Alors que l'église de Brennilis et la chapelle Saint-Herbot de Plonevez-du-Faou possèdent sur panneaux de boiserie la série complète des douze Sibylles, — ces prophétesses de l'antiquité dont les vaticinations supposées furent considérées comme des prédictions de la naissance d'un Sauveur né d'une Vierge et de sa Passion—, et alors que la Poutre de Gloire de Lampaul-Guimiliau montre sur sa face coté chœur ces douze prêtresses païennes encadrant une Annonciation, d'autres églises n'ont fait appel, dans leur ornementation, qu'à un nombre réduit de celles-ci.
C'est le cas à Guimiliau, où sont conservés deux ensembles : les panneaux entourant l'arrière-chœur, qui associent trois Sibylles avec des scènes de l'Enfance du Christ, et les panneaux de la cuve de la chaire à prêcher, où cinq Sibylles dont une seule est identifiable encadrent les quatre évangélistes et les allégories morales et théologales.
Souhaitez-vous les découvrir ? Suivez le guide !
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I. LES TROIS SIBYLLES DE L'ARRIÈRE- CHOEUR.
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Dans le chœur, derrière l'autel trois élégants bas-reliefs Renaissance alternent avec une Adoration des Mages (2 panneaux), un Saint Joseph dans la crèche, et une Annonciation .
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1. La Cimmérienne ?
Cette Sibylle tient dans la main gauche un objet brisé qui doit correspondre à la corne servant de biberon, l'attribut de la Cimmérienne. Elle annonce l' allaitement de l'Enfant par la Vierge. Il est donc logique qu'elle accompagne les panneaux de la Nativité, comme dans les Heures de Louis de Laval folio 22v et 23r.
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La Sibylle Cimmérienne, arrière-chœur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile novembre 2016.
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On la comparera aux Cimmériennes de Brennilis et de Saint-Herbot (photo lavieb-aile).
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L'Adoration des Mages,
Joseph, Marie et l'Enfant, et un Mage.
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Adoration des Mages, arrière-chœur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile novembre 2016.
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Adoration des Mages, arrière-chœur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile novembre 2016.
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Saint Joseph dans la crèche.
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Saint Joseph dans la crèche, arrière-chœur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile novembre 2016.
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2. La Sibylle Persique.
La Persique tenant la lanterne et foulant un serpent annonce la Vierge foulant le serpent et préfigure l' Immaculée Conception, l'Incarnation et la Nativité où la Vierge donne naissance à celui qui se dira Lumière du Monde. Dans les Heures de Louis de Laval folio 17v, elle précède deux enluminures illustrant les citations de Jean 8:58 Antequam Abraham fuit ego sum : " Jésus leur dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût, je suis.", du verset 5 du Psaume 82 Intellexerunt in tenebris ambulant. "[Ils n'ont ni savoir] ni intelligence. Ils marchent dans les ténèbres.", et de Jean 1 Lux in tenebris lucet. "La lumière luit dans les ténèbres, [ et les ténèbres ne l'ont point reçue]".
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La Sibylle persique, panneaux du chœur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Comparez avec Brennilis puis Saint-Herbot (photo lavieb-aile) :
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3. L'Erythréenne.
"Les Sibylles sont de grandes dames. Parmi les plus belles, les trois femmes de l'arrière-chœur de Guimiliau. Parmi elles l'Erythréenne marche, légère, se retournant souplement comme dans un défilé de mode." (Y-P. Castel)
L'Erythréenne, tient une fleur car elle aurait annoncé au monde païen la conception par une Vierge. Elle est donc associée à l' Annonciation. Dans les Heures de Louis de Laval folio 19v, elle précède une enluminure de l'Annonciation. Il est probable que ce panneau de Guimiliau précédait aussi un panneau semblable.
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La Sibylle d'Erythrée, panneaux du chœur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Comparer avec la Sibylle d'Erythrée de Brennilis et de Saint-Herbot (photo lavieb-aile) :
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La Sibylle d'Erythrée (détail), panneaux du chœur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Présentation de Jésus au Temple.
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Présentation de Jésus au Temple, panneaux du chœur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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II. LES SIBYLLES DE LA CHAIRE À PRÊCHER (1677).
En 1912, le chanoine Abgrall donnait de cette chaire la description suivante :
"La forme de la chaire est loin d'être gracieuse, mais dans les motifs qui l'ornent on trouve des éléments du plus haut intérêt. Le pied est formé par un groupe de quatre angelots bien gras· ; de la corbeille qui les surmonte partent des gaines en cariatides pour supporter la cuve. Celle-ci présente quatre pans ornés de médaillons richement encadrés et richement soutenus. Dans ces médaillons sont les quatre Évangélistes, accostés des vertus théologales et morales : 1°) La Tempérance avec coupe renversée ; et la Foi avec flambeau ; 2°) la Charité, petits enfants, et la Prudence, avec miroir et serpent ; 3°) la Religion, avec croix et l' Espérance, avec ancre ; 4°) La Force portant une colonne, et la Justice avec sa balance et une épée. · Deux jolis médaillons miniature, soutenus par de petits anges, représentent David jouant de la harpe et · Moïse portant les tables de la Loi. Dans les quatre angles sont les statues des sybilles. Enfin: deux autres petits médaillons nous donnent l'inscription suivante:
RE :M:H: GVILLERM : SIEVR : RECTEVR :
LORS: *AN: TANGVY: E: HERVE :LE MEVR :
FABRIQVES : 1677:"
*lire : IAN
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Sa mention des statues des Sibylles restait ... sibylline. C'est en 2006 que son collègue l'abbé Yves-Pascal Castel donna une étude exhaustive des 70 sibylles du Finistère, et leva le voile sur les prophétesses antiques de cette chaire : "Aux angles de la chaire à prêcher, la présence de la Cimmérienne reconnaissable au biberon en forme de corne laisse à penser que les quatre autres belles statuettes mutilées et désormais privées de leurs attributs distinctifs, la cinquième n'ayant d'ailleurs plus ni visage ni poitrine, représentaient des Sibylles".
Tout en découvrant ces belles mutilées, examinons la chaire qui les accueille, dans son ensemble puis panneau par panneau. Je suivrai l'ordre de description d'Abgrall qui débute par le premier panneau de gauche.
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Chaire à prêcher de Guimiliau (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Chaire à prêcher de Guimiliau (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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1°) Premier panneau. L'évangéliste saint Marc.
Au centre, saint Marc accompagné de son lion est figuré dans une guirlande tenue par un angelot. L'évangéliste est encadré par la Tempérance tenant une coupe à demi-renversée, et la Foi tenant un flambeau.
Sur l'angle de gauche : la Sibylle n°1, au dessus d'un médaillon ornemental
Au registre inférieur : un aigle aux ailes éployées, parmi des rubans et couronnes.
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Premier panneau, chaire à prêcher de Guimiliau (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Premier angle : La première Sibylle.
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Première Sibylle, chaire à prêcher de Guimiliau (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Deuxième Sibylle, tenant un livre.
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Deuxième Sibylle, chaire à prêcher de Guimiliau (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Deuxième panneau.
Pas de photo, pas de description
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Troisième Sibylle : la Cimmérienne.
identifiable à la corne à usage de biberon, elle est la seule à être (presque) intacte.
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La Sibylle Cimmérienne, chaire à prêcher (1667) de l' église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Troisième panneau : saint Luc et son taureau.
Saint Luc est représenté comme un homme âgé, le front dégarni, la tête couverte par son manteau, rédigeant son évangile sous le regard de son Taureau. La guirlande est encadrée par la Religion, brandissant une croix et l' Espérance,tenant une ancre.
En dessous, un médaillon montre un vieillard barbu accroché à une sorte de cuve : e serait Moïse tenant les Tables de la Loi.
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Troisième panneau : saint Luc et son taureau. chaire à prêcher (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Quatrième Sibylle, tenant un livre.
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Quatrième Sibylle, chaire à prêcher (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Quatrième et cinquième panneaux, chaire à prêcher (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Cinquième panneau.
Saint Jean est représenté en homme jeune, imberbe, mais les cheveux longs, rédigeant son évangile sous le regard de son Aigle qui tient le cordon de son encrier et de son plumier. La couronne est encadrée par la Force portant une colonne, et la Justice avec sa balance et une épée.
En dessous, comme dans le premier panneau, un aigle aux ailes déployées tient les rubans d'une guirlande.
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Cinquième panneau, chaire à prêcher (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Cinquième Sibylle.
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Cinquième Sibylle, chaire à prêcher (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Les inscriptions.
Premier médaillon à inscription :
RE :M:H: GVILLERM :
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Premier médaillon à inscription, chaire à prêcher (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Deuxième médaillon à inscription.
SIEVR : RECTEVR :
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Deuxième médaillon à inscription, chaire à prêcher (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Troisième inscription.
LORS: IAN: TANGVY: E: HERVE :
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Troisième médaillon à inscription, chaire à prêcher (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
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Quatrième médaillon à inscription.
:LE MEVR :
FABRIQVES : 1677:"
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Quatrième médaillon à inscription, chaire à prêcher (1667), église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2016.
Elle peut être transcrite ainsi : "[Revérend ?] messire Henri Guillerm, sieur recteur alors que Jean Tanguy, et Hervé Le Meur étaient fabriques, en 1677".
Nous disposons d'une "liste des Recteurs de Guimiliau avant le Concordat" dressé par Abgrall et qui mentionne : "1600-1645 : Jean Guillerm, docteur en théologie". Mais le nom du recteur Henri Guillerm apparaît sur le baptistère à baldaquin où se lit l'inscription : 1675 F : DV : TEMPS : DV : VENERABLE : M : H : GVILLERM : RECTEVR ..... LORS : DERIEN : POVLIQVEN : & : IACQVES : QVOTAYN : FABRIQVE.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (chanoine Jean-Marie), 1935 “Eglise de Guimiliau : porche, calvaire, baptistère, etc. description archéologique, 9e éd. Morlaix 1935.
” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 13 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/10703.
— ABGRALL (chanoine Jean-Marie), 1912, "Guimiliau", Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] , Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper, 12e année, 1912, p. 19-28, 44-56, 76-96.
Notices sur les paroisses“Guimiliau,”Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 13 mars 2017,http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/351.
—CASTEL (Yves-Pascal), 2006, "Les 70 sibylles du Finistère", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère - T. CXXXV - 2006 pages 201 et suivantes
Si le porche sud de la chapelle de Saint-Herbot fut construit entre 1498 et 1509, et si le porche ouest fut achevé en 1516, par contre les deux chapelles encadrant le chevet datent de 1545. Celle de gauche est dédiée à sainte Barbe et celle de droite à saint Yves.
La chapelle Saint-Yves porte en clé de voûte MDXLV (1545) et MIS HI GARO GOVN (Messire Henri Garo gouverneur de la fabrique?) . Elle est éclairée par un vitrail de 1556, et deux niches à volets encadrent ce vitrail de l'élévation est, qui domine un autel de pierre. La chapelle est séparée du chœur par les boiseries du chancel.
J'en décrirai les deux niches de Saint Corentin et de saint Yves, puis le vitrail de saint Yves.
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I. LA NICHE À VOLETS DE SAINT YVES ENTRE LE RICHE ET LE PAUVRE .
Cette niche appartient, par son sujet, à l'ensemble de 111 groupes de saint Yves entre le Riche et le Pauvre ou "Groupes de saint-Yves" recensés par Virginie Montarou en Bretagne, dont 89 subsistant à notre époque. Parmi ces 111 œuvres, se trouvent 38 statues, 12 retables, 13 bas-reliefs, 11 tableaux, 9 calvaires, 3 bannières et 13 vitraux. 35 de ces groupes datent de la période 1500-1599.
On peut citer (Hamon) dans les Côtes-d'Armor, les statues de la cathédrale de Tréguier, de l'église de Minihy-Tréguier, de celle de Louannec, des chapelles du Port-Blanc (en Penvénan) et de Lannegan (en Lanrivain) ; dans le Finistère : celles des églises de Pleyben, du Folgoët, de Huelgoat, de La Roche-Maurice, d'Irvillac, ainsi que les chapelles de Saint–Vénec ( en Briec) , du Cloître ( en Pleyben), de Saint-Thélau ( en Leuhan), de Notre-Dame de Quilinen (en Landrévarzec), de Saint Herbot (en Plonevez-duFaou). Ou les retables représentant, selon la technique du bas-relief, saint Yves entre le riche et le pauvre dans l'église de Loguivy-lès-Lannion, ou encore dans celle de Gouesnou ( avant sa destruction durant la Seconde Guerre Mondiale). Ou les tableaux de l'église paroissiale de Louannec, des chapelles de Kerfons (en Ploubezre) ou de Kernivinen (en PerrosGuirec).
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Cette niche en bois polychrome contient une statue en ronde-bosse de saint Yves et deux volets où le Riche et le Pauvre sont sculptés en bas-reliefs. Elle est classée aux Monuments historiques depuis le 25 janvier 1963. Elle est datée de la seconde moitié du XVIe siècle, par approximation à partir de la date de la chapelle et de son vitrail. Nous verrons que la datation 1620-1640 est plus appropriée.
Par son thème, elle associe à la fonction dévotionnelle propre à la demande d'intercession (vraisemblablement pas ici pour une confrérie de Saint-Yves qui n'est pas attestée et qui était réservée aux juristes), une fonction de critique de la corruption du corps des juges et avocats, et une demande de protection contre les excès de pouvoir des puissants.
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Niche de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Saint Yves est représenté non pas dans sa fonction de prêtre (recteur de Louannec), mais dans celle d'official, ou juge professionnel des affaires ecclésiastiques.
Il porte le camail assorti du rabat ecclésiastique (rappelant le capuchon ou chaperon médiéval) , le surcot blanc recouvrant la cotte talaire, au dessus de souliers de cuir noirs.
Cette tenue se rapproche de celles décrites par les contemporains interrogés lors du procès de canonisation en 1330, trois décennies après la mort du saint :
"Malgré cela il se contentait en tout et pour tout d'un long surcot et d'une cotte talaire faits d'une grossière étoffe blanche, bon marché, appelée burell. [...]. Il avait aux pieds de grands souliers à courroies, comme les Cisterciens, sans bas." (Alain Soyan, témoin n°6)
" De jour il allait revêtu d'un long surcot et d'une cotte talaire faits d'étoffé blanche qu'on appelle kordet ou burell, sans quoi que ce soit comme fourrure. A même sa peau il portait un cilice." (Geoffroy de saint-Léan)
Certes, la cotte a été peinte (ou repeinte ?) en noir pour se rapprocher de la soutane pots-tridentine, et le surcot en blanc pour ressembler au surplis.
Yves Hélory est coiffé du bonnet carré aux cornes caractéristiques, adopté comme couvre-chef officiel par les gens de justice à partir du XVIème siècle : ce couvre-chef deviendra plus-tard la barrette.
Il tient dans la main gauche un parchemin contenant sans-doute une requête présentée par un plaideur pauvre, qu'il accueille avec faveur, ou bien la plaidoirie qu'il compte soutenir.
Pierre Le Baud rappelle ses origines nobles, « lequel Yves, combien qu’il fust de tresnobles parens, puis son travail d’Advocat des poures (pauvres) & misérables personnes, réduisant de toutes ses forces les litigans à paix & concorde. »
Juriste, saint Yves l'est indubitablement par sa formation, qui fait de lui un professionnel du Droit de haut niveau, doublement licencié à la fois en Droit Canonique et en Droit Civil romain, — "utrumque jus" ( i.e. : "Les deux droits" ) — à l'issue d'un baccalauréat en Théologie. Il se place ainsi bien au-dessus de la multitude des praticiens en fonction auprès des innombrables tribunaux seigneuriaux du Moyen Age, à une époque où nul n'était encore besoin d'un quelconque diplôme universitaire pour être recruté comme magistrat au sein d'une juridiction inférieure, et encore moins pour s'établir avocat . Originaire de Trèguier, il a suivi ses études à l'Université de Paris,avant d'accepter d'abord la charge d'Official que lui proposait l'Archidiacre de l'Evêque de Rennes, et, trois ans plus tard, vers 1284, d'occuper la même charge à Tréguier à l'appel de l'Evêque, Alain de Bruc.
En tant qu'Official, Yves Hélory est amené à connaître non seulement de toutes les affaires concernant les clercs de différents degrés (y compris les éventuelles accusations de crime), mais encore de l'ensemble des causes intéressant les veuves, les orphelins et les "misérables personnes" de façon générale, qui sont légalement autorisées à se mettre sous la protection de la Justice ecclésiastique dans l'hypothèse d'une carence du magistrat civil normalement compétent. De même, c'est devant l'Officialité de Tréguier que sont portées les affaires dites "mixtes", qui présentent à la fois un caractère séculier et une dimension religieuse : c'est le cas, par exemple, de toutes les difficultés d'application des dispositions des contrats et des engagements, lorsque leur valeur probatoire a été solennellement renforcée par un serment sur de saintes reliques, selon la pratique courante de l'époque ; il en va de même des contestations portant sur des dispositions de dernières volontés (notamment des legs), et surtout de toutes les "causes matrimoniales" : empêchement au mariage pour consanguinité, crime de bigamie, séparation de corps ou de bien, rupture abusive de fiançailles… etc. (Hamon 2003)
Les témoignages sur son souci de mettre ses compétences au service des démunis sont nombreuses. Retenons celle du Père Abbé du monastère de Bégard :
C'est le cas "d'une femme qui demandait un jeune homme en mariage : Dom Yves, sachant cette femme dans son droit, défendait sa cause pour l'amour de Dieu ; le jeune homme disait à Dom Yves des paroles d'injures, le traitant de coquin et de truand, [mais il] supportait cela avec patience… ne répondant rien et se contentant de sourire, défendant comme à l'accoutumée la cause de sa paroissienne ; comme elle n'avait pas de quoi payer les mémoires dont elle avait besoin, il demandait aux notaires de [les] établir pour l'amour de Dieu, et les y engageait".
Ou celui de son ami d'enfance, alors âgé de 90 ans, clerc et jurisconsulte à la paroisse de Pleubian :
"Dom Yves s'est comporté dans ses fonctions d'Official d'une manière sainte et juste, rendant à chacun la Justice rapidement sans faire de choix ni de différences entre les personnes : en vertu de sa charge d'Official, il percevait le tiers de l'émolument afférent au droit de sceau de la Cour de Tréguier, et il en prélevait de larges aumônes pour les pauvres ; il ramenait à la paix et à la concorde, selon ses moyens, les parties qui lui soumettaient leurs litiges et les autres – quels qu'ils fussent – qui avaient entre eux un différend". "Messire Yves fut pieux et compatissant, car il plaidait gratuitement pour les pauvres, les mineurs, les veuves, les orphelins et les autres personnes misérables ; il soutenait leur cause, il s'offrait à les défendre même sans en avoir été prié : aussi l'appelait-on l'"Avocat des Pauvres et des misérables"… C'est bien gratuitement qu'il plaidait, car de nombreux misérables me l'ont rapporté, en se félicitant chaleureusement du concours que leur avait prêté Messire Yves".(témoignage de Jean de Kec'rhoz, témoin n°1)
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Niche à volets de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Le Pauvre.
Tout le talent de l'artiste est de souligner ... la pauvreté du Pauvre, mais aussi d'évoquer la justesse de sa cause. Ainsi, les pieds-nus, les vêtements déchirés, le bâton faisant allusion à quelque infirmité s'associent à l'attitude déférente, humble, et emprunté, au regard fuyant ou timide, au bonnet ôté de la tête, à la main placée devant la bouche, et au talon gauche soulevé, par manque d'aplomb (ou handicap).
Les couleurs de ses vêtements indiquent aussi son statut social : point de chemise blanche ni de couleur vive, mais des tons écrus, pour la tunique, les braies, ou les houseaux en grosse toile armée de bois.
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Niche à volets de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Le Riche.
Tout son rôle est d'afficher son opposition avec le Pauvre. Il conserve son chapeau sur la tête ; il affiche des couleurs ostensibles et regarde le spectateur avec assurance.
Il porte une perruque (ou des cheveux longs et bouclés), une moustache et une barbiche qui relèvent de la mode en vigueur sous Louis XIII, et même précisément de la période 1620-1640, si j'en crois le site Coiffures historiques Alain Ducher :
– La mode, sur le visage est à la moustache en pointe de poignard à bords très relevés, ou en croc, ou ébouriffée, très fine ou épaisse.
– Les moustaches en pointes de poignard viennent du troubadour de Louis XIII qui avait des moustaches faisait l’admiration à la cour, et ceci du début à la fin du règne.
– Les courtisans se mirent au goût du Roi qui aimait la coiffure de sa perruque aux cheveux noirs descendant jusqu’aux épaules, mollement bouclée a partir de la mi-longueur, sa chevelure était partagée en deux sur le milieu de la tête, coiffure plate avec une frange courte, il avait la belle moustache en croc ainsi que la barbiche pointue au menton la Royale.
– Après 1630 il y a diminution de la moustache et la barbiche devient plus petite et fine et vers 1640 elles furent rasées, la pilosité sur le visage va disparaître pour deux siècles.
Le chapeau de feutre est également Louis XIII. La cape flottante rouge et or est pendue sur l'épaule droite, et ses manches restent vides. La chemise fine forme un col en rabat boutonné sur la ligne médiane. Les manches sont tailladées au niveau du creux du coude. Les hauts de chausse bleus sont à revers or. Les bas de soie bleus ont de larges revers rouges. Les souliers noirs sont ornés d'un nœud de ruban doré.
Le Riche tient une bourse pleine en guise de placet, et tend en vain une pièce d'or au juge intègre.
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Niche à volets de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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II. LA NICHE DE SAINT CORENTIN.
Saint-Herbot était une ancienne paroisse de l'évêché de Cornouaille avant d'être rattaché à Plonevez-du-Faou. La statue rend hommage à saint Corentin, premier évêque légendaire de Quimper.
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Niche à volets de saint Corentin, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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LE VITRAIL DE SAINT YVES ENTRE LE RICHE ET LE PAUVRE (1556).
Elle occupe la baie 2 (numérotation du Corpus Vitrearum) et mesure 3,50 m de haut et 1,80 m de large. Elle comporte trois lancettes cintrées de trois panneaux maintenues par deux barlotières, et un tympan à 5 ajours.
Restauration et état.
Cette verrière a été restaurée vers 1716 par Claude LEROUX, peintre vitrier de Telgruc habitant le manoir de Kérédan, qui déposa cinq panneaux et refit la tête du saint, puis en 1886 par la Manufacture du Carmel du Mans sous la direction d'Eugène et de Ferdinand HUCHER, à la demande de l'abbé CARADEC. On lit le nom de HUCHER sur l'inscription en bas à gauche. Gatouillat et Hérold précisent : "Tête de lancette centrale, soubassement et panneaux inférieurs restitués par Hucher et fils"
Le Bihan 2008 signale une restauration par HUBERT SAINTE-MARIE en 1973 .
Elle fut enfin restaurée en 1987 par Jean-Pierre LE BIHAN avec pièces doublées et collées. Selon ce dernier, il reste à peine le quart des pièces de la verrière d’origine. En 1987, la verrière était jugée en très bon état, puisqu'il s'agit surtout d’une reconstitution du XIXe siècle.
Attribution.
Ce vitrail est attribué par PÉRENNÈS 1942 puis par COUFFON 1953, sur la foi d'un monogramme T.Q, au maître-verrier morlaisien Thomas QUÉMÉNEUR, à qui on doit quelques travaux à la collégiale du Mur en 1546 (J-P. Le Bihan). René COUFFON précise même que ce peintre-verrier était l'époux de Jeanne COLLIN. J-P. Le Bihan précise :
"Thomas Quéméner, peintre verrier de Morlaix. C’est sans doute lui qui épouse Anne Colin, dont il a trois enfants, entre 1544 et 1547. Il est aussi cité comme parrain dans les registres paroissiaux de Saint-Mathieu de 1538 à 1549. En 1543, il répare les verrières de l’abbaye du Relec, à Plonéour-Menez, celles de Saint-Mathieu de Morlaix en 1544-1545, celles de Notre-Dame-du-Mur en 1546.".
Je me méfie des affirmations péremptoires de Couffon, reprises par tous mais souvent non confirmées. Gatouillat et Hérold se contente d'écrire que "l'hypothèse peut être acceptable, mais ne peut valoir pour l'ensemble" des trois baies et notamment pas pour la Passion du chœur. Je n'ai pu retrouver ce monogramme sur cette baie, et encore moins le comparer à ceux des autres travaux de ce verrier.
...P.S. En réalité, je découvre le monogramme T Q, parfaitement visible et accompagnant la signature explicite "Thoumas quemen" sur la maîtresse-vitre. J'en dirais plus dans mon article sur celle-ci.
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Iconographie.
— Parmi les 111 groupes de saint Yves dénombrés par Virginie Montarou en Bretagne, se trouvent 13 vitraux.
— Le Fonds Saint-Yves dénombre 7 vitraux dédiés à saint Yves, dont trois seulement du XV et XVIe siècle : Boquého (22) Chapelle N-D de la Pitié, fragment, 1460 ; Moncontour, (22), église N-D et Saint-Mathurin, 1537 ; Saint-Herbot , 1556 ; et Tréméven (29), église Saint-Méen, 1550. Mais seuls ceux de Moncontour et de Saint-Herbot sont des groupes de saint-Yves. J'ajoute à cette liste le vitrail des Iffs, église Saint-Ouen, de 1587.
— En définitive, le vitrail de Saint Yves entre le Riche et le Pauvre de Saint-Herbot est l'un des trois seuls exemples de ce thème en Bretagne au XVIe siècle ou auparavant, avec les deux vitraux suivants :
Il date de 1886 . Dans les trois soufflets centraux, deux anges tiennent des banderoles et un ange lit un parchemin; deux écoinçons blancs sont à droite et à gauche de la tête de lancette centrale. Je ne le souhaitai pas m'y attarder, mais le texte des banderoles est intéressant.
Cette citation se trouve dans les "Saints" du Père Cahier, à l'article "Avocats", "St-Ives (Yvon ou Yves), page 107, dans la note de bas de page "on trouve parfois cette inscription sous les estampes qui le représentent" . Elle est aussi citée dans un Supplementum comme appartenant à l'éloge suivant :
Yvo pater legum, custos, rotector, et amplum
Egregiumque decus, cui se debere fatentur,
Jura tuo toties sunt debellata furore,
promptus eras justas miserorum sumere causas.
— A gauche, je lis : YVO IS PRO QVOD AVOCAS PROMPTUM SENTIT AVXILIVM, début de l'antienne du second Nocturne de l'Office de la fête de Saint Yves Confesseur. Là encore, la source en est "Les Caractéristiques des Saints" du Père Cahier, puisé dans le Bréviaire de Quimper, mais plus précisément dans l'Essai d'iconographie de Gaultier du Mottay, puisé dans le Bréviaire de Saint-Brieuc.
Charles Cahier Caractéristique des saints dans l'art populaire Poussielgue 1867 vol. 1 page 107 :
Vitrail de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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La lancette centrale : saint Yves.
Assis sous une niche à coquille sous un grand agencement architectural, saint Yves, nimbé, porte la barrette, le camail violet, une épitoge blanche au dessus d'une robe de couleur rouge. La tête inclinée comme un prêtre dans son confessionnal, il lève une main bienveillante vers le Pauvre placé à sa gauche. De l'autre main, il tient un recueil juridique, sans doute le Livre des décrets.
"Chaque personnage est dans une niche avec socle colonnes et dais. Saint Yves est au centre assis dans une stalle dont le fronton a une coquille verte. Il est sensiblement tourné vers la droite, action qui est encore augmentée par la position de son visage, de trois quart droite et penchée. Ce visage, travaillé à la sanguine est celui d’un homme mûr aux yeux noirs et à l’oreille à l’écoute. Il est coiffé d’une barrette noire à trois cornes, inscrit dans un nimbe rayonnant Son attention à l’écoute est encore appuyé par le geste de la paume ouvert de la main droite, parabole transmettant la parole à l’oreille. La gauche tient serré entre ses doigts un livre de loi de couleur jaune et fermé. Il porte sur les épaules un camail noir. Dessous il revêt une robe rouge aux manches serrées et un surplis blanc aux manches larges roulées aux coudes. Ses pieds reposent sur la marche de la stalle. Le sol à demis losanges vert anglais et noir est le même pour les deux autres niches." (Jean-Pierre Le Bihan).
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Vitrail de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Vitrail de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Le Pauvre.
"Le pauvre est celui vers lequel saint Yves se tourne. Il arrive d’un pas timide, courbé, de trois quart gauche. Son chapeau ramené contre sa poitrine par la main gauche . Il a franchi le porche cintré du lieu, porche qui s’ouvre sur un fond vert anglais. Il porte des chausses et des collants bleus clairs et est habillé d’une robe de couleur ocre ou manteau, tout simple et propre. Le visage incliné porte des cheveux longs. " (Jean-Pierre Le Bihan)
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Vitrail de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Vitrail de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Le Riche.
"Tout autre est le riche, chapeauté de rouge Il est debout de profil droit, vêtu d’un lourd et long manteau bleu doublé d’hermine sur une robe elle aussi bleu aux manches rouges. Il parle. Il est entrée par une simple porte rectangulaire." (Jean-Pierre Le Bihan)
Vitrail de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Vitrail de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Détail du dais de la niche.
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Vitrail de saint Yves entre le Pauvre et le Riche, chapelle saint-Yves de la chapelle Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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ENLUMINURES des Bibliothèques Municipales françaises selon le site enluminure.culture.fr
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— Bourges AD G00061 folio 002 1536-1548
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— Bourges Musée du Berry, Heures d'Anne de Mthefelon folio 098 vers 1415-1420.
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—Saint Yves plaidant. Mâcon BM 0003 folio 256 in Légende Dorée de Jacques de Voragine traduit par Jean de Vignay, vers 1470.
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SOURCES ET LIENS.
— Infobretagne "Enclos paroissial de Saint-Herbot en Plonévez-du-Faou"
— CHAUSSEPIED (Charles),1914, Notice sur la c hapelle de Saint-Herbot en Plonévez-du-Faou, Bulletin de la Société archéologique du Finistère T. XLI pages 128-139
— LE BIHAN (Jean-Pierre), 2008, "SaintHerbot, Plonévez-du-Faou", blog du maître verier quimpérois Jean-Pierre Le Bihan :
http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/page/38
— LE GUILLOU (J-P.) 1989, "Saint Yves : ceux qui l'ont connu témoignent, ceux qu'il a guéris racontent (enquête de canonisation)", Henry, Pédernec, 1989
— MONTAROU (Virginie), 2003, Saint Yves entre le riche et le pauvre, in Saint Yves et les Bretons, culte, images, mémoire (1303-2003), Presses Universitaires de Rennes
https://books.openedition.org/pur/22412?lang=fr
— MONTAROU (Virginie), 1998, Saint Yves entre le riche et le pauvre. L’évolution de sa représentation iconographique en Bretagne auxxvie et xviie siècles, mémoire de maîtrise, 2 vol., université Rennes 2, 1998.
— PÉRENNÈS (Henri), 1942, Monographie de la paroisse de Plonévez-du-Faou. Imprimerie bretonne (Rennes) 55 p.: ill.; 21 cm. Pérennès Henri, “Plonévez-du-Faou : monographie de la paroisse,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 19 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/9799.
Le chancel de la chapelle Saint-Herbot est formé de panneaux décorés d'arabesques et portant une claire-voie à balustres tournés. Sur les panneaux de la frise, du côté de la nef, sont sculptés, sur dix panneaux, les douze Apôtres entourant saint Herbot, et, au verso des mêmes panneaux du côté du chœur, les douze Sibylles, prêtresses païennes qui passaient pour avoir annoncé la venue du Sauveur.
Cet ensemble des douze prophétesses antiques est l'un des trois exemples de cette série complète en Finistère, avec Brennilis et la Poutre de Gloire de Lampaul-Guimiliau, précédemment étudiés sur ce blog. D'autres séries sont incomplètes, à Guimiliau, Roscoff, Pleyben, Irvillac, Le Faou, Le Faou, La Martyre, Plabennec et Plouzévédé. Je renvoie à la description princeps des soixante-dix Sibylles du Finistère par l'abbé Castel.
J'ai longuement étudié leur iconographie dans mon article sur les Sibylles de Brennilis. Je ne donne ici que ce bref rappel :
Les Sibylles, légendaires prêtresses d'Apollon, apparaissent dans l'art français au XIIIe siècle, mais on n'en représente encore qu'une seule, la sibylle Erythrée, la redoutable prêtresse qui a prophétisé le Jugement dernier. Dans la seconde partie du XVe siècle, les sibylles se montrent en groupe pour annoncer le Sauveur. Le dominicain Philippo Barbieri, dans un livre paru en 1481, « Discordantiae nonnulloe ... », aux fins d'harmoniser le paganisme avec la religion chrétienne, rapproche les Sibylles des prophètes, en fixant à douze le chiffre de ce1les-ci. Il assigne, de surcroît, à chaque Sibylle un âge, un aspect, un costume déterminé. Ce motif des sibylles associées aux prophètes s'impose à l'art italien et français, dès 1481. Il se rencontre en 1489 dans le livre d'heures de Louis de Laval, dont procèdent toutes les sibylles que l'on trouve en France au XVe et au XVIe siècles.
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Ce qui va s'avérer passionnant, ce sera de placer en comparaison les panneaux homologues de l'église de Brennilis, et de constater une telle proximité, non seulement des postures et de la tenue des attributs, mais aussi des vêtements, que l'hypothèse d'une création par le même atelier mérite d'être envisagée. Ce qui, à ma connaissance, n'a pas été observé.
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1°) La Sibylle Cimmérienne et son biberon.
Elle annonce l'allaitement de Jésus par la Vierge.
Elle est coiffé d'un turban enrubanné d'une étoffe qui se poursuit par une barbette nouée dont les brins passent par l'anneau fermoir de la cape. La robe est plissée à la taille par une ceinture ; les manches sont doubles, et frangées. Le biberon, tel un hanap, s'évase en pavillon et est doté d'une embouchure.
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La Sibylle Cimmérienne et son biberon, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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La Cimmérienne de Brennilis :
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La Sibylle Cimmérienne et son biberon, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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2°)La Sibylle Phrygienne et l'étendard de la Résurrection.
Elle porte un voile, un manteau à manches bouffantes, une robe serrée par une ceinture.
La Sibylle Phrygienne et l'étendard de la Résurrection, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Je placerai en comparaison le panneau de Brennilis :
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La Sibylle Phrygienne et l'étendard de la Résurrection, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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3°) La Sibylle Hellespontine et la croix de la Crucifixion.
La tenue vestimentaire est proche de la précédente, hormis le décolleté carré de la robe.
La croix est écotée.
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La Sibylle Hellespontine et la croix de la Crucifixion, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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La proximité avec la Sibylle de Brennilis est là encore frappante, malgré la différence concernant la croix.
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La Sibylle Hellespontine et la croix de la Crucifixion, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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4°) La Sibylle Persique et sa lanterne du Jardin des Oliviers, terrassant un serpent (le démon dont triomphe le Christ).
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La Sibylle Persique et sa lanterne du Jardin des Oliviers, terrassant un serpent, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Comparaison avec Brennilis :
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La Sibylle Persique et sa lanterne du Jardin des Oliviers, terrassant un serpent, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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5°) La Sibylle Erythrée et son rameau floral (un lys). La Sibylle Europa et son glaive.
La première annonce par ses vaticinations la virginité de la mère du Sauveur. La seconde a prédit le Massacre des saints innocents ordonné par Hérode.
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La Sibylle Erythrée et son rameau floral. La Sibylle Europa et son glaive, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Comparaison avec Brennilis.
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La Sibylle Erythrée et son rameau floral. La Sibylle Europa et son glaive, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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6°) La Sibylle de Tibur et son gant du soufflet de la Passion. La Sibylle Libyque et son flambeau.
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Comparaison avec les Sibylles de Brennilis :
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La Sibylle de Tibur et son gant. La Sibylle Libyque et son flambeau, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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7°) La Sibylle Samienne et son berceau de la Nativité.
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En comparaison : la Sibylle Samienne de Brennilis :
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La Sibylle Samienne et son berceau de la Nativité, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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La Sibylle Samienne et son berceau de la Nativité, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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8°) La Sibylle Delphique et la couronne d'épines.
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La Sibylle Delphique et la couronne d'épines, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Comparaison avec Brennilis.
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La Sibylle Delphique et la couronne d'épines, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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9°) La Sibylle de Cumes et son coquillage/œuf.
Cet attribut semblable, à Brennilis, à un pain rond, est en réalité un coquillage de type porcelaine, vulgairement appelé Vulve de Vénus, et faisant allusion à la virginité .
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La Sibylle de Cumes et son coquillage/œuf, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Comparaison avec Brennilis.
Nous retrouvons le même drapé, le même balzo dont les rubans retombent sur les épaules, exactement la même feuille de figuier sous la ceinture, mais la prise du coquillage se fait en pronation à Saint-Herbot, et en supination à Brennilis .
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La Sibylle de Cumes et son coquillage/œuf, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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10) La Sibylle Agrippa et le fouet de la Flagellation.
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La Sibylle Agrippa et le fouet de la Flagellation, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Comparaison avec Brennilis : on retrouve la même coiffure et le tablier se terminant par des glands en boules.
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La Sibylle Agrippa et le fouet de la Flagellation, chancel de la chapelle de Saint-Herbot. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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SOURCES ET LIENS.
— Infobretagne "Enclos paroissial de Saint-Herbot en Plonévez-du-Faou"
—CASTEL (Yves-Pascal), 2006, "Les 70 sibylles du Finistère", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère - T. CXXXV - 2006 pages 201 et suivantes
— PÉRENNÈS (Henri), 1942, Monographie de la paroisse de Plonévez-du-Faou. Imprimerie bretonne (Rennes) 55 p.: ill.; 21 cm. Pérennès Henri, “Plonévez-du-Faou : monographie de la paroisse,”Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 19 mars 2017,http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/9799.
Le porche de l'église de Pencran est encadré par deux crossettes, un lion à gauche et un dragon à droite. La facture particulièrement remarquable par sa finesse de ces ouvrages en kersanton est due à l'atelier de Bastien Prigent et de son frère Henry, établi à Landerneau et actif de 1527 à 1577. Cet atelier a fourni trois porches successifs, celui de Pencran en 1553, celui de Landivisiau en 1554-1565, et celui de Guipavas en 1563. Dans les trois cas, les deux crossettes d'encadrement sont comparables (à Guipavas, seul le dragon subsiste). Documenter en ligne les sculptures de cet atelier permet de livrer au jeu très instructif des comparaisons réciproques.
Datation du porche.
La datation du porche est basée sur une inscription figurant, selon Le Seac'h, sur un phylactère tenu par un ange dans une niche du contrefort gauche (Lécureux parle d'un "cube de pierre qui remplace une statue"). Depuis, le bloc de pierre a été volé. Le texte en avait été relevé par Lécureux et publié en 1915 et 1919 :
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Je suivrai, comme un témoignage de mon admiration, assez fidèlement la description d'Emmanuelle Le Seac'h, qui a été la première et la seule a dresser en 1997 un catalogue descriptif exhaustif de toutes les crossettes des quatre cantons de Landerneau, Landivisiau, Ploudiry et Sizun.
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1°) Le lion tenant un os. Crossette du rampant gauche de l'élévation sud du porche. Kersanton, 1553, atelier Prigent.
Le lion mâle tient dans ses pattes antérieures un os long sans réalité anatomique (deux épiphyses à deux condyles). Dans cette crossette en ronde bosse et faible relief d'excellente facture, les quatre pattes sont figurées ; l'animal s'appuie en avant sur une petite console et à l'arrière, la patte postérieure repose sur une autre petite console. Les mèches de fourrure des pattes sont sculptées avec précision tant au niveau des antérieures et des postérieures.
Avec un sourire plus débonnaire que carnassier, le lion sort la langue qui s'enroule en cuillère à son extrémité. Il tourne sa tête vers la gauche pour faire face au visiteur ou au fidèle qui accède au porche. Les yeux ressortent avec intensité à l'intérieur d' orbites creusées et de paupières ourlées. La crinière soyeuse et abondante s'étage en mèches bouclées. La queue passe sous la patte postérieure gauche et se divise sur le dos en trois branches.
Cette description est, en fait, celle de tous les lions de crossettes du Finistère, mais ailleurs, l'érosion, les fractures, l'envahissement par les lichens (ici assez discrets) ou parfois les insuffisances du sculpteur ne nous permettent pas d'observer le modèle avec toute sa complétude. Le lion de Pencran peut servir de "type" à tous les autres, même si certains d'entre eux abandonneront l'os pour un crâne, une petite tête humaine ou un simple rouleau.
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Crossette en kersanton du porche (1553) de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile décembre 2017.
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Crossette en kersanton du porche (1553) de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile décembre 2017.
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2°) Le dragon tenant sa queue. Crossette du rampant droit de l'élévation sud du porche. Kersanton, 1553, atelier Prigent.
Ce dragon a dérobé ses ailes dépliées à un oiseau, ses oreilles à une chauve-souris, ses narines dilatées à un porc qui serait resté trop longtemps le nez contre la vitre, sa queue dentelée à un lacertilien (un "lézard " si vous préférez, mais du genre iguane alors), sa dentition à une fillette perdant ses dents de lait, sa tête à un cheval, sa barbiche de sous-officier à la chèvre de Monsieur Seguin, ... mais son air faussement féroce et terriblement benêt n'appartient qu'à lui. Il se nourrit sans doute de quelque mouche ou insecte venu se poser par mégarde sur sa langue, fort gluante et dont il étend le piège à dessein en dehors de sa gueule ; son haleine infecte fait le reste. De mœurs principalement diurne, le Dragon des murailles Drago muralis crossetis peut passer — j'en atteste — des heures entières sans bouger.
Mais son jeu préféré, auquel il se livre surtout lorsqu'il sait qu'on l'admire, est de tracer avec sa queue (elle dépasse parfois 2 mètres) une jolie boucle puis de s'en ceindre comme d'un hula hoop, la faisant disparaître derrière son flanc avant de la faire resurgir à la hauteur de l'aile, et , hop, de l'attraper entre ses deux pattes : il reste ainsi à vous regarder en ricanant, tenant cette rambarde improvisée et s'imaginant piloter quelque soucoupe volante fendant l'air à toute allure.
S'il regarde notre monde depuis son balcon caudal, lui qui a connu le temps du roi Henri II, il eut été étonnant qu'il ne se marrât point en nous voyant passer. Et nous-mêmes, nous n'imaginions pas, avant d'arriver, que nous nous marrassions à voir un dragon se fendre la poire comme une baleine.
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Le dragon : crossette en kersanton du porche (1553) de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile décembre 2017.
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Le dragon : crossette en kersanton du porche (1553) de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile décembre 2017.
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Le dragon : crossette en kersanton du porche (1553) de l'église de Pencran. Photographie lavieb-aile décembre 2017.
— COUFFON (René), 1988, , Répertoire des églises : paroisse de PENCRAN,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 18 mars 2017, https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/938.https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/7f786fe0966306242750d6e111e8c78d.pdf
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395 Rennes : Presses universitaires de Rennes, Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut. Description de Pencran pages 147-151.
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 1997, Les crossettes et les gargouilles dans quatre cantons du Finistère : Landerneau, Landivisiau, Ploudiry, Sizun. Éditeur: s.n., 2 vol. : 359 p. + 135 p. : ill. ; 30 cm . (Pencran : Tome I page 53 et tome II page 122-128).
—PÉRENNÉS (chanoine Henri ), 1938, Notice sur Pencran, “Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie 1938,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 18 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/269. page 51. http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3c650c05ef86fe15d59ddb6b528d5f93.pdf
—LÉCUREUX (Lucien.) 1919, "L'église de Pencran", Congrés archéologique de France Paris-Caen, 1919, p. 112
Le porche (1563) de l'église de Guipavas : l'extérieur.
Le porche de Pencran.
Le grand calvaire de Plougonven
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J'ai présenté ce porche dans mon article précédent qui en présente le portail et le tympan, à l'extérieur. Je rappelle que ses sculptures sont l'œuvre de Bastien et Henry Prigent, tailleurs de pierre et "ymagiers" de Landerneau, entre 1563 et 1566 : cet atelier avait déjà réalisé en pierre de kersanton les porches de Pencran en 1553 et celui de Landivisiau en 1554-1565. Les Apôtres du porche de Landivisau peuvent donc être mis en parallèle avec ceux que nous allons découvrir à Guipavas.
L'ordre des Apôtres a été dérangé, et ne suit plus aucune logique. On sait que la série des douze apôtres des porches bretons permet d'illustrer les douze articles du Credo, douze articles de la Foi chrétienne : à chaque apôtre s'est vu attribuer, très tôt dans les écrits des Pères de l'Église, un des articles pour former le "Credo apostolique", ce qui explique pourquoi chacun d'eux tient, dans les porches, un phylactère où il était rédigé (peint ou gravé). L'ordre dans lequel les disciples du Christ se succède a pu varier avec les siècles, mais dans tous les cas Pierre est, bien-entendu, le premier, en tant que premier évêque, et pierre de fondation de l'Église. Dans les porches, il débute la série à droite de la porte d'entrée vers l'église Puis viennent derrière lui saint André, saint Jacques, saint Jean et saint Thomas. De l'autre coté du porche (coté gauche), la série reprend depuis l'extérieur et se termine à gauche de la porte avec Matthias.
Le Credo apostolique du porche de Saint-Herbot (1498).
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Or, à Guipavas, dans l'église Saint-Pierre-et-saint Paul, nous ne trouvons pas saint Pierre à cette première place du mur de droite, et toute la séquence apostolique est en désordre.Les difficultés d'identification que cela génère sont accentuées par le fait que d'une part, les attributs distinctifs ont été brisés, mais aussi que les statues des apôtres avaient été décapitées à la Révolution, comme en témoignent les photos prises en 2011 (Henri Moreau, Wikipédia) ou les documents d'archives.
ARCHIVES MUNICIPALES de BREST-13Fi9586 inventaire 1975
ARCHIVES MUNICIPALES de BREST-13Fi9586 inventaire 1975
En 2015, les têtes de six statues ont été retrouvées dans un panier de l’ancien presbytère et le sculpteur Joël Kerhervé a pu les sceller sur leur corps grâce à l’Association Guipavas Identité et Patrimoine (AGIP). Le même sculpteur a recréé l'année suivante les têtes des autres apôtres, Barthelémy, Jacques le majeur, Pierre, Philippe, Simon et Thomas.
Les statues, où chaque apôtre déroule sa banderole et dont le socle porte le nom d'un donateur, trouvent place dans des niches en pierre de Logonna à dais gothiques de kersanton (tous identiques, à l'opposé de Landivisiau) et à consoles qui reçoivent chacune une ornementation différente. Ces consoles s'intègrent dans une frise à feuille d'acanthes, initiée à un angle par un masque.
Les apôtres ont en commun la barbe (sauf Jean bien-sûr), les pieds nus, la banderole, parfois le livre, et toujours le manteau au drapé agencé différemment pour chacun. Ce manteau laisse apparaître tout ou partie d' une robe aux plis verticaux, fermée au cou par un seul bouton formant un motif en 8 typique des Prigent, et serrée par une ceinture.
Des traces de polychromie (ocre rouge, bleu) s'observent ici et là, témoignant du caractère jadis entièrement peint de ces sculptures. Notamment, les lettres sculptées étaient vraisemblablement peintes en rouge, et rendues beaucoup plus lisibles qu'aujourd'hui. J'ai utilisé le procédé de l'estampage humide pour améliorer leur lisibilité.
Je décrirai pour chaque statue le personnage, l'inscription du donateur sur le socle, et la console.
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I. LE COTÉ DROIT DE L'INTÉRIEUR DU PORCHE .
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Coté droit de l'intérieur du porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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1. Saint ANDRÉ portant une croix en X écotée . Y. BIZIAN.
L'apôtre est facilement identifié par son attribut, la croix en X sur laquelle il fut supplicié.
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Saint André, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017
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Inscription.
Elle est gravée en lettres minuscules gothiques type textura, en utilisant le deux-points comme élément de séparation des mots. Bien que les premiers livres imprimés l'ont été avec cette écriture gothique, dès avant la fin du XVe siècle, l'écriture humanistique développée en Italie a supplanté l'écriture gothique pour l'édition des livres imprimés dans la plus grande partie de l'Europe. Dans l'histoire de l'imprimerie, les caractères romains ont été créés à Venise par Nicolas Jenson en 1470 dans son Eusèbe et dans son Epistolæ ad Brutum de Cicéron. Mais c'est en 1530 / 1540 que Claude Garamond créa les poinçons de ses caractères romains pour l'imprimeur Henri Estienne.
Pourtant, en épigraphie lapidaire, ce ne sera qu'à partir de 1562 que le gothique sera définitivement abandonné en Finistère sur les calvaires, et en 1628 dans le corpus des inscriptions lapidaire de l'enclos paroissial du Faou .
: YVES : BIZIAN :
Le patronyme du donateur est attesté à Guipavas, sous la forme BIZIEN, par la mention d'Ollivier Bizien comme prêtre en 1702. Nous retrouverons un membre de cette famille, O. BIZIAN comme donateur de la statue de saint Jacques le Mineur.
Les généalogistes mentionnent divers Bizian à Guipavas au XVIIe siècle, comme François Bizian, né entre 1570 et 1618 et dont le fils François est né à Guipavas
Inscription à la base de la statue de saint André, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Le choix de l'artiste s'est porté sur une composition de trois feuilles frisées et nervurées, aux tiges réunies dans le creux d'une main. A sa droite immédiate, un animal fantastique pointe ses longues oreilles.
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Culot de saint André, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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2°) Saint JACQUES LE MAJEUR.
Tête moderne (2016) par Joël Kerhervé, avec le chapeau frappé d'une coquille. Sur la statue amputée de sa tête, le seul élément distinctif était le bourdon, bâton de marche des pèlerins de Compostelle. E. Le Seac'h mentionne une aumônière portée en bandoulière, que je n'ai pas remarquée.
Pas d'inscription.
Saint Jacques le Majeur, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Il s'agit, au sein de feuillages, d'un masque féminin au front épilé et aux cheveux nattés réunis par un bandeau.
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Console de la statue de l'apôtre Jacques, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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3°) Saint MATTHIEU et son écritoire A[n] ESCOP.
Le saint tient dans la main gauche un livre, tenu horizontalement. Ou plutôt, comme l'a bien vu E. Le Seac'h, c'est un écritoire, sur lequel l'évangéliste trace son texte avec un instrument tenu dans la main droite. C'est ce détail qui permet l'identification.
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Saint Matthieu, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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L'inscription.
--: A[n] ESCOP
Une petite boucle en forme de c précède sans explication les lettres du patronyme du donateur, LESCOP (du latin episcopus, "l'évêque"). On trouve aussi L'escob, Escob. Je n'ai pas trouvé de données sur la présence de ce patronyme à Guipavas avant 1649 (Marie Escop). Couffon, reprit par Le Seac'h lit "S.A. LESCOP".
Yann Gweguen lit "AN ESKOP" et effectivement,la première lettre après le deux-points est probablement un A, doté d'un tilde d'abbréviation du N, soit "an".
La forme an eskop se retrouve dans des toponymes de sites ayant été possédés par un évêque : park an eskop, milin an eskop, pors an eskop. Dans le langage des meuniers, an escop désignait une planche (plus ou moins en forme de personnage les bras en croix) supportant la civière au dessus de la meule.
Moulin de Keriolet, Beuzec-Cap-SizunMoulin de Keriolet, Beuzec-Cap-Sizun. Photo lavieb-aile
L'anthroponyme L'Escop est retrouvé par A. Deshayes sous la forme An Escob (Plouguerneau 1447, Plouarzel 1544) ou An Escop (Ploudalmézeau 1554).
Au total je lis le patronyme AN ESCOP, l'initial du prénom étant illisible.
Inscription de la statue de Saint Matthieu, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Masque entre deux lions. La figure humaine, yeux exorbités et bouche entrouverte sur les rangées de dents, semble terrorisée par les deux lions qui l'enserrent, la gueule ouverte et la langue pendante. C'est donc une reprise, sous cette forme inspirée de l'héraldique, du thème du lion de crossette emportant les vivants pour le compte de la Mort.
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Console de la statue de Saint Matthieu, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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4°) Saint JUDE-THADDÉE et sa croix. F.G. ANROUS.
L'identification de ce saint est donnée par E. Le Seac'h. Elle est loin d'être évidente, puisque l'attribut habituel de cet apôtre est la massue avec laquelle il fut achevé, ou la hallebarde. Certes, Émile Mâle signale (Les Compagnons du Christ) que "la plupart des écrivains ecclésiastiques admettaient que saint Jude avait été crucifié et saint Simon coupé en deux par une scie." mais il suffit de poursuivre la lecture de son texte, de poursuivre les recherches ou de consulter l'iconographie pour y perdre vite toute certitude.
Saint Jude-Thaddée, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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L'inscription.
F.G : ANROUS
L'apôtre était difficile à identifier ? Le nom du donateur n'est pas plus facile à déchiffrer. Le -F- initial indique sans-doute un fabricien de la paroisse, le G l'initiale du prénom (Guillaume ?), le A est certain, le N est probable, mais la lettre suivante peut être un R ou un X (cf. Kerouanton infra). La dernière lettre en forme de 8 est bien un S, et se retrouve sur le nom THOMAS (statue de Jacques le Mineur). Couffon, recopié par E. Le Seac'h, oublie une lettre en lisant ici J.G. ANOUS . Yann Gweguen propose F.G. AN ROUS. Un LE ROUX figure parmi les nobles de Guipavas, et AN ROUX pourrait être sa forme agrémentée à la sauce bretonne (manoir de Pratanroux à Penhars).
— Hervé le Roux et Yvon Le Roux sont présents à la montre de 1448.
— Dans la montre de 1488, nous retrouvons Yvon le Roux, infirme, pour luy Prigent son fils, voulgier en brigandine ; et Hervé le Roux, voulgier en brigandine. ("vougier" : armé d’une vouge, arme d’hast médiévale utilisée pour atteindre les cavaliers ou pour couper les jarrets des chevaux).
— Dans la montre de l'évêché de Léon reçue à Lesneven le 25 septembre 1503 paraît "Louys AN ROUX en vougier" . Alors que dans une montre de 1534, est mentionné "Louis Le ROUX, par maistre Pierre LE ROUX".
Roux (LE), sr de Kerbernard, —de Kerasbihan, par. de Guipavas, — de Kermadec , — deMézoumeur, - de l'Isle, par. de Tréouergat, — de Kerguiomarc'h, par. de Querrien.
Ane. ext., réf. 1669, dix gén. ; réf. et montres de 1446 à 1534, par. de Guipavas, Plouzané et Plouarzel, év. de Léon.
D'azur fretté d'argent ; aliàs : au chef d'or chargé d'une quintefeuille d'azur.
Hervé, vivant en 1375, père de Jean, vivant en 1400, marié à Sibille de Quilbignon.
— En 1631, François Le Roux est prêtre de la paroisse ; en 1696 Le Roux, prêtre, est mentionné également.
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Inscriptions sur le socle de la statue de saint Jude-Thaddée, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Voici le motif, observé couramment sur les sablières et ornementations des églises bretonnes, du masque dont la bouche donne naissance à deux tiges florales. Ici, la figure est barbue, aux cheveux courts recouverts par un capuchon, et les feuilles déploient un très bel éventail de nervures et de digitations.
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Console de la statue de saint Jude-Thaddée, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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5°) Saint BARTHÉLÉMY et son coutelas. G. KIANN.
Tête moderne (2016) par Joël Kerhervé.
Le saint tient le grand coutelas de dépeçage par lequel il fut martyrisé.
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Saint Barthélémy, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Inscription.
: G : KIANN :
L'inscription G. KIANN doit être lue comme G. Keriann. Elle doit être mis en relation avec l'inscription relevée par Abgrall sur le bénitier : "en l'an 1565 Me Kian" afin de postuler que le donateur portait le nom de Kerian, graphie pour Kerjean (on trouve aussi Kerjehan). Cette famille est attestée à Guipavas par les généalogistes, au XVIIe siècle : http://gilles.berthou.pagesperso-orange.fr/Gaby/Fiches/D42/P4.htm
Paul Kerjean, docteur en théologie, fut recteur de Guipavas de 1618 (?) jusqu'à son décès en 1627. René Kerjean fut vicaire en 1661, et Yves Kerjean, prêtre en 1701. Le 15 avril 1684 eut lieu la fondation par "Missire Michel Kerjean, prestre, d'une messe de "requiem" à notte, tous les jours de lundy de l'année, à l'issue procession au tout de l'église".
Elle était particulièrement honorée dans l'église de Guipavas comme l'indiquent les documents rapportés par Abgrall : leurs armoiries fascé d'or et d'azur, figuraient sur le soufflet du vitrail à gauche du chœur, à coté de celles des Guengat, Cornouaille, Coataudon, Kergolay, Kermorvan, Penfentenyo, et Kerouale.
Le nom de Tanguy Jehan apparait, avec celui de 9 autres paroissiens de Guipavas, dans une pièce concernant une aliénation d'héritage préjudiciable à la fabrique de Guipavas, et faite par les paroissiens et leur défunt recteur, Olivier Richard, en 1538.
Dans un document de 1487, Yvon Jehan est cité comme procureur de la fabrique.
En 1648, Vincent de Kerjehan était "Sr du dit-lieu et de Kerhuon", et en 1675, Ronan Mol était seigneur de Kerjean.
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Inscription de la base de la statue de saint Barthélémy, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Elle associe des godrons en spirale et un rinceau de pampres.
Console de la statue de saint Barthélémy, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
6°) Saint SIMON et sa scie. F.G. K[e]ROUANTON.
L'identification de l'apôtres se fonde sur son attribut, la scie de son supplice.
Saint Simon, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Inscription.
F : G : KROUANTON
Note : le R, certifié par le reste du nom, est le même que celui de l'inscription ANROUS sous saint Jude.
Il faut tenir compte de l'abréviation très courante du suffixe Ker- et lire ici : KEROUANTON. Le F initial, déjà présent pour F : G : ANROUS, correspond plus volontiers à "Fabrique" qu'à un prénom composé du type "François-Guillaume".
En 1674, une déclaration devant notaire citée par le chanoine Abgrall cite les noms des métayers Olivier Bastien et Goulven Kerouanton. Abgrall indique aussi "la fondation, le 17 avril 1667, à la fabrice de St Pierre de Guipavas, par Marye Bernicot, 0llivier Kerouanton, de 6 livres tournois de rente annuelle pour célébrer tous les ans à perpétuité un office et service solennel avecque les prières et recommandations ordinaires, alumage de cierges et sonnerye de glas, etc. ".
En 1642 Jean Kerouanton (fabrique) donna 33 livres à Guillaume Guéguen par commandement du Sieur de Guengat, pour peindre les images de la chapelle de Sainte Barbe et pour sculpter sur les bancs les armes des seigneurs de Lossulien et du Cludou. (H. 187). (Gilles Berthou)
La lettre initiale G peut correspondre au prénom Guillaume, mais aussi Goulven. Le 3 juillet 1651, Goulven Kerouanton épousa à Bourg-Blanc Marie Salaun, et leur fis Jean naquit le 27 mars 1659 à Guipavas.
Bien-sûr, aucune de ces données ne concernent le XVIe siècle.
Inscription sur le socle de la statue de l'apôtre Simon, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Elle associe trois rangs de rinceaux et une couronne tressée.
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Console de la statue de l'apôtre Simon, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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II. LES SIX APÔTRES DU COTÉ GAUCHE DU PORCHE.
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Les six apôtres du coté est, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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7°) Saint JEAN tenant la coupe de poison. Initiales J.K et calice.
Jean est identifié facilement par son visage juvénile et imberbe, et par le "calice" ou plutôt la coupe de poison sur laquelle il s'apprête à tracer une bénédiction. C'est le rappel de la Légende Dorée et de la tradition selon laquelle, mis à l'épreuve sur la validité de sa Foi par le grand-prêtre d'Éphèse Aristodème, il but sans encombre le poison de reptiles venimeux pilés dans un mortier.
Saint Jean, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Écu ecclésiastique J/K.
L'inscription est remplacé par un écu ecclésiastique, caractérisé par la présence d'un calice surmonté d'une hostie. Les initiales J.K sont celles du prêtre en question, mais l'indétermination ne peut être levée. On peut bien-sûr supposer que le J correspond au prénom Jean. Le K pourrait renvoyer à un patronyme en KER-
Écu ecclésiastique, statue de saint Jean, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Motif de feuillages intégrant à la frise de rinceaux cinq feuilles en dents de lions".
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Console de la statue de saint Jean, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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8°) saint THOMAS et son équerre ou peut-être plutôt à l'origine saint JACQUES LE MINEUR. Inscription J.B. ISAC : F :SEGALENN.
L'apôtre se reconnaît par son équerre. Mais cet attribut, comme l'a fait remarquer Frédéric de Frias, a été ajouté lors de la restauration de 2015, car la statue a l'origine était amputée au dessus de la taille. E. Le Seac'h y reconnaissait (mais sur quels détails ? Sans doute parce que les autres apôtres étaient identifiés) saint Jacques le Mineur. Il n'est pas possible de voir son attribut, le bâton de foulon, avec son extrémité basse dilatée. Le gros orteil droit est brisé : est-ce l'indice d'un objet qui y était accolé ? Le bâton était-il tenu dans la main droite (perdue), comme sur les gravures du Kalendrier des Bergers et appuyé sur la ceinture, où nous voyons une zone érodée ?
On sait que ce bâton, accessoire du foulonnier dans le traitement des draps, est l'attribut de Jacques fils d'Alphée en fonction de la Légende Dorée de Jacques de Voragine :
"Ils montèrent et le jetèrent en bas, après quoi, ils l’accablèrent sous une grêle de pierres en disant : « Lapidons Jacques le Juste. » Il ne fut cependant pas tué de sa chute, mais il se releva et se mettant sur ses genoux, il dit : « Je vous en prie, Seigneur, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » Alors un des prêtres, qui était des enfants de Rahab, s'écria : « Arrêtez, je vous prie, que faites-vous ? C'est pour vous que prie ce juste, et vous le lapidez ! » Or, l’un d'entre eux prit une perche. de foulon, lui en asséna un violent coup sur la tête et lui fit sauter la cervelle. C'est ce que raconte Hégésippe. Et saint Jacques trépassa au Seigneur par ce martyre sous Néron qui régna l’an 57 : il fut enseveli au même lieu auprès du temple. Or, comme le peuple voulait venger sa mort, prendre et punir ses meurtriers, ceux-ci s'enfuirent aussitôt. "
La tradition iconographique, notamment bretonne, représente cette perche comme un bâton terminé en crosse de soule par une boule ovale recourbée. Le foulon de Guipavas est ici très différent, et semble inspiré, comme dans une Encyclopédie des Sciences Techniques, par un marteau-pilon contemporain des Prigent. Il ne correspond pourtant pas aux maillets des moulins folerets, dont le bruit causa une si grande frayeur à Don Quichotte et Sancho Panza avant qu'ils n'en identifient l'origine.
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Saint Thomas, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Inscription.
J . B . ISAC : F : SEGALENN
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Socle de la statue de l'apôtre Thomas, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Socle de la statue de l'apôtre Thomas, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Il ne reste que les fragments d'un groupe de feuilles d'acanthes.
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Console de la statue de l'apôtre Thomas, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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9°) Saint PIERRE et sa clef. H : TOULLEC
Tête moderne (Joël Kerhervé 2016) mais n'oubliant pas la calvitie et le toupet caractéristique de saint Pierre. Clef et main gauche (qui devait tenir un livre) brisées.
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Saint Pierre, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Inscription.
H:TOULLEC.
Les registres mentionnent le décès en 1616 d'Henry Toullec, prêtre, inhumé en l'église Saint-Pierre. Il est possible qu'il s'agisse du donateur de cette statue de saint Pierre, patron de son église.
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Inscription du socle de la statue de saint Pierre, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Elle associe une frise en spirale, une frise de pétales recourbés, et des godrons.
Console de la statue de saint Pierre, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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10°) Saint Thomas et sa lance. Inscription de donateur R. THOMAS : O : BIZIAN.
Le saint tient une lance par son extrémité acérée, et cet attribut brisé conserve encore sa hampe cannelée en partie médiane et son extrémité en fuseau.
Frédéric de Frias a amené des éléments très convainquants pour identifier cet attribut, que j'avais confondu avec un bâton de foulon, comme une lance de tournoi ou de chevalerie. Or cette lance est l'attribut de saint Thomas, dans les cas où il ne tient pas l'équerre.
C'est également une lance qu'avaient reconnue Armand Corre, Yves-Pascal Castel et Emmanuelle Le Seac'h.
Saint Thomas et saint Jacques le Mineur sur le Grant Kalendrier des Bergiers, Troyes 1531Kalendrier et compost des bergiers B.M. Rouen 1510
Saint Jacques le Mineur, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Saint Jacques le Mineur, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Inscription.
F:THOMAS : O : BIZIAN.
Dans les documents publiés par Abgrall, le patronyme THOMAS est attesté en 1631 (François THOMAS, prêtre), en 1674 (Goulven THOMAS, métayer de la cordelée de Lanaérec). La famille BIZIAN, à laquelle nous avons déjà été présenté par saint André, revient sous la forme d'un probable Olivier BIZIAN.
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Inscription sur le socle de la statue de saint Jacques le Mineur, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Inscription sur le socle de la statue de saint Jacques le Mineur, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
On y trouve une première frise de feuilles de chêne, très décorative, puis une couronne tressée, puis des feuilles à l'extrémité enroulée sur elle-même.
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Console de la statue de saint Jacques le Mineur, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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11°) Saint PHILIPPE avec sa croix. H : DIVERRES.
Tête moderne par Joël Kerhervé (2016). Philippe tient, dans une curieuse prise en pronation et flexion du poignet, ce qui lui reste de son attribut, une croix à longue hampe.
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Saint Philippe, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Saint Philippe, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Inscription.
H : DIVERRES.
La sixième lettre du patronyme peut être lue (et a été lue) comme un S (la leçon de René Couffon est "DINERSES"), mais il faut bien entendu reconnaître ici le patronyme breton Diverres.
Inscription du socle de la statue de saint Philippe, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Un magnifique chou frisé !
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Console de saint Philippe, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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12°) Saint MATTHIAS et le manche de sa hache. :LANGAALB
C'est à sa place de bon dernier de la série, de treizième apôtre tiré ausort pour remplacer Judas que nous trouvons l'apôtre Matthias, qui tient le manche de sa hache.
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Saint Matthias, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Saint Matthias, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Inscription.
:LANGAALB
René Couffon a lu : "LANGAALH". Ces noms n'ont guère de sens, mais j'ai cherché en vain une autre lecture.
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Inscription sous saint Matthias, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Console sculptée.
Un bouquet de cinq feuilles.
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Console supportant saint Matthias, porche ( Bastien et Henry Prigent, 1563) de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Marginalia.
La frise du porche de Landivisiau débute et s'achève, des deux cotés, par des masques, animaux et personnages amusants. Ici, seul une extrémité comporte un masque.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1912, Notices sur les paroisses : Guipavas Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Guipavas", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper, 12e année, 1912, p. 114-124, 148-158, 183-192, 205-218, 237-248.
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, “ Le porche de Guipavas...,” Courrier du Léon et Progrès de Cornouaille 1er septembre 1979 Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 14 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/1935.
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, Le patrimoine architectural et les sites de la commune de Guipavas, “0016 patrimoine commune de Guipavas 1.09.79,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 14 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/1476.
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988 Répertoire des églises : paroisse de GUIPAVAS Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.
— GWEGEN (Yann), 1988, , Guipavas gwechall goz: son histoire, ses familles, ses villages - 279 pages page 8
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 1997, Les crossettes et les gargouilles dans quatre cantons du Finistère : Landerneau, Landivisiau, Ploudiry, Sizun. Éditeur: s.n., 2 vol. : 359 p. + 135 p. : ill. ; 30 cm .
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle, 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm; Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395. Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014. Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut
— TOSCER (Guillaume) 1907, Le Finistère pittoresque, (Sites et monuments) Pays de Léon et Tréguier, Imp. A. Kaigre.
Le porche (1563) de l'église de Guipavas, et ses apôtres.
Le porche de Pencran.
Le grand calvaire de Plougonven
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"Laissez toute hâte, vous qui entrez". Ce lieu de passage était jadis là en transition pour préparer à l'accès dans l'espace sacré, et, comme tout seuil, il procédait d'un rituel et d'une symbolique propre à en déjouer les dangers . Il mérite donc qu'on s'y arrête.
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L'église Saint-Pierre et Saint-Paul de Guipavas a été presque totalement détruite par les bombardements liés aux combats de la libération de Brest dans la nuit du 12 au 13 août 1944. Elle a été rebâtie en 1952-1955 avec des matériaux locaux comme la pierre jaune de Logonna ou encore de l'ardoise des monts d'Arrée, sur les plans de l'architecte d'art sacré, Yves Michel à qui l'on doit également la nouvelle abbaye de Landévennec ou l'église Saint-Louis à Brest.
Le porche Nord, qui daterait d'après G.Toscer de 1563 , et qui a été classé en 1926, est, avec les pignons des bras du transept, le seul élément à avoir résisté à l'incendie. Il a été réintégré à la nouvelle église.
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L'atelier des Prigent
Ce n'est pas un hasard si ce porche rappelle au visiteur, avec son arc déprimé sculpté d'une lierne de feuillage et de grappes de raisins qui sortent de la gueule d'animaux, ceux de Pencran (1553) et de Landivisiau (1554-1565) : car ils sont sortis du même atelier de tailleurs de pierre, celui des frères Bastien et Henry Prigent, établi à Landerneau, et actif entre 1527 et 1577. Les vestiges de la Nativité de son tympan avec la tête de l'âne et du bœuf dépassant de leur stalle évoquent la Nativité du porche de Pencran, et c'est bien cette démarche de comparaison stylistique qui va rendre sa visite passionnante, riche de ces mille sensations émouvantes de "déjà vu quelque part".
D'autant que les Prigent ont aussi sculpté le haut du porche de Lampaul-Guimiliau, les calvaires monumentaux de Pleyben et de Plougonven, des statues isolées pour les porches de la vallée de l'Elorn (Le Tréhou, Trémaouézan, Commana et Ploudiry), trois Pietà (voir ici celle de Saint-Nic), et enfin six croix et vingt-trois calvaires ! Autant dire que le coup d'œil de reconnaissance du style et du vocabulaire Prigent trouve, en Basse-Bretagne, de quoi s'exercer dans d'excitantes promenades.
En bon sculpteurs landernéens s'approvisionnant en matériau dans la Rade de Brest via l'Elorn, les Prigent sont des virtuoses de la kersantite ("kersanton", du nom du lieu-dit de la commune de Loperhet), et c'est bien cette pierre qui donne au porche de Guipavas sa résistance à l'érosion et la finesse onctueuse de son grain gris sombre.
La date de 1563, avancée par Guillaume Toscer en 1907 (et peut-être lue sur le phylactère aujourd'hui effacé d'un ange?), semble plausible si on réalise que les trois chantiers se seraient ainsi succédés, avant le déclenchement des Guerres de la Ligue en 1588. D'autre part, le trumeau de Landivisiau supporte un magnifique bénitier due au ciseau de Bastien Prigent Or, les chanoines Abgrall et Peyron mentionnent dans leur description du porche de Guipavas un bénitier daté de 1565 (inscription "En l'an 1565 Me K/ian" soit Kérian, ou Kerjean), qui renforce le crédit apporté à la datation de Toscer, et qui aurait pu, s'il n'avait pas disparu depuis, enrichir la démarche d'étude stylistique et les relations entre Landivisiau et Guipavas.
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Le porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Je ferais de larges emprunts (placés en retrait) à la description d'Emmanuelle Le Seac'h, qui a établi le catalogue raisonné des Prigent dans sa thèse, repris dans un ouvrage de 2014. Je tente de payer la dette de ces emprunts en saluant l'exceptionnel intérêt de ce travail, et en contribuant à ses inventaires iconographiques.
"L'archivolte repose sur des colonnettes prismatiques. L'accolade décorée de crochets en feuilles de choux et sommés d'un fleuron gothique s'appuie sur des colonnes torsadées comme à Pencran ou à Landivisiau, terminés par des pinacles.
Les contreforts de biais sont décorés d'une niche à console et à dais gothiques avec les statues modernes de Joseph et de la Vierge. Les rampants du pignon sont décorés des mêmes crochets, avec des pinacles mutilés autour du corps. A gauche, une crossette représente un dragon, la queue enroulée autour du corps."
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Puisque le premier article de cette série concernait les crossettes, je peux aussi remarquer la ressemblance entre le dragon ailé de Guipavas, et celui de Pencran, chacun placé à l'angle du porche.
Il me reste à décrire la statue moderne de saint Pierre sous l'accolade, mais surtout les deux anges des consoles des statues. Leur tête, leurs bras et leur phylactères sont brisés, mais une ou deux lettres sont encore visibles sur la banderole de gauche.
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Le porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Le tympan.
Les traces de polychromie attestent qu'ici comme ailleurs le porche et ses statues étaient peints, en faisant notamment appel à l'ocre rouge et au bleu. Il faut imaginer ce lieu comme ceux que ressuscitent les illuminations lasers des grands calvaires bretons, ou des porches des cathédrales.
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Tympan et voussures du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Les voussures du tympan.
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"Dans les voussures de l'archivolte, il ne reste que sept anges. Ils sont thuriféraires, orants, porteurs de phylactères, ou musiciens — cornemuse et trompette — ou font le geste de bénédiction. Leurs visages, similaires à ceux de Pencran et de Landivisiau, sont de la main d'Henry Prigent. Le sculpteur leur a donné deux plis verticaux au niveau du front, ce qui leur donne un air songeur. Les paupières sont doubles. Les cheveux forment des crochets bouclés sur le front. Les plissés des tuniques resserrées à la taille par une ceinture sont habilement rendus. Le vêtement est plaqué sur les cuisses. Les ailes sont déployées en V ou seulement ouvertes dans le dos et leurs plumes sculptées de manière variée : en écaille, ovales ou striées ou tout simplement lisses. Tous ces détails rappellent le soin et la minutie de l'atelier des Prigent"
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Voussures du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Trois anges de la voussure droite.
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Bien entendu, l'ange joueur de cornemuse n'a, une fois de plus, pas échappé à la vigilance d'Argus de Jean-Luc Matte, qui le décrit ainsi :
"Sc/pierre : anges musiciens : hautbois et cornemuse. L'ange cornemuseux a la tête brisée ainsi que les mains. Apparemment seule la gauche était posée sur le hautbois. 1563. 1 bourdon d'épaule à raccord médian et pavillon, orné d'un ruban tressé. Hautbois brisé, poche cousue à décor géométrique. Il est dommage que la statue soit brisée car la représentation est bien détaillée."
Je remarque aussi le costume exceptionnellement luxueux de ce cornemuseux, puisqu'il est le seul à bénéficier de manches à quatre rangs de crevés et à dentelles aux poignets. Sa posture échappe à tout hiératisme, puisqu'il ploie le genou droit.
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Trois anges des voussures du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Ange joueur de trompette droite. Voussure de gauche.
Je ne vois aucune anche à l'embouchure, qui est légèrement évasée et cannelée. Je ne vois pas non plus de trous pour les doigts. C'est donc bien, comme l'indique E. Le Seac'h, une trompette. Le pavillon s'orne de trois lignes sinueuses.
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Deux anges des voussures du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Un nouveau-né nouveau venu.
Depuis 2015, le tympan, jadis particulièrement vide hormis l'âne et le bœuf (tête ou museau brisés) dans leur stalle d'osier tressé, s'est enrichi d'une crèche.
"Ayant disparu depuis plus de 100 ans, le hasard a voulu que l'élément essentiel de la Nativité représentée sur ce porche ait pu être retrouvé. La pierre ouvragée de l'enfant Jésus a ainsi repris sa place d'origine sur la corniche. Désormais tous les personnages sont à nouveau réunis sur la façade de notre vieux porche sous le regard amusé des anges musiciens sculptés dans la voussure. La pierre ouvragée a été rescellée sur la corniche début novembre 2015" (Michel Boucher 2015)
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Je suis néanmoins frappé par le manque de rapports de proportion entre ce nouvel élément, et l'espace disponible. Il comporte sur fond de paille un corps nu étendu au centre, entre deux anges orants. Je n'ai pu déchiffrer, de l'inscription de la bande inférieure, que le mot -dieu- central.
Tympan (détail) du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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La corniche à rinceaux autour d'un soleil ailé. La frise de pampres.
Yann Gwegen décrivait en 1988 " de riches pampres entrelacés, dans lesquels des insectes, des reptiles, des oiseaux voire même des amours qui mangent avec avidité d'abondantes grappes de raisin." .
Effectivement, on remarquera un dragon à l'extrémité droite de la corniche, et un oiseau picorant à gauche du portail.
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Tympan et voussures du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Entrée du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Comme à Pencran, comme à Landivisiau, mais aussi comme à Landerneau et à Daoulas, la tige du rinceau qui monte le long des piédroits trouve son origine dans la gueule d'un animal, plus ou moins monstrueux. Et ce détail est si émouvant à retrouver qu'il se charge par réminiscence de "la mélancolie d'un souvenir" dont parle Proust à propos de la Vierge Dorée. Ou de la simple excitation qu'accompagne, lors d'un dîner familial, l'attente de savoir sur quelle assiette à soupe on va tomber parmi les trente-six qui composent le service des Fables de la Fontaine. Ou quelle image du chocolat Poulain va receler la tablette que maman va ouvrir.
Ici, j'ai eu : un chien de chasse ; un deuxième (mais j'échangerai mes doubles) ; un dragon à queue de serpent ; et un lion.
Base des piédroits du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Base des piédroits du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Base des piédroits du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Base des piédroits du porche de 1563 par l'atelier Prigent de Landerneau, église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1912, Notices sur les paroisses : Guipavas Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Guipavas", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper, 12e année, 1912, p. 114-124, 148-158, 183-192, 205-218, 237-248.
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, “ Le porche de Guipavas...,” Courrier du Léon et Progrès de Cornouaille 1er septembre 1979 Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 14 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/1935.
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, Le patrimoine architectural et les sites de la commune de Guipavas, “0016 patrimoine commune de Guipavas 1.09.79,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 14 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/1476.
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988 Répertoire des églises : paroisse de GUIPAVAS Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.
— GWEGEN (Yann), 1988, , Guipavas gwechall goz: son histoire, ses familles, ses villages - 279 pages page 8 :
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 1997, Les crossettes et les gargouilles dans quatre cantons du Finistère : Landerneau, Landivisiau, Ploudiry, Sizun. Éditeur: s.n., 2 vol. : 359 p. + 135 p. : ill. ; 30 cm .
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle, 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm; Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395. Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014. Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut
— TOSCER (Guillaume) 1907, Le Finistère pittoresque, (Sites et monuments) Pays de Léon et Tréguier, Imp. A. Kaigre.
De l'ancienne église Saint-Pierre-et-saint-Paul de Guipavas, restaurée au XVIe siècle, mais reconstruite en 1848, il ne restait plus, lors de la visite du chanoine Abgrall en 1912, que le porche nord et un bénitier de 1565, ainsi que les pignons des bras du transept. L'incendie consécutif aux bombardements d'août 1944 entraîne la reconstruction de l'église en 1952-1955 dans un style contemporain, mais intégrant ces éléments anciens. C'est précisément eux qui vont nous permettre d'observer de belles crossettes.
1°) Je poursuis ici ma petite enquête photographique sur les crossettes, enquête qui s'enrichit à chaque étape des comparaisons avec les visites précédentes.
J'utiliserai le terme de "crossette" tel que je le trouve défini dans Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne (2014) d'Emmanuelle Le Seac'h page 40 :
"Les pierres d'amortissement, nécessaires à la structure et à l'équilibre d'un fronton ou d'un pignon, sont généralement prolongées par des acrotères, des crossettes ou des pots-à-feu. Les crossettes, situées à la terminaison des rampants d'un pignon ou d'un fronton, sont extrêmement nombreuses. Les plus belles sont sculptées dans la pierre de kersanton sur les porches de la vallée de l'Élorn, comme à Landivisiau où un lion et un dragon se font pendant. "
Régulièrement photographiées pour leur beauté et leur thème pittoresque, les crossettes zoomorphes et anthropomorphes de Bretagne ont fait l'objet d'une seule étude réglée, celle d'Emmanuelle Le Seac'h, mais elle s'est « limitée » aux quatre cantons du Finistère de Landerneau, Landivisiau, Ploudiry, et Sizun. Néanmoins, le bestiaire, la thématique et la stylistique sont suffisamment homogènes pour en étendre les conclusions à l'ensemble de la Basse-Bretagne.
2°) Cette axe d'investigation iconographique en croise un autre, puisque je tente aussi de documenter en ligne les ouvrages d'un atelier de sculpture sur pierre (et surtout sur kersanton) établi à Landerneau entre 1527 et 1577, celui de Bastien et d'Henry Prigent. Or, ce sont eux qui sont les auteurs du porche de Guipavas, daté de 1563, mais aussi auparavant des porches de Pencran (1553) et de Landivisiau (1555-1565). Existe-t-il des points communs entre les crossettes qui encadrent ces trois porches ?
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Précisément, la crossette la plus visible et la plus spectaculaire de Guipavas, car elle termine le rampant gauche du porche nord par lequel le visiteur pénètre dans l'église, est un dragon qui est le frère jumeau de celui de Landivisiau. Parlons plutôt ici de triplets, car l'air de famille avec celui de Pencran est aussi évident.
C'est un ouvrage de kersanton, tout en finesse, non sans préciosité, audacieusement ancré à la pierre d'amortissement par une attache très réduite correspondant à l'arrière-train de l'animal. Le dragon à l'échine épineuse dresse vers le ciel des yeux exorbités et une gueule fort pourvue de crocs ; puis vient une forte paire d'oreilles de chauve-souris et une courte crinière méchée. Le thorax annelé et l'abdomen long et mince forment une courbe en S, précédant une queue aux anneaux dentelés, si longue et si contournée qu'on en perd l'itinéraire. C'est qu'elle passe d'abord sous les pattes postérieures, entoure le col comme une écharpe, et achève sa prestation par une boucle fermée sur elle-même. Les pattes antérieures se saisissent de ce lasso, comme pour en modérer les spasmes rageurs.
Tout laisse à penser que ce dragon est contemporain du porche, dont il est solidaire, et qu'il date de 1563.
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Dragon, kersanton (1563), B. et H. Prigent, crossette du rampant gauche du porche nord de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Comparons-le maintenant à celui du rampant gauche du porche de Landivisiau :
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Retour à Guipavas :
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Dragon, crossette du rampant gauche du porche nord de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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2. Crossette du rampant gauche du bras sud du transept : dragon ailé.
Cette crossette n'est pas en kersanton, mais en pierre de Logonna. Le dragon aux dents menaçantes a le corps couvert de pustules verruqueuses et la queue formant une boucle. Le corps est dirigé vers l'ouest mais la tête se tourne vers le sud, vers le spectateur auquel il adresse sa mise en garde.
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Dragon ailé, crossette au sud de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Dragon ailé, crossette au sud de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017
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3. Crossette du rampant droit du bras sud du transept : lion.
Le lion est l'animal le plus représenté avec le dragon. Je ne suis donc pas surpris de le trouver ici, avec sa tête frisée comme un mouton, sa gueule débonnaire à la langue bien pendue, la crinière fournie, sa queue passant entre les pattes avant de se diviser sur la croupe en trois digitations, et la patte postérieure velue. Se tient-il posé sur un os à moelle ou sur un rouleau de papier ? Les branchages d l'arbre voisin ne me permettent pas de le dire.
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Lion, crossette au sud de l'église de Guipavas. Photographie lavieb-aile février 2017.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1912, Notices sur les paroisses : Guipavas Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Guipavas", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper, 12e année, 1912, p. 114-124, 148-158, 183-192, 205-218, 237-248.
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, “ Le porche de Guipavas...,” Courrier du Léon et Progrès de Cornouaille 1er septembre 1979 Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 14 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/1935.
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, Le patrimoine architectural et les sites de la commune de Guipavas, “0016 patrimoine commune de Guipavas 1.09.79,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 14 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/1476.
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988 Répertoire des églises : paroisse de GUIPAVAS Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 1997, Les crossettes et les gargouilles dans quatre cantons du Finistère : Landerneau, Landivisiau, Ploudiry, Sizun. Éditeur: s.n., 2 vol. : 359 p. + 135 p. : ill. ; 30 cm .
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle, 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm; Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395. Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014. Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut
Il s'agit d'une Déplorationà cinq personnages dans laquelle la Vierge, drapée dans son grand voile-manteau bleu, retient le corps de son Fils en l'entourant de ses bras. Elle n'est pas assise, mais a posé un genou à terre, et sa cuisse droite et ce genou gauche supporte le corps sans vie du Christ. Saint Jean a adopté aussi cette posture un genou posé à terre, tandis qu'à droite, une Sainte Femme et Marie-Madeleine sont agenouillées. Ces quatre personnages sont en larmes, et, selon le procédé caractéristique de l'atelier landernéen des Prigent, ces larmes sont sculptées en trois virgules effilées. Chacun diffère par sa posture : Jean a les mains jointes, la sainte Femme les mains croisées, et Marie-Madeleine tient le pot à onguent.
Les vêtements se ressemblent ; un manteau à galon d'or sur une robe serrée par une ceinture. Mais on reconnaît, par exemple, sur saint Jean la tunique à col ras-du-cou fermée par quelques boutons dont les Prigent habillent leurs apôtres (Porche de Landivisiau, saint Pierre du calvaire de Dinéault,...). Ou bien, tout aussi habituel , le bandeau dont ils coiffent les cheveux de Marie-Madeleine (calvaire de Dinéault, calvaire et statue de Pencran, ...).
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Un style reconnaissable.
Les caractéristiques de l'atelier des deux frères (Bastien, le plus habile, et Henry) sont, outre les trois larmes emblématiques, le style réaliste, la forme pointue ou rectangulaire des visages (pour Bastien), le voile "coqué" des femmes, les arcades sourcilières nette ou aiguë voire cassées, les petits yeux étrécis et le nez droit aux narines légèrement dilaté, le Christ aux cotes saillantes et le pagne dont le tissu forme un motif à entrelacs. Mais selon Emmanuelle Le Seac'h, qui a décrit ces données stylistiques et a dressé le catalogue raisonné des œuvres des Prigent, cette pietà, comparée à celle de l'église Saint-Budoc à Plourin-Ploudalmézeau, est plus petite, d'un style moins abouti, les personnages sont plus raides et leur éloignement par rapport aux autres empêche de les englober totalement du regard comme à Plourin-Ploudalmézeau. (E. Le Seac'h 2014 page 161).
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Trois pietà venant de l'atelier Prigent.
Au sein de la statuaire décorative, trois Pietà sont sorties de cet atelier : celles de Saint-Nic et de Plourin-Ploudalmézeau, mais aussi une troisième, à deux personnages, offerte par Athelstan Riley dans les années 1930 à la cathédrale de Truro, en Cornouailles, où elle est nommée "The Breton Pietà". Voir photo sur Flickr ici. (avec une datation erronée "du XIVe siècle"). On y retrouve les trois larmes, le voile coqué, l'arcade sourcilière aiguë, etc... La position de la main gauche diffère, car elle soutient le bras gauche du Christ.
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D'autres Déplorations des Prigent sur les calvaires.
— À Plougonven (1554) : la pietà est un peu dispersée au pied de la croix derrière d'autres personnages ; et seul saint Jean porte les trois larmes Prigent. Par contre, la Mise au Tombeau réunit les 4 saints personnages avec leurs larmes. (photo lavieb-aile).
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— À Pleyben (1555) où il s'agit en fait, là aussi, d'une Mise au Tombeau
– À Dinéault (photo lavieb-aile)
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Pietà en kersanton polychrome par les frères Prigent. L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
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Pietà en kersanton polychrome par les frères Prigent. L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.
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Saint Jean, Pietà en kersanton polychrome par les frères Prigent. L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile mars 2017.
Saint Jean, Déploration en kersanton polychrome par les frères Prigent. L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile juillet 2020.
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La Vierge, Déploration en kersanton polychrome par les frères Prigent. L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile mars 2017.
Saint Jean, Déploration en kersanton polychrome par les frères Prigent. L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile juillet 2020..
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Une sainte Femme, Pietà en kersanton polychrome par les frères Prigent. L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile mars 2017.
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Sainte Marie-Madeleine.
Avec son bandeau "chouchou". Deux exemples pris du calvaire de Dinéault :
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Dans les trois cas, le décolleté de la robe est rectangulaire.
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Sainte Marie-Madeleine, Pietà en kersanton polychrome par les frères Prigent. L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile mars 2017.
Saint Jean, Déploration en kersanton polychrome par les frères Prigent. L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile juillet 2020..
Je n'ai observé qu'une seule crossette sous les toits de l'église de Dinéault, à l'angle sud-est, sur le rampant du pignon ouest. Elle représente :
Le lion dévorant une âme.
Or, depuis que je me suis lancé dans la chasse aux crossettes, j'ai pu observer combien ce thème du lion était, sinon constant, du moins extrêmement fréquent en Finistère. Soit le lion est isolé, soit il tient un rouleau, soit, très souvent, un ossement (un fémur, parfois un crâne), et soit encore un petit être, ou seulement sa tête. J'en suis venu à conclure que ce lion stéréotypé (la crinière méchée de la moitié antérieure, le pelage lisse de la moitié postérieure, la queue qui passe entre les pattes et fait retour sur le dos, la tête frisée et le sourire bêta, etc.) avait pour nos ancêtres la valeur d'un voleur d'âme, au service de la Mort, plutôt qu'à celui du Diable. Il était sans-doute chargé de rappeler que la Dame Noire pouvait venir à tout moment avec sa grande faux (pour les bretons, c'était plutôt une lance ou une flèche) et donc qu'il s'agissait d'entretenir son âme pour qu'elle soit bien proprette à l'heure H du jour J. Donc, ne pas oublier ses devoirs de chrétien, aller aux offices, recevoir les sacrements, et mieux, participer aux dévotes pratiques de la confrérie du Rosaire. Accessoirement, faire la charité et aimer son prochain.
Retrouver ce bon Lion, mi-Ankou, mi-psychopompe (un mot que je cherche toujours à placer) suscite donc désormais cette dilatation du cœur, ce chatouillement neuronal — que dis-je, cette épanouissement synaptique en queue de paon — qu'entraîne les retrouvailles avec un bon camarade. Et je vois bien que c'est réciproque, et qu'un large sourire gagne la face du bon félin.
C'est tout lui. Voyez comme il a su arrondir sa queue en une large et élégante courbe avant d'en utiliser la pointe trifide comme un éventail à mouches. Voyez ses yeux exorbités, sa gueule attirée avec appétit vers le paroissien qu'il doit envoyer ad patres, mais avec ce bon fond, cette absence totale de volonté de nuire, cette jovialité dans l'exercice du devoir qui le caractérise. Voyez même cette pilosité de l'arrière des pattes postérieures qui me permet de le reconnaître entre mille.
— Salut, domestique de la Fossoyeuse, salut, et le bonjour chez toi !
Rencontre après rencontre, je l'apprivoise un peu. Il restait assis loin de moi, timide et gauche? Voyez maintenant comme je l'apostrophe ! Et comme nous nous sentons proches, lui et moi !
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Lion dévorant une âme. Crossette de l'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault. Photographie lavieb-aile.
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Lion dévorant une âme. Crossette de l'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault. Photographie lavieb-aile.
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Lion dévorant une âme. Crossette de l'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault. Photographie lavieb-aile.
Retable de la Trinité, granite polychrome, hauteur 1 m. (ou 134 x 86 cm), fin XVe ou début XVIe siècle.
"L'église était aussi dédiée à la Trinité ; voilà pourquoi on trouve au-dessus de l'autel du transept Nord, une belle représentation des trois divines Personnes. C'est un groupe en pierre blanche très résistante, rehaussée de peinture et de dorures, ayant bien dans les poses, dans l'ornementation et le type des figures, le caractère du XVème ou du commencement du XVIème siècle. Le Père et le Fils sont assis sur des nuages et tiennent sur leurs genoux un livre ouvert, au-dessus duquel plane l'Esprit-Saint, sous forme de colombe. L'un des personnages, celui de gauche, est couronné et tient le globe du monde, est-ce le Père, est-ce le Fils ? Rien ne l'indique, tous deux sont barbus, et aucun ne porte les stigmates de la Passion. Tous deux également sont vêtus d'un riche manteau à fermail, orfrois et bords ornés de rangs de perles et fleurons de pierreries. Le bas d'un des manteaux, très largement développé, vient recouvrir les genoux de l'un et de l'autre. (Abgrall, 1907).
L'interrogation du chanoine Abgrall est étonnante, car il me semble évident de reconnaître Dieu le Père à gauche, avec ce que je pourrais cavalièrement nommer ses attributs régaliens, la couronne impériale – et non une tiare– et le globe crucifère. Sa barbe est légèrement plus fournie, et grisonnante. Le Christ bénit de la main droite. Néanmoins, la recherche de ressemblance entre Père et Fils pourrait être influencée par l'ancienne règle du "christomorphisme" qui christomorphisme » de la représentation de Dieu, qui voulait que l’on ne donnât pas au Père d’autres traits que ceux du Christ, par respect du « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 9). (F. Boespflug)
L'interrogation méconnaît aussi que ces Trinités horizontales (à la différence des Trinités verticales que sont les Trônes de Grâce) sont des illustrations du psaume 109 : « le Seigneur à dit à mon Seigneur : “Siège à ma droite !” » dans lesquelles Père et Fils siègent côte à côte, mais le Christ à droite. Pour cette raison, elles sont aussi désignées sous le terme de "Trinité du psautier".
Les deux personnages sont revêtus au dessus de leur robe de la même chape épiscopale à orfrois de boutons dorés et perlés en ligne, ou alternativement groupés par 5 et par 2.
Comme dans certains groupes d'Anne trinitaire, les jambes des deux personnages sont recouvertes par un drap rouge perlé qui rend manifeste leur unité, et, de même, leurs manteaux respectivement blanc et brun tendent à se confondre.Les deux personnes tiennent ensemble un livre ouvert sur lequel sont peints ces mots : « BENEDICTA SIT SANCTA ET INDIVISA TRINITAS NUNC ET SEMPER ET PER SECULA SECULORUM. AMEN « Bénie soit la Sainte et indivisible Trinité est maintenant et toujours et pour les siècles des siècles. AMEN » . Il s'agit de l' Introït de la messe du dimanche de la Sainte Trinité (paroissien romain, XVIIIe s), ou Solennité de la Très Sainte Trinité célébrée le dimanche qui suit la Pentecôte.
L'église était donc dédiée principalement à sainte Marie-Madeleine, mais aussi secondairement à saint Nicolas (la fête de dédicace de l'église de Dinéault le 6 décembre honore ce saint), et enfin à la sainte Trinité. Ogée signale dans son Dictionnaire qu'il y avait "foire à Dinéault le 22 février et le lundi de la Trinité". L'existence d'une chapelle de la Trinité est signalée par Abgrall,, attenante à l'église. Selon la liste des décimes (taxe ecclésiastique due au roi par les paroisses) de Dinéault en 1789 : sur un total de 40 livres et 10 sols, on trouve le décompte suivant : Falher, recteur (22 livres et 10 sols), la fabrice (8 livres et 10 sols), le Rosaire (2 livres), Saint-Exupère (5 livres et 10 sols), la Trinité (2 livres). Rien n'atteste par contre l'existence d'une confrérie de la Sainte-Trinité à coté de la confrérie du Rosaire, fondée en 1673.
Retable de la Sainte Trinité, (XVIe siècle), église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Retable de la Sainte Trinité, (XVIe siècle), église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault. Photographie lavieb-aile février 2017.
SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1907, Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Dinéault",Bulletin de la commission diocésaine d'histoire et d'archéologie, Quimper, Impr. de Kerangall, 7e année, 1907, p. 171-187.
— BOESPLFUG (François), 2009, "La Trinité dans l’art breton (XVe-XVIIIe siècle) Esquisse d’une enquête", Revue des sciences religieuses 83/4 | 2009 Référence électronique François Boespflug, « La Trinité dans l’art breton (XVe-XVIIIe siècle) », Revue des sciences religieuses [En ligne], 83/4 | 2009, mis en ligne le 15 novembre 2013, consulté le 01 octobre 2016. URL : http://rsr.revues.org/441 ; DOI : 10.4000/rsr.441
— BOESPLFUG (François),Yolanta Zaluska 1994, Le dogme trinitaire et l'essor de son iconographie en Occident de l'époque carolingienne au IVe Concile du Latran (1215) , Cahiers de civilisation médiévale Année 1994 Volume 37 Numéro 147 pp. 181-240 http://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1994_num_37_147_2591
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988 Notice de Dinéault, Répertoire des églises : paroisse de DINEAULT,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 5 mars 2017, http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/827.
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1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
"Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)