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20 janvier 2015 2 20 /01 /janvier /2015 20:10

Zoonymie ou étude du nom de la Thécla de l'Amarel Satyrium acaciae (Fabricius, 1787).

La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

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Résumé. Satyrium acaciae (Fabricius, 1787).

Satyrium Scudder, 1876 : l'auteur américain donne l'explication du choix de son genre dans sa description originale en soulignant "la sobriété de ses marques et de sa coloration , rappelant dans une certaine mesure le ton de couleur propre aux Oréades ou Satyrids, d'où le nom que je lui aie attribué". En effet, les ailes de l'espèce-type du genre, Satyrium fuliginosa ou "Western Sooty Hairstreak" sont d'un gris uni en dessous et d'un brun terne au dessus, qui peuvent rappeler les couleurs de quelques Satyrides. Le nom ne crée aucun rapport entre les espèces du genre, et les satyres de la mythologie.

acaciae (Fabricius, 1787) : la plante-hôte de cette Thécla est le Prunus spinosa mais l'épithète pruni avait été utilisé par Linné en 1758 (Satyrium pruni). De même, l'épithète spini avait été attribué par Denis & Schiffermüller en 1775 à une autre Thécla (Satyrium spini). Pour qualifier cette nouvelle espèce adressée de Russie méridionale par Jean de Boeber , Fabricius a donc, selon toute vraisemblance, fait appel à un synonyme du nom du Prunellier, créé par Crantz en 1763, Prunus acacia germanica . En effet, le Prunellier était couramment nommé, notamment dans la pharmacopée, "acacia nostras" ou "acacia germanica" en opposition avec le "vrai acacia", ou "acacia du Levant", qui correspond à nos Mimosas (Genre Acacia) .

— Dans cette acceptation alors courante du nom Acacia, le papillon fut nommé "le Polyommate de l'Acacia" par Latreille puis par Godart en 1822. En 1986,l' Acacia évoquait plutôt soit les Mimosas, soit le Robinier faux acacia, et devant ce risque de confusion, Gérard Luquet a cru bon de remplacer ce nom par celui de "la Thécla de l'Amarel", actuellement en usage. L'Amarel est l'un des noms du Prunus malaheb L.,1753 le "cerisier odorant",ou "faux merisier" ou "Cerisier de Sainte-Lucie", qui sert de porte-greffe aux vrais Cerisiers. Toute confusion avec l'Acacia est ainsi écartée.

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I. Nom scientifique.

1°) Famille des Lycaenidae, William Elford Leach, 1815. Les Lycènes.

Leach, William Elford, 1790-1836 "Insecta" pp. 329-336."Entomology". pp 646-747 in D. Brewster éditeur, Brewster's Encyclopaedia Edinburgh, [Edinburgh, volume 9, 1, 04/1815 pp. 57-172 : selon Sedborn 1937] [Philadelphia, E. Parker,1816? selon BHL Library] page 718. [ Article publié anonymement et attribué à Leach, qui avait annoté son propre manuscrit]

La famille Lycaenidae tient son nom du genre Lycaena de Fabricius (1807).

  • Sous-famille des Theclinae Butler, 1869 : [Thiéclines : Théclas ou Thècles et Faux-Cuivrés]. Hairstreaks en anglais

  • Sous-famille des Lycaeninae [Leach, 1815] : [Lycénines : Cuivrés].

  • Sous-famille des Polyommatinae Swainson, 1827 : [Polyommatines : ; Azurés, Argus et Sablés]. Blues en anglais.

2°) Sous-famille des Theclinae Butler, 1869 : les Thèclas ou Thècles et les Faux-Cuivrés.

Les Theclinés se distinguent par la présence d'une courte queue sur les ailes postérieures. Ils portent le nom de Hairstreaks ["cheveux-stries] en anglais, en raison (W. Dale) des lignes fines qui traversent la face inférieure de leurs ailes.

Elle comprend trois tribus en France :

  • Tribu des Tomarini Eliot, 1973 (Genre Tomares ).

  • Tribu des Theclini Butler, 1869.

  • Tribu des Eumaeini Doubleday, 1847.

3°) Tribu des Eumaeini Doubleday, 1847

  • Genre Satyrium Scudder, 1876

  • Genre Callophrys Billberg, 1820.

http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/38600#page/160/mode/1up

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  1. Nom de genre : Satyrium Scudder, 1876

a) Description originale :

Satyrium Scudder, 1876; "Synonym list of the butterflies of North America, North of Mexico. Part 2. Rurales." Bulletin of the Buffalo Society of natural Sciences, Chicago, 1887 3 [18], page 106.

http://www.archive.org/stream/bulletinofbuffal03buffuoft#page/106/mode/1up

— Description :

"8. SATYRIUM Scudder.

Type : Lycaena fuliginosa Edw.

This genus which both Edwards and Boiduval referred to the Ephori is allied to Erora, but in the sobriety of its markings and coloration is in striking contrast to that group, recalling to a certain degree a tone of color common among Oreades or Satyrids, whence the name I have applied to it . The center of the eyes is thinly pilose ; the palpi, though slight, are longer than the eyes by the whole lenght of the terminal joint. The fore tibiae are three-fourths and the middle tibiae seven-eights the lengyh of the hind tibiae. The wings are broader than in Erora, resembling more those of Callipsyche, but, as in the former genus, the male has no discal stigma on the front pair, and the hind wings are scarcely excavated at the tip of the inner border ; the first superior subcostal nervule of the fore wings arise at or just before the middle of the cell, and the letter is a little less than half as long as the wing. In the markings of the under surface of the wings Satyrium resembles Callipsyche more closely than Erora, but in structure it seems nearly allied to the latter."

8. Satyrium Scudder.

Type: Lycaena fuliginosa Edw.

Ce genre que Edwards et Boiduval placent tous les deux parmi les Ephori est proche du genre Erora,mais par la sobriété de ses marques et de sa coloration il entre en contraste frappant avec ce groupe, rappelant dans une certaine mesure le ton de couleur propre aux Oréades ou Satyrids, d'où le nom que je lui aie attribué. Le centre des yeux est finement velu; les palpes, si légers, sont plus longs que les yeux de toute la longueur de l'articulation terminal. Les tibias antérieures sont trois quarts plus longs, et les tibias du milieu des sept huitièmes de la Longueur, que le tibia postérieur. Les ailes sont plus larges que chez Erora, ressemblant plus ceux de Callipsyche, mais, comme chez le premier genre, le mâle n'a pas de tache discale sur la paire d'ailes antérieures et les ailes postérieures sont à peine creusée à la pointe de la bordure intérieure; le premier nervule sous-costale supérieure des ailes antérieures se situe au niveau ou juste avant le milieu de la cellule, et la lettre est un peu moins longue que la moitié de l'aile. Dans les marques de la surface sous des ailes Satyrium ressemble à Callipsyche plus étroitement que chez Erora, mais dans la structure elle semble presque appartenir à celle-ci.

N.B : pour comprendre cette description, il faut savoir que Scudder place ce genre entre le n°7 Erora , nom encore valide aujourd'hui pour des Theclinae Eumaeni américains, et le n°9 Callipsyche, également valide pour des Theclinae Eumaeni. Il faut aussi savoir que le nom d' Ephori est synonyme (Herbst, 1793) ou analogue à la sous-famille des Theclinae. (Herbst avait divisé les Plebejus rurales de Linné en deux groupes, Vestales et Ephori). En 1881, Scudder écrivait "Tribe Ephori Herbst =Theclides Kirby = Hairstreaks". On peut admettre l'équation Ephori = Thécla.)

Enfin, les Oréades désignent un "Stirps" de Hübner, un rang taxonomique peut-être équivalent à nos Sous-familles, et qui renferme pour cet auteur des Papilio Danai gemmati de Linné soit les Satyri de Fabricius, donc la sous-famille des Satyrinae.

— Type spécifique: Lycaena fuliginosa Edwards, 1861. Proc. Acad. nat. Sci. Philad. 13: 164.

— Noms juniors :

  • Chrysophanes ; Weidemeyer, 1864 Proc. ent. Soc. Philad. 2(4) : 536.

  • Chrysophanus Hübner, 1818 Zutr. Samml. exot. Schmett. 1 : 24. (publication précédant la seconde mention de ce nom par Hübner en [1819] dans Verzeichniss bekannter Schmettlinge page 72.

— Ce genre renferme 6 espèces en France :

  • Satyrium acaciae (Fabricius, 1787) Thécla de l’Amarel.

  • Satyrium esculi (Hübner, [1804]) Thécla du Kermès.

  • Satyrium ilicis (Esper, 1779) Thécla de l’Yeuse.

  • Satyrium w-album (Knoch, 1782) Thécla de l’Orme.

  • Satyrium pruni (Linnaeus, 1758) Thécla du Prunier

  • Satyrium spini ([Denis & Schiffermüller], 1775) Thécla des Nerpruns

Origine et signification du nom satyrium.

—A. Maitland Emmet (1991) page 148:

"Saturos, a satyr, a mythical being associated with the worship of Bacchus, in art often depicted with the horns and tailo of a goat. The satyrs engaged in voluptuous dances with the nymphs and this name, like Ochlodes Scudder, draws attention to the spritely flight of the butterflies. Another possible source is a plant called saturion, which was used as an aphrodisiac. Derivation from Saturium, a town in southern italy, is unlikely, since the Latin "u" should not be changed to a "y"."

—Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 170:

" du grec Saturos, "Satyre". êtres mythiques associés au culte de Bacchus, les Satyres se livraient à des danses voluptueuses avec les Nymphes, et le nom Satyrium semble faire allusion au vol sautillant de ces papillons. Ce nom de genre pourrait aussi dériver de Saturion, nom grec d'une plante censée posséder des pouvoirs aphrodysiaques."

— Perrein et al. (2012) page :

Étymologie : du latin satyrus, du grec satyros, "satyre" ; les satyres de la mythologie gréco-romaine sont des démons, compagnons de Dionysos —ou Bacchus pour les Latins—, représentés souvent cornus, avec une longue et large queue, et un membre viril toujours dressé et surdimensionné. La teinte sombre du recto des ailes des espèces du genre, ainsi que les petites queue des ailes postérieures, a pu inspirer l'entomologiste américain, plutôt que leur vol dansant comme le suggère Emmet (1991).

— Arizzabalaga & al. 2012 :

Satyrium : Els satirs, divinitats gregues dels boscos

Discussion.

A. M. Emmet, recopié par Luquet (2007) et Perrein & al. (20013), interprète le mot Satyrium comme s'il s'agissait du mot Satyrus, et sans consulter la description originale de Scudder. Pourtant, l'auteur américain ne se réfère nullement aux personnages mythologiques du cortège de Dionysos, ni à leurs danses, ni à leurs queues, mais se réfère à la taxonomie des lépidoptères et il le dit très clairement : "par la sobriété de ses marques et de sa coloration il [ce genre] entre en contraste frappant avec ce groupe [des Theclinae], rappelant dans une certaine mesure le ton de couleur propre aux Oréades ou Satyrids, d'où le nom que je lui aie attribué."

 

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3. Nom d'espèce : Satyrium acaciae (Fabricius, 1787)

655. P.[apilio] acaciae Fabricius, 1787 : Fabricius, J. C. 1787. Mantissa insectorvm sistens eorvm species nvper detectas adiectis characteribvs genericis, differentiis specificis, emendationibvs, observationibvs. Hafniae. (Proft). II: 392 pp.Page 69

—Description :

655 P.P.R. Alis caudatis fuscis cinerascentibus : striga alba lunulisque analibus fulvis.

Habitat in Russia australiori Dom. Boeber.*

Praecedentibus paulo minor. Alae anticae supra fuscae, immaculatae, subtus cinerascentes striga alba. Posticae supra fuscae maculis duabus marginalibus fulvis. Subtus cinerascentes striga alba lunulisque analibus fulvis puncto uno alterove atro.

*Jean de Boeber : correspondant de l'Académie impériale des sciences de St Pétersbourg depuis février 1796, signalé en 1812 comme chevalier et conseiller d'état actuel, illustre entomologiste décédé à 74 ans le 14 juillet 1820.

b) Localité-type et description.

— Selon Dupont & al. 2013, cette espèce est présente dans le sud de l’Europe, le Caucase et en Anatolie. Cette espèce est signalée de toute la France sauf le nord du domaine atlantique. Les chenilles se nourrissent principalement sur Prunus spinosa L.

— Description par Wikipédia :

C'est un petit papillon au dessus marron, avec, chez la femelle, trois lunules orange aux postérieures et une touffe de poils noirs à l'angle anal. Le revers est de couleur ocre gris orné d'une fine ligne blanche et de lunules prémarginales orange aux postérieures. Il vole en une génération, en juin et juillet.

Il hiverne à l'état d'œuf pondu au niveau des fourches des rameaux. Sa plante hôte est le Prunellier Prunus spinosa, Prunus mahaleb (amarel) ainsi que Prunus divaricata en transcaucasie.

Il est présent dans une grande partie de l'Europe, mais ni au sud (sud de l'Espagne et de l'Italie) ni au nord (Royaume-Uni, Scandinavie, États baltes, Danemark). Il est aussi présent en Asie Mineure et dans le sud de la Russie. En France métropolitaine il est présent dans tout le sud et l'est du pays. Il est absent de Corse, de Bretagne et de tout le nord-est de l'Indre-et-Loire à la Seine-et-Marne et au Pas-de-Calais.

c) Synonymes INPN (Muséum) et sous-espèces.

Synonymie :

  • Nordmannia acaciae (Fabricius, 1787)

  • Papilio acaciae Fabricius, 1787

  • Satyrium acaciae frigidior (Verity, 1926)

  • Satyrium acaciae nostras (Courvoisier, 1913)

  • Strymon acaciae frigidior Verity, 1926 : Zygaenae, Grypocera and Rhopalocera of the Cottian Alps compared with other races. The Entomologist's record and journal of variation, 28(9): 120-126.page 125 [http://www.biodiversitylibrary.org/page/29858874]

  • Strymonidia acaciae frigidior (Verity, 1926)

  • Strymonidia acaciae (Fabricius, 1787)

  • Thecla acaciae nostras Courvoisier, 1913 : Courvoisier, L. G. 1913. Zur Nomenklatur und Diagnose der europäischen Theclinen. Internationale entomologische Zeitschrift, 7(38): 251-253. page 252 [http://www.biodiversitylibrary.org/page/37081640]

  • Thecla acaciae (Fabricius, 1787)

 

Note : Courvoisier reprend le nom Acacia nostras , notre Acacia, appellation par les apothicaires de l"Acacia de chez nous", c'est à dire le Prunus spinosa. Cf infra.

Sous-espèces :

Leraut retient la présence de deux sous-espèces en France :

- frigidior Verity, 1926. Localité-type : Oulx, Piémont, Italie. Ce taxon caractérise les populations du sud de la France.

- nostras Courvoisier, 1913. Localité-type : non désignée en Europe.: Russie australe]

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d) Origine et signification du nom acaciae

— Anton Spannert (1888), page 22 :

""

— Arnold Spuler ( 1908) 1 page 53:

"Acacia die Acazie"

— August Janssen (1980) page 43 :

—Hans Hürter (1988) page 295

"Deutung : In F-W II, S.77, und Higgins,S. 207, heißt es übereinstimmend : die Raupe lebt an kleinen verkümmerten / Kümmerlichen Schlehenbüschen". So hat Fabricius 1787 den Falter nach dem damals offenbar noch üblichen Schlehennamen Acacia germanica benannt. Von da her stammt der deutsche Name "Akazienzipfelfalter" obwohl die Art weder mit Akazie noch mit Robinie etwas zu tun hat. Weidemann hat bei der Beschreibung von N.acaciae F. eigens eine Anmerkung gemacht : "Der Name Akazien-Zipfelfalter besteht zu Recht. Flores acaciae ist der alte Apothekername für getrocknete Schlehen. Wenn das Volkslied "Weiße Akazien an endlosen Straßen" besingt, ist damit die Schlehe gemeint ; nicht die aus Nordamerika stammende Falsche Akazie (Robinia pseudoacacia)". (Weidemann, Bd2, S.112). Ebert verweist auf diese Anmerkung Weidemanns und fügt hinzu :"Der deutsche Name AkazienZipfelfalter" ist fälschlicherweise einfach die wörtliche statt die sinngemäße Übersetzung des wissenschaftlichen Namens " (Ebert, Bd.2, S. 174)"

— Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 170:

"acaciae : génitif du mot latin acacia, "Mimosa". Ce nom scientifique, de même que l'ancien nom vulgaire qui en découle ("Thécla de l'Acacia") peuvent paraître doublement erronés, puisque d'une part la chenille de cette espèce ne se développe nullement aux dépens de l'Acacia (arbre que l'on désigne plus correctement sous le nom de Robinier, Robinia pseudoacacia), et que d'autre part le genre botanique Acacia correspond aux espèces vulgairement dénommés "Mimosas". Toutefois Hans-Josef Weidemann (1988 : 112) fait remarquer que la dénomination scientifique Satyrium acaciae est parfaitement justifiée, dans la mesure où, au XVIIIe siècle, "Flores Acaciae" était l'appellation pharmaceutique officielle des fleurs séchées de Prunellier.

— Perrein et al. (2012) page 195 :

"Étymologie : du latin acacia "mimosa", plante-hôte aujourd'hui invalidée mais qui n'était sans doute pas celle présumée par Fabricius car, ainsi que le remarque Hans-Josef Weidemann [1988], les Flores Acaciae étaient au XVIIIe siècle l'appellation pharmaceutique officielle des fleurs séchées de prunellier."

— Arizzabalaga & al. (2012) ;

Discussion :

Le terme d'Acacia entraîne une double confusion :

1) Une confusion botanique entre trois arbres :

a) Acacia dealbata " Mimosa d'hiver", ou les très nombreuses espèces du genre Acacia. Le nom acacia est attesté en français dès la 2e moitié du XIVe. Les formes acace, achace, achacie favorisent un lien avec les mots "aigu, acéré" que renforce la présence d'épines, et un culte rendu en Allemagne à saint Acace et à ses dix mille soldats les représentent martyrisés sur des épines d'acacias.

b) depuis 1680 Robinia pseudoacacia "Robinier faux acacia". Selon Furetière," On l'appelle Acacia Robini, parce qu'un nommé Robin, qui etoit Garde du Jardin du Roy, est le premier qui l'a mis en vogue en France il y a environ 40 ans (en 1601)".

c) Prunus spinosa L., dont le nom synonyme est Prunus acacia germanica Crantz 1763 : voir Encyclopedie of Life.

2) En pharmacopée, on distingue depuis le XVIIe siècle l'acacia vera ou Acacia du Levant, suc épaissi importé du Levant, et le faux acacia ou acacia nostras, qui est un autre suc épaissi et extrait des prunelles sauvages. Il est nommé aussi Acacia germanica.(Lemery page 126).

Puisque la plante-hôte de cette Thécla est le Prunus spinosa et non les Mimosa ou le Robinier, et puisque le nom acacia germanica avait été créé par Crantz pour désigner le Prunus au moment où Fabricius a décrit cette espèce, il est logique qu'il ait choisi l'épithète acaciae à défaut des épithètes pruni et spini (déjà utilisés) pour caractériser ce papillon par sa plante-hôte, Prunus spinosa.

 

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III. Noms vernaculaires.

I. Les Noms français.

1. Le Polyommate de l'Acacia, Latreille et Godart 1819

Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9,page 650

Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.

2. Polyommate de l'Acacia , Godart 1822,

Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1822, tome 2 page 165 planche XXI fig. 5-6-7 peinte par Duménil.et gravée par Lanvin.

Godart ne précise pas la plante-hôte et ne décrit pas la chenille.

http://www.archive.org/download/histoirenaturell02goda/page/n208_w234

3. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986 et le nom vernaculaire actuel.

Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet créait comme nom principal "La Thécla de l'Amarel" et réfutait l'usage de la "Thécla de l'Acacia".

 

4. Étude zoonymique des auteurs français :

—Luquet in Doux et Gibeaux 2007 page 170 :

".Amarel : autre nom du Cerisier odorant (ou Bois de Sainte-Lucie), Prunus mahaleb L."

 

5. Noms vernaculaires contemporains :

Charles Oberthür et Constant Houlbert , dans leur Faune armoricaine de 1912-1921, utilisent le nom scientifique de Thecla acaciae Hübner puis citent dans leur texte page 187 le nom vernaculaire de Polyommate de l'Acacia.

— Doux & Gibeaux 2007 : " La Thécla de l'Amarel"..

— Perrein et al. 2012 : "Thécla de l'Amarel".

— Wikipédia : "La Thècle de l'amarel ou Thècle de l'acacia ".

 

 

III. Les noms vernaculaires dans d'autres pays.

  • Marroneta de l'aranyoner

  • Ostrôžkár malý

  • Хвостатка акациевая

  • Ostruháček kapinicový

  • Bagremov repić

  • Mali repkar

  • Kleiner Schlehen-Zipfelfalter Petit papillon à queue du Prunellier

  • Törpe farkincás-boglárka

  • Etelännopsasiipi

  • Sloe Hairstreak

  • Kleine sleedoornpage : le Petit Page du prunellier. Ou encore Berkenpage

  • Minik Sevbeni

  • Sin Perfume

  • Ogończyk akacjowiec

  • Θέκλα του προύνου

 

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.Commentaire sur le nom néerlandais : on remarque le nom de Page, dans le sens de jeune homme d'origine noble au service d'un seigneur dont il porte la livrée. En néerlandais, on nomme Grand Page (de Grote page) les Papilionidae, comme Papilio podalirius qui est le Page du roi ou Koningpage Papilio machaon qui est le Page de la reine ou Koninginnenpage, Papilio alexanor qui est le Page de la reine du Sud, ou Zuydelijke Koninginnen Page. Le nom est déjà mentionné en 1762 par Christian Sepp sous la forme "De Page de la Reine-Vlinder" pour le Machaon. De même, on nomme Petits Pages (Kleine Page) les Théclas. Ce qualificatif est donc lié à la présence sur l'aile des papillons d'une queue. Il se décline en bruine eikenpage (Satyrium ilicis), pruimenpage (Satyrium pruni), iepenpage (Satyrium w-album) et eikenpage (Favonius quercus)

 

 

Voir aussi :http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR

 

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Bibliographie, liens et Sources.

— Funet : Satyrium

— Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) : satyrium acaciae

— UK Butterflies : non observé en G-B

— lepiforum : satyrium acaciae

— jardinsauvage : satyrium acaciae


Voir : Zoonymie des Rhopalocères : bibliographie.

 

 

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Published by jean-yves cordier
20 janvier 2015 2 20 /01 /janvier /2015 09:09
Inventaire des papillons et noms de papillons décrits dans le Metamorphosis et Historia naturalis (1662-1667) de Jan Goedart .

Résumé.

Dans son Metamorphosis publié en 1662-1667, Jan Goedart étudie les métamorphoses de diverses chenilles en chrysalides puis en imagos. On y dénombre 38 papillons, dont 9 papillons de jour (rhopalocères) — 6 sont identifiés—  et 29 papillons de nuit (hétérocères) — dont 11 identidiés— . Goedart donne des surnoms à ses chenilles selon leur comportement ("La Gloutonne" pour celle d'Aglais urticae) mais ne nomme qu'un  seul  papillon adulte, Paeuw-ogg (oculus pavonis en latin) pour Inachis io, notre "Paon-du-Jour".,

 

Biographie de Jan Goedart (Middelburg, Pays-Bas 1617-1668).

adaptation selon l'article Wikipedia Italie

Fils de Pieter  et Judith Pottiers, Goedart fut probablement  l'élève de Christoffel van den Berghe et a travaillé à Middelburg dans le même environnement culturel que le poète et fabuliste Jacob Cats et le cartographe Hondius (1563-1612) et l'astronome Philippe van Lansbergen 

(1561-1632). Il a été actif depuis1635 , date de ses premiers croquis représentant une chenille, jusqu'à 1667, année de sa dernière œuvre connue. Il appartenait à la Guilde de Saint-Luc dans sa ville natale.

 Ce fut un important entomologiste qui écrivit Métamorphosis et Historia Naturalis Insectorum , texte en trois volumes publiés entre 1662 et 1669, et contenant quelque 150 illustrations détaillées, qui connut une grande célébrité et fut traduit en trois langues: français, anglais et néerlandais. C'est probablement grâce à son travail comme naturaliste qu'il est venu à la peinture, non sans une formation approfondie sur le sujet. Très pieux et expert dans les Saintes Ecritures, il a bénéficié d'une bonne réputation en raison de son caractère bon et cordial, et de son l'amitié avec le prédicateur et naturaliste Johannes de Mey, qui a joué un rôle d'importation dans la composition et la publication du travail de Goedaert, en particulier en ce qui concerne le premier volume, tandis que Paulus Veerzaerdt, aumônier de Michiel de Ruyter, a collaboré au second. Dans Métamorphosis, l'auteur établit des parallèles entre la religion et la nature,  insére des références à des passages de la Bible dans les différentes étapes de développement des insectes et tire de ses observations des enseignements moraux incitant à l'admiration, mettant en garde contre la curiosité excessive et prêchant pour l'espérance en la résurrection, ainsi que la référence à  Dieu comme créateur infusé dans la nature  .

Ses œuvres artistiques comprennent essentiellement des paysages , des natures mortes et de fleurs avec des insectes et des architectures. Il a excellé dans la création d' aquarelles avec des oiseaux et des insectes  .

Il a également été actif comme alchimiste.

 

 Metamorphosis et historia naturalis insectorum 

   Ce travail, publié entre 1662 et 1667 à titre posthume en partie, représente réellement le travail de toute une vie: Goedaert, en fait, a commencé ses observations dès 1635 et a décrit plusieurs types d'insectes y compris les abeilles, les frelons, les pucerons, les papillons de jour et les papillons nocturnes, et les mouches dans toutes les étapes de développement. Il s'agit de l'observation minutieuse de toutes les phases de croissances des insectes, de la larve à l'adulte en passant par l'étape de la métamorphose. Il y étudie, les changements non seulement dans l'apparence mais aussi la puissance et à donne son propre système de classification . Avec ce texte, il se révèle être un précurseur des études éthologiques-systématiques et anatomiques qui connurent au siècle suivant une grande impulsion, bien que son travail comporte plusieurs erreurs, comme des dessins de chrysalides à l' aspect anthropomorphique. Adepte de la théorie de la génération spontanée , il croit que le processus de métamorphose entraîne la mort d'une créature (comme la chenille) et l'émergence spontanée d'un autre (comme le papillon) à partir des restes de la précédente. Pour la première fois, des insectes sont représentés grâce à la technique de la taille-douce. Il est traduit en français en 1700 sous le titre d’Histoire des insectes.

 Johannes de Mey a ajouté dans la version qu'il a produite un chapitre sur les Éphémères , et de nombreuses longues annotations.

Martin Lister donna en 1682 une traduction anglaise de Metamorphosis  de Jan Goedart et publia en 1685 une version améliorée en latin selon un ordre méthodique et une classification qui lui sont propres.

Nous disposons donc de plusieurs versions, dans lesquelles les noms propres ou surnoms donnés aux chenilles et à leur plante-hôte (l'objet initial de mon inventaire), qui apparaît en italique dans le texte néerlandais, disparaissent ou se modifient, rendant difficile leur inventaire surtout à un étranger et m'amenant à renoncer à en dresser la liste. Les noms néerlandais sont traduits en latin ...dans la première édition latine, ce qui permet une meilleure compréhension. J'ai, finalement, surtout vérifié qu'on ne trouvait pas d'autre nom d'imago que celui de Paeuw-ogg, et j'ai cherché à établir la liste des espèces de lépidoptères connus par Goedart. Le nombre d'espèces est bien inférieur à celui du manuscrit Ignis d'Hoefnagel, un siècle auparavant, mais ce n'est pas ici une collection d'insectes, mais le résultat d'expériences d'élevage de chenilles pour suivre leur développement.

 

Inventaire des planches, des espèces représentées et des noms cités.

  Il ne s'agit pas d'un inventaire en règle, mais du fruit de ma curiosité pour l'histoire de l'entomologie et de mon enquête sur l'histoire des noms de papillons. D'autres, plus méticuleux,  viendront pour parfaire cette ébauche. J'y ai compté 38 papillons, dont 9 papillons de jour (rhopalocères) — 6 sont identifiés—  et 29 papillons de nuit (hétérocères) — dont 11 identidiés— . Je n'ai récolté qu'un seul nom de papillon, "Paeuw-ogg" (oculus pavonis en latin), mais cette découverte est considérable puisqu'elle est le point de départ d'un nom vernaculaire adopté d'abord en anglais par Petiver, puis en français par Geoffroy en 1762 sous la forme Paon-du-jour.

 

Liste des 6 rhopalocères identifiés :

  • Planche I page 15 : Inachis io "Paon-du-jour" Egel-rups : chenille hérisson paeuw-ooge :.

  • planche XI : Pieris brassicae "Piéride du chou" : "Wittiens"

  • Planche XXI : Aglais urticae "Petite Tortue". la chenille :"Gulfigaert" = "le Glouton" 

  • Planche XXVI : Vanessa atalanta "Le Vulcain" : "Noort-Rupfe"

  • Planche XXVII Pieris rapae "Piéride de la rape" : "Droevaert"

  • LXXVII : Nymphalis polychloros "Grande Tortue".

​Liste des 11 hétérocères identifiés :

  • Planche III : Euproctis similis : Verde sienders

  • Planche VII: Lasiocampa trifolii D. & S. " Le Bombyx du Trèfle" : voorsichtighen

  • Planche X : Lasiocampidae Malacosomatinae Malacosoma neustria L. "Le Bombyx à livrée" : la chenille "Nat-neus".

  • Planche XIII ? Euproctis??? : "Koeckoeck"

  • Planche XVII : Erebidae Arctiinae Arctia caja L. "L'Ecaille Martre, La Hérissonne" : "Ruygen beyr'"

  • Planche XXIV : Sphingidae Smerinthinae Laothoe populi L.  "Le Sphinx du Peuplier" : nom de la chenille "Piilsteert." (nom  aussi du crécerelle) "Queue pointue" 

  • Planche XXXI : Geometridae Ennominae Abraxas  grossulariata la "Zérène du groseillier"

  • Planche XXXII : Noctuidae Plusiinae Autographa gamma L.  "Le Gamma" : Taback-eter

  • Planche XXXVI : Erebidae Lymantriinae Dicallomera fascelina L.  "Le Bombyx porte-brosses" : "sleck-rupfe"

  • Planche LVI Noctuidae Plusiinae Diachrysia chrysitis L. Le Vert-Doré ??

  • LIX :  Erebidae Lymantriinae Orgyia antiqua L. "L'Etoilée", "le Bombyx antique" : " Antijck".

 

Liste de la plupart des planches avec les noms des chenilles.

  • Planche I page 15 : Inachis io texte page 15-16 : Echin-erucam / Egel-rups : chenille hérisson oculus pavonis / paeuw-oog :

Dese Rupse heb ick ghevanghen den 14 Mey, 1635
ende onderhouden met netel-bladeren tot den 11
Junii des selfden jaers; doen heeft sy haer tot de veranderinghe
gheset, maeckende het achterste eynde
van de veranderinghe seer vast, met den kop nederwaerts
hanghende, als te sien is by letter B. Dese
vertooninge duyrde den tijt van negen-thien dagen,
als doen quam daer uyt een schoone vier gevleugelde
Paeuw-oog, gelijck in dese medegaende figuyre aengewesen
wort, by de letter C.”

  • Planche II : Eristalis tenax : Swiin made 

  • Planche III : Euproctis similis : Verde sienders 

  • Planche IV : 2 mouches, un insecte:  vuylen leuyaerdt

  • Planche V :  pas de planche : Passerculos sicatos /Droogen Visch

  • VI : idem:  Sisarum / Suycker-Wortel 

  • Planche VII: Lasiocampa trifolii D. & S. ( = Pachygastria trifolii) Le Bombyx du Trèfle :  voorsichtighen

  • Planche VIII idem ?? (chenille non ressemblante) "Jager"

  • Planche IX : Tyria jacobaeae "Goutte-de-sang" : "Zand-rups"

  • Planche X : Lasiocampidae Malacosomatinae Malacosoma neustria L. "Le Bombyx à livrée" : la chenille "Nat-neus".

  • planche XI : Pieris brassicae "Piéride du chou" : "Wittiens"

  • Planche XII ? "Dronckaerdt"

  • Planche XIII ? Euproctis??? "Koeckoeck"

  • Planche XIV ? "Nacht-uyl"

  • Planche XV :  "Boeren-nestelingen"

  • Planche XVI : "Bedrieger"

  • Planche XVII : Erebidae Arctiinae Arctia caja L.L'Ecaille Martre, La Hérissonne : "Ruygen beyr'"

  • Planche XVIII : "Duycker"

  • Planche XIX

  • Planche XX : "Schoonen-looper"

  • Planche XXI : Aglais urticae la chenille :"Gulfigaert" = "le Glouton" Ick gaf hem den naem van Gulfigaert om dat hy feerveel at, ja naeuweliix en konde versadicht werden

 “Al ist schoon dat de Netelen haer gheweyr hebben

waer mede sy seer vinnich van haer steecken: nochtans
en konnen sy dese Rupsen niet af-keeren; Dese
Rupse stelde sich tot Veranderinge den 23 Junii; Den 9
Julii is daer uyt voortgekomen een schoon gekoleurde
Kapelle, welcke lange in het leven kan blijven; Ick gaf
hem den naem van Gulsigaert om dat hy seer veel at,
ja naeuwelijx en konde versadicht werden.”"

  • Planche XXII : "Mervelie"

  • Planche XXIII : Lospoot

  • Planche XXIV : Sphingidae Smerinthinae Laothoe populi L. ( = Amorpha populi) "Le Sphinx du Peuplier" : nom de la chenille "Piilsteert." (nom  aussi du crécerelle) "Queue pointue" 

  • Planche XXV "Slaepaert"

  • Planche XXVI : Vanessa atalanta "Le Vulcain" : "Noort-Rupfe"

  • Planche XXVII Pieris rapae "Droevaert" Plante-hôte : brassicae

  • Planche XXVIII

  • Planche XXIX : Vroegh-op"

  • Planche XXX

  • Planche XXXI : Geometridae Ennominae Abraxas  grossulariata la "Zérène du groseillier" : Plante-hôte : foliis grossularia /Stekel-besyen , Kruys-besyen

  • Planche XXXII : Noctuidae Plusiinae Autographa gamma L. ( = Plusia gamma) "Le Gamma" : Taback-eter

  • Planche XXXIII

  • Planche XXXIV : geelen-vrapen drager

  • Planche XXXV

  • Planche XXXVI : Erebidae Lymantriinae Dicallomera fascelina L. ( = Dasychira fascelina) "Le Bombyx porte-brosses" : "sleck-rupfe"

  • Planche XXXVII 

  • Planche XXXVIII : Hypocrist

  • Planche XXXIX : "sprinck-haen"

  • Planche XXXX​

  • XXXXI

  • XXXXII

  • XXXXIII

  • XXXXIV

  • XXXXV

  • XXXXVI :Suiker-peer

§§§§§§§

  • Planche LIV : exters-made 

  • Planche LV : door-border 

  • Planche LVI :

  • Planche LVI Noctuidae Plusiinae Diachrysia chrysitis L. Le Vert-Doré ??  "schrickachtigen"

  • Planche LVII : wacht-houder

  • Planche LVIII : 

  • Planche LIX :  Erebidae Lymantriinae Orgyia antiqua L. "L'Etoilée", "le Bombyx antique" : " Antijck"

  • Planche LX : steen-rups 

  • Planche LXI : blaeuwe-kop.

  • Planche LXII : pelicaen-rupfe

  • Planche LXIII : geel-kop

  • Planche LXIV : lint-worm

  • Planche LXV

  • Planche LXVI : verslinder

  • Planche LXVII : lecker-beetjen

  • Planche LXVIII

  • Planche LXIX

  • Planche LXX : kamelio

  • Planche LXXI : duyckelaer

  • Planche LXXII : 

  • Planche LXXIII

  • Planche LXXIV : ontvertsaeghden

  • Planche LXXV

  • Planche LXXVI : Courtilière : Gryllo-talpa

  • Planche LXXVII : Nymphalis polychloros "Grande Tortue" 

  • Planche LXXVIII :   Rob-Worm ; morsus gallinae ; hanatons molenaers-worm. Fromenti vermis = Koren-worm

  • Planche LXXLIX : Ysiekeep

 

 

    ICONOGRAPHIE : Planches gravées en taille douce et peintes.

 

 

 

E. similis Poitou charentes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mouches et syrphes 

 

 

 

 

 

§§§§§§§§§§§§§§

 

Complément : Joannis de Mey : Hemerobia et Ephemera

Source et liens :

—https://archive.org/stream/metamorphosisnat01goed#page/n159/mode/2up

—Version par Lister en latin annoté: 

http://books.google.fr/books/ucm?vid=UCM5327359323&printsec=frontcover&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false

http://books.google.fr/books?id=ohl-IXseSxsC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

—et Lister à Gottingen :http://docnum.unistra.fr/cdm/compoundobject/collection/coll13/id/64604/rec/1

— Exemplaire de Strasbourg numérisé

— Site du  Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie  RKD Netherlands Institute for art history :https://rkd.nl/nl/artists/32287

 — Version en latin : 

GOEDART (Jan) 1662 Metamorphosis et historia naturalis insectorum, autore Joanne Goedartis, cum commentaris D. Joannis de Mey...Medioburgi, apud Jacobum Fierensium bibliopolam sub insigni globi. Par Johannes Goedaert,Mey 1662, 236 pages : Google http://books.google.fr/books?id=XIlKG2Ym6tcC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

 

Planche XXX
 
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Published by jean-yves cordier
5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 21:49

   Traduction et origines des INSCRIPTIONS

figurant dans Animalia rationalia et insecta (Ignis) de Joris Hoefnagel, 1575-1582. Identification de quelques insectes.

 

Voir dans ce blog sur Hoefnagel :

.

( Première partie,  Planches 1 à 43) 

 

Les images proviennent du site RDK Netherlands   https://rkd.nl/nl/explore/images/120708

Préambule.

Joris Hoefnagel, 1575-1582, Elementa depicta Pars III :Ignis.

  A la cour de Rodolphe II, l'empereur germanique à qui cette œuvre a été offerte, et aussi dans toute l'Europe savante de la fin du XVIe siècle, l'engouement pour les livres d'emblèmes était  très vif, tout comme le goût pour les Adages, les Maximes, les Enigmes, les  Aphorismes et autres Citations d'auteurs antiques. Mais la consultation des Emblemata ...Insectis  de Camerarius L'Ancien, parus en 1596, permet de réaliser combien ces considérations peuvent nous paraître dénuées d'intérêt. Au contraire, les quatre volumes des Elementa de Joris Hoefnagel exercent encore un attrait qui est du sans doute à la qualité exceptionnelle des peintures, selon un art hérité des enlumineurs flamands, mais aussi au charme des citations latines des Psaumes, d'Ovide ou  du poète Ausone, qui scandent planche après planche une méditation déjà baroque sur la beauté fugace des êtres, sur la vanité captivante de cette beauté, ou sur les abimes de persplexité où nous plongent la contemplation de la Nature. Les inscriptions successives, loin d'être d'aimables ornements littéraires, forment un corpus parfaitement construit et profondément cohérent qui énonce un programme humaniste d'un nouveau regard porté sur la nature comme objet d'étude : c'est la naissance de l'Entomologie.  

 

 

 

Page de titre du chapitre Ignis :

 

a) IGNIS (peu lisible dans le cartouche supérieur)  Animalia Rationalia et Insecta.

—Traduction :«  Le Feu. Animaux rationnels et Insectes ».

—Commentaire :

-IGNIS :

Le cartouche où s'inscrit ce mot est surmonté d'une lampe d'où s'élève une flamme claire.

Les trois autres volumes de ce recueil portent les titres suivants : TERRA Animalia quadrupedia et reptilia  ;  AQUA  Animalia aquatilia et conchiliata ; AIER  Animalia volatilia et amphibia. L'univers était, depuis Aristote, divisé en deux parties, le Cosmos parfait constitué d'Ether et où gravitent les astres immuables, et le monde sublunaire changeant et corruptible, constitué d'un mélange de Feu, d'Air, d'Eau et de Terre, éléments initialement séparés en sphères concentriques de la Terre vers le Feu.  Aux trois éléments  de la Terre, de l'Eau et de l'Air correspondent respectivement et  en toute logique les animaux terrestres (quadrupèdes et reptiles), aquatiques (avec aussi les crustacés et coquillages) et volatiles. Le volume consacré au Feu est le premier, dans un ordre qui ne doit rien au hasard : Feu/ Terre / Eau/ Air. Les quatre éléments déterminent la philosophie depuis Empédocle, les quatre qualités depuis Aristote ( " le feu est chaud et sec ; l'air est chaud et humide, puisque l'air est une sorte de vapeur ; l'eau est froide et liquide ; enfin, la terre est froide et sèche"), le classement scalaire des animaux depuis le Moyen-Âge ( en haut le phénix,  oiseau fabuleux lié au feu, puis les oiseaux dans les airs, suivis des poissons nageant dans l’eau, et  en bas de l'échelle  les quadrupèdes qui vivent sur l'élément terre), et la médecine depuis Hippocrate et la théorie des quatre humeurs..  

Mais on peut s'étonner de trouver, associé au noble élément Feu, les "Animaux rationnels", c'est-à-dire l'Homme, ainsi que les insectes, que l'on aurait volontiers tendance à mépriser ou à négliger. A cette époque, le Feu était liè à la Salamandre (un animal mythique censé vivre dans le feu et ne mourir que si celui-ci s'éteignait ; pour Paracelse, la Salamandre était l'esprit du Feu, sous les traits d'une belle femme. Hoefnagel créé donc un écart, un effet de surprise. "En associant ses insectes au feu, Hoefnagel les reliait  à l'élément le plus exceptionnel, l'élément associé à la génération et à la dématérialisation, le plus protéiforme, le plus dynamique, le plus insondable, et, dans l' Europe pré-moderne, le plus merveilleux. Et surtout, contrairement à la logique des autres volumes, le feu ne est pas le milieu dans lequel les insectes vivent. Au lieu de cela, il représente les propriétés qu'ils incarnent." (Hugh Raffles   Insectopedia page 131). Hoefnagel a été  l'un des premiers (voir infra Dürer) à élever des insectes comme sujet pictural indépendant. Auparavant, les insectes avaient été largement étudiés par Aristote et Pline, mais ce n' est qu'avec la publication d' Aldrovandi en 1602 qu'ils furent étudiés comme sujet de science. Selon l'idée platonicienne —répandue par l'académie néoplatonicienne de Florence autour de Laurent de Médicis à la fin du XVe siècle—d'un microcosme représentant un macrocosme, l'étude des mystères et des prodiges  contenus et exprimés dans les petits insectes permettait de mettre en évidence par effet de miroir  les mystères de la Création et du Créateur.

Si Hoefnagel donne aux insectes la première place, c'est aussi, tout simplement, parce qu'il s'agit de son sujet de prédilection : les illustrations qu'il en donne sont de lui, alors qu'il empruntera celle des mammmifères, des oiseaux et des poissons à des peintres qui l'ont  précédé.

Nous allons voir que le volume Ignis est principalement consacré aux insectes, et que seules les deux premières Planches traitent de l'Homme, d'une façon d'ailleurs inattendue.

 

- Animalia rationalia et insecta 

La définition de l'Homme comme "animalia rationalia" sera simplement pointée,  en lien avec Abelard (homo est animalum informum rationale et mortalitate), et annonçant Hobbes et son ""homo est corpus animatum rationale".

 

b) Signature Georgi Hoefnagel par monogramme G/HF.

Georgi[us] est la latinisation de Joris, prénom de l'artiste. Georgi. Hoefnagel est la signature que l'on rencontre sur les cartes et vues de ville qu'il réalisa pendant ses voyages en Francen Espagne ou Italie.

HF renvoie à Hoefnagel, nom de famille de l'artiste.  Il s'agit d'un nom d'origine flamande, dérivé de Houvenaghel,  littéralement "clou-sabot" en lien vraisemblable avec le  surnom donné à un maréchal-ferrant. Le mot nagel signifie clou, et hoef signifie sans doute sabot (cf l'allemand huf).  (Source : Geneanet.org).

 

c) inscription : Qui fecit Angelos spiritus suos: / Et ministros suos Ignem Vrentem

—Source : Psaume 103 [104] verset 4  : qui facis angelos tuos spiritus et ministros tuos ignem urentem

—Traduction : « tu fais des vents tes messagers, les éclairs* sont tes serviteurs » Bible du Semeur.

*"des flammes de feu" selon la trad. Louis Ségond. 

—Commentaire :

On remarque la présence dans le second verset du mot Ignem, "de Feu", et cette reprise du mot Ignis inciterait à interpréter ce verset hors de son contexte, comme si les insectes étaient des messagers flambants, angéliques et aériens (les papillons) ou des flammes fulgurantes. Mais il faut au contraire lire le Psaume 104 en entier, ce qui n'est pas un exercice laborieux puisqu'il s'y élève une magnifique hymne poètique à la Création et au Créateur. Car on y remarque immédiatement la présence des quatre éléments, ce qui incite alors à regarder les pages de titre des trois autres volumes Cette recherche est immédiatement récompensée par la découverte des versets suivants :

– Terra   Qui fúndasti terra súper stabilitatem túam:/ Non comouebitúr In secúlúm scúlo : C'est le verset 5 de la Vulgate qui fundasti terram super stabilitatem suam non inclinabitur in saeculum saeculi "Il a établi la terre sur ses fondements, Elle ne sera jamais ébranlée".  

– Aqua  Abissus sicut vestimentum amictus terrae super montes stabunt Aquae : C'est le verset 6  Abissus sicut vestimentum amictus terrae super montes stabunt Aquae "Tu l'avais couverte de l'abîme comme d'un vêtement, Les eaux s'arrêtaient sur les montagnes".

– Aier : Qui ponis Núbem, ascensum tuum: / Qui ambúlas Ventorum super-Pennas. C'est le verset 3 de la Vulgate :  qui ponis nubem ascensum tuum qui ambulas super pinnas ventorum  ; "Il prend les nuées pour son char, Il s'avance sur les ailes du vent."

Ainsi, Dieu  fait de la lumière son vêtement, du ciel sa tente, des nuées son char, des vents qui les emportent ses serviteurs, des flammes de feu qui en jaillissent ses messagers. 

D'autres versets de ce Psaume seront cités  dans d'autres planches :

  On retrouve le verset 33 sur la planche du Mira calligraphiae, folio 131  illustrant la lettre C, car ce verset Cantabo Domino commence par un C.

Ce Psaume 103 est donc emblématique non seulement du recueil tout entier, mais de l'artiste lui-même. Joris Hoefnagel est profondément religieux, dans un esprit proche des réformés protestants, et rien n'interdit de penser qu'il adresse par son œuvre une louange sincère à Dieu et qu'il reprend à son compte l'incipit du Psaume "Mon âme, bénis l’Éternel ! Éternel, mon Dieu, tu es infiniment grand ! Tu es revêtu d’éclat et de magnificence ! ". Mais ces citations pourraient aussi témoigner d'un esprit plus épicurien à la façon de Lucrèce dans son De Natura rerum, et s'intégrer dans un hymne cosmique ou panique plutôt que chrétien. 

 

Les pages 2 et 3.

 

 

a) Page de gauche, Inscription supérieure :

Pronaq [ue] cum spectent Animalia cetera terram: / os homini sublime dedit, Coelumq [ue] Tueri / Iubit, et erectos annonce Sydera tollere vultus

— Traduction : « l'homme, distingué des autres animaux dont la tête est inclinée vers la terre, put contempler les astres et fixer ses regards sublimes dans les cieux. »

— source :Cette citation est extraite du début des Métamorphoses d'Ovide, Livre I.

— Commentaire :

A la lumière des inscriptions précédentes, la lecture du texte d'Ovide s'éclaire singulièrement :

   "Inspiré par mon génie, je vais chanter les êtres et les corps qui ont été revêtus de formes nouvelles, et qui ont subi des changements divers. Dieux, auteurs de ces métamorphoses, favorisez mes chants lorsqu'ils retraceront sans interruption la suite de tant de merveilles depuis les premiers âges du monde jusqu'à nos jours.

Origine du monde (I, 5-20)

  Avant la formation de la mer, de la terre, et du ciel qui les environne, la nature dans l'univers n'offrait qu'un seul aspect; on l'appela chaos […] . L'air, la terre, et les eaux étaient confondus : la terre sans solidité, l'onde non fluide, l'air privé de lumière. Les éléments étaient ennemis; aucun d'eux n'avait sa forme actuelle. Dans le même corps le froid combattait le chaud, le sec attaquait l'humide; les corps durs et ceux qui étaient sans résistance, les corps les plus pesants et les corps les plus légers se heurtaient, sans cesse opposés et contraires.

Séparation des éléments (I, 21-75)

Un dieu, ou la nature plus puissante, termina tous ces combats, sépara le ciel de la terre, la terre des eaux, l'air le plus pur de l'air le plus grossier. [...] Le feu, qui n'a point de pesanteur, brilla dans le ciel, et occupa la région la plus élevée. Au-dessous, mais près de lui, vint se placer l'air par sa légèreté. La terre, entraînant les éléments épais et solides, fut fixée plus bas par son propre poids. La dernière place appartint à l'onde, qui, s'étendant mollement autour de la terre, l'embrassa de toutes parts. […] À peine tous ces corps étaient-ils séparés, assujettis à des lois immuables, les astres, longtemps obscurcis dans la masse informe du chaos, commencèrent à briller dans les cieux. Les étoiles et les dieux y fixèrent leur séjour, afin qu'aucune région ne fût sans habitants. Les poissons peuplèrent l'onde; les quadrupèdes, la terre; les oiseaux, les plaines de l'air.

Création de l'homme (I, 76-88)

Un être plus noble et plus intelligent, fait pour dominer sur tous les autres, manquait encore à ce grand ouvrage. L'homme naquit : et soit que l'architecte suprême l'eût animé d'un souffle divin, soit que la terre conservât encore, dans son sein, quelques-unes des plus pures parties de l'éther dont elle venait d'être séparée, et que le fils de Japet, détrempant cette semence féconde, en eût formé l'homme à l'image des dieux, arbitres de l'univers; l'homme, distingué des autres animaux dont la tête est inclinée vers la terre, put contempler les astres et fixer ses regards sublimes dans les cieux. Ainsi la matière, auparavant informe et stérile, prit la figure de l'homme, jusqu'alors inconnue à l'univers."

Parmi les animaux de la Création, l'Homme est celui qui contemple les astres et lève la tête vers les Cieux : dans la logique de louange et d'action de grâce sous laquelle Hoefnagel a placé son œuvre, il est celui pour qui  l'observation (dans laquelle le rôle de la vision est central) ne se dissocie pas de l'admiration. 

 

b) inscription centrale :

PETRVS GONSALVS Alumnus REGIS GALLORVM. Ex Insulis Canariae ortus : Me Teneriffa tulit: villos sed Corpore toto Sparsit opùs mirúm naturae: Gallia, mater Altera, me púerùm nútruit adusque virilem Aetatem: docúitque feros deponere mores Ingenúasque artes, lingúam que sonare latinam. Contigit et forma praestanti múnere Diúúm Coniúnx, et Thalami charissima pignora nostri. Cernere naturae licet hinc tibi múnera: nati Qúod referúnt alij matrem formaque colore, ast alij patrem vestiti crine sequuntur.

Conparuit Monachij boiorum A°: 1582:

 

— Tentative de traduction « Petrus Gonsalvus fils adoptif du roi de France. Je suis né aux Îles Canaries et originaire de Tenerife ; mais des poils recouvrent tout mon corps, œuvre prodigieuse de la nature ; la France, mon autre Mère, m'a élevé jusqu'à l'âge adulte, et m'a enseigné les bases de la morale, des arts libéraux, et la langue et les sonorités latines. Puis j'ai épousé ma très chère et incomparable épouse, cadeau des dieux. Ici, vous pouvez voir les cadeaux de la nature: certains de mes enfants ressemblèrent à leur mère, et d'autres héritèrent de la pilosité de leur père. Il est venu à Munich en Bavière durant l'année 1582. »

 — Commentaire :

Comme spécimen de la race humaine, Hoefnagel présente, par un choix qui demande à être analysé, l'un de ses "monstres", terme qui, en latin, voisine avec monstrare "montrer" et qui exprime qu'à l'époque, ce qui est atypique relève du merveilleux, du prodige ou du miracle et témoigne de la grandeur insondable de Dieu. 

  Ce texte est une déclaration qui est censée être rédigée par l'homme dont le portrait se trouve à la page voisine. Elle adopte le même style que les lettres que des personnages semblables (comme sa fille Antonieta) tiennent sur leur portrait pour se présenter. Cette homme est Pedro Gonzales, latinisé en Petrus Gonsalvus. 

 Pedro Gonzales est né vers 1537 à Tenerife, dans les îles Canaries dans une famille de la noblesse locale ; il était atteint d'une maladie héréditaire —sous le mode autosomique dominant— rarissime dont il est le premier cas connu,  l'hypertrichose (ou hypertrichosis lanuginosa), bien différente de l'hirsutisme : son visage et tout son corps était couvert de longs poils lui conférant une allure bestiale. Mais on oublie souvent de mentionner que cela s'accompagne d'un facies acromégaloïde, avec épaissisement des traits qui accentue cette apparence animale.

   Comme pour le nanisme (les nains de cour étaient nombreux, comme le nain Triboulet de François Ier ou ceux de la cour d'Espagne), les personnes frappés par ces difformités corporelles étaient considérées soit  comme des suppôts redoutés du Diable ou comme des  envoyés miraculeux de Dieu. Ce type de prodige étaient recherchés dans les cours princières au titre des Curiositas ou des Mirabilia dont la possession renforçaient le prestige,  et en raison de ses caractéristiques particulières, Pedro Gonzales a été offert à l'âge de 10 ans au Roi Henri II de France, qui s'enticha du jeune garçon et lui donna la meilleure éducation (assurée par les précepteurs royaux Pierre Danès, Jacques Amyot et Robert Estienne et où il apprit le latin). Surnommé alors le « sauvage du Roi », il devint, au cours des décennies suivantes, l'un des lettrés les plus fréquentés de Paris, et occupa des postes à la cour, successivement Gentilhomme de la Chambre puis Aide-Panetier royal. Le roi mit à sa disposition une partie du parc de Fontainebleau afin de lui offrir environnement naturel et protection, et où on le considéra d'abord comme un singe familier avant de s'intéresser à lui de plus en plus. Cet  « homme-singe » ou "homme sauvage" fascinant participait régulièrement aux manifestations sociales, habillé de vêtements de cour. 

  Deux cent ans plus tard, la façon dont le jeune prodige Mozart fut reçu dans les capitales européennes témoignait encore de cette curiosité ambiguë mêlée de mépris que suscitent les exceptions.

 

c) inscription inférieure :

Sed puor hec Hominis cura est, cognoscere terram / ​​Et nunc quae miranda tulit Natura, notare.

— Traduction : « Mais le premier souci de ceux qui en sont les maîtres est de connaître la terre, et de noter les merveilles que la nature a étalées maintenant : c'est là pour nous une grande tâche, qui nous rapproche des astres célestes »

Source : Il s'agit des vers 251-252 du poème l'Etna

L'Etna est un poème descriptif et scientifique de 644 hexamètres datant de 44 à 50 av. J.C., longtemps attribué à Virgile (juvenilia), bien qu'en 1549 il soit dit "Incerti authoris" dans les Epigrammata, in P. Virgilis Maronis Opera. Une fois de plus, la lecture élargie du texte lui-même est gratifiante. Elle montre que Hoefnagel veille scrupuleusement à la cohérence de son thème du Feu, tout en poursuivant sa méditation sur la place de l'homme au sein de la création. En effet, dans ces vers, le poète, après avoir  entrepris de chanter l'Etna et la cause de ses éruptions, écarte les explications fabuleuses et  donne au phénomène une explication scientifique, due à l'existence au sein de la terre de canaux aériens, où passent des vents.  Dans les vers 537-566, il célèbre la puissance invincible du feu de l'Etna  et loue la fertilité du sol que ce feu autorise.

 

 "...ne pas souffrir que toutes les merveilles qui s'étendent devant nous dans le monde immense demeurent éparpillées et enfouies dans le monceau des phénomènes, mais au contraire démêler les caractéristiques de chacune et les disposer à leur place déterminée, voilà une divine volupté de l'esprit et fort agréable. Mais le premier souci de ceux qui en sont les maîtres est de connaître la terre, et de noter les merveilles que la nature a étalées maintenant : c'est là pour nous une grande tâche, qui nous rapproche des astres célestes. Car quelle espérance ou quelle démence plus grande pour un mortel que de vouloir perquisitionner à l'aventure dans le royaume de Jupiter, en laissant passer devant nos pieds et se perdre un tel chef-d'œuvre ! Nous nous tourmentons, malheureux que nous sommes, pour peu de chose, et nous sommes accablés de travail ; nous scrutons les fissures du sol et nous en retournons toutes les profondeurs : c'est un filon d'argent qu'on cherche, ou parfois une veine d'or ; les terres sont tourmentées par la flamme et domptées par le fer, jusqu'à ce qu'elles se rachètent par une rançon et avouent la vérité, puis se taisent finalement réduites au dénuement et à l'abandon. Nuit et jour les cultivateurs pressent leurs guérets ; le travail des champs rend leurs mains calleuses ; nous payons cher le profit que nous tirons de la glèbe. Mais ici le sol est fertile et particulièrement fructueux en moissons; là, en vignes ; voici une terre qui convient merveilleusement aux platanes, une autre aux herbages ; en voici une qui est meilleure pour un riche troupeau, et qui sied aux forêts ; les oliviers préfèrent les terrains un peu secs, le terrain un peu gras plaît aux ormes." (Trad. M. Rat Garnier 1935 in Philippe Remacle)  

Après avoir cité selon Ovide   l'homme,  contemplant les astres et fixant ses regards vers le ciel, l'habile auteur enchaîne avec la tâche, qui nous rapproche des astres célestes, de connaître les merveilles de la nature générées par le Feu, de les "caractériser et de les disposer à leur place déterminée". Cette préoccupation est une "divine volupté". 

 

Page 3.

  La page 3 correspond à la Planche I. Toutes les planches ont la même disposition, le motif étant placé à l'intérieur d'un ovale doré à la feuille, pour souligner son caractère précieux, mais aussi son statut de spécimen et d'objet d'étude. Il est probable que Hoefnagel a observé les insectes avec une loupe, mais il est sûr que le cerclage de ses motifs peints évoque la focalisation du regard à travers une lentille.

 

a) Inscription centre supérieur :

Omni moraculo quod fit per Hominem maius miraculum est HOMO/ Visibilium omnium maximus est Mundus, Invisibilium DEUS/ Sed mundum esse conspicimus, Deum esse credimus

— Source : Saint Augustin De Civitate Dei, Livre X chap. 12 et Livre IX chap.4

— Traduction : « De tous les miracles réalisés par l'homme, le plus grand miracle est l'homme. De toutes les chose visibles, la plus grande est le monde. de toutes les invisibles, la plus grande est Dieu. Si nous voyons que le monde existe, nous croyons que Dieu existe".

— Commentaire :

Ce texte placé en chapeau au dessus du portrait de Pedro Gonzales explicite la thèse qu'il illustre. Cet homme est, pour l'esprit, une incongruité. Un miracle (latin miraculum, "chose extraordinaire, étonnante", du verbe miror "s'étonner, être surpris" qui a donné admiror "admirer") est une chose étonnante et admirable, qui incite à croire en Dieu.

 

b) Portrait de Pedro Gonzales et de son épouse.

 

             

  

 Hoefnagel, Joris "Animalia Rationalia et Insecta (Ignis): Planche I des « Quatre éléments », 1575. aquarelle et gouache sur velin, 14.3 x 18.4cm. Washington DC, National Gallery of Art. 1987.20.5.2

 

 Peu avant 1572, Pedro Gonzales se maria à Catherine Raffelin, femme dépourvue de toute pilosité anormale, avec qui il aura sept enfants, dont trois ou quatre seront atteints d'hypertrichose, comme Antonietta (née en 1572 à Namur). Surnommée Tognina, elle fut la première à être  examinée pour cette tare (notamment par le savant italien Ulisse Aldrovandi). Antonietta se mariera et aura un fils, également atteint de la maladie. 

Avant ou après ce mariage, Pedro a été envoyé  comme ambassadeur à la cour de Marguerite de Parme, régente des Pays-Bas. En 1582, il suivit celle-ci alors qu'elle rejoignait son duché de Parme en Italie, et ce voyage l'amena à traverser l'Allemagne. C'est à cette occasion qu'il aurait séjourné à Munich. En 1591, ils seront admis à la cour des Farnèse à Parme. La derniere mention connue de ce personnage date de 1617, quand il est cité parmi ceux qui avaient assisté au baptême de son petit-fils. Pedro Gonzales s'éteint vers 1618, à Capodimonte, près du lac de Bolsena.

  A la cour de Guillaume V de Bavière, un artiste anonyme fit les portraits grandeur nature de Pedro, de sa femme, et leurs deux enfants velus, une fille d’environ sept ans, Magdalena et un garçon d’environ trois ans, Enrico. Guillaume aurait fait cadeau de ces tableaux gigantesques à son oncle, l’archiduc Ferdinand II de Tyrol, qui les exposa dans une galerie de portraits de son palais d’été, le château d’Ambras, près d’Innsbruck dans les Alpes. Hoefnagel a-t-il  connu cette famille, ou a-t-il  réalisé ce portrait en s'inspirant de ces portraits alors qu’il était peintre à la cour de Guillaume à Munich de 1579 à 1590 ?  Ses Quatre éléments sont réalisés entre 1575 et 1585, mais l'inscription page 2 "Conparuit Monachij boiorum A°: 1582" resserre la fourcette de datation de ses portraits.

Celui-ci  était conservé dans les collections du château de Ferdinand II du Tyrol à Ambras (actuellement au  Kunsthistorische Museum de Vienne) :

   

La famille Gonzales séjourna également à Bâle, où le médecin et anatomiste Felix Platter examina deux des enfants, en 1583, en fit faire des portraits et les mentionna plus tard dans un livre d’observations médicales :

  "Il y avait à Paris, à la cour du roi Henri II, un tel homme, exceptionnellement poilu sur tout le corps, auquel le roi tenait beaucoup. Son corps était entièrement recouvert de longs poils, son visage aussi, à l’exception d’une petite partie sous les yeux, et les poils de ses sourcils et du front étaient tellement longs qu’il devait les relever pour voir. 

Après avoir épousé une femme non-velue, qui était comme toute autre femme, il eut avec elle des enfants, velus eux-aussi, qui furent envoyés au duc de Parme en Flandres. Je vis la mère et les enfants, un garçon de neuf ans et une fille de sept ans, lorsque, en chemin vers l’Italie, ils s’arrêtèrent à Bâle en 1583, et je commandai leur portait. Ils avaient le visage velu, surtout le garçon, la fille un peu moins, mais celle-ci était extrêmement velue dans la région dorsale le long de la colonne vertébrale." Felix Platter, Observationum Felicis Plateri…libri tres, (Basilea, 1680), Lib. III, p. 572.  cité ici.

Beaucoup plus tard, Ulisse Aldrovandi (1522-1605), médecin italien et naturaliste, qui décrit  l'"Homme des bois" (Homo sylvestres) dans sa Monstrorum Historia posthume (1642), n'a rencontré que sa fille Antonietta.  Il accompagne néanmoins son texte d'une gravure sur bois de Pedro Gonzales et de l'un de ses fils, avec la légende Pater annorum quadraginta et filius annorum vigintio corpore pilosi, "le père âgé de quarante ans et son fils âgé de vingt ans , le corps entièrement couvert de poils" . Image Gallica. 

 

  Mais Hoefnagel, loin de copier servilement les portraits existants, en donne une version lumineuse et magnifique, dans laquelle la beauté de l'épouse et sa main posée amoureusement sur l'épaule de son mari  fait ressortir la laideur de celui-ci. D'autre-part, il choisit de lui faire porter un très bel habit bleu à manches noires rapportées, mais dont la texture est traitée de telle sorte qu'elle évoque le pelage d'un animal, et qu'elle se poursuit avec de courtes hachures dans le paysage sauvage pelé et rocheux surmonté d'un arbre sec mais dressé.  L'Homme des bois n'est ici nullement stigmatisé, il est représenté avec beaucoup de respect voire d'empathie par l'artiste, et son regard nous fixe avec une profondeur interrogative comme la propre image spéculaire de notre nature sauvage. 

Pour Hugh Raffles, le couple apparaît désolé et isolé, à l'image de son environnement aride, et  coupé de la communauté humaine comme il est encerclé par l'ovale doré.

 

b) inscription inférieure :

HOMO natus de MULIERE, BREVII VIRENS Tempore/ Repletur multis miserÿs. Job. 14.

— Source Job 14:1

— Traduction : "L'être humain né de la femme! Sa vie est courte mais pleine d’agitation". (L. Segond 1880 dite Segond 21).

 

— Commentaire :

Là encore, il faut avoir la curiosité de lire le deuxième verset : "14:2 Il pousse comme une fleur, puis il se flétrit; il s’enfuit comme une ombre, sans résister." Car le thème de l'ombre va figurer dans la planche V (Scarabea umbra) et celui de la fleur fanée reviendra comme un leitmotiv ultérieurement (Adage d'Erasme ; poème d'Ausone).

 

 

Planche IV  :  deux enfants de Pedro Gonzales.

 

 

 

a) Inscription  supérieure : Laudate pueri Dominum

— Source : Psaume 112 (113). 

— Traduction : "Louez, enfants, le Seigneur."

b) Inscription inférieure : Laudate nomen Domini.

— Source : Psaume 112 (113).

— Traduction : "Louez le nom du Seigneur."

— Commentaire : Le Psaume 112 (113) est traduit par Louis Segond ou par la Bible du Semeur en suivant le texte hébreu Laudate servi Jehovah, Laudate nomen Jehovah d'où leur traduction où "serviteurs" remplace "enfants", et "L'Eternel" remplace "Seigneur". Mais le texte de la Septante, suivi par la Vulgate qui est cité ici,  proclame :  Laudate pueri Dominum, laudate nomen Domini : qui habitare facit sterilem in domo matrem filiorum laetantem. "Enfants, louez le  Seigneur, louez le nom du Seigneur." Le Psaume s'achève ainsi : "lui qui en sa maison fait habiter la stérile, devenue joyeuse mère d’enfants.".

Ainsi, les versets qui accompagnent le portrait des deux filles de Pedro Gonzales au visage déformé par la maladie sont des louanges adressées à Dieu pour rendre grâces de la naissance d'enfants.

c) L'illustration :

La couleur rose m'a fait croire qu'il s'agissait de deux filles de Pedro Gonzales, mais il s'agit plutôt des portraits de la fille aînée  Magdalena, âgée environ de sept ans, et de son frère Enrico, âgé de trois ans environ. Ces dates sont compatibles avec une exécution des portraits en 1582. 

Le portrait de la grande sœur ressemble à celui-ci, qui vient du château d'Ambras et qui est daté de v.1580 : Anonyme : Maddalena Gonzale

Le frère ressemble très exactement  à ce portrait :

  

 

Dans son Monstrorum hstoria, Aldrovandi  donne, à la suite du portrait de Pedro Gonzales celui de sa fille âgée de 12 ans : Puella pilosa annorum duodecim. Il raconte comment il l'a rencontré une après-midi de l’an 1594, chez le comte Mario Casalio, alors qu'elle accompagnait Isabella Pallavicina, marquise de Soragna. Aldrovandi examina la petite fille, prénommée Antonietta,  et en fit la description suivante :

« Le visage de la petite fille, à l’exception des narines et des lèvres autour de la bouche, était complètement recouvert de poils. Les poils sur le front étaient plus longs et drus que ceux qui recouvraient ses joues mais plus doux au toucher que sur le reste du corps, elle était poilue sur le haut du dos, et hérissée de poils jaunes jusqu’à la naissance des reins ».

 

 

Enfin, il donne celui d'une fillette de 8 ans :

Un autre portrait, aux qualités artistiques supérieures, est exposé au château de Blois : il a été peint par  Lavinia Fontana, artiste de Bologne amie d’Aldrovandi  et connue pour ses tableaux de nobles et d’enfants. La fillette tient un cartel, comme si elle présentait une lettre d'introduction à un membre de la noblesse ; les termes de la lettre (déchiffrée par J.C Bourdais), mentionnant la marquise de Soragna, indiquent que  la date de cette entrevue est proche (ou identique) avec celle de la rencontre avec Aldrovandi. Le tableau est daté de 1595.

" Des îles Canaries fut apporté Au seigneur Henri II de France Don Pietro, l'homme sauvage.
De là, il s'installa à la cour Du duc de Parme, ainsi que moi, Antonietta, et maintenant je suis Dans la maison de la signora donna Isabella Pallavicina, marquise de Soragna." « Don Pietro, homme sauvage découvert aux îles Canaries, fut offert en cadeau à Son Altesse Sérénissime Henri roi de France, puis de là fut offert à Son Excellence le duc de Parme. Moi, Antonietta, je viens de là et je vis aujourd’hui tout près, à la cour de madame Isabella Pallavicina, honorable marquise de Soragna. ». 

 

 


 

Ferdinand du Tyrol  commanda des copies des tableaux — ainsi que de centaines d’autres portraits de sa collection — en miniatures et les conserva dans des malles. Ces copies se trouvent encore au château et le palais a donné son nom à la maladie génétique que l’on connaît désormais aussi sous le nom de « syndrome d’Ambras ». 

Le Musée J. Paul Getty conserve   ce portrait attribué à Aldrovandi 1595 et annoté Mulier viginti annorum hirsuto capite simiam imitante reliquo corpore glabro  . "Femme de vingt ans à la tête hirsute ressemblant à un singe et laissant le reste du corps glabre."

 

 

 

Quoiqu'il en soit, les quatre portraits de la famille Gonzales sont ceux par lesquels il illustre les êtres humains, ou "animalia rationale", dans la mesure où cette maladie rend particulièrement visible la double nature à la fois animale et rationnelle qui est la notre. Replacés dans le cursus des citations, ils ne dénotent aucune curiosité malsaine, mais, au contraire, incitent à considérer Pedro Gonzales et ses enfants comme nos doubles, dans la douloureux et exaltant destin de l'humain.

Il est temps de reprendre la lecture des textes ; une planche toute aussi capitale nous attend, celle du "scarabée". 

Auparavant, puisque nous quittons l'Humanité pour les insectes, précisons le plan des pages qui suivent :

  • V : Scarabée.
  • VI à XXXXIV : Lépidoptères (avec des libellules et d'autres insectes).
  • XXIV et XXIX : vides (mises en réserve ?)
  • XXXV à XXXXI : araignées
  • XXXXII à XXXXIII : coléoptères.
  • XXXXV à XXXXVI : orthoptères
  • XXXXVII à XXXXIX : orthoptères, lépidoptères, diptères.
  • L à LII : orthoptères.
  • LIII à LV : odonates
  • LVI : roses
  • LVII à LXIV  : diptères
  • LXV à LXVII : diptères et coléoptères.
  • LXVIII à LXXIX : diptères, coléoptères 
  • LXXX : une Pensée (Viola)

 

 

Planche V.

 

Inscription :Scarabei umbra.

— Traduction :"L'ombre du scarabée".

— Source : L'ombre du scarabée (Erasme, Adages III,II 23 ) désigne les peurs irraisonnées.

— Commentaire : L'adage d'Erasme dit :  

 "Κανθάρου σκιαί, id est Scarabei umbrae. Dictum est de inani metu, quod hoc insectum   sub noctem repente advolans horribili bombo nonnunquam terrere soleat parum attentum. Recensetur a Diogeniano." : "Κανθάρου σκιαί,c'est à dire "Ombre de scarabée" : se dit des craintes vaines, comme celle que provoque cet insecte entrant brusquement la nuit dans un bourdonnement effrayant, sans conséquences menaçantes dans la plupart des cas. Cité par Diogène.

  Cet adage sera à nouveau cité dans Archetypa studiaque, partie II de Jacob Hoefnagel. Il a sans-doute été choisi dans l'œuvre d'Erasme parce qu'il fait intervenir le Scarabée et son Ombre. En effet, Hoefnagel donne une importance particulière à l'ombre portée du corps de l'insecte et surtout de ses mandibules dressées. En outre, après  l'auteur des Psaumes et Ovide, Érasme (v.1466-1536), qui apparaît ici pour la première fois, est porteur de valeurs nouvelles, celles de l'humanisme de la Renaissance, de la défense du libre-arbitre de l'homme dégagé des peurs, des superstitions comme des soumissions religieuses et se donnant comme tache de s'approprier la connaissance de l'univers. Si on place ces concepts dans la suite des textes cités jusqu'à présent, on constate une continuité parfaite de la logique qui préside à leur sélection. Se dégager des peurs vaines, scarabei umbra, est un programme qui a, pour le nouvel esprit scientifique, tout son sens.    

  Bien que l'adage lui-même et son auteur sont, à eux-mêmes, un programme,  c'est l'illustration elle-même qui est une vraie  déclaration de motivation.

— L'illustration.

Elle représente un Lucane cerf-volant, Lucanus cervus. L., mais elle reprend en la développant de manière originale une œuvre réalisée en 1505 par  Dürer sous forme d'une aquarelle sur papier conservée actuellement par le Getty Museum (Los Angeles).

 

Voir sur le site nda.gouv. une meilleure image :

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69724.html

Le choix d'un "scarabée" comme point focal d'une œuvre d'art a été un évènement sans précédent et précurseur en 1505, alors que la plupart des contemporains de Dürer voyaient alors les insectes comme les créatures les plus basses. Le niveau de finition montre qu'il la considérait comme une œuvre indépendante et achevée, et non une étude préparatoire. Le vif intérêt de Dürer pour la nature, cependant, était une trait typique de la Renaissance. Ce coléoptère, rendu avec tant de soin et de respect, semble presque héroïque, pattes tendues alors qu'il dresse la tête vers le ciel dans une attitude de défi et d'affrontement. L'ombre renforce la force de cette posture par l'effet de relief qu'elle crée. Le rendu réaliste, accenté par les reflets colorés des élytres, du corselet et de la tête est un hommage à la part la plus infime des animaux de la nature, qui est souvent négligée ou sommairement détruite et tenue à l'écart du champ de la connaissance,

   « L'art, écrit Albrecht Dürer, est omniprésent dans la nature, et le véritable artiste est celui qui peut le révéler." Le Lucane est l'une des études de la nature les plus influentes et les plus copiées de Dürer. 

Le lucane avait, selon Eva Sprecher-Uebersax  fait son entrée dans l'histoire de l'art dans les enluminures médiévales, comme par exemple dans un tableau de Giovannino de Grassi, à la fin du 14ème siècle, où il le décrivait le lucane parmi un groupe de cerfs : les mandibules du premier s'apparentaient aux bois des seconds, dont le symbolisme de renouveau et donc de résurrection est bien établi. En outre, on attribuait depuis longtemps au lucane la capacité de lutter contre les serpents, d'où son emploi comme image du Christ  vainqueur du Mal et de la Mort. 

  Dürer, en abandonnant la symbolique chrétienne, fonde un nouveau paradigme : le sujet naturaliste pour lui-même, comme objet d'étude et d'admiration. Son Hirschkäfer prend le statut de prototype. 

 

Cette œuvre fut copiée d'abord par l'élève de Dürer Hans Hoffmann en 1574, qui complétait à Nuremberg la collection des Dürer de Willibald Immhoff par des copies. Il est intéressant de noter qu'en 1584, Hoffmann alla travailler à Munich à la cour de Guillaume V de Bavière,cour  à laquelle Hoefnagel appartenait depuis 1578. En 1585, Hoffmann a été nommé par l'empereur Rodolphe II comme  peintre de la cour (comme le deviendra aussi Hoefnagel en 1590), ce qui l'a amené à la cour impériale à Prague.

Or, dans cette œuvre, Hoffmann crée une nouveauté : il remplace la ligne diagonale (un coin de mur ?) de Dürer par une plage blanche ovale cerclée d'une ligne dorée  au sein d'un fond bleu. La focalisation sur l'insecte objet-à-part-entière a franchi une nouvelle étape.

Un autre exemple de la même date 1574 :

 

 

 

   En 1575, Hoefnagel prend la suite de Dürer et de Hoffmann et place en introduction de son volume sur les insectes cette figure du Lucane cerf-volant en même temps qu'il adopte la technique de l'ovale cerlé d'or de Hoffmann. Il modifie, comme l'a analysé Janice Neri (2011), le corps de l'insecte qui était peint en trois parties séparées par une irréaliste ligne blanche, en réunissant ces trois parties. Surtout, il va beaucoup plus loin que ses prédécesseurs en étendant ce regard de l'insecte comme spécimen au centre d'une surface circonscrite d'observation à une collection entière d'entomologie, et en y incluant l'être humain. Bien qu'il ne soit pas le créateur de l'entomologie puisqu'il ne donne pas de description écrites ni de classification des espèces, son volume Ignis de 1575-1585 précède le De animalibus insectis  d'Aldrovandi (1602) et la description des collections de Conrad Gessner (1516-1565) qui attendra l'Insectorum sive minimorum animalium theatrum de Thomas Mouffet en 1634. Il n'est pas exagéré de dire qu'il fonde ici le Regard entomologique.

 

(La planche VI ne comporte aucune inscription ; elle représente, dans l'ovale cerclé, trois papillons, deux vues de Nymphalis antiopa et une de Polygonium c-album).

Planche VII de la série de Berlin

a) Inscription supérieure : SUB OMNI LAPIDE DORMIT SCORPIUS.

— ​Traduction : "Sous chaque pierre dort un scorpion".

Source : Érasme, Adages, n° 334.I.IV. 34

b) Inscription inférieure : OCTIPEDEM NE EXCITES.

— Traduction : N'excites pas le scorpion.

— Source : renversement de l'adage Octipedem excitas "Tu excites le scorpion !" d'Érasme Adage 63 I.I dont le commentaire est : Cratinus in Thrattis apud Suidam: Ὀκτώπουν ἀνεγείρεις, id est Octipedem excitas, nimirum scorpium, cui pedes sunt octo ac plerunque sub saxis abditus cubat, quem non nisi tuo periculo suscitespropter venenum quod in cauda gestat.

 — Commentaire : 

Je vois ici une mise en scène où le scorpion et les adages servent seulement de prétexte à une présentation du Lucane mandibules prêtes à saisir, élytres écartées et ailes déployées, en position de combat ou d'envol. Mais il est aussi possible de penser que le scorpion symbolise le serpent du Malin, et que le Lucane prenne la posture d'un archange saint Michel. 

Dans ma première hypothèse, nous assistons à une étude de l'insecte "en écorché", où l'artiste-naturaliste s'est livré, sur un insecte mort (aucun dessin d'une telle précision n'est possible en observation in vivo) à un examen anatomique approfondi de la nervation alaire. Comme sur la planche V, l'ombre est rendue soigneusement, la lumière venant de la gauche.

 

Planche XVIII.

a) Inscription supérieure

Cicadia cicadiae chara Formicae formica

— Source :Érasme: Adages 124. I, II, 24

Cicada cicadae chara, formica formicae : Caeterum quod Aristoteles in eo loco, quem modo citavimus, addidit et si qua sunt id genus alia, dubium non est, quin senserit illa quae sunt apud Theocritum Idyllio nono: Σέττιξ μὲν τέττιγι φίλος, μύρμακι δὲ μύρμαξ, Ἴρηκες δ’ ἴραξιν, id est Formicae grata est formica, cicada cicadae, Accipiter placet accipitri.Porro nota est formicarum politia et cicadarum concentus.

Érasme : De la méthode d'enseignement [139,222]

Boni ad bonorum conuiuia et inuocati accedunt; et simile gaudet simili; et aequalis aequalem delectat; et aequalem tibi uxorem quaere; et ut semper similem ducit Deus ad similem; et semper graculus assidet graculo; et similes habent labra lactucas; et pares cum paribus facillime congregantur; et cascus cascam ducit; et balbus balbum rectius intelligit; et cicada cicadae chara, formica formicae; et Cretensis cum Aegineta.

— Traduction : "Les cigales sont chères aux cigales, et les fourmis sont chères aux fourmis".

— Commentaire : Érasme rapproche cet adage des vers de la 9ème Idylle de Théocrite Les Pasteurs où un berger dit à Ménalque : "La cigale est amie des cigales, la fourmi des fourmis, l'épervier des éperviers ; moi, j'aime les Muses et les chansons". Érasme ajoute que les fourmis sont surtout connues pour leur vie en société, et les cigales pour leur chant.

Dans De la méthode d'enseignement, Érasme rapproche les allitérations de cet adage d'autres exemples, du type "Les choucas se perchent avec les choucas", ou "telles lèvres, telles laitues", phrase de Crassus qui ne rit qu'une seule fois devant un âne mangeant un chardon. Ou encore "Le bègue comprend bien le bègue"..

 

b) Inscription inférieure

Citius quam formica, papaver.

— Source : Érasme, Adage 4002. V, I, 2. 

Citius quam formicae papaver. Non caret adagii specie quod est apud Plautum in  Trinummo: Confit citius. Quam si tu obiicias formicis papaverem. Verba sunt Stasini servi narrantis quadraginta minas intra quindecim dies fuisse consumptas, utpote in comessationes, compotationes, balnea, in piscatores, pistores, lanios, coquos, holitores, myropolas etaucupes dissipatas non aliter quam si papaver obiicias agmini formicarum. Mox enim distrahitur acervus, dum unaquaeque suum arripit granulum.

 

— Traduction :  « Aussi rapide que du pavot aux fourmis »

— Commentaire : l'adage se réfère à une réplique de l'esclave Stasime dans "Les Trois Deniers "(Trinumno) de Plaute : "On a mangé, on a bu, on s’est parfumé, on a pris des bains. Pêcheur, boulanger, bouchers, cuisiniers, maraîchers, confiseurs, oiseleurs, chacun a tiré à soi : Cela se consomme aussi vite que si on donnait du pavot à des fourmis." Une forme équivalente serait notre expression "C'est parti comme des petits pains".

 Il est vraisemblable que le choix de ces adages ne se justifie que par la présence du mot formica, alors que l'artiste représente dans sa planche deux fourmis. 

— Illustration : dix insectes dont 3 Lépidoptères, 1 Zygoptère (Odonata), 2 fourmis.

 

Planche XX.

Inscription : Homo Bombilius.

—Traduction : "L'Homme est un Bourdon"

— Source : Érasme, Adage 1571. II, VI, 71. Homo Bombylius 

Βομβύλιος ἄνθρωπος, id est Bombylius homo, dicitur verbosus multique strepitus, ceterum  inutilis. Bombylius Graecis apis aut vespae genus a sonitu, sicuti videtur, appellatum,  ingens, sed admellificium inutile, favos sibi nectit e luto. Est et ingens apis ac musca, quam a strepitu sic dixerunt. Hesychius addit βομβυλίδας, Graecis dici bullas, quas nasci videmus ex aqua, quae mox evanescunt.Item bombylion dici poculi genus, quod paulatim extillante potu sonitum reddit in modum animantis, de quo dictum est, quamquam et huic a bombo vocabulum.

Apud Suidam quidam tibicinem pro bombylio βομβαύλιον dixit, addita littera α, παρὰ τὸ αὐλοῖς βομβεῖν. Quin et M. Tullius Philippica tertia meminit cuiusdam Bambalionis, hominis nihili et impeditaelinguae. Bambalio, inquit, quidam pater, homo nullo numero. Nihil illo contemptius, qui propter haesitantiam linguae stuporemque cordis cognomen ex contumelia traxerit. Hesychius ait Graecis βαμβαλεῖν esse labiis tremere; nam id accidere solet hoc vitio linguae laborantibus, quemadmodum et frigore horrentibus. Quamquam autem haec vox variis modis describitur, tamen eadem est origo,nimirum a sono titubanter loquentium aut vehementer algentium. Adagium refertur apud Zenodotum.

 

— Commentaire : Les Adages se révèlent être un vrai Bestiaire, où Hoefnagel puise avec un plaisir évident. Pour comprendre celui-ci, il faut consulter le dictionnaire latin où Bombylius succède à bombico "résonner", bombico ou Bombio "bourdonner" , bombus "bourdonnement" (des abeilles) ; alors que Bombylis est "le stade précédent la chrysalide" dans Plaute et que Bombyx est le ver à soie. C'est Calepino qui cite le nom Bombylius en 1550 avec la définition : en anglais : "a drone or humming kinde of bee", autrement dit, le Sphinx colibri, ou Bee Hummingbird. Ces éléments soulignent la part d'onomatopée du mot Bombylius évoquant le bourdonnement incessant. C'est ainsi que l'adage Homo Bombilius se dit à propos de longs discours inutiles.  Érasme ajoute : Les Grecs ont nommé Bombylius de nombreuses abeilles et guèpes qui font beaucoup de bruit mais ne font pas de miel.

—Illustration : dix insectes dont 6 lépidoptères.

 

Planche XXI.

Inscription Credula res amor, et In ipsa pericula praeceps:/ Vt gaudet flamma se perimente Cvlex.

—Traduction :"L'amour est chose crédule, et va tête baissée vers les dangers : ainsi le moustique attiré par la flamme s'en fait une idée".

 

—Source : inconnue sauf pour Credula res amor : Ovide, Métamorphoses Livre VII vers 826

— Commentaire.

La présence d'un moustique (Culex) justifie sans doute cette citation. Les quatre planches ont ainsi développé des leçons morales en prenant un insecte comme support d'une leçon, selon le même procédé utilisé par les fabulistes comme Ésope.

— Illustration : dix insectes dont 1 rhopalocère, 1 zygoptère, 1 punaise, 1 coccinelle.

 

 

 

 

Planche XXIV.

a) inscription supérieure.

Rosam quae praeterierit, ne quaeras iterum

—Traduction "Ne demandez pas à la rose fanée de fleurir à nouveau"

— Source : Adages d'Erasme 1540. II, VI, 40:

Ῥόδον παρελθὸν μηκέτι ζήτει πάλιν, id est. Ne quaere rursum praeteritam semel rosam. Ne te maceres desiderio rerum, quae revocari restituique non queunt, velut exactae juventae, formae, virium, fortunae. Nam ut nihil est rosa gratius, ita nihil minus diuturnum. In eumdem sensum dixit in Odis Horatius : Mitte sectari, rosa quo locorum Sera moretur. Habent enim rosae suum tempus, sed per breve. At exquisitius delicati etiam alieno tempore rosam quaerunt. Unde quadrabit et in eos, qui jam ἔξωροι voluptates sectantur, velut si nucibus ludat vir aut amet potitetve senex

Érasme cite Horace Ode I :38 Ne vas pas chercher de roses, après la saison écloses (C. Daru)

b) Inscription inférieure.

Ambigeres raperetne Rosis Aurora ruborem./ An daret, et flores tingeret orta dies.

— Traduction :"L’aurore emprunte-t-elle aux roses sa rougeur ? La leur confère-t-elle à la montée du jour ? [Même rosée, même couleur, même matin : Car la même Vénus régit l’astre et la fleur.] "(Lionel-Edouard Martin)

— Source : Idylle XIV  De rosis nascentibus vers 280 du poète latin aquitain Ausone (309-394)

 Ambigeres raperetne Rosis Aurora ruborem./ An daret, et flores tingeret orta dies.  [Ros unus, color unus et unum mane duorum. Sideris et floris nam domina una Venus]

— Commentaire : 

Cette planche devait peut-être être complétée par des insectes. La rose est le seul motif, sa tige fixée en trompe-l'œil sur le faux jonc doré.

  Elle marque une rupture de ton des inscriptions qui, après avoir invoqué les psaumes, Ovide et Érasme, introduit ici la poésie latine épicurienne et stoïque de l'éphémère passage du temps, 

Comme des divers ou distiques de ce poème vont ce succéder dans la suite des planches d'Hoefnagel, il me paraît utile d'en donner la traduction intégrale, en indiquant en italique les vers cités :

Printemps : haleine douce du matin, mordante
Fraîcheur, tout exhalait le retour d’un jour d’or.
Une brise un peu froide, en amont de l’aurore,
Laissait bien augurer de la chaleur du jour.

Errant dans les carrés de jardins irrigués,
Désirant me refaire en ce jour à son plein,
Je vis la pruine lourde aux herbes qui ployaient
Pendre, ou bien dominer le faîte des légumes,
Et sur les larges choux jouer à gouttes rondes.
Je vis les rosiers qu’on cultive à Salerne
S’égayer, détrempés, de la venue de l’aube,
– Et çà, là, sur les arbres embrumés, des perles
Blanches brillaient que minerait le point du jour.

L’aurore emprunte-t-elle aux roses sa rougeur ?
La leur confère-t-elle à la montée du jour ?
Même rosée, même couleur, même matin :
Car la même Vénus régit l’astre et la fleur.

Peut-être même odeur : mais l’une dans les airs
Élevés se dissipe, et l’autre nous est proche.
Déesse de l’étoile et de la fleur, Vénus
A voulu leur donner un même habit de pourpre.

Était venu l’instant où, naissants, les bourgeons
Des fleurs allaient s’ouvrir d’un même mouvement.
Telle verdoie, sous un étroit bonnet de feuilles,
Telle dévoile à peine un filet rouge pourpre,

Telle ouvre le sommet de son premier bouton
Et libère à son faîte une tête vermeille,
Telle déplie le voile assemblé sur son front,

Et déjà se prépare à compter ses pétales.
Révélant sans tarder son beau, riant calice,
Elle arbore l’or fauve enclos dans son cœur dense.

Telle dont flamboyait la chevelure en feu,
Ses pétales tombés l’abandonnent livide.

Si rapide est le rapt des heures fugitives !
À peine née la rose est déjà défraîchie.
Je parle, et la fleur courbe au sol sa tête rouge
La terre resplendit sous la jonchée vermeille.
Formes, naissances, multiples métamorphoses
Issues d’un même jour qu’un même jour consume !  

Grâce des fleurs si courte, et navrante, ô Nature
Tu montres tes présents pour sitôt les ravir !
Autant que dure un jour la vie des roses dure,
Et leur adolescence est proche du grand âge.
Celle que l’astre rouge a vu naître au matin,
S’en revenant le soir, il la retrouve vieille.
Mais de devoir mourir en un si court espace,
Qu’importe : ses enfants prolongent sa présence.

Cueille la rose fraîche, ô fraîche jeune fille :
Ton âge, souviens-t ’en, comme elle est éphémère.

Cette traduction originale, due à Lionel-Édouard Martin, relève du droit de la propriété intellectuelle. Il est permis de la diffuser, à la condition expresse que le nom du traducteur soit clairement indiqué

 

Planche XXIX

a) inscription supérieure : Hanc viret; angusto foliiorum tecta galero / Hanc tenui folio purpura rubra notat.

— Traduction :Telle verdoie, sous un étroit bonnet de feuilles, Telle dévoile à peine un filet rouge pourpre,

— Source : Idylle XIV  De rosis nascentibus Ausone, cf. supra.

 

b) inscription inférieure :Vertice collectos illa exinuabat amictus,/ Iam meditans folijs, se numerare suis.

— Traduction : Telle déplie le voile assemblé sur son front, Et déjà se prépare à compter ses pétales.

— Source : Idylle XIV  De rosis nascentibus Ausone, cf. supra.

 

 

Planche XXXI

b) inscription supérieure Tineas pascere miserum :

 

— Traduction : "Pour nourrir les mites [misérables

— Source : Erasme 1796. II, VIII, 96. Tineas pascere dicuntur quae neglecta situ pereunt : Est nemine vtente situ perire. Horatius ad librum suum: Contrectatus Ductum à uestibus , aut libris diu tecondicis a: intactis floratius in : 

 "Pour nourrir les mites. On dit « pour nourrir les mites » pour les choses qui sont laissés intactes et s'abiment par négligence. . Horace dans les épîtres (Livre I 20eme épître) s'adresse à son manuscrit : Contractatus ubi manibus sordescere vulgi / Coeperis, aut tineas pasces taciturnus inertes."

— Commentaire : 

Reprise des citations des Adages d'Érasme en choisissant ceux qui citent un insecte présent sur la planche, ici une teigne.

 

 

Planche XXXV : araignées

Inscription  : Magnus Dominus noster, et magna Virtus eius et sapientiae eius no[n] est numerus. ps: 146.

— Traduction : "Notre Seigneur est grand, son pouvoir est immense, sa science est infinie.[6 L'Eternel soutient les petits, mais il renverse les méchants et les abaisse jusqu'à terre."] (Bible du Semeur)

— Source : Psaume 146 (147

— Commentaire

Reprise de l'hymne à la gloire du Créateur ; le verset 6  suscipiens mansuetos Dominus humilians autem peccatores usque ad terram  souligne le renversement des valeurs, par lequel les petits (on pense aux insectes) sont soutenus, et les méchants sont brisés. 

Illustration : l'ombre n'est pas figurée. L'araignée centrale est fixée sur la feuille d'observation par des liens en trompe-l'œil qui renforcent le parti-pris du spécimen naturaliste. Les trois autres araignées sont suspendues par leurs fils !

 

 

Planche XXXXII.

 a) inscription supérieure IN ME CVDETVR FABA.

— Traduction : "C'est sur moi qu' on battra les fèves".

— Source : - Érasme, Adagia 84. I, I, 84. In me haec cudetur faba 

Terentius in Eunucho: At enim ist haec in me cudetur faba, hoc est, Donato interprete,  in me malum hoc recidet, in me haec vindicabitur culpa. Translatum vel a faba, quae  cum siliquis exuitur ac batuitur aut fustibus intertunditur, ita ut fit in areis more rusticorum, non ipsa perinde laborat, sed id demum in quo cuditur. Alii malunt ad male  coctam fabam referre, quae si quando non maduerit, sed dura permanserit, ab iratis  heris supra coqui caput saxo nonnunquam comminui consuevit, tamquam fabam ulciscentibus non coquum, cum universum interim malum ad coquum perveniat. 

— Commentaire :

 Sur le site de Philippe Remacle, la citation est traduite avec une note de bas de page : "Expression proverbiale qui revient à celle-ci : c'est moi qui paierai les pots cassés. "

Dans L'Eunuque de Terence  Acte II scène 3, la réplique de l'esclave Parménon à son jeune maître Chéréa At enim ishaec in me cudetur faba est interprétée par Aelius Donat dans ses Commentaires sur Térence  ainsi : "le mal est pour moi, la faute va me retomber dessus. Juste après, Parménon ajoute "Si tu es décidé à le faire, fais-le; mais ne va pas rejeter la faute sur moi."

 

b) inscription inférieure :Si quid In hoc opere delictum.

— Traduction : ? "Si il se trouve une faute dans cette œuvre" ??

— Source : non connue

— Commentaire

c) Illustration : fleur de jasmin, baie (Taxus baccata) et insecte aux formes soulignées par le jeu des ombres. 

 

Planche XXXXIII 

Inscription : Abominandus cantharis

— Traduction : "Les cantharides doivent être détestées"

— Source : Érasme, Adagia (1508), 1905. II, X, 5. Abominandus scarabeus 

Μύση κανθαρίς, id est abominanda cantharis. De contemptissimo vilissimoque homunculo  dicebatur. Cantharides vermiculi sunt letali veneno. Quanquam hoc loco magis convenit, ut sit  diminutivum a cantharo scarabeo, quasi dicas scarabeolus. In sacris quoque litteris vermis abiit  in proverbium contemptus. Quod genus est illud in psalmis mysticis: Ego autem sum vermis et  non homo; pro quo nonnulli vertunt scarabeum. Item illud Esaiae : Noli timere, vermis Iacob,  interprete Hieronymo. Apud Suidam legitur μυσὶ κανθαρίς, id est muribus cantharis, quod quid  sibi  velit  nescio, suspicor mendum inscripto esse. Si legamus μύση, sonat abominanda, si  Μυσή,  sonat mysiam cantharidem. Mysos autem olim fuisse contemptui docuimus alias. Hoc  commentum mihi maxime probatur.

Aldrovandi, qui cite aussi Érasme dans le livre IV de son Insectis en donne une version complète : Cyprio bovi merendam, abominandus cantharis.

 

Commentaire :

Erasme commente cet adage en signalant que ces bestioles sont réputées être les plus méprisables et les plus viles ; que leurs vers (larves ?) sont très toxiques et même léthales (letali veneno). Les cantharides peuvent être considérés comme de petits scarabés, des scarabeoli.

Illustration : six insectes dont une blatte femelle (Blattoptera) type Blatta orientalis.

Voir plutôt l'image ici :

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Published by jean-yves cordier - dans Histoire entomologie
5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 20:00
Traduction et origines des inscriptions dans Ignis (1775-1785) de Joris Hoefnagel. Identification de quelques insectes. (Suite , planche 44 à 80).

 

Voir dans ce blog sur Hoefnagel :

.

 

Rappel : les images viennent du site RKD Netherlands : https://rkd.nl/en/explore/images/record?query=hoefnagel+ignis&start=56

https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=hoefnagel+ignis&start=50

 

 

Planche XXXXIV :

Inscription : Prius Locusta Bovem

— Traduction : litt. :Une sauterelle engendra un bœuf. En fait, selon la tradition. : "On verra plutôt un éléphant naître d'une sauterelle".

— Source : Érasme, Adagia 1089. II, I, 89. Prius locusta bovem pariet 

Prius locusta bovem pariet, περὶ τοῦ ἀδυνάτου. M. Varro De lingua Latina libro tertio  refert ex Ennio versum hunc: Atque prius pariet / locusta Lucam. Nam Lucas antiqui  boves appellabant ob magnitudinem.

  "Varron dans le livre III du De la langue latine, Apud Ennius, se réfère à ce dernier auteur en citant  Atque prius pariet / locusta Lucam  "On verra plutôt un éléphant naître d'une sauterelle". Les Anciens  nommaient les éléphants Lucas boves en raison de leur grande taille."

— Commentaire : Luca bos désigne dans le texte d'Ennius l'éléphant. L'expression s'utilise pour parler de choses impossibles.

— Illustration. En bas, une  Mante religieuse Manta religiosa.  La citation semblerait s'appliquer  avec humour à l'insecte aux allures fantastiques en haut à gauche, qui semble une caricature de monstres médiévaux, et qui voisine un insecte à trois queues également surprenantNéanmoins ces créatures étonnantes sont  considérées comme étant des Éphémères Ephemeroptera à trois cerques ("queues") : Augerius Clutius s'est inspiré de ces figures dans son De hemerobio  sive ephemero insecto (Amsterdam, 1634) : les animalcules I et II (ou bien la figure de gauche de Hoefnagel) sont les larves aquatiques qui vivent des années au fond des rivières avant leur émergence au printemps (ce sont les "mouches de mai") sous leur brève forme imago ; ils succomberont sitôt après l'accouplement et la ponte. (Cf.  Jorink 2007). Par leur destin, ces insectes sont souvent les symboles de la vita brevis.

Le texte de Clutius sur les Éphémères, première monographie dans l'histoire de l'entomologie sur un seul type d'insecte, trouve donc son origine dans cette illustration de Hoefnagel 1575-1585, ce qui montre bien le rôle fondateur de ce manuscrit.  Ces espèces avaient été décrits par Aristote sous le nom d'ephemeron et par Pline sous celui d'hemerobius, mais n'avaient pas été représentés auparavant. En outre, leur présence dans Ignis montre qu'ils figuraient déjà dans les collections des Cabinets naturalistes.

Ci-dessous : Opuscula duo singularia. I. De nuce medica. II. de Hemerobio sive Ephemero insecto et majali verme Amsterodami: Jacobus Charpentier; 1634 page 96 http://digital.onb.ac.at/OnbViewer/viewer.faces?doc=ABO_%2BZ181592000

.

 

 

Planche XXXXV.

2 Acrididae : acridia ungarica mediterranea?

 

Planche XXXXVI :

3 sauterelles (Tettigoniidae, Orthoptera), mâle à gauche, femelles à droite et en bas. 

 

 

Planche XXXXVII :

inscription : Vel muscas praetervolantes

— Traduction : "Il a même peur des mouches qui volent ! "

— Source : Érasme, Adagia 466. I, V, 66. Vel muscas metuit praetervolitantes 

Proverbialis esse videtur hyperbole, quam refert Aristoteles septimo De republica libro, Ἀλλὰ δεδιότα μὲν τὰς μυίας, id est Qui muscas, inquiens, etiam praetervolitantes metuat, id est quamvis frivola decausa. Idem similem quandam commemorat in Moralium septimo loquens de iis, qui usqueadeo natura sunt timidi, ut etiam si sorex obstrepat, protinus expavescant.

— Commentaire :

Érasme se réfère au Livre sept d'Aristote De la République

— Illustration : neuf insectes.

La libellule, identifiée par Marcel Wasscher en 2014 est le Sympetrum pedemontanum  ou Sympétrum du Piémont .  

On trouve aussi :

  • Tettigoniidae (Sauterelle) : (Ruspolia nitidula ??)
  • Diptera : Musca domestica 

Planche XXXXVIII : absente du site RDK

Planche XXXXIX :

Neuf insectes : Chenille ; un papillon  Pseudopanthera macularia "Panthère" (Geometridae, Ennominae) ; une mouche ; un zygoptère (Odonata)  au centre. Puis Gasterupion jaculator ?

 2 insectes ; une sauterelle femelle (Platycleis tessellata ?).

 

 

 

Planche L.

— Inscription : Ipsa Dies aperit, conficit ipsa Dies 

— Traduction : Issues d’un même jour qu’un même jour consume ! (Trad. Lionel-Édouard Martin)

— Source : "De Rosis Nascentibus", du poète gallo-romain, rhéteur et consul Ausone ligne 39. : Tot species, tantosque ortus variosque novatus / una dies aperit, conficit ipsa dies.  

—  Commentaire : il s'agit de la poursuite du poème cité en entier dans la première partie de cet article. Le vers, isolé, est un condensé de la constatation de la briéveté de l'existence, semblable au vers de Ronsard "et rose elle a vécu ce que vivent les roses, l'espace d'un matin.".

—Illustration :

  •   Une chenille non identifiée
  • 6 orthoptères Acrididae ("criquets") et Tetrigidae (Tetrix).
  • Fleur et rameau de Mirabilis jalapa "Belle-de-nuit".

 

 

 

 

Planche LI :

Rameau de Mirabilis jalapa ; une chenille, un orthoptère, un orthoptère identifié comme l'Oedipode bleu Oedipoda caerulescens L..

 

 

Planche LII : 4 orthoptères ;  

 

Planche LIII : Odonata Aeshnidae Aeshna cyanea, l'Aeschne bleue.

Voir l'image non floutée au zoom sur le site nda : incroyable !

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69718.html

 

 

Planche LIV : 3 Odonates : 

Voir l'image non floutée :

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69719.html

Identification : en haut l'Aeschne printanière mâle Brachytron pratense (Aeshnidae), mais l'abdomen rétrécit à la base ne correspondrait pas.

En bas à droite : le Sympetrum rouge-sang Sympetrum sanguineum  femelle. 

En bas à gauche : le Sympetrum rouge-sang Sympetrum sanguineum mâle.

Des ailes de spécimens rééls ont été collés sur le manuscrit.

 

Planche LV 

Calopteryx virgo ?

 


Planche LVI :

a) Inscription supérieure : Haec aperit primi fastigia Celsa obelisci , mucronem absolvens purpurei capitis


— Traduction : "Elle ouvre le sommet de son premier bouton Et libère à son faîte une tête vermeille,  "

Source : Ausone, De Rosis nascentibus vers 33-34.

Commentaire : Poursuite du poème d'Ausone consacré aux roses. La strophe décrit les premiers boutons de rose juste éclos un matin de printemps dans un jardin de Paestum (Campanie), alors que la brume de rosée se dissipe au soleil. Les boutons de rose sont décrits comme des jeunes filles naissant à la vie ou naissant à l'amour, fraîches, gaie et coquettes, mais, dans une accélération , d'autres succombent déjà aux ravages du temps. Trois vers débutent par Haec : Haec viret, Haec aperit, Haec modo, "Celle-ci", "Celle-ci", "Celle-là" . Dans le vers qui est cité ici se remarque l'emploi du terme obelisci, "obélisque", du grec, diminutif d'obelos, "aiguille"— mais dont le dictionnaire Gaffiot mentionne l'emploi figuré par Ausone dans le sens "boutons de rose".

b) Inscription inférieure : Haec modo qua toto rutilanerat Igne Comarum,  pallida collapsis, descritui folijs   

Traduction : "Telle dont flamboyait la chevelure en feu, / Ses pétales tombés l’abandonnent livide." (Lionel-Édouard Martin)  

Source : Ausone, De Rosis nascentibus

Commentaire : Poursuite du poème d'Ausone, avec encore le thème du temps qui passe et des roses qui se fanent ; mais  on y  remarque le mot latin Igne, qui reprend le thème général du feu, de sa puissance de génération et de destruction.

c) Illustration : rose d'églantier type Rosa canina, en bouton vermeil à gauche, et fanée et courbée à droite : en adéquation avec les inscriptions.

 

 

Planche LVII : 6 insectes dont 1 coccinelle, 1 mouche, 1 moustique.

Voir l'image parfaite ici :

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69722.html

Au centre, Tipula maxima femelle

A droite, je propose un autre Tipulidae,  Ctenophora festiva  femelle.

A gauche, autre tipule femelle.

Au dessous à droite, la Coccinelle à sept points Coccinella septempunctata.

Au dessous au centre, pourquoi pas le Tipulidae Nephrotoma flavescens ?

 Au dessous à gauche, Musca domestica.

 


 

 

 

 

Planche LVIII :

Inscription supérieure : NE MUSCA QVIDEM 

— Traduction : "Pas même une mouche !"

— Source : Érasme,Adagia, : 1084. II, I, 84Ne musca quidem

 Huic affinis est et illa proverbialis hyperbole: Ne musca quidem, qua maximam hominum solitudinem significamus. Plautus in Truculento: Quas tu mulieres Mihi narras, ubi musca nulla foemina est in aedibus ?Huc allusit Vibius Crispus, orator delectationi natus, ut ait Fabius, cuius erant mores, qualis facundia, quemadmodum scripsit Iuvenalis, cum rogatus, ecquis esset cum Caesare in conclavi, respondit nemuscam quidem intus esse, ancipiti ioco Domitiani consuetudinem notans, cui mos erat quotidie sibi secretum horarium captare, nec interim aliud fere agebat, nisi quod muscas captas stilo configeret.

 

Commentaire : "Pas même une mouche" correspond à notre expression "il n'y a pas un chat !". Erasme cite un exemple tiré du Rustre de Plaute : Scène II :Quas tu mulieres mihi narras ? ubi musca nulla femina 'st in aedibus?  "De quelles femelles parles-tu? Il n'y en a pas; il n'y a pas une mouche à la maison." Puis il cite cette anecdote de l'avocat Vibius Crispus à qui on demande si l'empereur Domitien (dont l'emploi du temps est de tuer toutes les mouches qu'il trouve) est visible, et qui réponds : "Il n'y a personne, mas même une mouche : Ne musca quidem

Illustration :

6 insectes 

2 Tipulidae : un mâle à droite.

 

Planche LIX : 7 insectes 

A 9 heures, une Écaille ( hétérocère) du genre Eilema : la Lithosie plombée, ou la Lithosie gris-perle. 

2 Tipules.

2 punaises : Palomena prasina ? Pentotoma rufipes ?

 

En bas à droite Epeolus cruciger ???

 

 

Planche LX.

Inscription  : QVOD INVOCATVS CAENITARE AMO MVSCA SV[M]

Traduction : "Quand j'aime à être invité à dîner, je suis (comme) une mouche".

Source : Érasme Adagia 3643. IV, VII, 43. Muscae 

         Μυῖαι olim dicebantur qui delectabantur aliena mensa, quos Plautus muribus comparat   semper alienum edentibus cibum. Apud Athenaeum libro sexto parasitus quispiam se muscae confert:

Λειπνεῖν ἄκλητος μυῖα, id est Quod invocatus coenitare amo, musca sum. Advolat enim hoc  insectum ad cibum alienum et aegre potest abigi. Apud eundem Hegesander narrat, cum Alexander dixisset se morderi a muscis – sic vocabat parasitos iamque conaretur illas abigere,Cinesias, unus eius ordinis qui forte aderat: Profecto aliae muscae siticulosae magis urgebunt te semel gustato tuo sanguine. Extat apologus de erinacio, qui voluit vulpi μυιοσόβης esse. Plautus in Mercatore deflexit ad hominem curiosum et ad omnia advolantem: Musca est meus pater, nihil pote illum clam haberi, Nec sacrum nec tam prophanum quicquam est quin adsit ibi ilico.


 

Commentaire : la présence sur la planche d'une mouche (Musca domestica) incite Hoefnagel à chercher dans la liste des Adages celui qui mentionne cet insecte. Neuf possibilités s'offrent à lui ! 

"Μυῖαι se disait autrefois de ceux qui mangeaient à d'autres tables, et que Plaute comparaeint aux rats qui se nourrisaient du bien d'autrui. Dans le sixième livre d'Athénée, le parasite est comparé à la mouche : Λειπνεῖν ἄκλητος μυῖα, c'est-à-dire "Appelé (ou "invité"?) à dîner je suis une mouche." Cet insecte s'envole vers la nourriture d'autrui et peut difficilement être chassé. Une de fois de plus, c'est Hegesander [historien grec] qui raconte que, comme Alexandre se plaignait d'être mordu par les mouches — comme il surnommait les parasites— ...etc...

Cet Adage se trouve repris par Jacob Hoefnagel dans Archetypa Studiaque I,5 sous la forme :Quod invocatus lubenter coenito! Musca sum. " Lorsque je suis volontiers invité à dîner. Je suis une mouche !"

 

Illustration : 10 insectes dont 1 mouche, 1 moustique, 1 tipule, 

 

 

 

 


Planche LXI

EX MVSCA ELEPHANTEM

Traduction : "C'est un éléphant posé sur une mouche !"

Source : Érasme, Adagia 869. I, IX, 69. Elephantum ex musca facis 

Ἐλέφας ἐκ μυίας ποιεῖς, id est , id est res exiguas verbis attolis atque amplificas. Lucianus in Muscae encomio: Πολλὰ δ’ ἔτι ἔχων εἰπεῖν καταπαύσω τὸν λόγον, μὴ καὶ δόξωκατὰ τὴν παροιμίαν ἐλέφαντα ἐκ μυίας ποιεῖν, id est Multa adhuc commemorare possem, sed finem dicendi faciam, ne videar et ipse iuxta tritum proverbium ex musca elephantum facere. Sumptum videri potest ex 

Homero, qui inter praelia deorum et heroum muscae improbitatem describit cum hac invictum  et acrem bellatorem conferens Menelaum Iliados Ρ. Quin et divus Augustinus libro contra  Manichaeos De duabus animabus non dubitat muscam conferre ac praeferre soli velut animal inanimi.

 

Commentaire : Ἐλέφας ἐκ μυίας ποιεῖς c'est-à-dire, Elephantum ex musca facis: se dit pour des choses minimes et des paroles exagérées auxquels on attribue trop d'importance.  Lucien dans son Éloge de la mouche écrit : "Je pourrais ajouter encore bien des traits à cet éloge ; mais je m'arrête, de peur de paraître vouloir, comme dit le proverbe, faire d'une mouche un éléphant. (ex musca elephantum facere) " . Cela semble être emprunté à Homère, , qui dans l'Iliade ...  le livre de saint Augustin contre les manichéens,....

Là encore, la seule justification du choix de l'adage est la présence d'une mouche, ou du moins de diptères parmi les sept insectes représentés.

Illustration : sept insectes dont une fourmi, une coccinelle. Au centre, je suggère Lissonota setosa et sa longue tarière. La nervation semble correspondre...En haut à droite, un Hyménoptère Térébrant ; je lance, parmi les plus ressemblants sur le Chinnery, Evania appendigaster pour lancer les enchères. Cette espèce figure aussi sur la planche II,8 d'Archetypa où elle a été identifiée comme "Cynipidae ou Chalcicidae".

  

 

Planche LXII :

 : Dix insectes dont une Symphyte au centre, deux Syrphes, une coccinelle Coccinella septempunctata

 


 

 

 

 

Planche LXIII :

Inscription FLOS CINIS 

— Traduction : "La fleur termine en cendre".

— Source : Érasme, Adagia, 3612. IV, VII, 12. Flos cinis 

Divus Augustinus libro adversus Petiliani litteras II, cap. LXVI irridens quod adversarius iactaret quod suorum animabus impletum esset coelum, corporum memoria terrae floruissent, respondit: Sane de corporibus eorum multorum terrarum flores videmus, sed, sicut solet dici, flos cinis. 

Donatistae suos qui sibi manus attulissent quive provocassent alios ut ab eis occiderentur, ni  mallent occidi, innumerum martyrum referebant, eorum monumenta frequentantes, unde flores illos cinerem vocat. Dici solitum videtur in fugacitatem humanae vitae. Hodie floret iuventus, cras erit in sepulchro. Et iuxtaprophetam: Omnis caro foenum.

 

Commentaire : cette devise met en évidence la vanité de la beauté ; elle a été reprise en épigramme sur la de la de Barcelone

Érasme dans son commentaire cite saint Augustin dans son Contra litteras Petiliani Livre II : "Plane si non dictum esset, Beati qui persecutionem patiuntur propter iustitiam; sed dictum esset, Beati qui se ipsos praecipitant: implerent coelum martyres vestri. Sane de corporibus eorum multos terrarum flores videmus, sed sicut solet dici, flos cinis."

Illustration : autour d'une Ancolie (symbole de tristesse en poésie au XVe sur un jeu de mot avec mélancolie, et, par sa forme, du Saint-Esprit en enluminure médiévale), 8 insectes dont selon Marcel Waascher la libellule Calopteryx splendens (Odonata).


 

 

 

Planche LXIV  :

Pas d'inscription.

Onze insectes dont un Cerambycidae (je propose Saperda scalaris), un Cleriodae (je propose Trichodes favarius), un Zygoptere, un Mécoptère (je propose Panorpa communis mâle ou Mouche scorpion dont on distingue très bien l'abdomen relevé, une guèpe maçonne Eumininae (je propose Delta unguiculatum, et un Zygoptère).

  

 

 

Planche LXV

a) Inscription supérieure :FORMÍCA CÍCADAÈ./ QVOD AESTATE CANTIS, ÍD HYEME SALTA.

Traduction : "La Cigale et la Fourmi. Si vous chantiez cet été, de même dansez cet hiver".

Source : Fable d'Ésope LVI Formica et Cicada

  Hyemis tempore formica frumentum trahens ex caverna siccabat, quod aestate colligens coagulaverat (collocaverat). Cicada autem esuriens rogabat eam, ut daret aliquid illi de cibo, ut viveret. Cui formica : Quid fecisti, inquit, in aestate ? At illa : Non mihi vacavit, per sepes oberravi cantando. Ridens Formica ac frumentum includens dixit : Si aestate cantasti, hyeme salta. Hec fabula pigrum docet, ut tempore certo laboret, ne, dum minus habuerit et petierit, non accipiat.

Si vous avez chanté en été, dans la forêt d'hiver. Cette histoire enseigne le paresseux, comme dans le temps dans un certain travail avec moi, de peur, alors que je avais un de moins en petierirt pas les recevoir.

Commentaire :

La Fontaine n'avait pas encore écrit La Cigale et la Fourmi, mais depuis le début de notre lecture, nous pensions à cette fable : sa réplique finale est citée par Hoefnagel, qui se réfère à la version d'Ésope (VIème siècle avant J.-C.), ou à ses adaptations par Avianus (fin IVe-début Ve). Je traduis Ésope ainsi, au plus près du texte :

"Par un jour d'hiver, une fourmi faisait sêcher hors de sa tanière le blé qu'elle avait récolté en été.  Une cigale affamée cependant lui demanda de lui donner quelque nourriture afin de lui permettre de survivre. Sur quoi la fourmi : "Que faisiez vous en été ?" Et elle de répondre : " Je n'ai pas chômé : parcourant les haies, je chantais." La fourmi, riant en reserrant son blé lui dit : " Vous chantiez en été, dansez en hiver".  Cette fable enseigne à l'oisif qu'il doit travailler tant qu'il est encore temps, de peur de ne rien recevoir, lorsqu'il sera trop tard."

 

b) Inscription inférieure : Cicadam alas ne corripias

Traduction : "Ne saisis pas la cigale par l'aile."

Source : Érasme, Adagia 828. I, IX, 28Cicadam ala corripuisti 

Σέττιγα πτεροῦ συνείληφας, id est Cicadam ala corripuisti. In eos, qui quempiam provocant minime ex usu suo. Lucianus in Pseudologista scribit Archilochum, poetam iambographum et ad maledicendum egregie instructum, ad hunc modum respondisse cuidam, a quo fuerat convicio provocatus: Σὸν τέττιγα πτεροῦ σενείληφας. Est autem huius insecti mira quaedam et prodigiosa loquacitas maxime effervescente sole. Plinius negat iis vocem esse, sed stridorem cum tractu,  eumque sonum emittit non alis quemadmodum muscae, apes, culices. Nam iis stridor simul cum volatudesinit, at cicadae si presseris alas, vehementius etiam perstrepsit. Sed in pectore subesse ait duos specus attrituque membranae mobili accedente spiritu per hos e visceribus sonum aedi. Ergoque madmodum si cicadam natura garrulam ala prehendas, clarius obstrepit, ita si poetico  homini praebeas occasionem simultatis, non modo non tacebit, sed clarius obstrepet et omnem bilem chartis illinet atris. Proinde Platonem aiunt admonuisse, ne quis hominem poetam sibi faceret inimicum. Et Horatius genus irritabile vatum dixit.

 

Commentaire :

Σέττιγα πτεροῦ συνείληφας,, c'est-à-dire "saisir la cigale par l'aile". Érasme cite Lucien dans le Pseudologiste : voici l'extrait dont il s'agit :

   "Tu as sans doute entendu parler d'Archiloque, un poète ïambique, natif de Sardes, homme libre, franc, véritable emporte-pièce, toujours prêt à mordre ceux qui tombaient sous le fiel de ses ïambes. Un jour qu'un de ses ennemis l'avait insulté : " Tu as pris la cigale par les ailes," dit Archiloque à cet homme, en se comparant lui-même à une cigale, insecte criard, qui chante sans nécessité, et qui, lorsqu'on le tient par les ailes, se met à crier encore plus fort. "Malheureux, voulait dire Archiloque, que prétends-tu, en excitant contre toi un poète bavard, qui est en quête des occasions et des sujets pour ses iambes ? "  


 

Illustration : Grillon et 10 autres insectes. Parmi les grillons (Gryllidae) noirs, je ne vois pas de raison d'écarter l'identification la plus banale, et donc la plus probable, Gryllus campestris, le Grillon champêtre. Certes, ce n'est pas une Cigale (Cicadoidea), mais le mâle stridule des heures durant à l'entrée de son terrier, et l'Adage d'Érasme pourrait lui être appliqué. 

 


 

 

 

Planche LXVI

Inscription : Acantea cicada

Traduction : "C'est la Cigale d'Acanthe !" 

Source : Érasme, Adagia, 414. I, V, 14. Acanthia cicada 

Ἀκάνθιος τέττιξ, id est, Acanthia cicada, in indoctos atque infantes aut musices ignaros torquer   proverbio solitum. Auctor est Stephanus Byzantius iuxta oppidum Aetoliae Acanthum cicadas  alibi vocales mutas esse, atque hinc ortum adagium, cuius auctorem citat Simonidem. Plinius  Naturalis historiae libro undecimo capite vigesimoseptimo scribit in agro Rhegino cicadas omnes silere, ultra flumen in Locris canere. Idem testatur Pausanias libro rerum Eliacarum secundo.  Strabo libro Geographiae sexto refert Rheginum agrum a Locrensi dirimi fluvio, cui nomen Alex, cicadas autem, quae in Locrensi versentur ripa, sonantiusstridere, cum in Rhegina sint mutae. 

 Huius rei hanc esse causam coniectat, quod Rheginorum regio, cum sit umbrosa, atque opaca,  cicadarum pelliculas humore torpefaciat. Easdem in agro Locrensi, quodsit aprica solis arefactas aestu, stridorem aptius emittere. Auget autem miraculum Rheginensium cicadarum etiam fabulose celebrata vocalitas vicinarum. Nam idem Strabo Timaeum citat auctorem,quondam in Pythiorum certamine Eunomum Locrensem et Rheginensem Aristonem in canendi certamen venisse; 

 Aristonem Apollinem invocasse Delphicum, ut sibi canenti foret auxilio, quod a DelphisRheginenses olim essent profecti. Eunomus respondit Rheginensibus ne certandum quidem omnino de musica, apud quos cicada vocalissimum animal voce careret. Utrisque certantibus, cum in Eunomicithara una inter canendum chorda frangeretur, cicada supervolans astitit, ac vocem alioqui defuturam suo cantu supplevit. Atque ita victor declaratus statuam citharoedi posuit cum cicada citharaeinsidente. Huiusmodi ferme tradit Strabo.

 

Commentaire : 

  "La Cigale d'Acanthe" : Ce proverbe est destiné aux ignorants, aux enfants et aux musiciens (donc à ceux qui restent parfois muets). Selon Etienne de Bizance, qui cite Simonide, les cigales qui, ailleurs, chantaient, restaient muettes à Acanthe, en Etolie. Selon Pline, confirmé par Pausanias et par Strabon, dans une autre version,  bien que les villes de Locres et de Rhèges ne soient séparées que par la largeur d'un fleuve, l'Alex, les cigales ne chantaient que du coté de Locres et se taisaient à Rhèges. Les bois ombragés de Rhèges en sont peut-être la cause, alors que Locres jouit d'une chaleur sêche. Eunomus, célèbre joueur de cithare, de la ville de Locres, affronta devant l'Apollon de Delphes Ariston, lui-même musicien de la ville de Rhèges ; mais une corde de son instrument se cassa. Une cigale vint se poser sur la cithare et suppléa si bien au défaut de la corde par son chant qu' Eunomus emporta le prix.   Les habitants de Locres avaient construit une statue représentant Eunomus avec une cigale.

Érasme cite en référence :

  • Etienne de Byzance

  • Pline, Histoire naturelle Livre 11 chapitre 27 

  • Pausanias, Eliacorum prior (c'est le Livre V). 

  • Strabon Geographie Livre 6.

Voir aussi les Emblemata d'Alciat (Lyon, 1558) :

Eunome mist au Delphic oratoire Une Cigale, enseigne de victoire. Car en jouant du Luc, contre Ariston, Les doitz touchoient: les chordes faisoient ton. Quand l’une estant rompue, & mal fournie Ja commençoit à gaster l’harmonie. Adoncq survint chantant une Cigale,
Qui le de fault [=default] remplit par voix egale. Et qui au son attraicte, vint des bois, Pour secourir Eunome de sa voix. 


 

 

Illustration : le "personnage" central est sans doute apparenté à une cigale, mais il s'agit, parmi les Coléoptères, d'un Meloidae, le Méloé printannier Meloe proscarabeus. C'est vraisemblablement lui aussi qui figure, dans ce cadran d'horloge, la sixième heure, alors qu'à cinq heures nous trouvons un Longicorne ou Cerambydae (je propose Oxymirus cursor ♂), l'Oxymire coureur

 

      

 

 

 

Planche LXVII

Inscription supérieure : NOLI IRRITARE CRABRONES.


 

Traduction : "N'excites pas les frelons"

Source : Érasme, Adagia, 60. I, I, 60. Irritare crabrones 

Σὰς σφηκιὰς ἐρεθίζειν, id est Irritare crabrones.
 Ad hanc sententiam referendum est et illud,
 quod est apud Plautum in Amphitryone: Irritabis crabrones. Id dictum est a poeta in mulierum ingenium,quibus iratis si repugnes, magis provoces neque sine tuo malo discedas. Est autem crabro insecti genus, affine vespis, pertinacissimum aculeoque pestilentissimo. Siquidem refert Plinius Naturalis Historiae lib. XI, cap. XXI crabronum Ictus haud temere sine febri esse, additque traditum a quibusdam Ter novenis huius animantis punctis interfici hominem.
.

Commentaire : Ce proverbe est donné par Érasme sous la forme "Exciter les frelons" : il trouve son origine dans l'Amphytrion de Plaute Acte II scène 2 sous forme d'un avertissement fait par Sosie à Amphytrion son maître : "n'irrites pas les frelons". En effet, lors d'un fameux quiproquo théâtral il est en train de s'emporter contre Alcmène son épouse, et les "frelons " en question représentent les fébriles sentiments de colère et d'impatience que ses questions génèrent. Puis Érasme se livre à une revue le littérature sur les frelons : selon Pline dans son Histoire naturelle Livre XI chap.21 "Leur piqûre ne manque guère de causer la fièvre. Des auteurs disent que trois fois neuf piqûres suffisent pour tuer un homme.". Puis il cite Aristote, livre des Animaux III, 9, puis une lettre de saint Jérôme, puis Xénophon : j'abrège.


 

b) Inscription inférieure : SCARABEVS AQVILA[M] QVAERIT.

Traduction : "Le scarabée à la poursuite de l'aigle".

Source : Érasme, Adagia  2601. III, VII, 1. Scarabeus aquilam quaerit 

Κάνθαρος ἀετὸν μαίεται, id est Scarabeus aquilam quaerit. Cum imbecillior atque impotentior mali quippiam molitur struitque insidias inimico longe potentiori. Est et altera lectio atque ea meoquidem iudicio verior: Ὁ κάνθαρος ἀετὸν μαιεύται, id est Scarabeus aquilae obstetricatur. Sensus ferme idem est, sive legas μαίεται sive μαιεύται. Competit enim in humilem et imbecillum, quiviribus longe praepollenti maliciosis insidiis et clanculariis dolis perniciem machinatur. etc...

Commentaire :

Cet adage se réfère à la fable d'Ésope « L’Aigle et le Scarabée », laquelle a inspiré à La Fontaine  "L'aigle et l'escarbot" . En voici le texte en latin, et la traduction :

Lepus aquila insectante in lustrum scarabei profugit, rogans ut ab eo servaretur. Scarabeus autem rogabat aquilam ne occidere suppliciem, obtestans ipsam per maximum Jovem, ne scilicet contemneret parvitatem ejus. Illa vero irata ala percussit scarabeum, et leporem arreptum devoravit. At scarabeus cum aquila volavit, ut nidum ejus disceret : ac jam profectus, ova ejus devoluta disrupit. Illa autem quum grave existimaret, si quis hoc ausus fuisset, et uin altiore loco secundo nidificasset, et illic rursus scarabeus pariter hanc affecit. Sed aquila inops consilii penitus, ascendit ad Jovem (in ejus enim tutela esse dicitur) et in ipsis genibus tertiam foeturam ovorum posuit, deo ipsa commendans et supplicans ut custodiret. Scarabeus autem é stercore pilula facta ascendit, et in sinum Jovis eam demisit. Jupiter vero cum surrexisset ut fimum excuteret, ova quoque projecit oblitus, quae et contrivit dejecta. Cognito autem a scarabeo quod haec fecisset ut aquilam ulcisceretur : nam  non modo scarabeum illa injuria affecit, sed et in Jovem ipsum impia fuit, reversae aquilae ait Jupiter,scarabeum esse qui moestitiae causa fuerit, et certe jure fuisse. Nolens igitur genus aquilarum rarescere, consulit scarabeo ut aquilae conciliaretur. Eo autem non parent, Jupiter in aliud tempus aquilarum transmutavit partum, cum scarabei non appareant.

  "Un lièvre poursuivi par un aigle, se réfugia dans le trou d'un escarbot, le conjurant de le sauver. L'escarbot prie donc l'aigle, au nom du puissant Jupiter, de ne pas tuer l'animal suppliant : tout petit que je suis, lui dit-il, ne dédaigne pas ma prière. L'aigle indigné, le choque de l'aile, l'étourdit, saisit le lièvre qu'il dévore. L'escarbot suivit l'aigle dans son vol, pour savoir où était son nid : il le voit, il s'approche, il fait rouler les œufs et les fracasse. L'aigle étonné de l'audace, mit son nid en lieu plus haut. Nouvelle vengeance de l'escarbot. Ne sachant que faire, l'aigle s'envola vers Jupiter (cet oiseau lui est, dit-on, consacré). L'escarbot après avoir fait une petite boule de fumier, s'éleva jusques dans les cieux, et la laissa tomber sur le giron du père des dieux. Jupiter se lève, secoue sa robe, et jette imprudemment les œufs, qui se cassent de la chute. L'escarbot avoue à Jupiter qu'il en a agi ainsi, pour se venger de l'aigle. Cet oiseau a été aussi impie envers vous, qu'injuste envers moi. Le dieu dit à l'aigle de retour, que c'est l'escarbot qui le persécute, et qu'il le mérite bien. Voulant néanmoins prévenir le dépérissement de la race aiglonne, il conseilla à l'escarbot de se réconcilier avec l'aigle. Celui-ci n'y consentant point, Jupiter transporta le temps de la ponte des aigles en la saison où l'escarbot ne paraît point." (Trad. J.B. Gail, 1796). 

On comprend que cet "escarbot" (terme de vieux français issu de scarabeus ), est ici un bousier, comme Scarabeus sacer, le Scarabée sacré. Dans son commentaire, Érasmeprend parti pour le petit et le faible scarabée contre l'aigle prédateur et dominateur, rappelant que selon le  dialogue de Lucien l'Icaromenippo ( ou Menippe, émule d'Icare, parvient dans la lune ), on trouve au ciel les scarabée et les chameaux . 

 

Illustration : 7 insectes : un scarabée un papillon, un hymenoptère (bourdon).

 

 

Planche LXVIII

Inscription : AD SERIA INEPTVS MVSCAS PELLAT.

— Traduction : "il est vain de chasser les mouches"

— Source : Érasme, Adagia  2660. III, VII, 60. Muscas depellere 

 "Muscas depellere etiam hodie vulgato ioco dicitur, qui otioso atque inutili fungitur officio. Aristophanes in Vespis: Ἀλλὰ φυλάττει διὰ χειρὸς ἔχων καὶ τὰς μυίας ἀπαμύνειν, id est Imo cavet prae manu habens, etiam muscas depellere curans."

— Commentaire :  A quoi sert de chasser les mouches ? Il est préférable d'ignorer ce dont vous ne pouvez pas vous débarrasser.

 

— Illustration : 7 insectes, tous ailés. La mouche aux ailes tachées de noir est peut-être Chrysops relectus, un taon (tabanide)

 

 

Planche LXIX :

a) Inscription supérieure : Ingentes animos angusto Inpectore versant./ VBI MEL ÍBÍ FEL

— Traduction : "Et dans un faible corps s’allume un grand courage."  / "Où est le miel, là est le fiel".

— Source :

Virgile, Géorgiques livre IV, vers 83  Ingentes...versant

 - Érasme, Adagia 2087. III, I, 87. Nihil est ab omni parte beatum […] Huc pertinent et illa de quibus nobis alias dictum est , Ubi mel, ibi fel, ubi uber, ibi tuber, et huius generis alia. 

— Commentaire : La citation de Virgile s'applique au "roi" (les latins voyaient un roi là où nous voyons une reine) menant son "peuple" dans un combat contre un roi rival. La première moitié du  Chant IV des Géorgiques décrit la vie sociale des abeilles, modèle de la société humaine. Il est donc bien logique que Hoefnagel fasse apparaître sur une planche où sont figurées quelques "abeilles" les vers du poète latin.  Isolé de son contexte, le vers Ingentes animos angusto inpectore versant fait l'éloge des hautes vertus, dignes des romains, des êtres les plus petits. La proverbe "Pas de miel sans fiel" apporte  à ce ton bucolique et viril le contrepoint d'une vérité amère.

 

b) Inscription inférieure : VBI VBER IBI TVBER./ Omnibus una quies operum, labor omnibus unus.

— Traduction : "On les voit s’occuper, se délasser ensemble" / "Où est le sein, là est la tumeur"

— Source : Virgile, Géorgiques Livre IV vers 184. / Érasme, Adage 2087, 

— Commentaire : Virgile trace un tableau idyllique de la communauté des abeilles travaillant ensemble avant de se reposer...ensemble. Là encore, la constatation du proverbe "pas de sein sans tumeur" (ou pas de plénitude nourricière et suave sans que le vers ne soit dans le fruit) tranche par son rappel de la fragilité d'une existence éphémère et soumise aux aléas néfastes.

Érasme dans son Adage 2087 "Rien n'est entièrement bon en toutes ses parties" démontre que tout bien peut avoir son revers de médaille : il écrit :"D'où les proverbes "Là où il y a miel, il y a fiel" ou bien " Où est le plein (le sein), là est l'enflure (la tumeur)", et d'autres du même genre". Cela correspond à notre proverbe "Pas de roses sans épines".

Les proverbes peuvent s'appliquer aux abeilles : pas de miel sans risque de piqures.

— Illustration. Neuf insectes.

Au centre, un bourdon (Bombus pascuorum ?)

 

 

 

Planche LXX

a) Inscription supérieure : Et se Asinus pardum vocet et formica leonem./ ET FORMICAE SVA BILIS INEST.

— Traduction : " l'âne s'appelle léopard, et la fourmi lion". 

— Source : 

- Première citation : Le Zodiaque de la vie (Zodiacus Vitae) Livre VI Virgo vers 418, par Marcello Palingenio Stellato Palingène (Pier Angelo Manzolli, de Ferrare) Bâle, 1543 , texte latin établi, traduit et annoté par Jacques Chomarat, Genève,‎ 1996, 529 p. : "Ah dieux ! Aujourd'hui ce sont seulement les noms magnifiques et les titres brillants que chacun souhaîte pour soi, s'arroge, affecte, poursuit, dérobe : l'âne s'appelle léopard, et la fourmi lion". L'expression illustre la prétention des petits à accaparer les titres des grands.

 

— Commentaire :

b) Inscription inférieure : SCILICET OBSTEPERANS ARGVTAE VESPA CICADAE

— Traduction : "La guèpe est persuadée de couvrir la voix de la cigale par sa voix" (opstrepo = retentir, crépiter, couvrir la voix de ; argutae = expressif, strident.)

— Source : Érasme, Adagia (1508) 771. I, VIII, 71. Vespa cicadae obstrepens 

Σφῆξ βομβῶν τέττιγος ἐναντίον, id est Scilicet obstrepitans argutae vespa cicadae.

Apud Theocritum est in Hodoeporis. Nam his verbis contemnit quidam pastor pastorem, a quo  provocatur. Quadrabit in eum, qui certat longe impar cum superiore. Aut qui negotium facessit  longe sepraestantioribus. Quod genus est illud Catullus leonem allatrans.

— Commentaire : Érasme se réfère à la Ve Idylle de Théocrite, "Les chanteurs bucoliques" 

où les bergers Comatas et Lacon s'affrontent dans un concours de chant ("concours amoebée") et où Comatas rétorque quelque chose en grec : c'est désormais au tour des traducteurs de s'affronter pour le traduire : « insipide bourdon, qui oses défier la cigale » (B...de L...)

« L'orgueilleux frelon croit, par son bourdonnement, surpasser le chant de la cigale » (Geoffroy, 1799) ...Provoquer la cigale, insipide frelon ! (Didot, 1806), ... « Guèpe qui bourdonne autour de la cigale » (Adert, 1849), etc.

L'adage exprime la vaine prétention d'un être inférieur à affronter un adversaire qui le domine de beaucoup, dans la même logique que l'inscription supérieure. La Vanité, qui sera le motif sous-jacent à toutes les Natures mortes dont Hoefnagel est l'un des précurseur, se décline et s'argumente ici planche après planche.

Illustration. Neuf insectes. Au centre, je propose Blatta orientalis ; à 11 heures, apis mellifera

et

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Published by jean-yves cordier - dans Histoire entomologie
5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 19:37
Traduction et origines des inscriptions dans Ignis (1775-1785) de Joris Hoefnagel. Identification de quelques insectes. (Suite , planche 74 à 80).

 

La fin de l'article précédent s'étant trouvé effacée, j'en donne ici une nouvelle version...

 

 

 

Planche LXXIV :

Inscription : Forma brevis FLOS est, primo spectabilis ortu, / Mox languens fugiente die.

Traduction : "La fleur est une brève démonstration, splendide en son premier éclat. Bientôt elle se fâne avec la journée qui passe."

Source :Le Zodiaque de la vie (Zodiacus Vitae) Livre IV (Cancer) vers 141-142 , par  Palingène (Pier Angelo Manzolli)  1543 .

Commentaire : Nouvelle sentence illustrant le caractère éphémère de l'existence. Jacob Hoefnagel reprendra ces vers dans  Archetypa studiaque IV.9 .

Illustration : le bouton de Narcisse (Narcissus poeticus), la tige attachée en trompe-l'œil à l'ovale doré, s'incline déjà ; mais à gauche, son poids a fait céder la tige, et ses pétales à la blancheur souillée par la rouille du temps, semble nous prendre à témoin de leur décrépitude. Dix insectes les entourent.

 

 

 

Planche LXXV.

 

Inscription : HABET ET MVSCA SPLENEM

— Source : Érasme, Adages, 2407. III, V, 7

Ἔχει καὶ ἡ μυῖα σπλῆνα, id est Habet et musca splenem.

Simillimum illi: Et pueri nasum rhinocerotis habent. Item illi: Ἔνεστι καὶ μύρμηκι χόλος, id est Inest et formicae bilis. Olet fecem.

— Traduction : "Même une mouche se met en colère."

*la rate est un organe qui était considéré comme le siège de la colère, d'où la traduction "se met en colère» pour habet splenem.

Inventaire : Iris fétide Iris foetidissima ;  sept insectes :

  •  à midi : Heteroptera :Tritomegas bicolor
  •  à 5heures : Muscidae sarcophaga carnaria, "Mouche à damiers".
  • à 11 heures : Ichneumonidae Pimpla rufipes ?
  • Phrygane ?

Pour une image impeccable : http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/art-object-page.69742.html

 

 


 

Planche LXXVI.

 Une fleur, sept insectes.

  •  à 3 heures : Cerambycidae Rhamnusius bicolor
  • à 8 heures : Rhynchite.

 


 


 

Planche LXXVII.

Une fleur, dix insectes.

  • Sphingidae Macroglossinae Macroglossum stellatarum "Sphinx colibri"
  • Ephemeroptera
  • Cerambycidae Rhamnusius bocolor

 


 


 

Planche LXXVIII

Inscription supérieure : Improba musca.

— Traduction : "Mouches importunes !"

— Sources :

a) Phèdre, Fabulae, Calvus et Musca (L'Homme chauve et la mouche" : "te, animal improbum generis contempti ,quae delectaris bibere sanguinem humanum ! »   "toi, animal pervers d'une espèce méprisée, qui te plais à boire le sang humain! »

b) Lactance, Symposium sive centum epigrammata  : Musca : Improba sum, fateor, quid enim gula turpe veretur ?

cf. Gaffiot Improbus, a : mauvais, méchant, vil, éffronté, impudent, qui ne laisse pas de répit.

— Commentaire : l'expression improba musca semble être devenue proverbiale et se retrouve ensuite dans la poésie latine tardive. 

— Illustration : dix insectes :

  • au centre, le grand Ichneumon Lissonota setosa à la longue tarière.1
  •  à 8 heures, Cerambycidae Anaglyptus mysticus aux longues antennes 
  • à 3 heures, Cerambycidae : Clytus arietis ??
  • Coccinellidae : A 14 points ?? (points carrés)

 

 

 


 

Planche LXXXVIX

12 insectes. 5 Hétéroptères (Punaises) 

  • Hemiptera Heteroptera Pentatomidae Palomena prasina ou "Punaise verte"
  • Hemiptera Pyrrhocoris apterus "Gendarme", ou bien Coryzus hyoscami
  • Hemiptera
  • Hemiptera
  •  

 

 


.

.

 

 

Planche LXXX

Plante : Viola tricolor ou "Pensée sauvage".


 

Inscriptions. Planches supplémentaires de Berlin.


 

Planche non numérotée (Berlin)

 

Inscription : SANCTUM ET TERRIBILE NOME[N]​ EIUS.

Initium sapientiae timor domini ps. 110

:— Traduction : [Il a envoyé la délivrance à son peuple, Il a établi pour toujours son alliance;] Son nom est saint et redoutable. 10 La crainte de l'Éternel est le commencement de la sagesse; [Tous ceux qui l'observent ont une raison saine. Sa gloire subsiste à jamais.] Trad. Louis Segond.

Source : Biblia Sacra Vulgata :Psaume 110 (111) verset 9 et 10

Commentaire :

— Illustration : Coleoptera Scarabeidae Dynastinae  Megasoma elephas  [ou M. acteonmâle ; "Scarabée éléphant".

Dans les deux cas, il s'agit (pour la première fois) d'une espèce exotique. On retrouve ce scarabée à la planche I,1 de l'Archetypa de Jacob Hoefnagel, sous forme d'une gravure sur cuivre, noir et blanc : il a été identifié comme Megasoma elephas par un zoologiste  dans l'édition 1994 de T. Vignau-Willberg. L'une des différences entre elephas et Megasoma acteon est que le premier est  couvert de courts poils brun-jaunâtres alors que le second est noir, et glabre. Le premier vient du Mexique et Vénézuéla, l'autre de la Guyane, du Surinam et du nord de l'Ammérique du Sud. Dans les deux cas, le pronotum porte deux cornes tournées vers l'avant  et la corne céphalique est bifide. Le premier à avoir été décrit est acteon, par Linné dans le Systema naturae de 1758 : il ne cite par Hoefnagel parmi les références. Elephas a été décrit par son élève Fabricius en 1775.  

Je conclue à Megasoma elephas, à la pilosité des élytres usées par frottement.

Le Scarabée éléphant  avait été importé aux Pays-Bas depuis son habitat naturel dans le sud de l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud au XVIe siècle. Comme  animal exotique, c'était un élément précieux dans les cabinets de curiosités.

 

Planche XIIII

Inventaire : 

  • Lepidoptera Nymphalidae Satyridae [Maniola jurtina]
  • Lepidoptera Nymphalidae Inachis io ?
  • Lepidoptera Pieridae Colias crocea
  • Lepidoptera chrysalide
  • Lepidoptera chrysalide.

Berlin planche XXIX

— Inventaire :

Une plante : Ancolie

Huit insectes :

  • Lepidoptera 
  • Lepidoptera Pieridae [Aporia crataegi]
  • Lepidoptera Erebidae Arctiinae Arctia caja L. "L'Herissonne"
  • Ephemeroptera
  • Ephemeroptera
  • Coleoptera
  • Coleoptera
  • Diptera

 

 

 

 

Berlin planche XXXV

 

a) inscription supérieure en rouge pourpre :QVOT IN CAMPO FLORES:

Traduction : infra

Source : anonyme

b) inscription inférieure  :TOT SVNT IN AMORE DOLORES.

Traduction : Autant de fleurs dans les prés, autant de douleurs dans l'amour. 

Source : pour la seconde inscription : Ovide, Artis amatoriae (L'Art d'aimer) livre II vers 520  :

Litore quot conchae, tot sunt in amore dolores :

Quae patimur, multo spicula felle madent.

"L'Athos a moins de lièvres, l'Hybla moins d'abeilles, l'arbre de Pallas moins d'olives, le rivage de la mer moins de coquillages, que l'amour n'enfante de douleurs."

 

c)  Inventaire : Deux plantes : Oeillet (œillet du poète)  et  4 insectes. 

  • Dermaptera Forcicula auricularia "Perce-oreille"
  • Lepidoptera Nymphalidae
  • Lepidoptera 
  •  


 

Sources et liens : 

LECLERCQ (J.) 1987 – Qui fut le premier entomologiste belge? Je propose Joris Hoefnagel (1542-1600). Bull. Annls Soc. r. belge Ent., 123: 353-357.   

 LECLERCQ, J., THIRION, C., 1989 -" Les insectes du célèbre diptyque de Joris Hoefnagel (1591) conservé au musée des Beaux Arts de Lille" . Bull. Ann. Soc.R. belge Ent., 125, 302-308. (non consulté)

— ÉRASMEAdagia (1508) Textes présentés par le Groupe Renaissance Âge Classique (GRAC - UMR 5037) Jean-Christophe SALADIN Lyon 2010  in Corpus Corporum,  Université de Zürich http://www.mlat.uzh.ch/MLS/xanfang.php?tabelle=Desiderius_Erasmus_cps4&corpus=4&lang=0&allow_download=

— HENDRIX (Lee) VIGNAU-WILBERG (Thea) 1992 Mira calligraphiae monumenta: A Sixteenth-Century Calligraphic Manuscript Inscribed by Georg Bocskay and Illuminated by Joris Hoefnagel

— JORINK (Eric) 2010 Reading the Book of Nature in the Dutch Golden Age, 1575-1715, Leiden, Koningklijke Brill NV. Numérisé par Google

— JORINK (Eric) 2006  Het ‘Boeck der Natuere’ Nederlandse geleerden en de wonderen van Gods schepping 1575-1715 Primavera Press Leiden: numérisé dbnl 

http://www.dbnl.org/titels/titel.php?id=jori009boec01

LINNÉ, (Carl) 1758, Systema naturae :http://www.biodiversitylibrary.org/item/10277#page/3/mode/1up

http://en.wikipedia.org/wiki/Neuroptera_in_the_10th_edition_of_Systema_Naturae

 — NERI (Janice) 2011  The Insect and the Image: Visualizing Nature in Early Modern Europe, 1500-1700, University of Minnesota Press.

WILLBERG VIGNAU-SCHUURMAN (Theodora Alida Gerarda) 1969  Die emblematischen Elemente im Werke Joris Hoefnagels. Leiden : Universitaire Pers, 1969.Leidsche Kunsthistorische reeks, deel, Nr.2.

 VIGNAU-WILBERG (Thea) 2007,  "IN MINIMIS MAXIME CONSPICUA. Insecten darstellungen um 1600 und die anfänge der entomologie", in Early Modern Zoology: The Construction of Animals in science, literature and the Visual Arts publié par Karel A. E. Enenkel,Paulus Johannes Smith , Volume 7,Numéro 1 pp. 217-243. numérisé Google

 VIGNAU-WILBERG (Thea), 2013  Pieter Holsteijn The Younger 1614-1673. Alderhande kruypende en vliegende gedierten. Diverse Crawling and Flying Animals (Englisch) Taschenbuch Daxer & marschall munich 2013

 

 http://daxermarschall.com/cms/upload/catalogues/Insects_DaxerMarschall.pdf

les escargots dans Archetypae https://huntingforsnails.wordpress.com/2014/05/03/120-hoefnagel-1592/

 Les escargots dans Allégorie d'Hoefnagel :https://huntingforsnails.wordpress.com/2014/04/01/89-joris-hoefnagel/

— Site RKD Netherlands :

https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=ignis+hoefnagel+berlin&start=0

— Site National Gallery of Art Washington : 

http://www.nga.gov/content/ngaweb/Collection/artist-info.2569.html?artobj_artistId=2569&pageNumber=1

 


 

Voir British Museum

Scarabei Umbra, plate 1 in pt. 2 of the book, Archetypa studiaque patris… (Frankfurt: n. p., [15]92), parts 1-4 in 1 vol.

Plate 1: A large scarab in the upper middle, flanked by two plants on the outer left and right; the plant on the outer left has a butterfly on top of it; the plant on the right a caterpillar; a mosquito below the scarab on the left; a small spider direct below the scarab; a twig of rosemary and a pear in the lower left corner; a small fish in the lower middle; an apple and a rose in the lower right corner; after Joris Hoefnagel. 1592
Engraving with surface tone

Lettered within image in upper middle: "SCARABEI VMBRA." and in lower middle "Rosam quae praeterierit ne quaeras iterum" numbered in lower left corner: ".1." and in the lower right corner ".2."

Scarabei Umbra : Erasme : Kavoggrrec id est, Scarabei umbra. Dictum est de inani metu, quod hoc insectu repente advolans, nonnunquam terrere soleat parum attentum, Recensetur a Diogeniano

Peur irraisonnée d'un insecte entré subitement. Cité par Diogène.

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Published by jean-yves cordier
5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 18:19

Inscriptions et insectes dans l'Ignis de Hoefnagel (III) : discussion et décomptes.

Voir dans ce blog sur Hoefnagel :

.

.

I. Inscriptions.

Parmi les 80 planches d'Ignis, (83 en incluant les planches de Berlin) 32 comportent des inscriptions, toutes latines, placées au dessus de l'ovale présentant le ou les insectes étudiés, et, lorsque la planche comporte deux citations, au dessous de cet ovale.

Au total, cela forme un corpus de 43 inscriptions, brèves, en lettres capitales ou en minuscules, sans références d'auteur (sauf 2 références bibliques), constituées d'une, deux, ou exceptionnellement (page 2 et 3) trois lignes.

Leur source est identifiable dans la quasi totalité des cas, regroupant 9 auteurs : la Bible dans 5 cas, Esope (1), Ovide (2), Virgile (2), Pseudo Virgile (1), Augustin d'Hippone (1), Palingène (2), Ausone (4), et Érasme (19 ).

On peut y distinguer un premier ensemble introductif à thème religieux et cosmique, lié au thème du Feu du titre Ignis, et constitué des quatre premiers folio, et un second ensemble "entomologique", en ce sens qu'il commente les planches d'insectes.

Dans le premier ensemble, l'intention est de préciser la place de l'Homme face aux mystères de la création et de la grandeur du Créateur, mystères dont le Feu (Ignis), puissance destructrice et fécondatrice dépassant infiniment l'Homme, est emblématique. Hoefnagel fait appel aux psaumes 103, 110, 112, 146 et au Livre de Job 14:1, au De Civitate d'Augustin d'Hippone, mais aussi à l'auteur (pseudo-Virgile) du poème cosmologique Etna. La présentation de "l'homme sauvage" Pedro Gonsalvus et de sa famille est l'occasion d'une méditation sur la nature humaine : quelle est le propre de l'humain, quelles sont les limites de l'animalité ?

L'interprétation de cette introduction imposerait de développer le contexte historique sur le plan religieux (Influence de la Réforme et de l'accès direct aux textes bibliques), historique (Guerres de religion ; saccage d'Anvers en 1576 par les troupes espagnoles provoquant la fuite des intellectuels, artisans et artistes) et culturel (à la cour de Guillaume V duc de Bavière — Guillaume le Pieux, catholique ardent— puis à la cour de Rodolphe II.).

Le second ensemble fait principalement appel aux Adages d'Érasme, dans ce qui constitue un véritable Bestiaire où les insectes comme les mœurs de la mouche (Musca), la cigale (Cicada), la fourmi (Formica) ou la guèpe (Vespa) deviennent emblématiques par anthropisation des mœurs humaines, dans une visée moralisatrice enracinée dans la Vertu antique mais aussi dans la pensée de la réforme. Là encore, il faudrait rappeler le contexte, le goût pour les Emblemata depuis l'ouvrage fondateur d'Alciat, l'intérêt pour les formes brèves comme les Devises apposées (c'est le sens étymologique du mot emblème) à des motifs illustrés.

Malgré leur brièveté, la vingtaine d'adages d'Érasme ouvre largement vers la littérature antique, notamment vers les fables d'Ésope et de Phèdre. Dans notre mémoire et notre imagerie, les insectes sont souvent liés dès notre enfance aux fables de La Fontaine, et leur étude entomologique n'efface jamais ces anciennes traces. Hoefnagel en rend compte ici.

L'un des thèmes principaux des adages est d'illustrer la vanité et la prétention prêtées aux insectes ; thème dont les fleurs, et notamment les roses, sont également les plus anciens et les plus fréquents emblèmes. Le poème "Les roses naissantes" d'Ausone apporte, par une dizaine de vers, une illustration charmante de ce thème, et incite à découvrir cet auteur.

De même, Nous découvrons aussi Palingène, pseudonyme de Pier Angello Manzolli , et son Zodiaque de la Vie, dont les signes du Cancer et de la Vierge traversent l'Ignis.

Récapitulatif.

  • La Bible : Psaume 103 ; 110 ; 112 ; 146. Livre de Job 14:1

  • Augustin d'Hippone De Civitate X:12

  • Esope, Fable 61 Formica et Cicada

  • [Phèdre, Fabulae, Calvus et Musca] citation non littérale.

  • Ovide, Métamorphoses I et VII:826

  • Virgile, Géorgiques IV :83 et 184

  • Pseudo-Virgile, Etna 251-252

  • Ausone, Idylle XIV : 6 citations

  • Palingène, Zodiacus vitae IV (Cancer) et VI (Virgo).

  • Érasme, Adages 2145 ; 1123 ;334 ; 63 ; 124 ; 4402 ; 1540 ; 1796 ; 84 ; 1905 ; 1089 ; 466 ; 1084 ; 3643 ; 869 ; 3612 ; 828 ; 414 ; 60 ; 2601 ; 2660 ; 2087 ; 771 ; 2407 ...

  • la Bible dans 5 cas, Esope (1), Ovide (2), Virgile (2), Pseudo Virgile (1), (1), Palingène (2), Ausone (4), et Érasme (19 ).

II. Décompte entomologique et identification.

J'ai compté 468 insectes représentés sur les 83 planches étudiées. Parmi ceux-ci, j'ai identifié 47 des 96 papillons dans un article précédent, et j'ai identifié plus de quarante autres insectes dans les deux articles consacrés aux inscriptions, soit environ 1/5ème du total. Il est évident que ce score peut (doit) être amélioré par des entomologistes patentés. Mais la comparaison entre la définition des images heureusement disponible grâce à RDK Netherlands, et celle des rares (10) images proposées par la National Gallery de Washington montre que la consultation directe des planches, ou d'images numérisées de bonne qualité peut permettre d'aller beaucoup plus loin dans cette recherche.

Or, l'enjeu est loin d'être anecdotique, puisque nous avons affaire à la première collection systématisée d'illustration d'insecte jamais réalisée au monde, et que nous sommes ici devant le berceau de l'entomologie en tant que science individualisée et méthodique.

Il est possible que ces peintures correspondent à une collection réelle, à laquelle Hoefnagel aurait eu accès, a priori à Munich à la cour de Guillaume de Bavière, mais aussi à celle de l'archiduc Ferdinand de Tyrol au château d'Ambras à Innsbruck, ou auprès d'un bourgeois naturaliste : sa profession accessoire de "marchand" (qui est aussi celle de son frère) le mettait en contact avec beaucoup de gens. Il est tout aussi possible qu'il s'agisse d'une collection conservée en France (séjour à Bourges et à Orléans), en Espagne, en Suisse (pensons à Gessner) ou en Italie (pensons à Aldrovandi) puisque Hoefnagel a séjourné dans ces pays, ou encore dans les Provinces-Unies. Enfin, le peintre a pu —comme le fera Ernst pour Engramelle en 1779— se déplacer et enrichir son port-folio lors de chacun de ses déplacements et de ses contacts avec des collectionneurs.

Quoiqu'il en soit, nous constatons que cette collection illustrée est structurée par une systématisation qui prouve que le souci scientifique co-existe avec le souci artistique, et que ces deux desseins se servent mutuellement plutôt qu'ils ne s'excluent. En effet, les insectes sont groupés en planches majoritairement cohérentes, en débutant par les lépidoptères (eux-mêmes assez bien répartis en rhopalocères et en hétérocères), en poursuivant par les araignées, les coléoptères, les orthoptères, les odonates, les diptères et coléoptères. Malgré un certain désordre lié peut-être à des impératifs de mise en place sur le cadre strict de l'ovale, certaines planches sont très homogènes et témoignent d'une pensée et d'une analyse classificatrice qui rompt avec les peintures d'insectes des enluminures de Livres d'Heures et des peintures primitives flamandes où la symbolique chrétienne ou moralisatrice des animaux présidaient à leur choix.

J'ai déjà montré comment le choix du cadre ovale doré aux marges vides et où sont placés les insectes témoignent aussi d'une focalisation sur le spécimen qui est propre à la pensée entomologique. Mais la précision des détails des insectes, la fabuleuse reproduction de la nervation alaire des libellules par exemple, est significative aussi de cette pensée. Il a été suggéré que cette précision supposait l'emploi d'un microscope. Mais s'il s'agissait d'une simple loupe, son utilisation montre tout autant que le souci de reproduction exacte du spécimen était une obsession qui primait sur le souci de l'effet artistique.

14 planches comportent des fleurs, soit seules, soit dans la composition : les voici :

  • Mirabilis japala

  • Antirhinum majus : Muflier à grande fleurs ou Gueule de loup

  • Rose (à préciser sur le plan botanique)

  • Aquilegia vulgaris Ancolie.

  • Dianthus ou œillet (Dianthus barbatus ou œillet du poète ?)

  • Jasmin

  • Baie d'if Taxus baccata

  • Rosa canina Églantier

  • Narcissus poeticus ou Narcisse du poète.

  • Iris foetidissima ou Iris fétide

  • Viola tricolor ou Pensée sauvage.

Inventaire entomologique très provisoire.

Attention, aucune de ces identifications n'a été validée par un entomologiste patenté.

LÉPIDOPTÈRES :

I. Rhopalocères = 23 espèces.

— Hesperidae Hesperinae
— Pieridae Pierinae :
• Anthocharis cardamines
Pieris [mannii]
• Pontia d
aplidice
Pieris sp.
• Aporia
crataegi
— Pieridae Coliadinae
Gonepteryx rhamni ♂ et ♀
• Colia
s crocea
— Papilionidae Papilioninae
• Papilio machaon.
— Nymphalidae :
Nymphalis antiopa
• Polygonia c-album
• Vanessa cardui
• Aglais urticae
• Maniola jurtina
Pyronia tithonus
• Argynnis paphia
Vanessa atalanta
Argynnis [aglaja ?]
Hipparchia semele
Lasiommata megera ♂
— Lycaenidae
Thecla betulae
• Satyrium sp. (Satyrium pruni?)
• Polyommatinae [Eumedonia eumedon??]


II. Hétérocères : 24 espèces.


— Geometridae
• Ennominae Abraxas grossulariata

• Ennominae Pseudopanthera macularia L.
Xanthorhoe fluctuata
Idaea aversata
— Sphingidae
• Sphingidae Macroglossinae Macroglossum stellatarum
• Sphingidae Macroglossinae Hyles euphorbiae
• Sphingidae Sphinginae Agrius convolvuli
• Sphingidae Smerinthinae Smerinthus ocellata
— Notodontinae
• Stauropinae Harpyia milhauseri
— Limantriidae
Euproctis chrysorrhoea (L.) ou E. similis.
— Noctuidae Noctuinae
• Noctua pronuba

• Triaena psi
Melanchra persicaria
• Autograp
ha gamma
Euclidia glyphica ?
• Noctuinae Acronictinae Acronicta lepinora L.ou Lymandra dispar
— Noctuidae Catocalinae
Catocala fraxini
Catocala nupta
— Arctiidae
• Tyria jacobaeae
• Arctinae Spilosoma [urticae ; lubricipeda ]
• Arctia caja

  • Eilema sp.

— Pyralidae
• Pyralis farinalis
— Pterophoridae
Pterophorus pentadactylus
— Tortricidae Tortricinae
Cacoecimorpha pronubana

ODONATES.

— Zygoptères.

plusieurs à identifier.

Calopteryx splendens.

— Anisoptères.

  • Brachytron pratense "Aeschne printanière".

  • Aeshna cyanea "Aeschne bleue"

  • Orthetrum cancellatum ? "Orthetrum réticulé"

  • Orthetrum brunneum ?

  • Sympetrum sanguineum ♂ et ♀.

  • Sympetrum pedemontanum "Sympetrum du Piémont"

ORTHOPTÈRES

— Criquets.

  • Oedipoda caerulescens "Oedipode bleue"

  • Acridinae : Acrida ungarica mediterranea ??

— Sauterelles.

  • Ruspolia nitidula ?

  • Platycleis tessellata ?

  • Plusieurs à identifier.

— Grillons.

  • Gryllus campestris "Grillon champêtre"

  • Gryllotalpa gryllotalpa "Courtilière"

MANTOPTERA

  • Mantis religiosa "Mante religieuse".

BLATTOPTERA

  • Blatta orientalis "Blatte orientale"

ARACHNIDA (N'appartiennent pas aux Insecta)

  • Aculepeira ceropegia "Épeire à feuille de chêne".

EPHEMEROPTERA

HETEROPTERA (PUNAISES)

  • Tritomegas tricolor.
  • Coryzus hyoscami
  • Pentatoma rufipes
  • Palomena prasina ?

MECOPTERA

Panorba communis "Mouche scorpion".

HYMENOPTÈRES

  • Apis mellifera

— Vespidae

  • Delta unguiculatum

​—

  • Bombus pascorum etc... en cours

—Formicidae.

  • Lasius niger.

ICHNEUMONIDAE

  • Gasterupion jaculator ?
  • Pimpla pedalis
  • Lissonota setosa

DIPTERA

— Tipulidae.

  • Tipula maxima "Grande Tipule"
  • Ctenophora festiva
  • Nephrotoma flavescens

​— Mouches

  • Musca domestica
  • Sarcophaga carnaria "La Mouche à damiers"

​COLEOPTERA

— Lucanidae

Lucanus cervus

— Scarabaeidae

  • Oryctes nasicornis.

— Cerambycidae.

  • Saperda scalaris
  • Oxymirus cursor
  • Plagionotus arcuatus "Clyte arqué"
  • Rhamnusium bicolor

— Meloidae

  • Meloe proscarabens

— Cleridae

  • Trichodes favarius

​— Curculionidae

  • Rhinchites auratus

Coccinellidae

  • Coccinella septempunctata

​III. Hoefnagel et la zoonymie.

Les noms d'insectes ne sont apparus, timidement, qu'au XVIIe siècle et ont attendus le Systema Naturae de Linné en 1758 pour se systématiser. Il nous est très difficile de changer de paradigme et de comprendre la pensée de nos ancêtres, et encore plus des naturalistes, pour imaginer comment ils ont pu observer, étudier, collectionner, peindre les centaines d'insectes différents sans les nommer, mais tout indique qu'il en allait ainsi. Avant de découvrir ces planches, je pensais que l'absence de noms montraient que les êtres humains côtoyaient et voyaient ces insectes sans les étudier, sans les connaître, sans s'y intéresser. Je suis pour ma part parfaitement capable de passer des heures entières, pendant des années, sans m'intéresser aux modèles de voiture qui m'entourent, me croisent et me dépassent, et de ne pas connaître leur noms. Je pensais que l'absence de nom d'insectes témoignait de l'absence de toute pensée et de toute connaissance entomologique. L'œuvre d'Hoefnagel me démontre le contraire. Il y eut d'abord une connaissance artiste des insectes sans description, sans désignation et sans pensée entomologique ( Hans Memling 1467, Bosch, ...) puis une étude entomologique avec une systématique et description visuelle sans description écrite (Hoefnagel 1575), puis des descriptions écrites des spécimens, avec planches illustrées et quelques noms (plutôt des adjectifs que de vrais Noms propres) (Aldrovandi 1602), puis de vrais noms propres accompagnés de descriptions écrites et de planches (Petiver, 1695-1710), puis d'une systématisation générale et d'une onomastique réglée (Linné, 1758.

Autrement dit, nous sommes passés :

1. d'une étude entomologique sans dénomination.

2. à une désignation par références [Diagnose + nom d'auteur et d'ouvrage + n° de planche et de figure] (la triade de Cordier, mais ne la cherchez pas sous ce nom)

3. à un Nom Propre.

Les trois étapes sont séparées par un fossé conceptuel irréversible, que nous ne pouvons pas franchir en arrière pour concevoir le temps des insectes sans désignation, ou celui des insectes sans nom. Il a fallu le coup de génie linnéen pour introduire dans la pensée le principe de baptiser les êtres animaux, aussi vils ou aussi petits soit-il.

Le paradoxe, qui est aussi une clef pour avancer dans cet épais mystère, est que les illustrations d'insectes dépourvus de noms et de désignations figurent, non pas isolés de tout texte, mais, au contraire, dans des objets saturés soit de symboles (Memling), soit d'écritures. Dans les Livres d'Heures, et les exemples les plus éloquents sont celui d'Anne de Bretagne, celui de d'Anne de Clèves, ou celui de Philippe de Clèves, qui fut illustré par Hoefnagel lui-même, les insectes (souvent des papillons) figurent dans les marges, ce statut marginal soulignant qu'ils ne sont que secondaires par rapport aux écritures sacrées du centre. Mais dans Ignis, les devises, proverbes, adages, les vers de psaume et de poème, inversent cette disposition et occupent désormais une place hors cadre, en dehors de l'ovale d'étude entomologique. Néanmoins, les données écrites n'en sont pas moins capitales : elles sont considérées, à l'époque, comme ce qui se fait de mieux dans le domaine du Savoir, car ces citations des Anciens font référence. Si bien que le De animalibus insectis d'Aldrovandi, qui n'a plus aucune prétention artistique mais se veut une étude scientifique des insectes, développe après les descriptions des espèces des chapitres sur les Proverbes et sur les citations des auteurs anciens. Dans le concept de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, adjoindre à une espèce animale la compilation de références littéraires antiques est la façon jugée nécessaire pour désigner, par la sorte d'étiquette que ces références façonnent, cette espèce. Autrement dit, l'important corpus de fables et de psaumes, d'adages et de poèmes n'est pas, pour Hoefnagel, une partie littéraire, mais, à part entière, la caractérisation entomologique des insectes représentés. Cette première œuvre fondatrice de l'entomologie s'est dégagée, par son regard OBJECTIF, des Bestiaires médiévaux, mais c'est néanmoins au bestiaire littéraire qu'elle fait appel dans des citations à fonction dénominatrice, pour la simple raison qu'aucun autre moyen n'est encore disponible. Relier un papillon jaune et noir doté d'une queue au nom d'un médecin de l'Iliade d'Homère, afin que ce nom serve de support bref et consensuel et que le simple nom de Machaon puisse porter ("évoquer") à la fois une image et les données qui le concernent nous paraît parfaitement évident. En réalité, ce fut, pour le cerveau humain, un long travail jusqu'à la maïeutique de Linné.

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Published by jean-yves cordier - dans histoire entomologie
5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 11:00
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.
Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.

Planches de l'album Ignis de Joris Hoefnagel.

Inventaire des papillons (Lepidoptera) figurant dans Animalia rationalia et insecta (Ignis) de Joris Hoefnagel, 1575-1582.

Voir dans ce blog sur Hoefnagel :

.

Résumé.
Le manuscrit Animalia rationalia et insecta a été peint par le miniaturiste anversois Joris Hoefnagel en 1575-1582 pour les ducs de Bavière. Conservé dans des collections privées jusqu'en 1987, puis acquis par la National Gallery de Washington en 1987, il est désormais consultable en ligne, ce qui permet de dresser un inventaire de ce qui constitue le premier témoignage illustré et complet d'une collection entomologique européenne (centrée sur la Bavière) dans l'histoire de l'Entomologie. Il comporte 80 (?) planches consacrées aux différents insectes, incluant les araignées. Dans les 35 premières, on peut compter 88 papillons (96 en incluant des planches conservées à Berlin) parmi lesquels 47 espèces différentes peuvent être identifiées avec un niveau assez satisfaisant de certitude et de précision : 23 rhopalocères et 24 hétérocères.


Préambule.
Hoefnagel reçu l'une de ses premières commandes alors qu'il travaillait à Munich pour le duc de Bavière Albrecht V auquel succéda à partir de 1579, le très catholique Guillaume V.
Le manuscrit rassemble 277 folios finement dessinés et colorés à l'aquarelle et la gouache sur
parchemin, présentant plus de 1000 animaux, chacun dans un ovale doré avec inscriptions latines et le numéro de la planche en chiffres romains. Les dimensions des planches sont de 143 x 184 mm.
Entre chaque vignette une feuille blanche comporte souvent des inscriptions supplémentaires, qui, comme celles de la vignette elle-même, sont souvent issus de la Bible, des Adages d'Erasme et d'autres sources. Il se compose de quatre parties qui symbolisent les éléments: la terre (Terra) représentés par les quadrupèdes et les reptiles (Animalia Quadrupedia et Reptilia), l'air (Aier) avec les animaux qui volent et les amphibiens (Animalia Volatilia et Amphibia), le feu (Ignis) avec des êtres rationnels (humains) et d'insectes (Animalia rationalia et insecta ) et enfin l'eau (aqua) et les animaux qui vivent dans l'eau, et les crustacés (Animalia aquatilia et conchiliata ). Les quatre parties sont rassemblées dans des reliures de maroquin rouge avec des coins et crampons dorés, qui sont conservées dans des coffrets matelassés (provenant de la bibliothèque de Henry Huth, 1913). Chaque section commence par un titre avec le monogramme de l'artiste (G/HF). Des dates allant de 1575 à 1582 sont portées sur certaines feuilles. Le manuscrit actuellement à Washington est demeuré en grande partie complet, deux feuilles se trouvant à Paris, au musée du Louvre, inv. nr RF 38985 (Aigle), 38987 (Vue de Naples). D'autres dessins similaires, qui ont probablement été faites pour une série parallèle avec les mêmes chiffres, mais avec des animaux différents sont soit à Berlin au Kupferstichkabinett, Staatliche Museen , inv. nr KDZ 4806-4821; soit à Prague, Narodni
Galerie inv. nr. R 37382 et 37383 ; soit à Weimar, Kunstsammlungen, Kupferstichkabinett, inv.
nr. KK 122 (Paon), 123; soit à Paris, Musée du Louvre, inv. nr. RF 38986 (Bélier) ; soit pour trois
folios dans une collection privée de Sürth près de Cologne. (Source :
https://rkd.nl/nl/explore/images/120530). Ces planches parallèles sont inventoriées ici après l'étude du codex de la National Gallery de Washington.
Par certains aspects, le travail ressemble à un livre d'emblème avec ses devises latines,
épigrammes et versets de la Bible. Mais toutes les images sont placées à l'intérieur d'un ovale doré, qui délimitent une surface d'observation scientifique conférant aux animaux (dont l'Homme) représentés le statut de spécimen d'Histoire naturelle. Hoefnagel n'a pas créé toutes les œuvres, mais il a plutôt copié celles d'autres artistes, comme les dessins d'animaux des Naturstudien peints par le peintre anversois Hans Verhagen den Stommen pour l'empereur Rodolphe II, et les gravures sur bois de l'Historia animalium de Konrad Gessner Zurich 1549-1556, vol. IV . Mais pour la partie sur les insectes, il n'existe pas d'œuvres préalables, et les dessins sont vraisemblablement le travail original de Hoefnagel. Il a pu prendre comme modèle une collection d'entomologie, peut-être réunie dans un Cabinet de curiosité (Kunst- und Wunderkammer ou « chambre de l’art et des merveilles ») des ducs de Bavière à Munich. L'origine des insectes décrits est une question importante, mais non résolue. Je consacre en Annexe une discussion sur ce point.
Le manuscrit enluminé représente un important monument de la science du 16ème siècle en
fournissant un recueil de l'ensemble des animaux connus du monde. Surtout, il va fournir aux
peintres des Natures-mortes flamandes une grande quantité de modèles d'insectes, qu'ils copieront pour les disposer autour de bouquets ou de compositions diverses. (Voir Jan van Kessel par exemple). Dès 1592, son fils Jacob Hoefnagel en reprendra les modèles présentés en gravure sur cuivre dans l'Archetypa studiaque patriis, afin d'être diffusé par l'impression.
Le manuscrit a été probablement « offert » — pour 1000 écus d'or — par l'artiste à l'empereur
Rodolphe II au début de son engagement à sa cour vers 1590 ; il est resté dans les collections
impériales à Prague jusqu'en 1612, puis a été acquis par des collectionneurs privées successivement à Vienne, à Munich, à Salzbourg, à Munich ou à Augsbourg, puis à Londres en 1861, et enfin à Philadelphie (Pennsylvanie) en 1946. En 1987, il a été légué à la suite de la succession de Mme Lessing Rosenthal à la National Gallery of Art de Washington où il est désigné sous le nom d' album Rosenwald (De vier elementen). C'est dire que les naturalistes européens, puis mondiaux qui ont décrit les espèces zoologiques et référencés leurs illustrations, à commencer par Linné, n'y ont pas eu accès. Outre à la National Gallery, divers folios sont conservés dans différents musées dont le Kupferstichkabinet de Berlin (Pl.XXIX), le Musée du Louvre à Paris et dans diverses collections privées.


Matériel et méthode.
Le site de la National Gallery, NGA.gouv. et le site néerlandais RDK.nl https://rkd.nl/nl/ donnent
accès en ligne aux différentes planches du volume que Hoefnagel consacre aux insectes. L'ensemble des planches a été examiné, pour ne retenir que celles qui représentaient des papillons. Les planches VI à XXXIV, et la planche XXXXIV ont été étudiées pour en identifier les espèces, en utilisant les guides et manuels contemporains (M. Chinery, Insectes de France et d'Europe ; T. Lafranchis, Les Papillons de Jour ; etc.) et les sites d'identifications en ligne (Lepinet ; Ukmoths ; etc.). Ce travail d'amateur n'a pas été effectué à ma connaissance, ou bien les résultats n'ont pas été publiés : ses résultats pourront sans-doute être corrigés, et certainement être améliorés, notamment par l'accès aux planches elles-mêmes. Dans un certain nombre de cas, l'identification n'était pas certaine, mais suffisamment probable pour avoir été retenue, en arguant du fait que, l'artiste ayant représenté dans l'ensemble des espèces courantes, il fallait choisir la solution la plus facile.


Les planches sont consultables ici :
https://rkd.nl/en/explore/images#filters[naam]=Hoefnagel%2C%20Joris&start=150
https://rkd.nl/en/explore/images/record?filters[naam]=Hoefnagel%2C+Joris&query=&start=161


Résultats. Inventaire entomologique des papillons (Lepidoptera) Elementa depicta Pars
III :Animalia rationalia et insecta (Ignis), de Joris Hoefna
gel, 1575-1582.

Pour les rhopalocères, AE = "ailes étalées"
On compte 88 (Codex de Washington seul) à 96 papillons représentés.

Planche VI.

• Nymphalidae Nymphalis antiopa « le Morio » AE.

• Nymphalidae Nymphalis antiopa « le Morio »
• Nymphalidae Polygonia c-album « Le Robert-le-Diable »
Planche VII.
• Papilionidae Papilioninae Papilio machaon « Le Machaon ».
Planche VIII.
• Pieridae Pierinae Anthocharis cardamines « L'Aurore ».
• Nymphalidae Vanessa cardui « La Belle-Dame ».
• Pieridae Pierinae Pieris [mannii]
• Nymphalidae Aglais urticae « La Petite Tortue » AE.
Planche IX.
• Nymphalidae Maniola jurtina « Le Myrtil »
• Nymphalidae Pyronia tithonus « Le Tircis ».
• Pieridae Coliadinae Colias crocea « Le Souci ».
• Pieridae Pierinae Pontia daplidice « Le Marbré-de-vert » AE.
Planche X. (posés sur rameau de Mirabilis jalapa ou « Belle-de-nuit »)
• Lycaenidae Thecla betulae « La Thécla du Bouleau »
• Nymphalidae Argynnis paphia « Le Tabac d'Espagne »
• Pieridae Coliadinae Colias crocea « le Souci » AE.
Planche XI. (avec un Orthoptère: la Courtilière Gryllotalpa gryllotalpa L.).
• Nymphalidae Aglais urticae « La Petite Tortue » AE
• Nymphalidae Vanessa atalanta « Le Vulcain ».
Planche XII. (avec la Courtilière Gryllotalpa gryllotalpa L. vue ventrale)
• Nymphalidae Argynnis [aglaja ?] « Le Grand ? Nacré ». AE et AR
Planche XIII. (avec une libellule Anisoptera)
• Papilionidae Papilio machaon « Le Machaon » AE
• Nymphalidae Vanessa atalanta « Le Vulcain ». AE
Planche XIV.
• Pieridae Coliadinae Gonepteryx rhamni Le Citron.
• Pieridae Pierinae Pieris sp.
• Nymphalidae Vanessa atalanta « Le Vulcain ».
Planche XV.
• Nymphalidae Hipparchia semele « L'Agreste ». Deux exemplaires affrontés
• Geometridae Ennominae Abraxas grossulariata « La Zérène du Groseiller ». Ailes dressées.
• Chrysalides [de Pieridae]

Planche XVI.

• Pieridae Pierinae Aporia crataegi « Le Gazé ».
• Pieridae Coliadinae Colias crocea « Le Souci ».
• Lycaenidae Satyrium sp. (Satyrium pruni?)
• Lycaenidae Polyommatinae [Eumedonia eumedon??] AE et AR
• 2 Chrysalides.
Planche XVII. (avec un Odonate à corps bleu et deux autres insectes +/- 1 fourmi hors cadre)
• Pieridae Coliadinae Gonepteryx rhamni ♀« Le Citron ».
• Nymphalidae Maniola jurtina « Le Myrtil »
Planche XVIII. (avec 7 autres insectes dont 1 zygoptère et deux fourmis)
• Pieridae Pierinae Anthocharis cardamines « L'Aurore ».
• Nymphalidae Lasiommata megera ♂ « Le Satyre ».
• Pyralidae Pyralis farinalis « La Pyrale de la farine ».
Planche XIX. (avec 5 autres insectes)
• Pieridae Pierinae Aporia crataegi « Le Gazé ».
• 3 petites espèces ou à petite échelle. NI.

Planche XX. Inscription Homo Bombylius (avec 4 autres insectes dont deux charançons –Curculio ?)
• Pieridae Pieris sp ?
• ?
• ?
• Chenille « oursonne ».
• 2 chrysalides.
Planche XXI. (avec 8 autres insectes dont 1 punaise, 1 zygoptère, 1 coccinelle)
• Nymphalidae Satyrinae
Planche XXII. (sur rameau fleuri avec un hanneton, un autre insecte)
• Lycaenidae Polyommatinae
• Lycaenidae Polyommatinae
• Arctiidae Tyria jacobaeae « La Goutte-de-Sang ».
• Sphingidae ? butinant la fleur
• ?
• Chenille de ?
Planche XXIII. (sur rameau fleuri de Symphoricarpos albus « Symphorine » ; un autre insecte)
• Sphingidae Macroglossinae Macroglossum stellatarum « Le Moro sphinx »
• Nymphalidae Satyrinae [Erebia??]
• Hesperidae Hesperinae
• ?
Planche XXIV. : Unam Roseam, nec aliquis papilio ...
Planche XXV.
• Sphingidae Macroglossinae Hyles euphorbiae « Le Sphinx de l'Euphorbe ».• Noctuidae Catocalinae Catocala fraxini « La Lichénée bleue »
Planche XXVI.
• Sphingidae Sphinginae Agrius convolvuli (ressemble à …) « Le Sphinx du Liseron »
• Sphingidae Sphinginae Agrius convolvuli, sous un angle différent.
Planche XXVII. (avec deux Coccinellidae et un autre insecte)
• Sphingidae Smerinthinae Smerinthus ocellata Le Sphinx Demi-paon »
• Limantriidae Euproctis chrysorrhoea (L.) ou E. similis. « Le Cul brun » ou « Le Cul doré »
• 2 chrysalides (de Smerinthus ocellata ?)
Planche XXVIII.
• Noctuidae Noctuinae Noctua pronuba « Le Hibou »
• Noctuidae Noctuinae Triaena psi « Le Psi »
• ?
• 5 petites espèces.
Planche XXX.
• Noctuidae Melanchra persicaria « Noctuelle de la Persicaire ».
• Noctuidae Autographa gamma « Le Gamma ».
• Geometridae Xanthorhoe fluctuata ? « La Phalène ondée »
• Pterophoridae Pterophorus pentadactylus « Le Ptérophore blanc ».
• Pterophoridae différent
• Tortricidae Tortricinae Cacoecimorpha pronubana « La Tordeuse de l'œillet »
• Crambinae ?
https://rkd.nl/en/explore/images/record?filters[naam]=Hoefnagel%2C+Joris&query=&start=189
Planche XXXI.
• Notodontinae Stauropinae Harpyia milhauseri « Le Dragon ».
• Arctinae Spilosoma [urticae ; lubricipeda ]
• Geometridae Idaea aversata
Autographa gamma ?
• ?
• ?
• ?
https://rkd.nl/en/explore/images/record?filters[naam]=Hoefnagel%2C+Joris&query=&start=190
Planche XXXII :
• Geometridae Larentiinae Xanthorhoe fluctuata « La Phalène ondée »
• ?
• ?
• ?
• ?
• ?Planche XXXIII (avec une fleur, sept insectes dont 1 orthoptère)
• Noctuinae Acronictinae Acronicta lepinora L. « La Noctuelle-Lièvre ». / ou Lymandra
dispar ♀ « Le Zig-Zag » (?)
• Papillon trop petit peut-être Polyommatinae
https://rkd.nl/en/explore/images/record?filters[naam]=Hoefnagel%2C+Joris&query=&start=192
Planche XXXIV. (avec six autres insectes)
Euclidia glyphica ?
• Trop petit. (Geometridae Chiasmia claratha??)
Planche XXXXIV :
• Geometridae Ennominae Pseudopanthera macularia L. « La Panthère ».

Les planches supplémentaires et parallèles.
Les seules planches supplémentaires comportant des insectes, et accessibles en ligne, sont celles de Berlin. Cela représente un apport de 8 papillons supplémentaires, dont deux espèces nouvelles.


Berlin Planche XIV.
trois papillons et deux chrysalides.
https://rkd.nl/nl/explore/images/121025
• Nymphalidae Satyrinae Lasiommata megera « La Mégère ».
• Nymphalidae Nymphalinae Aglais urticae « La Petite Tortue »
• Pieridae Coilaninae Colias crocea « Le Citron »
Berlin XXIX (avec Ancolie et 5 autres insectes)
https://rkd.nl/nl/explore/images/record?query=hoefnagel+ignis+berlin&start=3
• Arctiidae Arctia caja, « L'Écaille martre »
• Pieridae Pierinae Aporia crataegi « Le Gazé »
• ?
Berlin Planche XXXV (Avec deux fleurs dont œillets, et 2 autres insectes dont Forficula
auricularia)
Légende Quot in campo flores, et, Tot sunt in amore dolores.
• Nymphalidae non identifiable sur le cliché disponible
• Noctuidae Catocala nupta « La Lichénée rouge ».


Liste récapitulative des 47 espèces identifiées sur les 96 papillons représentés.


I. Rhopalocères = 23 espèces.

— Hesperidae Hesperinae
— Pieridae Pierinae :
• Anthocharis cardamines
• Pieris [mannii]
• Pont
ia daplidice
• Pieris sp.
• Aporia crataegi
— Pieridae Coliadinae
• Gonepteryx rhamni ♂ et ♀
• Colias crocea
— Papilionidae Papilioninae
• Papilio machaon.
— Nymphalidae :
• Nymphalis antiopa
• Polygonia c-album
• Vanessa cardui
• Aglais urticae
• Maniola jurtina
• Pyroni
a tithonus
• Argynnis paphia
• Vanessa atalanta
• Argynnis [aglaja ?]
• Hipparchia semele
• Lasiommata megera ♂
— Lycaenidae
• Thecla betulae
• Satyrium sp. (Satyrium pruni?)
• Polyo
mmatinae [Eumedonia eumedon??]


II. Hétérocères : 24 espèces.


— Geometridae
Ennominae Abraxas grossulariata

Ennominae Pseudopanthera macularia L.
Xanthorhoe fluctuata
• Idaea aversata
— Sphingidae
• Sphingidae Macroglossinae Macroglossum stellatarum
• Sphingidae Macroglossinae Hyles euphorbiae
• Sphingidae Sphinginae Agrius convolvuli
• Sphingidae Smerinthinae Smerinthus ocellata
— Notodontinae
• Stauropinae Harpyia milhauseri
— Limantriidae
• Euproctis chrysorrhoea (L.) ou E. similis.
— Noctuidae Noctuinae
Noctua pronuba

Triaena psi
• Melanchra persicaria
• Autographa g
amma
• Euclidia glyphica ?
• Noctuinae Acronictinae Acronicta lepinora L.ou Lymandra dispar
— Noctuidae Catocalinae
• Catocala fraxini
Catocala nupta
— Arctiidae
Tyria jacobaeae
• Arctinae Spilosoma [urticae ; lubricipeda ]
• Arctia caja
— Pyralidae
• Pyralis farinalis
— Pterophoridae
• Pterophorus pentadactylus
— Tortricidae Tortricinae
• Cacoecimorpha pronubana


Discussion.


Avant l'apparition des premières descriptions des collections entomologiques d'Histoire naturelle proprement dites, celle d' Aldrovandi en 1602 et celle de Conrad Gessner par Thomas Mouffet en 1634, et bien avant que les insectes, et notamment les papillons, ne reçoivent des noms scientifiques ou vernaculaires (Aldrovandi 1602 ; Petiver 1695-1703 ; Linné 1746 et 1752 ; Geoffroy 1762), les espèces de lépidoptères européens étaient suffisamment connus pour permettre à un des derniers enlumineurs d'en représenter près d'une centaine, avec une précision irréprochable. Il est aujourd'hui possible d' identifier dans Animalia rationalia et insecta (Ignis), de Joris Hoefnagel, daté de 1575-1582, parmi une centaine de modèles, 48 espèces, dont 23 rhopalocères et 24 hétérocères.
Or, ce manuscrit a été suivi, sous le pinceau d'Hoefnagel, d'un second, réalisé une vingtaine
d'années plus tard, puis ses figures entomologiques ont été reprises par son fils qui leur a fait
bénéficier de la diffusion liée à l'imprimerie. Aussi le corpus d'Histoire naturelle de Joris Hoefnagel (1542-1601) et de son fils Jacob (1575-1630) peut-il être énuméré ainsi:

• Joris Hoefnagel, 1575-1582, Elementa depicta Pars III :Animalia rationalia et insecta (Ignis). Peinture sur manuscrit

• Joris Hoefnagel, Georg Bocksay, 1591-1596 Mira calligraphiae monumenta. Peinture sur
manuscrit.
• Jacob Hoefnagel, 1592, Archetypa studiaque patris Georgii Hoefnagelii, Francfort .
Ouvrage imprimé, gravure sur cuivre.
• Jacob Hoefnagel, 1630, Diversae Insectarum Volatium icones ad vivum accuratissimè
depictae per celebe
rrimum pictorem, Nicolao Ioannis Visscher Amsterdam

On peut y ajouter diverses miniatures créées séparément, comme les deux Allégories du Musée de Lille.
J'ai donc été amené à dresser aussi l'inventaire des lépidoptères pour les trois ouvrages ultérieurs, ce qui permet d'en comparer les résultats.


I. Joris Hoefnagel ; Mira calligraphiae, 1591-1596.

J'indique par une astérisque les espèces nouvelles. 61 papillons représentés.
Rhopalocères : 7 espèces identifiables .
— 7 imagos :
• *Melanargia galathea ssp. galathea (L.)
• *Pararge aegeria (L.)
• *Erebia medusa (D.& S.)
• *Aphantopus hyperantus (L.)
• The
cla betulae (L.)
• *Polyommatus icarus (Rottemburg)
• *Issoria lathonia (L.)
—1 chenille et 3 chrysalides de Pieridae (Pieris brassicae ?)


Hétérocères: 17 dont 12 espèces identifiables.
— 5 imagos. 4 espèces, 1 genre
*Mythimna straminea (Treitschke)
• Abraxas grossulariata (L.)
• Smerinthus oce
llata (L.)
• *Callimorpha dominula (L.)
• Pyrolidae Crambinae.
— 12 chenilles. 8 espèces :
Hyles euphorbiae (L.)
• Agrius convolvuli (L.)
• Macroglossum stellatarum (L.)
• *Hemaris fuciformis (L.)
• Saturnia pavonia
(L.)
• Lasiocampa quercus
• Lasiocampa quercus ; ou Euthryx [Philudoria] potatoria
Acronicta euphorbiae (D.& S.) menyanthides (Esper)


II. Jacob Hoefnagel, Archetypa : 1592
Cette collection de 48 planches comprend de façon non limitative, et parfois en plusieurs exemples les lépidoptères suivants (entre parenthèse si douteux) :


Rhopalocères : 16 espèces
•Gonepteryx rhamni
•Vanessa atalanta
•Nymphalis polychloros
•(Plebejus argus)
•Papilio machaon
•(Thecla betula
e)
•Aglais io
•Polygonia c-album
•Nymphalis antiopa
•(Anthocharis cardamines)
•*(Melitaea cinxia)
•Lasiommata maera/megera•

  • *Iphiclides podalirius

•Quercusia quercus
•*(Erynnis tage
s)
•(Aphantopus hyperanthus)


Hétérocères : 11 espèces
Macroglossum stellatarum
•Agrius convolvuli
•*(Zygaena filipendulae)
•*Achero
nta atropos (larva)
•Smerinthus ocellatus
•*Hyles Gallii (larva + nympha + imago)
•Phalaena
•Saturnia pavonia.
•Arctia caj
a
•Noctua pronuba
•Euclidia glyphica


III. Jacob Hoefnagel 1630 Diversæ insectarum volatilium icones
16 Planches ; 340 sujets représentés : 302 insectes dont 37 Coleoptères, 22 Orthoptères, 14
Odonates, 16 Neuroptères, 72 Lépidoptères, 35 Hyménoptères, 78 Diptères, 21 Hémiptères et 7 chenilles. Ces espèces viennent du centre et du nord de l'Allemagne.
Les Lépidoptères : Au total : 72 papillons et une chenille. Parmi les papillons qui peuvent être
classés on trouve 30 rhopalocères dont 18 espèces déterminées, et 16 hétérocères dont 7 espèces identifiées:
Rhopalocères : 15 à 18 espèces identifiées :
• Papilio machaon
• Iphiclides podalirius
• Thecla betulae
• Gonepteryx rhamni,
• Anthocharis cardamines,
• Colias crocea,
• Aporia crataegi,
• Gonepteryx rhamni
• Nymphalis polychloros,
• Polygonia c-album,
• Nymphalis ant
iopa,
• Vanessa cardui,
• * Nymphalis io,
• Vanessa atalanta,
• Issoria lathonia,
• et sans certitude Pararge aegeria, Coenonympha pamphilus, Lasiommata maera.

Hétérocères : 7 espèces identifiées :
• Acherontia atropos,
• Macroglossum stellatarum,
• Agrius convolvuli, • Hyles euphorbiae,
• Smerinthus oc
ellata
• Saturnia pavonia.
• Abraxas grossulariata
Ce sont donc 10 nouveaux Rhopalocères qui viennent s'ajouter à la première liste, et 5 hétérocères.
On peut donc conclure que Joris Hoefnagel (et à un moindre degré Jacob Hoefnagel) ont décrit à la fin du XVIe siècle 62 espèces de lépidoptères, dont 33 rhopalocères et 29 hétérocères, en ne représentant que des espèces locales. C'est un chiffre considérable, si on le compare aux 17 espèces identifiables — 11 rhopalocères et 6 hétérocères) chez Aldrovandi (1602), dont les gravures sur bois sont frustes, et aux 48 rhopalocères décrits par James Petiver un siècle plus tard.


Conclusion.


Malgré l'absence de noms et de tout texte descriptif, l'apport de Joris Hoefnagel, donnant la
représentation splendide et méticuleuse de 62 espèces de papillons, a été sans-doute sous-estimée, peut-être parce que les manuscrits enluminés sont restés confidentiels.
Mais je dois rendre justice à ces deux chefs d'œuvre, l'Ignis et le Mira calligraphiae. En y détachant les espèces de lépidoptères, je me suis conduit comme un pilleur de trésor saccageant une fresque, un retable ou une coiffure royale pour en accaparer les joyaux. Bien plus que des illustrations d'histoire naturelle, et quelqu'en soit la splendeur, ces enluminures sont des compositions où le texte, rare mais dense, entraîne le lecteur dans une méditation philosophique sur le caractère éphémère de la vie, sur la place de l'homme dans la nature, et sur le prodige mystérieux de l'infiniment beau au cœur des plus petits êtres animaux. Il faut relire Ignis avec leur parure de psaumes, de poèmes d'Ovide ou d'un pseudo-Virgile, ou d'Adages d'Erasme. Il faut déchiffrer dans la planche XXIV en haut de l'ovale qui ne contient qu'une rose la phrase Rosam quae praeterierit, ne quaeras iterum, et, découvrant qu'Érasme en est l'auteur, trouver la traduction « Ne demandes pas à la rose fanée de fleurir à nouveau ». Il faut alors, s'interroger sur la phrase qui lui répond, en bas de l'ovale : Ambigeres raperetne Rosis Aurora ruborem./ An daret, et flores tingeret orta dies. Ce sont deux vers du poème De rosis nascentibus d' Ausone que Lionel-Edouard Martin a traduit ainsi :

« L’aurore emprunte-t-elle aux roses sa rougeur ? La leur confère-t-elle à la montée du jour ?
Même rosée, même couleur, même matin :Car la même Vénus régit l’astre et la fleur. »

De planche en planche la lecture se poursuit, fragmentaire, incitant à retrouver ce qui n'est pas écrit, invisible pour les yeux mais non pour l'esprit :
« À peine née la rose est déjà défraîchie.
Je parle, et la fleur courbe au sol sa tête rouge;[...]
Cueille la rose fraîche, ô fraîche jeune fille :
Ton âge, souviens-t ’en, comme elle est éphémère. »


ANNEXE Origine des Insectes décrits par Hoefnagel. Les Cabinets de curiosités, les
Kunstkammer princiers et les collections des n
aturalistes.


Hoefnagel a pu avoir l'occasion lors de séjours en Italie ou en Allemagne de visiter des collections prestigieuses comme celles du Studiolo de Francesco I de Medicis au Palazzo Vecchio, ou de Ferdinand II du Tyrol au château d’Ambras, etc. Par ailleurs, ses activités le mettaient en relation avec de nombreux naturalistes et collectionneurs. Parallèlement à ces collections princières d'autres collections plus spécialisées et complètement différentes dans leur objectif, dans leur contenu — principalement des objets naturels— et leur organisation se sont développées dans la seconde moitié du 16e siècle, les plus célèbres étant celles de Francesco Calceolari à Vérone, d'Ulisse Aldrovandi à Bologne, de Michele Mercati à Rome et de Ferrante Imperato à Naples.
Hoefnagel a également pu se constituer, au gré de ses voyages, ou d'échanges, ou d'activités commerciales, un port-folio d'illustrations d'espèces. Il a pu aussi en observer directement quelquesunes dans son environnement. Enfin, il est l'un des derniers enlumineurs, (il a notamment orné un missel pour l'Archiduc Ferdinand de Tyrol), et son héritage culturel du XVe siècle incluait les papillons des peintures flamandes (Hans Memling) et des marges des Livres d'Heures, où Vanessa atalanta et Aglais urticae d'une part, les Pieridae et Papilionidae d'autre part, tiennent lieu symboliquement du Mal et du Bien.
On sait qu' en 1571, sur recommandation du marchand Max Fugger et du spécialiste en
numismatique Adolf Occo, le géographe Abraham Ortelius et Joris Hoefnagel reçurent la
permission de visiter la Kunstkammer de Munich pendant deux jours. Le Cabinet de curiosité des ducs de Bavière doit donc être étudié puisque Hoefnagel appartenait à leur cour, mais aussi parce qu'il joua un rôle fondateur dans l'organisation des collections. Néanmoins, les inventaires de Fickler de 1598 et de Hainhofer de 1611 ne mentionnent pas de collections d'insectes.


La Kunstkammer des ducs de Bavière à Munich.
Elle a été organisée d'une manière originale et fondatrice par Samuel Quiccheberg. Ce conseiller artistique du duc Albrecht V d'origine flamande,mentionne la Kunstkammer pour la première fois en 1565 dans ses écrits sous l'appellation de Theatrum Sapientiae.
Si on compare la Kunstkammer de Munich avec les autres Kunstkammer princiers de la seconde moitié du 16e siècle, Munich serait un des premiers du genre. Venant chronologiquement après celui de Ferdinand I à Vienne et quelques années seulement après celui de Dresden, la Kunstkammer de Munich peut être considérée comme la première collection à réaliser l'idéal encyclopédique de façon significative.
Quiccheberg avait publié à Munich en 1565 " Inscriptiones vel tituli theatri amplissimi ", considéré comme le premier véritable traité muséologique. Il suggérait d'édifier un Cabinet de curiosité non comme une réunion hétéroclite d'objets insolites, mais selon un système de classification détaillé basée sur le concept d'une encyclopédique. Il répartit les collections d’Albert V en Naturalia, Mirabilia, Artefacta, Scientifica, Antiquites et Exotica.


L'autre Cabinet auquel Hoefnagel pouvait avoir eu accès est la Kunstkammer de l’archiduc
Ferdinand
II du Tyrol. Les collections « présentaient les richesses de l’univers avec une volonté didactique de représentation du monde, tout en montrant l’intérêt des princes germaniques pour les collections minéralogiques et zoologiques locales des Alpes : sud de l’Allemagne, Autriche et provinces du nord de l’actuelle Italie . Elles constituent encore de nos jours la base du Cabinet de curiosités du château d'Ambras. Un inventaire après-décès de l’archiduc Ferdinand II en 1596 décrit la disposition des collections d’animaux exotiques, précèdant les collections de curiosités des Alpes. Quatre animaux marins suspendus au plafond du cabinet devancent un ours abattu par l’archiduc Ferdinand et des bois de cerf. Le plafond du cabinet était entièrement recouvert d’animaux.Mais les collections exotiques avaient la préséance sur les collections alpines, tant par la position qu’elles occupent au sein de l’inventaire que par leur écrasante majorité en nombre de spécimens. Parmi les spécimens appendus, on compte pas moins de sept crocodiles, une défense d’éléphant, quatre cornes de rhinocéros et autres cornes de gazelle, cinq nageoires de grands poissons et une tête d’éléphant entraînés par un premier grand crocodile. Les collections de Ferdinand comprenaient des œuvres d’art, des pierres précieuses, des médailles et des monnaies. Ces objets s’étaient ajoutés au vieux trésor des Habsbourg composé de tableaux, de sculptures, de dessins, de livres, de mammifères empaillés, d’oiseaux, de poissons, de squelettes, de fossiles, d’horloges et d’automates achetés ou reçus en héritage, et dont certaines pièces remontaient parfois au Moyen-Age. »
Dans cette description, on ne trouve pas mention d'une collection entomologique d'espèces
indigènes. A contrario, les planches d'Hoefnagel ne comportent aucun insecte exotique.

Liens


https://rkd.nl/en/explore/images/record?filters[naam]=Hoefnagel%2C+Joris&query=&start=183


National Gallery of Art

http://www.nga.gov/content/ngaweb/global-site-search-page.html?
searchterm=hoefnagel&searchpath=%2Fcontent%2Fngaweb%2Fcollection-searchresult&pageNumber=1

Bibliographie.

— LECLERCQ, J., THIRION, C., 1989 -" Les insectes du célèbre diptyque de Joris Hoefnagel (1591) conservé au musée des Beaux Arts de Lille" . Bull. Ann. Soc.R. belge Ent., 125, 302-308. (non consulté)

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Published by jean-yves cordier
30 décembre 2014 2 30 /12 /décembre /2014 15:30
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Published by Jy Cordier
26 décembre 2014 5 26 /12 /décembre /2014 16:20

 Je donne ici sur ce blog (mes Brouillons) une "traduction" non autorisée  d'un article d'Alcimar do Lago Carvalho, de façon maladroite et bien hasardeuse puisque je ne parle ni ne comprends le portugais. On ne tolérera mon baragouin qu'afin d'accéder à la réflexion originale  de cet auteur. Cela supposera beaucoup d'indulgence à mon égard.

J'ai déjà osé donner sur ce blog ma traduction de son article en anglais 

"Butterflies at the Mouth of Hell: traces of biology of two species of Nymphalidae (Lepidoptera) in European paintings of the fifteenth century", http://www.lavieb-aile.com/article-les-papillons-dans-un-tableau-de-hans-memling-125258718.html

 

Papillons entre le ciel et l'enfer: Comparaison de la Pieridae et Nymphalidae (Insecta: Lepidoptera) dans les natures mortes des Pays-Bas au XVIIe siècle

  Borboletas entre o céu e o inferno: O confronto entre os Pieridae e os Nymphalidae (Insecta: Lepidoptera) nas naturezas-mortas dos Países Baixos no século XVII.

  

http://www.anamorfose.ridem.net/index.php/anamorfose/article/view/11/18

ANAMORFOSE - REVISTA DE ESTUDOS MODERNOS • VOL II • ANO II • 2014 • R i dEM

 Alcimar do Lago Carvalho est professeur agrégé au Département d'Entomologie du Musée National  d'Entomologie de l'Université Fédérale de Rio de Janeiro. Il est  spécialiste de la systématique et de la biologie des insectes aquatiques, et a également consacré différents sujets à l'Entomologie Culturelle.

 

Résumé

Considérée depuis des millénaires comme une représentation de l'âme dans l'iconographie, la référence de papillons emblématiques (lépidoptères diurnes) a apparemment changée entre le XVème et XVIIème aux Pays-Bas. En comparant les schémas de la composition et la structure de 100 natures mortes avec ceux de thèmes Chrétiens, comme les Jugements Derniers,  ils symbolisent par correspondance les rôles du Bien et du Mal, rôles joués respectivement par les espèces des familles des Pieridae et des Nymphalidae. Dans ce système, les images de papillons sont des abstractions matérialisées, analogues aux anges et aux démons.

Mots-clés: Pieris spp.; Vanessa atalanta; symbolisme.

Abstract  :Considered as iconographic representations of the soul for millennia, the iconic reference of butterflies (diurnal Lepidoptera) apparently change between the 15th and 17th centuries in the Low Countries. Comparing the patterns of composition and structure of 100 still lifes with those of Christian themes, such as the final judgments, by correspondence they symbolize good and evil, roles played by species of the families Pieridae and Nymphalidae, respectively. In this system, images of butterflies are materialized abstractions, analogous to angels and demons. Keywords: Pieris spp.; Vanessa atalanta; symbolism. 

 

  Marcel Dicke (2004), qui a examiné plus de trois mille œuvres d'art liées aux insectes, a montré qu' il y a eu entre le XVe et le XVIIe siècles une augmentation substantielle de leur représentation à l'arrière-plan des  peintures  en Europe occidentale, un phénomène qui culmine dans le mouvement des Natures-mortes aux Pays-Bas, l'une des formes picturales répandues de la fin du XVIe siècle (Bergström 1956; Schneider 1994). Ces constructions emblématiques, dont le réalisme radical et la rigueur scientifique sont évidents dès le premier regard, sont chargés d'un symbolisme déguisé et ont souvent été influencés par les traits religieux, politiques, économiques et socioculturelles de leur temps (Schneider 1994; Bott 2008).

  Bien qu'il y ait consensus sur le fait que les images de ces formes animales peuvent être des éléments importants pour la compréhension de ces œuvres, les éléments d'un microcosme qui reflète l'ensemble (Eisler, 1991), peu de choses ont été explorées à cet égard, contrairement, par exemple, à ce qui se est passé avec les fleurs ( Heilmeyer 2013; Tapié 2000). Dans l'ensemble, ne faisant pas partie du quotidien des amateurs actuels de ces œuvres, les insectes sont souvent ignorés dans les observations et les études. Cette tendance est naturellement renforcée par leurs petites tailles par rapport à la figure humaine, étant donné que leurs représentations sont souvent des détails minutieux et donc que pour leur détection et leur étude, les reproductions dans des catalogues et des livres, ou les photos basse résolution qui sont disponibles dans les bases de données électroniques, sont de peu d'utilité. Lorsqu'ils sont examinés, ce sont des concepts symboliques trés généraux, équivalent dans la majorité des cas au  niveau taxonomique de l'Ordre, en ignorant les détails morphologiques liées aux fortes différences biologiques et comportementales entre les espèces choisies comme modèles, souvent représentés avec précision (par exemple Carvalho 2010; Tapié 2000).

 

   En ce qui concerne l'iconographie artistique de papillons (lépidoptères diurnes), les livres et les  manuels d'art actuels sont pratiquement unanimes à les considérer, dans le contexte du christianisme, comme trtémoignant du concept de la résurrection et du salut (par exemple Impelluso 2004; Manguel 2003; Segal à Tapié 2000). Ces âmes libérées — le grec psukhè ou Psique désignant à la fois  l'âme humaine et le papillon (2010 Bruyère; Dicke 2000)—, principalement habitent le monde terrestre sous la forme de chenilles dévorantes, réapparaissant sous formes de chrysalides avec leurs cocons, qui symbolisent respectivement la mort et la tombe, associations traditionnellement considérés comme originaires de la Grèce antique dans la description du phénomène de métamorphose biologique (par exemple Aristote 2006). Parmi les nombreuses sources qui retracent ces relations, citons Zöllner (2005, p 33.):

  "Le papillon a été généralement considéré comme un signe de l'éternelle capacité de régénération de la nature, ainsi que du désir de l'âme - emprisonnée dans son corps terrestre - de retourner à son créateur et donc de vaincre la mort. Tout comme le papillon cherche toujours la lumière, l'âme aspire à la lumière divine de salut ... Mais cette notion métaphorique n'épuise pas, et de loin, tout ce qui peut être dit sur le sens du papillon. Le papillon, comme nous le savons, émerge d'une chrysalide, et celle-ci n'est rien d'autre qu'une chenille qui a filé son cocon et s'est est donc momifiée. A l'inverse, et dans une lecture chrétienne de la succession correcte  —chenille -chrysalide-papillon —, la métamorphose décrit gagne une signification concrète : comme la chenille prend l'apparence de la mort comme une chrysalide et retrouve une nouvelle vie en tant un papillon, l'âme humaine ressuscitera après la mort ."

 

 La mise en place de ce symbolisme semble avoir eu lieu tôt dans l'histoire de l'humanité, et on en trouve des exemples explicites dans l'art de l'Ancien Empire égyptien (Germond 2008). Certaines études relatives à l'Europe moderne, comme celles de Bruyère (2010), se placent dans le contexte du contexte funéraire du XVe siècle pour constater  ce rôle peu exploré de l'iconographie des papillons  qui représentent l'âme des morts, dans lequel la couleur blanche, principalement en raison de la symbolique de cette couleur, représenterait sa pureté, comme le souligne par Dicke (2000; 2004) et la couleur noire, les péchés commis par les morts.

 

Résultats, discussion et conclusions

La composition de l'échantillon et de ses tendances principales.

La centaine de natures mortes recueillies pour cette étude comprend des œuvres de 28 artistes différents, peint à l'huile sur bois, sur toile ou sur cuivre. La grande majorité d'entre eux sont définit essentiellement comme des compositions de fleurs disposées en bouquets en  vases, ou en guirlandes,  rarement avec des fruits, comme dans le "Vase de fleurs et corbeille de fruits» de Bartholomeus Assteyn (ca. 1606-1677), 1632 (Galerie Guy Stein, Paris). Sept peuvent être classés comme des scènes  de forêt (genre Sous-bois), comme le "Chardon avec lézard, serpent et papillons" d'Otto van Marseus Schrieck (1619-1678), 1664 (Musée Fabre, Montpellier). Rare sont ceux qui ont été traités comme des allégories, telles que "Les quatre éléments" de Jan van Kessel (1626-1679), sd (Musée des  Beaux-Arts, Strasbourg) et le pot de fleurs intitulé "Allégorie de la Compagnie de Jésus" de Daniel Seghers (ca. 1590-1661), s.d. (coll. privée exposée temporairement au Musée des Beaux-Arts, Caen).  Certains ont  en leur centre des symboles eucharistiques, comme l'ostensoir de "Nature morte de fleurs et les raisins autour d'un ostensoir dans une niche" de Jan van Kessel, ca. 1670 (National Gallery of Scotland, Édimbourg) et «Guirlande de fruits, des pointes et des fleurs qui ornent une niche avec le Saint Sacrement" de Jan Davidsz de Heem (ca. 1606- 1683), 1648 (Kunsthistorisches Museum, Vienne). Seuls deux toiles peuvent être explicitement classées  parmi des  représentations des Vanités, incluant  des crânes et autres attributs: " Nature morte Vanité" de Jan van Kessel, ca. 1665/1670 (National Gallery of Art, Washington) et "Nature morte, Vanité avec fleurs et globe " de Maria van Oosterwijck (1630-1693), ca. 1668 (Kunsthistorisches Museum, Vienne). Quatre artistes ont produit à eux seuls plus de la moitié des œuvres étudiées (58), et ceux-ci appartenaient à la Guilde de Saint-Luc à Anvers en Flandre (partie nord de la Belgique), une des associations d'artistes les plus anciennes en Europe, fondée à la fin du XIVe siècle. Avoir connu une période de forte influence calviniste, cette région s'est tournée vers le catholicisme avec la Contre-Réforme, contribuant à l'établissement d'une culture visuelle des Jésuites (Dekoninck 2012). Ce sont: Jan Brueghel de Velours (Bruxelles de 1568 à 1625 Anvers), avec six œuvres - fils de Pieter Brueghel l'Ancien (ca. 1525-1569), qui appartenaient à la première génération de peintres de nature morte; Jan van Kessel (Anvers 1626-1679), avec neuf œuvres – petit-fils de Jan Brueghel de Velours, qui était connu comme peintre d' allégories et d'éléments naturels ; Jan Davidsz de Heem (Utrecht ca. 1606-1683 Anvers), avec 14 œuvres - qui fut l'un des peintres importants de natures mortes; Daniel Seghers (Anvers ca. 1590-1661), avec 29 œuvres, - prêtre,  jésuite, il était un élève de J. Brueghel de Velours, dont la majeure part de la production se compose de collaborations avec des portraitistes, ayant des guirlandes et des bouquets ajoutés aux fleurs très réalistes cadres représentations en trompe-le oeil et des bas environnantes reliefs de saints et de photos.

 

Bien que très différents dans le style et la durée de la composition, l'échantillon constitué possède une grande uniformité en termes structurels. La représentation de la lumière d'entrée dans les scènes se produit presque toujours de gauche à droite.

 

Les papillons représentés .

Parmi les Pieridae, les  Blancs, comme  Pieris rapae et Pieris brassicae qu'il est difficile de distinguer l' un de l'autre, sont les modèles les plus fréquentes (69), avant  les Anthocharis cardamines jaunes (31). Dans quatre cas, les Pieridae n'ont pas pu être identifiés avec précision. Parmi les Nymphalidae, outre Vanessa Atalanta,  espèce la plus représentée dans l'échantillon (72), se rencontrent Aglais urticae (23) Paon du jour (15) et Vanessa cardui (9). Les modèles Nymphalidae qui présentent des couleurs vives, avec des bandes, des taches et des ocelles de teintes contrastées, sont plus facilement reconnaissables et  sept seulement n'ont pas pu être identifiés en raison de leur position ou de la petite taille de leur représentation. Toutes ces espèces sont largement distribuées en Europe (Sterry & Mackay 2004), sont tout à fait communes, et facilement observables dans l'environnement péridomestique.

Des espèces appartenant à d'autres familles de papillons  ont également été reconnus, même si la recherche n'a pas été réalisée dans ce dessein. Les plus importants sont les Satyridae, les Papilionidae et les Lycaenidae. Concernant la répartition spatiale des papillons dans les tableaux, on a trouvé en majorité  (81 tableaux) une paire de papillons (une Pieridae et Nymphalidae)  en situation d'opposition claire, étant généralement positionnée au même niveau ou plus haut dans la zone centrale, en face à face, comme dans une situation de confrontation (par exemple illustration 1). En ce qui concerne la distribution dans les 81 cas où ils apparaissent en opposition, il y a de fortes tendances à considérer. Les Pieridae ont tendance à être positionné de préférence du côté gauche (43, ca. 53%) et moins fréquents dans la partie centrale du tableau (18) et dans le côté droit (20). Les Nymphalidae, à leur tour, sont de préférence positionnés à droite (45, environ 55%), et moins concentrés dans la zone centrale (11) et gauche (25) .Ilustration 1: "Nature morte" (détail), Martinus N. Nellius (1669-1719), collection privée (Crédit photo: Sotheby, Amsterdam). Dans le détail c'est une composition d'un arrangement de raisin, citron, orange, nèfle, noix et mûres dans un plat Wan-Li . Les papillons Pieris brassicae et Vanessa atalanta peuvent être clairement identifiés dans les coins supérieurs à gauche et en bas à droite, respectivement.

 

Corrélations structurelles entre les natures mortes et l'iconographie chrétienne de la quinzième et seizième siècles.

Comme dans la majeure partie de la peinture occidentale réaliste, l'échantillon groupé est quasi majoritairement structurépar  un gradient vertical défini par la constitution d'un plan inférieur, tout en présentant également un gradient horizontal. La lumière y est représentée comme si elle entrait  à partir de la gauche de l'image, ce qui définit clairement une division de l'espace entre le coté  gauche, chaud et lumineux, et le coté  droit,  sombre et lugubre. Ce modèle est conforme avec celui trouvé dans certains types de sujets de peintures chrétiennes des XVe et XVIe siècles, comme dans la Tentation, la Chute de l'homme, la Crucifixion, mais surtout dans le Jugement Dernier. Dans ce mode, exploitée par de nombreux peintres des Pays-Bas, dont  Hieronymus Bosch et Hans Memling déjà mentionnés , le Paradis est positionné dans la grande majorité des peintures dans la zone gauche la plus éclairée, le bon côté, à droite du Christ lorsqu'il est représenté. L'enfer est généralement dans la zone plus ombragée, le côté du mal, à la gauche du Christ. Les éléments connexes sont distribués de la même manière, comme le soleil et la lune, le jour et la nuit, la lumière et les ténèbres, le Bon et le Mauvais larron, les anges et les démons, c'est à dire, des représentations symboliques du Bien et du Mal, respectivement.

Du fait que le phénomène d'empreinte (imprinting)  favorise chez les humains la partie gauche du champ visuel sous l'effet de la lecture (Donnis, 2007), les artistes visuels ont tendance à favoriser les éléments au symbolisme positif dans leurs œuvres selon une forte bipolarité horizontale .

En traçant un parallèle entre  l'organisation structurelle des natures mortes étudiées avec celles  des peintures chrétiennes des XVe et XVIe siècles, il est remarqué que les scènes avec des fleurs, des fruits et des insectes peut également décrire des situations de tension ou d'antagonisme, abritant un symbolisme de moralisation religieuse déguisée. Dans ces derniers, les éléments choisis, dont beaucoup sont déjà présents dans des panneaux et des retables des siècles précédents, gagnent en autonomie, ce qui porte une symbolisme parfois très spécifique (Schneider 1994). Adeptes d'une longue tradition iconographique et conscients de la connaissance empirique des objets réels inclus dans leurs compositions, les artistes visuels des Pays-Bas ont fait de nouvelles natures mortes à partir de détails et de motifs empruntés à d'autres de leurs propres compositions et aussi de collègues de travail, qui ont été soigneusement conçus à son tour d'autres articles réel. Ainsi, la tradition technique et picturale a été maintenue grâce à des ateliers et principalement par les guildes, associations d'artistes qui régissent de nombreuses procédures, depuis questions de commercialisation  jusqu'au aspects techniques des œuvres (Billinge et al., 1997). Beaucoup d' arrangements floraux réalistes représentés ne serait pas en mesure d'être composés in vivo, étant donné que les fleurs choisis proviennent de différentes régions ou fleurs à différents moments de l'année (Bott 2008).

Dans le cas des papillons, il est bien évident qu'ils n'étaient pas observés en réalité en milieu naturel dans les positions  ou arrangements de vol qui ont été représentés. Conçus dans l'esprit de l'artiste, ces compositions peuvent être élevées au rang d'images poétiques, comparables à certaines parties de la musique de programme purement instrumental (Bott 2008).

Le répertoire symbolique porté par les papillons et d'autres insectes dans les Natures mortes.

Les insectes fonctionnent comme moralisateurs dans les deux principaux niveaux de structure d'une Nature morte.

Dans le sens vertical "matériel" et corruptible, les mouches annoncent la mort et beaucoup de coléoptères et de larves remplissent leur rôle de décomposition à la base de la structure, avertissant que le vie terrestre est courte, et que la matière est périssable et vouée à disparaître (Segal in Tapié 2000). Dans le sens horizontal "spirituel", habité par des papillons et libellules, il est rappelé aux croyants que les âmes sont éternelles, mais qu'après avoir été jugées elle peuvent aller au ciel ou en enfer.

Bien que les papillons soient considérés comme des représentations de âmes libérées après la mort dans la production iconographique , ce qui semble logique dans la plupart des cas (par exemple Bruyère 2010; Germond 2008; Manguel 2003), entre les XVe et XVIIe siècles aux Pays-Bas, lorsque des images réalistes d'ailes de certaines espèces sont portés par des  démons dans l'iconographie chrétienne (Carvalho 2010), leur  référence emblématique semble avoir été diversifiée. Face à une scène typique du Jugement Dernier, les papillons, par correspondance au  corpus iconographique des natures mortes, n' assument pas la représentation des âmes réels, selon l'association traditionnelle, mais les forces du bien et du mal au travail sur les éléments corruptibles, assumé selon des rôles différents par des espèces distinctes, respectivement les Pieridae et les Nymphalidae. Dans ce système, les images de papillons ne sont rien de plus que des abstractions matérialisées des anges et des démons.

   Les fleurs et les fruits, les principaux éléments des Natures mortes, à leur tour, arrachés à leur racines, et pour beaucoup encore assez luxuriantes, achèvent leur existence dans le milieu de la scène, et représentent principalement la condition humaine, son corps fini et son âme immortelle soumis au jugement. En raison de leur symbolisme différencié, ceux-ci peuvent donner lieu à toute une série de sentiments et de caractères (Tapié 2000). Il est possible que dans certains cas, d'autres insectes (mais en principe pas des Lépidopteres) puisse également remplir ce rôle, et assumer parfois la représentation des saints, de la Vierge et même du Christ crucifié, comme cela semble être le cas avec quelques libellules (Carvalho 2013). Dans ce point de vue, les natures mortes produites aux Pays-Bas au XVIIe siècle peuvent être comprises comme des formes transmutées, déguisées et économique de scènes de la tradition chrétienne.

Les natures mortes avec des motifs floraux comme Vanitas.

Ayant son apogée dans une période particulièrement tumultueuse de l'histoire des Pays-Bas,  soumis à des crises sociales et religieuses graves, aux maladies déclenchées par une longue Guerre des 80 années (1568-1648), mais accompagnant le développement des fondements du monde moderne pour le croissance du commerce et de l'accumulation de la richesse, les peintures de compositions florales entrent apparemment en conflit avec ces épisodes, mais sont indiscutablement impliqués dans l'exercice de la foi et de la bonne conduite dans l'environnement domestique  de la classe bourgeoise. Acclimatés dans un contexte profane, ils s'avèrent  telle fin établir une atmosphère chrétienne moralisatrice où le bien se confronte au mal autour de matériaux périssables, résumant ainsi la condition humaine.

Tout cela se réfère au verset biblique de l'Ecclésiaste "Vanitas vanitatum,  omnia vanitas vanitatum vanitas" (Ecclésiaste 1: 2). Les vanités du monde ont également été figurées par la représentation fidèle d'objets luxueux, y compris d'objets naturels très recherchés comme certaines tulipes, qui font alors l'objet d'un commerce très fructueux et de spéculations dans les années 1630,  provoquant une catastrophe économique majeure (Schneider 1994). Les spécimens de coléoptères et de papillons,exotiques  transportées en Europe de terres lointaines, recherchés par les collectionneurs et exposés dans leurs cabinets de curiosités ont également été immortalisés dans de nombreux compositions (Neri 2011).

Bien qu'ils puissent être considérés comme des exemples de "fine art" [Beaux-arts purement esthétiques], les natures mortes de fleurs et de fruits, comme images, ont le but et la  un but propre et la fonctionnalité des  "arts appliqués". Le public contemporain en admiration devant leur beauté dans les musées,  approchent ces œuvres sans réaliser leur environnement incroyablement laid (Dondis 2007). Le souvenir de la mort, explicitement abordée dans l'iconographie chrétienne à travers les crânes, son emblème le plus sûr , peut être évoqué par un fruit pourri, une fleur fanée ou une simple feuille sèche tombée. De même une horloge, ou un sablier, marqueurs du temps, et même l'image d'une belle fleur floraison ou d'un fruit bien mûr possèdent la même signification.

Nous terminerons avec une citation de Mondzain (2013):

"(...) La nature morte est sans doute le genre emblématique qui entre au plus près du cadre moderne de l'incarnation imaginaire. Ces choses inanimées et consommables font écho, dans leur silence, à la voix solitaire de la chair crucifié. Evoquant les fictions idolâtres, les natures-mortes  réactivent toujours la question emblématique, en secouant le joug de la représentation spéculaire. C'est un excellent substitut au reconquête de l'iconicité dans le art européen, et c'est une manière spirituelle rajeunie du sentiment religieux."

 

Références bibliographiques

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ZÖLLNER, Frank. The “Motions of the mind” in Renaissance portraits: The spiritual dimensions of portraiture. Zeitschrift für Kunstgeschichte 68: 23-40, 2005. 

 

 Borboletas entre o céu e o inferno: O confronto entre os Pieridae e os Nymphalidae (Insecta: Lepidoptera) nas naturezas-mortas dos Países Baixos no século XVII. Alcimar do Lago Carvalho

Alcimar do Lago Carvalho é professor associado do Departamento de Entomologia do Museu Nacional da Universidade Federal do Rio de Janeiro. Especialista em sistemática e biologia de  insetos aquáticos, vem se dedicando igualmente a diferentes tópicos da Entomologia Cultural.   

 

Jan van Kessel, Les quatre éléments, Strasbourg

Jan van Kessel, Les quatre éléments, Strasbourg

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Published by jean-yves cordier - dans histoire entomologie
25 décembre 2014 4 25 /12 /décembre /2014 20:43

Les  47 anges de l'instrumentarium de la cathédrale du Mans.

Voûtes de la Chapelle de la Vierge par Jean de Bruges vers 1377.

 

concert 4456c

 

 

                 concert 1705c

 

 

concert 1708c

 

 

 

               concert 1710v

 

 

concert 1712c

 

 

                                        concert 1717c

 

 

 

concert 4414c

 

concert 1718x

 

 

                  concert 1722c

 

 

instrumentarium 4474cc

 

 

concert 4415c

 

 

 

concert 4417c

 

 

 

concert 4418c

 

 

concert 4419c

 

 

concert 4447c

 

 

concert 4450c

 

 

concert 4455c

 

 

concert 4457c

 

concert 4462c

 

 

concert 4464c

 

concert 4465c

 

 

 

 

concert 4534c

 

 

 

 

concert 4535c

 

 

  concert 4622c

 

concert 4574c   concert 4581c

concert 4541c

 

 

 

concert 4550c

 

 

concert 4552c

 

 

concert 4623c

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Published by jean-yves cordier - dans Le Mans Peintures murales Anges musiciens

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  • : Le blog de jean-yves cordier
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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