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28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 21:07

 

             Le vitrail de l'Arbre de Jessé  de la cathédrale de Chartres (1150).

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Voir dans ce blog lavieb-aile les articles consacrés aux Arbres de Jessé de Bretagne:

Les sculptures :

Et les vitraux (ordre chronologique):

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Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :

— Les cathédrales du XII et XIIIe siècle :

— Les vitraux et sculptures Renaissance du XV et XVIe siècle :

— Les vitraux contemporains :

 .

 

Le vitrail de la cathédrale de Chartres consacré à l'Arbre de Jessé date de 1150, moins de cinq années après celui de Saint-Denis ; réalisé sans-doute par le même artiste, il en est très proche. Comme à Saint-Denis, sa couleur dominante est le bleu. Comme à Saint-Denis, il est accompagné d'une verrière consacrée à l'Enfance (et, ici, la vie publique) du Christ.  Mais à la différence de ce dernier, au lieu d'être placé au point le plus oriental de l'édifice, dans la chapelle de la Vierge qui est l'apex du déambulatoire rayonnant, il se situe sur la façade occidentale sous la rosace, et on le découvre en se retournant après avoir franchi le Portail Royal. Et, enfin, à la différence de son jumeau dyonisien, son intégrité a été préservée et les ambiguïtés sur ce qui est dû aux créations d'un restaurateur et ce qui date du XIIe siècle ne gênent plus l'interprétation.

  Je rappelle que ma démarche s'apparente à un pèlerinage, parti de Brest, et qui, après avoir découvert les dizaines de vitraux consacrés à L'Arbre de Jessé en Bretagne, qui datent en majorité du XVIe siècle, parvient à Saint-Denis et à Chartres pour découvrir les Précurseurs du XIIe siècle et enrichir la compréhension des réalisations tardives. Cette quête iconographique a été explorée par de nombreux spécialistes, mais le thème conserve, de manière irréductible, quelque mystère qui le rend passionnant.

  J'avais achevé ma visite de Saint-Denis  Le vitrail de l'arbre de Jessé de la basilique de Saint-Denis. en formulant clairement enfin une idée qui était en germination depuis le début de mes pérégrinations : l'Arbre de Jessé n'est pas, bien que l'idée en soit répandue, une représentation de la Généalogie de Jésus issue de l'incipit de l'évangile de Matthieu. C'est une illustration de réflexions théologiques et herméneutiques issues de Tertullien au IIIe siècle, puis de saint Jérôme et des Pères de l'Église et qui, à travers le jeu de mots virga/virgo basé sur l'utilisation de citations d'Isaïe, permet d'étayer un culte marial affirmant la conception virginale du Christ par Marie. L'autre thème, aussi ardu sur le plan théologique, et associé au précédent, est celui de l'Incarnation, et de la double nature du Christ.

 La richesse du vitrail de Chartres en figures bibliques est exceptionnelle puisqu'on y trouve, encadrant les rois de Juda et la Vierge, quatorze personnages de l'Ancien Testament qui, chacun, renvoie à une citation biblique qui argumente les thèses des théologiens. En comparaison, l' Arbre de Jessé de Saint-Denis en compte "seulement" dix, et ceux de la Renaissance n'en comptent plus, au plus, que deux (Isaïe et Jérémie).

 C'est donc à Chartres que l'étude des réflexions théologiques qui sous-tendent la figure de l'Arbre de Jessé peut être la mieux construite. Et c'est dans ce sanctuaire, marial s'il en fut, que la conviction que c'est la Vierge qui est au centre des Arbres de Jessé est la plus évidente. Ou, plus précisément, non pas au centre ou au sommet, mais à leur point pivot.

  Ce n'est pas la filiation généalogique, fût-elle royale, qui est ici représentée, mais le passage d'une transmission généalogique à une conception d'origine divine. Le vitrail n'établit pas que le Christ soit "de la race de David" car tout serait alors faux : c'est, selon la généalogie présentée par Matthieu, Joseph qui est le descendant des rois de Juda* ; et Joseph n'est pas le géniteur biologique de Jésus, bien qu'il soit son père selon la loi hébraïque puisqu'il l'a reconnu.

* Marie descend de David, comme l'indique l'évangile de Luc, mais non pas par son fils Salomon, mais par son autre fils Nathan ; sa lignée généalogique ne passe pas par les Rois de Juda.

  En outre, les rois ne sont même pas nommés, alors que les prophètes le sont : autre preuve que ce n'est pas la documentation généalogique qui est présentée, mais l'argumentation théologique.

 Ce passage (ou cette fusion ?) d'une transmission charnelle et génétique, qui est symbolisée par l'image de l'arbre et de sa sève, à une transmission spirituelle et divine symbolisée par la colombe trouve ici une magnifique illustration sous la forme des branches qui montent, telle une échelle de Jacob, sur les cinq étages des rois et l'étage de la Vierge (on a souligné la forme carrée, symbole du monde terrestre). Dans le dernier registre, celui du Christ, les branches épanouies en éventail se transforment ou fusionnent en colombes : l'élément terrestre et l'élément céleste se rejoignent en même temps que se fondent, dans le Christ, les éléments humains, partis du bas, et divins, venant du haut. De Jessé à la Vierge, sept êtres humains. Venant du ciel, sept colombes, sept dons de l'Esprit.

  On a interprété, surtout à Saint-Denis, cet Arbre comme une valorisation de la royauté capétienne, les rois successifs de France trouvant dans cette filiation sacrée un miroir de la dignité de leur présence et de leur autorité. Pourtant, ces rois de Juda ne sont pas, à commencer par David dont le mariage criminel avec Bethsabée avait été condamné par le prophète Nathan, des parangons de vertu : les rois criminels et impies ne manquent pas, amenant Dieu à envoyer ses prophètes pour redresser leur conduite ou les prévenir des châtiments qui les attendent. Aussi, on peut voir les dix prophètes de saint-Denis, les quatorze prophètes de Chartres encadrant les rois de Juda comme illustrant le rôle de l'Église et des grands prélats français, comme conseillers du pouvoir, et incitant à respecter leurs avis. Plutôt qu'une sacralisation des rois de France, j'y vois une mise en garde ou une exhortation au respect des Évêques et aux Abbés, et un rappel des devoirs des rois face à Dieu .

 

 

Le vitrail   de l'Arbre de Jessé.

       Il occupe une baie en forme de lancette ogivale divisée en trois travées verticales de 9, 10 et 9 panneaux, soit 28 panneaux. Au centre, sept personnages se succèdent dans des panneaux carrés, ce sont Jessé, quatre rois de Juda, la Vierge et le Christ entouré des sept colombes de l'Esprit-Saint. Cette travée s'inscrit sur fond bleu, mais Jessé, et le ciel autour de la tête du Christ sont en rouge.  Latéralement, dans des médaillons en forme de demi-cercles, sont représentés sur fond rouge quatorze prophètes. On retrouve la même disposition qu'à Saint-Denis, dont le vitrail ne diffère qu'en ne comprenant que trois rois.

  Les couleurs sont le bleu, le rouge et le jaune d'or, complétées par le blanc, le vert, le vieux rose l'ocre et le marron (absence du violet).

 

N.B Les textes des prophètes sont mentionnés à titre indicatif, car ce sont les plus souvent repris par les théologiens comme prophétisant la venue de la Vierge ou de son Fils, mais ils ne sont pas inscrits sur le vitrail qui ne porte que leurs noms.


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I. Registre inférieur.

 

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1. Jessé endormi.

 

  Jessé est coiffé d'un bonnet indiquant son appartenance hébraïque. Sa barbe et ses traits rappellent que ce père de huit garçons était l'un des plus âgés de son temps. Il porte un manteau (d'autres voient une couverture) rouge à galon d'or, et une robe bleue, rehaussé d'or aux manches et à l'encolure. Il est placé sous un portique appuyé sur deux colonnes, et dont l'arc soutient des édifices qui représentent peut-être sa ville, Bethléem. 

 Il n'est pas complètement allongé, mais seulement à demi-étendu sur de hauts oreillers comme quelqu'un qui ne fait qu'une sieste ; sa main posée sous le menton, dans une posture qu'il est impossible de conserver dans le sommeil, indique qu'il n'est pas endormi, mais qu'il médite.  La lampe allumée en atteste, et symbolise l'inspiration divine.

On considère néanmoins généralement qu'il est endormi, et cet image en appelle d'autres, comme celle d'Adam endormi lorque Dieu créé Éve d'une de ses côtes (c'est une nouvelle Éve qui sort de la racine de Jessé), ou celle de Jacob songeant à l'échelle qui se dresse vers les Cieux (le tronc de Jessé va s'élever vers Dieu), plutôt que celle de Noè.

L'autre symbole est le rideau dévoilant la scène ; des lettres sont inscrites, mais à l'envers : VOS SOL VOS que je n'ai pas réussi à comprendre, mais que l'on retrouve souvent sur des vitraux plus tardifs.

 Le tronc de l'Arbre fameux s'élève parfois du dos, de la tête, de la bouche, du ventre ou de la poitrine de l'heureux père, mais à Chartres, il se dresse sans ambages entre ses cuisses. 

 
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2. Panneau 1a : le prophète Nahoum.

NAVM PROPHETA

Nahum 1,15 ou 2,1 : Oracle sur Ninive : ecce super montes pedes evangelizantis et adnuntiantis pacem celebra Iuda festivitates tuas et redde vota tua quia non adiciet ultra ut pertranseat in te Belial universus interiit :" Voici sur les montagnes Les pieds du messager qui annonce la paix! Célèbre tes fêtes, Juda, accomplis tes voeux! Car le méchant ne passera plus au milieu de toi, Il est entièrement exterminé"

 

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3. Panneau 1c : Le prophète Joël.

IOHEL PROPHETA

Joel 2,28 : et erit post haec effundam spiritum meum super omnem carnem et prophetabunt filii vestri et filiae vestrae senes vestri somnia somniabunt et iuvenes vestri visiones videbunt : "Après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair; Vos fils et vos filles prophétiseront, Vos vieillards auront des songes, Et vos jeunes gens des visions".

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II. Registres intermédiaires inférieurs : deux rois.

 

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1. Panneau 2a : Le prophète Ézéchiel.

Ezechiel 34, 24-26 :  ego autem Dominus ero eis in Deum et servus meus David princeps in medio eorum ego Dominus locutus sum et faciam cum eis pactum pacis et cessare faciam bestias pessimas de terra et qui habitant in deserto securi dormient in saltibus  et ponam eos in circuitu collis mei benedictionem et deducam imbrem in tempore suo pluviae benedictionis erunt : " Moi, l'Éternel, je serai leur Dieu, et mon serviteur David sera prince au milieu d'elles. Moi, l'Éternel, j'ai parlé. Je traiterai avec elles une alliance de paix, et je ferai disparaître du pays les animaux sauvages; elles habiteront en sécurité dans le désert, et dormiront au milieu des forêts. Je ferai d'elles et des environs de ma colline un sujet de bénédiction; j'enverrai la pluie en son temps, et ce sera une pluie de bénédiction."

Ezechiel 44,2 : Et dixit Dominus ad me porta haec clausa erit non aperietur et vir non transiet per eam quoniam Dominus Deus Israhel ingressus est per eam eritque clausa. "Et l'Éternel me dit: Cette porte sera fermée, elle ne s'ouvrira point, et personne n'y passera; car l'Éternel, le Dieu d'Israël est entré par là. Elle restera fermée.".

 

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2. Panneau 2b. Le roi David.

 On le nomme David par présomption, mais son identité n'est pas précisée.

  Le tronc de l'arbre se divise en quatre rinceaux qui bourgeonnent rapidement en huit groupes de feuilles ou fleurs, mais ce qui prolonge l'arbre vers l'étage supérieur, c'est le corps royal, l'axe passant par ses jambes, son ventre, son thorax et sa tête couronnée. C'est l'une des originalités de ce vitrail que d'aligner l'arbre, les corps des rois, de la Vierge et celui du Christ selon un seule linéarité verticale et pleine de sens d'élan spirituel, alors que viendront plus tard des arbres où les rois trouveront place sur des corolles de fleurs dans une disposition en chandelier ou en étalement horizontal. De Jessé jusqu'à la Vierge elle-même, les corps sont des médiateurs. L'arbre ne s'épanouit réellement que dans le Christ.

La présentation frontale hiératique, le regard qui scrute le spectateur, l'absence de ces accessoires qui fleuriront à la Renaisssance (harpe, glaive, armure, sceptre) donne au roi un aspect grave et solennel qui le réduit à sa fonction monarchique.

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3. Panneau 2c. Le prophète Osée.

      On peut lui faire dire : Os 14,6  Israël germinabit sicut lilium et erumpet radix ejus at Libani : "Je serai comme la rosée pour Israël, Il fleurira comme le lis, Et il poussera des racines comme le Liban. Ses rameaux s'étendront; Il aura la magnificence de l'olivier, Et les parfums du Liban. Ils reviendront s'asseoir à son ombre, Ils redonneront la vie au froment, Et ils fleuriront comme la vigne; Ils auront la renommée du vin du Liban "

La citation suivante est fréquemment inscrite sur les phylactères: Os 13,14 : de manu mortis liberabo eos de morte redimam eos ero mors tua o mors ero morsus tuus inferne consolatio abscondita est ab oculis meis. " Je les rachèterai de la puissance du séjour des morts, Je les délivrerai de la mort. O mort, où est ta peste? Séjour des morts, où est ta destruction? Mais le repentir se dérobe à mes regards!" Elle figure dans l'office des morts, et dans une antienne du samedi saint.

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4. Panneau 3a : le prophète Isaïe.

      ISAIA PRO(pheta)

      Isaie 7,14 : propter hoc dabit Dominus ipse vobis signum ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitis nomen eius Emmanuhel . "C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe, Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, Et elle lui donnera le nom d'Emmanuel."

Isaïe 11,1 : et egredietur virga de radice Iesse et flos de radice eius ascendet et requiescet super eum spiritus Domini spiritus . "Puis un rameau sortira du tronc d'Isaï, Et un rejeton naîtra de ses racines. L'Esprit de l'Éternel reposera sur lui"

Isaïe 53,7 : oblatus est quia ipse voluit et non aperuit os suum sicut ovis ad occisionem ducetur et quasi agnus coram tondente obmutescet et non aperiet os suum. "Il a été maltraité et opprimé, Et il n'a point ouvert la bouche, Semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie, A une brebis muette devant ceux qui la tondent; Il n'a point ouvert la bouche." cette citation figure dans l'office du jeudi saint.

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5. Panneau 3b : le  roi Salomon.

 

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6. Panneau 3c : le prophète Michée.

      MICHEAS PROPHETA

 On lit dans le Livre de Michée 5 ,1 : et tu Bethleem Ephrata parvulus es in milibus Iuda ex te mihi egredietur qui sit dominator in Israhel et egressus eius ab initio a diebus aeternitatis «Et toi, Bethléhem Éphrata, Petite entre les milliers de Juda, De toi sortira pour moi Celui qui dominera sur Israël, Et dont l'origine remonte aux temps anciens, Aux jours de l'éternité!" 

 

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III Registre intermédiaire moyen : deux rois.

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7. Panneau 4a : Moïse.

      Moïse, premier prophète du Judaïsme, est  le seul qui, sur le phylactère qu'il tient, montre non seulement son nom, mais une citation. Selon Émile Mâle, il s'agit de Suscita[bit] Deus vobis, les paroles qu'il prononce dans le drame des Prophètes qui se jouait le jour de Noël et où tous les prophètes récitaient le texte par lequel ils avaient annoncé la venue du Christ. C'est un fragment de la citation des : Actes des Apôtres 3, 22 : Moyses quidem dixit : Quoniam prophetam suscitabit vobis Dominus Deus vester de fratribus vestris, tamquam me : ipsum audietis juxta omnia quæcumque locutus fuerit vobis.: "Moïse a dit: Le Seigneur votre Dieu vous suscitera d`entre vos frères un prophète comme moi; vous l`écouterez dans tout ce qu`il vous dira, et quiconque n`écoutera pas ce prophète sera exterminé du milieu du peuple."

 

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8. Panneau 4b : troisième roi.

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9. Panneau 4c : Balaam

 

 Balaam n'est pas un prophète hébreu, mais c'est un moabite, qui aux chapitres 22 à 24 du Livre des Nombres, est sollicité par le roi  Balak, pour maudire les Israélites qui, après avoir traversé le désert, traversaient ses territoires vers le pays de Canaan. En chemin, après que son ânesse ait pris la parole pour lui reprocher ses mauvais traitements, Dieu le convertit à la cause des israélites, qu'il bénit au lieu de maudire.

  S'il figure sur ce vitrail, ce n'est pas en raison de cette histoire, mais à cause de la citation qu'on en extrait et où les Pères de l'Église ont vu une annonce du Christ: Dixit auditor sermonum dei, qui novit doctrinam Altissimi,et visiones Omnipotentis videt, qui cadens apertos habet oculosVideo eum, sed non modo : intuebor illum, sed non prope. Orietur stella ex Jacob, et consurget virga de Israël. "Je le verrai ce Sauveur, mais non mainteant ; je le considérerai, mais non de près. De Jacob monte une étoile, d'Israël surgit un sceptre" (Nb 24, 17).

 

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4. panneau 5a : Samuel.

      SAMVEL PROPHETA.

 

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 5. Panneau 5b : quatrième roi.

 

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 6. panneau 5c : prophète Amos.

AMOONN PROPHETA

Amos 9,11 :in die illo suscitabo tabernaculum David quod cecidit et reaedificabo aperturas murorum eius et ea quae corruerant instaurabo et reaedificabo eum sicut diebus antiquis. " En ce temps-là, je relèverai de sa chute la maison de David, J'en réparerai les brèches, j'en redresserai les ruines, Et je la rebâtirai comme elle était autrefois".

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IV. Registre intermédiaire supérieur.

 

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1. Panneau 6a : le prophète Zacharie.

Zacharie 9,6 : Exulta satis filia Sion iubila filia Hierusalem ecce rex tuus veniet tibi iustus et salvator ipse pauper et ascendens super asinum et super pullum filium asinae. "Sois transportée d'allégresse, fille de Sion! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici, ton roi vient à toi; Il est juste et victorieux, Il est humble et monté sur un âne, Sur un âne, le petit d'une ânesse".

 

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2. Panneau 6b : la Vierge Marie.

 La Vierge est représentée comme un médiateur préalable au Christ en position inférieure à celui-ci dans la chaîne de transmission qui monte depuis Jessé, alors qu'à partir du XVe siècle, elle sera présentée au sommet de l'Arbre, en tant que Mère portant Jésus Enfant, au même niveau spatial et hiérarchique que son Fils et le dépassant par sa taille. Faut-il en déduire que le thème de l'Incarnation l'emporte encore, au XIIe siècle, sur celui de la Virginité/Maternité et, bientôt, de l'Immaculée Conception? 

  Si son visage et sa chevelure ne permettait pas une identification, on la confondrait avec l'un des rois qui la précède, et dont elle reprend la posture, la couronne et les vêtements. Elle ne se distingue pas, comme cela sera le cas plus tard, par la couleur bleu de sa robe ou la couleur rouge de son manteau. Elle ne porte pas d'auréole.

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3. Panneau 6c : le prophète Daniel.

   Le sermon du pseudo-Augustin lui fait dire : Cum venerit sanctus sanctorum, cessabit unctio : "lorsque viendra le saint des saints, l'onction cessera", autrement dit, lorsque le Messie viendra, plus aucun roi de Juda ne sera oint, et, dès lors,  la loi hébraïque prendra fin lorsque cesse l'onction royale.   Par ailleurs, au chapitre IX verset 26 de Daniel, l'Ange Gabriel enseigne au prophète qu'il "a été fixé soixante-dix semaines sur son peuple et sur sa ville, pour mettre un terme au péché, et oindre un saint des saints" : Interprétation messianique par Tertullien, Isidore de Séville, Évagre, Fulbert de Chartres, Pierre Damien, Pierre le Vénérable, Alain de Lille comme annonçant le Christ, le messie ce qui signifie l'oint, en calculant en "semaines de sept années" soit 7x70 = 490 années, temps écoulé entre le décret d'Artaxerxes 1er permettant en 458 la reconstruction des murs de Jérusalem, et la mort du Christ en 32.

 On cite aussi Daniel Dn 7:14 : "Voici qu'avec les nuées du ciel venait comme un Fils d'Homme..et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté..sa souveraineté est eternelle et sa royauté est une royauté qui ne sera jamais détruite ».

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V. Registre  supérieur.

 

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1. Panneau 7a : le prophète Habaquq.

Domine, audivi auditum tuum et timui ; consideravi opera tua et expaviIn medio duorum animalium cognoscreis Ha 3,2 (Drame des Prophètes) (chant grégorien)

Ou  Ha 3:18 : "Je serai dans l'allégresse à cause du Seigneur, j'exulterai à cause du Dieu mon sauveur" (repris par Luc 1 : 47 dans le Magnificat ou cantique de la Vierge Marie).

 

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2. Panneau 7b : le Christ et les sept colombes du Saint-Esprit.

Les lettres N T I A S A P . s'inscrivent dans la bordure dorée. Le sens demeure mystérieux. Dans chacune des auréoles des colombes, des lettres se lisent, mais aucun mot n'est identifiable.

 

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3. Panneau 7c : le prophète Sophonie.

So 3, 14-17 Abstulit Dominus iudicium tuum avertit inimicos tuos rex Israhel Dominus in medio tui non timebis malum ultra. in die illa dicetur Hierusalem noli timere Sion non dissolvantur manus tuae Dominus Deus tuus in medio tui Fortis ipse salvabit gaudebit super te in laetitia silebit in dilectione tua exultabit super te in laude  : "Crie de joie, fille de Sion, pousse des exclamations, Israël, réjouis-toi, fille de Jérusalem..., le Seigneur lui-même est au milieu de toi... ".

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 ETUDE CRITIQUE.

      La question que me pose les Arbres de Jessé de Saint-Denis, et surtout de Chartres, c'est de comprendre la signification et le rôle des prophètes, puisque l'explication la plus fréquente de ces Arbres comme généalogie de la Vierge ou du Christ explique la présence d'Isaïe pour sa prophétie Egredietur virga..., mais pas celle des treize autres prophètes.

     1. Une tradition théologique ancienne.

Aucune représentation d'Arbre de Jessé ne nous est parvenue qui soit antérieure à l'an 1000.

Le fondement scripturaire du thème iconographique est une prophétie d'Isaïe 11 :1-3 : Egredietur virga de radice Jesse, et flos de radice eius ascendet. Et requiescet super eum Spiritus Domini. "Une tige sortira de la racine de Jessé, une fleur s’élèvera de ses racines. Et sur elle reposera l’Esprit du Seigneur". 

   L'association virga/virgo rameau/vierge remonte  au IIIe siècle sous la plume de Tertullien :De Carne Christi.21 :5 :  An, quia ipse est "flos de virga" prophetae "ex radice Iesse", —radix autem Iesse genus David, virga ex radice Maria ex David, flos ex virga filius Mariae qui discitur Iehus Christus, ipse erit et fructus ? (voir Studia patristica: Critica et philologica, publié par Maurice Frank Wiles, Edward John Yarnold, Paul M. Parvi p. 352) . "La branche qui sort de la racine, c'est Marie qui descend de David. La fleur qui naît de la branche, c'est le fils de Marie, Jésus-Christ qui sera à la fois la fleur et le fruit". Marie est la virga, et la flos, le fleuron est le Christ. Une allusion sous-jacente renvoie à la virgae, la verge d'Aaron et à celle de Moïse.

  Saint Jérome(347-420) dans ses Commentaires sur Isaïe écrit à son tour :Nos autem virgam de radice Jesse sanctam mariam Virginem intelligamus...et florem Dominum salvatorem qui dicit in Cantico canticorum : Ego flos campi et lilium convallium.  "Par la branche qui sort de la racine de Jessé, il faut entendre la sainte Vierge Marie ; et par la fleur, Notre-Seigneur le Sauveur, qui a dit dans le Cantique des cantiques "Je suis la fleur des champs et le lys des vallées" ".

Saint Bernard (1090-1153) insiste sur la conception virginale de Marie/virgo : In hoc Isaiae testimonio, florem Filium, virgam-intellige Matrem : quoniam et virga floruit absque germine, et Virgo concepit non ex homine. nec virgae virorem floris laesit emissio, nec Virginis pudorem sacri partus editiio. De laudibus virginis matris, Homélie II In Luc 26-27, §6    "La fleur signifie le Fils, la branche indique sa Mère, car de même que la tige a conçu sans germe, ainsi la Vierge a conçu miraculeusement. La floraison n'a pas nui à la sève de la branche ; l'enfantement miraculeux de Marie n'a pas nui à sa virginité". 

 

   2. L'hypothèse de Jules Corblet et d'Émile Mâle 

 

 En 1860, l'abbé Jules Corblet (1819-1886, archéologue fondateur de la Revue de l'art chrétien) avait suspecté pour l'image de l'Arbre de Jessé une origine liturgique qu'il trouvait dans un manuscrit du XIe siècle provenant de Saint-Martial de Limoges (BNF latin 1139) : un Mystère de la Nativité, joué le jour de Noël, faisait défiler des prophètes et personnages qui récitait chacun une phrase par laquelle ils annonçaient la venue du Christ : c'était Jessé, Moïse, Isaïe, Jérémie, Daniel,  Abacuc, David, Saint-Jean-Baptiste, Siméon, Nabuchodonosor, Virgile et la Sibyle. Un Préchantre les interrogeait sur ce qu'ils savaient sur le Roi Céleste et chacun répondait.

  En 1876, Marius Sepet (Les Prophètes du Christ) donne le texte du sermon du Pseudo-Augustin rédigé avant 600 (Sermo beati Augustini episcopi de natale Domini, lectio sexta, Patr. Migne XLII p. 1124) et dans lequel ce Mystère trouve sa source. Ce sermon est aujourd'hui attribué à l'évêque de Carthage Quodvultdeus, contemporain d'Augustin et intitulé Sermo contra Judaeos, Paganos et Arianos, Sermon contre les Juifs. Il était lu comme sixième leçon de l'office de Matines de la Nativité.

  En 1893, A Gasté publie le Drame des Prophètes donné à Rouen (Les Drames liturgiques de la cathédrale de Rouen, Evreux 1893)

 Prolongeant ces remarques, Émile Mâle développait en 1922 dans son Art religieux du XIIe siècle cette piste , et il précisait que le texte du sermon était lu dans les églises le jour de Noël, puis qu'il a été joué et mis en scène sous forme de Drames à Limoges (seconde moitié du XIe siècle), et plus tard à Laon, à Rouen, et qu'il le retrouvait enchassé dans le premier Mystère français, le Drame d'Adam, au XIIe siècle.  Il retrouvait les phrases prononcées par les personnages dans les phylactères de leurs statues. 

  Sur la façade de Notre-Dame la Grande à Poitiers, la "frise de l'Incarnation" du portail occidental date du deuxième quart du XIIe siècle et comporte des haut-reliefs illustrant des passages de la Bible. Les scènes choisies, prises dans l'Ancien et le Nouveau Testament, racontent l'annonce et la venue de Dieu sur terre en la personne de Jésus-Christ pour sauver l'humanité du péché originel. De gauche à droite on y voit le péché originel, Nabuchodonosor roi de Babylone, les prophètes Daniel, Moïse, Isaïe et Jérémie. Ils sont suivis par l'Annonciation, l'Arbre de Jessé et le roi David.  Or, les statues de Moïse, Jérémie, Daniel et Jessé (Israël) portent les citations du sermon du Pseudo-Augustin.

 Il retrouvait aussi certaines de ces citations en Italie sur les sculptures à Cémone, à Ferrare et à Vérone, mais aussi en enluminure d'un psautier anglais de 1161-1173 représentant un arbre de Jessé.

 

3. La critique d'Arthur Watson

 Cet auteur fait remarquer qu'aucune sculpture et aucun vitrail ne reprend exactement et complétement la liste des personnages du Drame des prophètes. Et que d'autre part le groupe des prophètes apparaît tardivement et n'a pas pu influencer l'iconographie.

  Si on doit rechercher un modèle antérieur, on ne peut le trouver dans les arbres généalogiques arabes ou occidentaux, ou encore orientaux.

4. Influence des cantiques.

a) le cantique de Fulbert. : cf Arbre de Jessé de Saint-Denis.

b) autres œuvres en grégorien.

 5. Etude des prophètes du vitrail

   Dans l'étude des prophètes de cet Arbre de Jessé, il faut rappeler que le programme iconographique de la cathédrale de Chartres les a déjà représenté, dans leur rôle d'annonciateurs du Christ. Ainsi on trouve sur le Portail Nord sur le porche central de Chartres  dans les ébrasements dix personnages bibliques: Melchisédech, Abraham, Moïse, Aaron, David, Jessé, Jérémie, Siméon, et Jean Baptiste.

   À la porte de droite du même portail nord, on trouve, en éloge de la sagesse les statues de Job et Salomon (Tympan), Gédéon, Judith, Esther, Tobie, Samson (Voussures). Au Portail royal, ce sont les statues colonnes de David, de Salomon et de la reine de Saba, mais aussi peut-être d'Isaïe ou de Jérémie.

   La présence des prophètes et des apôtres, est fréquente aux ébrasements des portails et aux voussoirs des églises. On verra les piédroits de la cathédrale de Saint-Jacques de Compostelle (prophètes à gauche, apôtres à droite), les sculptures côte à côte dans les fenêtres hautes de la basilique Saint-Remi, à Reims ; cathédrale des trois apôtres à Saint-Claude (stalles) ; trumeau de Chartes (apôtres) et portail nord (prophètes) ; porche de la cathédrale de Tarragone ; déambulatoire de la cathédrale d'Albi ; portail du Beau Dieu à la cathédrale d'Amiens ; portail sud de la cathédrale de Bourges, etc. 

  Sur le vitrail de l'Arbre de Jessé de Chartres, on trouve : 

 — à gauche, de bas en haut,  Nahum, Samuel, Ezéchiel, Zacharie, Moïse, Isaïe, Habacuc,

— et à droite, de bas en haut, Osée, Amos, Michée, Joël, Balaam, Daniel, Sophonie.

Quelle est la clef qui permet de comprendre la présence de tel personnage plutôt que tel autre ? 

     Leur ordre ne respecte pas une progression chronologique comme on le constate avec quelques dates : prophètes Nahoum (601) Joël (400) Ezechiel (595-570) Osée (760-720) Isaïe (740-700)Michée (740-700) Balaam (?) Samuel (sous Saul) Amos (780-745) Zacharie (520-515) DanielHababuq (605-595) Sophonie (640-610).

    On compte huit des douze petits prophètes*, trois des (4) grands prophètes (Isaie, Ezechiel et Daniel), Moïse que l'on peut considérer comme le premier prophète, un Juge, Samuel, et puis Balaam (prophète des moabites) . On note l'absence de Jérémie, l'un des grands prophètes.

 *On appelle petits prophètes douze prophètes auxquels sont attribués des livres de la Bible :Osée ; Joël ; Amos ; Abdias ; Jonas ; Michée ; Nahum ; Habacuc ; Sophonie ; Aggée ; Zacharie ; Malachie. Ils sont appelés ainsi, non parce qu'ils ont moins d'autorité que les grands prophètes, mais parce que leurs livres sont plus petits que ceux des grands prophètes.

     Les prophètes n'encadrent pas les rois dont ils ont été contemporains, et beaucoup ont vécu après la chute du Royaume de Juda (-931 à -587).

     Si la logique de leur présence sur ce vitrail n'est pas chronologique, si elle n'est pas historique, c'est qu'elle est théologique : les prophètes disparaissent derrière leur citation, qui est considérée comme une parole de Dieu. Elle peut être ainsi sortie de son contexte et présentée comme annonçant la naissance et la vie du Christ. Interprètes de Dieu et élus par lui, ils annoncent le Nouevau Testament.

 

 

 

Sources et liens.

 

  • Abbé Poquet, Iconographie de l’Arbre de Jessé, Paris, 1857, 13 p.
  • Abbé Jules Corblet, Étude iconographique de l’Arbre de Jessé, Paris,  Revue de l'art chrétien, 4 1860, 40 p.et 5 ill.p. 49-61, 113-125 et 168-181.  
  •  Émile Mâle : L’art religieux du XIIe siècle en France, étude sur les origines de l’iconographie du Moyen Âge, Paris, 1922 [1998, 8e éd.], p.139-147, p.168-176. http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Iconographie/Emile_Male/12eme.pdf 
  • Arthur Watson remit par la suite en cause plusieurs conclusions de Mâle, The Early Iconography of the Tree of Jesse, Londres, 1934, 197 p. et 41 pl.
  •  R.Lichtenberg, «De Genealogie van Christus in de beeldende Kunst der Middeleeuwen, voornamzlijk van het Westen», dans Ouheidkundig Jaarboek, 1929, p.2-54, retrace le développement figuratif des généalogies du Christ au Moyen Âge et s’intéresse par là à l’Arbre de Jessé. 
  •  Françoise Gay  Les prophètes du XIe au XIIIe s. (Épigraphie)  Cahiers de civilisation médiévale Vol. 30, 1987 pp. 357-367

Citations bibliques : site  http://www.biblegateway.com/

 

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Published by jean-yves cordier
28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 21:06

 

         Le vitrail de l'arbre de Jessé

        de la basilique de Saint-Denis.

 

 

       Après avoir visité de nombreux vitraux bretons ou normands consacrés à l'arbre de Jessé  Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56)., je me rends, comme en plerinage, à la basilique de Saint-Denis pour découvrir LE premier vitrail (datant de 1144) qui, comme Jessé lui-même pour les rois de Juda, a été l'ancêtre fondateur de ce thème typologique en matière de verrières.

Image wikipédia http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Basilique_Saint-Denis_chapelle_de_la_Vierge.jpg

  Mais, une fois sur place, je découvre que les vitraux conçus au XIIe siècle ont disparu : des 21 panneaux de cette verrière, certains ont été détruits ou vendus et remplacés au XIXe siècle, et les cinq panneaux d'origine ont été démontés et confiés à un restaurateur en 1997 et remplacés par des films photographiques. Je dois pourtant constater que ces photographies sont bien conçues, fidèles, quoique voilées par un glacis translucide et qu'elles évitent la frustration de trouver un verre blanc ou un contreplaqué de remplacement.

  L'histoire de ce vitrail.

   J'apprends ainsi (cf sources et liens) qu' il ne subsiste à Saint-Denis, des vitraux du XIIe siècle, que cinq  ou neuf verrières ("On possède actuellement à Saint-Denis en éléments certains des six verrières historiées du XIe siècle : Moïse, le vitrail « anagogique » ; l'Arbre de Jessé, l'Enfance, la Passion et la Vie de saint Vincent. En y ajoutant la Vie de saint Benoît dont les fragments sont conservés au Musée de Cluny et à Twycross, et les verrières de la Croisade et de Charlemagne on arrive au nombre de neuf." Grodecki et Bouchon 1995).

 Pourtant dès le XIIe siècle, et de manière exceptionnelle, un maître verrier s'était vu confier l'entretien des précieux vitraux qui avaient coûté plus cher que la construction, en pierre, de l'édifice, tant son concepteur l'abbé Suger (1122-1151) attribuait de l'importance à la lumière, métaphore de la Divinité.  Dans son Liber de rebus in administratione sua gestis, Suger décrit ceci :

  "Nous avons aussi fait peindre, par les mains très expertes de nombreux maîtres de diverses nations, une très belle variété de nouvelles verrières, depuis celle qui commence [la série] ,'l'Arbre de Jessé dans le chevet de l'église jusqu'à celle qui surmonte la principale porte à l'entrée de l'église".

  Tout autour du déambulatoire, sept chapelles rayonnantes recevaient la lumière par deux baies chacune, et la chapelle centrale, ou Chapelle de la Vierge, recevait ainsi deux verrières, consacrées au thème de l'Incarnation : la prophétisation de l'Incarnation virginale dans le vitrail de l'Arbre de Jessé, et, en face, la réalisation de cette Incarnation dans le vitrail de l'Enfance du Christ. On a souligné combien Suger avait veillé à ce que les deux vitraux de chaque chapelle se répondent mutuellement par leur thème et par leur forme, et, pour la Chapelle de la Vierge, comment la tache rouge de la fuite en Égypte répondait, par exemple, au rouge du ciel derrière le Christ du sommet de l'Arbre de Jessé.

 

Mais à la Révolution, en 1793 la basilique de Saint-Denis est dévastée, ses tombeaux détruits ou mutilés, les corps profanés, les autels mis à bas, le trésor emporté dans les creusets. La Convention ordonne de récupérer le plomb des toitures et des vitraux de toutes les églises afin de fournir le métal nécessaire à la fabrication des balles, et la toiture de Saint-Denis est ainsi enlevée en automne 1793, ouvrant l'édifice aux intempéries. Une Commission temporaire des Arts se préoccupe pourtant de protéger les précieux vitraux, et, dans des courriers du 26 septembre et du 1er octobre 1794, signale combien ceux-ci sont intéressants "pour l'art, pour les costumes et pour la chronologie", et combien il est urgent d'en interrompre la destruction. La Commission des Poudres et des Armes répond quelques jours plus tard que les travaux de prélèvement des plombs est désormais stoppée en la basilique, et que les verrières n'avaient subi aucun dommage, ce qui est douteux.

  Quelques semaines plus tard, l'architecte Charles Percier prend des croquis des verrières : sur l'un d'eux figure, avec six autres vitraux, la partie inférieure du vitrail de l'Arbre de Jessé (Jessé endormi) dans son état d'origine :dessin de l'Enfance du Christ et de l'Arbre de Jessé. En 1799 Alexandre Lenoir demande à récupérer les vitraux du déambulatoire pour orner sa salle XIVéme siècle du musée des Monuments français, et démonte et enlève l'Arbre de Jessé. Mais une partie des vitraux sera brisée et une autre vendue. En 1816, les vitraux rescapés reviennent  à Saint-Denis, Debret les fait compléter et restaurer en 1846, puis Viollet-le-Duc, chargé des travaux de restauration de l'abbatiale en 1847 confie à Henri Gérente la réfection des verrières. Celui-ci réalise l'Arbre de Jessé en 1847-1848 mais, après son décès en 1849, c'est son frère Alfred, sculpteur de formation, qui lui succède pour la réfection de l'Enfance du Christ puis des autres vitraux, avant d'être rejoint par Eugène Oudinot.

  Henri François-Thomas Gérente (1814-1849) est donc le maître-verrier auteur de la partie moderne et restaurée de l'Arbre de Jessé. Cet artiste d'origine anglaise et qui avait travaillé en Angleterre aux cathédrale de Canterbury et d'Ely venait d'ouvrir un atelier en France, atelier spécialisé dans les cartons de décorations destinés, notamment, aux verrières. Archéologue et iconographe érudit, il venait de réaliser le carton de la Vie de la Vierge destiné à Notre-Dame-de-la-Couture au Mans, avait travaillé aux verrières du haut-chœur de Saint-Germain-des-Prés, aux verrières d'une chapelle du chœur de la cathédrale Saint-Jean à Lyon, et, son savoir-faire étant partout reconnu, avait été choisi à l'unanimité d'un jury composé de Violet-le-Duc, Lassus et Lusson  en 1847 pour la restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle.

 Du vitrail de Suger, Henri Gérente ne récupère que cinq panneaux :un prophète, les deuxièmes et troisième rois, la vierge et le Christ. Les autres ont été détruit ou bien vendu et deux d'entre eux se trouve aujourd'hui l'un, représentant un roi, au musée des beaux art de Lyon  tandis que le second représentant un prophète se trouve en Angleterre remonté sur une verrière de l'église de Wilton.

  D'après Grodecki 1976, "Viollet-le-Duc et Gérente s'éloignèrent délibérement du document qu'ils avaient à leur disposition (le dessin de Precier) et ont inventé pour le registre inférieur des compléments fantaisistes qui ont fait commettre depuis bien des erreurs aux historiens de Saint-Denis. Citons aussi Grodecki et Bouchon 1995 page 24, "La représentation que l'on voit aujourd'hui en bas de la verrière est entièrement moderne, fort différente de celle qui se trouvait à cet emplacement avant 1799 et que nous fait connaître le dessin de Percier. Le père de David était étendu, s'appuyant sur son avant-bras droit, la tête tournée à gauche, les pieds vers la droite. Il semblerait que le dessin représente un personnage entièrement nu, mais cela doit être une interprétation abusive du croquis. De la figure couchée jaillit le tronc de l' arbre. Un dais architectural fort riche est figuré au dessus de Jessé. : sur un soubassement, deux colonnettes à chapiteaux à feuillage et à fûts torsadés supportent un entablement qui s'incurve derrière le tronc de l' arbre, telle une niche ; à cet entablement est fixée une draperie, dont la partie droite retombe verticalement, et, près du tronc de l'arbre, une lampe est suspendue. La composition actuelle, imitée de celle de Chartres, ne reproduit rien de tout cela."

 

Le vitrail de l'Arbre de Jessé, description.


Ces restaurations ne permettent pas de partir d'un terrain très solide pour tenter de comprendre ce que Suger a voulu exprimer en plaçant ce vitrail en place d'honneur. Commençons néanmoins par le décrire dans son état actuel. Il s'agit d'une baie en forme de lancette ogivale de 5,10 m de haut divisée par les barlotières en 21 panneaux, ceux-ci s'organisant en trois ensembles verticaux. Les couleurs, pour autant qu'on puisse en juger, sont le bleu, qui domine ; le rouge, placé aux deux extrémités, dans les médaillons et pour des détails comme le cœur des fleurs ; le vieux rose des visages et des chairs, des rinceaux ou d'étoffes ; le vert réservé aux prophètes ou aux détails ; le violet ; le jaune ; et le blanc. La grisaille est surtout utilisé pour les traits des visages, les plis des vêtement, et les lignes de la végétation.

 

— Registre inférieur.

Jessé est couché au centre. Deux prophètes devaient l'encadrer. Nous voyons aujourd'hui à gauche un personnage assis à son pupitre, en train d'écrire (les lettres GEN, comme Genèse peut-être, sont lisibles) alors qu'un ange lui dicte son inspiration. Faute d'inscription, cela peut être un évangéliste (saint Matthieu auteur de l'une des deux généalogies du Christ avec celle de Luc), ou saint Jérôme traduisant la Bible, ou un prophète.


 A la base de ce panneau 1a se déchiffre le texte suivant : Inscription Hanc fenestram ab antiquis fenestris instauravit A. Gerente ann.1848,  cette baie a été érigée par A. Gérente durant l'année 1848. C'est donc Alfred Gérente qui apposa sa signature et non son frère Henri, sans que je ne connaisse la raison de ce fait.

   De l'autre coté (panneau 1c), un autre personnage en robe verte présente une colonne sculptée de trois rois échelonnés dans des rinceaux entrelacés. Il est surmonté par une inscription le désignant comme SUGERIVSABAS, l'abbé Suger.

  (Cette inscription est décrite au XVIIIe siècle sous la forme Suger Abbas (en 1706 par Michel Félibien ou en 1713), mais  c'est dans le trésor de Saint-Denis qu'on la trouvait, sur le calice de l'Abbé Suger :"la coupe du Calice est d'une agathe orientale ; la garniture sur laquelle est écrit  Suger Abbas  est de vermeil enrichie  de pierreries"  Antoine-Martial Le Fèvre, Description des curiosités des églises de Paris et des environs.1759 page 113.)

  Le motif des rois au sein d'un réseau rappelle celui dont Percier et Lenoir ont donné une illustration à la page 63 de leur Monuments français sous le titre Peinture sur verre du XIIIe siècle, Arabesque de l'abbaye de Saint-Denis. et décrit comme le Père Éternel assis sur l'arbre de vie.

 Ce panneau avec cette inscription est donc une initiative de Viollet-le-Duc, qui rendit ainsi hommage à l'abbé Suger en le représentant, comme un donateur, tenant son vitrail de Jessé entre les mains. Plus précisément, l'inscription SVGERIVS ABAS se trouvait auparavant placé (décrit en 1781 par J. E. Bertrand Descriptions des arts et métiers, Volume 13 et en 1844 (Revue archéologique vol.1 p. 607) sur le panneau de l'Annonciation du vitrail de l'Enfance, au dessus de la tête de Suger, entre la Vierge et l'Ange, et l'abbé avec sa crosse semblait alors "lui rendre grâce pour la protection qu'ellle a accordé à l'édification de la basilique".

 

  La figure de Jessé est, je l'ai dit, une création de Viollet-le-Duc et de Gérente copiant le vitrail de la cathédrale de Chartres. Sous un arc à double arcade centré par une colonne qui s'avérera être le tronc de l'arbre jesséen. Jessé, coiffé d'un bonnet, est, non pas allongé, mais à demi étendu sur le coté, le tronc redressé à 45°. Sa tête est appuyée sur la main pour faire comprendre qu'il rêve, et de même, une lampe indique qu'il n'est pas endormi. Cette lampe, selon l'équation Lumière = Divin, montre aussi qu'il est pénétré par l'esprit de Dieu, et que son songe est prophétique et annonce le Christ.

   — registres intermédiaires.

Au dessus de ce premier registre, trois autres vont se succéder, construits de la même manière avec une triple division en largeur qui répond à celle du vitrail de l' Enfance du Christ, avec une rangée centrale plus large : un panneau rectangulaire est occupé par un roi dont les pieds et les mains se soutiennent aux branches déployées deux par deux à partir du tronc central, branches qui se terminent en éventail de feuilles ou de fleurs. Ce roi est vêtu d'une robe, d'un manteau, les épaules recouvertes d'un camail, sa tête est coiffé d'une couronne. Il n'est pas nommé et ne porte pas d'attribut d'identification. Son tronc et sa tête s'alignent avec le tronc de l'arbre. Les deux panneaux latéraux comportent un demi-médaillon qui reçoit un prophète, dont le phylactère permettrait peut-être l'identification si je pouvais les déchiffrer (veniat de deratuscunotissancti??, etc...). Nous avons donc un arbre de Jessé à trois rois de Juda, sans pouvoir préciser qui est David.

Dans les demi-médaillons, Grodecki signale que "dans les vêtements du prophète, quelques parties du manteau vert et de la tunique bleue sont authentiques".

— Le cinquième registre est construit de manière identique, mais son panneau central est consacré à la Vierge. Comme les rois, elle est représentée dans une stricte frontalité, le corps aligné avec le tronc de l'arbre, les pieds et les mains posées sur des branches.

— sixième registre.

 Le dernier registre culmine avec le Christ : avec lui, l'arbre s'épanouit en un éventail de neuf branches, dont les deux plus basses s'enroulent sur elles-mêmes en feuilles-fleurs, alors que les sept autres rayonnent vers sept colombes, les sept dons du Saint-Esprit : la Sagesse (au dessus de la tête), Intelligence, Conseil, Force, Science, Piété, Crainte de Dieu.  Six sont mentionnées par Isaïe 11,2. De chaque coté, deux jeunes orants ont pris la place des prophètes du dessous.

 

  L'Arbre de Jessé, compréhension du thème.


  Si Suger n'est pas l'auteur du thème, c'est lui qui l'a illustré dans sa forme complète et quasi définitive, et qui en a donné la première représentation en vitrail. Le thème de l'Arbre de Jessé et l'histoire des éléments précurseurs qui l'ont précédés sont des sujets qui ont été très largement débattus. Je me contente d'en rappeler l'essentiel.

 

 1. La généalogie du Christ.

 Basé sur le texte de l'évangile selon Matthieu Mt1,1-16, il l'illustre en montrant Jessé endormi rêvant de façon prophétique aux générations qu'il va engendrer et qui, selon la prophétie d'Isaïe, va culminer en une Vierge qui enfantera d'un Fils selon l'idée d'un arbre issu de Jessé, portant le rameau (virga) qui est la Vierge et le fleuron (flos) qui est le Christ.

2. Le thème politique : sacralité de la monarchie capétienne.

  Parmi les 32 générations citées par Matthieu d'Abraham à Jésus, le thème n'en retient que douze ou quatorze, les Rois de Juda depuis David fils de Jessé jusqu'à Jéconias, s'interrompant avec la déportation à Babylone et plaçant en exergue l'exercice du pouvoir royal ; à Saint-Denis, trois rois suffisent pour représenter cette filiation royale conduisant vers la divinité. Il est donc tentant de penser que Suger, ministre de Louis VI, a voulu enraciner l'idée que le roi capétien, nouvelle image du Christ sur terre, ne peut être le vassal de personne, sinon du bienheureux Denis. Pour Suger, l'arbre de Jessé est aussi une image idéale de la royauté et une allégorie pour l'arbre généalogique des rois de France symbolisant la charge héréditaire de la couronne.

   Le thème politique a été encore souligné par l'identification par L.Grodecki des figures des prophètes (du moins celles qui sont authentiques) et par la restitution des inscriptions portées sur leurs phylactères, « formule iconographique différente de celle de Chartres, où les prophètes sont nommés et non désignés par leurs prophéties ». L' une d'elles fait allusion à l'onction royale (Samuel) ; l'autre (Nathan) à l'idée royale de continuité (entre la royauté juive et la royauté française?) . 

  On a pu souligner aussi que l'épanouissement de l'arbre reprend dans sa forme celle de la fleur de lys, emblème de la royauté, et que la couleur dominante bleue est aussi la couleur royale des capétiens.

  Enfin Suger voyait la basilique de Saint-Denis comme une réalisation par la royauté de France de ce Temple que les rois de Juda avaient bâti mais qui avait été détruit.

3. Le thème de l'Ancienne et de la Nouvelle Alliance.

Par ce vitrail, Suger, qui entretenait, peut-être dit-on pour bénéficier de leurs contributions financières, d'excellentes relations avec la communauté juive de Saint-Denis, donne à voir ici la continuité entre l'Ancien Testament et le Nouveau, et reprend pour les illustrer tous les travaux des Pères de l'Église qui ont lu les versets de la Bible comme les annonces prophétiques de l'Incarnation.

4. L'Influence de Fulbert de Chartres.

 

Grodecki souligne que Suger emploie pour désigner le vitrail le terme de Stirps Jessé au lieu de virga ou de radix, à l'imitation d'un répons liturgique* dont Fulbert de Chartres était l'auteur et qui était chanté aux fêtes solennelles devant la chapelle de la Vierge lors de la procession qui précédait la grand-messe, répons qui reprenait l'identification de virga et de flos avec la Mère de Dieu et son Fils : il est possible qu'un lien existe entre l'hymne de Fulbert et le vitrail de Suger .

*(Répons) Stirps Jesse Virgam produxit virgaque florem/et super hunc florem requiescit Spiritus almus / (Verset) Virga, Dei Genitrix virgo est ; flos, Filius eius.

 

 5.La technique, et les "saphirs de Suger. 

Les vitraux de saint Denis sont composé de pièce de verres soufflé teinté dans la masse et peints à la grisaille. Les couleurs ne sont pas dues à des pigments peints sur du verre blanc. Les verres bleus teintés dans la masse étaient nommés saphirs par Suger, et celui-ci a écrit qu'il "avait recherché avec soin des faiseurs de vitres et des compositeurs de verres de matières très exquises, à savoir, de saphirs en très grande abondance, qu'ils ont pulvérisés et fondus parmi le verre pour lui donner la couleur d'azur ce qui le ravissait véritablement en admiration ; qu'il avait fait venir à cet effet des nations étrangères les plus subtils et les plus exquis maîtres pour en faire les vitres peintes depuis la chapelle de la sainte-Vierge dans le chevet, jusqu'à celles qui sont au-dessus de la principale porte d'entrée de l'église. Que la dévotion lorsqu'il faisait faire ces vitres étaient si grandes, tant des grands que des petits, qu'il trouvait l'argent en telle abondance dans les troncs, qu'il y en avait quasi assez pour payer les ouvriers au bout de chaque semaine. Il ajoute qu'il avait établi à la tête de cet ouvrage un maître de l'art et des religieux pour surveiller les ouvriers et leur fournir en temps et saison tout ce qui est nécessaire ; lesquelles vitres lui ont coûté, pour l'excellence et rareté des matières dont elles sont composées". Le texte se termine par un beau passage où Suger exprime son admiration (Unde, quia magni constant mirifico opere sumptuque profuso vitri vestiti et saphirorum materiae ) pour la merveilleuse exécution et la somptuosité des verres peints et de la matière des saphirs.

Ce « saphirorum materiae » a fait couler beaucoup d'encre ; bien-entendu, les analyses confirmèrent plus-tard ce que le bon-sens affirmait, étant donné le pouvoir colorant quasi nul du saphir : la couleur était due au cobalt. Percier et Lenoir pensèrent que l'abbé s'était fait gruger par les ouvriers lui vendant au prix de la pierre précieuse le pigment en poudre. Grodecki remarque plus finement qu'une confusion est possible entre le nom médiéval du cobalt, le safre, et le terme latin de saphirum .

   Anne-Françoise Canella -Gemmes, verre coloré, fausses pierres précieuses au Moyen Âge: 2006 Page 304 — précise que le moine Théophile (c'est le premier auteur décrivant les techniques des verriers) employait déjà le terme de saphiri graeci, que chez les égyptiens, le chesbet, souvent traduit par saphir, désignait tout minéral bleu, que ce soit le lapis-lazuli, la poudre d'émaux bleus à base de cobalt ou de cuivre, ou le sulfate de cuivre.   Au XIIéme siècle on importait à grand frais d’Europe centrale du cobalt (d’ailleurs Suger indiquait que pour les vitraux il déboursa plus de 700livre). Pour les autres couleurs on employait des oxydes métallique, de fer pour les pourpres, les jaunes, les verts de cuivre pour les rouges . 

 

      Présentation photographique


                             saint-denis 9548c

 

                 saint-denis 9555v                                                          saint-denis 9557c

 

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 Panneau 1a :

                                     saint-denis 9558ccc

 

 

Panneau 1b :

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Panneau 1c

                                    saint-denis 9559cc

 

Deuxième registre : le premier roi et deux prophètes.

— à gauche, Isaïe : inscription ...ET PARIET FILIUM.


saint-denis 9550c

 

Le troisième registre : le roi (David) et deux prophètes : vitrail du XIIe siècle.

— à gauche, Moïse : S. SIMILE MEI...SUSCITABIT DNS : Deuteronome 18,15 : "Il suscitera pour vous un prophète comme moi, issu de votre peuple, l'un de vos compatriotes: écoutez-le".

— on notera, à droite, la main de Dieu qui se pose sur la tête du prophète pour le bénir. On la retrouve sur le registre précédent, et sur les suivants.

 

 

saint-denis 9551c

 

Le quatrième registre : troisième roi et deux prophètes.

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      Le cinquième registre : la Vierge-Marie et deux prophètes.

— à gauche : Samuel ? Inscription incomplète EMIT E UNGUEREM IN REGEM,  

que Grodecki  interprète comme venant du 1er Livre des Rois, 15,1 : Et dixit Samuel ad Saül : Me misit Dominus , ut ungerem te in regem super populum ejus Israël : nunc ergo audi vocem Domini, paroles adressées par Samuel à Saül : "Le seigneur m'a envoyé pour vous oindre roi.".

 

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Sixième registre : le Christ et les sept colombes de l'Esprit.

saint-denis 9554c

 

      Conclusion.

   1. J'espérais, en me rendant à Saint-Denis, trouver des clefs de compréhension du grand mouvement de production de verrières consacrées à l'Arbre de Jessé sur toute la France, à commencer par celle de Chartres l'année suivant l'édification de celui de Suger, pour se poursuivre jusqu'au XVIe siècle principalement. Pour cela, il aurait fallu se baser sur les vitraux d'origine, et non sur les restaurations. D'autre part, il aurait fallu pouvoir déchiffrer les inscriptions portées par les prophètes, ou avoir accès à la publication de Grodecki de 1976 qui en donne semble-t-il le texte.

2. A défaut, je peux néanmoins me forger une certitude : ce vitrail n'a pas comme thème "la généalogie du Christ".

  C'est m'écarter délibérément des lieux communs, et des références de l'évangile de Matthieu auxquelles je ne cesse moi-même de me rapporter ; parce qu'elles  sont quasi-incontournables, elles tendent un piège dont il m'a été difficile de me libérer. Pourtant, il est évident que ce vitrail, parce qu'il mène de Jessé au Christ par Marie, et non par Joseph, ne dresse pas un arbre généalogiquement correct ; plutôt que de contourner cette difficulté en la noyant dans l'à-peu-près de l'interprétation, il faut la regarder en face et s'affranchir de cette idée, en énonçant : ce n'est pas un arbre généalogique.

3. Ce rideau étant écarté, la vrai clef d'interprétation, d'ailleurs bien connue, est théologique : elle découle de l'herméneutique des Pères de l'Église et concerne Marie, vrai sujet du vitrail. Elle affirme la conception virginale de Marie, sa qualité de Vierge, en se basant sur un corpus savant de lectures des textes de l'Ancien Testament et, essentiellement, sur le jeu de mots virga/virgo, rameau (issu de Jessé)/vierge (qui concevra un fils nommé Emmanuel).

 Il s'agit donc aussi de se débarasser d'un stéréotype qui nous à habituer à voir les images ( sculptures des tympans et chapiteaux, statues, verrières) comme un livre d'images didactiques destinées à des fidèles incultes. Outre que toute la liturgie, et même les sermons,dite en latin inaccessible aux soit-disant analphabètes, ne témoigne pas d'une telle préoccupation (qui  est totalement anachronique avec l'esprit du  temps), outre que les images, comme l'a souvent rappelé Daniel Arasse pour les fresques et peintures, soient très éloignées, trop hautes, mal éclairées dans des sanctuaires qui ne disposaient pas de nos lampes electriques, obscurcies par la suie et la patine, ou même placées dans des lieux reservés aux clercs, la simple réflexion amène à comprendre que, pour celui qui s'en tiendrait à l'image seule comme source d'accés aux mystères religieux, elles sont inopérantes. Même si on suppose qu'elles servaient de support pédagogique à des prédicateurs, elles ne sont réellement compréhensibles qu'en s'aidant d'un savoir très spécialisé et de textes nombreux : en témoigne les nombreux volumes que nos experts doivent écrire pour les comprendre actuellement.


      Sources et liens.

 

— Le site Images of medieval art and architecture est particulièrement interessant.

—  Musée des monuments français;: histoire de la peinture sur verre, par Alexandre Lenoir, Charles Percier 1803      (1 sur le saphir et 2 sur l'inscription abbé suger) 

— Émile Mâle :p. 170 http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Iconographie/Emile_Male/12eme.pdf

— Louis Grodecki, Chantal Bouchon,Yolanta Zaäuska  Etudes sur les vitraux de Suger à Saint-Denis (XIIe siècle).: II .Corpus Vitrearum Presses de l'Université Paris Sorbonne 1995

— Marie, fille d'Israël, fille de Sion: communications présentées à la 59e .publié par Jean Longère,Michel Dupuy,Société Française d'Études Mariales p. 172  

— Forum sur les vitraux de saint-Denis :http://saintdenis-tombeaux.forumculture.net/t327-les-vitraux-du-xiiieme-siecle et http://www.pompanon.fr/gallery/451-basilique-saint-denis.html

— M. L. Thérel Cahiers de civilisation médiévale  1963 Volume 6 N°22 pp. 145-158 : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1963_num_6_22_1267

 — Suger et les juifs :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1969_num_24_5_422125

— Pierre Le Vieil L'Art de la peinture sur verre et de la vitrerie, 1774, page 23.

— J.R Johnson, «L' arbre de Jessé Window of Chartres: laudes Regiae », Speculum, vol. XXXVI-1, janvier 1961, pp 1-22 : "l'auteur met en relief l'intention politique exprimée par les vitraux : l'intention de glorifier la royauté française et son caractère sacré se révèle dans la représentation dynastique des ancêtres du Christ assis comme sur un trône courronnés et majestueux" attitude qu'il rapproche des figurations royales sur les sceaux de majesté des capétiens. En outre ils sont distribués sur les branches d'un arbre s'épannouissant en une succession de fleurs de lys, fleur qui vient justement d'être adoptée comme emblème héraldique des rois de France." (in Grodecki )

—  A. Watson, The Early lconography of the Tree of Jesse, Londres, 1934, 

 

 

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Published by jean-yves cordier
27 mai 2013 1 27 /05 /mai /2013 15:47

           

          Le vitrail de l'arbre de Jessé

            de l'église de Notre-Dame-du-Touchet (Manche).

 


      I. Présentation.

Dés le XIe siècle, il y avait un seigneur assez puissant, dont le château s'élevait à l'Est de l'église, et dont les descendants s'illustrèrent en Angleterre.

 L'église est sous le vocable de Notre-Dame. Elle fut donnée au prieuré du Rocher vers 1150 par Enguerrand de Touchet. Cette donation fut confirmée par l'évêque Achard, qui siégea de 1162 à 1174.

La paroisse dépendait, avant 1789, du doyenné du Teilleul et du diocèse d'Avranches. Sous l'ancien régime, la paroisse dépendait de la sergenterie Doissey, de l'élection de Mortain, du bailliage secondaire de Mortain.  

 

II. Le vitrail.

  Il occupe la maîtresse-vitre qui mesure 6 mètres de haut et 2,50 mètres de large.. Réparti sur trois lancettes trilobées compartimentées chacune par d'épaisses barlotières en quatorze panneaux, il est coiffé d'un tympan de trois soufflets en cœur et de quatre écoinçons. Si sa date n'est pas connue, on l'estime à 1537 par assimilation à la construction du chancel de l'église*. Rapprochée des autres vitraux d'arbres de Jessé, cette date est parfaitement cohérente avec le grand mouvement de représentation de ces arbres généalogiques dans l'Ouest de la France : voir  Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56).

  * On y lit l'inscription L'an mil cinq cent trente sept fut faist cest chancel par G. Le Roux.

 

 Le vitrail portait jadis une date et des blasons, (effacés à la Révolution ? déjà absents en 1899) et incluait sans-doute un donateur et une donatrice, puisque E. de Beaurepaire constata la présence de fragments d'un Agnus Dei et d'une donatrice dans les fenêtres latérales lors de sa visite en 1899.

  On peut penser que cette donatrice, et les armoiries, appartenaient à la famille du Touchet : TOUCHET (du) Ecuyer, sieur de Benauville, Venoix, Boxerie, etc. généralité de Caen, maintenu en 1666: d'azur, au chevron d'or, accompagné de trois mains de sénestres du même. 

                                

http://www.genheral.com/asp/TableauSVG.asp?param=DebutNom&data=T

 

 J'ignore la date et les auteurs des restaurations, manifestement récentes, copieuses et soigneuses.

  Il a été restauré en 1925 dans l'atelier Tournel, où Jean Lafond l'avait vu, et et  son mauvais état de conservation avait été signalé en 1928 et 1935 avant de connaître une nouvelle restauration en 1937. Déposé en 1944.

  A la différence de beaucoup d'autres exemples iconographiques, les lancettes sont ici reservées à Jessé, Isaïe et Jérémie, et aux douze rois de Juda, la figure de Marie tenant l'Enfant qui est l'aboutissement et le but de cette progression scalaire étant reportée en sommité du tympan.


              vitrail 5784c

 

Registre inférieur.

    Deux prophètes non nommés, mais qu'on assimile à Isaïe et Jérémie entourent Jessé. Celui-ci est assis sous un dais dont les tentures vertes sont maintenues écartées par les prophètes. Tous les trois se situent dans ce qui apparaît comme un palais pavé de marbre en damier.

vitrail 5785c

 

  Le prophète de gauche, à la droite de Jessé, —appelons-le Isaïe— est vêtu comme un seigneur de la Renaissance, avec des chausses lilas, une tunique bleue aux galons dorés, et un court manteau rouge : le seul élément hébraïsant est sa coiffure, une sorte de turban à oreillettes orné d'un bijou. Pas de longue barbe non plus, mais une barbe taillée à la mode au XVIe siècle.

  Il tend la main (photographie précédente) vers Jessé, et tient peut-être l'objet violet (Livre ?) à la frange à pompons dorés que j'identifie mal.

 Le cartel placé derrière sa tête porte la célèbre prophètie d'Isaïe 11 :1-2 Egredietur virga de radice Iesse, [et flos de radice eius ascendet] , "une tige sortira de la racine de Jessé, et une fleur s'élèvera de ses racines", qui est la citation fondatrice de l'idée même de l'arbre de Jessé menant, par un jeu de mot sur virga/virgo, à la Vierge.

 

                                   vitrail 5787c

 

vitrail 6138c

 

      La posture de Jessé est celle, traditionnelle, de l'accoudement songeur, mi-méditatif mi-mélancolique. L'habit est à la fois plus hébraïque (barbe plus longue, robe longue) et à la fois presque royale, bien que Jessé ne soit qu'un riche propriétaire de troupeaux à Jérusalem : étoffe damassée, camail au galon perlé. Derrière son dos monte le tronc de l'arbre de sa progéniture.

 

                              vitrail 5786c

 

      Le prophète Jérémie est vêtu et coiffé à peu-près comme Isaïe, mais on retrouve sur lui l'étoffe damassée de Jessé.  Le cartel derrière lui porte la seconde partie de la citation d'Isaïe 11:1-2 et flos de radicé eius ascendet.

Ces deux cartels sont les seules inscriptions de la verrière.

                                  vitrail 5788c

vitrail 6140c

 


  Registre intermédiaire inférieur.

    David, fils de Jessé et premier roi de Juda, est assis à cheval sur le tronc de l'arbre, avec sa harpe, en armure de chevalier. On ne manquera pas d'admirer sa coiffure, associant la couronne à un casque à plumet tricolore.

 C'est le seul des douze rois qu'il soit possible d'identifier. Les onze autres ne recevront les noms de Salomon, Roboam, Abia, Asa, Josaphat, Joram, Ozias, Joatham, Achaz, Ezéchias, Manassé que par référence au texte de l'incipit de l'évangile de Matthieu énumérant les ancêtres de Joseph et donc de Jésus.

Dans ce registre intermédiaire, nous présumons donc que David est entouré de son fils et de son petit-fils, Salomon et  Roboam.

  Je laisserai le visiteur chercher parmi les rois ceux qui tiennent un sceptre, et ceux qui n'en n'ont pas (sans qu'il faille y voir un jugement sur leur règne, tel que la Bible, et notamment la Chronique des Rois, le décrit). Ou ceux qui ont droit à la couronne, ceux qui se coiffent d'un chapeau, ceux qui portent le casque (est-ce une salade ? un morion?), et les plumets. Les deux qui portent le glaive ; les trois qui ne sont pas barbus, dont l'un porte seulement la moustache ; ceux qui ont le ventre à l'air comme des dieux romains, et ceux qui le couvrent d'une tunique. Ou encore ceux qui regardent un vis-à-vis, ceux qui détournent le regard vers l'extérieur, celui qui élève les yeux vers Marie. Enfin, aucun ne désigne d'un geste de la main le Christ.

  Un seul, au sommet, s'est découvert : il tient sa couronne dans la main droite, par déférence puisqu'il est le plus proche de la Vierge à l'Enfant. 

  Chacun fera ses découvertes, et ses hypothèses.

 De curieuses hypothèses.

Dans l'église elle-même, le curé de la paroisse, ou quelqu'un d'autre, a épinglé soigneusement un texte explicatif "Comment regarder ce vitrail" dans lequel on lit le commentaire suivant : "Quel est ce 3ème et dernier personnage, la tête découverte ? Il fait un geste à l'adresse de la femme, l'unique femme du tableau, mais il ne la regarde pas tandis que la femme le regarde froidement...On pense à URIE. Officier, Urie était marié à Bethsabée. pendant son absence, David devint l'amant de Bethsabée. Par ordre de David, Urie fut tué au combat et David put épouser sa veuve... Par la suite, David eut grand remords de ce crime. Par ce mariage, Bethsabée, mère de Salomon, entre dans la lignée des ancêtres du Christ,...malgré son infidélité : "Les chemins de Dieu ne sont pas nos chemins". Dans la généalogie de Saint Matthieu, Bethsabée est la seule femme citée." 

  Outre la méconnaissance du texte évangélique (Bethsabée n'est pas nommée et le texte de Mt 1:6 utilise la métaphore "la femme d'Urie", alors que trois femmes ancêtres du Christ, Thamar épouse de Juda, Rahab la prostituée de Jéricho qui épouse Salmon et Ruth la moabite épouse de Booz), ce commentaire me semble témoigner d'un contresens d'interprétation du roi de Juda placé au sommet de la troisième lancette, et dont le visage glabre peut sembler féminin.

 Les visiteurs s'amuseront en poursuivant la lecture de ce texte : 

   "Le manteau de Jessé est soutenu par deux personnages qui pourraient être les donateurs qui ont permis la construction du chœur et du vitrail. A l'origine, ces personnages, sans-doute les seigneurs du Touchet, pouvaient être identifiés par les écussons qui sont à leur pieds...mais ils ont disparu..."

Les personnages ne tiennent pas le manteau, mais les pans du pavillon, mais, surtout, bien-sûr, ce ne sont pas les donateurs, mais ni plus ni moins que Isaïe et Jérémie.

 


vitrail 5789c

 


 

                            vitrail 6150c

 

              vitrail 6144c

 

 

          vitrail 6141c

 


Registre intermédiaire supérieur.

vitrail 5790c

 

 

 

        vitrail 6149c

 

 

                 vitrail 6145c

 

        vitrail 6142c

Registre supérieur.

vitrail 5790cc

 

 

                                         vitrail-6147c.jpg

 

 

 

                vitrail 6146c

 

Les deux visages suivants sont manifestement trop "typés" pour ne pas être dus à l'intervention d'un restaurateur zélé. Cette restauration est attestée "pour l'avant-dernière tête en haut à droite" par le Corpus Vitrearum.

                              vitrail 6143c

 

Tympan.

vitrail 5791c

 

La Vierge "de l'apocalypse" assise pose les pieds sur le croissant de lune qui repose lui-même sur l'efflorescence sommitale de l'arbre. Marie tient, ce qui est inhabituel, l'Enfant sur le bras droit.

vitrail 6152c

 

 

Par ailleurs : 

Croix "normande dite de Saint-Martin".

 

      C'est une croix de chemins du XVIe siècle, en granit, au fût cannelé en torsade ou en chevron  et au dé orné de bas-reliefs où on reconnaît un Christ aux liens. L'une des faces de la croix pattée représente saint Martin découpant sa cape, et l'autre la Crucifixion. Classée depuis 1932 et restaurée en 2000, elle est élégamment enguirlandée d'un beau cable lumineux de décorations de Noël par les services municipaux, et ainsi bien mise en valeur la nuit.

                             croix-de-st-martin 5807c

 

croix-de-st-martin 5808c

 

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                        croix-de-st-martin 5811c

 

                       croix-de-st-martin 5810c

 

Liens et sources.

 

Gallica : L'ÉGLISE NOTRE-DAME-DU-TOUCHET, par Eugène de Beaurepaire in La Normandie monumentale et pittoresque, édifices publics, églises, châteaux, manoirs, etc.. Manche 1re [-2e] partie. Partie 2 / Héliogravures de P. Dujardin ; d'après les photographies de E. Durand, D. Freuler et A. Thiébaut Éditeur : Lemale & Cie, impr. édit. (Le Havre), 1899, Contributeur : Travers, Émile (1840-1913). 2 parties en 1 vol. ([2] f.-338 [339] p.-42 f. de pl.-frontispice, [2] f.-354 [355] p.- 43-95 f. de pl.) : Héliogr. et frontispice lithogr.

 

 

Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie 1828. p. 174.

Voyage archéologique dans la Manche 1818.


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Published by jean-yves cordier
22 mai 2013 3 22 /05 /mai /2013 20:01

   La chapelle Notre-Dame de Lansalaün

        à Paule (22).

  

 Voir la 1ère partie :  Le vitrail de l'arbre de Jessé de la chapelle N.D. de Lansalaün à Paule.

 

 

 

I. La chapelle, présentation.

 

 Le nom de cette chapelle du XVIe siècle, encore appelée Notre-Dame du Folgoat, renvoie au culte de Salaün (version bretonne de Salomon), Salaün ar fol le "fou" ou innocent mendiant qui ne parlait que pour répéter Ave Maria ; Salaün a zepre bara, "Je vous salue Marie, ; Salaün mangerait du pain". La chapelle du Folgoat (Bois du fou") à Landevennec ou la basilique Notre-Dame du Folgoët près de Lesneven lui sont consacrées, après que sur sa tombe un lys se soit élevé où les mots AVE MARIA s'inscrivaient en or.  

  Ainsi dédiée à la Vierge et à son Fou, c'est aussi, par sa fontaine surmontée de deux cœurs enlacés, le lieu d'un culte de la fécondité ou des mariages, et les jeunes gens ou jeunes filles y venaient faire un vœu en tournant sept fois autour du bassin. Elle était jadis très fréquentée, surtout le 15 août.


  Elle est située à 2 km au NO du bourg de Paule, près de Carhaix, et s'élève selon un plan rectangulaire comprenant une nef avec bas côté sud de cinq travées . On y trouve quatre élément de datation : 1528 sur la verrière de l'Arbre de Jessé, 1664 sur la cloche, 1712 à l'entrée, 1719 sur la tribune.

Sa cloche de bronze date de 1664 et porte l'inscription IN MELLE MESSIRE GILLES LEGOU SEIGNEUR de KUILLON de PAOUL GLOMEL GILI PLIGEAULT et C. PAREIN et DAME MAR de POULMIC DAME DOUAIRIERE de PAUL UE ZEL MAREINE E M GILLES Y RECTEUR de PAOUL A BAPTISE LA P (RESE) NTE CLOCHE 1664.

paule-lansalaun 6712c

 

paule-lansalaun 6714c

 

II. La tribune et son inscription.

      Cette tribune en bois polychrome, classée (19/12/2000) mesure 5 mètres de long et 2,50 mètres de large. 


paule-lansalaun 6723c

paule-lansalaun 6706c

 

paule-lansalaun 6707c


FAIT FER PAR MAVRICE POVLLISAC FABRIQVE LAN 1719

MISSIRE YVES DE PENNAMEN RECTEVR DE PAVLE

  Les généalogistes de généanet.org nous apprennent que Maurice Poulizac (Paule,1668-Paule 1742) a épousé Catherine Le Floch (1672-1742) à Paule le 11 février 1700 et en eut un fils, Maurice Sébastien.

 Le même site mentionne plusieurs Yves de Pennamen à Paule (dont l'un, 1727-1795, était marié à Thérèse Poulizac), mais qui étaient mariès. La recherche d'un Yves de Pennamen recteur de Paule est restée vaine. Dans les Archives du Finistère de 1889  il est fait mention : "du général de la paroisse de Paul contre Yves de Pennamen au sujet du payement de la rente de fondation due à la fabrique, etc...)

 


III. Les statues.

1. Saint Joseph.

 Bois peint polychrome, statue évidée, h = 1,67m. 17ème siècle. On peut imaginer qu'il tenait un lys (son attribut) dans la main droite, et qu'il rentrait dans la composition d'un groupe.

                     paule-lansalaun 6673c

 

2. Saint Roch.

...que l'on reconnaît à sa tenue de pélerin, et à l'exposition du bubon de peste sur la cuisse droite...malgré l'absence de son fidèle 'Roquet".

Bois polychrome, arrière évidé, h = 1,38m, 16ème siècle.

              paule-lansalaun 6676c

 

3. Saint Joachim.

dont la tenue vestimentaire tend à signaler ses origines hébarïques (bonnet ; aumonière : barbe longue) alors que le livre est emprunté à son épouse ( c'est l'attribut de  sainte Anne). 

Bois peint, 17ème.

                paule-lansalaun 6728c

 

      4. Vierge à l'Enfant terrassant la démone.

Statue en bois peint du XVIe siècle,  h = 165 ; la = 42 ; pr = 36, classée au titre d'objet le 03/10/1994. La peinture polychrome est moderne.

  La femme diabolique foulée par la Vierge est très évocatrice des "démones" que le Dr Louis Le Thomas a recensé en Bretagne (Les démones bretonnes, Bull. Soc. Archéol. Finist. T.87 1961 pp. 169-221). Dans sa publication, il la décrit ainsi : "Paule — Chapelle de lansalaün. Démone couchée sous les deux pieds de la Vierge. Visage féminin, avec cheveux flottants. Mamelles discoïdes. Pomme présentée par la main gauche. bas du corps de serpent, avec queue d'obord annelée transversalement, spiralée ensuite".

Ce type de démone accompagne souvent les sculptures des arbres de Jessé bretons, la posture accoudée venant alors en contre-point de celle de Jessé endormi ou pensif. On les nomme alors Vierge de Jessé. Aussi sa présence à Lansalaün, au pied d'un vitrail consacré à l'arbre de Jessé, est-elle significative.

                     paule-lansalaun 6678c

 

 

     paule-lansalaun 6680c

 

 

IV. Les bannières.

1. Bannière à Sainte Paule avec l'inscription Don de la paroisse 1916.

L'origine du nom de la commune est plutôt reliée à saint Paul (Aurélien ?) mais les paroissiens se sont attachées à invoquer sainte Paule, romaine du IVe siècle disciple de saint Jérome. C'est l'occasion d'une réfléxion sur la toponymie :

 "Paule / Paoul :
Aux diverses graphies anciennes Poul (1330), Paoul (1407 et plusieurs fois au XVIème siècle), il faut ajouter les variantes Paole (1562), Paul (1599), Paulle (1670). Il faut surtout noter le fait que l'église est placée sous la protection de sainte Paule. Pourtant, les différentes écritures traduisent une même et unique prononciation qui n'est autre que celle du nom de personne Paul. Celui-ci est employé seul comme toponyme et se traduit par chez Paul ou encore endroit où habite Paul. 
Il est difficile de savoir s'il s'agit de saint Paul-Aurélien bien que l'évêché qu'il fonda fut nommé « d'Occismor et du Léon ». Issu du démembrement de la paroisse primitive de Plévin, cette paroisse pourrait, mais c'est peu probable, devoir son appellation au nom d'un personnage local, peut-être ermite en ce lieu. 
Le culte voué à sainte Paule peut tout simplement relever des écritures Paole, Paulle, interprétées, peut-être trop hâtivement comme des féminins". 

Extrait de  Bretagne des Saints et des croyances, Michel Priziac, Ri-Dour Editions, 2002, p. 65.

                      paule-lansalaun 6683c

 

2. "A NOTRE-DAME DE LANSALAUN".

avec l'inscription AVE MARIA et le monogramme AM

                              paule-lansalaun 6684xc

 

3. Bannière de la chapelle de St-ELOY.

..où le saint patron des orfèvres, mais aussi des éleveurs de chevaux est représenté avec ses attributs de maréchal-ferrant l'enclume et le marteau.

                    paule-lansalaun 6685x

 

Liens et sources :

Site de l'Inventaire Général.

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Published by jean-yves cordier
21 mai 2013 2 21 /05 /mai /2013 10:42

 

    Le vitrail de l'arbre de Jessé de la chapelle N.D. de Lansalaün à Paule.

 

Présentation.

       Commençons par dire qu'il s'agit de l'un des plus bel et des plus intéressant vitrail représentant l'arbre de Jessé en Bretagne.

   Ce vitrail daté de 1528 occupe la baie 0, celle du chevet, et mesure 4,80m de haut et 2,80m de large. Elle se compose de 4 lancettes trilobées de quatre panneaux chacun, dont la première à gauche est consacrée aux scènes de la vie de Marie, et les trois autres à un arbre de Jessé. Un tympan à 9 ajours et écoinçons est consacré à la conception de Marie par sa mère Anne, et aux premiers éléments de la vie de Jésus.

  Cette disposition parfaitement originale noue plus que partout ailleurs l'Ancien et le Nouveau Testament, la généalogie prophétisée par Isaïe et Jérémie et l'annonce d'un Messie montant sur trois registres parallèlement à la réalisation de l'Annonce faite à Marie par Gabriel, ces deux voies parallèles culminant dans la vie de Marie et de Jésus. Le thème commun est donc une Généalogie de la Vierge avec le thème de la Sainte Parenté (Anne et Joachim / Marie / Jésus) et le thème de la Généalogie du Christ.

  Ce vitrail est aussi passionnant par sa richesse en inscriptions, qui en fait un jeu exerçant la perspicacité et l'étude des textes saints.

 Enfin, outre son état de conservation remarquable et sa non moins remarquable restauration en 2009, il présente des richesses techniques rares sous forme de ses verres rouges gravés, particulièrement nombreux et qui présentent la particularité d'être montés face colorée à l'extérieur.

  La date de 1528  place cet arbre de Jessé comme l'un des plus précoces parmi les vitraux traitant ce thème en Bretagne.

  Puisqu'il est déjà disponible sur un site en ligne du Ministère de la Culture, je reproduirai sans scrupule ici le texte du livre Les vitraux de Bretagne de Françoise Gatouillat et Michel Hérold (2005) :

 

   "La remarquable maîtresse-vitre de la chapelle est fort peu documentée. Quelques éléments de son histoire se lisent cependant à l’observation du vitrail. L’inscription qui court dans sa partie inférieure est très restaurée, mais la date de 1528 qu’elle contient semble acceptable, et peut-être aussi l’attribution de la commande à la fabrique. Diverses interventions anciennes, du XVI° ou du XVII° siècle, sont également perceptibles, par exemple au regard de l’insertion de blasons nouveaux dans les têtes de lancettes. Perdue, une partie du décor du tympan a été remplacée au cours du XIX° siècle par des vitreries de couleur, là où figuraient auparavant des blasons signalés par les sources : l’abbé Daniel indique, d’après un document de la fin du XVI° siècle, que le seigneur du Dréor* avait droit de patronage avec les armes en éminence dans la maîtresse-vitre de Lansalaün ; un aveu de 1682 mentionne la présence des armes des Rostrenen dans le réseau. Les vitreries du XIX° siècle laissent la place en 1926-1928 à des compositions nouvelles, réalisées par l’atelier anonyme chargé par le service des Monuments Historiques de restaurer l’ensemble du vitrail qui menaçait ruine. La disposition de la verrière n’a pas évolué depuis."

 

* Les seigneurs du Dréors, et notamment pour les années qui nous concernent (1528) Gilles Le Scanff (†1531)/ Anne du Cormier puis leur fils Pierre le Scanff (†1565)/ Jeanne du Juch sont prééminenciers également de la chapelle Saint-Nicolas de Priziac Chapelle St Nicolas en Priziac. . Ils portaient écu de sable à la croix engreslé d'argent. Ils possédaient les fiefs de Dréortz en Priziac et de Dréortz en Paule. Jeanne du Juch portait d'azur au lion d'argent.


  En 2009, le vitrail a été restauré  sous la maîtrise d’œuvre de Stéphane AUBERTIN, architecte des bâtiments de France, adjoint au chef du service départemental de l’architecture et du patrimoine des Côtes d’Armor. L’entreprise de maçonnerie - pierre de taille LE BOULZEC de POMMERIT-LE-VICOMTE a été retenue pour la réalisation des travaux de maçonnerie ainsi que l’atelier HSM, entreprise spécialisée à QUINTIN, pour le lot vitrail. 

  Cette restauration permet d'apprendre de nombreux renseignements techniques : le verre est fin, épais de 2 mm en moyenne mais avec d'importantes variations. les couleurs employèes sont ": 1 rouge plaqué, 1 blanc, 1 violet, 2 bleus (1 vif et 1 clair grisé), 1 jaune foncé rompu, 1 ou 2 verts, 1 verdâtre, un orangé très clair, un bleu rompu et des bleus  sombres",  et 1 ou 2 lie de vin. Le verre rouge, gravé à l'outil, est posé face coloré à l'extérieur. Deux panneaux étudiés pour expertise comportaient respectivement 87 et 178 pièces de verre et 33 et 85 plombs de casse: pour les seules lancettes, c'est donc un puzzle de près de 2000 pièces qu'il a fallu reprendre. Les plombs de casse superflu ont été remplacés par un collage bord à bord ou par des joints tiffany plus fins. Le vitrail a été protégé par une verrière de doublage. Je renvoie au document de restauration, puisqu'il est disponible en ligne.

 

La verrière a été protégée et classée au titre des objets mobiliers le 1er mai 1911 alors que la chapelle a quant à elle été classée au titre des Monuments Historiques par arrêté du 23 avril 1920.

 

 

topic :Cette chapelle forme, avec sa fontaine, son calvaire, ses ifs et le muret qui les entoure un ensemble cohérent. Elle était autrefois appelée « terre de Salomon », traduction française du breton Salün, dont la légende se rattache à celle du pieux fou du Folgoat (Finistère).

Sur le faîte du toit de la fontaine se trouve un double cœur, symbolisant les cœurs de jeunes amoureux venant autrefois se recommander à Notre-Dame de Lansalaûn, afin que le mariage les unisse. Les pèlerins viennent s'y désaltérer après avoir fait sept fois le tour de la chapelle, pieds nus, en récitant leur chapelet pour demander l'intercession de Notre-Dame.  

Ce calvaire de l'ancien cimetière, porte, sur la face est, un christ aux outrages, sur la face ouest, un christ en croix avec deux anges recueillant son sang et, à ses pieds, la Vierge et saint Jean. Sur le fût sont figurées les armes de la famille du Leslay de Keranguevel.  

 

 

 

  Etude

 

I. L'inscription de la partie inférieure.

Tout le long du bord inférieur de la verrière court l'inscription (incomplète et partiellement restaurée) suivante : L'AN MIL VCTS XXVIII FVT FAIT CETTE  VERRIERE... LET FABRICQUES LORS DE CETTE CHAPELLE. Elle est suivie par un monogramme qui n'a pas été identifié et qui ressemble à un H majuscule gothique. Cette date de 1528 apparaît stylistiquement plausible aux experts.

 


 

                      vitrail-jesse 6669v

 

II. La lancette de la vie de la Vierge.


1. Annonciation.

Panneau 1a et 2a

      Inscriptions :

—sur la robe de Gabriel : AVE  GR. PLENA DN SPVS SCT VENIET IN. Citations de l'Annonce faite à Marie dans Luc 1:28 Et ingressus angelus ad eam dixit: Ave gratia plena: Dominus tecum:benedicta tu in mulieribus. "L'ange entra chez elle, et dit : Je te salue, toi à qui une grâce a été faite ; le Seigneur est avec toi." et Luc 1:35 et respondens angelus dixit ei Spiritus Sanctus superveniet in te et virtus Altissimi obumbrabit tibi ideoque et quod nascetur sanctum vocabitur Filius Dei, "L'ange lui répondit : Le Saint Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi le saint enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu."

— Sur les pages du livre de Marie, sa réponse à l'ange : ECCE ANCILLA DMI FIATEcce ancilla domini, fiat mihi secundum verbum tuum. "Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon son verbe" (Luc,1 : 28)

 

 vitrail-jesse 6647c

 

2. Nativité.

Les stéréotypes de l'iconographie des Nativités sont retrouvés : crêche associant des colonnes aux chapiteaux antiques, et une charpente de chaumière au toit crevé ; âne et bœuf aux museaux tendus vers l'Enfant ; berceau en osier, et drap/lange dont le nouveau-né manipule les lacs; Marie agenouillée en adoration. Ce qui surprend, c'est la stature et la vigueur de Joseph, habituellement présenté comme un vieillard passif et pensif. Son superbe manteau en verre gravé rouge, son camail lie-de-vin et sa robe bleue l'emportent en magnificence sur la tenue de Marie. 

Je lis l'inscription Jeann sur la porte au dessus du bœuf.

vitrail-jesse 6651c

 

 

3. Adoration des Mages. Panneaux 3a et 4a.

 La Vierge est assise et tient Jésus sur ses genoux (têtes anciennement restaurées). Les trois rois mages ont été guidés par l'étoile bien visible.

 —inscription peinte  : camail de Melchior, le roi agenouillé :VOS ESTIS. Cela peut correspondre à Matthieu 5: 15 Vos estis lux mundi non potest civitas abscondi supra montem posita, "Vous êtes la lumière du monde. Une ville située en haut d'une montagne ne peut être cachée", citation qui, sorti du contexte du Sermon sur la montagne, peut être placée dans la bouche du roi mage.

— inscription gravée sur les manches du roi (Gaspard) EV MO. 

  armoiries du panneau 4a : d'argent au lion d'azur.

      Ces armoiries sont données par le Corpus Vitrearum comme "non identifiées, intégrées dans les têtes des lancettes postérieurement à la réalisation de la verrière". Pourtant les armoiries de la famille du Leslay de Keranguevel, qui figurent sur le calvaire de l'enclos, sont d'argent au lion d'azur rampant, courronné, onglé et lampassé de gueules  (site tudchentil.org). 


                               vitrail-jesse 6655v

                                             

 

 


 

III. Les trois lancettes de l'Arbre de Jessé.

        L'arbre de Jessé de Lansalaün répond au schéma classique où Jessé, au milieu du registre inférieur, est encadré par deux prophètes et le texte de leurs prophéties, alors que les rois de Juda qui forment sa descendance et témoignent de la filiation royale et davidique de Jésus sont disposés sur les branches de l'arbre généalogique dont le tronc sort de la poitrine de Jessé. Parmi les quinze noms que Matthieu cite dans son évangile (Mt.1, 7-16) de David au dernier roi de Juda, on en trouve ici douze rois représentés, dont onze sont nommés dans un phylactère:

David - Salomon - Roboam - Abia - Asa - Josaphat - Joram- Jotham - Achaz - Manassé - Josias.

Le douzième, au sommet est-il Osias, Ezéchias, Amon ou Jeconiah?

  Aucun Arbre de Jessé n'est semblable à l'autre ; je les compare aux céramiques japonaises raku qui, pour avoir subi un choc thermique qui tressaille leur émail, puis un enfumage et la rencontre avec l'eau, possèdent par leurs craquelures et les coulures de l'émail un charme esthétique qui relève des philosophies du hasard et de l'imparfait, du non-fini ou de l'omission. 

  De même, parce que ces verrières ont été brisées (ici, en 2000 fragments), réparées, alterées par le ruissellement des eaux de condensation et des eaux de pluies, rongées par l'attaque acide des micro-organismes, bouleversées dans leur ordre initial par des restaurations successives, aucune d'entre elles ne manque de présenter quelque incongruité, quelque mystère, ou quelque imperfection.

  Ici, ce sera le cas en constatant que l'un des rois n'est pas nommé ; qu'Achaz porte le nom de IOSAPHA sur sa tunique, alors que le vrai Josaphat se trouve sur la lancette voisine ; qu'une citation d' Ezéchiel est présentée par un prophète qui porte sur lui un verset d'Isaïe, alors que l'autre prophète qui pourrait être Jérémie déploie le texte d'un psaume de David attribué à Isaïe...que le vrai Josaphat a perdu sa tête (panneau 4d),  et que ce salmigondis biblique fait évoquer le titre d'une estampe japonaise, Tagasode, "A qui sont ces manches". 

 

estampe japonaise montrant des manches de kimono


1. registre inférieur.

 

A. Le prophète Isaïe (ou Ezéchiel?).

 inscription peinte panneaux 1b et 2b :

a) Ruban sur les épaules : VOS VOS EST LAU

b) Galon du : VIRGA : IESSE : FLO / QUE : EST : ITA/QUE  PROGREDIET,

 Citation du verset d'Isaïe [Is. XI, 1-2] Egredietur virga de radice Jesse, et flos de radice eius ascendet. Et requiescet super eum Spiritus Domini. "Une tige sortira de la racine de Jessé, une fleur s’élèvera de ses racines. Et sur elle reposera l’Esprit du Seigneur". 

c) tunique :  lettres gravées sur verre rouge PROFET écrites à l'envers.

d) Phylactère (écriture gothique) : PORTA HAEC CLAUSA ERIT ET APERIT DNUS DEUS ISRAËL EGRESSUS EST PER EAM. EZECHIEL XL4 NO TRANSIBIT PER EAM 

On trouve cette citation dans le Sermon VII de Saint Augustin In Natali Domini 1  : Porta haec clausa erit et non aperietur, et nemo transit per eam, quia Dominus Deus ipsius Israel ipse intrabit per eam, et exiet, et erit clausa.

version actuelle: Ezechiel 44, 1-3.Et convertit me ad viam portæ sanctuarii exterioris, quæ respiciebat ad orientem: et erat clausa. 2 Et dixit Dominus ad me: Porta hæc clausa erit: non aperietur, et vir non transibit per eam, quoniam Dominus Deus Israël ingressus est per eam: eritque clausa 3 principi. Princeps ipse sedebit in ea, ut comedat panem coram Domino: per viam portæ vestibuli ingredietur, et per viam ejus egredietur.

 Trad Louis Ségond : "Puis l’homme m’a ramené du côté de l’entrée extérieure du sanctuaire qui était orientée vers l’est, mais elle était fermée. Alors l'Eternel m’a dit: «Cette entrée restera fermée. Elle ne s'ouvrira plus et plus personne n'y passera, car l'Eternel, le Dieu d'Israël, est entré par là. Elle restera fermée".

 

Le prophète se détache sur un dais d'un splendide bleu au revers rouge et blanc (verre gravé) soutenu par un ange. Lui-même, à la longue barbe, est coiffé d'un chapeau à gland et à ruban, li est vêtu d'un manteau rouge décoré de feuilles blanches stylisées, et ses épaules sont recouvertes par un scapulaire à glands : tous ces traits soulignent son appartenance au monde hébraïque.

                                   vitrail-jesse 6648c

 

B. Jessé. 

  Jessé est assis sous un dais soutenu par deux anges, et, interrompant sa lecture, il songe, la tête soutenue par la main droite. Il est délicieusement plaisant de découvrir que l'on  peut lire par dessus son épaule et découvrir le texte suivant: "Liber 9 Iesu Xsti fili david, fili abraham, aba/achaz  Quie in ...."

  Le bas de la tunique porte les lettres gravées sur verre rouge I E E, donc IESSE.

Le verre rouge gravé est utilisé pour le dais et pour le manteau.

 

                                                                                                                                                                          vitrail-jesse 6649c

 

C. Le prophète Isaïe (ou Jérémie)

  Homologue de son collègue en prophétie, il porte le même bonnet, le même châle rituel à franges, une aumonière, mais ses chausses et ses bottes sont Renaissance dernier cri.

  — Le galon doré de son manteau porte l'inscription IASIASE PROFETEA.

— Moins visible, l'ourlet du châle porte : HEC ES DIES QVAM : incipit du psaume 117, ou extrait du chant grégorien  Hec (est) Dies, quam fecit Dominum exultemus et laetemur in ea alleluia de l'office de Pâques?

 — Le phylactère indique en écriture gothique :  inscription peinte panneau 1d : QUERITur PECTUm(?) ILLIus ET NOn INVENIETur ISAIE XLII. (les abbréviations sont en petites lettres).

  L'identification de cette citation a été difficile, et je ne trouve que le verset 15 du psaume 9 qui lui corresponde : (Contere brachium peccatoris et maligni ) quaeretur peccatum illius et non invenietur , "Brise le bras du méchant, punis ses iniquités, et qu’il disparaisse à tes yeux !" . Le modèle de cette verrière est-il pris dans un Livre de Psaumes illustré d'enluminure ?

 

 

                                        vitrail-jesse 6650c

 

2. Registre intermédiaire.

     A. Panneaux 3b et 4b : le roi Joatan

— Inscription peinte sur le phylactère : Roy Joatan

                      vitrail-jesse-6652c-copie-1.jpg

 

 B. Panneau 3b : le roi Achaz.

 inscription peinte panneau 3b :

—Phylactère : Rex Achaz .

—Tunique en verre rouge : gravure : texte contradictoire  REX IOSAFAT

— tunique violette :  VIDI FI (LIVS)  


     vitrail-jesse 6652c

 

     C.  Panneau 2c sup. 3c inf. : le roi Josias.

 —inscription peinte panneaux 2c et 3c sur le phylactère: LE ROY JOSIAS

inscription gravée panneau 4c : SV ;

Inscription gravée tunique  de Josias : VOS (à l'envers)

                vitrail-jesse 6653c

 

     D.  Panneau 2d sup./3d inf. : roi Joram.

 inscription peinte panneau 2d :

— phylactère : Joram Roy (ou Rex)

                    vitrail-jesse 6654c

 

 

3. Registre supérieur.


A. Panneaux 3b/4b . David  et Salomon et un roi non nommé.

Inscription peinte  Panneau 3b :

—Phylactère-David rex

 — galon de tunique violette : vidi fi(lius)

 Inscription Panneau 4b

—Phylactère : Rex Salom(on)

      Le roi imberbe qui domine tous les autres n'est pas nommé ; il peut s'agir de  Osias, Ezéchias, Amon ou Jeconiah : je penche pour Ezéchias.

                                       vitrail-jesse 6656c

 

B. Panneau 3c/4c : Vierge et Manessé.

 —inscription peinte panneau 4c : LE ROY MENASSES    

A l'inverse de son père Ézéchias, Manassé fut un roi impie, reconstruisant les temples païens, érigeant un poteau sacré en l'honneur de la déesse Ashéra, offrant son propre fils en sacrifice ; un livre apocryphe l'accuse d'avoir torturé Isaïe en le coupant en deux avec une scie.

 Pourtant l'artiste lui attribue la place la plus proche de la Vierge ; le manteau pourpre le plus large et qui répond à celui de Marie; le camail d'hermines ; et ne lui refuse ni le sceptre ni la couronne.

 

La Vierge est assise sur un trône, sous un pavillon maintenu par deux anges, ce pavillon venant se placer en symétrie de celui de Jessé au panneau 2c.

—armoiries panneau 4c : mi parti, à dextre, d'argent à la bande de gueules chargée de 3 mâcles d'or ; à senestre, d'argent à 3 fasces de gueules.

 Les armoiries d'argent à la bande de gueules chargée de trois macles d'or sont celles des Plessis-Mauron (elles sont alors accompagnées en chef d'un lion de gueules couronné, armé et lampassé d'or).

  

                                    vitrail-jesse 6657v

 

C. Panneaux 3d/4d : Rois Abias, Roboam , Asa et Josaphat.   : 

   inscription peinte panneau 4d :

  —Phylactères : Le Roy Asa, Le Roy Josaphat,

— Sur la tunique verte de Josaphat : REF ou REX...

inscription peinte panneau 3d :

—Phylactères :RO (Y) Abias, ROY Roboam

— sur le col de Roboam : .. MES...  (?)

— Sur le camail d'Abias :, REX BALTAR..

— armoiries panneau 4d : mi parti, à dextre, d'azur à la fasce d'argent et à 3 quintefeuilles de même, au lambel d'or à 3 pendants ; à senestre, d'argent à la bande de gueules chargée de 3 mâcles d'or. 

                                             vitrail-jesse 6659c

 


III. Le tympan.

      Les scènettes représentées sur les ajours du rang inférieur sont les suivantes : l’Annonce à Joachim, la Rencontre à la Porte Dorée, la Naissance de la Vierge et la Présentation au Temple. Les scènettes représentées sur les ajours du second niveau sont les suivantes : le Mariage de Marie et Joseph, la Fuite en Egypte, le Massacre des Innocents et la Circoncision.

 Ainsi se mèlent les scènes de la conception de Marie et de la conception du Christ témoignant d'un argumentaire liè à l'Immaculée Conception et de la conception virginale par Marie et par Anne.

        Il a été largement restauré en 1926-1928 lorsque la verrière a été entièrement restaurée :  les verreries du XIXe siècle ont alors été remplacées par des scènes nouvelles.

 

vitrail-jesse 6666c

 

 

 

vitrail-jesse 6667c

 

 

1. L'annonce à Joachim.

 (L'ange seul est ancien).

  Alors que Joachim, convaincu que la stérilité de son couple est due à son indignité, a quitté son épouse s'est retiré dans la campagne pour garder ses troupeaux, l'ange du Seigneur lui apparaît : ses paroles sont portées par le phylactère    VIDI DNS, PARIET TIBI FILIA.

  Ces paroles sont à rapprocher d'un texte  de l'évangile de Luc où un ange annonce à Élisabeth qu'elle est enceinte du futur Jean Baptiste: Luc 1 :10 : Apparuit autem illi angelus Domini, stans a dextris altaris incensis.Et autem ad illium angelus : ne timeas, Zacharia, quoniam exaudita est deprecatio tua : et uxor tua Elisabeth pariet tibi filium, et vocabis nomen Joanem.

  Dans l'Ecclesiasticum officium secundem ordinem fratrum praedicatorum par Anne-elisabeth Urfels-Capot on trouve la reprise de ces phrases appliquées à Joachim pour lui annoncer que son épouse Anne (frappée par la stérilité) est enceinte d'un fille : Qui dum ad visionem turbaretur angelus timorem illius compescuit dicens : "Noli timere, Joachim. Ego enim sum angelus Domini missus ad te ut annuntiem tibi preces tuas esse exauditas. Videns quippe pudorem tuum et audivit sterilitatis obprobium non recte tibi objectum. Peccati quidem, non nature ultor est Dominus. Crede dilatos diu conceptus et steriles partu mirabiliores esse solere. Proinde Anna uxor tua pariet tibi filiam et vocabis nomen ejus Mariam."

Un texte apocryphe intermédiaire, celui du  proévangile de Jacques et du pseudo-Matthieu, employait les mêmes termes pour décrire l'annonce faite par l'ange à Anne. 

  Mais ces phrases, addressées à Elisabeth, à Joachim ou à Anne, renvoient à la Genèse 17, 19 :  et ait Deus ad Abraham Sarra uxor tua pariet tibi filium vocabisque nomen eius Isaac et constituam pactum meum illi in foedus sempiternum et semini eius post eum.  "Dieu dit : Certainement Sara, ta femme, t’enfantera un fils ; et tu l’appelleras du nom d’Isaac. J’établirai mon alliance avec lui comme une alliance perpétuelle pour sa postérité après lui."

  La naissance miraculeuse du couple agé et stérile de Joachim et Anne est donc associée au rappel de l'Alliance de Yavhé avec Abraham, qui se réalise lorsque celui-ci a 99 ans et que Sarah (90 ans)  accouche d'Isaac.

 

vitrail-jesse 3939c

 

    2.  La rencontre sous la Porte Dorée.


Joachim et Anne, chacun prévenu séparément par un ange de la conception miraculeuse d'Anne et de la naissance proche de Marie, s'ètreignent sous la Porte Dorée de Jérusalem. 

  Cet ajour est du aux restaurateurs.

vitrail-jesse 3940c

 

      3. Naissance de la Vierge.

Refait.

 Le modèle de cette scène se trouve dans de nombreuses Bibles, Légendes Dorées de Jacques de Voragine ou Livres d'Heures et est parfaitement codifié :

  • Anne, coiffée de la guimpe, est couchée, comme toute femme qui vient d'accouchée avant ses relevailles.
  •  Une servante ou une voisine lui présente le brouet traditionnel. Cet espèce de bouillon au lait et au sucre est servi, soit à la jeune épousée le lendemain des noces, soit à l'accouchée comme reconstituant.
  • Une servante ou une sage-femme emmaillote l'enfant après l'avoir baigné dans la cuvette.
  • Joachim, dont le bonnet et la barbe indique son appartenance aux notables juifs de Jérusalem, et dont la canne et les traits du visage (comme ceux d'Anne) soulignent le grand âge qui rend cette naissance inespérée et miraculeuse, est assis au chevet de son épouse et fait un signe d'émerveillement, mais aussi peut-être de reconnaissance et de bénédiction de l'enfant.

vitrail-jesse 3941c

 

 

 4. Présentation au Temple.

      Quelques restaurations seulement.

 

              vitrail-jesse 3942c

 

  5. Le Mariage de Marie et de Joseph.

Refait avec réemploi de quelques pièces anciennes.

 On peut s'étonner de voir représenter le mariage de la Vierge et de Joseph. Mais on trouve cette repreésentation chez les plus grands peintres, comme Giotto à l' Eglise de l'Arena à Padoue (chapelle Scrovegni)sur une fresque datant de 1303-1306.

  Marie et Joseph était "fiancés", et Marie était "promise" ou "réservée", selon les rites du mariage juif qui se fait en deux étapes, Kiddouchine et Nissouine (voir www.mariedenazaret.com):)On lit en effet chez S. Matthieu ( Mt 1,18 )  : " Marie, la mère de Jésus, était fiancée à Joseph. " Et chez S. Luc (Lc 1,26 )  : " L'ange Gabriel fut envoyé à Marie, une vierge fiancée à un homme appelé Joseph. ".

 Les théologiens (St Thomas d'Acquin) estiment aussi qu'ils étaient mariés, en se basant sur le fait que Joseph a pris chez lui Marie

Mt 1,18-25 : "Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus,avait été accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret.Il avait formé ce projet, lorsque l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : «Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus, c’est-à-dire : « le-Seigneur-sauve », car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Tout cela arriva pour que s’accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils,auquel on donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ». Une fois réveillé, Joseph fit comme l'Ange du Seigneur lui avait prescrit: il prit chez lui sa femme; et il ne la connut pas jusqu'au jour où elle enfanta un fils, et il l'appela du nom de Jésus."

 

 Il me reste à comprendre ce que fait  le jeune personnage accroupi derrière Joseph.

 

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      6. La Fuite en Egypte.

Moderne.

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      7. La massacre des Innocents.

      Moderne.

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 8.  La Circoncision.


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vitrail-jesse 6668c

 

      9. L'Assomption.


vitrail-jesse 3943c

 

 

Liens et sources :

topic-topos :

http://fr.topic-topos.com/chapelle-notre-dame-paule

http://fr.topic-topos.com/calvaire-paule

 http://fr.topic-topos.com/vitrail-paule

      Description par l'Inventaire

Site infobretagne http://www.infobretagne.com/paule.htm

Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, Françoise Gatillat et Michel herold, Presses Universitaires de Rennes, 2005 pp 85-86.

 


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Published by jean-yves cordier
20 mai 2013 1 20 /05 /mai /2013 15:36

        Église de Gouesnou : les statues et les bannières.

 

I. Les statues.

A tout seigneur...saint Gouesnou:

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Dieu-le-Père, qui méritait la première place mais qui la cède à son fidèle breton : cela ne nous étonne pas, sa bonté est légendaire.

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Saint Louis, qui rappelle que Brest, port royal, n'est pas loin.

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Saint Nicodème

que j'affectionne comme s'il était mon saint patron (c'est lui qui est à l'origine étymologique du mot nigaud). D'ailleurs, il est orthographié NIGODEME.

 

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II. Les bannières.

 

 

Saint Paul.

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Au verso : Saint Pierre, paroisse de Guipavas.

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Saint Michel.

 

                            statues-et-bannieres 5169c

 

Détail

Sant Mikaël sikourit ac'hanomp.

                     statues-et-bannieres 5170c

 

détail.

 — Armoiries papales de Léon XIII, pape de 1878 à 1903, ce qui fournit la datation de cette bannière.

D'azur au cyprès de sinople planté sur une plaine de même accompagné au francs quartier d'une comète d'or et en pointe de deux fleurs de lys d'argent, à la fasce d'argent brochant sur le tout, devise Lumen in coelo.

—Armoiries de fantaisie de saint Michel avec son attribut, la balance, associée à une croix. Quis ut Deus est la devise de Saint Michel.

— Au centre, armes du duché de Bretagne.

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Bannière de l'ange gardien.


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Vierge de l'Apocalypse.

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Détail.

 Armoiries papales de Pie X, pape de 1903 à 1914

D'azur à l'ancre de sable posée sur une mer d'argent et d'azur accompagnée en chef d'une étoile d'or, au chef d'argent au lion d'or léopardé et ailé, tenant un évangile ouvert de même portant le texte "PAX TIBI MARCE EVANGELISTA MEUS" en lettres de sable. La devise est absente, mais le blason a fait l'objet manifeste d'une restauration.

L'autre blason, sous une couronne, est de fantaisie, mais ses trois épis de blé évoquent les armoiries de Mgr Dubillard François-Virgile Dubillard né le 16.02.1845 à Soye (25), évêque de Quimper de 1899 à 1907, et dont les armes sont : d’azur à trois épis de blé d’or, tigés et à la feuille ployée d’argent

On pourrait alors dater la bannière dans la fourchette 1903-1907.

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Inscription : AVE MARIA STELLA MONSTRA TE ESSE MATREM.

  Détail également du serpent enroulé sur le croissant et foulé par la Vierge.

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Published by jean-yves cordier
19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 18:06

Église de Gouesnou : Inscriptions et armoiries.

 

  J'aime bien les inscriptions ; on l'aura noté. Et bien d'avantage si elle sont gravées dans la pierre d'un édifice sacré, lorsqu'elles créent cette fusion entre Verbe et Matière. Lorsqu'elle m'offrent par surcroît un bel N rétrograde propre à me mettre la cervelle à l'envers, j'adore.

  Aussi, lorsqu'en pénétrant dans le beau porche Renaissance de l'église de Gouesnou, je vis à droite  courir sur la frise la phrase : — DOMVM : DEI : DECET : SANCTITVDO : SPONSVS : EIVS : CHRISTVS : ADORETVR : IN : EA : — 1642 en belle capitale, je m'immobilisais comme un épagneul breton marquant l'arrêt sur un perdreau, et au lieu de rentrer dans la maison du Seigneur, je humais l'air, levais une patte, reculais de deux pas. Là, au pied de ce pilier, il y avait une date, 1640. La fin du règne de Louis XIII, période d'expansion démographique en Bretagne.

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 Mentalement, je me répétais la citation latine,  : Domum dei decet sanctitudo sponsus eius Christus adoretur in ea, qui m'évoquait un verset connu .

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 On y reconnaît en effet un fragment du Psaume 92/93 verset 5 domum tuam decet sanctitudo Domine in longitudine dierum (la sainteté convient à ta maison, ô Éternel, pour toute la durée des temps) mais il s'agit ici  d'une adaptation dès le XIe siècle  du psaume 92:5 sous forme d'un chant grégorien pour la fête de dédicace d'une église, En dedicatione Eccl.(officium dedicationis ecclesia) dans l'Antienne de l'Invitatoire à Matines.

  En d'autres termes, cette phrase est la formule invitatoire "Il convient que soit sanctifiée la maison de Dieu, adorons en elle le Christ son Époux" de la Fête de la Dédicace des Églises le dimanche après l'Octave de la Toussaint.

 

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  Le jeu ne s'arrêtait pas là, car à gauche, je pouvais lire :

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"0 : QVAM : METVENDVS : EST : LOCVS ISTE : VERE : NON : EST : HIC : ALIVD : NISI : DOMVS : DEI : & : PORTA : CELI "

 Cette phrase, O quam metuendus est locus iste! Vere non est hic aliud, nisi domus Dei, et porta caeli je l'avais déjà déchiffrée sur le mur de l'église du Faou : il s'agit, là encore, d'un chant issu d'un antiphoniaire pour le Magnificat ou l'Introït de la Fête de Dédicace des Églises : "Ô combien est redoutable ce lieu : C'est la Maison du Seigneur et la Porte du Ciel."

  Cette phrase est en réalité issue de la Genèse,28:17 dans un passage qui raconte comment Jacob , s'étant arrêté pour se reposer dans la ville de Beth-El (qui en hébreu signifie maison de Dieu ) a eu en rêve la vision d'une échelle allant de la terre au ciel. Au réveil, il a érigé une stèle dans ce lieu consacré par ces mots: "Terribilis est locus iste haec domus Dei est et porta coeli!". Dans notre citation, le mot metuendus est le participe passé avenir de metuo, "je crains", et il signifie "qui est à craindre", mais ici c'est une crainte inspirant le respect. 


  "Jacob partit de Beer-Schéba, et s'en alla à Charan. Il arriva dans un lieu où il passa la nuit; car le soleil était couché. Il y prit une pierre, dont il fit son chevet, et il se coucha dans ce lieu-là. Il eut un songe. Et voici, une échelle était appuyée sur la terre, et son sommet touchait au ciel. Et voici, les anges de Dieu montaient et descendaient par cette échelle.  Et voici, l'Éternel se tenait au-dessus d'elle; et il dit: Je suis l'Éternel, le Dieu d'Abraham, ton père, et le Dieu d'Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je la donnerai à toi et à ta postérité. Ta postérité sera comme la poussière de la terre; tu t'étendras à l'occident et à l'orient, au septentrion et au midi; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi et en ta postérité. Voici, je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai dans ce pays; car je ne t'abandonnerai point, que je n'aie exécuté ce que je te dis. Jacob s'éveilla de son sommeil et il dit: Certainement, l'Éternel est en ce lieu, et moi, je ne le savais pas!   Il eut peur, et dit: Que ce lieu est redoutable! C'est ici la maison de Dieu, c'est ici la porte des cieux! [...]Jacob fit un voeu, en disant: Si Dieu est avec moi et me garde pendant ce voyage que je fais, s'il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir, et si je retourne en paix à la maison de mon père, alors l'Éternel sera mon Dieu; cette pierre, que j'ai dressée pour monument, sera la maison de Dieu; et je te donnerai la dîme de tout ce que tu me donnera.


  C'est ce MET/VENDVS qui m'offrit ce bel N rétrograde :

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 On note d'autres N qui sont orthogrades, ce qui tend à prouver que cette graphie n'est pas due à une dysgraphie du sculpteur, ou, comme on l'a prétendu, à des artisans quasi illettrés qui recopiaient un modèle, un "patron" qui se trouvait inversé, ou encore à un projet ésotérique, mais qu'elle témoigne seulement  du fait qu'au XVIIe siècle, le tracé de la lettre N n'était pas fixé. 

 

 Quoiqu'il en soit, la découverte du sens et de l'origine de ces deux inscriptions m'émeut beaucoup. D'une part, elle montre de la part du commanditaire  une pensée théologique et liturgique très élaborée ; certes, il n'en n'a pas seul le mérite car on retrouve ces citations à l'entrée d'autres sanctuaires, et il a du s'inspirer de quelque publication apte à conseiller les architectes.

   D'autre part, elle rappelle cette notion de "dédicace" d'une église, cette inauguration solennelle qui se rapproche d'un baptême et qui personnifie le bâtiment comme un être vivant mais saint, "l'épouse du Seigneur". Sur le plan théologique, c'est, comme le rappelle alors l'évêque le lieu de la Parole : " Que toujours résonne en cette demeure la Parole de Dieu ; qu’elle vous révèle le Mystère du Christ et opère votre salut dans l'Église".

  Et cette Parole est indissociable de l'Écriture. Si indissociable que lors de la cérémonie, l'alphabet est tracé sur le sol par l'évêque en deux diagonales...qui se croisent sur les lettres M et N. Ces lettres de l'alphabet sont ici des lettres sacrées, littéralement des hiéroglyphes. Toute inscription lapidaire est, par sa pérennité, proche de l'Éternel.

 Enfin, les citations bibliques (Psaume 92 et Genèse 28:17) confère à ces inscriptions du porche de Gouesnou quelque chose qui tient de la familiarité chaleureuse, à droite, et de l'effroi, à gauche. David et sa harpe accompagne nos pas sur le seuil Mais de l'autre coté  l'église est présentée comme une Échelle de Jacob nous menant (un peu par effraction, par irruption dramatique et terrifiante, dans cette sorte d'apothéose fracassante et aveuglante qui est celle de la Transfiguration) vers les Cieux. 




  AUTRES INSCRIPTIONS :


I. Fragments de linteau.

...le : Mr : guillome ...once recteur 1608

Guillome Quell et : Jan : mao :et

fabrique lors

  Un procès-verbal du 7 janvier 1607 conservé aux archives de l'évêché, contient effectivement la mention " Guillaume le Guell et Jean Mao fabrique de la dite église" parmi les paroissiens contributifs à fouage.

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II. Effigie et épitaphe du recteur Touronce (1587-1616).

"Cy gist noble et vénérable personne maistre Guilhome Touronce chanoine de Vannes et Recteur de Saint Gouesnou"

  Le recteur est représenté barbu, en bonnet carré, étole et chape, surplis, et soutane boutonnée. Il est entourée de deux blasons martelés. Jadis, des inscriptions sur les corniches du chœur rappelaient qu'il avait été, avec le conseil de fabrique, le fondateur de l'église : CET . EDIFICE . FVT . FAICT . AV . TEMPS . DE . Mr . G . TOVRONCE . RECT . 1615. et  F . PIELARS . FABRIQVES . E . GVEGVEN . LAN . 1615.

  Le nobiliaire de Pol de Coucy permet de deviner le contenu des blasons en donnant les armoiries de la famille Touronce : De Gueules au chef endanché d'or, qui est à Keraldanet, chargé de trois étoiles de sable , Devise : "A BIEN VIENDRA PAR LA GRÂCE DE DIEU" (source : http://sourdaine.org/03JT_ap.htm) , et de préciser les données :"TOURONCE du Lez, de Kergaznou, de la Haye. Ancienne extraction, Réformation de 1669, dix générations; Réformation et Montres de 1427 à 1534, paroisses de Plouzané, Plouarzel et Guipavas, Evéché de Léon."

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III. Date de 1607.

  Ce très beau décor porte la date la plus précoce de tout l'édifice, alors placée à la porte du transept sud.

 

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   Armoiries.

 

 Prenons un peu de recul pour détendre nos yeux fatigués par l'étude. Le chevet à cinq pans de l'église porte des armoiries ; avant de les examiner, amusons-nous à en regarder les gargouilles.

 

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Gâble du pignon du pan nord-est du chevet.

      Ces premières armoiries sont entourées du collier de l'ordre de Saint-Michel ; ce sont les armes  mi-partie de Goulaine  et de Ploeuc écartelées de Kergolay (vairé d'or et de gueules) : 

  Sébastien de Ploeuc (1585- 1644) et son épouse Marie de Rieux, qui vivaient au château du Breignou en Bourg-Blanc étaient prééminenciers en l'église de Gouesnou. Ils possédaient leur enfeu dans l'église.

  • Sébastien de Ploeuc, chevalier du roi, Marquis de Timeur, baron de Kergorlay était le fils de Vincent de Ploeuc (D'hermine à trois chevrons de gueules) et de Moricette de Goulaine (mi-parti d'Angleterre et de France). 
  • Marie de Rieux était la fille de René de Rieux (1558-1628), chevalier de l'ordre du Roi, marquis de Sourdéac, Gouverneur de Brest, et de Suzanne de Sainte-Mélaine.


 

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      Gâble du pan est.

 

 Armoiries écartelées au 1 et 4 d'azur à 10 besants d'or qui est Rieux, au 2 et 3 de Bretagne, sur le tout, de gueules à deux faces d'or qui est d'Harcourt de René de Rieux de Sourdéac (1588-8 mars 1651), fils de René de Rieux, frère de Marie de Rieux (cf supra), premier abbé commandataire de l'abbaye Notre-Dame de Daoulas de 1600 à 1651, et évêque de Léon.


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Pan sud-ouest.

Armoiries d'argent au chevron de gueules accompagné de trois roses de même de Jacques Rivoalen, seigneur de Mesléan en Gouesnou : il avait épousé en 1645 Louise-Gabrielle de Plœuc, fille de Sébastien de Plœuc et de Marie de Rieux.


 

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Porte monumentale.

Armoirie épiscopales d' Anselme Nouvel de la Flèche (1814-1887).

  moine bénédictin à La Pierre-qui-Vire, évêque de Quimper et de Léon 1887-1892. Charles Nouvel de la Flèche, avocat à Rennes où son père était conseiller à la Cour et Président de la Cour d'Appel, entre en 1838 au séminaire de Saint-Sulpice, devient vicaire général de l'archevêque de Rennes puis, craignant d'être nommé évêque après avoir été remarqué par Napoléon III pour ses compétences, il se retire en 1869 au monastère des bénédictins de la Pierre-qui-Vire sous le nom de dom Anselme. Il est néanmoins nommé par Thiers  évêque de Quimper dès 1872 , mais il vit dans la stricte observance des règles : ne quittant jamais son habit noir bénédictin, il est alors surnommé ar Eskop du, l'Evêque noir. Il fait reconnaître la relique du bras de saint Corentin, réunit les quatre catéchismes bretons et français de Léon, de Tréguier, de Cornouaille et de Vannes, et fonde un couvent de son ordre à Kerbénéat, qui sera à l'origine de l'abbaye de Landevennec.

Mi-parti au 1er les armes de saint Benoît, au 2ème d'argent au pin terrassé d'azur supporté par deux cerfs affrontés de gueules (qui sont Nouvel de la Flèche). Devise In visceribus Jesu Christi.

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Armoiries du calvaire.

 Ce calvaire est présenté par le site topic-topos comme  "provenant de Plougasnou et portant les armoiries des Déléan avec leurs alliances, des Quélen et des Kerret". 

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A droite, je reconnais les armes burelé de gueules sur argent de dix pièces qui est de Quelen, en parti avec, à gauche des armoiries à trois molettes et un chevron : Lorgeril, sr de Kergroaz en 1788 (de gueules au chevron d'hermines, à trois molettes d'or ?) mariage en 1901 Louise de Quelen/Simon de Lorgeril

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 Sainte Marguerite issant du dragon.

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   Armoiries de la fontaine de saint Gouesnou.

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La statue de saint Gouesnou le représente en costume d'évêque, avec mitre et crosse. On y trouve l'écusson de Roland de Neufville, évêque de Léon, de 1562 à 1613 (de gueules à un sautoir de vair). C'est donc le prédecesseur de René de Rieux, et c'est sous son épiscopat que débuta la construction de l'église en 1607.

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Published by jean-yves cordier
19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 17:16

Les vitraux de Jacques Le Chevallier en l'église de Gouesnou (2) : les autres vitraux.

 

Suite de :  L'arbre de Jessé de l'église de Gouesnou .


I. La Maîtresse-vitre : la Passion (1970).


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 Ce vitrail se compose de trois lancettes de huit panneaux chacune et d'un tympan de cinq soufflets et quatre écoinçons : cette baie date de 1605-1615. Elle était dès le XVIIe siècle consacré à la Passion. Dans une dominante rouge très fidèle aux ciels rouges des Passions du Finistère, on reconnaît de haut en bas  la Crucifixion avec Marie, Jean et Marie-Madeleine au pied de la Croix, scène surmontée de la lune, du soleil et de la colombe de l'Esprit ; la Flagellation , et Pilate se lavant les mains face au Christ ; l'Agonie au Mont des Oliviers au centre, l'arrestation de Jésus (saint-Pierre levant le glaive sur le serviteur du grand-prêtre) et le reniement de saint Pierre. 

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II. Les vitraux non-figuratifs du Chœur.

 Trois lancettes de huit panneaux, et un tympan de cinq mouchettes et trois écoinçons. Sur un fond blanc "grillagé" par le réseau de plomb montent, comme les notes d'une œuvre de Bach des rectangles polychromes. Bach ou pas, difficile de ne pas percevoir la musicalité de ce jeu (réellement ludique) de lumière et de couleurs.

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III. Les quatre évangélistes.

 Transept nord : Baie de quatre lancettes de cinq panneaux, tympan de sept mouchettes et quatre écoinçons. On retrouve ici l'organisation choisie pour l'Arbre de Jessé qui lui fait symétrie au transept sud : sur un fond blanc, les personnages et leurs attributs se détachent sur un cadre-colonne de rectangles colorés. On retrouve aussi les épais cernes noirs, et les hachures rythmant la grisaille. Successivement Matthieu et l'Ange, Jean et l'Aigle, Luc et le Taureau, Marc et le Lion, chaque terme du Tétramorphe tenant un blason où figure une croix. 

 

 

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IV. Baie non figurative.

 Baie 3 qui reprend l'organisation en trois colonnes polychromatiques des deux baies du chœur.

             vitraux 5145c

 

Ne manquez pas 

Le blog de Jopic sur le patrimoine de Gouesnou : nombreuses photographies; photographie des vitraux avant la destruction de l'église ; restauration des vitraux (Jessé et Evangélistes) par l'Atelier Sainte-Marie  en 2010 après vandalisme.

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Published by jean-yves cordier
19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 17:15

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Vitré.

http://insitu.revues.org/7052

   Les vitraux des deux bras du transept sont de Joseph Chauvel peintre-verrier de Vitré, et datent de 1868-1870. Joseph Chauvel actif en Ille-et-Vilaine a aussi exécuté les verrières de  Campel, Domalain, Erbrée, Marpiré, Montautour, Mécé, Nouvoitou, Gennes-sur-Seiche etc...

  Si la baie du transept nord est consacrée au Rosaire, celui du transept sud propose une version XIXe siècle de l'Arbre de Jessé.

  Cinq lancettes de sept panneaux chacune et un tympan de neuf ajours et quatorze écoinçons. Les lancettes sont structurées en un axe vertical faisant se succéder de bas en haut Jessé, son fils David, puis Salomon fils de David, puis la Vierge tenant l'Enfant-Jésus. Une organisation horizontale se construit, elle, en trois registres : celui du bas qui occupe dix panneaux présente Jessé entouré des deux rois de Juda Roboam et Josaphat ; puis le registre moyen de dix panneaux présente six rois de Juda :  David et Salomon au centre, Ézéchias et Jéchonias à leur droite, et Joram et Joatan à leur gauche.  Enfin le registre supérieur  montre les deux derniers rois de Juda Manassés et Josias entourant Joseph et Jacob, avec, au centre la Vierge couronnée et l'Enfant.

  Huit personnages trouvent place dans le tympan, entre deux anges : encadrant Dieu le Père et le Christ de Gloire, on trouve, entre autre, Moïse et Isaïe.

  Loin d'être une imitation des nombreux vitraux du XVIe siècle consacrés à ce thème, il s'agit d'un bel exemple de l'art religieux du XIXe siècle, avec son académisme et ses poncifs, l'influence des scènes d'histoire qui triomphent aux Salons, ses rois hébreux à la poitrine ou aux bras volontiers dénudés et musculeux comme ceux des romains ou des gaulois à la mode, sa fausse précision dans les costumes ou les bijoux (bracelets de bras ou de cheville, casques détaillés comme des pièces de musée) et son souci de reconstitution ou de couleur locale, ses détails ses encadrements néo-gothiques, ses visages fortement personnalisés et et ses curiosités comme la représentation de Manasses avec glaive et bouclier comme un Vercingetorix juif.

  Outre l'étude des caractéristiques de l'art religieux de la fin du Troisième Empire, ce vitrail permet de découvrir deux particularités iconographiques, la présence de Jacob et celle de saint Joseph. Ces dernières, qui ont sans-doute été conseillées ou imposées par un commanditaire féru de théologie, sont parfaitement logiques et fidèles au texte de l'évangile de Matthieu 1 :16 sur la généalogie de Jésus : après avoir énuméré les ancêtres du Christ depuis Abraham jusqu'à Jessé, depuis David jusqu'à Jéchonias, et depuis Salathiel jusqu'à Matthan, qui engendra Jacob, le verset 16 énonce : Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est appelé Christ Ce Jacob du vitrail n'est donc pas le Patriarche, mais le père de Joseph le menuisier.

  Absent des Arbres de Jessé du XI au XIIIe siècle, saint Joseph y apparaît au XIXe siècle dans le cadre de la montée en puissance de son culte au fil du siècle. En 1847, Pie IX institue l’Association de son Culte perpétuel, puis le proclame patron de l’Église universelle le 8 décembre 1870.

 

  Le coté trop bien réalisé, trop travaillé, l'érudition trop pédante (Salomon tenant en main le plan du Temple de Jérusalem), l'effort d'imitation trop servile des œuvres du passé, font obstacle à une admiration enthousiaste pour ce type de vitrail, alors que la patine altérant les verres, les fractures réitérées multipliant les plombs de casse, les maladresses, les cocasseries et hasards des restaurations, les pièces absentes et le non-finito qu'elles entraînent, le rébus des inscriptions à demi effacées, font des vitraux du Moyen-Âge et de la Renaissance des objets  fascinants car énigmatiques.  Qui sait si, fracassé ou rongé par les acides de la pollution ou des flores organiques, ce vitrail de Chauvel ne nous reviendrait pas métamorphosé par une souffrance rédemptrice ?


 

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Registre inférieur.

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Registre moyen.


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Registre supérieur.

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Published by jean-yves cordier
19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 11:37

             Le vitrail de l'arbre de Jessé

  de Jacques le Chevallier à l'église de Gouesnou.

                                                                                  A mon ami Dominique.  

Vitraux contemporains : voir aussi :

 

Manessier à Locronan, 

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-de-manessier-a-locronan-chapelle-de-bonne-nouvelle-103071184.html

 Bazaine  à La Madeleine de Penmarc'h :

http://www.lavieb-aile.com/article-chapelle-de-la-madeleine-a-penmarc-h-les-vitraux-de-jean-bazaine-104010551.html

ou tout simplement les vitraux de Saint-Louis à Brest :

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-de-l-eglise-saint-louis-de-brest-103429661.html

Gérard Lardeur à Langonnet :

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-de-gerard-lareur-a-langonnet-104407243.html

ou Gérard Lardeur à Saint-Sauveur :

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-contemporains-de-saint-sauveur-finistere-90229755.html

 

 L'arbre de Jessé (1970).

  C'est l'un des rares vitraux contemporains et figuratifs consacrés au thème de l'Arbre de Jessé. Louis-René Petit avait traité ce thème sur un mode non figuratif à Saint-Jean-du-Doigt :  Les vitraux de Louis-René Petit à Saint-Jean-du-Doigt (29). Jacques le Chevallier lui-même l'avait déjà traité à Granville en 1954 pour l'église Notre-Dame, et il est très intéressant de voir les ressemblances et les différences entre les deux œuvres : voir sur le très beau site vitrail-ndoduc.com

  Un tympan de sept ajours et trois écoinçons coiffe quatre lancettes de cinq panneaux chacune ; il est possible de discerner deux registres.

  Dans le registre inférieur (4 panneaux), Jessé est à demi étendu, dans un long manteau rouge ; bizarrement pour ce propriétaire de troupeaux, il porte les insignes régaliens de la couronne et du sceptre. Ses yeux semblent clos.

   A ses pieds se trouve un rouleau de parchemin ; et, sur ce vitrail qui ne comporte aucune inscription, ce parchemin occupe la place de l'inscription "Un rejeton sort du tronc de Jessé, une fleur pousse de ses racines et l'esprit du Seigneur est en joie. Isaïe 11,4". Les citations d'Isaïe ou de Jérémie, voire de Matthieu 1 :1-17 sont implicitement placées dans ce rouleau aux mots invisibles, mais, par l'intermédiaire d'un rectangle violet qui crée un lien avec le déploiement de l'arborescence généalogique, les douze rois de Juda, la Vierge et l'Enfant "issu de la race de David" semblent naître tout autant des Écritures prophétique que du ventre de Jessé et du tronc qui en émerge.

 

 Dans le registre supérieur (seize panneaux), on voit peut-être d'abord les deux taches rouges des manteaux royaux, répondant en filiation à celui de Jessé, et le bleu du manteau de la Vierge. Marie et son Enfant occupe les quatre panneaux de la seconde lancette, encadrée par cinq rois de Juda ; parmi ceux-ci, seul David est identifiable par sa harpe. Salomon, Roboam, Abia,  Asa, Josaphat et les autres sont représentés symboliquement par ces rois de carte à jouer posés sur des feuilles de l'arbre de Jessé.

      On retrouvera ces feuilles sous les pieds de Marie. 

  Le tympan renferme trois éléments hébraïques : le chandelier à sept branches ou Ménorah, les tables de la Loi reçues par Moïse (déjà présent à Granville), et l'étoile de David. Cela exprime l'une des significations théologiques de l'arbre de Jessé, la réalisation par le Christ des valeurs anté-testamentaires.

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 Un examen rapproché permet de se rendre compte de quelques éléments techniques : travail des plombs en ligne brisée; effets d'ombrage par des hachures dont l'épaisseur, la taille, le rapprochement varie, et qui semblent réalisés par "enlevé" sur un fond de grisaille ; cernage des contours des motifs par des plombs épais ou par un renfort de grisaille. réseau de verres bleus et violets (en partie basse), rouge et vieux-rose (en partie haute) servant de cadres aux motifs eux-mêmes, sans altérer la clarté du fond qui reste principalement blanc et participe tant à l'éclairage qu'à l'illumination de l'église.

 

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  En conclusion, il est très plaisant de voir le thème qui parcourt toute l'histoire du vitrail chrétien depuis Suger à Saint-Denis être illustré dans le dernier tiers du XXe siècle dans une parfaite fidélité de l'iconographie, un réel souci de culte marial et une belle innovation technique.

  Plutôt que de reproduire ici ce qu'on peut trouver ailleurs, j'indique les sites dont la lecture m'a été indispensable.

 

   Sources et liens :

  — Le blog de Jopic consacré au patrimoine de Gouesnou:  décrit l'histoire de la réalisation de ces vitraux.

  — Le blog de Jean-Pierre Le Bihan , maître-verrier de Quimper qui a posé les vitraux, et les a restauré en 1982, donne l'état des vitraux pré-existants, avant leur destruction pendant la Seconde Guerre Mondiale.

  — Biographie et analyse artistique de Jacques Le Chevallier (1896-1987) et de son atelier de Fontenay-aux-Roses sur le site de Notre-Dame de Paris. Je soulignerai seulement son rôle dans le grand mouvement de renouveau de l'Art Sacré, et notamment sa participation à l'organisation avec Maurice Rocher du Centre d'Art Sacré. Maurice Rocher était l'un des derniers élèves de Maurice Denis et on peut voir ses vitraux à l'église Saint-Louis de Brest : Les vitraux de l'église Saint-Louis de Brest : 2) commentaires.

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • jean-yves cordier
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

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