Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 01:01

.

 

PRÉSENTATION.

De même que le coté ouest, le coté est du jubé est constitué de la clôture, surmonté de la tribune, elle-même formée des fausses-voûtes et, au dessus, du garde-corps.

 

 

Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

 

I. LA CLÔTURE.

Je n'en présenterai que la sablière. Elle est plus simple que son homologue du coté nef, et ne présente que deux figures, entourées de végétaux et de banderoles en spires.

Les deux personnages pourraient passer pour des géants écrasés par l'étroitesse de la poutre de bois, ou par le poids de la tribune. Avec leur allure de rustaud, ils ont un je-ne-sais-quoi de rabelaisien et de comique.

.

 

Sablière de la clôture, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Sablière de la clôture, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Sablière de la clôture, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Sablière de la clôture, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

II. LA TRIBUNE.

Elle comprend cinq fausses-voûtes lambrissés, dont les cinq arcades s'achèvent sur six culots de retombés sculptés de personnages et d'animaux, et dont les écoinçons fournissent l'occasion de six scènes : deux anges porteurs d'écus et quatre humains. Puis vient une première frise végétale animée par un dragon central. Puis une deuxième frise à motifs géométriques. Viennent ensuite les dix panneaux à entrelacs multicolores, et enfin la main courante où courent des animaux fantastiques.

.

Tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

A. Les arcades des fausses voûtes.

Je les décrirai de gauche à droite.

I. Le groupe de gauche.

 

 

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Il faut d'abord voir le retour, coté sud.

On y voit, au dessus d'un acrobate, un homme portant sur ses épaules un mouton et tenant de la main gauche un couple de volailles (canards selon L. Léna).

Coin gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coin gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Dans le premier écoinçon, nous voyons un homme (cheveux mi-longs, tunique rouge courte à ceinture, chausses bleues) qui escalade un pommier et remplit de fruits un petit panier passé au bras gauche. Cet homme qui regarde le spectateur est une allégorie du vol. Donc, il représente le péché. C'est très habile de la part d'Olivier le Loergan, car ce pommier correspond, du coté ouest, au pommier de l'Eden et à la scène du Péché Originel. Ainsi, un lien est créé entre la pomme croquée par Adam et Éve, et le fruit du (modeste) larcin, comme pour souligner que chaque écart par rapport à la loi reproduisait, par la fatalité de la déchéance de l'humanité, la désobéissance des Premiers Parents. Aussi, lorsqu'il nous regarde, c'est sans-doute pour nous dire : "Toi aussi, non ?".

 

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Acrobate, Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Acrobate, Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Il y aurait beaucoup de chose à dire sur cet acrobate. Là encore, il faut se reporter mentalement au coté ouest, où tous les culots sont sculptés d'anges en train de voler, entourant à sa base l'équivalent de la Poutre de Gloire affirmant le dogme de la Rédemption. Nous sommes ici dans la face inverse de ce motif, dans sa face humaine, d'une humanité déchue et de son aspiration, non à l'élévation vers les Cieux et vers le Divin, mais vers le bas et vers l'animalité. C'est du moins l'une des interprétations possibles, car l'acrobate peut renvoyer aussi à l'inversion carnavalesque et libératrices des valeurs, du lâcher-prise qui s'exprime, traditionnement, dans les hauteurs sur les sablières. Ou bien, comme l'acrobate situé au centre du portail central de la basilique de Vézelay, au dessus et dans l'axe de la tête du Christ, qui est, selon Annick de Souzenelle, le symbole de l'homme accompli, capable de réunir ses pieds et sa tête.

.

 

Acrobate, Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Acrobate, Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Passons maintenant à l'arcade voisine.

L'animal qui orne le culot n'a pas été clairement identifié (Inventaire Général) ou correspond (L. Léna) à "un chat avec son rat sur la cuisse" . Il me semblait voir un oiseau entre ses pattes.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Coté gauche de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

L'imposant personnage qui occupe l'écoinçon tient dans la main gauche un tonneau, alors qu'une gourde vide est figurée à droite de sa tête : c'est le péché de gloutonnerie ou d'ivrognerie. Bouche ouverte, penché en avant, une main sur la cuisse droite, il adopte  l'attitude d'un homme en train de vomir, mais c'est un renard qui est sorti de son gosier. Je n'ai pas compris immédiatement ce que je voyais : car ce renard a deux queues, ce qui indique qu'il est écorché, la partie postérieure (peinte en rouge) y compris la queue encore maintenue dans la bouche, étant dépecée, et la fourrure étant rabattue sur le dos de la pauvre bête. Cette énigme s'explique lorsqu'on apprend que depuis le XVe siècle, on disait d'un homme ivre en train de vomir qu'il "écorchait le renard". L'expression peut elle-même provenir d'une comparaison effectuée entre les fusées de vomissement et la queue  des renards ou "goupils", queue si fournie et touffue qu'elle a donnée notre terme de "goupillon". On trouve aussi au XVIe siècle "tirer au renard", et plus tard "piquer un renard" ou simplement "renarder". On la trouve pour la première fois à la fin du XVe siècle dans le Parnasse Satyrique sous la forme Renars escorchier, mais on lit déjà dans les chansons de Geste "escorchier le gorpil".

 

On trouve cette expression dans Rabelais, Livre I:6 ; Livre II :11 ; II:6 ; II:16 ; IV:41, etc...

Pantagruel II,16 : "Et tous ces bonnes gens rendoient là leurs gorges devant tout le monde, comme s'ils euffent efcorché le renard, " 

Pantagruel 6 "Tu escorche le latin, par sainct Jan, je te feray escorché le renard [rendre gorge ?]"

Gargantua I,11 : "Tous les matins Gargantua escorchoit le renard"

Gargantua I, 22 : liste des jeux de Gargantua : "Là, jouait [...] à escorcher le renard"

Marot en fait mention dans sa IIIe Epistre du Coq-à-l'asne (1536) "Et gardez bien qu'on ne l'escorche, Car ung homme bien empesché ,Seroit d'ung renard escorché.", ainsi que Mathurin Cordier : "Il a escorché le renard. Evomuit crapulam"

Le CNRTL indique :

Arg., pop., vieilli. (Queue de) renard. Synon. de vomissement, vomissure. Quelque chose qu'il ne peut pas retenir lui échappe avec la violence d'une fusée; il s'est avancé vers la portière, dans l'espoir d'y lancer son renard (Kock,Compagn. Truffe, 1861, p. 113). De grands silences se faisaient, coupés par (...) des chutes sourdes d'ivrognes (...) le vin coulait si fort depuis six heures, qu'il allait se promener sur les trottoirs. Oh! de belles fusées, des queues de renard élargies au beau milieu du pavé (Zola, Assommoir, 1877, p. 772).

♦ Loc. Aller au renard, écorcher le renard, piquer un renard. Vomir. On en avale un verre, deux verres, dix verres sans piquer de renard; mais quand on en a jusqu'au goulot, finalement, faut dégueuler (La Petite lune, 1878-79, no13, p. 2).Ça chlinguait drôlement (...). Ça (...) donnait envie d'aller au renard (Le Breton,Rififi, 1953, p. 146).

.

 

L'Ivrogne "écorchant le renard", Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

L'Ivrogne "écorchant le renard", Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

II. Le groupe médian. 

Dans les écoinçons, les deux anges tiennent des écus qui ont été martelés à la Révolution. On peut y imaginer les armes de Boutteville , seigneurs du Faouët. Sous Jean V de Boutteville, chambellan de François II, la chatellenie fut érigée en baronnie en 1495. Et peut-être figuraient-elles en alliance avec celles  de Quimerc'h (alliance contractée en 1463).

Les ronde-bosses des culots représentent deux oiseaux, identifiés par les bons auteurs comme "une oie et un canard" . J'ignore quels sont les critères zoologiques, car les deux oiseaux me semblent identiques, mise à part la position de leurs ailes.

J'ignore aussi ce qui justifie leur présence, à une place centrale encadrant l'allée menant du portail de la clôture jusqu'à l'autel. Sont-ils héraldiques, issus des meubles des familles nobles locales? Certainement une fausse piste. Sont-ils des Phénix, symboles  du Christ réssuscité ? Des Oiseaux non spécifiés, contre-pieds naturels des Anges de la Surnature ? 

.

 

Milieu de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Milieu de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

 

.

III. Le groupe de droite. 

a) 5éme culot : un acrobate ?

 

Cinquième culot de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Cinquième culot de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Cinquième culot de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Cinquième culot de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

b) Ronde-bosse du sixième culot. Un singe.

.

 

 

.

 

c) 5éme écoinçon : un couple. 

L'Inventaire Général indique "jeune couple se promenant : allégorie supposée de la luxure" . Laurent Léna décrit "un jeune homme vêtu d'une tunique bleue [qui] tient par la main une charmante jeune fille ; celle-ci est habillée d'une robe sur laquelle est drapée une jupe dont elle retient les plis de la main droite ; sa chevelure est recouverte d'un voile qui lui laisse cependant un front bien dégagé avant de retomber à la fois sur les épaules et le buste. Le jeune homme semble l'entraîner galamment. (La luxure ?)". J'ajouterai que la coiffure de la dame est peut-être un hénin ; que le jeune galant est coiffé d'un bonnet rouge sur une copieuse chevelure blonde ; mais surtout je m'interrogerai sur l'objet qu'il tenait dans la main gauche et dont il ne reste qu'un manche ou une tige. Et surtout, j'aimerais pouvoir préciser ce que font les deux mains enlacées : les époux ou amants se donnent-ils la main ? La femme tente-t-elle de puiser dans la poche de l'homme ? Ou bien le geste est-il plus ambiguë ?

 

.

La Luxure, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

La Luxure, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

 

d) le dernier écoinçon. Joueur de cornemuse.

Après avoir dénoncé le Vol, l'Ivrognerie, et  la Luxure, si l'artiste offre aux regards le portrait d'un musicien, c'est sans nul doute pour participer à la dénonciation, par le clergé et l'Église, de la musique à danser et des débordements qu'elle favorise. A l'opposé des instruments joués par les anges (trompettes, mais surtout harpe et viole, flûtes et tambourins), la cornemuse est considéré comme un instrument diabolique.

Joueur de cornemuse,  tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Joueur de cornemuse, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

e) Retour d'angle : joueur de bombarde. 

Les sonneurs vont par deux, et le joueur de cornemuse ne va pas sans son comparse le joueur de bombarde, que l'on trouve donc à ses cotés dans l'angle de la tribune. Les deux portent le même bonnet rouge, la même tunique rouge courte sur des chausses bleues, et les mêmes chaussures.

Couple de sonneurs, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Couple de sonneurs, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

B. Le Garde--corps.

1. Les panneaux du garde-corps.

Ils sont semblables à ceux du coté ouest, on y retrouve les entrelacs, ainsi que la cordelière du duc François II et les hermines. Je n'en donnerai que deux exemples. 

.

Panneaux du garde corps, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Panneaux du garde corps, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Le semé de moucheture d'hermines fut adopté par le duc Jean III sur ses armoiries en 1316. Hermines et cordelières sont donc antérieures à Anne de Bretagne et sont cohérentes avec la date de 1480 insctite sur le jubé du coté ouest par Olivier Le Loergan. Elles affirment l'influence du pouvoir ducal dans l'édification de la chapelle, comme le font les armoiries de la façade est.

.

 

Panneaux du garde corps, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Panneaux du garde corps, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

2. La main courante du garde-corps.

Dans la partie gauche, un dragon ailé dont la queue se termine en une deuxième tête   se lance à l'attaque d'un homme-bête, au corps entièrement velu. Celui-ci tient dans la main gauche un miroir. 

Pour L. Léna, et pour les auteurs de l'Inventaire Général,  il s'agit d'un "basilic , sorte de dragon à queue terminée par une tête de serpent" : " l'homme se protège du venin de la bête à l'aide d'une cloche de verre qu'il porte sur le dos". Une précision me met sur la piste de cette étrange hypothèse en ajoutant "même motif à Vézelay".

Manifestement, l'auteur (Denise Moirez sans-doute) qui a fait cette interprétation s'est appuyé sur le texte d' Émile Mâle, 1922, L'art religieux du XIIe siècle en France : étude sur les origines de l'iconographie du moyen age : page 333 (avec une figure) :

.

"Un chapiteau de Vézelay nous offre un sujet plus étrange.
Un personnage, qui tient devant sa face une sorte de cloche, semble s'avancer vers un animal composite, coq par devant, serpent par derrière. Il n'est pas possible de croire à une simple fantaisie d'artiste, quand on connaît le passage que le Bestiaire a consacré au basilic.
Le basilic, qui participe de là nature de l'oiseau et de la nature du serpent, naît d'un oeuf de coq couvé par un crapaud : « car il arrive que certains coqs, dans leur septième année, pondent un œuf». Le basilic n'est redoutable à l'homme que par son regard, mais qui rencontre ses yeux meurt sur-le-champ. Toutefois, le dangereux fluide ne saurait traverser le verre, et il suffit d'appliquer sur son visage une cloche de verre pour pouvoir regarder impunément le basilic ; c'est grâce à cet artifice que les soldats d'Alexandre détruisirent les basilics de l'Inde'.
"Qu'est-ce que le basilic? ajoute le Bestiaire, sinon une figure du démon : le Christ en triompha en s'enfermant dans le sein d'une Vierge plus pure que le cristal".

https://archive.org/stream/lartreligieuxdux00mluoft#page/332/mode/2up

Mais j'objecterai que si, à Vézelay, le personnage tend devant lui un récipient qui peut ressembler à une cloche, ici, à Saint-Fiacre, notre homme sauvage tient indiscutablement un miroir. D'autre part, ce miroir n'est pas "porté sur le dos", mais tenu par une main, qui pose seulement le problème qu'elle est en surnombre par rapport aux deux pattes antérieures. Il est bien connu que rien ne peut vaincre le Basilic, qui tue par la seule puissance de son regard, si ce n'est de lui renvoyer ce regard en lui présentant un miroir : c'était déjà la ruse que Persée utilisa pour venir à bout de Méduse aux mille têtes.

Peut-on en toute confiance, sur la seule foi de quelques lignes d'Émile Mâle, partir à la chasse au basilic armé d'une seule cloche de verre, si tant est qu'on en dispose d'une ? Je ne le conseille pas. Mâle s'est fondé sur Cahier, qui évoque Grégoire le Grand, mais il faut aussi consulter son Physiologus, son Pline, son moine Théophile (dans son Shedula diversarium artium) et on ne revient pas tout à fait indemne d'un tel parcours. Agrémenté d'un détour incontournable par le De Serpentibus d'Isidore de Séville (Etymologiae Livre XII, De Animalibus)

Prenons Charles Cahier. C'est lui qui décrivit le chapiteau de Vézelay, et qui en a donné une belle (mais très infidèle) illustration dans ses Nouvelles . On la comparera à la réalité (source image) pour en mesurer l'écart :

Mais surtout, le texte des Nouveaux Mélanges d'Archéologie permettra de constater que l'abbé Cahier est fort perplexe devant ce chapiteau. 

Dans les Mélanges d'Archéologie parus 30 ans auparavant, Cahier se rapportait à un auteur latin selon lequel  Alexandre le Grand en rencontra lors de son expédition en Inde. Il les vainquit en faisant faire des cloches de verre interceptant leur regard, coiffées par des cavaliers qui ont pu ainsi les tuer à coups de lance.

 : "Voici donc ce que disait Brunetto Latini  dans son Trésor, chapitre De toutes manières de serpens : "Basiliques est li roys des serpens, et est si plains de venin...que le veoir et le flairier de lui en porte venin et lonc et près...Et tel a qui de son odour ochist (occit) les oisiaus volans, et de son veir (de son regard) les hommes quand il les voit : ja soit ce ke li anchyen dient quu'il ne nuyst pas à chelui qui voit primes les basiliques que il eaus (qui le voit avant d'avoir été vu par lui) Et sachés que Alixandre les trouva, et fist faire grans ampoles de voirre (bouteilles ou cloches de verre) où hommes entroient dedens qui véoeint les basiliques, mais il ne véeoit aus ; qui les ochioient de saiettes (sajettes?). Et par tel engien en fu délivrés il, et son fort ost (son armée) »"

 

Muni de ce texte, il interprétait le chapiteau ainsi :  

 

"Avec ces renseignements, sans plus, nous saisirons la mise en scène du bas relief. Une sauterelle monstrueuse et un homme marchent comme de concert au devant du basilic ; et l'homme, pour affronter sans danger le terrible regard de son ennemi, s'apprête à se couvrir les yeux et la tête d'une cloche de verre."

 

.

 

Chapiteau du Basilic, Vézelay, selon C. Cahier, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5698889x/f242.item.r=v%C3%A9zelay

Chapiteau du Basilic, Vézelay, selon C. Cahier, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5698889x/f242.item.r=v%C3%A9zelay

.

 

Main courante,  tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

 tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Il est néanmoins possible que le chapiteau de Vézelay, ou sa copie  sur quelque cahier d'ymagier, vienne expliquer les bizarreries de ce personnage entiérement velu et à trois bras, s'il trouve son origine dans la fusion du poisson-sauterelle et de son cavalier sculpté à Vézelay.

 

 

Lutte contre le Basilic, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Lutte contre le Basilic, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Le personnage suivant est pour moi un paysan aux cheveux roux se protégeant du montre voisin à l'aide d'une branche de bois, mais les auteurs ont jugés qu'il avait un faciès de singe (L. Léna) et l'ont décrit (Inventaire Général) comme un "singe parmi les branchages". 

tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Bêtes sauvages, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Bêtes sauvages, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Bêtes sauvages, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Bêtes sauvages, tribune du Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

SOURCES ET LIENS.

 — Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de la France. Cantons de Le Faouët et de Gourin, Morbihan. 1975.

—  CAHIER (Charles), 1847-1849, Deux chapiteaux historiés du XIIe siècle,, in Mélanges d’Archéologie, d’Histoire et de Littérature, vol. 1, Paris, Poussielgue-Rusand page 153-156.

—  CAHIER (Charles), 1874-1877, Nouveaux mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature sur le Moyen-Age.... Curiosités mystérieuses /  Didot (Paris)   page 203-205.

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5698889x/f242.item.r=v%C3%A9zelay

DUFIEF-MOIREZ (Denise), 1989,  "Olivier Le Loergan un maître trégorrois du XVe siècle". ArMen la Bretagne, un monde à découvrir. n°21 juin 1989 pp. 50-58.

HABLOT (Laurent), 2004,« Pour en finir, ou pour commencer, avec l’ordre de la Cordelière », Actes du colloque Pour en finir avec Anne de Bretagne, Archives départementales de Loire-Atlantique, dir. D. Lepage, Nantes, 2004, p. 47-70.

— LÉNA (Laurent), 1990,  Le Faouët, la chapelle Saint-Fiacre, Presses E.T. Saint-Michel Priziac. 

— MOIREZ (Denise), 1973, Le jubé de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët, Revue de l'art n°20

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 23:59

La tribune.

Jadis, à l'angle sud-est,  un escalier droit plaqué contre le mur ouest du bras sud du transept permettait à un lecteur d'y accéder et de s'adresser aux fidèles. Il a été supprimé par Lebrun en 1862-1866. 

En encorbellement sur les deux faces de la clôture, la tribune est décomposée  en deux niveaux séparés par deux frises, l'une à décor végétal et animal, l'autre à décor géométrique ajouré  :

– En bas, cinq fausses voûtes lambrissées à arc d'ogive : le décor y est localisé sur les écoinçons, sur les six culots des retombées (avec leurs anges suspendus en vol) et sur les clefs. On compte cinq autres fausses voûtes du coté est.

– En haut, un garde corps aligne onze panneaux carrés à motifs géométriques, séparés par autant d'accolades à fleurons et crochets. A chaque arcade des fausse-voûtes de l'étage inférieur correspond donc deux arcades.

Le garde corps s'achève en haut par une main courante de 25 cm, dont les sculptures répondent à celles de la frise sculptée de la clôture.

La façade ouest présente aux fidèles rassemblés dans la nef les cinq personnages d'une Crucifixion : le Christ en croix au milieu des deux larrons, à la hauteur du garde-corps. Et la Vierge Marie et saint Jean, au niveau des fausses-voûtes.

.
Tribune et clôture, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Tribune et clôture, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

 

Tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

"Ce n'est pas un hasard si Mérimée et Viollet-le-Duc se sont intéressés au jubé de Saint-Fiacre. Bien intégré à la chapelle, au décor de laquelle il emprunte plus d'un motif , ce jubé, le plus ancien des jubés de bois bretons actuellement conservés, retient l'attention à plus d'un titre : la composition équilibrée est caractérisée par le jeu des formes qui, de la clôture à la tribune, se répondent en s'emboîtant ; la vision en perspective des fausses voûtes de la tribune anime l'ensemble en lui donnant du relief, impression à laquelle contribue la distribution, sur la face principale, des cinq personnages de la Crucifixion, sur trois registres et en quinconce. L'unité de style, (exception faite des vantaux Renaissance, est très nette, même si le décor héraldique porte logiquement à échelonner l'exécution de l'ouvrage sur une dizaine d'années après la date inscrite (1480) ; et la sculpture ornementale flamboyante reste étroitement liée au schéma architectural qu'elle souligne. Enfin, le programme iconographique choisi répond sans nul doute à un but didactique. Si certains détails restent difficiles à identifier, du moins peut-on définir les thèmes essentiels : sur la face Ouest, le Péché Originel, la Rédemption par l'Annonciation, le Roman de Renart ; sur la face Est, les Vices en symboles imagés, et divers animaux du Bestiaire." (Inventaire Général, 1975)

.

Garde-corps de la tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Garde-corps de la tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 Les cinq personnages de la Crucifixion. 

.

 

Tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Tribune, Jubé de saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

I. Historique.

 

.

 

Une inscription (remise à jour en 1971) est  gravée sur l'écu tenu par l'ange  ornant la clef de voûte de la tribune à gauche de la Vierge  : L'AN MIL IIIJcc IIIIxx [1480] FUT FAIT CEST HEVPVRE  P[ar] OLIVI[er] / LE LOERGA[N] OVPVRIER . L'exécution de l'ouvrage, commencée sous François II, dut se prolonger au début du règne de sa fille Anne, duchesse de Bretagne et reine de France, en 1492, comme en témoigne l'association dans la tribune de cordelières [cet accessoire, allusion au Cordeliers ou Franciscains avait été adopté en emblème par François II ], d'hermines et de fleurs de lis.

— Le terme d'Hevpvre ou Heupvre doit se lire pour "œuvre". Cette forme n'est trouvée qu'ici. Les formes en ancien français sont ovre, euvre et uevre (XIIe), oevre (XIVe) .  Quelle est l'acceptation ici du substantif "oeuvre" ? Le CNRTL en propose 10 :

1. 1re moitié XIIes. «objet créé par l'activité, le travail de quelqu'un»

2. ca 1145  «action, fait de faire quelque chose»

 3. 1160-74 «production artistique ou littéraire»

 4. 1174-77 «union charnelle de l'homme et de la femme»

5. ca 1208 «tâche, action propre à quelqu'un ou à quelque chose»

6. 1225-30 «action considérée dans sa valeur morale ou religieuse» 

 7. fin XIIIes. «travail artistique d'une oeuvre d'orfèvrerie» 

 8. 1379-80 euvre «fabrique d'une église» (Compt. de la fabriq., Arch. Aube, G 1559, fo41 rods Gdf.); 1611 «banc des marguilliers dans l'église» (Cotgr.); 

9. 1611 maistre des hautes oeuvres (ibid.);

10.1567 marine. oeuvres mortes  oeuvres vives.

— Le terme d' Ovpvrier ou Oupvrier renvoie au terme Heupvre, car "ouvrier" et "œuvre" ont la même étymologie, venant du latin operarius qui mène à "ouvrier" ,  opera à "œuvre", et operari à " œuvrer".Celui qui œuvre à une chose est celui qui la crée, son auteur  et son artisan. "Ouvrier" ne désigne pas seulement un exécutant, une "main d'œuvre", mais le noble concepteur de l'ouvrage.

C'est la même réflexion qui s'applique au vitrail de la Vie de Saint-Fiacre de cette chapelle, où P. Androuet signe son travail avec la mention "P. Androuet, ouvrier demeurant à Kemparalé 1552".

— Olivier Le Loergan a laissé son nom en 1474 sur l'une des sablières de Saint-Nicolas-du-Pelem  : "Lan de grâce mil iiii c l xx iiii , estoit recté de céans M. J. de la Roche, Yvon Le Pennec en estoit le fabrique : q(uand) cest oupvre cy fist loupvrier nome Le Loergan 0llivier ".  On y retrouve les deux substantifs "ouvre" et "oupvrier". La même année, son nom apparaît sur une sablière de l'église de Canihuel et est transcrite ainsi : " fait faire en 1474 par le recteur M. J. de La Roche, et Yvon Le Pamel, de la fabrique, par l'ouvrier Olivier Loergan ". Originaire du Merzer (22, au nord-est de Guingamp), il  figure sur une liste d'annoblis de 1469 par François II, ce qui témoigne que son statut n'est pas celui d'un simple ymagier ou menuisier-sculpteur, et que ses mérites ont été récompensés 11 ans avant qu'il ne signe le jubé de Saint-Fiacre. 

 

 

 

Les commanditaires du jubé sont inconnus : leurs armoiries qui figuraient sur la tribune, à l'Est, ont été martelées à l'époque révolutionnaire. 

 

 

 

Inscription-signature, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Inscription-signature, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Puisque j'ai présenté cette inscription, il me faut montrer aussi celle qui lui est couplée, à droite de saint Jean.

TOUZ CEULX 

 QVI CEANS AN

TRERES AIES ME

MOIRE DTREPASSs

Soit : "Tous ceux qui ici entrerez, ayez mémoire des trépassés".  On doit garder en mémoire que les deux anges porteurs d'inscriptions surplombent le portail du jubé qui donne accès au chœur.

 

Inscription, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Inscription, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

.

II. Les six  anges des fausses voûtes.

 Je débuterai ma description par la présentation des anges des fausses voûtes, car lors de ma première visite, ce sont eux qui sont venus en premier, pieds nus comme des enfants en pyjama, virevolter autour de moi et me charmer de leur allures d'elfes aux chorégraphies d'acrobates, me présentant sur des phylactères leur invisible mais insistant message.  Quoiqu'il arrive, ces joyeux compagnons aux boucles d'or et aux yeux d'azur  ont toujours le sourire , et mènent sans se lasser de témoigner de la grandeur des Cieux.

Brassant l'air à la base de la tribune, ils en sacralisent l'atmosphère à la manière de l'encens et préparent, sur la tribune, l'énonciation de la parole divine. Inutile de tendre l'oreille pour savoir qu'une musique s'élève ici, vive comme le mouvement de leurs ailes, tendue comme l'arc de leur dos, capricante comme les courbes de leurs saltos, joyeuse comme du Mozart, exaltée comme du Bach.

Ces figurines de 33 centimètres  sont sculptés en ronde bosse sur lrs culots de retombées des fausses-voûtes .

.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Culots des fausses-voûtes, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Après ce prélude musical, il faut passer à un sujet non moins joyeux, mais néanmoins plus grave : la Rédemption. Car c'est à ce mystère qu'est consacré toute la face ouest du Jubé. Vais-je savoir le présenter, alors que je ne suis qu'un amateur de grâce et de beauté ?  La rhétorique, si fréquente qu'elle est quasi constante dans le décor des sanctuaires du XIIe au XVIe siècle, est la suivante : Adam et Éve, en désobéissant à Dieu par le Péché Originel, ont dégradé la nature humaine et ont corrompu l'humanité. Dieu "rachète" (le latin Redemptio  veut dire "rachat" ) l’homme de l’esclavage du mal et du péché, afin de lui rendre sa liberté. Pour cela, Il s'incarne en un homme, Jésus-Christ, qui naît de la Vierge Marie. Par son sacrifice sur la croix lors de la Passion , Jésus rachète l'humanité. Les trois temps sont donc 1) la Chu​te, 2) l'Incarnation et 3) la Passion. Ces trois temps sont dramatiquement présentés dans le Jubé par un triangle spectaculaire avec  à la base 1)  Adam et Éve à droite, 2)  l'Annonciation faite à Marie à gauche (cotè noble dans une église) et au sommet 3) le Christ sur la croix.  

.

Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

I. La Chute : Adam et Éve chassés du Paradis.

Cet épisode est traité de façon originale, dans le passage d'un arbre à un autre : du Pommier au Figuier. Ce traitement le rend passionnant.

a) A droite, le Pommier.

On reconnaît ses fruits ronds et rouges, mais aussi ses feuilles propre au genre Malus. Il joue ici le rôle de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Dans le jardin d'Eden, il y avait toutes sortes d'arbres aux fruits délicieux, mais aussi deux arbres bien particuliers :

 "Puis l'Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l'orient, et il y mit l'homme qu'il avait formé.  L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de la vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal."

— (Genèse 2:8-9)

On connaît la suite, mais il est toujours utile d'en relire le récit biblique :

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin? La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.  Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.  La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea. Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures." (Genèse 3:1-7)

On voit que le texte ne précise pas de quelle espèce est l'Arbre de la Connaissance, et le Fruit Défendu est figuré, selon les cultures et les traditions, comme une grenade, une figue, ou (dans l'Occident médiéval) comme une pomme.

  Le Pommier est un arbre autochtone en Europe et notamment en France depuis la plus haute antiquité et l'espèce Malus domestica a donné au XVIe siècle deux variétés porte-greffe, le Pommier Paradis Malus pumila ("nain")  et le Pommier Doucain. 

Le sculpteur a représenté, enroulé autour du tronc de ce pommier, un serpent, dont on croit distinguer la tête en bas à droite. Mais si on suit les orbes et méandres de la Tentation, on parvient à la face de pleine lune cachée dans les ramages, avec ses deux oreilles sinueuses et pointues. L'animal malin est bien camouflé, et son l'éventail crenelé de son aile de chauve-souris en abuserait pour un effet de feuillage.

Un  Ange aux ailes bleues lève son épée flamboyante à la fois pour chasser Adam et Éve, et à la fois pour s'opposer à Satan.

L'Arbre, l'Ange et le Serpent s'alignent sur un axe vertical commun, qui s'élève de l'angle de la voûte et se prolonge vers le garde-corps.

.

 

L'Ange chassant Adam et Éve du Paradis. Photographie lavieb-aile.

L'Ange chassant Adam et Éve du Paradis. Photographie lavieb-aile.

.

 

L'Ange chassant Adam et Éve du Paradis. Photographie lavieb-aile.

L'Ange chassant Adam et Éve du Paradis. Photographie lavieb-aile.

.

b) Le Figuier.

Plutôt que de figurer, comme cela est habituel, Adam et Éve autour du pommier et croquant le fruit, l'artiste les représentent chassés du Paradis, et entourant un autre arbre, le Figuier, bien reconnaissable là encore tant à ses feuilles qu'à ses fruits.

Cela lui permet d'opposer les deux essences et de faire du figuier l'arbre de la honte d'être nu ; de la culpabilité ;  de la malédiction ; de la finitude (tu retourneras dans la poussière) ; du travail (c'est à la sueur de ton front que tu gagneras ton pain) ; et de l'exil.

Ce choix d'opposer Pommier et Figuier est original, puisqu'au contraire, dans la tradition rabbinique, le figuier est assimilé à l'Arbre de la Connaissance du Bient et du Mal. Ce choix évoque la mauvaise réputation du figuier lorsqu'il est maudit par le Christ dans la parabole du figuier stérile de l'évangile de Luc 13:6-9. Mais à l'opposé, la parabole du Figuier en bourgeons (Luc 21:29-33) fait du bourgeonnement l'annonce de la fructification, métaphore eschatologique du Royaume de Dieu.

Les deux arbres se dressent en parallèle sur leur fausse-voûte respective, mais les larges feuilles trilobées du Ficus carica rappellent l'aile du Malin dissimulée dans le Pommier.

 

 

Adam et Éve sous le figuier. Photographie lavieb-aile.

Adam et Éve sous le figuier. Photographie lavieb-aile.

.

 

Adam et Éve sous le figuier. Photographie lavieb-aile.

Adam et Éve sous le figuier. Photographie lavieb-aile.

II. L'Annonciation.

La présentation de la scène est ici conventionnelle, bien que la Vierge soit ici placée à gauche alors qu'elle est à droite dans la majorité de l'iconographie. L'Ange Gabriel, agenouillé, tient le lis de la pureté virginale et le phylactère des paroles de l'Annonciation : Ave Maria plena gratia Dominus tecum benedicta tu in mulieribus. On lisait peut-être quelques-un de ces mots aujourd'hui effacès.

 

L'Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

L'Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

L'Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

L'Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

L'Ange Gabriel, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

L'Ange Gabriel, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

De l'autre cotè de l'arcade, Marie est agenouillée devant un livre posé sur un pupitre. Alors qu'elle lève la main droite en signe d'acceptation (Ecce ancilla Domini fiat mihi secundum verbum tuum), et que la colombe du Saint-Esprit "la féconde par l'oreille" et témoigne de l'intervention divine, elle pose l'index sur une ligne du texte (biblique) et réalise que ce qui lui arrive était annoncé dans les Écritures. Le vase posé devant elle est le vase intact  de son sein virginal, les fleurs qui s'y épanouissent témoignent de la fécondité annoncée par l'ange, la blancheur des lis (martagon) renforce l'idée de virginité, et enfin, les fleurs renvoient aussi (surtout) à la prophétie d'Isaïe  :

Egredietur virga de radice Jesse, et flos de radice eius ascendet. Et requiescet super eum Spiritus Domini.

Une tige sortira de la racine de Jessé, une fleur s’élèvera de ses racines. Et sur elle reposera l’Esprit du Seigneur. [Is. XI, 1-2]

Il ne s'agit pas là d'une sur-interprétation, car le prophète est sculpté sur le coté du même pilier, tenant en main le livre de ses Prophéties. Quelques centimètres seulement séparent Isaïe et Marie, comme le recto et le verso d'une même image, taillés dans le même bloc de bois.

J'ai omis de prendre la photo d'Isaïe. Une autre fois ?

.

Marie, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Marie, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Marie, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Marie, Annonciation, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

III. La Passion.

1°) La Vierge et saint Jean au pied de la Croix.

 

La Vierge et saint Jean,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

La Vierge et saint Jean, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

La Vierge. 

Statue de 0,81 m sur l'écoinçon gauche de l'arcade centrale. La Vierge a la tête recouverte d'un voile. Elle est pieds nus.  

 

La Vierge, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

La Vierge, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Saint Jean.

Statue de 0,7m. occupant l'écoinçon droit de l'arcade centrale. L'évangéliste Jean, fils de Zébédée et frère de saint Jacques le Majeur, "disciple que Jésus aimait", figure ici en raison du passage suivant de l'évangile de Jean, Jn 19:25-27 :  

 "Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère, la sœur de sa mère, Marie la femme de Clopas et Marie de Magdala.  Jésus vit sa mère et, près d'elle, le disciple qu'il aimait. Il dit à sa mère: «Femme, voici ton fils.»  Puis il dit au disciple: «Voici ta mère.» Dès ce moment-là, le disciple la prit chez lui."

Avant la construction des jubés et après leur destruction, le groupe de la Vierge et de saint Jean autour du Christ crucifié figurait sur la poutre de gloire, en latin trabes doxalis. Doxalis vient du grec δόξα, doxa, "gloire" mais aussi "opinion".   Le latin  trabs, es renvoie certes à "poutre", mais, par sa racine indo-européenne *tr-b, à l'idée de poutre-maîtresse soutenant l'ensemble de la toiture. Elle reliait les impostes de l'arc triomphal marquant l'entrée dans le chœur des basiliques. On voit que ce groupe trinitaire Christ + Vierge + Jean a été considéré précocément comme une affirmation doxologique (de louange, de gloire ou de proclamation) de la Foi, comme son résumé glorieux.

Dans l'iconographie de ce motif, la Vierge porte toujours un manteau bleu, et Jean toujours un manteau rouge. De même, Jean est toujours imberbe et souvent beau, bouclé, apollinien. C'est donc le cas ici. L'apôtre lève les yeux et les paumes vers la croix, en signe de reconnaissance du caractère crucial de ce qui s'accomplit devant lui de la manière claire et révélatrice d'un kérygme.

Ce qui m'intéresse plus, c'est sa ceinture. Non pas la façon dont la partie libre trop longue, après que l'ardillon de la boucle ait été bloqué dans le trou qui lui convenait, a été  nouée cavalièrement , et à défaut de passant, sur elle même avant de venir retomber sur la robe vert-bronze. Mais les accessoires que le saint, émule anachronique des boy-scout, y a suspendu.

Nous trouvons d'abord son livre, celui qu'il est en train d'écrire, l'Evangile selon Jean. Il est introduit dans une poche de protection dont l'étoffe est bloquée par un arceau de métal ou de cuir. Lors de la lecture, les pans libre de l'étoffe se rabattront de chaque coté des plates de couverture.

Puis, à sa gauche, il a suspendu son encrier, à forme de clochette.

Enfin vient son plumier, accompagné de son grattoir qui lui permet d'effacer ses fautes. Pourtant, puisqu'il écrit sous l'inspiration divine, il ne peut commettre que des erreurs de transcription.

.

 

Saint Jean,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Saint Jean, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Saint Jean,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Saint Jean, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

2°) Le Christ en croix et les deux larrons.

Le Christ est crucifié sur une croix à peine écotée mais dont la traverse se termine par un trilobe. Il est couronné d'épines, il porte le perizonium. Sur le titulus , l'inscription INRI est effacée.

Les Larrons ne sont pas crucifiés, mais suspendus par les bras . A la droite du Christ, le Bon Larron tourne son visage vers lui, et, pour cet acte de foi, il sera sauver. Ses traits sont paisibles.

A l'opposé, le Mauvais Larron s'est détourné. Il sera damné. Ses traits grimaçants témoignent d'une agonie tourmentée.

Crucifixion, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Crucifixion, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Le Mauvais Larron.

.

Le Mauvais Larron, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Le Mauvais Larron, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

3°) La main courante.

La moitié gauche.

Les motifs de cette main courante restent mystérieux. Elle débute à gauche par un homme qui sort d'une structure en accordéon assez semblable à la gueule d'un Léviathan. Puis vient un  manoir fortifié à quatre tours crénelées à meurtrières, puis deux femmes lenant la tête vers un homme.  

Main courante, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Un personnage coiffé d'un bonnet tient un morceau de bois. Derrière le larron, un autre découvre partiellement son visage.

 

 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Puis viennent deux anges (un vert puis un rouge) volant vers la droite séparés par des feuilles de houx.

 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

La moitié gauche. 

.

 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Derrière le mauvais larron, deux hommes semblent le narguer, ou le convaincre de se convertir. 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Puis, nous voyons un homme blond levant les bras, puis un cerf broutant un buisson.

 

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Main courante de la tribune, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Avant de conclure, il me reste à montrer deux panneaux du garde-corps.

Le premier porte les hermines et la cordelière. L'hermine figure en plain dans les armoiries des ducs de Bretagne depuis 1316 et Jean III dit Le Bon. 

La cordelière était une corde à plusieurs nœuds comme celle que les franciscains, d’où leur surnom de cordeliers, utilisaient comme ceinture. Cette figure apparaît en Bretagne sous le règne du duc François Ier. Elle décore les manuscrits, les écus, les intérieurs de tous les ducs et duchesses ultérieurs et symbolise leur attachement à l’ordre franciscain. Dans les armoiries d'Anne de Bretagne, les nœuds franciscains seront remplacés par des lacs d'amour. Ce n'est pas le cas ici.

.

 

Panneau à la cordelière,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Panneau à la cordelière, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Ce panneau porte non seulement le monogramme christique IHS, mais aussi les fleurs de lis qui incitent à retarder la datation à la période à laquelle Anne de Bretagne était reine de France, donc après le 8 février 1492.

.

 

 

 

Panneau à la cordelière,  Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Panneau à la cordelière, Jubé de Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

 

SOURCES ET LIENS.

Inventaire Général des monuments et des richesses artistiques de la France. Cantons de Le Faouët et de Gourin, Morbihan. 1975.

ABGRALL (Jean-Marie), 1904,  Architecture Bretonne: Etude Des Monuments Du Diocese de Quimper  cours d'archéologie professé au grand séminaire.  Quimper : imprimerie Arsène de Kérangal, 1904.

http://www.archive.org/stream/architecturebre00abgrgoog#page/n225/mode/2up

Ou bien p. 325:

 http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1902.pdf

— Excursion au Faouët, Bulletin de la Société Polymathique du Morbihan 1909-1911, Vannes, 916 pages, https://archive.org/stream/bulletinpoly190911sociuoft#page/n15/mode/2up

CAYOT-DELANDRE (F-M.), s.d [1847], Atlas du Morbihan, Cauderan,Vannes, page 451

— BRETEAU (V.), «Olivier Le Loergan et le jubé de Saint-Fiacre du Faouët», Artistes, artisans et production artistique en Bretagne au Moyen Age, Rennes, 1983, p. 47-50 .

LENA (Laurent), 1990,  Le Faouët, la chapelle Saint-Fiacre, Presses E.T. Saint-Michel Priziac.

WAQUET (Henri), Art Breton, 1960 page 50

HILARIO ( Franco Júnior), 2006,, « Entre la figue et la pomme : l’iconographie romane du fruit défendu », Revue de l’histoire des religions : http://rhr.revues.org/4621 

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 23:58
Jubé vue de la nef, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Jubé vue de la nef, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

GÉNÉRALITÉS.

 

Paraphrasant l'auteur des articles Jubé et Chapelle de Saint-Fiacre de Wikipédia, je dirais que ...

 

Dans une église, le jubé est une tribune et une clôture de pierre ou de bois séparant le chœur liturgique de la nef. Il tient son nom du premier mot de la formule latine « jube, domine, benedicere » qu'employait le lecteur avant les leçons de Matine. Le jubé se compose de trois éléments : la tribune (le jubé proprement dit), la clôture (dite « chancel ») et le groupe sculpté de la crucifixion, surmontant la tribune dont elle est l'ornement principal, tournée vers les fidèles. .

La clôture/chancel a pour fonction d'isoler le chœur (réservé aux clercs et aux seigneurs prééminenciers) des fidèles qui, du fait de sa présence, voient peu ou pas du tout le maître-autel. De la tribune, on lisait l'Évangile et on prêchait, la chaire lui succède dans cet emploi. 

Il ne reste en France que très peu de jubés, mais la Bretagne en conserve une vingtaine : Wikipédia donne une liste de 33 sites hors de Bretagne et de 20 jubés bretons. Le jubé en chêne de Saint-Fiacre est plus ancien et le plus illustre des jubés de bois de Bretagne aujourd'hui conservés.

AncreAncreAncre Concernant les objets conservés, la chapelle est surtout célèbre pour son exceptionnel jubé en bois polychrome de style flamboyant réalisé de 1480 à 1492. Ce jubé est classé au titre des monuments historiques par la liste de 1862. 

 Commencé sous François II et, sans doute, achevé sous le règne de sa fille Anne, duchesse de Bretagne en 1488 et reine de France en 1492, il est dû au sculpteur Olivier Le Loergan dont le talent lui vaut d'être anobli par François II dès 1469.  La tribune est construite en encorbellement de part et d'autre de la sablière sur laquelle elle repose par de fausses voûtes d'ogives et qui la relie à la clôture.

Restaurations.

Classée dès 1862, la chapelle fut restaurée à plusieurs reprises. Le Jubé fut vraisemblablement repris au cour des siècles. Entre 1862 et 1866, les boiseries ont été restaurées par le sculpteur lorientais Lebrun puis repeintes à partir de 1866 par Lorgeoux ; l'artisan avait inscrit sur l'écriteau que porte l'ange à droite de saint Jean "Tous repeint en 1866. Lorgeoux peintre 1866". En 1951, on tenta d'atténuer l'agressivité des tons "peinturlurés d'une façon abominable" (A. de la Borderie) par Lorgeoux . 

La dernière restauration date de 2001, lors d'une opération d'un montant de 5,5 millions de francs qui reçut un soutien financier des fondations Velux pour un montant de 1,5 millions de francs.

.

INCROYABLE ! LE JUBÉ A[URAIT] CHANGÉ DE PLACE !

Denise Moirez puis Laurent Léna ont levé un lièvre énorme : le jubé de saint-Fiacre aurait pu   occuper autrefois un autre emplacement, et fermer le chœur, le séparant de la croisée du transept. Devant l'escalier à vis percé dans le mur, qui donnait ainsi accès à sa galerie supérieure. Pour l'installer ensuite dans sa position actuelle, entre les deux piliers de la première travée de la nef, il a fallu condamner et entailler une crédence  située à l'angle nord-ouest de la croisée du transept, et qui accompagnait l'autel (actuel) du martyre de saint Sébastien. Il a fallu en outre fermer aussi le bas-coté nord par une clôture en bois. Et murer la petite porte qui donnait sur le bras sud du transept. 

 

PRÉSENTATION.

Présentons-nous d'abord au noble personnage agenouillé au pied de ce jubé. Il occupe en vérité l'un des "autels" latéraux, qui me semblent plutôt être des tables d'offrande. Cette statue en chêne du XVe siècle représenterait le duc Jean V, duc de Bretagne de 1399 à 1442,  identifié par le cercle ducal qui le coiffe et par la houppelande semée d'hermines "datant de la première moitié du XVe siècle" (Inv. Gén.) , à carcaille (col montant en fourrure) au dessus d'une robe rouge et de manches longues, en or, à huit boutons ronds. Agenouillé sur un coussin de velours gris et à glands d'or, il a la posture du donateur. 

Un "cercle ducal", dites-vous ?

 — C'est ce qu'affirme l'Inventaire Général.  Lisons dans l'Histoire de Bretaigne de Bertrand d'Argentré la description du couronnement du duc François III en 1532 :

 "L'évêque lui tint le fourreau de la dite épée, puis après mis réverentement sur la tête du Prince un bonnet de velours de couleur pourpre fourré d'hermines, puis après lui mit dessus une couronne d'or enrichie de pierreries de grande valeur, à fleurons tous d'une hauteur, qui est la couronné que les ducs ont porté depuis qu'ils ont laissé le titre de Roi : les écclésiastiques en leur cérémonies l'appellent le cercle Ducal. Ce fait l'évêque dit à moyenne voix ces mots : Reçois le cerle Ducal qui t'est mis et imposé par nos mains. "

 François 1er avait fait faire le cercle ducal en or pour un coût de 219 livres tournois et 9 sols. Les bourgeois de Rennes s'étaient cotisés pour offrir au duc "une hermine d'or de grandeur naturelle, reposant sur une terrasse émaillée, entre six beaux lis entourés de la couronne ducale, emblème de l'union de la Bretagne à la France", une oeuvre de l'orfèvre rennais Pierre Even .

De même, Richard Cœur-de-Lion avait, comme  Duc de Normandie reçut de l'archevêque de Rouen son cercle ducal fleuronné de roses d'or.

— Je ne vois guère de fleuron, et le Catalogue décrit cette coiffure comme un simple tortil, un bourrelet en torsade  décoré de perles.

— Un "tortil", soit, voilà qui est plus exact.

 La statue serait donc légèrement antérieure à la construction de la chapelle, et pourrait provenir d'un autre édifice, car sa disposition sur cette table d'offrande n'est pas naturelle.

.

 

 

Statue de "Jean V", chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.
Statue de "Jean V", chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Statue de "Jean V", chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

Le visiteur doit d'abord repérer visuellement les deux ensembles qui composent le jubé, la tribune en haut et la clôture en bas. 

Jubé vue de la nef, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

Jubé vue de la nef, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

.

    Puis, il faut découvrir la structure de chacun de ces ensembles. 

     

    La clôture est faite d'une porte centrale à deux vantaux (datant de 1864) et de six baies latérales : baies en accolade, à fleurons, choux et cordelières s'inscrivent dans un tympan rectangulaire ajouré à réseau flamboyant. Les montants des baies sont sculptés de colonnettes et de dais abritant des statuettes : six figurines en haut relief (26 cm) représentent des personnages pieds nus tenant un volumen, dont il est admis qu'ils représentent les apôtres. Dans l'encadrement de la baie centrale, deux figurines en haut relief de 40 cm sont identifiés par leur attribut : saint Pierre à droite et saint Paul à gauche. La clôture est délimitée dans sa partie haute par une corniche sculptée de 25 cm de haut sur 6 mètres de large, qui sera décrite en détail.

    La tribune. (voir partie B)

     

    .

       

      .

      LA CLÔTURE ou CHANCEL.

      Je décrirai ici uniquement la corniche, en multipliant les clichés car le défaut d'éclairage naturel rend la prise d'images difficile à un amateur.

       

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      La partie gauche de la corniche.

      Je décrirai 4 scènes numérotées de 1 à 4 de gauche à droite.

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      1. Un homme et une femme.

      Un homme, mains jointes, cheveux longs, robe rouge, se tourne vers le coté nord comme s'il voulait sortir de cette corniche, et lance un regard latéral désespéré vers une éventuelle issue. Tente -t-il d'échapper à la femme qui, mains jointes également, et comme agenouillée, sourit de manière énigmatique. Ou ce couple adresse-t-il ses prières à un personnage jadis placé à gauche. Dans tous les cas, on admirera l'art par lequel le sculpteur fait surgir les personnages de la poutre de bois pour les rendre crédibles et vivant au spectateur placé plusieurs mètres plus bas : voyez notamment le plissé de la robe.

      Pour l'Inventaire Générale : "femme suppliant un homme".

      Pour Didron, cela pourrait être saint Martin, dont il est dit dans sa Vita qu'il était "difforme dans ses vêtements et méprisable de figure". Il s'agirait du début de la scène suivante, et la femme viendrait ici troubler l'ermite en sa retraite de Liguré pour qu'il accepte de  se rendre auprès de son fils qui vient de décéder sans avoir eu le temps de recevoir le baptème. La légende dit : "Un jeune homme étant mort, sa mère vint prier saint Martin pour le rendre à la vie". J'adopte cette hypothèse, qui est la seule qui intègre cette scène dans un ensemble cohérent où toute la moitié nord de la sablière serait consacrée à la vie de saint Martin. 

      .

      Scène 1,  sablière de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 1, sablière de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      Scène 2. Scène de la vie de Saint Martin : baptème d'un catéchumène à Ligugé.

       

      Nous trouvons ici représenté  le miracle le plus connu de Saint Martin,  la résurrection d'un jeune disciple qui se préparait au baptême : un "catéchumène". Le récit de ce miracle a été rapporté par son disciple et biographe  Sulpice-Sévère. L'histoire se passe à l'abbaye de Ligugé près de Poitiers, la plus ancienne communauté monastique de la Gaule, crée par saint Martin, et où il s'était retiré entre 361 et 370, avant d'être nommé évêque de Tours. 

      Selon De Guilhermy, "Le saint avait quitté pendant quelques jours le monastère qu'il venait de fonder à Ligugé. A son retour, les moines accourent pour lui apprendre qu'un catéchumène, qui l' avait suivi jusqu'à ce lieu, était mort sans baptême. Déjà, selon la légende, deux anges conduisaient aux régions ténébreuses la pauvre âme non régénérée, quand Martin lui vint en aide". On doit ajouter que c'est à la demande du père et de la mère du jeune homme que Martin procède à cette résurrection.

      La même scène est figurée sur les sablières de la chapelle Saint-Sébastien, au Faouët.

       

      On voit saint Martin (tonsuré, en tenue monastique avec la tête couverte par un scapulaire) poser la main sur le front  du catéchumène qui est à genoux, en robe à ceinture, mains jointes. Saint Martin tient dans la main gauche un objet, qui doit être le flacon de saint-chrême. Il est curieusement adossé à une sorte de pupitre. Je propose de considérer que cet élément triangulaire appartient plutôt à la partie gauche de la scène, où un homme vêtu d'une cagoule rouge se redresse. On y a vu un moine de la communauté de Ligugé. Cela pourrait être aussi le « sponsor » du catéchumène, « celui qui pousse », qui fait office de parrain. Ou bien, le défunt qui, ressuscité, se redresse : le "pupitre" serait alors son cercueil.

      .

      Au IVe siècle, lors de ce miracle, nous sommes alors dans la Gaule Romaine, avant les Francs, bien avant les Mérovingiens : en 362, nous sommes 50 ans à peine après la conversion de l'empereur Constantin, 32 ans après le Concile de Nicée, et donc tout au début de l'Église d'Occident et de la christianisation des Provinces Romaines. L'ex-légionnaire romain Martin (qui est né en 316) est le disciple de saint Hilaire évêque de Poitiers, mais il est plus jeune que de glorieux Pères de l'Église comme saint Amboise de Milan (333-394), saint Jérôme (347-420, saint Augustin (354-430), saint Jean Chrysostome, saint Grégoire de Nysse et saint Grégoire de Naziance. Bref, il peut représenter, pour les chrétiens du XVIe siècle de la paroisse bretonne, quelque-chose comme le Patriarche fondateur, d'autant que le diocèse de Quimper, dont dépend le Faouët, est rattaché à l'archi-diocèse de Tours.

      La scène du baptême /résurrection du catéchumène est placée juste au dessus du cintre de la porte donnant accès au chœur, comme pour montrer que le fidèle est appelée à une conversion lui donnant accès à la vraie vie auprès du Christ.

      Rappelons brièvement ce qu'était le catéchuménat , qui se mit justement en place au IVe siècle. Il s'agissait de la longue période de formation des adultes — 2 ou 3 ans — avant le baptême, accompagnées d'actes rituels et initiatiques, avec ascèses (pénitences, jeûnes, aumônes, abstinence de bains et de relations sexuelles, fréquentes veillées nocturnes de prière), et  examens de contrôle, appelés scrutins. Le baptême devait consister en un premier temps d'immersion complète, suivi d'un second temps d'onction par huile d'olive. C'est ce dernier qui est représenté ici.

       

       

      .

       

       

      Scène 2, Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 2, Vue de la corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      Scènes 3 et 4. La Messe de Saint Martin.

      Dans la scène 4, un dragon tend la patte antérieure gauche en avant, et tourne la tête en arrière. Il a le même rictus, la même queue trifide, le même pelage écailleux et verdâtre et les mêmes oreilles crénelées que le diable qui suit, si bien qu'il en est la présentation.

        Dans la scène 5, deux femmes voilées — deux commères — discutent, tandis qu'un diable recopie sur son parchemin les propos médisants de ces dames afin qu'elles en rendent compte lors du Jugement, et qu'il procure ainsi à son patron Satan deux recrues de choix pour les flammes de l'Enfer. Il tient la plume de la main droite, alors que sa main gauche tient non seulement l'encrier, mais aussi la lanière du plumier (plumes, grattoir). A défaut de se frotter les mains, il retrousse ses babines sur un sourire radieux. Pour lui, c'est du nanan ! 

      Voir un autre diable similaire, en train de noter le nom des danseurs au Pardon de Saint-Sébastien du Faouët : il porte ici son matériel d'écrivain à la ceinture.

      .

      .

      Le baron de Guilhermy  fait observer que cette scène renvoie à l'anecdote dite de la Messe de Saint Martin, et il cite le Gargantua de Rabelais, écrit en 1534 :

      .."mesmement que le diable, à la messe de Sainct Martin, escripvant le caquet de deux gualoises* , à belles dentz, alongea son parchemin"...Gargantua, I, VI

      (*) Gualoises = gauloises : désigne depuis toujours les femmes publiques, de mauvaise vie.

      Pour comprendre un peu plus l'allusion, qui   ne figure pas dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, on peut lire les vers écrits par Pierre Grosnet en 1553,  :

      Notez, en l'ecclise de Dieu,

      Femmes ensemble caquetoyent,

      Le diable y estoit en ung lieu

      escripvant ce qu'elles disoyent.

      Son rollet plain de poinct en poinct,

      Tyre aux dens pour le faire croistre.

      Sa prinse eschappe et ne tient poinct,

      Au pillier s'est cobby la teste .

      P. Crognet, Mots et sentences dorés du maistre de sagesse, Cathon, Lyon et Paris 1553.

      A quoi on ajoute que :  "saint Martin, dans le temps qu'il se tournoit vers le peuple pour dire Dominus vobiscum, ayant vu cela, se mit à rire ; ce qui ayant surpris, donna lieu, après la messe, de lui en demander la raison ; qu'alors le saint révéla sa vision, et c'est de là qu'on a su l'histoire. Les contes d'Eutrapel la touchent en passant, chapitre de la goutte, et même on l'a vue, au moins jusqu'en 1678, représenté à Brest, dans l'église de la Recouvrance, en un tableau qui en contenoit aussi le récit en françois et en bas-breton." Tous ces renseignement ont été rassemblés par Esmangart et Johanneau dans leur édition critique du Gargantua de 1823, mais ils reprennent textuellement celle de Le Duchat de 1741.

      Dans les Annales archéologiques de 1845, Victor Didron fait accompagner l'article de Ferdinand de Guilhermy par une présentation des Tapisseries de la Collégiale de Montpezat par l'archiviste Devals.

      — Et alors ?

      — Cette tenture (23 m sur 2,8 m)  porte les armoiries épiscopales de Jean IV Des Près, évêque de Montauban de 1519 à 1539 . Elle a été  conçue pour la Collégiale de Saint-Martin à Montpezat-de-Quercy (Gard) où elle a été accrochée dès 1520. Elle comporte 5 pièces de 3 tableaux, chacun surmonté d'un octosyllabe. La quinzième tapisserie s'intitule La Messe de Saint Martin, et elle montre précisément la scène en entier, avec saint Martin disant la messe, les deux femmes qui papotent derrière son dos, et le diablotin au dessus d'elles qui prend ses notes. Je vous en montre la gravure juste après ma photo de la sablière.

      .

      Post scriptum : une autre interprétation est de voir la scène d'imposition des mains comme relevant d'un exorcisme pratiqué par un moine sur un possédé, comme sur la sablière de Saint-Sébastien du Faouët en 1600), et comme sur celle de l'église de Grâces à Guingamp en 1506. Ce "dragon" serait alors le démon s'enfuyant sous l'effet de l'exorcisme.

      .

      Scènes 3 et 4,  corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scènes 3 et 4, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      Voici donc la gravure de la tapisserie de Montpezat : La légende en lettres gothiques dit :

      Martin chantant, Brice servoyt, 

      Et se ryoit en ung toucquet

      Voyant que le diable escripvoyt

      Des deux commères le cacquet.


      .
       

      La Messe de saint Martin, Tapisserie de Montpezat, Annales archéologiques http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203412j/f100.item.r=

      La Messe de saint Martin, Tapisserie de Montpezat, Annales archéologiques http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203412j/f100.item.r=

      .

      On y notera, sur le retable devant l'officiant, un petit personnage : Moyses cornutus. Le calice est renversé, mais cela indique seulement que la messe n'a pas atteint l'offertoire, le moment ou saint Martin lit ("chante") l'évangile. Brice sert la messe : ce disciple succédera à Martin comme évêque de Tours , mais sur la tapisserie, c'est lui, et non saint Martin, qui observe les deux pipelettes et qui en rigole. Il rigole "en ung toucquet", c'est à dire "dans un coin".

      .

      .

      Partie centrale au dessus de la porte principale. 

      .

      Je la diviserai en deux scènes numérotées de 5 à 6 .

      Scène 5.  Messe de saint Grégoire.

      Laurent Léna (1990) et les auteurs de de l'Inventaire Général (1975) voient ici la représentation de la Messe de saint Grégoire. On sait qu'on désigne ainsi le sujet iconographique et légendaire de l'Europe médiévale dans lequel  le pape Grégoire le Grand (540-604), soucieux de devoir convertir une personne doutant de la présence réelle du Christ sous les divines espèces lors du sacrement de l'eucharistie, l'hostie se transforme en un doigt sanglant (version de Paul Diacre, VIIIe siècle et de Jean Diacre au IXe siècle) . Dans les siècles suivants, notamment sous l'influence de la légende Dorée, c'est le Christ en personne qui apparaît, sous la forme du Christ de douleur. La gravure de Dürer en 1511 participe à la diffusion du thème.

      https://www.gallery.ca/fr/voir/collections/artwork.php?mkey=13370

       

      .

      J'aurais aimé y voir plutôt la figure d'une "Messe de Saint Martin" (i y en a plusieurs) au cours de laquelle un pauvre sollicite Martin alors qu'il s'apprêtait à célébrer la messe. Jacques de Voragine raconte la scène :  Le saint demande à un archidiacre de lui donner des habits. Celui-ci tardant, Saint Martin se déshabille dans la sacristie et donne ses vêtements au pauvre. L'archidiacre qui ignorait que Martin ait donné ses habits, arrive avec quelques hardes. Le saint s'habille avec elles mais elles ne le couvrent pas entièrement. Il célèbre la messe ainsi vêtu. Au moment de l'élévation de l'hostie, l'assemblée des fidèles voit une boule de feu qui symbolise la charité du saint. Ce dernier se trouve alors vêtu correctement. 

      L' homme que nous voyons nu sur la sablière de Saint-Fiacre aurait pu être le pauvre de ce récit, et le prêtre célébrant la messe aurait pu être saint Martin. Mais d'une part nous ne voyons pas de boule de feu, et d'autre part ce pauvre n'aurait aucune raison de se trouver dans une cuve.

      Guilhermy a pensé que l'homme dans le cercueil était le catéchumène de la scène précédente.

      Mais la Messe représentée ici est trop proche de la gravure de Dürer (un prêtre levant les yeux au ciel,trois clercs assistant le célébrant, le Christ à la tête ceinte d'épines, ...) pour ne pas souscrire à l'interprétation admise. Nous pouvons seulement souligner que la proximité des thèmes permet, comme dans le travail de rêve, des condensations, des glissements et des fusions qui créent une continuité et une cohérence au sein de cette sablière, 

      .

       

      Scène 5 et 6, Messe de saint Grégoire,  corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 5 et 6, Messe de saint Grégoire, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Scène 5, Messe de saint Grégoire, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 5, Messe de saint Grégoire, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      Scène 6. Moine en prière (L. Léna).

      .

       

      Scène 6,  corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 6, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      Partie de droite. Le renard prêcheur et les poules.

      Scène 7. Renart déguisé en frère prêcheur devant les poules..

      Jusqu'à présent, le thème ornemental concernait l'église d'Occident et ses deux grandes personnalités, saint Martin et saint Grégoire. Ces deux saints étaient convoqués ici pour illustrer deux sacrements, le Baptême et l'Eucharistie, deux métamorphoses en relation avec l'idée de renaissance et d'accès à un autre niveau de vie : rien de plus logique pour une poutre ou un linteau placé — comme les portails des églises — au point de transition entre l'espace encore profane (la nef) et l'espace sacré réservé au culte et aux clercs (le chœur). 

      Mais la partie droite offre à notre regard des renards dans une basse-cour : quel étrange changement de registre ! Certes la partie gauche ne répugnait pas à la gaudriole, mais c'était pour dénoncer les œuvres du Malin. Le sculpteur (et son commanditaire, membre de la fabrique de la chapelle, ou seigneur noble) souhaitait-t-il soudain distraire son public et lui offrir une récréation inspirée des fabliaux médiévaux ?

      A première vue (vous le lirez partout), les scènes semblent inspirées du Roman de Renart. Un renard se déguise en moine prêcheur pour pénétrer dans une basse-cour, puis s'élance hors de sa chaire pour dévorer quelque tendre géline, mais les poules contre-attaquent et, aidées du coq, obligent le renard à lâcher prise,  le dépècent et l'émasculent.  Mais le Roman de Renart ne contient pas d'épisode semblable. Nous n'avons pas affaire à une farce, et encore moins à une dénonciation du caractère fallacieux des moines ou du clergé. D'un bout à l'autre, c'est une mise en garde contre le diable (dont le Renart est la métaphore), et sa duplicité, et un appel à la vigilance à l'égard des déguisements. Et c'est une célébration de la victoire du bien (par le truchement des saints à gauche, de celui des fidèles à droite) contre le mal. Comme l'écrivait Ferdinand de Guilhermy, 

      « Il n'aurait pas été difficile à un archéologue tant soit peu voltairien de lire dans ces figures bizarres une satyre assez sanglante contre le clergé ; mais il nous semblerait peu probable que l'artiste se fut permis de venir insulter le prêtre jusqu'en face de l'autel. Je suis assuré d'avoir rencontré plus juste en reconnaissant ici, sous forme symbolique, ce qui se lit en ttermes clairs sur la face antérieure du jubé, c'est à savoir que les ruses du diable finissent par tourner à sa honte."

      Le même auteur donne comme argument de cette interprétation ces vers du Bestiaire :

      C'est Goupil qui tant set mal art (tromperie)

      Que nos ci apelons Renart,

      Sénéfie le male goupil (le démon)

      Qui le peuple met à essil

      Il n'en demeure pas moins que c'est au succès du Roman de Renart que l'on doit le développement d'expression telles que "Renard qui prêche les poules" , "Se confesser au renard" . ou  "Il n y a si fin regnard qui ne trouve plus finard."

       J'ai étudié en détail ces scènes dans mon article sur les sablières de la chapelle de Saint-Sébastien du Faouët, (où elles sont représentées de la même façon) en citant les travaux de Sophie Duhem. 

      Scène 7. Renart prêchant aux poules, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 7. Renart prêchant aux poules, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Scène 7. Renart déguisé en frère prêcheur, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 7. Renart déguisé en frère prêcheur, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      Scène 8 : Renart attaqué par le coq et les poules.

       

       

      Scène 8. Renart attaqué par poules, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 8. Renart attaqué par poules, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Scène 8 et 9. Renart attaqué par poules, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 8 et 9. Renart attaqué par poules, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      Scène 9. Renart dépecé par les poules et le coq.

      Scène 8. Renart attaqué par le coq et les poules, corniche  de la clôture, photographie lavieb-aile.

      Scène 8. Renart attaqué par le coq et les poules, corniche de la clôture, photographie lavieb-aile.

      .

      .

      SOURCES ET LIENS.

      GUILHERMY (F de) , 1845, Iconographie des fabliaux. Description du jubé de Saint-Fiacre en Bretagne. Le Diable et le Renard.  Annales archéologiques, Paris, Didron, Volume 3 page 22

      https://books.google.fr/books?id=nVNfAAAAcAAJ&pg=PA22&lpg=PA22&dq=escripvant+le+quaquet+de+deux+gualoises,+%C3%A0+belles+dentz&source=bl&ots=TJ_SMjUec0&sig=MQXhejvSGAUAhyDvU3ZKV-AXhFQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjJha6eotnKAhVLcRQKHRiwDbEQ6AEIIjAA#v=onepage&q=escripvant%20le%20quaquet%20de%20deux%20gualoises%2C%20%C3%A0%20belles%20dentz&f=false

       DUHEM (Sophie), 1998, « Quant li goupil happe les jélines... », ou les représentations de Renart dans la  sculpture sur bois bretonne du XVe au XVIIe siècle"  Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest  Année 1998  Volume 105  Numéro 1  pp. 53-69http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1998_num_105_1_3972 

       HARRIS (Anne F.) 2014,  Water and Wood: Ecomateriality and Sacred Objects at the Chapel of Saint-Fiacre, Le Faouët (Brittany) Journal of Medieval and Early Modern Studies 44:3, Duke University Press.

      https://www.academia.edu/9021250/Water_and_Wood_Ecomateriality_and_Sacred_Objects_at_the_Chapel_of_Saint-Fiacre_Le_Faou%C3%ABt_Brittany_Journal_of_Medieval_and_Early_Modern_Studies_

      Partager cet article
      Repost0
      Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
      17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 23:56

      PRÉSENTATION.

      Pourquoi ne pas lire en introduction ce qu'écrivaient les auteurs de l'Inventaire général de 1975 ? 

      "Les origines de la chapelle et du culte local de saint Fiacre sont mal connues. Il est probable que les Boutteville, originaires de Normandie, ont favorisés l'introduction de son culte au Faouët ; il est déjà attesté à Radénac (56) en 1460 et une chapelle de Melrand lui est dédiée ; mais il n'est étendu en Bretagne qu'au XVIIe siècle. Une chapelle a peut-être existé avant la chapelle actuelle, et un hôpital fut vraisemblablement construit près de là, comme l'indique l'inscription portée par une pierre réemployée dans une maison voisine : L AN MIL CCCC XXXVI FUT FAIT CEST OSPITAL PAR C(BOUTE)VILLE. L'existence d'un hôpital peut être lié, comme à Kerascleden, à un pèlerinage."

       

      On estime que la chapelle Saint-Fiacre fut bâtie à la fin du XVe siècle. Le début des travaux peut être estimé vers 1450 en se fondant sur une inscription du jubé datant celui-ci de 1480. Le vitrail le plus ancien, celui de l'Arbre de Jessé, date de la même époque, alors que les autres baies reçurent leurs vitraux actuels en 1550-1557. Tous les vitraux portent les armoiries de la famille de Boutteville, en sommité, et de leurs alliances. Le vitrail de la vie de saint Fiacre dénote parmi ces vitraux Renaissance des années 1550, car il reprend la disposition médiévale des vitraux historiés à texte inscrit en légende à leur base.

      Avant même la chapelle, un hôpital avait été construit, et une inscription d'une maison située à quelques mètres du sud de la chapelle énonce : "L'AN MIL CCCC XXXVI FUT FAIT CEST OSPITAL PAR C BOUTEVILLE". La famille de Boutteville a donc fait ériger à la fois un hôpital (en 1436) et une chapelle (1450 ?), et  les deux édifices avaient quelque chose à voir avec saint Fiacre. 

      En 1427, Jean III de Boutteville était captif des anglais au Mont Saint-Michel. Ce seigneur, ou sa fille Clémence, firent-ils alors le vœu de fonder cet hospice pour les pauvres ? et d'invoquer saint Fiacre, grand saint thérapeute pour toutes sortes de maux du corps et de l'âme ?

      .

      Rappel sur la famille de Bouteville.

       

      Les Bouteville (ou Boutteville) sont originaires de Normandie. Puis ils se scindèrent en une branche anglaise qui, sous le nom de Botfield, conserva le  blason, et une branche bretonne qui suivit Pierre de Dreux lorsque celui-ci fut nommé duc de Bretagne en 1213, et adoptèrent les armoiries d'argent à cinq fasces de gueules. Ils alors devinrent seigneurs du Faouët par alliance, et y disposèrent d'un château. Le château fort des Boutteville au Faouët, que le chroniqueur médiéval Jean Froissart qualifie de « petit fort », fut assiégé en 1342 par les troupes du roi d'Angleterre Édouard III pendant la guerre de Succession de Bretagne. Une garnison anglaise s'y installa mais le château fut successivement repris par les partisans de Charles de Blois et de Jean de Montfort. À la fin de la guerre, le château était ruiné et les seigneurs du Faouët firent de leur manoir à Le Saint leur résidence principale. Ils ne se réinstalleront dans la petite ville qu'au milieu du xvie siècle. 

      Les Bouteville seront toujours de fidèles alliés des ducs de la dynastie des Montfort. Ils en seront récompensés en figurant parmi les chambellans de la cour ducale sous le duc François II et en étant honorés du titre de barons par la duchesse Anne.

       

      • Hervé, sénéchal de Ploërmel et Broërec en 1270, est sans-doute celui qui épousa l'héritière du Faouët.

      • ... 

      • Jean I de Bouteville, seigneur du Faouët, marié à Andrée de la Rivière

      •  Jean II, marié en 1373 à Jeanne de Quélen.

      •  Jean III, marié à Isabeau de Penhoet. En 1420, il prit les armes pour délivrer le duc Jean V, alors prisonnier des Penthiève. En 1427, il fut capturé par les anglais au Mont Saint-Michel

      •  Jean IV  (1405 -, marié à Alix de Coetquénan.

      • Jean V de Bouteville, seigneur du Faouët et de Barrégan, vicomte de Coetquénan, chambellan du duc François II. Il épousa  le 28 novembre 1453  Marie de Quimerc'h, la fille de Charles, seigneur de Kerimerc'h (1415 - 1485). Ils eurent onze enfants dont Catherine et Louis. 

      • Louis de Bouteville (- 18 mars 1539), épousa le 19 janvier 1498 Jeanne du Chastel (fille d'Olivier du Chastel et de Marie du Poulmic). La famille du Chastel porte fascié d'or et de gueules de six pièces. On trouve leurs armoiries sur les vitraux de Saint-Fiacre.

      • Yves de Bouteville (aveu du 4 juin 1542), marié avec Renée de Carné. Il commandait en 1546 le ban et l'arrière-ban de l'évêché de Cornouaille .

      • Jeanne de Bouteville,  dame du Faouët, vicomtesse de Coëtguenan †1572 , mariée en secondes noces en février 1559 avec Claude, marquis de Goulaine, 1512-1579 

      Les successeurs à la seigneurie du Faouët. Goulaine et du Fresnay.

        La famille Goulaine succède aux Bouteville, par alliance, à partir de 1559. 

      La baronnie du Faouët sera rachetée par Sébastien du Fresnay, conseiller du roi au Parlement de Bretagne avant 1644.

      On constate que la construction de l'hôpital "de Saint-Fiacre" (cest moi qui le nomme ainsi) date de Jean IV de Bouteville, et la construction de la chapelle de Jean V de Bouteville et Jeanne de Kerimerc'h, (François II étant alors duc de Bretagne), tandis que la seconde campagne de création de vitraux (1550-1557) correspond à Yves de Bouteville (la Bretagne étant alors rattachée à la France). 

      .

      Le culte de saint Fiacre et les soins aux malades.

      Nous constatons que saint Fiacre n'est pas invoqué dans les Livres d'Heures d'Anne de Bretagne. Il l'est, par contre, dans celui de Pierre II, duc de Bretagne. de 1450 à 1457 et fils de Jean V.

      .

       

      La baie 6 est composée de quatre lancettes et d'un tympan à 13 ajours : elle est haute de 4,40 m. et large de 2,20 m. On la décrit en huit panneaux organisés en deux registres, qui sont consacrés au récit hagiographique de saint Fiacre, patron de la chapelle. 
      Livre d'Heures de Pierre II de Bretagne, Bnf, Ms 1159, f.126v,  image Bnf recadrée.

      Livre d'Heures de Pierre II de Bretagne, Bnf, Ms 1159, f.126v, image Bnf recadrée.

      .

       Si saint Fiacre est surtout connu aujourd'hui comme saint patron des jardiniers, c'est surtout un saint guérisseur , non seulement  des hémorroïdes et autres fics ou tumeurs, mais aussi de toutes sortes de maladies "dont médicin ne peult garir" . En témoigne une oraison qui apparaît assez tardivement dans les Livres d'Heures, au XVIe siècle : 

      Sainct Fiacre, patron de Brie,

      seul de ce nom, je te deprie,

      quë envers Dieu, le Créateur,

      tu soyes mon mediateur.

      Glorieux sainct, d'Escosse né,

      Certains suis que Dieu t'a donné,

      pouvoir sur hommes et sur femmes,

      et par toy leurs corps et leurs ames

      de grands dangier sont boutés hors :

      quant a la partie des corps,

      par toy sont garys langoureux,

      plains de fievres, crancheux, ficqueux,

      desrompus et plains de gravelle,

      qui est maladie mortelle,

      polipeux, plains de pourriture,

      de broches, de ficq et d'ordure,

      qui dedans le corps humain entre,

      de fleux de sang, de cours de ventre,

      de fleux mentrueux et de vers ;

      et aussi d'autres maulx divers

      dont medecin ne peut garir,

      Fiacre tu peulx secourir.

       Pierre Rézeau 1983, Les prières aux saints en français à la fin du Moyen Age: Tome 2, Volume 2  page 215

       

      C'est en effet pour nourrir les malades qui affuaient que saint Fiacre s'est préoccupé, nous allons le voir,  de se doter d'un jardin et de manier la bêche. C'est aussi  sa protection que sont placées un certain nombre de maladreries et léproseries : ainsi, quatre chapelle de Loire-Atlantique : http://www.infobretagne.com/leproseries-saint-fiacre.htm

      Il est donc probable, ou du moins plausible, que l'hôpital fondé par "C. de Bouteville" fut placé d'emblée sous le patronyme de saint Fiacre, et que la chapelle était destinée à assurer aux malades le bénéfice des prières et des dons des fidèles. 

      Un détour par Robert Gaguin : où saint Fiacre s'emporte contre les femmes et leur ferme la porte.

      Robert Gaguin (1433-1501) est un religieux, humaniste et historien auteur du Compendium de Francorum origine et gestis,  grande histoire de la monarchie franque, puis française, depuis les origines légendaires  jusqu'au 9 janvier 1500 et dont  la première édition fut imprimée en 1495, avant de voir son texte  étoffé dans les  éditions imprimées qui se sont succédées de 1495 à 1500

      Or, dans son chapitre consacré au règne de Dagobert, Liber III folio XV (je le trouve dans une édition de 1504) Gaguin écrit ceci :

        Huic clotarii aetate fiacrus venit Scotus i briam que dum solitariu sibi locu quaerit : a sancto faro ne meldensiu pontifice susceptus et loco ubi nunc ob sanctitatis merita religiose colit donatus est. In cuius facellum foemina non ingredit. quae emmaliqñ ingredi temere tentavit in rabiem versa est. De hoc sancto heremita qu-dam hoc disticon composit « Foemina quae laesit blasphemo murmure sanctum : Fecit quod sancti non intrat foemina templum". 

      En 1525, le Compendium fut traduit en français sous le titre de La mer des croniques et miroir historial de France, ce qui nous permet d'obtenir la traduction : Livre III folio XXVII

      "Sainct Fiacre escocote hermite.

      "Au temps diceluy Clotaire Sainct Fiacre escossoye vint au pays de Brye lequel querant long lieu solitaire fut devotement receu de sainct Pharon evesque de Meaulx qui luy donna lieu auquel maintenant pour les merites de sa saincteté est revere et honore. Et en la chapelle de ce benoist sainct ne entrent point les femmes : pour ce que celle qui follement sefforca austreffoys y entrer enragea. De ce devot hermite Sainct Fiacre auscun versificateur fist et composa ces deux vers :

      femina qui fecit blasphemo murmuro sanctum.

      Fecit quod sancti non intrat femina templum.

      La femme qui blessa saint Fiacre par le blasphème de murmure feist et causa que auscune femme ne entre poinct au temple ou eglise de ce benoist sainct."

      Ce passage donne plusieurs indications : 1. Saint Fiacre avait suffisament d'importance pour que la création de son ermitage soit signalé comme un des évenements notables de la période mérovingienne. 2. Peu avant que ne soit peint le vitrail de la Vie de saint Fiacre de la chapelle du Faouët, il était acquis que saint Fiacre était écossais ("escossoye"). 3. L'interdiction faite aux femmes de pénétrer dans les sanctuaires voués à saint Fiacre était l'un des éléments saillants  concernant son culte. 4. Ces données bénéficièrent de la publicité d'un ouvrage trés renommé, et  de la diffusion permise par l'imprimerie et par la traduction française.

      Certes, Gaguin se contenta en partie de reprendre le texte des Grandes Chroniques de France conservées à Saint-Denis.

      .

      Un Mystère de saint Fiacre.

      L'existence d'une Vie de monsieur sainct Fiacre filz du roy descosse par personnaiges publiée en 1529 à Paris (exemplaire de la Bibliothèque nationale de France  RES-YF-1605), et d'une Vie Monseigneur sainct Fiacre  en 1260 vers et 25 personnages (Manuscrit, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris, ms 1131)  témoignent du fait que des Mystères de saint Fiacre étaient joués devant un public pendant la période historique qui nous concenre (1450-1550).

      .

       

      ÉTUDE DU VITRAIL PANNEAU PAR PANNEAU.

       

      La baie 6 est composée de quatre lancettes et d'un tympan à 13 ajours : elle est haute de 4,40 m. et large de 2,20 m. On la décrit en huit panneaux organisés en deux registres, qui sont consacrés au récit hagiographique de saint Fiacre, patron de la chapelle. 

       

       

       

      .

      PREMIER REGISTRE.

      .

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      REGISTRE INFÉRIEUR.

       

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      1. Enfance de saint Fiacre.

      Françoise Gatouillat et Michel Hérold décrive ici "Saint Fiacre en prière devant ses parents le roi et la reine d'Irlande". Mais rien n'atteste sur le vitrail  que les deux personnages soient les parents du petit Fiacre, ou qu'ils  soient irlandais. Selon la tradition, saint Fiacre serait un moine d'origine celte (les Scots) et qui serait apparenté à saint Kilien, fils lui-même du roi d'Écosse ; et certains auteurs, des plus autorisés, fournissant des pièces justificatives, donnent saint Fiacre comme étant le fils du roi d’Ecosse Eugène III . Ou même d'Eugène IV .

      Ce que nous voyons, c'est un enfant (notez le plumier suspendu à la ceinture) agenouillé devant un couple de souverain ; la reine pose la main gauche sur l'épaule droite de l'enfant et lui dnne sa bénédiction tracée par la main gauche . Le roi, coiffé d'un turban à oreillette, tient un sceptre particulièrement long.  Nous sommes tentés de penser que papa et maman Fiacre sont ravis d'avoir engendrés un fils si pieux, mais dans les Mystères, ils se lamentent plutôt de voir leur fiston se confire en dévotion, ou se morfondre en mortifications, ascèses et macérations, et ils se préoccupent plutôt de le marier ; ils envoient un chevalier quérir une belle pucelle. Mais la Vierge envoie saint Gabriel qui donne l'ordre à Fiacre d'aller en France. "Se dérobant à la cour à l'insu du roi", et prenant le bateau à la ckloche de bois, il traverse The Channel , avec quelques compagnons et peut-être sa sœur la belle Sira. C'est ainsi que nous allons le voir, dans les panneaux suivants, devant Faron, le saint évêque de Meaux. Après 49 heures de route (sans bouchons) entre Boulogne et Meaux, par la Chaussée Brunehault. 

      — Inscription :

      —  Cõe . Sait fiacre enfant. Priot. Lue comme : "CO(M)E SAI(N)T FIACRE ENFANT PRIOIT.", ou en clair "Comment saint Fiacre priait".

      — P. ANDROVET OVVRIER DEMEVRANT A / KEMPARALÉ 1552

      Cette inscription a été manifestement restaurée, mais la partie "P. ANDROUET, ouvrier à Kemparalé" a été relevée telle quelle en 1849 (Bull. arch. Assoc. Bret.). Kemparalé est assimilé à Quimperlé, mais pourtant cette forme n'est attestée nulle part ailleurs. Les généalogistes ne signalent pas de famille portant ce patronyme à Quimperlé.  En outre, le prénom n'est pas précisé. Pourtant, les auteurs du volume du Corpus Vitrearum considère qu'il s'agit de la signature de "Pierre Androuet de Quimperlé" ; les auteurs du Bulletin de la Société archéologique du Morbihan placent en 1858 "Pierre Androuet de Quimperlé, peintre verrier" dans une liste d'artisans. Les auteurs du Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine  1878 page 320 s'en étonnent :

      On a voulu voir dans Pierre Androuet l'ouvrier auteur de ces beaux vitraux, et dans l'indication de sa demeure la ville de Quimperlé; mais quelqu' importante que serait une indication de cette nature, d'autant plus précieuse qu'elle serait plus rare et plus inusitée, il faut renoncer à cette illusion. L'ouvrier est ici le maître d'œuvre , gouverneur ou fabricien , qui a ordonné et dirigé la pose des vitraux, et qui, suivant un usage assez constant, a perpétué par cette inscription la mémoire de son office. Aucun document certain n'indique d'ailleurs à Quimperlé la présence de peintres-verriers. Quant à expliquer ce nom de lieu, qui ne se rapporte à aucune localité connue, c'est difficile. Peut-être n'y faut-il voir que soit une mauvaise leçon, soit une incorrection d'écriture ou d'orthographe, rendant le mot incompréhensible. [...]

      On retrouve encore, vingt-cinq ans environ plus tard, dans l'église de la Trinité de Langonnet, le même nom d'Androuet. Au bas de l'une des fenêtres du chœur est l'inscription suivante : LE : XXIII : DE : MARS : P : ANDROVET : 157.: Mais il ne faut y voir également qu'un nom, commun dans le pays, désignant un fabricien.

      Ces vitraux de la Trinité de Langonnet, avaient été en partie offerts par un Boutteville. Autrefois vendus, des éléments de ces verres ont été retrouvés dans la chapelle de Kerozer, commune de Saint-Avé, et une série d'anges musiciens ont une grande parenté stylistique avec ceux de Saint -Fiacre. 

       

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      2. Saint Fiacre demande à saint Faron, évêque de Meaux, un espace pour construire  son ermitage :

      moderne, par Marcel Delon 1912.

      Inscription Cõe St fiacre . demanda à St faron . un emplace / ment p~r : bastir un ermitage. 

      Le frère Fèfre (Fefrus, forme ancienne de Fiacre jusqu'au XIe siècle) fut reçu avec bienveillance par Faron, qui lui donna une de ses vastes propriétés appelée Breuil, à deux lieues de Meaux,où le jeune homme créa un monastère (ou un ermitage). Il attira du monde.

      .

       


       

       

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      3. Deux femmes sont semoncées pour avoir voulu troubler la solitude de saint Fiacre.

      Le livre tenu par saint Fiacre porte le monogramme M.D. du restaurateur. Seule la partie supérieure de la scène est ancienne.

      Inscription Cõe . deux . dames s / punies : pour avo / voulu : petruire / l'ermitage.

      Le texte est douteux en raison du mot "petruire". L'Inventaire donnait en 1975  la lecture suivante (avec entre parenthèses les lettres ou mots manquants) : "Co(m)e deux d(ames furent) punies p(avoir) voulu (pénétrer) dans l'ermitage". La partie du texte actuel qui diffère du texte relevé en 1975 correspond à un verre indépendant séparé de son voisin par un plomb, et qui a du être restauré depuis. Or, il est peu probable, par rapport aux éléments de la Légende de saint Fiacre,  que des femmes soient accusées d'avoir détruit l'ermitage. Je propose de lire "Comme deux dames sont punies pour avoir voulu pénétrer dans l'ermitage."

      J'ai déjà dit comment Robert Gagnin avait relaté l'interdiction faite aux femmes de pénétrer dans les sanctuaires de saint Fiacre en raison d'un mystérieux "blasphème du murmure" : femina quae laesit blasphemo murmuro sanctum. Fecit quod sancti non intret femina templum. La femme qui blessa saint Fiacre par le blasphème de murmure fit et causa qu'aucune femme n'entre point dans l' église de ce  saint. Le distique eut un retentissement certain, car il fut cité par les auteurs protestants comme les frères Zwinger.

      Le tort de la femme (la Becnaude") fut de devenir enragée (in rabiem versa) de colère, et en voici la cause et le récit :

       

      "Le nombre des pèlerins et des pauvres qui venaient implorer la charité de saint Fiacre, augmentant de jour en jour, il se trouva dans l'impossibilité de les recevoir tous sans un nouveau secours de saint Faron. Il l'alla trouver pour le prier de lui donner dans la forêt un terrain suffisant pour y semer des légumes, avec lesquels il pût subvenir aux nécessités de ses hôtes. Ce prélat acquiesa à sa demande, et lui accorda auprès de son ermitage autant de terre qu'il pourrait, en creusant lui-même un jour entier, en entourer d'un petit fossé : tout ce qui se trouverait renfermé dans l'étendue de cette circonvallation lui appartiendrait en propre et comme un bien de patrimoine. Dieu permit qu'on lui prescrivit cette condition, afin de faire éclater davantage la sainteté de son serviteur ; car saint Fiacre ne fut pas plus tôt de retour en sa solitude, que, prenant un bâton à la main, après avoir adressé à Dieu une prière pleine de confiance, il traça sur la terre une ligne pour faire le circuit du jardin qu'il désirait. Mais, par un prodige surprenant et presque incroyable, à mesure qu'il avançait, la terre s'ouvrait d'elle même , et les arbres tombaient de coté et d'autre. Pendant cette merveille, une femme, vulgairement appelée la Becnaude, qui, ayant vu la terre s 'ouvrir à la seule présence de l'homme de Dieu, courut propmptement à l'évêque lui dire que cet ermite, qu'il considérait tant, n'était qu'un magicien et un enchanteur, et qu'elle l'avait vu faire des sortilèges inouïs ; puis, retournant sur ses pas à la forêt, elle entreprit le saint, et, après avoir vomi mille injures contre lui, elle eut l'effronderie de lui interdire son travail au nom de l'évêque de Meaux auquel elle l'avait dénoncé, et de lui déclarer avec fierté que lui-même allait venir pour lui faire défense de passer outre. A ces paroles, saint Fiacre s'arrêta et cessa son travail, quoique fort affligé de cette calomnie ; mais, comme il voulut s'asseoir sur une pierre, pour se reposer en attendant la venue du prélat, les prodiges se succédant les uns aux autres, la pierre se creusa d'elle-même, en forme de chaise , présentant une surface concave plus commode au saint. On la voit encore dans l'église qui fut, depuis, bâtie en son honneur, où elle se conserve pour servir de monument et de ce prodige et de la bonté divine qui se manifeste envers ceux qui, travaillés par certaines douleurs, et, s'y asseyant, avec foi, sont guéris de leurs infirmités.

      Cependant saint Faron arriva, et, voyant la vérité de toutes ces merveilles, il fut encore plus persuadé qu 'auparavant du grand mérite et de la sainteté du bienheureux ermite : il l'en aima plus tendrement que jamais et l'honora depuis toute sa vie, d'une singulière familiarité.

      La malice et l'indiscrétion de cette femme furent cause que saint Fiacre défendit l'approche de son monastère à toutes les femmes ; il demanda même à Dieu que toutes celles qui, à l'avenir, auraient la témérité d'y entrer, fussent punies sur le champ de quelque infirmité corporelle : ce qu'il lui accorda et ce qui a été confirmé par plusieurs miracles ; car une dame de qualité, qui n'ajoutait pas foi a ce qu'on disait de cette merveille, voulant faire l'expérience de ce qui arriverait à une femme qui entrerait dans le monastère de notre saint, poussa un jour sa servante dedans ; mais à l'instant même, la dame qui violait ainsi la cloture perdit un œil, en punition de son attentat et de son incrédulité."

      .

      On comprend mieux ce qui est représenté : la "dame" de peu de foi porte la main devant ses yeux, car elle perd la vue. Saint Fiacre la repousse dédaigneusement et se plonge dans son bréviaire. La deuxième femme, moins bien habillée est a priori la servante.

       

       

      .

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

       

      4. Saint Fiacre reçoit et nourrit les pauvres.

      avec signature M. Delon 1910 dans le cartouche explicatif .

      Inscription : Cõe ​Sai~t fiacre re/cevoit et nourrissoit les po(u)vres .

      "Il partageait avec les pauvres le fruit de son travail. Guidé par les vertus du christianisme, la charité et la mortification, il mangeait peu, pour avoir plus à donner aux pélerins. Il fit bâtir, à quelque distance de sa cellule, une espèce d'hôpital pour les loger. On lui amena de toutes parts des énergumènes et des infirmes travaillés de diverses sortes de maladies. Et, par la vertu de ses prières et l'imposition de ses mains, il délivra les uns et rendit aux autres une parfaite santé." (Abbé R..., aumônier des Dames de la Conception, à Carpentras, 1865)

       

       

       

      .

       

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      REGISTRE SUPÉRIEUR.

      Deuxième registre, Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Deuxième registre, Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      5. La Becnaude accusant saint Fiacre devant l'évêque de Meaux.

      Inscription : Cõe la vieille vint p/laindre et accuser saint / fiacre a levesq de Meaux : disãt q.la gaste so(n) bois.

      Dans la Vie de saint Fiacre, cet épisode vient après  la scène relatée dans le panneau suivant, et avant celle de la punition de la femme incrédule. On peut suspecter une erreur de remontage. On se reportera au texte de la légende donné précedemment.

      L'inscription témoigne  d'une version un peu différente, dans laquelle la Becnaude accuse Fiacre "de gâter son bois". 

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      6. Saint Fiacre délimite son jardin avec l'aide d'un ange.

      Inscription : Cõe . sai~t . fiacre traça / le circuit de son jardin / avec . l'aide de Dieu. 

      Dans la Légende initiale de saint Fiacre , ce dernier traçait son jardin avec un bâton, mais dans les versions plus tardives, c'est une bêche qui fut l'outil de cette miraculeuse enceinte. La bêche est ainsi devenue l'attribut du saint, sur d'innombrables statues des église et chapelles bretonnes, où saint Fiacre devenait le patron des jardiniers, à coté de saint Isidore, patron des agriculteurs dont l'attribut est la faucille.

       

       

       

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      7. Saint Fiacre guérissant les aveugles.

      Inscription : Cõe . sai~t .  fiacre / gerissoit . / les aveugles:

      Voir le commentaire plus haut. 

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      8. Entretien de saint Fiacre et de la Becnaude.

      Inscription : Cõe la vieille tãsa sai~t / fiacre po l'amour qu'il / abatoit le / bois s. q. le fit céder de par die/u et il cessa.

       

       

       

       

       

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      .

      Décor d'architecture Renaissance  à cartouches (vides) et masques. Grisaille et jaune d'argent.

       

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

       

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

       

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Vitrail de la vie de saint Fiacre, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      LE TYMPAN

      .

      Tympan à treize ajours et à écoinçons. 

       

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      Trois ajours supérieurs : armoiries modernes . Boutteville en sommité, d'argent à cinq fusées de gueules en fasce , Boutteville et alliance à gauche, armoiries Du Chastel fascé d'or et de gueules  à droite.

      .

       

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      Ajours des rangs inférieurs : 6 anges musiciens, en surplis plissés blancs et or. 

      Joueur de (harpe).

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      Joueur de viole à archet. 3 cordes, 4 ouïes.

       

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      Joueur de flûte traversière.

       

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      Joueur de chalemie.

       

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      Joueur de chalemie.

       

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      Ange offrant une corbeille de fruits.

       

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      Tympan de la baie 6, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët. Photographie lavieb-aile.

      .

      SOURCES ET LIENS.

       Le Faouët et Gourin, inventaire topographique, 1975, Secrétariat d'État à la Culture, Paris, Imprimerie Nationale. page 41 et fig. 118 et 119 page 288.

      — GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2011, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes, 

      — LENA (Laurent), 1989, Le Faouët, la chapelle Saint-Fiacre : son histoire et ses merveilles, Priziac, Presses de Saint-Michel,‎ 1990, 104 p.

      — Abbé R..., aumônier des Dames de la Conception, à Carpentras, 1865 La Vie et les miracles de Saint Fiacre ... d'après les Bollandistes. Paris, Charles Douniol ed.. 

      https://books.google.fr/books?id=WfxfAAAAcAAJ&dq=saint+fiacre&hl=fr&source=gbs_navlinks_s 

       

      Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine vol. 12 1878 page 319-320

      http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077642/f344.image

      Bulletin archéologique de l'Association bretonne, Volume 1, 1849

      — Vie de saint Fiacre, Acta sanctorum 30 août : 

      https://www.heiligenlexikon.de/ActaSanctorum/30.August.html

      — Les vitraux de Dreux, XVIe siècle : la Vie de saint Fiacre, 9 panneaux. 

      http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Dreux/Dreux-eSaintPierre_v10.htm#SFiacre

       

       

      Partager cet article
      Repost0
      Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
      17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 23:51

      C'est une baie de quatre lancettes trilobées et un tympan de 15 ajours,  haut de 3,80 mètres et large de 2,30 mètres, datant de 1550 et restauré en 1912. La verrière est consacré au thème de la Sainte Parenté, c'est à dire à la descendance de sainte Anne et de ses trois maris. Du fait de ce motif généalogique, l'espace est structuré de haut en bas en pyramide tronquée où les maris sont repoussés sur les cotés, les deux lancettes centrales étant resérvé aux saintes femmes et aux fils. Enfin, les personnages sortent des limites des panneaux cadrés par les barlotières. 

       

       

       

      Baie 7, verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Baie 7, verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      I. Vue générale des lancettes.

      Les lancettes sont organisées sur deux niveaux où chaque personnage est identifié grâce à la présence d'un phylactère qui porte son nom en capitales romaines. En haut et au centre, la Vierge tenant l'Enfant et Sainte Anne. A leur gauche, saint Joseph, mari de la Vierge. A leur droite,  les trois maris – successifs– de sainte Anne, Joachim père de la Vierge, mais aussi Cléopas et Salomas. Cliquez ici pour réviser la Sainte Parenté.

      Puisque Anne a eu une fille avec chacun de ses maris, la Vierge a deux sœurs : Marie-Jacobée (fille de Cléophas) et Marie-Salomé (fille de Salomas).

      Ces deux sœurs occupent l'étage inférieur, avec leur mari et leurs enfants. C'est donc l'étage des oncles, tantes et cousins de Jésus. Les deux chambres de gauche sont occupées par les six  Marie-Jacobé. Les deux chambres de gauche sont, on l'a deviné, occupées par les Marie-Salomé (ils sont quatre). 

      En tout, cette belle famille recomposée réunit 17 personnes.

       Je commencerai donc par l'étage supérieur.

      Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      II. L'étage supérieur.

      Au centre, comme dans un groupe d'Anne trinitaire, la Vierge, couronnée,  est assise, tenant sur ses genoux l'Enfant-Jésus, en face de sainte Anne. Deux anges aussi frisés que leur surplis écartent une tenture verte.

      Vierge à l'Enfant, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Vierge à l'Enfant, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      .

      Sainte Anne.

      Vêtue de pourpre, et coiffée de la guimpe, elle tend les bras vers son petit-fils.

      Sainte Anne, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Sainte Anne, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      A gauche, saint Joseph.

      Il tient une canne pour souligner qu'il n'est pas tout jeune ; il a ôté son chapeau. 

      Joseph, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Joseph, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Le groupe de droite. Joachim, Cléophas, Salomas.

       

      Joachim, Cleophas, Salomas, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Joachim, Cleophas, Salomas, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      L'ÉTAGE INFÉRIEUR.

      I. Du coté de Marie Jacobé.

      Marie Jacobé a épousé Alphée. Ils ont eu quatre garçons : Jacques le mineur (qui deviendra apôtre), Joseph Barsabas, Simon le Zélote, et Jude (qui sera apôtre comme son grand frère).

      Tout à gauche, le papa, DALPHEVS est avec son fils aîné Jacques le mineur (qui porte déjà l'auréole).

      .

      Alphée et Jacques le mineur, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Alphée et Jacques le mineur, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Marie Jacobé et ses trois autres enfants. Les trois petits saints.

      Elle porte ici le nom de MARIE CLEOPHAS, mais c'est pareil. Cléophas, c'est le nom de son père, mais ce Cléophas s'appelle aussi Jacob (ou Jacques, c'est pareil). Elle semble un peu débordée, et même franchement excédée, alors qu'elle lisait à ses enfants une histoire avant qu'ils aillent se coucher.  JOSEPH LE IUSTE (c'est son surnom, en vrai il se nomme Joseph Barsabas) trouve que c'est pas juste . Marie Jacobé va-t-elle lui ôter son auréole ? 

      S[aint] SIMON lui fait un pinçon.

      S[aint] IVDE  lève la main (je crois qu'il est gaucher) et regarde sa mère en criant : "une histoire, une histoire". 

      Joseph, Simon, Jude, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Joseph, Simon, Jude, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      .

      Sans commentaire.

       (heureusement, elle n'habite pas, comme sa sœur, à Capharnaüm)

       

      Marie Cléophas, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Marie Cléophas, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Une coupe verticale de l'immeuble : Je plains les locataires du dessus !

      Attention : grâce à lavieb-aile, évitez-vous le ridicule de demander "ça veut dire quoi, ISSO, marqué là ?".

      Lisez  : 1550. Et ajoutez : "L'année de construction du vitrail. Sous le règne de Henri II."

      La classe.

      Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      .

      II. Du coté de Marie Salomé.

      MARIE . SLOME . Elle a épousé Zébédée et s'en félicite. Elle n'a eu que deux enfants mais ils sont sages comme des images. Son grand, c'est Jacques  (quand il sera majeur on le nommera Jacques le majeur), qui est dans sa chambre en train de ranger sa collection de coquille. Pour l'instant, elle n'a que le petit Jean, qui, lui, sera appelé Saint Jean l'Évangéliste quand il sera allé en vacances à Patmos (SAI~N LE .VANGELISTE). En attendant, il fait des tours de prestidigitation en faisant apparaître des dragons dans le vase à fleur. Toute sa vie, il gardera sa frimousse de garçonnet blond, imberbe. Ce sera le préféré de son cousin Jésus.  

      Regardez comme cette Marie a soigné sa coiffure. Elle a choisi une étoffe à rayures, très à la mode pour cet usage, l'a pliée en bandeau et glissée derrière sa nuque. Les deux parties de sa chevelure, d'abord divisées par une raie au milieu, se sont ainsi trouvées rassemblées. Alors — c'est tout le chic— elle a ramené la pointe du bandeau vers l'avant, et l'a fixé au dessus du front (discrètement mais coquettement épilé) par une broche en étoile dorée. 

      .

      Marie Salomé, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Marie Salomé, Verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      .

       

      Marie Salomé et Jean l'Évangéliste, verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Marie Salomé et Jean l'Évangéliste, verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      .

      Zébédée et Jacques le Majeur.

      Marc l'évangéliste mentionne Zébédée en Mc 1:19 : "Etant allé un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui, eux aussi, étaient dans une barque et réparaient les filets. Aussitôt, il les appela; et, laissant leur père Zébédée dans la barque avec les ouvriers, ils le suivirent. "  Zébédée possède donc une ou plusieurs barques, ou même une entreprise de pêche ("des ouvriers !)  sur le lac de Galilée, et quand ils seront plus grands, il compte bien y employer Jacques et Jean. 

      Mais qu'est-ce-qu'il a, Jacques ? Il a taillé un bâton, et il veut à tout prix que papa y attache une courge séchée ! Il répète "bourdon, bourdon", et papa ne comprend rien, car le bourdon de pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, avec ses deux pommeaux et son crochet pour fixer la callebasse , est encore terriblement anachronique. Attends un peu, petit Jacquet !

      Jacques le majeur et son père Zébédée, verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Jacques le majeur et son père Zébédée, verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      .

      LE TYMPAN
       

      En haut, un fleuron à six mouchettes autour d'un ajour central en étoile. Ce dernier contient un écu aux armoiries de Boutteville d'argent à cinq fusées de gueules en fasce. Dans les deux mouchettes qui l'encadrent, un écu parti de Boutteville et de Kerimerc'h (d'hermines au croissant de gueules) , et à droite un écu parti de Boutteville et Du Chastel (fascé d'or et de gueules). Les autres ajours accueillent deux anges chantant et battant des mains (mais non, ils prient, les mains jointes) , et deux anges joueurs de vieille. Latéralement, deux anges buccinateurs (j'adore le placer).

      En dessous, six anges musiciens  : deux groupes symétriques avec inversion des cartons

      • viele à archet ou plutôt viole de gambe
      • viole de gambe
      • flûte traversière.

       

       

       

      Tympan, verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Tympan, verrière de la Sainte Parenté, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photo lavieb-aile.

      Partager cet article
      Repost0
      Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
      17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 23:50

      Il s'agit d'une baie située au nord du transept, fenêtre nord,  à trois lancettes et tympan de sept ajours, réalisée au milieu du XVIe siècle et consacrée à la Vie de saint Jean-Baptiste. La verrière a été restaurée en 1912 par le peintre-verrier parisien Marcel Delon, comme indiqué par l'inscription RESTAURÉ EN 1912 PAR M. DELON.  

      Hauteur 4 mètres, largeur 2,01 mètres.

      Les lancettes sont divisées en une base en grisaille puis en trois registres, créant neuf panneaux .ou scènes. Le fond est bleu ciel, les vêtements jaune ou rouge, plus rarement bleu soutenu. Le vert est de façon générale reservé à l'arrière fond (tenture ou verdure).

      .

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

      I. REGISTRE INFÉRIEUR.

      1. Naissance du saint.

      Rappel préalable. Selon les évangiles (Luc, 1), Jean-Baptiste est le cousin du Christ. Il est né six mois avant lui; Sa mère Elisabeth, "d'entre les filles d'Aaron",  est la cousine de Marie, et sa grossesse tardive et inespérée est une grâce de Dieu. Son père Zacharie est un prêtre juif "sacrificateur, de la classe d'Abia".

      Cette scène est considérée comme la "naissance du saint" par Françoise Gatouillat et Michel Hérold. Mais celui-ci est absent, et on ne voit qu'une femme alitée ( a priori Elisabeth) à laquelle une autre femme (soit sa cousine Marie, soit une servante ou une sage-femme) propose un plat. On voit dans ce plat du raisin et des fruits ressemblant à des pommes ou des oranges, alors que c'est un "brouet" (un potage) qui est servi à la femme après l'accouchement. 

      Les deux femmes ont les cheveux couverts par un voile bien particulier (et qui m'intrigue à chaque fois que je le rencontre) car il laisse la grande partie de la tête non couverte, qu'il rassemble les cheveux à l'arrière de la nuque en passant devant cette dernière, et autorise les boucles blandes à retomber sur les épaules et le dos. 

      .

       Élisabeth après la naissance de Jean-Baptiste, détail de la Naissance de saint Jean-Baptiste du maître de Villalcazar de Sirga, musée diocésain de Saragosse.

       

      5 Du temps d'Hérode, roi de Judée, il y avait un sacrificateur, nommé Zacharie, de la classe d'Abia; sa femme était d'entre les filles d'Aaron, et s'appelait Élisabeth. Tous deux étaient justes devant Dieu, observant d'une manière irréprochable tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur.  Ils n'avaient point d'enfants, parce qu'Élisabeth était stérile; et ils étaient l'un et l'autre avancés en âge. Or, pendant qu'il s'acquittait de ses fonctions devant Dieu, selon le tour de sa classe, il fut appelé par le sort, d'après la règle du sacerdoce, à entrer dans le temple du Seigneur pour offrir le parfum. Toute la multitude du peuple était dehors en prière, à l'heure du parfum. Alors un ange du Seigneur apparut à Zacharie, et se tint debout à droite de l'autel des parfums. Zacharie fut troublé en le voyant, et la frayeur s'empara de lui. Mais l'ange lui dit: Ne crains point, Zacharie; car ta prière a été exaucée. Ta femme Élisabeth t'enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean. Il sera pour toi un sujet de joie et d'allégresse, et plusieurs se réjouiront de sa naissance. Car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira ni vin, ni liqueur enivrante, et il sera rempli de l'Esprit Saint dès le sein de sa mère; il ramènera plusieurs des fils d'Israël au Seigneur, leur Dieu; il marchera devant Dieu avec l'esprit et la puissance d'Élie, pour ramener les coeurs des pères vers les enfants, et les rebelles à la sagesse des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple bien disposé. Zacharie dit à l'ange: A quoi reconnaîtrai-je cela? Car je suis vieux, et ma femme est avancée en âge.  L'ange lui répondit: Je suis Gabriel, je me tiens devant Dieu; j'ai été envoyé pour te parler, et pour t'annoncer cette bonne nouvelle. Et voici, tu seras muet, et tu ne pourras parler jusqu'au jour où ces choses arriveront, parce que tu n'as pas cru à mes paroles, qui s'accompliront en leur temps. Cependant, le peuple attendait Zacharie, s'étonnant de ce qu'il restait si longtemps dans le temple. Quand il sortit, il ne put leur parler, et ils comprirent qu'il avait eu une vision dans le temple; il leur faisait des signes, et il resta muet. Lorsque ses jours de service furent écoulés, il s'en alla chez lui. Quelque temps après, Élisabeth, sa femme, devint enceinte. Elle se cacha pendant cinq mois, disant: C'est la grâce que le Seigneur m'a faite, quand il a jeté les yeux sur moi pour ôter mon opprobre parmi les hommes. Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie. L'ange entra chez elle, et dit: Je te salue, toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi. Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.  L'ange lui dit: Ne crains point, Marie; car tu as trouvé grâce devant Dieu. Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n'aura point de fin. Marie dit à l'ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d'homme?  L'ange lui répondit: Le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. Voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois. Car rien n'est impossible à Dieu. Marie dit: Je suis la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta parole! Et l'ange la quitta.Dans ce même temps, Marie se leva, et s'en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Élisabeth. Dès qu'Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint Esprit. Elle s'écria d'une voix forte: Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni. Comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi? Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein. Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement.

      [...]

      56 Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois. Puis elle retourna chez elle. Le temps où Élisabeth devait accoucher arriva, et elle enfanta un fils.

      .

      5 Du temps d'Hérode, roi de Judée, il y avait un sacrificateur, nommé Zacharie, de la classe d'Abia; sa femme était d'entre les filles d'Aaron, et s'appelait Élisabeth.

      6 Tous deux étaient justes devant Dieu, observant d'une manière irréprochable tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur.

      7 Ils n'avaient point d'enfants, parce qu'Élisabeth était stérile; et ils étaient l'un et l'autre avancés en âge.

      8 Or, pendant qu'il s'acquittait de ses fonctions devant Dieu, selon le tour de sa classe, il fut appelé par le sort,

      9 d'après la règle du sacerdoce, à entrer dans le temple du Seigneur pour offrir le parfum.

      10 Toute la multitude du peuple était dehors en prière, à l'heure du parfum.

      11 Alors un ange du Seigneur apparut à Zacharie, et se tint debout à droite de l'autel des parfums.

      12 Zacharie fut troublé en le voyant, et la frayeur s'empara de lui.

      13 Mais l'ange lui dit: Ne crains point, Zacharie; car ta prière a été exaucée. Ta femme Élisabeth t'enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean.

      14 Il sera pour toi un sujet de joie et d'allégresse, et plusieurs se réjouiront de sa naissance.

      15 Car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira ni vin, ni liqueur enivrante, et il sera rempli de l'Esprit Saint dès le sein de sa mère;

      16 il ramènera plusieurs des fils d'Israël au Seigneur, leur Dieu;

      17 il marchera devant Dieu avec l'esprit et la puissance d'Élie, pour ramener les coeurs des pères vers les enfants, et les rebelles à la sagesse des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple bien disposé.

      18 Zacharie dit à l'ange: A quoi reconnaîtrai-je cela? Car je suis vieux, et ma femme est avancée en âge.

      19 L'ange lui répondit: Je suis Gabriel, je me tiens devant Dieu; j'ai été envoyé pour te parler, et pour t'annoncer cette bonne nouvelle.

      20 Et voici, tu seras muet, et tu ne pourras parler jusqu'au jour où ces choses arriveront, parce que tu n'as pas cru à mes paroles, qui s'accompliront en leur temps.

      21 Cependant, le peuple attendait Zacharie, s'étonnant de ce qu'il restait si longtemps dans le temple.

      22 Quand il sortit, il ne put leur parler, et ils comprirent qu'il avait eu une vision dans le temple; il leur faisait des signes, et il resta muet.

      23 Lorsque ses jours de service furent écoulés, il s'en alla chez lui.

      24 Quelque temps après, Élisabeth, sa femme, devint enceinte. Elle se cacha pendant cinq mois, disant:

      25 C'est la grâce que le Seigneur m'a faite, quand il a jeté les yeux sur moi pour ôter mon opprobre parmi les hommes.

      26 Au sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth,

      27 auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph. Le nom de la vierge était Marie.

      28 L'ange entra chez elle, et dit: Je te salue, toi à qui une grâce a été faite; le Seigneur est avec toi.

      29 Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation.

      30 L'ange lui dit: Ne crains point, Marie; car tu as trouvé grâce devant Dieu.

      31 Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus.

      32 Il sera grand et sera appelé Fils du Très Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père.

      33 Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n'aura point de fin.

      34 Marie dit à l'ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d'homme?

      35 L'ange lui répondit: Le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu.

      36 Voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois.

      37 Car rien n'est impossible à Dieu.

      38 Marie dit: Je suis la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta parole! Et l'ange la quitta.

      39 Dans ce même temps, Marie se leva, et s'en alla en hâte vers les montagnes, dans une ville de Juda.

      40 Elle entra dans la maison de Zacharie, et salua Élisabeth.

      41 Dès qu'Élisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint Esprit.

      42 Elle s'écria d'une voix forte: Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni.

      43 Comment m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi?

      44 Car voici, aussitôt que la voix de ta salutation a frappé mon oreille, l'enfant a tressailli d'allégresse dans mon sein.

      45 Heureuse celle qui a cru, parce que les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement.

      46 Et Marie dit: Mon âme exalte le Seigneur,

      47 Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur,

      48 Parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Car voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse,

      49 Parce que le Tout Puissant a fait pour moi de grandes choses. Son nom est saint,

      50 Et sa miséricorde s'étend d'âge en âge Sur ceux qui le craignent.

      51 Il a déployé la force de son bras; Il a dispersé ceux qui avaient dans le coeur des pensées orgueilleuses.

      52 Il a renversé les puissants de leurs trônes, Et il a élevé les humbles.

      53 Il a rassasié de biens les affamés, Et il a renvoyé les riches à vide.

      54 Il a secouru Israël, son serviteur, Et il s'est souvenu de sa miséricorde, -

      55 Comme il l'avait dit à nos pères, -Envers Abraham et sa postérité pour toujours.

      56 Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois. Puis elle retourna chez elle.

      57 Le temps où Élisabeth devait accoucher arriva, et elle enfanta un fils.

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

      2. Le premier bain.

      Cette scène est intéressante à plus d'un titre. D'une part, comme la précédente, elle crée un lien avec les autres saintes Nativités,  celle du Christ, et surtout celle de la Vierge. D'autre part, elle montre un rite de purification. Par ailleurs, elle préfigure le baptème par l'eau. Ces associations sont bien conscientes dans l'esprit de l'artiste, puisqu'il a figuré un agneau qui tente de monter dans le bassin. Cet agneau, animal qui sert d'attribut d'identification à Jean-Baptiste, fait allusion au Christ qui le suit.

      Selon la légende dorée, la Vierge serait restée auprès d'Elisabeth : " La Sainte Vierge demeura donc avec sa cousine pendant trois mois, elle la servait : ce fut elle qui de ses saintes mains reçut l’enfant venant au monde, d'après le témoignage de l’Histoire scholastique *, et qui remplit avec les plus grands soins l’office de garder l’enfant." On peut donc imaginer qu'elle est représentée ici.

       

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

      3. Circoncision.

      La circoncision de Jean, rituelle pour tout enfant juif, n'aurait pas à être illustrée, mais c'est à son occasion que Jean reçoit son nom dans l'évangile de Luc, que son père Zacharie est guéri de sa mutité, et qu'il prophétise un grand avenir à son fils :

       

      Luc, 1:58-79 Ses voisins et ses parents apprirent que le Seigneur avait fait éclater envers elle sa miséricorde, et ils se réjouirent avec elle. Le huitième jour, ils vinrent pour circoncire l'enfant, et ils l'appelaient Zacharie, du nom de son père. Mais sa mère prit la parole, et dit: Non, il sera appelé Jean. Ils lui dirent: Il n'y a dans ta parenté personne qui soit appelé de ce nom. Et ils firent des signes à son père pour savoir comment il voulait qu'on l'appelle. Zacharie demanda des tablettes, et il écrivit: Jean est son nom. Et tous furent dans l'étonnement. Au même instant, sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia, et il parlait, bénissant Dieu. La crainte s'empara de tous les habitants d'alentour, et, dans toutes les montagnes de la Judée, on s'entretenait de toutes ces choses. Tous ceux qui les apprirent les gardèrent dans leur coeur, en disant: Que sera donc cet enfant? Et la main du Seigneur était avec lui. Zacharie, son père, fut rempli du Saint Esprit, et il prophétisa, en ces mots:

      Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, De ce qu'il a visité et racheté son peuple,

       Et nous a suscité un puissant Sauveur Dans la maison de David, son serviteur,

       Comme il l'avait annoncé par la bouche de ses saints prophètes des temps anciens, -

       Un Sauveur qui nous délivre de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent!

       C'est ainsi qu'il manifeste sa miséricorde envers nos pères, Et se souvient de sa sainte alliance,

      Selon le serment par lequel il avait juré à Abraham, notre père,

       De nous permettre, après que nous serions délivrés de la main de nos ennemis, De le servir sans crainte,

      En marchant devant lui dans la sainteté et dans la justice tous les jours de notre vie.

       Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très Haut; Car tu marcheras devant la face du Seigneur, pour préparer ses voies,

       Afin de donner à son peuple la connaissance du salut Par le pardon de ses péchés,

      Grâce aux entrailles de la miséricorde de notre Dieu, En vertu de laquelle le soleil levant nous a visités d'en haut,

      Pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, Pour diriger nos pas dans le chemin de la paix.

       

      La tête de Jean-Baptiste enfant est moderne.

       

       

       

       

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Deuxième registre. 

      1. La Prédication

      Elle s'étend sur deux lancettes.

      Remarquée l'inscription de restauration  MD 1912.

       

      La scène s'interprète selon le texte de l'évangile de Luc :  

      -la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Et il alla dans tout le pays des environs de Jourdain, prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés,  selon ce qui est écrit dans le livre des paroles d'Ésaïe, le prophète: 

      C'est la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers.  Toute vallée sera comblée, Toute montagne et toute colline seront abaissées; Ce qui est tortueux sera redressé, Et les chemins raboteux seront aplanis. Et toute chair verra le salut de Dieu.

      Ancre Il disait donc à ceux qui venaient en foule pour être baptisés par lui: 

      Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir?  Produisez donc des fruits dignes de la repentance, et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes: Nous avons Abraham pour père! Car je vous déclare que de ces pierres Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà même la cognée est mise à la racine des arbres: tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.

       La foule l'interrogeait, disant: Que devons-nous donc faire? Il leur répondit: 

      — Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a point, et que celui qui a de quoi manger agisse de même.

       Il vint aussi des publicains pour être baptisés, et ils lui dirent: Maître, que devons-nous faire?  Il leur répondit: 

      N'exigez rien au delà de ce qui vous a été ordonné.

       Des soldats aussi lui demandèrent: Et nous, que devons-nous faire? Il leur répondit:

      Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde.

       Comme le peuple était dans l'attente, et que tous se demandaient en eux-même si Jean n'était pas le Christ, il leur dit à tous: 

      Moi, je vous baptise d'eau; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers. Lui, il vous baptisera du Saint Esprit et de feu. Il a son van à la main; il nettoiera son aire, et il amassera le blé dans son grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint point.

      C'est ainsi que Jean annonçait la bonne nouvelle au peuple, en lui adressant encore beaucoup d'autres exhortations. Mais Hérode le tétrarque, étant repris par Jean au sujet d'Hérodias, femme de son frère, et pour toutes les mauvaises actions qu'il avait commises, ajouta encore à toutes les autres celle d'enfermer Jean dans la prison."

       


      Dans ce panneau, Jean-Baptiste, appuyé à une barrière, lève l'index vers le ciel, dans un geste qui lui est presque un attribut tant il a été peint par Léonard de Vinci et de nombreux autres peintres. La foule de ses disciples (dont un roi) est assise et l'écoute . Mais sur l'autre lancette, des auditeurs debouts, à moitiè cachés derrière un poteau, sont contrariés de s'entendre traités de "race de vipères" et s'offusquent de ses propos.  

       


       

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Baie n°3, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       


       

       


       


       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

      un prophète dont Dieu lui-même prophétise ? Tous les prophètes avaient. prophétisé de J.-C. au lieu que Jean ne prophétisa pas seulement de J.-C., mais les autres prophètes prophétisèrent de lui : tous ont été les porteurs de la parole, mais lui, c'est la voix elle-même. Autant la voix approche de la parole, sans cependant être la parole, autant Jean approche de J.-C. sans cependant être J.-C. » D'après saint Ambroise, la gloire de saint Jean se tire de cinq causes, savoir de ses parents, de ses mœurs, de ses miracles, des dons qu'il a reçus et de sa prédication. D'après le même Père, la gloire qu'il reçoit de ses parents est manifeste par cinq caractères : Voici ce que dit saint Ambroise : «L'éloge est parfait, quand il comprend; comme dans saint Jean, une naissance distinguée, une conduite intègre, un ministère sacerdotal, l’obéissance à la loi, et la preuve d'oeuvres pleines de justice. » 2° Les miracles : Il y en eut avant sa conception, comme l’annonciation de l’ange, la désignation de son nom, et la perte de la parole dans son père il y en eut dans sa conception, celle-ci fut surnaturelle ; sa sanctification dès le sein de sa mère, et le don de prophétie dont il fut rempli. Il y en eut dès sa naissance, savoir : le don de prophétie accordé à son père et à sa ère, puisque sa mère sut son nom, et que le père prononça un cantique : la langue du père déliée ; le Saint-Esprit qui le remplit. Sur ces paroles de l’Evangile : « Zacharie son père fut rempli du Saint-Esprit », saint Ambroise s'exprime ainsi : « Regardez Jean: Quelle puissance dans son nom ! Ce nom rend la parole à un muet, le dévouement à un (156) père; au peuple un prêtre. Tout à l’heure, cette langue était muette, ce père était stérile, ce prêtre était sans fonctions ; mais aussitôt que Jean est né, à l’instant, le père est prophète, ce pontife recouvre l’usage de la parole, son affection peut s'épancher sur son fils, le prêtre est reconnu par les fonctions qu'il remplit. » 3° Les mœurs. Sa vie fut d'une sainteté éminente. Voici comme en parle saint Chrysostome : « A côté de la vie de saint Jean, toutes les autres paraissent coupables: car de même que quand vous voyez un vêtement blanc, vous dites : ce vêtement est assez blanc, mais si vous le mettez à côté de la neige, il commence à vous paraître pâle, quoique vraiment il n'en soit pas ainsi, de même à comparaison de saint Jean, quelque homme que ce fût paraissait immonde. »

      Il reçut trois témoignages de sa sainteté. Le premier fut rendu par ceux qui sont au-dessus du ciel, c'est-à-dire par la Trinité . elle-même: 1° Par le Père qui l’appelle Ange. Malachie dit (III) : « Voilà que j'envoie mon ange qui préparera ma voie devant ma face. » Ange est, un nom qui désigne le ministère, mais qui n'explique pas la nature de l’ange. Or, si saint Jean est appelé ange, c'est pour marquer le ministère qu'il a rempli, parce qu'il paraît avoir exercé le ministère de tous les anges. Il remplit celui des Séraphins : car séraphin veut dire ardent, parce qu'ils nous rendent ardents et qu'ils brûlent plus que d'autres d'amour pour Dieu'; c'est pourquoi il est dit de Jean : « Elle s'est élevé :comme un feu, et ses paroles brûlaient comme un flambeau ardent » (Ecclés., XLVIII), « car il est venu avec l’esprit et la vertu d'Elie. » 2° Il remplit le (157) ministère des Chérubins, car chérubins veut dire plénitude de science: or, Jean est appelé Lucifer ou étoile du matin, parce qu'il fut le terme de la nuit de l’ignorance, et le commencement de la lumière de la grâce. 3° Il remplit le ministère des Thrônes qui ont pour mission de juger, et il est dit de Jean qu'il reprenait Hérode en disant : « Il ne vous est pas permis d'avoir pour femme celle de votre frère. » 4° Il remplit le ministère des Dominations qui nous enseignent à gouverner ceux qui nous sont sujets ; or, Jean était aimé de ses inférieurs, et les rois le craignaient. 5° Il remplit l’office des Principautés qui nous apprennent à respecter nos supérieurs et Jean disait eu parlant de lui-même : « Celui qui tire son origine de la terre est de la terre, et ses paroles tiennent de la terre » ; et en parlant de J.-C., il ajoute : « celui qui est venu du ciel est au-dessus de tous. » Il dit encore : « Je ne suis pas digne de délier les cordons de sa chaussure. » 6° Il remplit l’office des Puissances qui sont chargées d'éloigner les puissances de l’air et du vice, lesquelles ne purent jamais nuire à sa sainteté. Il les repoussait aussi loin de nous, lorsqu'il nous disposait au baptême de la pénitence. 7° Il remplit l’office des Vertus par lesquelles s'opèrent les miracles : or, saint Jean montra en sa personne de grandes merveilles, comme manger du miel sauvage et des sauterelles, se couvrir de peau de chameau, et autres semblables. 8° Il remplit l’office des Archanges, en révélant des mystères auxquels on ne savait atteindre, comme, par exemple, ce qui regarde notre rédemption lorsqu'il disait : « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui ôte les péchés (158) du monde. » 9° Il remplit l’office des Anges : quand il annonçait des choses moins relevées, comme celles qui ont trait aux moeurs ; par exemple : « Faites pénitence » ; ou bien: « N'usez point de violence ni de fraude envers personne (Luc, III). » Le second témoignage lui fut rendu par le Fils, comme on lit dans saint Mathieu (II), où J.-C. le recommande souvent d'une manière étonnante, comme quand il dit entre autres choses: « Parmi les enfants des hommes, il n'y en a pas de plus grand que Jean-Baptiste. » « Ces paroles, dit saint Pierre Damien, renferment l’éloge de saint Jean; proférées qu'elles sont par celui qui a posé les fondements de la terre, qui fait mouvoir les astres et qui a créé tous les éléments. » Le troisième témoignage lui fut rendu par le Saint-Esprit, lorsqu'il dit par la bouche de son père Zacharie : « Et toi, enfant, tu seras appelé le prophète du Très Haut. » — Le second témoignage de sainteté lui fut rendis par les anges et les esprits célestes. Au premier chapitre de saint Luc, l’ange témoigne pour lui une grande considération quand il montre : 1° sa dignité par rapport à Dieu : « Il sera, dit-il, grand devant le Seigneur. » 2° Sa sainteté propre, lorsqu'il ajoute : « Il ne boira pas de vin ni de liqueur enivrante, et il sera rempli de l’Esprit-Saint. dès le ventre de sa mère. » 3° Les grands services qu'il rendra au prochain : « Et il convertira beaucoup des enfants d'Israël. » Le troisième témoignage de sainteté lui fut rendu par ceux qui sont au-dessous du ciel, c'est-à-dire, les hommes, témoin son père, ses voisins, et ceux qui disaient : « Que pensez-vous que sera cet enfant? »

      159

       

      Quatrièmement, la glose de saint Jean se tire des dons qu'il a reçus dans le sein de sa mère, à sa naissance, dans sa vie et à sa mort. Dans le sein de sa mère, il fut avantagé de trois dons admirables de la grâce : 1° De la grâce par laquelle il fut sanctifié dès ce moment ; puisqu'il fut saint avant que d'être né, selon ces paroles de Jérémie (I) : « Je vous ai connu avant que je vous eusse formé dans les entrailles de votre mère. » 2° De la grâce d'être prophète, quand, par son tressaillement dans le sein d'Elisabeth, il connut que Dieu était devant lui. C'est pour cela que saint Chrysostome, qui veut montrer que Jean-Baptiste a été plus que prophète, dit : « Un prophète mérite par la sainteté de sa vie et de sa foi de recevoir une prophétie; riais est-ce que c'est l’ordinaire d'être prophète avant d'être homme ? » C'était une coutume d'oindre les prophètes; et ce fut quand la Sainte Vierge salua Élisabeth que J.-C. sacra en qualité de prophète Jean dans les entrailles de sa mère, selon ces paroles de saint Chrysostome : « J.-C. fit saluer Elisabeth par Marie afin que sa parole sortie du sein de sa mère, séjour du Seigneur, et reçue par l’ouïe d'Elisabeth, descendit à Jean qui ainsi serait sacré prophète. » 3° Il fut avantagé de la grâce par laquelle il mérita pour sa mère de recevoir l’esprit de prophétie. Et saint Chrysostome, qui voulait montrer que saint Jean fut plus qu'un prophète, dit : « Quel est celui des prophètes, qui tout prophète qu'il fût, ait pu faire un prophète ? » Hélie sacra bien Elisée comme prophète, mais il ne lui conféra pas la grâce de prophétiser. Jean cependant n'étant encore que dans le sein de sa mère (160) donna à sa mère la science de pénétrer dans les secrets de Dieu ; il lui ouvrit la bouche et elle confessa reconnaître la dignité de celui dont elle ne voyait pas la personne, quand elle dit : « D'où me vient ce bonheur que la mère de mon Seigneur me vienne visiter? » Il reçut trois sortes de grâces, au moment de sa naissance : elle fut miraculeuse, sainte et accompagnée de joie. En tant que miraculeuse, le défaut d'impuissance est levé; en tant que sainte, disparaît la peine de la coulpe; en tant que accompagnée de joie, elle fut exempte des pleurs de la misère. Selon Me Guillaume d'Auxerre, trois motifs font célébrer la naissance de saint Jean : 1° sa sanctification dans le sein de sa mère; 2° la dignité de son ministère, puisque ce fut comme une étoile du matin qui nous annonça la première les joies éternelles; 3° la joie qui l’accompagna : car l’ange avait dit : « Il y en aura beaucoup qui se réjouiront lors de sa naissance. » C'est donc pour cela qu'il est juste que nous nous réjouissions pareillement en ce jour. Dans le cours de sa vie, il reçut de même grand nombre de faveurs et la preuve qu'elles furent des plus grandes et de différentes sortes, c'est qu'il réunit toutes les perfections. En effet il fut prophète quand il dit : « Celui qui doit venir après moi est plus grand que moi. » Il fut plus que prophète quand il montra le Christ du doigt; il fut apôtre, car il fut envoyé de Dieu; apôtre et prophète c'est tout un. Aussi il est dit de lui : « Il y eut un homme envoyé de Dieu qui se nommait Jean. » Il fut martyr, parce qu'il souffrit la mort pour la justice; il fut confesseur, parce qu'il confessa et ne nia pas ; (161) il fut vierge, et c'est en raison de sa virginité qu'il est appelé ange dans Malachie (II) : « Voici que j'envoie mon ange. » En sortant du monde il reçut trois faveurs : d'abord il fut un martyr invaincu. Il acquit alors la palme du martyre ; il fut envoyé comme un messager précieux, car il apporta à ceux qui étaient dans les limbes une nouvelle précieuse, la venue de J.-C. et leur rédemption ; sa fin glorieuse est honorée par tous ceux qui étaient descendus dans les limbes et c'est l’objet spécial d'une glorieuse solennité dans l’Église.

      Cinquièmement, la gloire de saint Jean se tire de sa prédication. L'ange en expose quatre motifs quand il dit : « Il convertira plusieurs des enfants d'Israël au, Seigneur leur Dieu ; et il marchera devant lui dans l’esprit et la vertu d'Elie, pour réunir les cours des pères avec leurs enfants, pour rappeler les incrédules à la prudence des justes, et pour préparer au Seigneur un peuple parfait. » Il touche quatre points, savoir le fruit, l’ordre, la vertu et la fin, d'après le texte lui-même. La prédication de saint Jean fut triplement recommandable. Elle fut en effet fervente, efficace et prudente. C'est la ferveur qui lui faisait dire : « Race de vipères, qui vous a avertis de fuir la colère à venir ? Faites donc de dignes fruits de pénitence. (Luc, III.) Or, cette ferveur était enflammée parla charité, parce qu'il était une lumière ardente; et c'est lui qui dit en la personne d'Isaïe (XLIX) : « Il a rendu ma bouche comme une épée perçante. » Cette ferveur tirait son origine de la vérité, car il était une lampe ardente. C'est à ce propos qu'Il est dit dans saint Jean (162) (V) : « Vous avez envoyé à Jean; et il a rendu témoignage à la vérité. » Cette ferveur était dirigée par le discernement ou la science : voilà pourquoi en parlant à la foule, aux publicains et aux soldats, il enseignait la loi, selon l’état de chacun. Cette ferveur était ferme et constante, puisque sa prédication le mena à perdre la vie. Telles sont les quatre qualités du zèle, d'après saint Bernard : « Que votre zèle, dit-il, soit enflammé par la charité, formé par la vérité, régi par la science et affermi par la constance. » 2° Il prêcha avec efficace, puisque beaucoup se convertirent à ses prédications. Il prêcha  en parole et ne varia jamais dans son enseignement. Il prêcha par l’exemple, car sa vie fut sainte ; il prêcha et convertit par ses mérites et ses prières ferventes. 3° Il prêcha avec prudence ; et la prudence de sa prédication consista en trois points : 1° en ce qu'il usa de menaces afin d'effrayer les méchants; c'est alors qu'il disait : « Déjà la cognée est à la racine de l’arbre » ; 2° en usant de promesses, pour gagner les bons, quand il dit: «Faites pénitence : car le royaume des cieux approche » ; 3° en usant de tempéraments pour attirer peu à peu les faibles à la perfection. Aussi à la foule et aux soldats, il imposait de légères. obligations afin qu'ensuite il les amenât à s'en imposer de plus sérieuses ; à la foule, il conseillait les oeuvres de miséricorde ; aux publicains, il recommandait de ne pas désirer le bien d'autrui ; aux soldats de n'user de violence envers personne, de ne pas calomnier et de se contenter de leur paie.

      Saint Jean l’Evangéliste mourut à pareil jour; mais (163) l’Eglise célèbre sa fête; trois jours après la naissance de J.-C. parce . qu'alors eut lieu la dédicace de son église; et la solennité de la naissance de saint Jean-Baptiste conserva sa place par la raison qu'elle fut déclarée un jour de joie par l’ange. Il ne faut pourtant pas prétendre que l’Evangéliste ait fait place au Baptiste, comme l’inférieur au supérieur; car il ne convient pas de discuter quel est le plus grand des deux : et ceci fut divinement prouvé par un exemple. On lit qu'il y avait deux docteurs en théologie dont l’un préférait saint Jean-Baptiste et l’autre saint Jean l’évangéliste. Ou fixa donc un jour pour une discussion solennelle. Chacun. n'avait d'autre soin que de trouver des autorités et des raisons puissantes en faveur du saint qu'il jugeait supérieur. Or, le jour de la dispute étant proche, chacun des saints apparut à son champion et lui dit : « Nous sommes bien d'accord dans le ciel, ne dispute pas à notre sujet sur la terre. » Alors ils se communiquèrent chacun sa vision, en firent part à tout le peuple et bénirent Dieu. — Paul, qui a écrit l’Histoire des Lombards, diacre de l’Eglise de Rome et moine du mont Cassin, devait une fois faire la consécration du cierge, mais il fut pris d'un enrouement qui l’empêcha de chanter ; afin de recouvrer sa voix qui était fort belle, il composa en l’honneur de saint Jean-Baptiste l'hymne Ut queant laxis resonare fibris mira gestorum famuli tuorum, au commencement de laquelle il demande que sa voix lui soit rendue comme elle l’avait été à Zacharie. En ce jour quelques personnes ramassent de tous côtés les os d'animaux morts pour les brûler : il y en a deux raisons, (164) rapportées par Jean Beleth * : la première vient d'une ancienne pratique : il y a certains animaux appelés dragons, qui volent dans l’air, nagent dans les eaux et courent sur la terre. Quelquefois quand ils sont dans les airs, ils incitent à la luxure en jetant du sperme dans les puits et les rivières; il y avait alors dans l’année grande mortalité. Afin de se préserver, on inventa un remède qui fut de faire des os des animaux un feu dont la fumée mettait ces monstres en fuite; et parce que c'était, dans le temps, une coutume générale, elle s'observe encore en certains lieux. La seconde raison est pour rappeler que les os de saint Jean furent brûlés à Sébaste par les infidèles. On porte aussi des torches brûlantes, parce que saint Jean fut une torche brûlante et ardente ; on fait aussi tourner une roue parce que le soleil à cette époque commence à prendre son déclin, pour rappeler le témoignage que Jean rendit à J.-C. quand il dit : « Il faut qu'il croisse, et moi que je diminue.» Cette parole est encore vérifiée, selon saint Augustin, à leur nativité et à leur mort : car à la nativité de saint Jean-Baptiste les jours commencent à décroître, et à la Nativité de J.-C. ils commencent à croître, d'après ce vers : Solstitium decimo Christum praeit atque Joannem **. Il en fut ainsi à leur mort. Le corps de J.-C. fut élevé sur la croix et celui de saint Jean fut privé de son chef.

      Paul rapporte dans l’Histoire des Lombards que Rocharith

       

      * Cap. CXXXVII.

      ** Dix jours avant le solstice, arrivent la Nativité du Sauveur et celle de saint Jean.

       

      165

       

      roi des Lombards, fut enseveli avec beaucoup d'ornements précieux auprès d'une église de saint Jean-Baptiste. Or, quelqu'un, poussé par la cupidité, ouvrit de nuit le tombeau et emporta tout. Saint Jean apparut au voleur et lui dit : «Quelle a été ton audace de toucher à un dépôt qui  m’était confié? tu ne pourras plus désormais entrer dans mon église. » Et il en fut ainsi; car chaque fois que le larron voulait entrer en cette église, il était frappé à la gorge comme par un vigoureux athlète et il était jeté aussitôt à la renverse *.

       

       

       

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

      Baptème du Christ.

      remarquez :

      La colombe, signe de la participation de Dieu le Père

      L'ange qui tient la tunique

      Les nimbes en éllipse pleine (comme depuis Massacio, début XVe)

      La peau de bête (jaune) sous le manteau rouge.

      Le texte de l'évangile de Luc est celui-ci :

       Tout le peuple se faisant baptiser, Jésus fut aussi baptisé; et, pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit,  et le Saint Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix fit entendre du ciel ces paroles: Tu es mon Fils bien-aimé; en toi j'ai mis toute mon affection.

      .

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

      TROISIÈME REGISTRE.

       

      1. Décollation.

       

       

      Remarquez le parallélisme entre le geste de Jean-Baptiste baptisant le Christ et celui du bourreau levant son épée. S'il n'est pas fortuit, il peut suggérer que Jean reçoit ici le baptème par le sang.

      Rappel : Marc 6:14-

      Le roi Hérode [Hérode Antipas, tétrarque de Galilée et de Pérée ] entendit parler de Jésus, car sa réputation se répandait partout. On disait de Jésus:

      ---C'est Jean-Baptiste qui est ressuscité d'entre les morts! C'est pour cela qu'il détient le pouvoir de faire des miracles.

      D'autres disaient:
      ---C'est Elie.
      D'autres encore:
      ---C'est un prophète comme il y en avait autrefois.

      De son côté, Hérode, qui entendait tout cela, se disait:
      ---C'est celui que j'ai fait décapiter, c'est Jean, et il est ressuscité!

       En effet, Hérode lui-même avait fait arrêter Jean, l'avait fait enchaîner et jeter en prison, à cause d'Hérodiade, la femme de Philippe, son demi-frère, qu'il avait épousée. Car Jean disait à Hérode:

      ---Tu n'as pas le droit de prendre la femme de ton frère!

       Hérodiade, furieuse contre lui, cherchait à le faire mourir, mais elle n'y parvenait pas, car Hérode craignait Jean. Il savait que c'était un homme juste et saint. Il le protégeait donc. Quand il l'entendait parler, il en restait fort perplexe. Et pourtant, il aimait l'entendre. Un jour cependant, Hérodiade trouva une occasion favorable, lors de l'anniversaire d'Hérode. Celui-ci organisa ce jour-là une grande fête à laquelle il invita les hauts dignitaires de sa cour, les officiers supérieurs et les notables de la Galilée. Au cours du banquet, la fille d'Hérodiade [ La tradition retient le nom de Salomé] entra dans la salle: elle dansa, Hérode et ses invités étaient sous son charme. Le roi dit alors à la jeune fille:

         ---Demande-moi ce que tu voudras et je te le donnerai.

       Il alla même jusqu'à lui faire ce serment:

      —Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, même si c'est la moitié de mon royaume.

       Elle sortit pour prendre conseil auprès de sa mère:
      ---Que vais-je lui demander?
      ---La tête de Jean-Baptiste, lui répondit celle-ci.

       Aussitôt la jeune fille se hâta de retourner auprès du roi pour lui exprimer son vœu en ces termes:
      ---Je veux que, tout de suite, tu me donnes sur un plat la tête de Jean-Baptiste.

      Le roi en fut consterné, mais à cause de son serment, et de ses invités, il ne voulut pas le lui refuser. Il envoya donc aussitôt un garde en lui ordonnant de rapporter la tête de Jean. Celui-ci s'en alla décapiter Jean dans la prison. Il apporta la tête sur un plat et la remit à la jeune fille, et celle-ci la donna à sa mère. Lorsque les disciples de Jean apprirent ce qui s'était passé, ils vinrent prendre son corps pour l'ensevelir dans un tombeau.

      Nous assistons donc ici à la décollation de Jean par le bourreau, mais celui-ci rengaine son épée, et  la tête est déjà sur le plateau, entre les mains de Salomé et d'Hérodiate. Les trois lancettes représentent une seule scène. 

       

       

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      2. Festin d'Hérode sur deux lancettes.

      Présence de verre marbré.

      Sur cette lancette, la jeune et jolie Salomé amène sur un plateau la tête de Jean à sa mère Hérodiate, qui assouvit sa haine en plantant un couteau dans l'œil du saint. 

      Au bout de la table, Hérode, devant un plat d'or contenant peut-être un agneau, lève l'index . Il ne semble pas content content.

      .

       

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

       

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

      TYMPAN.

       

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

      Ajour supérieur :

      Les armoiries (restaurées) de Boutteville d'argent à cinq fusées de gueules en fasce sont tenues par un guerrier  dans une couronne de feuillage. 

       

       

       

      Tympan, verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Tympan, verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      .

      Quatre ajours centraux : armoiries portées par des anges (patrons retournés) : alliance Boutteville, Kerimerc'h, (en partie refaites), Coëtquenan (modernes) et Du Chastel répétées (celle de gauche est ancienne). Anges jouant de la flûte sur les ajours latéraux (patron retournés). 

      .

      Tympan, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      Tympan, Verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste, Chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographies lavieb-aile.

      SOURCES ET LIENS.

      Partager cet article
      Repost0
      Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
      17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 21:38

      PRÉSENTATION.

      Datation : Milieu du XVIe et 1910.

      Quatre lancettes divisées en trois registres ne respectant pas la partition par panneaux. Tympan à 9 ajours et 4 écoinçons. Haut de 5,30 m et large de 2,52 m. 

      Puet-être réalisé dans l'atelier Le Sodec de Quimper.

      Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      REGISTRE INFÉRIEUR.

       

      Registre inférieur, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Registre inférieur, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      1. Entrée dans Jérusalem.

       

      Entrée dans Jérusalem

      Entrée dans Jérusalem

      .

      2. Résurrection de Lazare.

       

      .

      Résurrection de Lazare

      Résurrection de Lazare

      .

      3. Agonie au Jardin des Oliviers.

      Agonie au Jardin des Oliviers.

      Agonie au Jardin des Oliviers.

      .

      Agonie au Jardin des Oliviers.

      Agonie au Jardin des Oliviers.

      .

      4. Arrestation au Jardin des Oliviers .

      Arrestation au Jardin des Oliviers

      Arrestation au Jardin des Oliviers

      .

      DEUXIÉME REGISTRE 

      Deuxième registre,  Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Deuxième registre, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      1. Comparution devant Caïphe.

       

      Comparaison devant Caïphe,  Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Comparaison devant Caïphe, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      2. Flagellation.

       

      Flagellation, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Flagellation, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

       

      Flagellation (détail), Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Flagellation (détail), Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      3. Couronnement d'épines.

      Couronnement d'épines, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Couronnement d'épines, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

       

      Couronnement d'épines, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile
      Couronnement d'épines, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Couronnement d'épines, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      4. Comparution devant Pilate.

      Comparution devant Pilate, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Comparution devant Pilate, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      TROISIÉME REGISTRE.

      .

      Registre supérieur, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Registre supérieur, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      1. Portement de la Croix.

      Portement de la Croix, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Portement de la Croix, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      2. Crucifixion.

      .

      Crucifixion,  Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Crucifixion, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      3. Mise au tombeau.

      .

      Mise au tombeau, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Mise au tombeau, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      4. Résurrection.

      .

       

      Résurrection, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Résurrection, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      TYMPAN.

       

      Tympan, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      Tympan, Passion de la maîtresse-vitre de la chapelle saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile

      .

      SOURCES ET LIENS.

      GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005,  Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, Presses Universitaires de Rennes 2005.

       Inventaire Général des monuments et richesse artistiques de la France. Commission Régionale de Bretagne. Finistère, Canton de Carhaix-Plouguer , 2 Tomes imp Nationale 1969, p. 49.

       

      Partager cet article
      Repost0
      Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
      17 janvier 2016 7 17 /01 /janvier /2016 10:57

      Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët (56), associé à la Passion et au collège apostolique. Verrière de la baie 4. Un vitrail du XVe siècle.

      Voir :

      I. Les chapelles du Faouët :

      a. Les articles sur la chapelle Saint-Fiacre :

      b. Les vitraux de la chapelle Sainte-Barbe

      ​c. Chapelle Saint-Sébastien :

      II. L'iconographie de l'Arbre de Jessé sur ce blog :


      Bas-relief :

      vitraux :

      Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

      .

      PRÉSENTATION.

      http://www.lavieb-aile.com/article-l-arbre-de-jesse-de-la-chapelle-saint-fiacre-a-le-faouet-118466434.html

      Je donne à nouveau ici à lire un article publié sur ce blog en mai 2013, mais en remplaçant les photographies pour tenter de gagner en définition d'image, et en l'enrichissant  de nouvelles photographies.

       

            Classement MH depuis 1862

         Cette verrière qui occupe la baie 4 dans le bras sud du transept mesure 4,45m de haut et 1,96m de large ; elle se compose de quatre lancettes trilobées et d'un tympan de 5 ajours et écoinçons. Elle est datée du troisième quart du XVe et du milieu du XVIe siècle. Elle a été (peu) restaurée en 1910-1917 par la maison Delon de Paris.

       

        Elle est consacrée à un Arbre de Jessé dont l'originalité est d'une part de culminer dans une Passion (et non en une Vierge à l'Enfant), et d'autre part, de se voir encadrée  par les douze apôtres. On ignore si cette disposition date, comme je le pense, de l'origine du vitrail, estimée vers 1480, ou si elle a été introduite au milieu du XVIe siècle, lorsque le personnage de Jessé a été remplacé. Or, cette association, si elle ne relève pas des impératifs ou des hasards des restaurateurs, mais répond à un programme délibéré du commanditaire, est pleine de sens sur le plan théologique.

        Sa date de création en fait le premier vitrail de l'Arbre de Jessé conservé en Bretagne

        Une autre particularité est de comporter, parmi les noms de rois perchés sur l'Arbre, des noms inhabituels et qui n'appartiennnent pas aux successeurs de David sur le trône de Juda.

        Ces bizarreries vont me conduire sur des pistes originales et à une nouvelle lecture interprétative. Disons déjà qu'un point commun circule à travers les différents panneaux pour les assembler en un seul thème. Lequel ?

            Classement MH depuis 1862

         Cette verrière qui occupe la baie 4 dans le bras sud du transept mesure 4,45m de haut et 1,96m de large ; elle se compose de quatre lancettes trilobées et d'un tympan de 5 ajours et écoinçons. Elle est datée du troisième quart du XVe et du milieu du XVIe siècle. Elle a été (peu) restaurée en 1910-1917 par la maison Delon de Paris.

       

        Elle est consacrée à un Arbre de Jessé dont l'originalité est d'une part de culminer dans une Passion (et non en une Vierge à l'Enfant), et d'autre part, de se voir encadré de chaque coté, par les douze apôtres. On ignore si cette disposition date, comme je le pense, de l'origine du vitrail, estimée vers 1480, ou si elle a été introduite au milieu du XVIe siècle, lorsque le personnage de Jessé a été remplacé. Or, cette association, si elle ne relève pas des impératifs ou des hasards des restaurateurs, mais répond à un programme délibéré du commanditaire, est pleine de sens sur le plan théologique.

        Sa date de création en fait le premier vitrail de l'Arbre de Jessé conservé en Bretagne

        Une autre particularité est de comporter, parmi les noms de rois perchés sur l'Arbre, des noms inhabituels et qui n'appartiennnent pas aux successeurs de David sur le trône de Juda.

        Ces bizarreries vont me conduire sur des pistes originales et à une nouvelle lecture interprétative. Disons déjà qu'un point commun circule à travers les différents panneaux pour les assembler en un seul thème. Lequel ?

      Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Les trois registres.

       

      Registre inférieur, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Registre inférieur, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Registre moyen, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Registre moyen, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Registre supérieur, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Registre supérieur, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Tympan.

       

      Tympan, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Tympan, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

       

      En raison de sa disposition appparemment composite, je l'étudierai lancette par lancette

       

      I. Lancette médiane.

       

      Registre inférieur. Panneau 1b. Jessé.

        C'est ce panneau, ou du moins la figure de Jessé, qui a été restaurée au cours du XVIe siècle. C'est l'époque où est survenu un changement de la représentation de Jessé,  désormais volontiers représenté assis plutôt que couché comme à Saint-Denis ou Chartres au XIIe siècle. Mis à part la cathèdre monumentale et cette attitude, les autres éléments sont fidèles au shéma habituel, la main sous la joue dans la posture de méditation ou de songe, la barbe, le bonnet juif à oreillettes, le dais tenu par deux anges, le livre qui a provoqué sa rêverie, et l'arbre dont le tronc émerge du dos de l'ancêtre.

        Les  manches témoignent de la mode des crevés installée dès le début du XVIe siècle.

      .

      Jessé,  Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Jessé, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Jessé,  Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Jessé, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Registre médian, panneau 2b, rois de Juda et prophètes.

      Les trois panneaux suivants ont en commun leur fond bleu et leur encadrement par des carreaux rectangulaires blanc. Les couleurs employées seront le rouge, le jaune, le vert, le ponceau, et le marron sombre de saint Jean. Une partie importante, et de proportion croissante en s'élevant, est laissée en blanc pour les mains, les visages, les phylactères, le manteau de la Vierge et le corps du Christ. Elle sont traitées en grisaille et rehaussés, avec sobriété, de jaune d'argent. Ce blanc dessiné de grisaille me semble, par son dépouillement qui culmine avec la nudité de Jésus, posséder une valeur spirituelle, voire même une valeur allégorique.

            Quatre personnages sont visibles, dont les noms nous sont donnés par des phylactères : SALAMON* ,  AMINADAB. et  IACOB. Deux tiennent des livres, et deux autres font un geste de comput digital ou de désignation.

      * même orthographe sur le vitrail de Confort-Meilars.

      .

       

      Salomon, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Salomon, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

      Salomon, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Salomon, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

      Aminadab,  Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Aminadab, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

      .

      .

      registre supérieur, panneau 3b , Rois, Marie et Jean.

      Sur ce panneau apparaît en partie basse les têtes de deux autres personnages, et trois phylactères ; un seul est facile à lire, qui donne le nom de ZOROBABEL. Je crois lire sur celui de gauche BONI (ou BODI)... et sur celui de droite ROBOAS .

        L'arbre, après s'être confondu avec Zorobabel, de divise en trois branches qui le transforment en un calvaire dont les croisillons à culots supportent Marie et Jean, alors que le fût central s'élève encore.

      .         

      Zorobabel, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Zorobabel, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Zorobabel, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Zorobabel, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      .

       

      Registre supérieur panneau 2c, Crucifixion.

      Dans cet ultime panneau, le Christ au nimbe crucifère rouge et or est crucifié : la Croix est composée de deux branches mal ébranchées pour rappeler clairement leur nature végétale, lavirga (verge, tige) de Jessé ne conduisant pas ici à la Vierge (virgo), mais à la virga crucis*, la tige de la croixLe titulus et son inscription INRI occupe le fleuron central de la lancette. 

      * supposuit quoque humerum arce foederis dei in qua est virga crucis qui floruit in apostolis. : Pierre de Celle Liber II, Epistola LXXX.

      Deux anges recueillent dans trois calices le Précieux Sang qui s'écoulent des plaies des mains et du thorax, selon un shéma très courant sur nos calvaires bretons.

       Le fait qu'un Arbre de Jessé se termine par une Passion, et non par une Vierge à l'Enfant, est rare. On le retrouve en Bretagne à Kerfeunten (Quimper) et à Confort-Meilars :

      Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun :

      Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Confort-Meilars.

       Ce vitrail n'est donc pas consacré au culte marial de la conception virginale (sur le jeu de mot virga/virgo qui découle de citations du prophète Isaïe) et à l'Incarnation, mais à la Rédemption par un Christ libérateur vainqueur de la Mort par le mystère de la Passion, si je me permets de m'aventurer sur des brisées théologiques en vrai amateur.

       

      Passion,  Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Passion, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

      II Lancette gauche.

              A la différence de la lancette médiane et de son encadrement de carreaux blancs, celle-ci, comme la lancette droite, est encadrée par les fûts polygonaux d'un décor architectural délimitant des niches. Le fond de chacune d'elle est alternativement vert, jaune-or et bordeaux, évitant le bleu qui est ainsi réservé au fond de la lancette médiane. Les robes des apôtres se partagent les couleurs restantes, en fonction du fond : bleu, jaune, rouge, vert. Là encore, une proportion importante est laissée en blanc : mains et visages, livres, nimbes, attributs, robes ou tuniques. Le jaune d'argent est rare, mais sans-doute n'a-t-il pas résisté à la corrosion du temps qui passe.

      Registre inférieur : panneau 1a, 2 apôtres, Pierre et Paul.

      Pierre et la clef, Paul et l'épée.

       

      Apôtres Pierre et Paul. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Apôtres Pierre et Paul. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Apôtres Pierre et Paul. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Apôtres Pierre et Paul. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Registre médian, panneau 2a, apôtres Matthias et Simon.

      Matthias (ou Matthieu, ou Jude Thaddée) avec la hallebarde, Simon et la scie.

      .

      Apôtres Mathias et Simon. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Apôtres Mathias et Simon. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

      Registre supérieur, panneau 3a, 2 apôtres ? et Barthélémy.

       Barthélémy avec le couteau avec lequel il fut écorché vif. L'apôtre imberbe correspond habituellement à Jean, mais celui-ci est représenté ailleurs. Il tient ici un volumen (ou une hampe). Je suis  surpris par sa robe bleue doublée d'hermines et ses manches aux revers ornées de pierreries. Peut-être Philippe.

      Apôtres Philippe ? et Barthélemy. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Apôtres Philippe ? et Barthélemy. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

      Apôtres Philippe ? et Barthélemy. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Apôtres Philippe ? et Barthélemy. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      III. Lancette droite.

      Registre inférieur, panneau 1c, les  apôtres André et Jacques le Majeur.

      André avec la croix en X, Jacques le Majeur avec le chapeau de pèlerin et le bourdon.

      .

      Apôtres  André et Jacques le Majeur. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Apôtres André et Jacques le Majeur. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Apôtres  André et Jacques le Majeur. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Apôtres André et Jacques le Majeur. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

                              

      .

       

      Registre médian, panneau 2c, les apôtres Jacques et Matthieu.

      Jacques le Mineur avec le bâton de foulon, Matthieu avec la pique.

      .

      Apôtres  Jacques le Mineur et Matthieu. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Apôtres Jacques le Mineur et Matthieu. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Apôtres  Jacques le Mineur et Matthieu. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Apôtres Jacques le Mineur et Matthieu. Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Registre supérieur, panneau 3c, les apôtres Jean et Thomas.

      Jean avec le calice d'où sort un serpent/dragon, Thomas avec l'équerre. (ou Jude Thaddée).

      Les apôtres Jean et Thomas,  Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Les apôtres Jean et Thomas, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Les apôtres Jean et Thomas,  Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Les apôtres Jean et Thomas, Arbre de Jessé, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

       

      IV. Tympan.

        Dans les mouchettes, quatre anges porteurs des instruments de la Passion. Dans les écoinçons deux anges thuriféraires

      Dans le soufflet se trouvent les armoiries (restaurées) mi-parti de Boutteville et du Chastel.

      .
      Tympan, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Tympan, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Tympan, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.
      Tympan, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Tympan, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Tympan, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Tympan, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

      Tympan, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      Tympan, Baie 4, chapelle Saint-Fiacre, Le Faouët, photographie lavieb-aile.

      .

       

       

      Mon analyse.

         En 1861, les visiteurs de la Société Polymathique du Morbihan  avaient déchiffré sur les panneaux 2b et 3b "Jacob, Salomon, Aminadab, Moïz, Zorobabel, etc...". Cette lecture m'aide à déchiffrer à mon tour les inscriptions et à découvrir en effet ces noms sur ce panneau et celui du dessus. (Un doute persiste néanmoins pour Moïse, ou des lecteurs plus récents ont hésité avec Loth, et où je lisais BOCH ; fions-nous à la lecture de nos prédécesseurs).

        Or, on s'attend à trouver ici quelques-uns de douze ou quatorze rois de Juda cités dans la généalogie de Jésus par Matthieu 1,4 et qui fréquentent les autres arbres de Jessé : Jessé-David-Salomon-Roboam-Abia-Asa-Josaphat-Joram-Ozias-Joatham-Achaz-Ezéchias-Manassé-Amon-Josias-Jéchonias. Non, pas de roi David avec sa harpe, pas de couronne, pas de sceptre, mais des hommes aux bonnets hébreux qui tiennent des livres, dressent l'index comme en énonçant une sentence, comptent sur leurs doigts à la mode antique dans l'exposé d'un raisonnement : leurs noms, leurs vêtements et leurs postures les désignent non pas comme des rois de Juda descendant de Jessé, mais comme des Prophètes, dans un projet iconographique de typologie biblique. Ces personnages ne sont pas les ancêtres généalogiques du Christ, ils en sont les précurseurs, les figures préfiguratrices, les types.

        Le nom que je ne parviens pas à lire (que je lis BONIAS et que les autres auteurs ne me fournissent pas) pourrait être alors (cela me conviendrait !) Jonas. 

       Certes, parmi les quatre noms lisibles avec certitude, Jacob (un léger doute), Salomon, Aminadab et Zorobabel, trois sont des descendants de Jessé et de son fils David et des ancêtres attitrés de Jésus. Rien n'oblige à une lecture différente de celle proposée jusqu'à présent et à renoncer à voir là  la représentation conventionnelle d' un Arbre de Jessé avec Jessé endormi et six des rois de Juda conduisant à Marie et à son Fils.

      Mais l'absence de David ?

      Mais l'absence de sceptres et de couronnes ?

      Mais les apôtres dans les lancettes latérales ?

      Mais la crucifixion remplaçant la Vierge à l'Enfant ?

      Mais Jacob ?

        

       

        Remarquons maintenant le fil conducteur qui relie toutes les scènes : il s'agit du livre, ou, plus précisément, des Écritures. Partez du livre que tient Jessé, et voyez comme le tronc de l'arbre issu de son dos  est dessiné comme un phylactère enroulé dont la spirale monte au dessus du pavillon et porte bientôt des lettres noires ; voyez comme il se transforme en branches qu'il semble recouvrir de ces plis. Ici, ce n'est pas un arbre de bois, mais un arbre de parchemin, c'est le texte écrit et lu qui fait souche, qui se déploie, qui engendre, qui fructifie, qui se ramifie, qui envoie les titulus comme des satellites. Il s'incarne littéralement dans le corps de Salomon, puis dans celui de Zorobabel, avant de s'achever dans le Verbe incarné, Jésus.

        Pendant que le livre de Jessé se déploie ainsi, notez que le premier prophète (ou roi, si vous voulez) tient également un livre ; et Salomon également (on peut imaginer qu'il s'agit du le Cantique des Cantiques) ; et le "roi" Bonias/Jonas assis avec sa robe mauve aussi. 

        De chaque coté, les apôtres ne servent qu'à cela, à témoigner des Écritures, comme sur les porches des églises où ils tiennent les volumen des articles du Credo apostolique. Mais ici, ce sont ces livres qu'ils tiennent soigneusement qui  font d'eux les porte-paroles inspirés qui lisent clairement désormais comment les prophètes de l'Ancien Testament annonçaient le Christ. Car dans chaque niche, on trouve un livre, parfois deux.

       Je propose donc d'opérer un changement radical de regard porté sur cet Arbre de Jessé. Cessons d'y voir un arbre symbole de transmission généalogique, voyons-y un arbre de la Révélation, de la parole divine exprimée comme une sève par la bouche des prophètes et de la Tradition et transmise de génération en génération, avant de s' incarner en Verbe vivant.  C'est un arbre de feuilles, de livres, de mots et de cantiques ; de sa racine naît un rejeton.

       C'est aussi le sens allégorique que je propose de voir dans ce cheminement du blanc engrisaillé : le blanc des chairs est celui des visages qui parlent et des mains qui tiennent les livres ; celui des doigts qui scandent les paroles ; celui du réseau des branches d'arbre parallèle au réseau des phylactères. Tout ce blanc est celui de la page de papier zébré des lignes noirs de l'encre, tout ce blanc est parole et écriture, bouche pour parler, yeux pour lire, mains pour dire et pour écrire, avant de se transformer une première fois dans le manteau immaculé de la Vierge, en qui le Verbe s'est fait chair, puis une deuxième et ultime fois dans le corps dénudé du Serviteur Souffrant dans la pâleur glacée de son agonie.

        

        1. Salomon.

      Si donc cet arbre est celui de la circulation et de la croissance de la parole divine jusqu'à sa réalisation, il importe peu que les personnages de l'axe central respectent la filiation énoncée par Matthieu dans sa généalogie ; notre grille de lecture ne doit pas être généalogique, mais typologique, basée sur ce travail d'exégèse que les Pères de l'Église ont développé pour démontrer que Dieu parlait par les prophètes pour annoncer le Messie. Salomon, dés lors, n'est plus là comme fils de David, petit-fils de Jessé, mais comme figure du Christ : sa sagesse préfigure celle du Christ, la gloire de son règne préfigure celui du Christ, le Temple qu'il a bâti préfigure l'Église. 

      Pour comprendre cette nouvelle grille de lecture, il faut savoir que les Écritures peuvent faire l'objet de trois niveaux de lecture,: littéral, figuré et typologique. La lecture typologique va s'attacher à reconnaître dans les personnages ou les citations de l'Ancien Testament l'annonce du Nouveau Testament.

         Pour reprendre les termes de Jean-Noël Guinot, l'exégèse patristique a coutume de distinguer deux sortes de prophéties : celles (prophéties messianiques directes) qui visent directement le Christ ou une réalité messianique, et celles qui reçoivent dans l'histoire de l'Ancien Testament une première réalisation, avant de trouver avec le Christ dans le Nouveau Testament leur accomplissement définitif.

      Cette première réalisation, toujours incomplète ou inférieure à la seconde, en est considérée comme le « type » ou « figure » ; Non que la prophétie s'accomplisse deux fois : la figure n'est qu'une image imparfaite de la réalité neo-testamentaire « l'antitype » —qui constitue à proprement le seul véritable terme de la prophétie.( voir H de Lubac, Typologie et allégorisme 1947).

       Nous avons vu comment nous pouvons comprendre la présence de Salomon non comme une référence historique ou généalogique, mais comme du pré-texte, une écriture prophétique de l'avènement du Christ. Cela est-il valide pour les autres personnages du vitrail ?

      2. Zorobabel.

        C'est le personnage situé directement en dessous de l'étage neo-testamentaire de la Passion, sur un axe médian où s'alignent Jessé / Salomon / Zorobabel / Le Christ.

        Ce n'est guère surprenant lorsque l'on sait que ce descendant de David et de Salomon a été considéré dans la lecture typologique comme la préfiguration du Christ.

       [ Rappel Wikipédia article Zorobabel: Selon le Livre d'Esdras, lorsque Cyrus II eut rendu la liberté aux Juifs, Zorobabel se mit à la tête de ceux qui habitaient la province de Babylone pour les ramener en Judée. Sept mois après avoir quitté la Chaldée, le grand prêtre Josué souhaitant rétablir le culte public,Zorobabel l'aida à dresser un autel pour offrir des sacrifices au Seigneur. Dès la seconde année, il commença à assembler des matériaux pour rebâtir leSecond Temple de Jérusalem. Mais les fondements sortaient à peine de terre que les Samaritains, dont on avait refusé les offres suspectes, firent tant par leurs intrigues auprès des ministres d'Artaxerxès qu'ils provoquèrent l'interruption des travaux.

      Selon le Livre d'Aggée, quelques années plus tard, Zorobabel, excité par les prophètes Aggée et Zacharie, encouragea le peuple, qui reprit la construction du Temple avec plus d'ardeur que la première fois.Darius Ier ayant accordé sa protection aux Juifs l'ouvrage ne fut plus interrompu ; Zorobabel eut la consolation de le voir achever et d'assister à la dédicace du temple, qui fut faite quatre ans après qu'on eut recommencé à y travailler.

      Dans le Livre de Zacharie, le Dieu d'Israël adresse un message à Zorobabel : il déclare que Zorobabel a déjà posé les fondements du Second Temple de Jérusalem, et qu'il l'achèvera également. De plus, il exhorte le peuple à se réjouir et à féliciter Zorobabel.]

      Dans l'histoire du peuple juif, Zorobabel suffit à évoquer la fin de l'exil à Babylone et le retour glorieux sur la terre de Juda, tout comme celui de Moïse évoque la sortie d'Égypte et la fin de l'esclavage. Héros de la restauration nationale, qui s'affirme par la reconstruction du Temple et la victoire sur les ennemis, Zorobabel est aussi le chef en qui se cristallise l'espérance messianique (Agg. 2,23 et Zach 6,12-13)

      Dés lors, il était naturel que l'exégèse patristique retînt Zorobabel comme une figure du Christ, et l'ère nouvelle qu'il inaugure, comme une préfiguration des réalités néo-testamentaires. Libérateur comparable à Moïse, chef et conducteur du peuple comme lui, Zorobabel offre donc à l'exégète l'occasion de parallélismes commodes entre la sortie de l'Égypte et le retour d'exil de Babylone, entre la libération d'un peuple captif et celle d'une humanité prisonnière du péché, entre la reconstitution matérielle de Jérusalem et la rénovation spirituelle opérée par le Christ. (J.N. Guinot, 1984).

       Saint Jérôme s'est exprimé explicitement au sujet de Zorobabel comme type du Christ.

       

       

      3.  Jacob

       Jacob renvoie à la prophétie de Balaam Orietur stella ex jacob, Une étoile sortira de Jacob. Mais Jacob peut aussi renvoyer à l'échelle de Jacob, figure de l'Ascension (Speculum Humanae salvationis).
       

      4.  Aminabad ou Abinabad :

      Il figure parmi les descendants de David ancêtres du Christ dans la liste de Matthieu.
      Moïse mais je n'ai pas découvert d'interprétation typologique.

      Sur le plafond de la chapelle Sixtine par Michel-Ange où les ancêtres du Christ sont représentés à coté des Prophètes et des Sibylles, Aminabad cotoie Jonas.

      5. Moïse.

      Si le personnage qui compte sur ses doigts est bien, comme cela a été lu en 1861, Moïse, sa présence ne pose pas de problème, comme premier prophète du peuple hébreu, mais aussi parce que, comme nous l'avons vu à propos de Zorobabel, son rôle de libérateur de l'oppression égyptienne ou de guide vers la Terre Promise préfigure le Christ rédempteur. (comme Ezéchias, Cyrus, Zorobabel ou Josué ).

       Sur le vitrail de l'Arbre de Jessé de Chartres, il appartient à la liste des Prophètes.

      En iconographie, face à un personnage de l'Ancien testament comptant sur ses doigts, on pense aussi au prophète Daniel.


      6. Jonas
        Malgré mon incertitude sur sa présence sur ce vitrail je vais montrer néanmoins pourquoi sa présence serait possible. Cela illustrera aussi la raison de la présence de Salomon. En effet, Ionas ou Jonas par l'épisode du ventre de la baleine préfigure la mise au tombeau puis de la résurrection du Christ :

      Matthieu 12,38-42 (Louis Ségond) :

         Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens prirent la parole, et dirent: Maître, nous voudrions te voir faire un miracle. Il leur répondit: Une génération méchante et adultère demande un miracle; il ne lui sera donné d'autre miracle que celui du prophète Jonas. Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand poisson, de même le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. Les hommes de Ninive se lèveront, au jour du jugement, avec cette génération et la condamneront, parce qu'ils se repentirent à la prédication de Jonas; et voici, il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi se lèvera, au jour du jugement, avec cette génération et la condamnera, parce qu'elle vint des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et voici, il y a ici plus que Salomon. 

      Cette typologie est illustrée dans la Biblia Pauperum : Jonas / Mise au tombeau / Joseph dans le puits. 

      Si cette analyse incite à accorder une place importante aux Prophètes, on peut mieux comprendre la place des Apôtres dans les lancettes latérales en tenant compte de la tradition iconographique du Credo prophétique et apostolique : Le Credo apostolique et prophétique.

      Voir, dans le même sens, le vitrail de l'arbre de Jessé de Chartres : Le vitrail de l'arbre de Jessé de la cathédrale de Chartres.

       

      Conclusion.

        Peut-être parce qu'il est le plus ancien vitrail d'Arbre de Jessé conservé en Bretagne, l'Arbre de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët impose une lecture différente des Arbre du XVIe siècle, lesquels sont consacrés, sinon à la Maternologie, du moins au culte marial de la conception virginal, à l'Incarnation, voire, comme cela a pu être discuté, à l'Immaculée Conception, et qui ne comportent que deux prophètes, Isaïe et Jérémie, puisqu'ils sont construits sur la citation d'Isaïe 11,1 Egredietur virga de radice Iesse, et flos de radice eius ascendet.

        Ici, cette citation n'apparaît pas, et Isaïe ne figure pas parmi les personnages. Au lieu d'être encadré, comme à Saint-Denis et à Chartres, par des Prophètes, l'Arbre est ici encadré par les douze apôtres, mais les références à l'Ancien Testament sont placés dans la lancette centrale, en lieu et place des douze rois de Juda. 

        Enfin, c'est sur la virga crucis, le bois de la croix, que la tige de Jessé trouve son apogée et sa finalité. Sa fleur, son fleuron, flos, n'est plus l'Enfant mais le Christ en croix, libérant en nouveau Moïse, nouveau Salomon et nouveau Zorobabel l'humanité de la faute d'Adam.

       

      Liens et sources :

      — Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, Presses Universitaires de Rennes 2005.

      — Inventaire Général des monuments et richesse artistiques de la France. Commission Régionale de Bretagne. Finistère, Canton de Carhaix-Plouguer 2 Tomes imp Nationale 1969, p. 49.

      —  Inventaire régional, culture.gouv.fr., enquête 1969, Dufief Denise ; Quillivic Claude.

      — Bull de la Société Polymathique du Morbihan, Vannes 1861 page 23.    

      —  Adolphe Joanne Itinéraire général de la France: Bretagne, 1867 p.502.

      — Jules Corblet  Étude iconographique sur l'arbre de Jessé  (sur la présence des apôtres dans les Arbres de Jessé)

      Le_Commentaire_sur_Aggee_de_saint_Jerome_memoire_de_Master_

      — Jean-Noël Guinot L'exégèse de Théodoret de Cyr

      — Jean-Noël Guinot La cristallisation d’un différend : Zorobabel dans I’exégèse de Théodore de Mopsueste et de Théodoret de Cyr Augustinianum Volume 24, Issue 3, December 1984 Pages 527-547

      Partager cet article
      Repost0
      Published by jean-yves cordier - dans Le Faouët.
      16 janvier 2016 6 16 /01 /janvier /2016 19:45

      Rochers de Crozon. Pointe de Raguenes / Lamm Saoz.

      .

      Pour miss caillou, natur-ailement

      .

      Suite de :

      ​Les pétroglyphes de l'Aber.

      .

      .

      Les plus riches cités, les plus beaux paysages,

      Ne contiennent jamais l'attrait mystérieux

      De ceux que le hasard fait avec les nuages.

      Charles Baudelaire, Le Voyage.

      .

       

      Une estampe chinoise  Shanshui ( 山水, montagne-eau).

      Une estampe chinoise Shanshui ( 山水, montagne-eau).

      .

      .

      .

       

      Rochers de Crozon.

      .

      .

      .

       

      Rochers de Crozon.

      .

      .

      .

       

      Rochers de Crozon.

      .

      .

      .

      Rochers de Crozon.

      .

      .

      .

      Rochers de Crozon.

      .

      .

      Étonnants voyageurs, quelles nobles histoires

      Nous lisons dans vos yeux, profonds comme les mers !

      Ouvrez-nous les écrins de vos riches mémoires, 

      Ces bijoux merveilleux faits d'astres et d'éthers.

      Charles Baudelaire, Le Voyage.

      .

      Rochers de Crozon.

      .

      .

      .

       

      Lamm Saoz

      Lamm Saoz

      .

      .

      .

       

      Lamm Saoz

      Lamm Saoz

      Partager cet article
      Repost0
      Published by jean-yves cordier - dans Crozon
      15 janvier 2016 5 15 /01 /janvier /2016 13:09

      Les papillons décrits dans le Theatrum insectorum de Thomas Moffet : II. Les Chenilles.

      Voir :

      Les papillons décrits dans le Theatrum insectorum de Thomas Moffet (1634) et dans son édition anglaise par Edward Topsell (1658).

       

      LES CHENILLES.

      .

      Ce seront plus de 50 espèces de chenilles qui seront présentées :

      LIVRE DEUX.

      Préface. page 177.

      By the clew of Daedalus we are at last got out of the Camps of winged horsemen; where should I relate with how many stings the Infects of the lower ranks have assaulted me, how much they have troubled my brain, my right hand, my eyes, whilest I accurately dissected and observed all their parts,

       truly I should either faint in rehearsing the wounds, or what I was resolved in my minde to finish, I should not be able to do. 

      Wherefore, what valiant souldiers are wont to do, whilest the wound is yet fresh and hot, we will break forth into both Armies, and with better undertakings, so far as may be, strive to overcome them. 

      Thou O great God, who in the Inventory of these smallest Creatures, makest the most excellent understandings to stand amazed and stupid; give me strength, that as by thy goodness I have mustered those Insects that fly, by the same I may be enabled to draw forth all those Foot-forces that want wings; so that in all my labour, I may seem to have no other end than to seek thy glory, to advance learning, and nothing that concerns my own particular, but that I may finde thee in these thy works. 

      Go to therefore bold Atheist, who art ignorant of God and the Divine Perfection: endure, if thou canst, the biting of the Spider Phalangium, or of the Scorpion; abide the pain of the Worm Scolopendra; swallow down the Pine-tree Catterpiller, contend with Worms, despise with Herod, biting Lice, so much as thou art able, at last thou shalt finde that there is no foot Souldier so mean in this Army, that will not quickly overcome all the forces of thy body and minde, and will make thy foul mouth to confess, by their ministry, that there is a God. Thus then I draw forth my Regiments, so I muster the Souldiers.

       
      • Le ver à soie du chapitre I.

      •  21 chenilles glabres du chapitre II.

      • Près de 30 chenilles "hirsutes et velues" du chapitre III

      ​.

       

      Chapitre I : De Erucis earumque differentiis & nominatim de Seribus & Bombycibus. De la chenille du Ver à soie.

      page 179-181.

       

      Wee thought fit to place in the Front, Catterpillers, the devourers of Egypt: because they are most different in their kindes, and also some of them are excellent for their use and worth. It is no fond conceit to main∣tain * that Catterpillers had their name in Latine from devouring, for they eat up leaves, boughs, flowers, fruits; which also may be observed in the Peach. Ovidcalled these Field-worms:

      Field-worms that weave their hoary thred on boughs, we finde

      That they with painted Butterflies do change their kinde.

      The Greeks call a Catterpiller 〈 in non-Latin alphabet , from the waving and vaulting motion, when it creeps, whereby it lifts up and contracts it self. The Hebrews call it Ghazam,because it sheareth the fruits of the earth, as Kimhi saith on Joel the first. The Italians call it Rugaverme, and Bruche, for so saith Marcellus Virgilius upon Dioscorides. In our times, saith he, our whole Countrey cals all kindes of Catterpillers Bruchi. The Spaniards call them Oruga; the French, Chenille, Chatte∣peleuse; the English, by the name of Catterpillers; but the Northern people call the hairy Cat∣terpillers Oubuts; the Southern call them Palmer-worms; in the Poles language, a Catterpiller is called Rup hausenka; in the German Tongue Ein Raup;in Low Dutch, Ruype; in Sclavonish, Gasienica; the Pesants call them Certris, and Cedebroa.

      I should be endless if I should add all kindes of Catterpillers; for some feel rough, others * soft, some have horns, (and that either in their head or in their tail); some are without horns; some have many feet, some fewer, but none have above sixteen feet. Most of them move swiftly in a waving posture; yet others there are that go even and slowly. Some do yearly change their old skin, and others do not. Some are changed into Aurelia's fixed above the earth, whence are bred your ordinary Butterflies, others are transformed under the earth, and become Glow-worms. Also some of their Aurelia's are smooth and equal; some again are hairy and wrinkled, pointed at the ends, sharp; some (namely of the harder kinde) naked, but others (namely of the tenderest) are covered with moss or silken down. The most of them are bred of the eggs of Butter-flies, and are changed into Aurelia's: some are bred on the leaves of trees, of the proper seed left there in the web in Autumn; or of the dew or air shut up in it, and corrupting there, as Vine-fretters. Some again feed on leaves, some on flowers, and some on fruits. We, to express both kindes of Catterpillers, shall divide them into those that are bred from other things; and those that are bred from their own kinde alone. Such as are bred from other things, again, are either smooth or hairy; as also those are that proceed from their own kindes. Amongst the smooth Catter∣pillers, the Silkworm deservedly challengeth the first place.

      .

      .

      Page 180.

       

      "A worm that to a Fly transformed is, and then: 

      Transformed back once more is made a worm agen;

      Twice it both dies and lives an•w, is wafted ore

      By Charon twice unto the Elizian sh•re.

      Its successor is left half living and half dead,

      Which after spins silk robes for those are finely bred.

      Find thred this Silk-worm makes, why doth she labour thus?

      It is not for her self she labours, but for us.

      Her fleece was formerly an ornament for Kings,

      But this prodigious age confusion brings:

      So prodigal of silks, that the vile rabble, clowns,

      Oyster-wives, herb-women, shine in silk suits and gowns:

      Nothing more common now for all than silk attire,

      Which wastes and burns mens hearts with continual fire

      "In which words, though our divine Poet, who was more clear than the ancient Bards, doth something touch upon the Silk-worms, and paint them forth, yet he doth not describe them •o fully, that it may suffice for the History of them. For Silk-worms are smooth Catterpillers almost of a milky colour, with small black eyes, and as you see, with a so ked mouth. The snow white ones are bred of Butterflies eggs, which growing by degrees into little worms, produce Silk-worms of the same colour with Butterflies. And that I may not repeat this again, let it suffice that I have once said it; the Butterfly is almost alwaies of the same colour with its Catterpillar. That Butterfly forsaking its Aurelia, as many eggs as it leaves, or seeds (if you will) like to eggs, they become so many Silk-worms afterwards; which, if you cherish them, when they are fostered by the Suns heat, and full fed with Mulberry leaves, they will repay a reward worth your cost and care, namely a silken fleece. They breed first in May, in which moneth and the two following moneths, they devour a multitude of leaves, and in eating as it were by sucking, they harden: when they are grown up with plenty of nourishment, being be∣come able, they spin a most fine web out of themselves, like to a Spiders web. Then against cold weather, they grow rough with hair, and make themselves new thick coats for Winter, by the sharpness of their clawes, pulling the down of their skins into fleeces: then they thicken and close it, carding it with their feet, then they draw it out amongst the boughs, and make it small as with a comb: lastly they take hold of this web, and wrap their body in it, making a round nest. Then men take them, and put them in earthen vessels, and feed them with bran, and so there spring up seathers of their kinde; which, so soon as they are prepared with, they are set to perform other tasks. But the spinning work they began, growes pliable by moisture, and is spun into threds on a smal spindle. Some women do use to draw it forth into yarn, and then they weave it. Pamphila the daughter of Latous was the first that was reported to have woven in the Island of Co. Also Pliny reports that Silk-worms are bred in that Island, Plin. lib. 11. cap.23. the flowers of the Cypress, Turpentine, Ash, Oake-trees, being beaten down to the ground by showres, whence they receive life. Though women were the first inventers of this Art, yet men are not ashamed to wear these garments for lightness in Summer. The customes of men are so far degenerate from Arms, that their very cloathes are grown burthen∣some. The thinner and softer the leaves are they feed upon, the finer Silk these Silk-worms make: wherefore amongst the people of Seres in Scythia, the most soft garments are made; which we call silken, as Marcellinus witnesseth, lib. Hist. 23. In India also and in Aegypt there is great plenty and use of them, and are brought from thence to the Spaniards and Italians, being the greatest cause of wantonness amongst mortals. So often as I consider, that some ten thou∣sands of Silk-worms labouring continually night and day, can hardly make three ounces of Silk, so often do I condemn the excessive profusion and luxuriousness of men in such costly things who defile with dirt, Silks and Velvets, that were formerly the ornaments of Kings, and make no more reckoning of them now, than of an old tattered cloak, as if they were ashamed to esteem better of an honourable thing than of a base, and were wholly bent upon waste. The Greeks call this Catterpiller  in non-Latin alphabet , and Bombyx, which name is become Latine. The Italians call it Bigatto; the Spaniards, Guafano della seda; the French, Ver à Soye; the Ger∣mans, *Ein Seyde worme; the English, Silk-worm. Amongst whom a Silken habit is so much loved and valued, that they despise their own Wool, (which compared with Silk, is not con∣temptible, and is the most profitable and the greatest merchandise of the Kingdome.) But time will make them forgoe this wantonness, when they shall observe that their moneys are treasured up in Italy at that time, when they stand in need of it for their private or publick af∣fairs. This is a pleasant thing and worthy to be noted, that the head of the Silk-worm, makes the tail of the Butterfly in that golden coloured Metamorphosis, and the tail the head; which al∣so happeneth in all other Catterpillars that are changed into an Aurelia. "

       

      .

      Fig. 1 et 2 : chrysalide et imago du Bombyx du Murier ou Ver à soie, identifié par  Linné S.N. page 499 comme son Bombyx Mori

      .

      .

      page 181

      .

      .

      — page 182.

       

      Chapitre II : De reliquis glabris Erucis. Des autres chenilles glabres.

       Moffet présente 21 chenilles glabres. L'intérêt est de voir apparaître un début de dénomination, contrastant avec l'absence de noms propres dans le chapitre consacré aux imagos.

      .

       

      Toutes les autres chenilles glabres sont vertes, ou jaunes, ou rouges, ou sombres, ou de couleurs variées.

       

       

       

       

      Les cinq chenilles vertes.

      1. On reconnaît parfaitement sur l'illustration le Sphinx ligustri Linnaeus, 1758 , notre Sphinx du Troène. Identifié par  Linné S.N. p. 489. 

       

       La principale parmi les chenilles vertes est celle qui se suspend sur le Troène. Un cercle entoure sa face, et toutes ses pattes, et elle a une corne tournée en arrière vers la queue. Elle est noire et rouge, des points sont tracés sur ses cotés qui sont à moitié violets et à moitié blancs. les petits points sont rouges, mais tout le corps apparaît vert.

       

      Merret la nommera "Ligustrina"  : Celle du Troène. 

      2. Merret la nommera Sambicina : Celle du Sureau (Sambuco) :

       Celle du Sureau ne diffère pas beaucoup de la précédente, mais elle est  aussi entièrement vert , mais les points sont très blancs, et elle a de petits points comme du lait. Elle se nourrit principalement de Sureau rouge.

       3. Lactucariam : Celle de la Laitue .

       

      La troisième, qui est entièrement verte, se transforme quand vient l'automne en  noirâtre ; elle se nourrit sur les tendres herbes du portager, spécialement sur la laitue, aussi nous la nommons Lactucariam ["la Chenille de la Laitue"]

       

       

       

       

      .

      http://quod.lib.umich.edu/e/eebo/A42668.0001.001/1:16.2?rgn=div2;view=fulltext

      page 183

      .

      Les 5 chenilles vertes, (suite)

       

      4. Mespilaria : du Néflier

      La quatrième sur le Néflier est plus petite, toute verte,  sa chrysalide elle-même est couleur gris-cendré, tout aspergée des taches noires.

       

      5. Quercina : du Chêne, et d'autres arbres.

      La cinquième est la plus petite de toutes, elle mène son fil sur les arbres (les Chênes en particulier), et en descend sur la tête de ceux qui passent et s'emmêle sur leurs chapeaux et leurs vêtements. Cette toute petite et très notable créature [animalculum] se remarque en été, un peu partout ;  lorsqu'on arrive en automne,  elle s'enroule elle-même dans une sorte de toile, et s'enferme dans une couverture verte et rouge. Elle meurt en hiver. Elle a dix pattes, comme toutes celles que nous avons vues.

      .

      Les  chenilles jaunes.  Linné Fauna suecica p. 168  identifie la première comme la chenille du Séneçon, Tyria jacobaeae ou Goutte de sang 

      Nous les appelons les jaunâtres, car elles sont jaunes presque entièrement. Les figures qui sont représentées, sont exemptes de noir, seulement couvertes de jaune pâle, et ainsi ces figures sont peintesElles vivent sur les feuilles tendres, en particulier sur le Tilleul. 

       

      — fig. 10 : Vinula Cerura vinula, ou Grande Queue fourchue (Notodontinae), Identifié par Linné S.N p. 499 comme Bombyx vinula. Déjà identifiée en 1710 par J. Ray Hist. ins. page 153.

      Vinula est le suivant dans l'ordre ; et c'est l'une des chenilles les plus délicates, et belle au delà de ce que l'on peut imaginer. Nous l'avons trouvé sur le Saule en train de se nourrir goulûment  ;  ses lèvres et sa bouche  sont d'un jaune pâle, les yeux sont de feu , le front est violet , les pattes et le bas du corps vert, la queue est fourchue , plus noire que le raisin , tout le corps entier est ponctué comme par un épais et sombre vin rouge, qui passe en diagonale du cou jusqu'à la queue, une ligne plus blanc l'ornant à merveille. 

      .

      — Les 2  chenilles brunes (fuscae) nommées Porcellus

      La grande et la petite chenille dite Porcellus

      Fig. 13 :Chenille de  Deilephila elpenor, ou Grand Sphinx de la Vigne. Identifiée comme Sphinx elpenor par Linné S.N. page 491

       

      La chenille nommée Porcellus est noire, brune, surtout la grande, mais la petite possède des anneaux blancs.Souvent, on les trouve sur les feuilles de trèfle des marais et elles les dévore avec une rapidité remarquable. 

      — Dix chenilles de couleur variée

       Trois différentes couleurs sont principalement observées: la première a une face bleuâtre, et les yeux très noirs, la peau vers l'extérieur du dos est grise, parsemée de beaucoup  de taches noires et jaunes: il se transforme en une chrysalide d'un marron  lumineux  garni une petite membrane blanche ; elle aime les Choux et toutes sortes de Navets.

      La seconde y la tête les pattes  et la queue très noirs, quadrillés de jaune; les quadrillages qui sont peints sur eux intérieurement, se distinguent par des canaux alternativement  noir et gris tracés en longueur. Elle aime le Fenouil , l'Aneth, et le Cumin.

       

       

      .

      .

      Page 184.

      Dix chenilles de couleur variée (suite).

       

      -n°3 : 3 figures, la chenille et deux chrysalides.  La troisième est verte sur fond blanc, bossue comme il va?  car elle a seulement six pattes de chaque côtés, comme toutes ... (en grec). Elle se transforme en une chrysalide piquetée de mouchetures foncées. Elle se nourrit sur les  Oliviers.

      -La quatrième se nourrit de l'Estragon et ressemble à une Vipère tachetée ; elle va toujours avec la tête dressée, et inclinée sur sa poitrine . Elle aime les Joncs, et les plantes qui croissent dans les rivières.

      -Si vous peignez les anneaux [costas] descendant de la cinquième espèce en rouge, il y aura peu de choses dans l'image qui ne soit pas en accord avec la vérité.

      -n°6 : deux figures, chenille et chrysalide. Pour la sixième, peignez en ocre ce  que vous voyez blanc. Toutes ? [ utraque = Des deux cotés ] se plaisent sur le Peuplier noir, et s'y nourrissent goulûment.

      -Les stries de la septième doivent être peintes en blanc, tout le reste du corps est gris-sombre. Elle se transforme en une chrysalide  de couleur rouge clair.

      -n° 8 : quatre figures : imago, chenille, (oeuf ??), chrysalide ;  La huitième semble de couleur de la fumée, avec des ondulations noires ; elle donne un cocon [thecam] rouge et noir, d'où sort une Phalène pulvérulente.

      - n° 9 : deux figures, chenille et chrysalide :  La neuvième est variée, et mérite à juste titre notre considération : les ronds de ses incisions sont verts ; la corne de sa queue est recourbée vers l'arrière, et elle est d'un bleu brillant ; en dessous elle est ornée de taches rouges. La partie entre les incisures est gris cendre. Enfin, une chrysalide est associée, d'une couleur de feuille morte de vigne [xerampelina]  telle que nous la trouvons sur la voie publique. Elle se plait dans les champs de Renoncules. 

      n° 10 : deux figures, chenille et chrysalide La dixième est vert-noir [glauconigra] : ce qui est blanc ici représente le vert glauque de l'animal. Elle se métamorphose en une chrysalide spiralée,  bleu pâle, aux spires  rougissantes  [subrubentibus] : par quoi elle se rapproche de la forme d'une coquille de Buccin.  

       

       

       

       

       

      .

       

      .

      page 185.

       

      - Sur la  Solanum Sylvestris (que les Italiens nomment Belladonna) [Atropa belladonna ou Morelle Noire ou Belle-Dame] vient une chenille glabre de couleur verte et jaune, elle a une corne sur l'avant de la tête [et elle est] aussi longue qu'un doigt, ce que relate Cardanus qui l'a vu souvent.

      Sans-doute Acherontia atropos ou Sphinx à tête de Mort 

      Cardanus : Girolamo Cardano, 1501-1576, médecin nè à Pavie et ayant exercé à Rome. Auteur de De substilitate. La Belladone est un poison rentrant alors dans la composition d'onguent.

       

       

      Chapitre III : De Erucis hirsutis atque pilosis. Des chenilles hirsutes et velues.

      .

      La chenille processionnaire du Pin Thaumetopoea pityocampa  

       

      "Les Pityocampes, c'est à dire, les chenilles du Pin et Epicéas, sont aussi fines qu'un petit doigt humain, et aussi long que la largeur de trois doigts. Ils ont onze incisions entre la tête et la queue, et ils ont 16 pattes comme les autres chenilles, précisément trois sur les deux cotés de la tête, quatre sur les deux cotés du milieu du corps, et une de chaque coté de la queue : mais la premières sont en crochet et petites, avec lesquelles elles trouvent leur chemin, et les autres sont plus larges et dentelées comme des scies, afin de mieux s'accrocher aux branches. La tête est comme celle des fourmis, le reste est semblable aux autres chenilles. Elles sont couvertes de poils et complètement entourées d'épines pointues ; les poils des cotés sont blancs et brillent dans le dos ; la partie médiane est ornée de points comme des yeux : les épines étant rasées, il y a une peau noire en dessous, leurs poils très fins, qui piquent plus vivement qu'une aiguille, et causent une grande douleur, un échauffement, de la fièvre, des fourmillements, et un malaise général. Le poison rentre subitement sans aucun sens de la blessure, et est transporté de part près des intestins. Elles tissent une toile fine comme les araignées, dessinant et disposant leur filet avec leurs pattes antérieures. Durant la nuit elles rentrent à l'intérieur, comme sous une tente, où elles échappent au froid et au vents. La matière dont est faite cette tente est si solide et si fine, qu' elles ne sont menacées ni par les plus forts vents, ni par les pluies ; et elles sont si spacieuses qu'un millier de chenilles peuvent y trouver place. Elles font leur toiles dans les petites touffes d' aiguilles de Pins et d'Épicéas, où elles ne vivent pas en solitaires comme les autres, mais en colonies. Moyen par lequel elles étendent leur course, elles tissent et transportent leur toile avec elles. Et dans la journée, seulement s'il fait beau, les plus grandes accompagnant les plus petites par troupes, et ayant dénudé l'arbre de ses aiguilles, car elles le dévastent totalement, elles travaillent durement au tissage. Seulement ce fléau des Pins et Épicéas n'atteint pas les autres conifères. Sur le Mont Athos, dans les Bois du Trentin, et dans les Alpes, elles abondent, en raison de la quantité de nourriture qu'elles y trouvent, comme en atteste Matthiolus. Ce sont vraiment les créatures les plus venimeuses, que vous les touchiez superficiellement avec les mains, ou qu'elles vous atteignent par voie interne. Elles sont considérées de longue date comme du poison, puisque Ulpian interprétant la loi Cornélienne De Sicariis concernant les meurtriers privés réclame contre eux qu'ils soient punis en leur donnant à boire une Processionnaire du Pin. Sect. Alium . ff. ad. Leg. Corn. De fic.

      Signes de blessure par Processionnaire du Pin et traitement. 

      Ancre "Lorsqu'on a léché une chenille, la douleur affecte sévèrement la bouche et le palais ; le corps de la langue et l'estomac sont fortement enflammés par le poison corrosif : aussi ils entraînent une terrible douleur, alors qu'au début cela ressemblait à une plaisante sensation de picotement. Un fort échauffement s'ensuit, ainsi qu'une répugnance à l'égard de la nourriture, et un désir incessant, mais infructueux de vomir. A la longue, si les soins ne sont pas donnés, la brûlure s'étend à tout le corps et l'estomac devient aussi ulcéré que par l'arsenic. Dioscoride. Aetius, Pline. Celse. Galien. Item II simpl. c.5. Et Avicenne Fos. Cap. 25. C'est pourquoi Aetius et Aegineta tiennent comme dangereux de servir les repas sous les Pins, ou de se reposer dessous, car, attirées peut-être par la viande ou le les vapeurs de bouillon, ou par le bruit des hommes, ces chenilles du Pins pourraient tomber sur la viande, ou laisser tomber leur semence, qui est aussi dangereuse qu'elles-mêmes. Ceux qui sont atteint par de tels maux devront utiliser les traitements en vigueur contre les Cantharides, car les mêmes moyens les soigneront : c'est à dire l'huile de Coing, appelée melinum oleum, qui doit être bue deux ou trois fois, pour déclencher le vomissement, comme l'a prescrit Dioscoride dans Aetius. Elles sont générées, ou plutôt régénérées, comme le Convolvulus, par la nourriture d'automne laissée dans la toile sur certaines aiguilles, ou du Convolvulus lui-même corrompu, comme le pense Scaliger."

      Commentaires :

      Matthiolus : voir Mattioli, Pietro Andrea dans la traduction française : - Les Commentaires de M.P. André Matthiole,... sur les six livres de la matière médicinale de Pedacius Dioscoride,... traduits de latin en françois par M. Antoine Du Pinet... augmentez... d'un Traité de chymie en abrégé... par un docteur en médecine. Derniere édition Lyon : J.-B. de Ville, 1680. Moffet s'inspire du Livre II chapitre LV page 164 :

      "Quant aux Chenilles des Pins, les vallées d'Ananie et de Fleme auprès de trente en sont toutes garnies parce qu'il y a force Pins. Elles font leurs nids aux cimes des branches des Pins, où on les voit par milliers, velues et roussâtres, avec plusieurs petites peaux dont elles sont enveloppées et revêtues. L'Hiver elles se cachent en ces petites peaux, et échappent par ce moyen la rigueur de l'Hiver. Leurs nids sont grands, et en peuvent tenir mille. Les pellicules dont elles sont enveloppées semblent à de fins draps de soie : mais elles sont plus subtiles. Elles sont fort bonnes à étancher le sang, étant appliquées : Voilà donc quant aux chenilles des Pins. "

       

      Ailleurs, Moffet recopie Matthiolus :: Livre VI chapitre II page 496 : 

      « Soudain qu'on a avalé des chenilles de Pin, il s'ensuit une grande douleur en la bouche, et au palais : et sent-on une inflammation véhémente en la lange, au ventre et en l'estomac. On a d'ailleurs, une douleur indicible des intestins : de sorte qu'il semble au patient qu'on lui ronge les boyaux. Tout son corps est en chaleur : et sent une anxiété intolérable. On y doit pourvoir avec les mêmes remèdes dont on use contre les Cantharides. Toute fois, au lieu d'huile d'olive simple, et d'huile de racine de Flambe, il faudra user d'huile de Pommes de Coing. 

      .

      –Ulpianus in Lex Cornelia De sicariis et veneficis. (Loi Cornélienne contre les assassins et les empoisonneurs) : 3. Alio senatus consulto effectum est, ut pigmentarii, si cui temere cicutam salamandram aconitum pituocampas aut bubrostim mandragoram et id, quod lustramenti causa dederit cantharidas, poena teneantur huius legis. .Les Lois Cornéliennes ont été promulguées par Cornelius Sylla. http://droitromain.upmf-grenoble.fr/Leges/cornelia_sicariis.gr.html

       

      .

      Page 186

      "Venons en maintenant aux Promeneuses. 

      Nous les nommons promeneuses, car elles n'ont pas de maison ou de nourriture établies : de fait elles font tout capricieusement, marchant comme des pèlerins, et comme les souris, elles se nourrissent toujours d'autres viandes. 

      C'est pourquoi les anglais les nomment Palmer-worm –ver pèlerin– précisément en raison de leur vie errante, parce qu'ils n'ont pas d'habitat fixe, bien qu'en raison de leurs poils ils les nomment Bear-worms, « ver-ours ».Ils ne seront pas attaché à une sorte de plante ou de fleur, mais ils passent dessus hardiment, et goûtent de toutes les plantes et arbres, et se nourrissent là où cela leur plaît.

      La première avec ses points blancs que vous voyez sur les cotés, doit être comme ceci en réalité : tout le corps est noir, tous les poils doivent être jaunes, mais tout le dessus du dos doit être blanc, excepté ces trois rangées qui poussent sur le cou près de la tête, car elles ont la même couleur que les poils du ventre. De la chrysalide sort le papillon que vous voyez, dont nous avons décrit précédemment la forme et la couleur.

      La seconde, si vous faites le cou et le ventre, et les poils qui y poussent, en jaune, vous n'avez rien à faire d'autre. La surface semble sombre, les œufs sont pâles. Nous présentons le papillon qui i en résulte dans le précédent livre.

      La troisième est, pour tout le corps et les poils, jaune sombre, mais les points de chaque coté sont faits obliquement dans chaque incision, la tête est rouge clair, et il est orné par une certaine fourche jaune."

      La quatrième a le ventre et la partie inférieure couverts de poils, le dos et la partie supérieure jaune à brun, et une double ligne fourchue sur la face ressemble à la couleur  du lait mélangé à l'eau.

      .

       

       

       

       

      .

      — Page 187.

      .

       

      -n°5.

      La cinquième a la face d'une couleur marron clair [spadiceus] , les cotés du ventre couverts de poils blancs [canescentia], un corps très petit,  varié avec des petits points jaunâtres, comme des gouttelettes [gutillis], et au dessus, en forme de pois ;  des poils jaunes en sortent,  comme de petits rayons. Ils sont droits, et poussent plus drus vers le milieu. Elle fait des dégâts aux herbes et aux grains. 

      -n°6. Lasiocampa quercus, la Minime à bandes jaunes, identifiée par Linné S.N. page 498

      La sixième est de couleur blanche si les segments n'étaient pas envahis de taches noires et jaunes ici ou là. Des poils au dessus et au dessous.  ....

       

      -n°7. Orgyia antiqua ?

      La septième a une peau noire,  elle a quelques poils de couleur sale, mais j'ai l'habitude de l'appeler "le Pinceau" [Peniculum], parce que des deux cotés de la tête et aussi sur la croupe se dressent des plumets de poils noir de corbeau.  Mais ceux que vous voyez dressés en touffes sur le dos sont aussi blancs que le lait . Les autres sont sombres  .

       

      -n°8. 

      La huitième est gris-souris, et sur son dos sept points  lui répondent

       

      -n°9.

      La neuvième est d'une couleur étrange et rare . Les segments sont peintes avec des couleurs dont chacune est différente de l'autre, et pourtant mélangées les unes aux autres, alors qu'un clou d'argent  orne  joliment chacun.   

      n° 10. Deux figures : chrysalide et chenille. 

      La dixième appartient aux prouesses de la capricieuse nature, non moins élégant qu'elle est rare. Elle est  striée de lignes noires, vertes, bleues, jaunes et de douces nervures, splendidement rehaussé par des gouttes d'or.  Elle a des poils très soyeux, d'une verdeur la plus plaisante et la plus admirable. Le cocon est violet renforcé par une petite membrane. 

      -n°11 

      Supposez que les découpures blanches de la onzième sont vert-prairie  et peignez la peau et la pilosité à moitié vert.

       

      .

       

      .

      Page 188.

       

      -n°12

       La Chenille du Noisetier est d'un vert-pâle sauf sur les taches acuminées noires. Elle a une corne à l'extrémité du dos. Elle se nourrit spécialement sur les feuilles du Noisetier, aussi nous la nommons Corylaria.

      -n°13. Orgyia antiqua ?

      La magnifique délicatesse  de la Nature resplendit dans celle-ci, à laquelle Elle donne le visage d'un  Maure ou d'un Égyptien , mais Elle leur donne un vêtement qui est de couleurs changeantes, brillant en diverses œuvres d'art ; sur le front les poils sont tissés comme en mèches noueuses, et ressemblent à des antennes: un aspect analogue se trouve à l'extrémité de son dos. La peau est comme l'arc-en-ciel, et brille en cercles  profondément illuminés  de pourpre, qui la nature a scellé sur les cotés  comme de larges crampons; les poils qui se dressent sur la peau, resplendissent comme le soleil, et éblouissent nos yeux comme la lumière  (?).

      -n°14 et 15 . La première est identifiée comme Malacosoma neustria la Livrée, par Geoffroy Ins. page 114 mais non par Linné S.N. page 500 qui lui donne le nom de Neustria. La Neustrie correspond au nord-ouest de la France, et inclut la Normandie.

      Nous avons reçu ces deux de Neustrie et de Normandie, la première a la tête de couleur bleue, et le corps strié de lignes rouge, blanche et grise. les poils sont beaux avec une brillante couleur dorée.

      La seconde roulée sur elle-même est comme un oursin. La tête est noire, le corps est ponctué de petits points bleus. Les poils ressemblent à un lustrage couleur safran.

      -n°16.

      Celle-ci abîme les bourgeons des poiriers. Elle a la tête sombre, le corps  noir orné de sillons rouges et blancs. Elle a au milieu comme des épaules (?), et presque à l'arrière du dos, surgissent de petits renflements ou tubercules bleuâtres, parsemées de taches blanches. Les œufs d'où elles naissent sont de couleur brun clair, ce qui est aussi la couleur de la chrysalide et des poils. Nous en avons vus une autre du même genre, mais avec seulement un renflement sur le dos.

      -n°17.

       

      Nous vous recommandons de peindre en jaune la partie du dos à l'arrière de la tête, ici en blanc, et le reste blanc comme un Lys. Le ventre est jaune  cendre, ornée de points, et quadrillé au milieu.

      -n°18 Chenille de l'Ortie 

      Si vous peignez légèrement  les pattes de la Chenille de l'Ortie avec un jaune pâle, la figure sera proche de la réalité. Elle a des poils dressés drus et droits comme des épines, qui vous blessent par  un léger contact, entraînant un d'abord une démangeaison plaisante,  mais vénéneuse et ensuite une douleur difficile à supporter. Certains soutiennent qu'elle est plus vénéneuse que la Pityocampe ou Chenille du Pin.

       

      .

      .

      —Page 189 :

       

       

      - Figure n° 1 : brassica.  Chenille de Pieris brassicaria. la Piéride du Chou Identifiée par  Linné S.N. p.759. 

      Sur le Chou, se nourrit une chenille à tête bleu azur, au corps marqué de deux rameaux linéaires  jaunes de chaque coté ; entre lesquels une plage grisâtre semble ponctuée de quelques grains noirs. Les poils ont la couleur de la chrysalide, qui est gris-cendre.

      — Sepiarias. Nous proposons ici deux chenilles des haies.

      -n°2.

       La plus grande a une face couleur jaune-safran, mais le triangle que vous voyez à l'emplacement du nez est couleur de lis [Lilliasceret]. Le corps est varié avec des taches blanches, jaunes, rouges  et noires réparties sans ordre . Les poils qui se dressent sont jaunâtres. Elle dévore les feuilles des haies et dénude les frondaisons. Enfin elle se transforme en une boule de soie dans un cocon  grège semblable à un sarcophage.  

      -n°3

      La plus petite a une face et tout le corps  bleuté, excepté qu'elle a des points noirs et blancs. Ses poils sont de la même couleur que la première. 

      .

      Celles qui ont moins de poils sont : la Mangeuse de Géranium [Geranivora] ; la chenille du Jacobaea  ;  la Vergette [Antennula] ; les Hérissonnes [Echinus]  ; la Chenille de la Ronce [Rubicula]  ; et cette bestiole cornue [Cornuta] que les allemands nomment Horneworm. 

       

      -n°4. Celle qui circule sur les Géraniums. [Geranicolae]. Il s'agit de la chenille du Petit Paon de Nuit Saturnia pavonia, identifiée par John Ray en 1710 dans son Historia insectorum page 147  (Eruca viridi, rarius pilosa, tuberculis fulvis seu rubentibus in medii annulis Geranicola Mouffeti page 189). Linné dans Fauna suecica signale cette référence en indiquant la page 180 de Mouffet -et non 189 comme l'indique  John Ray-, et cette erreur est reproduite par Geoffroy et par Esper. 

      Nous avons défini avec précision ici la forme et la taille de la chenille du Géranium, et  allons l'expliquer : vous devrez faire en couleur rouille les taches blanches qui ornent les anneaux noirs, et peindre le ventre et les pattes , ainsi que les segments entre les anneaux, en vert-poireau. 

      Camerarius l'a envoyé à Penny avec cette indication ; "Une grande chenille, ne se nourrissant que sur les herbes des champs, et qui s'en prend principalement au Géranium des marais Geranio palustris.

       

      -n°5. La Vergette (Antennula) . Orgya antiqua ?

      Le corps de la Vergette est varié : de la tête jusqu'au troisième segment, vous pourriez dire qu'elle est barbouillée de craie, sur les cinq suivants en noir-fumée, et sur les trois derniers avec de la céruse. Les petites verges sont faites de poils qui semblent collés ensemble ; et une autre, tout à l'arrière, est dressée comme une crête. Quatre touffes sur le dos sont aussi faits de poils, qui poussent comme des dents en ordre croissant. 

      -n°6. La Chenille du Séneçon de Jacobée Tyria jacobaeae La Goutte-de-sang  

      La Chenille de la Jacobée ou du grand  Séneçon a la tête et les pattes d'une couleur violet pâle, le ventre vert pâle, le crps d'un vert désagréable, et orné de points noirs, jaune et flamme [orange]. La couleur des poils suit celle du ventre.  

      .

       

       

      .

      page 190.

      — J'ai observé deux sortes de chenilles hérissonnes, l'une d'un gris bleuté, l'autre d'un blanc cassé. 

       

      -n°1 Deux figures, chenille et chrysalide. 

      La première de ces hérissonnes a un corps quadrillé par un mélange de noir et de jaune. Les épines apparaissent jaunes. Quand l'automne arrive, elle se transforme en une chrysalide couleur cendre.

       


      -n° 2.

      La seconde est parfaitement semblable à un hérisson ; la moitié du dos, à savoir la première partie, est noire sur fond jaune, l'autre moitié est blanche sur fond  jaune, elle porte des épines très pointues et épaisses, de couleur grisâtre.


      -n°3.

      La Nature a peint la Chenille de la Ronce en noir cendre avec sur les deux côtés  trois crêtes d'une couleur jaune pâle: les poils sont très fins, et tout à fait noirs.

       

      -n°4  

      Il y a aussi la chenille à corne, qui a beaucoup de points verts sur un fond jaune, les poils dressés sur le milieu du dos sont gris-blanc, mais la corne est crénelée et rouge. 

       

      -n° 5 à 12. Peut-être la Cucullie du Bouillon-Blanc, la Cucullie de la Scrophulaire, l'Acherontia atropos, le Sphinx de l'Euphorbe Hyles euphorbiae, (figure n°10) ...

       

      Il existe de nombreuses variétés de chenilles sur le Bouillon-blanc ( Verbascum), le Lupin, la Scrophulaire, la Morelle Douce-amère, la Belladone (Solanum), l'Aulne, l'Orme et l'Euphorbe (Tithymallo) ; et presque chaque plante possède sa chenille qui la dévore. Pour ne pas être lassant, je ne les décrirai pas en détail, et elles sont déjà assez connues.

      -Pas de figure : Cossus cossus, le Cossus Gâte-bois, identifié par Linné S.N. page 504

      Linné indique que la chenille ici décrite est illustrée à la page 196 du Theatrum de Moffet, figure 1 (verticale) sous le nom de Spondyle .   En effet, (comparer avec une photo de cette chenille sur le site lepinet.fr)

      Je n'ai jamais eu la chance d'observer la chenille puante de  Gessner, qu'il décrit par ces mots, dont j'ai la transcription :

      Elle est, écrit-il, semblable à toutes les  chenilles à cornes, mais elle en diffère  par sa couleur et par sa corne. J'en ai pris une qui grimpait sur un mur à la fin août de l'année 1550. Elle émettait une odeur si nauséabonde qu'on était convaincu qu'elle était vénéneuse. Elle dressait colèreusemnt sa tête et gardait ses deux pattes antérieures levées. J'ai pensé qu'elle était aveugle. Elle était longue et épaisse comme le doigt. Quelques poils étaient implantés sur les cotés et sur le dos , lequel était noirâtre. La couleur de son ventre et des cotés était rougeâtre sur un fond jaune. Tout le corps se distinguait par 14 segments distincts, et chacun portait un sillon unique sur le dos. Sa tête était noire, et  (coriace, dure) [duriusculum] . Sa bouche était fourchue et dentelée, comme en dents de scie, si bien que lorsque'elle attrapait quelque chose avec, elle le mordait.  Elle marchait sur seize pattes, comme le font la plupart des chenilles. Sans (aucun) doute elle est vénéneuse. Vergerus pensait que c'était une Chenille du Pin, une Pityocampe, et d'autres la considérait comme un scolopendre. Mais elle n'a pas le nombre de pattes des Scolopendres. Je pouvais à peine supporter son odeur tandis que je la décrivais, et je n'allais pas infester deux chambres [poèles = hypocausta] avec son épouvantable puanteur, c'était plus que je ne pouvais tolérer ? " Voilà ce que Gessner a noté.

      .

       

       

      .

      .

      page 191.

      - Fin du chapitre II.

      - Chapitre III. De ortu, generatione, alimento, & Metamorphosi  Erucarum

      Of the original, breeding, nourishment, and change of Catterpillars.

      Dear book, the faithfull witnesse of my pain,

      Let not the purple red thy fair cheeks stain,

      Whilest I in tables paint the rude worms race,

      And such as change their skins into a case.

      For these by Gods wise hand created are;

      Which in small things is wonderful and rare,

      And more to be admired in Worms, than Whales,

      Or Elephants, Leviathan with scales,

      Arm'd as with harnesse• strong as iron bars,

      And roars like thunder terrible in wars;

      Who drinks the sea, and s•ews it up again,

      Compar'd with worms, will be admir'd in vain.

      So I shall begin with our Poet, who observed a divine power in Catterpillers from their Original; which whilest divers Authors have diversly expressed, I know not into how greatPage  1040darkness they have cast us. Aristot. 5. Hist. 19. writes, that they begin from green leaves of herbs, as from Cabbage, or Radish: namely by a seed like Millet left there in Autumn, whence little Worms proceed. From these Worms in three daies space Catterpillers breed at the end of the Spring; which being augmented and nourished sufficiently, they leave off moving, and at the beginning of Autumn they change their form and life for an Aurelia. Pliny saith that dew thickned by heat of the Sun, is left upon the leaves, whence he derives all kindes of Catterpil∣lers, to whom Arnoldus agrees: others say they all come from Butterflies; which so soon as they come forth of their A•reliae, they thrust forth (above or beneath the leaves hard by) some eggs (the barbarous call them Turds) and these are greater or less, according to their bodies (some of these have blew shels, some yellow, some white or black, green or red) in fourteen daies they are hatched by heat of the Sun, and the shell breaking, they thrust forth small Catterpillers like very small Worms, but coloured: at first beginning they are very hungry, and do nothing but devour leaves and flowers, especially of those herbs and plants where they were left in eggs. But I should maintain that they are not bred only one way, but all these waies: for though Ari∣stotles doctrine seems to some not acute enough, that the Cabbage little Worm grows to be a Catterpiller; yet it is not against reason; for as nature from an egg, so from a worm she pro∣duceth a more perfect living creature, as perfecting, not as corrupting. For though the worm be not that it was before, (as is clear to sense) yet as much as can be perceived, it is both what it was, and is now somewhat more, for a Worm doth not dye that a Catterpiller may be bred: but adds a greater magnitude to its former body and feet, colour, wings; so life remaining, it gets other parts, and other offices: so the off-spring of man (I use Scaligers words) after some daies at first of a man in posse, is made a man actually; you must understand its generation, in which time the intellective soul doth not yet act, but it bears the same proportion to a man that shall be, as a Worm doth to a Catterpiller or Bee. So alsoPennius derided the opinion of Pliny, when he writ that Catterpillers were bred of dew, yet all Philosophers with one con∣sent agree, that the more imperfect small creatures are bred of dew. And not without cause. For the Sun by heating acts, being like the form, and the humour is like the matter. The Suns heat is different from the fire, for it gives life, or it preserves the souls in their likeness. For the dew hath the proportion and softness of the air, where Theophrastus alledgeth the affect of softness (in his Book of Plants) as proper for generating air. Also nothing is more nourishing than dew, by which alone some little creatures live: which also the divine Poet said; How much doth dew lay up in the night! Therefore as it is humour, it is the matter, as it is thin, it enters, as it is drawn by the Sun, and concocted, it is the fitter for generation; for the preparation of the form carries the matter along with it, and these going together it fals out that a living, creature is generated. And it is not only an off-spring of dew, but the daughter of Butterflies, as we said, and as experience testifieth: and the greatest part of Catterpillers come from them, besides the Cabbage and Vine-fretters, few are bred otherwise. For these that the Greeks call in non-Latin alphabet , are made of dew, or a humour shut up in webs and putrefying, especially when the wind is East, and the air warm, that hastneth corruption. For then such a mighty army of them breaks forth in our Countrey, that we cannot truly say or think so many could be bred any way but from corruption. They are all gluttonous devourers of herbs and trees: whence Philip the Parasite boasts of himself inAthenaeus in his Pythago ist, for feeding on Thyme and Pot-herbs, I am a Catterpiller. Martial speaks to the same purpose, One garden will hardly feed a Catterpiller. When their time of eating is over, they wander up and down here and there hungry, and by degrees growing lean with hun∣ger, some within, some above the earth, seek for a fit place, where they are transformed into an Aurelia covered with a Membrane, and hanging by a thred, or into a bare case; if this happen in the midst of Summer, after 24 daies the shell breaking, a Butterfly presently flies out: but if Autumn be well spent, the Aurelia lasts all the Winter, and shuts out nothing till the heat of the Spring. Yet all Catterpillers are not changed into Aurelia's, but some are contracted (as Vine-fretters) and corrupt, from whom oft-times three blackish eggs fall, that are the mothers of Flies or Cantharides: when your Butter-flies copulate very late, they bring forth eggs (even untill the next Spring) that have life, (if you take diligent care of them) as it is usual in Silk-worms, whose eggs are sold commonly amongst the Spaniards by ounces, and pounds. Theophrastus distinguisheth the transformation of these Catterpillers rightly in these words, in his second of Plants: First, of a Catterpiller is made an Aurelia, and of this a Butterfly, then of that a Catterpiller again. But whether this Aurelian Chryfallis be a living creature or not, we shall dispute when we come to speak of Insects without feet.

      .

      .

      Page 192.

      CHAPITRE V.

      De Qualitate & usu Erucarum earumque Antipharmacis. 

      De la qualité et de l'utilisation des Chenilles, et des Remèdes. 

      ALL Catterpillers have a burning quality and pilling of the skin, and raising of blisters. The most deadly is the Pine Catterpiller, yet they are all venomous, but least of all those that are smooth and without hair. The daughter of Caelius secundus, being at Basil (saith Gesner) when she had devoured some Cabbage Catterpillers in the garden, after much vomiting, her bel∣ly swelled, the swelling troubled her many years, and no cure would be found for it.William Tur∣ner a Divine and a learned Physician, the happy father of one Peter who was born to give physick to Physick it self, prescribed a purging porion for a noble Woman ofEngland, by the help whereof she vomited up a hury Catterpiller, which being swallowed by negligence, had long afflicted her with cruel torments: yet we may remember (saith Marcellus Virgilius) that there are beasts in the sea of the same names, and called Catterpillers, and are far from being poy∣son: and amongst those men that live by the sea side, are the last dish at their tables. We have shewed remedies against the mischievous and venomous ones before, in the Histories of Can∣tharides, Buprestis, and Pityocampes, for they admit of, and require the same cure. If you would have your garden or trees free from them, what webs you see hang on the naked boughs you must sweep off in Winter; for if you let them remain till the Spring, they will breed before you can remove them. In a short space they devour all green things, and consume the flowers: some anoint their trees with the gall of a green Lizard, or of a Bull, which as it is commonly reported, they cannot endure. The Countreymen use to stisle them with some brimstone and straw set a fire under the trees. The earth dug up under the root of the great bearing mast tree, if it be strewed in a garden, drives away Catterpillers, saith Hildegard. I should pass over the Remedy Columella hath prescribed, as a shameless delusion ofDemocritus, did not Pliny and almost all the rest approve of it, who meddle with husbandry: the words are these:

      But if against this plague no Art prevail,

      The Trojan Arts will do't, when others fail.

      A woman barefoot with her hair untied,

      And naked breasts must walk as if she cried,

      And after Venus sports she must surround

      Ten times, the garden beds and orchard ground.

      When she hath done, 'tis wonderful to see,

      The Catterpillers fall off from the tree,

      As fast as drops of rain, when with a crook,

      For Acorns or Apples the tree is shook.

      They touch not Plants that are besprinkled with Wine. Theophrast. They presently dye with the smoke of the herb Psora. Aetius. Hence it appears (saith Silvius) that the vulgarly called Scabious, is not Psora. The Cabbage is free from Catterpillers, if it be fenced with Vetches. The Worms found in Fullers Teasels, make them fall if they but touch the Cabbage Catterpillers. Pliny. Strew your Cabbage with Nitre, or salt earth, whilest it hath lost but three leaves, or strew it with ashes, and by the saltness of it, it will drive away Catterpillers.Geopon. Palladius in this matter prefers the Fig-tree ashes. If Crabs or river Crevish, were hanged up and exposed to the Sun for ten daies, they will drive Catterpillers from Pot herbs.Cardan out of Palladius. Others wet the seeds just before they set them, in the bloud of a Catterpiller, or the juice of Marjoram, to free them from Catterpillers. A sea Onion set or hung in a garden, hinders the Catterpillers from breeding. Some sow Mints, others Vetches, others Wormwood about their gardens to drive away Catterpillers. Some not without cause, have Coleworts and Garlick leaves in ther gardens, by the fume whereof spread every way the Catterpillers fall down. Palladius, where any man may easily read of many remedies against them. If a Horse devour them, swel∣lings arise, the skin of him grows dry and hard, his eyes hollow, saith Herocles, and he prescribes this remedy: You must take the sharpest Vinegar and Nitre three quarters of a pint, Vitriol a fourth part; mingle them and anoint the Horses body, be careful that it enter not into his eyes. Now we shall speak of the use of them in Physick, and in the Common-wealth. The Catterpillers web and covering (like to silk) being drank stops a womans courses. Math. If it be burnt and put into the nostrils, it stops bleeding at the nose. The Catterpiller feeding on Privet, doth not only in a strange manner allure the Carp, if it be put on the hook for a bait, but also the dung of it put into the nostrils, presently helps the falling sickness in women, that proceeds from the Matrix, as I was told by a Midwife that was very experienced, and worthy to be believed. The Catterpillers that are upon Spurges (in the opinion of Hippocrates) are very good for purulent wombs, especially if they be dried in the Sun, with the double weight of dunghil Worms, and adding a little Anniseed, bringing them into powder, and infusing them in the best white Wine, and so giving them to drink. But heaviness following in the belly with numbness, let the Pa∣tient drink a little water and honey after it. Hippocrat. lib. de superfoet. prescribes those ordina∣ry Catterpillers that are in troops to be given in drink against the Quinsey. Dioscor. lib. 1. cap. 90. But unless they do profit by their secret quality, I think they are to be rejected for their open quality, especially in that disease. The Germans know that the hairy Catterpiller dried and pow∣dered, stops the flux of the belly.Nicander also useth them to procure sleep: for so he writes. And Jeremy Martius thus translates him:

      Stamp but with oyl those Worms that eat the leaves,

      Whose backs are painted with a greenish hue,

      Anoint your body with't, and whilest that cleaves,

      You shall with gentle sleep bid cares adieu.

      There are in prickly and hairy plants, such as the Nettle is, some downy and hairy Catter∣pillers, by tradition are held to cure children, when they cannot swallow their meat for straight∣ness

      of their jaws. A Catterpiller that lives on Pot-herbs being bruised and anointed where a Serpent hath stung, is very good. Avicen. If you rub a rotten tooth often with a Cabbage Catterpiller, it will soon fall out of it self, saith the same Author. Catterpillers mingled with Oyl, drive away Serpents. Dioscor. If you anoint your hands or other parts with the same Oyl, it will keep them from being hurt by Wasps or Hornets. Aetius. Pliny citeth many superstitious things from the opinion of Magicians concerning the vertue of Catterpillers; which because I see they are cast forth of the Schools of Divines, and I in my judgement do secretly disavow them, I will not repeat them here. They are meat also for divers Birds that we eat, and are useful for us, as namely Choughs, Starlings, Peacocks, Hens, Thrushes, to say nothing of Trouts, Robbin∣red-brests, Tenches, Carps, Pikes, which are easily deceived by a Catterpillar bait. And if you desire to know the waies of deceiving them; see Terentinus in Geopon. who is there (that I may not overpass the Physick of the soul given by Catterpillers) that hath not sung of Gods mer∣cies shewed to the wandring Israelites, when all Egypt swarm'd and was even drowned with the deluge of them? Also amongst the Romans there was twice in one Summer such a cloud of Catterpillers, Anno 1570. that put them in great fear, for they left no green thing in their fields, but devoured all. Though the fruitfulness of the next year did blot out the memory of this grie∣vous punishment, yet we may not doubt but it put many of them in minde to lead better lives. God grant that we may escape by being corrected in the punishment of other men. Let us think no creature of God to be contemptible, for God can, if he please, make the smallest the greatest judgement.

       

      [Illustration]
      Le premier de la Urchin. Catterpillers hath un corps à damiers, varié avec du noir et jaune; les poils épineux semblent jaune, quand il se transforme en une Au couleur cendrée | tomne vient Aurelia.
      La seconde est parfaitement comme un Urchin, la moitié du dos, à savoir le premier semestre, est noir de jaune, ce dernier est blanc du jaune, elle n'a piqûres très forte et épaisse, de couleur grisâtre.
      Nature a peint la cendrée Catterpiller ronce noire, sur les deux côtés avec trois crêtes d'une couleur jaune pâle: les poils sont ve | ry mince, et tout à fait noir.

      SOURCES ET LIENS.

      MOFFET (Thomas), 1634, Insectorum sive Minimorum Animalium Theatrum. London: Thomas Cotes pour Benjamin Allen, 1634. 

      Ancre http://biodiversitylibrary.org/item/123182#page/11/mode/1up

      — MOFFET,(Thomas), 1657 The Theater of Insects, in   The history of four-footed beasts and serpents describing at large their true and lively figure, their several names, conditions, kinds, virtues ... countries of their breed, their love and hatred to mankind, and the wonderful work by Edward Topsell ; whereunto is now added, The theater of insects, or, Lesser living creatures ... by T. Muffet ​

      Ancre https://archive.org/stream/historyoffourfoo00tops#page/958/mode/2up

      Ancre Texte en ligne : http://quod.lib.umich.edu/e/eebo/A42668.0001.001/1:16.2?rgn=div2;view=fulltext

      — Identification des chenilles :

      http://www.european-lepidopteres.fr/Galerie-Chenilles-Heterocere.html

       — GEOFFROY (Etienne-Louis), 1762, Histoire abrégée des insectes, vol. 2. 

      — JONSTONUS (Joannes), 1650-1653, Historiae naturalis de quadrupetibus libri : cum aeneis figuris; [Historiae naturalis de serpentibus libri II ; Historiae naturalis de insectis libri III ; Historiae naturalis de exanguibus aquaticis libri IV ; Historiae naturalis de piscibus et cetis libri V ; Historiae naturalis de avibus libri VI] Francofurti ad Moenum :Impensis haeredum Math: Meriani, MDCL-MDCLIII

      http://www.biodiversitylibrary.org/item/150732#page/58/mode/1up

      Voir aussi Edition de 1657 Schipper, Amstelodami 

      — LINNÉ (Carl) 1758 Systema naturae Dixième édition :

      http://www.biodiversitylibrary.org/page/727383#page/513/mode/1up

      LINNÉ, 1 746, Fauna suecica,

      http://biodiversitylibrary.org/item/129804#page/302/mode/1up

      — LINNÉ (Carl) 1767 Systema naturae Douxième édition

      http://www.biodiversitylibrary.org/page/25848844#page/256/mode/1up

      RAY (John), 1710, Historia insectorum.

      http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/10430#/summary

      Partager cet article
      Repost0
      Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Rhopalocères.

      Présentation

      • : Le blog de jean-yves cordier
      • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
      • Contact

      Profil

      • jean-yves cordier
      • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
      • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

      Recherche