recevaient des noms descriptifs tels que "le papillon blanc veiné de vert", ou "le grand papillon du chou", et ce sera encore l'usage longtemps au XIXème siècle.

 

   C'est dire à quelle révolution paradigmatique Linné convia ses contemporains lorsqu'il se donna pour tache de donner à chaque espèce une dénomination faite de deux noms latins, et , notamment pour les lépidoptères, de leur  attribuer des noms parfaitement arbitraires, tiré du fond culturel gréco-latin tels que " Ulysses", "Agamemnon", "Diomedes". La date de ce séisme est fixée à l'année 1758. Et c'est en 1762 (Geoffroy) et en 1779 (Engramelle) que deux publications donnent, pour la première fois en langue française, des noms propres à nos papillons. Avant de présenter ces deux ouvrages, je vais les placer dans le contexte de l'entomologie de l'époque, et dresser une liste des publications importantes dans l'histoire de cette science naissante qu'était la lépidoptèrologie.

 

   Publier, au XVIII et XIXème siècle, un ouvrage sur les papillons recquiert deux choses :

              • une collection.

              • une riche bibliothèque

  Commençons par parler de la chasse aux papillons et des collectionneurs, car de même qu'en ornithologie j'ai eu à m'intéresser à la taxidermie et aux collections pour comprendre les progrès de cette science, c'est par l'étude des collections au sein des Cabinets de curiosité que débute celle de l'histoire de la lépidoptérologie.

  

 

I. La chasse aux papillons et les collectionneurs de papillons.

 

    Il est deux méthodes principales pour constituer une collecte de papillons : la recherche de chenilles, que l'on éleve, ou bien la chasse. Les papillons diurnes se chassent au filet en les recherchant sur les sites qu'ils fréquentent, ou parfois en les appâtant. Les papillons nocturnes sont chassés en utilisant des sources lumineuses qui les attirent ou en enduisant des troncs d'arbre ou des supports d'une "miellée" sucrée, fermentée et alcoolisée. Enfin Engramelle conseille d'utiliser les femelles pour appâter les mâles.

 

    Les collections de papillons se sont développées parallèlement à la constitution des cabinets de curiosité, puis de Muséums d'Histoire Naturelle, de façon concomitante avec la réalisation des herbiers, des collections de minéraux, d'animaux conservés par taxidermie, et des collectes d'autres insectes, et on en connaît l'existence depuis le seiziéme siècle et l'apogée au dix-neuvième siècle. Je citerais les noms que j'ai pu retrouver :

• Leonard Plukenet (1642-1706), 140 planches de 1700 spécimensentomologiques séchés, récoltés en Angleterre.

 

The Society of Aurelians de Londres a été fondé par un groupe de passionnés réunis autour de l'illustrateur Joseph Dandridge (1664-1746) pour prospecter la région de Londres. C'est l'un des plus anciens clubs de zoologie, qui tire son nom d'Aurélian _ terme archaïque désignant les lépidoptèrologistes_ de aurelia, ae, la chrysalide (les deux mots, latin et grec et issus de aureum/ chrysos, renvoient à l'aspect doré des nymphes).

   Leurs trouvailles allèrent enrichir les collections de  John Ray .

Cette Société eut une fin dramatique en mars 1748 dans l'incendie d'un ruelle de la City, Exchange Alley : déclaré chez un perruquier, il se propagea à une centaine de maisons, et si aucun des "Aurelians"ne périrent, ils perdirent leur bibliothèque et toutes leurs collections.

 

• James Petiver (1663-1718) et son Musée, racheté par Sir Hans Sloane pour rejoindre le fond du Natural History Muséum.

 

Lady Eleanor (Aliénor) Glanville (v.1654-1709) fut considérée comme une excentrique, presqu'une folle pour s'être livrée à sa passion, la chasse aux papillons, mais trois spécimens de sa  riche collection sont encore visibles au Natural History Museum, et le papillon que nous nommons Mélitée du plantain, Melitatea cinxia, porte pour les anglophones le nom de Glanville Fritillary pour la venger des quolibets, et à travers elle donner à tous les manieurs de filets dans les buissons une revanche sur  les regards ironiques des passants.

 

Dru Drury (1725-1804) réunit une collection entomologique de 11 000 insectes, dont 240 sont représentés dans Illustrations of hatural history(1173) avec des planches de Moses Harris.  J.C. Fabricius se rendit à Londres pour découvrir cette collection, et se lia d'amitié avec Duru Drury, à qui il dédiera plus tard un microlépidoptère.

 

Pieter Cramer (1721-1776) est un marchand de laine à Amsterdam, qui  constitue une importante collection notamment de papillons récoltés par les commerçants ou les colons hollandais au Surinam. Cramer souhaite pouvoir catalogue sa collection, aussi engage-t-il le peintre Gerrit Wartenaar  pour dessiner ses spécimens. Cramer demande aussi à Wartenaar d’illustrer les papillons détenus par d’autres collectionneurs dans les Pays-Bas.

Caspar Stoll (?-1795) trouvant la qualité de ses illustrations si bonne, qu’il encourage Cramer de publier une série de dessins. Commence alors la publication de Die uitlandische Kapellen voorkomende in de drie Waereld-Deelen Asia, Africa en America. Papillons exotiques des trois parties du monde l’Asie, l’Afrique et l’Amériqueen 1775.  Trente-quatre fascicules, regroupés en quatre volumes, paraissent jusqu’en 1779. Cramer meurt avant que la publication ne soit achevée, celle-ci est conduite à terme par Stoll qui fait également paraître un supplément en 1782.

De Uitlandsche Kapellenest une étape importante dans l’histoire de l' entomologie. Magnifiquement illustré par des gravures colorées à la main, il est le premier livre sur les papillons exotiques ordonné suivant le nouveau système développé par Linné. Plus de 1 650 espèces sont décrites, souvent pour la première fois. (Source : Wikipédia)

 

• Collection de Jean Gigot d'Orcy (1733-1793), Receveur Général des Finances de Champagne, qui rassembla en son Cabinet une riche collection minéralogique et entomologique. Après avoir fait décrire ses papillons par Engramelle dans Papillons d'Europe, il engagea Guillaume-Antoine Olivier (1756-1814) pour décrire les autres insectes, et compléter sa collecte par des prospections aux Pays-Bas, en Grande-Bretagneet dans d'autres pays. On sait que G.A.Olivier, rédacteur important de l'Encyclopèdie Méthodique (1789-1825), rassembla lui-même lors d'un voyage au Moyen-Orient une très belle collection entomologique, conservée au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris.

 

• Collection de Jean-Chrétien Gernig (1745, Francfortsur le Main-1802), composée de 40 000 papillons récoltés en europe pendant un demi-siècle. Par celle-ci,Gernig contribua notablement au travail d'Engramelle (Papillons d'Europe) et selon une source datée de 1836, en rédigea la grande partie du texte et donna un grand nombre de figures.

 

• Collection de Ernst: l'illustrateur de Papillons d'Europe, qui avait été formé à l'étude des chenilles et des papillons par la lecture des Mémoires pour servir à l'Histoire des insectesde Réaumur, possédait sa propre collection à laquelle Engramelle puisa.

• Collection de P.A Latreille, acquise par...

• Collection du Comte P.F.M.Auguste Dejean (1780-1845), spécialiste des coléoptères et notamment des Carabidae. Il réunit la plus grande collection privée avec un catalogue de 22000 spécimens. Elle fut dispersée à sa mort, et partiellement rachetée par Charles Oberthür.

 

• Collection de Jean-Baptiste Dechauffour de Boisduval (1799-1879), médecin normand passionné de botanique et d'entomologie qui devint le conservateur de la collection Dejean. C'est l'auteur de Europaeorum lepidopterum index (1829).

 

• Les collections de - Achille Guenée (1809-1880),

                                     - J.B. Bellier de la Chavignerie (1819-1888),

                                     - Adolphe de Graslin (1802-1882)

                                     - Constant Bar (1817-1884)

                                     - Henry Walter Bater (1825-1892)  ... furent toutes rachetées par :

Charles Oberthür

 

 

 

II. Les auteurs importants.

 

   Geoffroy, Engramelle, de Villers ou Godart connaissent parfaitement les auteurs contemporains ou ceux qui les précèdent, et disposent d'une vaste bibliothèque (posséder l' Encyclopédie Méthodique dite Encyclopédie Panckoucke publiée de 1782 à 1832 , c'est disposer de quinze mètres linéaires de rayonnage pour disposer 210 volumes).

 

Aristote (384-322) ne donne dans son Histoire des animaux que 47 noms d'insectes.

Pline l'Ancien (23-79) ne consacre que de rapides lignes aux papillons, citons, sur le bombyx, Histoire Naturelle, XI, chap.25 à 27  http://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/livre11.htm

• Isidore de Séville et Albert le Grand traitent d'entomologie.

• Le premier auteur notable est Conrad Gessner, mais il est emporté par la peste avant que le  sixième volume de son histoire des animaux, consacré aux insectes, ne paraisse ; son assistant Thomas Penny avait pris des notes manuscrites, mais il mourut à son tour en 1589 en n'ayant publiè qu'un seul livre.  Le manuscrit passe à son ami anglais Thomas Mouffet (1553-1604) qui le complète mais échoue à le faire publier à La Haye. A sa mort, l'ouvrage reste dans la famille de Mouffet sans être publiè avant qu'en 1634 Sir Théodore Mayerne puisse le faire paraître, hélas dans un petit format,  sur un  papier médiocre et des gravures sur bois de piètre qualité. C'est sous le nom de Mouffet que le travail de Gessner est cité par les auteurs ultérieurs :

• 1634 :  Thomas Mouffet (1553-1603) : Insectorum sive minimorum animalium theatrum, Londres. avec 535 figures en xylographie.

• 1602 : Ulisse Aldrovandi, De Animalibus insectis libri septem, cum singulorum iconibus ad vivum expressis,Bologna : G.B.Bellagamba .

• 1657 : John Jonston, Historia naturalis, Amsterdam.

• 1658 : Edward Topsell, History of four-footed Beats and serpents, avec en appendice la traduction anglaise de l'insectorum de T. Mouffet.

 • 1662-1667 : Jan Goedart, Metamorphosis et historia naturalis. 105 planches gravées et coloriées à la main.

 L'invention du microscope et  la mise au point de la gravure sur cuivre, permettant une précision et une exactitude des illustrations, vont permettre un développement de l'entomologie.

• 1666 :  Christofer Merret (1614-1695) : Pinax rerum naturalium Britannicarum.

• 1669 : M.Malpighi,  Dissertatio epistolica de Bombyce .douze planches des détails anatomiques précis sur le Bombyx du mûrier,

• 1669 : Jan Swammerdam (1637-1680) : Historia insectorum generalis.

1678 : Martin Lister, Historia animalium Angliae, Londres.

• 1679 : Anna Maria Sibylla Meriam, Der Raugen wunderbare wernandlung und sonderbare Blumennahrung. • 1695, A. Leeuwenhoek regroupe ses observations microscopiques dans Arcana naturae detecta ope microscopiorum, Delphis..

 •1705,  Anna Maria Sibylla MeriamMetamorphosis insectorum Surinamensium 

• 1730 : Anna Maria Sibylla Meriam , Histoire des insectes de l'Europe, trad. du hollandais par J.Marret, Amsterdam.

 • 1710 :  John Ray , Historia insectorum,Londres.

• 1717 : James Petiver, Papillonum Britanniae icones...eighty british butterflies ; (et en 1702 son catalogue illustré :  gazophylacii naturae et artis Decades)

• 1720 : Eleazar  Albin,   A natural history of English Insects [...] illustré de 100 planches peintes.

• 1726 : Antonio Vallisnieri, observationes et experimenta circa Historiam naturalem et medicam

• 1734-1742 : René-Antoine Ferchault de Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes.

 volumes, et 267 planches gravées par Simoneau puis par Dumoutier de Marsilly

• 1735 : Linné, Systema Naturae Ière édition<;

• 1746-1761 : Roesel von Rosenhof, Die Monatlich herausgegebene Insekten Belustigung

• 1747-1760 : B. Wilkes, English Moths and Butterflies

•  1752-1758 : K. De Geer, Mémoires pour servir à l'histoire des insectes.

• 1758 : Linné, dixiéme édition du Systema Naturae.

• 1760 P. Lyonet, Traité anatomique de la chenille qui ronge le bois du saule.

• 1761 : Linné, Fauna svecica, 2ème édition

• 1763 : J.A.Scopoli, Entomologica Carniolica.

• 1764 : Linné , Museum Lugdovicum Ulrich...

• 1762 : Etienne Louis Geoffroy Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, 2 volumes in quatro, Paris.

• 1775 :  J.Caspar Füessly . Verzeichnis der ihm bekannten Schweizerischen Insecten mit einer ausgemahlten Kupfertafel, nebst der Unkundigung eines neuen Insekten Werks : http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/
• 1775 : J.C.Fabricius, Systema entomologica.

• 1775 : Denis et Schiffermüller, Systematisches Verzeichniss der Schmetterlinge.

•: 1776 : Denis et Schiffermüller , Ankündigung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend.

• 1776 : J.C.Fabricius  Genera insectorum

• 1766 : M.Harris, The Aurelian or Natural History of English Insects, namely Moths and Butterflies. puis en 1775 The English lepidoptera, or the Aurelian's Pocket Companion.

•  1776 : Otto Friedrich Muller, Fauna inscetorum Fridrischdaliana.

                                                      Zoologiae Daniace Prodromus.

• 1767 : Linné, 12ème édition du Systema Naturae

 • 1777-94 : J.C.Esper Die Schmetterlinge in Abbildungen n,ach der Natur, 1-5, seconde édition avec additions   par             Toussaint von Charpentier en 1829-1839.

• 1775 à 1782 : Caspar Stoll et Pieter Cramer, Die uitlandische Kapellen :description de 1650 espèces du Surinam.

•1779-1792 :  Jacques-Louis Florentin Engramelle,Papillons d'Europepeints d'après nature par M. Ernst, gravés par M. Gérardin, et coloriés sous leur direction, décrits par le R.P. Engramelle, religieux augustin du quartier de Saint Germain, À Paris chez Delaguette/ Basan & Poignant, 29 cahiers, 8 volumes.

  • 1778-1794 :  M.B. Borkhausen, Naturgeschichte der Europaïschen Schmetterlinge, 1-5

• 1789 : Charles Joseph de Villers (1724-1810), Caroli Linnaei entomologia.

• 1796 : P.A Latreille : Proces des caractères généraux des insectes.

• 1796-1805 : Jakob Hübner, Sammlung europaïschen Schmetterlinge, recueil de planches colorées.

• 1789-1808 : Guillaume.Antoine Olivier Entomologie ou Histoire naturelle des Insectes, 6 vol., 363 pl. J. Audebert, D.L. Reinold, J.B. Meunier

• 1798-1804 : F. von Schranck, Fauna Boica 1-3 : première application de la nomenclature linnéenne aux papillons.

• 1802-1805 : P.A Latreille, Histoire Naturelle genérale des crustacés et des insectes.

• 1803 : A.H.Haworth, Lepideptora Britannica.

• 1805-1824 : Jakob Hübner, Gestchischte europaïscher Schmetterlinge (planches colorées).

• 1806 Jakob Hübner, Tentamen determinationis.

• 1820-1846 : Godart et Duponchel, Histoire Naturelle des lépidoptères ou papillons de France, Paris, Mequignon-Marvis, 18 volumes, y compris le supplément de Duponchel de 5 volumes, 1836-1844.

• 1825-1835 : G.F.Treitsche : Die Schmetterlinge von Europa (commencé par F. Ochsenheimer 1825)

• 1827-35 : J.F. Stephens, Illustrations of British Entomology : Haustellate, 11 volumes

• 1823-1840 : Curtis, British Entomology.

• 1832 : J.B de Boisduval , J.P Rambur, A. Graslin, Collection iconographique et historique des chenilles, Roret, Paris.

• 1832-34 : J.B. de Boisduval, Icônes historique des lépidoptères nouveaux ou peu connus. Collection des papillons d'Europe nouvellement découverts... (Roret).

• 1834 : A. Lucas, Histoire Naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris, 20 livres.

• 1839 : P.C. Zeller, publications sur les micromoths.

• 1840 : de Boisduval, Genera et Index methodicus europaecorum lepidopterum.

• 1843-56 : G.A.W. Herrich-Schaffer,

• 1844-46 : Duponchel, Catalogue Méthodique des lépidoptères d' Europe.

• 1844 : E.F. Eversmann : Fauna Lepidopterologia Volgo-Uralensis.

• 1846-1853 : E. Doubleday et J. Westwood, The genera of diurn lepidoptera.

• 1857 : J. Lederer, Die Noctuiten Europas

• 1858-1866 : Jules Pierre Rambur, Catalogue systématique des lépidoptères de l'Andalousie.

• 1876-1902 :Charles Oberthür, Études d’entomologie (21 volumes) illustrées de 1 300 figures en couleur

• 1904-1924 : Charles Oberthür : Études de lépidoptérologie comparée (22 fascicules) illustrées de plus de 5 000 figures

 • 1912 Charles Oberthür Faune entomologique armoricaine. Lépidoptères (premier fascicule). Rhopalocères, avec Constant Houlbert, impr. Oberthur. In-8°, 260 p. réimprimé en 1922. Supplément du Bulletin de la Société scientifique et médicale de l'Ouest

 

 

III. Lépidoptèronymie vernaculaire : les Anglais nous précèdent.

 

  La première évidence qui apparaît en consultant la liste que je viens de donner est l'absence d'auteur français avant Réaumur en 1734 ( si on oublie le Père Bonnami), et surtout la préséance des auteurs britanniques. Aucune catalogue des papillons présents en France n'est disponible avant Geoffroy (1765), alors que :

-T. Mouffet décrit en 1634  18 espèces, ( europèennes, puisque venant principalement des collections ou des compilations de Gesnner de Zurich, Suisse) . Ces espèces ne sont pas nommées, mais on reconnaît plus ou moins le Machaon, le Flambé, l'Apollo, le Citron, le Souci, le Gazé, les Pièrides du chou, de la rape et du navet, l'Aurore, l'Azuré de la bugrane, le Vulcain, la belle-Dame, la Petite et la Grande Tortue, le Paon-du-jour, le Robert-le-diable, le grand Nacrè, le Tircis et la Mégère.

- Christophe Merret donne la première liste de 20 espèces britanniques en 1666, sans les nommer.

- John Ray indique en 1710  48 papillons diurnes et 300 papillons de nuit, décrits par une courte phrase latine sans nom propre.

- Léonard Plukenet laisse à sa mort en 1706 la plus ancienne collection d'entomologie conservée, avec 1700 spécimens préssés et séchés comme dans un herbier.

- James Petiver est le "Père" des papillons de Grande-Bretagne, puisque non seulement il décrivit les deux-tiers de la faune britannique actuellemnt connue, mais que c'est lui qui leur donna pour la première fois un nom propre, en langue anglaise. Auparavant, aucune dénomination n'était disponible, y compris en latin où, au mieux, pouvait être utilisés les premiers mots de la phrase descriptive ( papilio major nigricans pour le Vulcain, Papilio alis laciniatis pour le Robert-le-diable, etc...).

  Les noms vernaculaires des papillons apparaissent donc en Angleterre entre 1695 et 1717, soit un demi-siècle avant que des noms soient disponibles dans notre langue, ce qui veut dire que les naturalistes français se référèrent aux auteurs anglais et aux noms anglais pendant plus de cinquante ans : cette précéssion n'est pas sans conséquence sur notre vocabulaire, et nous avons empruntè à nos voisins, par exemple, les noms de Petite et Grande Tortue ( Small Tortoiseshell et Large Tortoiseshell), de Belle-Dame ( Painted Lady). Pourtant, il faut rendre hommage à E.L. Geoffroy, qui a créé de novo la majorité de nos noms au lieu de les traduire des noms anglosaxons disponibles.

 

 

 

 

  IV. L'Histoire abrégée des insectes d' Etienne Louis Geoffroy.

 

1) Etienne-Louis Geoffroy.

 

    Il appartient à une illustre famille d'apothicaire parisien puisqu' il est le fils d' Etienne François Geoffroy (1672-1731), professeur de chimie au Jardin du roi, professeur de médecine et de pharmacie au Collège de France, et Doyen de la faculté de Paris en 1726, membre de la Société Royale de Londres et de l' Académie des Sciences de Paris. Etienne François, dit Geoffroy l'ancien pour le distinguer de son frère, est aussi l'auteur d'un Traité de Matiére Médicale qui fut traduit dans la plupart des langues européennes.

   Son oncle Claude Joseph Geoffroy (1685-1752) fut un pharmacien réputé également, qui rédigea pas moins de soxante mémoires pour l'Académie des sciences, tant en botanique ou en histoire naturelle qu'en chimie et en pharmacie.

  Notre auteur, Etienne Louis Geoffroy, est né le 12 octobre 1725 à Paris, et mort en 1810 à Chartreuve, près de Soissons. Pharmacien comme son père et son oncle,mais surtout Docteur en médecine, il fut l'un des praticiens les plus renommés de son temps, comme docteur régent de la faculté de médecine de Paris, professeur en cette faculté, correspondant de l'Académie des Sciences et de l'Institut, et conseiller du roi.  Dans le domaine médical, il écrivit en 1778 un Mémoire sur les bandages propres à retenir les hernies et en 1800 un Manuel de médecine pratique,  mais il se signala surtout par son Hygieine, sive Ars sanitatem conservandi, poema de 1771, où, comme l'écrit Joseph-Marie Quérard dans La France Litteraire de 1829, il réunit le double mérite de l'élégance et de l'exactitude en chantant en beaux vers l'art utile et négligé de conserver la santé, ce qui en fait, pour le critique," la première bonne hygiéne qu'on ait publiée en France". Le poéme hygiénique fut traduit dès 1774 par Delaunay, puis en 1839 par Lequenne-Cousin.

  Il trouva le temps de produire une Dissertation sur l'organe de l'ouïe 1° de l'homme, 2° des reptiles et 3°  des poissons,( Amsterdam et Paris, 1778, in 8°), http://catalog.hathitrust.org/Record/009549684  en reprenant une publication de 1755 qu'il avait confié au Recueil des Savants étrangers. Ces recherches dépassent, selon J.M.Quérard, celles de Camper et de Vicq d'Azyr, et "suffiraient pour démontrer que l'anatomie des brutes répand une vive lumière sur celle de l'homme."

 

 

Lui aussi étendit sa curiosité  aux différents domaines de l'histoire naturelle (l'étude de la botanique et de la chimie étant de toute façon incluse dans les études de pharmacie), et Il réunit en son domicile du Marais un Cabinet de curiosité d'une grande richesse en insectes et papillons. Le Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris s'enorgueillit encore aujourd' hui de conserver parmi les 20 millions de spécimens d'insectes, et comme sa collection la plus ancienne datant de 1780, la collection d'Etienne-Louis Geoffroy, très riche en types primaires, et en excellent état de conservation.

 

   Ce Cabinet d'Histoire Naturelle avait été  hérité de son père, qui avait privilégié la minéralogie et la conchyliologie, comme en témoigne l'inventaire que dressa Etienne-Louis alors agé de 28 ans , en 1753 :Catalogue raisonné des minéraux, coquilles et autres curiosités naturelles contenues dans le cabinet de feu M. Geoffroy (Paris : H.-L. Guérin et L.-F. Delatour. En 1767, il rédigera son propre travail sur le sujet, le Traité sommaire des coquilles, tant fluviales que terrestres, qui se trouvent aux environs de Paris (Paris : J.-B.-G. Musier fils).

 

 

II. L'Histoire abrégée des insectes.

 

 L' ouvrage principal  de Geoffroy est son Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique, publiée chez Durand à Paris en 1762,  dans lequel il n'indique pas de noms latins ; ceux-ci seront proposés par Antoine-François Fourcroy (1755-1809) dans Entomologia parisiensis en 1785, un ouvrage qui se contente de reprendre celui de son prédecesseur en latin avec la mention du nom binominal linnéen.

  Les deux volumes sont datés de 1762 pour la première édition, mais on trouve des éditions de 1764, et celle de 1779 "revue, corrigée, et augmentée d'un supplément considérable", ou une édition de 1800.

  Nous avons vu que ce travail était basé sur la collection personnelle et familiale de Geoffroy ; mais il s'est appuyé sur d'autres sources, comme la collection d'un certain M. de Plessis, "gentilhomme de Champagne". Ce serait un inventaire des espèces qque l'on peut rencontrer lors de promenades dans un rayon de deux ou trois lieues autour de Paris, et le Bois de Boulogne semble la destination principale des naturalistes, mais il est probable que la participation de correspondants de province procure à Geoffroy un recrutement spatial plus large.

Geoffroy propose six ordres d'insectes : les coléoptères, les hémiptères, les tétraptères à ailes farineuses, les tétraptères à ailes nues, les diptères et les aptères.

   Les papillons sont traités dans le volume 2, ce sont les "tétraptères à ailes farineuses". Geoffroy explique rapidement que cette "farine" quue les ailes laissent sur les doigts qui manipulent les ailes de ces insectes est faite d'écailles, et nous retrouvons dans le titre de cette section l'équivallent du mot "lépidoptère", ailes à écailles.

   Cette publication décrit et nomme pour la première fois un grand nombre d'insectes, mais l'absence de la mention binominale linnéenne prive Geoffroy de son droit à être considéré comme auteur dans nombre de cas, où c'est la publication de 1785 par Fourcroy qui est valide. Or, la même année,O.F. Müller publiait Entomostraca seu insecta testacea dans lequel il reprend . De même, en 1764, Müller avait publié Fauna insectorium Fridrichsdalinacontenant un tableau reprenant, mis en paralléle avec les genres de Linné, les noms génériques de Geoffroy et ses descriptions, ce qui lui a octroyé le titre d'auteur générique des descriptions de son collègue français.

   Selon I.M. Kerzhner (Bull. Zool. Nomenc. 48(2) juin 1991), Geoffroy a crée 59 nouveaux genres dont 16 admis (en 1991) sur la Liste Officielle de nomenclature. Depuis, parmi les lépidoptères, la paternité du genre Pterophorus lui a été reconnu. Il est aussi l'auteur du nom spécifique du Souci, Colias croceus.

   Mais notre propos porte sur les noms français :

1) les Rhopalocères.

En 2000, Tristan Lafranchis évalue le nombre de papillons diurnes de France, Belgique et Luxembourg à 247 espèces (237 à 265) dans son ouvrage Les Papillons de jour, Biotope éditeur, ce qui représente un total de plus de 320 zoonymes français. Etienne Louis Geoffroy en décrivit 48, J. Engramelle en décrit 136 mais il se donne comme cadre l'Europe et non la France, et J.B. Godart en propose 94 espèces.

   Ainsi Geoffroy baptisa-t-il le cinquième de notre faune de rhopalocères.  38 de ces zoonymes sont toujours en usage, parmi les plus courants : Morio, Paon-du-jour, Grande et Petite Tortue, Robert-le-diable, Vulcain, Belle-dame, Tabac d'espagne, Grand et Petit Nacré, Collier argenté, Damier, Silène, Tristan, Bacchante, Tircis, Myrtil, Satyre, Amaryllis, Procris, Céphale, Flambé, Mars, Argus bleu, Demi-Argus, Argus brun, Argus myope, Argus vert, Bronzé, Miroir, Bande noire, Plein-chant, Grisette, Gazé, Aurore, Demi-deuil, Citron, Souci.

   Les noms que la postérité a retenu sont ceux qui résultent d'un vrai travail de création, ancré dans notre langue et notre culture, mélangeant le nom de baptème arbitraire issu de la littérature pastorale ou antique, le nom métaphorique, le qualificatif descriptif poétisé.

  Ceux qui ont été remplacé sont ceux qui étaient trop simplement descriptifs : Le Grand papillon à queue du fenouil (le Machaon), le Porte-queue bleu strié, le Grand papillon blanc du chou (Piéride du chou), le Papillon blanc veiné de vert...

  Si, comme je l'ai indiqué, certains sont inspirés des zoonymes de langue anglaise, ils sont minoritaires ( j'en compte trois). De même, Geoffroy n' a pas repris la dénomination latine, et n' a pas copié  Linné et les zoonymes issus de sources mythologiques grecques.

2)  Les Hétérocères.

   Geoffroy en détaille 126, ainsi que 54 teignes.

 

   Si on ajoute à ces 228 zoonymes tous ceux que Geoffroy crée pour désigner les autres insectes, on réalise que notre vocabulaire français lui doit plus de mille vocables sans-doute : quelles statues, quelles rues, place ou avenues, quelles écoles, quel timbre à son éffigie viennent rendre hommage à ce travail, je l'ignore.

 

 

  3) Le " Discours préliminaire" : l'èloge de la Méthode.

 

Le premier tome de l'Histoire abrégée des insectes débute par un préambule de 21 pages fort précieux pour découvrir les intentions de son auteur et apprécier l'importance de ses lectures, puisque ce Discours préliminaire expose d'abord les publications de ses prédécesseurs : on ne trouve chez Aristote et Pline que généralités fabuleuses ou fautives. Mouffet manque de méthode te de carractère, et ses gravures en bois sont grossières. Aldrovande compile, et Jonston recopie Mouffet et Aldrovande. "Raj" (que nous nommons Ray) est plus exacte mais sans méthode de classement. Puis sont venus ceux qui ont étudié les structures internes , les manoeuvres et les moeurs des insectes, détruisant les erreurs des anciens, tel Rhedi, Swammerdam, Malphighi, Vallisnieri et Réaumur qui donne "une suite de faits interessants observés par un  naturaliste qui savait très bien voir.". Mais ces commencements de méthode sont trop superficiels et trop peu systématiques. Il y a ceux qui dépeignent les insectes de l'extérieur sans en connaître les caractéres exacts. Ou ceux qui ont vu leurs moeurs, mais sans les décrire. Et ceux qui  associent les deux approches le font sans rigueur : "Il n'y a point de caractères pour distinguer leurs insectes, leurs ouvrages enfin manquent de méthode, vice essentiel surtout en Histoire Naturelle."

   Geoffroy salue en Linné le premier à avoir donné un ouvrage mé-tho-dique en zoologie et à se consacrer à cette science avec "esprit d'ordre , de clarté et de méthode".

  Ce médecin et pharmacien, deux domaines qui reposent alors sur la botanique, souhaite que l'on aborde la zoologie avec le même souci de systématique que pour identifier une plante à partir de ces caractères : "A l'aide d'un ordre méthodique, nous pratiquerons la même chose sur les insectes, comme je le ferai voir dans la suite de cet ouvrage, et l'on pourra trouver le nom d'un insecte inconnu auparavant".

   On voit ainsi que nous n'avons pas affaire à un promeneur oisif récoltant les papillons et autres insectes lors de promenades parisiennes, comme le titre pouvait le faire croire, mais à un scientifique parfaitement averti de l'évolution de la zoologie et ambitieux d'y participer selon l'esprit de Linné. D'ailleurs, une Table des auteurs fait suite au préambule, et ce sont 80 références qui y sont citès : les lectures de Geoffroy sont vastes, et cosmopolites.

  On se souvient peut-être de la façon dont Réaumur avait souffert des railleries de Buffon considèrant avec mépris ses travaux sur les "mouches". Geoffroy semble y faire allusion en écrivant avec humeur ceci :

   " D'autres mépriseront un Ouvrage qui ne traite que des insectes et s'applaudiront secrètement dans la sphère étroite de leur petit génie lorsqu'ils se seront égayés sur l'auteur en le traitant de disséqueur de mouches, nom dont une espèce de petits philosophes a déjà décoré l'un des Naturalistes qui a fait le plus d'honneur à notre nation. N'envions point aux derniers le plaisir de s'applaudir eux-mêmes. Laissons les mépriser ce qu'ils ne connaissent pas, et n'en admirons pas moins l'Auteur de la Nature, qui développant les plus grands ressorts de la puissance dans le plus vil insecte, s'est plu à confondre l'orgueil et la vanité de l'homme".

   Docteur Geoffroy, c'est fort bien dit.

 

 

 

4) Quelques noms de papillon.

 

 

Le Paon du jour

 

 

   C'est son numéro deux, nommé " Le paon de jour ou l'oeil de paon".

Geoffroy n'a pas inventé ce nom, mentionné chez Réaumur en français, et initialement chez Goedart en latin : oculus pavonis.

  Engramelle le reprend sous la forme " Paon du jour", en citant d'ailleurs Geoffroy de façon fautive en donnant " paon du jour ou l'oeil du paon".

  Le Trésor de la Langue française donne les formes paon de jour, et paon-de-jour, mais non paon du jour, qui est pourtant utilisée le plus souvent , par exemple par T. Lafranchis qui écrit Le Paon-du-jour.

  Chez Gérard de Nerval , on trouve :

  Et le Paon-de-Jour qui porte

  Sur chaque aile un oeil de feu !

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n° 16 : le Tircis.

   J'ai déjà consacré un article à la zoonymie du Tircis 22 mars : premier Tircis à Crozon.

 

et je rappelle que ce nom est un hommage rendu à la poésie de Virgile et au Thyrsis de la septiéme Églogue de ses Bucoliques, mais aussi à la littérature pastorale du seiziéme au dix-huitiéme siècle et à Tircis, l'amant bucolique.

   C'est l'occasion de mentionner la page de titre de l'Histoire abrégée des insectes :

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  ...puisque les deux tomes portent cette citation extraite des Géorgiques de Virgile "admiranta tibi levium spectacula rerum" (je te ferai admirer le spectacle des petites choses), phrase que j'avais moi-même mis en exergue d'un de mes articles avant de la découvrir chez Geoffroy. Notre auteur ne peut pas exprimer plus clairement son admiration pour le poète latin.

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   Le Corydon

 C'est le papillon qui vient juste après le Tircis, en toute logique puisque Corydon est le berger qui, dans la septiéme Églogue de Virgile, affronte Thyrsis dans un duel poètique. Mais qui connaît encore un papillon portant ce nom? Plus personne, car celui que Geoffroy désigne ainsi n'est autre que le mâle de Maniola jurtina, le Myrtil.

   On pardonnera à Geoffroy d'avoir décrit comme deux espèces les deux sexes lorsqu'on saura que Linné avait également décrit le mâle sous le nom de Papilio janira, et la femelle sous celui de Papilio justina.

    Il existe pourtant un lycéne, Lysandra coridon (Poda, 1761), qui fut aussi nommé Polyommate corydon, Lycaena corydon, c'est notre Argus bleu-nacré.

 

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  Le Myrtil.

   Avec le Myrtil,  Geoffroy choisit de nous laisser avec les bergers d'Arcadie, cette région mythique de Grèce où un Age d'or permet aux bergers et aux bergères de jouer de la flûte, de composer des odes et de se faire souffrir les mille tourments délicieux de l'amour pastoral.

    A l'origine, selon Pausanias (Pausanias ou le voyage historique en Grèce, traduit en français par l' abbé Geyon en 1781, Livre VIII, la plaine de Phénéon),Myrtil, ou Myrtilos n'a rien d'un berger, mais ce fils d' Hermes estl'écuyer d' Oenomaüs, roi de Pise en Élide. Les lecteurs d'Apollodore ou de Properce, ou seulement de Wikipédia connaîssent l'histoire de ce roi à qui un oracle avait prédit qu'il serait tué par son gendre, et qui était si peu préssé de donner sa fille Hippodamie en mariage qu'il avait fixé aux prétendants une condition : le vaincre sur un parcours hippique qu'il était sûr de remporter: L'un de ses atouts, c'était bien-sûr  l'adroit Myrtilos  :"Il conduisait les chevaux avec tant d'adresse que sur la fin de la course son maître Onemaüs atteignait toujours ceux qui, pour avoir Hippodamie osaient entre en lice avec lui, et aussitôt il les perçait de son javelot. Myrtil lui-même devint amoureux de la princesse, et n'osant pas diputer contre son maître, continua ses fonctions d'écuyer, mais on dit qu'il trahit Onemaüs en faveur de Pelops après avoir fait prometter à celui-ci qu'il le laisserait jouir d'Hippodamie durant une nuit. Pelops ensuite sommé de lui tenir sa promesse fut si indigné de son audace qu'il le jeta de son navire dans la mer. on ajoute que son corps poussé par les flots sur le rivage fut recueilli par les Phénéates qui lui donnérent sépulture."  Pausanias ne précise pas que c'est en dévissant l'une des roues du char que le cocher donna la victoire à Pélops, ni qu'il avait éxigé outre une nuit d'amour la moitié du royaume de Pelops,  ni enfin qu'il mourût en maudissant sa lignée, ce qui est capital puisque ce sont ces imprècations funestes contre Pélops qui sont à l'origine de tous les malheurs des Atrides.

 

   Mais de cette tragique histoire, les versificateurs français (ou italiens) n'ont retenu qu'une chose : le tombeau de Myrtil se trouve en Arcadie, donc c'est un berger, beau de surcroit ( on lit partout :"le beau Myrtil"), et amoureux forcément. Vous prenez votre lyre, vous troussez un poème, il y faut un berger : ce sera Tircis, ou ce sera Myrtil. Voyez Molière, dans la première entrée de ballet des Amants Magnifiques où Myrtil est amoureux de Climène, ou dans sa pièce (non achevée) Myrtil et Mélicerte, où  des bergers aux noms de tous les jours, Lycarsis, Eroxéne, Daphnis, Mopse, Nicandre, Acante ou Tyréne entourent l'amoureux de service. Ou bien Florian, grand auteur de poésie pastorale, écrit Myrtil et Chloé.

   Ou encore Battisti Guarini écrit Le Berger fidèle, Il  Pastor Fido, Myrtil y est amoureux d'Amaryllis, le chevalier Pellegrin adapte l'oeuvre en français et la pièce est jouée par les Comèdiens Français.

  André Gide lui-même introduisit un Myrtil parmi les personnages des Nourritures Terrestres à coté de Ménalde et de Nathanaél dans ce roman nostalgique de l'Arcadie.

  Mais à ces bergers énamourés et précieux, à ce Myrtil de porcelaine, je prèfére celui de l'Églogue désenchantée de M. Le Brun ( Les Quatre saisons du Parnasse, 1806) :

   L'homme se paît d'illusions légères

   Même éveillés, hélas ! nous rêvons tous ;

   Témoins en sont églogues mensongères.

   Qui ne croirait que vos destins sont doux,

   Petits moutons, chantés par vos bergères.

   Vous paissez l'herbe ; on vous défend des loups.

   Sous sa houlette une Phyllis vous range ;

    Le beau Myrtil en est presque jaloux.

    Oui, mais un soir,las ! tombès sous leurs coups,

    Avec Phylis le beau Myrtil vous mange.

 

 

 

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L' Amaryllis, n° 20

 Geoffroy continue à exploiter la veine de la poèsie précieuse avec cette espèce, Pyronia tithonus, mais cette fois-ci avec un nom de bergère, la belle et indifférente Amaryllis que Virgile présente dans ses Bucoliques. Mais un site superbe propose une étude exaustive de cette beauté, c'est : http://www.amaryllidaceae.org/ethno/amaryllis.htm

    Avec ce papillon s'arrète cette série des noms inspirés de Virgile et des bergers d'arcadie.

 

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Published by jean-yves cordier
12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 20:35

Le 11 juin, la sortie naturaliste de Bretagne-Vivante nous amenait à découvrir le Bois de Nevet, à Kerlaz, Finistère.

 

 

   Chaque guide se plaît à  rappeler que le bois de Nevet est un ancien lieu sacré druidique, et  que son nom vient du gaulois Nemeton, sanctuaire, par le breton neved, nevedou. Il est longé par un cours d'eau alimentant un étang, Gwazh Stank Nevet qui déservait jadis un moulin, et il est sillonné par d'innombrables chemins qui portent des noms tels que Hent ar Louarn, le chemin du renard, Hent ar Maro (chemin de la mort, souvenir possible de fourches patibulaires), Hent ar Spern (le chemin des épines ou des aubépines), Hent ar Stankou (des étangs comme celui de Stang ar Bleis, étang du loup), Hent Kreis (du milieu), Hent Plas al Lochou (pluriel de loch, cabane, qui évoque la présence des charbonniers de jadis), Hent Roz ar Veilh (de meilh, moulin), Hent Treuz (chemin de traverse, raccourci), Hent Sant Per (de Saint Pierre), ou de Karront ar Mul, le sentier de la mule, celle du meunier de Keratri lorsqu'il se rendait à Locronan.

   J'apprends tout cela grâce à l'enquête toponymique que l' Office de la Langue Bretonne (ofis-bzh.org) a mené à Kerlaz, et c'est elle aussi qui m'apprends que la racine nem- de nemet qui a évolué en nevet désigne le ciel (comme dans le breton actuel où nenvdésigne les cieux). Ce que désignait pour nos ancêtres les gaulois un "sanctuaire" ou nevet n'était pas un temple, mais se rapprochait plus des lieux de culte animiste comme dans le shintoïsme japonais : un espace naturel.

   C'est en la cité voisine de Locronan que l'on a gardé, sous forme christianisé, la tradition de la déambulation rituelle du sanctuaire : c'est la fameuse Tromènie, dont le nom signifie tro-minic'hi, le tour du sanctuaire ( et non tro-menez, tour de la montagne, comme je le croyais).

   Les déambulations qui amènent les fidèles à faire le tour d'une enceinte ou d'un sanctuaire sont très anciennes et cosmopolites : par leur répétition cyclique, elles nouent l'espace et le temps et le parcours magique inscrit le lieu délimité comme un microcosme en miroir du macrocosme de l'univers.

  Nul doute que notre promenade naturaliste puisait d'anciennes racines dans ces rites, et que lorsque nous pratiquions des haltes recueillies devant telle "station" qu'une plante rare honorait de sa présence, devant telle source, tel arbre, tel étang, pour s'y assurer que les forces animales les animaient toujours, nous percevions bien que nous venions honorer une Bretagne Vivante cosmique, grandiose et solennelle.

  Aussi, pour m'amuser à donner une allure celte à notre Tro-Koad ou Tour du Bois, j'en marquerais les étapes au rythme des douze  mois de l'année du "calendrier celtique des arbres", beaucoup plus fantaisiste que celui de Coligny, mais qui marquera les douze kilomètres de ce parcours initiatique dont chacun était dédié à une divinité .

 

1. Beith, le mois du bouleau .

   Deux  Opilions parasités par des acariens :

Les opilions font partie des Arachnides, comme les araignées ou...les acariens, mais différent des araignées par l'absence de séparation visible entre le thorax et l'abdomen. ils n'ont que deux yeux, placés sur un tubercule central nommé ocularium, et orientés vers les cotés. Ce sont les Faucheurs, Faucheur triangulaire, Faucheur morio, Faucheur épineux, Faucheur des murailles... mais je ne me hasarde pas :

 

 

 

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2. Luis, mois du sorbier. 

 

Un Ténébrion, Lagria hirta Linnaeus, 1758 ou Lagrie hérissée :

 

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3. Nion, mois du frêne. 

 

Le Triton tacheté, découvert sous une vieille souche d'arbre :

 

 

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4. Fearn, mois de l'aulne.

 

 Elona quimperiana, l'escargot de Quimper :

  D'où vient le nom Elona ? c'est  un prénom d'origine hébraïque.

 

 

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 Comparons-le au Petit-Gris Helix aspersa que j'ai vu par dizaine sur la dune de l'aber à Crozon ce soir après la pluie : on voit bien que chez lui les spires ne sont pas du tout plates, mais forment un cône :

 

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5. Sail, mois du saule.

 

Sous une autre souche, le Triton palmé :

 

 

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6. Huat, mois de l'aubépine.

 

  Un Pyrale, la Phalène du nénuphar Elophila nymphaeata

 

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7. Duir, mois du chêne. 

 

  L'accouplement des Panorpes, Panorpa communis :

 

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8. Tinne, mois du houx.

 

Le Ceriagrion tenellum:

 

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9. Coll, mois du noisetier. 

 

 Enallagma sciatigerum, l' agrion Portecoupe.

 

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10. Muin, mois de la vigne.

 

Coenagrion puella, l'agrion Jouvencelle :

 

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11. Gort, mois du lierre.

 

  Le Myrtil :pour rappeler que sous le taillis de chêne, le sol est couvert de plants de myrtilles. (Les autres essences d'arbres sont le hêtre, le bouleau et le châtaignier, et parfois le sapin pectiné, les pins laricio, sylvestre et Douglas.)

 

 

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12. Peith, mois du tilleul.

  Le Petit Sylvain Limenitis camilla, hôte des lisières des bois. Sa plante-hôte est le chèvrefeuille, qui tient compagnie aux myrtilliers dans les sous-bois où prédomine le chêne.

 

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  Pour finir, ce sera le millepertuis qui nous offrira ses fruits aussi rouge que des pommes d'api :

 

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Kenavo, et que Toutatis vous protège !

 

 

 

 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier
12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 13:14

  Observation d'un camp de femelles d'araignées Pardosa sp. dans le bois de Nevet à Kerlaz (29) le 11 juin 2011.

 

Les Araignées-loups, ou Lycosidae, sont des araignées qui n'utilisent pas de toiles pour chasser, mais qui capturent leurs proies en courant au sol : c'est dire qu'elles chassent de jour, pour se cacher la nuit sous une pierre, qu'elles sont équipées d'une excellente vision (mais qui n'égale pas celle des Salticidae), et disposent de bonnes jambes. Avec ça, elles consomment une dizaine de petits insectes quotidiens.

     Parmi les 116 genres de Lycoses, on trouve celui des Pardosa, qui comprennent le plus grand nombre d'espèces ( 39 en Europe) et qui sont les plus communes et les plus répandues (M.J.Roberts, 2009) Ce sont elles que l'on voit courir sur le sol par temps ensoleillé sans avoir le temps de les observer. Mais à la fin-mai ou au début du mois de juin, on repère plus facilement les femelles, parce qu'elles transportent à l'arrière de leur abdomen leur cocon de couleur claire : et si vous les confondez comme moi au début avec les pisaures, vous apprendrez vite à les distinguer car ces dernières portent le cocon sous l'abdomen ( et parce qu'actuellemnt les pisaures ont déjà mis leur cocon sous une toile).

 

  Le genre Pardosa a été décrit par un inspecteur des Eaux et Forêts allemand, Carl Ludwig Koch en 1847, sans-doute dans son ouvrage princeps Die Arachniden ( 16 volumes de 1831 à 1848).  Le nom  de ce genre d'araignée-loup signifie "panthère", du latin parda, ae, la panthère, et pardus, i, le mâle de la panthère.

 

   Parmi les 39 espèces de ce genre, M.J.Roberts décrit dans Guide des araignées de France et d'Europe (Delachaux et Niestlé, 2009) les seize espéces courantes : citons parmi celles-ci P. agricola, P. amentata, P. fulvipes dont nous verrons les dons musicaux, P. nigriceps des landes de bruyère et d'ajoncs, P. saltans Topfer-Hofmann 2000, qui se remarque par ses sauts. Il ne cite pasP. lugubris, une araignée bien française puisqu' elle a été décrite par Walckenaer en  1802 dans Faune parisienne. Insectes. ou Histoire abrégée des insectes de environs de Paris. Paris, vol. 2, p. 187-250. Mais rentrer, en néophyte, dans la nomenclature arachnologique supposerait de constater que Töpfer et Hofmann décrivent un groupe-lugubris où ils font rentrer P. alacris (dont P. pseudoalacris est un synonyme ), P. lugubris, P. baehrorum, un nomen nudum, tout comme le quatrième de ce groupe,P. saltans. Finalement, on sait grée à Roberts de rester simple, et le seul avantage de connaître P. lugubris semblait être qu'il se distinguait plus facilement par une bande blanche sur le céphalothorax, comme sur mes images. Mais tous les spécialistes sont au moins d'accord sur un point : toutes les Pardosa dont les pédipalpes et l'épigyne n'ont pas été examinès à la loupe ou au binoculaire sont des Pardosa sp., et c'est tout.

 

   C'est bien assez pour présenter ces photographies (assez médiocres hélas) de ces araignées que j 'ai rencontré lors d'une sortie naturaliste Bretagne-Vivante menée par Mikaël Buord dans les bois et autour des étangs de Nevet, à une dizaine de kilomètres de Douarnenez. Les Parlosaen question s'étaient rassemblées (alors qu'elles ne sont pas connues pour établir des bourgades) sur le flanc d'une levée de terre entourant une souche, où j'en comptais une quarantaine qui semblaient penetrer dans des terriers. Je n'observais qu'un seul mâle, mais mon décompte ne fut pas exhaustif, et il fut vite (le mâle) chassè par une matrone.

   Début juin, je l'ai dit, les femelles portent leur progéniture dans un cocon ovigère attaché aux filières de l'extrémité caudale de l'abdomen. Ce sont des sacs lenticulaires bruns, avec une couture plus claire. Après deux ou trois semaines, les mères ouvrent le sac, et les enfants montent gaiement sur le dos maternel en chahutant. Ils resteront sur ce bus à impériale pour un circuit de découverte de la campagne environnante durant une semaine entière, et ce sont eux que je découvrais sous mon objectif, gesticulant, chantant, faisant des gestes provocants aux passants sans se rendre compte qu'avec leurs pattes écartées ils ressemblaient plutôt à d'étranges sauvastikas octoscèles.

 

   Certaines femelles ne portaient que le cocon ; d'autres cumulaient le cocon et la marmaille, et d'autres enfin s'étaient débarrassées du sac caduque.

 

 

 

 

 

 

 

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  Je dirais un mot sur l' appareil visuel de ces araignées : le céphalothorax porte huit yeux, dont les deux plus gros sont à l'arrière ; puis vient une autre paire, puis une rangée de quatre yeux antérieurs.

 

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                                                      La parade des Pardoses et ses secrets.

 

  Chez les araignées, c'est toujours le même problème pour le mâle : s'accoupler, oui, mais se laisser dévorer par la femelle, non, de préférence. Aussi Monsieur Pardosa sp., guidé par les phéromones femelles, ne se précipite-t-il pas, mais se tient à distance raisonnable, et se livre à sa parade.

  Il doit d'abord découvrir sa partenaire, et être informé de sa disposition, et bien que les Lycosidae n'utilisent pas la toile pour la chasse, ils se servent de sécrétions de soie imprégnée de signaux chimiques pour transmettre des données chimiotactiles et vibratoires ( Raymond Leborgne, 1981) : placez un mâle Pardosa amentata sur la soie, et le voilà qui se met à chercher la femelle ; imprégnez les fils de soie de substances chimiques phéromonales, et il commence à faire la cour à la femelle.

  Mais certaines espèces seront surtout déterminées par des signaux visuels, d'autres olfactifs et de chimiotactisme, d'autres par des messages mécaniques... Et les messages sonores ? Ils existent aussi :

 

Les signaux sonores.

  

  On décrit trois méthodes de production de son :

 - La vibration d'appendices.

  - Le tambourinage du substrat (toile, fil, sol), ou drumming, qui peut se réaliser par les palpes, par l'abdomen ou par les pattes.

  - La stridulation, par frottement d'un archet ou d'une  rape ( file en anglais) sur un racloir (scraver).

 

L'usage de la  stridulation a été démontrée chez Pardosa fulvipes (Colett) par Kronestedt (Zoologica Scripta, 2, 1,: 43-47) en 1973 : les dispositifs ont été classés par Legendre 1963 en différents types, et il s'agit ici du type "g" où les soies rigides des fémurs des quatrièmes pattes ambulatoires viennet jouer sur les crêtes très fines dont est couverte leur plaque pulmonaire. Lopez a décrit cette production sonore chez des Lycosidae de la Guyane française (Gasteracanthinae).

  Un appareil de type "h" est constitué par un archet du tibia dorsal des pédipalpes jouant avec le tarse proximal des  pédipalpes. Il a été décrit chez d'autres Lycosidae néotropicales ou ibériques. Ainsi Schizocosa stridulans peut se signaler  par des sons basse fréquence créés par la trémulationde l'abdomen, ou par des sons haute fréquence engendrés par la stridulation de type "h".

  Aucun organe auditif n'est connu chez les araignées, mais elles disposent de recépteurs aux vibrations organisés en structures variées ( poils réceptifs, organes en fente, trichobothries).

 

   La tarentella ou pizicca tarentata.

 

   Fernandez Montraveta  a recherché ce mécanisme chez une araignée-loup du genre Lycosa, L. tarentula, mais ne l'y a pas trouvé. C'est dommage, car il aurait été plaisant de trouver des talents musicaux à cette araignée qui n'est autre que la tarentule de Tarente. Celle-ci est à l'origine d'un des phénomènes les plus passionnants de possession animale, le tarentisme qui n'est pas sans rapport avec la lycanthropie (les loups-garous) :en Italie du Sud, des femmes persuadées d' avoir ètè mordues par Lycosa tarentula (et dont le venin est parfaitement inoffensif pour l'homme, même si les Lycoses s'en servent pour paralyser les insectes) développaient des troubles marqués essentiellement par des convulsions et un état de léthargie. Le seul moyen de les guérir étaient de procéder à une sorte d'exorcisme, étroitement associé au culte de Saint Paul et à la célébration de sa fête, lors d'une cérémonie au cours de laquelle des villageois et des musiciens se réunissaient pour faire danser à la patiente, prise dans des transes par lesquelles elle imitait, renversée en arrière et marchant à quatre pattes les déplacements de l'araignée, cette danse nommée tarentelle, sur un rythme effréné que menaient sans une seule pause durant des jours, un violon et un tambourin. Après avoir dansé sans s'arrêter, épuisant les équipes de musiciens qui se relayaient, réalisant des prouesses physiques sans rapport avec ses capacités habituelles, la malade sortait brutalement de son état de possession ; mais l'année suivante, à la date  même où l'araignée-loup l'avait mordu survenait le re-mord, le retour cyclique de l'emprise, et il n'y avait plus qu'à commander les musiciens, les boissons, et recommencer l'étrange bacchanale . (Sur ce sujet, la lecture d'Ernesto di Martino, Le Monde magique, tome III, la terre du remords, 1948, reste incontournable).

 

   La technique du sémaphore (Leg wawing).

  Si on ne trouve pas ce tambourinage, ces stridulations et ces signaux "sonores" ( vibratoires) chez toutes les espèces de Pardosa, les signaux visuels sont par contre constant chez ces espèces ; ils ont toute leur importance  lors de la phase qui succède à cette recherche du partenaire et qui est celle de la prise de contact : période de tous les dangers, où il faut analyser très rapidement s'il faut choisir l'offensive de séduction, ou la fuite et le combat, si on aborde un partenaire sexuel, ou un prédateur : là, rien ne vaut la vision. Il y a une distance, un espace de sécurité à franchir, et les Parlosa ont leur technique dite "du sémaphore" . Le mâle progresse sur la " dragline", qui mène à la femelle en palpant ce fil par ses palpes, et en se livrant à des mouvements alternatifs des pédipalpes, des chélicères et des pattes, ressemblant aux mouvements des bras du sémaphoriste par leur rapidité et leur rythme, et dont on peut penser qu'il hypnotise la femelle. En même temps, ils permettent à celle-ci de s'assurer que le personnage qui s'avance est bien de la même espèce qu'elle, car le Code, loin d'être international,  est  un mot de passe spècifique. On trouvera ici : http://www.european-arachnology.org/proceedings/15th/174-183_Vlcek.pdf la description des six phases de la parade d'approche de Parlosa alacris comparée à celle, très différente, de P. lugubris.

 

   Mais que se passe-t-il si le mâle a perdu quelque patte, comme cela est assez courant au cours de l'existence d'un Pardosa sp. ? S. Brautigam et M.H.Persons nous répondent dans Journal of Insect Behavior, 16, 4 : 571-587 (2003): au delà de deux pattes en moins, le succes de la cour amoureuse est compromis, et si celle-ci réussit, c'est pour une  copulation de moindre durée, et en s'exposant à un risque accrue de cannibalisme : ces messieurs doivent savoir danser le Jerk du Sémaphoriste par coeur et de toutes leurs pattes et palpes, ou tant-pis pour eux.

 

   Mais celui qui aura su percevoir les signaux phéromonaux, émettre les stridulations que la belle attend d'entendre en sérénade sur son balcon, progresser sur la dragline ( j'adopte le terme anglais qui me plaît bien) , lancer ses messages sans commetre une seule erreur dans le Code International des Signaux Maritimes ou ne pas se prendre les pinceaux dans les bras du télégraphe Chappe, celui là pourra se hisser sur l'abdomen de la femelle, tête-bêche, subir les épreuves que la Dame saura imposer à son chevalier (la pire,  celle de la chasteté, du nudus cum nuda ou de l'assag étant èvitée aux araignées), celui là donc sera digne de l'Étreinte, au cours de laquelle, comme nous l'avons vu, Accouplement de Tetragnathes. , il s'agira de jouer des pédipalpes pour que le bulbe copulateur atteigne l'épigyne correspondant .

  Et il saura  ne pas se plaindre, le mâle-heureux, et chanter avec Guillaume IX de Poitiers :

 

                                       Ma dame me met à l’essai et m’éprouve

                                        Pour savoir en quelle guise je l’aime

 

 

 

 

 

  

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • jean-yves cordier
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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