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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 22:53

Le vitrail de l'Enfance du Christ et de la Vie de la Vierge dans la Chapelle de la Vierge, basilique de Saint-Denis.

 

      Voir :  Le vitrail de l'arbre de Jessé de la basilique de Saint-Denis.

 Datation : 1150-1155 / 1849.

Hauteur : 5,10m

 Présentation. 

 Chacune des sept chapelles rayonnantes qui entourent le double déambulatoire du chœur de la basilique est éclairée par deux baies. Les trois chapelles centrales, dédiées à St Cucuphas, à la Vierge et à St Pérégrin reçoivent six vitraux théologiques couplés deux à deux, et consacrés à la Rédemption (Cucuphas), à l'Incarnation (Vierge) et aux liens entre Ancien et Nouveau Testament (Pérégrin). Les autres chapelles recevaient sans-doute à l'époque de Suger des verrières ornementales à griffons.

  Les vitraux de la chapelle, axiale, de la Vierge, ainsi consacrée à l'Incarnation, sont d'une part au Sud l'Arbre de Jessé qui montre la naissance de Jésus comme la réalisation d'une prophétie et l'accomplissement de la dynastie royale de Juda, alors qu'au nord le vitrail de la Vie de Jésus montre la réalité historique de cette Incarnation. 

Après la Révolution, les vitraux, après avoir échappé aux consignes de récupération des plombs, ont été démontés en 1799 à la demande d'Alexandre Lenoir pour rejoindre le Musée des Monuments Français, et, lors du transport, ont été brisés. De nombreux fragments ont alors été vendus, et c'est sans-doute ainsi qu'on retrouve en Angleterre (Twycross) ou achetés en 1958 par l'Etat français pour le musée de Cluny et pour la basilique. L'Annonciation du panneau A2 se trouvait néanmoins au Musée d'Alexandre Lenoir. Lorsqu'en 1816, ce Musée fut fermé, les panneaux de Saint-Denis encore présents furent renvoyés, avec des vitraux venant de St-Germain-des-Prés, à Saint-Denis où ils furent réinstallés par Debret, de façon "absurde et exécrable" (Grodecki 1995) dans un pêle-mêle de styles, d'époques et de provenance. 

 Au XIXe siècle Viollet-le-Duc, dans sa restauration de la verrière de 1849, s'attacha à s'approcher d'une restitution exacte, basée sur la documentation disponible, mais au lieu de reprendre le thème initial, il l'a détourné vers les scènes de la Vie de la Vierge, brisant dès lors la complémentarité du couple Jessé / Enfance du Christ.

  "Ainsi la pensée directrice de ce vitrail — ou plutôt de ce couple de vitraux— ne serait pas, comme à Chartres, une glorification de la Vierge, mais essentiellement une étape de la Rédemption, la venue de Dieu parmi les hommes". (Grodecki, 1995)

  En effet, ce vitrail de Saint-Denis a inspiré le vitrail de la façade occidentale de Chartres, l'Enfance et vie publique du  Christ, qui est une adaptation du modèle dyonisien.

En 1976 Louis Grodecki s'est attaché à reconstituer l'état originel en s'aidant des dessins de Percier pour la partie inférieure, sur les calques de Juste Lisch et de Nicolas Coffetier et sur la découverte de panneaux déplacés et vendus après la Révolution, puis d'autres chercheurs et notamment M. Cothren en 1978 et 1986 ont retrouvé la trace des éléments manquants. Enfin, la source de cette iconographie a été identifiée par M. Cothren dans l'Évangile apocryphe du Pseudo-Matthieu.

 

Panneaux découverts dans les collections :

  • Hérode recevant les Mages: Champs-sur-Marne, Dépôt des Monuments Historiques (Grodecki [1976], figs. 83-85) 
  • Les Mages devant Hérode : Champs-sur-Marne, Dépôt des Monuments Historiques (Grodecki [1976], figs. 86-87)
  • Fuite en Égypte : Raymond Pitcairn Collection, Bryn Athyn, Pennsylvania, O3.SG.114
  • Fuite en Egypte : Wilton, Angleterre, église St-Mary & St-Nicolas (Grodecki [1976], figs. 93-95)
  • Vierge et l'Enfant (fragment de l'Adoration des Mages) Wilton, église St-Mary ((Grodecki [1976], figs. 96-97) L'église St-Mary a composé ses vitraux lors de sa restauration en 1841 à partir de divers panneaux anciens venant de l'étranger.
  • Fragments de la Présentation au Temple : Wilton, église St-Mary (Grodecki [1976], fig. 100-01)
  • Gens de Sotine arrivant en Egypte : Wilton, église St-Mary (Grodecki [1976], figs. 102-03)
  •  Présentation au Temple: Twycross,(Angleterre) église St-James (Grodecki [1976], fig. 88-89) :Ce panneau représentant la «Présentation au Temple», à l'origine à Saint-Denis,   a été offert à George IV qui l' a donné à Lord Howe, avec d'autres panneaux de la Sainte-Chapelle ou de la cathédrale du Mans ou de St-Julien-du-Sault en Bourgogne.. Il a été placé dans l'église St James de Twycross lorsque l'église a été restaurée dans les années 1840. Thomas Willement était le verrier responsable de sa mise en place dans la baie Est.

 

 

                                

 

  •  Bergers se rendant à Bethléem : Norwich, D. King Collection (Grodecki [1976], figs. 98-99)

 

Le prophète tient un phylactère où est inscrit la citation biblique Jérémie 31,22 : usquequo deliciis dissolveris filia vaga quia creavit Dominus novum super terram femina circumdabit virum, "car l'Éternel crée une chose nouvelle sur la terre. Une femme entourera l'homme", compris comme une référence pour le futur rôle de la Vierge Marie comme mère de Jésus. Il peut sembler surprenant que Sir William Burrell ne connaisse pas l'identité ou de la source du panneau quand il l'a acquis - sa juste valeur a été découvert plus tard -, le panneau ayant été acheté par Burrell chez le marchand Arnold Seligmann en 1923. Il a été donné à la ville de Glasgow par Sir William et  Lady Constance Burrell avec le reste de la collection en 1944.  (source : musée de Glasgow)

 

 

Présentation photographique du vitrail.

  En août 1997, une étude ayant révélé de graves détériorations, les panneaux du XIIe siècle ont été déposés et remplacés par des tirages photographiques transparents. Ces panneaux anciens sont les panneaux B1, C1 et B2.

                                vitrail-enfance-de-jesus 9565c

 

 

Registre inférieur.

A-1 Visitation ( au XIIe siècle selon les dessins de Percier : Prophète, Isaïe?)

B-1 Annonciation (XIIe siècle)

C-1 Joseph et l' Ange ( XIIe siècle, partiellement caché par le retable) Le panneau d'origine, représentant le prophète Jérémie, a été identifié dans la collection Burrel de Glasgow.


vitrail-enfance-de-jesus 9560c

 

1°) En partie inférieure du panneau A1, on peut lire l'inscription V..it A. Gerente pret.vitra° 1849.

 Alfred Gérente débuta sa carrière comme sculpteur, puis prit la relève de son frère Henri comme peintre-verrier à partir de 1849.

2°) Le panneau du XIIe siècle représente l'Ange Gabriel et Marie debout face-à-face, la colombe de l'Esprit-Saint arrivant vers Marie, et, aux pieds de la Vierge, l'abbé Suger (avec sa crosse) en dessous de l'inscription SUGERIVSABA. De ce panneau, seuls les trois visages, les deux anges des coins supérieurs et la colombe sont du XIIe siècle le reste étant restauré.

L'ouvrage de Godeski 1995 montre un dessin fait par Louis Budan pour Gaignière vers 1700.

 

                      vitrail st denis

  J'emprunte le passage suivant à un article d' Emile Berthoud, Suger, l'Homme-clef du Moyen-Âge, Revue & Esprit, ed. le Cerf :

  "Dans sa construction, il [Suger] couvrira d'inscriptions le moindre espace disponible sur les murs et sur les objets liturgiques. Et treize d'entre elles mentionneront son nom. Fait très rare à son époque, il se fera représenter dans quatre « portraits de donateurs » et ceux-ci ne seront pas situés au hasard. Ils seront sculptés ou peints dans l'axe principal de la basilique : deux à l'entrée - au tympan et sur les portes - ; un au pied de la grande croix précédant le chœur ; un sur un vitrail axial du déambulatoire. Il se désignera lui-même comme « chef », « dux », guide des travaux de l'église agrandie et anoblie. Précautionneux, il fera d'ailleurs ajouter, à propos de cette inscription : « Puisse-t-elle ne jamais être effacée ! » Pourtant, cette vanité n'est pas de l'orgueil. Elle est la manifestation d'un comportement psychologique complexe. C'est l'expression d'un sentiment d'osmose avec cette abbaye. Suger fait corps avec elle depuis son enfance. Il y est entré à neuf ou dix ans. Il est intégré à elle. Issu d'une famille très pauvre, il y a fait ses études avec celui qui est maintenant son roi, avec des princes de sang, de jeunes nobles. Il se glorifie d'être « une part » de l'abbaye car, dit-il, « Qui suis-je et qu'est la maison de mes parents ? », « Moi de peu de savoir et d'humble naissance ». Il se considère comme le fils adoptif du grand martyr saint Denis et il reporte sur l'abbaye toute la somme d'énergie, de pénétration, d'ambition, dont la nature l'avait doté. Confondant complètement ses aspirations personnelles avec les intérêts de « l'Église-mère », on peut vraiment dire qu'il gratifiait son « moi » en renonçant à son identité. En parsemant toute l'église d'inscriptions et de portraits, il en prenait possession, mais, en même temps, il se dépouillait de son existence d'individu privé. Nous l'avons déjà dit : Pierre le Vénérable, grand abbé de Cluny, voyant l'étroite cellule de Suger, pourra dire à juste titre : « Cet homme nous fait honte à tous ; il construit non pour lui-même, comme nous, mais pour Dieu. »"

 

3°) La disposition ancienne, avec deux prophètes encadrant l'Annonciation, témoigne de la pensée allégorique et typologique de Suger, soucieux d'illustrer les liens entre Ancien et Nouveau Testament.

 


Deuxième registre et troisième registre.

A-2 Annonciation aux bergers. Au XIIe, Annonce au bergers demi-cercle (selon dessin de Percier).

B-2 Nativité (XIIe siècle)

C-2 Présentation au Temple. Au XIIe, Voyage des bergers, demi-cercle.

A -3 Rêve des Mages. Au XIIe, Arrivée des Mages devant Hérode, rectangulaire inscription MAGI VENIUNT (Champs-sur-Marne)

B-3 Les Mages. Au XIIe,  Hérode et ses conseillers(Champs-sur-Marne), en demi-cercle tourné ver le haut.

C-3 Adoration des Mages. Au XIIe, Départ des Mages ? rectangulaire (panneau perdu)

 

vitrail-enfance-de-jesus 9561c

1°) La Nativité 

      Seule élément authentique du registre, elle montre une Vierge couchée, surmontée d'une lampe ; Joseph debout bénissant Jésus ; L'Enfant-Jésus dans une crêche dont l'élément remarquable est d'être posée sur un autel. Cinq anges unis dans un chœur dominent la scène.

Quatrième registre et cinquième registre.

A-4 Massacre des Innocents 

B-4 Fuite en Egypte. 

C-4 Massacre des Innocents. 


A-5 Marie. 

B-5 Enfant Jésus dans le Temple. 

C-5 Joseph. 

 

Ces registres occupaient au XIIe siècle trois niveaux en quadrilobe autour d'un médaillon central : on trouvait succesivement selon M. Cothren :

Mages (demi-cercle); Vierge et Enfant (Wilton) en médaillon central ; Songe des mages (demi-cercle, Chapelle du château de Raby, Angleterre). 

— Trois femmes (disparu) ; Présentation (demi-cercle, Twycross) ;  Songe de Joseph,

Hérode ordonnant le massacre des Innocents (panneau perdu) ; Fuite en Egypte (carré); Massacre des Innocents (panneau perdu).


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Sixième registre.

A-6 ange agenouillé. Au XIIe siècle, Chute des Idoles ? Sujet supposé, panneau disparu.

B-6 Dormition de la Vierge. Au XIIe siècle, peuple de Sotine (Wilton)

C-6 ange agenouillé : au XIie siècle. Arrivée à Sotine (Wilton)

 

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Sources et Liens :

 — Louis Grodecki, Chantal Bouchon,Yolanta Zaäuska  Etudes sur les vitraux de Suger à Saint-Denis (XIIe siècle).: II, Corpus Vitrearum, Presses de l'Université de Paris -Sorbonne 1995, pp 21-47.

— Site Médart-pitt-edu : http://www.medart.pitt.edu/image/France/St-denis/windows/Infancy/Sdenwind-Inf.html

— les vitraux de l'église de Twycross en Angleterre :http://professor-moriarty.com/info/fr/section/stained-glass/pre-nineteenth-century-stained-glass-east-window-twycross-leicestershire

 http://professor-moriarty.com/moriarties/midland_churches/2011/07/04/twycross-%E2%80%93-st-james/

Forum sur les vitraux de Saint-Denis :http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net/t327-les-vitraux-du-xiiieme-siecle

The Royal Abbey of Saint-Denis in the time of Abbot Suger: (1122 - 1151 )publié par Sumner MacKnight Crosby,Cloisters (Museum) :page 61.

— Madeline Madisson Caviness, Suger's glass at Saint-Denis,  the State of Resaerch  in Abbot Suger and Saint-Denis: A Symposium publié par Paula Lieber Gerson  p. 257 

—Cothren, Michael. "A Re-Evaluation of the Iconography an d Design of the Infancy Window from the Abbey of Saint-Denis," Gesta 17 (1978), 74-75.

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Published by jean-yves cordier
30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 22:44

    Vitraux de Saint-Denis :

Chapelle de Saint-Pérégrin, la Vie de Moïse.

 

   Parmi les sept chapelles rayonnantes qui entourent le déambulatoire du chœur de la basilique de saint-Denis, la chapelle de Saint-Pérégrin est située à gauche de la chapelle axiale dédiée à la Vierge. Avec la chapelle de Saint-Cucuphas située en symétrie à droite, ces trois chapelles, éclairées chacune par deux baies, forment un ensemble dont les vitraux étaient consacrés à une représentation typologique : Rédemption pour Saint-Cucuphas,  Incarnation pour la chapelle axiale, liens entre Ancien et Nouveau Testament (donc, une Histoire du Salut) pour Saint-Pérégrin. Les autres chapelles recevaient des décorations à griffons, ou des thèmes hagiographiques.

  Les vitraux de ces trois chapelles tenaient particulièrement à cœur à l'abbé Suger qui les avaient conçus, puisqu'il en a décrit les panneaux, et qu'il y avait fait inscrire des poèmes latins de sa composition. 

  Si la Révolution, puis surtout les dispersions, transferts en musées, et bris malheureux ne nous permettent pas de les admirer tous, la documentation les concernant en autorise  l'analyse iconographique, ce qui permet de mieux comprendre —et de mieux admirer — la vaste pensée spirituelle de Suger.

 Le thème des deux vitraux de chaque chapelle étant jumelés, celui de la Vie de Moïse, situé à gauche, doit se comprendre par rapport à celui des Allégories de saint Paul, placé à droite, et qui affirmait, dans le médaillon du dévoilement de Moïse, que celui-ci était une préfiguration voilée du Christ.

  Les scènes de cette Vie de Moïse ne sont donc pas les images d'un livre d'histoire sainte, mais des allégories incitant à méditer sur la façon dont chaque épisode de cette Vie contient, déjà, une part de la vérité qu'enseigne l'Église. En un mot, elles nous invitent à reconnaître dans l'Ancien Testament la présence du Christ et de sa parole. 

  On a trop dit que l'art religieux médiéval était un livre d'image pour les simples, les incultes, les analphabètes. Au contraire, c'est toute l'exégèse de la Patristique que Suger place en image, dans une  brillante synthèse, en souci de transmission et d'hommage  pour ce miel qu'il avait appris des Pères de l'Église. J'ai lu à leur propos le terme d'hieroglyphe sacré, qui me paraît très juste. Chacun de ces médaillons, chacun de ces hiéroglyphes ne peut être compris qu'à l'aide d'explications savantes, de citations de la patrologie de Migne, de comparaisons. Chacun possède ce talent propre à la vrai œuvre d'art, de n'être jamais épuisé par les interprétations successives.

 Il s'agit, actuellement après la restauration dirigée par Viollet-le-Duc vers 1850,  dans une baie de 4,75 ou 4,90 mètres, de cinq médaillons de 66 cm encadrés de demi-médaillons. A la différence des autres baies, tous les panneaux sont ceux de Suger, plus ou moins restaurés. Ils suivent de bas en haut (dans cette progression spirituelle vers le ciel) l'ordre correspondant à la narration du livre de l'Exode.

Suger le décrit ainsi : In alia vitrea, ubi filia pharaonis invenit Moysen in fiscella: Est in fiscella Moyses puer ille, puella Regia mente pia quem fovet ecclesia.In eadem uitrea, ubi Moysi Dominus apparuit in igne rubi: Sicut conspiciuntur rubus hic ardere nec ardet, Sic divo plenus hoc ardet ab igne nec ardet. Item in eadem vitrea, ubi pharao cum equitatu suo in mare demergitur: Quod baptisma bonis, hoc milicie pharaonis Forma facit similis causaque dissimilis. Item in eadem, ubi Moyses exaltat serpentem eneum: Sicut serpentes serpens necat eneus omnes, Sic exaltatus hostes necat in cruce Christus. In eadem vitrea, ubi Moyses accipit legem in monte: Lege data Moysi iuuat illam gratia Christi. Gratia vivificat, littera mortificat. 


      Dans l'étude des vitraux de Saint-Denis, on ne peut éviter de suivre et de plagier Louis Grodecki et son équipe de 1995, dont l'analyse extrêmement approfondie est incontournable.


                  vie-de-moise 9574c

 

1. Moïse sauvé des eaux.

 

vie-de-moise 9575c

 

a) Texte biblique :

Exode 2, 1-5.  Un homme de la maison de Lévi avait pris pour femme une fille de Lévi. 2 Cette femme devint enceinte et enfanta un fils. Elle vit qu'il était beau, et elle le cacha pendant trois mois. 3 Ne pouvant plus le cacher, elle prit une caisse de jonc, qu'elle enduisit de bitume et de poix; elle y mit l'enfant, et le déposa parmi les roseaux, sur le bord du fleuve. 4 La soeur de l'enfant se tint à quelque distance, pour savoir ce qui lui arriverait. 5 La fille de Pharaon descendit au fleuve pour se baigner, et ses compagnes se promenèrent le long du fleuve. Elle aperçut la caisse au milieu des roseaux, et elle envoya sa servante pour la prendre. 6 Elle l'ouvrit, et vit l'enfant: c'était un petit garçon qui pleurait. Elle en eut pitié, et elle dit: C'est un enfant des Hébreux! 7 Alors la soeur de l'enfant dit à la fille de Pharaon: Veux-tu que j'aille te chercher une nourrice parmi les femmes des Hébreux, pour allaiter cet enfant? 8 Va, lui répondit la fille de Pharaon. Et la jeune fille alla chercher la mère de l'enfant. (Trad. Louis Ségond).

b) interprétation symbolique.

Phylon d'Alexandrie, Origène ou Grégoire de Nysse s'accordent pour voir dans cet épisode l'Église (la fille du Pharaon) venant des eaux du baptème y reçoit la Loi, ou rencontrant le Christ. 

Suger s'en écarte dans son dystique : ubi filia pharaonis invenit Moysen in fiscella: Est in fiscella Moyses puer ille, puella Regia mente pia quem fovet ecclesia.

Dans la Bible moralisée d'Oxford du XIIIe siècle la fille du Pharaon sera considérée comme "l'Église qui reçoit Jésus-Christ", alors qu'au XIVe elle est la Vierge qui recueille son Fils.


Demi-médaillon gauche : Sciphra et Puha.

  L'inscription porte les mots OBSTETRICES SCIPHRA PUHA. Il s'agit du nom de deux sages-femmes mentionnées dans exode 1,15-20 :

15 Le roi d'Égypte parla aussi aux sages-femmes des Hébreux, nommées l'une Schiphra, et l'autre Pua. 16 Il leur dit: Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux et que vous les verrez sur les sièges, si c'est un garçon, faites-le mourir; si c'est une fille, laissez-la vivre. 17 Mais les sages-femmes craignirent Dieu, et ne firent point ce que leur avait dit le roi d'Égypte; elles laissèrent vivre les enfants. 18 Le roi d'Égypte appela les sages-femmes, et leur dit: Pourquoi avez-vous agi ainsi, et avez-vous laissé vivre les enfants? 19 Les sages-femmes répondirent à Pharaon: C'est que les femmes des Hébreux ne sont pas comme les Égyptiennes; elles sont vigoureuses et elles accouchent avant l'arrivée de la sage-femme. 0 Dieu fit du bien aux sages-femmes; et le peuple multiplia et devint très nombreux. (Trad. Louis Ségond)

Demi-médaillon supérieurs : Moïse et son troupeau.

 Exode 3, 1 : Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian; et il mena le troupeau derrière le désert, et vint à la montagne de Dieu, à Horeb.  

 

2. Moïse et le Buisson ardent.

 

vie-de-moise 9576c


  a)Texte biblique :

  Exode 3, 1-6. Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian; et il mena le troupeau derrière le désert, et vint à la montagne de Dieu, à Horeb. 2 L'ange de l'Éternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d'un buisson. Moïse regarda; et voici, le buisson était tout en feu, et le buisson ne se consumait point. 3 Moïse dit: Je veux me détourner pour voir quelle est cette grande vision, et pourquoi le buisson ne se consume point. 4 L'Éternel vit qu'il se détournait pour voir; et Dieu l'appela du milieu du buisson, et dit: Moïse! Moïse! Et il répondit: Me voici! 5 Dieu dit: N'approche pas d'ici, ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte. 6 Et il ajouta: Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse se cacha le visage, car il craignait de regarder Dieu.

b) interprétation symbolique.

— Dystique de Suger : Sicut conspiciuntur rubus hic ardere nec ardet, Sic divo plenus hoc ardet ab igne nec ardet. "Tout comme ce buisson paraît brûler mais ne se consume pas, celui qui est rempli du feu divin brûle, mais ne se consumera pas." La comparaison est donc faite entre le feu du buisson et le feu de la Foi ou de la Grâce qui confère l'ardeur.

— Rupert de Deutz, XIIe : le Buisson est le signe de la Toute Puisssance divine.

— Bible moralisée : les bons moines sont comme le Buisson, le feu terrestre ne les embrase pas, mais seul l'amour de Dieu les consume.

— Bible moralisée du XIVe, , Speculum Humanae Salvatoris : le Buisson est le symbole de la conception virginale de Jésus par la Vierge, qui ne fut pas "consumée" par l'enfantement. Voir Biblia Pauperum :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850504w/f16.image : Au centre figure le motif de la Nativité, avec une Vierge lisant ses heures, et le Christ réchauffé par l'âne et par le bœuf. Le titre de la typologie est placé tout en bas de l'ensemble. A ce motif, appelé l'antitype, sont associés l'épisode du Buisson ardent, appartenant à l'Ancien Testament ante legem, et l'épisode de Moïse tenant une main levée, auprès d'Aaron qui tient l'encensoir devant son bâton fleuri, épisode appartenant à la partie sub lege de l'Ancien Testament. En haut, une phrase du livre 2 de Daniel, verset 45, faisant allusion à la pierre qui s'est détachée de la montagne pour fracasser la statue représentant le règne de Nebucadnetsar dans un des rêves interprétés par le prophète. A droite, les paroles d'Isaïe 9 : « car un enfant nous est né, un fils nous a été donné ». En bas à gauche, « Eternel, j'ai entendu ce que tu as annoncé. Je suis saisi de crainte », parole d'Habacuc, 3,2. Et à droite : Michée, 5,2 : « Et toi, Bethléhem Ephrata, de toi sortira celui qui dominera Israël ».Dieu a choisi ses intercesseurs : Moïse, puis Aaron, puis le Christ,


3. La traversée de la Mer Rouge.

 

 

vie-de-moise 9577c

 

a) Texte biblique :

 Exode 14,21-23 :  Moïse étendit sa main sur la mer. Et l'Éternel refoula la mer par un vent d'orient, qui souffla avec impétuosité toute la nuit; il mit la mer à sec, et les eaux se fendirent. 22 Les enfants d'Israël entrèrent au milieu de la mer à sec, et les eaux formaient comme une muraille à leur droite et à leur gauche. 23 Les Égyptiens les poursuivirent; et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers, entrèrent après eux au milieu de la mer.

 

b) interprétation symbolique.

— Le dystique de Suger : Item in eadem vitrea, ubi pharao cum equitatu suo in mare demergitur ("Pharaon et sa cavalerie sont noyés dans la mer"): Quod baptisma bonis, hoc milicie pharaonis Forma facit similis causaque dissimilis. "Des biens du baptême et de l'armée du Pharaon, la forme est semblable, mais le sens est dissemblable". Il ne s'agit pas d'une relation typologique (un évenement en préfigurant un autre), mais d'une réflexion morale.

— sur le fameux ambon émaillé dit "retable de Verdun" de 1181, le Baptème (antitype) est placé entre ses deux types, la Traversée de la Mer rouge  et le bassin d'airain du temple de Salomon.

— Saint Paul, 1ère épître aux Corinthiens, 10,1-13 :  Frères, je ne veux pas que vous ignoriez que nos pères ont tous été sous la nuée, qu'ils ont tous passé au travers de la mer,qu'ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer.

 — Saint Augustin: "La Mer Rouge est l'emblème du baptême. Moïse qui conduit les israélites à travers la Mer Rouge représente le Christ. Le peuple qui l'a franchi, ce sont les fidèles ; la mort des égyptiens signifie la rémission des péchés".La Figure de Moïse: écriture et relectures publié par Robert Martin-Achard  

Cette interprétation est celle de Tertullien, d'Origène, Saint Ambroise, puis de tous les écrivains sacrès.

— Isidore de Séville, De fide catholica P.L 83 530 : Par la foi, le véritable Isarël sort d'Égypte lorsqu'il renonce au monde. Il rentre dans la Mer Rouge c'est à dire dans le baptême marqué par le sang du Christ."

— Biblia Pauperum : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850504w/f32.image : le baptême du Christ par Jean- Baptiste dans le Jourdain est figuré par le passage de la Mer Rouge et par les envoyés de Moïse rapportant les raisins de la terre promise.  

Les demi-médaillons.

A gauche : le bâton de Moïse transformé en serpent.

A droite : Les plaies d'Égypte : grenouilles, sauterelles, éclairs.


4. Le Serpent d'airain. 

      Ce panneau est actuellement placé au sommet de la verrière, mais je suivrais l'ordre correspondant à sa disposition antérieure.

 vie-de-moise 9579c

 

a)Texte biblique :

Nombres, 21, 6-9 :6 Alors l'Éternel envoya contre le peuple des serpents brûlants; ils mordirent le peuple, et il mourut beaucoup de gens en Israël.7 Le peuple vint à Moïse, et dit: Nous avons péché, car nous avons parlé contre l'Éternel et contre toi. Prie l'Éternel, afin qu'il éloigne de nous ces serpents. Moïse pria pour le peuple. 8 L'Éternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie. 9 Moïse fit un serpent d'airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d'airain, conservait la vie.

b) interprétation symbolique.

— Dystique de Suger : Item in eadem, ubi Moyses exaltat serpentem eneum: Sicut serpentes serpens necat eneus omnes, Sic exaltatus hostes necat in cruce Christus. " Comme le serpent d'airain tue tous les serpents, Ainsi le Christ, élevé sur la Croix, tue tous ses ennemis."

— Biblia pauperum :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850504w/f72.image

  

Demi-médaillons.

— à gauche : Moïse contemplant la Terre Promise du sommet du mont Nébo (inscription MONS NEBO).

— à droite : trois tentes, trois personnages dont un tient un objet de culte ; deux personnages endormis, inscriptions DAT../ CORRA ABIRAM / AARO AT MOYSES. Il s'agit de la conspiration de Dathan, de Koré d'Abiram et de 250 notables contre Moïse et AAron, et de leur punition par l'Eternel. Nombres 16, 1-50. 

5. La Loi donnée sur le Mont Sinaï.

 

 

  

 vie-de-moise 9578c

 

a) Texte biblique : 

Exode 31,18 et 34,28 : 

 — 31, 18 Lorsque l'Éternel eut achevé de parler à Moïse sur la montagne de Sinaï, il lui donna les deux tables du témoignage, tables de pierre, écrites du doigt de Dieu.

— 34, 28 Moïse fut là avec l'Éternel quarante jours et quarante nuits. Il ne mangea point de pain, et il ne but point d'eau. Et l'Éternel écrivit sur les tables les paroles de l'alliance, les dix paroles. 29 Moïse descendit de la montagne de Sinaï, ayant les deux tables du témoignage dans sa main, en descendant de la montagne; et il ne savait pas que la peau de son visage rayonnait, parce qu'il avait parlé avec l'Éternel.

 

b) interprétation symbolique.

— Dystique de Suger : In eadem vitrea, ubi Moyses accipit legem in monte: Lege data Moysi juvat illam gratia Christi. Gratia vivificat, littera mortificat. "La Grâce du Christ a revigoré la loi donnée à Moïse. La Grâce fait vivre, la lettre fait mourir." Le second vers est  une paraphrase des paroles de saint Paul : Nam littera occidit et spiritus vivificat (IIe Épître aux Corinthiens, 3, 6)  

Demi-médaillons.

A gauche, Moïse brisant les tables de la Loi en découvrant le Veau d'or.

A droite, le peuple prosterné autour du Veau d'or.

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Published by jean-yves cordier
30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 19:50

  Les vitraux de la chapelle Saint-Cucuphas

     de la basilique de  Saint-Denis.


        I.  Le vitrail des Visions d' Ézéchiel.

 

  Cette chapelle est dédiée à Cucuphas ou Cucufas,  un jeune chrétien de Scilitane martyrisé à Barcelone au IVe siècle ; ses reliques, d'abord recueillies à Rome furent confiées à l'abbé Fulrad qui les déposa à Saint-Denis dans une châsse gemmée.

  Placée à droite de la chapelle de la Vierge, elle possède un retable de pierre de la Crucifixion du XIIIe siècle, et un carrelage remarquable, à fleur de lys jaune sur fond noir. Elle est éclairée par deux baies de près de 4,90m de haut. Mais les vitraux qui les ferment datent du XIXe siècle, à l'exception d'un panneau consacré au Signe Tau. 

  Ce vitrail est placé à gauche.

  

 

                Le vitrail des Visions d' Ézéchiel.

Lors de la restauration de 1847-1852 conduite par Viollet-le-Duc et son conseiller, le baron de Guilhermy. et confiée au peintre-verrier Alfred Gérente, le Signum Tau, unique vestige d'une verrière typologique consacrée à la Passion du Christ fut incorporé dans un vitrail neuf représentant «les visions d'Ézéchiel» et qualifié par L. Grodecki de "fantaisie de Viollet-le-Duc".

  Aujourd'hui, le seul panneau intéressant, datant de l'abbé Suger au XIIe siècle, est remplacé par une reproduction photographique, l'original étant en restauration depuis 1997. On ne se déplacera peut-être pas pour l'admirer, mais rien n'interdit de découvrir ce thème iconographique du "signe tau" : c'est l'objet de cet article. Néanmoins, n'ayant pas trouvé de description des autres panneaux, je m'aventurerai à cet exercice aussi amusant qu'une grille de mots croisés.

  Commençons tout-de-même par le début, et examinons-le de haut en bas :

 

                                  vision-ezechiel 9541c

 

I. premier médaillon, Vision d'Ézéchiel.

 Je peux penser que ce  médaillon illustre le passage suivant du Livre d'Ézéchiel : Ez 1,4-8 :

4 Je regardai, et voici, il vint du septentrion un vent impétueux, une grosse nuée, et une gerbe de feu, qui répandait de tous côtés une lumière éclatante, au centre de laquelle brillait comme de l'airain poli, sortant du milieu du feu. 5 Au centre encore, apparaissaient quatre animaux, dont l'aspect avait une ressemblance humaine.6 Chacun d'eux avait quatre faces, et chacun avait quatre ailes. 

Vient alors la description du fameux chariot de Dieu tiré par quatre Vivants, puis :

1,28 :Tel l'aspect de l'arc qui est dans la nue en un jour de pluie, ainsi était l'aspect de cette lumière éclatante, qui l'entourait: c'était une image de la gloire de l'Éternel. A cette vue, je tombai sur ma face, et j'entendis la voix de quelqu'un qui parlait.

2,1 Il me dit: Fils de l'homme, tiens-toi sur tes pieds, et je te parlerai.

 8 Et toi, fils de l'homme, écoute ce que je vais te dire! Ne sois pas rebelle, comme cette famille de rebelles! Ouvre ta bouche, et mange ce que je te donnerai!

9 Je regardai, et voici, une main était étendue vers moi, et elle tenait un livre en rouleau.

 

10 Il le déploya devant moi, et il était écrit en dedans et en dehors; des lamentations, des plaintes et des gémissements y étaient écrits.


vision-ezechiel 9536c

 

 

2. Deuxième médaillon.

J'y reconnais Ézéchiel 9,2 :

Et voici, six hommes arrivèrent par le chemin de la porte supérieure du côté du septentrion, chacun son instrument de destruction à la main. Il y avait au milieu d'eux un homme vêtu de lin, et portant une écritoire à la ceinture. Ils vinrent se placer près de l'autel d'airain.

 

vision-ezechiel 9537c

 

3. Le signe Tau.

 J'en reporte la description plus loin.

vision-ezechiel 9538c

 

4. Quatrième médaillon.

  Le Christ au nimbe crucifère place une couronne sur un roi, qu'il bénit de la main gauche.

vision-ezechiel 9539c

 

5. Cinquième Médaillon : la Porte close.

C'est l'une des visions d'Ezéchiel Ez 44,1-3 les plus illustrées par les artistes, depuis que cette porte close est considérée comme parlant allégoriquement de la virginité de Marie. On la trouve ainsi dans le Speculum Humanae Salvatoris  de 1450. Ce porche oriental préfigure aussi la Porte Dorée de Jérusalem, par où pour les Juifs le Messie fera son entrée, ou la porte orientale de Jérusalem où le Christ fit son entrée le jour des Rameaux.

  EZ 44 1 Il me ramena vers la porte extérieure du sanctuaire, du côté de l'orient. Mais elle était fermée.2 Et l'Éternel me dit: Cette porte sera fermée, elle ne s'ouvrira point, et personne n'y passera; car l'Éternel, le Dieu d'Israël est entré par là. Elle restera fermée.3 Pour ce qui concerne le prince, le prince pourra s'y asseoir, pour manger le pain devant l'Éternel; il entrera par le chemin du vestibule de la porte, et il sortira par le même chemin.


vision-ezechiel 9540c

 

 

                   Le médaillon du Signum Tau.

 

   Cyprien  a établi vers 250 le dossier scripturaire du signe de croix, le signaculum. Il contient : Ez 9,6 ; Exode 12,13 où la marque effectuée avec le sang de l'agneau indique les maisons des Juifs ; et Apocalypse 7,9 et 14,1 (le sceau sur le front. Tertullien donnait les mêmes références à la même époque, tout en attestant de l'usage de la signation en Afrique du nord vers 200. 

  Dans le raisonnement typologique, cherchant dans les écrits de l'Ancien Testament une préfiguration aux événements de la vie du Christ ou aux fondements de la Foi, le bois de la croix peut être relié à l'histoire d'Adam, au sacrifice d'Abraham ou aux morceaux de bois de la veuve de Sarepta. La forme de la croix est reliée au chiffre quatre, lequel est mis en relation avec le Tétramorphe des Vivants d'Ézéchiel. Mais le fait de tracer sur les fidèles un signe de reconnaissance et d'affiliation trouve sa préfiguration chez Ézéchiel dans le signe en forme de T (en grec, tau) que Dieu, par son ange, conseilla de tracer sur le front des hommes qui lui étaient fidèles en sa ville de Jérusalem afin qu'ils soient épargnés de l'extermination. On peut ajouter que la croix de la Crucifixion n'avait pas la forme carrée d'un signe + et se rapprochait, comme sur les crucifix, de celle d'un T (voir crucifiement Wikipédia)

Le texte est le suivant :

9, 1 :  Puis il cria d'une voix forte à mes oreilles: Approchez, vous qui devez châtier la ville, chacun son instrument de destruction à la main! 2 Et voici, six hommes arrivèrent par le chemin de la porte supérieure du côté du septentrion, chacun son instrument de destruction à la main. Il y avait au milieu d'eux un homme vêtu de lin, et portant une écritoire à la ceinture. Ils vinrent se placer près de l'autel d'airain. 3 La gloire du Dieu d'Israël s'éleva du chérubin sur lequel elle était, et se dirigea vers le seuil de la maison; et il appela l'homme vêtu de lin, et portant une écritoire à la ceinture. 4 L'Éternel lui dit: Passe au milieu de la ville, au milieu de Jérusalem, et fais une marque sur le front des hommes qui soupirent et qui gémissent à cause de toutes les abominations qui s'y commettent. 5 Et, à mes oreilles, il dit aux autres: Passez après lui dans la ville, et frappez; que votre œil soit sans pitié, et n'ayez point de miséricorde! 6 Tuez, détruisez les vieillards, les jeunes hommes, les vierges, les enfants et les femmes; mais n'approchez pas de quiconque aura sur lui la marque. (Trad. Louis Ségond).

  Le nom du signe apparaît dans le texte de la Vulgate : 

Ez 9,4 Et dixit Dominus ad eum transi per mediam civitatem in medio Hierusalem et signa thau super frontes virorum gementium et dolentium super cunctis abominationibus quae fiunt in medio eius.

vision-ezechiel 9538c

 

On peut comparer ce médaillon à une plaque émaillée venant de la Meuse de la même époque (milieu 12e siècle) :

 

Ezekiel's Vision of the Sign

 

http://art.thewalters.org/detail/13797/ezekiels-vision-of-the-sign-tau-ezekiel-ix2-7/


 Cette plaque faisait autrefois partie d'une croix d'autel consacrée aussi à des rapprochements typologiques. On y lit (avec des N rétrogrades) l'inscription  TAU CRVCIS EST SIGNVM SED MAGNO NOMINE DIGNUM NAM PREMIT INTERITVM QUOD CRVCIS EST MERTVM : "T est le symbole de la croix et, à ce titre, digne d'un grand nom / Comme il vainc la mort, une vertu qui appartient à la croix.". A l'intérieur du cadre : VIR VESTITUS LINEIS CVM AT MENTARIO«Un homme vêtu de lin avec l'encrier d'un écrivain."  Enfin plus bas près de personnages frappés par le glaive: Non signati pereu (n) t: «Ceux qui ne portent pas le signe (T) périssent."

 

 Cette plaque ainsi commentée permet de comprendre le dessein de Suger en plaçant ce médaillon dans un vitrail consacré à la Passion : le signe du Christ crucifié est le signe de la victoire sur la mort, le signe de la foi chrétienne en la Résurrection. Comme le signe Tau a protégé les habitants de Jérusalem qui craignaient Dieu, le signe tracé lors du baptême sur le front des chrétiens les protègent de la mort.

Un vitrail de la Rédemption de la cathédrale de Chalons-sur-Marne datant d'avant 1147 représente le signe Tau tracé sur les portes le jour de la Pâque. De même sur un vitrail de la Nouvelle Alliance de l'abbatiale d'Orbais vers 1200

Le Musée du Louvre conserve, sur le même sujet une plaque émaillée venant de la vallée de la Meuse, datée de 1160-1170 et portant l'inscription SIGILIS AARON.

 Le pied de croix aux émaux champlevés de l'ancienne abbaye de Saint-Bertin, Meuse, vers 1175-1180, conservée au Musée de l'hôtel Sandelin de Saint-Omer, était considérée comme une copie de la grande croix émaillée que Suger avait fait réaliser pour Saint-Denis. On y trouve les quatre évangélistes avec leur symbole,  puis quatre allégories, la Terre, la Mer, le Centurion Cornélius qui proclama la divinité du Christ, et enfin l'Abîme, portant un dragon, symbole du Mal. Ces quatre personnages se réfère au caractère universel et divin de la Rédemption. Sur le quatre faces du fût de colonne viennent ensuite des scènes tirés de l'Ancien Testament et constituent des préfigurations de la Crucifixion. Ce sont Moïse dans le désert, frappant le rocher d'où jaillit l'eau (Exode, 17/6), Moïse et le serpent d'airain (Nombres, 21/8), symbole de la Rédemption, Jacob bénissant les fils de Joseph, Ephraïm et Manassé (Genèse, 48/14), le signe du Tau qui sauva les hébreux par le sang de l'agneau (Exode, 12/7), et qui préfigure le sacrifice du Christ. Sur la colonne, sont représentés Kaleb et Josué ramenant la grappe de raisin de la terre de Canaan (Nombres, 13/23), Elie et la veuve de Sarepta (Rois, 17/10), Aaron marquant le signe du Tau sur le front des israëlites (Ezéchiel, 9/4) et Isaac portant le bois du sacrifice (Genèse, 22/6), qui sont autant d'allusions au sang et au corps du Christ, ou au bois de la croix. Source : http://collection.musenor.com/application/moteur_recherche/consultationOeuvre.aspx?idOeuvre=394476&fromAuteur=1

  Par son insistance sur le chiffre quatre et par le caractère complet des préfigurations de la Croix, ce pied de croix de Saint-Bertin est un vrai manifeste typologique qui annonce ce qui sera repris plus tard dans la Biblia pauperum. Elle éclaire la compréhension du médaillon du vitrail de Suger en le plaçant en continuité avec les autres vitraux typologiques de la Vie de Moïse et des Allégories de saint Paul. 

 

 

Philippe Verdier La grande croix de l'abbé Suger à Saint-Denis  Cahiers de civilisation médiévale  1970  Volume   13 pp. 1-31 : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1970_num_13_49_3059  

 

 

 


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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 19:42

                Le char d'Aminadab :

     vitraux de la basilique de Saint-Denis :                    fenêtre des Allégories de Saint Paul.

              Chapelle de Saint-Pérégrin.


Quel titre ! Rébarbatif ? Non, croquant et juteux comme une gaufrette aux fruits. Quel est cet Aminadab et pourquoi a-t-il garé son char sur ce vitrail ? Que veut dire cette curieuse image de Christ à roulettes ? Suspens ! Qui traduira cette inscription latine ? 

  Cerise sur le gâteau : la Sulamite, la belle enivrante du Cantique des Cantiques est mon invitée. Viens, Sulamite, viens !


Hauteur : 4,75 à 4,90m 

Médaillons de 0,66m

Datation :  Suger, XIIe

Voir plus loin l'article sur les autres médaillons de ce vitrail.

         

 

                                             allegories-de-saint-paul 9567c

 

   Le vitrail de droite de la chapelle Saint-Pérégrin de la basilique de Saint-Denis est consacré aux "Allégories de Saint-Paul". 

  Paul affirme en effet que les auteurs de l'Ancien Testament ont exprimé leurs révélations par des allégories et que leurs écrits, par conséquent, doivent faire l'objet d'une interprétation allégorique. Si l'Ancien Testament apparaît ainsi comme une immense allégorie,  c'est qu'il s'adresse en réalité aux chrétiens, et non pas aux Juifs, qui n'étaient pas à même de l'entendre. Son message devait donc revêtir une présentation déguisée, à laquelle les Juifs s'arrêteraient, tandis que les chrétiens perceraient cette écorce pour en recueillir le fruit spirituel. Paul offre donc l'exemple d'une lecture allégorique de la Bible, dans laquelle il découvre, sous le déguisement des figures, l'annonce du Christ, la description de la foi chrétienne ou encore un ensemble de prescriptions morales destinées aux chrétiens.

  La pensée, les œuvres et la culture du Moyen Âge utilisent intensément la conception proprement théologique de l'allégorie, procédure exégétique utilisé par saint Paul dans son Épître aux Galates 4, 24 Quae sunt per allegoriam dicta , et qui fonde le passage du sens littéral au sens spirituel. A cette allégorie exégétique peut se mêler  celle plus littéraire et héritée de la rhétorique antique que l'on peut nommer allégorie poétique et qui enrichit les récits de métaphores continuées; la première se voulant fondée sur la Révélation et mise en relation de deux niveaux de réalités, la seconde sur le plan humain et liée à l'imagination des hommes.

 

Cet art de  "dire autre chose" (Allegoria est alieniloquium), selon la formule d'Isidore de Séville ("on entend une chose, on en comprend une autre"), est bien une dimension centrale des œuvres d'art et de la pensée médiévales, et ces "allégories de saint Paul" sont plutôt celles de l'abbé Suger. 

 


 

  Parmi les cinq médaillons du vitrail, deux remontent au XIIe siècle et à la création par l'abbé Suger. Leur étude est donc intéressante pour découvrir cette exégèse de Suger. Notamment, le médaillon supérieur, nommé "le quadrige d'Aminadab" m'intrigue, avec ce nom curieux, mais que j'ai déjà rencontré sur les Arbres de Jessé. Et la figure est encore plus mystérieuse pour moi, avec ses quatre roues sous le Christ.

 La photographie ne montre que ce qui est actuellement visible à Saint-Denis, un film photographique transparent qui remplace le vitrail authentique placé — depuis 1997— en restauration. Pour la compréhension de l'allégorie, on s'en contentera.

 

Le quadrige d'Aminadab.

allegories-de-saint-paul 9573c

 

   Que voit-on ?  Dieu le Père, les deux bras ouverts, soutenant devant sa poitrine son Fils cloué sur la croix.

  On connaît bien dans les chapelles et église bretonnes cette représentation qui sera reprise pendant des siècles sous le nom de Trinité souffrante (quand la colombe y figure) ou de Trône de grâce , cet équivalent mâle des Pietà où le Père de Pitié participe à la Passion de son Fils, inscrite dans sa pensée de toute éternité. Mais on sait moins que c'est Suger qui en donna ici l'une des premières figures.

  A Saint-Denis, elle était sculptée au dessus du tympan du portail occidental.

  Surtout, le Père et son Fils en croix apparaît ici posés sur un coffre à quatre roues : le "quadrige d'Aminadab".

Qui se cache sous "Aminadab" ?

 Qui est ce conducteur ? La réponse n'est pas simple.

1. On pense d'abord à l'ancêtre du Christ cité dans la généalogie de Jésus donnée par l'évangile de Matthieu 1,4 dans la séquence Aram -  Aminadab -  Naasson - Salmôn - Booz - Obed - Jessé - David. C'est un homme de la tribu de Juda, fils d'Aram, et père de Naasson et d'Élisabeth, femme du grand-prêtre Aaron. (Ex 6:23 ; Nu 1 :7 ; Ru 4 :19 ; 1Ch 2 :10 ; Mt 1 :4 ; Lu 3 :33).

2. On peut aussi découvrir l'existence d'un Aminadab 2, fils de Kétath. (1Ch 6 :22).

3.  C'est aussi le nom d'un fils du roi Saül, qui fut tué avec lui dans la bataille de Gelboé (1Sa 31 :23 ; 1C 8 :33 ; 9 :39 ; 10 :2)

4. Et c'est celui d'un lévite, habitant à Cariath-Iarim, chez lequel on déposa l'arche, après qu'elle eut été ramenée du pays des Philistins (1Sa 7 :1-3) : Les gens de Kirjath Jearim vinrent, et firent monter l'arche de l'Éternel ; ils la conduisirent dans la maison d'Abinadab, sur la colline, et ils consacrèrent son fils Éléazar pour garder l'arche de l'Éternel. (Louis Ségond).

5. Mais le vitrail porte en inscription deux mots (Q)WADRIGE AMINADAB qui désignent un cinquième Aminadab, celui du Cantique des cantiques chapitre 6 dans la traduction de la Vulgate 6:10-12 : descendi ad hortum nucum ut viderem poma convallis ut inspicerem si floruisset vinea et germinassent mala punica/ nescivi anima mea conturbavit me propter quadrigas Aminadab revertere revertere Sulamitis revertere revertere ut intueamur te :

    " Je ne sais ; mon âme m'a rendue aussi prompte que les chariots d'Aminadab".

On se dit que c'était apparemment un cocher célèbre, dont les chevaux étaient d'une rapidité singulière.


  Tout serait simple si ce conducteur de char à quatre chevaux était un personnage en chair et en os, mais il s'agit en réalité d'une chimère crée par un contresens de saint Jérôme  dans sa traduction de l'hébreu. En effet, il a traduit les deux mots hébreux Ami Nadib, littéralement "(les chars) de mon vaillant peuple" par Aminadab par rapprochement/parasitage du personnage d'Exode 6,23 et de Matthieu 1,4.

  Comme cela est beau sous la plume de Jérôme traduite en français, lorsqu'on lit le dialogue de l'époux et de l'épouse, et que, par cet esprit allégorique de Suger, on le comprend comme le dialogue du Christ avec l'Église [ou, au contraire, avec la Synagogue] :

Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore à son lever, belle comme la lune, éclatante  comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille ?

10 Je suis descendu dans le jardin des noyers, pour voir les fruits des vallées, et pour considérer si la vigne avait fleuri, et si les grenades avaient germé.

11 Je n'ai plus su où j'étais ; mon âme a été toute troublée, à cause des chars (quadriges) d'Aminadab.

 12 Reviens, reviens, ô Sulamite ! reviens, reviens, afin que nous te contemplions.(Abbé Fillion)

      Comparons avec les traductions récentes : celle de la Bible du Semeur traduit "Je ne sais pas comment je me suis retrouvée, poussée par mon désir, au beau milieu des chars des hommes de mon prince" et Louis Ségond propose :"Je ne sais, mais mon désir m'a rendue semblable Aux chars de mon noble peuple". Aminadab a disparu.

 C'est donc à la suite de ce contresens de saint Jérôme (qui ne fut corrigé qu'en 1508 par le dominicain Goudanus) que l'abbé Suger développe la vision d'un char portant le Christ et son Père. 

 

Description et interprétations.

  Il est décrit comme un char triomphal en 1863 : "Ce char à quatre roues porte l'Arche d'Alliance à moitié ouverte, dans laquelle on aperçoit les tables de la Loi mosaïque, le rameau fleuri d'Aaron, et le vase qui contenait la manne du désert du Sinaï. Au milieu de l'arche émerge une croix verte, richement ornée de filigranes, à laquelle est attaché le Sauveur. cette croix est soutenue par les bras même du Père éternel, qui est debout sur le char. Aux quatre coins du quadrige sortent du ciel, à mi-corps, les quatre attributs des évangélistes, tenant chacun le livre de leur évangile. Ils regardent le char et semblent acclamer de leur grande voix, surtout le lion et le bœuf, le divin triomphateur. On lit au dessus du char : FEDERIS : EX.ARCA.CRUCE :/ XRI SISTITUR. ARA.FEDERE. MAIORI. VULT : IBI.VITA./MORI. Ainsi l'arche d'alliance s'arrête et se fixe sous la croix du Christ pour se transformer en autel, parce que sous la force d'une Alliance plus grande encore, la Vie a voulu subir la Mort." (Annales archéologiques, 1863)

  Il nous reste à comprendre l'inscription latine du vitrail, que  je lis (F) EDERIS.EX.ARCA CRVCE (X)RI SISTITUR ARA FEDERE.MAIORI. VVLT.IBI VITA  MORI.

Suger l'a lui-même  retranscrit dans la description qu'il donne de ses verrières (Suger, De administratione S.360, v. 1177-1178) :  In eadem vitrea super archam federis: Federis ex archa Christi cruce sistitur ara, Federe maiori vult ibi vita mori : "Dans la même vitre, au dessus de l'arche d'Alliance : L'autel de la croix du Christ s'est établi sur  l'ancienne Arche d'alliance. Dans  une plus grande alliance, sa vie a voulu (y subir) la mort".

 

Interprétation.

     Tout récemment, Émile Berthoud Suger, l'homme-clef du moyen âge (VI)   en donnait ce commentaire: 

   " L'Arche, les Tables de la Loi, la verge d'Aaron, marquent la première alliance de l'homme avec Dieu. Mais elles ne sont que le symbole d'une autre alliance qui doit être définitive. L'Arche apparaît comme le piédestal de la croix. L'Arche surmontée de la croix est vraiment, comme le dit l'inscription, le quadrige d'Aminadab, le char triomphal du Cantique des Cantiques, que les évangélistes doivent tirer jusqu'au bout du monde et jusqu'à la fin des temps."

 Jean-Michel Leniaud et Philippe Plagnieux, dans leur monographie sur la Basilique, écrivent ceci :

  "Suivant les écrits de saint Paul, l'arche d'or représente l'autel de l'Ancien Testament devant l'autel du Christ signifié par le Sacrifice de la Croix. Quant au char, c'est celui de la nouvelle Église du Christ. Le Christ accomplit ici sans la rendre caduque l'alliance avec Moïse. Aussi la verrière était-elle complétée par le seconde à caractère typologique représentant Moïse comme préfiguration du Christ".

  Je m'interroge néanmoins : dans cette allégorie de Suger, Aminadab est-il considéré comme préfigurant le Christ, et son char, l'Église ? Qui est alors représenté par la Sulamite, troublée, égarée par le quadrige et son conducteur ? La Synagogue ? 


 

Le poème Di vier schiven (Les Quatre roues) du prêtre Wernher (von Niederrhein)

 Ce poème doctrinal Di vier schiven datant de 1160-1170 et dont l'unique manuscrit conservé à la Bibliothèque de Hanovre, ( Niedersächsische Landesbibliothek I 81) date du XIIIe siècle est construit autour du chiffre quatre. En ses quatre parties, le poème rapproche les quatre dimensions de la croix des quatre dimensions de l'amour du Christ selon saint Paul (Eph 3,18 ): largeur, longueur,profondeur, et hauteur, comparaison déjà formulée par Augustin (cf. Sermo 53, 14, 15-16; S. 145, 3-5) .  Celles-ci sont elles-même rapprochées de l'image du quadrige d'Aminadab, avec ses quatre chevaux mais aussi ses quatre roues. Salomon, qui parle dans le Cantique, est identifié au peuple juif, Aminadab au Christ et  le char figure la doctrine chrétienne, les chevaux sont les quatre évangélistes, les roues du char représentent les quatre actes salvifiques du Christ : Naissance, Mort, Résurrection, Ascension (52-86). 

 

 

 

Le Commentarium in cantica de Wolberon.

Dans le Commentaire du Cantique des cantiques en 4 livres de Wolberon, l' abbé du monastère Saint-Pantaléon de Cologne de 1147 à 1167.  in Wolberon, Opera omnia, p. 612, l'auteur identifie celui qui prononce le verset Cant 6, 18 nescivi anima mea  (la Sulamite, ou Salomon), avec le peuple juif ignorant et aveugle, Aminadab avec le Christ, et les quatre roues du quadrige avec les quatre évangélistes, et avec les quatre mystères de l'Incarnation, la Passion, la Rédemption et l'Ascension. 

  Qui est autem iste Aminadab, nisi Christus qui sponte posuit animam suam Deoque acceptabilem ? Quae porro eius sunt quatuor sacramenta nisi incarnatio, passio, ressurectio et ascensio. Quadriga ergo Aminadab huius liber est quatuor evangelorium, continens et conferens quatuor praedictorum sacramentorum aurigante Spirituo Sancto, cuius inspiratione compositae et ordinatae sunt huiuscemodi quadrigae. 

Honorius Augustodunensis Honoré d'Autun:

  Selon l'auteur de Allégories et Symboles dans l'Hortus deliciarum, Honoré d'Autun moine et théologien mort en 1157, a pu participer à l'élaboration du motif iconographique du char d'Aminadab par deux œuvres :

a) Dans le Speculum ecclesiae il insiste sur le sens profond des attributs apocalyptiques qui désignent les  quatre évangélistes: Matthieu, Luc, Marc et Jean sont respectivement le lait, l'huile, le vin et le miel de l'Église. Les quatre attributs sont en relation avec le Christ,, l'Homme fait allusion à l'Incarnation, le Taureau à son sacrifice, le Lion à sa résurrection et l'Aigle à son ascension.

Les quatre anneaux d'or par lesquels on porte l'Arche d'Alliance qui préfigure l'Église sont associés à ces quatre termes du tétramorphe, et, au pied de la croix, l'Église/Arche d'Alliance est portée par les quatre "anneaux d'or" du tétramorphe. (voir dans Hortus delic. folio 51, l'image où l'arche transférée par les lévites au son des trompettes).

b) Dans Expositio in Cantica canticorum 8,7 et 8,12 (P.L 172 481A), la Sulamite est assimilée à la Synagogue prostrée dans le sommeil de l'ignorance, pantelante et sans âme  sous l'arbre de la Croix, mais qui sera convertie par les prophètes Enoch et Élie et conduite par eux vers l'époux sur le quadrige d'Aminadab : cette œuvre a été très populaire à la fin du XIIe siècle et illustrée par les enlumineurs danubiens : le Codex de Vienne lat. 942 folio 79v illustre Cant.6,11-12 : la Sulamite, autrement dit la synagogue convertie avant le Jugement Dernier,  est assise sur un char, fanion en main. Les roues sont des médaillons circulaires où s'inscrivent les signes du tétramorphe, attributs des évangélistes. Aminadab, figure du Sauveur, mène les chevaux attelés au char, tandis que de leur corps sortent des têtes d'apôtres et de prophètes.

 

Rupert de Deutz, Commentaire sur le Cantique des cantiques Exp in Cant.cant. Patrologie Latine 172,376 D.

 

Le cheval, emblème des apôtres ou des évangélistes.

in Jules Corblet, revue de l'art chrétien.

   Reprenant un certain nombre de citations vétérotestamentaires (Habacuc 3,8 ; Job 39,19 ; Cantique cant.6,11 ; Zach.1,8 ; Apoc 29,11), les auteurs chrétiens ont qualifié les apôtres de Coursiers du Seigneur : Origène les voit domptés par le frein de sa discipline, Raban Maur (†856) leur applique la prophétie d'Habacuc 3,8-15 ascendet super equos tuos et equitatus tuus salus : misisti in mare equs tuos, turbante aquas multas et les voit envoyés dans la tempête du monde. Saint Bruno de Segni se plaît à leur appliquer toutes les qualités équestres énumérées par Job. On les présente tour à tour cheval de monture, cheval de trait ou cheval de combat, attelé au char de l'Église, à celui de la Nouvelle Loi, ou à celui des deux Testaments.

   Ces allégories apostoliques s'exercent ensuite vis à vis des quadriges pour les quatre évangélistes en leur appliquant les considérations médiévales du mysticisme des nombres. Je m'intéresserai notamment aux écrits de Saint Brunon, l'évêque de Segni et abbé du Mont Cassin décédé en 1123. En effet, celui-ci, dans son commentaire du Cantique des cantiques 6,11, In cantic. canticorum VI,11 reprend d'abord l'étymologie proposé par Cassiodore pour le nom d'Aminadab : "Interpretatio autem Aminadab, populi mei spontaneus :ideoque significat Christum, qui populi sui spontaneus fuit : "le nom d'Aminadab se traduit comme "volontaire de mon peuple", ce qui désigne le Christ, qui fut volontaire de son peuple". Autrement dit, pour Bruno de Segni, Aminadab est le Christ celui qui se lève tout à coup pour son peuple et parmi son peuple, ce Sauveur dont la Synagogue / Sulamite aperçut les quadriges, c'est à dire les apôtres dirigés par le Christ comme l'annonçait Habacuc : "vous montez sur vos coursiers, Seigneur, et vos quadriges portent le salut".

Raban Maur utilise les mêmes termes dans son traité des allégories bibliques : quadrigae sunt apostoli, ut in cantico Habacuc qui ad Christum per mundum venebiant, populum per fidem salvatant.

  Les quatre évangélistes ainsi transformés en coursiers mystiques, les artistes ou leurs commanditaires vont les représentés attelés au char de l'Église ou au char de Dieu, ou tous rassemblés dans un cheval-chimère chevauché par une femme représentant la Foi : c'est le cas selon J. Corblet dans l'un des verrières de la cathédrale de Fribourg en Brisgau, ou dans l'Hortus deliciarum.

 

 

En conclusion.

   Reprenant des réflexions précoces dans l'histoire du christianisme sur la symbolique du chiffre quatre, sur le tétramorphe d'Ezéchiel et les évangélistes assimilés à des coursiers, l'abbé Suger, nourri des écrits de la patrologie et animé d'un désir de représentation allégorique des analyses typologiques considérant l'Ancien Testament comme une annonce du Nouveau Testament, crée ici une iconographie parfaitement originale en plaçant la croix de la crucifixion du Christ sur le char d'Aminadab. Ce Chariot d'Aminadab reprend pour lui les thèmes des auteurs de tous les Commentaires du Cantique des cantiques voyant dans ce conducteur de char le Libérateur, figure qui, comme celle de Salomon lui-même, préfigure le Christ. 

  Cette image ne sera pas reprise comme telle et reste un hapax propre aux vitraux de Saint-Denis. Par contre, la figure de Dieu le Père tenant dans ses bras son fils crucifié va connaître un développement extraordinaire, parallèlement à celle de la Vierge de Pitié.

 

  Malgré cette figure et son inscription, le nom d'Aminadab va conserver l'ambiguïté de sa polysémie, et lorsque Michel-Ange, au plafond de la chapelle Sixtine, après les Prophètes, parmi les Ancêtres du Christ, représentera sous son nom  un jeune homme à coté d'une femme en train de se peigner, il sera difficile de savoir s'il s'agit seulement de l'aïeul des rois de Juda (Aminadab précède sur le plafond Naassôn son fils), ou du conducteur de quadrige auprès de la Sulamite.

( voir Image apparence.net).

  De même, lorsqu'on trouve Aminadab mentionné sur un Arbre de Jessé d'un vitrail breton (chapelle saint-Fiacre, Le Faouët) , cet ancêtre de David et du Christ n'endosse-t-il pas aussi, aux yeux des fidèles, le rôle de "type" préfigurant le Christ Libérateur et conducteur de l'humanité qui est celui du maître du chariot du Cantique des cantiques ? voir  Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la chapelle Saint-Fiacre à Le Faouët.

 


 

      Liens et sources :

      http://fr.slideshare.net/endrodig/o10111muv311pr09

Fruhmittelalterliche Studien: Jahrbuch Des Instituts Walter De Gruyter Incorporated

Site medart.pitt.edu/image :  http://www.medart.pitt.edu/image/France/St-denis/windows/Anagogical/Sdenwind-Anagog.html

Brochure sur la Basilique de Saint-Denis sur Calaméo :http://www.calameo.com/books/000753147f39c1be4213a

Gérard Cames, Allégories et Symboles dans l'Hortus Delicaiarum, 1971, Google books p. 47  

 

 

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 19:40

 

      Le vitrail des Allégories de saint Paul,

   Chapelle Saint-Pérégrin, basilique de Saint-Denis.

 

 

   Parmi les sept chapelles rayonnantes qui entourent le déambulatoire du chœur de la basilique de saint-Denis, la chapelle de Saint-Pérégrin est située à gauche de la chapelle axiale dédiée à la Vierge. Avec la chapelle de Saint-Cucuphas située en symétrie à droite, ces trois chapelles, éclairées chacune par deux baies, forment un ensemble dont les vitraux étaient consacrés à une représentation typologique : Rédemption pour Saint-Cucuphas,  Incarnation pour la chapelle axiale, liens entre Ancien et Nouveau Testament (donc, une Histoire du Salut) pour Saint-Pérégrin. Les autres chapelles recevaient des décorations à griffons, ou des thèmes hagiographiques.

  Les vitraux de ces trois chapelles tenaient particulièrement à cœur à l'abbé Suger qui les avaient conçus, puisqu'il en a décrit les panneaux, et qu'il y avait fait inscrire des poèmes latins de sa composition. 

 Le thème des deux vitraux de chaque chapelle étant jumelés, celui de la Vie de Moïse, situé à gauche, doit se comprendre par rapport à celui des Allégories de saint Paul, placé à droite, et qui affirme, dans le médaillon du dévoilement de Moïse, que celui-ci était une préfiguration voilée du Christ. 

 

                                          allegories-de-saint-paul 9567c

 

 Ce vitrail des allégories de saint Paul est aussi nommé vitrail anagogique. Selon le système anagogique ("qui conduit vers le haut") renvoyant au Pseudo-Denys, la verrière se lit de bas en haut afin que l'esprit puisse s'élever de la réalité matérielle jusqu'à la lumière divine, de la transformation de la matière brute de l'Ancien Testament  jusqu'à la nouvelle alliance instauré par l'Église. 

 

La chapelle, son saint et ses reliques.

 Chaque chapelle ou absidiole est une réduction de la basilique, centrée sur les reliques d'un saint et dotée d'un autel. Celle-ci contenait les reliques du premier évêque d'Auxerre, saint Pélerin  mort martyr vers 304. Son nom latin, Peregrinus a donné notre forme Pérégrin. cela permet de se rappeler que la dévotion aux reliques, celle de saint Denis bien-sûr, puis de celles d'autres martyrs que les abbés et rois pouvaient obtenir, faisait la réputation et la sanctification de la nécropole royale, et faisait aussi sa richesse en attirant les foules de pèlerins et leurs offrandes. Ce culte des reliques étant premier,,  étant la raison d'être de Saint-Denis  avant toute autre considération religieuse, il devrait, en théorie, être pris en compte dans l'interprétation de l'iconographie, qui est d'abord à son service. Mais cette approche est parfois ardue. Elle mérite néanmoins qu'on prenne connaissance des éléments historiques concernant ce culte.

 "On dit que ce fut le roi Dagobert 1er qui obtint pour le monastère de Saint-Denis le  corps du saint évêque d’Auxerre, et qui I’y fit transporter. En 1144, lorsque l’abbé Suger fit construire la partie de l’église de Saint-Denis qui regarde l’orient, un des autels fut mis  sous l’invocation de saint Pèlerin, et consacré par Hugues de Montaigu, évêque d’Auxerre. Dans le siècle suivant, il se fit plusieurs distractions des ossements renfermés dans la châsse de saint Pèlerin. Jeanne d’Évreux, veuve de Charles le Bel, en obtint, en 1340, de Guy,  abbé de Saint-Denis, et les remit en 1342 aux Jacobins d’Auxerre, après les avoir fait renfermer dans une châsse d’argent. L’empereur Charles IV an avait aussi obtenu une partie; ce fut celle qu’on transporta à Prague en 1373. La paroisse de la Roche-en-Bregny, à deux lieues de Saulieu, prétendait aussi posséder un bras du Saint. L’église de Sens avait un reliquaire renfermant un morceau des vêtements de saint Pèlerin, imbibé de son sang ; et la cathédrale d’Auxerre possédait, dans une croix d’argent, un des bras de son premier évêque, avant le pillage de son trésor par les Calvinistes. Le reste du corps, déposé à Saint-Denis, échappa à une semblable profanation par les soins que prirent alors les religieux de transporter à Paris tous leurs reliquaires. Ce fut en 1570 que Charles de Lorraine, abbé de Saint-Denis, le fit rapporter dans le monastère il plaça dans une nouvelle châsse le corps de Saint Pèlerin.. Plusieurs églises des environs de Paris obtinrent de l’abbaye de Saint-Denis quelques parcelles des précieuses reliques du saint martyr." La suite ici :http://auxerre.historique.free.fr/Personnages/eveques/saint_pelerin.htm.

Voir aussi  Jean Lebeuf, Mémoires concernant l'histoire civile et ecclésiastique d'Auxerre 1848.


1. Le moulin allégorique.

   Dans le premier  médaillon se trouvait le Moulin de saint-Paul, où l'apôtre Paul tourne la meule alors que les prophètes apportent les sacs au moulin. L'original a été perdu, mais Alfred Gérente sous la direction de Viollet-le-Duc a reconstitué au XIXe siècle le vitrail en fonction des descriptions qui en avaient été faite. Il se trouve actuellement à la troisième place.

 Il représente un homme (saint Paul) tournant la meule d'un moulin tandis que deux hommes (les prophètes de l'Ancien Testament)  versent le contenu de leur sac...donnant ainsi du grain à moudre, allégorique bien-sûr, à l'apôtre.

allegories-de-saint-paul 9571c


Description.

Suger le présente ainsi :

  Vitrearum etiam nouarum preclaram uarietatem ab ea prima, que incipit a stirps Iesse in capite ecclesie, usque ad eam que superest principali porte in introitu ecclesie, tam superius quam inferius magistrorum multorum de diuersis nationibus mani exquisita depingi fecimus.

  Una quarum de materialibus ad inmaterialia excitans Paulum apostolum molam vertere prophetas saccos ad molam apportare representat. Sunt itaque eius materie versus isti:

 

 Tollis agendo mollam de furfure, Paule, farinam,

Mosaïcae legis intima nota facis,

Fit de tot granis verus sine furfure panis,

Perpetuusque cibus noster et angelicus.

  "Un de ces vitraux, par des objets matériels duirige la pensée vers les objets immatériels. Il représente l'apôtre Paul occupé à tourner un moulin, et les prophètes apportant les sacs de blés pour les réduire en farine. On lit les deux distiques suivants :

 

 "En tournant la meule tu sépares, Paul, le son de la farine

"De la loi mosaïque tu donnes l'explication profonde,

"De tous ces grains est fait le vrai pain sans son,

"Nourriture perpétuelle pour nous et pour les anges."

 Louis Grodecki a reconnu dans le premier vers une référence à Isaïe 47,2 Tolle molam et mole farinam, "saisis la double meule et mouds de la farine", texte par lequel le prophète  désigne un dur labeur, un travail réservé aux esclaves (Voir Ex. 11,15). En outre, de nombreux textes de la Patrologie latine présentent le moulin comme le travail d'éxégèse,  la farine comme le fruit de ces travaux d'interprétation, et  le pain comme l'enseignement de l'Église: ainsi, Saint Eucher commente-t-il le passage de l'évangile de Matthieu 24,41 "Deux femmes seront en train de tourner la pierre de meule: l'une sera emmenée, l'autre laissée" ainsi : "les meules du moulin peuvent signifier les deux Testaments, par lequels, au moyen du travail des commentateurs, le blé de l'Ancien Testament est converti en farine de l'Évangile". Plus près de nous, Emile Mâle cite l'inscription latine du grand portail de Saint-Trophime d'Arles, sur un phylactère tenu par saint Paul : "ce que la loi de Moïse cache, la parole de Paul le révèle. Alors il transforme en farine les grains donnés au Mont Sinaï". C'est aussi ce que dit l'inscription d'un médaillon de ce vitrail anagogique : "Quod Moïses velat Christi doctrina revelat".

  Sa reconstitution se base sur des croquis de sept verrières de Saint-Denis fait par Charles Percier en 1793 ou 1794 et conservé à la bibliothèque de Compiègne.

  Quelque soit le regret que nous puissions ressentir de ne pas disposer du vitrail original de Suger, il me semble que nous pouvons admirer le travail d'Alfred Gérente, qui crée une sorte de fac similé bien vraisemblable.

A Vézelay, le chapiteau du moulin mystique est interprété comme montrant saint Paul plaçant un sac à la sortie du moulin qu'alimente Moïse : l'idée, dans le fond, est la même. L'élément supplémentaire est que la roue centrale a la forme d'une croix ; le moteur du moulin est donc le Christ par son sacrifice, et saint Paul, dégagé du rôle moteur, se charge de la récolte du sac de farine. Michel Zink en a proposé en 1976 une analyse pénétrante (Moulin mystique. À propos d'un chapiteau de Vézelay : figures allégoriques dans la prédication et dans l'iconographie romanes).


2. Moïse dévoilé par le Christ.

Item in eadem vitrea, ubi aufertur velamen de facie Moysi:

Quod Moyses velat, Christi doctrina revelat.

Denudant legem, qui spoliant Moysen.

« Ce que Moïse couvre d'un voile est dévoilé par la doctrine du Christ. Ceux qui dépouillent Moïse révèlent la loi»

 Exode 34,29 : 30 Aaron et tous les enfants d'Israël regardèrent Moïse, et voici la peau de son visage rayonnait; et ils craignaient de s'approcher de lui. 31 Moïse les appela; Aaron et tous les principaux de l'assemblée vinrent auprès de lui, et il leur parla. [...] 33 Lorsque Moïse eut achevé de leur parler, il mit un voile sur son visage. 34 Quand Moïse entrait devant l'Éternel, pour lui parler, il ôtait le voile, jusqu'à ce qu'il sortît; et quand il sortait, il disait aux enfants d'Israël ce qui lui avait été ordonné. 35 Les enfants d'Israël regardaient le visage de Moïse, et voyait que la peau de son visage rayonnait; et Moïse remettait le voile sur son visage jusqu'à ce qu'il entrât, pour parler avec l'Éternel.

 

allegories-de-saint-paul 9569c

 

3. L'ouverture du Livre par le Lion et l'Agneau.

 Le texte de Suger est celui-ci : Item in eadem, ubi solvunt librum leo et agnus: Qui Deus est magnus, librum leo solvit et agnus. Agnus sive leo fit caro iuncta Deo : "De même dans ce vitrail , où le lion et l'agneau ouvrent le livre. Celui qui est le Dieu grand, lion et agneau ouvrent ec livre. L'agneau ou le lion deviennent (la chair unie à Dieu ?)"

Tiré de l'Apocalypse 5, 5-12 :

5:1 Puis je vis dans la main droite de celui qui était assis sur le trône un livre écrit en dedans et en dehors, scellé de sept sceaux.

5:2 Et je vis un ange puissant, qui criait d'une voix forte : Qui est digne d'ouvrir le livre, et d'en rompre les sceaux ?

5:3 Et personne dans le ciel, ni sur la terre, ni sous la terre, ne put ouvrir le livre ni le regarder.

5:4 Et je pleurai beaucoup de ce que personne ne fut trouvé digne d'ouvrir le livre ni de le regarder.

5:5 Et l'un des vieillards me dit : Ne pleure point ; voici, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, a vaincu pour ouvrir le livre et ses sept sceaux.

5:6 Et je vis, au milieu du trône et des quatre êtres vivants et au milieu des vieillards, un agneau qui était là comme immolé. Il avait sept cornes et sept yeux, qui sont les sept esprits de Dieu envoyés par toute la terre.

5:7 Il vint, et il prit le livre de la main droite de celui qui était assis sur le trône.

5:8 Quand il eut pris le livre, les quatre êtres vivants et les vingt-quatre vieillards se prosternèrent devant l'agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d'or remplies de parfums, qui sont les prières des saints.

5:9 Et ils chantaient un cantique nouveau, en disant : Tu es digne de prendre le livre, et d'en ouvrir les sceaux ; car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation ;

5:10 tu as fait d'eux un royaume et des sacrificateurs pour notre Dieu, et ils régneront sur la terre.

5:11 Je regardai, et j'entendis la voix de beaucoup d'anges autour du trône et des êtres vivants et des vieillards, et leur nombre était des myriades de myriades et des milliers de milliers.

5:12 Ils disaient d'une voix forte : L'agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire, et la louange. 

Les quatre évangélistes, représentés par les animaux du tétramorphe qui les désignent , chacun d'eux tenant le volume de leur évangile, convergent vers le centre, occupé par un volumineux livre. Sept ou huit ronds rouges représentent peut-être le sept sceaux. Le lion et l'agneau s'approchent du livre.


allegories-de-saint-paul 9572v

 


4. Le Christ entre l'Église et la Synagogue.

Le Christ  ouvre les yeux de la Synagogue en enlevant un voile et  de l'autre main il couronne l'Église.

On lit les désignations ECCLESIA et SYNAGOGA.

  Sept colombes sont disposées en étoile rayonnante centrée sur la poitrine du Christ : ces sept colombes étaient déjà représentées au sommet de l'Arbre de Jessé, comme les sept dons , les sept dona Spiritus Sancti  que sont SCIENTIA connaissance • TIMOR crainte • CONCILIUM conseil • SAPIENTIA sagesse • INTELLECTUS intelligence • FORTITUDO force • PIETAS piété. Elles faisainet alors allusion au texte d'Isaïe 11,1-2. Néanmoins, aucune autre image de l'Église et la Synagogue ne fait figurer ces colombes, cette bizarrerie iconographique conduisant Louis Godecki à y voir plutôt un rappel de l'Apocalypse dans ses passages Ap 5,5-7 et 5,12 concernant l'Agneau :Voici: il a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de la racine de David, pour ouvrir le livre et ses sept sceaux.Alors je vis, au milieu du trône et des quatre êtres vivants et au milieu des vieillards, un Agneau qui se tenait debout. Il semblait avoir été égorgé. Il avait sept cornes et sept yeux, qui sont les sept esprits de Dieu envoyés par toute la terre.  L'Agneau s'avança pour recevoir le livre de la main droite de celui qui siégeait sur le trône. [...] Ils disaient d'une voix forte:  Il est digne,  l'Agneau qui fut égorgé, de recevoir la puissance, la richesse et la sagesse,  la force et l'honneur et la gloire et la louange. 

Le Christ, Agneau immolé, est porteur des sept dons attribués à l'agneau, la puissance, la richesse et la sagesse,  la force et l'honneur et la gloire et la louange.

 

 

  Hormis ces colombes, le vitrail est d'interprétation transparente et parfaitement semblable aux autres représentations couplées de l'Église et de la Synagogue dont la plus connue est le groupe de statues de la cathédrale de Strasbourg. 

 L'origine se trouve dans saint Paul, deuxième épître aux Corinthiens, 3 :

13 et nous ne faisons pas comme Moïse, qui mettait un voile sur son visage, pour que les fils d'Israël ne fixassent pas les regards sur la fin de ce qui était passager.

14 Mais ils sont devenus durs d'entendement. Car jusqu'à ce jour le même voile demeure quand, ils font la lecture de l'Ancien Testament, et il ne se lève pas, parce que c'est en Christ qu'il disparaît.

15 Jusqu'à ce jour, quand on lit Moïse, un voile est jeté sur leurs cœurs;

16 mais lorsque les cœurs se convertissent au Seigneur, le voile est ôté.

17 Or, le Seigneur c'est l'Esprit; et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté.

18 Nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l'Esprit. (Trad. L. Ségond)

  On remarque néanmoins que l'image conçue par Suger est dépourvue de toute polémique ou de toute acrimonie contre les Juifs. Les deux femmes, Église et Synagogue, sont de même taille, de présentation semblablement aimables, chacune d'elle tient un livre (Ancien et Nouveau Testament), chacune a les yeux ouverts, et  le Christ couronne l'une et dévoile l'autre par un geste symétrique. Aucune dévalorisation de la Synagogue n'apparaît.


 

 allegories-de-saint-paul 9568c

 

5. Le Chariot d'Aminadab.

      Deuxième médaillon datant de Suger, il a obtenu un article rien que pour lui :  Le char d'Aminadab , vitraux de Saint-Denis : Allégories de Saint Paul.

 

 

 

Conclusions. 

  Ce vitrail, plus encore que celui de la Vie de Moïse, conduit Suger à concevoir des motifs iconographiques originaux, mais qu'il reprendra à Saint-Denis (pour sa grande croix émaillée par exemple). Ces motifs, tout autant que l'Arbre de Jessé, vont essaimer à Chartres, à Saint-Germain, mais en perdant de leur audace, et dans toute l'Europe. 

   Les trois panneaux jadis placés dans la partie supérieure du vitrail, le char d'Aminadab, le Livre ouvert par le Christ Lion et Agneau mystiques, et le Christ entre Église et la Synagogue composaient, pour L. Grodecki, une seule démonstration théologique : "Le Crucifié sur l'autel propitiatoire de l'Arche, qui scelle avec son sang une nouvelle alliance de Dieu avec les hommes, est l'Agneau qui ouvre le livre et révèle le sens des écritures, lequel [Dieu] muni, à son tour, comme l'Agneau des dons du Saint-Esprit est celui qui fait reine l'Église et réhabilite la Synagogue en lui découvrant le visage." (Études sur les vitraux de Suger à Saint-Denis, 1995)

  Dés lors, c'est toute la verrière qui trouve son sens :

1. d'abord, le moulin de saint Paul  affirme que la méthode allégorique d'exégèse paulinienne de transformation de la matière brute vétérotestamentaire en une nourriture spirituelle chrétienne sera la méthode employée.

2. Moïse dévoilé :l'exégèse de saint Paul dévoile l'Ancien Testament aux chrétiens comme la face de Moïse, qui était voilée pour les Juifs, se dévoile par le Christ.

3. Le char d'Aminadab : l'épître aux Hébreux révèle comment le sacrifice du Christ sur la croix fonde une nouvelle alliance fondée sur les quatre évangiles et établie en l'Église, comme les sacrifices de la Loi (image de l'autel et des tables de la Loi sur le chariot) inaugurait l'ancienne alliance.

4. Le livre ouvert par l'agneau et le lion : 'ouverture du livre scellé par l'Agneau immolé, où se reconnaît la figure du Christ, illustre la Révélation de la Nouvelle Alliance.

5. Au sommet, le Christ couronnant l'Église et dévoilant la Synagogue montre le Dieu rayonnant des dons de l'Esprit, triomphant dans sa royauté entre la Loi Nouvelle et l'Ancienne.

 

   La pensée théologique dépasse de loin le seul jeu de recherche de concordance entre les deux Testaments, et les images créées sont bien plus complexes et étudiées que de simples tableaux d'histoire sainte ; la marque propre de l'esprit de Suger, c'est "sa propension à imposer à la matière la préciosité extrême du travail qui la transforme, et à imposer aux images la préciosité des spéculations intellectuelles" (Grodecki 1995)



Note. Selon Philippe Verdier (La grande croix de l'abbé Suger à Saint-Denis  Cahiers de civilisation médiévale  1970 ) Suger s'inspira de bibles carolingiennes illustrées comme celle de Moutier-Granval (British Museum) ou de Vivien (BNF), appartenant toutes deux à la seconde école de Tours qui fleurit sous Charles le Chauve. 

Sources et liens:

— Louis Grodecki,  Chantal Bouchon, Yolanta Zaäuska, Études sur les vitraux de Suger à Saint-Denis II, Corpus Vitrearum Presses Paris-Sorbonne 1995.    

— Jean-Michel Leniaud et Philippe Plagnieux, La Basilique Saint-Denis, monographie, Edition du Patrimoine, en ligne sur Calaméo.

— Eustache-Hyacinthe Langlois  Essai historique et descriptif sur la peinture sur verre ancienne et moderne , 1832.


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Published by jean-yves cordier
30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 07:37

   Trois groupes de Sainte Anne trinitaire,

            cathédrale de Burgos, Espagne.


 Annaselbdritt , Santa Ana triple.

  A comparer aux groupes de sainte Anne trinitaire de Bretagne : 

Groupes de Sainte-Anne Trinitaire de la vallée de l'Aulne.

Anne trinitaire de l'église de Guimaëc.

Anne trinitaire de l'église de Plougasnou.

Sainte-Anne trinitaire du Musée départemental de Quimper.

L'église du Vieux Bourg à Lothey : Anne trinitaire.

La chapelle Sainte-Anne à Daoulas.

 

I. 

 

anne-trinitaire 4222c

 

              anne-trinitaire 7477c

 

     anne-trinitaire 7475c

 

 

II. Retable de Sainte-Anne, chapelle de la Purification de la Vierge, dite chapelle du Connétable.

Capilla del Condestable, Capilla de la Purificación de la Virgen.

Œuvre en bois polychrome de style hispano-flamand de Gil Siloé datée de 1498 et achevée par son fils Diégo Siloé. Des inscriptions courent, paraît-il, le long du galon des robes

Par rapport au groupe précédent, celui-ci appartient à ceux dans lequel la Vierge est de taille réduite, comme une poupée, tenant elle-même son Fils de taille décroissante. 

 Les visages forment un V dont la pointe est fermée par le livre, qui représente les Écritures que leur destin se charge d'accomplir.

Les deux personnages placés latéralement sont sainte Elisabeth et sainte Hélène 


                 anne-trinitaire-4290c.jpg


Où j'emprunte de meilleures images...

le Site http://domuspucelae.blogspot.fr/2010/07/visita-virtual-santa-ana-triple-gracia.html

comporte l'analyse iconographique la plus complète sur cette œuvre.

 

Tableau

 

III. Le maître-autel.

anne-trinitaire 4242c

Voir aussi : 

Musée de Burgos :http://www.arteguias.com/museo/museoretabloburgos.htm

Maître-autel : http://www.flickr.com/photos/75710752@N04/7424987104/

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29 mai 2013 3 29 /05 /mai /2013 22:40

La Vierge allaitante de la cathédrale de Burgos.


Virgen con el Niño, Virgen de la Leche, Virgen amamantando al niño Jesús : Capilla de la Presentación de la Catedral de Burgos

 

      Voir la série des Vierges allaitantes de Bretagne :  Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes.

 

Une émotion, et un détail.

L'émotion, c'est l'amour maternel du regard de la Vierge : regard qui englobe tout, qui accepte tout.

Le détail, c'est la tunique d'allaitement fendue pour libérer le sein nourricier.

 

                        vierge-allaitante 4092c

 

                         vierge-allaitante 7471ccc

 

 

    vierge-allaitante 7471cc

 

 

 

 

http://pendientedemigracion.ucm.es/centros/cont/descargas/documento39823.pdf

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29 mai 2013 3 29 /05 /mai /2013 22:33

La chape de l'évêque Luis Osorio de Acuña de la chapelle Sainte-Anne de la cathédrale de Burgos, et les chapes exposées.

Capa pluvial de obispos Luis Osorio de Acuña, capilla de Santa Ana/Capilla de la Conceptión de la catedral de Burgos. 

 

Un autre article de paramentique ? Voir :  Chapelle Sainte-Suzanne de Sérent (1) : Paramentique et vieilles dentelles.

  La chape pluviale est un manteau liturgique porté par les prêtres et diacres  dans les processions et les bénédictions solennelles, ou pour l'aspersion d'eau bénite et dont la couleur varie selon le temps lturgique. Portée aussi par les chantres des chorales, on la voit aussi recouvrir les épaules des anges chanteurs sur le tympan des vitraux. Elle n'est pas portée pendant la messe. C'est une grande cape de cérémonie, de forme semi-circulaire et agrafée par devant. 

  Les chapes en velours  sont souvent historiées de larges orfrois, et galonnées de parements où se dessinent des figures de saints.

  Celle que porte l'évêque Luis Osorio de Acuña sur le retable de la chapelle Sainte-Anne semble inventée par le sculpteur Gil de Siloe pour faire admirer son talent. Pourtant, trois chapes exposées dans la même chapelle montrent que la réalité n'avait rien à désirer en luxe et en beauté à ce que Gil Siloé a fait porter à son commanditaire.

 


  I. La chape pluviale de Luis Osorio de Acuña : retable de la Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos.

C'est un pluvial brodé d'or et historié de larges parements. La seule bande visible, la droite, fait se succéder quatre ou cinq scènes ;ces tableaux dans le tableau, comme dans les peintures flamandes ou Van Eyck excelle à en rendre la richesse, traitent successivement de haut en bas de :

  • La Crucifixion.
  • Le Portement de Croix.
  • La Flagellation.
  • ?
  • La Cène (?)

La mitre orfroyée ou auriphrygiate est elle-même brodée de scènes analogues où je distingue une Vierge.

arbre-de-jesse 4128v

 

 

II. Les trois chapes exposées en vitrine à l'intérieur de la Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos.

  Je souhaite à mon lecteur de tomber comme moi en pâmoison devant la qualité de la broderie, hallucinante de talent dans les nuances de la carnation et les reflets des étoffes.

1. Chape aux anges présentant les instruments de la passion.

                       chapes-pluviales 4200c

 

chapes-pluviales 4201c

 

La Sainte-Face.

 chapes-pluviales 4202c

 

Le roseau de la flagellation (?).

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Le Sacré Sang ou les Cinq Plaies.

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La Lance et la Couronne d'épine.

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La Lance et les Clous.

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 L'Échelle.

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La Tunique de pourpre.

chapes-pluviales 4208c

 

 

chapes-pluviales 4209c

 

 

2.  Chape damassée d'or , armoriée ; saintJean-Baptiste, saint Pierre et (?) Jésus.

 

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                             chapes-pluviales 4211c

 

                                 chapes-pluviales 4212c

Noter les armoiries. 

                           chapes-pluviales 4213c

 

 

3. Cape pluviale aux apôtres 

capa pluvial de terciopelo rojo con bandos y capillo de seda y oro. Estilo Gotico. Siglo XV; Deposita en la catedral por la parroquia de san Miguel de Pedroso.

 Cape de velours rouge avec les parements et la capuche de soie et d'or. Style gothique. XVe siècle dépôt de la cathédrale par la paroisse de San Miguel de Pedroso.

 Je reconnais Jean, Pierre, Barthélémy et Philippe.

                              chapes-pluviales 4214c

 

 

                             chapes-pluviales 4215c

 

 

Saint Pierre.

 

                               chapes-pluviales 4216c

 

 

                                chapes-pluviales 4217c

 

Saint Barthélémy et saint Philippe.

                          chapes-pluviales 4219c

 

Liens

http://liturgia.mforos.com/1699120/8404037-capa-pluvial/

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Published by jean-yves cordier
29 mai 2013 3 29 /05 /mai /2013 22:07

L'arbre de Jessé de la cathédrale Sainte-Marie de Burgos.

 

 

Retablo del Árbol de Jesé (Capilla de la Concepción, Catedral de Burgos).

 

 Jesse Tree, Cathedral of Burgos, Chapel of the Conception and St. Anne.

 

Cet article complète ma série sur les Arbres de Jessé de Bretagne dont on trouve la liste ici / all my Jesse Tree are here : Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56).

Voir aussi 

Le Baiser de la Porte Dorée à la cathédrale de Burgos 

L'Arbre de Jessé de la cathédrale de Moulins, l'Immaculée Conception : la Rencontre de la Porte Dorée. Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Moulins et la Rencontre de la Porte Dorée : la Vierge conçue par un baiser ?

 

 

        Ma visite de la cathédrale de Burgos restera certainement un très grand moment : débutant par la découverte d'une Vierge allaitante, puis d'une Sainte-Anne trinitaire, elle trouva son point-d'orgue à la chapelle Sainte-Anne, Capilla de Santa-Anna, dédiée à sa sainte éponyme, mais aussi à l'Immaculée-Conception.

 Cette chapelle aussi nommée Capilla de la Concepcion a été construite en 1477-1488 par les architectes Jean et Simon Cologne comme chapelle funéraire pour l'évêque Luis de Acuña y Osorio. Elle renferme deux chefs d'œuvre, le grand retable de l'Arbre de Jessé et de la Sainte-Parenté, et le tombeau Renaissance de Luis de Acuña.

  "Capitale du royaume de Castille et de Leon depuis le XIe siècle, Burgos était au XVe siècle un des centres artistiques les plus importants d'Espagne, bénéficiant à la fois de la présence de  la Cour et de celle de grands ecclésiastiques du royaume. De véritables famille et communautés d'artisans, issues de régions différentes, en particulier du nord de l'Europe, y étaient actives, donnant un caractère bien particulier à la production artistique  castillane. 

   C'est dans ce contexte que prend place la réalisation du retable de l'Immaculée Conception sculpté par Gil de Siloé et peint par Diego de la Cruz, destiné à la chapelle funéraire de l'évêque de Burgos, Luis Osorio Acuña, situé dans la cathédrale. Première œuvre attestée de Gil de Siloé, quelques années avant  son intervention au couvent de Miraflores, cet ensemble monumental est resté toutefois longtemps ignoré voire méprisé des historiens de l'art car recouvert depuis 1868 d'une épaisse couche de peinture. Il apparaissait trop transformé et très archaïque. Une restauration récente a permis de le débarrasser de cet épais badigeon et la polychromie originelle est apparue dans un état de conservation remarquable. En outre, la découverte de peintures murales dans la partie supérieure venant compléter le groupe sculpté de la Crucifixion a introduit de nouveaux éléments." (C. Chédeau, 2002)

 

 

 

                         arbre-de-jesse 4120c

 

Le retable de l'autel.

 

De style gothique tardif, il  est dû au sculpteur flamand Gil de Siloe entre 1483 et 1486, bien qu'on attribue à un autre artiste, le "Maître aux grandes mains", la taille de certains prophètes. Son thème est consacré à l'arbre de Jessé autour de Joaquim et Anne, parents de la Vierge Marie. Les couloirs latéraux abritent, sous de fins dais, de nombreuses petites statues de saints et de prophètes, des scènes mariales, des hagiographies et une image de l'évêque fondateur.

 La profusion des figures et des dorures émerveille le spectateur, mais lui impose bientôt d'organiser avec rigueur sa démarche : il discernera d'abord le rectangle central parcouru par l'arbre de Jessé et ses arborescences, rectangle dont la partie médiane monte en trois registres, l'un consacré à Jessé, l'autre à Anne et Joachim sous la Porte dorée, le troisième à la Vierge et l'Enfant. Latéralement, l'Arbre monte en deux bras de chandelier où s'échelonnent douze rois de Juda, et entourant la Vierge, l'Église et la Synagogue.

  Deux couloirs latéraux sont occupés de trois tableaux chacun, et ces couloirs sont encadrés de colonnes gothiques où trouvent place des personnages.

Au dessus de cet ensemble, on découvre successivement des armoiries encadrées de griffons puis un calvaire avec la Crucifixion, Marie et Jean sur des culots, et les larrons crucifiés peints sur la paroi.

Enfin, il reste à décrire l'étage inférieur, composé au centre d'un bas-relief de la Résurrection, puis de sculptures de Pierre et Paul et des Évangélistes. 

Sans oublier de très nombreux détails qu'on nommera marginalia et dont chacun mériterait une attention complète.

Résumons :

A. Ensemble central.

  • Anne et Joachim au centre.
  • Arbre de Jessé aux douze rois.
  • Vierge à l'Enfant entre l'Église et la Synagogue.

B. Couloirs latéraux.

  • couloir gauche bas: Saint Hubert évêque donateur 
  • couloir gauche médian : Nativité de la Vierge
  • couloir gauche supérieur : Anne rejetée par les prêtres

 

  • couloir droit bas : Annonce faite à Joachim.
  • couloir droit médian : présentation de Marie au Temple.
  • couloir droit supérieur : la conversion de saint Hubert.

C. Registre inférieur.

  • "prédelle" : 4 évangélistes ; Pierre et Paul ; Résurrection.
  • marginalia.

D. Registre supérieur.

  • Calvaire : Crucifixion, Marie et Jean, les larrons peints.

E. Marginalia.

 

        La particularité principale de cet arbre de Jessé est d'être centré par le couple Anne-Joachim et entouré par les scènes de la nativité et de l'enfance de Marie. Le thème de la généalogie de Jésus selon Matthieu 1, 1-4 menant de Jessé à Marie, épouse de Joseph par les douze rois de Juda se double ainsi d'une argumentation sur la naissance virginale de Marie, et sur la conception virginale de Jésus, basée sur le Protévangile de Jacques. Mais les prophètes et personnages des colonnes, dont la présence est tout-aussi importante, illustrent la généalogie spirituelle développée tout au long de l'Ancien Testament dans les prophéties et les préfigurations typologiques du Christ Messie. Si on y ajoute le thème de l'Église et la Synagogue, nous nous trouvons face à un programme théologique complet et complexe sur les mystères de l'Incarnation et de la Rédemption, qui amplifie les représentations plus réduites des Arbres de Jessé à quinze personnages (Jessé = 12 rois + Vierge à l'Enfant), mais développe fidèlement l'axe typologique initié sur les vitraux de Saint-Denis et de Chartres au XIIe siècle.

 

  On voudra bien être indulgent pour la qualité des photographies : venant de Brest, craignant de trouver la cathédrale fermée, ignorant ce que j'allais trouver, déjà comblé par les découvertes du début de ma visite, j'ai découvert le retable au fur à mesure que je le photographiais, sans savoir où donner de l'objectif. J'allais voir les autres chapelles, le chœur, le cloître, le musée, puis je partais pour la cathédrale de León.

   Comme j'y retournerais volontiers, parcourant les 1092 km pour préciser tel détail, prendre telle photo oubliée, telle photo floue, ou, tout simplement, m'abandonner —enfin !— à la simple contemplation !

 

A. L'ensemble central : Arbre de Jessé centré par  Anne et Joachim.

 

                 arbre-de-jesse 4121c

 

                          arbre-de-jesse 4123v

 

I. Registre inférieur.

 Le fils d'Obed est allongé sur le dos, la tête soutenue par un coussin, la main contre l'oreille ; l'autre main est posée sur la jambe gauche, fléchie et croisée. On détaille du regard le vénérable visage, le bonnet et le turban qui le coiffent, le manteau terne, la ceinture nouée à la diable, et, bien-sûr, le pantalon rouge et le fin mocassin. Ce n'est que plus tard qu'on réalise la manière monstrueuse par laquelle le tronc de l'Arbre prend naissance de la poitrine du rêveur par un lacis grouillant de tentacules avides. au dessus, telle la ramure d'un cerf exposée en trophée, le tronc s'élève et se divise immédiatement en deux branches maîtresses.

 

 arbre-de-jesse 4124c

 

arbre-de-jesse 4178x

 

II. Registre moyen : Anne et Joachim.

 L'artiste représente les deux époux se rencontrant sous la Porte dorée de Jérusalem, et l'étreinte qu'ils échangent. 

Livre de la Nativité de Marie : "Ainsi, selon la prescription de l'ange, ils partirent tous les deux du lieu où ils se trouvaient et montèrent à Jérusalem. Et, lorsqu'ils arrivèrent au lieu désigné par la prophétie angélique, ils allèrent à la rencontre l'un de l'autre. Heureux de se revoir et rassurés par la certitude de l'enfant promise, ils rendirent dûment grâce au Seigneur, qui élève les humbles. Ensuite, après avoir adoré le Seigneur, ils retournèrent à la maison et attendirent la promesse divine avec certitude et allégresse. Aussi Anne conçut-elle et enfanta-t-elle une fille et, selon l'ordre angélique, les parents lui donnèrent le nom de Marie."

  Toute la problématique de la conception virginale de Marie tient en cette scène. Les neuf mois de grossesse débutent-ils lorsque (voir les panneaux latéraux) Joachim et Anne reçoivent la visite de l'ange qui leur annoncent cette grossesse, où bien là, sous la Porte dorée, par cette chaste étreinte, ou bien, comme les autres humains, un peu plus tard et de façon plus intime ?

  Conception virginale ou pas, Marie est, de toute façon, vouée à Dieu par sa mère, vouée à être chaste.

 Au dessus de la chaussure d'Anne, le galon de la robe porte une inscription dont je ne distingue que IA.

 

                      arbre-de-jesse 4125c

 

            arbre-de-jesse 4195x

 

III. Registre supérieur : La Vierge et l'Enfant.

      Un bouton floral vient éclore pour supporter la Vierge, assise, couronnée, tenant son Fils sur se genoux. Ses cheveux sont retenus par un voile particulier à qui j'ai consacré un article : Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu.

La Mère et l'Enfant tiennent ensemble le Livre, celui des Écritures, qu'ils présentent aux fidèles. C'est le même livre qu'Anne tenait sur son lit d'accouchée, le même livre que, sur toutes les Annonciations, Marie est en train de lire, le même livre que les évangélistes, sur la prédelle, recopient, celui que, dans le tableau de la Présentation de Marie au Temple, Marie découvrira, celui que des personnages tiennent ouverts sous les Prophètes, celui qui est incarné partout.

Un ange, descendu si vite que sa robe flotte encore au dessus de lui, vient remettre à l'Enfant une tige noueuse, qu'une traverse vient compléter en croix : c'est  une allusion au rejeton issu de la tige de Jessé.

Deux autres anges jouent de la musique : l'un joue de la flûte ou de la chalémie, l'autre du luth.

                           arbre-de-jesse 4148c

 

     arbre-de-jesse 4145c

 

IV. Les bras latéraux : les douze rois de Juda.

 

Voir l'article wikipédia des noms des ancêtres de Jésus en catalan :http://ca.wikipedia.org/wiki/Genealogia_de_Jes%C3%BAs

Posés sur les boutons floraux de l'Arbre, ils sont très richement vêtus, tous couronnés au dessus de chapeaux luxueux, et ne portent pas de sceptres : ils retiennent, pas des gestes particulièrement gracieux, des phylactères dont certains seulement portent le nom du roi. Sept sont barbus, les autres glabres ; les cheveux sont longs (tombant sur les épaules) et souvent bouclés. 

      1. David.

 

                               arbre-de-jesse 4127c

2. Roi de Juda 

Photo manquante.

3. Roi de Juda 

 

                           arbre-de-jesse 7482c

 

      4. Roi Salomon

REI ..AMON . L'orthographe Salamon est attestée sur les vitraux bretons du XVIe.

 

 

                            arbre-de-jesse 4143c

 

      5. Roi de Juda

..IO.O

 

                          arbre-de-jesse 4142c

 

6. Roi Joaqim.

REI  IOASHIN ? aussi connu en catalan sous les noms de  Coniah ou Jehoiachin, Joakim , il correspond à l'hébreu Jehoiakim /Eliakim, avant-dernier roi de Juda, fils de Achaz ou Joachaz  et père de Jéconiah.

 

                                arbre-de-jesse 4144c

 

7. Roi Roboam.

REI ROBOAM

                             arbre-de-jesse 4151c

 

8. Roi de Juda

REI...DAN8L

                               arbre-de-jesse 4152c

 

9. Roi de Juda.

REI ..

                           arbre-de-jesse 4153c

 

10. Roi OZIAS

 

 

                           arbre-de-jesse 4154c

 

11. Roi de Juda

Photo manquante

 

 

12. Roi de Juda

                                  arbre-de-jesse 4155c

 

 

V. Autour de la Vierge à l'Enfant : l'Église et la Synagogue.

 Si l'Église et la Synagogue Ecclesia et Synagoga sont des figures qui entourent souvent les Crucifixions médiévales, elles prennent tout leur sens au sommet d'un Arbre de Jessé dont l'argumentation est de montrer comment la Vierge et le Christ réalisent la prophétie d'Isaïe et comment le Royaume du Christ achève sur le plan spirituel la royauté initiée par David.

  Si je n'ai pas rencontré beaucoup d'exemples parmi les Arbres de Jessé de Bretagne, l'Eglise et la Synagogue sont présentes dans d'autres Arbres de Jessé :

Bible de Lambeth, 1150-1170.

  Bien-sûr, le mariage d'Isabelle la Catholique avec Ferdinand d'Aragon en 1474, juste avant le début de construction de ce retable, puis, en 1478, l'établissement de l'Inquisition placent ces figures sous un jour particulier qui n'est plus celui de l'exégèse biblique, mais du conflit entre Chrétiens et Juifs, de l'antijudaïsme et de la persécution contre les convertis marranes.

 

  

arbre-de-jesse 7490c

 

L'Église.

Comme son modèle iconographique de la cathédrale de Strasbourg, elle tient le calice de la main gauche, l'étendard chrétien dans la main droite, elle est couronnée et regarde fièrement en avant. Mais nous sommes loin de la sobriété romane, avec une profusion d'or, un luxe ostentatoire des accessoires, et la pruderie exagérée de la guimpe trop soucieuse de ne laisser dépasser aucun cheveu.

arbre-de-jesse 4146c

 

 

      La Synagogue.

  Elle est le contrepoint symétrique d'Ecclesia mais l'étendard est remplacé par une lance brisée, le calice par les tables de la Loi, le regard clairvoyant par le bandeau sur les yeux, la guimpe par la chevelure dénouée sur les épaules et le décolleté carré. 

arbre-de-jesse 4149c

 

 

                B. LES COULOIRS LATÉRAUX. 

 

I.  Les colonnes d'encadrement.

Elles comportent 34 figures de l'Ancien Testament, de petite et de moyenne taille ; la plupart ne portent pas de nom, mais sont des prophètes, patriarches et Juges d'Israël. A leur pieds, sous le piédestal, d'autres personnages surgissent, présentant un phylactère, ou un livre ouvert sur une citation. Il faudrait étudier cet ensemble pour révéler l'appareil scripturaire qu'il porte. A défaut, on y verra la Bible démultipliée comme par un miroir à facettes en  ses innombrables prophéties. 

  Je ne les ai pas tous photographié.  

 

                arbre-de-jesse 4133c

 

Josué ?.

Le phylactère du personnage de droite porte le nom IOZOE : est-ce Josué ?

                   arbre-de-jesse 4132c

 

Balaam.

Je lis  Bailan., avec un N rétrograde.

L'intérêt de sa présence est que ce prophète est associé, dans la Biblia Pauperum, à l'Arbre de Jessé :  Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Armel de Ploërmel.

 

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      Le prophète Elie.

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II. Les tableaux latéraux du couloir de gauche.

 

1. L'évêque Luis de Acuña y Osorio.

 

Luis Osorio y Acuña (né en Jaén vers 1430. mort en Flandre en 1496) fut chanoine et archidiacre d'Astorga, président de la chancellerie royale de Valladolid, aumônier et/ou grand chambellan du prince Jean puis évêque de Burgos de 1456 à 1495 en succession de Alonso Garcia de Carthagène (évêque de 1435 à 1456) et évêque de Jaén entre 1482 et 1496.

Aussi connu sous le nom de Luis Osorio de Rojas Núñez de Guzmán y Manrique, il est le fils de Pedro Álvarez Osorio, (lui-même fils de Juan Álvarez Osorio et d'Aldonza de Guzmán ), premier comte de Trastamare, seigneur de Villalobos y Castroverde, et de son épouse ISABEL de Rojas Señora de Cepeda. Son frère Álvar Pérez Osorio (-Sarria 1471) fut le second comte de Trastamare et premier marquis de Astorga.

Cet évêque fut un haut personnage, qui joua un rôle de mécène artistique important dans la ville de Burgos. Il participa  tous les événements politiques et sociaux qui ont marqué le règne d'Henri IV de Castille, prenant parti (avec l'ensemble de la noblesse) contre ce dernier dans le grand soulèvement organisé autour de l'infant Alfonso avant que cette fronde ne soit vaincue et que le prince Alphonse ne décède prématurément. Luis Osorio et la noblesse prennent alors le parti d'Isabelle, demi-sœur du roi, avant de se ranger derrière le roi Henri et sa fille Jeanne, la Beltraneja. Finalement, le mariage d'Isabelle avec Ferdinand le Catholique oblige chacun à rétablir de bonnes relations avec le pouvoir, mais on comprend que l'évêque, après s'être retiré dans son château de Rabé de la Calzadas et avoir  été rappelé par la reine Isabelle, devait donné des gages de fidélité aux souverains et à la religion en participant avec faste à l'embellissement de la cathédrale.

 

  Luis de Acuña y Osorio est représenté à genoux, dans la posture du donataire, priant en lisant le livre saint que lui présente un assistant. Ce dernier pourrait être identifié selon J.Y. Luaques à l'archidiacre Fernando Diaz de Fuentepelayo, son confident enterré à l'entrée de la chapelle.

 Il est "présenté" par un personnage noble, si on en juge par sa toque ornée de bijoux, et par les deux chiens de race qui l'accompagnent. Classiquement, on s'attendrait à ce que ce patron tutélaire qui présente le donateur soit saint Louis, mais il s'agirait ici de saint Hubert ou de saint Eustache. Les trois autres personnages portent la tonsure et le bonnet carré qui les identifieraient comme clercs.

L' évêque porte une chape pluviale historiée qui mérite, à elle seule, un article particulier :  La chape de la chapelle de Burgos. On remarquera aussi ses gants pontificaux ou chirothèques et les nombreuses bagues ou anneaux.

 

Cet évêque est aussi connu par le pontifical qu'il fit réaliser par Guillaume Durand et qui est conservé à la Bibliothèque nationale d'Espagne à Madrid. Le compte-rendu ("Manuscrit en castillan datant de la seconde moitié du XVe siècle, richement enluminé et contenant de superbes miniatures. Cet ouvrage se distingue notamment par la qualité des enluminures de la page XII, en forme de frise végétale et animale, et la représentation des ornements pontificaux. La scène de la Crucifixion de la page 22v est la copie d’une estampe de Martin Schongauer. L’influence de cet artiste est également évidente dans le Christ pantocrator représenté à la page 23r. Les partitions destinées au chant utilisent la notation grégorienne carrée sur portée rouge.") laisse imaginer, si sa consultation était possible en ligne, un approfondissement de l'analyse de ce retable.

arbre-de-jesse 4128v

 

2. La Nativité de la Vierge.

a) Protévangile de Jacques chapitre V :

  "Le lendemain, il présenta ses offrandes en se disant en son cœur : « Si le Seigneur m'a béni, qu'il y en ait pour moi un signe manifeste sur la lame des ornements du grand-prêtre. » Et Joachim offrit ses dons et il regarda la lame ou bephoil, lorsqu'il fut admis à l'autel de Dieu et il ne vit pas de péché en lui. Et Joachim dit : « Je sais maintenant que le Seigneur m'a exaucé et qu'il m'a remis tous mes péchés. » Et il descendit justifié de la maison du Seigneur et il vint dans sa maison. Anne conçut et le neuvième mois elle enfanta et elle dit à la sage-femme : « Qu'ai-je enfanté? » et l'autre répondit : « Une fille. » Et Anne dit : « Mon âme s'est réjouie à cette heure. » Et Anne allaita son enfant et lui donna le nom de Marie."

b) Gesta infantiae salvatoris folio 7r : "apres ces choses et neuf mois accompliz Anne enfanta une fille laquelle fut appellée Marie. Et quant elle leut allaictée pour lespace de troyes ans. ioachim et elle la mene..."

c) analyse :

 Cette Nativité de la Vierge rassemble sept personnages.

— Anne porte la guimpe recouvrant entièrement les cheveux et la gorge, comme une veuve ou une vieille femme ; elle est en train de lire, et ce livre est celui des Saintes Écritures, dans lequel elle déchiffre la volonté et le dessein divin. Cela témoigne de sa piété, mais aussi de sa prescience du destin qui attend sa fille Marie. Ce livre, ou plutôt les Écritures, est l'un des fils conducteurs de l'ensemble du retable.

— Près d'elle, une servante présente un objet rond : est-ce le brouet de l'accouchée, dédaignée par Anne ? J'admire les détails vestimentaires, notamment la chevelure retenue en natte par le voile, tressé par un cordon noir.

— Au pied du lit, une femme richement vêtue et coiffée d'un turban semble présenter un linge. Dans la tradition, Anne avait une sœur, Ismèrie, mère de sainte Élisabeth. 

— Deux femmes prennent soin de la jeune Marie : l'une d'elle est une servante, l'autre porte une guimpe de veuve qui la désigne volontiers comme une sage-femme. Un brasier remplace, ici, la cuvette du premier bain. Celui-ci a pu être considéré superflu, Marie étant (seulement pour certains à l'époque) Immaculée.

Je remarque, sur la sage-femme, les manches amovibles, boutonnées comme des guêtres sur la chemise

— Qui est la femme qui entre dans le couloir ? Que tient-elle à la main ? Son bonnet?

arbre-de-jesse 4134c

 

 

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      3. L'expulsion de Joachim.

a) Protévangile de Jacques, chapitre 1er (trad. G. Brumet).

  "On lit dans les histoires des douze tribus d'Israël, que Joachim était fort riche et il présentait à Dieu de doubles offrandes, disant en son cœur : « Que mes biens soient à tout le peuple, pour la rémission de mes péchés auprès de Dieu, afin que le Seigneur ait pitié de moi. » La grande fête du Seigneur survint et les fils d'Israël apportaient leurs offrandes et Ruben s'éleva contre Joachim, disant : « Il ne t'appartient pas de présenter ton offrande, car tu n'as point eu de progéniture en Israël. » Et Joachim fut saisi d'une grande affliction et il s'approcha des généalogies  des douze tribus en disant en lui-même : « Je verrai dans les tribus d'Israël si je suis le seul qui n'ait point eu de progéniture en Israël. » Et en recherchant il vit que tous les justes avaient laissé de la postérité, car il se souvint du patriarche Abraham auquel, dans ses derniers jours, Dieu avait donné pour fils Isaac. Joachim affligé ne voulut pas reparaître devant sa femme; il alla dans le désert et il y fixa sa tente et il jeûna quarante jours et quarante nuits, disant dans son cœur : « Je ne prendrai ni nourriture ni boisson, mais ma prière sera ma nourriture. »

  b)  L'élément original et intriguant est de voir Anne représentée dans cette scène, alors qu'elle n'apparaît pas dans le texte. L'artiste a pu s'inspirer, afin de placer la mère de Marie au premier plan, de la Gesta infantiae savatoris, comme en témoigne la miniature du manuscrit d'une version française MS Douce 237, quasi contemporaine (1470-1480) : folio 2r, Bodleian Library, Oxford.

 Il s'agit d'une traduction en français de Sanctae Mariae et  infantiae salvatoris gestia, traduction dont l'incipit est En certains jours entre ceulx du peuple disrael estoit ung homme qui avait nom Joachim, de la lignée de Juda. Le folio 2r comporte le texte Or advint que es  jours de feste et de solennites ioachim appareilla ses dons et sacrifices pour porter et offrir au temple et si trouva avecques ceulx qui faisoient loblacion deuceus. Et ce voyant le sarbe du...

 

 

arbre-de-jesse 4190c

 

 

III. Les tableaux du coté droit.

 

1. L'Annonce faite à Joachim.

 

a) Le texte du Protévangile de Jacques est (chapitre III à V): 

   "Sa femme Anne souffrait d'un double chagrin et elle était en proie à une double douleur, disant : « Je déplore mon veuvage et ma stérilité. » La grande fête du Seigneur survint et Judith, la servante d'Anne, lui dit: « Jusques à quand affligeras-tu ton âme? Il ne t'est pas permis de pleurer, car voici le jour de la grande fête (03). Prends donc ce manteau et orne ta tête. Tout aussi sûre que je suis ta servante, tu auras l'apparence d'une reine. » Et Anne répondit : « Éloigne-toi de moi ; je n'en ferai rien. Dieu m'a fortement humiliée. Crains que Dieu ne me punisse à cause de ton péché. » La servante Judith répondit : « Que te dirai-je, puisque tu ne veux pas écouter ma voix ! C'est avec raison que Dieu a clos ton ventre afin que tu ne donnes pas un enfant à Israël » Et Anne fut très affligée, et elle quitta ses vêtements de deuil ; elle orna sa tête et elle se revêtit d'habits de noces. Et, vers la neuvième heure, elle descendit dans le jardin pour se promener, et, voyant un laurier, elle s'assit dessous et elle adressa ses prières au Seigneur, disant : « Dieu de mes pères, bénis-moi et écoute ma prière, ainsi que tu as béni les entrailles de Sara et que tu lui as donné Isaac pour fils. »

"En regardant vers le ciel, elle vit sur le laurier le nid d'un moineau et elle s'écria avec douleur. « Hélas! à quoi puis-je être comparée? à qui dois-je la vie pour être ainsi maudite en présence des fils d'Israël? Ils me raillent et m'outragent et ils m'ont chassée du temple du Seigneur. Hélas! à quoi suis-je semblable? je ne peux être comparée aux oiseaux du ciel, car les oiseaux sont féconds devant vous, Seigneur. Je ne peux être comparée aux animaux de la terre, car ils sont féconds. Je ne peux être comparée ni à la mer, car elle est peuplée de poissons, ni à la terre, car elle donne des fruits en leur temps et elle bénit le Seigneur. »

 

"Et voici que l'ange du Seigneur vola vers elle, lui disant : « Anne, Dieu a entendu ta prière; tu concevras et tu enfanteras et ta race sera célèbre dans le monde entier. » Anne dit : « Vive le Seigneur, mon Dieu ; que ce soit un garçon ou une fille que j'engendre, je l'offrirai au Seigneur, et il consacrera toute sa vie au service divin. » Et voici que deux anges vinrent lui disant : « Joachim, ton mari, arrive avec ses troupeaux. » L'ange du Seigneur descendit vers lui, disant : « Joachim, Joachim, Dieu a entendu ta prière, ta femme Anne concevra. » Et Joachim descendit et il appela ses pasteurs, disant : « Apportez-moi dix brebis pures et sans taches, et elles seront au Seigneur mon Dieu. Et conduisez moi douze veaux sans taches, et ils seront aux prêtres et aux vieillards de la maison d'Israël, et amenez-moi cent boucs et ces cent boucs seront à tout le peuple. » Et voici que Joachim vint avec ses troupeaux, et Anne était à la porte de sa maison et elle aperçut Joachim qui venait avec ses troupeaux, elle courut et se jeta à son cou, disant : « Je connais maintenant que le Seigneur Dieu m'a bénie, car j'étais veuve et je ne le suis plus ; j'étais stérile et j'ai conçu. » Et Joachim reposa le même jour dans sa maison."

b) Le Livre de la Nativité de Marie :

  "Mais, alors qu'il y séjournait depuis un certain temps, un jour où il était seul, un ange du Seigneur lui apparut dans une immense lumière. Comme il était troublé devant cette vision, l'ange qui lui était apparu apaisa sa peur en disant : « Ne crains pas, Joachim, ne sois pas troublé par ma vue. Je suis en effet un ange que le Seigneur t'envoie pour t'annoncer que tes prières sont exaucées et que tes aumônes sont montées devant lui. Il a regardé et vu ta pudeur, et il a entendu le reproche de stérilité qui te fut adressé injustement. Car Dieu est le vengeur du péché, non pas de la nature. Aussi, lorsqu'il ferme un sein, il le fait pour l'ouvrir plus miraculeusement ensuite et pour que l'on sache que ce qui naît n'est pas le fruit de la concupiscence, mais un don divin. La première mère de votre nation, Sara, ne fut-elle pas inféconde jusqu'à ses quatre-vingts ans ? Et pourtant, dans une vieillesse avancée, elle a mis au monde un fils, Isaac, à qui avait été promise la bénédiction de toutes les nations. Et Rachel, tellement agréable au Seigneur, tant aimée par saint Jacob, fut elle aussi longtemps stérile, et elle a néanmoins donné naissance à Joseph, non seulement seigneur d'Égypte, mais aussi libérateur de très nombreuses nations menacées par la faim. Qui parmi les chefs fut plus fort que Samson ou plus saint que Samuel ? Et pourtant ils ont eu tous les deux des mères stériles. Si la raison ne te convainc pas de donner foi à mes mots, donne au moins créance aux exemples qui montrent que les conceptions longtemps différées et les naissances stériles sont d'habitude plus miraculeuses. Aussi ta femme Anne enfantera-t-elle pour toi une fille, et tu lui donneras le nom de Marie. Elle sera consacrée au Seigneur dès son enfance, comme vous l'avez promis, et elle sera remplie du Saint-Esprit dès le sein de sa mère. Elle ne mangera ni ne boira rien d'impur, et elle ne vivra pas parmi le peuple, au-dehors, mais dans le Temple du Seigneur, pour qu'on ne puisse rien ni dire ni même soupçonner de méchant à son sujet. Et avec le progrès de l'âge, de même qu'elle naîtra de façon miraculeuse d'une femme stérile, de même, vierge, elle engendrera de façon incomparable le fils du Très-Haut, qui sera appelé Jésus : son nom indique qu'il sera le sauveur de toutes les nations. ? Et voici le signe de ce que je t'annonce : quand tu arriveras à la porte Dorée de Jérusalem, tu rencontreras ta femme Anne, qui, pour l'instant pleine d'inquiétude à cause du retard de ton retour, se réjouira alors à ta vue. » Sur ces mots, l'ange le quitta."

c) Voir les miniatures correspondantes du manuscrit :

Gesta infantiae salvatoris folio 3r

 Gesta infantae salvatoris folio 4r. :

" En ce temps et mesmes en celui jour un iouvenceau apparut a ioachim entre les montaignes ou il paissait les bestes et luy dist. Ioachim pourquoi ne retourne tu à ta femme. et ioachim respondit. elle ..."

Gesta infantiae salvatoris folio 5r :

d) analyse de l'image :

L'artiste a profité de ce cadre champêtre pour accumuler les détails amusants ou bien observés de la vie animale : moutons et béliers noirs et blancs, chêvres broutant les feuilles les plus hautes, chien poursuivant un lièvre, loup (?) noir aidant un chevreau blanc monté sur son dos, singe touchant son postérieur, chien lèchant ses parties génitales, agneau à la mamelle... 

  On s'intéressera aussi à la houlette : ce n'est pas l'image stéréotypée en forme de crosse d'évêque digne des pastorales de Scudery, c'est une vraie houlette de berger : sa forme de pelle servait à jeter de petites mottes de terre sur les moutons "pour les faire aller plus vite ou leur faire rebrousser chemin" (J.L.M. Daubenton, Instructions pour les bergers, 1810, planche I. ). Un crochet permettait de les saisir par la patte. Le chien fasciné ici par l'apparition de l'ange,  est l'un de ces chiens de troupeau "actifs et dociles à qui on coupait le bout de l'oreille pour qu'ils entendent mieux" (id)

                               arbre-de-jesse 4183x

 

 

      2. La présentation de Marie au Temple.

a) Protévangile de Jacques.

  "Quand Marie eut deux ans, Joachim dit à Anne, son épouse : « Conduisons la au temple de Dieu, afin d'accomplir le vœu que nous avons formé et de crainte que Dieu ne se courrouce contre nous et qu'il ne nous ôte cette enfant » Et Anne dit: « Attendons la troisième année, de crainte qu'elle ne redemande son père et sa mère» » Et Joachim dit : « Attendons. » El l'enfant atteignit l'âge de trois ans et Joachim dit : « Appelez les vierges sans tache des Hébreux et qu'elles prennent des lampes et qu'elles les allument» et que l'enfant ne se retourne pas en arrière et que son esprit ne s'éloigne pas de la maison de Dieu. » Et les vierges agirent ainsi et elles entrèrent dans le temple. Et le prince des prêtres reçut l'enfant et il l'embrassa et il dit : « Marie, le Seigneur a donné de la grandeur à ton nom dans toutes les générations, et, à la fin des jours, le Seigneur manifestera en toi le prix de la rédemption des fils d'Israël. » Et il la plaça sur le troisième degré de l'autel, et le Seigneur Dieu répandit sa grâce sur elle et elle tressaillit de joie en dansant avec ses pieds et toute la maison d'Israël la chérit."

b) Livre de la Nativité de Marie.

Et, lorsque le cycle des trois ans se fut déroulé, et que le temps de l'allaitement fut terminé, ils conduisirent la Vierge avec des offrandes au Temple du Seigneur. Or il y avait autour du Temple quinze marches à monter, conformément aux quinze psaumes des montées. Car le Temple étant construit sur une montagne, l'autel des holocaustes, qui se trouvait à l'extérieur, n'était accessible que par des marches. Aussi déposèrent-ils la Vierge sur la première de celles-ci. Et, tandis qu'ils ôtaient leurs vêtements de voyage et qu'ils mettaient des vêtements plus soignés et plus propres selon la coutume, la Vierge du Seigneur monta toutes les marches l'une après l'autre, sans la main de quiconque pour la guider et la soulever, de telle façon que l'on crut que, sur ce point du moins, rien ne manquait à sa maturité. En effet, déjà dans l'enfance de la Vierge, le Seigneur accomplit un grand acte et montra d'avance par le signe de ce miracle quelle grandeur elle atteindrait. Lorsqu'ils eurent donc célébré le sacrifice selon la coutume de la Loi et qu'ils eurent accompli leur voeu, ils laissèrent la Vierge dans l'enceinte du Temple avec les autres vierges qui devaient être élevées en ce même lieu, et eux-mêmes retournèrent à la maison.

 

c) analyse de l'image.

Celle-ci montre deux détails originaux : le grand prêtre est mis à l'écart et c'est un ange qui accueille Marie au sommet des quinze marches (onze sont visibles) de l'escalier ; et cet ange présente à l'enfant un livre ouvert. Ce livre rappelle bien-sûr celui que sa mère Anne lisait sur son lit d'accouchée.

         

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      3. Tableau inférieur droit. Conversion de saint Hubert.

  La scène représente Hubert de Liège (Huberto de Lieja en espagnol), puissant seigneur du Languedoc suffisamment impie pour partir à la chasse un Vendredi Saint : un cerf blanc portant une croix lumineuse entre ses bois lui apparut pour lui dire :"Hubert! Hubert! Jusqu'à quand poursuivras-tu les bêtes dans les forêts? Jusqu'à quand cette vaine passion te fera-t-elle oublier le salut de ton âme ?" Converti, il succéda à saint Lambert à la tête du diocèse de Tongres-Maastricht.

  Quel est le rapport avec l'évêque Luis Osorio ? Lui aussi était d'une ancienne maison d' Espagne, les comte de Castille, marquis d'Astorga. Il avait été marié et avait eu des enfants, avant d'être ordonné prêtre après son veuvage. Était-il un chasseur impénitent?

 

                         arbre-de-jesse 4189x

 

 

C. REGISTRE INFÉRIEUR  Les évangélistes et la Résurrection.

 

1. Saint Jean.

   L'apôtre préféré de Jésus, l'apôtre imberbe est accompagné de l'aigle qui est son attribut en tant qu'évangéliste, dans la partition des quatre termes du tétramorphe. Parmi les quatre évangélistes, il est le seul ici à ne pas être en train d'écrire, le seul à ne pas avoir un phylactère blanc, mais noir avec quelques lettres discernables, OR MOR. 

 

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    2.   Saint Marc.

Accompagné de son lion, l'évangéliste a chaussé ses bésicles pour écrire la lettre G de l'inscription SEQUENTIA SANCTI EVANGELI SECUNDUM MARCUM. Comme tous les copistes dans leur scriptorium, il a posé devant lui le canif lui servant à tailler sa plume et un calame de rechange. Il écrit en s'aidant de son grattoir avec lequel, à défaut de gratter ses erreurs, il cale son manuscrit. La Bible qu'il copie est posée davant lui, avec ses lettrines à l'encre rouge — rubriques — et ses ornements de marge. Je ne parviens pas à lire cette Bible mais cela semble presque possible, en s'aidant des lettres rehaussées, d'y parvenir.

  Les premières bésicles, lunettes sans monture et pinçant le nez, date du XIIIe siècle. le mot  forme bericle en 1328, bezique en 1399, besicle en 1555) vient de béryl, pierre précieuse servant à faire des verres grossissant, et de escarbocle, "variété de grenat rouge". Les premières sont des bésicles cloutantes, aux verres réunis par un rivet, alors que les bésicles à pont arrondi n'apparaissent qu'au XVe siècle (en 1404 sur le nez d'un apôtre peint par Conrad von Soest)

  Un autre phylactère porte les mots  ILLO TENPORE DIXIT II: c'est un fragment de la formule "Sequentia sancti Evangelii secundum Matthæum. In illo tempore: Dixit Jesus discípulis suis" qui débute la lecture de l'évangile de nombreux offices. Les deux dernières lettres désignent peut-être le chapitre Marc 11. 

A l'arrière de Marc, un personnage debout montre du doigt un passage d'un livre : pourquoi pas Isaïe désignant sa prophétie Isaïe 11,1 sur la tige de Jessé ?

 

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     3.  Saint Luc.

Coiffé d'un bonnet, l'évangéliste médecin et  patron des peintres est représenté de face, ayant cavalièrement accroché la Bible qu'il copie (et son plumier) contre les cornes de son taureau ailé qui servent ainsi de lutrin !

  Comme saint Marc, il copie la phrase SEQUENTIA SANCTI EVANGELI SECUNDUM LUCAM.

On notera que le N du mot EVANGELI est rétrograde.

  Quelle élégance dans le geste de la main !

Le fauteuil est sculpté de personnages qui portent des phylactères : l'Écriture est partout. On compte dix petits personnages sur cette seule image.

 

 

                        arbre-de-jesse 4161xw

 

4. Saint Matthieu.

 On sait que, parmi les quatre termes du tétramorphe, Matthieu s'est vu décerné l'Homme, ou Ange. C'est donc un ange qui sert de lutrin à l'évangéliste, fort occupé à tailler sa plume d'oie. Il est en train d'écrire son propre nom dans l'inscription SEQUENTIA  SANCTI EVANGELI SECUNDUM MATTHAEUM.

 Cette fois-ci, le livre saint présenté par l'ange semble encore plus près d'être lisible ; il comporte de très nombreuses lettrines, rouges, vertes, (je lis clairement un A) non seulement en ma

juscule initiale, mais aussi dans le corps du texte, ce qui évoque plus un missel ou un livre de chant qu'un évangéliaire ou une Bible.

 

                                arbre-de-jesse 4162x

 

5. La Résurrection.

 

Il n'y aurait que cette seule scène, cela serait déjà sublime.

Elle est très bizarrement construite en associant la déréliction des Ecce Homo, des Mises au tombeau et des Vierges de Pitié avec le coup de tonnerre du matin de Pâques et de la gloire de la Résurrection. La consternation et les affres de la mort sont encore visibles sur tous les visages et tous les corps, comme si la sortie du tombeau était, à l'immédiat, en train de se produire.

 Saint Jean (dont on reconnaît la chevelure aux mèches collées sur le front qui était la sienne dans son portrait comme évangéliste) retient Marie qui tombe en arrière. Le visage du saint est défait et rougi par les pleurs et la fatigue.

Au centre le Christ est celui des Flagellations et des Outrages, visage tuméfié et front sanglant, cheveux gras témoignant des sueurs de sang, stigmates à peine sèches. Il porte le manteau rouge et or de la gloire de la Résurrection.

Les six anges ressemblent plutôt aussi à ceux qui l'accompagnaient sur la croix pour recueillir son sang, les traits tristes, les pommettes comme marquées par des coups, les gestes las. Ils tiennent les instruments de la Passion que sont la Colonne et les verges de la flagellation, l'éponge de vinaigre au bout d'un bâton, la lance, le marteau et la tenaille, l'échelle de la déposition. Deux anges placent un coussin de velours sous ses pieds.

 A droite, Marie Madeleine essuie encore ses larmes. Elletient le flacon d'aromate. Ses longs cheveux tombent sur sa robe rouge damassée d'or au revers vert.

  Qui est la dernière Sainte Femme ? Marie Salomé ? Une veuve sans-doute, voilant ses cheveux d'un tissu blanc et or, mais dont la robe vert et or vient étendre un large pan sur le galon duquel on peut lire des lettres : SAUVER HA VITADVIIORAM VSAR..

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6. Saint Pierre.

L'apôtre est placé immédiatement à gauche de la "Résurrection souffrante" (nommons la ainsi) et ses yeux sont aussi rougis par les larmes que ceux des autre protagonistes. Malgré la différence d'échelle, il appartient à la scène centrale et à sa compassion. 

     Sur un mode plus léger, j'ai été un instant interloqué par l'objet doré qui pend devant le ventre du Premier Évêque : cela ressemblait à une extrémité inférieure de diaphyse fémorale, mais avec des condyles asymétriques. Ou bien, cela pouvait évoquer...qui avait pu accrocher ainsi une sorte d'ex-voto ? Je finis par comprendre qu'il s'agissait d'un porte-clef, comme on en utilise sans-doute en Léon et en Castille.

  Comme pour les sculptures précédentes, la cathèdre et le dais architectural gothique tardif donne l'occasion de dissimuler les statues des petits personnages : leur passage du monde vétérotestamentaire au Nouveau Testament s'est fait au prix d'une réduction drastique, et, s'il sont là pour rappeler la continuité de la Parole divine, de son Alliance et de son Plan de rédemption de l'humanité à travers les deux piliers des Écritures, ils semblent plutôt souffler en catimini l'inspiration de l'Esprit-Saint aux braves pêcheurs de Galilée.

 

                       arbre-de-jesse 4158x

 

7.  saint Paul.

  Saint Paul occupe, après la place d'honneur à gauche de l'autel, la seconde place, celle de l'épître, et c'est justice pour celui dont la vocation, juif converti devenu apôtre des païens fut de préciser comment le scandale de la Révélation fut une rupture, mais aussi un accomplissement de l'Ancienne Alliance.

 On le reconnaît à son attribut, l'épée par laquelle il fut décapité à Rome. 

Lui aussi semble presque pleurer face au Christ ensanglanté qui surgit du tombeau.

 

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D. LE REGISTRE SUPÉRIEUR : CRUCIFIXION.

 

   Il faudrait insister sur l'importance et l'originalité de ce Calvaire placé en sommité de l'Arbre de Jessé, puisque, sur les autres exemples iconographique de cet Arbre, à débuter par les vitraux de Saint-Denis et de Chartres, l'Arbre  s'achève par la Mère et le Fils, au début de la vie de Jésus. Ces Arbres-là se consacrent exclusivement au mystère de l'Incarnation, et à la double nature du Christ, homme par sa filiation à la race de David et à la royauté de Juda, et dieu par la filiation spirituelle avec les prophètes annonçant un Messie, et par le caractère virginal de sa conception.

  Pour un Arbre centré sur la rencontre d'Anne et de Joachim sous la Porte dorée, et qui déploie une grande partie de ses descriptions à la vie de Marie, ce premier thème, l'Incarnation, semblait très largement suffisant, avec tout le champ de l'engendrement de la maternité et de la nativité, ses espoirs et ses joies. Rappelons que si l'invocation de Jessé faisait partie de la liturgie, c'était dans le temps de l'Avent, dans le troisième Antienne en O du 19 décembre : O Radix Iesse , qui stas in signum populorum, super quem continebunt reges os suum, quem gentes deprecabuntur : veni ad liberandum nos, iam noli tardare.

Pourtant, c'est par la Passion que cet arbre trouve son couronnement, affirmant ici que la finalité de l'Annonciation n'était pas, comme pour Abraham et Sarah accédant miraculeusement à la paternité malgré le grand âge, comme pour Isaac et Rebecca, comme pour Jacob et Rachel avec la naissance de Joseph, Zacharie et Elisabeth avec celle de Jean-Baptiste et même comme pour Joachim et Anne, simplement de vaincre la malédiction de la stérilité par une intervention divine, ni même, pour Jessé, de voir ses fils fonder une dynastie royale prospère, mais rien de moins que de sauver l'humanité du Péché originel.

 Ce qui culmine, c'est donc la Mort sur la croix, le Sacrifice, le Don rédempteur : le mystère de la Rédemption. Comme l'indiquent les deux astres du ciel, un évènement de dimension cosmique.

  Comme l'indique le crâne (celui du Vieil Adam) au pied de la croix, le Christ, est l'homme parfait qui restaure dans la descendance d'Adam par le scandalum Crucis la ressemblance divine altérée par la chute. (Encyclique Redemptor hominis Jean-Paul II).

 

 

  1. Crucifixion.

 

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2. Armoiries épiscopales de Luis y Osorio Acuña.

 Deux griffons ailés  entourent les armoiries épiscopales . Je reconnais parmi les quartiers :

— les armoiries de la famille Osorio "En campo de oro, dos lobos desollados, pasantes, de gules y puestos en palo"

celles de la maison de Manuel de Villena.Escudo de don Juan Manuel.

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 3. La Vierge

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4. Sain Jean. 

                         arbre-de-jesse 4187x

 

                E.  Marginalia et curiosita.

 

Les armoiries du Portugal.

                         arbre-de-jesse 4131c

 

 

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

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Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

Détail du Retable de l'Arbre de Jessé , Chapelle Sainte-Anne, cathédrale de Burgos, photo lavieb-aile

 

Liens et Sources.

 

— Article Wikipédia http://es.wikipedia.org/wiki/Capilla_de_Santa_Ana_de_la_Catedral_de_Burgos   

— Joaquim Yarza Luaces, Gil Siloe. El retablo de la Concepcion en la capilla del obispo Acuna. Burgos, Asociacion Amigos de la catedral de Burgos, 2000 (compte-rendu dans  Catherine Chédeau  Bull. Monumental 2002    Volume   160   pp. 423-425)

— escultura castellana de Luis Planas Duro :

 http://esculturacastellana.blogspot.fr/2013_01_01_archive.html 

http://esculturacastellana.blogspot.com.es/2011/08/marginalia-i.html

Liens et Sources.

 

— Article Wikipédia http://es.wikipedia.org/wiki/Capilla_de_Santa_Ana_de_la_Catedral_de_Burgos   

— Joaquim Yarza Luaces, Gil Siloe. El retablo de la Concepcion en la capilla del obispo Acuna. Burgos, Asociacion Amigos de la catedral de Burgos, 2000 (compte-rendu dans  Catherine Chédeau  Bull. Monumental 2002    Volume   160   pp. 423-425)

— escultura castellana de Luis Planas Duro :

 http://esculturacastellana.blogspot.fr/2013_01_01_archive.html 

http://esculturacastellana.blogspot.com.es/2011/08/marginalia-i.html

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Published by jean-yves cordier
29 mai 2013 3 29 /05 /mai /2013 13:34

 

 

 

              Le vitrail de l'Arbre de Jessé

      de la chapelle Saint-Fiacre à Le Faouët.

 

Voir la liste et les liens de la série complète des Arbres de Jessé que j'ai étudié sur ce blog dans l'article  Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56).


      Classement MH depuis 1862

   Cette verrière qui occupe la baie 4 dans le bras sud du transept mesure 4,45m de haut et 1,96m de large ; elle se compose de quatre lancettes trilobées et d'un tympan de 5 ajours et écoinçons. Elle est datée du troisième quart du XVe et du milieu du XVIe siècle. Elle a été (peu) restaurée en 1910-1917 par la maison Delon de Paris.

 

  Elle est consacrée à un Arbre de Jessé dont l'originalité est d'une part de culminer dans une Passion (et non en une Vierge à l'Enfant), et d'autre part, de se voir encadré de chaque coté, par les douze apôtres. On ignore si cette disposition date, comme je le pense, de l'origine du vitrail, estimée vers 1480, ou si elle a été introduite au milieu du XVIe siècle, lorsque le personnage de Jessé a été remplacé. Or, cette association, si elle ne relève pas des impératifs ou des hasards des restaurateurs, mais répond à un programme délibéré du commanditaire, est pleine de sens sur le plan théologique.

  Sa date de création en fait le premier vitrail de l'Arbre de Jessé conservé en Bretagne

  Une autre particularité est de comporter, parmi les noms de rois perchés sur l'Arbre, des noms inhabituels et qui n'appartiennnent pas aux successeurs de David sur le trône de Juda.

  Ces bizarreries vont me conduire sur des pistes originales et à une nouvelle lecture interprétative. Disons déjà qu'un point commun circule à travers les différents panneaux pour les assembler en un seul thème. Lequel ?


                                       arbre-jesse 7623c

 

En raison de sa disposition, je l'étudierai lancette par lancette

 

I. Lancette médiane.


Registre inférieur. Panneau 1b. Jessé.

  C'est ce panneau, ou du moins la figure de Jessé, qui a été reprise au cours du XVIe siècle. C'est l'époque où est survenu un changement de la représentation de Jessé,  désormais volontiers représenté assis plutôt que couché comme à Saint-Denis ou Chartres au XIIe siècle. Mis à part la cathèdre monumentale et cette attitude, les autres éléments sont fidèles au shéma habituel, la main sous la joue dans la posture de méditation ou de songe, la barbe, le bonnet juif à oreillettes, le dais tenu par deux anges, le livre qui a provoqué sa rêverie, et l'arbre dont le tronc émerge du dos de l'ancêtre.

  Les  manches témoignent de la mode des crevés installée dès le début du XVIe siècle.

                  arbre-jesse 7709c


Registre médian, panneau 2b, rois de Juda et prophètes.

Les trois panneaux suivants ont en commun leur fond bleu et leur encadrement par des carreaux rectangulaires blanc. Les couleurs employées seront le rouge, le jaune, le vert, le bordeau, et le marron sombre de saint Jean. Une partie importante, et de proportion croissante en s'élevant, est laissée en blanc pour les mains, les visages, les phylactères, le manteau de la Vierge et le corps du Christ. Elle sont traitées en grisaille et réhaussés, avec sobriété, de jaune d'argent. Ce blanc dessiné de grisaille me semble, par son dépouillement qui culmine avec la nudité de Jésus, posséder une valeur spirituelle, voire même une valeur allégorique.

      Quatre personnages sont visibles, dont les noms nous sont donnés par des phylactères : deux sont clairement lisibles, SALAMON* et AMINADAB. Je crois déchiffrer aussi IACOB. Deux tiennent des livres, et deux autres font un geste de comput digital ou de désignation.

* même orthographe sur le vitrail de Confort-Meilars.

 

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registre supérieur, panneau 3b , Rois, Marie et Jean.

Sur ce panneau apparaît en partie basse les têtes de deux autres personnages, et trois phylactères ; un seul est facile à lire, qui donne le nom de ZOROBABEL. Je crois lire sur celui de gauche BONI... et sur celui de droite BOBOAS (!).

  L'arbre, après s'être confondu avec Zorobabel, de divise en trois branches qui le transforment en un calvaire dont les croisillons à culots supportent Marie et Jean, alors que le fût central s'élève encore.

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Registre supérieur panneau 2c, Crucifixion.

Dans cet ultime panneau, le Christ au nimbe crucifère rouge et or est crucifié : la Croix est composée de deux branches mal ébranchées pour rappeler clairement leur nature végétale, la virga (verge, tige) de Jessé ne conduisant pas ici à la Vierge (virgo), mais à la virga crucis*, la tige de la croixLe titulus et son inscription INRI occupe le fleuron central de la lancette. 

* supposuit quoque humerum arce foederis dei in qua est virga crucis qui floruit in apostolis. : Pierre de Celle Liber II, Epistola LXXX.

Deux anges recueillent dans trois calices le Précieux Sang qui s'écoulent des plaies des mains et du thorax, selon un shéma très courant sur nos calvaires bretons.

 Le fait qu'un Arbre de Jessé se termine par une Passion, et non par une Vierge à l'Enfant, est rare. On le retrouve en Bretagne à Kerfeunten (Quimper) et à Confort-Meilars :

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun :

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Confort-Meilars.

 Ce vitrail n'est donc pas consacré au culte marial de la conception virginale (sur le jeu de mot virga/virgo qui découle de citations du prophète Isaïe) et à l'Incarnation, mais à la Rédemption par un Christ libérateur vainqueur de la Mort par le mystère de la Passion, si je me permets de m'aventurer sur des brisées théologiques en vrai amateur.

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II Lancette gauche.

        A la différence de la lancette médiane et de son encadrement de carreaux blancs, celle-ci, comme la lancette droite, est encadrée par les fûts polygonaux d'un décor architectural délimitant des niches. Le fond de chacune d'elle est alternativement vert, jaune-or et bordeaux, évitant le bleu qui est ainsi réservé au fond de la lancette médiane. Les robes des apôtres se partagent les couleurs restantes, en fonction du fond : bleu, jaune, rouge, vert. Là encore, une proportion importante est laissée en blanc : mains et visages, livres, nimbes, attributs, robes ou tuniques. Le jaune d'argent est rare, mais sans-doute n'a-t-il pas résisté à la corrosion du temps qui passe.

Registre inférieur : panneau 1a, 2 apôtres, Pierre et Paul.

Pierre et la clef, Paul et l'épée.

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Registre médian, panneau 2a, apôtres Matthias et Simon.

Matthias (ou Matthieu, ou Jude Thaddée) avec la hallebarde, Simon et la scie.


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Registre supérieur, panneau 3a, 2 apôtres ? et Barthélémy.

 Barthélémy avec le couteau avec lequel il fut écorché vif. L'apôtre imberbe correspond habituellement à Jean, mais celui-ci est représenté ailleurs. Il tient ici un volumen (ou une hampe). Je suis  surpris par sa robe bleue doublée d'hermines et ses manches aux revers ornées de pierreries. Peut-être Philippe.

                                arbre-jesse 7707cccc


III. Lancette droite.

Registre inférieur, panneau 1c, les  apôtres André et Jacques le Majeur.

André avec la croix en X, Jacques le majeur avec le chapeau de pèlerin et le bourdon.

                        arbre-jesse 7624cc

 

 

Registre médian, panneau 2c, les apôtres Jacques et Matthieu.

Jacques le mineur avec le bâton de foulon, Matthieu avec la pique.

                            

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Registre supérieur, panneau 3c, les apôtres Jean et Thomas.

Jean avec le calice d'où sort un serpent/dragon, Thomas avec l'équerre. (ou Jude Thaddée).

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IV. Tympan.

  Dans les mouchettes, quatre anges porteurs des instruments de la Passion. Dans les écoinçons deux anges thuriféraires

Dans le soufflet se trouvent les armoiries (restaurées) mi-parti de Boutteville et du Chastel.

 

 

Mon analyse.

   En 1861, les visiteurs de la Société Polymathique du Morbihan  avaient déchiffré sur les panneaux 2b et 3b "Jacob, Salomon, Aminadab, Moïz, Zorobabel, etc...". Cette lecture m'aide à déchiffrer à mon tour les inscriptions et à découvrir en effet ces noms sur ce panneau et celui du dessus. (Un doute persiste néanmoins pour Moïse, ou des lecteurs plus récents ont hésité avec Loth, et où je lisais BONI ; fions-nous à la lecture de nos prédécesseurs).

  Or, on s'attend à trouver ici quelques-uns de douze ou quatorze rois de Juda cités dans la généalogie de Jésus par Matthieu 1,4 et qui fréquentent les autres arbres de Jessé : Jessé-David-Salomon-Roboam-Abia-Asa-Josaphat-Joram-Ozias-Joatham-Achaz-Ezéchias-Manassé-Amon-Josias-Jéchonias. Non, pas de roi David avec sa harpe, pas de couronne, pas de sceptre, mais des hommes aux bonnets hébreux qui tiennent des livres, dressent l'index comme en énonçant une sentence, comptent sur leurs doigts à la mode antique dans l'exposé d'un raisonnement : leurs noms, leurs vêtements et leurs postures les désignent non pas comme des rois de Juda descendant de Jessé, mais comme des Prophètes, dans un projet iconographique de typologie biblique. Ces personnages ne sont pas les ancêtres généalogiques du Christ, ils en sont les précurseurs, les figures préfiguratrices, les types.

  Le nom que je ne parviens pas à lire (que je lis BONIAS et que les autres auteurs ne me fournissent pas) pourrait être alors (cela me conviendrait !) Jonas. 

 Certes, parmi les quatre noms lisibles avec certitude, Jacob (un léger doute), Salomon, Aminadab et Zorobabel, trois sont des descendants de Jessé et de son fils David et des ancêtres attitrés de Jésus. Rien n'oblige à une lecture différente de celle proposée jusqu'à présent et à renoncer à voir là  la représentation conventionnelle d' un Arbre de Jessé avec Jessé endormi et six des rois de Juda conduisant à Marie et à son Fils.

Mais l'absence de David ?

Mais l'absence de sceptres et de couronnes ?

Mais les apôtres dans les lancettes latérales ?

Mais la crucifixion remplaçant la Vierge à l'Enfant ?

Mais Jacob ?

  

 

  Remarquons maintenant le fil conducteur qui relie toutes les scènes : il s'agit du livre, ou, plus précisément, des Écritures. Partez du livre que tient Jessé, et voyez comme le tronc de l'arbre issu de son dos  est dessiné comme un phylactère enroulé dont la spirale monte au dessus du pavillon et porte bientôt des lettres noires ; voyez comme il se transforme en branches qu'il semble recouvrir de ces plis. Ici, ce n'est pas un arbre de bois, mais un arbre de parchemin, c'est le texte écrit et lu qui fait souche, qui se déploie, qui engendre, qui fructifie, qui se ramifie, qui envoie les titulus comme des satellites. Il s'incarne littéralement dans le corps de Salomon, puis dans celui de Zorobabel, avant de s'achever dans le Verbe incarné, Jésus.

  Pendant que le livre de Jessé se déploie ainsi, notez que le premier prophète (ou roi, si vous voulez) tient également un livre ; et Salomon également (on peut imaginer qu'il s'agit du le Cantique des Cantiques) ; et le "roi" Bonias/Jonas assis avec sa robe mauve aussi. 

  De chaque coté, les apôtres ne servent qu'à cela, à témoigner des Écritures, comme sur les porches des églises où ils tiennent les volumen des articles du Credo apostolique. Mais ici, ce sont ces livres qu'ils tiennent soigneusement qui  font d'eux les porte-paroles inspirés qui lisent clairement désormais comment les prophètes de l'Ancien Testament annonçaient le Christ. Car dans chaque niche, on trouve un livre, parfois deux.

 Je propose donc d'opérer un changement radical de regard porté sur cet Arbre de Jessé. Cessons d'y voir un arbre symbole de transmission généalogique, voyons-y un arbre de la Révélation, de la parole divine exprimée comme une sève par la bouche des prophètes et de la Tradition et transmise de génération en génération, avant de s' incarner en Verbe vivant.  C'est un arbre de feuilles, de livres, de mots et de cantiques ; de sa racine naît un rejeton.

 C'est aussi le sens allégorique que je propose de voir dans ce cheminement du blanc engrisaillé : le blanc des chairs est celui des visages qui parlent et des mains qui tiennent les livres ; celui des doigts qui scandent les paroles ; celui du réseau des branches d'arbre parallèle au réseau des phylactères. Tout ce blanc est celui de la page de papier zébré des lignes noirs de l'encre, tout ce blanc est parole et écriture, bouche pour parler, yeux pour lire, mains pour dire et pour écrire, avant de se transformer une première fois dans le manteau immaculé de la Vierge, en qui le Verbe s'est fait chair, puis une deuxième et ultime fois dans le corps dénudé du Serviteur Souffrant dans la pâleur glacée de son agonie.

  

  1. Salomon.

Si donc cet arbre est celui de la circulation et de la croissance de la parole divine jusqu'à sa réalisation, il importe peu que les personnages de l'axe central respectent la filiation énoncée par Matthieu dans sa généalogie ; notre grille de lecture ne doit pas être généalogique, mais typologique, basée sur ce travail d'exégèse que les Pères de l'Église ont développé pour démontrer que Dieu parlait par les prophètes pour annoncer le Messie. Salomon, dés lors, n'est plus là comme fils de David, petit-fils de Jessé, mais comme figure du Christ : sa sagesse préfigure celle du Christ, la gloire de son règne préfigure celui du Christ, le Temple qu'il a bâti préfigure l'Église. 

Pour comprendre cette nouvelle grille de lecture, il faut savoir que les Écritures peuvent faire l'objet de trois niveaux de lecture,: littéral, figuré et typologique. La lecture typologique va s'attacher à reconnaître dans les personnages ou les citations de l'Ancien Testament l'annonce du Nouveau Testament.

   Pour reprendre les termes de Jean-Noël Guinot, l'exégèse patristique a coutume de distinguer deux sortes de prophéties : celles (prophéties messianiques directes) qui visent directement le Christ ou une réalité messianique, et celles qui reçoivent dans l'histoire de l'Ancien Testament une première réalisation, avant de trouver avec le Christ dans le Nouveau Testament leur accomplissement définitif.

Cette première réalisation, toujours incomplète ou inférieure à la seconde, en est considérée comme le « type » ou « figure » ; Non que la prophétie s'accomplisse deux fois : la figure n'est qu'une image imparfaite de la réalité neo-testamentaire « l'antitype » —qui constitue à proprement le seul véritable terme de la prophétie.( voir H de Lubac, Typologie et allégorisme 1947).

 Nous avons vu comment nous pouvons comprendre la présence de Salomon non comme une référence historique ou généalogique, mais comme du pré-texte, une écriture prophétique de l'avènement du Christ. Cela est-il valide pour les autres personnages du vitrail ?

2. Zorobabel.

  C'est le personnage situé directement en dessous de l'étage neo-testamentaire de la Passion, sur un axe médian où s'alignent Jessé / Salomon / Zorobabel / Le Christ.

  Ce n'est guère surprenant lorsque l'on sait que ce descendant de David et de Salomon a été considéré dans la lecture typologique comme la préfiguration du Christ.

 [ Rappel Wikipédia article Zorobabel: Selon le Livre d'Esdras, lorsque Cyrus II eut rendu la liberté aux Juifs, Zorobabel se mit à la tête de ceux qui habitaient la province de Babylone pour les ramener en Judée. Sept mois après avoir quitté la Chaldée, le grand prêtre Josué souhaitant rétablir le culte public,Zorobabel l'aida à dresser un autel pour offrir des sacrifices au Seigneur. Dès la seconde année, il commença à assembler des matériaux pour rebâtir leSecond Temple de Jérusalem. Mais les fondements sortaient à peine de terre que les Samaritains, dont on avait refusé les offres suspectes, firent tant par leurs intrigues auprès des ministres d'Artaxerxès qu'ils provoquèrent l'interruption des travaux.

Selon le Livre d'Aggée, quelques années plus tard, Zorobabel, excité par les prophètes Aggée et Zacharie, encouragea le peuple, qui reprit la construction du Temple avec plus d'ardeur que la première fois.Darius Ier ayant accordé sa protection aux Juifs l'ouvrage ne fut plus interrompu ; Zorobabel eut la consolation de le voir achever et d'assister à la dédicace du temple, qui fut faite quatre ans après qu'on eut recommencé à y travailler.

Dans le Livre de Zacharie, le Dieu d'Israël adresse un message à Zorobabel : il déclare que Zorobabel a déjà posé les fondements du Second Temple de Jérusalem, et qu'il l'achèvera également. De plus, il exhorte le peuple à se réjouir et à féliciter Zorobabel.]

Dans l'histoire du peuple juif, Zorobabel suffit à évoquer la fin de l'exil à Babylone et le retour glorieux sur la terre de Juda, tout comme celui de Moïse évoque la sortie d'Égypte et la fin de l'esclavage. Héros de la restauration nationale, qui s'affirme par la reconstruction du Temple et la victoire sur les ennemis, Zorobabel est aussi le chef en qui se cristallise l'espérance messianique (Agg. 2,23 et Zach 6,12-13)

Dés lors, il était naturel que l'exégèse patristique retînt Zorobabel comme une figure du Christ, et l'ère nouvelle qu'il inaugure, comme une préfiguration des réalités néo-testamentaires. Libérateur comparable à Moïse, chef et conducteur du peuple comme lui, Zorobabel offre donc à l'exégète l'occasion de parallélismes commodes entre la sortie de l'Égypte et le retour d'exil de Babylone, entre la libération d'un peuple captif et celle d'une humanité prisonnière du péché, entre la reconstitution matérielle de Jérusalem et la rénovation spirituelle opérée par le Christ. (J.N. Guinot, 1984).

 Saint Jérôme s'est exprimé explicitement au sujet de Zorobabel comme type du Christ.

 


3.  Jacob

 Jacob renvoie à la prophétie de Balaam Orietur stella ex jacob, Une étoile sortira de Jacob. Mais Jacob peut aussi renvoyer à l'échelle de Jacob, figure de l'Ascension (Speculum Humanae salvationis).
 

4.  Aminabad ou Abinabad :

Il figure parmi les descendants de David ancêtres du Christ dans la liste de Matthieu.
Moïse mais je n'ai pas découvert d'interprétation typologique.

Sur le plafond de la chapelle Sixtine par Michel-Ange où les ancêtres du Christ sont représentés à coté des Prophètes et des Sibylles, Aminabad cotoie Jonas.

5. Moïse.

Si le personnage qui compte sur ses doigts est bien, comme cela a été lu en 1861, Moïse, sa présence ne pose pas de problème, comme premier prophète du peuple hébreu, mais aussi parce que, comme nous l'avons vu à propos de Zorobabel, son rôle de libérateur de l'oppression égyptienne ou de guide vers la Terre Promise préfigure le Christ rédempteur. (comme Ezéchias, Cyrus, Zorobabel ou Josué ).

 . Sur le vitrail de l'Arbre de Jessé de Chartres, il appartient à la liste des Prophètes.

En iconographie, face à un personnage de l'Ancien testament comptant sur ses doigts, on pense aussi au prophète Daniel.


6. Jonas
  Malgré mon incertitude sur sa présence sur ce vitrail je vais montrer néanmoins pourquoi sa présence serait possible. Cela illustrera aussi la raison de la présence de Salomon. En effet, Ionas ou Jonas par l'épisode du ventre de la baleine préfigure la mise au tombeau puis de la résurrection du Christ :

Matthieu 12,38-42 (Louis Ségond) :

   Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens prirent la parole, et dirent: Maître, nous voudrions te voir faire un miracle. Il leur répondit: Une génération méchante et adultère demande un miracle; il ne lui sera donné d'autre miracle que celui du prophète Jonas. Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand poisson, de même le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. Les hommes de Ninive se lèveront, au jour du jugement, avec cette génération et la condamneront, parce qu'ils se repentirent à la prédication de Jonas; et voici, il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi se lèvera, au jour du jugement, avec cette génération et la condamnera, parce qu'elle vint des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et voici, il y a ici plus que Salomon. 

Cette typologie est illustrée dans la Biblia Pauperum : Jonas / Mise au tombeau / Joseph dans le puits. 

Si cette analyse incite à accorder une place importante aux Prophètes, on peut mieux comprendre la place des Apôtres dans les lancettes latérales en tenant compte de la tradition iconographique du Credo prophétique et apostolique : Le Credo apostolique et prophétique.

Voir, dans le même sens, le vitrail de l'arbre de Jessé de Chartres : Le vitrail de l'arbre de Jessé de la cathédrale de Chartres.

 

Conclusion.

  Peut-être parce qu'il est le plus ancien vitrail d'Arbre de Jessé conservé en Bretagne, l'Arbre de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët impose une lecture différente des Arbre du XVIe siècle, lesquels sont consacrés, sinon à la Maternologie, du moins au culte marial de la conception virginal, à l'Incarnation, voire, comme cela a pu être discuté, à l'Immaculée Conception, et qui ne comportent que deux prophètes, Isaïe et Jérémie, puisqu'ils sont construits sur la citation d'Isaïe 11,1 Egredietur virga de radice Iesse, et flos de radice eius ascendet.

  Ici, cette citation n'apparaît pas, et Isaïe ne figure pas parmi les personnages. Au lieu d'être encadré, comme à Saint-Denis et à Chartres, par des Prophètes, l'Arbre est ici encadré par les douze apôtres, mais les références à l'Ancien Testament sont placés dans la lancette centrale, en lieu et place des douze rois de Juda. 

  Enfin, c'est sur la virga crucis, le bois de la croix, que la tige de Jessé trouve son apogée et sa finalité. Sa fleur, son fleuron, flos, n'est plus l'Enfant mais le Christ en croix, libérant en nouveau Moïse, nouveau Salomon et nouveau Zorobabel l'humanité de la faute d'Adam.


Liens et sources :

— Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, Presses Universitaires de Rennes 2005.

— Inventaire Général des monuments et richesse artistiques de la France. Commission Régionale de Bretagne. Finistère, Canton de Carhaix-Plouguer 2 Tomes imp Nationale 1969, p. 49.

—  Inventaire régional, culture.gouv.fr., enquête 1969, Dufief Denise ; Quillivic Claude.

— Bull de la Société Polymathique du Morbihan, Vannes 1861 page 23.    

—  Adolphe Joanne Itinéraire général de la France: Bretagne, 1867 p.502.

— Jules Corblet  Étude iconographique sur l'arbre de Jessé  (sur la présence des apôtres dans les Arbres de Jessé)

Le_Commentaire_sur_Aggee_de_saint_Jerome_memoire_de_Master_

— Jean-Noël Guinot L'exégèse de Théodoret de Cyr

— Jean-Noël Guinot La cristallisation d’un différend : Zorobabel dans I’exégèse de Théodore de Mopsueste et de Théodoret de Cyr Augustinianum Volume 24, Issue 3, December 1984 Pages 527-547

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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