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7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 08:27

                  La Vierge ouvrante

          de Notre-Dame-des-Murs à Morlaix :

 

Église saint-Matthieu.

  Elle provient de la Collégiale du Mur qui datait de 1295, fut désaffectée à la Révolution puis démolie, sauf sa tour du XVe.

  Spécialement commandée par la très riche et puissante Confrérie de la Trinité de Morlaix, elle aurait été réalisée dans la région de  Cologne en 1400*. Ouverte du jour de la Sainte-Trinité (entre mai et juin, fête correspondant au motif intérieur) au 8 septembre (fête de la Nativité de la Vierge), elle se referme dès avant l'automne pour faire apparaître alors ses formes extérieures de Vierge allaitante, assez pudique d'ailleurs.

  *En 1988, le père Yves-Pascal Castel soulevait l'hypothèse d'une vierge de construction rhéno-mosane du XIIIe siècle, présente dès la construction de la collégiale en 1295, et revêtue de ses peintures intérieures marouflées cent ans plus tard en 1390, dans la même région germanique avec laquelle les marchands morlaisiens étaient en constante relation de commerce. J'ignore si, en 2012 où la statue fut exposée à Paris au Petit-Palais, les experts nationaux ont repris cette thèse...

 La "confrairie" de la Trinité, fondée en l' église de Saint-Mathieu de Morlaix en 1110 et transférée par Jean II en la collégiale Notre-Dame du Mur, en 1295 était une association de dévotion, de charité, d'entraide aux mourants et devint ensuite une compagnie de commerce, composée des tisserands et des marchands de toiles, principal commerce de Morlaix depuis toujours. Elle disposait d'une chapelle de la Trinité ornée au XVe siècle d'un vitrail comportant leurs marques et insignes. Elle élisait des prévôts  et des "abbés", chargés de surveiller la qualité des toiles et de les certifier par un sceau, avec droit de visites chez les marchands et tisserands et qui percevaient une taxe sur les ventes. La collégiale Notre-Dame du Mur lui doit, outre cette statue, la cloche de son horloge ainsi qu’une bonne part de son argenterie sacrée, marquée d’une navette.  

Faite en bois de tilleul polychrome, elle appartient au 17 "vierges ouvrantes" de France (en Bretagne, citons celle de la chapelle de Quelven en Guern, ou celle de Bannalec. A Paris, celle du Musée de Cluny, qui vient d'Allemagne ; en Île de France, celle d'Alluye ; celles d'Auvergne, de Lorraine, etc...). Toutes réalisées entre le XII et le XVe siècle, elles renferment toutes en leur sein, au sens ici littéral, une représentation trinitaire connue sous le nom de "trône de grâce" : le Christ en croix, tenu par Dieu le Père, et accompagné par la colombe de l’Esprit.

Fruit de la pitié populaire, elles devinrent suspectes après le concile de Trente (milieu du XVIe) qui, réexaminant les bases de la foi, recommanda de ne plus recourir à ce genre de représentations. En-effet, Marie est certes mère de Jèsus et donc Théotokos, "portant Dieu", mais elle ne peut être reconnue mère des trois personnes de la Sainte-Trinité. En 1745, le pape Benoît XIV les classait dans les figurations " non approuvées " de la Trinité. Néanmoins la piété des Morlaisiens, très attachés à leur statue, a permis que celle-ci échappe à la destruction.

  Comme les groupes nommés "Anne trinitaire, où la Vierge et Anne lisent dans les Écritures, à l'Enfant, le destin douloureux auquel il est voué, ces statues montrent ce que la Vierge "gardait dans son cœur" (Luc 3,51), sa prescience de la Passion et de la Rédemption.

  En dehors de cette interprétation religieuse, ces vierges ouvrantes montrent le contraste entre l'innocence tendre de la relation Mère-Enfant pendant l'allaitement, et les angoisses de la mère déjà préoccupée et anxieuse des souffrances inévitables que l'avenir réserve à tout être en développement. 

 

 Sous la Révolution,  la Vierge ouvrante de Notre-Dame des Murs a été sauvée par une couturière, Jacquette Cloarec, qui la cacha à son domicile de la ru des Nobles avant de la remettre au clergé de Saint Matthieu le jour où la paix civile revint.

 

Photographie affichée près de la statue :

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  Je la visitai un 6 juin, ses deux volets ouverts sur Dieu de Père au visage christique, vêtu d'or, surmonté de la blanche colombe et tenant dans ses bras le Christ en croix. Protégée par une vitre, elle ne s'offrait au photographe qu'au prix des désagréables reflets des vitraux et des luminaires, et il fallut faire au mieux.

Le but de ma visite étant de compléter une série consacrée aux Vierges allaitantes du Finistère, je pouvais ranger mon objectif, mais je ne m'attendais pas à découvrir, sur la face intérieure des volets arrondis, de merveilleuses peintures dont la finesse évoquait celle des enluminures.

 Six scènes s'offraient à mon admiration : à gauche et de  haut en bas, l'Annonciation, une Nativité, la Présentation de Jésus au Temple. A droite, une très belle Flagellation, une Réssurection,  et une Descente aux enfers.

A coté, un panonceau m'informait que ces peintures relevaient "de cette forme de peinture gothique courtoise qu'on appelle le "style moelleux" : langage plastique d'un grand pouvoir lyrique, par la musique de ses lignes sinueuses et son modelé suave baigné d'un clair-obscur diffus".  La ville de Cologne est précisément le creuset en Allemagne de ce style enchanté et enchanteur du Gothique internationalOn faisait aussi remarquer "un procédé très curieux : une étroite bande gravée ponctuée de petits cercles accompagne le contour entier de chaque figure". Les fonds dorés sans profondeur et comme abstraits, gravés ou martelés d'arabesques ou de cercles sur lesquelles se détachent les couleurs vives sont également caractéristiques


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L'Annonciation.

     Comme pour les scènes suivantes, l'examen rapproché permet de découvrir la fineese et la précision de la peinture, que ce soit celle de l' inscription Ave gratia plena dominus tecum, ou celle de la colombe venant de nuées bleutées et projetant sur la tête de la Vierge une irradiation de feu fécondant. On constate le geste de Gabriel désignant le ventre de Marie, on découvre le travail de rendu des étoffes avec les délicates nuances de vert, de rose et d'orange de la robe de l'Ange.

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La Nativité.

  C'est un nouvel exemple de Vierge couchée comme j'en ai découvert les exemples dans les enluminures des Livres d'Heures.  La Vierge couchée (5) dans les Nativités des Livres d'Heures de Rennes.

Comme le souligne l'article de Wikipédia consacré au Gothique international et à ce "style doux" ou Weicher style, "La ligne, tantôt douce et sinueuse, tantôt plus nerveuse et angulaire, prévaut désormais, et les couleurs intenses, conjuguées aux drapés figurant des arabesques compliquées, viennent souligner l'anatomie humaine. Les mêmes figures élancées très stylisées, les vieillards aux longues barbes imposantes, les silhouettes ondulantes, se développent aux quatre coins de l'Europe occidentale et centrale, que ce soit dans les domaines de l'enluminure franco-flamande, avec les frères de Limbourg, de la peinture italienne, par exemple dans l'Adoration des Mages de Lorenzo Monaco (1422), ou de la sculpture.

À côté des débuts d'une représentation profane des personnages sacrés selon une version aristocratique — des saints étant montrés comme des gentilshommes richement vêtus, par exemple dans le Retable de saint Martin, sainte Ursule et saint Antoine abbé du peintre valencien Gonzalo Pérez (vers 1420) —, on note une attention à la réalité quotidienne des classes les plus humbles. Celle-ci est tout à fait spectaculaire dans les enluminures de certains mois du calendrier des Très Riches Heures du Duc de Berry, et offrent un pendant paysan aux scènes courtoises de l'aristocratie des autres mois. Mais c'est surtout avec la figure de saint Joseph que la classe sociale la plus pauvre va devenir une clé d'interprétation des textes sacrés, sinon un repoussoir des figures les plus nobles : ainsi l'époux de Marie est-il représenté comme un humble artisan, avec ses outils de charpentier dans Le Doute de Joseph du Maître rhénan du Jardin de Paradis (vers 1410-1420), ou prépare-t-il la soupe dans la Nativité du Triptyque de Bad Wildungen de Conrad von Soest (1403). " 

 Ici, l'artiste se moque de Joseph en peignant  la pointe de son bonnet dressée dans une suite facétieuse des oreilles de l'âne et du bœuf. Ses cheveux longs aux mêches torsadées sur les épaules et sa barbe à trois pointes lui donnent l'air d'un vieux sauvage, d'un homme des bois. Il n'est pas nimbé, à la différence de Marie et de l'Enfant.

On ne distingue pas tout-de-suite le brasier qui se trouve à ses pieds, et vers lequel il tend les mains, à défaut d'y préparer la cuisine.

La clôture d'osier est aussi tout-à-fait traditionnelle.

On admire le talent avec lequel les plis et les reflets du manteau de la Vierge, étendu en couverture, sont exécutés ; et la chatoyante des couleurs confrontées, jaune, orange, verte et bleue

  Un dernier détail: l'Enfant-Jésus qui met son doigt à la bouche.


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      La Présentation de Jésus au Temple.

  Je retrouve le même soin dans le rendu et le coloris des étoffes. On connaît la scène correspondant au texte de Luc 2,22 dans laquelle Marie et Joseph présente leur fils au Temple pour le "racheter" à l'âge d'un mois en offrant en sacrifice deux tourterelles, que la servante porte dans un panier. Deux petites énigmes cependant : les quatre personnages portent des auréoles. L'homme de droite ne peut donc être le grand prêtre; est-ce Joseph, dont nous avons vu qu'il ne méritait pas de recevoir l'auréole dans l'image précédente ? C'est plutôt Syméon, que Giotto avait aussi représenté nimbé à Padoue, Syméon dont la liturgie reprend le cantique Nunc dimittis servum tuum, Domine, secundum verbum tuum in pace  pendant l'office des complies.

 Mais la servante qui porte le cierge et les tourterelles, et que Giotto n'honorait pas du nimbe, pourquoi porte-t-elle l'auréole ici ? L'hypothèse que je propose en attendant les vôtres et d'y voir Sainte Anastaise, ou Sainte Salomé, l'une des sages-femmes du protévangile de Jacques qui, dans la tradition populaire, resta attaché au service de la Vierge et l'accompagna au Temple.

  Je découvre qu'Émile Mâle (L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France, Paris, Librairie Armand Colin, 1925) s'était interrogé lui-aussi sur d'autres œuvres du gothique international, les Très Riches Heures du duc de Berry et le Retable de la Présentation des mages de Gentile da Fabriano (1423) :  « L’Adoration des Mages offre au commencement du XVe siècle, dans les Très Riches Heures du duc de Berry, enluminées par les frères Limbourg, une particularité singulière. On voit derrière la Vierge deux femmes nimbées, dont la présence semble au premier abord inexplicable et que les érudits ne savent de quel nom désigner. C’est qu’ils n’ont pas songé au vieux drame liturgique qui continuait à se jouer dans l’église, pendant que les Mystères se jouaient sur la place publique. Dans le drame liturgique, en effet, les Mages, au moment où ils s’avancent vers l’Enfant, sont accueillis par deux femmes qui sont les sages-femmes des évangiles apocryphes : “Voici l’enfant que vous cherchez, disent-elles aux rois ; approchez et adorez, car il est la rédemption du monde (1).” Ce sont ces deux sages-femmes que les miniaturistes du duc de Berry ont représentées avec le nimbe. En Italie, la scène devait se jouer de la même manière, car, une dizaine d’années après les frères Limbourg, Gentile da Fabriano représenta les deux sages-femmes auprès de la Vierge dans son fameux tableau de l’Adoration des Mages de Florence. On les voit aussi dans son tableau de la Nativité.»

(1) Drame liturgique de la Bibl. d’Orléans. E. du Méril, Origines latines du théâtre moderne, p. 170. Elles prononcent les mêmes paroles dans le drame de Rouen et dans celui de Munich. »


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Flagellation, ou Christ à la colonne.    

   On voit, à la partie extérieure de la statue, la main de l'Enfant-Jésus s'approchant du sein, qui apparaît ici en saillie. Cela résume en une image la caractère pathétique des Vierges ouvrantes, qui, derrière leur aspect  extérieur serein, sont des Mater dolorosa transpercées par l'immense douleur. L'épaisseur seule d'une planche de tilleul sépare ici le sein maternel et la main infantile de l'affliction térébrante du supplice, de la sueur de sang et du Calvaire. Les deux êtres, l'Enfant et le Flagellé, sont tous les deux dans la même nudité. Aux deux extrêmes de la vie, ils ont la même impuissance, la même dépendance, la même soumission à autrui, mais un simple geste, l'ouverture ou la fermeture de la statue, réalise ce basculement du début de la vie à son terme, de la bienveillance maternelle à l'agonie. Image d'une Passion, c'est aussi l'image du tragique de la Vie.

 La scène suivante sera celle de l'espérance réalisée,  de la Rédemption et du cri de Pâques, Il est ressuscité! Mais, juste derrière le cœur maternel, c'est ici encore le temps du Vendredi, celui du Stabat Mater dont on entend les strophes :

Quis non posset contristari, Christi Matrem contemplari, dolentem cum Filio?

Pro peccatis suæ gentis vidit Iesum in tormentis et flagellis subditum.

Vidit suum dulcem natummorientem desolatum, dum emisit spiritum.

Eia Mater, fons amoris, me sentire vim doloris fac, ut tecum lugeam.


 

"Qui pourrait dans l'indifférence contempler en cette souffrance la Mère auprès de son Fils ? Pour toutes les fautes humaines, elle vit Jésus dans la peine et sous les fouets meurtri elle vit l'Enfant bien-aimé mourant seul, abandonné, et soudain rendre l'esprit. Ô Mère, source de tendresse, fais-moi sentir grande tristesse pour que je pleure avec toi."


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 Résurrection

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      Idem, détail.

Les soldats romains gardant le tombeau, mais plongé dans le sommeil, sont représentés en chevalier du Moyen-Âge avec cotte de maille, et bouclier aux armoiries animales fantaisistes, mais qui correspondent aux animaux les plus fréquents du bestiaire héraldique.

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  Descente aux enfers.

Les enfers sont représentés comme un chateau fort gardé par des diables velus, cornus, fourchus ou griffus. Le Christ, (flou ici en raison de la courbure du support) tient de la main droite l'oriflamme blanc à croix rouge de la Résurrection. La hampe de l'oriflamme, garnie d'une plaque fleurdelisée, ouvre la porte des enfers, où les âmes qui attendaient l'arrivée du Messie sortent avec, au premier rang, Adam et Éve.

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Je n'avais plus qu'à visiter le reste de l'église :


1. La bannière du Jubilée de 1895 : 

 Elle porte d'un coté l'inscription en breton ITRON VARIA AR VUR PEDIT EVID OMP, Notre-Dame des Murs Priez pour nous, , et de l'autre 6ème centenaire-15 aout 1295-1895.

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      D'une ville dont la richesse provient du commerce de ses créées ou toiles de lin, et dont les maisons à pondalez ( domiciles des marchands, aménagés à l'intérieur autour d'une cour et d'une galerie pour recevoir les acheteurs) restent encore les points forts d'une visite touristique,  on pouvait attendre que la bannière soit à la hauteur de cette réputation. C'est le cas, et une vue du vieux quartier autour de la Rue du Mur est soigneusement brodée, avec un couple de bretons en sabots de bois.

 

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Chapelle du Saint-Sacrement : Passion.    

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      Sainte Anne, Éducation de la Vierge.

Statue polychrome du XVIe siècle.

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Statue de saint Crépin.

        Son intérêt est enrichi par le mémoire que Thierry Hamon (cf Sources et liens) a consacré en 2002 à la confrérie des cordonniers, dont il est le patron : j'en extrait ces lignes :

 

" il s’agit d’une statue du XVIe siècle  de saint Crépin, martyr romain du 3ème siècle, persécuté pour son prosélytisme chrétien et condamné pour cela par le Gouverneur des Gaules, vers 287, à être noyé dans l’Aisne, à Soissons, en compagnie de son frère Crépinien, une meule de pierre attachée au cou. C’est cependant plus à son métier qu’aux circonstances tragiques de sa mort, que saint Crépin doit d’être honoré à Morlaix : il était en effet cordonnier, ce qui lui valut rapidement d’être pris comme saint patron par tous les membres de la profession. Cette statue est, en fait, le dernier témoignage attestant de l’existence de l’antique Confrérie de Saint-Crépin, qui regroupait depuis la fin du Moyen Age les maîtres cordonniers de Morlaix, et dont le Trésor comprenait également un riche bras reliquaire en argent, renfermant des reliques de saint Jean, aujourd’hui perdu. Cette confrérie était justement desservie dans l’église Saint-Mathieu, où elle avait érigé une chapelle privative entre le troisième et le quatrième pilier de la nef "du côté de l’évangile ", n’hésitant pas à y installer un "banc d’osier" par-dessus quatretombes appartenant à une famille d’écuyers portant le nom de Chrestien.  En 1717, la Confrérie SaintCrépin fait refaire à neuf – au même emplacement, et à ses frais –, un retable doré entouré de balustres de même, le tout surmonté d’un grand tableau, encadré de deux plus petits. L’ensemble a hélas irrémédiablement disparu lors des travaux de 1824, qui emportèrent également le souvenir de la Confrérie du Saint-Sacrement, fondée, quant à elle, par les armateurs et mariniers locaux. A l’aube des Temps Modernes, Morlaix fait ainsi partie des quelques vingt et une villes, petites cités et bourgs ruraux dotés de confréries professionnelles d’artisans ou de commerçants, à l’instar certes, de Nantes et de Rennes, mais aussi de Vannes, Quimper et Lannion… voire même de Lesneven, Châteaulin, Pleyben ou Pont -L’Abbé. A Morlaix, ontrouve d’ailleurs aussi, outre les deux confréries mentionnées, une confrérie de maîtres cardeurs, confirmée par le Duc de Bretagne Pierre II, la Confrérie Saint-Yves unissant les tailleurs d'habits en l’église Saint-Melaine, la Confrérie de Sainte-Croix regroupant les maîtres menuisiers, charpentiers et " rouetiers ", la Confrérie de Saint-Eloi rassemblant les maîtres selliers, couteliers et serruriers, ainsi que deux confréries des maîtres bouchers et des maîtres boulangers, aux saints Patrons mal déterminés. 

Ces confréries artisanales, initialement fondées pour développer la piété et entretenir les vertus chrétiennes de charité et de solidarité entre les membres d’une même profession, ne sauraient, au demeurant, être considérées comme des structures purement religieuses : leurs préoccupations s’étendent en effet aussi à la sphère civile, dans la mesure où les pouvoirs publics ne tardent pas à se décharger sur ces associations professionnelles du contrôle de base de l’activité économique et de la police de détail des métiers, ce qui s’accompagne logiquement de la reconnaissance d’un monopole d’exercice de la profession au profit des seuls membres. A partir du XVIème siècle, le Droit s’efforce d’ailleurs de démêler quelque peu les deux sphères d’activité des différentes associations, en dissociant ce qui continue à relever de la Confrérie (c’est-à-dire, les manifestations à caractère religieux), de ce qui devient de la compétence de la Jurande, terme utilisé par les juristes de l’Ancien Régime en lieu et place de Corporation, mot qui n’entre dans la pratique que tardivement, au milieu de XVIIIème siècle

Jusqu’à la veille de la Révolution, à l'instar de la plupart des autres communautés de métier de la ville, la corporation des cordonniers morlaisiens, bien que constituant officiellement une Jurande reconnue comme telle par les pouvoirs publics, continuera à s’intituler elle-même : "Confrairie de Saint Crépin et Crépinien des Maîtres cordonniers de la ville et fauxbourg de Morlaix". C'est toutefois dans le domaine des titres portés par les dirigeants corporatifs " civils " que la confusion terminologique est la plus frappante, puisque les trois principaux d'entre eux persévèrent, en plein "siècle des Lumières", dans le port des dénominations médiévales surannées de "Père Abbé", "Premier fils Abbé" et "Second fils Abbé".

 C'est en mai 1598 que, profitant de la venue en Bretagne d'Henry IV, les maîtres cordonniers de Morlaix obtiennent du pouvoir royal la reconnaissance officielle de leur confrérie professionnelle, placée sous le patronage de saint Crépin et saint Crépinien. Ils se dotent à cette occasion de statuts détaillés, prenant fidèlement pour modèle la Charte médiévale des cordonniers rennais. Le métier devient ainsi une véritable corporation ou jurande, au plein sens juridique du terme, bien que les cordonniers de Morlaix continuent, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, à faire exclusivement usage de l'expression Confrérie, en dépit du fait que le domaine d'activité de leur organisation dépasse de beaucoup celui d'une simple association de piété. Au dix-huitième siècle, la profession comprend plus d'une soixantaine de maîtres et fonctionne d'une façon régulière, assez représentative de la grande majorité des communautés de métier bretonnes. "

 

 

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      Vierge à l'Enfant.

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Sources et liens :

 — Peyron, "Notre-Dame–du-Mur et la Confrérie de la Trinité de 

Morlaix", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, t. 22, Quimper, 1895, p. 239-266

— J.M. Abgrall, Notice sur la statue de Notre-Dame-du-Mur à Morlaix, impr. de Kerangal, 1899.

— Le 6° centenaire de Notre-Dame du Mur suivi du Panégyrique de Notre-Dame du Mur et d'une lettre de Mgr. Valleau Eugène Pénel ; Chanoine Brettes ; Mgr. Valleau 47 p. Morlaix: A. Le Goaziou, [s. d.

— Thierry Hamon, La corporation des cordonniers à Morlaix, 1598-1791, Mémoire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, Rennes, 2002, t.80, pp.53-147, en ligne.

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Published by jean-yves cordier
2 juin 2013 7 02 /06 /juin /2013 21:59

   

    Le Marion Dufresne en escale à Brest.

 

 

  Le navire océanographique et ravitailleur des terres australes et antarctiques françaises (TAAF) nous vient de l'hémisphère sud pour procéder, au 5ème bassin,  à une escale technique de 15 jours au chantier Damen Shiprepair.

  En novembre 2012, à l'ouest de l'île de la Possession dans l'archipel de Crozet, il avait heurté par l'avant bâbord un récif, provoquant une voie d'eau, une avarie qualifiée de grave sans pour autant mettre en péril les passagers qui avaient été rapatriés par le navire câblier Léon Thévenin, alors que le navire océanographique la Curieuse et le patrouilleur Osiris participaient à la desserte des TAAF . Il avait alors été dirigé sur Durban pour les réparations de la trentaine de mètres de tôles concernées par la brèche, puis avait repris fin janvier après deux mois de cale une campagne océanographique.

  Cet accident, qui a généré une facture de quelques trois millions d'euros, ne semblerait pas être la cause directe cette escale brestoise : le navire, le "Mar Duf" deuxième du nom, le plus grand navire océanographique d'Europe, construit en 1995, a besoin d'une mise à sec pour des travaux de tôlerie, une reprise des sabords, le remplacement de l'ancre bâbord, des travaux sur la passerelle, un contrôle de la grue arrière et d'une couche de peinture.

 Il tire son nom d'un explorateur du XVIIIe siècle, Marie-Josephe Marion Du Fresne qui a découvert...les îles Crozet.

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Published by jean-yves cordier
2 juin 2013 7 02 /06 /juin /2013 21:09

Le Damier de la succise et le petit collier argenté à Crozon.

 

 

Lieu  : Crozon (Tromel).

Date : 2 juin 2013.

Comme ils me charment chaque année pareillement, comme chaque année je me torture les méninges à retrouver leurs critères d'identification, j'ai déjà publié sur ce blog au bas-mot une quarantaine de portraits-photo de Boloria (Clossiania) selene, le Petit Collier argenté, et d' Euphydrias eurynia, le Damier de la succise. Et ça recommence cette année !

Le Petit collier argenté : 

140c

 

141c

 

Le Damier de la succise :

 

                              167c

 

 


170c

 

 

A l'année prochaine !


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Published by jean-yves cordier
2 juin 2013 7 02 /06 /juin /2013 20:23

   La chrysalide du Gazé Aporia crataegi  (Linnaeus, 1758) .

Lieu : Crozon (Tromel).

Date : 2 juin 2013.

 

Cela a certainement débuté comme cela :

DSCN7698cc

 

ou comme cela :

gaze 2882ccc

 

ou comme cela :

gaze 2887ccc


 Et aujourd'hui, c'est (sur un rameau de callune) comme ceci : 

085c.jpg

et de dos comme ceci : 

100c.jpg

 

Demain, ce sera comme cela :

gaze 2698cc


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Published by jean-yves cordier
1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 21:46

          Jules Noël (1810-1881) à Brest,

un peintre délibérément "rétrograde".

  A propos de l'exposition consacrée aux dessins de Jules Noël Enquête sur les bagnes de Brest au Musée des Beaux-Arts de Brest.

 


   Vous vous souvenez de Jules Noël ?

Comment ça, "non" ? Mon conte de Noël 2012  La vie cachée de Joyeux Noël le brestois, conte. ! L'inoubliable calembour "chez les Noël, ça peint" ! Mes découvertes des tableaux de ce peintre dont le deuxième prénom était "Assez" !

Sa toile Le port de Brest en 1864, vous la revoyez, quand-même ? 

Non ! Je vous fait un dessin :

Musee-joyeux-noel 7578c

 

 Ah, ça y est !

  Bon. Maintenant, les N rétrogrades, cela vous dit quelque chose ? 

 Sainte Mère de Dieu faites quelque chose, y-z-ont tou-tou-blié!

Mon article sur la chapelle de Camaret et sa fameuse description des inscriptions lapidaires aux N inversés, à la barre descendant vers le bas et la gauche, sinistro-descendante! Chapelle de "Rocamadour-sur-mer" à Camaret? Oublié ?

Tous mes autres articles ! 

Église de Rosnoën et ses inscriptions lapidaires : tilde, N rétrograde, et esperluettes!

Eglise Saint-Thurien à Plogonnec: N rétrograde et mentions de construction.

L' église Saint-Pierre de Pleyber-Christ : épigraphie et ...N rétrogrades

Île de Groix : N rétrograde et Inscription maritime.

  Mon N rétrograde préféré : Notre-Damme d'Amour à N.D de Quelven (56).

Oubliés ?

 

Eh bien, tenez vous bien. Cette manière bizarre d'écrire la lettre N avec sa diagonale qui se dirige vers le début du texte dans le sens inverse du cours de l'écriture, et que les savants, à défaut d'en expliquer l'apparition inopinée dans les inscriptions, attribuaient à des artisans analphabètes qui recopiaient des modèles en les inversant (je passe sous silence les théories ésotériques), ce N rétrograde qu'on trouve fréquemment à la Renaissance, qui n'est pas rare encore au XVIIe siècle, mais qui disparaît presque totalement depuis la prise de la Bastille (sans corrélation), à moins d'aller la dénicher sur le local de l'Inscription Maritime d'une île du Ponant, ce N énigmatique que j'explique simplement en constatant que sa graphie ne s'est fixée qu'au XIXe siècle,  le voilà qui fait soudain irruption devant mes yeux, en pleine salle d'exposition d'un Musée des Beaux-Arts, sous le pinceau d'un Monsieur qui a de l'instruction et qui écrit la date de 1864 :


Musee-joyeux-noel-5811c.jpg

 

 Comment expliquer cette graphie fautive? Une distraction, un lapsus penicilae ? Absolument pas, mais une façon parfaitement délibérée de tracer son nom, d'une signature artiste, comme le révèle les signatures des vingtaines de dessins du Bagne de Brest d'après nature que le Musée des Beaux-Arts de Brest présentaient en exposition :

Musee-joyeux-noel-5821c.jpg

 

  Je parcourais l'exposition en vérifiant soigneusement que chaque dessin comportait son N rétrograde : Les Bohémiens de Brest, le Cimetière, Une exécution au Bagne, Les deux Bourreaux, Habraham, Le tourneur de coco, salle du bagne, La distribution des repas, Un épicier, salle du Bagne, Picard, graveur [de noix de coco], Fabrication des fers, Forçat rasant un garde-chiourme, tous comportait le N anarchique qui, comme les boucles d'oreille que les forçats portaient pour afficher leur appartenance à un monde à part, permet à Jules Noël de se distinguer en signalant sa marginalité propre, celle du monde des arts.

  Tous ces dessins au crayon portaient cette signature singulière, jusqu'à la terrible Bastonnade (cliquer pour agrandir):

                 Musee-joyeux-noel-5844c.jpg

  Jules Noël, nè en 1810 et formé à Brest dans l'atelier du peintre Charrioux, un temps attiré par une carrière parisienne, s'installe définitivement en 1836 à Nantes après avoir enseigné le dessin à St-Pol-de-Léon, Lorient et Nantes. A partir de 1847, il enseigne aussi au lycée Henri IV à Paris. Apprécié pour ses marines romantiques, ses vieilles rues pittoresques et ses scènes en costumes, il collabora aussi à des éditions, comme celle de Maurice Alhoy, Les bagnes, Histoire, Type, Mœurs et Mystères, Harvard 1845, qui publie, gravé par Rouget les dessins de Noël. Voir l'ouvrage en ligne sur archive.org. et son Forçat à perpétuité. Voir aussi, si on résiste au plaisir de tout lire, la gravure correspondant au dessin original La Bastonnade : on constate que le graveur n'a pas respecté la graphie de l'auteur et a redressé le N rétif.

 

  Si on préfère des images plus plaisantes de Jules Noël, on se plongera dans les détails de la vue du Port de Brest en 1864 présenté en introduction :

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Musee-joyeux-noel-5813c.jpg

 

 

 

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Musee-joyeux-noel-5815c.jpg

 

Liens :

Jules Noël sur Wiki-Brest avec un article de Françoise Daniel, conservatrice du Musée de Brest.

Jules Noël sur Wikipédia

Sur Gallica, Les Naufrages célèbres par Zurcher et Margollé, 3ème édition de 1877 avec 30 vignettes de Jules Noël  1 vol. (II-308 p.) : fig. et pl. gr. ; in-16

Louis Enault, L'Amérique centrale et méridionale, dessins de Jules Noël 1867 sur Google Books

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1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 19:23

      Douze parapluies de Brest :

         exposition Ode à la pluie

    au Musée des Beaux-Arts de Brest.

 


  Les parapluies de cette exposition L'Ode à la pluie, je ne les ai pas vraiment comptés. C'est peut-être dix, peut-être quinze, et peut-être aussi en trouve-t-on qui comptent double. Je choisis le chiffre douze seulement parce que la pluie de Brest est douce.

  Ce ne sont pas non plus vraiment des parapluies de Brest, une ville où cet instrument est rare, car le vent, qui protège les cétacés, se fâche quand il voit ces corolles noires faites de baleines : il les pourchasse au coin des rues et les retourne. Au fond, c'est dans les poubelles et les caniveaux qu'on les trouve le plus, les pépins ou les riflards, dans notre ville. Bécassine, qui ne quitte pas son parapluie rouge, n'est pas d'ici.

 

 Allons-y, musique. Floc, floc, floc, voici la valse des parapluies qui tournent tournent tournent...

Mais, je l'annonce dès maintenant, la fin de cet article sera bien triste.


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                    musee-ode-a-la-pluie 3930c

 

I. Pluie du soir, espoir?    

 

Pierre de Belay, Femme en coiffe au parapluie, 1925 (détail)

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                                                       musee-ode-a-la-pluie 5881c

 

      Robert Delaunay, La Tour carrée à Saint-Guénolé, v. 1905 (détail).

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      René Quillivic, Pluie fine sur le môle d'Audierne 1921 (détail)

                               musee-ode-a-la-pluie 5888c

Henri Rivière, Les Fortifications 1900 (détail).

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Charles Lacoste : Personnages sous la pluie sur un pont à Bordeaux, Huile sur carton, 1893, Coll. Musée/Jardin Maurice Denis, St-Germain-en-Laye.

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Idem, détail.

 

musee-ode-a-la-pluie 5891c

 

 

      II. PLuie du matin, chagrin.

 

Jean Frélaut, L'enterrement en Bretagne, 1953 (détail).

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Luigi Nono (1850-1910), Première pluie, 1909. Huile sur toile, collection Musée d'Orsay.

  Le texte de présentation qui accompagne ce tableau dit: "Apte par sa matérialité même à traduire le sentiment de chagrin, sans le secours des larmes, la pluie saisie par le peintre Luigi Nono au dessus de la tombe fraîchement creusée d'un enfant dans un cimetière de la région de venise exprime nettement le sentiment de son parent. Avec un parapluie, celui-ci la protège car il craint pour l'enfant mort, dont on entoure le corps des mêmes précautions que s'il vivait encore. Le lieu est composite avec le cimetière de Susin de Sospirolo (province de Belluno) et l'église de Coltura dont on aperçoit la sacristie. Le relief est composé du Mont Sperone et des Monti del Sol. Exposé à la Biennale de 1909, cette œuvre fut aussitôt acquise par le Musée du Luxembourg. "

  Je déchiffre sur la pancarte Riposa in pace con gli Angeli in Paradiso, "Repose en paix avec les Anges du Paradis". 


 

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  Luigi Nono a peint une autre toile, représentant sans-doute la cérémonie d'enterrement de cet enfant dans l'église de Cultura lorsque le cercueil franchit l'enceinte (le placître) : 

(image provenant de l'article "Luigi Nono e il paesaggio nella pedemontana a Polcenigo".)

Liens sur ce peintre :http://oliaklodvenitiens.wordpress.com/2011/11/30/luigi-nono/

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 22:55

     

     Vitraux de la basilique de Saint-Denis :

              le cycle de saint Benoît.

 

Dans la crypte de la Basilique de Saint-Denis, à l'extrémité nord du déambulatoire, se trouvait la chapelle consacrée en 1144 à saint Benoît. Éclairée par deux fenêtres de 1,22 et 1,25m de large. Si Suger n'a pas donné la description des vitraux qui s'y trouvait, la largeur de ces fenêtres correspond à quelques panneaux représentant les scènes de la Vie de saint Benoît, ce qui permet de penser qu'il s'y trouvait. Louis Grodecki s'est donc attaché à reconstituer en partie ces vitraux. Il se constituaient de douze demi-médaillons historiés, dont six ont été retrouvés.

  Ces panneaux retrouvés sont :

  • Un panneau retrouvé dans un hôtel privé de Paris, acquis par l'Etat en 1958  et placé à Saint-Denis (après avoir été ? au Musée du Moyen-Âge à Cluny).
  • Deux demi-médaillons issus d'une collection privée, offerts en 1898 ou 1899 par Théodore Danjou de la Garenne à l'église Saint-Léonard de Fougères où ils ont été placès dans la partie basse d'un vitrail. 
  • Deux panneaux intégré à un vitrail de l'église paroissiale de Tycross. Ils proviennent, avec d'autres panneaux de Saint-Denis et des panneaux de la Sainte-Chapelle, d'un lot acheté en France au début du XIXe siècle, offerts par le roi Guillaume VI à Sir J. Wathen Waller, lequel les confia en 1840 à l'église proche de son château de Gopsall.
  • Un panneau provenant du château de Highcliffe en Angleterre, découvert en 1969 : Guérison miraculeuse d'un enfant.

  Le thème en est basé sur la Vie de saint Benoît telle qu'elle est relatée en 593 dans le deuxième Livre des Dialogues de saint Grégoire le Grand.

 

 

      Le panneau actuellement visible à Saint-Denis :

saint-benoit 9602c

 

château de Highcliffe :Guérison miraculeuse d'un enfant. image provenant du forum http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net/t327-les-vitraux-du-xiiieme-siecle

Sources et liens :

 

1. Le forum sur les vitraux de Saint-Denis : http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net/t327-les-vitraux-du-xiiieme-siecle

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 22:53

Le vitrail de l'Enfance du Christ et de la Vie de la Vierge dans la Chapelle de la Vierge, basilique de Saint-Denis.

 

      Voir :  Le vitrail de l'arbre de Jessé de la basilique de Saint-Denis.

 Datation : 1150-1155 / 1849.

Hauteur : 5,10m

 Présentation. 

 Chacune des sept chapelles rayonnantes qui entourent le double déambulatoire du chœur de la basilique est éclairée par deux baies. Les trois chapelles centrales, dédiées à St Cucuphas, à la Vierge et à St Pérégrin reçoivent six vitraux théologiques couplés deux à deux, et consacrés à la Rédemption (Cucuphas), à l'Incarnation (Vierge) et aux liens entre Ancien et Nouveau Testament (Pérégrin). Les autres chapelles recevaient sans-doute à l'époque de Suger des verrières ornementales à griffons.

  Les vitraux de la chapelle, axiale, de la Vierge, ainsi consacrée à l'Incarnation, sont d'une part au Sud l'Arbre de Jessé qui montre la naissance de Jésus comme la réalisation d'une prophétie et l'accomplissement de la dynastie royale de Juda, alors qu'au nord le vitrail de la Vie de Jésus montre la réalité historique de cette Incarnation. 

Après la Révolution, les vitraux, après avoir échappé aux consignes de récupération des plombs, ont été démontés en 1799 à la demande d'Alexandre Lenoir pour rejoindre le Musée des Monuments Français, et, lors du transport, ont été brisés. De nombreux fragments ont alors été vendus, et c'est sans-doute ainsi qu'on retrouve en Angleterre (Twycross) ou achetés en 1958 par l'Etat français pour le musée de Cluny et pour la basilique. L'Annonciation du panneau A2 se trouvait néanmoins au Musée d'Alexandre Lenoir. Lorsqu'en 1816, ce Musée fut fermé, les panneaux de Saint-Denis encore présents furent renvoyés, avec des vitraux venant de St-Germain-des-Prés, à Saint-Denis où ils furent réinstallés par Debret, de façon "absurde et exécrable" (Grodecki 1995) dans un pêle-mêle de styles, d'époques et de provenance. 

 Au XIXe siècle Viollet-le-Duc, dans sa restauration de la verrière de 1849, s'attacha à s'approcher d'une restitution exacte, basée sur la documentation disponible, mais au lieu de reprendre le thème initial, il l'a détourné vers les scènes de la Vie de la Vierge, brisant dès lors la complémentarité du couple Jessé / Enfance du Christ.

  "Ainsi la pensée directrice de ce vitrail — ou plutôt de ce couple de vitraux— ne serait pas, comme à Chartres, une glorification de la Vierge, mais essentiellement une étape de la Rédemption, la venue de Dieu parmi les hommes". (Grodecki, 1995)

  En effet, ce vitrail de Saint-Denis a inspiré le vitrail de la façade occidentale de Chartres, l'Enfance et vie publique du  Christ, qui est une adaptation du modèle dyonisien.

En 1976 Louis Grodecki s'est attaché à reconstituer l'état originel en s'aidant des dessins de Percier pour la partie inférieure, sur les calques de Juste Lisch et de Nicolas Coffetier et sur la découverte de panneaux déplacés et vendus après la Révolution, puis d'autres chercheurs et notamment M. Cothren en 1978 et 1986 ont retrouvé la trace des éléments manquants. Enfin, la source de cette iconographie a été identifiée par M. Cothren dans l'Évangile apocryphe du Pseudo-Matthieu.

 

Panneaux découverts dans les collections :

  • Hérode recevant les Mages: Champs-sur-Marne, Dépôt des Monuments Historiques (Grodecki [1976], figs. 83-85) 
  • Les Mages devant Hérode : Champs-sur-Marne, Dépôt des Monuments Historiques (Grodecki [1976], figs. 86-87)
  • Fuite en Égypte : Raymond Pitcairn Collection, Bryn Athyn, Pennsylvania, O3.SG.114
  • Fuite en Egypte : Wilton, Angleterre, église St-Mary & St-Nicolas (Grodecki [1976], figs. 93-95)
  • Vierge et l'Enfant (fragment de l'Adoration des Mages) Wilton, église St-Mary ((Grodecki [1976], figs. 96-97) L'église St-Mary a composé ses vitraux lors de sa restauration en 1841 à partir de divers panneaux anciens venant de l'étranger.
  • Fragments de la Présentation au Temple : Wilton, église St-Mary (Grodecki [1976], fig. 100-01)
  • Gens de Sotine arrivant en Egypte : Wilton, église St-Mary (Grodecki [1976], figs. 102-03)
  •  Présentation au Temple: Twycross,(Angleterre) église St-James (Grodecki [1976], fig. 88-89) :Ce panneau représentant la «Présentation au Temple», à l'origine à Saint-Denis,   a été offert à George IV qui l' a donné à Lord Howe, avec d'autres panneaux de la Sainte-Chapelle ou de la cathédrale du Mans ou de St-Julien-du-Sault en Bourgogne.. Il a été placé dans l'église St James de Twycross lorsque l'église a été restaurée dans les années 1840. Thomas Willement était le verrier responsable de sa mise en place dans la baie Est.

 

 

                                

 

  •  Bergers se rendant à Bethléem : Norwich, D. King Collection (Grodecki [1976], figs. 98-99)

 

Le prophète tient un phylactère où est inscrit la citation biblique Jérémie 31,22 : usquequo deliciis dissolveris filia vaga quia creavit Dominus novum super terram femina circumdabit virum, "car l'Éternel crée une chose nouvelle sur la terre. Une femme entourera l'homme", compris comme une référence pour le futur rôle de la Vierge Marie comme mère de Jésus. Il peut sembler surprenant que Sir William Burrell ne connaisse pas l'identité ou de la source du panneau quand il l'a acquis - sa juste valeur a été découvert plus tard -, le panneau ayant été acheté par Burrell chez le marchand Arnold Seligmann en 1923. Il a été donné à la ville de Glasgow par Sir William et  Lady Constance Burrell avec le reste de la collection en 1944.  (source : musée de Glasgow)

 

 

Présentation photographique du vitrail.

  En août 1997, une étude ayant révélé de graves détériorations, les panneaux du XIIe siècle ont été déposés et remplacés par des tirages photographiques transparents. Ces panneaux anciens sont les panneaux B1, C1 et B2.

                                vitrail-enfance-de-jesus 9565c

 

 

Registre inférieur.

A-1 Visitation ( au XIIe siècle selon les dessins de Percier : Prophète, Isaïe?)

B-1 Annonciation (XIIe siècle)

C-1 Joseph et l' Ange ( XIIe siècle, partiellement caché par le retable) Le panneau d'origine, représentant le prophète Jérémie, a été identifié dans la collection Burrel de Glasgow.


vitrail-enfance-de-jesus 9560c

 

1°) En partie inférieure du panneau A1, on peut lire l'inscription V..it A. Gerente pret.vitra° 1849.

 Alfred Gérente débuta sa carrière comme sculpteur, puis prit la relève de son frère Henri comme peintre-verrier à partir de 1849.

2°) Le panneau du XIIe siècle représente l'Ange Gabriel et Marie debout face-à-face, la colombe de l'Esprit-Saint arrivant vers Marie, et, aux pieds de la Vierge, l'abbé Suger (avec sa crosse) en dessous de l'inscription SUGERIVSABA. De ce panneau, seuls les trois visages, les deux anges des coins supérieurs et la colombe sont du XIIe siècle le reste étant restauré.

L'ouvrage de Godeski 1995 montre un dessin fait par Louis Budan pour Gaignière vers 1700.

 

                      vitrail st denis

  J'emprunte le passage suivant à un article d' Emile Berthoud, Suger, l'Homme-clef du Moyen-Âge, Revue & Esprit, ed. le Cerf :

  "Dans sa construction, il [Suger] couvrira d'inscriptions le moindre espace disponible sur les murs et sur les objets liturgiques. Et treize d'entre elles mentionneront son nom. Fait très rare à son époque, il se fera représenter dans quatre « portraits de donateurs » et ceux-ci ne seront pas situés au hasard. Ils seront sculptés ou peints dans l'axe principal de la basilique : deux à l'entrée - au tympan et sur les portes - ; un au pied de la grande croix précédant le chœur ; un sur un vitrail axial du déambulatoire. Il se désignera lui-même comme « chef », « dux », guide des travaux de l'église agrandie et anoblie. Précautionneux, il fera d'ailleurs ajouter, à propos de cette inscription : « Puisse-t-elle ne jamais être effacée ! » Pourtant, cette vanité n'est pas de l'orgueil. Elle est la manifestation d'un comportement psychologique complexe. C'est l'expression d'un sentiment d'osmose avec cette abbaye. Suger fait corps avec elle depuis son enfance. Il y est entré à neuf ou dix ans. Il est intégré à elle. Issu d'une famille très pauvre, il y a fait ses études avec celui qui est maintenant son roi, avec des princes de sang, de jeunes nobles. Il se glorifie d'être « une part » de l'abbaye car, dit-il, « Qui suis-je et qu'est la maison de mes parents ? », « Moi de peu de savoir et d'humble naissance ». Il se considère comme le fils adoptif du grand martyr saint Denis et il reporte sur l'abbaye toute la somme d'énergie, de pénétration, d'ambition, dont la nature l'avait doté. Confondant complètement ses aspirations personnelles avec les intérêts de « l'Église-mère », on peut vraiment dire qu'il gratifiait son « moi » en renonçant à son identité. En parsemant toute l'église d'inscriptions et de portraits, il en prenait possession, mais, en même temps, il se dépouillait de son existence d'individu privé. Nous l'avons déjà dit : Pierre le Vénérable, grand abbé de Cluny, voyant l'étroite cellule de Suger, pourra dire à juste titre : « Cet homme nous fait honte à tous ; il construit non pour lui-même, comme nous, mais pour Dieu. »"

 

3°) La disposition ancienne, avec deux prophètes encadrant l'Annonciation, témoigne de la pensée allégorique et typologique de Suger, soucieux d'illustrer les liens entre Ancien et Nouveau Testament.

 


Deuxième registre et troisième registre.

A-2 Annonciation aux bergers. Au XIIe, Annonce au bergers demi-cercle (selon dessin de Percier).

B-2 Nativité (XIIe siècle)

C-2 Présentation au Temple. Au XIIe, Voyage des bergers, demi-cercle.

A -3 Rêve des Mages. Au XIIe, Arrivée des Mages devant Hérode, rectangulaire inscription MAGI VENIUNT (Champs-sur-Marne)

B-3 Les Mages. Au XIIe,  Hérode et ses conseillers(Champs-sur-Marne), en demi-cercle tourné ver le haut.

C-3 Adoration des Mages. Au XIIe, Départ des Mages ? rectangulaire (panneau perdu)

 

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1°) La Nativité 

      Seule élément authentique du registre, elle montre une Vierge couchée, surmontée d'une lampe ; Joseph debout bénissant Jésus ; L'Enfant-Jésus dans une crêche dont l'élément remarquable est d'être posée sur un autel. Cinq anges unis dans un chœur dominent la scène.

Quatrième registre et cinquième registre.

A-4 Massacre des Innocents 

B-4 Fuite en Egypte. 

C-4 Massacre des Innocents. 


A-5 Marie. 

B-5 Enfant Jésus dans le Temple. 

C-5 Joseph. 

 

Ces registres occupaient au XIIe siècle trois niveaux en quadrilobe autour d'un médaillon central : on trouvait succesivement selon M. Cothren :

Mages (demi-cercle); Vierge et Enfant (Wilton) en médaillon central ; Songe des mages (demi-cercle, Chapelle du château de Raby, Angleterre). 

— Trois femmes (disparu) ; Présentation (demi-cercle, Twycross) ;  Songe de Joseph,

Hérode ordonnant le massacre des Innocents (panneau perdu) ; Fuite en Egypte (carré); Massacre des Innocents (panneau perdu).


vitrail-enfance-de-jesus 9562c

 


Sixième registre.

A-6 ange agenouillé. Au XIIe siècle, Chute des Idoles ? Sujet supposé, panneau disparu.

B-6 Dormition de la Vierge. Au XIIe siècle, peuple de Sotine (Wilton)

C-6 ange agenouillé : au XIie siècle. Arrivée à Sotine (Wilton)

 

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Sources et Liens :

 — Louis Grodecki, Chantal Bouchon,Yolanta Zaäuska  Etudes sur les vitraux de Suger à Saint-Denis (XIIe siècle).: II, Corpus Vitrearum, Presses de l'Université de Paris -Sorbonne 1995, pp 21-47.

— Site Médart-pitt-edu : http://www.medart.pitt.edu/image/France/St-denis/windows/Infancy/Sdenwind-Inf.html

— les vitraux de l'église de Twycross en Angleterre :http://professor-moriarty.com/info/fr/section/stained-glass/pre-nineteenth-century-stained-glass-east-window-twycross-leicestershire

 http://professor-moriarty.com/moriarties/midland_churches/2011/07/04/twycross-%E2%80%93-st-james/

Forum sur les vitraux de Saint-Denis :http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net/t327-les-vitraux-du-xiiieme-siecle

The Royal Abbey of Saint-Denis in the time of Abbot Suger: (1122 - 1151 )publié par Sumner MacKnight Crosby,Cloisters (Museum) :page 61.

— Madeline Madisson Caviness, Suger's glass at Saint-Denis,  the State of Resaerch  in Abbot Suger and Saint-Denis: A Symposium publié par Paula Lieber Gerson  p. 257 

—Cothren, Michael. "A Re-Evaluation of the Iconography an d Design of the Infancy Window from the Abbey of Saint-Denis," Gesta 17 (1978), 74-75.

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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 22:44

    Vitraux de Saint-Denis :

Chapelle de Saint-Pérégrin, la Vie de Moïse.

 

   Parmi les sept chapelles rayonnantes qui entourent le déambulatoire du chœur de la basilique de saint-Denis, la chapelle de Saint-Pérégrin est située à gauche de la chapelle axiale dédiée à la Vierge. Avec la chapelle de Saint-Cucuphas située en symétrie à droite, ces trois chapelles, éclairées chacune par deux baies, forment un ensemble dont les vitraux étaient consacrés à une représentation typologique : Rédemption pour Saint-Cucuphas,  Incarnation pour la chapelle axiale, liens entre Ancien et Nouveau Testament (donc, une Histoire du Salut) pour Saint-Pérégrin. Les autres chapelles recevaient des décorations à griffons, ou des thèmes hagiographiques.

  Les vitraux de ces trois chapelles tenaient particulièrement à cœur à l'abbé Suger qui les avaient conçus, puisqu'il en a décrit les panneaux, et qu'il y avait fait inscrire des poèmes latins de sa composition. 

  Si la Révolution, puis surtout les dispersions, transferts en musées, et bris malheureux ne nous permettent pas de les admirer tous, la documentation les concernant en autorise  l'analyse iconographique, ce qui permet de mieux comprendre —et de mieux admirer — la vaste pensée spirituelle de Suger.

 Le thème des deux vitraux de chaque chapelle étant jumelés, celui de la Vie de Moïse, situé à gauche, doit se comprendre par rapport à celui des Allégories de saint Paul, placé à droite, et qui affirmait, dans le médaillon du dévoilement de Moïse, que celui-ci était une préfiguration voilée du Christ.

  Les scènes de cette Vie de Moïse ne sont donc pas les images d'un livre d'histoire sainte, mais des allégories incitant à méditer sur la façon dont chaque épisode de cette Vie contient, déjà, une part de la vérité qu'enseigne l'Église. En un mot, elles nous invitent à reconnaître dans l'Ancien Testament la présence du Christ et de sa parole. 

  On a trop dit que l'art religieux médiéval était un livre d'image pour les simples, les incultes, les analphabètes. Au contraire, c'est toute l'exégèse de la Patristique que Suger place en image, dans une  brillante synthèse, en souci de transmission et d'hommage  pour ce miel qu'il avait appris des Pères de l'Église. J'ai lu à leur propos le terme d'hieroglyphe sacré, qui me paraît très juste. Chacun de ces médaillons, chacun de ces hiéroglyphes ne peut être compris qu'à l'aide d'explications savantes, de citations de la patrologie de Migne, de comparaisons. Chacun possède ce talent propre à la vrai œuvre d'art, de n'être jamais épuisé par les interprétations successives.

 Il s'agit, actuellement après la restauration dirigée par Viollet-le-Duc vers 1850,  dans une baie de 4,75 ou 4,90 mètres, de cinq médaillons de 66 cm encadrés de demi-médaillons. A la différence des autres baies, tous les panneaux sont ceux de Suger, plus ou moins restaurés. Ils suivent de bas en haut (dans cette progression spirituelle vers le ciel) l'ordre correspondant à la narration du livre de l'Exode.

Suger le décrit ainsi : In alia vitrea, ubi filia pharaonis invenit Moysen in fiscella: Est in fiscella Moyses puer ille, puella Regia mente pia quem fovet ecclesia.In eadem uitrea, ubi Moysi Dominus apparuit in igne rubi: Sicut conspiciuntur rubus hic ardere nec ardet, Sic divo plenus hoc ardet ab igne nec ardet. Item in eadem vitrea, ubi pharao cum equitatu suo in mare demergitur: Quod baptisma bonis, hoc milicie pharaonis Forma facit similis causaque dissimilis. Item in eadem, ubi Moyses exaltat serpentem eneum: Sicut serpentes serpens necat eneus omnes, Sic exaltatus hostes necat in cruce Christus. In eadem vitrea, ubi Moyses accipit legem in monte: Lege data Moysi iuuat illam gratia Christi. Gratia vivificat, littera mortificat. 


      Dans l'étude des vitraux de Saint-Denis, on ne peut éviter de suivre et de plagier Louis Grodecki et son équipe de 1995, dont l'analyse extrêmement approfondie est incontournable.


                  vie-de-moise 9574c

 

1. Moïse sauvé des eaux.

 

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a) Texte biblique :

Exode 2, 1-5.  Un homme de la maison de Lévi avait pris pour femme une fille de Lévi. 2 Cette femme devint enceinte et enfanta un fils. Elle vit qu'il était beau, et elle le cacha pendant trois mois. 3 Ne pouvant plus le cacher, elle prit une caisse de jonc, qu'elle enduisit de bitume et de poix; elle y mit l'enfant, et le déposa parmi les roseaux, sur le bord du fleuve. 4 La soeur de l'enfant se tint à quelque distance, pour savoir ce qui lui arriverait. 5 La fille de Pharaon descendit au fleuve pour se baigner, et ses compagnes se promenèrent le long du fleuve. Elle aperçut la caisse au milieu des roseaux, et elle envoya sa servante pour la prendre. 6 Elle l'ouvrit, et vit l'enfant: c'était un petit garçon qui pleurait. Elle en eut pitié, et elle dit: C'est un enfant des Hébreux! 7 Alors la soeur de l'enfant dit à la fille de Pharaon: Veux-tu que j'aille te chercher une nourrice parmi les femmes des Hébreux, pour allaiter cet enfant? 8 Va, lui répondit la fille de Pharaon. Et la jeune fille alla chercher la mère de l'enfant. (Trad. Louis Ségond).

b) interprétation symbolique.

Phylon d'Alexandrie, Origène ou Grégoire de Nysse s'accordent pour voir dans cet épisode l'Église (la fille du Pharaon) venant des eaux du baptème y reçoit la Loi, ou rencontrant le Christ. 

Suger s'en écarte dans son dystique : ubi filia pharaonis invenit Moysen in fiscella: Est in fiscella Moyses puer ille, puella Regia mente pia quem fovet ecclesia.

Dans la Bible moralisée d'Oxford du XIIIe siècle la fille du Pharaon sera considérée comme "l'Église qui reçoit Jésus-Christ", alors qu'au XIVe elle est la Vierge qui recueille son Fils.


Demi-médaillon gauche : Sciphra et Puha.

  L'inscription porte les mots OBSTETRICES SCIPHRA PUHA. Il s'agit du nom de deux sages-femmes mentionnées dans exode 1,15-20 :

15 Le roi d'Égypte parla aussi aux sages-femmes des Hébreux, nommées l'une Schiphra, et l'autre Pua. 16 Il leur dit: Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux et que vous les verrez sur les sièges, si c'est un garçon, faites-le mourir; si c'est une fille, laissez-la vivre. 17 Mais les sages-femmes craignirent Dieu, et ne firent point ce que leur avait dit le roi d'Égypte; elles laissèrent vivre les enfants. 18 Le roi d'Égypte appela les sages-femmes, et leur dit: Pourquoi avez-vous agi ainsi, et avez-vous laissé vivre les enfants? 19 Les sages-femmes répondirent à Pharaon: C'est que les femmes des Hébreux ne sont pas comme les Égyptiennes; elles sont vigoureuses et elles accouchent avant l'arrivée de la sage-femme. 0 Dieu fit du bien aux sages-femmes; et le peuple multiplia et devint très nombreux. (Trad. Louis Ségond)

Demi-médaillon supérieurs : Moïse et son troupeau.

 Exode 3, 1 : Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian; et il mena le troupeau derrière le désert, et vint à la montagne de Dieu, à Horeb.  

 

2. Moïse et le Buisson ardent.

 

vie-de-moise 9576c


  a)Texte biblique :

  Exode 3, 1-6. Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian; et il mena le troupeau derrière le désert, et vint à la montagne de Dieu, à Horeb. 2 L'ange de l'Éternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d'un buisson. Moïse regarda; et voici, le buisson était tout en feu, et le buisson ne se consumait point. 3 Moïse dit: Je veux me détourner pour voir quelle est cette grande vision, et pourquoi le buisson ne se consume point. 4 L'Éternel vit qu'il se détournait pour voir; et Dieu l'appela du milieu du buisson, et dit: Moïse! Moïse! Et il répondit: Me voici! 5 Dieu dit: N'approche pas d'ici, ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte. 6 Et il ajouta: Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob. Moïse se cacha le visage, car il craignait de regarder Dieu.

b) interprétation symbolique.

— Dystique de Suger : Sicut conspiciuntur rubus hic ardere nec ardet, Sic divo plenus hoc ardet ab igne nec ardet. "Tout comme ce buisson paraît brûler mais ne se consume pas, celui qui est rempli du feu divin brûle, mais ne se consumera pas." La comparaison est donc faite entre le feu du buisson et le feu de la Foi ou de la Grâce qui confère l'ardeur.

— Rupert de Deutz, XIIe : le Buisson est le signe de la Toute Puisssance divine.

— Bible moralisée : les bons moines sont comme le Buisson, le feu terrestre ne les embrase pas, mais seul l'amour de Dieu les consume.

— Bible moralisée du XIVe, , Speculum Humanae Salvatoris : le Buisson est le symbole de la conception virginale de Jésus par la Vierge, qui ne fut pas "consumée" par l'enfantement. Voir Biblia Pauperum :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850504w/f16.image : Au centre figure le motif de la Nativité, avec une Vierge lisant ses heures, et le Christ réchauffé par l'âne et par le bœuf. Le titre de la typologie est placé tout en bas de l'ensemble. A ce motif, appelé l'antitype, sont associés l'épisode du Buisson ardent, appartenant à l'Ancien Testament ante legem, et l'épisode de Moïse tenant une main levée, auprès d'Aaron qui tient l'encensoir devant son bâton fleuri, épisode appartenant à la partie sub lege de l'Ancien Testament. En haut, une phrase du livre 2 de Daniel, verset 45, faisant allusion à la pierre qui s'est détachée de la montagne pour fracasser la statue représentant le règne de Nebucadnetsar dans un des rêves interprétés par le prophète. A droite, les paroles d'Isaïe 9 : « car un enfant nous est né, un fils nous a été donné ». En bas à gauche, « Eternel, j'ai entendu ce que tu as annoncé. Je suis saisi de crainte », parole d'Habacuc, 3,2. Et à droite : Michée, 5,2 : « Et toi, Bethléhem Ephrata, de toi sortira celui qui dominera Israël ».Dieu a choisi ses intercesseurs : Moïse, puis Aaron, puis le Christ,


3. La traversée de la Mer Rouge.

 

 

vie-de-moise 9577c

 

a) Texte biblique :

 Exode 14,21-23 :  Moïse étendit sa main sur la mer. Et l'Éternel refoula la mer par un vent d'orient, qui souffla avec impétuosité toute la nuit; il mit la mer à sec, et les eaux se fendirent. 22 Les enfants d'Israël entrèrent au milieu de la mer à sec, et les eaux formaient comme une muraille à leur droite et à leur gauche. 23 Les Égyptiens les poursuivirent; et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers, entrèrent après eux au milieu de la mer.

 

b) interprétation symbolique.

— Le dystique de Suger : Item in eadem vitrea, ubi pharao cum equitatu suo in mare demergitur ("Pharaon et sa cavalerie sont noyés dans la mer"): Quod baptisma bonis, hoc milicie pharaonis Forma facit similis causaque dissimilis. "Des biens du baptême et de l'armée du Pharaon, la forme est semblable, mais le sens est dissemblable". Il ne s'agit pas d'une relation typologique (un évenement en préfigurant un autre), mais d'une réflexion morale.

— sur le fameux ambon émaillé dit "retable de Verdun" de 1181, le Baptème (antitype) est placé entre ses deux types, la Traversée de la Mer rouge  et le bassin d'airain du temple de Salomon.

— Saint Paul, 1ère épître aux Corinthiens, 10,1-13 :  Frères, je ne veux pas que vous ignoriez que nos pères ont tous été sous la nuée, qu'ils ont tous passé au travers de la mer,qu'ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer.

 — Saint Augustin: "La Mer Rouge est l'emblème du baptême. Moïse qui conduit les israélites à travers la Mer Rouge représente le Christ. Le peuple qui l'a franchi, ce sont les fidèles ; la mort des égyptiens signifie la rémission des péchés".La Figure de Moïse: écriture et relectures publié par Robert Martin-Achard  

Cette interprétation est celle de Tertullien, d'Origène, Saint Ambroise, puis de tous les écrivains sacrès.

— Isidore de Séville, De fide catholica P.L 83 530 : Par la foi, le véritable Isarël sort d'Égypte lorsqu'il renonce au monde. Il rentre dans la Mer Rouge c'est à dire dans le baptême marqué par le sang du Christ."

— Biblia Pauperum : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850504w/f32.image : le baptême du Christ par Jean- Baptiste dans le Jourdain est figuré par le passage de la Mer Rouge et par les envoyés de Moïse rapportant les raisins de la terre promise.  

Les demi-médaillons.

A gauche : le bâton de Moïse transformé en serpent.

A droite : Les plaies d'Égypte : grenouilles, sauterelles, éclairs.


4. Le Serpent d'airain. 

      Ce panneau est actuellement placé au sommet de la verrière, mais je suivrais l'ordre correspondant à sa disposition antérieure.

 vie-de-moise 9579c

 

a)Texte biblique :

Nombres, 21, 6-9 :6 Alors l'Éternel envoya contre le peuple des serpents brûlants; ils mordirent le peuple, et il mourut beaucoup de gens en Israël.7 Le peuple vint à Moïse, et dit: Nous avons péché, car nous avons parlé contre l'Éternel et contre toi. Prie l'Éternel, afin qu'il éloigne de nous ces serpents. Moïse pria pour le peuple. 8 L'Éternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie. 9 Moïse fit un serpent d'airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d'airain, conservait la vie.

b) interprétation symbolique.

— Dystique de Suger : Item in eadem, ubi Moyses exaltat serpentem eneum: Sicut serpentes serpens necat eneus omnes, Sic exaltatus hostes necat in cruce Christus. " Comme le serpent d'airain tue tous les serpents, Ainsi le Christ, élevé sur la Croix, tue tous ses ennemis."

— Biblia pauperum :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k850504w/f72.image

  

Demi-médaillons.

— à gauche : Moïse contemplant la Terre Promise du sommet du mont Nébo (inscription MONS NEBO).

— à droite : trois tentes, trois personnages dont un tient un objet de culte ; deux personnages endormis, inscriptions DAT../ CORRA ABIRAM / AARO AT MOYSES. Il s'agit de la conspiration de Dathan, de Koré d'Abiram et de 250 notables contre Moïse et AAron, et de leur punition par l'Eternel. Nombres 16, 1-50. 

5. La Loi donnée sur le Mont Sinaï.

 

 

  

 vie-de-moise 9578c

 

a) Texte biblique : 

Exode 31,18 et 34,28 : 

 — 31, 18 Lorsque l'Éternel eut achevé de parler à Moïse sur la montagne de Sinaï, il lui donna les deux tables du témoignage, tables de pierre, écrites du doigt de Dieu.

— 34, 28 Moïse fut là avec l'Éternel quarante jours et quarante nuits. Il ne mangea point de pain, et il ne but point d'eau. Et l'Éternel écrivit sur les tables les paroles de l'alliance, les dix paroles. 29 Moïse descendit de la montagne de Sinaï, ayant les deux tables du témoignage dans sa main, en descendant de la montagne; et il ne savait pas que la peau de son visage rayonnait, parce qu'il avait parlé avec l'Éternel.

 

b) interprétation symbolique.

— Dystique de Suger : In eadem vitrea, ubi Moyses accipit legem in monte: Lege data Moysi juvat illam gratia Christi. Gratia vivificat, littera mortificat. "La Grâce du Christ a revigoré la loi donnée à Moïse. La Grâce fait vivre, la lettre fait mourir." Le second vers est  une paraphrase des paroles de saint Paul : Nam littera occidit et spiritus vivificat (IIe Épître aux Corinthiens, 3, 6)  

Demi-médaillons.

A gauche, Moïse brisant les tables de la Loi en découvrant le Veau d'or.

A droite, le peuple prosterné autour du Veau d'or.

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Published by jean-yves cordier
30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 19:50

  Les vitraux de la chapelle Saint-Cucuphas

     de la basilique de  Saint-Denis.


        I.  Le vitrail des Visions d' Ézéchiel.

 

  Cette chapelle est dédiée à Cucuphas ou Cucufas,  un jeune chrétien de Scilitane martyrisé à Barcelone au IVe siècle ; ses reliques, d'abord recueillies à Rome furent confiées à l'abbé Fulrad qui les déposa à Saint-Denis dans une châsse gemmée.

  Placée à droite de la chapelle de la Vierge, elle possède un retable de pierre de la Crucifixion du XIIIe siècle, et un carrelage remarquable, à fleur de lys jaune sur fond noir. Elle est éclairée par deux baies de près de 4,90m de haut. Mais les vitraux qui les ferment datent du XIXe siècle, à l'exception d'un panneau consacré au Signe Tau. 

  Ce vitrail est placé à gauche.

  

 

                Le vitrail des Visions d' Ézéchiel.

Lors de la restauration de 1847-1852 conduite par Viollet-le-Duc et son conseiller, le baron de Guilhermy. et confiée au peintre-verrier Alfred Gérente, le Signum Tau, unique vestige d'une verrière typologique consacrée à la Passion du Christ fut incorporé dans un vitrail neuf représentant «les visions d'Ézéchiel» et qualifié par L. Grodecki de "fantaisie de Viollet-le-Duc".

  Aujourd'hui, le seul panneau intéressant, datant de l'abbé Suger au XIIe siècle, est remplacé par une reproduction photographique, l'original étant en restauration depuis 1997. On ne se déplacera peut-être pas pour l'admirer, mais rien n'interdit de découvrir ce thème iconographique du "signe tau" : c'est l'objet de cet article. Néanmoins, n'ayant pas trouvé de description des autres panneaux, je m'aventurerai à cet exercice aussi amusant qu'une grille de mots croisés.

  Commençons tout-de-même par le début, et examinons-le de haut en bas :

 

                                  vision-ezechiel 9541c

 

I. premier médaillon, Vision d'Ézéchiel.

 Je peux penser que ce  médaillon illustre le passage suivant du Livre d'Ézéchiel : Ez 1,4-8 :

4 Je regardai, et voici, il vint du septentrion un vent impétueux, une grosse nuée, et une gerbe de feu, qui répandait de tous côtés une lumière éclatante, au centre de laquelle brillait comme de l'airain poli, sortant du milieu du feu. 5 Au centre encore, apparaissaient quatre animaux, dont l'aspect avait une ressemblance humaine.6 Chacun d'eux avait quatre faces, et chacun avait quatre ailes. 

Vient alors la description du fameux chariot de Dieu tiré par quatre Vivants, puis :

1,28 :Tel l'aspect de l'arc qui est dans la nue en un jour de pluie, ainsi était l'aspect de cette lumière éclatante, qui l'entourait: c'était une image de la gloire de l'Éternel. A cette vue, je tombai sur ma face, et j'entendis la voix de quelqu'un qui parlait.

2,1 Il me dit: Fils de l'homme, tiens-toi sur tes pieds, et je te parlerai.

 8 Et toi, fils de l'homme, écoute ce que je vais te dire! Ne sois pas rebelle, comme cette famille de rebelles! Ouvre ta bouche, et mange ce que je te donnerai!

9 Je regardai, et voici, une main était étendue vers moi, et elle tenait un livre en rouleau.

 

10 Il le déploya devant moi, et il était écrit en dedans et en dehors; des lamentations, des plaintes et des gémissements y étaient écrits.


vision-ezechiel 9536c

 

 

2. Deuxième médaillon.

J'y reconnais Ézéchiel 9,2 :

Et voici, six hommes arrivèrent par le chemin de la porte supérieure du côté du septentrion, chacun son instrument de destruction à la main. Il y avait au milieu d'eux un homme vêtu de lin, et portant une écritoire à la ceinture. Ils vinrent se placer près de l'autel d'airain.

 

vision-ezechiel 9537c

 

3. Le signe Tau.

 J'en reporte la description plus loin.

vision-ezechiel 9538c

 

4. Quatrième médaillon.

  Le Christ au nimbe crucifère place une couronne sur un roi, qu'il bénit de la main gauche.

vision-ezechiel 9539c

 

5. Cinquième Médaillon : la Porte close.

C'est l'une des visions d'Ezéchiel Ez 44,1-3 les plus illustrées par les artistes, depuis que cette porte close est considérée comme parlant allégoriquement de la virginité de Marie. On la trouve ainsi dans le Speculum Humanae Salvatoris  de 1450. Ce porche oriental préfigure aussi la Porte Dorée de Jérusalem, par où pour les Juifs le Messie fera son entrée, ou la porte orientale de Jérusalem où le Christ fit son entrée le jour des Rameaux.

  EZ 44 1 Il me ramena vers la porte extérieure du sanctuaire, du côté de l'orient. Mais elle était fermée.2 Et l'Éternel me dit: Cette porte sera fermée, elle ne s'ouvrira point, et personne n'y passera; car l'Éternel, le Dieu d'Israël est entré par là. Elle restera fermée.3 Pour ce qui concerne le prince, le prince pourra s'y asseoir, pour manger le pain devant l'Éternel; il entrera par le chemin du vestibule de la porte, et il sortira par le même chemin.


vision-ezechiel 9540c

 

 

                   Le médaillon du Signum Tau.

 

   Cyprien  a établi vers 250 le dossier scripturaire du signe de croix, le signaculum. Il contient : Ez 9,6 ; Exode 12,13 où la marque effectuée avec le sang de l'agneau indique les maisons des Juifs ; et Apocalypse 7,9 et 14,1 (le sceau sur le front. Tertullien donnait les mêmes références à la même époque, tout en attestant de l'usage de la signation en Afrique du nord vers 200. 

  Dans le raisonnement typologique, cherchant dans les écrits de l'Ancien Testament une préfiguration aux événements de la vie du Christ ou aux fondements de la Foi, le bois de la croix peut être relié à l'histoire d'Adam, au sacrifice d'Abraham ou aux morceaux de bois de la veuve de Sarepta. La forme de la croix est reliée au chiffre quatre, lequel est mis en relation avec le Tétramorphe des Vivants d'Ézéchiel. Mais le fait de tracer sur les fidèles un signe de reconnaissance et d'affiliation trouve sa préfiguration chez Ézéchiel dans le signe en forme de T (en grec, tau) que Dieu, par son ange, conseilla de tracer sur le front des hommes qui lui étaient fidèles en sa ville de Jérusalem afin qu'ils soient épargnés de l'extermination. On peut ajouter que la croix de la Crucifixion n'avait pas la forme carrée d'un signe + et se rapprochait, comme sur les crucifix, de celle d'un T (voir crucifiement Wikipédia)

Le texte est le suivant :

9, 1 :  Puis il cria d'une voix forte à mes oreilles: Approchez, vous qui devez châtier la ville, chacun son instrument de destruction à la main! 2 Et voici, six hommes arrivèrent par le chemin de la porte supérieure du côté du septentrion, chacun son instrument de destruction à la main. Il y avait au milieu d'eux un homme vêtu de lin, et portant une écritoire à la ceinture. Ils vinrent se placer près de l'autel d'airain. 3 La gloire du Dieu d'Israël s'éleva du chérubin sur lequel elle était, et se dirigea vers le seuil de la maison; et il appela l'homme vêtu de lin, et portant une écritoire à la ceinture. 4 L'Éternel lui dit: Passe au milieu de la ville, au milieu de Jérusalem, et fais une marque sur le front des hommes qui soupirent et qui gémissent à cause de toutes les abominations qui s'y commettent. 5 Et, à mes oreilles, il dit aux autres: Passez après lui dans la ville, et frappez; que votre œil soit sans pitié, et n'ayez point de miséricorde! 6 Tuez, détruisez les vieillards, les jeunes hommes, les vierges, les enfants et les femmes; mais n'approchez pas de quiconque aura sur lui la marque. (Trad. Louis Ségond).

  Le nom du signe apparaît dans le texte de la Vulgate : 

Ez 9,4 Et dixit Dominus ad eum transi per mediam civitatem in medio Hierusalem et signa thau super frontes virorum gementium et dolentium super cunctis abominationibus quae fiunt in medio eius.

vision-ezechiel 9538c

 

On peut comparer ce médaillon à une plaque émaillée venant de la Meuse de la même époque (milieu 12e siècle) :

 

Ezekiel's Vision of the Sign

 

http://art.thewalters.org/detail/13797/ezekiels-vision-of-the-sign-tau-ezekiel-ix2-7/


 Cette plaque faisait autrefois partie d'une croix d'autel consacrée aussi à des rapprochements typologiques. On y lit (avec des N rétrogrades) l'inscription  TAU CRVCIS EST SIGNVM SED MAGNO NOMINE DIGNUM NAM PREMIT INTERITVM QUOD CRVCIS EST MERTVM : "T est le symbole de la croix et, à ce titre, digne d'un grand nom / Comme il vainc la mort, une vertu qui appartient à la croix.". A l'intérieur du cadre : VIR VESTITUS LINEIS CVM AT MENTARIO«Un homme vêtu de lin avec l'encrier d'un écrivain."  Enfin plus bas près de personnages frappés par le glaive: Non signati pereu (n) t: «Ceux qui ne portent pas le signe (T) périssent."

 

 Cette plaque ainsi commentée permet de comprendre le dessein de Suger en plaçant ce médaillon dans un vitrail consacré à la Passion : le signe du Christ crucifié est le signe de la victoire sur la mort, le signe de la foi chrétienne en la Résurrection. Comme le signe Tau a protégé les habitants de Jérusalem qui craignaient Dieu, le signe tracé lors du baptême sur le front des chrétiens les protègent de la mort.

Un vitrail de la Rédemption de la cathédrale de Chalons-sur-Marne datant d'avant 1147 représente le signe Tau tracé sur les portes le jour de la Pâque. De même sur un vitrail de la Nouvelle Alliance de l'abbatiale d'Orbais vers 1200

Le Musée du Louvre conserve, sur le même sujet une plaque émaillée venant de la vallée de la Meuse, datée de 1160-1170 et portant l'inscription SIGILIS AARON.

 Le pied de croix aux émaux champlevés de l'ancienne abbaye de Saint-Bertin, Meuse, vers 1175-1180, conservée au Musée de l'hôtel Sandelin de Saint-Omer, était considérée comme une copie de la grande croix émaillée que Suger avait fait réaliser pour Saint-Denis. On y trouve les quatre évangélistes avec leur symbole,  puis quatre allégories, la Terre, la Mer, le Centurion Cornélius qui proclama la divinité du Christ, et enfin l'Abîme, portant un dragon, symbole du Mal. Ces quatre personnages se réfère au caractère universel et divin de la Rédemption. Sur le quatre faces du fût de colonne viennent ensuite des scènes tirés de l'Ancien Testament et constituent des préfigurations de la Crucifixion. Ce sont Moïse dans le désert, frappant le rocher d'où jaillit l'eau (Exode, 17/6), Moïse et le serpent d'airain (Nombres, 21/8), symbole de la Rédemption, Jacob bénissant les fils de Joseph, Ephraïm et Manassé (Genèse, 48/14), le signe du Tau qui sauva les hébreux par le sang de l'agneau (Exode, 12/7), et qui préfigure le sacrifice du Christ. Sur la colonne, sont représentés Kaleb et Josué ramenant la grappe de raisin de la terre de Canaan (Nombres, 13/23), Elie et la veuve de Sarepta (Rois, 17/10), Aaron marquant le signe du Tau sur le front des israëlites (Ezéchiel, 9/4) et Isaac portant le bois du sacrifice (Genèse, 22/6), qui sont autant d'allusions au sang et au corps du Christ, ou au bois de la croix. Source : http://collection.musenor.com/application/moteur_recherche/consultationOeuvre.aspx?idOeuvre=394476&fromAuteur=1

  Par son insistance sur le chiffre quatre et par le caractère complet des préfigurations de la Croix, ce pied de croix de Saint-Bertin est un vrai manifeste typologique qui annonce ce qui sera repris plus tard dans la Biblia pauperum. Elle éclaire la compréhension du médaillon du vitrail de Suger en le plaçant en continuité avec les autres vitraux typologiques de la Vie de Moïse et des Allégories de saint Paul. 

 

 

Philippe Verdier La grande croix de l'abbé Suger à Saint-Denis  Cahiers de civilisation médiévale  1970  Volume   13 pp. 1-31 : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1970_num_13_49_3059  

 

 

 


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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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