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8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 19:41

           

   Les vitraux de l'église de Saint-Ouen

           des Iffs ( seconde partie).

 

  J'ai décrit la maîtresse-vitre consacrée à la Passion. L'église des Iffs est comparée dans sa forme à une croix archiépiscopale dont les deux branches seraient formées par quatre chapelles : celles du transept sont dites chapelle de Montmuran à gauche (au nord) et chapelle de saint-Yves à droite. Deux chapelles plus bas dans la nef sont dites chapelle de la Vierge au nord, et chapelle Saint-Fiacre au sud. Chacune est ornée de vitraux, que je vais décrire.

 

I. La chapelle sud, dite de Coligny ou de Saint-Yves.    

  Édifiée à la fin du XVe siècle par la famille de Laval, et de forme hexagonale, elle rassemble trois verrières : celle de la Conversion de saint Paul à gauche , celle consacrée à Suzanne et les vieillards au fond, et à droite une baie consacrée à saint Yves.

 

Baie 2 : Conversion de Saint-Paul, ou Scène de bataille.

 

Une lancette de 2,40 m  de haut et 1,20 m de large. 

  Il est décrit actuellement depuis l'article d'A. Svahn de 1930 comme la Conversion de saint Paul sur le chemin de Damas à la tête d'une troupe armée : Saül est renversé avec son cheval par l'effet de l'apparition du Christ et de ses anges, tels qu'ils apparaissent dans la partie supérieure. Né juif mais pétri de culture grecque, Saül /Paul était citoyen romain, et c'est ainsi qu'on comprend son costume d'officier romain et la présence anachronique de l'aigle bicéphale.

  On avait pu y voir jadis "la prise de Mantes par Du Guesclin", le drapeau jaune et rouge chargé d'une aigle éployée de sable rappelant l'écusson de l'illustre connétable : d'argent à l'aigle éployée de sable, membrée et becquée de gueules, à la cotice de même brochant. Du Guesclin avait épousé l'héritière du château de Montmuran, Jeanne de Laval.

  Selon Roger Barrié, ce vitrail, attribué à un atelier vitréen de 1550-1560, fait référence à l'école de Fontainebleau par le dynamisme de sa composition, le traitement des arrières-plans en sanguine, grisaille et jaune d'argent, et le traitement des costumes. Il ajoute que "l'usage de grandes pièces de verres, l'abus des sanguines, les verres gravés, et même l'aigle bicéphale sont révélateurs d'un style identique à celui de la verrière de la Passion à Champeaux près de Vitré".

  Les verres gravés en question sont ceux des cuirasses rouges pontuées de points blancs gravés.

 L'atmosphère violente de l'arrière-plan, où des bandes armées parcourent la campagne autour de villes fortifiées, évoque celle des guerres de religion (1562-1598).

Le théme est illustré en vitrail à Séville en 1560, à Chartres église Saint-Aignan en 1540, à Beauvais en 1548.

      Dans tous les cas, le chevalier désarçonné et son cheval sont vus au premier plan, en fuite, point de vue que reprendra le Caravage en 1600 dans le domaine pictural.

                    vitrail-bataille 4407v

 

 

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Baie 6 : Vitrail de saint Yves.

Une lancette de 2,40 m de haut et 1,20 m de large. Il date ? de 1587 mais a été très restauré par Tournel.

                                 vitrail-st-yves 4408v

 

 Sous un encadrement en forme d'arc de triomphe, deux anges portent un écu ceint du collier de l'Ordre de Saint-Michel, aux armes mi-parti (moderne) de France et de Bretagne. L'examen rapproché n'est pas favorable à ces panneaux, révélant des visages lourds, une main presque bote. On estime que l'écusson du XIXe a remplacé les armes de la famille de Montmorency-Laval.


vitrail-st-yves 5766v

 

Deux autres putti retiennent les pans d'une étoffe suspendue à un bouclier : sur celui-ci, saint Michel terrasse le dragon, et tient lui même un bouclier avec l'inscription QUIS UT DEUS ?, "Qui est comme Dieu?", traduction littérale de l'hébreu Micha'el : cette question dédaigneuse s'adresse à Satan / dragon vaincu.

  De l'autre main, les anges retiennent la grande tenture verte qui sert de fond au portrait en pied de saint Yves. Il est représenté en official de Tréguier, coiffé d'une barrette cramoisie, vêtu d'un surplis frappé d'hermine recouvert d'un  camail rouge ; cette couleur se retrouve sur le manteau et/ou la soutane.  On s'étonne de ses chaussures blanches et or, aussi luxueuses que des pantoufles pontificales : c'est saint Yves avant qu'il ne renonce à cette pompe vestimentaire et ne distribue ses vêtements cléricaux aux pauvres, ou c'est saint Yves représenté par un imagier du XVIe siècle selon les stéréotypes de son temps. Ces pantoufles et cette tenue rouge expliquent qu'au XIXe siècle on ait pu voir dans ce personnage un "cardinal donateur".

  Saint Yves est entre le riche et le pauvre ; ou, plutôt, entre deux groupes de personnages. À sa droite, le pauvre avec son fils et peut-être sa femme : tête nue, visage émacié, il tend son placet témoignant de la justesse de sa cause, et Yves Hélory se tourne vers lui et tend la main vers ce document. Curieusement, le sac, en forme d'aumônière à gland, qui pend au poignet du pauvre surprend par son caractère luxueux.

  De l'autre coté, c'est, plus qu'un riche, un grand Seigneur entouré des siens. Il est coiffé d'un bonnet à plumet, porte un collier en chaînons d'or, il est vêtu de culottes bouffantes à large ruban doré, d'un court manteau violet doublé de fourrure sur une veste d'apparat aux manches à crevés et au col blanc et or. Ce seigneur porte l'épée à la ceinture ; c'est un haut personnage, un noble, alors que les "riches" de l'iconographie courant semblent d'avantage appartenir à la classe des bourgeois marchands. Il porte la barbe courte qui s'est imposée à la Cour depuis François Ier. Le site de l'Inventaire régional signale qu'on a pu reconnaître dans les traits du riche un portrait de Gaspard de Coligny, seigneur de Montmuran après son mariage avec une héritière de la maison de Montmorency-Laval. Le site topic-topos décrit le "riche" "en costume hollandais typique du XVIe siècle,  représenté sous les traits de François de Coligny, fils de l'amiral assassiné la nuit de la Saint-Barthélemy. La pièce d'or porte la date de 1587, ce qui donne à penser que François de Coligny a fait restaurer ou du moins réparer le vitrail, en effet le visage et la main du riche y figurant avaient pu être brisés, peut-être lors des affrontements des guerres de Religion." 

   L'écu d'or qu'il propose représente une somme importante, et il faut au saint de Kermartin une indépendance d'esprit considérable pour s'en détourner.

 

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       Le Corpus vitrearum  apprend que, selon une description des fragments réalisée avant la  restauration du XIXe, on lisait une inscription sur cette pièce d'or : CARLES DE VALO, évoquant Charles de Blois, prétendant au trône de Bretagne qui fit canoniser le saint en 1347. On y lisait aussi la date de 1587, dont on hésite à faire la date de création, ou seulement de restauration, du vitrail. Les auteurs du dossier de l'Inventaire, déjà cité, sont formels : cette date est trop tardive pour cette composition qu'ils datent de 1550, "franchement Renaissance avec recherche de l'effet monumental, traitement des visages en modèles larges et peu appuyés, caractéristique d'une époque où la peinture sur verre se rapproche de la peinture sur chevalet".

 J'aurais traduit sans-doute naïvement CARLES DE VALO par Charles de Valois (1270-1325), contemporain de saint Yves (1250-1303). C'est le père de Philippe VI de Valois. Il ne fut pas roi de France lui-même, mais comte de Valois (et roi titulaire d'Aragon). Philippe de Valois est intervenu auprès du pape lors du procès de canonisation.

 

 

 

Baie 4  : Vitrail de Suzanne et les vieillards.

 

 

      Haut de 3,90m et large de 1,90m, il est composé de trois lancettes à trois registres  et d'un tympan à trois ajours et écoinçons .

  La légende de la chaste Suzanne y est raconté en douze épisodes à lire de haut en bas et de gauche à droite, chaque panneau étant légendé par une inscription en lettres gothiques.

 Cette histoire  constitue le 13e chapitre du livre de Daniel dans la Vulgate (De liberatione castae Susannae) littéralement "De la libération de la chaste Suzanne".

  Ce théme est utilisé par la Contre-Réforme comme l'image de l'Église injustement calomniée, puis justifiée par Dieu aux yeux de tous. En peinture, ce thème est vu aussi comme une possibilité pour les artistes de traiter un thème érotique et de représenter Suzanne largement dénudée : ce n'est pas le cas sur les vitraux.

  Le vitrail est attribué ( R. Barrié, JJ. Rioult, Inventaire) à Michel Bayonne ou à son atelier avec une datation de 1540-1550.

  Le thème a été adapté pour le théâtre religieux   comme l'atteste, dans l'inventaire d'Anne de Bretagne du 16 août 1495, un Accoustrement de la saincte Suzanne, suite de cinq pièces. En 1625, Jean-Pierre Camus publia Roselis ou l'histoire de Saincte Suzanne 

 

 

                                vitrail-ste-suzanne 4410c

 

 

I. Tympan.


  Dans l'ajour supérieur, Suzanne, entourée de ses servantes, est figurée comme l'épouse de Joakim, riche et pieux bourgeois de Babylone. On (site topic-topos) décrit son costume comme typiquement hollandais.

 L'ajour gauche la montre épiée par les vieillards alors qu'elle prend son bain. Ces vieillards ont été établis juges cette année là, et ces hauts personnages qui fréquentent la propriété de Joakim, se sont épris de la belle épouse. Suzanne a fait fermer les portes de son jardin et a fait préparer un bain parfumé d'huiles et d'onguent : elle se croit seule, et ignore que les vieillards se sont cachés.

L'ajour droit décrit les vieillards pressant Suzanne de céder à leurs proposition, et le refus de la fidèle épouse.

vitrail-ste-suzanne 5754c

 

                         vitrail-ste-suzanne 5753c

 

 

II. Registre supérieur.

       les scènes s'inscrivent sous des niches à coquille bleue teintée de jaune d'argent sur fond rouge, et sont elle-mêmes couronnées de dais reposant sur des culots, et portant chacun une inscription.

vitrail-ste-suzanne 4411c

 

 

1. Comment les vieillards accusent Suzanne d'adultère

 
Vois, les portes du jardin sont fermées, personne ne nous aperçoit, et nous brûlons d’amour pour toi ; consens donc à notre désir et sois à nous.

Si non, nous nous porterons témoins contre toi, et nous dirons qu’un jeune homme était avec toi, et que c’est pour cela que tu as renvoyé les jeunes filles

  Les deux vieillards portent tous les attributs des personnages biblique vétéro-testamentaire dont on veut souligner le judaïsme : longue barbe, chapeau conique à oreillette, aumônière.

  Suzanne porte une robe damassée jaune-orangée recouverte par un très lourd tablier (restauré au XIXe ?) surchargé de gemmes. Sa coiffe est suffisamment caractéristique pour qu'un spécialiste puisse sans-doute la dater.

 

                                      vitrail-ste-suzanne 5750c

 

2. Jouachim mari de la sainte la conduit devant les vieillards.

Ils dirent devant le peuple : « Envoyez chercher brillante, fille d’Helcias, femme de Joakim. » Et on envoya aussitôt.

Elle vint avec ses parents, ses fils et tous ses proches.

Or Suzanne, avait les traits délicats et une grande beauté.

Comme elle était voilée, les juges méchants commandèrent qu’on lui ôtât son voile, pour se rassasier de sa beauté.

        Suzanne est face à son mari, avec son fils et sa fille, dont on observe le bonnet, rappelant celui que portaient les fillettes bretonnes. Là encore, la coiffe de Suzanne est intéressante à observer.

 

                                    vitrail-ste-suzanne 5751v

 

3. Comment la sainte fut condamnée à être lapidée par les vieillards.

 

 

Les vieillards dirent : « Comme nous nous promenions seuls dans le jardin, elle est entrée avec deux jeunes filles et, après avoir fait fermer les portes du jardin, elle a renvoyé les jeunes filles.

Et un jeune homme qui était caché est venu à elle et a fait le mal avec elle.

Nous étions dans un coin du jardin ; en voyant le crime, nous avons couru à eux, et nous les avons vus dans cette infamie.

Nous n’avons pu prendre le jeune homme, parce qu’il était plus fort que nous, et qu’ayant ouvert la porte, il s’est échappé.

Mais elle, après l’avoir prise, nous lui avons demandé quel était ce jeune homme, et elle n’a pas voulu nous le dire. Voilà ce que nous attestons. »

La foule les crut, parce que c’étaient des vieillards et des juges du peuple, et ils la condamnèrent à mort.

       Cette scène de foule montre comment la barbe longue et le chapeau conique participent à la stigmatisation des vieillards, puisque les cinq autres hommes portent des visages glabres et des couvre-chefs si plats ou si ronds que c'est presque caricatural.

  Suzanne porte les mêmes vêtements que sur le panneau A3 initial.

 

                                     vitrail-ste-suzanne 5752c

 

 

2 . Registre moyen.

 

vitrail-ste-suzanne 4412c

 

4. Comment Daniel fist retornes Suzanne disant que estoit po..

 


Comme on la conduisait à la mort, Dieu éveilla l’esprit saint d’un jeune enfant nommé Daniel.

Il cria à haute voix : « Pour moi, je suis pur du sang de cette femme ! »

Tout le peuple se tourna vers lui et lui dit : « Que signifie cette parole que tu dis-là ? »

Daniel, se tenant au milieu d’eux, dit : Êtes-vous donc insensés à ce point, enfants d’Israël, de faire mourir une fille d’Israël sans examen, sans chercher à connaître la vérité ?

Retournez au tribunal, car ils ont rendu un faux témoignage contre elle. »

  Le jeune Daniel paraît vraiment très jeune ; ses beaux cheveux blonds le démarquent des autres, comme un signe d'élection divine, et sa robe blanche souligne son innocence et sa pureté. Suzanne est menée au supplice par deux soldats (on voit deux lances) et par des officiers à cheval. L'élégance de la riche juive de Babylone est ici encore plus manifeste, et sa coiffure peut être détaillée : le front est épilé très en arrière, les cheveux très travaillés sont ramenés par une résille en deux macarons, et la coiffe elle-même ressemble fort à un balzo, ce turban que j'ai détaillé ici : Chapelle de la Fontaine Blanche à Plougastel : le culte de la fécondité.


 vitrail-ste-suzanne 5755c

 


5. Comment Suzanne fu condamnée par les vieillards.

 

Alors le peuple retourna en hâte, et les anciens dirent à Daniel :

« Viens, prends place au milieu de nous, et expose-nous ton avis, car Dieu t’a donné l’honneur de la vieillesse. » Daniel dit au peuple : « Séparez-les loin l’un de l’autre, et je les jugerai. »

Quand ils furent séparés l’un de l’autre, Daniel en appela un et lui dit : « Homme vieilli dans le crime, les péchés que tu as commis autrefois sont maintenant venus sur toi,

toi qui rendais des jugements injustes, qui condamnais les innocents et relâchais les coupables, quand le Seigneur a dit : Tu ne feras pas mourir l’innocent et le juste.

Eh bien, si tu l’as vue, dis sous quel arbre tu les as vus s’entretenant ensemble. » Il répondit : « Sous un lentisque. »

Daniel dit « Justement tu dis un mensonge pour ta perte ; car l’ange de Dieu qui a déjà reçu l’arrêt divin va te fendre par le milieu. »

 

 

vitrail-ste-suzanne 5756c

 

6. Comment ....les vieillards devant la (santance)  daniel

 

Après l’avoir renvoyé, il ordonna d’amener l’autre, et il lui dit « Race de Chanaan, et non de Juda, la beauté d’une femme t’a séduit et la passion a perverti ton cœur.

C’est ainsi que vous en agissiez avec les filles d’Israël, et elles, ayant peur de vous, vous parlaient ; mais une fille de Juda n’a pu souffrir votre iniquité.

Dis-moi donc maintenant sous quel arbre tu les as surpris s’entretenant ensemble. »

Il dit : « Sous un chêne. » Daniel lui dit : « Justement tu as dit, toi aussi, un mensonge pour ta perte ; car l’ange du Seigneur attend, le glaive en main, le moment de te couper par le milieu, afin de vous faire mourir. »

Alors toute l’assemblée jeta un grand cri, et ils bénirent Dieu qui sauve ceux qui espèrent en lui.

 

  Autre scène de foule (neuf personnages) dans laquelle le vieillard lubrique et malhonnête, confronté à la vérité personnifiée par  Daniel dont la jeunesse est radieuse, devient pathétique par le seul fait qu'il soit représenté tête nue, avec les cheveux clairsemés.


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3. Registre inférieur.

  Le soubassement de ce registre est traité au jaune d'argent en ornements de rinceaux et de dauphins.

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7. Comment les vieillards furent condamnés par Daniel.

 

    " Puis ils s’élevèrent contre les deux vieillards, que Daniel avait convaincus par leur propre bouche d’avoir rendu un faux témoignage, et ils leur firent le mal qu’eux-mêmes avaient voulu faire à leur prochain ;

afin d’accomplir la loi de Moïse, et ils les firent donc mourir, et le sang innocent fut sauvé en ce jour-là. "

                           vitrail-ste-suzanne 5758c

 

 

8. Comat dy maines les deulx villars.

 


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9. Comment les viellars furent lapidez par la santance Daniel.

 

Helcias et sa femme louèrent Dieu au sujet de leur fille Susanne, avec Joakim, son mari, et tous ses parents, parce qu’il ne s’était trouvé en elle rien de déshonnête.

Et Daniel devint grand devant le peuple, à partir de ce jour et dans la suite des temps.

Le roi Astyage ayant été réuni à ses pères, Cyrus le Perse reçut le royaume.


vitrail-ste-suzanne 5760v

 

 

 

      Comparer : Suzanne et les vieillards, Saint-Etienne Bar-sur-Seine

Id, Chapelle Saint-Eustace, St-Maclou à Pontoise Iere moitié XVIe

Id, Troyes.

 

II. La chapelle de Montmuran au Nord.


Mur est : Baie 1 : Verrière de la Vie de la Vierge  Annonciation et Adoration des Mages .

   Cette verrière datée vers 1535 se compose de deux lancettes trilobées à deux registres et un tympan à un ajour ; elle mesure 2,20 m de haut et 1,15m de large.

   Don de Guy XVII de Laval ?

 

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registre supérieur : Annonciation.

 La Vierge est placée à gauche, agenouillée sous un dais à pavillon bordé de franges polychromes et aux pentes bordées de deux angelots. Dans une perspective inhabituelle mais intéressante, elle est tournée vers un prie-dieu du coté opposé à celui par lequel survient l'ange, et le mouvement de rotation qu'elle effectue pour le regarder et l'entendre accentue l'atmosphère de soudaineté et de surprise dans laquelle se déroule cette Annonce.

  L'ange Gabriel porte le sceptre fleurdelisé autour duquel s'enroulent, sur un phylactère, les mots AVE (MARIA) GRACIA PLENA. Il désigne de la main droite la colombe fécondatrice du Saint-Esprit. Au sol est posé le traditionnel vase contenant trois lys martagon non épanouis, mais prometteurs. Selon un shéma habituel, la robe et la ceinture de Gabriel sont animés par un mouvement ondoyant de plis qui témoigne de la vivacité de l'irruption du messager divin. 

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Registre inférieur. l'Adoration des Mages.

 Le panneau de droite montre Joseph debout, Marie assise tenant l'Enfant sur les genoux, et le visage du roi Melchior qui offre des pièces d'or dans un calice.

 A coté d'un concert spirituel donné par trois anges brille l'étoile qui guida les mages. On observera comment elle est découpée par la forme même du plomb.

A gauche, on voit debout les rois Gaspard qui porte l'encens et  Balthazar qui porte la myrrhe.

  Selon une tradition que j'ai déjà relevée ici  Éloge de l'omission : Le titulus dans l'Annonciation d'Ambrogio Lorenzetti., l'oreille de Balthazar porte la boucle d'oreille que la société médiévale (et ici, Renaissance) considérait comme un signe de marginalité ou d'étrangeté : ici, c'est une façon de souligner, comme les lèvres charnues ou le nez épaté, ou les courts cheveux crépus apparaissant sous le turban, l'origine mauresque du roi. Bien qu'une iconographie de ce roi reste à écrire, on remarque qu'il est ici imberbe, ce qui fait aussi partie de ses caractères discriminants. Enfin, on peut remarquer qu'il tient dans la main gauche le manche d'un poignard ou d'un cimeterre.

 

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                                                vitrail-annonciation 5774v

 

                                        vitrail-annonciation 5773v

 

      Selon Roger Barriè, "Cette verrière, en particulier le registre inférieur, présente un travail pictural particulièrement soigné qui associe dans le modelé des visages (exemple: Roi Mage, Maure) le ton local de grisaille plus ou moins épaisse et des enlevés à la brosse. Cette habileté de modelés est aussi servie par 1'habileté de 1a découpe des nombreux plombs, délimitant les différentes pièces de vêtements ."

 

Mur nord : Baie 3 : Verrière de la vie de la Vierge et de Jésus.

Elle est datée vers 1535 (1536 ?) et se compose d'une seule lancette de trois registres et de six panneaux. Elle mesure 2,30m de haut et 1,20 m de large; Elle résulte d'une recomposition à partir d'un cycle plus développé.


                                   vitrail-vie-de-marie 4395c


1. registre supérieur : l'Assomption.

  La Vierge couronnée, cheveux longs ruisselants jusqu'à la taille, robe rouge et manteau bleu, s'élève dans les Cieux, accueillie par quatre anges qui se répartissent les couleurs bleu, rouge, vert pâle et violet dans un fond d'irradiation lumineuse jaune.


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2. Registre supérieur

a) Présentation du Christ au Temple.

 

Luc 2,21 et sqq.

« Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l'enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l'ange lui avait donné avant sa conception. Quand arriva le jour fixé par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi : Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. Ils venaient aussi présenter en offrande le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes »

  Cette cérémonie est interprétée comme le rite juif du rachat du premier né, mais ce dernier exigerait selon Exode 13:13) un agneau, alors que les deux tourterelles correspondant seulement à la purification de Marie (Lévitique 12:8).

 

                    vitrail-vie-de-marie 5803c


b) Présentation de Marie au Temple.

  La scène est décrite dans le Protévangile de Jacques chapitre VII : 

   "L'enfant atteignit l'âge de trois ans et Joachim dit : "Appelez les vierges sans tache des Hébreux et qu'elles prennent des lampes et qu'elles les allument et que l'enfant ne se retourne pas en arrière et que son esprit ne s'éloigne pas de la maison de Dieu." Et les vierges agirent ainsi et elles entrèrent dans le temple.

Et le prince des prêtres reçut l'enfant et il l'embrassa et il dit : "Marie, le Seigneur a donné de la grandeur à ton nom dans toutes les générations, et, à la fin des jours, le Seigneur manifestera en toi le prix de la rédemption des fils d'Israël."

Et il la plaça sur le troisième degré de l'autel, et le Seigneur Dieu répandit sa grâce sur elle et elle tressaillit de joie en dansant avec ses pieds et toute la maison d'Israël la chérit. » 

 En haut des marches,l'officiant est en tenue sacerdotale de grand-prêtre et porte la couronne d'or, nezer ou tzitz.


                       vitrail-vie-de-marie 5804v

 

Registre inférieur :

 

a) Nativité.

Joseph tient une chandelle dont il protège la flamme, selon l'iconographie diffusée par la Nativité de Robert Campin (1420-25). Marie est à genoux et se prosterne, les mains croisées sur la poitrine. Trois anges entonnent les cantiques d'un concert divin, alors que trois autres anges veillent en Adoration sur l'Enfant. Celui-ci, nimbé, est couché sur le dos sur un linge au dessus d'un panier d'osier et d'un peu de paille. L'étable est un mélange de murs de pierres aux ouvertures en arceau, et d'une charpente en bois.

  Dans l'une des ouvertures se dessinnent l'âne et le bœuf ; dans l'autre, deux bergers dont l'un est à genoux, tenant sa houlette, alors que l'autre, debout, tient une cornemuse dont on distingue (sauf erreur) l'outre, le chalumeau (hautbois) évasé en pavillon et le porte-vent.

vitrail-vie-de-marie 5806c

 

b) Circoncision.

 L'acte rituel est détaillé de façon presque anatomique, peut-être par le restaurateur du XIXe, mais regardons plutôt Joseph, qui détourne les yeux pour échanger un regard attendi avec son épouse, ou encore les femmes du second plan, aux coiffes traitées au jaune d'argent : l'une d'elle tient un enfant emmailloté qui pourraît être le futur Jean-Baptiste.

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  Selon Roger Barrié, "la présence de plusieurs têtes sur la même plaque de verre indique bien un relachement de l'art du maître-verrier que confirme le shématisme un peu hâtif des modelés".

 

    

IV. Chapelle de la Vierge au nord : Baie 5. Les Saints.

 


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a) Tympan.

 

 Au sommet  siège Dieu le Père tenant son Fils en croix ; au dessous, sainte barbe (tenant sa tour) et sainte Madeleine (tenant le flacon de parfum) sont représentées en grisaille et jaune d'argent. Les écoiçons contiennent des fragments étoilés et d'anciennes boudines*.

* Boudine : "partie centrale d'une cive [feuille de verre soufflé cylindrique] où le pontil [barre de fer arrondie en boule à son extrémité] laisse une trace [en cul de bouteille] lors de sa mise en forme".

 

 

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b) Registre médian

 

Saint Fiacre, saint Jean-Baptiste  et un saint guerrier.

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Saint Fiacre.

  Le saint moine, patron des jardiniers reconnaissable à sa bêche et à son livre, est vêtu d'un scapulaire à capuchon sombre sur sa robe blanche, et  la tonsure.

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Saint Jean-Baptiste.

 

   Traité comme les autres en grisaille et jaune d'argent, il se reconnaît par le livre et l'agneau, par ses pieds nus et la peau de bête dont il est vêtu sous sa tunique.

 

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Saint guerrier.

 

   Peu de traits distinctifs permettraient d'identifier ce chevalier en armure et tenant une lance dont l'auréole indique la sainteté : saint Georges ? saint Adrien ?

 

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c) Registre inférieur

 

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Sainte Marguerite d'Antioche

  La sainte patronne des femmes en couche sort du ventre du dragon ailé qui l'a avalé en utilisant son crucifix comme seul bistouri, témoignant de la force opérante de la Foi.

   

                                 vitrail-ste-catherine 5786v

 

 

Sainte Barbe

 

Cartouche daté nommant les fabriciens de la commande : "1536 M.G.DENOUAL ET GUION DU CHESNE TRESORIERS FIRENT FAIRE CESTE VITRE.

  Les généalogistes signalent: 

1)  François DENOUAL, Sieur de Bois Billiais, né ? en 1490

  • Guillaume Denoual (1545-1580), Sieur de la Billiais de la Rivaudais et Lieutenant de Tinteniac, né aux Iffs , 
  •  Jean Denoual, ca 1582-1632, Sieur du Bois de la Billiais, né et marié aux Iffs

2) Julien DUCHESNE, Sieur de la Toutenais, des Iffs marié avant 1612. 

S'il ne s'agit pas exactement de nos fabriciens, cela permet de les situer.

 

  A. Anne-Duportal signalait en 1898 que "les Duchesne et Denoual appartenaient à deux vieilles familles de la paroisse qu'on y retrouve jusqu'à la révolution. La famille Denoual y a même encore des représentants. De Guyon Du Chesne, nous ne connaissons que le nom, nous le trouvons parrain dans un acte de baptême en 1530. Peut-être était-il de la trève de Saint-Brieuc, dont les registres nous manquent. Maître Guillaume Denoual avait épousé demoiselle Anne GICQUEL ; il était sans-doute fils ou neveu de cet autre Guillame Denoual  qui fit bâtir en1513 la tour de l’église de ST BRIEUC (Orain, Géographie pittoresque du département d'Ille-et-Vilaine). Nous trouvons encore à coté de lui dans le registre des Iffs d'autres Denoual, ses fils ou petit-fils, alliès par mariage aux diverses familles nobles du pays: François, époux de demoiselle Anne Le Roux ; Guillaume, sieur de la Biliays, marié à jehanne de Lines, fille de Gilles, sieur de lÉtang Breilmarin, et de Jehanne Guinguéné ; Michel, à demoiselle Jehanne Guezille, etc..."

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2077718/f148.image.r=iffs.langFR

Les armoiries "écartelé au 1.et 4. de gueules à trois coquilles d'argent, au 2. et 3. d'argent à deux roses de gueules et une fleur de lis de même" sont celles des Guinguéné, sans-doute originaires de l'ancienne église de La Chapelle-Chaussée en partie démolie en 1830" (Corpus Vitrearum, d'après R. Couffon). Les armes de la famille Guinguené sont effectivement "de gueules à trois coquilles d'argent". La seconde partie est donnée comme étant les armes de N de Thibout, ecuyer ??

Sainte Barbe présente ses trois attributs : la tour à trois fenêtres, la palme du martyre, et le livre.

                                  vitrail-ste-catherine 5785v

 

 Anne éduquant la Vierge.


                                  vitrail-ste-catherine 5784v

 

  A propos de cette verrière, Roger Barrié écrit :

"Dans le registre supérieur 'l'évanouissement des couleurs, 'la progression du blanc, le trait ferme, le modelé élégant, les architectures, les jeux de fonds, étoffes et dais attestent la deuxième moitié du XVe siècle. Pour le registre inférieur, la montée des couleurs, la richesse des fonds damassés, la liberté dans I'usage du jaune d'argent (dragon), les arcatures correspondent bien à la date de 1536. Ces trois panneaux d'un style trés proche de la verrière n°3 devaient faire partie d'un grand vitrail de la vie de la Vierge, dépecé pour garnir les fenêtres de la chapelle de Montmuran"

  " Les trois panneaux du XVe siècle ont été probablement déplacés, dès le XVIe siècle et peuvent provenir de la chapelle Sud, ou chapelle  Saint-Fiacre. Le registre inférieur a été installé en 1536, peu de temps aprés l'érection d'un autel à la Vierge dans une ancienne chapelle débaptisée"

 

V.  au sud : Baie 10 : verrière de la Transfiguration et de saint Jean-Baptiste.

 

  Datée vers 1530, elle se compose de quatre lancettes trilobées et d'un tympan à 7 ajours et mesure 4,00m de haut et 2,50 m de large.

 Roger Barrié écrit à son sujet que "la sonorité des couleurs, le style tout-à-fait léonardesque des figures, revu par les peintres de Pays-bas, rattachent cet ensemble au groupe des vitraux cornouaillais, bien que le rayonnement des couleurs indique une autre provenance que la Basse-Bretagne."

                           transfiguration 4415c


Tympan :

 

  Sous une colombe (moderne) du Saint-Esprit , huit anges se répartissent les ajours, dont six tiennent des phylactères. On y lit GLORIA IN EXCLECIS DEO ET IN TERRAM, 


transfiguration 4417c

 

Registre supérieur.

  Les 1ère et 3ème têtes de lancettes renferment des ornements Renaissance surmontant des coquilles teintées. La 2ème tête représente Dieu le Père bénissant avec un phylactère disant "HIC EST FILIUS MEUS DILECTUS IN QUO MIHI (bene complacui)", citation de Matthieu 3, 7 "Et voici, une voix fit entendre des cieux ces paroles : celui-ci est mon fils bien aimé en qui j'ai mis toute mon affection".

  La dernière tête de lancette est remplie de deux putti tenant une lanterne.

 

  Les trois lancettes de gauche sont consacrées à la Transfiguration, sur fond rouge semé de petites nuées bleues, limité par des pilastres ornés de candélabres supportant quatre poissons*, symboles christiques, et des guirlandes, typique de la première Renaissance.

* désignés comme "dauphins" par les experts.

La 1ère lancette  représente Moïse en buste, sur une nuée, en  tunique damassée, tenant une épée et les tables de la Loi (inscription au jaune d'argent) ; les "cornes" traditionnelles de Moïse sont présentes. Puis vient le Christ transfiguré dans une gloire aux rayons ondoyants gravés dans le verre rouge et peints au jaune d'argent, alternant avec des langues de feu peintes. Le nimbe est également en verre gravé.   Elie, en bleu, sur son nuage,  en buste, est en adoration.

  La lancette de droite représente la décollation de saint Jean-Baptiste ; les manches de Salomé et la culotte du bourreau sont en verre rouge gravé.

Registre inférieur

Au dessous se trouvent les saints Pierre, Jean et Jacques le Majeur. Un phylactère en boucle porte une inscription difficile à déchiffrer mais qui correspond à la phrase prononcée par Pierre dans Matthieu 17, 4 :Domine bonum est nos hic esse si vis faciamus hic tria tabernacula tibi unum et Mosi unum et Heliae unum, " Seigneur, il est bon que nous soyons ici; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie."

   A droite se trouve une donatrice protégée par son ange gardien, mais qui est récente (XIX ou début XXe) malgré une fausse patine.


 


transfiguration 4418c

 

 


 

transfiguration 4420c

 

                                      transfiguration 4419c

Les armoiries.

   Dans des niches ouvrant sur des arcs surbaissés, des anges présentent les armoiries des Montmorency-Laval pleines au milieu et en alliance sur le coté, ceintes du collier de l'Ordre de Saint-Michel. Un procès-verbal de 1750 les décrivait alors dans la maîtresse-vitre.

 

  Les armoiries des Montmorency sont D'or, à la croix de gueules, cantonnée de seize alérions d'azur (4, 4, 4 et 4) (les alérions sont le souvenir de seize bannières ennemies prises au combat)  . La branche de Montmorency-Laval porte De Montmorency (cf),  la croix chargée de cinq coquilles d'argent.

  Les armoiries "en alliance" pourraient être décrites comme "Ecartelé au I et IV d'azur à trois fleurs de lys d'or chargé d'un bande camponnée de gueules et d'argent, , au II et III d'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur ordonnés 2 et 2 et chargée de cinq coquilles d'argent, sur le tout de gueules au lion d'argent.", en s'inspirant de celles de Guy de Laval, (1338) évêque de Quimper et du Mans.

 


 

transfiguration 5787v

 

transfiguration 5788v

 

 


Baie 12. Nef : Verrière de l'Arbre de Jessé.

 Quatre lancettes trilobées

et un tympan à cinq ajours forment cette verrière de 4 mètres de haut et 2,70m de large. Si elle est datée du milieu du XVIe siècle, elle a été recomposée et complétée au XIXe siècle (en 1889) comme l'atteste la signature suivante : "Lecomte et Colin, Rennes, au temps du recteur Joseph Fixot, restaurateur de l'église, Ed. Plaine recteur adjoint" . 

  Je n'ai photographié que la partie supérieure qui réemploie des fragments d'un Arbre de Jessé, provenant peut-être de la baie 10 de l'église de Louvigné-de-Bais, qui est daté de 1548.

 

arbre-jesse 4425c

 

arbre-jesse 5794v

 

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arbre-jesse 5797c


arbre-jesse 5798v

 

 

Sources et liens:

  Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Les Vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum Vol. VII, Presses Universitaires de Rennes, 2005, pp. 243-247.

Patrimoine.région-bretagne, le site de l'Inventaire, P.Y. Castel Les Iffs, Sommaire objets mobiliers, 1993 et Dossier vert par Roger Ballié et J.J. Rioult, 1989.

Alfred Anne-Duportal L'église des Iffs, vitraux, Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine 1889, T.19  p. 97-113

Le vitrail de la Passion, église des Iffs (Ille-et-Vilaine) Svahn, A. Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine. - Rennes    1932 

 

Le vitrail de la Chaste Suzanne (église des Iffs - Ille-et-Vilaine). Svahn, A. Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine. - Rennes    1931 

Un vitrail de l'église des Iffs (Ille-et-Vilaine). Raison, Abbé Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine. - Rennes    1930 

 

 

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Published by jean-yves cordier
8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 19:17

        Les vitraux de l'église Saint-Ouen,

          Les Iffs (Ille-et-Vilaine). 

 

 

 La construction de l'église paroissiale des Iffs débute au XVe siècle sous l'impulsion des seigneurs de Laval, propriétaires du château de Montmuran, et se poursuit au XVIe siècle. C'est dans la première moitié du XVIe siècle que sont réalisés les neuf verrières de l'église qui éclairent le chœur et les quatre chapelles. Deux d'entre elles (la Passion et la Chaste Suzanne) sont attribuées au peintre-verrier de Rennes Michel Bayonne, très actif alors dans la région.

 

 Les vitraux des chapelles seront étudiées dans une seconde partie  Les vitraux de l'église des Iffs ( seconde partie : les chapelles).  

 

Le vitrail de la Passion en Baie 0.

   Il est composé de 4 lancettes trilobées où 5 registres se répartissent de haut en bas, et d'un tympan à 9 ajours. Hauteur 5,50m, largeur 2,60m. Il a été offert par Guy XVI de Laval, dont les armoiries figuraient à l'origine au bas des lancettes latérales. 

  Ce personnage appartient à la longue lignée des Guy de Laval qui débuta au XIe siècle, et plus précisément à la troisième branche de la maison de Laval, celle des Monfort-Laval qui avait succédé avec Guy XIII de Laval à celle des Laval-Montmorency. 

  Sous ce nom traditionnel de Guy XVI de Laval se cache Nicolas de Laval-Montfort (1476-1531), comte de Laval, baron de Vitré, vicomte de Rennes, mais aussi seigneur de Tinténiac et, par là, possesseur du manoir de Montmuran, aux Iffs. Il était chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, gouverneur et Lieutenant-général en Bretagne, amiral de Bretagne et capitaine de Rennes. Il portait d'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur ordonnés 2 et 2 et chargée de cinq coquilles d'argent. Son père avait toujours été fidèle à la cause bretonne, et Anne de Bretagne prit le fils en affection.

  Le fils qu'il eut d'Anne de Montmorency, Guy XVII de Laval, ou Claude de Monfort-Laval décéda en 1547 : sa soeur Charlotte, héritière, porta la terre de Montmuran dans la maison de Châtillon en épousant l'amiral Gaspard de Coligny

 

 

  Cette verrière a été restaurée plusieurs fois au XVII et XVIIIe siècle, puis en 1852-1862 par l'atelier nantais Échappé, puis de 1910 à 1913 par l'atelier Tournel frères. Le dossier de l'Inventaire donne le schéma détaillé d'authenticité des verres, établis par Colette Dréan

  Datée vers 1545, elle est attribuée par ses violets sombres, ses verts et ses rouges orangés à l'atelier de Michel Bayonne ou Baionne, de Rennes, sur des cartons d'inspiration flamande. Michel Bayonne est l'auteur des vitraux de La Ferrière, Saint-Gondran, La Baussaine, Moulins et Beignon.


                              vitrail-passion 4390c

 

 

 

Le tympan.

 

En sommité, le Christ en gloire dans les nuées. Puis le cortège des Élus, les saintes femmes à gauche derrière Marie, les saints à droite. En dessous, le Jugement Dernier. Les écoinçons sont occupés par des anges. 

vitrail-passion 5725d

 

 

   Tympan, ajour inférieur droit .

Les damnés enfourchés par les diables dans la gueule du Léviathan. Au centre, un ange buccinateur souffle dans la trompette du Jugement Dernier.

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      Jugement Dernier :

Saint Michel Archange procède à la pesée des âmes, celle des damnés étant emportées par le diable.

vitrail-passion 5727c

 

 

 

 


Les lancettes.

        les quatre lancettes de 20 panneaux se décrivent, de gauche à droite et de bas en haut, en trois registres inférieur, moyen et supérieur de l'entrée à Jérusalem jusqu'à la Mise au tombeau.

 

I. Registre inférieur. 

 

vitrail-passion 4392df

 


  L'entrée à Jérusalem 

  Cette vitre illustre les textes synoptiques Matthieu 21, 1-8, Marc 11, 1-10,  Luc 19, 28-40 On remarque un personnage grimpé dans un arbre ; cela relève d'une confusion avec un autre texte décrivant Zaché grimpé dans un sycomore pour mieux voir Jésus. Cette "confusion" est devenue une tradition iconographique, comme on peut le constater sur la fresque de Giotto en la chapelle des Scrovegni à Padoue (1304-1306) ou sur la frise du déambulatoire de Notre-Dame de Paris (XIVe).

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Jésus chassant les marchands du temple.


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Le repas chez Simon le Pharisien

Illustration de Luc 7, 36-50 : sous le regard indigné de Simon le Pharisien et de ses amis, Jésus laisse la prostituée Marie Madeleine l'approcher : Luc 7,38-39 :

  "Et voici une femme, qui dans la ville était une pécheresse. Ayant appris qu'il était à table dans la maison du Pharisien, elle avait apporté un vase de parfum. Et se plaçant par derrière, à ses pieds, tout en pleurs, elle se mit à lui arroser ses pieds de ses larmes ; et elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baiser, et les oignit de parfum. 

   " A cette vue, le Pharisien qui l'avait convié se dit en lui-même : "Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse."

 

 

 vitrail-passion 5747c

 

 

 

Judas et les trente deniers.

   Matthieu 12, 14-15 : "Alors l'un des Douze, appelé Judas Iscariote, se rendit auprès des grands prêtres et leur dit : "Que voulez-vous me donner, et moi je vous le livrerai ? " Ceux-ci lui versèrent trente pièces d'argent."

  On retrouve les traits qui stigmatisent la traîtrise et l'appât de gain de Judas, et, par généralisation pour la société médiévale, des juifs : la couleur jaune, les cheveux roux. C'est Michel Pastoureau (Une histoire symbolique du Moyen-Âge, Seuil) qui attire l'attention sur l'apparition vers l'époque carolingienne de cette chevelure ou de cette barbe couleur du renard, du démon, couleur mélangée au lieu d'être franche, et qui incite à la suspicion. La sensibilité médiévale l'attribue aussi à d'autres traîtres ou personnages de mauvaise réputation comme Caïn, Saül, ou Ganelon.

 Selon Michel Pastoureau, les attributs possibles de Judas sont nombreux: "petite taille, front bas, masque bestial ou convulsé, peau sombre, nez crochu, bouche épaisse, lèvres noires (à cause du baiser accusateur), nimbe absent ou bien également de couleur noire (chez Giotto, par exemple), robe jaune, gestualité désordonnée ou dissimulée, main tenant le poisson volé ou la bourse aux trente deniers, démon ou crapaud entrant dans sa bouche, chien placé à ses côtés. Comme le Christ, Judas ne peut pas ne pas être identifié avec certitude. L'un après l'autre, chaque siècle l'a pourvu de son cortège d'attributs, au sein desquels chaque artiste a été libre de sélectionner ceux qui s'ac­cordaient le mieux avec ses préoccupations iconographiques, ses ambitions artistiques ou ses intentions symboliques. Un seul attribut, toutefois, est presque toujours présent à partir du milieu du XIIIe siècle : la chevelure rousse."..." être roux constitue un de leurs caractères iconographiques ou déictiques les plus remarquables, au point que peu à peu cette chevelure rousse s'étend à d'autres caté­gories d'exclus et de réprouvés : hérétiques, juifs, musulmans, bohémiens, cagots, lépreux, infirmes, suicidés, mendiants, vaga­bonds, pauvres et déclassés de toutes espèces. La rousseur dans l'image rejoint ici les marques et les insignes vestimentaires de couleur rouge ou jaune que ces mêmes catégories sociales ont réel­lement dû porter, à partir du XIIIe siècle, dans certaines villes ou régions d'Europe occidentale. Elle apparaît désormais comme le signe iconographique premier du rejet ou de l'infamie : la couleur de l'autre."

  Il est difficile, sur un vitrail où le jaune d'argent est le cément principal, dont l'emploi est général pour rehausser ou orner un verre blanc, modifier la couleur d'un verre, rendre les chevelures, et où ce jaune s'associe à cette grisaille particulière nommée sanguine en raison de sa couleur roussâtre qui est utilisée pour rendre les carnations, d'attribuer une valeur sémiologique aux teintes jaunes ou rousses d'un panneau ; dans les clichés précédents, les cheveux traités en jaune sont ceux de Marie-Madeleine, la pécheresse, mais aussi, systématiquement, ceux de saint Jean. La robe ou tunique jaune, sous un manteau bleu, caractérise saint Pierre, alors que la même robe damassée jaune (ou or) est portée par la Vierge sous un manteau bleu. 

  Les grands prêtres sont présentés ici comme des notables vénérables, sans stigmatisation outrancière ; le trait qui semble constant pour caractériser les pharisiens ou, plus généralement, les juifs semble être ici la barbe longue. 

 vitrail-passion 5748c

 

 Wikipédia link fait remarquer que 30 est, pour la Gématria, la valeur numérique du nom Jehudah. "Si on va par là", je constate que 30 est aussi la valeur numérique des mots hébreux signifiant "supercherie, mensonge", "trompeur", "Juda, Juifs, Judée".link

 

Le Lavement des pieds :

 

vitrail-passion 5741c

 


La Cène :

Où Judas est représenté roux comme de coutume, tenant la bourse de sa trahison ; Son manteau, jaune bien-sûr, prend par le jeu de ses plis la forme d'un visage grimaçant. On reconnaît Pierre à son front dégagé, Jean imberbe dormant aux cotés du Christ.

vitrail-passion 5742c

 


 

Jésus au Mont des Oliviers

 avec, sur un rocher, la coupe eucharistique, allusion à Marc 14, 36 : "Il disait : Abba, Père, toutes choses te sont possibles, écartes de moi cette coupe !" Il est accompagné de Pierre, de Jean et de Jacques ; l'épée au coté de Pierre rappelle Jean, 18, 11 : "Remets ton épée dans le fourreau. Ne boirai-je pas la coupe que le Père m'a donné à boire ?"

 

 vitrail-passion 5743v

 

 

 

Le baiser de Judas.

  Où on voit Pierre tenant le glaive, et Malchus, à terre, tenant son oreille  droite : Jean 18, 10 : " Simon Pierre, qui avait une épée, la tira, frappa le serviteur du souverain sacrificateur, et lui coupa l'oreille droite. Ce serviteur s'appelait Malchus."

Malchus vient du grec Malchos et de l'hébreu Mélek, "roi".

Le "souverain sacrificateur" ou chef sacrificateur est celui qui, choisi parmi les membres de la tribu d'Aaron, doit une fois par an le jour de l'expiation, entrer dans le Saint des Saints afin d'y offrir des sacrifices pour ses péchés et ceux du peuple. C'est lui qui préside le Sanhédrin ou conseil suprême. La fonction, héréditaire, est reçue à vie.

Le Christ fut appelé Souverain sacrificateur par Paul dans l'épître aux Hébreux.

  Judas tient fermement la bourse qui témoigne de sa trahison : l'avarice et l'appât du gain sont les principaux traits qui s'attachent à sa personne.

 

 

 vitrail-passion 5744c

 

 

 

Le registre moyen.

 

 Quatre scènes  se détachent sur un fond rouge soulignant l'aspect dramatique de la Passion ; la tunique violet-pourpre du Christ y a été systématiquement restaurée, sans-doute en raison d'une dégradation importante du coloris. 

   Les couleurs prédominantes des huit  scènes de la Passion sont le rouge et du bleu, le pourpre-violet (restauré) étant réservé au Christ, le vert aux éléments et personnages accessoires, et le jaune aux bourreaux, ou aux prêtres et à Pilate.

   Dans l'ensemble de la verrière, trois catégories de personnages sont distingués, catégories qui sont aussi présentes dans le texte lui-même, et que les mises en scène des Passions médiévales ont du encore caractériser d'avantage : Jésus, ses apôtres et disciples, d'une part. Les "pharisiens", les juifs qui sont choqués par les propos et la conduite du Christ ou qui redoutent le messianisme qu'il suscite, d'autre part. Et les hommes de paille, les soldats romains, la foule devenue hostile, les "bourreaux". 

  Ceux du premier groupe sont vêtus de robes et de manteaux, portent une barbe courte et ont la tête non couverte, et les pieds nus.

  Les membres du  second groupe sont vêtus plus richement, avec camail d'hermine, ou accessoire d'or, et, presque systématiquement, portent la barbe longue et un couvre-chef.

  Ces deux groupes ont des vêtements amples et flottants, à l'opposé du groupe suivant.

  Dans le troisième groupe, on porte des bas, des hauts-de-chausses aux braguettes avantageuses, un pourpoint très ajustée,  comme les lansquenets de la Renaissance.

 

vitrail-passion 4393c

 

 

 

Comparution devant Anne.

 http://books.google.fr/books?id=8k0_AAAAcAAJ&pg=PA346-IA2&lpg=PA346-IA2&dq=grand+prêtre+mitre&source=bl&ots=iJxcX7pO1Y&sig=Q8Z4gyEC2KgdAtgkfdDR8uV_ezY&hl=fr&sa=X&ei=APn9T6isB8-JhQet4tRX&ved=0CE4Q6A 

       Sur ces panneaux, Jésus comparaît devant quatre personnages différents, et je pense que c'est seulement en se basant sur les Évangiles que les commentateurs (C. Dréan et R. Barré sur le site de l'Inventaire) les nomment successivement Anne, Caïphe, Hérode et Pilate.

  Cela pourrait conduire à des longs développements. D'une part en raison des Évangiles eux-mêmes : les textes synoptiques disent que Jésus fut conduit d'abord devant "le souverain scarificateur" (nommé, dans Matthieu 26,3, Caïphe) chez qui les anciens le Sanhédrin et les scribes s'étaient rassemblé, puis devant Pilate, puis Hérode Antipas, puis "au prétoire" (palais d'Hérode ?) puis devant Pilate. Jean (JN 18, 13) écrit pour sa part que "Ils l'emmenèrent d'abord chez Anne, car il était le beau-père de Caïphe, qui était souverain sacrificateur cette année-là", puis Jn 18,24 "Anne l'envoya lié à Caïphe, le souverain sacrificateur".

  Donc :

soit  Caïphe —> Pilate —> Hérode —> prétoire —> Pilate.

soit  Anne —> Caïphe —> prétoire Pilate —>flagellation soldats épine, pourpre —>Pilate.

 

  Le personnage qui est représenté ici porte une tiare ornée d'un croissant : peu importe que cette tiare corresponde historiquement au turban de lin (Mitznefet) et à la plaque d'or portant les mots "consacré à l'Eternel" : le personnage représenté est le grand-prêtre, le souverain sacrificateur en fonction, et donc il s'agit de Caïphe. Anne, son beau-père, est peut-être celui qui est représenté à l'arrière en robe blanche et or  comme une "éminence grise" influente. 

 


   

 

 vitrail-passion 5737c


 Comparution devant Caïphe (?).

        Les attributs de ce notable sont la longue barbe, la main de justice, le chapeau conique portant une chaîne d'or. Le manteau et la robe sont comparables à celle du panneau précédent.

  La main de justice me semble devoir être attribuée à un personnage qui détient un pouvoir exécutif, essentiellement Pilate, éventuellement Hérode, mais non Caïphe ou Anne.

  La tunique blanche du Christ est différente de celle des autres panneaux : elle est plus courte, avec in col en V, un boutonnage médian, et porte un galon d'or en partie inférieure.

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 Comparution devant Hérode.

 

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Dérision du Christ.

        La même incertitude que précédemment (Anne ? Caïphe ? Pilate ? Hérode?) persiste pour l'identité des commanditaires de la peine subie, qui portent tous les deux une riche coiffure et des habits doublés de fourrures : je penche pour Pilate, en raison de la Main de justice, puisque le grand-prêtre, les pharisiens ou les membres du Sanhédrin n'ont pas de pouvoir exécutif. On les retrouve sur les images suivantes.

 vitrail-passion 5740c

 

 

La Flagellation

  On voit l'opposition entre les trois groupes que je viens de décrire : le Christ au centre porte la barbe et les cheveux longs, il est lié par les poignets et le cou à la colonne de supplice.. Le soldat romain porte un casque et une cuirasse semblable à celle d'un chevalier médiéval, alors que le flagellateur, à la posture de fier-à-bras de foire, porte des vêtements très ajustés et la braguette qui était à la mode au XVIe siècle jusqu'en 1580. Cette coque, adoptée par les soldats pour protéger leurs génitoires, était devenue un faire-valoir à usage de poche pour ranger son mouchoir ou sa bourse.

  Les postures sont bien différentes : passivité résolue du Christ, passivité complice des notables, déploiement d'une dynamique agonistique pour les bourreaux.

  .

 

vitrail-passion 5733c

 

Le couronnement d'épine

        C'est le moment pour moi de comprendre cette image, que l'on retrouve dans toutes les Passions des vitraux bretons et sur tant de gravures du Moyen-Âge.

  Sur toutes ces images, deux ou quatre soldats appliquent la couronne en la forçant sous l'effet de presse de roseaux ou de tiges flexibles, qui, immanquablement, forment une croix spectaculaire au dessus de la tête de la victime. Cet exercice de force transforme la scène en une démonstration sportive, une exercice d'athlète où des diagonales sont autant de lignes de force et les corps des soldats autant d'instantanés des tractions exercées, s'opposant à l'immobile résistance du corps du Christ. Autrement dit, une interprétation symbolique s'impose pour décrypter le sens de ces contraintes rayonnantes et dynamiques pesant de toutes leurs forces viriles contre la sérénité souriante, patiente et déterminée du premier apôtre de la non-violence.

   Je remarque aussi le large emploi des "crevés" sur les hauts-de-chausses, l'encollure, les manches ou les tuniques, par extravagance et non-conformité arrogante inspirée des modes vestimentaires des lansquenets.

surhttp://peintures.murales.free.fr/fresques/France/PACA/Hautes%20Alpes/Plampinet/stsebastien.htm  vers 1550

  • Vitrail église Sainte-Madeleine de Troyes, début XVIe, voir l'article de Jacky Provence et sa réflexion parallèle à la mienne sur les couleurs utilisées ici :link
  • Martin Schongauer,(Shestak n° 12) 4ème quart XVe link
  • Jan Baegert link
  • Titien, Le Couronnement d'épine, Louvre, 1542.link
  • Le Caravage, Le Couronnement d'épine, Vienne, 1603, link

 

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Comparution devant Pilate

        Il n'y a pas d'hésitation : celui-ci est bien Pilate, puisqu'il se lave les mains.

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      Portement de la Croix.


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registre supérieur : 

 

  Sous des arcs en anse de panier surmontés de petits dais Renaissance, dans un encadrement teinté de jaune d'argent. Dans les têtes de lancettes, des niches abritent des statues ou des vases au creux d'une coquille encadrée de puttis; l'une des statues représente une sainte martyre, l'autre un saint chevalier tenant un oriflamme avec la lettre A (saint Adrien ?).

 

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La crucifixion

Un centurion romain et un prêtre ou notable juif assistent à l'exécution de la sentence, alors que les murailles de Jérusalem se voient en arrière-plan.

 

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Le Christ en croix.

entre la Vierge et saint Jean. Au pied de la croix, un crâne rappelle que l'histoire de la Sainte Croix débute par le tombeau d'Adam.


 

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La Déposition de croix 

  On remarquera le N rétrograde du titulus.

La Vierge en pamoison, saint Jean, Nicodème et Joseph d'Arimathie.


 

 

 

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La Mise au tombeau.

   La Vierge, saint Jean (en rouge), les trois saintes femmes (dont Marie Madeleine), Nicodème portant les pieds et Joseph d'Arimathie soutenant la tête. Au fond, les trois croix du Golgotha.

 

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Published by jean-yves cordier
8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 15:58

 

          L'église Saint-Ouen des Iffs : quelques images des sculptures.

 

  L'église des Iffs mériterait un article d'une autre ampleur , mais on trouvera sans-peine sa description sous des plumes autorisées. Je l'ai visité pour ses vitraux, et je me contente ici de montrer quelques clichés des statues et sculptures qui m'ont séduites.

Voir : Les vitraux de l'église des Iffs : première partie, La Passion.

Les vitraux de l'église des Iffs ( seconde partie : les chapelles).

Statue de sainte Catherine.

Mur ouest, Pierre polychrome de 80 cm de haut, 1ère moitié 15ème siècle.

Classée MH 19 avril 1966.

 Après avoir identifié Catherine d'Alexandrie par ses attributs (roue, épée, terrassement du roi Maximien), on s'attachera à étudier les traits originaux qui font la valeur de cette statue, à commencer par cette ceinture symbolique de la virginité préservée de la sainte malgré les contraintes exercées par l'empereur Maximien, et qui, ici, s'enroule autour de l'épée qui décapita la sainte en un résumé de son martyre. Un autre élément dramatique est la manière par laquelle Maximien désigne de la main la plaie de son cœur épris. 

 Pour aller plus loin, il faut lire l'étude qu'en donne C. Dréan pour l'Inventaire en 1985:

  "Cette statue, d'une composition ramassée, réunit un grand nombre d'éléments, dans le même épannelage. (exemple de la représentation réduite de l'empereur et de la roue brisée). C'est un drapé ample ; grande recherche du plissé, plis tuyautés du surcot, plis repassés en zig-zag, des pans du manteau, plis cassés et anguleux de la cotte.

Visage en amande, aux pommettes saillantes remontées haut sur les yeux, nez fin et allongé, lèvres minces, menton bien marqué et recourbé, front haut, très dégagé, chevelure aux larges boucles rejetées en arrière. Les mains, aux doigts effilés, à section carrée, ceux de la main gauche transparaissent sous un pan du vêtement du manteau. Recherche de variété dans 1e drapé, réelle qualité plastique du visage,  exactitude des détails, (le fermail aux boutons en forme de rose, la cordelière repassée et pendant en un long sautoir double réuni par un coulant,  ceinture décorée d'appliques fleuronnées). L'ensemble laisse apparaître une oeuvre de grande qualité, très probablement influencée par 1e style des albâtres anglais : ces doigts effilés, les pieds du petit personnage, dans le prolongement de la jambe sont autant de détails caractéristiques  "

 

 

 

 

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Statue de saint Hubert.

 

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     Bas-reliefs des stalles : les douze apôtres.

  Les stalles sculptées datent du XVIe siècle.

 

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Bénitier

 

Une cuve octogonale monolithe de granite du XVe siècle a été remontée sur une base carrée du 17e siècle ou du 18e siècle. H :117 cm, diamètre 73 cm.

  Son intérêt vient de son inscription, et de son ornementation.

  L'inscription  en lettres gothiques en bordure supérieure de la cuve  est encadrée par un "deux-points" en S : " : ce .[ fut fait * l'an. Mil .  quatre . cts. l. et VIII :", "ceci fut fait en 1458".

* les transcriptions semblent avoir toutes omis de lire deux mots qui se trouvent au dessus de feuilles de chêne : je lis peut-être " tous . deci "

 

  L'ornementation sculptée associe des animaux avec des feuilles d'arbre : feuilles de chêne sur un rameau, de châtaignier, de marronnier, hermines, fleurs de lis,  chien ou renard  et lapin assis jouant du serpent.

Pour le site topic-topos.com  ". À l'origine, il s'agirait d'une cuve baptismale provenant de la chapelle de Montmuran. Un bas-relief représente un lièvre jouant de la trompette, symbolisant le chrétien qui nargue le démon, évoqué sous la forme d'un chien. Les feuilles de laurier font référence à la gloire du chrétien, celles du chêne à la force de sa foi. L'hermine et la fleur de lis rappellent que l'église appartient à un fief placé sous la suzeraineté du duché de Bretagne et de la couronne de France."

 

 


 

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      Les blochets :

      Les sablières peintes, les poutres et leurs engoulants ne manquent pas d'intérêt mais j'ai choisi de photographier quatre blochets curieux aux visages simiesques ou bestiales et aux gestes des bras expressifs mais mystérieux. 

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Published by jean-yves cordier
7 juillet 2012 6 07 /07 /juillet /2012 19:49

          Sortie entomologique à Morlaix

                  avec Bretagne Vivante.

  Date  : 7 juillet 2012.

Situation météorologique : favorable  (aux grenouilles et aux escargots) : pluie continue.

 

I. Le Tristan

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II. La Libellule à quatre taches.

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III. La chenille de l'Orthosie gothique Orthosia gothica (Linnaeus, 1758)

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      IV. L'exuvie de sympetrum striolatum

(par déduction de la présence de l'imago à proximité)

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Sympetrum striolatum (archive 2011) :

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 Par ailleurs  et dans le désordre:

 

Ischnura elegans

Amaryllis

Myrtil

Pisaura mirabilis

Chorthippus parallelus

Vipère péliade

Orchis maculata.

stratocumuli.

pluvia pluvia.



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Published by jean-yves cordier
1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 18:51

Sortie à PLozevet ( Finistère Sud) avec Bretagne Vivante .

 


Les Sonneurs (1908), sculpture de René Guillivic à Plozevet. C'est le portrait d'un couple de sonneurs du pays, Yann Kerloc'h dit Yann Dall (1875-1960), le sonneur aveugle et Thomas Bourdon.

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 Lieu : Littoral entre Plozevet et Plouhinec / étang de Pouldiguou

Date : 30 juin 2012

Motif : Formation Invertébrés organisée par Bretagne Vivante et le GRETIA ; Sortie menée par Mickaël Buord.

But : recherche des insectes, papillons, libellules, ou arachnides... 

 

 

I. Le littoral.

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  Sur le front de dune dont la tombée peut être occupée par les terriers de la cicindèle, nous inspectons les plants de mauve (chenilles d'hespérie de la mauve ?) , puis les plants de roquette de mer Cakile maritima  à la recherche de la punaise phytophage propre à cette plante, Eurydema herbacea.  Le tout sans succès. Descendant sur la grève, nous nous attachons à retourner les pierres (et à les replacer) afin de rechercher un hôte qui s'y repose avant de passer la nuit à travailler : c'est Broscus cephalotes (Linnaeus, 1758).  

   Ce carabe qui creuse son terrier sous les débris fait alors la navette entre la laisse de mer et le bord de dune, chassant le talitre et autres gros insectes. Eurêka, en voici un, puis un autre : 

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  Satisfaits, nous quittons la plage et son petit peuple de nettoyeurs de laisse de mer et nous gagnons l'arrière-dune.

 

  II. Dunes et chemins vers la chapelle St-They. 

  La prairie dunaire serait pleine de promesses pour les papillons, mais ils sont rares : Fadets communs, Collier-de-corail, Amaryllis,  hétérocères ensommeillés, exceptionnelles zygènes du trèfle.

    De loin se repère un plant de Molène où nous découvrons un de ses habitués, la chenille de Cucullia Verbascum, la Cucullie de la Molène (ou du Bouillon-blanc, c'est blanc-bonnet et bonnet-blanc) : 

 

 

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  Shargacucullia verbasci (Linnaeus, 1758)

 

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La tête ...

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      ...et le wagon de queue : 

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        Nous reprenons notre bâton de pèlerin à travers les ajoncs puis sur les sentiers où, rarement, quelque Tircis se querelle contre un intrus . La rencontre d'une Eristale fait figure de petit évènement ; une pièride apparaît : est-ce Brassicae ? Non, c'est Rapae.

   Là, sur cette inflorescence, c'est l'Ephippigère de la vigne, une sauterelle aux ailes atrophiées et au pronotum en forme de selle : son étymologie dérivée du grec ephippios, "couverture ou selle de cheval", a le mérite de faire retenir l'orthographe d'Ephippiger ephipigger (Fiebig 1784)

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    Puis on descend vers un lieu humide où les seules libellules sont des Caloptèryx, faut-il en faire des gorges chaudes ? Nous montrons un goût dédaigneux, comme le chat du bon Horace. 

  Où sont les observations entomologiques d'antan ? Déjà nous approchons de la chapelle St-They, mais nous avons coiffé notre casquette d'entomologistes et nous ne nous intéresserons pas à ce saint Dey, Tey, Thei, émule de saint Gwénolé dont on ne sait d'ailleurs pratiquement rien. 

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  Mais qui dit chapelle dit fontaine, qui dit fontaine dit ruisseau ou lieu humide, locus amoenus de tout naturaliste : nous voilà vite en train de batifoler parmi le thym et le serpolet, ou, à défaut, le rumex, les joncs et les orties pour constater que les nymphes du lieu ont pour nom Calopteryx virgo, un point c'est tout. Et nous allions repartir bredouille de ce havre champêtre si...

  Bredouille  est un terme dont il va, si la situation météorologique actuelle se prolonge, me falloir approfondir la connaissance : contraint de l'utiliser, j'aurai alors le loisir d'en savourer les origines. Celles-ci seraient à trouver dans le jeu du Tric-trac, où, vers 1611, il désigne la situation avantageuse d'un joueur ; ou une partie double qu'on marque de deux jetons ; une partie bredouille, c'est une partie qui en vaut deux. Le "trictrac", très en vogue du XIIe au XIXe siècle, se jouait à deux personnes, chacun ayant deux dés et quinze dames ; et c'était à celui qui gagnerait ses douze trous le premier. Et si je gagne tous mes trous sans même que vous ayez le temps de jeter vos dés , alors, "je joue bredouille", et vous, vous avez été "mis en bredouille". Je gagne si rarement aux jeux que j'en bredouille.

    Mais en 1694, patatras, tout se renverse, et on dit qu' une femme est sortie bredouille du bal quand elle n'a point été prise pour danser. Mais au XXe siècle, l'ambivalence du mot persiste puisque avoir la bredouille ou être en bredouille , c'est "avoir le jeton qui indique que l'on fait de suite douze points, six trous ou douze trous. Dans ce dernier cas, on gagne la grande bredouille"(Quillet, 1965). Si on veut, "avoir la bredouille", c'est gagner la partie bredouille, celle qui vaut double, alors qu'"être bredouille", c'est la perdre.  

  Mais non, saint They nous préserve d'une telle déconfiture, d'une capilotade inavouable et fait apparaître devant nous une bryone, dioïque de surcroît, digne représentant des Cucurbitacées dont elle est, en nos contrées, la seule espèce sauvage. Et, sur les feuilles de cette Bryonia dioica Jacq.,1774, c'est Henosepilachna argus Geoffroy, 1762 qui se goberge.

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  A ce nom barbare est associé celui de notre compatriote le Docteur Étienne-Louis Geoffroy (1725-1825)  Histoire des noms français de papillon I : Etienne Louis Geoffroy et, par la mention trop laconique "1762",  une référence à son Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, dans laquelle ces animaux sont rangés par un ordre méthodique, Paris, Durand page 325. Rendons ici hommage à notre savant qui proposait alors le nom de Coccinelle argus, et qui disait pourquoi (si on sait qu'Argus est le héros aux cent yeux) : 

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    Il semble y avoir embrouille, car Geoffroy la décrit rouge, avec des points noirs entourés de jaune, mais puisque c'est à lui que les taxonomistes, assez tatillons pourtant lui ont attribués le titre d'"auteur spécifique", ne disons mot. D'ailleurs, elle est rouge dans le nord, où elle mange de la Bryone, et orange dans le sud, où elle mange du melon. (Wikipédia) La notre, dans l'ouest et sur sa bryone était aussi orangée qu'un "Chamonix", délicieux moelleux fourré à l'orange dont la marque LU m'avait rendu addict, dans les temps jadis, pour mon quatreur.

    Cette coccinelle à onze points ( encore un et elle "avait la bredouille" !) porte de nos jours le nom vernaculaire de Coccinelle orange, ou Coccinelle de melon, ou Coccinelle de la Bryone. Les gens de la Manche (Livory 2003) l'ont observé, une fois, sur le cornichon, et on en parle encore.

  Son nom générique à coucher dehors n'est pas dû à un français, mais à deux savants de 1961, Li et Coock ; On peut se dégager des premières lettre et écrire (Henos)epilachna, de la sous-famille des épilachnines, qui est un groupe phytophage : au lieu de manger , grâce à une ou deux dents, des pucerons, ces coccinelles végétariennes se nourrissent à l'aide de mandibules multidentées de nos cucurbitacées qui sont melons, courges, courgettes et cornichons, ou de nos légumineuses ( subcoccinella 24punctata). Que font nos services sanitaires, que fait Monsanto face à cette engeance ? 

   Comme toutes les coccinelles, elle affiche ses couleurs "aposématiques" pour signifier aux amateurs d'insectes qu'elle n'est pas comestible. En effet, les bryonines et cucurbitacines contenues dans toutes les parties de la plante dont elle se délecte, elle et sa larve, sont éminemment toxiques y compris pour l'homme : elle seule sait s'en protéger. 

  C'est une des rares coccinelles velues : ses élytres sont recouverts d'un duvet très fin, mais qui lui donne cet honnête aspect dépoli :

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  Nous abandonnons cette coccinelle à poil (mais bien heureuse de s'en être tirée face à cette troupe d'entomologistes sans se faire disséquer les genitalia ) pour partir à la recherche d'autres belles rencontres : tout-près, c'est un accouplement de Collier de Corail, ou, pour parler latin Aricia agestis [(Denis & Schiffermuller], 1775) in copula. On les distingue de Polyommatus icarus par les deux points noirs les plus antérieurs, qui sont ici au même niveau, et en décroché par rapport à la ligne pointillée qui suivait jusque là les marques orangées ; chez l'Argus commun, ou de la bugrane, ce décroché de la ligne des points noirs n'existe pas.

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    Après du menu fretin dont je n'ai pas tenu d'inventaire, nous rencontrons un premier longicorne, la Lepture tachetée Rutpela maculata Poda, 1761.

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  Puis nous rencontrons la très admirée Agapanthie à pilosités verdâtre, Agapanthia villosoviridescens de Geer, 1775. Le genre Agapanthia est dû à Jean-Guillaume Audinet-Serville, collaborateur de Latreille pour l'Encyclopédie Methodique, alors que l'espèce a été nommée par Charles de Geer (1720-1778), suédois élève de Linné à Uppsala mais qui admirait tant notre Réaumur qu'il reprit, pour sa publication princeps, le même titre Mémoires pour servir à l'histoire des insectes que notre ingénieux René-Antoine.

  Le nom agapanthe vient du grec, associant ἀγάπη (a̍gápê) (affection, amour divin) et ἄνθος (a̋nthos) (fleur).

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  Elle vient poser sa figure héraldique en sommité de ce promontoire épineux , telle la chêvre de Monsieur Seguin prête à affronter ici même le Loup  malencontreux.

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        Influencé par son Trop-pique, ce Capricorne n'apprècie que ce qui pique : les chardons ( Cirsium vulgare, très commun, Cirsium arvense, Cirsium crispus ). Si ce fakir s'accorde parfois un séjour sur les ombellifères, c'est pour mieux apprécier la Grande ortie Urtica dioica.

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  Après tant de piques, nous pensâmes à notre pique-nique. Puis nous nous rendîmes à l'étang de Pouldiguou.

 

III. L'étang de Pouldiguou.

  Ce fut alors l'occasion de multiples observations d'Odonates ; mais à défaut d'en citer la liste, je ne donnerai ici que quelques photos. Nous cherchions Orthetrum brunneum, qui y a été signalé, et dont nous cherchions à reconnaître les ptérostigmas brun-roux, la face blanc-bleuté, le thorax et  l'abdomen bleu du mâle. Mais ce fut Orthetrum coerulescens qui se présenta, pour une démonstration de ce qu'il savait faire le mieux : copuler.

 Noter les bandes blanches du thorax, caractéristique qui élimine l'hypothèse d'un brunneum.

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    Je ne suis pas parvenu à prendre en photo les nombreux zygoptères ; je ne peux proposer que ceux-ci : 

Ceriagrion tenellum ou Agrion délicat:

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Ischnura elegans :

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De la famille des Chrysomelidae : une  donacie : est-ce Donacia semicuprea Panzer, 1796, espèce la plus fréquente en Europe, sur les glycéries ? Non : les meilleurs de nos experts se prononcent pour Donacia versicolorea (Brahm, 1790) .

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  Plus loin, un Dytique Dytiscus sp encore tout mouillé des plongées qu'il affectionne (du grec dyticos, "qui aime à plonger" ) : Le Cybister à cotés bordés Cybister lateralimarginalis (De Geer, 1774). A la différence du Dytique bordé Dytiscus marginalis, son pronotum n'est pas cerclé d'orange.  On peut aussi observer les éperons des tibias des pattes postérieures (bien visible sur la patte babord) qui sont fins et identiques chez Dytiscus, et asymétriques chez Cybister, l'un étant fin et l'autre épais. (link)

  Il s'agirait d'une femelle, reconnaissable aux élytres crénelées... mais selon André Lequet, justement, les élytres de Cybister lateromarginalis sont toujours lisses. Dites-moi que ce n'est pas vrai ! 

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Plus à l'écart des berges, une chrysomèle :Chrysolina (Erythrochrysa) polita (Linnaeus, 1758), la Chrysomèle polie. Ses élytres ponceau contrastent avec le corselet vert bronze et la tête vert métallisé. Elle fréquente les lieux humides que la menthe embaume. Son nom vernaculaire est attesté dès 1817 (Dumeril, in Dict. Sc. Nat. Cuvier vol.9) après qu' en 1790 Ollivier et d'Alembert (Encycl. Meth. vol.26 p. 696) aient opté pour "La Chrysomèle lisse", et qu' en 1762 Etienne-Louis Geoffroy se soit contenté de la désigner comme "la chrysomèle rouge à corselet doré", (Hist. abr. ins. Paris t I p.258) lui qui avait su inventer à ses chrysomèles des noms charmants comme "l'arlequin doré", "le petit vertubleu", ou  "le grand vertubleu".

  Le grand art, pour un entomologiste, est de choisir à sa petite bête un nom de baptème qui laisse persister un certain flottement sémantique. "Chrysomèle lisse" était mal choisi, trop franc, stérile comme un galet. "Chrysomèle polie", tout en voulant dire exactement la même chose, garde des ombres secrètes ; et vous ne pouvez vous empécher, lorsque vous la rencontrez, de vous attendre à ce qu'elle soulève obséquieusement son chapeau pour vous saluer.

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  La journée touche à sa fin ; un dernier tour dans des landes où, l'annèe passée, folatrait encore le Damier de la Succise ne me permet d'admirer que la Crételle des près Cynosurus cristatus L. Traduisant le nom gréco-latin de Cynosurus, les anglais la nomment "queue de chien" (Dog's-tail) et les allemands la comparent à un peigne (Wiesen kammgrass) car les épillets stériles forment comme des peignes en face des épillets fertiles. Parmi les papillons, les azurés et les cuivrés l'apprècient. C'est la plante-hôte du Fadet, Coenonympha pamphylus.

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IV. La sortie de nuit.

 

  Au risque de décevoir, je ne dirai rien des quelques trente espèces observées, tant j'étais content de voir, pour la première fois, le Sphinx du troène Sphinx ligustri Linnaeus, 1758.

 


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  Zoonymie : 

Nom de genre : Sphinx, Linnaeus, 1758

Nom d'espèce : Sphinx ligustri, Linnaeus 1758 . Du nom de l'une des plantes hôtes, Ligustrum vulgare, le troène. Les autres sont le Lilas, le Frène, le Sureau, mais aussi le Viburnum, l'Ajonc, les Spirées.

Copyright www.biodiversitylibrary.org.



Nom vernaculaire :

France : Sphinx du troène, Engramelle, Papillons d'Europe peints d'après nature, tome III, n° 113, illustration planche 85, déssinée par Ernst et gravée par J.J. Juillet. 1782 p.8 : link

GB : Privet Hawk-moth. c'est à dire Sphinx du troène ("privet").

D : Ligusterschwärmer

 

La Rosette, Miltochrista miniata Forster 1771.

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Published by jean-yves cordier
20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 12:28

Longicornes, Capricornes, cinq Cérambicidés qui vous font les cornes.

 

I. Trois Lepturiens (Lepturinae, Latreille, 1802).

1. La Strangalie à forme de capricorne Pachytodes cerambyciformis, Schrank, 1781

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2. La Rhagie à deux fascies Rhagium bifasciatum Fabricius, 1775

 

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3. La Grammoptère à antennes rousses Grammoptera ruficornis Fabricius, 1175.

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II. Un Lamiaire (Lamiinae Latreille, 1825)

La Saperde à villosité verdâtre Agapanthia villosoviridescens De Geer, 1775

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III. Un Cérambyciné (Cerambycinae, Latreille, 1802)

Le Clyte bèlier Clytus arietis (Linné, 1758)

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Zoonymie

Nom de genre : Clytus, Laicharting 1784. 

  Du latin Clytus, i, m : 1. fils d'Egyptus.- 2 fils d'Arménius.-3 compagnon de Phinée.

Nom d'espèce : Clytus arietis (Linné, 1758) : protonyme : Cerambyx arietis. Du latin aries, arietis, "bélier". 

Nom vernaculaire : le Clyte bélier.

  • La Lepture à trois bandes dorées, 1772, Louis-Etienne Geoffroy, Histoire abrégée des insectes des environs de Paris, tome I n°  p. 214 link
  • Capricorne à quatre bandes jaunes, 1775, De Geer, Histoire abrégée des insectes
  • Callidie bélier, Olivier, 70, pl.II fig.20
  • Callidie bélier, 1803, Pierre-André Latreille, Histoire naturelle des Crustacées et des Insectes ... Volume 11 p. 296, link


 

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Published by jean-yves cordier
19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 20:33

L'Agrion orangé ou Pennipatte orangé Platycnemis acutipennis Selys, 1841.

 

 


 

Date : 27 mai 2012

Lieu : Forges-la-Forêt.

 

I. Coeur copulatoire. 

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II. Ponte surveillée ou en tandem :

 

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Zoonymie

 

Genre : Platycnemis Selys, 1841.

  Dans sa Monographie des libellulidées d'Europe, Roret, Paris 1840, p. 148 link  le baron Edmond de Selys-Longchamp (1813-1900) reprend le sous-genre Platycnemis de Toussaint de Charpentier ( Horae Entomologicae, Vratislavae 1825) en le caractérisant ainsi : "Les jambes des quatre pieds postérieurs dilatés ou élargies sur leur coté, et garnies de cils longs. Les deux jambes antérieures garnies également de cils longs. " Et il ajoute : " la tête est plus large et transverse que dans aucune autre Libelluline."

De Platy-, du grec platys, "plat", et -cnemis, du grec désignant une jambière ou "bottine militaire" , la cnémide, hautes jambières que portaient les guerriers grecs sur le devant des jambes. Cela se réfère aux tibias dilatés caractèristiques.


Espèce : Platycnemis acutipennis, Selys, 1841.

 Nouvelles Libellulidées d'Europe, par Edme de Selys-LongchampRevue zoologique, Paris, 1841 p. 246, .link

 : "Espèce très distincte de l'espèce type Pl. platypoda en ce qu'elle est plus petite, ses ailes plus étroites et le corps d'un rouge-clair presque sans taches chez le mâle avec quelques stries dorsales chez la femelle. Habite le midi de la France" Dès 1850, on le signale dans l'Ouest de la France

Du latin médieval acuti-, "aigu", et -pennis, "plume, aile"

 

Nom vernaculaire : 

Le terme "Agrion orangé" est utilisé en 1843 par Pierre Boitard en traduction de Agrion aurantiaca de Selys, qui proposait "Agrione orangé". (Monographie des Libellulidés, Roret, Paris 1840 p. 159, n° 6 bis). Il ne s'agit donc pas de notre espèce qui est, assez vilainement, appelée Platycnème acupenne par la Société Royale des sciences de Liège en 1850 link

  Je n'ai pas pu retrouver la date de la première application du nom d'Agrion orangé à Platycnemis acutipennis.

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Published by jean-yves cordier
19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 19:24

Demi-deuil et Gazé à Crozon : le retour.

 

Date : 15 et 19 juin 2012

Lieu : dans les prairies naturelles de la Presqu'île.

 

I. Le Demi-deuil :

 

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II. Le Gazé.

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III. Le Myrtil.

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IV La Sylvaine .

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Published by jean-yves cordier
18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 12:38

L'arbre de Jessé de l'église de La Ferrière (22). Les vitraux et les statues.

 

I. Présentation

   Succédant à un premier édifice, qui avait été donné à l'abbaye de Marmoutier (Tour) par l'évêque de Saint-Brieuc en 1128, et qui fut incendié par les Anglais lors de la guerre de Cent Ans, l'église Notre-Dame de La Ferrière date du XIV-XVe siècle ; elle est en forme de croix lattine avec adjonction à l'aile nord d'une chapelle communicant avec cette aile. elle a été reconstruite en 1767 (clocher), 1770 (nef), 1889 (choeur et transept). Elle porte les armes des Rohan.

  Les vitraux actuels se répartissent sur cinq baies : un arbre de Jessé de 1551 dans la chapelle nord, des scènes de la vie de la Vierge et de celle de sainte Anne dans la baie d'axe du choeur, et trois scènes de la vie de sainte Barbe datant de 1546 dans trois baies sud de la nef.  Mais ils n'occupent pas leur emplacement d'origine, et ont suivi les aléas des transformations successives. Restaurés en 1804 par la fabrique, celle-ci ne put réunir, en 1845, les 600 frs nécessaires à une nouvelle remise en plomb, et  en 1855,  J.H  Geslin de Bourgogne et A. de Barthélémy mentionnent qu'ils trouvèrent, "quelques débris épars dans l'église et le village" qui leur permirent de reconstituer trois verrières, l'arbre de Jessé, la vitre dédiée à Marie et à Anne, et le vitrail de sainte Barbe; en 1899-1900, la chapelle sud dite chapelle saint-Laurent fut abattue ainsi que le chevet, avant d'être reconstruits : c'est de cette époque que date la dispositions actuelle, due à la restauration du verrier Laigneau de saint-Brieuc.

  

  .

Source :  

  • Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Corpus Vitrearum Les Vitraux de Bretagne, Presses Universitaires de Rennes 2005.
  • René Couffon, Contribution à l'étude des verrières anciennes du département des Côtes-du-Nord, Les Presses Bretonnes Saint-Brieuc 1936, pp. 136-142, link
  • Je n'ai pu consulter Annie Clément, Les vitraux du XVIe siècle de La Ferrière dans les Côtes d'Armor et l'atelier de Michel Bayonne. Mémoire de maîtrise : Histoire de l'Art, Rennes 2, 1996. 
  • GLAD, site du Service Régional de l'Inventaire de la DRAC Bretagne, La Ferrière, Le mobilier de l'église  http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=PALISSYIM22002675 

 

II. L'arbre de Jessé.

  Placè en 1900 dans la chapelle nord, il fut alors restauré (vraisemblablement par l'atelier Laigneau, qui réalisa alors un vitrail de saint Laurent pour la nouvelle chapelle sud), puis déposé en 1948 lors de travaux de maçonnerie avant d'être replacés en 1951 après leur restauration par l'atelier Hubert de Sainte-Marie.

  Il est formé d'une seule lancette en arc brisé que les barlotières divisent en 21 panneaux, et il porte en bas deux indications, la date de 1551, et la signature MB, interprétée comme étant celle de Michel Bayonne.

  a) Michel Bayonne est un peintre verrier de Rennes, auquel on attribue aussi les vitraux de Moulins, Beignon, Saint-Gondran (35).

 Voir  L' arbre de Jessé de l'église de Moulins (35).

L'arbre de Jessé de l'église de Beignon.


b) L'année 1551 :

   Elle correspond à l'ouverture de la seconde des vingt-cinq  cessions du Concile de Trente ; mais l'incidence sur les choix déterminant ce vitrail doit  être modeste, d'une part car les relations conflictuelles entre la France et l'Empire de Charles Quint  ( où se situe la ville de Trente) firent que le roi François II ne laissa pas les évêques français se rendre à la première cession.

   Elle se situe aussi dans une période de poursuite de la lutte contre le protestantisme par une série d'Édits royaux représsifs. Luther s'oppose aux représentations qui font de Marie une Reine, et s'en prend notamment à la virga Jessé, la Vierge qui apparaît depuis le XV-XVIe siècle en nsommité des arbres de Jessé comme la Fleur Divine à la place du Christ en croix des arbres de Jessé du XII-XIVe.

  Début de la Contre-Réforme, période d'intransigeance contre le protestantisme, l'année 1551 est aussi en France en lien avec une crise gallicane et un conflit entre le roi et le pape Jules III.

  La Bretagne, à cette date, est réunie à la France depuis à peine 19 ans.

  

 

                         arbre-jesse 4110c

      Six premiers panneaux : Jessé endormi entouré de deux prophètes.

arbre-jesse 4142c

 

 

  Ayant déjà présenté l'arbre de Jessé de Moulins et celui de Beignon, par le même artiste, qui reprend la même disposition et les mêmes cartons de personnage, je m'attarderai ici plutôt à rechercher les différences, ou les éléments spécifiques.   J'ai placé les clichés correspondants de Moulins, puis de Beignon.

  Un prophète (Isaïe ou Jérémie)

Inscription Ecce virgo concipiet et pariet filium qui cite Isaïe 7, 14.

arbre-jesse 4111cc vitraux-arbre-de-jesse 4450c   beignon 5661c 

       Jessé, endormi à l'entrée de sa tente ; inscription Jessé. 

arbre-jesse 4111ccc  vitraux-arbre-de-jesse 4451v beignon 5659c

 

Deuxième prophète.

 Inscription Egredietur virga de radicce Jessé et flos de [radice ejus ascendet], Isaïe 11,1.

arbre-jesse 4111cccc vitraux-arbre-de-jesse 4452c beignon 5660v


Commentaires.

  L'arbre-livre : Les trois personnages, Isaïe, Jérémie et Jessé, tiennent des livres : l'arbre de Jessé ne naît pas seulement de Jessé lui-même. Ses racines, ce sont les livres eux-mêmes, et les Phylactères qui en portent les inscriptions. De même qu'il n'y a pas de lignage sans mémoire, pas de généalogie sans registres, la religion chrétienne n'est rien sans Livre ni Transmission. Tout, dans l'Ancien Testament comme dans le Nouveau, se base sur l'accomplissement d'une promesse divine : promesse à Noé, promesse à Abraham en Genèse 12, 1-7 : "Pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père. Va dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction." Promesse faite à Moïse, celle de la Terre Promise. Et à coté de ces promesses territoriales, les très nombreuses promesses de progéniture : celle des Chênes de Mambré, Gen.18 1-15 qui fit tant rire Sarah ("j'ai pourtant passé l'âge de l'maour, et mon seigneur est un vieillard"), qui préfigurent la promesse (dans les apocryphes) par laquelle Anne accouchera de Marie, et celle de l'Annonciation par laquelle toute la généalogie de Jessé s'accomplira par la naissance du Christ.

  Il faut souligner par un effort de représentation cet notion d'un arbre enraciné dans les pages du Livre et s'élevant jusqu'au Verbe, un arbre dont les branches ne se distinguent pas vraiment des phylactères prophétiques, dont la sève est faite de lettres et de mots proclamés, dont les feuilles sont celles que l'on feuillette.

  Les femmes cachées.

   On considère trop rapidement que l'arbre de Jessé est la représentation de l'incipit de l'évangile de Matthieu, passage écrit pour des juifs afin de les convaincre de la descendance davidique de Jésus. Mais les versets 2 à 5, qui précèdent l'énumération des rois de Juda, disent :

   "Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères, Juda engendra Pharès et Zara, de Thamar, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram, Aram engendra Aminadab, Aminadab engendra Naasson, Naasson engendra Salmon, Salmon engendra Booz, de Rahab, Booz engendra Jobed, de Ruth, Jobed engendra Jessé, Jessé engendra le roi David. David engendra Salmon, de la femme d'Urie."

  Quatre femmes sont mentionnées, Thamar, Rahab, Ruth, et Bethsabée.

  • Thamar est la belle-fille de Juda, celle qu'il a choisi de donner comme épouse à son fils Er. A la mort de celui-ci , c'est, selon la loi du lévirat, Onan le frère d'Er qui doit l'épouser, mais celui-ci refuse de féconder la veuve et il meurt à son tour. C'est alors Chela qui devrait l'épouser, mais Juda s'y oppose : flouée, Thamar décide de se déguiser en prostituée et attire Juda dans son piège. Enceinte, elle donne à Juda deux jumeaux, Perets et Zerah ou Zara, l'ancêtre du Christ.
  • Rahab est une prostituée de Jéricho, ville où elle abrite deux espions de Josué poursuivis par la police ; cela lui vaut d'être sauvée lors de la prise de la ville ; plus tard, Sâlmon, fils de Naschson épouse Rahab qui lui donne un fils, Booz.
  • Ruth est une étrangère au peuple hébreu, une Moabite qui a épousé un émigré venant de Béthléem ; devenue veuve, sa belle-mère Naomi lui donne la liberté de revenir chez les siens, mais elle choisit de suivre Naomi qui rentre à Bethléem. Là, elle épouse Booz, fils de Salmon et de Rahab comme nous l'avons vu, et elle en eut un fils nommé Obed.
  • Bethsabée est la femme d'Urie le Hittite, un des généraux du roi David. Celui-ci l'observe lors de son bain, la désire et envoie Urie se faire tuer au combat, puis épouse Bethsabée. Salomon est né de cette union.

        Matthieu résume en fait la fin du Livre de Ruth 4, 19-22 tout en mentionnant le rôle des épouses : Perets engendra Hetsron ; Hetson engendra Ram ; Ram engendra Amminabad ; Amminabad engendra Naschson ; Naschon engendra Salmon ; Salmon engendra Boaz ; Boaz engendra Obed ; Obed engendra Isaï (Jessé) ; Isaï engendra David. Il rappelle ainsi que David, et le Christ, descendent de quatre femmes particulières : l'une prostituée, l'autre déguisée en prostituée pour séduire son beau-père, la troisième étrangère (non juive), la dernière au coeur d'une relation adultère et homicide...

     "En dessous" de Jessé et de son arbre, dans les couches plus profondes de la généalogie du Christ, placé "hors cadre" de tous les arbres de Jessé (ou peut-être suggéré par le personnage de la Démone des arbres sculptès), la prostitution et l'adultère. Ou plutôt la ruse de Thamar retournant le jugement de Juda contre lui-même et l'acculant au pardon ;   le jugement d'un être par ses oeuvres et par sa foi, Rahab préfigurant Marie-Madeleine ;  l'accueil de l'étrangère dévouée Ruth qui devient ancêtre des rois de Juda ; et la relation adultérine et meurtrière David-Bethsabée pardonnée et bénie après que la la faute ait été rachetée.

  Là encore, on peut voir soudain ce qui ne figure que par défaut dans ce vitrail apparaître clairement : quatre femmes portant les quatre pieds du fauteuil où Jessé s'est endormi . Thamar . Rahab .  Ruth . Bethsabée. 

  Cet arbre que j'imagine désormais, avec à sa base les Livres pleins d'histoires cocasses, de personnages picaresques, d'aventures dynamisés par une sexualité vivante, plurielle, sans complexe, j'aimerais bien le renverser ; partant du récit d'une femme qui renonce à la sexualité pour concevoir son enfant sans passer par l'ouverture risquée à l'autre et par la perte de l'intégrité de soi, partant de cette parthénogenèse ( parthéno = vierge/ genèse = naissance) dressant en apothéose le couple exclusif mère-enfant, l'arborescence se développerait, rencontrant ces rois pies ou impies mais toujours truculents qui, assis à califourchon, raconteraient leurs frasques et leurs combats ; David accompagnerait à la harpe son fils Salomon chantant les couplets coquins de son Canticum canticorum,  Jessé se réveillerait, il pousserait la chanson à son tour, et enfin les quatres femmes, en en riant encore, raconteraient leurs déguisements, leurs nuits d'amour, et les hommes gentiment bernés... Nous serions loin de la vierge et de son bébé, nous serions dans les tribus, dans les grandes tribus pleines de bruits et de tumultes et Noé aurait tellement bu qu'il faudrait encore que Cham, Seth et Japhet  le rhabillent. 

 

  Mais c'est une autre histoire que La Ferrière nous amène à raconter : celle de la conception virginale de sainte Anne, puis celle de la Vierge, puis le martyr de sainte Barbe qui se refuse au mariage et a fait voeu, comme Marie, de rester vierge à jamais.

 

 

      Les six panneaux sus-jacents :  six rois de Juda.


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Salomon 

Il présente, d'un beau geste, un passage de la Bible : sans-doute dans l'un des livres dont on lui attribut la paternité, comme le Cantique des Cantiques mais hélas, nous ne savons pas ce qu'il désigne ainsi.

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vitraux-arbre-de-jesse 4453v beignon 5655cc

David

On remarquera l'utilisation de verre rouge gravé.

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      Ézéchias

  Toujours gaillard, en tenue de combat (cuirasse légère), le sabre au coté. Mais bizarrement glabre.

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Josaphat :

 

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      Roboam :

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Asa

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Les neuf panneaux supérieurs.


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    1; A gauche, Amon (en bas) et   Josias  :


Amon

  Glabre lui-aussi.(restauré ?)  Au dessus de sa tête, la main de Josias m'a intrigué.

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  En effet, cette main semble contenir des grains blancs que l'on retrouve sur la manche : lié à l' attaque du pigment par l'acide chlorhydrique libéré par des micro-organismes, cet effet m'a permis de rêver d'une image pleine de charme et de sens, où les larmes se transmettraient de génération en génération comme des perles précieuses. Les artefacts sont, parfois, les ailes les plus sûres de nos songes.

  arbre-jesse 5615c c

 

 


Jozias

  Le Corpus Vitrearum signale que la tête des rois des panneaux sommitaux latéraux sont dus à la restauration de Laigneau. Cela concerne donc Jozias et Jéconias.


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      Au milieu, Joram

drôlement perché dans l'arbre et tourné vers Joatham qui lui lance un regard malicieux en lui faisant signe de son index de venir le voir. 


 

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Jéconias

  Il s'agit, je l'ai dit, d'une restauration de Laigneau (1900). Le roi de Juda a une tête de seigneur du début de la Renaissance, la main gauche est... maladroite, la couronne semble plus propre à venir se poser sur la tête de Blanche Neige que sur celle d'un roi de Palestine. Enfin, le verre et ses pigments semblent avoir été beaucoup plus vulnérable à cette lèpre du vitrail que nous constatons ici.

  Pourtant, cette image est intéressante puisque la présence de Jéconias crée un écart par rapport aux arbres de Jessé précédents (Moulins et Beignon). Je rappelle que la séquence généalogique donné par l'Évangile de Matthieu, et qui sert de base à l'iconographie des arbres de Jessé, est : David - Salomon - Roboam - Abia - Asa - Josaphat - Joram - Osias - Jotham - Achab- Ézéchias - Manassé. (à la suite desquels viennent dans la liste Amon - Josias - Jéconiah). C'est celle qui est respéctée à Beignon et Moulins.

  A La Ferrière, nous avons  David - Salomon - Ézéchias - Josaphat - Roboam - Asa -  Amon - Jotham- Ozias - Jozias -  Joram  - Jéchonias : à la place de Abia, Achab et Manassé nous trouvons les trois successeurs de Manassé Amon, Josias et Jéconiah. 

  Cela peut être ne peut être dû à un choix de l'artiste, qui doit respecter le programme du commanditaire : cela relève donc soit du commanditaire, soit d'un restaurateur. Les trois rois Abia, Achab et Manassé ont pu être écarté pour leur impiété, qui est attestée, mais pourquoi alors mettre à la place Amon, fils de Manassé qui fut aussi impie que son père ?

  Ici, la tenue vestimentaire de Jéconias est celle d'Abia sur le vitrail de Moulins, et d'Ozias sur celui de Beignon, avec cet élément ventral à trois franges, et une bourse.

 

 

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A Moulins  (personnage de gauche) :  vitraux-arbre-de-jesse 5834c

 

    A Beignon :beignon 5666c

 

La Vierge :     

  Elle est, comme à Moulins, "issant d'une corolle végétale" entourée de nuées, et remettant à son Fils un fruit ; mais l'oeuvre est moins belle qu'à Moulins, la Vierge est coiffée de son manteau qui forme voile, et Jésus marche en faisant le tour de la corolle florale...

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Les deux anges en adoration sont altérès.

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II. La maitresse-vitre de la Baie 0 :

site du Service Régional de l'Inventaire :  Maîtresse-vitre :  http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=PALISSYIM22002605

    Elle est composée de deux lancettes et d'un tympan à un oculus et deux écoinçons. La lancette de gauche, divisée en trois registres est consacrée à la Vierge ; celle de droite, partagée en deux registres, se consacre à sainte Anne, ou plus précisément à la conception et à la naissance de la Vierge. Ce qui fait que l'ensemble de la verrière raconte une Vie de la Vierge. 

   Jadis, ces panneaux étaient répartis dans deux baies différentes de la chapelle sud ; c'est l'atelier Laigneau qui les a rassemblés vers 1899 dans la baie d'axe du choeur, tout en procédant à de larges restaurations.

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1. La lancette de gauche.

  Elle est formée par trois ensembles qui correspondent tous à la fête de l'Assomption le 15 août.

a) Registre inférieur : Dormition de la Vierge

Le Corpus signale quelques restaurations, surtout dans la partie gauche, et un ange bleu du XVe placé en bouche-trou.

Inscription BRE/NO sur la base de la colonne de gauche : René Couffon y voit, sous la forme NObre, l'abréviation de Novembre.

Sur la base de la colonne de droite, inscription de la date de 1551.

Sur l'architrave, inscription SVRGE . AMICA . MEA . ET .  VENI.

C'est le titre d'une oeuvre de Palestrina datée de 1563; Surge Prospera Amica mea et veni est un des motets de Roland de Lassus (1532-1594).

Les paroles sont extraites du Cantique des Cantiques 2 :10b-13 " (Le figuier a montré  ses fruits, la vigne en fleur a répandu ses parfums, ) lève-toi, ô ma bien-aimée, ô ma plus belle, et viens".

  La Vierge endormie est entourée de onze apôtres, dont saint Pierre qui semble lire un office, tandis qu'un autre tient un encensoir. Au ciel, le Christ Sauveur entouré d'anges en adoration s'apprète à accueillir sa Mère.

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b) Registre médian : Assomption de la Vierge.

2 panneaux de gauche et deux panneaux de droite refaits, ainsi que les panneaux contenant la Vierge, restaurés partiellement.

L'inscription indique ASSUMPTA EST MARIA IN C(A)ELUM C'est une antienne  grégorienne (Assumpta est Maria in caelum gaudent angeli, laudantes benedicunt Dominum) ou le titre d'une Messe de Palestrina.

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c) Registre supérieur : Couronnement de la Vierge.

 De très nombreuses parties ont été restaurées. 

  Traditionnellement, Marie ne doit pas figurer (Wikipédia) dans le triangle tracé par les trois déités de la  Trinité, pour montrer qu'elle conserve sa nature humaine. Ici, elle semble au centre d'un cercle formé par Dieu le Père, les anges et le Christ. 

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2. La lancette de droite : Conception de Marie par Anne.

  La fête de la Nativité de la Vierge a lieu le 8 septembre ; elle est précédée 9 mois auparavant par la fête de l'Immaculée Conception. Cette fête de la Conception de la Vierge du 8 décembre a été instituée en Orient dès le VIIe siècle, puis en Angleterre au XIIe siècle, puis dans le reste de l'Occident sous l'influence des Franciscains malgré l'opposition de Bernard de Clairvaux et des Dominicains. En 1439, un décret du Concile de Bâle affirme l'immaculée conception mais ce concile est considéré comme schismatique et le décret non valide. Après des positions favorables, Sixte IV publie une bulle Gravis Nimis de 1483 interdisant désormais toute prise de position pour ou contre la conception immaculée de la Vierge. Néanmoins, la fête du 8 décembre est maintenue.


A) Registre supérieur : Annonce aux époux.

  Il comporte deux parties : 

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a) L'annonce faite à Joachim.

avec l'inscription qui court sur les deux parties : "Co(mm)e(n)t l'ange parut à Joachim et  à Anne et leur dict qu'ils auroient lignée."

  C'est un beau vitrail, où Joachim qui s'est retiré dans le désert avec son troupeau après avoir été mis à l'écart de la communauté hébraïque en raison de sa stérilité, reçoit la visite de l'ange lui annonçant que son épouse Anne va enfanter. La posture de Joachim et son costume (dont on peut remarquer qu'il ne présente pas d'éléments franchement sémites ou cultuels marquant le judaïsme de Joachim) sont admirables, mais ce sont d'avantage les trois bergers  qui recueillent l'attention, ainsi que le paysage  traité en grisaille bleutée. Celui-ci rappelle la présence de la ville, et du temple dont Joachim a été chassé. Parmi les trois bergers, l'un joue de la cornemuse, ce qui donne un témoignage sur la facture de cet instrument en 1551 : les musicologues y remarquent "un bourdon d'épaule court et relativement cylindrique, avec pavillon, et un hautbois de taille et forme sensiblement semblables".

   La scène est tirée, via la Légende Dorée, du Protévangile de Jacques :

   "Un ange du Seigneur est descendu auprès de lui, disant : Joachim, Joachim, le Seigneur Dieu a exaucé ta prière. Descends d'ici. Voici que Anne ta femme a conçu en son sein. Aussitôt Joachim est descendu, il a convoqué ses bergers, leur disant : "Apportez-moi ici dix agneaux sans tache ni défaut. Ces dix agneaux seront pour le Seigneur Dieu. Apportez-moi aussi douze veaux bien tendres et les douze veaux seront pour les prêtres et le Conseil des Anciens. Aussi cent chevreaux, et les cent chevreaux seront pour tout le peuple."


maitresse-vitre 4136c

 

 

 

b) L'annonce faite à Anne :

  Anne est vêtue d'une guimpe, et d'un manteau de la même étoffe que le manteau de Joachim, ce qui est touchant. Par la fenêtre, elle peut voir un paysage à fabrique, qui peut évoquer le lieu où se trouve Joachim. Enfin, Judith sa servante se réchauffe au feu de la cheminée. 

 Au début du récit, Anne pense que Joachim est parti pour toujours : elle était stérile, la voilà "veuve" par surcroit : le Protévangile nous donne à lire des Lamentations dignes de celles de Job :

   " Et sa femme Anne avait deux sujets de se lamenter et de se marteler la poitrine. "J'ai à pleurer, disait-elle, sur mon veuvage et sur ma stérilité !". Vint le grand jour du Seigneur. Judith, sa servante, lui dit : Jusqu'à quand te désespereras-tu ? C'est aujourd'hui le grand jour du Seigneur. Tu n'as pas le droit de te livrer aux lamentations. Prends donc ce bandeau que m'a donné la maîtresse de l'atelier. Je ne puis m'en orner car je ne suis qu'une servante et il porte un insigne royal." Anne lui dit :" Arrière, toi ! Je n'en ferai rien, car le Seigneur m'a accablée d'humiliations. Et peut-être ce présent te vient-il d'un voleur et tu cherches à me faire complice de ta faute."

  Et Judith la servante dit : "Quel mal dois-je te souhaiter encore, de rester sourde à ma voix ? Le Seigneur Dieu a clos ton sein et ne te donne point de fruit en Israêl !". Alors Anne, malgré son désespoir, ôta ses habits de deuil, se lava la tête et revêtit la robe de ses noces. Et vers la neuvième heure, elle descendit se promener dans son jardin. Elle vit un laurier et s'assit à son ombre. Après un moment de repos, elle invoqua le Maître : "Dieu de mes pères, dit-elle, bénis-moi, exauce ma prière, ainsi que tu as béni Sarah, notre mère, et lui as donné son fils Isaac". Levant les yeux au ciel, elle aperçut un nid de passeraux dans le laurier ; aussitôt elle se remit à genoux "las, disait-elle, qui m'a engendrée et de quel sein suis-je sortie ? Je suis née, maudite devant les fils d'Israël. On m'a insultée, raillée et chassée du temple du Seigneur mon Dieu. Las, à qui se compare mon sort ? Pas même aux oiseaux du ciel, car les oiseaux du ciel sont féconds devant ta face, Seigneur. Las, à qui se compare mon sort? Pas même aux animaux stupides, car les animaux stupides sont aussi féconds devant toi, Seigneur. Las, à qui se compare mon sort ? Non plus aux bêtes sauvages de la terre, car les bêtes sauvages de la terre sont fécondes devant ta face, Seigneur.

   " Las, à quoi se compare mon sort ? A ces eaux non plus, car ces eaux sont tantôt calmes tantôt bondissantes, et leurs poissons te bénissent, Seigneur. las, à qui se compare mon sort ? Pas même à cette terre, car la terre produit des fruits en leur saison et te rend grâce, Seigneur".

  Et voici qu'un ange du Seigneur parut, disant : Anne, Anne, le Seigneur Dieu a entendu ta prière. Tu concevras, tu enfanteras et on parlera de ta postérité dans la terre entière."

  Anne répondit : "Aussi vrai que vit le Seigneur Dieu, je ferai don de mon enfant, garçon ou fille, au Seigneur mon Dieu et il le servira tous les jours de sa vie."

 

  Commentaires : 

    L'annonce faite à Anne prend le relais de la prophétie d'Isaïe qui fonde l'Arbre de Jessé : l'annonce "on parlera de ta postérité dans la terre entière" rejoint  la prophètie "et voici qu'un surgeon naîtra de la racine de Jessé ". Dans les deux cas, c'est l'annonce faite à un personnage assez agé d'une postérité. Mais la particularité, c'est la réaction d'Anne qui, au lieu de rêver de ses petits enfants, arrière-petits enfants sur sept générations, consacre son enfant au service de son Dieu. Le voue-t-elle exactement à la virginité et au célibat ? Ce serait un comble, après s'être tant lamentée de sa stérilité.


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maitresse-vitre 5630c

 

 

 

B) Registre inférieur : concrétisation de l'annonce .

  Là encore, deux scènes sont placées côte à côte.

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a) La rencontre des époux à la Porte Dorée.

Inscription : La re(n)co(n)tre de Joachim et An(n)e ala porte dorée.

 

   "Joachim arriva avec ses troupeaux. Anne attendait aux portes de la ville. Dès qu'elle le vit paraître avec ses bêtes, elle courut vers lui, se supendit à son cou et s'écria : Maintenant je sais que le Seigneur m'a comblée de bénédictions ! Voici : la veuve n'est plus veuve et la stérile a conçu ! " Et Joachim, ce premier jour, resta chez lui à se reposer.

   "Le lendemain, il apportait ses offrandes : "Si le Seigneur Dieu m'a été favorable, pensait-il, la lame d'or du prêtre me le révèlera." Il présenta ses offrandes, et scruta la tiare du prêtre quand celui-ci monta à l'autel du Seigneur ; et il sut qu'il n'y avait pas de faute en lui. Maintenant, dit-il, je sais que le Seigneur Dieu m'a fait grâce et m'a remis tous mes péchés." Et il descendit du temple du Seigneur, justifié, et il rentra chez lui. "

 

Commentaires :

  La tradition considère qu'Anne a été enceinte avant même de retrouver son époux (par l'effet de sa foi) ou par la seule étreinte échangée à la Porte Dorée (l'une des deux portes de la muraille Est de Jérusalem) : la Vierge Marie est donc conçue de façon virginale.

  On voit que l'enjeu est différent pour Joachim, et que ce qui compte pour lui, c'est d'être dégagé de la disgrâce que réalisait la sterilité de son couple, considérée comme une désapprobation divine et donc lièe à ses fautes. Il avait été mis au ban de sa communauté, mais désormais "justifié", il y retrouve sa place. C'est un enjeu social avant d'être un enjeu personnel et généalogique.

  Ce vitrail est pour moi le plus beau de ceux de La Ferrière. Les deux personnages secondaires, Judith à droite et le berger à gauche, sont pleins d'intêret.

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b) La naissance de Marie.

Inscription : C(omm)e(n)t anne enfanta . nostre dame.

   "Six mois environ s'écoulèrent ; le septième, Anne enfanta. "Qu'ai-je mis au monde?" demanda-t-elle à la sage-femme. Et celle-ci répondit : "Une fille". Et Anne dit : "Mon âme a été exaltèe en ce jour !". Et elle coucha l'enfant. Quand les jours furent accomplis, Anne se purifia, donna le sein à l'enfant et l'appela du nom de Marie." (Protévangile de Jacques)

  De même que nous avons pu voir des représentations de "Vierge couchée",  Vierges couchées de Bretagne : Le Yaudet, Guiaudet et Kergrist., nous avons ici l'illustration d'Anne accouchée, en post-partum immédiat : quatre femmes sont venus l'assister, dont l'une lui présente un bouillon, l'autre fait sêcher les linges devant le feu, tandis que deux autres donnent à l'Enfant-Marie son premier bain. 

  On notera la date de l'accouchement : sept mois après les retrouvailles des époux, ce qui indiquerait une conception deux mois auparavant, lors de la visite de l'ange. Autre argument pour la conception virginale de la Vierge.

  

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3. Le tympan.

il comporte un décor ornemental et, dans l'oculus, Moïse (par Laigneau ?) habillé en grand-prêtre, face aux tables de la Loi.

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Commentaires :


 


III. Le vitrail de sainte Barbe.

 

  Il s'agit de trois baies cintrées de la façade sud de la nef (Baie 6, 8 et 10), où des verrières à losanges de verre blanc contiennent chacune une scène de la vie de sainte Barbe.

  Le vitrail d'origine date de 1546 et se trouvait  dans la chapelle nord jusqu'à ce que, entre 1874et 1897, le recteur le fasse déplacer. Puis en 1899, les vestiges de cet ensemble dédié à sainte Barbe sont "tassés" dans la baie 2, sans-doute par Laigneau. En 1961, l'atelier Hubert de Sainte-Marie dépose les éléments de cette baie 2 et les répartit en 1968-1969 en trois baies : les vitraux sont alors largement complétés, et insérés dans une verrerie moderne. 

  La comparaison s'impose avec le vitrail de l'église de Moncontour consacré à la Vie de sainte Barbe, et lui aussi légendé de manière identique.

1. Baie 6 : Décollation de sainte Barbe.

Inscription : Son père la mit à mort.

  Le visage de la sainte a perdu ses traits car la grisaille en est effacée. On remarque la présence du verre rouge gravée utilisée pour sa tunique.

  Je ne reprend pas la légende de sainte Barbe, que j'ai détaillée ici :  Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, Ste Barbe. Mais, éclairé par les remarques de J.F. Faü sur l'antijudaïsme des artistes chrétiens, je note que Michel Bayonne, sous prétexte de donner à voir l'origine orientale de Dioscore, riche paîen d'Héliopolis en Perse, a repris les détails vestimentaires des personnages de l'Ancien Testament de ses arbres de Jessé, et a ainsi donné à ce personnage de Méchant les traits discriminants et stéréotypés du Juif ; à fortiori pour le visage apparaîssant en arrière-plan.

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Baie 8 : Flagellation de sainte Barbe

Inscription (moderne ) : C(omment) . le . provost . la . fit . fouetter de . verges.

Au coin inférieur droit se trouve l'inscription Vitraux du XVIe complétés en 196.. par l'atelier HSM .

A nouveau, le corps de sainte Barbe a perdu sa grisaille.


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Baie 10 : Comparution de sainte Barbe devant son père.

Inscription : Devant le Roy son père.

Le Corpus Vitrearum signale que le panneau supérieur est entièrement moderne.

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IV. Commentaires sur le programme des vitraux.

  Décrire les trois verrières de l'église de La Ferrière n'est pas le plus difficile. Comprendre quelle est l'intention du commanditaire, et comment ces trois baies forment un ensemble cohérent obéissant à un projet théologique, voilà qui est plus complexe et plus aventureux. Je vais donner des éléments de réflexion plutôt que d'élaborer une théorie.

1. L'Arbre de Jessé.


  Je note déjà que l'Arbre de Jessé, en 1551, est un thème qui commence à décliner, pour disparaître complètement dans la seconde moitiè du  XVIIe siècle.

  Deuxièmement, ce motif iconographique, initialement destiné à illustrer la généalogie de Jésus, est devenu au XV-XVIe siècle une manière d'illustrer la généalogie de Marie : c'est elle qui apparaît désormais comme la fleur ultime de l'arbre, et dans la prophètie d'Isaïe " Et voici qu'une vierge engendrera et accouchera d'un fils", l'accent est mis sur le mot virgo, vierge, comme si la prophètie annonçait la Vierge plutôt que le fils. 

  Cela ne va pas sans un détournement du texte de l'Évangile de Matthieu, ni sans un écart de logique, puisque en Matthieu 1, 16 la liste des descendants de Jessé s'achève par "Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, qu'on appelle Christ." L'arbre de Jessé devrait placer, en sommité de l'arbre, Joseph, père légal de Jésus. L'arbre de Jessé n'est donc pas l' illustration du texte du Nouveau Testament, (comme dans les Bibles enluminées du XIIIe siècle) mais celle de la prophètie d'Isaïe sur la tige de Jessé et la fleur qu'elle produit. Il s'agit de montrer que la Vierge et le Christ réalise l'Ancien Testament, et que, comme l'affirme le Symbole de Nicée, c'est l'Esprit-Saint qui a parlé par les prophètes.

   Donc, la prophétie principale qui sert de racine à ce thème est Isaïe 7,14 Ecce virgo concipiet et pariet filium et le mot principal y est virgo, la vierge. Non seulement ce verset permet d'argumenter le rôle fondamental de Marie, mais il insiste sur la conception virginale du Christ par Marie.

  La conception virginale signifie que Marie a conçu son Fils par l'opération du Saint-Esprit, sans relation sexuelle. C'est bien différent de l'Immaculée Conception, qui stipule que Marie a été conçue sans hériter du péché originel. Ce fut un point  ardu et débattu pendant tout le Moyen-Âge. L'arbre de Jessé tardif (XV-XVIe) est considéré par Émile Mâle, ou par Jean Fournée en Normandie, comme appartenant à l'iconographie propre aux "immaculistes", surtout lorsque la Vierge y est représentée par exemple au dessus du croissant de lune  comme la Femme de l'Apocalypse.

   Cet Arbre de Jessé renvoie aussi au thème de la Parenté auquel appartiennent aussi Parenté de Jésus, Sainte Trinité, Sainte Parenté d'Anne et de ses trois maris, Trinité féminine assoçiant Anne, Marie et Jésus (Anne trinitaire), généalogie de l'ascendance féminine de Jésus avec Esmérentie la mère d'Anne, etc...

  Enfin j'ai pu y voir la problématique des rapports entre Ancien et Nouveau Testament, traités comme rapports d'opposition avec rupture entre la Loi et la Foi, et s'inscrivant dans les relations entre l'Église (et la société) et le Judaïsme ou comme rapports génésiques comme dans la typologie biblique développée par les Pères de l'Église, où la royauté des rois de Juda préfigure celle du Christ ou plutôt ici celle de la Vierge.

  Dans cette polysémie de l'Arbre, les deux autres verrières permettent-elles de privilégier un axe particulier ? La première évidence est que la "marialisation" de l'Arbre s'y trouve confirmée. La seconde, c'est que c'est le thème de la virginité qui crée un lien-navette entre les oeuvres.

  2. la verrière de la Vie de la Vierge.

  Elle confirme l'importance donnée au personnage de Marie et à sa "divinisation", puisqu'elle culmine dans le couronnement de la Vierge, qui crée un lien entre la royauté de David et de ses decendants, et celle de la Reine des Cieux. 

3. La verrière de sainte Anne.

  Elle vient mettre l'accent sur le thème de la Parenté, mais surtout sur celui de la conception virginale de Marie par Anne : Anne devient enceinte par l'oeuvre de l'Esprit-Saint. Au Moyen-Âge et à la Renaissance, on distingue deux conceptions : la conception active ou charnelle durant l'acte générateur, et la conception passive ou spirituelle durant laquelle l'âme "infuse" dans l'embryon ;  le péché originel est contracté soit par l'acte sexuel, soit lors de la spiritualisation . Une conception sans acte sexuel peut être considérée comme autorisant une conception "immaculée", sans inoculation du péché originel.

  Ce vitrail ne met pas l'accent sur la généalogie de Marie, alors que dans les textes apocryphes Joachim est signalé être "de la maison de David". 

4. La verrière de sainte Barbe.

  Classiquement invoquée contre la foudre et les risques de mort violente, sainte Barbe, dans le contexte du programme de vitraux de La Ferrière, paraît plutôt comme l'exemple de la vierge martyrisée. Comme Marie, Barbe ou Barbara a renoncé à la vie sexuelle et au mariage pour se consacrer à l'amour divin. 

5. Conclusion.

 Le principe unificateur de ce programme de vitrail semble être l'apologie de la Virginité : "virgo-virga" d'Isaïe s'épanouissant dans la Fleur-Reine d'une Mère à l'Enfant, Vierge Marie élue comme Reine des Cieux, naissance merveilleuse dans le sein vierge d'Anne, ou vierge martyre.  La virginité est associée depuis toujours à la divinité : Hestia grecque, Vesta déesse romaine du foyer, Artémis-Diane lunaire et chasseresse... dans les liens complexes qui associe cette virginité avec la pureté et l'innocence.

 

 

 

V. Les statues.

 

Vierge à l'Enfant

Bois polychrome, XVIIe.


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Groupe de l'Annonciation.

  Ce groupe en kersantite date de la première moitié du XVe. L'ange Gabriel tient un phylactère portant les mots AVE MARIA, alors que la Vierge, aux très longs cheveux nattès, semble surprise dans sa lecture et se tourner vers l'intrus en disant : "Quoi ? Moi ?" A ses pieds, un vase contient le lys symbole de sa pureté. 

  Les statues étaient jadis peintes, et on voit encore des traces rouges, ocre et bleues (robe de la Vierge), bleu-vert (base), ou ocre (vase).

Malgré une facture bretonne, on remarque une influence extérieure, venue des Flandres.

 

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Notre-Dame de Ferrière

Statue romane du XIIe siècle en tilleul. La vierge assise tient l'enfant bénissant.

 

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Christ aux liens

Bois polychrome, XVIe siècle


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Saint Jean-Baptiste

Bois polychrome, XVIe-XVIIe

 

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 Sainte Emerance.

 Bois polychrome, XVI ou XVIIe

  J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait de sainte Emérentie, la mère de sainte Anne : 

   "Selon le rapport de Cyrille le Confesseur, Père Carme au Mont-Carmel, cette sainte ayant atteint l'âge nubile et voulant se marier, elle consulta sur ce sujet les ermites du Mont-Carmel qui firent des prières particulières pour savoir la volonté de Dieu ; dont trois étant en prières ravis en extase, virent un arbre dont sortaient trois branches. De la première sortait une fleur d'une odeur merveilleuse, des deux autres deux fleurs moindres en beauté que la première. Ensuite, ils entendirent une voix qui leur dit : "Cet arbre est Emérentie, qui doit être la source d'une génération admirable ; elle fut mariée à un homme juste nommé Stolan, de qui elle eut une fille nommée Ismélie, qui eût pour ses enfants Eliud et Elisabeth. Eliud eut pour fils Emin père d'Ennemercie de qui est venu saint Sératie, et d'Elisabeth, saint Jean-Baptiste. Ensuite Emérentie eut une seconde fille nommée Anne, laquelle étant arrivée à l'âge nubile ses parents lui firent épouser un homme riche nommé Joachim qui demeurait à Nazareth."

  Mais il s'agit de sainte  Émerance, jeune romaine qui fut lapidée par des païens en 304 alors qu'elle priait sur la tombe de sainte Agnès, dont elle serait la soeur de lait et qu'elle avait assisté pendant son martyre.

Une chapelle Sainte-Émerance existe à La Pouèze, en Anjou, où un pélerinage vient demander son intercession contre la colique, ou encore à Rochemeunier (Maine-et-Loire). Elle a une église à son nom à Pellouailles-les-Vignes. En Bretagne, on signale sa chapelle à Locméren-sous-bois (56), sa statue à Saint-Péran (35), datant du début du XIXe, à Hirel (35) ("sainte Émerence) milieu XVIIIe. A Bain-de-Bretagne, elle était invoquée par les nourrices en mal de lait, qui lui offraient de petits bonnets.

  Sous le nom d'Émérentienne, elle est enterrée en la basilique Sainte-Agnès-hors-les-murs à Rome, et on trouve son nom sur une croix dans la cathédrale d'Amiens. 

  Elle tient son tablier remplie de pierre, souvenir de sa lapidation.

  Un document polygraphié mis à la disposition des visiteurs dans l'église de La Ferrière donne la description faite par l'abbé Georges Dorange, ancien recteur, des oeuvres de son église : il signale qu'elle était vénérée par les femmes enceintes.




 

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Saint Germain

Bois polychrome, XVIIe. Il a perdu ses pieds, lesquels, malgré son nom, ne sont pas des boulevards.

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Sainte Barbe

Bois polychrome, XVIe siècle ; elle tient la palme du martyr et l'un de ses attributs, le livre ouvert témoignant de son érudition, mais il manque la tour à trois fenêtres. 

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La chapelle sud, celle que le recteur Dorange nomme "la chapelle aux hommes".

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Notre Dame de Bon Secours

Bois peint, XVIIe siècle

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Saint Roch

Bois polychrome, XVIIe siècle. inscription "Saint Rohc". 

Il porte le costume des pélerins allant à Rome, les "Romeux" ou Romieux (du latin Romaeus) et notamment le chapeau frappé des armoiries du Vatican, aux clefs de saint Pierre croisées sur fond de gueules. Théoriquement l'une de ces clefs est d'or symbolisant le pouvoir spirituel de l'Église, et l'autre est d'argent représentant sa continuité dans le temps.

  Je ne rappelle que très rapidement  que saint Roch, né en 1340 à Montpellier, devint médecin et soigna les lépreux notamment lors de son pélerinage vers Rome ; atteint de la maladie, il se retira à l'écart, mais un chien providentiel  lui apportait chaque jour un pain (ce chien tire son nom de saint Roch, c'est le "roquet"). Roch est toujours représenté montrant le bubon de peste de sa cuisse gauche. Ici, il a confondu sa droite et sa gauche. Il porte, bien-entendu, une "pélerine", un bourdon, et une besace.

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Saint Laurent

Bois polychrome, XVIe ; tenue de diacre, porte le livre et le grill de son supplice.

 

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Statue "de Saint Vincent Ferrier"

ou "saint Vincent Fairier" selon l'inscription. son ciboire le désignerait plutôt, selon l'abbé Dorange,  comme saint Pascal Bayon, franciscain espagnol du XVIe siècle célèbre pour sa dévotion envers l'Eucharistie. Le Pape Léon XIII l'a nommé patron des Congrès eucharistiques et des Confrèries du Saint-Sacrement.

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Published by jean-yves cordier
18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 12:00

Le vitrail de l'arbre de Jessé  de l'église Saint-Pierre de Beignon (Morbihan).

 

Voir :  L' arbre de Jessé de l'église de Moulins (35).

L' arbre de Jessé de l'église de Trédrez (22).

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Confort-Meilars.

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun :


Source : Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, Presses Universitaires de Rennes 2005

 

   Beignon était une barronie du diocèse d'Aleth (actuel Saint-Malo), et les titulaires du siège épiscopal veillaient sur son église avec une attention toute particulière, car l'évêque  possédait un manoir à Beignon dès le XIe siècle . L'église Saint-Pierre a été reconstruite au XV ou XVIe siècle après avoir été incendiée par les Anglais en 1483. Sous l'épiscopat de Mgr Bohier (1535-1567), d'importants travaux ont été réalisés, dont elle conserve des sablières signées par Iseul en 1539, date à laquelle l'édifice reçoit une nouvelle couverture. C'est l'année suivante que la maîtresse-vitre fut placée.  Sous la Révolution, elle est à nouveau saccagée (mais deux vitraux sont sauvés sur un ensemble plus complet jadis), et c'est l'infatigable réparateur des églises de son diocèse Mgr Bécel qui reconstruit l'édifice au milieu du XIXe siècle.


I. L'arbre de Jessé.

Attribué au verrier rennais Michel Bayonne par l'utilisation des mêmes cartons pour les verrières de La Ferrière (22) qui est signé du monogramme MB, et pour celles de Moulins (35), ce vitrail est daté de 1540-1550 car très clairement contemporain de la maîtresse-vitre qui porte la date de 1540. Elle occupe la baie 1, dans le transept nord. Constituée de trois lancettes, d'un tympan à trois ajours et deux écoinçons, elle aurait été offerte par Mgr François Bohier, évêque de Saint-Malo (1535-1567).

  Pour faciliter la comparaison, j'ai placé le cliché correspondant de l'arbre de Jessé de Moulins à coté de celle de Beignon.

 

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 1. Les panneaux inférieurs.

Au registre inférieur, Jessé assis sur une cathèdre dort, la tête soutenue par la main. Il est. entouré de deux prophètes.

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Ces panneaux ont été très restaurés, et sont même entièrement modernes pour  les deux clichés suivants. 

 

Inscription Dns dabit vobis signu(n) Ecce virgo concipiet et pariet filium Esa 7, 14 issu de la citation Propter hoc dabit dominus ipse, vobis signum. "C'est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-même un prodige. Voilà que la vierge concevra et elle enfantera un fils qui sera nommé Emmanuel."

  Le prophète (Isaïe) est très richement habillé d'un manteau damassé d'or (le même tissu que l'étoffe qu'il tient de la main gauche) au dessu d'une tunique rouge (technique du verre rouge gravé) et d'une chemise ou tunique à manches longues bleue. Ce prophète n'a rien a voir avec celui de l'arbre de Jessé de Moulins, dont j'ai étudié les traits sémites ou hébraïques, et le restaurateur lui a donné le visage glabre d'un empereur romain : erreur de casting.

  beignon 5661c  vitraux-arbre-de-jesse 4450c (Moulins)

Jessé dort sous sa tente, sur le ciel de laquelle est inscrit, pour changer du sempiternel phylactère, la citation EGREDIETURVIRGADERADICE. IESSE ET... L'intention est bonne, mais le restaurateur, en utilisant les lettres capitales sans intervalle, donne l'impression d'une épigraphie romaine.

beignon 5659c  vitraux-arbre-de-jesse 4451v (Moulins)

 

 

Le deuxième prophète n'est pas à son avantage. On dirait un Poseidon d'une fontaine vétuste. Là encore, sa tunique damassée a été taillée dans la tenture du pavillon de Jessé. 

Inscription en lettres néogothiques citant Jérémie 33, 15: In diebus illis et in tempore illo germinare faciam David germen iustitiae et faciet  iuducium et iustitiam in terra, "En ces jours et en ce temps, je ferai éclore à David un germe de justice ; il pratiquera la justice et l'équité dans le pays".

  Les auteurs de ces verres ont signé leur oeuvre en bas à gauche : Lusson & Lefévre : il s'agit d'Antoine Lusson fils (1840-1876) , du Mans , et de son collaborateur  Léon Lefévre. (Antoine Lusson père exerça jusqu'en 1853).

   beignon 5660v  vitraux-arbre-de-jesse 4452c (Moulins)

 

2.Deuxième registre : Salomon, David et Roboam.

 

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Là encore, je m'étonne du visage glabre du roi Salomon, après avoir vu toutes les longues barbes du vitrail de Moulins.

 beignon-5655cc.jpg  vitraux-arbre-de-jesse 4453v (Moulins)

 

David est, par contre, très proche de celui de Moulins (photo accolée)

beignon 5663c  vitraux-arbre-de-jesse 5831c (Moulins)

Roboam.

La encore, la comparaison avec la verrière de Moulins est amusante, puisque, pour le même carton, le roi qui était nommé Ezechias à Moulins ( contre tout respect de la chronologie) est ici nommé Roboam (qui est ici, en tant que fils de Salomon, à une place logique).

beignon 5662c vitraux-arbre-de-jesse 5832c

                                                                                                                          (Moulins)

 

 

3. Les neuf panneaux supérieurs : 

beignon 5651c

 

1. Lancette de gauche : de haut en bas, Manassé, Joram et Ezechias

avec deux visages glabres (mais cette lancette gauche a été très restaurée dans sa partie supérieure)

beignon 5667c    vitraux-arbre-de-jesse 5833c

 

 

 

 

 

2. Lancette médiane : de haut en bas Achaz, Ozias, et Josaphat.

 

vitraux-arbre-de-jesse-5657cc.jpgbeignon 5666c  vitraux-arbre-de-jesse 5834c (Moulins)

 

 

3. Lancette de droite : Asa, Joatham et Abia.

vitraux-arbre-de-jesse-5658cc.jpg

beignon 5665c vitraux-arbre-de-jesse 5836c

 

 

  Au total, nous avons donc la succession des rois suivants : David - Salomon - Roboam - Ezechias - Abia - Josaphat - Joram - Joatham - Ozias - Manassè - Asa - Achaz, qui suivent la liste donnée par l'évangile de Matthieu 1, 7-16 et sont conforment aux Douze rois de Juda des arbres de Jessé. Nous verrons qu'à La Ferrière, il en va différemment.

 

Le tympan est formé d'un oculus montrant une "Vierge au lait" qui a été très restaurée, notamment la tête de la Vierge. Les deux ajours latéraux montrent des anges musiciens (très refaits) et les armoiries d'or au lion d'azur, au chef de gueules de Mgr Bohier, donateur supposé. Parmi les instruments, une flûte traversière, une viole, une harpe, un chebec, une flûte à bec...et un instrument non identifié.

 

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II. La Maîtresse-vitre, vitrail de la Passion du Christ et de saint Pierre.

Baie 0 formée de 4 lancettes et tympan à 8 ajours. Réalisé en 1540, ce vitrail s'apparente à celui de Saint-Gondran (35) par Michel Bayonne. 

  Restaurations vers 1880 par ? puis en 1964 par l'atelier Hubert de Sainte Marie et par L'atelier Le Bihan en 1989-90.

 


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Registre inférieur : 

1. Arrestation du Christ avec le Baiser de Judas ; à terre, saint Pierre, reconnaissable à son toupet, frappe le serviteur du grand prêtre et lui coupe l'oreille.

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2. Comparution devant Pilate, représenté avec une barbe bifide, des traits et une tenue juive, alors qu'il est le préfet romain, pour signifier qu'il fait partie des "méchants" (voir plus bas Simon le Magicien).

 

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3. Crucifixion : on reconnait Marie-Madeleine, Marie en pâmoison, saint Jean, et Longin donnant le coup de lance dans le flanc droit.

 

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4. Mise au tombeau en présence de Marie, Marie Madeleine versant le flacon de parfum sur les pieds du Seigneur, saint Jean, une sainte femme, et Joseph d'Arimathie dont il est intéressant de détailler la tenue de riche juif, membre du Sanhédrin : on voit un manteau rouge à manches courtes garnies de franges, sous lequel est une tunique à manches longues, couleur rouge clair. Le manteau est ceint par la ceinture jaune traditionnelle. Il porte deux bandes d'orfroi très richement dotées de pierreries. Des caleçons bleus et des bottines jaunes complètent ce costume. Un attribut important est constitué par la bourse, qui semble très pleine. Au total, de multiples indications sont données à la fois sur la richesse et sur la haute position de Joseph d'Arimathie, et à la fois sur son appartenance juive. C'est une constance de toutes les Déplorations bretonnes.

En bas et à droite, les armoiries d'hermines à la croix d'azur  et la devise Caritas cum Fide de Mgr Jean-Marie Bécel, évêque de Vannes de 1866 à 1897, qui a financé une restauration.

  Le fond bleu est décoré d'un fin paysage avec trois croix, le Golgotha, et un tronc d' arbre mort et de jeunes arbustes, qui peut être une allégorie du cycle de la Croix, et de la résurrection.

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Deuxième registre 

1. Remise des clefs à saint Pierre.

  Simon fils de Jonas, pêcheur du lac de Tibériade, reçoit du Christ son nom de Pierre : Et vous", demande Jésus aux apôtres" qui dites-vous que je suis ?" Simon, qui répond toujours avant les autres qui sont plus taiseux, répond "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant." et Jésus satisfait reprend : "Tu es heureux, Simon, fils de Jonas : car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre [Kephas en araméen], et que sur cette pierre je bâtirai mon Église et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur le terre sera liè dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux." (Matthieu 16, 15-18).  On raconte que saint Pierre possède deux clefs, l'une en or, céleste, qui doit être la clef du Paradis et l'autre en argent, terrestre (ou : l'une pour le salut des âmes et l'autre pour le Paradis).  

  Le Christ et saint Pierre portent le même manteau rouge, couleur de la Passion, montrant la communauté (relative) de leur mort sacrificielle, par crucifixion pour Jésus et crucifiement pour Simon Pierre.

   Dans le fond, une muraille fortifiée de tourelles aide à imaginer ce royaume, ses portes et ses clefs.

  

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2. Prédication de saint Pierre.

  "Au jour de la Pentecôte, par sa prédication, il convertit trois mille hommes" : cette citation de la Légende Dorée est une transposition des Actes des Apôtres, 2, 21 "Ceux qui acceptèrent sa parole furent baptisés ; et en ce jour-là, le nombre des disciples augmenta d'environ trois mille"

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3. Saint Pierre donnant le baptême.

  Dans le fond, un paysage assez pauvre avec deux arbres.

 

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4. guérison du paralytique.

Actes des Apôtres, 9, 32-43 relate la guérison d'Énée et la résurrection de Tabitha, une femme de Jaffa. " Pierre, qui parcourait tout le pays, se rendit un jour chez les croyants qui vivaient à Lydda. Il y trouva un homme appelé Énée qui était couché sur un lit depuis huit ans, parce qu'il était paralysé. Pierre lui dit "Énée, Jésus-Christ te guérit ! Lève-toi et fais ton lit." Aussitôt Énée se leva."

   Si Pierre se reconnaît à sa clef (qui ne passe pas inaperçue ici) et à son toupet, il est aussi remarquable par ses pieds nus, caractère iconographique de tout apôtre.

  le Corpus Vitrearum désigne ce panneau sous le titre de "guérison du boiteux", mais mes modestes recherches n'ont trouvé, en Actes 14, 8, que le récit de la guérison d'un boiteux de naissance de la ville de Lystre, qui n'avait jamais marché. Mais, dans ce cas, c'est Paul, et non Pierre, qui le fait se lever d'un bond et marcher.


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Registre supérieur. Trés largement restauré, peu de pièces originales.

1. Saint Pierre libéré de prison.

C'est la belle histoire racontée par le chapitre 12 des Actes des Apôtres. (Elle prouve que saint Pierre possédait au moins une paire de sandales).

  " Vers le même temps, le roi Hérode se mit à maltraiter quelques membres de l'Église, et il fit mourir par l'épée Jacques, frère de Jean. Voyant que cela était agréable aux juifs, il fit encore arrêter Pierre. C'était pendant les jours des pains sans levain. Après l'avoir saisi et jeté en prison, il le mit sous la garde de quatre excouades de quatre soldats, avce l'intention de le afire comparaître devant le peuple après la Pâque. Pierre était donc gardé dans sa prison,; et l'Église ne cessait d'adresser pour lui des prières à Dieu. La nuit qui précéda le jour où Hérode allalit le afiree comparaître, Pierre, lié de deux chaînes, dormait entre deux soldats, et des sentinelles davant la porte gardaient la prison."

   " Et voici, un ange du Seigneur survint, et une lumière brilla dans la prison. L'ange réveilla Pierre, en le frappant au coté, et en disant : Lève-toi promptement § Les chaînes tombèrent de ses mains. Et l'ange lui dit : Mets ta ceinture et tes sandales. Et il fit ainsi. l"ange dit encore : Enveloppe-toi de ton manteau, et suis-moi. Pierre sortit, et le suivit, ne sachant pas que ce qui se faisait par l'ange fût réel, et s'imaginant avoit une vision."

  "Lorsqu'ils eurent passés la première garde, puis la seconde, ils arrivèrent à la porte de fer qui mène à la ville, et qui s'ouvrit devant eux ; ils sortirent, et s'avancèrent dans une rue. Aussitôt l'ange quitta Pierre".

 

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2. Dispute avec Simon le magicien.

Les relations de Pierre avec Simon le Mage, palestinien qui faisait preuve de talent dans des prouesses physiques (comme celle de voler devant la foule ébahie), sont, très shématiquement de deux ordres : celles lièes à la condamnation de la simonie, vénalité des valeurs spirituelles, décrites dans les Actes des Apôtres,  et celles lièes au judéo-christianisme, théme majeur des Actes. Les discussions entre les deux protagonistes se trouvèrent exposées dans un texte du Ve siècle, les Homélies ou Recognitions  Pseudo-clémentines, qui rassemblent l'argumentation contre les opposants de Pierre ou de la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem autour de Jacques, frère de Jésus, en faisant de Simon Le Magicien le porte-parole de toutes tendances confondues.

a) La condamnation de la  simonie.

  Les Actes des apôtres consacrent le début du chapitre 8 à l'histoire de Simon, "qui, "se donnant pour un personnage important, exerçait la magie et provoquait l'étonnement des foules de Samarie" qui le considérait comme investi de la puissance divine. Mais quand ce peuple vint écouter plutôt la bonne nouvelle annoncée par Philippe, Simon vint se faire baptiser et ne quitta plus Philippe, observant lesmiracles et les grands prodiges qu'il réussisait. Il profita d'un voyage de Pierre et Jean en Samarie pour proposer aux apôtres de leur acheter leur pouvoir d'imposition des mains et de transmission du Saint-Esprit. Pierre, dont on connaît la nature vive, l'envoya au diable avec ses deniers sonnants et trébuchants en disant

" Que ton argent périsse avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s'acquérait à prix d'argent ! Il n'y a pour toi ni part ni lot dans cette affaire, car ton coeur n'est pas droit devant Dieu. Repens-toi donc de ta méchanceté, et prie le Seigneur pour que la pensée de ton coeur te soit pardonnée, s'il est possible : car je vois que tu es dans un fiel amer et dans les liens de l'iniquité".

  Depuis lors, dans l'Église, on donna le nom de "simonie" au péché de faire commerce des bénéfices spirituels du culte comme les grâces, les bénédictions, le pardon des péchés, les indulgences raccourcissant le séjour au Purgatoire, ou tout les sacrements, ainsi que toute tentative de corruption des clercs. 

  Simon le magicien apparaît donc dans les Actes comme l'inique, le méchant cupide, voué aux puissances de l'argent. Jean-François Faû a montré comment les artistes du Moyen-Âge représentaient ces personnages systématiquement en Juifs quelque-soit leur religion. C'est encore le cas à la Rennaissance,  nous en avons vu un exemple avec Pilate, et en voici un autre avec Simon, qui est représenté de profil, avec la barbe longue qui s'oppose à la barbe taillée de Pierre, avec le turban associé à un chapeau terminé par une houppe, et qui recouvre un bonnet dont on ne voit que les pointes tombant sur les oreilles et s'achevant par un gland de frange. Sa tenue est complétée par le manteau , la tunique dorée courte dont les manches s'évasent en deux "tsitsit" rouges ou franges rituelles. Le geste de la main droite, qui désigne le livre, est particulier, le pouce apparaissant entre index et majeur comme pour faire la corne...du diable.

  Derriére lui, un personnage est coiffé du chapeau pointu jaune ou pileus cornutus dont le port fut imposé aux juifs après le Concile de Latran de 1215, mais qui était abandonné à l'époque de ce vitrail. Il sert donc seulement à renforcer la stigmatisation.

 b) les "disputes" autour du judéo-christianisme.

  Ce sont bien ces discussions qui sont représentés sur le vitrail et non l'épisode de la simonie. Nous sortons du fait-divers exploité pour nous placer dans l'histoire, celle de la naissance de la religion chrétienne, avec toutes les polémiques et les échanges, soit entre les apôtres eux-mêmes, soit entre l'Église primitive et des tendances hérétiques. 

  Au centre de ces débats se trouve la place à donner au judaïsme. Pierre et surtout Jacques font partie de ceux qui souhaitent maintenir leur identité juive et respecter la Torah, tout en supprimant les sacrifices, le Christ ayant accompli le sacrifice rédempteur, alors que Paul apôtre des "gentils" (païens) prèche pour l'universalité, et pour l'opposition entre la Loi (torah) et la Foi . Des discussions ont lieu pour savoir si la communauté peut baptiser des "païens" non circoncis ou pour décider s'il faut leur imposer les lois mosaïques. Cela motive la réunion du Concile de Jérusalem en 50, ou Pierre prend position pour l'admission des païens sans les soumettre à ces lois, et Jacques à sa suite déclare (Actes des Apôtres 15, 19-20) qu'il ne souhaite que trois restrictions : "Je suis d'avis qu'on ne crée pas de difficulté à ceux des pïens qui se convertissent à Dieu, mais qu'on leur écrive de s'abstenir des souillures des idoles, de l'impudicité, des animaux étouffés et du sang".

Rappellons nous que Pierre est mort à Rome en 65, alors que la chute du Second Temple de Jérusalem suivie par la Diaspora date de 70. Rappellons aussi qu'une discussion entre spécialistes a lieu de nos jours pour préciser si le Christianisme s'est séparé du Judaïsme soit avec les positions de Paul de Tarse, soit, plutôt, au IVe siècle. 

  Les Pseudo-clémentines, textes apocryphes des évangiles du IIIe siècle attribués à Clément, premier évêque de Rome, décrit l'itinéraire de Pierre et ses discussions et entretiens avec divers protagonistes, dont principalement Simon le Mage.  Dans les textes pseudo-clémentins, Pierre s'oppose à Paul dont Simon le Magicien constituerait une sorte de prête-nom, et le christianisme paulinien y est présenté comme hérétique..  

  Les discussions y amènent aussi Pierre à réfuter à travers les propos de Simon les thèses du marcionisme, et l'existence de deux dieux, un dieu bon mais extérieur au monde, et un démiurge, créateur, sévère, vengeur et foncièrement mauvais. Marcion se présentait comme un nouveau Paul, plus radical qui lui dans son rejet de la Torah.

  Le face-à-face de Pierre et de Simon  dans ce vitrail est donc à considérer comme le témoin des difficultès rencontrés par le groupe des apôtres issu d'une communauté judaïque de Galilée et confronté à l'héllénisme d'une part, aux pharisiens d'autre part, à la multitude des dérives gnostiques ou hérétiques.

 

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3. Comparution devant Néron.

  Cette scène n'a sans-doute pas de réalité historique. On sait d'après Tacite que Néron, après le Grand Incendie de Rome en 64, voulut faire taire les rumeurs qui lui en attribuaient la responsabilité et en accusa les chrétiens, qu'il persécuta. Dans la tradition, Pierre aurait été victime de cette persécution en 64 et Paul en 67. Mais il est tout-à-fait improbable que Néron ait interrogé Pierre.

   Pierre qui avait été le premier évêque d'Antioche pendant sept ans, serait venu à Rome au début du règne de Néron (54), vivant en clandestin. 

  Le vitrail montre quatre personnages : saint Pierre, un garde romain, Néron figuré comme un roi de France, identifié par l'inscription du manteau, et un quatrième, vêtu d'une tenue orientale ou hébraïque, et en pleine argumentation digitale avec Pierre.

  Est-on certain du titre donné à ces panneaux ? Car quelque chose ne colle pas : ce roi nommé Néron (par le restaurateur, car le panneau a été refait sauf la tête de lancette et la partie inférieur) est le même qui, sur la scène précédente, semble un intrus dont la présence ne s'explique pas. Et ici, c'est ce personnage, doublon de Simon Le Magicien, qui n'explique ce qu'il fait là.



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4. Crucifiement de saint Pierre.

Traditionnellement, on dit que le martyre de saint Pierre eut lieu dans l'enceinte du Circus Vaticanus qu'avait construit Caligula sur la colline Vaticane, inter duas metas, "entre les deux bornes" de la spina du cirque ; soit approximativement là où s'élève la Basilique Saint-Pierre de Rome. 

  Eusèbe de Césarée, dans le premier chapitre de son Histoire Écclésiastique Livre III, écrit que " venu à Rome en dernier lieu, il y fut crucifié la tête en bas, ayant demandé de souffrir ainsi". On ajoute souvent le commentaire qu'il fit ce choix par indignité de subir le même martyre que le Christ. 

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Tympan : 

Dans sa partie basse, Réssurrection et anges adorateurs très dégradés.

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Dieu le Père  et la colombe du Saint-Esprit, pui deux anges tenant l'un la lance, l'autre la couronne d'épine. 

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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