Le porche sud (second atelier du Folgoët, granite et kersanton polychrome, vers 1500-1510) de l'église de Plourac'h (22) et ses Apôtres.
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Sur Plourac'h, voir :
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Le tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22)
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Les sablières figurées (Olivier Laucet, vers 1500-1506) de la charpente de l'église de Plourac'h.
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PRÉSENTATION.
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Le premier atelier ducal du Folgoët (1423-1468) a mené à bien, sous le mécénat du duc Jean V et de ses successeurs, les chantiers de la collégiale du Folgoët (porche vers 1423-1433), de la cathédrale de Quimper (porche sud et portail ouest, 1424-1442), du Kreisker de Saint-Pol-de-Léon (porche entre 1436 et 1472), de Notre-Dame-des-Portes de Châteauneuf-du-Faou (1438), de Kernascléden (porches vers 1433-1464), de l'église Notre-Dame de Quimperlé (porche nord 1420-1450), ainsi que les porches en kersanton de La Martyre (vers 1450 et 1468) et de Rumengol (vers 1470).
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Le second atelier du Folgoët, ou "atelier des enfants" réalisa, avec moins de souplesse et de grâce que le premier Maître, deux porches assez identiques, celui de Plourac'h vers 1458-1488 ou 1500-1510 et celui de Saint-Herbot entre 1498 et 1509. Ils sont tous les deux en granite pour l'architecture et en kersanton pour les statues, notamment des Apôtres. Comme celui de La Martyre, ils constituent à eux seuls des petites chapelles, voûtés d'ogives, aux solides contreforts et disposant de salle d'archives à l'étage.
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— Sur la chapelle Saint-Herbot, voir :
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À Plourac'h, un registre de paroisse (non daté mais assez tardif, cité par R. Couffon, folio 42°) affirme ce lien familial entre les deux Ateliers en indiquant que "François du Méné, chambellan du duc François II, entreprit de faire bâtir le beau porche de Plourac'h avec les enfants du célèbre maître qui construisit la merveille du Folgoat". On prendra cette allégation dépourvue de sources avec prudence, puisque ce François du Méné ne figure pas dans la liste (non exhaustive) des chambellans de François II.
Le mécénat des ducs de Bretagne est attesté par les armes d'Anne de Bretagne sur le tympan de la baie 3 (vers 1500-1506).
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Datation.
a) La datation proposée par E. Le Seac'h semble se fonder sur l'inscription d'un entrait de la chapelle nord, datant la charpente en l'an 1500 (pour d'autres, en 1506) sur commande de Charles Clévédé (cf. article sur les sablières), puisque l'inscription de fondation du porche est à demi-martelée, et qu'elle n'a pu la lire ni l'interpréter. Pourtant, elle écrit "Le porche de Plourac'h est donc à dater entre 1458 et 1488."
b) Néanmoins, le pied du bénitier de l'angle nord-est du porche est une colonnette sculptée en nid d'abeille, motif qui, selon Parvis-Hermon, n'est présent dans l'art breton que peu après 1510. Les exemples de motif en nid d'abeille cités par Couffon 1952 sont plus tardifs, sur le calvaire de Confort-Meilars, le porche de la chapelle de Saint-Germain de Plogastel-Saint-Germain. On trouve ces colonnettes sous le porche sud de Lampaul-Guimiliau (1533), sur la porte sud (1541) de la chapelle de Ty Mamm Doué de Quimper, au dessus de la porte ouest de l'église de Brasparts (1541) ou sur le porche de Landivisiau (1554-1565)., sur la porte de la chapelle Saint-Nicodème de Ploéven (1592) ou de la chapelle Saint-Vendal de Douarnenez (1592).
Le dossier de l'Inventaire rédigé par Pavis-Hermon en reprenant les conclusions de sa notice IA0000 3364-01 indique : "édifice de la première moitié du XVe siècle. Chapelle orientale et porche du début du premier quart du XVIe siècle". On négligera le dossier PA00089517 de la base Mérimée (1992), très peu fiable, et qui indique que "les fenêtres flamboyantes et le porche sont du XVe siècle".
c) Si les armoiries du gable sont celles des Clévédé, cela ne permet pas de préciser mieux la datation, puisque Charles Clévédé est présent à la montre de 1481 en Cornouaille, "homme d'armes à deux chevaux pour la selle" et représentant Henry du Dresnay. Il est accompagné de Jehan et Guillaume Clévédé, archers en brigandine. (Tudchentil). Ces derniers sont peut-être les fils de Charles, qui se serait marié vers 1461. Il est décédé en 1531, date à laquelle sa veuve Marie de Pestivien rend aveu comme tutrice de son fils. Jean Clévédé sieur de Guerlesquet représente Plourac'h à la Réformation de 1536 (Tudchentil).
d) Un autre élément de datation est la proximité du porche de Plourac'h avec celui de la chapelle de Saint-Herbot. Or, le début de la construction de ce dernier est clairement daté par inscription de 1498. La date de fin en 1509 était portée sur le phylactère d'un ange. Le chantier aurait duré onze ans.
Si le chantier de Plourac'h a eu la même durée et s'est achevé avec le bénitier à nid d'abeilles, nous aurions une datation, reprenant la proposition de Parvis -Hermon (début du premier quart du XVIe siècle), de 1500-1510.
À la différence de Saint-Herbot, nous ne trouvons pas ici la devise des ducs de Bretagne A ma Vie.
En conclusion, j'adopte la datation suivante : "vers 1500-1510". Anne de Bretagne est alors reine de France depuis 1491, elle décède en 1514.
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Restauration.
L'ensemble du porche et ses statues ont été analysés et restaurés en 2017 (étude) et 2020 par Arthema Restauration sous le suivi du SDAP des Côtes d'Armor et de l'architecte des bâtiments de France madame Véronique André, avec dépoussiérage de la polychromie pulvérulente, nettoyage précautionneux des mousses, des lichens et des algues (chlorophycées), fixation des écailles de peinture. Les analyses stratigraphiques en laboratoire ont été confiées au CARAA.
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I. L'EXTÉRIEUR DU PORCHE .
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Le porche sud, de plan carré, est construit au droit des troisième et quatrième travées
L'arc brisé de l'entrée est plus resserré qu'à Saint-Herbot ; les piédroits et voussures sont sculptés de deux rangs de feuilles d'acanthe, et complétés d'une accolade et de pinacles. Au dessus du fleuron, on voit la fenêtre à épaisses grilles de la salle d'archives de la fabrique, et accessible par l'escalier d'une tourelle circulaire latérale (angle sud-ouest), et plus haut encore, la trace d'un complexe héraldique hélas soigneusement martelé et dans lequel on a suggéré de voir les deux lions affrontés autour d'une lance des seigneurs de Clévédé, fondateurs de la chapelle nord en 1500-1506. À droite de ce complexe se voit une pierre portant un écu martelé.
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Les rampants du pignon sont à crochets, et amortis de deux crossettes.
La crossette de droite représente un homme, souriant, en tenue noble de l'époque (bonnet, cheveux bouclés sur les épaules, tunique longue serrée par une cordelière), dont les mains tiennent peut-être un cor ou un parchemin. Pavis-Hermon y voyait peut-être un calice d''où émerge un dragon", ce qui pourrait en faire un saint Jean ; mais les saints ne sont jamais représentés sur les crossettes.
La crossette de gauche représente un animal ailé, peut-être un dragon.
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Les moulures du porche extérieur.
Le décor est bien moins développé qu'à Saint-Herbot.
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II. L'INTÉRIEUR DU PORCHE : LE MUR NORD : LA PORTE ET LE TYMPAN .
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La porte ogivale est encadrée de deux moulures à rinceaux (naissant, comme dans tous les porches de cet Atelier de la gueule d'animaux), encadrée de pinacles et soulignée d'un arc en accolade à choux frisés, conduisant au culot très ouvragé d'une niche. Celle-ci, encadrée de pinacles et couronnée d'un dais gothique, abrite une belle Vierge à l'Enfant en kersanton polychrome du XVIe siècle.
On lit sur la porte en bois, qui serait d'origine, les mots Domus Dei, Porta Coeli (Maison de Dieu, Porte du Ciel) sous deux anges en prière entourant à gauche le Christ et à droite St Jean-Baptiste, patron de l'église ; en dessous sont sculptés des motifs en plis de serviette.
Les statues en kersanton de deux des quatre évangélistes l'entourent, saint Marc à gauche avec son lion et saint Luc à droite avec son taureau. Ils tiennent la plume, portent l'encrier et le plumier.
Pour E. Le Seac'h, les trois statues ne sont pas de la même main que les statues des apôtres et leur sont postérieures.
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Bien que la proximité du porche de Plourac'h avec celui de Saint-Herbot ait été souligné, les différences sont nombreuses et importantes ; l'influence du mécénat ducal et du style du premier atelier du Folgoët est moins net. Et le mur nord, qui n'a pas ici les portes jumelles et le bénitier du trumeau, est dédié à la Vierge et non au saint patron du lieu.
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L'inscription de fondation (granite).
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Cette pierre a été buchée sur toute sa moitié gauche ; et son extrémité droite a été retaillée (pierre de réemploi ?). Ce qui subsiste est écrit en lettres gothiques, perlées, aux fûts bifides (les V), et à empattement triangulaire. Le O est tracé en (). Les branches des V sont réunies par un ^ ou un o .
Mais hélas, elle est indéchiffrable, même à éclairage frisant ou après estampage:
--- VXLLOV
---] : XIXOV
---XQVE
Ou bien, car tant de lettres X incitent à les lire comme des I bifides et perlés
---VILLOV
---J: ILIOV
--- IQVE
Le dernier mot pourrait être la fin de "FABRIQUE"
Pavis-Hermon avait lu ceci :
---VILLON
---:NOV
---IQVE
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La Vierge à l'Enfant, kersanton polychrome, début XVIe siècle.
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La statue occupe une niche hexagonale à dais, à voûte nervurée, construite par deux pinacles engagés appuyés sur un ange et un lion. On discerne sur le dais des traces d'ocre (bouche-pore à la chaux), et de plusieurs couches de peinture à l'huile avec traces d'orange foncé ( ou brun-rouge) et de bleu clair.
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Cette statue mesure 127 cm de haut. La Vierge est couronnée, ses longs cheveux sont regroupés derrière la nuque par un voile occipital typique de la statuaire finistérienne du XVIe siècle, puis les méches recouvrent ses épaules. La couronne à fleurons et perles était dorée, et rouge vermillon. Le visage est rond, le front et les sourires épilés, la bouche rouge petite au dessus d'un petit menton rond. Les yeux regardant le spectateur sont sombres (mais avec des traces de bleu). La face est couverte d'une carnation rose, les cheveux étaient dorés, le voile était également doré mais est jaune pâle.
La robe à décolleté carré était rouge, serrée par une ceinture d'étoffe jaune nouée. Un pan est retroussé et fixé au poignet gauche, formant des plis en V. Les manches sont larges. Le décolleté dévoile une chemise fine, à petits plis, perlée à l'encolure, et un collier (ou l'attache du manteau).
Le manteau est largement ouvert, il est vert-brun avec des parties rouge vermillon et bleu selon l'usure des couches. Il forme de vastes plis du côté gauche.
La main et l'avant-bras droit sont absents : la Vierge tendait peut-être un objet (fruit) à son Fils.
L'Enfant en tunique longue, à cheveux bouclés, est assis jambes croisées sur le bras de sa Mère et est tourné vers elle, sans échange de regards. Sa main droite est posée sur sa poitrine tandis qu'il tient, en enfant sauveur, le globe du Monde dans la main gauche.
La statue a reçu une préparation "bouche pore" ocre jaune, puis plusieurs couches de peinture à l'huile plus ou moins écaillées mais remarquablement restaurées.
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À ses pieds, deux anges ou enfants de chœur, joufflus, vêtus d'une tunique dorée, présentent un cube (un écu à la pointe abrasée ?) sculpté en bas-relief d'un calice : donation d'un prêtre ?
Les anges aux cheveux bouclés (or sur mixion jaune) ont un visage proche de celui de la Vierge, à la carnation identique (couches de blanc et rose).
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Saint Marc évangéliste à gauche (kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle).
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On remarque que malgré la restauration récente, et malgré les précautions prises (fils tendus), le haut de la statue est couvert de fientes.
Le saint, identifié par son lion, tient dans un geste délicat le livre ouvert de son évangile, et y pose le stylet de son travail d'écrivain, tandis que le plumier oblong et l'encrier rond sont suspendus à sa ceinture.
Il est coiffé d'un chapeau à larges bords de forme carrée évoquant la coiffure des docteurs médiévaux. La carnation rose est préservée.
Il porte un manteau attaché sous la gorge, au pan gauche retroussé vers la ceinture.
Le plissé de la robe ou cotte est modelé par l'avancée du genou droit. Cette cotte était rouge sur couche ocre ; elle laisse voir l'extrémité des chaussures.
Le lion , qui enjambe la chaussure gauche, est finement représenté, d'allure vive, et montrant les dents. Comme c'est l'usage, la queue passe entre les jambes et fait retour sur le dos pour y étaler son fouet à trois méches.
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Saint Luc évangéliste à droite (kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle).
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Il est déjà bien arrosé de fientes.
Il a perdu presque toute sa polychromie, sauf au bas de la cotte ocre rouge.
Il porte le même chapeau de type "bonnet carré", la même cotte talaire, le même manteau (mais c'est le pan droit qui vient se fixer sur la ceinture), le même encrier et le même plumier.
Mais il tient son livre fermé (reliure à fermoir) tandis qu'il laisse une banderole se dérouler jusqu'au sol. L'inscription qui devait y être peinte n'est plus visible.
Comme le lion de Marc, le taureau pointe ses cornes au dessus de la chaussure gauche de son maître.
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La voûte.
Le porche est voûté d’ogives, avec en clé de voûte des armes non identifiées. La partie droite est ocre rouge, la partie gauche ocre jaune, et les restaurateurs ont pu y discerner dans les voûtains quelques tracés attestant d'une fresque : un Christ en croix sur la gauche avec à ses côtés la Vierge et saint Jean, et plus haut un diable. Ou des personnages dans une barque (pêche miraculeuse ?), ou un personnage avec un drapeau. Et probablement une mise au tomneau et un Noli me tangere.
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Le bénitier à la colonnette en nid d'abeille.
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II. L'INTÉRIEUR DU PORCHE : LES SIX APÔTRES DU CÔTÉ DROIT .
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1°) Un Credo apostolique.
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La présence dans ce porche, comme dans ceux réalisés par le Premier atelier du Folgoët, des douze Apôtres n'est pas ornementale : elle affirme pour le fidèle qui s'apprête à entrer dans l'église, les vérités dogmatiques de sa Foi, réunies dans les douze articles du Credo.
Le texte de ces douze articles, chacun confié à un apôtre dans un ordre assez bien établi par la tradition, ne sont presque plus visibles puisqu'ils étaient peints sur le phylactère qu'ils ont soin de présenter, alors qu'à Saint-Herbot, ils sont sculptés et bien lisibles, et en outre, le nom des apôtres est sculpté sur le socle.
Néanmoins, c'est bien ce texte désormais invisible du Credo qui s'affirmait ici avec solennité.
Comme nous ne pouvons plus déchiffrer les textes (bien que des traces des écritures en gothique subsistent), et comme les statues ont pu être déplacées lors de restaurations des siècles passés, et enfin comme les apôtres ne portent pas , sauf les quatre premiers, d'attribut distinctif, nous ne pouvons être certain de leur identité, sauf à postuler d'une part que les statues sont encore dans leur ordre initial, et d'autre part qu'elles suivent la séquence utilisée à Saint-Herbot.
Rappel :
La séquence suivie à Saint-Herbot est celle du Canon romain, Pierre-André-Jacques-Jean-Thomas-Jacques-Philippe-Barthélémy-Matthieu-Jude-Simon-Matthias, modifiée selon l'ordre courant où la même succession se termine par Simon-Jude-Matthias.
Cet ordre, et l'attribution des articles du Credo, obéit à celui établit par le Sermon du Pseudo-Augustin : Sermo CCXLI De symbolo, P.L. 39 col; 2190 ; C'est aussi l'ordre du Speculum Theologiae ou Verger de Soulas du XIIIe siècle, Bnf Fr 9220 folio 13v ; des Grandes heures du duc de Berry (1409) folio 1r à 6v ; du Psautier de Jean de Berry, BNF latin 13091, dont les enluminures sont dues à André Beauneveu en 1380-1400 .
Le texte des phylactères est celui du Symbole des Apôtres (Credo in Deum), qu'on ne confondra pas avec le Credo, ou Symbole de Nicée (Credo in unum Deum), récité lors de la messe.
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1. Pierre. Clef. Credo in Deum Patrem omnipotentem, Creatorem celi et terre.
2. André. Croix de saint-André. Et in Ihesum Christum, Filium eius unicum, Dominum nostrum
3. Jacques le Majeur. Bourdon, chapeau, besace. qui conceptus est de Spiritu Sancto, natus ex Maria Virgine.
4. Jean. Coupe de poison. passus sub pontio pilato, crucifixus, mortuus, et sepultus.
5. Thomas . descendit ad inferna, tertia die resurrexit a mortuis,
6. Jacques le Mineur. ascendit ad celos, sedet ad dexteram Dei Patris omnipotentis.
7. Philippe. inde venturus iudicare vivos et mortuos.
8. Barthélémy. Coutelas. Credo in Spiritum Sanctum
9.Matthieu. sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum communionem .
10. Simon. remissionem peccatorum.
11. Jude Thaddée. carnis resurrectionem
12. Mathias. vitam eternam. Amen
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Mais au moment où se construit le porche de Plourac'h, des éditions imprimées successives du Calendrier des Bergers sont publiées (sept éditions entre 1491 et 1508), diffusant les gravures des apôtres avec leur attribut et le texte du Symbole des apôtres en français, non sans variations.
Pour ne rien simplifier, nous pouvons comparer ce porche de Plourac'h à celui de Notre-Dame de Larmor à Larmor-Plage : débuté en 1491, achevé en 1552, il aligne douze statues d'apôtres de 1518 en tuffeau, aux inscriptions de phylactères sculptées, dans l'ordre Pierre, André, Jacques le majeur, Jean, Philippe (tenant lacroix) Mathieu, Barthélémy ( couteau), Jude Thaddée, Thomas, Jacques le mineur, Simon, Mathias.
Les articles consacrés à ce thème sont très nombreux dans ce blog : le premier d'entre eux (Quemper-Guezennec) l'explore tout particulièrement. La plupart des porches bretons possèdent leurs séries de niches aux apôtres, deux calvaires sont structurés sur ce Credo, et plusieurs verrières de France y sont consacrées.
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2°) Description.
Tous les apôtres sont pieds nus, tous sont barbus sauf Jean, tous tienent un phylactère, presque tous tiennent un livre (rappel du Livre des Apôtres) mais chaque livre est différent ou tenu différemment.
Toutes les statues sont en kersanton et conservent leur polychromie écaillée, où on retrouve le bouche-pore ocre-jaune et ocre rouge constaté sur le porche, et les différentes couches de décors peints à l'huile, très lacunaire, persistant dans les creux des plis. D'un apôtre à l'autre, la palette se modifie et crée autour de quatre couleurs majeures une diversité, avec une dominance rouge pour le manteau, tandis que les carnations sont identiques, rose et blanche, tout comme barbes et cheveux (Sienne brûlée). La présence de dorure a été retrouvée par les restaurateurs d'Arthema, sur certains endroits du manteau en faible quantité. Les carnations sont affectées par un fort repeint. Ailleurs, les différentes couches de peinture superposent plusieurs couleurs de différentes époques.
"Ils ont le même visage allongé, des yeux en amande soulignés d'une petite paupière inférieure et d'une paupière supérieure plus large. Les cheveux longs sont séparés en stries ondulantes avec parfois des mèches bouclées sur le haut du crâne.
Les robes présentent les mêmes plis variés et sont aussi bloussantes par dessus la ceinture." (Le Seac'h)
Les barbes sont toutes convexes.
Lors de la restauration, deux mains portant des livres (dont celles de la sixième statue), et le haut du bâton de saint Jacques ont été retrouvés, et remis en place par collage (Arthema).
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1. Saint Pierre et sa clef. Kersanton, rares traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Saint Pierre s'identifie par sa clef, mais aussi par le "toupet", les ilots de cheveux échappant à sa calvitie fronto-temporale. Sa barbe est plus courte qu'à Saint-Herbot. Sa clef est imposante, avec son anneau losangique (il est en cœur à Saint-Herbot). Il porte un manteau mi-long, une cotte talaire fermée par un bouton, et une chemise.
Un blason muet est placé à côté de son pied gauche.
Son dais (cf. infra) est orné d'un petit personnage de face.
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2. Saint André et sa croix en X. Kersanton, rares traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Sa croix est habilement incurvée pour se modeler au corps. Son front est également doté d'un "toupet" en cornes. Il ne tient pas de livre. Tous ces détails se retrouvent à Saint-Herbot.
La barbe est longue, peignée en mèches aux extrémités bouclées.
Le pan du manteau est retenu par la main gauche. La cotte talaire est serrée par une ceinture dont la boucle est figurée ; cette cotte s'ouvre devant la poitrine en deux revers éfilés.
Polychromie : traces de blanc sur la carnation, de bleu et de rouge.
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3. Saint Jacques le Majeur et sa tenue de pèlerin. Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Il porte le chapeau des pèlerins de Compostelle à larges bords et frappé de trois coquilles (insignes de pèlerinage), la besace portant des coquilles et soutenue par un baudrier à coquilles, et le bourdon (brisé entre le nœud et la boule sommitale) à extrémité pointue. Il est revêtu d'une cotte talaire et d'une pèlerine à type de blouse plissée, à larges manches, et descendant au dessous des genoux.
Les cheveux sont longs, la barbe peignée de mèches bouclées à l'extrémité.
Le visage a conservé sa carnation rose presque complète. La cotte était rouge sur une couche rose.
Les différents détails d'équipement se retrouvent à Saint-Herbot, mais s'organisent différemment (bourdon à droite, besace à gauche, pèlerine ouverte devant la poitrine).
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4. Saint Jean et la coupe de poison d'où émerge un dragon.Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Saint Jean est imberbe, avec des cheveux bouclés n'atteignant pas les épaules. Il porte un manteau fermé par un bouton et dont un pan est retenu par la ceinture (boucle à ardillon et passant), et la cotte talaire.
Il trace un geste de bénédiction de la main droite sur la coupe de poison dont un dragon émerge pour en signaler la malignité.
Le phylactère est replié à ses pieds.
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Les traces de polychromie indiquent que les cheveux étaient dorés, la carnation rose et le mateau rouge.
Un blason à ses pieds conserve, malgré qu'il ait été martelé, le contour d'un calice (donateur ecclésiastique).
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La statue de Saint-Herbot est bien différente, avec la palme comme attribut, une chevelure rayonnante, une robe dorée, un pied soulevé, et un long article en latin qui ne tiendrait pas ici sur le petit phylactère.
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5. Saint [Thomas].Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Aucun attribut et aucune inscription ne permet de l'identifier et je me fie à son rang. Le pan gauche de son manteau sert de sudarium pour tenir le livre. La cotte talaire est fermée par cinq boutons. Le phylactère vertical est très long.
Le visage conserve des portions de carnation rose en carte de géographie. La barbe à pointe ovale est soigneusement peignée de mèches dont la pointe bouclée rebique.
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6. Saint [Jacques le Mineur] . Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Tout comme à Saint-Herbot, l'attribut de l'apôtre, le bâton de foulon qui deviendra incontournable, est absent.
Le pan droit du manteau vient se fixer à la ceinture, la cotte est ouverte jusqu'à la taille et ses revers forment deux triangles rapprochés.
Les cheveux sont bouclés "en boule", la barbe soignée, le regard dirigé vers l'extérieur du porche.
La carnation est bien conservée, rose foncée et blanche.
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Les dais .
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Ces dais gothiques hexagonaux sont coiffés de hauts pinacles à boules. Celui de saint Pierre montre un petit persoannage en culotte plissée (bagou bras) la main sur la poignée de son épée.
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La frise inférieure : feuilles d'acanthe.
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L'extrémité des tiges d'acanthes est tenue dans la gueule d'un tout petit animal, qui se tient à l'envers : j'ai inversé ma photo pour présenter celui-ci, avec son museau tronqué.
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III. L'INTÉRIEUR DU PORCHE : LES SIX APÔTRES DU CÔTÉ GAUCHE.
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7. Saint [Philippe]. Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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L'attribut habituel de Philippe est la croix à longue hampe. Mais sur le Calendrier des Bergers il est figuré avec une croix en T (1493-1500), puis avec une équerre (1516 et 1519).
Mais ici, l'attribut est tenu verticalement dans le poing de la main droite sous la forme d'un manche à extrémité élargie et arrondie; il est ensuite brisé mais il se prolongeait jusqu'à l'épaule droite où son appui est visible.
Cet attribut est bien plus compatible avec un coutelas (celui de saint Barthélémy) qu'avec tout autre attribut, et, de toute façon, il ne peut être considéré ni comme une croix, ni comme une équerre. Comparez avec le saint Barthélémy de Saint-Herbot :
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Par contre, et c'est amusant, de nombreuses gravures du Calendrier des Bergers montre saint Philippe tenant, comme ici, un livre de ceinture (ou "en aumônière").
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Le long phylactère passe sur l'avant-bras gauche.
Le visage conserve la majeure partie de la carnation rose. La barbe, toujours peignée, est bifide. Les cheveux longs sont peignés également. Les yeux sont comme écarquillés, car ils conservent leur couleur blanche sous une paupière supérieure lourde.
Les cheveux sont jaunes ou dorés ; la cotte est, comme ailleurs, rouge.
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Le livre de ceinture.
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Il est représenté avec précision, et l'on voit bien comment la reliure réunie par son fermoir se poursuit par une étoffe qui est empoignée, tandis qu'une spère-bouton lui évite de glisser. Ce dispositif de transport et de préhension permet aussi de le suspendre à la ceinture.
Lire :
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L'écusson à la base : aucune armoirie n'est visible.
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8. Saint [Barthélémy] . Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Il porte sous le manteau une robe bouffante à la taille sous l'effet d'une ceinture non visible.
Le bras droit est brisé, il tenait sans-doute un livre.
Le visage est très beau, hiératique, presque assyrien. La carnation subsiste dans une pastille de la joue gauche.
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9. Saint [Matthieu] . Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Manteau, cotte talaire serrée par une ceinture à boucle et ardillon.
Chevelure peignée par mèches à boucles terminales. Barbe peignée et bouclée.
Traces de polychromie blanche et rose sur le visage. Bas de robe rouge.
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10. Saint [Simon]. Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Barbe bifide dont les pointes bouclent en boules. Carnation du visage rose et blanche presque intacte.
Le livre est tenu par en dessous, le phylactère par l'extrémité supérieure.
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11. Saint [Jude-Thaddée]. Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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12. Saint [Matthias]. Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Il retient le pan gauche de son manteau tandis que le phylactère s'enroule à son avant-bras. De l'autre main, il tient le livre ouvert.
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SOURCES ET LIENS.
— ARTHEMA RESTAURATION.
https://www.arthema-restauration.com/portfolio-category/statuaires/
— COUFFON (René), 1939, "Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint Brieuc et Tréguier" page 174[390] et suiv.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6562108b/f202.image.r=plourach
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— COUFFON (René), 1952, L'architecture gothique en Cornouaille aux XVe et XVIe siècle, SHAB
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— PAVIS-HERMON, 1968, Dossier IA0003364 de l'Inventaire général et M.M TUGORES, D. MOREZ 1968
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— TORCHET (Hervé), Montre de l'évêché en Cornouaille, site Tudchentil
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— TORCHET (Hervé), Réformation de 1536 en Cornouaille; site Tudchentil
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