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7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 20:36

 

        L'église Saint-Jacques de Locquirec :

           Maquettes et statues.

I. Maquettes.

    Je rappelle que je réserve le nom d'ex-voto à des maquettes ou tableaux  offerts après un nauvrage, portant le nom réél du navire et rappellant les circonstances du vœu formulé. Cette coutume est très ancienne.

 Les maquettes de procession sont plus récentes, correspondant aux efforts du clergé pour affermir la foi des paroissiens par des processions derrière des bannières et, dans les paroisses maritimes, des maquettes portées sur un brancard, mais aussi des cérémonies de bénédiction de la mer et des navires du port. Cette tradition est parfaitement attestée à Locquirec et perdure actuellement. Les navires en question ne correspondent pas à une unité immatriculée, ne sont pas identifiables, ne portent pas de nom, ou un nom de dévotion.

La première maquette, carène rouge et coque noire, est celle qui est portée lors des processions, et c'est elle qui est pavoisée ; elle  ne porte pas de nom. C’est un navire de guerre, un trois-mâts carré "armé de 40 canons de sabord et de 2 canons de retrait" (site ex-voto.net). Elle est équipée d'éléments de fixation destinés à sa suspension à la voûte.

 

 

 

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La deuxième maquette est un trois-mâts carré qui porte le nom de « Saint-Yves ».Une seule batterie de faux sabords sans canons, correspondant à un navire de commerce.Étrave très élancée. XIXe siècle sans-doute.

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II. Quelques statues.

 

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Christ aux outrages.

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Sainte-Trinité ou Trône de grâce provenant de la chapelle de Linguez.


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Saint Jacques, patron de l'église.

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Saint Kirek, premier patron (chronologiquement) de la paroisse.

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Published by jean-yves cordier
7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 17:52

  L'église Saint-Jacques de Locquirec :

      Le retable de la Passion et l'autel.

 

Suite de  L'Arbre de Jessé sculpté de l'église de Locquirec.


I. Le retable de la Passion.

N.B Le caractère médiocre des photographies est dû à l'opérateur, à la présence d'une vitre de protection, et au respect de la consigne de ne pas accéder sur l'estrade.

 

Retable du maître-autel en bois sculpté du XVIè siècle : les groupes en haut-relief, protégés depuis 1981 par une vitre de sécurité, représentent la Passion : Ecce Homo, Couronnement d'épines, Flagellation, Véronique à la Sainte Face, Rencontre de Marie avec Jésus, le Christ en croix entre les deux larrons, Descente de croix, Mise au Tombeau. (R. Couffon)

 

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Les bas-reliefs de l'autel.

  saint Claude, saint Jean-Baptiste, saint Jacques, saint Mélar et sainte Barbe.

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Sanctus Melorius, saint Méloir ou Mélar.

Son oncle Rivod lui ayant coupé la main droite et le pied gauche, on lui confectionna une prothèse : c'est avec celle-ci  qu'il tient la main qu'il a perdu. 

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Sainte Barbe

avec la tour aux trois fenêtres par lesquelles elle rendait hommage à la Sainte-Trinité et affirmait sa foi.

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Published by jean-yves cordier
7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 12:37

      L'Arbre de Jessé sculpté                                     de l'église  Saint-Jacques de Locquirec (29).

 


 Voir la liste des Arbres de Jessé de mon blog, avec les liens nécessaires, au début de l'article  Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56). 

Voir aussi   L'Arbre de Jessé de l'église de Plourin-les-Morlaix (Finistère).


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      Commentaires. 

 1.  Le docteur Louis le Thomas (cf. Sources), qui a recensé les Arbres de Jessé de Bretagne et dont je ne me lasse pas de déguster les descriptions soucieuses de s'inspirer de l'anatomie comparée et de l'ontogénèse, le décrit ainsi : 

  "Haut-relief, XVIIe. Formule = Jessé + David + Rois (12) + Vierge-Marie." (Il n'existait en fait que douze rois y compris David, et actuellement onze rois, l'un ayant été volé du coté gauche.)

 " Plan inférieur : Jessé songeant, couché, tête à gauche. Accoudement du même coté. tronc de l'Arbre à implantation thoraco-abdominale."

"Aux pieds de Jessé, à droite, démone, torse dressé. Tête cornue. Visage fruste. Torse tératologique, à thorax et abdomen globuleux. Bras droit très grêle avec Pomme énorme dans une serre tridactyle. Queue anguiforme, spiralée."

  "Rois (12), étagés en deux rangées opposées. David (avec harpe) à gauche. Couronnes et sceptres. "

 "Plan supérieur : Vierge-Mère ("Notre-Dame du Bon-Secours"), hanchée, frustre."

"Au sommet, Ange voletant, avec sceptre fleurdelysé."

"Volets (2) avec panneaux (6)."

  L'auteur classe cette "composition plastique"  dans la catégorie, majoritaire dans son étude, du "type marial surbaissé" avec Vierge incluse dans la ramure, et ordonné selon un T renversé, avec Jessé couché —mais ici les yeux mi-clos— dans l'attitude "destiné à suggérer l'idée de somnolence préludant à un rêve prémonitoire".

Parmi les 19 Arbres sculptés recencés en Bretagne dont 6 en Finistère (outre Locquirec, Plounevezel, Plouzevedé/Berven, Plourin-les-Morlaix, St-Thégonnec, St-Yvi) il appartient au sous-groupe à Démones, comme 13 des 19 Arbres.

  Ces Démones fascinent Louis Le Thomas, qui leur a consacré un article particulier, et les classe en deux figurations anthropomorphiques, celle de Démone-Serpent ou anguiforme, ou ophioure (ou "Echidna"), et celles, plus rares, de Démone-poisson (ou "Néreïde"). Il  voit dans ces formes qui "relèvent d'une gynécomorphie du Serpent de la tentation"  "l'occasion rare, dans l'iconographie religieuse; d'une étude du nu féminin, bustes et torses de démones ayant été, dans les Arbres de Jessé bretons, traités avec une verve évidemment complaisante et un réalisme particulièrement suggestif" car elles ont "pour attribut principal des mamelles orthomorphes, discoïdes, d'un galbe partout très exagéré" dont le mérite est néanmoins de consoler le fidèle des démons et démones de l'iconographie religieuse, très souvent affligées de mamelles pendantes, à titre péjoratif, et d'inspiration probablement monacale". Souvent, hélas, ces "exubérance mammaire a servi de prétexte à une chirurgie iconographique correctrice particulièrement tenace afin, presque partout, de réduire —sinon de supprimer— cette exubérance en pratiquant des amputations, alors qu'aux personnages "cacheurs" de Molière suffisait...le mouchoir".

 Le docteur remarque aussi que ces Démones ne peuvent être figurées entières, pour s'effacer derrière Jessé, et que le sculpteur devant les réduire à un torse ou buste plus ou moins étriqué, à caractère féminin amenuisé, accentue leur galbe mammaire par compensation.

A la question qu'avait posé le chanoine Abgrall (Est-ce Éve ? Est-ce le serpent qui l'a trompé ?), Louis Le Thomas répond : c'est le Serpent, car il tend la pomme plutôt qu'il ne s'en saisit, mais aussi en raison de ses caractères chtoniens : main griffue, tête cornue, animalité.

 

  2. J'ajouterai quelques remarques :

  • l'œuvre est datée du début du XVIe siècle (R. Couffon), avec une réorganisation sur un buffet du XIXe siècle.
  • le caractère arrogant, presque victorieux de la Démone qui brandit la Pomme comme un trophée et qui, détail rare, enserre de la patte gauche en pince de crabe le tronc de l'Arbre.
  • l'absence, à Locquirec, des fameux seins discoïdes de Le Thomas, remplacés ici par une seule sphère dilatée comme le thorax d'un emphysémateux, protubérante, glabre, et qui semble s'offrir avec provocation en symétrie de la Pomme brandie.
  • le geste de certains rois qui désignent la Vierge en signe de reconnaissance.
  • le médaillon à douze perles que porte la Vierge (et que l'on retrouve sur l'un des rois).
  • la position de David, à la même hauteur que la tête de la Vierge et de son Fils, et placé à leur droite.


II. Les volets.

 

Annonciation.

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La Visitation.

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La Nativité.

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La Fuite en Égypte : Vierge allaitante.

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La Présentation au Temple.

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Adoration des mages.

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Sources et Liens.

— Site de l'Association des Amis de l'Art religieux de Locquirec : http://www.3arl-locquirec.com/bonsecours.htm

— Site Topic-topos :http://fr.topic-topos.com/notre-dame-du-bon-secours-locquirec

— Le blog d'une visiteuse :http://moniquetdany.typepad.fr/moniquetdany/2011/09/l%C3%A9glise-de-locquirec.html

— Catholique-quimper.cef (ouvrage de Couffon) :http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/LOCQUIRE.pdf

— Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Locquirec", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper, 24e année 1924, p.321-326,

— Site culture.gouv.fr avec photographie de 1952.

— Louis Le Thomas, Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique, Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221, 1961.

— Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, première partieBulletin de la société Archéologique du Finistère 165- 196, 1963.

 — Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, troisième partieBulletin de la société Archéologique du Finistère pp. 35-72, 1963.

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Published by jean-yves cordier
7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 08:27

                  La Vierge ouvrante

          de Notre-Dame-des-Murs à Morlaix :

 

Église saint-Matthieu.

  Elle provient de la Collégiale du Mur qui datait de 1295, fut désaffectée à la Révolution puis démolie, sauf sa tour du XVe.

  Spécialement commandée par la très riche et puissante Confrérie de la Trinité de Morlaix, elle aurait été réalisée dans la région de  Cologne en 1400*. Ouverte du jour de la Sainte-Trinité (entre mai et juin, fête correspondant au motif intérieur) au 8 septembre (fête de la Nativité de la Vierge), elle se referme dès avant l'automne pour faire apparaître alors ses formes extérieures de Vierge allaitante, assez pudique d'ailleurs.

  *En 1988, le père Yves-Pascal Castel soulevait l'hypothèse d'une vierge de construction rhéno-mosane du XIIIe siècle, présente dès la construction de la collégiale en 1295, et revêtue de ses peintures intérieures marouflées cent ans plus tard en 1390, dans la même région germanique avec laquelle les marchands morlaisiens étaient en constante relation de commerce. J'ignore si, en 2012 où la statue fut exposée à Paris au Petit-Palais, les experts nationaux ont repris cette thèse...

 La "confrairie" de la Trinité, fondée en l' église de Saint-Mathieu de Morlaix en 1110 et transférée par Jean II en la collégiale Notre-Dame du Mur, en 1295 était une association de dévotion, de charité, d'entraide aux mourants et devint ensuite une compagnie de commerce, composée des tisserands et des marchands de toiles, principal commerce de Morlaix depuis toujours. Elle disposait d'une chapelle de la Trinité ornée au XVe siècle d'un vitrail comportant leurs marques et insignes. Elle élisait des prévôts  et des "abbés", chargés de surveiller la qualité des toiles et de les certifier par un sceau, avec droit de visites chez les marchands et tisserands et qui percevaient une taxe sur les ventes. La collégiale Notre-Dame du Mur lui doit, outre cette statue, la cloche de son horloge ainsi qu’une bonne part de son argenterie sacrée, marquée d’une navette.  

Faite en bois de tilleul polychrome, elle appartient au 17 "vierges ouvrantes" de France (en Bretagne, citons celle de la chapelle de Quelven en Guern, ou celle de Bannalec. A Paris, celle du Musée de Cluny, qui vient d'Allemagne ; en Île de France, celle d'Alluye ; celles d'Auvergne, de Lorraine, etc...). Toutes réalisées entre le XII et le XVe siècle, elles renferment toutes en leur sein, au sens ici littéral, une représentation trinitaire connue sous le nom de "trône de grâce" : le Christ en croix, tenu par Dieu le Père, et accompagné par la colombe de l’Esprit.

Fruit de la pitié populaire, elles devinrent suspectes après le concile de Trente (milieu du XVIe) qui, réexaminant les bases de la foi, recommanda de ne plus recourir à ce genre de représentations. En-effet, Marie est certes mère de Jèsus et donc Théotokos, "portant Dieu", mais elle ne peut être reconnue mère des trois personnes de la Sainte-Trinité. En 1745, le pape Benoît XIV les classait dans les figurations " non approuvées " de la Trinité. Néanmoins la piété des Morlaisiens, très attachés à leur statue, a permis que celle-ci échappe à la destruction.

  Comme les groupes nommés "Anne trinitaire, où la Vierge et Anne lisent dans les Écritures, à l'Enfant, le destin douloureux auquel il est voué, ces statues montrent ce que la Vierge "gardait dans son cœur" (Luc 3,51), sa prescience de la Passion et de la Rédemption.

  En dehors de cette interprétation religieuse, ces vierges ouvrantes montrent le contraste entre l'innocence tendre de la relation Mère-Enfant pendant l'allaitement, et les angoisses de la mère déjà préoccupée et anxieuse des souffrances inévitables que l'avenir réserve à tout être en développement. 

 

 Sous la Révolution,  la Vierge ouvrante de Notre-Dame des Murs a été sauvée par une couturière, Jacquette Cloarec, qui la cacha à son domicile de la ru des Nobles avant de la remettre au clergé de Saint Matthieu le jour où la paix civile revint.

 

Photographie affichée près de la statue :

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                        st-matthieu-vierge-ouvrante 6160c


  Je la visitai un 6 juin, ses deux volets ouverts sur Dieu de Père au visage christique, vêtu d'or, surmonté de la blanche colombe et tenant dans ses bras le Christ en croix. Protégée par une vitre, elle ne s'offrait au photographe qu'au prix des désagréables reflets des vitraux et des luminaires, et il fallut faire au mieux.

Le but de ma visite étant de compléter une série consacrée aux Vierges allaitantes du Finistère, je pouvais ranger mon objectif, mais je ne m'attendais pas à découvrir, sur la face intérieure des volets arrondis, de merveilleuses peintures dont la finesse évoquait celle des enluminures.

 Six scènes s'offraient à mon admiration : à gauche et de  haut en bas, l'Annonciation, une Nativité, la Présentation de Jésus au Temple. A droite, une très belle Flagellation, une Réssurection,  et une Descente aux enfers.

A coté, un panonceau m'informait que ces peintures relevaient "de cette forme de peinture gothique courtoise qu'on appelle le "style moelleux" : langage plastique d'un grand pouvoir lyrique, par la musique de ses lignes sinueuses et son modelé suave baigné d'un clair-obscur diffus".  La ville de Cologne est précisément le creuset en Allemagne de ce style enchanté et enchanteur du Gothique internationalOn faisait aussi remarquer "un procédé très curieux : une étroite bande gravée ponctuée de petits cercles accompagne le contour entier de chaque figure". Les fonds dorés sans profondeur et comme abstraits, gravés ou martelés d'arabesques ou de cercles sur lesquelles se détachent les couleurs vives sont également caractéristiques


                  st-matthieu-vierge-ouvrante 6154c

 

L'Annonciation.

     Comme pour les scènes suivantes, l'examen rapproché permet de découvrir la fineese et la précision de la peinture, que ce soit celle de l' inscription Ave gratia plena dominus tecum, ou celle de la colombe venant de nuées bleutées et projetant sur la tête de la Vierge une irradiation de feu fécondant. On constate le geste de Gabriel désignant le ventre de Marie, on découvre le travail de rendu des étoffes avec les délicates nuances de vert, de rose et d'orange de la robe de l'Ange.

                                20130606 163721c

 

La Nativité.

  C'est un nouvel exemple de Vierge couchée comme j'en ai découvert les exemples dans les enluminures des Livres d'Heures.  La Vierge couchée (5) dans les Nativités des Livres d'Heures de Rennes.

Comme le souligne l'article de Wikipédia consacré au Gothique international et à ce "style doux" ou Weicher style, "La ligne, tantôt douce et sinueuse, tantôt plus nerveuse et angulaire, prévaut désormais, et les couleurs intenses, conjuguées aux drapés figurant des arabesques compliquées, viennent souligner l'anatomie humaine. Les mêmes figures élancées très stylisées, les vieillards aux longues barbes imposantes, les silhouettes ondulantes, se développent aux quatre coins de l'Europe occidentale et centrale, que ce soit dans les domaines de l'enluminure franco-flamande, avec les frères de Limbourg, de la peinture italienne, par exemple dans l'Adoration des Mages de Lorenzo Monaco (1422), ou de la sculpture.

À côté des débuts d'une représentation profane des personnages sacrés selon une version aristocratique — des saints étant montrés comme des gentilshommes richement vêtus, par exemple dans le Retable de saint Martin, sainte Ursule et saint Antoine abbé du peintre valencien Gonzalo Pérez (vers 1420) —, on note une attention à la réalité quotidienne des classes les plus humbles. Celle-ci est tout à fait spectaculaire dans les enluminures de certains mois du calendrier des Très Riches Heures du Duc de Berry, et offrent un pendant paysan aux scènes courtoises de l'aristocratie des autres mois. Mais c'est surtout avec la figure de saint Joseph que la classe sociale la plus pauvre va devenir une clé d'interprétation des textes sacrés, sinon un repoussoir des figures les plus nobles : ainsi l'époux de Marie est-il représenté comme un humble artisan, avec ses outils de charpentier dans Le Doute de Joseph du Maître rhénan du Jardin de Paradis (vers 1410-1420), ou prépare-t-il la soupe dans la Nativité du Triptyque de Bad Wildungen de Conrad von Soest (1403). " 

 Ici, l'artiste se moque de Joseph en peignant  la pointe de son bonnet dressée dans une suite facétieuse des oreilles de l'âne et du bœuf. Ses cheveux longs aux mêches torsadées sur les épaules et sa barbe à trois pointes lui donnent l'air d'un vieux sauvage, d'un homme des bois. Il n'est pas nimbé, à la différence de Marie et de l'Enfant.

On ne distingue pas tout-de-suite le brasier qui se trouve à ses pieds, et vers lequel il tend les mains, à défaut d'y préparer la cuisine.

La clôture d'osier est aussi tout-à-fait traditionnelle.

On admire le talent avec lequel les plis et les reflets du manteau de la Vierge, étendu en couverture, sont exécutés ; et la chatoyante des couleurs confrontées, jaune, orange, verte et bleue

  Un dernier détail: l'Enfant-Jésus qui met son doigt à la bouche.


st-matthieu-vierge-ouvrante 6219c

 

 

      La Présentation de Jésus au Temple.

  Je retrouve le même soin dans le rendu et le coloris des étoffes. On connaît la scène correspondant au texte de Luc 2,22 dans laquelle Marie et Joseph présente leur fils au Temple pour le "racheter" à l'âge d'un mois en offrant en sacrifice deux tourterelles, que la servante porte dans un panier. Deux petites énigmes cependant : les quatre personnages portent des auréoles. L'homme de droite ne peut donc être le grand prêtre; est-ce Joseph, dont nous avons vu qu'il ne méritait pas de recevoir l'auréole dans l'image précédente ? C'est plutôt Syméon, que Giotto avait aussi représenté nimbé à Padoue, Syméon dont la liturgie reprend le cantique Nunc dimittis servum tuum, Domine, secundum verbum tuum in pace  pendant l'office des complies.

 Mais la servante qui porte le cierge et les tourterelles, et que Giotto n'honorait pas du nimbe, pourquoi porte-t-elle l'auréole ici ? L'hypothèse que je propose en attendant les vôtres et d'y voir Sainte Anastaise, ou Sainte Salomé, l'une des sages-femmes du protévangile de Jacques qui, dans la tradition populaire, resta attaché au service de la Vierge et l'accompagna au Temple.

  Je découvre qu'Émile Mâle (L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France, Paris, Librairie Armand Colin, 1925) s'était interrogé lui-aussi sur d'autres œuvres du gothique international, les Très Riches Heures du duc de Berry et le Retable de la Présentation des mages de Gentile da Fabriano (1423) :  « L’Adoration des Mages offre au commencement du XVe siècle, dans les Très Riches Heures du duc de Berry, enluminées par les frères Limbourg, une particularité singulière. On voit derrière la Vierge deux femmes nimbées, dont la présence semble au premier abord inexplicable et que les érudits ne savent de quel nom désigner. C’est qu’ils n’ont pas songé au vieux drame liturgique qui continuait à se jouer dans l’église, pendant que les Mystères se jouaient sur la place publique. Dans le drame liturgique, en effet, les Mages, au moment où ils s’avancent vers l’Enfant, sont accueillis par deux femmes qui sont les sages-femmes des évangiles apocryphes : “Voici l’enfant que vous cherchez, disent-elles aux rois ; approchez et adorez, car il est la rédemption du monde (1).” Ce sont ces deux sages-femmes que les miniaturistes du duc de Berry ont représentées avec le nimbe. En Italie, la scène devait se jouer de la même manière, car, une dizaine d’années après les frères Limbourg, Gentile da Fabriano représenta les deux sages-femmes auprès de la Vierge dans son fameux tableau de l’Adoration des Mages de Florence. On les voit aussi dans son tableau de la Nativité.»

(1) Drame liturgique de la Bibl. d’Orléans. E. du Méril, Origines latines du théâtre moderne, p. 170. Elles prononcent les mêmes paroles dans le drame de Rouen et dans celui de Munich. »


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Flagellation, ou Christ à la colonne.    

   On voit, à la partie extérieure de la statue, la main de l'Enfant-Jésus s'approchant du sein, qui apparaît ici en saillie. Cela résume en une image la caractère pathétique des Vierges ouvrantes, qui, derrière leur aspect  extérieur serein, sont des Mater dolorosa transpercées par l'immense douleur. L'épaisseur seule d'une planche de tilleul sépare ici le sein maternel et la main infantile de l'affliction térébrante du supplice, de la sueur de sang et du Calvaire. Les deux êtres, l'Enfant et le Flagellé, sont tous les deux dans la même nudité. Aux deux extrêmes de la vie, ils ont la même impuissance, la même dépendance, la même soumission à autrui, mais un simple geste, l'ouverture ou la fermeture de la statue, réalise ce basculement du début de la vie à son terme, de la bienveillance maternelle à l'agonie. Image d'une Passion, c'est aussi l'image du tragique de la Vie.

 La scène suivante sera celle de l'espérance réalisée,  de la Rédemption et du cri de Pâques, Il est ressuscité! Mais, juste derrière le cœur maternel, c'est ici encore le temps du Vendredi, celui du Stabat Mater dont on entend les strophes :

Quis non posset contristari, Christi Matrem contemplari, dolentem cum Filio?

Pro peccatis suæ gentis vidit Iesum in tormentis et flagellis subditum.

Vidit suum dulcem natummorientem desolatum, dum emisit spiritum.

Eia Mater, fons amoris, me sentire vim doloris fac, ut tecum lugeam.


 

"Qui pourrait dans l'indifférence contempler en cette souffrance la Mère auprès de son Fils ? Pour toutes les fautes humaines, elle vit Jésus dans la peine et sous les fouets meurtri elle vit l'Enfant bien-aimé mourant seul, abandonné, et soudain rendre l'esprit. Ô Mère, source de tendresse, fais-moi sentir grande tristesse pour que je pleure avec toi."


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 Résurrection

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      Idem, détail.

Les soldats romains gardant le tombeau, mais plongé dans le sommeil, sont représentés en chevalier du Moyen-Âge avec cotte de maille, et bouclier aux armoiries animales fantaisistes, mais qui correspondent aux animaux les plus fréquents du bestiaire héraldique.

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  Descente aux enfers.

Les enfers sont représentés comme un chateau fort gardé par des diables velus, cornus, fourchus ou griffus. Le Christ, (flou ici en raison de la courbure du support) tient de la main droite l'oriflamme blanc à croix rouge de la Résurrection. La hampe de l'oriflamme, garnie d'une plaque fleurdelisée, ouvre la porte des enfers, où les âmes qui attendaient l'arrivée du Messie sortent avec, au premier rang, Adam et Éve.

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Je n'avais plus qu'à visiter le reste de l'église :


1. La bannière du Jubilée de 1895 : 

 Elle porte d'un coté l'inscription en breton ITRON VARIA AR VUR PEDIT EVID OMP, Notre-Dame des Murs Priez pour nous, , et de l'autre 6ème centenaire-15 aout 1295-1895.

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      D'une ville dont la richesse provient du commerce de ses créées ou toiles de lin, et dont les maisons à pondalez ( domiciles des marchands, aménagés à l'intérieur autour d'une cour et d'une galerie pour recevoir les acheteurs) restent encore les points forts d'une visite touristique,  on pouvait attendre que la bannière soit à la hauteur de cette réputation. C'est le cas, et une vue du vieux quartier autour de la Rue du Mur est soigneusement brodée, avec un couple de bretons en sabots de bois.

 

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Chapelle du Saint-Sacrement : Passion.    

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      Sainte Anne, Éducation de la Vierge.

Statue polychrome du XVIe siècle.

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Statue de saint Crépin.

        Son intérêt est enrichi par le mémoire que Thierry Hamon (cf Sources et liens) a consacré en 2002 à la confrérie des cordonniers, dont il est le patron : j'en extrait ces lignes :

 

" il s’agit d’une statue du XVIe siècle  de saint Crépin, martyr romain du 3ème siècle, persécuté pour son prosélytisme chrétien et condamné pour cela par le Gouverneur des Gaules, vers 287, à être noyé dans l’Aisne, à Soissons, en compagnie de son frère Crépinien, une meule de pierre attachée au cou. C’est cependant plus à son métier qu’aux circonstances tragiques de sa mort, que saint Crépin doit d’être honoré à Morlaix : il était en effet cordonnier, ce qui lui valut rapidement d’être pris comme saint patron par tous les membres de la profession. Cette statue est, en fait, le dernier témoignage attestant de l’existence de l’antique Confrérie de Saint-Crépin, qui regroupait depuis la fin du Moyen Age les maîtres cordonniers de Morlaix, et dont le Trésor comprenait également un riche bras reliquaire en argent, renfermant des reliques de saint Jean, aujourd’hui perdu. Cette confrérie était justement desservie dans l’église Saint-Mathieu, où elle avait érigé une chapelle privative entre le troisième et le quatrième pilier de la nef "du côté de l’évangile ", n’hésitant pas à y installer un "banc d’osier" par-dessus quatretombes appartenant à une famille d’écuyers portant le nom de Chrestien.  En 1717, la Confrérie SaintCrépin fait refaire à neuf – au même emplacement, et à ses frais –, un retable doré entouré de balustres de même, le tout surmonté d’un grand tableau, encadré de deux plus petits. L’ensemble a hélas irrémédiablement disparu lors des travaux de 1824, qui emportèrent également le souvenir de la Confrérie du Saint-Sacrement, fondée, quant à elle, par les armateurs et mariniers locaux. A l’aube des Temps Modernes, Morlaix fait ainsi partie des quelques vingt et une villes, petites cités et bourgs ruraux dotés de confréries professionnelles d’artisans ou de commerçants, à l’instar certes, de Nantes et de Rennes, mais aussi de Vannes, Quimper et Lannion… voire même de Lesneven, Châteaulin, Pleyben ou Pont -L’Abbé. A Morlaix, ontrouve d’ailleurs aussi, outre les deux confréries mentionnées, une confrérie de maîtres cardeurs, confirmée par le Duc de Bretagne Pierre II, la Confrérie Saint-Yves unissant les tailleurs d'habits en l’église Saint-Melaine, la Confrérie de Sainte-Croix regroupant les maîtres menuisiers, charpentiers et " rouetiers ", la Confrérie de Saint-Eloi rassemblant les maîtres selliers, couteliers et serruriers, ainsi que deux confréries des maîtres bouchers et des maîtres boulangers, aux saints Patrons mal déterminés. 

Ces confréries artisanales, initialement fondées pour développer la piété et entretenir les vertus chrétiennes de charité et de solidarité entre les membres d’une même profession, ne sauraient, au demeurant, être considérées comme des structures purement religieuses : leurs préoccupations s’étendent en effet aussi à la sphère civile, dans la mesure où les pouvoirs publics ne tardent pas à se décharger sur ces associations professionnelles du contrôle de base de l’activité économique et de la police de détail des métiers, ce qui s’accompagne logiquement de la reconnaissance d’un monopole d’exercice de la profession au profit des seuls membres. A partir du XVIème siècle, le Droit s’efforce d’ailleurs de démêler quelque peu les deux sphères d’activité des différentes associations, en dissociant ce qui continue à relever de la Confrérie (c’est-à-dire, les manifestations à caractère religieux), de ce qui devient de la compétence de la Jurande, terme utilisé par les juristes de l’Ancien Régime en lieu et place de Corporation, mot qui n’entre dans la pratique que tardivement, au milieu de XVIIIème siècle

Jusqu’à la veille de la Révolution, à l'instar de la plupart des autres communautés de métier de la ville, la corporation des cordonniers morlaisiens, bien que constituant officiellement une Jurande reconnue comme telle par les pouvoirs publics, continuera à s’intituler elle-même : "Confrairie de Saint Crépin et Crépinien des Maîtres cordonniers de la ville et fauxbourg de Morlaix". C'est toutefois dans le domaine des titres portés par les dirigeants corporatifs " civils " que la confusion terminologique est la plus frappante, puisque les trois principaux d'entre eux persévèrent, en plein "siècle des Lumières", dans le port des dénominations médiévales surannées de "Père Abbé", "Premier fils Abbé" et "Second fils Abbé".

 C'est en mai 1598 que, profitant de la venue en Bretagne d'Henry IV, les maîtres cordonniers de Morlaix obtiennent du pouvoir royal la reconnaissance officielle de leur confrérie professionnelle, placée sous le patronage de saint Crépin et saint Crépinien. Ils se dotent à cette occasion de statuts détaillés, prenant fidèlement pour modèle la Charte médiévale des cordonniers rennais. Le métier devient ainsi une véritable corporation ou jurande, au plein sens juridique du terme, bien que les cordonniers de Morlaix continuent, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, à faire exclusivement usage de l'expression Confrérie, en dépit du fait que le domaine d'activité de leur organisation dépasse de beaucoup celui d'une simple association de piété. Au dix-huitième siècle, la profession comprend plus d'une soixantaine de maîtres et fonctionne d'une façon régulière, assez représentative de la grande majorité des communautés de métier bretonnes. "

 

 

                             st-matthieu-vierge-ouvrante 6190c

 

 

      Vierge à l'Enfant.

                      st-matthieu-vierge-ouvrante 6195c

 

Sources et liens :

 — Peyron, "Notre-Dame–du-Mur et la Confrérie de la Trinité de 

Morlaix", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, t. 22, Quimper, 1895, p. 239-266

— J.M. Abgrall, Notice sur la statue de Notre-Dame-du-Mur à Morlaix, impr. de Kerangal, 1899.

— Le 6° centenaire de Notre-Dame du Mur suivi du Panégyrique de Notre-Dame du Mur et d'une lettre de Mgr. Valleau Eugène Pénel ; Chanoine Brettes ; Mgr. Valleau 47 p. Morlaix: A. Le Goaziou, [s. d.

— Thierry Hamon, La corporation des cordonniers à Morlaix, 1598-1791, Mémoire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, Rennes, 2002, t.80, pp.53-147, en ligne.

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2 juin 2013 7 02 /06 /juin /2013 21:59

   

    Le Marion Dufresne en escale à Brest.

 

 

  Le navire océanographique et ravitailleur des terres australes et antarctiques françaises (TAAF) nous vient de l'hémisphère sud pour procéder, au 5ème bassin,  à une escale technique de 15 jours au chantier Damen Shiprepair.

  En novembre 2012, à l'ouest de l'île de la Possession dans l'archipel de Crozet, il avait heurté par l'avant bâbord un récif, provoquant une voie d'eau, une avarie qualifiée de grave sans pour autant mettre en péril les passagers qui avaient été rapatriés par le navire câblier Léon Thévenin, alors que le navire océanographique la Curieuse et le patrouilleur Osiris participaient à la desserte des TAAF . Il avait alors été dirigé sur Durban pour les réparations de la trentaine de mètres de tôles concernées par la brèche, puis avait repris fin janvier après deux mois de cale une campagne océanographique.

  Cet accident, qui a généré une facture de quelques trois millions d'euros, ne semblerait pas être la cause directe cette escale brestoise : le navire, le "Mar Duf" deuxième du nom, le plus grand navire océanographique d'Europe, construit en 1995, a besoin d'une mise à sec pour des travaux de tôlerie, une reprise des sabords, le remplacement de l'ancre bâbord, des travaux sur la passerelle, un contrôle de la grue arrière et d'une couche de peinture.

 Il tire son nom d'un explorateur du XVIIIe siècle, Marie-Josephe Marion Du Fresne qui a découvert...les îles Crozet.

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2 juin 2013 7 02 /06 /juin /2013 21:09

Le Damier de la succise et le petit collier argenté à Crozon.

 

 

Lieu  : Crozon (Tromel).

Date : 2 juin 2013.

Comme ils me charment chaque année pareillement, comme chaque année je me torture les méninges à retrouver leurs critères d'identification, j'ai déjà publié sur ce blog au bas-mot une quarantaine de portraits-photo de Boloria (Clossiania) selene, le Petit Collier argenté, et d' Euphydrias eurynia, le Damier de la succise. Et ça recommence cette année !

Le Petit collier argenté : 

140c

 

141c

 

Le Damier de la succise :

 

                              167c

 

 


170c

 

 

A l'année prochaine !


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2 juin 2013 7 02 /06 /juin /2013 20:23

   La chrysalide du Gazé Aporia crataegi  (Linnaeus, 1758) .

Lieu : Crozon (Tromel).

Date : 2 juin 2013.

 

Cela a certainement débuté comme cela :

DSCN7698cc

 

ou comme cela :

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ou comme cela :

gaze 2887ccc


 Et aujourd'hui, c'est (sur un rameau de callune) comme ceci : 

085c.jpg

et de dos comme ceci : 

100c.jpg

 

Demain, ce sera comme cela :

gaze 2698cc


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1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 21:46

          Jules Noël (1810-1881) à Brest,

un peintre délibérément "rétrograde".

  A propos de l'exposition consacrée aux dessins de Jules Noël Enquête sur les bagnes de Brest au Musée des Beaux-Arts de Brest.

 


   Vous vous souvenez de Jules Noël ?

Comment ça, "non" ? Mon conte de Noël 2012  La vie cachée de Joyeux Noël le brestois, conte. ! L'inoubliable calembour "chez les Noël, ça peint" ! Mes découvertes des tableaux de ce peintre dont le deuxième prénom était "Assez" !

Sa toile Le port de Brest en 1864, vous la revoyez, quand-même ? 

Non ! Je vous fait un dessin :

Musee-joyeux-noel 7578c

 

 Ah, ça y est !

  Bon. Maintenant, les N rétrogrades, cela vous dit quelque chose ? 

 Sainte Mère de Dieu faites quelque chose, y-z-ont tou-tou-blié!

Mon article sur la chapelle de Camaret et sa fameuse description des inscriptions lapidaires aux N inversés, à la barre descendant vers le bas et la gauche, sinistro-descendante! Chapelle de "Rocamadour-sur-mer" à Camaret? Oublié ?

Tous mes autres articles ! 

Église de Rosnoën et ses inscriptions lapidaires : tilde, N rétrograde, et esperluettes!

Eglise Saint-Thurien à Plogonnec: N rétrograde et mentions de construction.

L' église Saint-Pierre de Pleyber-Christ : épigraphie et ...N rétrogrades

Île de Groix : N rétrograde et Inscription maritime.

  Mon N rétrograde préféré : Notre-Damme d'Amour à N.D de Quelven (56).

Oubliés ?

 

Eh bien, tenez vous bien. Cette manière bizarre d'écrire la lettre N avec sa diagonale qui se dirige vers le début du texte dans le sens inverse du cours de l'écriture, et que les savants, à défaut d'en expliquer l'apparition inopinée dans les inscriptions, attribuaient à des artisans analphabètes qui recopiaient des modèles en les inversant (je passe sous silence les théories ésotériques), ce N rétrograde qu'on trouve fréquemment à la Renaissance, qui n'est pas rare encore au XVIIe siècle, mais qui disparaît presque totalement depuis la prise de la Bastille (sans corrélation), à moins d'aller la dénicher sur le local de l'Inscription Maritime d'une île du Ponant, ce N énigmatique que j'explique simplement en constatant que sa graphie ne s'est fixée qu'au XIXe siècle,  le voilà qui fait soudain irruption devant mes yeux, en pleine salle d'exposition d'un Musée des Beaux-Arts, sous le pinceau d'un Monsieur qui a de l'instruction et qui écrit la date de 1864 :


Musee-joyeux-noel-5811c.jpg

 

 Comment expliquer cette graphie fautive? Une distraction, un lapsus penicilae ? Absolument pas, mais une façon parfaitement délibérée de tracer son nom, d'une signature artiste, comme le révèle les signatures des vingtaines de dessins du Bagne de Brest d'après nature que le Musée des Beaux-Arts de Brest présentaient en exposition :

Musee-joyeux-noel-5821c.jpg

 

  Je parcourais l'exposition en vérifiant soigneusement que chaque dessin comportait son N rétrograde : Les Bohémiens de Brest, le Cimetière, Une exécution au Bagne, Les deux Bourreaux, Habraham, Le tourneur de coco, salle du bagne, La distribution des repas, Un épicier, salle du Bagne, Picard, graveur [de noix de coco], Fabrication des fers, Forçat rasant un garde-chiourme, tous comportait le N anarchique qui, comme les boucles d'oreille que les forçats portaient pour afficher leur appartenance à un monde à part, permet à Jules Noël de se distinguer en signalant sa marginalité propre, celle du monde des arts.

  Tous ces dessins au crayon portaient cette signature singulière, jusqu'à la terrible Bastonnade (cliquer pour agrandir):

                 Musee-joyeux-noel-5844c.jpg

  Jules Noël, nè en 1810 et formé à Brest dans l'atelier du peintre Charrioux, un temps attiré par une carrière parisienne, s'installe définitivement en 1836 à Nantes après avoir enseigné le dessin à St-Pol-de-Léon, Lorient et Nantes. A partir de 1847, il enseigne aussi au lycée Henri IV à Paris. Apprécié pour ses marines romantiques, ses vieilles rues pittoresques et ses scènes en costumes, il collabora aussi à des éditions, comme celle de Maurice Alhoy, Les bagnes, Histoire, Type, Mœurs et Mystères, Harvard 1845, qui publie, gravé par Rouget les dessins de Noël. Voir l'ouvrage en ligne sur archive.org. et son Forçat à perpétuité. Voir aussi, si on résiste au plaisir de tout lire, la gravure correspondant au dessin original La Bastonnade : on constate que le graveur n'a pas respecté la graphie de l'auteur et a redressé le N rétif.

 

  Si on préfère des images plus plaisantes de Jules Noël, on se plongera dans les détails de la vue du Port de Brest en 1864 présenté en introduction :

Musee-joyeux-noel-5812c.jpg

 

Musee-joyeux-noel-5813c.jpg

 

 

 

Musee-joyeux-noel-5814cc.jpg


 

Musee-joyeux-noel-5815c.jpg

 

Liens :

Jules Noël sur Wiki-Brest avec un article de Françoise Daniel, conservatrice du Musée de Brest.

Jules Noël sur Wikipédia

Sur Gallica, Les Naufrages célèbres par Zurcher et Margollé, 3ème édition de 1877 avec 30 vignettes de Jules Noël  1 vol. (II-308 p.) : fig. et pl. gr. ; in-16

Louis Enault, L'Amérique centrale et méridionale, dessins de Jules Noël 1867 sur Google Books

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1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 19:23

      Douze parapluies de Brest :

         exposition Ode à la pluie

    au Musée des Beaux-Arts de Brest.

 


  Les parapluies de cette exposition L'Ode à la pluie, je ne les ai pas vraiment comptés. C'est peut-être dix, peut-être quinze, et peut-être aussi en trouve-t-on qui comptent double. Je choisis le chiffre douze seulement parce que la pluie de Brest est douce.

  Ce ne sont pas non plus vraiment des parapluies de Brest, une ville où cet instrument est rare, car le vent, qui protège les cétacés, se fâche quand il voit ces corolles noires faites de baleines : il les pourchasse au coin des rues et les retourne. Au fond, c'est dans les poubelles et les caniveaux qu'on les trouve le plus, les pépins ou les riflards, dans notre ville. Bécassine, qui ne quitte pas son parapluie rouge, n'est pas d'ici.

 

 Allons-y, musique. Floc, floc, floc, voici la valse des parapluies qui tournent tournent tournent...

Mais, je l'annonce dès maintenant, la fin de cet article sera bien triste.


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                    musee-ode-a-la-pluie 3930c

 

I. Pluie du soir, espoir?    

 

Pierre de Belay, Femme en coiffe au parapluie, 1925 (détail)

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                                                       musee-ode-a-la-pluie 5881c

 

      Robert Delaunay, La Tour carrée à Saint-Guénolé, v. 1905 (détail).

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      René Quillivic, Pluie fine sur le môle d'Audierne 1921 (détail)

                               musee-ode-a-la-pluie 5888c

Henri Rivière, Les Fortifications 1900 (détail).

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Charles Lacoste : Personnages sous la pluie sur un pont à Bordeaux, Huile sur carton, 1893, Coll. Musée/Jardin Maurice Denis, St-Germain-en-Laye.

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Idem, détail.

 

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      II. PLuie du matin, chagrin.

 

Jean Frélaut, L'enterrement en Bretagne, 1953 (détail).

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Luigi Nono (1850-1910), Première pluie, 1909. Huile sur toile, collection Musée d'Orsay.

  Le texte de présentation qui accompagne ce tableau dit: "Apte par sa matérialité même à traduire le sentiment de chagrin, sans le secours des larmes, la pluie saisie par le peintre Luigi Nono au dessus de la tombe fraîchement creusée d'un enfant dans un cimetière de la région de venise exprime nettement le sentiment de son parent. Avec un parapluie, celui-ci la protège car il craint pour l'enfant mort, dont on entoure le corps des mêmes précautions que s'il vivait encore. Le lieu est composite avec le cimetière de Susin de Sospirolo (province de Belluno) et l'église de Coltura dont on aperçoit la sacristie. Le relief est composé du Mont Sperone et des Monti del Sol. Exposé à la Biennale de 1909, cette œuvre fut aussitôt acquise par le Musée du Luxembourg. "

  Je déchiffre sur la pancarte Riposa in pace con gli Angeli in Paradiso, "Repose en paix avec les Anges du Paradis". 


 

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  Luigi Nono a peint une autre toile, représentant sans-doute la cérémonie d'enterrement de cet enfant dans l'église de Cultura lorsque le cercueil franchit l'enceinte (le placître) : 

(image provenant de l'article "Luigi Nono e il paesaggio nella pedemontana a Polcenigo".)

Liens sur ce peintre :http://oliaklodvenitiens.wordpress.com/2011/11/30/luigi-nono/

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 22:55

     

     Vitraux de la basilique de Saint-Denis :

              le cycle de saint Benoît.

 

Dans la crypte de la Basilique de Saint-Denis, à l'extrémité nord du déambulatoire, se trouvait la chapelle consacrée en 1144 à saint Benoît. Éclairée par deux fenêtres de 1,22 et 1,25m de large. Si Suger n'a pas donné la description des vitraux qui s'y trouvait, la largeur de ces fenêtres correspond à quelques panneaux représentant les scènes de la Vie de saint Benoît, ce qui permet de penser qu'il s'y trouvait. Louis Grodecki s'est donc attaché à reconstituer en partie ces vitraux. Il se constituaient de douze demi-médaillons historiés, dont six ont été retrouvés.

  Ces panneaux retrouvés sont :

  • Un panneau retrouvé dans un hôtel privé de Paris, acquis par l'Etat en 1958  et placé à Saint-Denis (après avoir été ? au Musée du Moyen-Âge à Cluny).
  • Deux demi-médaillons issus d'une collection privée, offerts en 1898 ou 1899 par Théodore Danjou de la Garenne à l'église Saint-Léonard de Fougères où ils ont été placès dans la partie basse d'un vitrail. 
  • Deux panneaux intégré à un vitrail de l'église paroissiale de Tycross. Ils proviennent, avec d'autres panneaux de Saint-Denis et des panneaux de la Sainte-Chapelle, d'un lot acheté en France au début du XIXe siècle, offerts par le roi Guillaume VI à Sir J. Wathen Waller, lequel les confia en 1840 à l'église proche de son château de Gopsall.
  • Un panneau provenant du château de Highcliffe en Angleterre, découvert en 1969 : Guérison miraculeuse d'un enfant.

  Le thème en est basé sur la Vie de saint Benoît telle qu'elle est relatée en 593 dans le deuxième Livre des Dialogues de saint Grégoire le Grand.

 

 

      Le panneau actuellement visible à Saint-Denis :

saint-benoit 9602c

 

château de Highcliffe :Guérison miraculeuse d'un enfant. image provenant du forum http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net/t327-les-vitraux-du-xiiieme-siecle

Sources et liens :

 

1. Le forum sur les vitraux de Saint-Denis : http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net/t327-les-vitraux-du-xiiieme-siecle

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • jean-yves cordier
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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