Cette baie n°18 de la Légende de saint Jacques le Majeur , haute de 6,00 m et large de 1,20 m éclaire la troisième chapelle du déambulatoire sud. Elle forme une lancette unique, divisée en 5 grands médaillons en forme d'octolobes irréguliers, et chacun de ces médaillons est subdivisé en quatre compartiments autour d'un losange central. Le fond est bleu pour l'ensemble de la baie, et celle-ci est entourée d'un rang de perles blanches. Les espaces complétant les médaillons sont remplis de carrés contenant un quadrilobe.
La vitre a été restaurée par Coffier après 1853 : le registre inférieur et tous les panneaux de gauche datent du XIXe siècle.
De bas en haut :
Vie de saint Jacques
Prédication et confrontation avec Hermogène ; Conversion de Philetus.
Miracles.
Décollation du saint et de Josias.
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Mes photographies prises dans de mauvaises conditions sont toutes affectées par des défauts de centrage dont je m'excuse.
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La verrière de la Vie de saint Jacques (vers 1210-1215) de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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Le premier médaillon.
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La verrière de la Vie de saint Jacques (vers 1210-1215) de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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1. Le magicien Hermogène et son disciple Philetus (XIXe siècle).
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1. Le magicien Hermogène et son disciple Philetus (XIXe siècle), verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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2. Prédication de saint Jacques aux Juifs (vers 1210-1215).
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2. Prédication de saint Jacques aux Juifs (vers 1210-1215), verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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3. Saint Jacques convertit (ou délivre de son envoûtement) Philetus (XIXe siècle).
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3. Saint Jacques convertit Philetus (XIXe siècle), verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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4. Philetus paralysé ou endormi par la magie d'Hermogène (vers 1210-1215).
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4. Philetus paralysé ou endormi par la magie d'Hermogène (vers 1210-1215), verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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Le deuxième médaillon.
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5. Philetus devant saint Jacques (XIXe siècle).
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5. Philetus devant saint Jacques (XIXe siècle) , verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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6. Hermogène envoie un démon vers saint Jacques ?.
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6. Hermogène envoie un démon vers saint Jacques ?, verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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7. Danse des démons (le départ ), XIXe siècle.
7. Danse des démons (1), XIXe, verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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8. Danse des démons (ils inversent leur mission), vers 1210-1215 ?.
8. Danse des démons (2), vers 1210-1215 ?. , verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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Le troisième médaillon.
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9. Les démons lient Hermogène (XIXe siècle).
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9. Les démons lient Hermogène (XIXe siècle), verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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10. Hermogène est conduit corde au cou par un démon devant saint Jacques (vers 1210-1215).
10. Hermogène est conduit corde au cou par un démon devant saint Jacques (vers 1210-1215) , verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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11. La conversion d'Hermogène par saint Jacques (XIXe siècle).
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11. La conversion d'Hermogène par saint Jacques (XIXe siècle) , verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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12. Hermogène jette au feu ses traités de magie sur l'injonction de saint Jacques (vers 1210-1215).
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12. Hermogène jette au feu ses traités de magie sur l'injonction de saint Jacques (vers 1210-1215) , verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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Le quatrième médaillon.
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13. Hermogène jette à l'eau ses traités de magie sur l'injonction de saint Jacques (XIXe siècle).
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13. Hermogène jette à l'eau ses traités de magie sur l'injonction de saint Jacques (XIXe siècle), verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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14. La remise du bâton (bacculus) à Hermogène par saint Jacques (vers 1210-1215).
14. La remise du bâton à Hermogène par saint Jacques (vers 1210-1215), verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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15. Arrestation de saint Jacques.
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15. Arrestation de saint Jacques (XIXe siècle) , verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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16. Une foule de disciples suit (ou une foule poursuit de ses huées) saint Jacques (vers 1210-1215).
16. Une foule de disciples suit (ou une foule poursuit de ses huées) saint Jacques (vers 1210-1215) , verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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Cinquième médaillon.
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17. Saint Jacques fait des miracles après son arrestation : il guérit un paralytique (XIXe siècle).
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17. Saint Jacques fait des miracles après son arrestation : il guérit un paralytique (XIXe siècle) , verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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18. Saint Jacques procède à un baptême après son arrestation.
Notez les coquilles de Saint-Jacques en fermaillet sur le fond bleu.
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18. Saint Jacques procède à un baptême après son arrestation 18. Saint Jacques procède à un baptême après son arrestation (vers 1210-1215), verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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19. La décollation de Josias (XIXe siècle)
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19. La décollation de Josias (XIXe siècle) , verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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20. La Décollation de saint Jacques (vers 1210-1215).
Notez les coquilles de Saint-Jacques en fermaillet sur le fond bleu.
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20. La Décollation de saint Jacques (vers 1210-1215), verrière de la Vie de saint Jacques de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2016.
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SOURCES ET LIENS.
— GRODECKI (Louis) et al. 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, éditions du CNRS, Paris, page 173.
Les vitraux du XIIIe siècle de la cathédrale Saint-Gatien de Tours : la baie 210 de la Vie de saint Jacques et de la légende du pendu dépendu (entre 1257 et 1270).
La maîtresse-vitre de la chapelle Saint-Jacques de Merléac (1402) et sa Vie de saint Jacques.
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La baie 210 est l'une des 15 verrières hautes du chœur : la cinquième à droite de la verrière d'axe. Elle fut installée avec ses voisines lorsqu'en 1267, les reliques de saint Maurice furent transférées dans le nouveau chœur. L'archevêque de Tours (qui offrit la baie 213) était Vincent de Pirmil, de 1257 à 1270, mais Jacques de Guérande, ancien doyen de l'église de Tours qui offrit la baie 203, était évêque de Nantes de 1264 à 1267.
Haute de 10,50 m et large de 3,20 m, elle comporte 4 lancettes trilobées (2 x 2) à 6 registres, consacrées à la Vie de saint Jacques et à la Légende du pendu-dépendu, et un tympan. Les lancettes reçoivent 24 médaillons ovales (ronds avec deux dilatations latérales) à fonds bleus sur des mosaïques de motifs circulaires et une bordure de fleurettes.
Elle est datée par le Corpus du 3ème quart du XIIIe siècle. Elle est donc postérieure de plus d'un demi siècle à la verrière homologue de la cathédrale de Bourges (vers 1210-1215) et de la cathédrale de Chartres (1210-1225), et ces deux sites ne font pas de place à la légende du pendu.
Par contre, elle est la première à accueillir, en vitrail, cette légende, dont les représentations iconographiques sont multiples en Europe du XIIIe au XVIe siècles (fresques, retables), mais qui ne se retrouve en verrière qu'à Merléac en 1402, et plus tard à Lisieux (1526), Saint-Nicolas de Châtillon-sur-Seine (vers 1530), Saint Vincent de Rouen, Triel (1554), dans l’église de Courville (Eure-et-Loir) et dans l’église de Villiers (Loir-et-Cher). Ou à Cour-sur-Loire (XVIe), à Notre-Dame-en-Vaux de Châlons-sur-Marne.
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Plan de la cathédrale Saint-Gatien de Tours.
Baie 210 (flèche), chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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De gauche à droite et de bas en haut.
1. La rencontre de Jacques de Zébédée et de son frère Jean devant le Christ au lac de Tibériade.
Rappel :
Jacques de Zébédée, ou Jacques le Majeur, est mentionné dans les Évangiles synoptiques (par exemple en Mc 3:17, Mt 10:2 et Lc 6:14) ainsi que dans les Actes des Apôtres (Ac 1:13). Il est le frère de l'apôtre Jean, et tous deux sont surnommés Boanerges, ce qui d'après l'évangile selon Marc veut dire « fils du tonnerre » (Mc 3,17). Le plus ancien des évangiles, celui de Marc, présente les deux frères comme des pêcheurs du lac de Tibériade qui laissent leur barque pour suivre Jésus, épisode repris par Matthieu et Luc.
2. Jacques devant le Christ.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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3. Saint Jacques devant Philète et Hermogène.
C'est après avoir prêché en Espagne et être revenu en Judée que Jacques fut confronté au docte pharisien, et magicien, Hermogène, qui s'oppose au christianisme en prétendant que Jésus n'est pas le vrai fils de Dieu. Philète est son disciple.
4. Saint Jacques convertit Philète.
Hermogène ayant envoyé son disciple à Jacques pour le convaincre, c'est l'inverse qui se produit. hermogène va être furieux.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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DEUXIÈME REGISTRE.
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5. Apparition du Christ à l'apôtre.
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6. Le Christ remettant le bâton à l'apôtre assis.
Le bâton, c'est le baculus, insigne qui confère à celui qui le porte un statut respectable. Il sera remis plus tard aux pèlerins de saint Jacques en même temps que la besace dans une cérémonie religieuse avec la formule Accipe baculum, "reçois le bâton". Cette formule est ici implicite. Le Christ confie à Jacques la mission de prêcher en Espagne.
Le même thème est traité sur la baie 05 de Chartres, panneau 3 :
Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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7. La prédication de saint Jacques.
On peut y voir la prédication de l'apôtre en Espagne, mais aussi celle qui eut lieu en Judée. Cette scène se retrouve sur la verrière de Chartres
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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8. Philète devant le saint.
Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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TROISIÈME REGISTRE.
9. Jacques convertit Hermogène.
10. Un soldat avertit Hérode Agrippa.
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11. Comparution de Jacques devant Hérode.
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12. Saint Jacques convertit et baptise après sa condamnation.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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QUATRIÈME REGISTRE.
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13. Saint Jacques est maltraité par les bourreaux .
L'un le frappe avec une massue et lui tire les cheveux, l'autre le bat et lui donne une gifle. Les bourreaux sont vêtus de chausses très ajustés et d'une tunique.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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ICI COMMENCE LA LÉGENDE DU PENDU DÉPENDU (PANNEAUX 14 À 22).
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Vous connaissez l'histoire ? Tant pis, je vous la remémore :
"Il est bon de transmettre à la postérité le souvenir de certains Allemands qui, en l’an 1090 de l’incarnation de notre Seigneur, se rendant en pèlerins sur le tombeau de saint Jacques, arrivèrent dans la ville de Toulouse avec beaucoup de moyens et se logèrent chez un riche aubergiste. " Miracle V du Livre des miracles de saint Jacques (XIIe siècle) . Du pèlerin pendu auquel saint Jacques porta secours pendant trente-six jours sur son gibet.
Trad. B. Gicquel, La légende de Compostelle, Paris, Tallandier, 2003, p. 478, pour ce passage et pour les citations suivantes. http://www.saint-jacques.info/castillon.htm
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14. Un jeune homme et ses parents partent en pèlerinage à Compostelle.
Les trois pèlerins tiennent un bourdon et portent une besace, celle du fils est marquée d'une croix pattée. Le père, en pèlerine rouge et scapulaire vert, est coiffé d'un chapeau blanc, la mère, en pèlerine jaune, est coiffée d'un touret sur une barbette nouée sous le menton. Le garçon, en tunique rouge et chausses, se coiffe d'un bonnet .
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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15. L'hôtelier cache une coupe d'or dans le sac du jeune homme endormi.
Cette besace se repère à sa croix, elle est placée, suspendue à un bourdon, à coté du petit sac dorée de madame. Papa a accroché son beau chapeau rouge.
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"Ce méchant, qui simulait sous un extérieur avenant la douceur d’un agneau, les accueillit avec sollicitude et, sous couvert d’hospitalité, les incita traîtreusement à s’enivrer en leur servant diverses boissons. Ô, avarice aveugle, ô, mauvais esprit enclin au mal ! Tandis que les pèlerins dormaient d’un sommeil encore alourdi par l’ivresse, l’hôte malhonnête, poussé par l’esprit de cupidité, cacha en secret dans l’un des sacs des dormeurs une coupe d’argent, afin de les convaincre de vol et de s’approprier ensuite leur pécule."
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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16. La famille a repris la route.
Dans la nuit, un peu de remue-ménage a fait que la couleur du bourdon du père s'est modifiée, de même que celle de la pèlerine de la mère, tandis que fiston a perdu son bonnet. Ou bien ils s'ont accompagné par des bagages qui les attendent à l'étape, et ils se changent chaque jour. Est-ce que je sais ?
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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17. La coupe d'or est découverte dans le sac du jeune homme.
Pourtant, ce n'est pas sa sacoche, mais le baise-en-ville de sa maman qu'il porte ici. O tempora, o mores !. Fermons les yeux sur ces broutilles pour ne pas perdre le fil narratif.
" Le lendemain, lorsqu’ils furent partis après le chant du coq, cet hôte inique les poursuivit avec une troupe armée, vociférant : « Rendez-moi, rendez-moi l’argent que vous m’avez dérobé ! » Ceux-ci lui répondirent : « Si tu trouves quelque chose sur l’un d’entre nous, tu n’auras qu’à le faire condamner. » On les fouilla, trouva la coupe dans le sac de l’un et, confisquant injustement les biens du père et du fils, on les traduisit tous les deux en justice."
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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18. Le jeune homme est pendu mais saint Jacques le soutient.
"Le juge cependant, avec une certaine indulgence, ordonna de libérer l’un et de conduire l’autre au supplice. Ô entrailles de miséricorde ! Le père, voulant libérer son fils, se rendit au supplice, tandis que le fils, au contraire, estimait injuste que son père perdît la vie pour son fils et que c’était au fils de subir la peine à la place de son père. Ô vénérable joute de bonté ! Finalement le fils est pendu à sa propre demande pour que son père soit libéré. Quant au père, il poursuit son chemin jusqu’à Saint-Jacques dans les pleurs et l’affliction. "
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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19. Ses parents, qui le croient mort, sont bien malheureux.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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20. Enfin libre ! Saint Jacques chevauche avec le jeune garçon en croupe.
Saint Jacques ne quitte jamais son bâton de marche, même lorsqu'il monte à cheval. Et comme c'est un apôtre, il reste pieds nus.
Le garçon, fort riche ou fort élégant, a encore changé de tenue : sac bleu, pèlerine jaune et chausses rouges.
Où vont-ils ? À la maison bien-sûr ! Qui c'est qui va être bien content ?
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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SIXIÈME REGISTRE.
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21 et 22 : l'enfant est rendu à ses parents par saint Jacques.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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21. Saint Jacques conduit l'enfant devant la porte de ses parents.
Saint Jacques a garé son destrier et encourage l'ex-pendu, qui a trouvé le temps de revêtir une tunique pourpre-fuchsia et des chausses fleur de soufre. Il semble hésiter à reprendre la vie de famille.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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22. Les parents sont agenouillés dans l'église de Compostelle et prient saint Jacques lorsque soudain on frappe à la porte. La maman se retourne.
Tout cela s'écarte un peu du texte de la légende, que je donne malgré tout :
"Après avoir été sur le vénérable tombeau de l’apôtre, le père prit le chemin du retour et, alors que trente-six jours s’étaient écoulés, fit un détour pour voir le corps de son fils encore pendu. Pleurant, gémissant et se plaignant à fendre le cœur, il disait : « Malheureux que je suis de t’avoir engendré ! Comment puis-je continuer à vivre en te voyant pendu ! » Comme tes œuvres sont magnifiques, Seigneur ! Le fils pendu console le père, lui disant : « Ne t’afflige pas, père très aimant, de mon châtiment, car ce n’en est pas un. Mais réjouis-toi plutôt, car ma vie est plus suave maintenant qu’elle ne l’a été dans toute mon existence passée. En effet, saint Jacques, me soutenant de ses mains, me réconforte avec plein de douceurs. » Entendant cela, le père se rendit en hâte à la ville et rassembla le peuple pour qu’il soit témoin d’un tel miracle de Dieu. Venant et voyant que le pendu vivait encore après un tel laps de temps, les assistants comprirent que l’insatiable cupidité de l’aubergiste était à l’origine de cette accusation et que sa victime devait son salut à la miséricorde divine. Cela a été fait totalement par le Seigneur et c’est admirable à nos yeux. Ils descendirent alors le pendu de son gibet en grand honneur. Quant à l’aubergiste, comme il avait démérité, un jugement unanime le condamna à mort et il fut pendu sur-le-champ. C’est pourquoi quiconque porte le nom de chrétien doit veiller très attentivement à ne pas tromper ses clients ni ses proches, de cette manière ni en quelque façon. Qu’il s’attache au contraire à témoigner aux pèlerins une bienveillance charitable et obligeante, afin de mériter la récompense de la gloire éternelle que Dieu leur donnera."
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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23. Papa, maman et leur fils repartent, dans un ordre inversé à celui de leur départ.
ICI SE TERMINE (bien) LA LÉGENDE DU PENDU-DÉPENDU.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
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24. La Décollation de saint Jacques.
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Baie 210 ou verrière de saint Jacques (3ème quart XIIIe ) , chœur de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, photographie lavieb-aile juillet 2015.
Au nord et au sud, la voûte est divisée en deux registres par une ligne médiane ponctuée de gros points noirs.
Au bas-coté sud, cette ligne sépare un registre latéral consacré à cinq scènes de la vie de saint Jacques, du coté du mur gouttereau, et un registre central, entre la nef et le bas-coté et rythmé par les arcatures, représentant 9 anges musiciens au dessus de nuages. La partie la plus occidentale a perdu son décor.
Au bas-coté nord, où le décor est perdu par endroits, la voûte est divisée par des compartiments peints en jaune en un registre périphérique du coté du mur, contenant des scènes diverses dont une Annonciation, et nous retrouvons sur le versant séparant le bas-coté de la nef principal les anges musiciens, au nombre de huit.
Le dessin est appliqué directement sur les planches du lambris, apprêtées ou non (je ne dispose pas du dossier technique de restauration (2001) et de l'analyse des pigments), à large et amples traits noirs, puis les habits, les ailes des anges et leurs instruments sont rehaussés à l'ocre jaune et rouge.
Je citerai Barral I Altet Javier qui écrivait en 1987 :.
"Les sources ne mentionnent pas souvent cet édifice, avec lequel on met en relation l'évêque de Saint-Pol-de-Léon (1428) et de Vannes (1433), mort en 1448, Jean Validire, originaire de Saint-Léon. On lui attribue habituellement la commande du décor de l'église Saint-Jacques sans que l'on puisse apporter d'autres preuves à cette attribution que le lieu d'origine de cette personnalité.
La chapelle Saint-Jacques est un édifice de plus de 20 m de long qui forme un grand rectangle divisé dans le sens de la longueur en trois nefs, dont la centrale double la largeur des latérales. Une très grande baie vitrée ouvre le chevet plat à l'est. Les murs intérieurs de l'édifice et les arcades brisées qui séparent les nefs étaient ornés de peintures murales. Des lambris peints couvraient les trois voûtes, depuis le mur de façade jusqu'au chevet. Cet ensemble exceptionnel qui combine les peintures murales, les lambris peints et les vitraux, dans un édifice au plan régulier et homogène, dénote probablement une exécution rapide. Nous connaissons l'état de cet ensemble au XIXe siècle grâce à un rapport de J. Geslin de Bourgogne qui apprit l'état de dégradation des toitures, des charpentes et des lambris en 1860. (J. Geslin de Bourgogne, Église Saint-Jacques à Saint-Léon, en Merléac, dans Bull, et mém. de la Soc. d'émul. des Côtes-du-Nord, II, 1865, p. 1-17. ). Malgré ce rapport, expédié au Ministère, et sans attendre la visite de l'architecte Lambert, la commune commença la démolition des toitures mais, ne possédant pas les ressources nécessaires pour continuer les travaux, l'édifice resta sans protection jusqu'à ce que Geslin de Bourgogne fasse démonter d'urgence les vitraux et les lambris. D'après le devis de l'architecte Lambert les toitures de la nef furent refaites entre 1864 et 1865, et les lambris refixés sur des planches neuves. Le classement de la chapelle intervint en 1908. L'état de conservation actuel de cet ensemble est très mauvais, notamment dans la nef principale et le bas-côté septentrional. L'humidité et l'absence d'entretien ont effacé presque complètement le décor qui nous est cependant connu dans ses grandes lignes grâce à la description de Geslin de Bourgogne. Les lambris mesurent en moyenne 1,50 m de long sur 0,15 m de large et sont fixés au centre et aux extrémités. La peinture est appliquée directement sur le bois sans aucune couche préparatoire, et souvent seuls les contours noirs des figures permettent d'apprécier la qualité du dessin qui posséda à l'origine une polychromie vive, dont on conserve des traces ocres, rouges et vertes.
[...] "La voûte, divisée dans le sens de la longueur, présente, au nord, huit anges blonds disposés par paires et, au sud, une série de tableaux rectangulaires dans lesquels se déroule l'histoire de Jacques. Celui-ci est vêtu en pèlerin avec sa tunique, son chapeau et le sac caractéristique garni d'une coquille. La synthèse iconographique des trois voûtes comprend quatre programmes différents : la Genèse, sur la nef principale, la légende de la Vierge et l'enfance du Christ, sur la voûte du bas-côté septentrional et la légende de Jacques le Majeur, sur le bas-côté méridional. L'ensemble était complété par le décor peint de la nef principale, aujourd'hui pratiquement perdu, mais qui comportait un cycle de la Passion figurant au moins les épisodes compris entre l'entrée à Jérusalem et la Résurrection. Dans l'état actuel de conservation de ce décor, il est difficile de proposer une date précise. Les peintures et les lambris de la nef principale appartiennent très vraisemblablement au xve siècle, tandis que ceux des nefs latérales ont certainement été repris au cours des siècles suivants."
Barral I Altet Javier. Décor peint et iconographie des voûtes lambrissées de la fin du Moyen Âge en Bretagne. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 131ᵉ année, N. 3, 1987. pp. 524-567; doi : 10.3406/crai.1987.14524 http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1987_num_131_3_14524
Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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LES 15 ANGES MUSICIENS.
Nous trouverons successivement :
Au sud
1 et 2 : anges jouant de la trompette.
3 et 4 : anges jouant de la flûte à bec
5 : ange joueur de timbales.
6. ange jouant d'un instrument non identifié
7. Trompette
8. Sacqueboute ou cornemuse ?
9. Trompette.
Au nord :
1 : non conservé
2 : Mandore
3. Vièle à archet.
4. non conservé
5. Guitare
6. Trompette marine ???
7. Vielle à roue.
8. Triangle.
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Note : j'ai trouvé de l'intérêt à comparer cet ensemble avec celui, sans-doute assez contemporain (vers la dernière décennie du XIVe ou 1er quart du XVe), de la chapelle du château de La Clayette en Bourgogne :
Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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1 et 2. Les deux anges jouant de la trompette.
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Les anges, nimbés, dotés d'ailes très longues et implantées très haut, sont vêtus d'une aube –bouffante à la taille sous l'effet d'une ceinture– , et d'un amict. Les carnations sont peintes en jaune grisâtre, les cheveux (remarquables car peignés à la diable comme des gerbes de paille) sont ocres à reflets roux. Le dessin est très expressif, les corps sont légers, naturels, enjoués, et les postures semblent inspirés de musiciens réels.
La seconde trompette se termine, comme une trompette bouchée, par un manchon cylindrique.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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3 et 4. Les deux anges jouant de la flûte à bec (ou hautbois ? ).
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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5. Ange jouant des timbales.
La paire de timbale est fixée à la ceinture par une sangle de tissu et les caisses sont frappées par des bâtons.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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6. Ange à instrument non identifié.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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7. Ange jouant de la trompette.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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8. Ange jouant d'un instrument coudé.
L'ange, vu de face, souffle dans un tuyau. Le dessin est perdu au niveau du tronc, puis nous retrouvons notre tuyau qui, après un raccord, se courbe en U. La main droite semble se diriger vers ce tube.
La main gauche est posée sur une autre partie. Enfin, sous l'aisselle gauche, un autre coude en U mais dont les bords ne sont pas parallèles.
J'ai pensé à une cornemuse ou à une sacqueboute.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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9. Puis venait un autre joueur de trompette.
On ne voit plus que le pavillon de son instrument.
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Les anges musiciens du coté nord.
De ce coté, les anges occupent des loges individuelles cernées d'un cadre jaune.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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1. 1er ange : non conservé.
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2 . L'ange joueur de mandore ou de luth.
L'instrument est ventru, en forme de demi-poire, à cinq cordes (visibles) et il est joué avec un plectre. La table est percée d'une rosace. Le cheviller rectangulaire aux chevilles non visibles, fait un angle droit avec le manche.
On comparera cet instrument, ainsi que le suivant à ceux qui figurent dans le tympan de la maîtresse-vitre (1402) de cette chapelle.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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3. Ange joueur de vièle à archet.
La vièle à archet (au tympan, j'avais opté pour le terme de rebec) est caché par le bras de l'ange, curieusement couronné, et nous ne voyons que le manche et la crosse formée par le cheviller avant de se terminer en tête de femme.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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4. Non conservé.
5. Ange joueur de guitare ?
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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6. Ange dont seul un tiers est conservé.
Je propose de voir l'extrémité supérieur d'une trompette marine.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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7. Ange joueur de vielle à roue.
On voit l'instrument suspendu au cou du joueur par une sangle, la manivelle actionnée par la main droite; peut-être le cordier, mais aucune touche. Le cheviller porte quatre chevilles.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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8. Ange joueur de triangle.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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LA LÉGENDE DE SAINT JACQUES. BAS-COTÉ SUD.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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1. La prédication de saint Jacques et la conversion de Philétus devant la foule.
Saint Jacques est tête nue ; il se reconnaît à la coquille placée sur l'épaule. Il est monté sur une estrade, derrière une barre. Prêche-t-il en Espagne, ou en Judée, à la Synagogue, devant les Juifs ?
En face de lui un homme (?) debout argumente (gestes d'argumentation). Est-ce Philétus ?
"Saint Jacques, apôtre, fils de Zébédée, après l'ascension du Seigneur, prêcha en Judée et dans le pays de Samarie ; il vint enfin en Espagne, pour y semer la parole de Dieu ; mais comme il voyait que ses paroles ne profitaient pas, et qu'il n'y avait gagné que neuf disciples, il en laissa deux seulement pour prêcher, dans le pays, et il revint avec les autres en Judée. Cependant maître Jean Beleth dit qu'il ne convertit qu'un seul homme en Espagne.
Pendant qu'il prêchait en Judée, la parole de Dieu, un magicien nommé Hermogène, d'accord avec les Pharisiens, envoya à saint Jacques un de ses disciples, nommé Philétus, pour prouver à l'apôtre que ce qu'il annonçait était faux. Mais l'apôtre l'ayant convaincu devant une foule de personnes par des preuves évidentes, et opéré en sa présence de nombreux miracles, Philétus revint trouver Hermogène, en justifiant la doctrine de saint Jacques : il raconta en outre les miracles opérés par le saint, déclara vouloir devenir son disciple et l'exhorta lui-même à l'imiter."
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Au pied de l'estrade, on voit trois bâtons et un objet cylindrique, sans-doute un bassin.
L'assistance est composée de femmes, coiffées pour trois d'entre elles de chapeau noués sous le menton. La coiffure de la dernière est remarquable.
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Comparer avec la scène équivalente de la maîtresse-vitre :
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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2. Scène difficile à interpréter. Philetus et cinq personnages.
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À gauche, un homme vêtu d'une robe grise sur des chausses rouges et coiffé d'un long chaperon tient la hampe d'un ustensile qui se termine par un cylindre. De la main droite, il tient un bâton, dont il frappe peut-être la hampe. Il fixe du regard et dirige ses pas vers un groupe de cinq personnes, qui le regardent aussi, mais qui partent dans la direction opposée, qu'ils désignent de la main.
Les bâtons, et l'objet cylindrique, rappellent ceux qui se trouvaient devant l'estrade dans la première scène. Et la tenue vestimentaire est la même que celle de celui que j'ai assimilé à Philetus,
Les cinq personnes (cinq hommes ?) sont vêtus de la même façon que Philetus, d'une robe, de chausses rouges, et sont coiffés pour la plupart de chaperons. Mais l'un d'eux, en noir, a des grandes oreilles, comme un diable.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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3. Saint Jacques exorcisant Hermogène.
Jacques porte ici tous les attributs qui permettent de l'identifier : Le nimbe, la barbe et les pieds nus le caractérisent comme apôtre, tandis que le bâton (le bourdon), le chapeau à larges bords frappé d'une coquille, la pèlerine et la besace lui font revêtir la tenue des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle.
Un diable rouge (aux oreilles pointues) lui présente, tenues par une corde, trois personnages, qui se prosternent à genoux, presque à plat ventre.
Il est tentant d'identifier les membres de l'assistance de la prédication, mais l'iconographie développée depuis le XIIIe siècle conduit à reconnaître là la scène de l'exorcisme du mage Hermogène. On la comparera au panneau B6 de la verrière de Chartres.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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4. Saint Jacques prêchant à Hermogène, amené lié par un diable .
Un diable conduit Hermogène ligoté devant saint Jacques, qui lui prêche la bonne parole. En noir, derrière le magicien, ce serait Philetus. Pourtant, Hermogène est ici vêtu comme Philetus des scènes 1 et 2. J'y perd mon petit latin .
Voici le texte de la Vie de saint Jacques selon Jacques de Voragine, "traduit" par l'abbé Roze en 1900. Voyons comment vous allez vous y retrouver ! :
"Pendant qu'il prêchait en Judée, la parole de Dieu, un magicien nommé Hermogène, d'accord avec les Pharisiens, envoya à saint Jacques un de ses disciples, nommé Philétus, pour prouver à l'apôtre que ce qu'il annonçait était faux. Mais l'apôtre l'ayant convaincu devant une foule de personnes par des preuves évidentes, et opéré en sa présence de nombreux miracles, Philétus revint trouver Hermogène, en justifiant la doctrine de saint Jacques : il raconta en outre les miracles opérés par le saint, déclara vouloir devenir son disciple et l'exhorta lui-même à l'imiter.
Mais Hermogène en colère, le rendit tellement immobile par sa magie qu'il ne pouvait remuer un seul membre : "Nous verrons, dit-il, si ton Jacques te déliera." Philétus informa Jacques de cela par son valet, l'apôtre lui envoya son suaire et dit : "Qu'il prenne ce suaire et qu'il dise : "Le Seigneur relève ceux qui sont abattus ; il délie ceux qui sont enchaînés (Ps. CXLV)." Et aussitôt qu'on eut touché Philétus avec le suaire, il fut délié de ses chaînes, se moqua des sortilèges d'Hermogène et se hâta d'aller trouver saint Jacques.
Hermogène irrité convoqua les démons, et leur ordonna de lui amener Jacques garrotté avec Philétus, afin de se venger d'eux et qu'à l'avenir les disciples de l'apôtre n'eussent plus l'audace de l'insulter. Or, les démons qui vinrent vers Jacques se mirent à hurler dans l'air en disant : "Jacques, apôtre, ayez pitié de nous ; car nous brûlons dès avant que notre temps soit venu." Saint-Jacques leur dit : "Pourquoi êtes-vous venus vers moi ?" Ils répondirent : "C'est Hermogène qui nous a envoyés pour vous amener à lui, avec Philétus ; mais à peine nous dirigions-nous vers vous que l'ange de Dieu nous a liés avec des chaînes de feu et nous a beaucoup tourmentés." "Que l'ange du Seigneur vous délie, reprit l'apôtre; retournez à Hermogène et amenez-le moi garrotté, mais sans lui faire de mal."
Ils s'en allèrent donc prendre Hermogène, lui lièrent les mains derrière le dos et l'amenèrent ainsi garrotté à saint Jacques, en disant : "Où tu nous as envoyés, nous avons été brûlés et horriblement tourmentés." Et les démons dirent à saint Jacques : " Mettez-le sous notre puissance, afin que nous nous vengions des injures que vous avez reçues et du feu qui nous a brûlés." Saint Jacques leur dit : "Voici Philétus devant vous, pourquoi ne le tenez-vous pas ?" Les démons répondirent : "Nous ne pouvons même pas toucher de la main une fourmi qui est dans vôtre chambre." Saint Jacques alors dit à Philétus . "Afin de rendre le bien pour le mal, selon que J. C. nous l'a enseigné, Hermogéne vous a liés; vous, déliez-le."
Hermogène libre resta confus et saint Jacques lui dit : "Va librement où tu voudras ; car nous n'avons pas pour principe de convertir quelqu'un malgré soi."
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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5. L'exorcisme d'Hermogène par saint Jacques.
Nous ne voyons que la moitié gauche du panneau, avec quatre diables nus qui quittent les lieux, mais là encore, l'iconographie rattache cela à la scène d'exorcisme, où les démons chassés quitte le corps et l'esprit du magicien. C'est ce qui est représenté dans la maîtresse-vitre.
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Voûte lambrissée du bas-coté sud, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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LES SCÈNES DU BAS-COTÉ NORD.
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1. L'Annonciation.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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2. Procession avec un saint évêque et une sainte.
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Voûte lambrissée du bas-coté nord, chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile octobre 2017.
Cette plaque de cocher est fixée sur le muretin d'une bande de terre à l'intersection de la route D35 venant de La Martyre en direction de Le Tréhou, au lieu-dit Ty-Croaz (ou Lanviguer) à l'intersection avec la départementale D764. Ce n'est évidemment pas son emplacement d'origine.
En breton, Ty-Croaz peut se comprendre comme "la maison près de la croix", mais aussi comme "la maison près du croisement". J'ai déjà étudié ce toponyme à propos de la croix de Ty-Croas à Dirinon. Comme la plupart des croix sont placées à des embranchements de chemin, et qu'ils fonctionnaient comme des amers de navigation vicinale, les deux acceptations de sens du toponyme sont souvent confirmés sur place.
C'est bien le cas à Ty-Croaz de La Martyre, où nous trouvons une maison (et même un hameau), un croisement, et une croix. Néanmoins, les cartes anciennes indiquent "Lanviguer" et non "Ty-Croaz", et c'est ce nom (dérivé de Lann, "lande"?) qui est employé dans les écrits anciens. C'est ce toponyme qui est indiqué dans les actes civils d'Yves Cessou, Marie Cessou, Marguerite Rogues, Marie Le Guen, au XVIIIe siècle ou Jean Guillou au XIXe.
Je note que dans le premier dictionnaire breton-français, le Catholicon, (ici p. 63) Croaz est mentionné par un item géographique, Croashent, littéralement 'le croisement de chemin" avec la traduction "carrefour, ensemble de plusieurs voies, alors que le sens chrétien est renvoyé au mot crucifiaff.
Le carrefour de Ty-Croaz est donc situé à l'intersection des départementales D764 et D35. On les visualise bien en rouge et blanc sur ce "scan historique de 1950".
La Départementale D764 La-Roche-Maurice/Sizun//Ty-Douar (Commana) /La-Feuillée/Carhaix suit le trajet de la Route Nationale n°164 de Brest à Angers, déjà présentée à son passage à Landerneau, mais signalée aussi à La Martyre (carrefour du Queff) . Elle suit une direction générale ouest-est. La Route royale Landerneau-Carhaix est indiquée sur la carte de Cassini de la fin du XVIIIe e t passe par le lieu-dit Lanviguer.
La Départementale D35 Plouescat/Plouzévédé/Plougourvest/Landivisiau/La Martyre/ Le Tréhou / Saint-Eloy/ suit une direction générale Nord-Sud. Elle dessert la zone toilière du Léon consacrée à la culture, la transformation du lin et du chanvre et à la commercialisation des toiles dites "crées" exportées depuis Roscoff.
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La plaque émaillée, fraîchement repeinte, porte les indications suivantes :
CHEMIN DE GRANDE COMMUNICATION N°3.
LA MARTYRE ----->1 km 947.
Station de LANDIVISIAU ----> 11km 927.
LE TREHOU <---- 4Km 886
ST ELOY <----- 8 km 881.
La Station de Landivisiau est bien-sûr celle de la ligne ferroviaire, mentionnée en 1864 par Pol de Courcy ainsi : "La station de Landivisiau dessert la commune de Ploudiry, chef-lieu de canton, à 8 kilomètres au sud, et celle de la Martyre, limitrophe de Ploudiry, où se tient, le deuxième lundi de juillet, la plus importante foire de chevaux de tout le Finistère.". Elle a été mise en service en 1865.
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Plaque de cocher de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Plaque de cocher de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Un carrefour sur un ancien chemin gaulois ?
Le chemin en question a été étudié par André Croguennec dans sa portion entourant Pont-Christ. Il cite l'article de Stephane Le Pennec : Voies et habitats antiques au sud et à l'est de l'Elorn (BSAF 1995 p. 117 à 133).
Il faut signaler le tracé d'une voie de direction nord-sud venant de Kerilien et se prolongeant vers La Martyre, le Trehou et Saint-Eloi (n° 11). En fait, elle se détache de l'axe Carhaix-Plougerneau à proximité de Bellevue en Saint-Derrien puis traverse la commune de Plouneventer en passant par Clezever et Kerdannoc. Au-delà, elle s'infléchit vers le sud-est et rejoint Pont-Christ où elle franchit l'Elorn. [...]
Au bourg de La Martyre, tandis que s'écarte vers le sud-ouest un itinéraire desservant la presqu'île de Plougastel-Daoulas (n° 13), nous empruntons la D35 jusqu'au nord de Ty-Croaz. A cet endroit, il s'en séparait, croisait la voie Carhaix-Landerneau (n° 3) et prenait la direction de Roudouguenvez où il franchit le ruisseau de la Boissière. Au Trehou, on peut penser que son tracé correspond à celui de la D35 filant vers Saint-Eloi. Au-delà R. Sanquer et P. Galliou proposaient un prolongement vers Quimerc'h et l'embouchure de l'Aulne et ajoutaient : "Elle ne semble pas correspondre au réseau romain et pourrait dater de l'époque gauloise."
En fait, on peut se demander si, au nord de Saint-Eloi, il n'y avait pas une patte d'oie antique qui séparait cet itinéraire joignant les environs de Kerilien et la voie se dirigeant vers Landerneau. La réintroduction partielle de celle-ci (n° 9), dans une première liaison gallo-romaine vers Le Faou et Quimper, pourrait montrer qu'il s'agit de deux branches contemporaines, issues d'un axe préromain mettant probablement en relation les environs de Pleyben d'un côté et le centre (Kerilien) et le nord-ouest du Leon (Landeda) de l'autre. "
André Croguennec illustre son article de la carte des voies antiques au sud et à l'est de l'Elorn, de Stéphane Le Pennec. On y repérera, entre La Martyre et Le Tréhou, le croisement avec la voix Landerneau-Carhaix (n°3).
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Des voies anciennes jalonnées par des croix.
La commune de La Martyre compte 13 calvaires, recensées dans l'Atlas des croix et calvaires du Finistère (en ligne) et regroupés sur cette carte. Quatre sont placées sur l'actuelle D764 (Ty-Croaz, Rosquervel, Poulbroch et Le Kerff). Deux autres sont sur la D87 (Kerlavarec, vers 1630, er Croas-ar-Born, datée de 1520).
Il est placé, par rapport à notre plaque de cocher, de l'autre coté de la D764. Haut de 4,50 m, il élève son fût à pans, son croisillon recevant deux statues géminées (à deux personnages fusionnés dos à dos) et son crucifix.
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Calvaire de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Calvaire de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Il a perdu son orientation (où le Christ fait face à l'ouest), et le groupe principal est tourné vers le nord-est.
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Calvaire de Ty-Croaz (kersanton, 1565) à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Sur le culot droit du croisillon, la Vierge, mains jointes, tête couverte par un voile, épaules protégées par un scapulaire.
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La Vierge, kersanton, 1565, Calvaire de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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De l'autre coté, saint Jean
tenant le pan de sa cape de la main gauche. Robe plissée serrée par une ceinture.
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Saint Jean, kersanton, 1565, Calvaire de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Le coté opposé (en contre-jour).
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Calvaire de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Saint François d'Assise présentant ses stigmates.
en robe de bure à scapulaire, serrée par la cordelière à trois nœuds.
Saint François kersanton, 1565, Calvaire de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Sainte Claire d'Assise.
fondatrice de l'ordre des Clarisses, sur le modèle des ordres mineurs ou franciscains. Je ne peux distinguer ce qu'elle tient sur une sorte de plateau.
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Sainte Claire, kersanton, 1565, Calvaire de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Le soubassement à deux degrés porte un socle où sont sculptées les dates de 1565, de 1872 et de 1950.
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Calvaire de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
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Calvaire de Ty-Croaz à La Martyre (29). Photographie lavieb-aile octobre 2017.
Les vitraux de la Sainte-Chapelle de Bourges (vers 1395-1400) reposés dans la crypte de la cathédrale. Sibylle, Apôtres et Prophètes par André Beauneveu (v.1335-1400) sous le mécénat de Jean de Berry.
Comme l'a chanté Claude François, "c'est curieux l'existence", et c'est bien vrai. J'avais travaillé une longue semaine sans jours fériés à tenter de décrire les vitraux de l'ancienne Sainte-Chapelle de Bourges (ou du moins les 20 lancettes qui nous en restaient) parce que j'avais besoin de consulter les images des visages des personnages pour préciser le style d'André Beauneveu leur auteur, ou de me renseigner sur le fonds damassés employés, ou de compléter ma collection d'œuvres traitant du Credo apostolique. Chacun ses loisirs, non ? Or, je n'avais trouvé aucune photographie valable en ligne. Ni description spécialisée, puisque le volume du Corpus Vitrearum traitant de Bourges date de 1981, avant la repose dans la Crypte des vitraux restés en caisse depuis 1939.
J'avais pris rapidement quelques clichés lors de l'une de ces visites guidées de la crypte de la cathédrale, dans lesquelles il est convenu que vous suiviez le groupe et que vous écoutiez l'exposé qui vous est fait. Traversant les froides salles voûtées sans vouloir courir le risque d'y être abandonné, m'étonnant de voir surgir une paire de fesses (cf. photo), puis m'intéressant au tombeau de marbre blanc de Jean de Berry, les pieds posés sur son ours fétiche (bear en anglais, comme Berry), je shootais au plus vite les verrières que je découvrais dans le dos de la conférencière avant de courir reprendre ma place dans les rangs.
Ce sont ces photos du bonheur la chance que j'avais retrouvées dans mes archives pour combler, pour mes contemporains, ce manque manifeste d'informations sur les vitraux de ce qui fut un véritable joyau du tout début du XVe siècle.
Lorsque ce fut achevé, je découvris la série complète des photos, agrandissable à volonté, présente sur le site Regards des Monuments nationaux.
Et enfin, je retrouvais l'ouvrage de Des Méloizes, que j'avais pourtant acquis le jour même de ma visite. La description de ces vitraux "conservés dans la cathédrale souterraine" m'y attendait, avec le sourire ironique des pages 21 à 24.
Le coup de grâce fut donné par les planches en couleur V, VI et VII du même ouvrage, où chaque baie était dessinée et peinte avec une précision qu'aucune photographie ne pourrait égaler. Même les fonds damassés, surtout les fonds, avaient retenu l'attention méticuleuse et passionnée du marquis Des Méloizes !
Mais Cloclo continuait sa chanson :
C'est curieux, l'existence, quelques-uns ont de la chance Et d'autres ont perdu d'avance, c'est comme ça depuis toujours, oh oui.
Tant pis, roule toujours. Oh oui.
Mais savez-vous que le marquis avait failli laisser sa vie dans cette aventure à la poursuite de sa marotte ? Le jour où il était tombé de l'échafaudage sur lequel il s'était perché pour faire les calques qui lui servirent ensuite à exécuter ses dessins. Merci à lui car le résultat est très précieux.
La la la... La la la... C'est vraiment un drôle de jeu, la vie, drôle de jeu dangereux, oh oui.
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Je n'ai plus qu'à donner d'avance les conclusions de mon étude :
–Du vaste programme à 48 personnages présenté initialement dans les verrières de la Sainte-Chapelle construite dès 1391 et consacrée en 1405, nous ne gardons que 20 personnages répartis sur 10 baies.
–La disposition initiale qui devait comporter un Credo apostolique et prophétique à 12 apôtres et 12 prophètes, chacun portant un phylactère l'article ou le verset qui lui est propre, thème cher à Jean de Berry et à son surintendant artistique André Beauneveu, est totalement perdue sous le jeu des bris, pertes et recompositions de ces vitraux.
– Aucun personnage n'est identifiable par un attribut ou un phylactère, avec une certitude absolue. On identifie avec une forte présomption une Sibylle, le prophète Isaïe, et l'apôtre Jean. En partant du principe que les apôtres sont figurés pieds nus et tête nue, on en compte 15, soit 3 de plus que le nombre canonique. Et selon le principe analogue que les Prophètes sont barbus, coiffés d'un bonnet, et ont les pieds chaussés, on en dénombre 4. Le site des Monuments nationaux trouve parmi eux 2 Pères de l'Église, selon des critères que j'ignore.
– 5 phylactères sont conservés. Un seul texte appartient au corpus du double Credo, celui qui permet d'identifier Isaïe. 2 phylactères portent le même verset du psaume 31, mais leur titulaire n'est nullement un roi David convaincant. Un autre porte un verset du psaume 101. Un phylactère annonçant la conception du Verbe par une vierge identifie sa titulaire à la Sibylle (de Cumes ou de Tibur).
– Les visages et coiffures sont suffisamment conservés pour permettre une étude stylistique et tenter d'y reconnaître la participation et l'art d'André Beauneveu, auteur de 24 enluminures des Apôtres et Prophètes du Psautier de Jean de Berry, mais aussi des statues des mêmes personnages jadis en place sous les vitraux. Ou de servir de base de données pour d'autres comparaisons.
– La présence de fonds damassés d'une richesse et d'une préciosité fabuleuses est pour moi l'aspect le plus fructueux de l'examen de ces verrières. Mais ces fonds n'apparaissent que sous la forme de minces languettes verticales entre les personnages et l'architecture, sauf autour des parties supérieures des dais. Ils se distinguent mal sur les verres rouges, toujours plus sombres. La mise au point et le centrage de mes photographies n'ayant pas été réglés sur ces dessins de damas, je ne peux rendre suffisamment compte de leurs motifs. Mais les planches en couleurs relevés par calques par Des Méloizes permet d'y palier et de révéler leur intérêt considérable. La comparaison avec les fonds de la cathédrale de Quimper m'en a convaincu, et la poursuite de ces comparaisons avec d'autres verrières du XVe siècle est une perspective très excitante.
Même s'il s'avère, une fois fini, parfaitement superflu, cet article m'a bien fatigué : on voudra bien en pardonner les étourderies et les bavures.
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Et maintenant, en avant la visite.
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La descente vers la crypte. La guide a refermé les grilles derrière nous. Photo lavieb-aile 2014.
Un des culots des arcades ogivales, en descendant vers la crypte. Photo lavieb-aile 2014.
Dans la crypte : le gisant de Jean de Berry. Photo lavieb-aile 2014.
Dans la crypte : l'ours de Jean de Berry. Photo lavieb-aile 2014.
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INTRODUCTION.
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a) Le Psautier de Jean de Berry et le Credo apostolique et prophétique.
En 1380-1400, l'artiste André Beauneveu (Valencienne vers 1335-vers 1400 à Bourges) réalisa pour le Psautier du duc Jean de Berry 24 miniatures à pleine page représentant des prophètes et des apôtres se faisant face et accompagnées de phrases en latin et en français. Les figures, peintes en grisaille sur des trônes très élaborés, constituent un Credo apostolique et prophétique, où douze prophéties tirées de l'Ancien Testament sont mises en parallèle avec les douze articles du Credo, présentés chacun par l'un des douze apôtres. En effet, depuis un sermon alors attribué à saint Augustin, il était admis que chaque article avait été inspiré lors de la Pentecôte par le Saint-Esprit à chaque apôtre. Ainsi, un verset attribué à Jérémie Patrem invocabitis qui fecit et condidit coelos répond à ou annonce le premier article tenu par saint Pierre Credo in Deum Patrem omnipotentem creatorem celi et terra.
Jérémie, : Patrem invocabitis qui terram fecit et condidit celos. Le pere vous apeleres qui a fet le chiel et la terre. folio 7v. Associé à saint Pierre et au 1er article
David : Dominus dixit ad me : Filius meus es tu (Psalm. 2, 7). Le Seigneur ma dit : Tu es mon fix. Folio 9v. Associé à André, 2ème article.
Isaïe : Ecce virgo concipiet et pariet filium (Isaïe, 7, 14). Vechy une vierge qui conchevra et un fix enfentera. Folio 11v . Associé à Jacques + et au 3ème article.
Zacharie : Aspicient in me Deum suum quem confixerunt (Zach. 12, 10). En moi regarderont leur Dieu lequel cruchefièrent.. Folio 13v. Associé à Jean et au 4ème article.
Osée : O mors, ero mors tua, morsus tuus ero, inferne (Osée, 13, 14), Mors, tu es trop dure; enfer, par moy sera mors. Folio 15v. Associé à [Philippe]? et au 5ème article.
Sophonie : Invocabunt omnes nomen Domini et servient ei. Tous l'apeleront et bien le serviront. (So.3, 9) Folio 17v. Associé à ? (épée) et au 6ème article.
Joël : Effundam de spiritu meo super omnem carnem (Joel. 2, 28). Sur tous je donray de mon esprit, folio 19v. Associé à Philippe? (croix) et au 7ème article
Malachie : Accedam contra vos in judicio, et ero testis velox (Malach. 3, 5). Contre vous en jugement je venray comme tesmoign apert. Folio 21v. Associé à Barthélémy ? (couteau) et au 8ème article. Amos : Ipse est qui edificat ascensionem suam in celo (Amos, 9, 6). Ch'est cheluy qui edefie ou chiel son assencion. Folio 17v. Associé à Matthieu ? (lance) et au 9ème article.
Daniel : Evigilabunt omnes, alii ad vitam, alii ad obprobium (Dan. 12, 2), Tous se resvelleront, lez uns en gloere, lez autres en obprobre. Folio 25v. Associé à Simon et au 10ème articleRemissionem peccatorum
Ezéchiel : Educam de sepulcris tuis, popule meus (Ezéch. 37, 12). Je remueray mon pueple hors de vos sepulcrez. Folio 27v. Associé à Jude Thaddée et au 11ème articleCarnis resurrectionem .
Michée (mais attribué à Malachie par les manuscrits anciens) : Deponet Dominus omnes iniquitates nostras (Mich. 7, 19). Toutes nos iniquités il ostera. Folio 29v. Associé à Mathias et son 12ème article.
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Ce thème iconographique avait déjà été représenté vers 1323-1326 par les enluminures de Jean Pucelle pour le Bréviaire de Belleville (mutilé). Il est repris dans les Grandes Heures de Jean de Berry.
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b) Les Grandes Heures de Jean de Berry ( 1409) et le Credo apostolique et prophétique.
A la différence du Psautier, les couples Prophète/Apôtre ne sont pas en pleine page, mais ils occupent, exactement comme le Bréviaire de Belleville, la partie inférieure droite des douze pages du calendrier. Les noms des prophètes et des apôtres sont indiqués (ce n'est pas le cas dans le Psautier). Leur association participe à un scénario dans lequel, de janvier à décembre, du 1er au 12ème article, les prophètes démolissent pierre par pierre un édifice qui s'écroule : la Synagogue. Dans la partie supérieure gauche de la page, l'Église tenant l'étendard du ressuscité est solidement abritée dans la forteresse de la Foi sous l'effet des citations des épîtres de saint Paul. Les apôtres sont pieds nus et les prophètes chaussés... de poulaines. Si la Notice indique que "le manuscrit présente aujourd’hui 24 miniatures d’allégories bibliques dans le calendrier et 28 miniatures illustrant le texte. Trois artistes ont collaboré à la décoration subsistante : le pseudo-Jacquemart (Jacquemart de Hesdin pour A. Châtelet), le Maître de Boucicaut et le Maître du duc de Bedford", on constate néanmoins la proximité du portrait des prophètes avec ceux du Psautier.
La liste des personnages et de leur verset est la suivante :
"Jérémie" tenant Patrem invocabitis ... + Pierre et le 1er article
David tenant Ps. 2:7 + André et le 2ème article
Isaïe tenant Is 7:14 + Jacques le Majeur et le 3ème article
Zacharie tenant Zach. 12:10 + Jean l'évangéliste et le 4ème article
Osée tenant Osée 13:14 + Thomas et le 5ème article descendit ad inferna
Amos avec Amos 9:6 + Jacques le Mineur et le 6ème article
Sophonias avec le verset Malachie 3:5 + Philippe et le 7ème article
Joël avec Joel 2:28 + Barthélémyet le 8ème article
En 1372, Jean de Berry, avait reçu de son frère Charles V deux morceaux de la Vraie Croix, découpés de la propre main du roi sur la relique de la Sainte-Chapelle de Paris. Il en déposa un au trésor de Riom et l'autre à celui de Bourges avant de faire entreprendre par Guy de Dammartin la construction de deux Sainte-Chapelles attenantes à ses palais de Bourges et Riom (comme, à Paris, la Sainte-Chapelle est attenante au Palais-Royal).
Les premiers vitraux de la Sainte-Chapelle de Riom n'ont pas été conservés, mais ceux qui les ont remplacés, vers 1450, offerts par le petit-fils de Jean de Berry Charles de Bourbon, comportent un Credo apostolique et prophétique ... inspiré peut-être par les premières vitres.
Les treize baies de la Sainte-Chapelle du palais ducal de Bourges avait reçu des vitraux conçus sous la direction et en partie peints par André Beauneveu sur le même thème du "Double Credo", mais les deux fois douze personnages du Psautier étaient complétés par vingt-quatre autres. De ces quarante-huit personnages, seuls vingt ont été récupérés aujourd'hui, et reposés depuis 1986 dans la crypte de la cathédrale de Bourges. Parmi ceux-ci, quinze "Apôtres", quatre Prophètes et une Sibylle. Le nombre excessif des Apôtres montre bien que les identifications de personnages qui n'ont ni attribut, ni dénomination ni article du Credo (aucun n'est retrouvé), basées seulement sur leur tête et leurs pieds nus, est très hypothétique. Par contre, la présence d'une Sibylle montre que la préoccupation typologique a été élargie, cherchant à montrer que le Saint-Esprit a inspiré non seulement les Apôtres lors de la Pentecôte et les Prophètes dans le temps vétérotestamentaire, mais aussi les prophétesses de l'Antiquité païenne.
Il est notable que le duc Jean de Berry avait imposé au chapitre de la Sainte-Chapelle " Sa vie durant, pour lui, une messe solennelle du Saint-Esprit, le premier jour de chaque mois. Le 16 décembre, une messe du Saint-Esprit sa vie durant, qui devait être changée en un anniversaire solennel après sa mort.". Il serait intéressant de se pencher sur l'importance de l'Esprit-Saint dans le choix des commandes artistiques du duc.
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L'Annonciation des Heures d'Étienne Chevalier par Jean Fouquet (entre 1452 et 1460) : le décor en serait la Sainte-Chapelle de Bourges. La disposition des douze baies latérales de 16,50 m de haut au dessus d'une statue, et de la baie d'axe au dessus de la statue de Moïse, est bien visible
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PRÉSENTATION .
L'article de 1986 dans le Bulletin Monumental juste après la repose:
"La crypte de la cathédrale date de la première campagne de construction de l'édifice au XIIe siècle. Elle est construite sur le rempart gallo-romain, dénivellée de 6 mètres par rapport au niveau du sol, d'où la présence de douze baies. Cette crypte reprend le plan du niveau supérieur du chevet de la cathédrale. Les dispositions anciennes ont été modifiées lors de la restauration de 1905 (dirigée par l'architecte diocésain Paul Boeswilwald), mais on sait d'après les textes d'archives qu'il n'y avait sans doute ni vitraux iconographiques, ni autels dans la crypte, avant le XVIIIe siècle.
C'est dans les douze baies de la crypte que furent reposés récemment les vitraux provenant de la Sainte Chapelle détruite au XVIIIe siècle. Cette chapelle, élément essentiel du Palais du Duc, était située à quelques centaines de mètres de la cathédrale, à l'emplacement de l'actuelle Préfecture qui a englobé les restes du Palais dont l'ancienne grande salle subsiste, appelée encore « Salle du Duc Jean ». Chapelle reliquaire, destinée à recevoir un fragment de la Vraie Croix, vouée à la sépulture du Prince, la Sainte Chapelle de Bourges fut construite en 1391 sur le modèle de la Sainte Chapelle de Paris. Ses dispositions sont connues par des documents figurés anciens. Elle était éclairée par deux séries de vitraux superposés, l'une représentant, entre autres, les Apôtres, l'autre, les Prophètes, et qui garnissaient ses treize baies, composées selon deux groupes de soixante-cinq lancettes géminées. Ces vitraux étaient l'œuvre d'André Beauneveu, peintre et sculpteur, à qui Jean de Berry confia également le décor de la Sainte Chapelle de Riom. Incendiée au XVIIe siècle, la Sainte Chapelle sera de nouveau sinistrée en 1756. L'Archevêque et le Chapitre de Bourges en obtiendront la démolition dès 1757, démolition qui durera dix ans ; le mobilier, dont les vitraux, leur étant dévolu. Dès cette date, les vitraux garnissaient les douze baies de la crypte de la cathédrale à raison de quatre personnages par baie. Ils se trouvaient donc dans la crypte à la Révolution. A la reprise du culte en 1804, seuls vingt des quarante-huit personnages subsistaient. Ils furent disposés à nouveau dans les baies de la crypte [par Thévenot en 1839] à raison de quatre par baie ; cinq baies furent alors garnies selon une disposition qui demeurera jusqu'à la dépose préventive de 1939. Les vitraux restèrent en caisse dans la crypte de la cathédrale jusqu'en 1982, date à laquelle on envisagea d'entreprendre le chantier de repose définitive. La repose des vitraux de Beauneveu, étudiée dès 1950, fut fondée sur les études que M. Louis Grodecki avait pu faire à partir des notes laissées par M. Gauchery, architecte des Monuments historiques du Cher.
Sur les vingt personnages, douze sont des Apôtres reconnaissables à leur tête et leurs pieds nus, huit sont des Prophètes, barbus. Par ailleurs, les personnages sont soit représentés devant des niches ouvertes surmontées de grands pignons, soit dans des niches fermées à petits pignons. D'autre part, on peut penser que l'orientation de leur regard devait correspondre à la direction de l'autel de la Sainte Chapelle. Aux incertitudes iconographiques que ces quelques données laissaient subsister ne serait-ce que parce que le nombre de baies originales (65) laissait ouvertes les hypothèses sur les autres personnages (Saints, Docteurs de l'Église), s'ajoutait le problème de la présentation des vitraux du XVe siècle sur des fonds modernes. Dès 1950, des essais avec maquettes et panneaux-échantillons furent réalisés et confrontés in situ en 1978. Leur témoignage illustre bien l'évolution du goût et des doctrines, vers la simplification dictée par un souci de modestie dans le rendu si délicat de la « vitrerie d'accompagnement ». Après 1978, une dizaine d'autres essais sont faits et en 1982, c'est à M. Jean Mauret que sera confié le chantier qui commencera en 1983. Au travail de création de la vitrerie, s'ajouta bien sûr celui de la restauration des vitraux originaux que leur séjour de près de quarante ans en caisse n'avait pas préservé de l'humidité et des micro-organismes préjudiciables aux grisailles si raffinées qui font leur caractéristique. "(C. di Matteo.)
Restaurations (selon le Corpus Vitrearum).
Guillaume Le Vieil intervint pour remplacer plusieurs têtes au début du XVIIIe. Francis Chigot (Limoges 1879 - 1960) restaura au XXe siècle les panneaux parvenus jusqu'à nous.
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Les figures sont debout sous un grand dais architectural, dont les montants sont à l'avant-plan des personnages. Le Corpus de 1981 (avant la repose) décrivait 5 baies d'une lancette, mesurant 3,00 m de haut sur 2,30 m de large avec quatre personnages, des apôtres (pieds nus) ou des prophètes (barbus, têtes couvertes), portant parfois un phylactère.
La disposition des personnages profondément enfoncés à l'intérieur d'une niche, voire même derrière un pilier, est peut-être inspirée par le soubassement du tombeau du duc de Berry (Jean de Cambray entre 1405 et 1416), tel qu'il a été dessiné dans l'article de Gauchery 1919 planche VIII : 44 ou 45 pleurants encapuchonnés sont placés sous des dais architecturés très semblables à ceux des verrières. Une disposition analogue au tombeau de Philippe le Hardi, frère de Jean de Berry, réalisé en 1381-1410 par Jean de Marville, Claus Sluter et Claus de Werve.
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La baie 2. Sibylle et Prophète dans un cadre architectural.
Provenant de la Sainte-Chapelle de l'ancien palais ducal de Bourges. André Beauneveu (v1335-v1400) ; hauteur et largeur de la baie ancienne 3,20 x 2,20 (Corpus Vitrearum) et actuelle 3,00 x 1,00 (CMN)
Jaune d'argent : cheveux de la Sibylle, phylactère, architecture.
Pour zoomer sur une image de la banque d'images des Monuments Nationaux (copyright Alain Lonchampt/centre des Monuments nationaux) :
Baie 2, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Les fonds damassés.
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Fond damassé vert pâle à gauche. Motif complexe à rinceaux à feuilles trilobées, feuillages, rosettes, losanges dans lequel s'inscrit une croix de pétales, cercles crénelés où s'inscrit une fleur. Puisque c'est le premier que je rencontre, je le désignerai sous le terme de Damas Sainte-Chapelle 1. Des fois que je le revois.
Il apparaît sur la planche VI de Des Méloizes, en tout petit.
Le fond rouge à droite porte le motif le plus fréquemment repris ici. Des Méloizes le décrit comme portant "des médaillons circulaires renfermant des sortes d'oiseaux chimériques et de tiges entrecroisées avec des feuilles contournées", et en donne le pochoir complet dans sa Planche E, et une autre vue dans la Pl. II "Vitrail dans la chapelle d'Etampes". Il signale qu'on l'observe aussi dans la chapelle des Trousseau de la cathédrale. Je le désignerai comme "Méloizes 1" (voir Annexe). Comme nous n'en voyons que des fragments, je le reconnais devant des pignons de pins inscrits dans des mandorles, et couronnés en virole par une fleur de lys. Ou devant l'aspect penniforme des ailes des oiseaux stylisés. On le retrouvera autour de11 personnages au moins, en 2D, 3 G et D, 5 G et D, 6 G et D, 7G et D, 8G et 10D.
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Baie 2, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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En voici le motif plus complet emprunté au dais de la baie 9 gauche (peut-être moderne), mais qui montre les médaillons à oiseaux, et les autres dessins.
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Voici le même motif sur la planche E n°I de Des Méloizes (détail après scan) :
Damassés du commencement du XVe siècle, Des Méloizes, 1891-1897, Pl. E n°I (détail).
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2G. La Sibylle annonçant qu'une Vierge concevra un enfant.
La Sibylle : tient un phylactère et lève l'index droit en signe d'énonciation de sa vaticination. Robe bleue, manteau vieux-rose, chaussures jaunes à bouts pointus.
Dessinée et peinte sur la Planche VI de Des Méloizes : 2ème figure en haut.
Inscription du phylactère :
VIRGO VERBO CONCEPIT VERBO
Ces mots correspondent presque à un chant cité depuis le XIe siècle dans les antiphonaires, et particulièrement de l'antiphonaire dit d'Hartker, réunissant les chants des moines de Saint-Gall (Suisse) pour la liturgie des heures, copié et annoté de neumes par le moine et reclus Hartker de Saint-Gall ; cet Antiphonarium officii est le plus important de tous les manuscrits choraux du Moyen Age, datant de 990-1000. Sankt-Gallen, Stiftsbibliothek 390 p. 053
Virgo verbo concepit, virgo permansit, virgo peperit Regem omnium regum.
"La Vierge a conçu par le Verbe, Elle est restée vierge, La vierge engendra le roi des rois"
Manifestement, une erreur de copie est survenue à la création ou lors d'une restauration de cette baie.
On trouve aussi ces versets comme antienne pendant l'octave de Noël du Brevarium rivipullense ou Bnf Latin 742 (Lemarié p. 50).
Voir :
http://gregorien.info/chant/id/8714/0/de
http://gregorien.info/chant/id/8714/9/fr
http://cantus.uwaterloo.ca/chant/492516
Au début du XVe siècle, la série des douze Sibylles (autant que d'Apôtres) et leurs attributs n'est pas encore constituée — elle le sera vers 1461-1465 comme en témoignent les bois gravés conservés à l'abbaye de Saint-Gall qui en sont la première expression— et la Sibylle la plus connue pour annoncer l'enfantement d'un Sauveur par une Vierge est la Sibylle de Cumes (dans la 4ème Églogue des Bucoliques de Virgile) , ou la Sibylle de Tibur censé avoir annoncé à l'empereur Auguste la naissance du Christ.
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Baie 2, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 2, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
Des Méloizes, relevé du vitrail en 1891-1897, Pl.. VI.
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2D : Le prophète.
Prophète : bonnet vert (hébraïque), barbe, robe jaune, manteau bleu, main droite tenant le phylactère entre pouce et index. Texte CUM ou SUM.
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Baie 2, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 2, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Je veux maintenant comparer cette tête de prophète à celle de deux prophètes du Psautier de Jean de Berry et d'un prophète des Grandes Heures. Dans tous les cas (vitrail ou manuscrits), la forme du bonnet est la même, coiffant des cheveux longs s'achevant en boucles. La barbe longue et sale mangeant le visage est semblable. L'iris des yeux est une bille noire bien ronde. On notera les fonds damassés à feuillages des enluminures.
La première est celle de Malachie puis vient celle d'Ézéchiel
La dernière est celle de Jérémias dans les Grandes Heures.
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Prophète Malachie, Psautier de Jean de Berry, Gallica.
Prophète Ézéchiel, Psautier de Jean de Berry, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84546905/f56.item.zoom
Jeremias, Grandes Heures de Jean de Berry, Gallica.
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La baie 3 de la crypte : deux apôtres dans une architecture (vers 1400-1405).
Provenant de la Sainte-Chapelle de l'ancien palais ducal de Bourges. André Beauneveu (v1335-v1400) ; hauteur et largeur de la baie ancienne 3,20 x 2,20 (Corpus Vitrearum) et actuelle 3,00 x 1,00 (CMN)
Les fonds damassés, rouge des deux cotés (plus sombre à droite), sont de type "Des Méloizes 1" à pommes de pin et fleurs de lys, médaillons à deux oiseaux se tournant le dos, etc..
Jaune d'argent : chevelure, architecture, sol de gauche.
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Pour zoomer sur une image de la banque d'images des Monuments Nationaux (copyright Alain Lonchampt/centre des Monuments nationaux) :
Baie 3, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 3, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 3, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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3G. L'apôtre de gauche.
Robe blanche, manteau bleu. La chevelure et la barbe particulièrement longues et bouclées pourraient évoquer un autre personnage qu'un apôtre, mais pourtant, ce type de portrait se retrouve dans le Psautier d'André Beauneveu, et je donne ici l' exemple du folio 22r (Barthélémy ?)
Baie 3, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
L'apôtre du folio 22r du Psautier de Jean de Berry.
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3D. Un apôtre.
Le personnage de droite pourrait être le Christ, mais la comparaison avec l'apôtre Simon du Psautier montre que rien ne s'oppose à y voir un apôtre. Son manteau jaune est fait en partie d'ailes empruntées sans-doute lors d'une restauration à quelque ange (ou moins probablement à un aigle). La main droite est replacée là après coup.
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Baie 3, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
L'apôtre Simon, André Beauneveu, Psautier de Jean de Berry.
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Baie 4 : Prophète et autre personnage dans un cadre architectural (vers 1395-1405).
Provenant de la Sainte-Chapelle de l'ancien palais ducal de Bourges et conçu par André Beauneveu (v1335-v1400) ; hauteur et largeur de la baie ancienne 3,20 x 2,20 (Corpus Vitrearum) et actuelle 3,00 x 1,00 (CMN)
Fond damassé rouge à gauche, bleu à droite. Le motif est difficile à analyser sur fond rouge, mais l'examen de la Pl. VI de Des Méloizes, révèle ainsi qu'il porte un médaillon contenant une tête de lion. Il s'avère que ce lion tire la langue. Je le désignerai ainsi : "Médaillon à la tête de lion", également présent en 9G. .
Jaune d'argent : sol, architecture, phylactère.
Pour zoomer sur une image de la banque d'images des Monuments Nationaux (copyright Alain Lonchampt/centre des Monuments nationaux) :
Baie 4, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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4G. Le Prophète ? de gauche.
Le premier personnage est pieds nus, mais ce n'est peut-être pas un apôtre. Très légèrement tourné vers la gauche, il a la tête enveloppée par son manteau bleu à revers blanc qui le couvre presque entièrement au dessus d'une robe blanche. Il porte la barbe, mais cela suppose un examen attentif car elle est taillée court.
Le phylactère porte les mots [L]AETAMINI DOMIN / O ET
Cela ne peut être une citation du prophète Joël Filii Syon, laetamini in Domino quia dabit vobis doctores justitiae, pourtant attestée sur le reliquaire de Saint Héribert conservé dans l'église de Saint-Héribert à Cologne (1160-1170), qui associe les apôtres à 14 prophètes.
C'est donc le verset 11 du Psaume 31/32 : Laetamini in domino et exultate justi et gloriamini omnes recti corde "Justes, réjouissez vous au Seigneur et soyez transportés de joie".
Faut-il en déduire que ce personnage est DAVID ?
Faut-il prendre en compte l'inscription basse ISAIE P[RO]PHE[TE] ? Le verset Laetamini cum Jerusalem et exultate in ea Is 66:1 ne convient pas.
Pour Des Méloizes, "Un autre prophète, dissimulé en partie derrière l'encadrement d'architecture, est vêtu d'une robe blanche et d'un manteau bleu doublé de blanc ; il tient à la main un phylactère sur lequel est reproduit le texte du psaume qui a semblé plus haut devoir caractériser le roi David. Mais ce texte paraît ici provenir d'une réparation mal entendue et avoir pris la place d'une autre inscription ; de sorte qu'on ne peut en tenir compte pour l'attribution du personnage ici représenté. De plus, le nom ISAIE PROPHETE qu'on lit sur le soubassement peut provenir d'une transposition faite à l'époque des remaniements déplorables qui ont suivi la translation de ces vitraux dans la Cathédrale et dont les traces ne sont que trop nombreuses" (p. 24) .
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Baie 4, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 4, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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4D. Le personnage de droite.
Il est presque la copie du précédent : même manteau enveloppant la tête, même visage impassible, qui semble vraiment imberbe ici. Mais le texte du phylactère résiste à mes tentatives de déchiffrement. IN ME DO-- GEN- NOM-----M. On peut penser à ce verset du Psaume 101 Ps 101 :16TIMEBUNT GENTES NOMEN TUUM "Alors les nations craindront le nom de l'Éternel, Et tous les rois de la terre ta gloire."
Une fois de plus, ce verset est aussi le titre d'un chant grégorien.
http://gregorien.info/chant/id/8121/3/fr
Des Méloizes ne le décrit pas.
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Baie 4, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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La baie 5. Deux apôtres (pieds nus, tête nue) dans un cadre architectural (1395-1405).
Provenant de la Sainte-Chapelle de l'ancien palais ducal de Bourges , André Beauneveu (v1335-v1400), hauteur et largeur 3,00 x 1,00 m
Jaune d'argent : sol, architecture.
Pour zoomer sur une image de la banque d'images des Monuments Nationaux (copyright Alain Lonchampt/centre des Monuments nationaux) :
Baie 7, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 7, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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7G. L'apôtre saint Jean,
identifié parce qu'il ne porte pas de barbe. Fond damassé "Des Méloizes 1"
Baie 7, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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7D. Un apôtre, vu de trois-quart.
On remarquera sur le fond damassé "Des Méloizes 1" la fleur de lys fermant la forme en amande pointue, qui se divise latéralement en deux bras fleuri, et qui contient une graine en pignon.
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Baie 7, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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La baie 8 de la crypte : deux apôtres (pieds nus, tête nue) dans une architecture (1395-1405).
Provenant de la Sainte-Chapelle de l'ancien palais ducal de Bourges
André Beauneveu (v1335-v1400)
hauteur et largeur 3,00 x 1,00 m
Fond damassé "Des Méloizes 1" à gauche
Jaune d'argent : , architecture.
Pour zoomer sur une image de la banque d'images des Monuments Nationaux (copyright Alain Lonchampt/centre des Monuments nationaux) :
Baie 8, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 8, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 8, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 8, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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L'apôtre de droite.
"Il est à moitié caché par les pilastres qui soutiennent la voûte de l'édifice. Son attitude assez tourmentée résulte peut-être d'accidents mal réparés. Les deux pieds nus qui se voient sous la robe appartiennent à un personnage vu de face, tandis que la tête est tournée complètement de profil vers la gauche. Le mouvement du buste, sous un manteau bleu qui couvre l'épaule, se comprend mal. On ne voit pas les bras ni les mains. Aucun indice ne permet de nommer ce personnage. " (Des Méloizes p. 23)
Baie 8, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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La baie 9 de la crypte : Isaïe et un autre prophètedans un cadre architectural (1395-1405).
Provenant de la Sainte-Chapelle de l'ancien palais ducal de Bourges
André Beauneveu (v1335-v1400)
hauteur et largeur 3,00 x 1,00 m
Fond damassé rouge à gauche, vert à droite. Le damassé rouge est du même motif à tête de lion tirant la langue que la baie 2 coté droit, du moins dans la niche, car pourtant, le damassé du dais de 9G est différent, de type "Des Méloizes 1", alors que ce n'est pas ce qui apparaissait sur la Planche V de Des Méloizes en 1897.
Le damassé vert comporte des médaillons où un aigle aux plumes déployées en éventail se penche vers le sol pour y picorer. C'est le damassé de la Pl. G n°1 de Des Méloizes, son n°4.
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Jaune d'argent : , architecture.
Pour zoomer sur une image de la banque d'images des Monuments Nationaux (copyright Alain Lonchampt/centre des Monuments nationaux) :
Damassés du commencement du XVe siècle, in Des Méloizes, Pl. G n°I.
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Baie 9, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
Baie 9, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 9, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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9G. Le prophète de gauche se prend pour le roi David.
Tourné vers sa droite, un pardessus bleu jeté sur sa robe de nuit blanche, le regard hagard, penché en avant et prenant appui sur un phylactère qu'il confond avec sa canne, se tenant les reins, ce pauvre homme est si égaré sur cette verrière qu'il a, précipitamment, lacé sur sa tête la cuvette de sa table de nuit. Perplexe, il cherche sur le chambranle la sonnette de son appartement. Ses chaussures aussi devenaient idéales. Il les a jeté.
Que ne lit-il la consigne du jour, inscrite sur le rouleau de papier qu'il a laissé se dévider !
LETAMINI [IN] DOMINO : ET EXULTATE
Laetamini in Domino et exultate iustis et gloriamini omnes recti corde "Justes, réjouissez-vous! Mettez votre joie en l’Eternel et poussez des cris de joie, vous qui êtes droits de cœur! " est le verset 11 du psaume 31.
C'est le même verset que présentait le prophète de gauche de la baie 4. Gênant.
Une fois de plus, pouvons-nous en déduire que le prophète est le Psalmiste en personne, le roi David ? Rien n'est moins sûr, en l'absence de harpe et de couronne.
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Baie 9, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 9, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
Le même prophète relevé par Des Méloizes entre 1891 et 1897, dans sa planche V.
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Le motif "à la tête de lion" du damassé de 9 D :
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Baie 9, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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9D. Le prophète de droite : Isaïe. .
Son voisin de chambre se tient bien de face, le visage aux petits yeux futés à peine tourné vers la droite. Il présente un phylactère qui est une vraie carte de visite :
VIRGO CONCEPIET ET PARIET FILIUM.
Pas d'ambiguité, c'est Isaïe.
Nous reconnaissons en effet son verset Is. 7:14,
Ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitur nomen eius Emmanuel. "Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel."
C'est le plus fameux de toute la typologie biblique. Celui qui est cité par Matthieu dans l'incipit de son évangile Mt 1:23 "Tout cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète: La vierge sera enceinte, elle mettra au monde un fils et on l’appellera Emmanuel, ce qui signifie «Dieu avec nous»."
Et c'est ce verset qui est cité dans le Credo apostolique et prophétique du Psautier de Jean de Berry et dans ses Grandes Heures. Dans ces manuscrits, Isaïe est associé avec saint Jacques le Majeur, et ici, sur les verrières de la Sainte-Chapelle, il le serait encore si, après moult autres malheurs, le clocher ne s'était effondré le 18 février 1756, à sept heures du soir.
Mais alors, pourquoi lisons nous inscrit dans le soubassement : DANIEL ?
"Le nom de Daniel inscrit à ses pieds sur une moulure de soubassement provient évidemment d'un déplacement de panneau, et il n'y a aucun doute que le personnage représenté est Isaïe" (A. Des Méloizes)
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Baie 9, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 9, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges, crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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La baie 10 de la crypte : deux apôtres dans un cadre architectural (1395-1405).
Provenant de la Sainte-Chapelle de l'ancien palais ducal de Bourges, par André Beauneveu (v1335-v1400) ; hauteur et largeur 3,00 x 1,00 m
Fond damassé : type "Des Méloizes 1"
Jaune d'argent : cheveux et barbe, sols, architecture.
Pour zoomer sur une image de la banque d'images des Monuments Nationaux (copyright Alain Lonchampt/centre des Monuments nationaux) :
Baie 11, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges reposées dans la crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 11, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges reposées dans la crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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Baie 11, anciennes verrières (avant 1405) de la Sainte-Chapelle de Bourges reposées dans la crypte de la cathédrale de Bourges. Photographie lavieb-aile 2014.
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ANNEXES
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I. Les statues des apôtres et prophètes sculptées vers 1400 par André Beauneveu, conservées au musée du Berry à Bourges.
"La Sainte-Chapelle construite à Bourges par le duc Jean de Berry devait être la démonstration de la présence du pouvoir royal en Berry. Elle reçut un riche décor, ainsi qu'un trésor, dont les éléments sont en partie demeurés à Bourges après la destruction du monument, en 1757-1758. Cinq statues de prophètes, aux attitudes variées, illustrent l'élégance des créations artistiques dans l'entourage de Jean de Berry"
PRADEL (Pierre ), 1957, Nouveaux documents sur le tombeau de Jean de Berry, frère de Charles V , Monuments et mémoires de la Fondation Eugène Piot Année 1957 Volume 49 Numéro 1 pp. 141-157
— ERLANDE-BRANDENBURG (A.) 1974 "Les vitraux de la Sainte-Chapelle de Bourges [compte-rendu]" Bulletin Monumental Année 1974 Volume 132 Numéro 2 p. 164http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1974_num_132_2_5334
"La découverte, par M. Stephen K. Scher, au Musée de Bourges, d'un fragment de vitrail provenant vraisemblablement de la Sainte-Chapelle de Bourges l'a incité à revenir sur l'étude de sa vitrerie, tant sur le plan historique que stylistique. On connaît les difficultés auxquelles se heurte tout historien pour cette étude, puisque les vitraux, déposés en 1757, lors de la démolition de l'édifice et installés dans la crypte de la cathédrale, ont été changés d'emplacement au milieu du siècle dernier et mis en 1939 en caisses où ils se trouvent toujours. La découverte aux Archives du Cher par M. Ribault de documents nouveaux a permis à M. Scher de mieux préciser la translation de 1757 et leur mise en place dans la cathédrale. On sait maintenant que la totalité des douze fenêtres de la crypte fut garnie de cette vitrerie. A la Révolution un certain nombre de vitraux furent brisés, si bien qu'au début du xixe siècle une restauration ne put reconstituer que cinq fenêtres avec vingt personnages. Tout ceci ne permet guère de reconstituer la disposition originelle de la vitrerie à la Sainte-Chapelle, puisque les documents antérieurs à 1757 sont peu explicites. Les douze apôtres et les huit prophètes subsistants invitent à penser à. une concordance entre l'Ancien et le Nouveau Testament, cependant la présence de deux docteurs permet d'élargir considérablement ce thème qui devait être aussi vaste que celui qui fut exécuté à Riom dans le dernier tiers du xve siècle. Il s'y ajoutait enfin des scènes narratives comme le laissent penser une description et un panneau figurant la Pentecôte, présenté dans la crypte. Le fragment découvert par M. Scher au Musée de Bourges appartiendrait selon lui à une scène narrative, puisqu'il veut y voir un Saint Joseph (1). L'analyse stylistique de tous ces fragments révèle l'existence de plusieurs mains. Ainsi l'auteur du vitrail du Musée de Bourges (Le maître de la tête de saint Joseph) ne se retrouve pas dans les autres verrières conservées, même s'il appartient au même milieu stylistique. Cette unité serait l'œuvre d'André Beauneveu, qui paraît la personnalité dominante à cette date. Il a dû fournir quantité de projets d'oeuvres qu'il ne réalisait pas lui-même. Or, on retrouve certains des caractères des prophètes du psautier du duc de Berry qu'on sait qu'il décora, dans les statues des prophètes qui passent pour provenir de la Sainte-Chapelle. Même si ces sculptures présentent entre elles des nuances, il s'en dégage une unité d'ensemble qui ne peut s'expliquer que par la direction d'un seul maître. Les verrières de la Sainte-Chapelle comme les statues de prophètes offrent, malgré des différences de mains, des caractères qui appartiennent à, Beauneveu. On en tire la conclusion que l'artiste participa au moins à, la conception de l'ensemble. Quant à la tête du Musée de Bourges, elle paraît si proche de certains des prophètes du psautier et de la plus belle des statues que sa participation directe à son exécution n'est pas à, rejeter. — Stephen K. Scher, Note sur les vitraux de la Sainte-Chapelle de Bourges, Ibid., p. 23-44, 14 fig."
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ANNEXE, SUITE : Les fonds damassés.
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Des Méloizes p. 23.
" Des damassés variés sur verre rouge, bleu ou vert, sont employés comme fond général dans tous les tableaux [des vitraux de la Sainte-Chapelle] :
1. Le dessin le plus fréquent (Pl. E n° 1) est formé de médaillons circulaires renfermant des sortes d'oiseaux chimériques et de tiges entrecroisées avec des feuilles contournées. Nous l'avons déjà rencontré (Pl. II) dans des vitraux qui passent pour provenir aussi de la Sainte-Chapelle. Ce damassé se trouve aussi dans un vitrail de la cathédrale d'Évreux dont j'ai eu l'occasion de parler à propos du vitrail des Trousseau (voir p. 6).
2 et 3 : Deux autres, ayant entre eux une certaine analogie, sont composés de deux sortes de rosaces alternées : l'un (Pl. D n° 1) a déjà été signalé dans le vitrail des Trousseau (Pl. II); on a vu l'autre employé dans le vitrail d'Aligret (Pl. III).
4 : Un quatrième (Pl. G n°1) montre des aigles entourés de cercles de feuillages.
Il procède de la même inspiration qu'un autre damassé (Pl. A, n°2) dont la cathédrale possède quelques fragments isolés.
5. Un cinquième sert de fond que je ne reproduis pas en raison de son état de détérioration : on y voit l'ours et le cygne, supports des armoiries du duc Jean, et le monogramme qui forme avec eux une sorte de rébus traduisant la devise du duc de Berry. La Planche A, n°1, reproduit en grandeur naturelle ce damassé sur lequel j'aurai à revenir avec quelques détails dans un Chapitre consacré à l'étude des damassés aux différentes époques."
— BEAUREPAIRE (Eugène de) 1898, Les Vitraux peints de la cathédrale de Bourges, Henri Delesques imprimeur-éditeur, Caen, 1898 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1437564/f5.item.r=.zoom
— Auguste de Girardot et Hippolyte Durand, La Cathédrale de Bourges: description historique et archéologique, P-A. Desrosiers et Victor Didron, Moulins, Paris et Bourges, 1849, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6517933b/f8.item.r=.zoom
— Arthur Martin, Charles Cahier, Monographie de la cathédrale de Bourges. Première partie : Les Vitraux du xiiie siècle, Poussielgue-Rusand éditeur, Paris, 1841-1844 ; pp. 303 (volume de texte) http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/martin1841texte/0007
(volume de planches) http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/martin1841planches/0008
— Catalogue La Sainte-Chapelle de Bourges une fondation disparue de Jean de France, duc de Berry : [exposition, Bourges, Musée du Berry, 26 juin 2004-31 octobre 2004] / [catalogue sous la dir. de Béatrice de Chancel-Bardelot et de Clémence Raynaud] Paris : Somogy ; Bourges : Musée du Berry, 2004 impr. en Italie 222 p. : ill. en noir et en coul., jaquette ill. ; 28 cm (non consulté)
— Lectionnaire de la Sainte-Chapelle de Bourges, Bourges, BM, ms. 0035 , http://initiale.irht.cnrs.fr/ouvrages/ouvrages.php?imageInd=2&id=-1
— DI MATTEO ( C), 1986. Cher. Repose des vitraux de la Sainte-Chapelle à la cathédrale de Bourges. In: Bulletin Monumental, tome 144, n°4, année 1986. p. 337; doi : 10.3406/bulmo.1986.2836 http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1986_num_144_4_2836
— GIRARDOT ( Auguste de) , 1850, La Sainte-Chapelle de Bourges : sa fondation, sa destruction , impr. de Crapelet (Paris)
"Le plan de la Sainte-Chapelle de Bourges est le même que celui de la Sainte-Chapelle de Paris.
On n'a point fait, il est vrai, à Bourges comme a Paris, d'église au rez-de-chaussée, et il y a moins de perfection dans l'architecture de l'ensemble; mais ce sont les mêmes dispositions: une seule nef éclairée par de grandes fenêtres, les nervures de la voûte reposant sur des colonnettes engagées dans la muraille et contre ces colonnettes les statues des douze apôtres.
Ces fenêtres étaient ornées de vitraux au sujet desquels un auteur du XVI" siècle, Geoffroy Thory, de Bourges, s'exprime ainsi dans la préface de son livre intitulé : L'Art et la Science de la vraye proportion des lettres attiques (Paris, 1549) : « Le noble ouvrier des vitres de la Saincte-Chapelle de Bourges, que le duc de Berry, nommé Jehan, feit faire, fut si ingrat et glout de son savoir, qu'il ne le voulut onques enseigner à homme n'à son filz, ce dit-on. Les vitres qu'il fist sont de tel art, que le soleil, tant luysant peult-il estre, ne les peult de ses rayons aucunement pénétrer, qui est une chose très-belle et sans autre semblable. S'il eust volontiers enseigné cela, mille autres hommes eussent depuis luy faict maintes belles et bonnes opérations qui ne sont pas faites et ne seront jamais.
L'une et l'autre chapelle étaient desservies par un chapitre spécial, enrichies d'un trésor .
Le 14 août 1392 le pape Clément VII accorda la bulle d'institution. Cette pièce contient le nombre des membres du nouveau chapitre ainsi répartis : douze chanoines présidés par un trésorier, treize chapelains, treize vicaires et six clercs de chœur, en tout quarante-cinq personnes.
Le duc imposa au chapitre de la Sainte-Chapelle plusieurs services solennels conformes au but de son institution, pour lui, sa famille et quelques-uns de ses serviteurs les plus affidés.
Sa vie durant, pour lui, une messe solennelle du Saint-Esprit, le premier jour de chaque mois. Le 16 décembre, une messe du Saint-Esprit sa vie durant, qui devait être changée en un anniversaire solennel après sa mort. [..]
4. - Suppression de la Sainte-Chapelle.
Au milieu du XVIe siècle, la Sainte-Chapelle avait déjà subi des dégradations considérables; la charpente du clocher, recouverte de plomb, s'était pourrie ; la foudre avait brisé deux piliers, Maîtres Jacques Beaufilz, Jehan d'Amboyse et Jehan Levez, massons ; Étienne Chaboureau et Biaise Du Duylien, maîtres charpentiers; Estienne Saulceron, maître couvreur, établirent un projet de réparation, qui fut exécuté au moyen d'un secours accordé par le roi, par lettres données à Paris le 25 novembre 1549. Près de 10 000 livres furent employées à refaire les terrasses, gargouilles, etc,, et à reconstruire le grand escalier de vingt-quatre marches, par lequel on arrivait au porche.
En 1562, les protestants, maîtres de Bourges, pillèrent et dévastèrent la Sainte-Chapelle.
Le 31 juillet 1693, un incendie détruisit la couverture, la charpente et le clocher, ainsi que la grande salle du palais. Le clocher ne fut jamais refait. On rétablit à grands frais la toiture ; mais elle resta moins élevée que l'ancienne, et le pignon , qui la dépassait d'une assez grande hauteur, ayant été renversé par un violent ouragan, le 18 février 1756, à sept heures du soir, sa chute brisa la nouvelle couverture, quatre croisées et une statue d'apôtre, deux autels et le côté gauche des stalles.
Cet événement fut aussitôt exploité par la mauvaise volonté d'un prélat tout-puissant, peu scrupuleux en fait de suppression d'établissements religieux, et qui l'êvaitdepuis longtemps la destruction de la Sainte-Chapelle. Le cardinal de La Rochefoucauld, alors archevêque de Bourges, avait pris en aversion l'église fondée par le duc Jean.
La haute dignité du trésorier, l'indépendance du chapitre de la Sainte-Chapelle, exempt de sa juridiction , lui avaient toujours fait ombrage. Il ne pouvait oublier qu'entrant un jour dans le chœur de cette église pendant l'office, il avait vu les chanoines cesser leurs chants sur l'ordre du trésorier, et ne les reprendre qu'après son départ. L'accident du 18 février fut pour lui une occasion de satisfaire ses rancunes."
— GAUCHERY (Paul) 1921 , "Le palais du duc Jean et la Sainte-Chapelle de Bourges. Nouveaux documents sur leur état primitif, leur mutilation ou leur destruction", Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, XXXIX, 1919 - 1920, p.37 - 77.
"Les vitraux de cette immense lanterne, comme dit Chaumeau, avaient frappé tous ceux qui les avaient vus et nous ne comprenons pas aujourd'hui, par les débris qui nous en restent, les qualités qu'ils y trouvaient. Nous citerons, par ordre chronologique, les divers admirateurs qui ont vu le travail dans tout son ensemble :
1° Les ambassadeurs florentins (1461) (ils vont visiter le roi Louis XI à Tours). Ils passent une seule journée à Bourges, le 19 décembre, et, dans cette journée, visitent et décrivent sur leur journal : la cathédrale, l'hôtel Jacques-Coeur, la Sainte-Chapelle, mentionnant, dans ces courtes visites, ce qui les a le plus frappé. Pour la Sainte-Chapelle qui était terminée depuis 45 ans : « Elle a des verrières figurées admirables dont les couleurs, « très lumineuses, sont si foncées que le soleil ne peut les « traverser. »
2° Geoffroy Tory (1549) : « Le soleil, tant luisant peut-il estre, ne les peut de ses rayons aucunement pénétrer, qui est une chose très belle, et sans autre semblable. »
3° Chaumeau (1566) : « Faites par un si subtil artifice et lavement que les rayons du soleil ne peuvent aucunement passer à travers, ni faire nuisance à la veue des personnes. »
4° Catherinot (1675) : « Splendeur des fenêtres impénétrable aux rayons du soleil. »
5° La Thaumassière (1689) :« Faites d'un verre qui est impénétrable aux rayons du soleil quoiqu'il en reçoive la clarté. »
L'historien le plus compétent, aujourd'hui, en ces matières, M. le Marquis des Méloizes en parle d'après les débris qui restent à l'église souterraine :
« De tels éloges conviennent d'autant plus mal à ces vitraux, que leur grave défaut, commun d'ailleurs à tous les vitraux de la même époque, est précisément une translucidité exagérée. Les verres incolores y tiennent la plus grande place, en constituant les niches architecturales qui encadrent et surmontent les personnages ; ceux-ci, isolés dans chaque panneau, ont des manteaux de diverses couleurs ; et le fond général damassé des tableaux, peut arrêter, à la vérité, dans une large mesure, les rayons du soleil ; mais à côté de ces parties relativement sombres qui occupent peu de surface, de grandes étendues de verre blanc, sobrement ombré, laissent passer la lumière presque sans atténuation et peuvent, quoiqu'en dise Chaumeau, éblouir les spectateurs. » (Des Méloizes, Les vitraux de la cathédrale de Bourges postérieurs au XIIIe siècle. Lille, 1891-1894 p. 22 ).
En examinant ce qui nous reste dans l'église souterraine, nous trouvons des représentations de niches contenant chacune un personnage: 1° Un prophète ayant la tête et les pieds couverts. 2° Un apôtre ayant les pieds nus. Ils étaient disposés, dans la Sainte-Chapelle de Bourges, en deux registres superposés dans les trois fenêtres de l'abside, et dans des niches alternativement plates et polygonales. Les niches polygonales étaient obtenues par un dessin perspectif très adroit. On avait donné ainsi un contour plus harmonieux à ces longues théories de personnages. (1. Les apôtres et les prophètes garnissaient les trois fenêtres de l'abside ; mais les autres verrières de l'édifice avaient leurs niches meublées de figurations de saints, de docteurs de l'église, de saintes femmes, de patriarches, comme nous les voyons à la Sainte-Chapelle de Riom. )
Nous pensons que les lancettes des fenêtres, de 12 mètres de hauteur, contenaient à leur partie supérieure les deux registres d'apôtres et de prophètes qui représentaient une hauteur totale de 5 m. 50 ; il restait donc 7 mètres pour les autres vitraux compris entre les prophètes et le bas de la fenêtre.
Nous croyons qu'il ne faut pas juger aujourd'hui l'ensemble des vitraux de la Sainte-Chapelle par la partie supérieure qui, seule, a été transportée à l'église souterraine, mais bien par ce qui frappait le visiteur qui ne regardait pas seulement au sommet de la nef (2. On s'explique comment les chanoines du XVIIIe (de la cathédrale) n'utilisèrent que les parties supérieures des lancettes où seulement étaient des personnages pour meubler les fenêtres de l'église souterraine qu'ils ont ainsi éclairée. L'inventaire de 1757 indique en plus un lot considérable de vitraux pour raccommoder ceux de la cathédrale.). Dans tout le périmètre de l'édifice son regard s'arrêtait sur ces grandes statues d'apôtres, si belles de forme et de décor, nous disent nos historiens du XVIe et XVIIe siècles.
Il nous paraît que l'architecte de la Sainte-Chapelle, pour faire un éclairage reposant dans cette immense salle vitrée, avait cherché une gradation de lumière du sol jusqu'aux voûtes. Sur la hauteur des allèges, c'est-à-dire à plus de 3 m. 30 du sol, la lumière était absolument nulle : il n'y avait pas d'ouvertures, mais seulement les allèges des fenêtres recevant les dossiers des stalles.
Au niveau des appuis commençait le vitrail en damassé qui était relativement sombre, comme le dit M. des Méloizes, mais là ce n'étaient plus des petites surfaces, des bandes étroites qui remplissaient les vides à côté des parties si claires de l'architecture, comme nous le voyons à l'église souterraine, c'était un damassé continu de 6 à 7 mètres de hauteur, devant lequel se détachaient les statues d'apôtres. Le soleil, disent les auteurs que nous avons cités, ne pouvait traverser ce damassé ni faire nuysance à la vue. M. des Méloizes a fait les relevés très complets de ces damassés, représentant en tons foncés des étoffes où on reconnaît des rosaces, des ornements, des oiseaux fantastiques et surtout les termes de la devise du duc Jean . (I. On en trouve des fragments rouges au vitrail de la chapelle de Montigny et bleus à celui de l'oratoire de la chapelle Jacques-Coeur à la Cathédrale. ) Le dessin de ces vitraux avait frappé l'ingénieur Trezaguet, en 1756, alors qu'il procédait au démontage du tombeau, il parle de ce dessin qu'il constaté dans les vitraux.
Dans la partie supérieure de chaque fenêtre, les damassés de la base se continuent comme dessin en couleur faisant ressortir chaque prophète et apôtre avec l'architecture claire qui les encadre. Ainsi tout se tient dans le vitrail qui part de l'allège et devient très lumineux au sommet où sont les personnages ; la lumière se réfléchit sur les voûtes qui sont ainsi très éclairées.
Les verrières aux armes du duc Jean, placées dans la chapelle d'Étampes, à la cathédrale, viennent aussi de la Sainte-Chapelle ; ce sont probablement celles qui étaient dans les oratoires. M. des Méloizes, qui parle aussi de cette probabilité, explique comment l'opacité de certaines couleurs est atténuée à distance dans le rayonnement d'une couleur vive. Il dit (p. 7 de son ouvrage) :
" L'écu de Berry semé de fleurs de lys sans nombre avec la bordure engrêlée de gueules est composé, comme dans le vitrail des Trousseau ; des lames de verre bleu encadrent les fleurs de lys réservées sur verre jaune au milieu d'une grisaille opaque. La teinte sombre de cette grisaille s'atténue beaucoup à distance dans le rayonnement du bleu et celui-ci paraît remplir tout le champ. » Cet artifice a dû être employé dans les damassés des vitraux. "
— GRODECKI (Louis) et al. 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum vol.II, Ed. du CNRS, pages 184-186.
— MÉLOIZES (Marquis Albert des), Vitraux peints de la cathédrale de Bourges postérieurs au XIIIe siècle / texte et dessins par le marquis A. Des Méloizes ; avec une introduction par M. Eugène de Beaurepaire. Paris : Desclée, de Brouwer & cie, 1891-1897.viii, 82 p., [29] planches en couleur : ill. ; 75 cm. Imprimé par Desclée, de Brouwer & co., Bruges (Belgique)
— RAYNAUD (Clémence ), 2004, « Ad instar capelle regie parisiensis » : la Sainte-Chapelle de Bourges, le grand dessein du duc de Berry , Bulletin Monumental Année 2004 Volume 162 Numéro 4 pp. 289-302
— L'art européen vers 1400: huitième exposition sous les auspices du Conseil de l'Europe [au Kunsthistorisches Museum de Vienne, 7 mai 1962-31 juillet 1962 The Museum, 1962 - 470 pages
— WIKIPEDIA Les vitraux de Bourges.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vitraux_de_Bourges
— Kurmann-Schwarz, Brigitte (2003): La Sainte-Chapelle de Riom et ses vitraux. Présenté pendant: Congrès archéologique de France - Monuments en Basse-Auvergne Grande-Limagne, 158éme session, pp. 339-349.
— Whiteley, Mary (2003): Riom: le palais de Jean, duc de Berry. Présenté pendant: Congrès archéologique de France - Monuments en Basse-Auvergne Grande-Limagne, 158éme session, pp. 333-337.
— Billot, Claudine (1998): Les Saintes Chapelles royales et princières. Editions du patrimoine, Paris (France), pp. 55-59.
La maîtresse-vitre (G. Béart, 1402) de la chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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La verrière de Saint-Jacques, quartier de Saint-Léon en Merléac, a de belles proportions. Haute de huit mètres cinquante mètres, elle est large de quatre mètres quarante cinq. Elle porte à sa base le nom de son créateur, G. Béart, et la date de sa réalisation en 1402. C'est l'une des plus anciennes baies vitrées conservées en Bretagne.
Rappel : En ce début du XVe siècle, le roi de France est Charles VI, mais la Bretagne est un duché dirigé, après la Guerre de Succession, par un Monfort, Jean V (1399-1442), très soucieux d'affirmer son pouvoir et son image par un large programme de mécénat religieux. Les grands seigneurs de son duché rivalisent pour l'imiter, et notamment le plus grand d'entre eux, Alain VIII vicomte de Rohan de 1396 à sa mort en 1429 et son fils Alain IX.
Or, Saint-Léon (Merléac) (qui dépend du diocèse de Cornouaille où, en 1402, l'évêque est Thébaud de Malestroit) appartient à la vicomté de Rohan.
Enfin, la fin du XIVe et le début du XVe correspondent à cette phase tardive du gothique, nommée gothique international, que l'on reconnaît par exemple dans les mouchettes du remplage de ce tympan. Cette période est marquée par le mécénat de princes soucieux de splendeur démonstrative, et le Prince des mécènes fut alors Jean de Berry, favorisant la carrière d'artistes majeurs de l'enluminure, de la peinture et de l'architecture.
Le haut pavé rectangulaire des huit lancettes trilobées consacrées à la Passion et à la Légende de saint Jacques est couronné par un tympan ogival, centré par une rose à douze rayons et complété, pour remplir la base de la pointe d'ogive, de deux rhombes à quatre quadrilobes, d'écoinçons latéraux et d'un rang de six trilobes aux armes des Rohan.
Son programme iconographique est simple et cohérent. Au centre, la Sainte Face. Tout autour, les douze Apôtres affirmant les fondements de la Foi des douze articles du Credo. Et douze anges soit musiciens, soit porteurs de couronnes, soit proposant la lecture des louanges de leurs chants.
Cette simplicité ne doit pas nous inciter à n'attribuer à cette rose qu'un regard distrait. Son examen aux jumelles révèle toute la beauté des vitraux anciens, conservés presque par miracle jusqu'à nous. Mais surtout, le choix iconographique, celui du Credo apostolique, est remarquable par ses rapports avec les autres productions artistiques de son temps : ce qui fera l'objet de ma Discussion.
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Tympan de la maîtresse-vitre (G. Béart, 1402) de la chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Le remplage vu de l'extérieur.
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Tympan de la maîtresse-vitre (G. Béart, 1402) de la chapelle Saint-Jacques de Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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L'œil de la rose du tympan :
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Il est découpé en un cercle sur lequel se greffent six cercles plus petits . Au centre, la Sainte Face (en partie restaurée), est en verre bleu sur un fond rouge où des rayons serrés sont tracés. Le Christ porte des cheveux longs et une barbe ; son regard se tourne vers la gauche.
Dans les oculi secondaires, le soleil et la lune anthropomorphe se clignent de l'œil, cantonnés par quatre étoiles blanches.
Cet œil est encadré par six trilobes en verre rouge uni.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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LA ROSE : LE CREDO APOSTOLIQUE.
Sur chacun des douze rayons en mouchettes bilobées du premier cercle est peint un apôtre déroulant un phylactère. Sur celui-ci s'inscrit l'un des douze articles du Symbole des Apôtres qui lui est attribué, selon la tradition iconographique du Credo apostolique. Mais ici, aucun attribut ne permet d'identifier à coup sûr chaque apôtre, et notamment pas saint Jacques le Majeur, le patron de la chapelle, qui tient traditionnellement le troisième article.
Les inscriptions sont en lettres gothiques minuscules avec lettres ornées, lettres conjointes et tildes de remplacement de certains -N-.
Je me fonde, pour désigner les apôtres, sur la tradition qui trouve son origine dans un texte du Pseudo-Augustin et s'est appliquée avec quelques variantes pendant tout le Moyen-Âge et la Renaissance (cf E. Mâle) :
1 Pierre: Credo in Deum patrem omnipotentera, creatorem cœli et terrae.
2. André : Et in Jesum Christum, Filium ejus.
3. Jacques (majeur) : Qui conceptus est de Spiritu Sancto, creatus ex Maria Virgine
4. Jean : Passus sub Pontio Pilato, crucifixus, mortuus et sepultus est.
5. Thomas : Descendit ad inferna. Tertia die resurrexit a mortuis.
6. Jacques (mineur) : Ascendit ad cœlos, sedet ad dexteram patris omnipotentis.
7. Philippe : Inde venturus est judicare vivos et mortuos.
8. Barthélémy : Credo in Spiritum Sanctum.
9. Mathieu : Sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum communionem.
10. Simon : Remissionem peccatorum.
11. Thaddée : Carnis resurrectionem.
12 . Mathias : Vitam eternam.
Mais j'ai mis aussi en variante les attributions du Mystère de la Résurrection joué à Angers en 1456 (cf Annexe).
Le Credo débute en haut à gauche (à 11 heures de cette grande horloge liturgique).
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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1. Saint Pierre.CREDO IN [DEUM] PAT-EM MNI POTENT CREATOREM CELI ET
Credo in Deum, Patrem omnipotentem, Creatorem caeli et terrae. "Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre,"
Nimbe à décor foliaire rayonnant
Le seul critère pour identifier saint Pierre (mais ce ne peut être que lui, il ne laisserait à personne d'autre le rôle de tenir le Premier article) serait sa calvitie, mais elle est rompue ici par une sorte de tonsure monastique en couronne.
Fond rouge damassé à feuilles nervurées, larges, à indentations rondes comme les feuilles d'érable. (F1)
Jaune d'argent : cheveux et barbe.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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2. [Saint André ou saint Jean ]. ET IN IH~US XPUM FILIU EIUS
Et in Iesum Christum, Filium eius unicum, Dominum nostrum "et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur"
Fond rouge : rinceau à tiges files formant des boucles circulaires R1.
Jaune d'argent : chevelure, barbe, mais aussi la partie droite du visage sur le front, l'œil et l'arête du nez, sans que je sois certain qu'il ne s'agisse pas ici d'une altération brune du verre. Si il s'avérait qu'il s'agisse bien d'un rehaut de jaune d'argent, cela constituerait un exemple de ce qui sera observé à Quimper, Runan, etc.
Visage : le dessin à la grisaille est très précis, traçant les plis horizontaux du front, les sourcils en plusieurs traits sinueux, la petite excroissance charnue entre les sourcils (ride du lion), les deux plis palpébraux, l'iris (un arc de cercle pour l'œil gauche, un "camembert" pour l'œil droit) et la pupille noire, les rides en "patte d'oie", le nez fort à la narine puissante, les plis naso-géniens très soulignés, l'ombre du philtrum, les deux lèvres d'épaisseur différente. Le résultat est un "portrait" plein de vie et un regard bon et humain.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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3. [Saint Jacques le majeur] . QUI CONCEPT / US EST / SPIR / CTO NATUS
qui conceptus est de Spiritu Sancto, natus ex Maria Virgine, "qui est conçu du saint-Esprit, et né de la Vierge Marie",
Fond rouge : rinceaux R1.
Jaune : cheveux, barbe, robe.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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4. [Saint Jean ou saint André]. PASSUS SUB P / PILATO CRU / CIFIXUS MORT- ET SEPULTUS.
passus sub Pontio Pilato, crucifixus, mortuus, et sepultus, "(il) a souffert sous Ponce Pilate, (il) a été crucifié, (il) est mort, (il) a été enseveli,"
Fond rouge : Feuilles "d'érable" F1 et feuilles "en laminaire, en lanières" F2.
Jaune d'argent : chevelure, barbe.
L'attribution d'une barbe à saint Jean est incongrue, sauf si on admet le parti-pris d'une indétermination des personnages. Main moderne.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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5. [Saint Thomas ou saint Philippe]. TERCIA DIE / RESUREXIT A MO
descendit ad inferos, tertia die resurrexit a mortuis, "(il) est descendu aux enfers ; le troisième jour, (il) est ressuscité des morts ;"
Fond rouge : feuilles F1.
Jaune : cheveux et barbe.
Visage : comme Van Eyck pour le chanoine Van der Paele en 1434, ou pour le cardinal Albergati, Memling en 1480, ou Joseph dans le Triptyque Mérode de Robert Campin vers 1425 le peintre excelle à rendre les traits témoignant de l'âge respectable des apôtres, peints comme des patriarches. Il participe donc du mouvement de réalisme pictural illustré par les maîtres Flamands. Il nous livre un vrai traité de dermatologie ou d'esthétique gériatrique de la face, ne faisant grâce à ses modèles ni de l'épaississement de la région interoculaire, ni des plis de la racine du nez, ni des autres plis du front ou des joues, ni de l'amincissement des lèvres. Mais dans ce portrait d'apôtres, je note surtout comment l'œil perd sa forme en amande sous l'effet de la ligne en cuvette rectangulaire qu'adopte la paupière inférieure. Pour l'œil droit, l'épaississement irrégulier du bord palpébral est saisissant, révélant un relâchement des tissus cutanés comme on l'observe dans l'entropion sénile.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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6. [Jacques (le mineur) ou Thomas] : ASCENDIT AD CELOS SEDET ADEXTERAM DEI
Ascendit ad cœlos, sedet ad dexteram patris omnipotentis. "(il) est assis à la droite de Dieu, le Père tout-puissant."
Visage : il confirme l'appartenance du peintre (Guillaume Béart) au mouvement de réalisme pictural. On croit observer même une miliaire de points de crasse sénile, même s'il est, là encore, important de faire la part de l'altération du verre par attaque chimique.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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7. [Saint Philippe ou Barthélémy . INDE VE[N]TURUS JUD-
inde venturus est iudicare vivos et mortuos "d'où il viendra pour juger les vivants et les morts."
Fond rouge : longues lanières F2.
Jaune : cheveux et barbe. Panneau restauré.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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8. [Saint Barthélémy ou Matthieu. CREDO IN SPIRITUM SANCT
Credo in Spiritum Sanctum, "Je crois en l'Esprit-Saint".
Fond rouge : F2.
Jaune : cheveux, barbe, col.
Visage : notez la coiffure avec un tortillon central, comme saint Jean. Les yeux rectangulaires par deux lignes en L. Le discret rehaut de l'œil gauche au jaune d'argent.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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9. [Saint Matthieu ou Jacques le mineur]. SANCTAM ESIAM CHATO / LICAM.
sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum communionem, "à la sainte Église catholique, à la communion des saints".
Fond rouge : F1.
Jaune : cheveux, barbe.
Visage : très nombreuses rides et ridules, hachures sur les épais sourcils et le nez ; œil droit rectangulaire.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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10. [Saint Simon].
remissionem peccatorum, "à la rémission des péchés".
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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11. [Saint Jude-Thaddée : CARNIS RESURRECTIONEM.
carnis resurrectionem "à la résurrection de la chair".
Fond rouge : feuillages F1 ou F2.
Jaune : cheveux, barbe.
Chevelure à tourbillon central. Sourcils en lignes brisés, nombreuses rides, œil rectangulaire, etc.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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12. [Saint Matthias]. VITAM ETERNAM AMEN.
vitam aeternamAmen "à la vie éternelle amen".
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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LES ANGES DES QUADRILOBES .
On trouve de chaque coté, dans le carré qui les réunit, deux anges porteurs de phylactères mentionnant le Sanctus et, en haut et en bas, deux anges porteurs de couronnes. Dans les deux écoinçons qui les bordent, deux anges musiciens sont peints.
1°) Quatre quadrilobes d'anges porteurs de phylactères.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Quadrilobe à l'extrême gauche : ange à phylactère.
La banderole porte les mots SANCTUS DOMINUS DEUS SABAOTH PLENI
C'est bien-sûr l'incipit du Sanctus :
Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus Deus Sábaoth. Pleni sunt caeli et terra glória tua. Hosánna in excélsis. Benedíctus qui venit in nómine Dómini. Hosánna in excélsis.
Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l'univers ! Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire. Hosanna au plus haut des cieux ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna au plus haut des cieux !
Jaune d'argent : chevelure, galon de l'amict, nuées du lobe inférieur.
L'ange porte au dessus de l'aube finement plissée sous l'effet d'un cordon un amict ourlé d'un galon d'or. Sa tête, imperceptiblement inclinée vers la droite, présente un visage rond au front droit, aux yeux rectangulaires, ourlés et cernés, au nez un peu épaté, aux lèvres fines. Sa chevelure mi-longue aux boucles fortement ondulées est volumineuse à la hauteur des tempes et aplaties sur le haut du crâne.
Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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SANC[TU]S, SNCX, SNCX D[OMI]N[U]S EIUS.
Sanctus Sanctus Sanctus Dominus eius
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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D[OMI]N[U]S S--US DEUS EIUS DOMINUS D-US.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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S[ANC]TUS S[ANC]TUS S[ANC]TUS DOMINUS DEUS.
Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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2°) Quatre quadrilobes aux chérubins porteurs d'une couronne.
La couronne d'or est celle d'un couronnement spirituel. Il s'agit vraisemblablement de celle du Christ ("mon Royaume n'est pas de ce monde", Jn 18:36), puisque toute cette vitre est christique, à la différence des baies latérales où Marie recevait son couronnement dans les Cieux après son Assomption. Elle vient faire un glorieux contre-point à la Couronne d'épines. Mais elle renvoie aussi aux couronnes répétées sur la bordure des lancettes.
Les anges méritent toute notre attention ; nous remarquons alors qu'ils ont deux paires d'ailes de deux couleurs bleue ou verte, et que leur corps est couvert de plumes. Ils flottent sur des nuées. Ce sont des chérubins.
Fond rouge à feuilles en lanières dans les interstices.
Jaune d'argent sur le corps, la chevelure et parfois les ailes des chérubins, et sur les couronnes.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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LES ANGES MUSICIENS DES ÉCOINÇONS.
Deux cartons sont repris après inversion, et nous avons donc, en double, deux anges jouant l'un d'une mandore et l'autre d'une vièle à archet. Dans les deux cas, les instruments sont piriformes, monoxyles ou bien à côtes et leur table est sculptée d'une rosace centrée, a priori décorative sculptée sans fonction d'ouïe. Dans les deux cas encore, le cheviller est recourbé sur lui-même et son extrémité est sculpté d'une tête d'animal. Il reste à les détailler.
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1°) L'ange joueur de rebec.
Ce qu'on observe, c'est un instrument piriforme étroit et long, à six cordes (six chevilles), dont on peut décrire trois parties. La première, formant l'arrondi de la poire, est creux, puisqu'elle est dotée de deux ouïes en forme de C. Elle est plus basse que la suivante, et séparé de celle-ci par une crête. Vient ensuite la partie moyenne, centrée par une rose décorative, et sur lequel l'archet vient jouer sur les cordes. Enfin, le chevillier, creusé, forme un demi-cercle et s'achève par une tête d'animal (un dragon). L'instrument est tenu sur la poitrine, son fond calé sur la face interne du bras.
L'ange tient un archet bombé, le poignet en pronation, la main tenant un manche.
Les deux instruments de droite et de gauche sont quasi identiques, celui de gauche est plus facile à observer. Dois-je y voir un rebec ? Le distinguer d'une vièle ?
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Les anges portent l'amict brodé d'orfrois dorés sur une aube plissée qui retombe en un feston bouffant au dessus de la ceinture. Les poignets sont bordés par un galon doré. Le jaune d'argent utilisé pour ces broderies d'or se retrouve aussi employé pour la chevelure, mais peut-être aussi pour rehausser l'œil gauche de l'ange de droite (voir la vue rapprochée).
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Je vais d'abord m'attacher à retrouver, sans succès, des exemples de vièle ou rebec présentant ce chevillier bien particulier, puis à trouver des illustrations à peu près contemporaines de cette verrière de 1402.. Les vièles que je vais trouver sur la voûte de la Chapelle de la Vierge (Jean de Bruges, vers 1377), ont un cheviller droit (Luc Chanteloup utilise à son sujet le terme de rebec ou pochette). De même pour celles ornant les enluminures des Très Belles Heures de Notre-Dame, (1375-1400), peintes par le Maître du Parement de Narbonne (Jean d'Orléans).
De même, le rebec des anges des Très Belles Heures de Notre-Dame est à chevillier droit (folio 67v, Noces de Cana).
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Ange joueur de rebec, voûte de la Chapelle de la Vierge (Jean de Bruges, vers 1377), photographie lavieb-aile 2014.
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Ange joueur de rebec, Très Belles Heures de Notre-Dame est à chevillier droit (folio 67v, Noces de Cana).
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2°) L'ange joueur de mandore.
L'instrument est une mandore, un instrument à la caisse en demi-poire, plus étroit que le luth, et dont les trois, quatre ou six cordes (comme ici si j'en juge par le nombre de chevilles) produit un son plus aigu. La table est décorée d'une rosace. Le cheviller décroche du corps de l'instrument à angle droit avant de décrire un demi-cercle et de s'achever en tête de dragon.
Mais surtout, la peinture sur verre montre parfaitement le plectre, cet accessoire qui ressemble ici à un haricot vert en S allongé, mais qui est habituellement confectionné grâce à une plume d'oie ou une fine tranche de corne. Tenu entre pouce et index, il prend appui sur la première commissure.
Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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La recherche iconographique d'instruments identiques, avec la tête d'animal, est plus fructueuse.
— Parmi les 47 anges des voûtains de la Chapelle de la Vierge en la cathédrale du Mans, peinte par Jean de Bruges vers 1377, l'un joue d'une mandore. Les doigts de la main gauche appuient sur chacune des trois doubles cordes, la main droite, munie d'un plectre, sorte de stylet tenu entre le pouce et le majeur, pince les cordes. Le cheviller, en forme de crosse recourbée vers l'avant, distingue la mandore du luth. Il se termine par une tête de monstre sculptée. (Voir Jean-Marcel Buvron, Luc Chanteloup, Philippe Lenoble, Les anges musiciens de la cathédrale du Mans, 2005, ou Luc Chanteloup, , Les anges musiciens de la cathédrale du Mans, un concert céleste, Ed. de la reinette 2009).
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Voûte de la chapelle de la Vierge, Le Mans, par Jean de Bruges vers 1377. Photographie lavieb-aile.
Voûte de la chapelle de la Vierge, Le Mans, par Jean de Bruges vers 1377. Photographie lavieb-aile.
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Sur le coin supérieur de l'enluminure du Couronnement de la Vierge, peint en 1375-1400 pour les Très Belles Heures de Notre-Dame, folio 75v, on trouve un ange joueur de mandore. L'instrument est monté avec quatre cordes, et quatre chevilles ; le chevillier en crosse se termine par une tête de femme. La tenue du plectre se fait entre pouce et index, tandis que le majeur semble posé sur la corde la plus basse. La position des doigts de la main gauche est peinte de façon si précise qu'un musicien pourrait sans doute en tirer des conclusions sur l'accord ou le jeu.
Au total, ces trois représentations du même instrument (avec quelques variantes) se valident mutuellement, d'autant qu'elles sont toutes datées de la fin du XIVe ou tout début du XVe (entre 1375 et 1402). Ce qui pourrait même permettre d'étudier les rapports entre Jean de Bruges, Jean d'Orléans (Maître du Parement de Narbonne) et l'auteur de la maîtresse-vitre de Saint-Jacques de Merléac.
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Très Belles Heures de Notre-Dame (1375-1400), enluminure du Maître du Parement de Narbonne (Jean d'Orléans), Couronnement de la Vierge folio 75v. Gallica.
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Dans les marges des folios 67v et 161v des Très Belles Heures de Notre-Dame, se trouve un nouvel exemple de cet ange joueur de mandore. Associé à un joueur de rebec.
Très Belles Heures de Notre-Dame (1375-1400), enluminure du Maître du Parement de Narbonne (Jean d'Orléans), Noces de Cana. Gallica.
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Folio 161v, Très Belles Heures de Notre-Dame (1375-1400), enluminure du Maître du Parement de Narbonne (Jean d'Orléans), Noces de Cana. Gallica.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Précision sur les amicts des anges.
Ces amicts sont bien particuliers par le savant repli du tissu sur lui même qui, comme pour les serviettes pliées dans un restaurant, transforment le banal carré d'étoffe en un accessoire particulièrement élégant. Ce raffinement tient à l'évasement des formes sur les épaules, mais surtout au dessin en U ballonisé des deux pointes de col qui tendent à se rejoindre. Plus tard, à partir de 1423, ce dessin en U adoptera la forme de la lettre oméga minuscule ou d'un W arrondi, dans les sculptures sur pierre des anges du Maître du Folgoët.
Pourrait-on en déceler les sources ?
J'en trouve un exemple dans un Trône de Gloire lorrain du XVe siècle restauré par Muriel Oiry en 2010 (Salle lapidaire du Musée d’art et d’histoire de Toul, déposée de la façade occidentale de l’église Saint-Gengoult de Toul ). Les photos proviennent de son article et sont sa propriété :
Muriel Oiry, Le Trône de Grâce : étude et la restauration d’une Trinité lorraine du XVe siècle, https://ceroart.revues.org/1748
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Remarque complémentaire sur le duo rebec / mandore.
Deux anges musiciens jouant face à face l'un d'un rebec, l'autre de la mandore (avec un plectre), est représenté aussi dans la chapelle Saint-Jacques, sur les lambris peints du bas-coté nord, au sein d'un instrumentarium plus étoffé.
De plus, si le chevillier de la mandore est droit, perpendiculaire au manche, celui du rebec est en crosse terminé par une tête féminine.
Voilà les photos qui les concernent, en attendant l'article consacré à ces peintures.
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Peintures murales du bas-coté nord, de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
Ange jouant du rebec , peintures murales du bas-coté nord, de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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LES TRILOBES.
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1) Aux fleurs de lys.
Si ces fleurs de lys sont d'origine, et non le fruit d'une création par un restaurateur, elles inciteraient à rechercher leur signification héraldique en association avec les macles des Rohan.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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2. Trilobe aux armes des Rohan .
de gueules aux macles d'or.
En 1402, le vicomte de Rohan en titre était Alain VIII de Rohan, fils de Jean Ier de Rohan et de Jeanne de Léon (morte en 1372). Vicomte de Rohan de 1396 à sa mort en 1429. Il était l'époux, depuis 1380, de Béatrix de Clisson, fille du connétable Olivier V de Clisson.
Son fils, le comte de Porhoet, était né vers 1382 et avait donc 20 ans. Il deviendra vicomte de Rohan en 1429 sous le nom d'Alain IX. A l'époque de la création de ce vitrail, il était célibataire, puisque son mariage avec Marguerite de Bretagne sera célébré en 1407.
Le commanditaire, ou du moins le seigneur qui exerça ses droits prééminence sur cette verrière axiale était donc Alain VIII de Rohan.
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Tympan de la maîtresse vitre de 1402 de la chapelle saint-Jacques à Merléac. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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DISCUSSION.
Autant les panneaux des lancettes et des tympans des baies latérales contemporains de cette maîtresse-vitre étaient voués au culte de la Vierge, de son Assomption et de son titre de reine, autant la vitre axiale de la chapelle Saint-Jacques est dédié, mis à part le registre consacré à saint Jacques comme patron de l'édifice, à la Christologie. Les lancettes de la Passion sont complétées par le tympan, dont la rose est centrée par le visage du Christ, entouré de ses douze disciples et adoré par un cortège d'anges qui chantent ses louanges et sa divinité par les accents du Sanctus.
Mais c'est surtout l'importance des douze articles de la Foi, piliers de son Église, qui est affirmée.
Il est si courant de voir, en franchissant les porches des églises et chapelles bretonnes, les deux groupes de six apôtres portant en écharpe l'article de ce Credo apostolique qu'on oublierait volontiers que toutes ces sculptures de pierre sont postérieures au premier quart du XVe siècle, puisque les premiers porches suivent la construction de la collégiale du Folgoët en 1423. Le porche de Saint-Herbot en Plonevez-du-Faou, qui en est un superbe exemple, date de 1481-1509, et son homologue de Plourach de 1458-1488.
De même, l'autre exemple de Credo apostolique (et prophétique) sur un vitrail de Bretagne, celui de Quemper-Guézennec, date de 1460-1470.
Ce cortège des douze apôtres tenant leur phylactère serait, sous réserve d'inventaire, la première manifestation dans notre Région de cette tradition iconographique.
Dans les provinces voisines, il faut attendre 1430-1435 pour voir ce Credo apostolique traité en vitrail à la cathédrale Saint-Julien du Mans, sous la Rose de la baie 217.
Seule, la cathédrale de Metz peut s'enorgueillir de sa baie occidentale de 1384 qui traite, sous la grande Rose, du Credo apostolique et prophétique. Elle n'est antérieure que de moins de vingt ans à la verrière de Merléac.
Cela lui confère donc un intérêt manifeste. Mais nous pouvons aller plus loin dans nos considérations.
En effet, s'il faut rechercher des exemples iconographiques dans les autres arts, et après avoir écarté les œuvres postérieures à ce vitrail de 1402 (comme le Baptistère de Sienne de 1450, ou les ouvrages imprimés comme les Calendriers des Bergers), nous trouvons des manuscrits comme le Verger de Soulas ou Speculum Theologiae de la fin du XIIIe siècle folio 13v, le Livre d'heures de Jeanne II de Navarre, enluminé à Paris vers 1330 (Bnf NAL3145), ou le Bréviaire de Belleville Bnf Latin 10483 (1323-1326) mais c'est surtout dans les manuscrits du duc Jean de Berry (1340-1416) que nous trouvons l'expression de ce thème :
a) Le Psautier de Jean de Berry peint vers 1380-1400, enluminé par André Beauneveu, et où chaque apôtre et chaque prophète occupe une page particulière, avec le texte de son article ou de sa prophétie en latin et en français. Ce serait un psautier à l'usage de Bourges.
b) Les Grandes Heures de Jean de Berry, peintes vers 1400-1410, où un apôtre tenant un phylactère et un prophète affilié est représenté en bas de chaque page du calendrier, comme dans le Bréviaire de Belleville. Mais ce dernier manuscrit est déjà postérieur au vitrail de Merléac.
Il faut ajouter que l'on voit encore en la crypte de la cathédrale de Bourges les vitraux des apôtres et des prophètes qui éclairaient jadis la Sainte-Chapelle de Bourges, consacrée en ...1405. Ces vitraux avaient été peints par André Beauneveu.
En conclusion, il existe un faisceau d'argument pour penser que le choix iconographique de la verrière de Saint-Jacques de Merléac a été influencé par les vitraux et les enluminures commandés par le duc Jean de Berry entre 1380 et 1410. Plus précisément, l'influence d'André Beauneveu a pu être déterminante, en tant que peintre d'enluminure et de vitraux à Bourges vers 1486-1488.
Il resterait à étudier les voies de cette influence du Centre-Val de Loire sur la Bretagne et des liens entre les Rohan et la cour de Bourges. Ces liens peuvent passer aussi par les Clisson en raison du mariage, en 1380, de Béatrix de Clisson, fille du connétable Olivier V de Clisson, avec Alain VIII de Rohan.
Un argument peut être évoqué : c'est la ressemblance entre les fonds damassés des vitraux de Saint-Jacques de Merléac et ceux des tentures derrière les apôtres et prophètes du Psautier de Jean de Berry à feuilles F1 ou F2. Les rinceaux R1 s'y observent dans les lettrines des pages suivantes.
Par contre, ces fonds damassés sont très simples, si on les compare à ceux de vitraux de la Sainte-Chapelle de Bourges, eux aussi consacrés à un Credo apostolique (complété par les Prophètes, une Sibylle, etc).
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ANNEXE.
Un Mystère de la Résurrection a été joué à Angers en 1456, copié sur un manuscrit conservé au musée Condé de Chantilly, sur un manuscrit de la Bnf français 972 daté de 1491 et imprimé par Antoine Vérard en 1499.
Le manuscrit de Chantilly contient, à la fin du Mystère, un Credo en allemand et un Credo en breton. Ce Credo breton étudié par P. Le Nestour est très précieux puisqu'il précède, comme témoignage du breton armoricain, le Catholicon de Lagadeuc (1464), mais aussi, pour mon sujet, parce qu'il atteste du culte du Credo en Bretagne, et de la forme qu'il prenait au début du XVe siècle.
Le Mystère de la Résurrection de 1456 montre d'une part comment est mis en scène l'énonciation des articles du Credo par chaque apôtre lors de la Pentecôte dans l'enceinte du Cénacle. Les vers 19316 à 19319 donnent l'attribution des articles à chaque disciple par saint Pierre, qui s'exprime :
Si je pense chascun en son cueur
D'entre nous douze, d'en dicter
Ung article et le rapporter
Par escript, desquelz je seray
Celluy qui le premier feray,
Et Jehan Zebedee sera
Celluy qui le second fera,
E Jacques son frere le tiers,
Et mon frere André volentiers
Fera le quart, comme il advient,
Et Phelippe fera le quint
Et Thomas fera le VIe,
Et Berthelemé le VIIe
Mace le VIIIe dictera
Et Jacques Alheus ara
La charge du neufme faire
Et Simon Zelotes, son frere
Escrira le dizieme a plain
Et son autre frere germain,
Judas Thedëus, escripra
Le Xie article et baillera,
Et Mathias, nouvellement,
receu, fera l'achevement
Du XIIe article dicter.
Les vers suivants 13340-13367 donnent le texte latin des articles.
— BREVIAIRE DE BELLEVILLE : Breviarium ad usum fratrum Predicatorum, dit Bréviaire de Belleville. Bréviaire de Belleville, vol. I (partie hiver), 1323-1326
—PICHON (Denis) , 2000, Note sur les peintures murales de Notre-Dame-du-Tertre à Châtelaudren : présence d'un Credo prophétique Société d'émulation des Côtes-d'Armor, 2000, 130, p. 115-122
— Jean-Marcel Buvron, Luc Chanteloup, Philippe Lenoble, 2003, Les anges musiciens du Mans. Textes de Jean –Marcel Buvron, Luc Chanteloup et Philippe Lenoble – Conception et maquette : Philippe Maillet et Jean-Luc Prou. Editions de la Reinette, 9 rue des frères Gréban - 72009 - Le Mans Cedex
— Baptistère de Sienne : http://www.viaesiena.it/fr/caterina/itinerario/battistero/articoli-del-credo/articoli-della-seconda-campata
— RANSON (Lynn) 2002 A franciscan program of illumination Insights and Interpretations: Studies in Celebration of the Eighty-fifth .publié par Colum Hourihane ..pp 84-89 En ligne
—COUFFON (René) 1935, "Les verrières anciennes des Côtes-du-Nord" Bulletins et Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord t.67 pp.115-117. En ligne. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441314t/f141.image
— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel) 2005 , Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes pp.100-102.
— DONNART (Mireille) La maîtresse-vitre de Quemper-Guézennec (fin XVe siècle) Mémoire de maîtrise Paris X-Nanterre 1990. (non consulté)
— DONNART (Mireille), 1993 "Prophètes et apôtres dans la La maîtresse-vitre de Quemper-Guézennec (fin XVe siècle)", Actes du Colloque Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon (1993). L'auteur reprend les assertions de René Couffon, ses transcriptions erronées des phylactères et ses fausses identifications des auteurs des versets prophétiques, de même que l'évocation de l'influence de Maître Francke.
— GAY (Françoise) 1993, Le choix des textes des prophètes face aux apôtres au Credo", in Actes du Colloque Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon
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