Église Saint-Vigor de Carolles (Manche):
les vitraux (1933-1934) de Jacques Simon.
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VOIR:
Liste de 200 articles sur les vitraux.
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Les vitraux du choeur de l'église Saint-Vigor ont été réalisés en 1933-34 par le maître-verrier Charles Lorin sur des cartons du peintre carollais Jacques Simon (voir les éléments de sa biographie : Les vitraux de Jacques Simon de Quettreville-sur-Sienne.)
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Le maître-verrier :
Les ateliers Lorin ont été fondés à Chartres par Nicolas Lorin en 1863 au pied de la cathédrale ; il effectua de nombreux vitraux à Chartres, Paris, Lyon, New-York, Saïgon, Vienne, etc..., employant 53 personnes en 1878 lors de l'Exposition Universelle. Charles Lorin reprit l'atelier à la fin du XIXe siècle. Il a été chargé par le Ministère des Beaux-Arts de la restauration des verrières de la cathédrale et de l'église Saint-Pierre de Chartres, puis de plusieurs cathédrales et monuments historiques français. François Lorin travailla avec son père avant de poursuivre seul jusqu'à son décès en 1972 l'activité de maître-verrier. J'ai déjà admiré le travail de Charles Lorin à Élliant : Costumes bretons d'Elliant : vitrail et statues.
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Carolles, station balnéaire, ses vitraux :
L'église, façade sud :
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L'église, façade nord :
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La date 1750 du pignon ouest :
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. Comme l'explique l'érudit carollais Marius Dujardin dans sa monographie Carolles, station balnéaire et touristique, son histoire et ses sites, La Chaumine 1957 :
"Carolles, dont le charme alliciant attire chaque année un nombre sans cesse croissant de touristes, d'artistes et d'estivants, est une modeste commune du littoral avranchinais, située au point précis où la côte occidentale du Cotentin devient la rive orientale de la Baie du Mont saint-Michel.
Ses coordonnées géographiques : 48°45'04'' (54,168 grade) de latitude Nord et 1° 33' 32'' (1,732 grade) de longitude ouest de Greenwich, correspondent à peu près à la latitude de Stuttgart, Stalingrad, Sakhaline et Terre-Neuve, et à la longitude de Nexcastle, Bayonne, Tlemcen, Tombouctou et Sainte-Hélène."
Autant de détails précieux à celui qui, dédaignant le charme alliciant de son transat déployé sur la digue devant l'alignement des cabines, provisoirement lassé de la pêche aux bouquets ou de la baignade dans les rouleaux, parcourt la campagne où "grâce au Gulf Stream, dont les eaux chaudes viennent baigner son rivage, Carolles" voit pousser en pleine terre "le mimosa, le camélia, l'arbousier et même le palmier chamérops", sans oublier le cyclamen europaeum.
Dans ce paradis des familles, ce jardin des hespérides des peintres qui y ont leur Vallée, se trouve Un Arbre de Vie, central, capital : l'if multicentenaire de l'église ; et si vos pas vous ont mené près de son tronc chenu, observez l'église, guidés par l'incontournable Marius : " En 1933-34, des travaux considérables ont profondéments modifié la vieille église : l'ancien choeur fut démoli, puis reconstruit dans le style ogival, agrandi de deux spacieuses chapelles, sur les plans de l'architecte André Cheftel ; un chevet original, orné d'une fenêtre à trois lancettes, et trois pointes sur les bas-cotés s'harmonisent avec la vieille tour. Les baies du choeur et des chapelles sont garnies de onze verrières dues à un artiste carollais, le maître Jacques Simon ; ces jolis vitraux dont la description détaillée a été publiée dans la Revue de l'Avranchin de mars 1937 tamisent la lumière sans assombrir et donnent un jeu de couleurs variées selon les diverses heures du jour."
L'if séculaire :
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I. LES BAS-COTÉS DU CHOEUR:
Les verrières des bas-cotés évoquent différents saints : saints locaux comme saint Gaud ou Saint Clair qui ont évangélisés la région, soit des saints particulièrement honorés à l'époque où le programme a été élaboré : Bernadette de Lourdes, Jeanne d'Arc ; La sainte Famille est également honorée, ainsi que la Vierge en ses différents vocables : N.D. de Vire, du Cap Lihou, du Voeu à Cherbourg.
A. Bas-coté Nord :
1. Sainte Bernadette :
En bas, sainte Bernadette Soubirous priant tout en gardant ses moutons
Au milieu, l'apparition de la Vierge à Bernadette.
En haut, Soeur Marie-Bernard (sainte Bernadette) à Nevers.
Bernadette Soubirous (1844-1879) fut béatifiée le 14 juin 1925 avant d'être canonisée le 8 décembre 1933. Cette canonisation est donc d'une actualité brulante lors de la réalisation du programme de vitraux de l'église de Carolles qui furent entiérement terminés le 15 septembre 1934, mais débutés en 1933 et donc commandités vers 1932. On comprend que le "premier" vitrail ( situé immédiatement à gauche de la porte d'entrée nord ) lui soit consacré.
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2. Scènes de la Sainte Famille
Vitrail en mémoire de la famille Duferier.
Si, en 1924, la villa Le Gris-Logis appartenait à M. Ourbak, La Croix-Paqueray à M. le chanoine Frécourt, Le Roc-Fleuri à Madame Richart, si La Jannine dominait toute la vallée du Lude, si encore la Revue de l'Avranchin et du pays de Granville, volume 21 mentionnait celles de M. Hurten ou du docteur Lizaret, elle précise que la villa Jeanne d'Arc appartenait à Mademoiselle Duferrier. C'est dire que cette dédicace aurait été plus approprièe pour le vitrail consacré à Jeanne d'Arc.
Cette villa remarquable, située sur le Pignon Butor, fut réquisitionnée en 1940 par les Allemands, avant de d'accueillir après-guerre les colonies de vacances de la ville de Pontoise.
Ce vitrail culmine avec une représentation rare : la mort de Saint Joseph.
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3. Trois sanctuaires dédiés à la Vierge :
Notre-Dame sur Vire (en bas),
A La Chapelle-sur-Vire, (Tessy-sur-Vire), à 14 km de St-Lô fut édifiée un sanctuaire après qu'en 1197 Robert de Troisgots eut appelé les moines de l'abbaye d'Hambye à y fonder un prieuré sur un très ancien lieu de pélerinage païen. Depuis, Notre-Dame-sur-Vire y est vénérée avec ferveur, sa statue du XVe siècle méritant en 1886 le gand honneur du Couronnement.
Le visiteur peut y découvrir une statue d'Anne trinitaire datant du XIIe siècle, date particulièrement précoce pour ce type iconographique: elle mesure une trentaine de centimètres et est en pierre blanche.
link
Cette statue nous interesse particulièrement puisqu'elle explique l'image que le vitrail nous donne à voir. La légende raconte en effet qu'au XIIe siècle des pêcheurs sur la Vire ramenèrent dans leur filet une statue représentant sainte Anne, la Vierge et l'Enfant-Jésus : cette découverte favorisa l'institution d'un pélerinage voué à sainte Anne. Puis, une seconde statue fut trouvée par un berger vers la fin du XIIIe siècle (ou fin XVIe) : celle-là est une statue en bois de 90 cm de la Vierge portant à gauche l'Enfant-Jésus tenant une colombe. Elle relança le pélerinage en l'honneur de Marie.
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Notre-Dame du Voeu 1145 (au milieu),
L'abbaye Notre-Dame-du-Voeu est située à Cherbourg-Octeville ; elle fut construite sur la décision de Mathilde l'Emperesse, épouse d'Henri V du Saint-Empire Germanique, en 1145. Cette petite fille de Guillaume le Conquérant, prise dans une terrible tempête entre Angleterre et Normandie, aurait fait voeu d'ériger une église là où elle débarquerait.
Notre-Dame de Lihou (en haut).
En 1113, après que des marins eurent trouvé une statue de la Vierge dans leur filet, une chapelle fut construite au Cap Lihou ; Puis l'édifice fut agrandi : c'est l'origine de l'église Notre-Dame du Cap-Lihou de Granville, à une quinzaine de kilomètres de Carolles.
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Voir en fin d'article la photo intacte !
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B. Bas-cotés du coté Sud :
1. La vie de Saint Gaud :
En mémoire des familles Gosse et Tanqueray.
Saint Gaud, évêque d'Évreux vers l'an 400, vint finir sa vie dans la forêt de Scissy, forêt mythique qui aurait occupé l'actuelle Baie du Mont-Saint-Michel après qu'un raz de marée de l'an 709 soit venu la détruire pour punir les païens qui y vivaient. On pense même que saint Gaud avait sa cellule à Saint-Pair-sur-Mer, commune voisine de Carolles, et qu'il y fut enterrer, son tombeau attirant les foules en pélerinage à Saint-Pair.
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"Saint Germain, évêque de Rouen fait sacrer Saint Gaud évêque en 445, en présence de "Sigibole" l'évêque de Sées et de Ereptiole évêque de Coutances". Saint Sigisbold fut le second évêque de Sées vers 460 et Saint Ereptiole (Ereptiolus) le premier évêque de Coutances vers 430-473.
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Saint Gaud convertit les idolâtres de la forêt de Scissy.
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Au dessus, St Pair (ou saint Paterne), premier abbé de l'abbaye de Scissy assiste saint Gaud à ses derniers moments en 491.
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2. Vitrail dédié à saint Clair :
1. Saint Clair, né à Rochester, s'embarque pour aller évangéliser la Neustrie.
2. Saint Clair à l'Abbaye de Maudune.
3. Martyre de saint Clair 894.
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3. Vitrail de Jeanne d'Arc.
Cette verriére est dédiée à Lucette Briens 1906-1926. Mr et Mme Briens ont tenu une charcuterie dans le bourg de Carolles au nord de l'église dans les années 1960.
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Le panneau inférieur représente Jeanne d'Arc à Domrémy gardant ses moutons et entendant les voix de sainte Marguerite, de saint Michel et de sainte Catherine lui demandant de rester pieuse, de libérer le Royaume de France et de conduire le dauphin sur le trône.
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Le 17 juillet 1429, Charles VII est sacrée roi de France à Reims par l'évêque Renaud de Chartres : Jeanne d'Arc en armure assiste au sacre, tenant son étendard où est inscrit Jésus Marie.
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Le panneau suivant rappelle que Jeanne d'Arc, née en 1412 et brulée vive à Rouen en 1431 après un procés en hérésie, a été canonisée le 16 mai 1920. Comme nous l'avons vu pour sainte Bernadette canonisée en 1933, cette canonisation de Jeanne d'Arc est donc, lors de la création de ces vitraux en 1933, d'actualité.
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II. La maîtresse-vitre du chevet :
Elle est composée de trois lancettes ogivales. elle est structurée par une croix rappellant le grand "Jubilé de la rédemption" de 1933 où l'Église a commémoré le 19ème centenaire de la Passion et de la Ressurection du Christ. C'est aussi en 1933-34 que l'église de Carolles a été transformée :démolition de l'ancien choeur et de l'ancienne sacristie, réinstallation du cimetière à l'écart du placître, dans un but d'accroissement de la capacité d'accueil des fidèles, capacité qui a été doublée.
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La lancette de gauche
est consacrée à la vie de Marie, avec de bas en haut l'Annonciation, la Vierge de Compassion ou Pietà, et , au sommet, l'Assomption.
En supériorité se trouvent les armoiries épiscopales de Monseigneur Louvard, évêque du diocèse de Coutances -et-Avranches (1924-1950). L'éveque de Coutances disposait, jusqu'en 1978, d'un privilège, celui du port du pallium, réservé habituellement au pape, aux patriarches, archévêques et primats (sur le pallium, voir la statue de Saint Germain à Kerlaz : Vierges allaitantes IV : Kerlaz, les statues et inscriptions.)
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La devise est Sub tuum Maria praesidium
Propter opus Christi
La première partie est l'incipit d'une prière à Marie : Sous ta protection nous nous réfugions, Marie. En 1911, cette priére fut décryptée, en grec, sur un papyrus égyptien dit papyrus Rylands. En 1938, Lobels data ce document entre 250 et 280, ce qui place cette invocation comme la plus ancienne prière mariale, devançant l'Ave Maria de plusieurs siècles.
Une version latine du texte grecque donnerait ceci :Sub tuam misericordiam confugimus, Dei Genitrix ! nostras depreciationes ne despicias in necessitabus sed a perditione salva nos sola pura, sola benedicta. ( Sous ta miséricorde nous nous réfugions, Mère de Dieu ! Nos prières, ne les méprises pas dans les nécessités, mais du danger délivre-nous, seule pure, seule bénie).link La seconde devise est une citation de l'épître aux Philippiens, 2,30 : Quoniam propter opus Christi usque ad mortem accesit, "car il s'est trouvé tout proche de la mort pour avoir voulu servir à l'oeuvre de Jésus-Christ..."
En dessous, l'ancre de l'espérance (Spes) est un qualificatif de Marie dans les Litanies de la Vierge.
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La lancette du centre est consacrée à la Vie de Jésus.
De bas en haut : Baptême par Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain, la Cène, la Crucifixion, et le Christ en gloire.
Les armoiries sont celles du pape Pie XI (1922-1939), d'or à l'aigle de sable, parti d'argent à trois tourteaux de gueules.
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Le tétramorphe réunit les quatre attributs des évangélistes qui ont repris les quatre "êtres vivants" du char de la vision d'Ezechiel.
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Le vitrail porte une inscription : En mémoire de l'abbé Lecomte, curé de Carolles. L'abbé Gabriel Lecomte (curé à partir de 1884) fut le premier à être inhumé en 1914 dans le nouveau cimetière que le Conseil Municipal avait créé au lieu-dit La Roque-au-Maire sur la route de Sartilly. Le curé et maître d'oeuvre pendant la mise en place des vitraux était l'abbé Milcent (1930-1935).
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La lancette de droite est consacrée au patron de la paroisse, Saint Vigor.
Les armoiries sont celles de Mgr Grente, évêque du Mans et bienfaiteur de l'église de Carolles.
Né le 05-05 1872 à Percy (Manche), Georges Grente fut évêque du Mans en 1918 archevêque en 1943 et cardinal en 1953 jusqu'à son décès le 4 mai 1959. Il fut nommé en tant qu'historien et essayiste à l'Académie Française en 1936 au fauteuil 32. Ses armoiries sont :Coupé denché : 1) d'azur à la croix recroisettée et rayonnante d'argent chargé en coeur d'une couronne d'épines de sable -2) d'or à trois bandes de gueules.
Les devises sont Dieu aide et Notre-Dame
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Dux utinam exemplar
En dessous, le pélican, symbole Christique et eucharistique car il était considéré comme nourrissant ses petits de sa propre chair.
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Saint Vigor dompte le serpent:
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Saint Vigor prie à Réviers près de Bayeux pour convertir les idolâtres :
C'est le moment d'ouvrir à nouveau la monographie de Marius Dujardin :
D’après les « Acta Sanctorum » des Bollandistes, VIGOR naquit à Arras d’une famille noble et pieuse . il fit de solides études sous la direction de saint Vaast ; à la fin de son adolescence, il s’enfuit de la maison paternelle en compagnie d’un jeune camarade nommé Théodomir ; tous deux se fixèrent à Reviers (à 4 km. de Bayeux), et Vigor fit des prédications aux habitants de la région. Peu à peu, des bruits se répandirent au sujet de miracles attribués à Vigor : un enfant ressuscité, la vue rendue à des aveugles, l’ouïe à des sourds, le mouvement à des paralytiques, etc...
« Un seigneur, nommé Volusien, pria Vigor de venir dans une de ses « forêts où vivait un énorme serpent qui faisait d’affreux ravages ; Vigor « se rendit au repaire du monstre, leva la main et fit le signe de la croix : « la bête tomba, terrassée ; il lui mit son étole autour du cou et la remit, « ainsi enchaînée, aux mains de Théodomir qui l’emmena et la noya. En « reconnaissance, Volusien fit don à Vigor du lieu dit « Cerisy » où « s’était passé le miracle. Vigor y fonda un monastère et y construisit « une église (qui fut ultérieurement détruite par les Normands, mais « reconstruite par Robert 1er duc de Normandie, qui la dédia à saint « Vigor ; les sceaux de l’abbaye de Cerisy, gravés au XVIIe siècle, « représentent le miracle ».
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Le jeune Vigor est revigoré par Saint Waast évêque d'Arras.
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III. La chapelle latérale Notre-Dame-de-la Mer coté nord.
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IV. La chapelle latérale Saint-Michel du coté sud.
En mémoire de la famille Delarue.
Dans les années 1910, Mr et Mme Delarue tenaient une boucherie (Boucherie Delarue-Morel) à Carolles.
L'invocation à Saint Michel Archange rappelle bien-entendu la présence du Mont, cher au cœur de Jacques Simon comme à celui de tous les Carollais.
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Une fine inscription porte la date du 15 septembre 1934:
M.Dano, Noële Simon, Bouceron De Schneder Reverdy Chauffou Gustave Blanchet dit BSS ont collaboré à la réussite de ce vitrail. Priez pour eux et pour Jacques Simon. Charles Lorin.
Comme l'indique cette inscription, l'atelier a fait également appel, au moins pour cette verrière, à Marthe Dano, première femme ayant participé à la production chez Lorin , et également mentionnée pour les cartons de trois vitraux de la collégiale Saint-Pierre de Douai en 1934 ( F. Baligand, Les vitraux de la Collégiale de Douai, Les Amis de Douai juin 2020 t.XVII n°2) ou pour le mémorial des batailles de la Marne de Dormans en 1930.
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Une autre inscription précise l'achèvement du vitrail:
"Ce vitrail et ceux du choeur ont été terminés le 15 septembre 1934 avec la collaboration de Mlle Marthe Dano, de M. Schneider, ... Re(verd)y Chauffour Blanchet et Noële Simon Jacques Simon.
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V Le vitrail de sainte Anne par Noële Simon
dans la tour, coté sud .
Vitrail SANCTA ANNA "in mémorial Paul Labbé", sans date, signé Ch. Lorin et Gle.
Paul Labbé : sans-doute s'agit-il du Paul Labbé dont la note nécrologique est parue dans les Annales de géographie de 1945 : né à Arpajon en 1867, il fut, après des études au lycée Michelet, des études de droit et l'obtention du diplome de l'École des Sciences Politiques, l'un des premiers français qui, parlant le russe, voyagèrent en Russie et en Asie à la fin du XIXe siècle. Explorant la Russie, la Sibérie, le Turkestan, les steppes kirghizes, la Mongolie et la Mandchourie, il procura au Museum d'Histoire Naturelle ou au Musée Guimet des documents de premier intérêt, de par sa curiosité pour le chamanisme. Il fut par la suite secrétaire de la Société géographique commerciale puis de l'Alliance Française (1919-1935). Il est l'auteur de : Les Russes en Extrème-Orient (1904), Sur les grandes routes de Russie (1905), Un bagne russe, l'île de Sakhaline ( 1905), Les Lamas de Sibérie (1909), La vivante Roumanie (1913), L'histoire d'un jeune Serbe (1918).
Paul Labbé est décédé à Carolles en 1940 (?) ou plutôt en 1943.
Mme Paul Labbé fut membre du Conseil Municipal en 1953.
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Détail : Anne trinitaire. On sait ( Les vitraux de Jacques Simon de Quettreville-sur-Sienne.) que ce thème a déjà été illustré par Jacques Simon. Il est ici repris par sa fille. Deux symboles, le chandelier à sept branches en haut à droite et la croix en bas à gauche, témoignent de la place d'Anne et de Marie, pour l'Église, dans la transition entre Judaisme et Christianisme.
Bien-sûr, cette Anne trinitaire renvoie aussi à celle de La Chapelle-Sur-Vire que nous avons découverte sur le vitrail des sanctuaires mariales de la Manche.
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VI. LES VITRAUX DE LA NEF.
En 1897, le curé avait fait réaliser six verrières peintes. Lors des travaux de 1933, trois de ces vitraux du XIXe ont été déposés et entreposés dans le grenier du presbytère ; trois verrières figuratives et un oculus sont encore en place. Il s'agit de trois vitraux en grisaille et jaune d'argent de l'atelier Duhamel-Marette datant de 1897:
Louis-Gustave Duhamel, formé à l'Ecole des Beaux-Arts de Rouen puis à l'atelier du maître-verrier Bernard, également à Rouen, s'associa vers 1860 à un "peintre-verrier" d'Évreux, Jean-Gabriel Marette dont il épousa la fille Marie-Adeline. Sous le nom de Duhamel-Marette, cet atelier ébroïcien devint l'un des principaux artisans de renouveau de l'art du vitrail en Normandie, actif aussi bien dans la restauration de vitraux anciens que dans la création de verrières dans le style du Moyen-Âge et de la Renaissance et sa production fut exportée bien au-delà des limites régionales. Au début du XXe siècle, un associé, Maurice Muraire prit la succession et dirigea l'atelier jusqu'à sa mort au champ d'honneur en 1914.
L'atelier Duhamel-Marette-Muraitre à Évreux, 1844-1914, a exécuté les vitraux de très nombreuses églises de Normandie, ou en a restauré les verrières anciennes à commencer par la cathédrale du Havre ou l'Abbaye de Le Breuil-Benoît, mais aussi à Rouen, Donville, etc...
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1. Premier vitrail coté sud, venant du choeur : Sainte Famille, avec Jean-Baptiste.
Inscription : "Donné par Madame des Aigremonts".
Blason couronné d'hermine à trois chaînes d'or et surmonté de la couronne de marquis:
Marius Dujardin mentionne dans son Histoire des bains de mer, qu'à la veille de la guerre de 1870, trois nouvelles villas furent construites à Carolles, dont l'une sur la Hogue du Baisier par "M. DES AIGREMONTS, propriétaire à Avranche". Par aileurs, je trouve mention de Mme Charles du Tertre des Aigremonts, demeurant maison Lechevretel en 1902 (à Avranches ?).
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Détail, le médaillon.
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2. Deuxième vitrail coté sud : Jésus bénissant les enfants.
Inscription : "L'enfant qui aime Jésus est et sera heureux".
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Signature du verrier :
Duhamel-Marette, peintre-verrier à Évreux".
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3. Vitrail du coté nord : Saint Vigor guérissant les malades.
Inscription: " Donné par M. A. Lecomte, curé de Carolles 1897". Nous avons déjà mentionné l'abbé Gabriel Lecomte, curé de Carolles à partir de 1884, et décédé en 1914.
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VII. Autres objets remarquables :
1. Tableau : Le Mariage mystique de sainte Catherine de Sienne avec saint Sébastien.
Copie, selon le Registre paroissial 1884-1913, par Jacques Sage du tableau d'Antonio Allegri, dit Le Corrège (1489-1534) exposé au Louvre Aile Denon, Premier étage), qui date de 1526-1527. L'Enfant-Jésus, qui tient l'anneau nuptial dans la main droite, s'apprête à le glisser à l'annulaire droit de la sainte, sous le regard intéressé de saint Sébastien, dont on voit le martyr en arrière-plan. Cette scène est inspirée de la Légende Dorée de Jacques de Voragine.
Cette peinture à l'huile encadrée daterait du XVIIIe siècle.
On peut rapprocher cette copie de celle réalisée en 1889 par Céline de Gonzalva pour l'église de Bordère-Louron (65), et placée dans celle de St-André d'Ausillon : link .
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L'original :link, Lettres.ac-Rouen.fr :
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2. Les Fonts baptismaux.
Ils dateraient du XIV-XVe siècle, sur un support de 1750. Granit, couvercle en bois.
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3. La statue de saint Vigor avec le dragon, Pierre, XVe :
La statue, qui avait peut-être été cachée pendant la Révolution, a été retrouvée lors de travaux en 1933.
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4. Statue de saint Mathurin, Pierre calcaire, XVe siècle :
Le diacre est représenté exorcisant la princesse Théodora, qui rejette la diable qui la possédait.
La statue est accompagnée d'une petite pancarte portant ces mots : "Selon la Légende Dorée, saint Mathurin est originaire du Gâtinais au IVe siècle. Il exorcise la princesse Théodora, fille de l'empereur Maximilien. Celle-ci est représentée vomissant le diable. Il n'est pas étonnant que saint Mathurin soit invoquée contre l'épilepsie, les états d'anémie et la dépression, contre toute maladie mentale, mais encore contre le rabonissement des mégères et autres mauvaises langues."
Ce "rabonnissement des mégères" a toujours fait notre bonheur. "Rabonir", c'est "bonifier, rendre meilleur", et le terme était plus souvent utilisé, comme par Balzac dans Eugénie Grandet, à propos du vin que les bonnes caves amélioraient, jusqu'à ce que Louis Réau, dans son Iconographie de l'art chrétien (1955) ne l'applique aux talents de saint Mathurin à l'égard des méchantes femmes. Quand aux "mégères", femmes acariâtres et méchantes, elles englobaient les mauvaises épouses, les belles-mères ou les belles-filles, ce qui laisse à penser que nombreux sont ceux qui souhaitaient invoquer le saint à l'intention d'une parente proche...
On sait en général que Mathurin est natif de la commune de Larchant, et qu'après sa conversion au christianisme, il fut ordonné prêtre par l'évêque Polycarpe. Il développa vite un don particulier pour chasser les démons des possédés et hystériques. Lorsqu'à Rome, tous les éxorcistes s'avérèrent incapable de soigner Théodora de sa folie, et que le démon lui-même, lors d'une séance, eut déclaré "Je ne sortirai point, si Mathurin le sénonais ne me chasse ; et c'est lui qui délivrera le peuple romain de la pestilence présente", on convoqua le saint. Il imposa les mains, fit avaler une cuillère d'huile, et Théodora fut guérie.
Mais ce que l'on connaît moins, c'est Saint Pipe. Le compagnon de Mathurin, un simple diacre qui accéda à la sainteté après la mort du saint exorciste pour avoir ramené le corps de son ami de Rome à Larchant. Lui-même mourût le 2 octobre 306. On ne le prie pas assez.