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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 23:05

   Les cristallisations en soleil du quartz 

des alignements de Landaoudec en Crozon.

 

  — Des  alignements mégalithiques à Landaoudec ? Non Monsieur, jamais vu. Le Fort de Landaoudec, oui, celui de 1885-1887, celui qui s'est avéré périmé aussitôt construit (comme tout ceux du littoral, dont la plupart n'ont pas été armés), oui, le voilà. Engageant, n'est-ce-pas ? Saviez-vous que Louis Jouvet est né à Crozon, le 24 décembre 1887, parce que son père avait été embauché par l'entreprise de Félix Mandement à la construction de cette redoute?

landaoudec 2054


landaoudec 2051

 

 

  — Certes, cette redoute est intéressante, et Louis Jouvet est un mégalithe, mais vous n'auriez pas vu, par hasard, des grandes pierres blanches scintillant au soleil et alignées par centaine ?

— Pas plus que de dents dans la mâchoire à Jean. Cela fait des années que j'attends devant cette porte, et, croyez-moi, des grandes pierres blanches, je n'en ai pas vu l'ombre d'une. Vous confondez avec Carnac, Monsieur, c'est un peu plus au Sud.

 — Vous n'y êtes pas, et si je relis Christophe Paulin de la Croix...oui, c'est le chevalier de Fréminville...dans ses Antiquités de Bretagne, c'est à la page 10 , voilà : "autour du moulin de Landaoudec et de son manoir, dans la lande, un sanctuaire druidique considérable, avec tous ses accessoires...deux rangs parallèles de pierres, les unes plantées, les autres posées simplement sur le sol, forment une sorte d'allée ou d'avenue longue de soixante dix toises"...

— Pardon ? 

— Ah oui, 70 toises, une toise correspond à deux mètres, donc une allèe de 140 mètres ... qui se serait volatilisée ?

— Dites, il a écrit ça en quelle année votre chevalier de Pépinville ?

— Fréminville, Fréminville, c'est écrit en 1835. Et une autre enceinte, carrée, de 34 toises (74 mètres) sur 26 (52 mètres). L'ensemble mesuraient 175 toises, 250 mètres si vous voulez, et les deux plus grands menhirs mesuraient 7,5 et 6,5 pieds de haut, soit 2,5 et 2,2mètres. Flaubert et son ami Maxime du Camp sont venus s'amuser à y faire des fouilles clandestines en juin 1847. Et en 1843, lorsque Bachelot de la Pylaie a découvert ce site dont il a donné une description de 40 pages (vous vous rendez compte !) il a dénombré 298 pierres et a conclu à "l'un des plus beaux monuments de Bretagne" !

Voyez le plan : ces menhirs sont plus hauts que les visiteurs, même coiffés de leur haut-de-forme :


 landaoudec Fréminville

— Retournez donc voir vers Kervéneurez, il y a là deux cailloux en plein milieu d'un champ, si ça vous intéresse.

  Si cela m'intéressait ! C'était, enfin trouvé, Le menhir fendu qui se trouvait jadis prés du moulin de Landaoudec, Ar Men hir, celui dont Fréminville écrivait (p. 11) "Ce dernier, qui est dans le sud du moulin, est remarquable en ce qu'il a été fendu verticalement en deux ; les deux surfaces de la cassure sont d'une netteté si étonnante qu'on ne devine pas par quel moyen on a pu l'opérer". Bachelot de la Pylaie le décrit "fendu par la foudre", et en donne une illustration où il apparaît beaucoup plus impressionnant. C'est que, en 1997, sa moitié sud a basculé lors d'un débroussaillage. Jean Mornand, qui en donne une description détaillée (que je vais citer désormais) en 1998, écrit "Il faut s'attendre à voir disparaître un jour ce beau menhir." (Cf Sources, p. 66).


DSCN0267c

 

" Les dimensions sont de 2,6 x 1,3 x 0,8 m et 2,2 x 1,3 x 0,9 m"


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Pourtant, si j'étais ici, à traquer l'un des tout derniers menhirs de Landaoudec, ce n'était pas pour me préoccuper de l'intrigante question du mégalithisme, des cultes liés aux sépultures ou, comme le commandant Devoir au début du XXe siècle, pour y repérer un ancien observatoire astronomique. C'était, plus simplement, pour en admirer la roche.

  Celle-ci est décrite dans l'ouvrage de Jean Mornand avec une emphase retenue mais vibrante qui laissait soupçonner quelque chose d'exceptionnel : 

   "Le pierres utilisées pour les menhirs de Landaoudec sont exceptionnelles et peut-être uniques pour des mégalithes. Ce sont des masses de cristaux de quartz en rosette, pyramidés en extrémité, le plus souvent blanc laiteux, rarement hyalins, parfois colorés en jaune, rose.Nous avons vu des dalles rejetées dans un talus recouvertes de milliers de cristaux de quartz rose pyramidés. Les cristaux étoilés rayonnant peuvent être observés dans [le grand menhir fendu]. On imagine ce que pouvait être à l'origine, scintillant sous le soleil, plus de 300 pierres en cristaux de quartz. Le spectacle unique ne pouvait que soulever l' admiration et le recueillement".

  Ce quartz étant inconnu en Presqu'île, Jean Mornand envisageait alors un transport de blocs de plusieurs dizaines de tonnes le long de la vallée du ruisseau de Kerloc'h, ces Transports Grande Distance étant, pour les hommes préhistoriques, jeu d'enfant et monnaie courante, pourvu qu'ils soient fort nombreux à s'y mettre.

 

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  C'est alors qu'interviennent Louis Chauris et Didier Cadiou dans un article de la revue Avel Gornog n°8 de juin 2000 Mégalithisme et géologie, les alignements de Landaoudec en Crozon ou la mise en évidence d'un filon quartzeux insoupçonné. 

  Il est difficile d'ignorer, vu le nombre et la qualité de ses articles, que Louis Chauris est un géologue chevronné, directeur de recherche retraité du CNRS à l'Université de Bretagne Occidentale, qui se consacre au géopatrimoine, à l'étude de la provenance des matériaux de construction des monuments bretons, et que la Rade de Brest et la Presqu'île de Crozon sont les terrains qui ont le mieux profité de ses compétences.

  Didier Cadiou a d'abord constaté par sa prospection que, quoique le "sanctuaire" mégalithique de Landaoudec  ait été dévasté depuis ses premières descriptions par Fréminville, il parvenait néanmoins à retrouver quelques 200 blocs de quartzite autour de Landouedec, le plus souvent en bordure des champs cultivés. 

  Louis Chauris a alors écarté l'hypothèse conçue par Jean Mornand  d'un "quatrz tertiaire" de formation superficielle, pour affirmer qu'il s'agissait d' un "quartz d'origine hydrothermal c'est à dire formé le long de failles, à une certaine profondeur dans l'écorce terrestre et mise au jour par l'érosion", la texture radiée tant admirée par Mornand, qu'adopte si fréquemment "les cristaux groupés en rosettes sphérolithiques" étant précisément la preuve de cette origine profonde. "Fréquemment, apparaissent au sein des masses quartzeuses des éléments anguleux plus sombres, plus ou moins intensément silicifiés, reliques ultimes de la roche encaissant le filon".


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  Dés lors, les auteurs pouvaient postuler l'existence d'un puissant filon de quartz hydrothermal en profondeur, totalement insoupçonné jusqu'alors par les géologues, et qui amène à s'intéresser avec la même hypothèse au quartz des menhirs de Raguenez (près de l'Aber) ou de blocs comparables à Telgruc.

  Ce serait l'érosion différentielle qui aurait fait apparaître ces blocs inaltérables à la surface du sol, dans une orientation ("un alignement") identique à celle du filon. Face à leurs grandes dimensions, à leur nombre et surtout à la beauté de leur blancheur scintillante et de leurs motifs en soleil, les habitants des temps mégalithiques les auraient dressés et alignés, sans les façonner (ce que leur texture rendrait impossible). "Comme, dans la région, les failles sont souvent orientées NNE-SSW, on pourrait peut-être, tout au moins à titre d'hypothèse, estimer que le filon a, approximativement, une telle direction."

  La présence de houx (de gros buissons sont par exemple visibles à gauche de l'entrée du fort) est aussi une confirmation de la présence de ces quartz in situ, car cette plante est typiquement silicole.

 

  Finalement, cette hypothèse rejoint la réflexion de Jean Mornand qui, dans un chapitre introductif de son ouvrage, page 16, après avoir présenté les théories expliquant les grands alignements mégalithiques par des sanctuaires où les populations se réunissaient pour des cultes funéraires ou de fécondité, ou par le souci de dresser des symboles phalliques, ou par la construction d'observatoire astronomique, observe que "des orientations peuvent être dues plus simplement à des raisons géologiques ou topographiques, comme il semble en exister en Presqu'île de Crozon."

 

  Il reste, et c'était là l'objet modeste et essentiel de mon article, à admirer les cristaux convergents en soleils ou en étoiles.

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Sources :

Jean Mornand, Préhistoire et protohistoire en Presqu'île de Crozon, tome 1 Crozon-Lanvéoc, inventaire des mégalithes, Edit. Etre Daou Vor, Crozon 1998, 272 p.

 Louis Chauris et Didier Cadiou  Mégalithisme et géologie, les alignements de Landaoudec en Crozon ou la mise en évidence d'un filon quartzeux insoupçonnéAvel Gornog n°8,  juin 2000 pp. 48-49.

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Published by jean-yves cordier
18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 20:41

  Le "Pont gaulois" de Kervon à Crozon (29).

 

 

Résumé : 

   A coté d'un gué dallé traversant la rivière de Kerloc'h et par où passait une antique voie qui cotoie des villae gallo-romaines, des témoignages gaulois et mégalithiques, un pont a été ré-aménagé (peut-être sur une ancienne passerelle) à la fin du XIXe siècle en réutilisant des pierres mégalithiques provenant d'un dolmen de Poulmic. Il s'agit de deux dalles, l'une de quartzite, l'autre de schiste présentant quatre à six cupules. C'est donc, actuellement, un ensemble composite, mais d'un intèrêt réel, et imposant de sérieux devoirs de préservation. Le mégalithisme de Crozon date de 3000 av. J.C (J. Mornand), la période gallo-romaine des quatre premiers siècles de notre ère.

 

 

 

 

Sur la route D63 qui se rend de Tal ar Groas à Lanvéoc, on peut voir sur la gauche un panneau vert où est écrite l'inscription "Pont Gaulois". Le promeneur curieux emprunte alors une route en direction de Kervon et découvre, 800 mètres plus tard, juste avant le hameau de Kervon, un pont de pierre qui enjambe incomplètement le Ruisseau de Kerloc'h. Ce ruisseau long d'une vingtaine de kilomètres prend sa modeste source sur les hauteurs de l'Anse de Poulmic, près de la cote 57, pour s'écouler selon un cap plein Ouest vers l'étang puis le village de Kerloc'h ["le village du loc'h", de l'étang ] avant de rejoindre la mer au nord de l'Anse de Dinan. 

 

              pont-gaulois 2044c

 

  Ce pont est composé de deux pierres rectangulaires, grossièrement plates, posées sur un assemblage de blocs, et sur lesquelles deux gaulois auraient bien du mal à se croiser. Comme le pont est incomplet, on imagine que jadis, une troisième pierre terminait le passage.

 

pont-gaulois 2046c

 

 Un pont gaulois ? je cherche en vain des images et des informations sur la toile. Le pont figure bien sur la carte IGN, mais pas sur la carte de Cassini.

C'est dans la Revue Avel Gornog n°8 de juin 2000, dans l'article de Jean Mornand Archéologie et Voie antique de Landevennec à Landaouec, pp. 24-27, que je trouve l'information:

 " Rappelons au sujet du gué de Kervon qu'il a été doublé à la fin du XIXe siècle d'un pont dont les dalles, l'une à cupules, ont été prélevées au dolmen de Poulmic aujourd'hui disparu."

 Il s'agit donc nullement d'un pont gaulois, mais il mérite notre intérêt pour les pierres mégalithiques à cupules provenant du dolmen de  Poulmic à Saint-Efflez. Je le trouve ainsi recenser sur un site spécialisé Mégalithes du monde. 

 Je poursuis ma recherche directement dans l'ouvrage de Jean Mornand Préhistoire et protohistoire en Presqu'île de Crozon, Ed. Etre Daou Vor, 1998, tome 1, p. 155 : " En 1975 paraissait l'ouvrage sur la Presqu'île de Crozon publié par Louis Calvez, curé de Crozon. Dans le chapitre rédigé par J.L. Éveillard sur l'époque gallo-romaine, on trouve, page 42, une belle photographie du pont archaïque (prés de Kervon) accompagné, page 43, d'un court commentaire : "il (le chemin) franchit la rivière à Kervon, par un gué dallé doublé d'une passerelle d'aspect archaïque". Or, une enquête en 1968, auprès de M. Henry, à la Boissière, nous apprenait que la (les) dalle(s) supérieure(s) de ce pont avaient été transportée(s) du Poulmic par son père, au siècle dernier, et provenait du dolmen de Poulmic. Un examen sur place nous montrait que le tablier du pont était constitué de deux grandes dalles, l'une en quartzite, l'autre en schiste. Cette dernière comportait quatre cupules, venant ainsi confirmer son origine mégalithique. nous avons communiqué cette information en 1975 au directeur des Antiquités. Elle fut reprise en 1977 par Alain Le Bloas. dans un dossier "Abgrall", conservé à la bibliothèque de Quimper, A.H. Dizerbo a trouvé une lettre de A. Devoir du 21 août 1919 dans laquelle il est fait mention du pont mégalithique de Kervon, dont une dalle comporte des cupules. En 1995, Michel Le Goffic, Archéologue départemental, découvrait d'autres cupules sur une grosse pierre gisante au voisinage du pont. Notons aussi que deux belles dalles funéraires en ardoise, datées du début du XIXe siècle étaient encore visibles (vers 1970) en prolongement sud du tablier du pont. Elles ont disparu depuis."

   " La position du dolmen de Poulmic que nous donnons sur le plan correspond sensiblement à celle donnée par P. du Chatellier sur sa carte de 1902. ce monument n'existait plus lors de sa deuxième édition de son inventaire, en 1907. L'emplacement le plus probable de ce dolmen situé à 1 km au sud du manoir de Poulmic, est révélé par le toponyme grunguelde Krugell, «tumulus». "

 

 

  Muni de ces informations, il me restait à retourner découvrir les fameuses "cupules" dont la présence m'avait échappé à ma première visite ; j'en comptais six au total :

                          DSCN0260c

DSCN0259c

 

                               DSCN0261c


   Le mystère des cupules mégalithiques :

  Parfaitement incompétent en matière de pré- ou de protohistoire, je me souvenais pourtant qu'un panneau m'avait signalé la présence de telles cupules sur une pierre de seuil de l'enclos paroissial de Sainte-Marie du Menez-Hom en Presqu'île de Crozon témoignant d'un réemploi de matériel mégalithique; il convenait cette fois-ci d'approfondir sans scrupules mes connaissances, ou, plutôt, de mesurer la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur du nuage d'inconnaissance qui  couvrent pudiquement ces cupules : les savants sont, du moins, unanimes pour déclarer que ces entonnoirs sphériques de 3 à 5 centimètres ne sont pas des phénomènes naturels, mais que c'est l'artifice de l'homme qui les creusa, il y a très longtemps. Elles accompagnent parfois d'autres entailles, en forme d'empreintes de pieds, ou des motifs géométriques comme des losanges, des spirales, des stries. Parfois elles sont reliées en haltère.

  Ce serait, disent les uns, des "pièges rituels d'ombre et de lumière" celle-ci miroitant grâce aux reflets de l'eau de pluie qui ne peut manquer de s'y accumuler. Ces jeux d'eaux et de lumière accompagneraient les défunts vers des jours meilleurs.

   Comme on les trouve sur des pierres sacrées comme les menhirs et les dolmens, d'autres y voient la marque d'un vœu buriné en creux dans la puissance sacrée de la pierre. On les rapproche des idoles à clous africaines, ou des statues de saints et saintes que les paroissiennes piquaient de leur épingles pour obtenir la réalisation d'un désir (épouser le beau Bobby, avoir de beaux bébés), et on imagine même qu'on récoltait peut-être la poussière pour l'ingérer [ c'est ainsi que saint Guénolé, dans la banlieue de Brest, assurait la fécondité de ses fidèles ].

  André Leroi-Gourhan (1964) y voyait "le point d'émergence du symbole graphique", point où se rencontre les deux eléments du couple qu'il étudie, la "main-outil" et la "face-langage" et où se lient les deux sources de l'expression celle de la motricité verbale, rythmée, et celle du graphisme entrainé dans le même processus dynamique" : les comparant aux churingas australiens, ces plaquettes de pierre ou de bois figurant le corps de l'ancêtre mythique, il imagine  un officiant creusant la pierre d'un geste répétitif et rythmé, scandé par des incantations afin d'ancrer une intention magique, une prière, un exorcisme dans la pérénité de la pierre : ainsi le geste devient verbe imprimé et lithographié.

  Faut-il citer Trissotin qui pense que ces cupules recueillaient le sang de sacrifices humains? Philaminte qui les associe aussi au culte de la fécondité pour les observer sur des pierres en forme phallique ? Bélise qui y voit un labyrinthe ? Vadius, lui, sait que ces pierres à ecuelles sont un balisage codé réservé aux initiés pour les guider vers la grande guérison. Philautia, qui est géobiologue, et Anoia, qui se pique de radiesthésie, vous prouveront que les pierres qui les portent ne sont jamais placées, tant s'en faut, au hasard, mais sur les points d'acupuncture de Gaïa, notre mère à tous. Komos pense que ces godets servaient à quelque émule du docteur Bach à préparer, dans l'eau de la rosée, par des herbes choisis, de puissants élixirs, pour s'en enduire et, exposé aux pleurs d'un ciel matutinal, attendre que l'astre de Sélène l' hume en humant la rosée. 

  Tryphe y voit un shéma très élaboré des constellations, mais ce culte astral attend toujours son Champollion.

   Emsare suggère que ce ne sont que les marques de friction laissées par nos ancêtres, quand, frottant d'un archet zélé la baguette de bois sur un lit d'amadou, il allumaient le feu. Mais les essais pratiqués lui donnet tort. Egretos voit, dans la nuit des temps, briller de nombreuses lampes à huile, huile dont on remplissait ces cavités : et c'était fort commode.

  En Haute-Maurienne Vannoise, elles sont nombreuses dans les couloirs d'avalanche : nul doute qu'elles témoignent d'un système de protection ; car nous autres, modernes dénaturés, avant perdu tout sens des anciens savoirs. Nous flottons dans une mer de sargasse, coupés de nos racines. L'étendue de notre inculture est consternante ; ainsi, au dessus de Lans-le-Villard, une de ces pierres à cupules, la Pierre aux Pieds de Pisselerand est aussi marquée par des empreintes de pieds : à 2750 mètres d'altitude, une race d'homme capable d'y monter a jadis existé là, qu'aucune science n'a encore décrit. C'est sans-doute en raison de leur petite taille, car ces marques de pieds ne sont pas bien grandes.


Les anciennes voies de la Presqu'île.

 

 Si le tablier de pierre de ce pont n'est pas gaulois, mais mégalithique, datant du néolithique, et s'il n'a été placé ici qu'à la fin du XIX-début du XXème siècle (de notre ère), il n'en demeure pas moins que cette aménagement récent a peut-être renforcé ou remplacé un pont plus ancien, mais dont on ait perdu la trace.

  Par contre, il est certain que le gué pavé que ce pont vient doubler est, lui, bien attesté, puisqu'il permettait à un ancienne voie de traverser le Kerloc'h.

 Jean Mornand la décrit comme une division de la route Landevennec-Landaoudec. A partir de Landevennec, elle suivait la ligne de crête passant par l'actuel manoir d'Hirgars, traversait les bois de Poulmic au nord de Luguniat jusqu'à Saint-Efflez (où se trouvait à Ar Grungel le dolmen qui a procuré notre pierre à cupules). A Botsant, elle passait près d'un ancien camp antique. Elle pouvait desservir le rivage du Poulmic, où des habitants pouvaient traverser la rade. 

 C'est à Botsant que la voie se divise en une branche qui suivait la crète vers l'alignement mégalithique de Landaoudec, un ensemble considérable, riche de quelques 300 pierres dressées et de deux dolmens. C'est l'autre branche, qui descend vers le sud-ouest, qui va franchir le ruisseau de Kerloc'h par le pont ; auparavant, elle aura traversé Guenatec et cotoyé le site gallo-romain de La Boissière (La Bouessière, dérivé de beuzit, "le buis"), microtoponyme révélateur de ruines romaines, le buis ayant été introduit en Gaule à cette époque. En 1980, en creusant les fondations d'une maison, les thermes d'une villae ont été découverts ; par ailleurs des monnaies et céramiques du Ier au IVe siècle ont été découverts dans les champs voisins (notre "pont gaulois" se situe à 350 mètres au sud ouest de la Boissière). On y a découvert aussi un fragment de bracelet en verre gaulois, et une monnaie gauloise avec l'inscription ARIVOS / SANTONOS, témoignages d'une occupation plus ancienne, et aussi des silex taillés datant du néolithique.

  Jean Mornand fonde aussi son étude par celles de la toponymie, qui garde la trace de l'ancienne occupation du sol. Je signale pour ma part que le toponyme  Kervon a pu être rapproché du Caerpont qui apparaît dans la charte 11 du cartulaire de Landevennec.

  L'ouvrage de Louis Calvez consacre plusieurs pages à ces anciennes routes. Page 43, on lit : 

  " Pour le site de Buzit, en Lanveoc, Bachelot de la Pylaie avait remarqué déjà qu'il réunissait les conditions recherchées pour l'implantation de grandes villae : un coteau exposé au midi, ménageant nune vue agréable sur le vallon verdoyant du Kerloc'h, bien protégé "des vents du sud et du nord par des terrains plus élevés". Un chemin privé assurait la communication avec l'extérieur ; il franchit la rivière à Kervon, par un gué dallé doublé d'une passerelle d'aspect archaïque ; plus à l'ouest, aux environs du bourg de Crozon, il vient se fondre dans la voie principale en décrivant un angle très fermé.

  De ces routes, on trouve une carte dans l'article de Jean Mornand, page 24, et dans l'ouvrage de Louis Calvez, page 34.

carte-IGN-Crozon-Tal-ar-Groas.png

 

Liens : 

Topic-topos, Gué de Crozon . 

    G. Guénin : Les menhirs à cupules du Finistère, Bull. Soc. Préhist. France 1915 vol.12 n°4 pp. 202-212

Sources : 

 Jean Mornand Archéologie et Voie antique de Landevennec à Landaouec, pp. 24-27,Revue Avel Gornog n°8 de juin 2000.

Jean Mornand Préhistoire et protohistoire en Presqu'île de Crozon, Ed. Etre Daou Vor, 1998, tome 1, p. 155

 Louis Calvez La Presqu'île de Crozon Histoire-Art-Nature, lLe Livre d'Histoire, 2005 pp. 34-43.

 Remerciements:

à Didier Cadiou pour son aide et les renseignements fournis.

 

 

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Published by jean-yves cordier
15 mars 2013 5 15 /03 /mars /2013 22:48

         La Légende des Dix mille martyrs :

transcription et étude du prologue du manuscrit de la BNF Français 696 Vie et passion de saint Denis.

 

I. Transcription du Prologue.


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447187m/f7.image :

   "[Folio 1r A ] Mi seigneur et mi compaignon, vostre commandement et vos prieres m'ont souventes foiz contraint et encor contraignent de jour en jour a faire et a ordener nous aucun tretié ou aucune bele estoire qui vous soient plesant a oïr. Mes pour la petitece de mon engin je ne vous puis rien fere de moi, ainz couvient encor se je le puis fere que je preigne en bouche d'autrui et de plus sages de moi ce que je vous baudroi. Si me vuel esforcier et entremetre de traire vous de latin en franceis de pluseurs volumes chose qui plesant et bone est a oïr a touz ceux qui bien vivent et honestement en la foi crestienne, especiaument a nous touz qui sommes nez et estraiz du roiaume de France. Si n'i a rien que pure verité. Si pourrez en cete huevre voier mont de beaus faiz et de loables, et mont de mavais. Si fait bon tout oïr : les bones huevres pour fere les et pour demorer .i. par bon essample, les mauveses pour foïr les et eschiver. Et tout autre si que missires sainz Denises fu chiefs et patrons de France et par lui furent nos anciens peres entroduiz et nos après en la foi crestienne, tout ausi vuell je a l'aide dou Pere et du Filz et du Saint Esperit de ses faiz et de sa glorieuse passion et de ses compaignons fere chief et coronne et commencement de cete huevre. Et por ce que aucuns ne cuideroient pas par aventure que aucun gloreus martir et confessor et aucunes glorieuses virges reposassent en l'eglise dou precious martir mon seigneur Saint Denis, se il ne savoient pas la reson et la maniere comment il i furent aporté, le me covient chouchier en ceste huevre après les fez et la glorieuse passion  dou tres be [1rB]neuré martir mon seigneur saint Denis et après l'invention de li et de ses compaignons et après aucuns miracles que Nostre Sire fist por lui ou lieu ou il est ore  en cors ensepoutourez honorablement. Si commencerai einsi eu non de la Sainte Trinité. Amen."

 

 

II. Commentaires.

  Le manuscrit de la BNF français 696 Vie et Passion de saint Denis doit son titre à sa première partie, qui contient une Vie de saint Denis suffisamment semblable à celle du mss BNF n.a.fr. 1098 pour que Charles Liebman en donne une édition critique prenant le texte n.a.f 1098 comme référence d'un ensemble de onze manuscrits contenant tous cette Vie de saint Denis, du XIIIe au XVe siècle.

  Par contre, ce manuscrit Fr. 696 est le seul des onze à disposer d'un prologue et d'un Traité des reliques, encadrant cette vie de saint Denis. C'est aussi le seul à faire suivre ce récit de la légende des Dix mille martyrs et de la légende de la Véronique. Paul Meyer a considéré que ce prologue avait disparu de tous les autres manuscrits de la vie de saint Denis, et que seul Fr.696 nous l'avait conservé ; néanmoins, il faudrait supposer alors qu'ils aient aussi perdu chacun leur traité des reliques, auquel ce prologue fait allusion. Je pense plutôt que ce manuscrit présente une originalité propre.

 Dans le mss Fr. 696, cette première partie (Fff. 1-25) est suivie par une Chronique abrégée jusqu'en 1278 (ff. 27-150).

 Le prologue est un exercice de style bien répandu, et on retrouve ici des figures communes de l'art de conter : on atteste que tout ce qui va être lu est la stricte vérité, on assure le lecteur que tout ce qu'il lira est louable, moral et chrétien puisque les belles actions serviront à son édification, et les mauvaises à forger son jugement pour l'inciter à ne pas les commettre. Ces commentaires se rapportent essentiellement à la seconde partie du manuscrit, qui énumère les faits historiques depuis la Nativité du Christ jusqu'en 1178, ces faits étant les plus susceptibles de mélanger les bonnes et les mauvaises actions.

  Son auteur anonyme pourrait être un moine bibliothécaire s'adressant à ses frères et à son abbé, et répondant à leurs demandes de nouveautés : "missire", "votre commandement", s'adressent à un supérieur hiérarchique, clerc ou laïc. Il souhaite "bele estoire qui vous soit plesant à oïr". Avec une humilité purement rhétorique sur "la petitesse de son engin", il l'empruntera aux auteurs qui l'ont précédés ; personne sans-doute n'attendait de lui qu'il les invente.

  Si ces éléments ne sont guère originaux, d'autres, par contre, nous fournissent des données spécifiques : 

  • La source provient de plusieurs textes français et traduits du latin. Or, la Vie de saint Denis elle-même provient d'un seul texte latin, Vita et actus beati Dyonisii, recopié sur deux manuscrits du XIIIe siècle de l'abbaye de Saint-Denis, BNF lat. 2447 et N.a.lat. 1509. Ce prologue n'est donc pas destiné à introduire seulement la Vie de saint Denis, mais aussi les autres textes, légende des Dix mille, légende de la Véronique et Chroniques. Concernant la légende des Dix mille, nous savons qu'il s'agit d'une traduction fidèle du texte latin d'Anastase, mais nous ignorons si l'auteur a effectué lui-même cette traduction, ou s'il disposait d'un texte français préalable ; de même, le texte de "ici commence la véronique" est une traduction du texte latin Cura sanitatis tiberii.
  • Un peu plus loin dans le texte, folio 2v-3r, l'auteur précise ses sources :  Et se aucuns veut savoir comme il [Saint Denis] fut de bon sens et de soutil enging et d'esperitell entendement, leuse les .IIII. livres que il fist et ses .X. epistres ; Cil livres, dont nos avons parlé vindrent en tel maniere. Michel li empereires de Costentinnoble envoia larges presenz a Loys l'empereur de Rome, et aveques il presenta les livres que messires Sainz Denis fist de Iherarchie. Loys les recut liement et les envoia a l'abbeie de Saint-Denise en France, la veille de la feste, et lorz i avint mout beaux miracles. Quer, si comme ils furent receu, .XIX. hommes y furent gueri de diverses enfermetez et par ce mostra bien Nostre Sires que en cez livres estoit la doctrine qui est la veraie medecine et saluz esperiteuz as ames. Ces quatre livres et ces dix épitres du Corpus Donysiacum  font allusion aux écrits du Pseudo-Denys l'aréopagite, écrits qui furent effectivement remis par les envoyés de Michle le Bègue, empereur de Constantinople à Louis le Débonnaire, à Compiègne en 827. Parmi les écrits figurent la Hierarchie céleste (15 chapitres), la Hierarchie ecclésiastique (7 chapitres), les Noms Divins et la Théologie Mystique. Les épitres sont adressées à Caius (4 lettres) , Dorothée, Sosipater, Polycarpe (évêque de Smyrne) , Démophile, à Tite et à l'apôtre Jean. Ils composent le manuscrit grec 437 de la B.N.F. Mais l'auteur du XIIe siècle reprend ici un texte d'Hilduin (IXe siècle), Post beatam ac salutiferam, Hilduin  les ayant traduits du grec en latin. C'est ce même Hilduin qui reçu ces manuscrits à l'abbaye de Saint-Denis dont il était l'abbé, la veille de la saint-Denis le 8 octobre 827, et qui a été témoin des 19 guérisons que ces écrits ont aussitôt provoquées.
  • Il s'attache surtout à expliquer la présence du Traité des reliques (ff. 16-18v). En-effet, c'est la possession des reliques par l'abbaye de Saint-Denis qui lui confère toute sa puissance, et il est capital de faire connaître comment elles sont parvenues dans le sanctuaire, car ces circonstances participent à les authentifier.
  • L'auteur souhaite placer la Vie de saint Denis en "ouverture" de son livre, et, selon sa formule, "en chief et coronne et commencement de cete huevre", c'est parce que saint Denis est le chef, le patron et l'évangélisateur de la France. A la date présumée de la rédaction de ce texte (v 1280), le patronage de Denis n'est officiel que depuis assez de temps puisque c'est en l'année 1124 que le roi Louis VI leva pour la première fois l'oriflamme rouge de Saint-Denis, et que la première qualification d'un roi de France comme "roi de Saint-Denis" dans une chanson de geste se trouve dans le Couronnement de Saiint Louis, en 1130. Introduire son récit historique du royaume de France (ff. 27-150) par cette Vie et passion de saint-Denis équivaut à peu-près, si je suis bien l'auteur dans sa phrase "chef et couronne et commencement", à placer des armoiries royales avant une Histoire de la Royauté. Dés-lors, il faut s'interroger sur la valeur, forcément très élevée, de la place des deux autres textes qui suivent, la légende des Dix mille martyres et celle de la Véronique.

  J'ai d'abord cru que l'église de Saint-Denis possédait des reliques des Dix mille martyrs ; mais la liste des reliques détenues par l'abbaye est très précise dans le texte qui nous retient, et les martyrs du mont Ararat n'y figurent pas. J'ai pu penser aussi à une confusion (elle est fréquente, bien que les thébains n'aient pas été crucifiés) avec les dix mille soldats de la légion thébaine commandés par saint Maurice et martyrisés sous Maximien au IIIe siècle, car saint Louis, qui avait fondé à Senlis une église en l'honneur de saint Maurice et de la légion thébaine, et qui y avait fait apporter plusieurs reliques, a remis en 1262 la relique d'un ces compagnons de Maurice à l'abbaye ; elle est spécifiquement mentionnée dans le Traité des reliques, mais, à aucun moment il n'est employé alors le terme de "dix mille martyrs". La présence de la légende des Dix mille martyrs  dans ce manuscrit n'est pas déterminée par des reliques san-dyonisiennes.

  Je suis donc amené à considérer que le manuscrit Fr 696 est placé par son auteur sous un triple patronage : saint Denis, saint Acace (ou "les Dix mille martyrs"), et sainte Véronique, et que toute sa première partie est introductive, voire même votive.

  On sait que Véronique est un personnage "fabriqué" (dans les grandes forgeries hagiographiques médiévales) pour sanctifier la vera Icona, la Sainte Face : autrement-dit, la mention de sa légende ici est une manière pour affirmer le rôle des images et de la vénération des "icones" (il s'agit plutôt de statues dans l'église d'Occident), ainsi que le pouvoir thaumaturge de celles-ci ; ce qui n'était pas, après la querelle des iconoclastes du VIIIe siècle, ou les options austères des cisterciens, un simple détail.

 De la même façon, on peut estimer que la légende des Dix mille martyrs célèbre de façon grandiose et superlative la valeur, au delà des particularités de la Vie de saint Denis, Rustique et Éleuthère la valeur du sacrifice suprème pour la Foi, la valeur du Martyre comme Imitation idéale du Christ. Ce qui n'était là encore, au moment des Croisades contre les Infidèles et les Hérétiques, un simple détail.

  Une autre remarque sur ce prologue : à deux reprises, l'auteur évoque la Sainte Trinité et se place sous sa protection ; rien de plus banal dans les textes religieux, peut-être. Mais l'affirmation du dogme trinitaire est l'un des axes centraux de la légende des Dix mille.

 Valeur des reliques, valeur du martyre, pouvoir thaumaturge des images sacrées, voilà un triple acte de foi introductif, accompagnant celui en la Trinité.

 

 Source : Charles J. Liebman, Étude sur la vie en prose de saint Denis, the W.F. Humphrey Press, Nex York, 1942.

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Published by jean-yves cordier
13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 09:06

 

 

 

 

             "Ici commence la Véronique".

        La Légende de sainte Véronique dans le manuscrit français 696 (La Vengeance Nostre Seigneur).

 

 Introduction.

  J'ai abordé le manuscrit de la Bibliothèque Nationale de France Vie et Passion de saint Denis français 696 pour y transcrire la première occurence en français de la Légende des dix mille martyrs, la datation de ce manuscrit étant de 1270-1285. J'ai constaté à cette occasion que ce manuscrit était resté inédit, où, plus exactement, que Charles Liebman en avait publié la seule part correspondant à la Vie de saint Denis, soit les folios 1-18v. Venait alors la Légende des Dix mille (ff. 18v-23), que je m'efforçai de transcrire, en en donnant la source latine Les Dix mille martyrs dans le manuscrit Fr. 696 La Vie et passion de Saint-Denis : confrontation avec le texte latin d'Anastase. . Avant de parvenir à la Deuxième partie de ce manuscrit, qui est une chronique des rois de France jusqu'en 1278, il restait à lire cinq folios et demi, portant le titre "Ici commence la Véronique" (ff. 23-25v). Je me proposai donc de les transcrire, et, ainsi, toute la première partie consacrée à l'hagiographie serait disponible aux curieux sous une forme plus maniable que le texte original, disponible sur Gallica. En outre, dans mon étude de la Légende des Dix mille (motivées par la présence à Crozon d'un retable dédiés à ces martyrs), je pourrai ainsi placer la légende dans son contexte textuel.

  J'étais persuadé d'y lire une version médièvale du récit bien connu du miracle par lequel sainte Véronique, essuyant avec un linge le visage souffrant du Christ lors de sa montée au Calvaire, avait découvert que la Sainte Face y était désormais comme imprimée. La scène où Véronique présente devant elle le drap orné du visage pathétique de Jésus figure, chacun le sait, sur tous nos calvaires bretons, sur tous les vitraux de la Passion des maîtresses-vitres.

 Or, c'est une légende bien différente que j'ai découverte, qui se rapporte à celle nommée La Vengeance Nostre Seigneur, et qui procéde d'une source latine du début du VIIe siècle nommée Cura Sanitatis Tiberii, "La Guérison de Tibère". Cette Guérison de Tibère est souvent placée en annexe des manuscrits latins d'un texte apocryphe, les Actes de Pilate, précisément parce que l'histoire, pour la résumer très succintement, raconte comment Tibère est guéri par un portrait du Christ qu'a peint la Femme hémoroïsse (Mat.9, 20-22) après sa guérison par Jésus, et comment Tibère furieux de découvrir que Pilate et les Juifs ont crucifié un homme-dieu si puissant en miracles et guérisons, s'évertue à venger le Christ en punissant Pilate (cest la Cura Sanitatis Tiberis), puis, dans des développements ultérieurs et avec d'autres empereurs, de punir les juifs. Ces légendes participent donc de l'antisémitisme chrétien médiéval. 

  Pendant que je me livrai à mon travail de moine copiste, et que me revenaient comme par infusion spirituelle à travers les âges tous les jurons latins que des générations (si je puis dire) de bénédictins firent fuser in petto dans le silence des scriptorium, je fus puni par Celui qui voit tout et qui entend tout : je découvris que tout mon labeur était stérile, car on trouvait déjà en ligne cette version de la Vengeance Nostre Seigneur, ou, tout du moins, une recension de tous les développements de cette Vengeance en ancien français et de tous les manuscrits : c'est, par Alvin E. Ford, l'étude de 232 pages parue en 1984 sous le titre La Vengeance de Nostre-Seigneur, the Old and Middle-French Prose Versions. Dans ce livre, "mon" texte devrait être classé dans la famille C des transcriptions du Cura Sanitatis Tiberii : dans cette famille, les manuscrits C1 et C3 étaient des cousins, des frères ou des jumeaux du français 696.

  Néanmoins, ce manuscrit Fr 696 n'était pas cité parmi tous ceux que cite A. E. Ford, ce qui m'encourageait à le proposer ici.

 

II. Transcription de la Légende de Véronique du manuscrit BNF français 696.

Le manuscrit se trouve sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447187m/f52.image

Il est disposé en deux colonnes (indiquées A et B ici) du folio 23 colonne B au folio 25v.

      J'ai transcrit le texte  avec les modifications suivantes : majuscules des noms propres et débuts de phrase ; ponctuation ; accents ; complémentation des abréviations et tildes ; transformation du -u- en -v-, du -i- en -j- et ajout de cédille si nécessaire. J'ai aéré le texte par des paragraphes sans justification particulière de sens. 

 

  [23rB] Il avint ou point et en l'eure de la Passion Nostre Seigneur que Tyberius Cesar, li empereres fu soupris de grant enfermeté* en tel manière que les entrailles de son cors desissoient* en porreture* et la grant puor qu de lui issoit senefioit bien qu'il estoit près de la mort. Quant li empereres vit que il estoit si durement tormentez li quist touz les mires* que il pout trouver et avoir et totes les medecines, mes li oigment* et le medecinement des mires ne valoient rien à sa santé. Entre ces choses comme ifust grement tormentez de ses doleurs et vu le medecine rien ne li vaulist li fist apeler devant soi tous les senatours de Rome et leur dist :" Ma maladie est tres forz et je ne truis nul repos ne nul conseill en ces mires me jai oi dire que dans la contrée de Ierlin* si est uns hons qui a non Jehu qui est de grant afaire qui par son grant poer resucite les morz et sauve totes les maladies par la seule parole. Or vos pri doncques et requier se il vos plest que vos eslisiez .1. homme qui soit dignes et sages qui voist en Ierlin et a grant piotre et grant enneur a maint cet homme jusques a nos. Certes se il est dieux, il nos puet doner grant aide en nos batailles et se il est purs hons nos puvons par lui nostre empire governer par grant vigor". A cez paroles respondirent li senatour et disrent : "Sire bien est droit que* si grant homme ne soit pas loing du palais lempereur et que il le puisse secorte en senfermere et que il sache aidier a consseiller au besoing de lempire".

  Apres ce li eslirent li senatour un noble homme qui avoit Volusien* a non qui estoit prestre du temple et avoit este cuens de lempire et si li distrent : " Nostre sire li empereres si a establi que l'en [23vA] te revoit en Ierlin porce que tu li amainnes un saint homme qui a non Jhesu". Volusien leur respondi et dist : " ie sui toz prez de fere la volinté monseigneur lempereur". après ce entrerent li senateur devant l'empereur et disrent que Volusien sestoit dehors la porte. Li empereur commanda qu il venist avant, et si li dist : "Je te conjur les diex et les dieuesses et devant icelui dieu qui touz les autres dieux afez se tu veuz emprendre cete legacion et a moi doner santé qui sui en grant peril de mort je te replendirai de grant richeces et si seras apelez et si seras apelez en lempire de Rome le pere dou pais. Haste toi tost et va en Ierlin et quier Jhesu de Nazareth le prophète qui est lumires qui sauve totes enfermetez et qui les morz resucite et ne mie il tant seulement mes neis a ses deciples a il doner le poer de garir mout d enfermetez et mout de vertus fere en son non. Se tu cest grant seigneur maines a henneur quanque tu me requerras je te dorrai et seras li premiers entre les princes de ma cort". A ces paroles Volusiens enclina son cheif  très quen terre et aora l'empereur et li dist bone l'entencion monseigneur l'empereur. Li empereur li dist : "Volusien saches que je lomme qui tot present qui tout ce m'a dit que cil et verai diex et verai homme.  Donc je t'amonest de rechef que tu li pries o grant henneur que il  viengne jusques a nos. Quer li comme nos avons devant dit, seil est dieux, seil est homme il nos puet doner granz benefices en governer lempire ; pour dieu ne demore pas, haste toi va isnelement* por lui trover ".

   Apres ces paroles Volusien li fist son testament selon les anciennes lois et ordonna sa meson et sa mesnie et entra en la nef et s'en ala. Entre [23vB] ces choses li empereres estoit durement corroicié et tormentez de s'enfermeté. Volusien après un an et trois mois vint en Ierlin, et quant il aprisma* es murs de la cité li ancien geue* de la cité furent troblé de sa venue et tantost li pluseur sen aleirent a Pilate qui estoit lors prevost et li distrent que un noble homme qui est de grant henneur et de grant poer vient des patries de Rome. Pilates li corut encontre a grant estiude et a grant henneur, et a grant poer et li dist : "Biausire qu'avons nos forfet que vos ne nos feistes savoir que nos alissons encontre vos qui estes .1. des plus hauz barons des romains ?". Volusian li respondi :" li pius empereres ne nos a pas envoyé pour nuire a la contrée ne pour trobler les citez ne pour neoir la chevalerie de cest pais, mes tant seulement notre cure et notre pensée si est d'acomplir plainement le commandement de lempereur. Quer tout lempire est mout esmeuz d'une enfermeté que il a effect esseciez dou ventre et ne puet trover secors, ne par enchantement ne par medecines. Mes cest la souveraine cause de notre venue que nos querrons uns qui est dieu et homme et a non Jhesu, de qui nos avons oi que sanz herbes et sans enchantemenz puet doner santé tant seulement par son commandement et par ses paroles. Quer neis les mors resuscite et rapele dou sepulcre ceus qui ifuit touz puanz de quatre jours".

   Quant Pilates oi ces paroles si fu mout espoantez et uns grieues qui avait [non] Thomas par qui li empereres avoit oies les noveles de Ihesu dist à Volusian : "Sire neis li diables regehissoient que cil Jhesu estoit dieu et fiuz de deu et li disoient :" Sire fiuz David que nos volez vos ? . Estes nos vos venu   [24rA ] destruire devant le tens et ainz eure? En cete place est uns de ces deciples par cui vos porroiz bien connoistre tote la verité".

  Après dist un de ces chevaliers à Pylate :" Missire, Volusiens désire aavoir le très sage homme que vos ne dotastres mue à crucefier". Pylates fut confus par la parole de son chevalier et dist à Volusien : " Sire cest homme que vos querez si dilijaument* li gieue le pristrent et le dampnerent à mort et le pendirent en la croix". Quant Volusien oi ce si fu mout espoantez et dist à Pylate : "Pourquoi feist tu dampner cet homme et juger à mort dont toz li peuples aferme que il estoit et dieux et homme sanz le conseill monseigneur l'empereur ? " Pylate li respondi : " je ne povoie endurer la voiz et le cri des gieues, quer ils disoient que il se fesoit roi des gieues contre l'autorité l'empereur, et leur balloi à leur volonté fere et leur commandai que ille crucefiassent selonc leur loi". A ce respondi Volusiens :" Li empereur  de Rome selong pitié et selonc mesure ne dampneront ja nul homme tant soit deslaiaus, ne laroy ne homicide devant que il soit bien encerchié* se il est digne d'estre dampné et oucore par le consentement des senators et tu comment osas ocire et ballier à la volonté des gieues si grant homme qui savoit totes enfermetez? "Pilates li respondi :" je cuidoie fere le preu et le salu de lempire se tex hom fust ocis qui disait que il estoit rois des gieues". Volusiens li dist :" certes se tu ne le mostres à moi je te coudroie la seigneurie du roiaume que tu as et te ferai  morir de male mort".

   Lors dist à Pylate un de ses chevaliers : Sire ne vos troblez pas, sachiez que il est resuscitez de mort et que nos meismes le veismes le tierz jour apres sa mort et plusieur furent avecques nos qui le virent tout vif et [24rB] alant. viengne Joseph avant qu il l'enseveli". Quant Volusien oi que si grant homme vivoit il commanda que Joseph venist avant et que l'en li amenast à grant henneur. Quant Joseph fu devant lui si lu dist : " tu seues me semble le plus sage de cest peuple et es tenuz amerveilleus homme en cete cité. Or nos di donc la verité des choses qui fetes sunt de Jhesu qui tant fu esprovez en votre gent que il fu justes et de qui li deables disoient que il estoit dieux. Se il est veraiment resuscitez de mort, quer de toi seul recevron nos tesmoing de la  verité ?" Joseph li respondi : " sire veraiment est resuscitez nostre sire Jhesu Crist quer je l'ai veu et ai parlé à lui et je meisme l'enseveli et mis en un sépucre tout soef que je avoe entallié en une pierre et après ce le virent autre en Galilée tout vif seur une montaigne où il sesoiet et enseignoit ses deciples". Lors envoia Volusien par tote la cité de Ierlin pour enquere et pour connoistre la pure verité des choses que l'en disoit de lui, en dementiers* que il le fesoit querre et nus ne le pooit trover. Si vindrent .ix. hommes et Joseph avecques eux et distrent : "nos le veisment monter es ceux" . Cil .ix. hommes avoient non Didismus, Lucius, Ysaac, Didascalus, Ezeas, Azarus, Didascalus et Matheus*. Icist tesmoignoient que Jhesu estoit verai prophètes et merveilleux.

  Quand Volusiens oi cesi mout corrociez vers Pylates pour ce que il avoit dampner si grant homme et commanda que l'en le preist et que l'en mest en estroite garde. Quant Pylates fut enclos lors commença l'en mout de miracles et signes touz aperz à demostrer de Nostre Seigneur. Quer fames vindrent qui annoncçoient les miracles que Nostre Seigneur avoit feres devant sa Passion et après sa Ressurection [24vA] Et ce que ele disoient ele le confermoient par plusieurs tesmoinz. Volusiens dist à touz les peuples qui ileques estoient :"C'estui homme si comme j'ai oi pour ce que il estoit dex nos pooit bien doner grant aide et se il fust seulement juste homme si peust il bien governer les droiz de l'empire". Lors commanda il à son ost que il preissent tout le lignage Pylate et le meissent en bonne garde et commanda que Pylates fust amenez devant touz les chevaliers. Lors li commença à dire en plorant : " O tu anemis de toute verité pourquoi ne mandas tu l'empereur quant crucefias Jhesu dont tout li peuples crie que il est  purs et ignocent ?". Pilates li respondi  :" Je ne sui pas tant seulement coupable de la mort, mes tout li peuples des jeues et li mestre de la loi et li provoire* qui l'ont ocis". Volusiens li dist : "Et tu comment puez tu monstrer que ne soies coupables en cete chose. Comment fute que tu ne mandas à l'empereur si enfeisses ce que il commandast".

  Lors vint un  de ces deciples Nostre Seigneur Ihesu-Crist qui avoit non Symeon* devant Volusien par devant tout le peuple qui est entour Pylate et dist : " Pylate tu crioies en ton concire quant tu le leidenjoies* par paroles et le tormentoies par batemenz, et li disoies j'ai le peor de toi délivrer et le poer de toi ocire". Pylates respondi : " j'oi  pour de l'estracion* des geues et por ce si l'abandonoi à leur volente. D'autre part pour ce que je demonstrasse que je n'avoie coupes en la mort je lavai mes mains devant touz ceus qui estoient présent et dis je n'ai coupés en la mort de cest juste homme bien vos en pernez garde. Lors me respondirent li ancien geues et disrent la coupe de la mort seur nos soit et seur nos enfanz".

  Lors commença  [24vB] Volusien à plorer devant tout li peuples et dist à Pylates : "Queque li autre feissent, pour le bon desirrier que tu avoies le deusse tu délivrer et ne deusses pas souffrir que l'on oceist li granz prophètes". Lors commença  Volusien à enquerre par grant desirrier se il porroit nule savoir de ses miracles. Lors vint .i. gieue avant qui avait non Marcus qui descouvri le segroi* d'une fame que li avoit dit et dist à Volusien : "Or à trois ans passés que il gari une fame qui decoroit de sanc parce que elle atoucha ses vestemenz. Et quant ele se vit garie pour l'amour de celui ele paint l'ymage de Nostre Seigneur en dementiers que il vivoit en une toualle, si que il le sout bien". Lors respondi Volusiens à celui : "di moi le non de la fame". Il li dist " Ele a non Veronique et maint à Sur* ". Quant Volusiens oi ce si commanda que l'en alast querir la fame et qu'en li amenast, et quant ele vint devant lui, Volusiens li dist : "dame nos savons bien que tu es sage et plaine de veritè or croi mon conseill et me mostre l'ymage Jhesu qui est un grant dou qui ta rendu santé de ton cors". La fame li dist :" Sire je n'ai pas l'ymage que vos demandez". Quant Volusiens vit qu'il estoit si deceuz si la commença à espoanter et li dist que se ele ne voloit faire ce que il li prioit par bone volenté, il li feroit faire par force et maugré suen*. La bone fame out pour des paroles Volusien et iasoit ce que il ne le volist pas il li dist ces paroles, et ele li enseigna tantost ce que il demandoit, et il envoia tantost jusques lie grant pleute de chevaliers et troveirent l'ymage reposte et son orellier , que ele avoit toujours à chevez de son liet, et ileques la repernoit  quant ele la voloit veoir et illeques la repernoit ausi comme ce se fust un grant tresor, [25rA] et par jour et par nuit iaoroit o grant heneur. 

  Quant le chevalier orent apportée cele ymage à Volusien il commença à trembler de pour et  l'aora tout enclin en tetre a grant reverence et dist à touz les gieues qui ilequel estoient :" veraiment vos di que vos aurez mauves guerredon* de cete chose quant vos fustes si hardi que vos osates metre main en ocire si grant prophète qui resuscitoit les morz et enluminoit les aveugles et guerissoit les meseans et sanoit totes enfermetez par son poer. Certes bien est droiz que très grant veniance descende pour vos destruire si que tout li mondes connoisse les deslaiautez de vos ovres et que vos estes dampné par la mort de cest saint homme quer vos deistes "li sans de lui soit seur nos et seur nos enfanz". Et pour ce vos et vos enfanz seront en chetivesons* pardurables et seroiz esparpellié par le monde par le droit jugement des princes de Rome sans qui vos osates faire si grant deslaiauté".

  Quant Volusiens out dit si, assembla ses chevaliers et commanda que les nef fussent aparellies et que l'en meist l'ymage Nostre Seigneur et la fame qui avait non Basile* et que Pilate ifust mis et bien gardez de chevaliers armez. Lors se mistrent à la voie pour aler à Rome. Quant il orent erre par la mer jusques à .ix. mois, la nef arriva au port de Rome. Tantost la nouvele vint à l'empereur que Volusiens estoit arivez. Quant il oi ce fit out mout grant joie et commanda que l'en li amena isnelement. Quant Volusiens vint devant l'empereur si li chai au pie et l'aora jusque en terre et li conta tout le travail de la voie, et com grant periz il avoit en terre et en mer et pour ces mesestances* avoit il tant demoré. L'empereurr li dist : "où est Jhesu li saint hom pour qui nos t'envoiasmes en Ierlin ?"

 Volusiens li respondi : "Sire l(es) gieues et Pylates l'ont ocis". Li empereur li dist : " comment osèrent il fere si grant deslaiauté ?" Volusiens li respondi : "  Si comme je poi toutes les choses encerchier pour seulement envie le traïrent et crucefierent pour ce que il ne poient faire les signes et les miracles que il et ses deciples fesoient". A ce respondi Cesar :"Et où est ce Pylates si deslaiaus ?" Volusiens li respondi : "Je l'ai amené aveques moi en bone garde". Lors dist l'empereur par grant ire "Pourquoi ne l'as-tu pas ocis ?" Volusiens li respondi : "Je l'ai amené aveques moi parce que je ne vos voloie pas corrocier. Quer je ne voloie pas dampner home à mort sanz le jugement de l'empire ausi comme fist deslaiaux Pylates". Li empereur pour le grant mautalent que il avoit contre Pylates ne vout souffrir que il fust amenez devant lui, mes commanda de la grant ire que il avoit que il ne meniast nule chose cuite et quer li donast à bouire ce un poi d'eaue à mesure, et que l'on tormentast son cors par diverses manières de tormenz tant qu'en li nonçast que il fust mort en terre de ces tormentz. Tantost il fu envoiez en essill par le commandement de l'empereur en une cité en Toscane qui a non Amélie, ilequel demora enclos en grant mesere iusque au ior de sa mort.

   Quant ce fu fait Volusiens laprisina de l'empereur et li dist :"Ce sache nostre sire l'empereur que une fame que Jhesu li prophète guéri d'une grant maladie a l'ymage painte por l'amour de lui selonc la semblance de sa face, et que le la vos ai ça amené. La fame est venue aveques l'ymage et a leissé quanque ele avoit por lui. Quer il li est avis que ele mout grant tresor a tant comme ele que ele la ovequel lui [25vA] er se ele l'avoit perdue de que ele perdroit la gloire de son criator et l'aide de damedieu et dit que ele n'avoit james heneur ne force ne poer ne salu de l'âme. et quant je dis à la fame por qui ele voloit aler entre estrange gente en poureté et en travaill ele me respondi :" en quelque lieu que l'ymage s'en irois, qui est mesperance je m'en irai ovec n.slie quer ce sunt les richeces de m'ame tant que je vivrai".

 

  Quant li empereres oi ce si commanda qu'en li amenast la fame a tout l'ymage Jhesu Crist, et quant il la vit portant l'ymage Nostre Seigneur à tout grant henneur si s'en merveilla mout, et out grant paour, et li dist :" preude fame or me di atouchast tu veraiement la vestreure de Jhesu li grant dieu ?" La fame li respondi : "Sire je l'atouchai veraiement et tantost fui garie de m'enfermeté qui m'avoit tenue par .xii. ans." L'empereres li dist : "Mostre moi l'ymage Jhesu-Crist ton sauveur". Tantost la fame la mist avant li empereres quant il la vit si commença à trembler et se leissa chaer à terre, et l'aora et la commença à aroser de ses lermes et à besier mout doucement. Tantost comme il l'ot besiée par grande dévotion, si fu gueriz de la maladie et la puour et la porieture de son cors s'en ala, dont il avoit este longuement tormentez. Quant li empereres senti la vertu Nostre Seigneur qui li estoit venu sur son cors par la sainte ymage, si commanda que l'en donast grant richeces à cele preude fame et commanda que cel ymage fust aornée d'or et d'argent et de pierres précieuses et mise en net lieu et en honorable. (bout de ligne mmmm en rubrique).

 Après ce demanda l'emperere Volusien que il venist paller à lui . Volusien vint. Li empereres li demanda quex estoient li commandement Jhesu Crist [25vB] et sa doctrine. Volusien li respondi "Si comme j'ai apris nule autre chose il ne commanda fors que tute cil qui vodroient croire en lui soient bautizie en eaus et croient que il est verai dieux et verai (et) homme". Quant li empereur oi ce si  dist: "Las, cheitif qui sui ale partout le monde et plusieur roiaumes ai avironez ne onques tel homme ne poi veoir ne sa doctrine saveoir, ne veoir les signes de ses miracles qui sunt ia oies et demostrees partot le mont." Après ce que li empereres fu gueriz il vesqui en tout .ix. mois et loet chascun jour et beneissoit Nostre Seigneur Jhesu Crist qui est li sauverres de touz, et porta grant heneur à la sainte ymage touz les jours de sa vie. Après ces .ix. mois il morut et Gaius Cesar fu empereres après lui, et vout savoir que Pylates estoit devenuz et l'envoia querre et fist venir devant lui et vout savoir de sa boche le tesmoing de Jhesu Crist comment il avoit este mort et enseveliz et au tierz jour resuscitez et les granz miracles que il fesoit, et comment il est montez es ciex. Quant Pylate li out dit tote la verité, li empereres le vot réconcilier me il ne pout quer li romains l'acusoient de ce que il estoit circoncis selonc la costume des gieues. Quant l'empereres oi ce si l'en renvoia en esill où il chei en tant de mescheanthés que li meismes s'ocist de sa main emsint fu mort et il desloiaus et enseveliz en enfer.

En totes ces choses soit dieus benoiz qui venge la passion son chier filz Nostre-Seigneur Jhesu Crist de ses anemis et demostre apercement sa gloire as princes et as empereurs de cest siècle, qui oveques son chier et son saint fiz et esperit vit et reigne en une maiesté pardurablement Amen.

 

  • enfermeté :Godefroy : "infirmité, maladie".
  • desissoient et, plus loin, issoit : du verbe issir, "sortir".
  • porreture : Renard 5006, R. la Rose 19219 : "pourriture".
  • mires: Godefroy : "médecin, chirurgien".
  • oigment : cf Oignement, R. de Renart 13083 "remède".
  • Ierlin : "Ierusalem, Jerusalem".
  • bien est droit que : R. de la Rose 17118 : "il est bien juste que".
  • Volusien : ce "prêtre du temple" ne correspond à aucun personnage romain connu sous ce nom de Volusianus, bien qu'un empereur romain (251-253) ait porté ce nom, ainsi qu'un préfet de Rome sous Galien entre 267 et 268, ou qu'un autre Volusianus ait été préfet urbain en 416.
  • isnelement : Godefroy : "promptement, vivement, allégrement".
  • aprisma : Godefroy ; verbe aproismier, aprismer : "approcher, s'approcher de".
  • geues : forme de jueu, jeu, jeiu, Geu : "juif".
  • dilijaument : cf Godefroy diligaument, "diligemment".
  • encerchiè : Godefroy ; "rechercher, s'enquérir, examiner".
  • en dementiers que : "pendant ce temps, cependant que" : Godefroy : dementiers que : "pendant que".
  •  Didismus, Lucius, Ysaac, Didascalus, Ezeas, Azarus, Didascalus et Matheus: pour Alvin E. Ford, la liste peut suggérer le nom de certains apôtres, comme Thomas (Didimus), Luc (Lucius), Marc (Leo), Matthieu (Matheus) et les deux Jean (Peut-être les deux "Didicalus").
  • provoire : "prêtre"; à donner en moyen français "prouvaire". 

  • Symeon: selon A. E. Ford, ce disciple est l'apôtre Simon Pierre, le premier pape.
  • leidenjoies : Godefroy : laidangier, lendengier,   leydengier etc... : "maltraiter, injurier".
  • estracion : on trouve dans la transcription des manuscrits C de E. A. Ford traïson, mais je lis bien estracion des geues, "j'ai eu peur de la race des juifs".
  • segroi : Godefroy : forme de secrè, segré, secroi, "secret".
  • Sur ou Sour est le nom arabe de la ville de Tyr (actuellement Lebanon) au Liban, à quelques 160 km au nord de Jérusalem.
  • maugré suen : CNRTL, article "sien" : " contre son gré".
  • mauves guerredon : Guerredon : (Godefroy) "Prix d'un service, d'une bonne action, salaire, récompense", mmais les exemples montrent qu'il existe des "bons guerredons" et des "mauves guerredons", comme dans La Chanson de Jérusalem, le Roman de Renart ou la Chanson des quatre fils Aymon.
  • Chetivesons :Godefroy :chaitivoison : "captivité".
  • qui avoit non Basile : je ne comprends pas ce nom, là où on attend celui de Véronique, mais on retrouve la même mention dans deux manuscrits C1 et C3 étudiés par E. A. Ford.
  • mesestances : Godefroy : "mauvaise situation".

 

III. La source latine : le Cura sanitatis Tiberii.

  En 1899, le théologien et historien de l'église patristique Ernst von Dobschütz publia une étude critique intitulée  Christusbilder. Untersuchungen zur christlichen Legende. Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur; Leipzig 1899 (Images du Christ. Étude sur la légende chrétienne). Son chapitre VI est consacré à la Légende de sainte Véronique, puis, en annexe, est donnée une étude critique du Cura sanitatis Tiberii (Annexe V, 157-203). Je souligne que Dobschütz cite page 16, dans les traductions connues du texte latin, le manuscrit BNF fr. 696.

  Ce texte apparaît en annexe des Actes de Pilate, texte apocryphe du IVe siècle, grec puis latin, qui se présente comme un rapport officiel adressé par Pilate à Tibère pour lui relater le procès du Christ, sa crucifixion et ses miracles. En latin, ces Acta Pilati sont souvent eux-mêmes un appendice de l'Évangile de Nicodème.

http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/dobschuetz1899/0826/ocr

    Hanc Pylatus Claudio direxit epistolam adhuc vivente Tiberio imperatore licet gravissimo Factum est autern laborante morbo. Ipso mim cum Tiberio et Vitellio consulibus eodem tempore Tiberius Caesar gubernabat Imperium (et Claudium successorem rei publicae delegisset) necesse fuit, ut in partibus Hierusolimorum virum prudentem dirigeret ut Christum Jhesum possit videre [Tiberius], quia multa de eo mirabilia audiebat, eo quod mortuos suscitaret et infirmos verbo sanaret tarn per se quam etiam per discipulos suos. hoc ο enim consilio suo utitur dicens: csi deus est, praestare nobis potest; si [autem] homo est, amare nos potest, et rem publicani gubernare per eum possumus. Tarnen Hunc vero desidero adduci,quia perurguit nie infirmitas corporis mei, eligatur (itaque) hom prudens, qui eum ad nos cum rogo et magno honore perducere possit'. electo itaque inlustrem virum Volusianum, sacerdotem templi, iam ex comite rei publicae privatum, direxit et misit eum in partibus Hierusolimorum, ut eum tarn suo rogo quam Caesaris Augusti sub reverentia et honore ad eum perduceret, quia dolore io nimio cruciabatur, ut etiam secretiora eius putredo et contusio vulneris de eius corpore distillaret.  tunc Tiberius Caesar summis rnedicamentis et unguentis languida viscera refover studebat; sed nihil omnino inlatae curae sentiebat effectum. et dum nullum suae salutis sensisset augmentum et dum diu nihil ei proficeret sanitatem, iussit ad se Volusianum inlustrem virum perduci, quem cum vidisset Caesar, dixit ei: Nestor te coram deos deasque et auctorem deorum [daemonum], fungere legationem meam et rei publicae tribue sanitatem. quia intrinsecus me dolor perurguit indicio et viscera mea vulnerata funduntur. quiadum liaec oronia feceris, quaecumque desiderio tuo coram desideras, tuo iudicio adimpletur. festina ergo et vade; quia auditum est mihi eo quod sit homo quidam Judaeus nomine Jhesus, quem etiam dicunt mortuos suscitare, caecos inluminare et alia multa innumerabilia virtutis suae divinitatis viriute suae divinitatis exercere et iussu imperio inlustrare genti imperii cuncta peragere gentemque Judaeorum Judaeorum claritate illustrare \erho(que) tantum eum dicitur praestare salutem Tunc Volusianus inclinato capite suo curvus adoravit Caesarem et eo adorato dixit: pia est intentio domini mei pii Caesaris\ respondit Caesar et dixit ad eurn: cVolusiane, ecce praesentem habes relatorem hominern, qui mihi haec omnia dixit. quia et deum se profitetur. unde et supra dixi: ' si deus est adiuvat nos, si autem homo est praestare nobis potest et rei publicae nostrae." ideo commoneo te, ut ad eum sine mora festinus pergas', tunc Volusianus secundum veterum legum Ordinationen! fecit testamentum domui suae, et ascendens navem iter sibi iniunctum perrexit. Caesar denique coartabatur ab infirmitate siringii usque ad mortem. Volusianus vero post annum unumet tribus mensibus discrimina faciente maris Hierusolimam pervenit. Qui cum introisset civitatem omnes maiores natu Judaeorum in adventu eius turbati sunt, pergentes ad Pilatum praesidem Judeae nuntiantes ei et dicentes eo quod vir nobilis in honore constitutus de partibus Romaniae superioris advenisset. Tunc Pilatus in occursum eius studiose occurrit. introgressus ad Volusianum Pilatus sie cum sollicitudine dixit: cusque quo non meruimus servi tui de vestro itinere scire, ut in vestro itinere mitteremus occursum? respondit autem Volusianus [et] dixit ei: nos enim non in cognitione provinciae directi sumus a piissimo nostro Caesare aut pro urbium turbatione nec pro sollicitudine rei publice cae, sed studium nobis est curae, quaerere pii domini nostri Tiberii Augusti salutem: quia in secretiora loca eius morbida eum yalitudo adstrinxit, ita ut nec medicaminibus nec incantationibus viatrae(?) fistulae potuit adiuvari. ista sollicitudo nos pro movit, ut iussi ab ipso hic coniungeremus, licet post multos dies vi maris inpediente longo traximus itinere; et hominem Jhesum nomine cernere desideramus, quem audivimus quod absque medicamentis aut aliquarum herbarum consecratione poterit curam sanitatis praestare, sicut et relatio cuiusdam hic adstantis de-io monstrat. verbo tantum omnia morborum inquinamenta curat,adhibet sanitatem, etiaru et roortuos suscitat\ Iiis auditis Pilatus mox contristatus ingemuit. . Ad haec relator homo Judaeus, Thomas nomine cuius relatione ante conspectum Caesaris fuerat patefacta, dixit: cdeum  meum, filium dei etiam daemones eum confitebantur; nam et hie . Qui cum introisset civitatem omnes maiores natu Judaeorum in adventu eius turbati sunt, pergentes ad Pilatum praesidem Judeae nuntiantes ei et dicentes eo quod vir nobilis in honore constitutus de partibus Romaniae superioris advenisset. tunc Pilatus in occursum eius studiose occurrit. introgressus ad Volusianum Pilatus sie cum sollicitudine dixit: cusque quo non meruimus servi tui de vestro itinere scire, ut in vestro itinere mitteremus occursum? respondit autem Volusianus [et] dixit ei: nosenim non in cognitione provinciae directi sumus a piissimo nostro Caesare aut pro urbium turbatione nec pro sollicitudine rei publice?»cae, sed studium nobis est curae, quaerere pii domini nostri Tiberii Augusti salutem: quia in secretiora loca eius morbida eum yalitudo adstrinxit, ita ut nec medicaminibus nec incantationibus viatrae(?) fistulae potuit adiuvari. ista sollicitudo nos pro movit, ut iussi ab ipso hic coniungeremus, licet post multos dies vi maris inpediente longo traximus itinere; et hominem Jhesum nomine cernere desideramus, quem audivimus quod absque medicamentis aut aliquarum herbarum consecratione poterit curam sanitatis praestare, sicut et relatio cuiusdam hic adstantis deio monstrat. verbo tantum omnia morborum inquinamenta curat,sunt diseipuli eius, per quos de ipso possis agnoscere veritatem\PiC unus ex militibus dixit Pilato praesidi: 'ipsum desiderat prudentissimum videre, quem crueifigi non metuit tua magnificentia'. confusus est itaque Pilatus ad relationem prolocutionisio militis sui. post haec Volusianus dixit ad Pilatum: ctu, Pilate, sine consilio domini Caesaris piissimi Augusti Jhesum quem vulgus iustum adfirmant cur morte permisisti damnari?' respon-dit autem Pilatus [et] dixit: Judaeorum voces pati non potui quia regem se dicebat. tunc dixit milex Pilati: non perturbetur magnitudo vestra. vere resurgentem eum nos ipsi vidimus tertia die. nana et multi fuerunt nobiscum, qui viderunt eum postea vivum et alacrem ambulantem; etiam et Joseph, qui eum sepelivit\ eadem hora iussit Volusianus Joseph ad se perduci cum grandi honore et veneratione. qui cum advenisset, dixit Volusianus : 'tu solus in populo tuo prudens, ut didicimus, in hac urbe inventus es. die nobis in veritate de Jhesu, verum adprobatum io in gentem vestram liominem iustum, quem daemones deum con-fitebantur, si certe resurrexit a mortuis; quia tuum solum testimonium declaratum accipimus'. respOBdit autem Joseph, et dixit: certus sum, quia resurrexit a mortuis dominus meus Jhesus Christus; quia et ego eum vidi et cum ipso locutus sum, et ego eum prius sepelivi in monumento meo novo quod excidi in petra et vidi eum in Galilea vivum super montem Malec sedentem et docentem discipulos suos\ tunc Volusianus misit per omnem regionem Hierusolimorum perquirendum eum, ut agnosceret de illo. et dum frequens inquisitio fieret et non invenisset, venerunt io undecim homines et Joseph simul cum eis, qui dixerunt: noseum vidimus ascendentem in caelum'. quorum nomina sunt haec: Didimus, Lucius, Isaac didascalus, Aaddas, Finees didascalus, Ezias et Azarias et Levi didascalus et Mattheus. Post haec Volusianus propter riomen principis in grandi custodia Pilatum iussit manere. recluso quidem Pilato in arta custodia, multa mirabilia, quae fecerat Jhesus, Volusiano sunt nuntiata tarn per virorum quam per mulierum ora. his auditis dixit Volusianus coram omni populo: csi deus erat Jhesus iuvare nos habuit, si homo gubernare rem publicam potuit.' deinde iussit Volusianus ad exercitum suum omnem progeniem Pilati recludi in custodia et in conspectu militum Pilatum adcersiri praecepit. cui cum lacrimis dixit: 'inimice veritatis et rei publicae, quare de Jhesu non retulisti Augusto, quem universa niultitudo con laudat?' respondit Pilatus: cnon enim tantum pollutus sum in sanguine eius; sed Judaei eum interficere conabantur'. dixit ei Volusianus: 'tu tarnen quomodo innocentiam tuam in eum osten- dis fuisse, qui eum non solum non liberasti a seditione impiorum, sed etiam illis tradidisti?'  Tunc unus ex discipulis Jhesu nomine Simon adstetit ante Volusianum et coram omni populo dixit: Pilate, dum Jhesum nervis castigans adfligeres, dicebas ei: "potestatem habeo dimittendi te et potestatem habeo occidendi te", et quomodo nunc innocentem te adseris? respondit Pilatus: Judaeorum insidias pertimui et tradidi eum illis, sed ut innocentiam meam ostenderem, lavi manus meas coram omnibus dicens: "innocens ego sum a sanguine huius iusti, vos videritis". ad haec responderunt mihi seniores Judaeorurn dicentes: "sanguis eins super nos et super filios nostros"/ Iiis auditis Volusianus coepit flere et cum lacrimis dixit ad Pilatum: 'impie, tu tuo bono disposito dimittere eum debuisti Post baec coepit Volusianus cum magno desiderio per- quirere, ut aliquam similitudinem eius posset agnoscere. sie venit .quidam bomo Marcius nomine pandens secretum cuiusdam mu- io lieris. dixit ad Volusianum: cante annos fere tres mulierem curavit a profluvio sanguinis; quae cum sanitatem reeepisset ob amorem eius imaginem ipsius sibi depinxit, dum ipse manere in corpore, ipso Jhesu sciente\ tunc Volusianus dixit ad iuvenem: 'indica mihi mulieris nomen. et ipse dixit: 'Veronice dicitur et manet in Tyro\ praecepit Volusianus, ut mulier ipsa ad eum perduceretur. quae cum illi praesentata fuisset, ait ad eam Volusianus: 'bonitas et prudentia tua mihi nuntiata est. exaudi petitionern meam, [et] ostende mihi imaginem viri magni dei tui, qui tibi corporis tui salutem contulit.' ad haec mulier respondit se non habere ea quae dicebantur ab eo. tunc Volusianus quasi io derisum se existimans diligenter tarnen coepit inquirere et licet invita mulier et adflicta, quae erat devota deo suo, devulgavit secretuni imaginis auctoris salutis suae. qui misit cum ea multitudinem militum et invenerunt eam absconsam in cubiculo, ubi manebat, ad caput eius; quia ibi caput suum seraper commendabat. et ipsa detulit eam Volusiano. at ubi vidit Volusianus imaginem Christi Jhesu, mox contremuit et adoravit eam et dixit: Vere dico vobis, quia rnalam percipiet retributionern, qui tradedit et crucifixit Jhesum, qui infirmos curabat et mortuos suscitabat'. his delibatis congregato armatas aginina navium cum exercitu militum et Pilatum et mulierem Veronicam quae Basilla dicitur introgressus est navem una cum imagine Jhesu Christi, pergens cum eis ad urbem Romaiii. et post novem menses Romam pariter pervenerunt. Nuutiatus est Tiberio Caesari adventus Volusiani. pro- cedens Volusianus ingressus est ad Caesarem Tiberium. curvus adoravit eum et narravit ei omnia quae gesta sunt et quomodo tempestate maris faciente tardavit. dixit ad eum Tiberius: cet quare non interfectus est Pilatus?' respondit Volusianus: cpieta- tem vestram timui offendere; tarnen huc eum ad vestra vestigia perduxi'. tunc Tiberius Caesar ira repletus nec faciem suam Pilato videri permisit. dedit in eum sententiam dicens: "coctuni ab igne et aqua non comedat', et damnatum eum in exilio iussit perduci Tusciam civitatem Ameriam. ibique in carcerem missus est. Dixit Volusianus ad Tiberium Caesarem: cquandam mulierem curavit Jhesus (a profluvio sanguinis quem patiebatur triginta annis), quae pro arnore eius imaginem illius sibi depingere fecit in similitudinem ipsius (ipso Jhesu vivente); et hic eam percum muliere ipsa. nam et ipsa mulier, relicta omnem substantiam suam, secuta est imaginem dei sui dicens: ' non diniittam vitam meam, spem salutis et fortitudinem animae meae, sed ubi fuerit peregrina spes mea, ibi et ego cum ea peregrinabo, quia ipsa est divitiae aniuiae rueae'Y. Hoc audito Tiberius Augustus iussit sibi mulierem ipsam una cum imagine Jhesu Christi praesentari. et cum vidisset Tiberius Caesar imaginem et mulierem, quae ipsam habebat, dixit ad mulierem: 'tu meruisti tangere fimbriam vestimenti Jhesu!'et dum haec diceret, aspiciens imaginem Jhesu Christi contremuit et cadens in terram cum lacrimis adoravit imaginem Jhesu Christi, qui statim sanus factus est ab infirmitate et putredine vulneris sui, quam patiebatur intrinsecus. at ubi virtutem deitatis eius sensisset per sanitatem corporis sui in visione imaginis, statim praecepit nmlierem Veronicam divitiis et honore locupletari et facultates ei de publico praecepit contradi iussitque imaginem ipsam auro concludi et lapidibus pretiosis. Et dixit ad Volusianurn Tiberius: cquae est eius prae ceptio?' respondit Volusianus: 'in quantum didici, nihil aliud nisi ut baptizaretur unusquisque in aqua et credat eum esse dei filium\ dixit Tiberius Caesar: cvae mihi quia non merui eum in corpore isto videre\ post menses vero novem credens in Jhesu Christo Tiberius Caesar et sanus a plaga siringii  processitque in senatum cum gloria imperiali iubetque senatum  quatinus uno consensu Jhesum tenerent et adorarent ut verum deum eiusque statuam super imagines imperatorum et omniuni deorum insigniter dedicarent urbi. quod non eonsentiente senatu, ut Christus reciperetur, effervescens Tiberius Caesar indignatione nimia quam plures nobilissimos ex senatu diversis trucidavit penis, eo quod de Christo non adquievissent sibi; et qui antea fuerat moderate se agens apud omnes, extunc sevissime crassatus est in nobilitatem Romani senatus. qui non post multos dies templum Isidis Tiberim demergens sacerdotes necans defunctus est in lectulo suo. ο successores reliquit Claudium et Gaium, qui Gaius post parvum temporis excursum diem terminans Claudium reliquit. Eodem tempore Post Claudium vero suscepit iniperiurn ßomae Nero Caesar et post aliquantos annos venerunt discipuli (domini nostri) Jhesu Christi (Petrus et Paulus) in arte magica nimis eruditus, in quo et daemonia habitabant multa, qui se deum et dei filium dicebat et {quod) ipse apud Judaeos fuisset passus mortuus et sepultus et tertia die se ad- serebat resurrexisse. sed dum Neroni Caesari nuntiatum fuisset de Jhesu Christo filio dei vivi, et omnia quae de eo acta sunt apud Judaeos, nuntiatum est ei etiam de Pilato. statim direxit milites suos in Ameriam civitatem et Pilatum ad se adcersiri praecepit. et cum ei praesentatus fuisset, narravit omnia quae de Christo Nazareno gesta sunt, praesentavitque ei discipulos eius Petrum et Paulum. ipsi quidem apostoli reiutantes Simonem esse Christum dixerunt Neroni Caesari: bone imperator, si vis scire quae gesta sunt in Jüdaea, accipe litteras Pontii Pilati rnissas ad Claudium, et tunc omnia cognoscere poteris'. Nero autem (mittens ad bibliothecam Capitolii, in qua scripta ipsa continebatur epistola^) accepit et legit. et series ita erat: 'Pontius Pilatus Claudio suo salutem. Nuper accidit et quod ipse probavit; Judaeos cognoscat magnitudo tua, quod invidio se suosque posteros crudeli damnatione punissent. et cum promissum patribus eorum fuisset, quod illis deus eorum mitteret sanctum suum, qui rex eorum merito diceretur, et hunc se per virginem ad terram missurura promiserat, ego itaque in Judaea cum Ebreorum praeses existerem, ipse cum esset deus et dei filium se diceret — et daemonia eum dei filium appellabant, qui et ipse caecos inluminabat, leprosos mundabat, paraliticos curabat, daemones ab hominibus expellebat, mortuos suscitabat, male habentes verbo sanabat, imperabat ventis et fluctibus et super undas maris pe- dibus ambulavit, et alia quidem multa mirabilia in couspectu vulgi faciebat — cum autem populus Judaeorum eum dei filium adfirmarent, contra ipsum insidias paraverunt principes sacer- dotum Judaeorum et tenentes illum loquentes de eo singula falsa tradiderunt eum mihi dicentes quia kontra legem nostram agit'. ego autem credens illis flagellatum illum tradidi arbitrio eorum. illi autem crucifixerunt eum et sepulto inposuerunt milites custodientes eum, ut probarent, si resurgeret a mortuis. Militibus denique custodientibus die tertia resurrexit. in tantum enim nequitia eorum exarsit, ut pecuniam militibus darent, tantum ut dicerent: cnobis dormientibus venerunt discipuli eius nocte et rapuerunt corpus eius'. ista occasione falsa admonuerunt eos, ut veritatem celarent. sed milites cum accepissent pecuniam, veritatem ipsam tacere nequaquam potuerunt et ipsum a mortuis resurrexisse testati sunt et qualiter pecuniam a Judaeis acceperunt, patefecerunt. liaec ideo vobis suggessi, ne quis vobis mentiatur, aliter existimetis et mendatio Judaeorum adsensum praebeati. Cumque perlectae fuissent litterae in conspectu Caesaris, statim Nero Caesar dixit: 'die mihi, Petre, si per ipsum omnia haec gesta sunt!', tunc Petrus dixit: cbone imperator, omnia ista, quae audisti, facta sunt per Jhesum Christum dominum nostrum filium dei. nam iste Simon magus plenus est mendatiis et diabolicis artibus circumdatus, in tantum ut dicat se esse deum, ο cum sit homo pollutus, et filium dei se ausus est dicere, per quem nos sumus omnes victores per deum et hominem, quem adsumpsit illa divina maiestas inrepraehensibilis, quae per homi- nein horninibus dignata est subvenire. in isto vero Simone duae substantiae esse cognoscuntur, non dei et hominis, sed diaboli et hominis; quia ipse seductor per hominem horninibus inpedire conatur'. his auditis Nero imperator interrogavit Pilatum, si vera essent quae a Petro audiebat. respondit Pilatus et dixit: Vera sunt omnia, quae a Petro vestris auribus personuerunt\ . Post haec autem propter circumcisionem suam Pilatus, quam a Judaeis acceperat in corpore suo, iterum in Ameriam civitatem in exilio a Nerone Caesare directus est, ibique (se ipsum prae angustia gladio transverberans) animam exalavit. Haec autem omnia scripta sunt, qualiter damnatus est Pilatus a Tiberio Augusto, qui credidit in Christo Jhesu domino nostro et baptizatus est atque salvatus est et de hac luce in pace ab latus est. Nero vero interfector martyrum impius et paganus a diabolo percussus interiit semetipsum solus errans in silvis ligno acuto transforavit et mortuus est et α lupis devoratus quemadinodum prius a diabolo interpretatus fuerat Simon. Dominus autem salutem contulit credentibus in se; quia ipsum credimus dei filium, qui cum patre et spiritu sancto vivit et regnat per omnia saecula saeculorum. Amen.  



III. Les autres formes et développements de la Vengeance Nostre-Seigneur.

 

  La Guérison de Tibère ou Cura sanitatis Tiberii fut suivie par la Vindicta Salvatoris, au début du VIIIe siècle : ce dernier récit reprend des éléments des Gesta Pilati et raconte la destruction de Jérusalem par Titus et son père Vespasien en 70. Cette Vengeance du Sauveur, traduite en français d'abord en prose, fut reprise en vers sous forme de chanson épique puis de théatre (Eustache Marcadé La vengeance de Nostre Seigneur Jhesu Crist; début XVe siècle, manuscrit 697 de la Bibliothèque d'Arras).

le site Arlima signale les deux éditions modernes :

  • The Oldest Version of the Twelfth-Century Poem "La Venjance Nostre Seigneur", Edited by Loyal A. T. Gryting, Michigan, University of Michigan Press (Contribution in Modern Philology, 19), 1952, x + 143 p. CR: Brian Woledge, dans Romance Philology, 8, 1954-1955, p. 155-157.

  • La Vengeance de Nostre-Seigneur. The Old and Middle French Prose Versions: The Version of Japheth, éd. Alvin E. Ford, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies (Studies and Texts, 63), 1984, viii + 232 p. CR: Brent Pitts, dans The French Review, 60:3, 1987, p. 389-390.

  Vers 1300, la Bible de Roger d'Argenteuil relate comment Véronique, allant vendre son couvre-chef au marché, rencontre sur la via dolorosa le Christ portant sa croix : ayant essuyé le visage de Jésus, elle constate que le linge en porte désormais miraculeusement le portrait " comme se il fust corporex en char et en os". Jèsus lui recommande d'y prendre soin, car il pourra guérir les malades. Revenue chez elle, elle le présente à son mari malade, qui guérit aussitôt.

 Entre 1261 et 1266, Jacques de Voragine publie dans la Légende Dorée une nouvelle version de la légende: chapitre La Passion du Seigneur : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/voragine/tome01/055.htm

 

 On trouvera des éléments plus complets dans :Véronique et son image-relique du Christ dans quelques textes français de la fin du XIIe au début du XIVe siècle par Jean-Marie Sansterre (Université Libre de Bruxelles [ULB]), et notamment la façon dont la Venjance Nostre-Seigneur, fut  poursuivie par Robert de Boron pour donner naissance, à travers le personnage de Joseph d'Arimathie, au cycle de la quête du Graal.

 

 

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Published by jean-yves cordier
24 février 2013 7 24 /02 /février /2013 23:09

           LA FIN DU BAL (Le vol arrêté)

Paroles russes et musique : Vladimir VYSSOTSKI
Adaptation française : Maxime LE FORESTIER

 

Pourquoi, j'voudrais savoir pourquoi, pourquoi

Elle vient trop tôt la fin du bal,

C'est les oiseaux, jamais les balles,

Qu'on arrête en plein vol.


Comme le fruit tombe sans avoir pu mûrir

La faute à l'homme, la faute au vent

Comme l'homme qui sait en se voyant mourir

Qu'il n'aura plus jamais le temps

Un jour de plus il aurait pu chanter

Faute au destin, faute à la chance

Faute à ses cordes qui s'étaient cassées

Son chant s'appellera silence.
Il peut toujours le commencer

Nul ne viendra jamais danser

Nul ne le reprendra en cœur

Il n'aura jamais rien fini

A part cette blessure au cœur

Et cette vie.

 

Pourquoi

J'voudrais savoir pourquoi, pourquoi

Elle vient trop tôt la fin du bal

C'est les oiseaux, jamais les balles

Qu'on arrête en plein vol.

 

Comme ces disputes commencées le soir

Faute à la nuit, faute à l'alcool

Et dont il ne restera rien plus tard

Que quelques mégots sur le sol

Il aurait tant voulu frapper pourtant

Faute au couteau, faute à la peur

Il n'aura fait aucun combat au sang

Juste le temps d'un peu de sueur

 

 

Lui qui aurait voulu tout savoir

Il n'aura même pas pu tout voir

Lui qui avait l'amour au corps, au corps

Pour la seule qu'il aurait gardée

Il a rendu sa barque au port

Sans l'embrasser, sans la toucher

Juste y penser jusqu'à la mort

 

Refrain

 

Il écrivait comme on se sort d'un piège

Faute au soleil, faute aux tourments

Mais comme il prenait pour papier la neige

Ses idées fondaient au printemps

Et comme la neige recouvrait sa page

Faute aux frimas, faute à l'hiver

Au lieu d'écrire il essayait, courage

D'attraper les flocons en l'air

 

Mais aujourd'hui il est trop tard

Il n'aura pas pris le départ

Et son souvenir ne sera

Que la chanson d'avant la lutte

De l'évadé qui n'aura pas

Atteint son but.

 

Pourquoi

J'voudrais savoir pourquoi, pourquoi

Elle vient trop tôt la fin du bal

C'est les oiseaux, jamais les balles

Qu'on arrête en plein vol.

 

 

Vladimir Vyssotski :

http://www.youtube.com/watch?v=ALms5OF0WvA&list=PLA5150C00C4238348

Sa vie :

http://french.ruvr.ru/2013_01_24/Vladimir-Vyssotski/

 

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Published by jean-yves cordier
19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 22:49
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Published by Lavieb Aile
19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 22:26

              Le Cimetière de bateaux

          du Sillon de Camaret-sur-Mer.

 

voir aussi : Le cimetière de bateaux du Sillon à Camaret (2).

 

Première partie : in memoriam.

 

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   Deuxième partie : des jeux de la nature et de l'artifice.                          

       Ce qui suit relève des hasards par lesquels la nature, comme disait Montaigne, "s'artialise" pour créer des dessins : torsion des veines et des nœuds du bois préfigurant des motifs, veinage de la pierre praesina qui, entre les mains des artisans de Opificio delle pietre dure de Florence, donnaient l'illusion d'un paysage peint, puzzle abstrait du marbre ou des coulées ferrugineuses du calcaire inscrivant quelque message kabalistique, concrétions naturelles des grottes s'animant en grotesque...

 Ainsi  le sculpteur Aristonidas, voulant représenter dans Athamas le repentir qui succède à la fureur après qu'il eut précipité son fils Léarque, mêla ensemble   l'airain et le fer, afin que la rouille de l'un, sortant à travers le luisant de l'autre, exprimat la rougeur de la honte. (Pline, tome second, chapitre XXXIV)

J'apprends que les esprits curieux de la Renaissance avaient nommé ces figures des Jeux de la nature, Ludus naturae.  Cette trouvaille me permet d'offrir les photographies qui viennent au grand Rabelais.

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Published by jean-yves cordier
13 février 2013 3 13 /02 /février /2013 13:11

                     Les tsubas

de l'exposition La gravure sur bois en couleur

du Musée départemental de Quimper.

 

     Collection particulière, vitrine exposée dans le cadre de l'exposition Japon Paris Bretagne. La gravure sur bois en couleur du Musée Départemental Breton de Quimper du 30 novembre 2012 au 3 mars 2013. Je remercie le conservateur Mr. Philippe Le Stum, et le propriétaire de la collection, de leur agrément à la mise en ligne de cet article.

  N'ayant aucune compétence dans le domaine vers lequel j'ai été entrainé par ma seule admirartion, on se gardera de prendre pour argent comptant mes allégations.

 

 

 

 

Lors de ma visite de l'exposition La gravure sur bois en couleur qui termine un ensemble d'exposition sur le japonisme en Bretagne, j'ai eu l'occasion d'admirer une très belle collection de tsubas.

 

 

I. La Tsuba : définition et présentation.

 On désigne ainsi les gardes des sabres des samourais, gardes dont la fonction est de retenir (tsumeha) la main sur la poignée et d'éviter qu'elle ne glisse vers la lame, afin de la protéger.

    Elle comporte donc un trou central de forme triangulaire, par lequel elle est enfilée sur la soie de la lame, partie du métal qui est recouverte par la poignée. Si les premieres sont apparues dés le VIe siècle, ce n'est qu'à la fin de l'époque Muromachi (1333-1573) qu'elle est devenue un objet de prestige. On distingue les tsubas réalisées par les forgerons (tsubas de kotôsho ), d'un diamètre de 8 à 9 cm, à la surface toujours martelée, n'ayant qu'un seul trou, et celles fabriquées par les armuriers (les tsubas de kokatchûshi), plus larges, aux bords renforcés, et à la surface soit martelée soit polie. On décrit aussi les tsubas des miroitiers (kagamishi), plus rares, de bronze poli.

  Deux orifices supplémentaires apparurent autour de celui de la soie, servant à y glisser deux lames ou instruments particuliers :

 Le Kozuka-hitsu en forme de demi-lune recevra, comme son nom l'indique, la kozuka : c'est, me dit-on, " une petite saya qui contient soit un kogatana (poignard) soit un kogaï (épingle à chignon)" autrement dit un petit fourreau contenant une lame de couteau, que le samourai utilise  à divers usages domestiques : tailler des cure-dents , tailler les plumes servant à écrire ( le dernier poème avant de se trucider), tailler des baguettes 

Le kogai-hitsu de forme trilobé recevra le kogai, instrument dont l'utilité est incertaine, et qui "selon sa forme pouvait servir de grattoir pour les sabots des chevaux, d’épingle à cheveux pour la coiffure des bushi, d’outil pour réparer ou démonter une armure. Plus rarement, on trouvait à la place du kogai une paire de baguette pour le repas. Enfin, le kogai pouvait servir de lame de jet ou de pique" On signale aussi son usage comme cure-oreille, bref une lame moins glorieuse que le kotagana, et qui est placée du coté Omote du sabre, plus vulgaire que le coté Ura. (armes japonaises.com)

 

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   On voit aussi sur ce cliché les empreintes des sekiganes, deux petites cales en cuivre matées sur le nagako-ana et qui permettaient "d'adapter la taille de d'orifice à un nouveau sabre" ou surtout de sertir deus entretoises nommées seppasIl faut encore définir une surface lisse en ovale autour du trou central : c'est le seppa-dai. Li ne porte aucune ornementation, hormis, souvent, la signature de l'artisan. Avec ces indications, lorsque j'aurais signalé que l'un des orifices peut être obstrué par une pièce de métal (hitsu-ume), et lorsque j'aurais prononcer le terme de mimi, qui est le bord plus ou moins épaissi de la tsuba, nous en avons terminé quant au coté fonctionnel de la tsuba. 


  Car cette garde de sabre est devenue, à partir du 16 ème siècle, à la fin des guerres internes au Japon et sous l'égide des Tokugawa ou époque Edo (1603-1868) un objet d'art, et une grande part de sa description est liée à son ornementation. Elle sert dès lors  à marquer l'appartenance sociale de son possesseur ainsi que d'exprimer ses idéaux et convictions. La matière, initialement en fer (tetsu) peut aussi être en métaux mous (cuivre rouge ou jaune, argent, or, alliages) ; la forme peut-être  ronde (marugata) ou bien carrée à angles arrondies (kaku gata), rectangulaire (aori gata) ou hexagonale, ovale, losangique, en croix, en chrysanthème reprenant l'emblème de l'empire, octogonale, ect... Son surfaçage (chi no shori) peut être poli, martelé, granuleux, granuleux "en œufs de poissons", martelé au poinçon imitant la pierre, ou avec effet de vague ; les tsubas peuvent être ajourés. Elles peuvent être gravés au burin, ou porter des incrustations (zogan), des motifs en laiton, et s'ornent de motifs naturels (floraux, animaux) fabuleux ou guerrier, ou de symboles bouddhistes.

  Mais rien de tout cela ne compte si on ne réalise pas que la tsuba, contrepoids du fer offensif, masculin et actif de la lame foncièrement YANG, est toute entière  de nature YIN et forme un couple parfaitement ZEN qui est le sabre.

 

 

 


II. La collection exposée.

 

   Je me suis amusé à tenter de les décrire à la manière d'un expert fort féru de son art, moi qui suis un fieffé coquin ignare es sciences tsubacologiques. 

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Tate marugata, fer, décor incrusté de deux chauves-souris en vol, feuilles et ?.

Shin marugata, fer, incrustation de métal jaune : feuilles et fruits, points, ?. Obstruction du kozuka-hitsu et du kaogai-hitsu.

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      Tate marugata, fer martelé, décor gravé de vagues, incrustation en métal cuivreux d'un lièvre.

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Fer martelé ; décor incrusté en métal cuivreux Tigre tuant un serpent, feuilles, bambou. Mimi torsadé.

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      Kaku gata, fer martelé, décor ajouté en ? représentant un moine tenant une coupe et mordu par un dragon. Signature. Effets d'arabesques ; sekigane. Mimi relevé

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      Mokko-gata en fer poli , incrustation d'un vol d'oie sous la pluie.

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      Trois shin marugata, fer ajouré, motifs floraux.

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     Shin marugata, fer à décor ajouré, voiles, mâts, cordages, pin. Signature.

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      Shin marugata, cuivre poli, décor gravé floral, décor incrusté en cuivre rouge et ? représentant ??. Signature.

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Shin maru gata, cuivre poli, décor gravé de pieuvre, vagues.

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      Naga marugata : cuivre rouge poli, décor gravé de roseaux et d'un cheval galopant. Signature. Absence de kogai-hitsu.

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Shin maru gata en fer, décor ajouré floral, décor incrusté d'une aiguille de pin. Sekigane. Mimi souligné d'une gorge.

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      Shin maru gata, fer ajouré et gravé, deux feuilles de lotus. Signature. Sekigane.

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    Maru gata,  fer ajouré d'un décor de  roseau ; signature ; kogai-hitsu et hozuka-hitsu obstrués par hitsu-ume. Sekiganes.

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      fer, décor ajouré éventail,  décor de feuilles ;  sekigane

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Shin maru gata, fer, décor ajouré, gerbe de blé liée. Signature sur le seppa-dai   

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      Shin maru gata en fer, décor ajouré de phénix  et branche fleurie , sekigane

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      Fer, décor ajouré oiseau et ?lézard ou tortue ; sekigane.

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      Kaku gata , fer, décor incrusté en or et argent ? de trois canards, roseau, rides de l'eau, filet.

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Naga maru gata, fer, gravé en haut d'un motif de montagnes dens les nuées, et incrusté en bas d'oiseaux picorant, en métal jaune et rouge. Kogai-hitsu obstrué.

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      Naga maru gata, fer poli, incrusté à droite  d'un vieux mine grimaçant  tenant un arbre ou une branche et se penchant vers un jardin miniature. Absence de trous secondaires.

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      Shin maru gata. Fer . La zone centrale (seppa-dai) se transforme ici en une jarre à saké dont le contenu dégouline. Un personnage se penche pour y puiser. Un arbre chenu à gauche, et deux personnages aux allures d'ourses avnacent sur la droite, l'un tenat un étendard. Un personnage / animal est à terre, aux prises avec un serpent, alors qu'un quatrième se sauve en courant. Deux caractères sigilliformes à valeur peut-être de signature.

Même jarre sur n°10 de coll. R. Lecuir.

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      Shin maru gata en fer, incrustations de cinq coquillages (fer et cuivre),  de montagnes et marque rituelle : traits d'or ou cuivre. Signature.

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      Tate maru gata en fer, décor ajouré et ciselé (six rayons de roue de moulin *), incrustation de fleur avec son pistil,  traces d'or, 

* ce motif d'une roue de 12 rayons est associé au nom de kuruma-sukashi.

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  Shin maru gata en fer au déor ajouré  en yo-sukashi représentant un arbre. Signature. 

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      Tate maru gata en fer, éléphant en bas-relief, incrustation . L'éléphant, symbole de force, de sagacité, d'intelligence et de prudence est ici un symbole de bon augure bouddhique ; harnaché d'un tapis de selle, il porte sur son dos le joyau qui exauce tous les souhaits (Kia-hai en Chine).

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Les  inrō .

  L'exposition montre, dans la même reconstitution d'un cabinet de collectionneur, trois boîtes à remède nommées  inrō et qui appartiennent à ces objets pendus (sagemono) à la ceinture des kimonos et qui y sont retenus de la chute par un objet rond nommé netsuke.

  Depuis que j'ai découvert au Musée Guimet la minutie fabuleuse des décors de nacre de ces boîtes compartimentées, je sais combien ces objets d'art doivent être observés avec soin pour en découvrir les détails.

  Les  inrō sont, avec les tsubas et les netsuke, les objets les plus aptes à déclencher, chez un quidam, la fièvre de la collection, pour peu qu'il soit richissime. 

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II. Tsubas : entre l'héraldisme, l'emblemata et le haïku.

 Je perçois bien que si ces tsubas me fascinent, c'est qu'elle me renvoient à d'autres formes.

La première est peut-être celle du haïku : une forme brève, des contraintes à respecter, une référence parfois aux saisons et à la nature. Un à trois trous, et donc du Vide.

La seconde est celle  du blason : dans un espace également réduit et contraint se trace un portrait, non pas du proprietaire du sabre, mais de son idéal. Don Quichotte y aurait gravé Dulciné, mais il semble que la Femme soit la grande absente de ces tsubas ; on dira qu'elle y figure en creux.

La troisième est l'emblème, au sens d'André Alciat *, mais dépourvue de la lourdeur didactique qui le rend, parce qu'il est proche de la sentence, précisément sentencieux.

* "Mais icy, Emblemes ne sont autre chose que quelques peintures ingenieusement inventees par hommes d’esprit, representees, & semblables aux lettres Hieroglyphiques des Egyptiens, qui contenoient les secrets de la sagesse de ces anciens là par le moyen de certaines devises, & comme pourtraits sacrez: de laquelle doctrine ils ne permettoient que les mysteres fussent communiquez sinon à ceux qui en estoient capables, & qui d’ailleurs estoient bien entendus: & non sans bonne raison en excluoient le vulgaire profane. ».

 

III. Tsubas : les frères Goncourt et autres collectionneurs en France.

  Si cette collection de tsubas se trouve présentée dans cette exposition non pas au domicile d'un samourai, mais dans la reconstitution d'un cabinet de collectionneur pour évoquer le japonisme, il paraît important de parler de ceux qui, en France, au XIXe siècle, s'intéressèrent à ces tsugas, aux armes japonaises et à tous les objets d'art qui arrivaient du Japon depuis la fin de l'isolement de ce pays en 1868: autour du magasin du marchand d'art Samuel Bing et de sa revue Le Japon artistique ou de sa diffusion d'estampe japonaise, et après l'exposition universelle de Paris en 1878, ou la parution du roman de Pierre Loti Madame Chrysanthème en 1887, toute la France se passionne pour l'empire du Soleil Levant. Les grands aristocrates comme Charles, duc de Morny ou Napoléon Lannes, duc de Montebello, ornaient leurs châteaux de céramiques et de laques japonaises. On connaît le portrait d'Emile Zola entouré d'estampes, mais d'autres écrivains comme  Théophile Gautier, Jules Husson dit Champfleury, Baudelaire, Octave Mirbeau, Guy de Maupassant et, bien-sûr, Marcel Proust connurent l'engouement pour le Japon.

C’est à partir de l’ouverture du Japon, à la fin du 19e siècle, qu’apparait sur le marché une très grande quantité d’objets d’art japonais.  Les collectionneurs de l’époque sont des  bourgeois et des industriels aisés, ainsi que  des artistes tels Lautrec, Van Gogh, Monet  et Rivière, qui n’hésitent pas à dépenser des  sommes importantes. Ainsi, M. de Goncourt dépensa en une journée, le 21 août 1889, la  somme de 2 750 francs soit l’équivalent de 10 000 euros aujourd’hui, sachant qu’il achetait des objets une à deux fois par semaine... Les deux plus grands marchands furent S.Bing et T.Hayashi. On prétend que le collectionneur Gillot n’a pas hésité à devenir l’amant de Madame Hayashi pour avoir le choix des meilleurs objets que son mari rapportait du Japon.

Les ventes aux enchères des grandes collections témoignent du nombre des objets :

•Tadamasa Hayashi, en 1902 : 2 350 objets et 1 800 estampes. 

•Charles Gillot : 2 120 objets et 1 300 estampes. 

•Charles Haviland, de 1922 à 1927 : 6 000 estampes, 3 000 objets (700 laques, 1 000 gardes de sabre, 400 sculptures et 630 grès). Les années suivantes, le nombre de collectionneurs augmenta grâce à une plus large diffusion des connaissances : livres, thèses, revues et congrès. Les collections actuelles sont plus thématiques et comprennent en général une centaine de pièces. Certaines anciennes collections, complétées par des héritiers, restent tout de même très importantes : de mille à trois mille pièces.

[ Copié-collé d'un article de l'expert Thierry Potier in Jipango, 2004]

  La collection des frères  Jules et Edmond de Goncourt  marque aussi le début du japonisme en France

   Dans La maison d'un artiste , Edmond de Goncourt entraîne le lecteur de pièce en pièce en décrivant chaque objet. Ces descriptions figureront d’ailleurs au catalogue de la vente publique de l’ensemble (expert : S. Bing) qui sera dispersé en huit séances en février 1897. Ce sont les œuvres d’arts plastiques qui permirent de récolter près de la moitié du produit total, mais l’on est impressionné par le nombre d’objets : à elle seule, la séance consacrée aux « objets d’art japonais et chinois, peintures, estampes » comporte un peu moins de 1.700 numéros, parmi lesquels 150 gardes de sabre ou tsuba* et 200 pièces de céramique japonaise !

*d'après le catalogue de la collection des Goncourt: porcelaines, bronzes (74), tsuba (90), netsuke (environ 140), étoffes, peintures, estampes (218), surimono (29), livres (série de Hokusai -30 lots).

   " Dans ce texte hybride qu’est La Maison d’un artiste, à la fois description d’un espace et d’un itinéraire personnels, inventaire historique de diverses séries d’objets (livres, dessins, estampes), ouvrage sur les arts décoratifs du XVIIIe siècle français et de l’Extrême-Orient (Chine et Japon) et manuel de décoration intérieure comme ceux qui fleuriront dans les années 1880-1890, on découvre de nouvelles facettes du collectionneur et de l’historien d’art, dans l’évocation des grands bronziers du XVIIIe siècle (chapitre « Salle à manger »), ou l’examen formel des terres cuites de Clodion (« Grand salon »).Mais ce qui frappe surtout les contemporains, c’est la classification et l’étude, inédites à cette date, des productions artistiques d’Extrême-Orient : estampes, broderie (les panneaux brodés ou foukousas évoqués dans le chapitre « Vestibule ») ; peinture (l’analyse des kakemonos – bandes de tissu peintes – s’accompagne d’une chronologie des anciens peintres du Japon dans le chapitre « Second étage ») ; sculpture fine des netsukés inventoriés par matière et par thèmes ; céramique (porcelaines, faïence de Satzuma, flambés), travail du métal (bronzes, sabres et gardes de sabres), objets en laque… (« Cabinet de l’Extrême-Orient »). La Maison d’un artiste s’impose comme le premier ouvrage de référence sur les arts de l’Extrême-Orient ; c’en est le « premier guide imprimé », pour Philippe Burty ; et Louis Gonse, autre spécialiste, qui fera paraître deux ans plus tard L’Art japonais, loue en 1881 « la description exacte et l’analyse esthétique des objets, les notices d’ensemble sur les séries, la traduction des inscriptions et des signatures » : « voilà ce que nous donnent les deux volumes de M. de Goncourt et ce qu’aucun livre français ne nous donnait encore » (Gazette des Beaux-Arts, 1er juillet 1881). Mais Gonse et Burty dénoncent aussi les limites d’une analyse qui se refuse à prendre en compte des formes d’art plus anciennes et qui s’en tient, somme toute, au bibelot raffiné du XVIIIe siècle.

Dans les années 1880-1890, Edmond de Goncourt poursuit ses acquisitions d’objets japonais à un rythme soutenu. Il s’oriente vers un projet de monographies sur le modèle de L’Art du XVIIIe siècle, aidé à partir de 1888 par les traductions d’Hayashi, Japonais arrivé à Paris pour l’Exposition universelle de 1878 et installé comme marchand à partir de 1883. Il prévoit d’évoquer la carrière et l’œuvre « de cinq peintres [Utamaro, Hokusai, Harinobu, Gakutei et Hiroshige], de deux laqueurs, d’un ciseleur du fer, d’un sculpteur en bois, d’un sculpteur en ivoire, d’un bronzier, d’un brodeur, d’un potier » (préface d’Outamaro, 1891). Seules paraîtront les deux monographies Outamaro(1891) et Hokousaï (1891). Ce sont, là encore, des récits de vie ponctués d’examens minutieux d’estampes. Pour Outamaro, la trame biographique, mal connue, reste assez lâche et cède souvent la place à des analyses thématiques (les représentations de la femme et du costume féminin, de la faune et de la flore), à des digressions sur l’histoire des mœurs (les courtisanes dans le Japon du XVIIIe siècle), à des comparaisons avec d’autres artistes (Toyokuni). La seconde moitié de l’ouvrage est un catalogue raisonné de l’œuvre peint et gravé.

Pour Hokousaï, la trame biographique est beaucoup plus serrée et s’apparente souvent à une présentation chronologique de l’œuvre d’Hokusaï : Goncourt s’appuie en fait sur la très riche collection d’Hayashi et prend soin d’insérer toutes les informations fournies par les traductions de ce dernier, s’agissant notamment de préfaces rédigées par l’artiste. Là encore, la seconde partie du volume est réservée au catalogage des peintures d’Hokusai à l’encre et à l’aquarelle ; il se clôt enfin sur une bibliographie, rédigée par Hayashi, des livres et albums de l’artiste."

 Dominique Pety, professeur de littérature française à l’université de Savoie : Notice sur Edmond de Goncourt, site INHA

 


 

Tsuba de la collection Cartier-Bresson, venant de la collection des Goncourt.  Cartier Bresson Nancy :8  shakudo nanako incrusté de shibuichi, d’or et de bronze sentoku, musée des beaux-arts de Nancy © ville de Nancy, cliché Patrice Buren.

Tsuba de 77 x 70cm, orné d'un chevalier sur la route et d'un pin près d'une cascade, auteur Lyounsaï Hirotchika. Shibuichi incrusté de shakudo, un alliage de cuivre, de bronze sentoku, d'antimoine et d'or. Date XVII ou XIXe ?.

 

 Outre les frères Goncourt, il faut citer aussi  les noms de collectionneurs français spécialisés en tsubas, ce sont ceux du Dr Edouard Mené et surtout du docteur Francis Poncetton (1877-1950) auteur en 1924 d'un ouvrage sur Les gardes de sabre japonaises , Albert Morancé, 29 p.  Sa collection a été vendue en juin 1929 à Drouot (Lot n°172  : Gardes de Sabres. Ornements de Sabres - Netzuke ... Casques et Pièce d'Armure - Okimono en fer forgé. Lames de Sabre.  Catalogue de 500 numéros. Illustré de 23 planches dont 18 de gardes de sabres. )

 Un autre collectionneur est René Lecuir (1907-1968) : sa collection a été vendue à Drouot le 14 juin 2012 : le catalogue en ligne piasa.fr présente 109 pièces.

  Par l'intermédiaire de ce document, nous recençons aussi :

a) les collectionneurs :

—la collection du musée du Louvre de 1884

—la vente des collections Alexis Rouart, Paris 1911 (catalogue préfacé par le marquis de Tressan) ; Roubeaud, Paris, 1920 ; Raphaêl Collin Paris 1922, Haviland Paris 1923, Louis Gonse Paris 1924 ; Marteau 1924 ; Paul Corbin 1926 ; Jacques Millot 1931 ; J. Stonborough 1938.

b) la bibliographie :

— F. Poncetton, op. cité.

— Marquis de Tressan, L'évolution de la garde de sabre japonaise des origines au XVe siècle, sn, 1910.

Georges-Antoine-François-Ludovic Lavergne, marquis de Tressan, est  aussi l'auteur

  • de Au sujet des gardes dites primitives, sn, 1912
  • Exposition de garnitures de sabres & d'inros japonais... : Musée des arts décoratifs, [Paris] du 10 janvier au 12 février 1911 .- [s. n.] .- 1911 .- Livre
  • Exposition des gardes de sabre japonaises... au Palais du Louvre (Pavillon de Marsan) du 20 janvier au 20 février [1910] .E. Lévy .- 1910 .- Catalogue d'exposition
  • Nouvelles contributions à l'étude de l'histoire de la garde de sabre japonaise  .- [S. n. ?] .- 1914 .- Livre
  • Quelques problèmes relatifs à l'histoire de la Garde de sabre japonaise  .- [S. n. ?] .- 1912 .- Livre
  • Société franco Japonaise de Paris. L'évolution de la garde de sabre japonaise .Bibliothèque de la société fra .- 1912 .- Livre  

La vente de ses collections eut lieu en mai 1933 (Imp. Lahure, 69 p.)

 Une exposition eut lieu aussi :L'art japonais des tsuba et netsuké, Saint-Omer, musée de l'hôtel Sandelin, 1981, avec son catalogue par Fleury, Christian, L'art japonais des tsuba et netsuke, Saint-Omer, musée de l'hôtel Sandelin, 1991 

Collection Barbouteau sur dans l'Art Français n°791 gallica

 

 

Sources.

 

—Wikipédia : tsuba

—Site Nippon to ken 

— Site Samourais et Ikebana . com :

—  http://www.shibuiswords.com/tsuba.htm selon les études de Robert E. Haines

— Catalogue Piasa de la vente R. Lecuir.

— Handbooks par Markus Sesko.

 

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Published by jean-yves cordier
10 février 2013 7 10 /02 /février /2013 17:00

                La carte de Bretagne

           de Christophe Tassin  (1634).

 

(Je rappelle que, Montaigne au petit pied, mes articles sont des Essais, des tentatives de mettre en ligne ce que j'aurais souhaité y trouver ; que mes bonnes intentions ne me confère pas la compétence nécessaire, et que le canevas que voici attend les critiques et les compléments.)

 

 


 

  Les premières cartes pouvaient provenir de trois groupes d'utilisateurs : les marins, avec leurs portulans ; les marchands ambulants, attentifs aux routes et aux villages qui les bordaient ; et enfin les militaires. La première carte de Bretagne de 1588 provenait des marins du Conquet. Avec Tassin, voilà les militaires.

  Source : Claude Brezinski et Mireille Pastoureau: Les armées ont toujours eu besoin de cartes, et les campagnes militaires en suscitent la réalisation. On s'adressa d'abord à des peintres, qui dessinaient des vues panoramiques, sans échelles, à but artistique, puis au XVIe siècle les rois de France recrutent des ingénieurs italiens capables de dresser des plans exacts des fortifications, à échelle constante. En 1600, Sully est nommé Surintendant des Fortifications et en 1604 un Service des Fortifications est créé par Henri IV, qui n'aime rien tant, à part la galanterie, que de regarder les cartes chorographiques (décrivant une contrée et ses lieux remarquables). Une réforme en profondeur est menée, où la cartographie est un outils de choix.  Chaque province frontalière est ainsi dotée d'un Ingénieur du roi assisté d'un "conducteur de desseins". Ils sont douze sous Henri IV et, sous l'effet du retour de la paix civile et de la reprise en main du royaume par les forces armées, ils devinrent bientôt cinquante sous Louis XIII. Alors que le centre du pays avait surtout retenu l'attention des monarques du XVIe siècle, le XVIIe siècle mit l'accent sur le renforcement des frontières extérieures.   La tâche des ingénieurs militaires consistait à prévoir et à surveiller les travaux des fortifications des places de position stratégique pour l'unité et la défense du royaume; ces fortifications avaient été négligées pendant le XVIe siècle tant qu'elles étaient à la charge des villes et que manquaient les techniciens qualifiés. des ingénieurs italiens étaient certes recrutés épisodiquement mais ils jouaient plutôt le rôle d'experts itinérants. Un corps d'officier locaux mais étroitement surveillés fut créé pour concevoir ou améliorer l'infrastructure de certaines régions, notamment du sud-est : architecture, routes, ponts, canaux. la cartographie accompagnait toutes les activités de l'armée : préparatifs des sièges et des attaques, renforcement des fortifications en place, cartographie des "routes d'étapes" nécessaires aux déplacements des milliers d'hommes d'armées qui, ne combattant que six mois sur douze, devaient aller et revenir de leurs quartiers d'hiver, et repérer le terrain pour assurer le cantonnement et le ravitaillement sur les lieux de conflit. Ces ingénieurs du roi réalisèrent un grand nombre de plans et de cartes totalement inédites. Certains d'entre eux acceptèrent les propositions d'éditeurs parisiens de publier en partie ces précieux documents, et de les vendre à un public de plus en plus friand, ou aux officiers, qui devaient se procurer à leurs frais les cartes dont ils avaient besoin. Dés la fin du XVIe siècle, Claude de Chatillon fut l'un des premiers à céder aux sollicitations des marchands d'images. Après sa mort, Jean Boisseau réunit ses vues de ville et d'édifices pour "La Topographie françoise" de 1641.


  

 

  

 

I. Christophe Tassin.

   C'est à la demande de Richelieu que Tassin, alors commissaire ordinaire des guerres, se voit chargé de faire paraître son atlas des Cartes générales de toutes les provinces de France, dans le cadre d'une politique de réduction des rebelles protestants  soutenus par l'Angleterre et de défense contre la menace espagnole. Les Cartes générales des Costes, dédiées à Richelieu, sont dans le même temps destinées à lever les plans de tous les points de la côte pouvant être le lieu de débarquement des forces anglaises.

  Christophe Tassin, va utiliser ou mettre au service du public le savoir acquis au service du roi en publiant les cartes et plans de ville du royaume, et en devenant opur un temps éditeur et libraire. Ingénieur géographe du roi en 1631, il obtient le privilège de dix ans de faire " imprimer, vendre et débiter par qui bon lui semblera les cartes générales et particulières de France et des Royaumes".  Ce privilège était d'habitude obtenu par les libraires. Il s'associa peu après avec cinq libraires parisiens, Melchior Tavernier, Jean Messager, Martin Gobert, Michel Van Lochom et Sébastien Cramoisy qui lui apportèrent leurs capitaux et leur savoit-faire. En trois ans de 1633 à 1635, il fit paraître toute son œuvre gravée de neuf atlas tout en proposant les cartes séparément à la feuille, puis vendit son privilège. En 1644, il vendit la totalité de ses planches de cuivre gravées et de sa presse à imprimer à deux autres éditeurs d'images, Antoine de Fer et Nicolas Berey.

Ses ouvrages sont des œuvres de grande vulgarisation à l' usage des voyageurs et des militaires. Imprimés sur des presses privées, ils tirent leur substance des travaux effectués par les ingénieurs des armées : les limites régionales des cartes sont celles des circonscriptions militaires, les villes y sont montrées du point de vue de leur défense et les planches s'attachent, dans les plans de ville, à en montrer les fortifications. 

 

  Il n'est pas breton, et son travail a une dimension nationale et non régionale : comme Bouguereau en 1594, il veut proposer un jeu complet des cartes du territoire français. Et, comme il n'a certainement pas dressé lui-même l'ensemble de ses cartes, il a utilisé ses compétences à rassembler les documents existants, à les corriger et les améliorer, et à les compléter. Pourtant, pour M. Pastoureau à propos des Plans de ville, l'ordre rigoureux de la succession des planches, l'enchaînement régulier à l'intérieur d'une même région des cartes générales, des plans de ville et des vues de profil, comme l'homogénéité de la facture des planches, jamais signées, plaide en faveur de la "paternité" de Tassin, au moins pour la facture finale.

  Il publia neuf atlas : des Côtes, des provinces avec le plan des villes, etc... :

 

 1. Cartes générale et particulières de toutes les costes de France, tant de la mer océane que méditerranée où sont remarquées toutes les isles, golphes, ports havres, rades bayes, bancs, escueils et rochers plus consédérables, avec les ancharges et profondeurs nécessaires... / Paris : S. Cramoisy , 1634:  69 cartes ; formats divers. Voir gallica :Carte générale de toutes les côtes de France

1a. Le même, Tabulæ omnium Galliæ littorum & portuum, qui in oceano & mediterraneo visuntur. Par le sieur Tassin geographe ordinaire de sa Majesté. / A Paris, chez Michel Vanlochom, ruë sainct Jacques à la Rose, blanche. M. DC. XXXVI.

 

2.  Les cartes generales de toutes les provinces de France royaumes et provinces de l'Europe. Reveües corrigées & augmentées par le S[ieu]r Tassin geographe ordinaire de sa Magesté / [Paris] , 1637 [i.e. 1646?] .

Voir infra

3.  Plans et profilz des principales villes et lieux considérables de France, ensemble les cartes générales de chascune province et les particulières de chasque gouvernement d'icelles, mis au jour par le Sr Tassin...Par le Sieur Tassin géographe ordinaire de sa majesté [-seconde partie]. / A Paris, chez Melchior Tavernier, en l'Isle du Palais, au coin de la ruë Harlay, à la Roze rouge. M. DC. XXXIV (1634). 

 

3a Idem,  / A Paris, Sebastien Cramoisy, 1634 

3b; Idem 1636.

3c idem Melchior Tavernier (N. Bercy pour le tome II), 1638-1644. 2 volumes in-4 oblong de 39 pp.ch., 4 ff.gr., pl. 2 à 45, 2 ff.gr., 52 pl., 27 pl., 28 pl., 27 pl., 18 pl., 1 f. de table, 16 pl.
Pour le tome I ; 44 pp.ch., 1 carte, 3 ff.gr., pl. 2 à 22, 40 pl., 19 pl., 4 pl., 2 ff., 46 pl., 7 pl., 23 pl., 26 pl., 2 pl., 2 ff., 17 pl., 18 pl. .
Chacune des 17 parties est précédée d'un titre gravé dans de beaux cartouches et d'une table des planches gravée, parfois numérotée comme les planches.
Le tome I rassemble les provinces du nord : Picardie, Bretagne, Champagne, Normandie, Ile-de-France, Lorraine, Brie ; le tome II les provinces du sud : Bourgogne, Dauphiné, Provence, principauté d'Orange et contat Venaissin, Languedoc, Foix et Béarn, Guyenne, Poitou, Pays de Loire, Beauce.

 (Seconde partie). [Bourgogne, Dauphiné, Provence, Comtat et Oranges, Languedoc, Guyenne, Poictou, Rivière de Loire, Beauce et Castinois] / Paris : chez N. Berey , 1638 

 3c. Id. N. de Fer, 1644

3d id. Seconde partie,  Paris : Berey , 1652 

4. Cartes générales des provinces de France et d'Espagne., reveuës, corrigées et augmentées par le sieur Tassin [in-4° oblong (16 cm sur 21); 26 p.; 68 cartes; titre gravé à encadrement], Paris, Sébastien Cramoisy [et: Melchior Tavernier; et: M. Gobert; et: M. Van Lochom (précédé d’un planisphère signé: ″P. Bertius″, portant l’adresse: ″Paris, Melchior Tavernier, 1628″)], 1633.

 

 

Le site corpusetampois.com en dresse sous le nom de Nicolas Tassin un recensement plus complet.  

 

 

 

   France, par le Sr Tassin, géographe ordinaire de sa majesté, 1638, 9 flles, 48 x 35 cm : 

[France] / par le Sr Tassin, géographe ordinaire de Sa Majesté (24l = 0m 103) - 1

II. L'Atlas de 1634.

    Il est très difficile, lorsqu'on n'est pas spécialisé en cartographie ancienne et qu'on n'a pas accès aux bibliothèques éloignées, de trouver des informations précises sur les cartes éditées par Christophe Tassin (d'autant qu'il est parfois nommé à tort Nicolas Tassin). Les atlas dont elles sont issues ont vu leur reliure brisée afin de vendre au détail les cartes qu'ils contenaient, entraînant une dispersion nuisible à leur inventaire. L'auteur de référence est Mireille Pastoureau* (avec Franck Lestringant) , Les atlas français, XVI-XVIIe siècles. Répertoire bibliographique et étude, Paris, Bibliothèque Nationale, Département des cartes et plans, 1984,VIII-695 p. : ill. ; 31 cm,  mais son ouvrage n'est disponible dans ma région bretonne qu'à la B.U de Nantes.

* Mireille Pastoureau, intègra l'École des chartes en 1968. De 1972 à 1993, elle fut conservateur au département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale et devient docteur en histoire. Depuis 1993, elle dirige la bibliothèque de l’Institut de France. Elle est également l'auteur de l'article  Les atlas imprimés avant 1700 in Imago Mundi,vol 32, 1980, 45-72.

 

Je trouve néanmoins, sur le catalogue de ventes aux enchères Drouot, la notice suivante, qui semble correspondre à l'atlas qui m'interesse.

"TASSIN, Ch.
   Les cartes generales de toutes les provinces de France royaumes et provinces de l'Europe. Revues corrigées & augmentées par le S[ieu]r Tassin geographe ordinaire de sa Magesté. Paris, 1637 [1643]. In-folio de (1) f. de titre et 52 cartes. Vélin ivoire (reliure de l'époque). Cartes en très belle impression. . Recueil de cartes de Tassin illustré de 52 cartes numérotées anciennement à la plume au verso: 1 à 52 (dont 1 constituée de 3 cartes jointes, ce qui indique que ce recueil factice est complet en soi. En effet, comme le précise Pastoureau, la composition des atlas par Tassin varie d'un exemplaire à l'autre. L'atlas comprend 40 cartes de France, 1 de Luxembourg, 3 de Belgique et des Pays-Bas, 3 d'Allemagne, 1 de Bohême/Hongrie, 1 de Suisse et 3 d'Italie dont la "Seigneurie de Gênes, Comté de Nice et partie de l'isle de Corsse". Cet atlas se compose d'un noyau de 24 (sur 26 publiées par Tassin) cartes numérotées dans la planche qui ont été conçues pour faire chacune l'objet d'une seule feuille: la Lorraine cependant, (cartes [26] à [29] numérotées 23 à 26) est une carte en quatre feuilles. Tassin en inséra d'autres, qui lui permettaient de grossir son recueil: on trouve ainsi les côtes de Provence en trois feuilles. Les autres cartes ne sont pas numérotées et leurs titres sont imprimés dans des cartouches amovibles. Contenu: L'Empire françois chez Melchior Tavernier, 1637 (non répertoriée par Pastoureau)/ Carte d'Auvergne, 1643 (non répertoriée par Pastoureau)/ Carte generale de Picardie et Artois/ Carte generale de Champagne/ Carte du duché de Bourgogne/ Carte de Bresse/ Carte du Lionnois Forest et Beauvielois/ Carte de Dauphiné/ Carte de Provence/ Carte du Languedoc/ Carte generale de Guyenne/ Carte generale de Poictou Xaintonge.../ Carte de Bretagne [donc numéro 12]/ Carte de Normandie/ Carte de l'Isle de France et Brie/ Duché d'Aumalle.../ Vermandois Tierasche.../ Carte du Vexin, Beauvoisis.../ Boulonnois, Pontieu Artois.../ Hainault, Cambresis.../ Carte du Maine/ Carte du duché d'Anjou/ Carte de Touraine/ Carte de Limosin/ Carte de Berry/ Carte du duché d'Orléans/ Carte du Nivernois/ [Carte des duchez de Lorraine et de Bar] (4 cartes)/ Carte particulière des costes de Provence (3 cartes)/ Description du cap de la Croix.../ Golphe de Grimaut/ Carte generale des dix sept provinces des Pays Bas/ Carte des comtez de Flandres.../ Carte des duchés de Luxembourg/ Carte de Hollande/ Carte des duchés de Gueldre et Clêves/ Description du fort de Schincke.../ La haute Elsace, carte de la basse Elsace, Palatinat du Rhein (3 cartes montées légérement rognées en bas)/ Carte des Palatinats du Rhein et de Bavières/ Carte des royaumes de Bohême et Hongrie/ Carte de la basse Allemagne Westphalie.../ Carte des duchés de Saxe Meklembourg.../ Carte de la Franchecomté et du duché de Montbeliart/ Carte generale des treze cantons de Suisse.../ Carte de la duché de Milan/ Seigneurie de Gênes Comté de Nice/ Carte des duchez de Mantoue, Ferrare... Cet atlas contient des cartes homogènes par leur facture mais aucune ne porte le nom de Tassin. Seul le titre de l'ouvrage nous révèle son auteur. Tassin ne cache pas son rôle de compilateur, puisque ces cartes sont dites seulement "revues, corrigées et augmentées" par lui. La carte de "L'Empire françois" publiée chez M. Tavernier semble bien être l'"oeuvre" de Tassin (copiée d'une carte hollandaise) car d'une part, il est précisé dans le cartouche "cette carte est nouvellement corrigée et augmantée des noms des fleuves qui y estoient obmis comme aussy dans les frontières les noms des Villes en Flamant et Allemant y sont mis en François...", d'autre part le cartouche est caractéristique de Tassin. La carte "Carte d'Auvergne" datée 1643, semble elle aussi, caractéristique de Tassin; elle indique que le recueil a été composé en 1643 ou après. - Pastoureau, conf. Tassin II B "


D'après Monique Pelletier p. 21, l'Atlas de Tassin, dont les cartes générales sont encore marquées par la Charte de France de  de La Guillotière*  puise dans trois sources principales :  des cartes du siècle précédent issu de l'atlas de Bouguereau, des cartes élaborées par des ingénieurs du roi ou des maîtres de logis, et des matériaux plus récents provenant aussi des ingénieurs du roi. 

*François de la Guillotière (15..-1594) réalisa une Carte gravée sur bois qui ne sera publiée qu'en 1613, puis rééditée plusieurs fois jusqu'en 1640. Voir Gallica pour l'édition de 1620 chez Jean Leclerc.

 

 

III. Rappel des cartes précedents celle-ci.

1588 : Carte incluse dans l'Histoire de Bretaigne de Bertrand d'Argenté. Graveur anonyme.

1588 : Galle, in Epitome du théâtre du monde d'Ortélius (7,2 x 10,1 cm et 7,4 x 10,1 cm)

1594 : Copie de cette carte par le graveur Gabriel Tavernier dans le Théatre françoys publié à Tours par Maurice Bouguereau. (34,5 x 46,3cm)

1598 : carte par Pierre Bertius, Caert Thresoor du hollandais Barent Langenes (8 x 12 cm)

1601 : carte gravée par Amboise et Ferdinand  Arsenius dans l'Epitome du théâtre du monde d'Ortelius par Michel Coigniet de 1601. (8x12 cm)

1602 : idem, deuxième état.

1603 : Carte gravée par Sigismond Latomus (8,8 x 11 cm) 

1616 : carte par Pierre Bertius in Tabula geographicum.(9,4 x 13,5 cm).

1619 : Reprise de la carte d'Argentré copiée par Tavernier, dans le Théâtre géographique du Royaume de France de Jean Le Clerc.

1630 : Carte par Hardy dans l'Atlantis Maioris de Jan Jansson puis en 1631 dans Theatrum universae Galliae. (37,5 x 50)

 

 On notera le petit format des cartes, hormis celle d'Argenté et ses copies, et celle de Hardy.


 

IV. La carte de Bretagne.

 Claude Gaudillat présente trois cartes de Bretagne de Christophe Tassin :

1) CARTE DE BRETAIGNE, Tassin dite "au monstre" de 1633. 10,5 x 15 cm

Atlas : Cartes générales des provinces de France et d'Espagne. "De nombreux éditeurs  ont repris cette carte dont Nicolas Berey en 1644 et 1648. Elle porte en haut et à droite le n° 9. le titre Carte de Bretaigne figure dans un cartouche en bas à gauche avec un drapé et un monstre ; l'échelle de dix lieues se trouve en haut à gauche, dans un ruban. Neuf bateaux et une rose des vents au sud de Quimper. 116 toponymes env.

 Elle est incluse dans la réédition de Terra Incognita  1993 dont je vais parler.

2) CARTE DE BRETAIGNE, Tassin dite "au cygne" de 1634. 10,5 x 15 cm.

Atlas : les Plans et Profils de toutes les principales villes et lieux considérables de France, 1634.

Cette carte se trouve dans un chapitre intitulé "Plans et Profils des principales villes de la province de Bretaigne". Elle porte le n° 3 en haut à droite sous "Normandie". Le titre est trainé par un cygne. Echelle de dix lieues présentées dans un rectangle en haut à gauche. Un seul bateau sous l'échelle. la rose des vents se trouve à l'ouest de la Bretagne. 120 toponymes env.

Les éditions Terra Incognita ont publié en 1993 dans une pochette à l'italienne un fac-similé des 26 gravures de cet atlas concernant la Bretagne, et 3 variantes des Cartes générales de 1633 avec une Notice historique de 8 pages de Mireille Pastoureau, conservatrice au Département des Cartes et Plans de la Bibliothèque Nationale. C'est la reproduction de l'atlas conservé à la Bibliothèque Municipale de rennes cote 52168 (et 52166 pour l'atlas de 1633).

3. CARTE DE BRETAGNE, Tassin de 1634, 36,5 x 51,7 cm. 

  C'est cette dernière que je présente ici, sous forme d'une photographie de l'exemplaire que détient la bibliothèque du CRBC de Brest sous la cote CA 00004. Celle-ci est cataloguée avec une notice indiquant " 41 x 58,5 cm, noir et blanc (reproduction ?)".

 Elle diffère des deux précédentes par sa taille, qui est légerement supérieure à celle de Bouguereau (35 x 46 cm). On notera que le nom de la province est Bretagne et non Bretaigne.

  Elle est issue de l'atlas Les Cartes générales de toutes les provinces de France, in.fol. 1634. Théâtre géographique du royaume de France, Melchior Tavernier.

Description:

 Claude Gaudillat en décrit trois états :

— Premier état : avec neuf bateaux et "n°12" en haut à droite.

— Deuxième état : sans le n°12.

— Troisième état : avec coordonnées géographiques et sept bateaux effacés.

 Celle-ci porte le n°12, et neuf bateaux, elle est "du premier état". Elle est imprimée sur un papier de couleur saumon clair.

Le titre Carte de Bretagne se trouve dans un cartouche constitué par la gueule de deux monstres ; celui du haut a une tête de batracien et une coquille cannelée à la manière de Saint-Jacques. L'autre a une tête de diable cornu, et un corps en coquille d'où émergent des griffes acérées. Lesdites "coquilles" apparaissent, sur d'autres cartouches, comme les ailes à membrures de sortes de chauves-souris.

Cliquez pour agrandir.

carte-tassin-crbc 0639c

 

L'échelle "de 10 lieües" est en bas à gauche dans un autre cartouche associant la coquille avec quelques feuilles et fruits. On remarque aussi la belle rose des vents, et la diversité des gréements représentés : un ou deux-mâts, voiles carrées ou latines, tirant une salve de canon, montrant son tableau arrière et remorquant son canot, etc... Je regrette l'absence de quelques cétacés soufflants, qui sont peut-être réservées aux cartes marines.



 

                      carte-tassin-crbc 0640c

 

Le nom du graveur est indiqué en bas et à droite, avec une date : Tavernier 1620.

 Il s'agit non pas de Gabriel Tavernier, qui avait copié en 1594 la carte de Bretagne de d'Argentré pour Bouguereau, mais de Melchior Tavernier (Anvers, 1594 - Paris, 1665), graveur et libraire français. Il est le fils de Gabriel II Tavernier, graveur et marchand d'estampes à Paris. Il suit son apprentissage chez Thomas de Leu et en 1621, date où Abraham Bosse signe chez lui un contrat d’apprentissage, Melchior Tavernier est établi avec son frère Gabriel à Paris, sur le pont Marchant. En 1618, il est nommé graveur et imprimeur en taille-douce du Roi. En 1622, il s’installe dans l’île de la Cité, où il demeure d’abord rue du Harlay puis, dès 1627, il s’installe à l'enseigne de l’Épi d’or, en face du quai de la Mégisserie. Son fonds de commerce est racheté en 1644 par le libraire Pierre Mariette qui l'utilisa pour son propre Théâtre géographique de 1650. Il est à l'origine du développement de la cartographie française, travaillant notamment de 1632 à 1644 environ avec Nicolas Sanson et publiant en 1637 et 1638 un Théâtre géographique du royaume de France in fol., parchemin.

      Cette date Tavernier 1620, si elle est fiable, indique que la carte a été gravée 14 ans avant son édition.

 Il est curieux de voir  les liens des Tavernier avec la cartographie en général, et la carte de Bretagne en particulier :  son père Gabriel II Tavernier (Anvers 1520?-Paris 1619) graveur, topographe, architecte, graveur sur cuivre dans l’atelier de Plantin à Anvers, éditeur d’Ortelius, et qui est le graveur de toutes les cartes du Théâtre francois de Maurice Bouguereau, demeurait chez Jacques Du Puys en 1590 , lequel avait publié en 1588 la carte d'Argentré...



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Ecritures : Les toponymes sont signalés par des vignettes poinçonnées faites, pour la plus courante, d'un cercle adossé à un symbole de maison; parfois des traits verticaux en émergent, un autre modèle s'étend latéralement en trois bâtiments. L'ensemble est beaucoup plus discret que la carte d'Argentré et tend vers l'abstraction. Tous les noms sont écrits horizontalement, sauf ceux qui, sur la côte, s'inscrivent sur l'espace marin (sur la carte d'Argentré, les fleuves, et les noms ajoutés après-coup, se plaçaient en oblique ; ici, seule la Loire et la Vilaine sont nommées). La typographie des toponymes est duelle : italique pour la plupart des localités, caractères romains pour les villes (pour la pointe du Finistère : Brest, St. Renen, Landerneau, Daoulas, Le Fou Crodon, Audierne, Pol David, Douuarnenest, Penmarch (correction par r suscrit)) . Les inscriptions en lettres majuscules qui se plaçaient en diagonale sur la carte d'Argentré pour indiquer la Basse et la Haute-Bretagne, et la mer océane, ont toutes disparu, n'étant plus utilisées que pour indiquer, à l'estrème droite, la NORMANDIE et le BAS POICTOU. De même, la frontière entre Haute et Basse-Bretagne a disparu également, ainsi que toute délimitation : pas de frontière à l'intérieur du royaume...

  Le contour du littoral est haché mais les fleuves ne sont pas filés; la mer n'est plus marquée par des pointillés. Les forêts sont indiquées par une marque spongiforme identique dans tous les cas. Les reliefs sont rarement indiqués, par des lignes courbes. Dans l'ensemble, la carte est dépouillée, et cette sobriété facilite sa lecture.

  Pourtant, les indications sont plus nombreuses que sur la carte de 1588 : si je compte les toponymes du bord de côte de l'Aberwrach jusqu'à l'île Tudy, j'obtiens 62 toponymes, contre seulement 28 sur la carte d'Argentré. Du Conquet à Brest, les noms de Plougonvelin, St-Ive, Neven, Plousanetz, St-Pierre, Recouvrence apparaissent. En presqu'île de Crozon, où seuls étaient mentionnés Landevennec, Crozon et Camaret, on trouve Dinol (Dinéault), St Vic (St-Nic), Talgruc (Telgruc), Poultric (Poulmic), Roscave (Roscanvel), l'isle longue,  Morgat, Labert (l'Aber).  Les repères marins sont également mieux dénommés, et du Four à Sein, on trouve désormais Les Noires, Trielen, Letiry, Les Peseaux, la Pointe de la Chèvre, Vieille Basse, et, au sud de Sein, Le Chat.

 Curieusement, ces noms de lieux sont très différents de ceux que porte la carte générale de Bretagne "au cygne" de Tassin publiée la même année en petit format dans l'Atlas des Plans de ville, et de celle "au monstre" de 1633 : pour la même zone, on trouve alors surtout des noms d'îles et îlots ( Le Chien blanc, Le Chien Noir, Le feuit, Isle douessant (doublon), Les magornes, Laminihi, Les Hillettes, Baye de Doernane, Isle de Sanetz, lestor, La seiche), et seulement les noms de villes et villages suivant : Pourehaille [Portsal ?], Le Conquest, Brest, Landerneau, Lasquenot [Le Faou ?], Crodon, St René du bois [Locronan], Audierne et Pontlabe. Le tracé cartographique accumule lui-même les erreurs grossières, alors que les cartes de détail (par exemple carte n°15, GOVVERNEMENT de Brest) possédent la même précision de contour, et donnent les mêmes toponymes que celle-ci.

 

  Il persiste sur la carte étudiée de nombreuses erreurs : fautes d'orthographe des noms, dont seule une lecture qualifiée (comme celle que Jean-Pierre Pinot avait donnée de la carte de Bouguereau) pourrait faire la part des variations d'usage toponymique et de l'inscription fautive, mais, quoiqu'on constate des corrections attestant d'une relecture (j'ai signalé Penma(r)ch), il est peu probable qu'un breton ait corrigé les épreuves. Mais je pense plutôt aux erreurs topographiques : quelques exemples seulement :

— Inversion des noms de Houat et de Heydit (Hoedic) : c'est Houat qui, ici, se retrouve proche des Cardinaux. (faute et non erreur, puisque la dénomination est correcte sur les cartes de 1633 et 1634 du même Tassin)

— disproportion de l'île de Beugor (Bangor) au sud de Belle-île.

— Erreur de localisation de Port-Navalo placé trop à l'intérieur des terres et non à l'entrée du Golfe du Morbihan.

— L'île de Raden (Raguenez) est placée trop à l'est, entre l'estuaire de l'Aven et du Belon et l'entrée de Mouelan (Moelan), alors qu'elle se trouve entre l'Aven et la pointe de Trévignon.

— Les îles Glénans, qui ne sont pas nommées, sont placées trop au nord de Penmarc'h, 

— Le tracé général de la côte sud de la Bretagne est ici quasi horizontal, plaçant le Croisic à la même latitude que Penmarc'h.

— Déformation de la presqu'île de Crozon.

— Erreur de tracé de la côte au sud de Paimpol.

 


 

 Je place en fin d'article la carte d'Argentré, pour faciliter les compararaisons.

 

 

                                tassin 0641c

 

                                   tassin 0642c

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DESCRIPTION DU PAYS ARMORIQUE A PRESENT BRETAIGNE, in Histoire de Bretaigne de Bertrand d'Argentré, 1588.

DSCN7833c

 

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Published by jean-yves cordier
6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 09:02

              Exposition Mathurin Méheut

       au Musée des Beaux-Arts de Brest.

           Aquarium Océanopolis de Brest


        De 1910 à 1912, Mathurin Méheut, qu'il est vain de présenter aux bretons dans ses divers talents de peintre, de peintre officiel de la Marine, de faïencier pour Henriot, graveur, dessinateur, enseignant à l'école des Beaux-Arts de Rennes, décorateur de paquebots, ou illustrateur de livres, fréquenta la station biologique de Roscoff pour y étudier la flore et la faune marines afin de livrer de nouveaux motifs décoratifs à la revue « Art et Décoration ». Il y côtoya le Professeur Yves Delage et le Dr Brumpt, observa avec ces chercheurs la faune et la flore des grèves et des plages, des aquariums et des bassins, quand il n'allait pas dessiner quelque cétacé échoué à l´île de Batz. Des oursins (Paracentrotus Lividus) jusqu'aux vieilles, des algues jusqu'aux crabes verts, il multiplia les Études qu'il signait de son monogramme MM.

  Il y avait été précédé en 1897 par le peintre Jean-Francis Aubertin, dont on peut voir ici une aquarelle d'algues.

 

Mathurin Méheut n'hésita pas à mêler à ses toiles des poissons exotiques, ou à rajouter une nageoire dorsale à une roussette : l'Art a ses exigences!

  Les œuvres exposées à Brest m'ont incité à me rendre à Océanopolis pour photographier les poissons et les anémones de ses trois pavillons, Tropical, Polaire et Tempéré.

 

  Il n'y a, bien-entendu, qu'un seul point commun entre les œuvre de Mathurin Méheut et mes photographies : c'est l'admiration ressentie. Face à l'Art comme face à la Nature, ce sentiment d'être, à la fois, dépassé, et appelé.

 

                    mathurin-meheut 0656c

 

 

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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