. Résumé. —nom de genre Anax, Lech, 1815, "Entomology". In Brewster, David. Edinburgh Encyclopaedia. Vol. 9. Edinburgh: William Blackwood. pp. 57–172 [137] (in 1830 edition) : Anax vient de l'ancien grec ἄναξ , anax qui signifie « seigneur », « chef [de guerre] » ou « roi [tribal] ». Il est interprété comme qualifiant le comportement dominant d'Anax imperator, la seule espèce décrite par Leach 1815 sous son genre Anax. L'auteur lui-même ne fait aucun commentaire ni sur la justification de son nom de genre, ni sur le comportement de l'espèce qu'il nomme sans la décrire. Néanmoins, les liens unissant Anax "roi" en grec et imperator "empereur" en latin, sont évidents, comme il est évident que cette espèce est de morphologie tout à fait royale, par sa taille , l'une des plus grandes des Libellulidae (son envergure peut atteindre 11 cm) ou par les couleurs bleu et noir de l'abdomen des mâles (vert et/ou bleu et noir chez les femelles). Le vol des mâles est également majestueux, lorsqu'ils dominent "de manière impériale un territoire allant d'une simple flaque à une zone atteignant 2400 m2, duquel ils repoussent leurs congénères. Ils patrouillent continuellement au dessus de l'eau, parfois loin des rives" (Grand et Boudot, 2006). —nom d'espèce Anax junius Drury, 1773 : Illustration of Natural History, White, London, 1770-1782, pl. XLVII fig.2 sous le protonyme Libellula junia. L'épithète Junia, écrit avec une majuscule par Drury, doit être compris comme la forme féminine (accordée avec Libellula) du latin Junius, non pas le quatrième mois du calendrier romain (qui ne comporte pas de majuscule) mais comme le nom d'une importante famille de la Rome antique, dont Lucius Junius Brutus, fondateur légendaire de la république romaine, est le plus illustre. Pour s'en convaincre, il suffit de découvrir les noms des espèces de libellules décrites dans le volume 2 (1773) aux Planches XLV à XLVII : Lucia Caia Marcia Domitia Titia Arria Fulvia Paulina, Lydia, Eponina, Portia, Sophronia, Lucretia, sont extraits de la liste des gens romaines.
— Noms vernaculaires français : 1. "L'Anax junia" Sélys, une transcription du nom scientifique 1850.2. "L'Anax de Juin" Provancher, 1877, un contre-sens sur l'épithète junius.. 3.4. "L'Anax de juin et L'Anax cyclope". Dijkstra 2007, expliqué par "la marque caractéristique en forme d'œil sur le front" de l'espèce. 4. "L'Anax américain", Grand et Boudot, 2007, cette espèce nord-américaine ayant été adressé de New-York à Drury, et n'apparaissant exceptionnellement sur les côtes occidentales d'Europe que lors des tempêtes d'équinoxes.
— Noms vernaculaires dans d'autres langues :
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- Néerlandais : amerikaanse keizerlibel
-catalan : libèllula verda ou libèllula de juny
-espagnol : La libélula verde ou libélula de junio
- allemand : Die Amerikanische Königslibelle
- anglais : Common Green Darner
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LE NOM SCIENTIFIQUE.
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. I. LE NOM DE GENRE, ANAX, LEACH, 1815. Voir http://www.lavieb-aile.com/2018/01/zoonymie-des-odonates.le-nom-de-genre-anax-leach-1815.html . . .
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II. LE NOM D'ESPÈCE ANAX JUNIUS, DRURY, 1773.
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Libellula junia, Drury, Dru, 1770. Illustrations of natural history. Wherein are exhibited upwards of two hundred and forty figures of exotic insects, according to their different genera; very few of which have hitherto been figured by any author, being engraved and coloured from nature, with the greatest accuracy, and under the author's own inspection, on fifty copper-plates. With a particular description of each insect: interspersed with remarks and reflections on the nature and properties of many of them. To which is added, a translation into French. - pp. I-XXVII [= 1-27], [1], 1-130, index [1-2], Pl. I-L [= 1-50]. London. (White).
Le site animalbase indique : "Description et figure p. 112, Pl. 47 Fig. 5, sans le nom binominal. Nom établi en 1773 (date de publication de l'index non paginé à la fin du volume, Art. 12.2.2).". En effet, la figure 5 de la planche 47 du premier volume, publié en 1770, des Illustrations d'histoire naturelle de Drury porte l'indication "junia" au crayon , et ce nom n'est donc pas valide puisqu'il n'est pas binominal. C'est dans l'Index qui figure à la fin du deuxième volume, daté de 1773, et qui s'intitule Names of the insects, according to the system of Linnaeus, que se trouve l'indication Clas. Neuropt. Genua Libell. devant 14 noms de libellules des planches 45 à 47 de ce second volume. Bien que l'on ne trouve pas le nom Libellula junia (du moins, je ne l'ai pas vu), mais junia en volume 1 et libell. en volume 2 pour d'autres espèces, la commission a conclu à la validité du taxon L. junia de Drury, mais en lui appliquant la date de 1773.
La description originale, page 112, est en anglais et en français :
FlG. V. Expands nearly four inches and a quarter.
This insect is very much like one we have in England, but not entirely so differing in some circumstances from ours ; and is introduced rather as a subject for illustrating the history of these insectis, than as a specimen meriting a place in this work. The Head, is large, and in front of a brown yellow.
— The Eyes, are brown, almost black, Sarge, and placed close together.
— The Thorax, when the insect was living, appears to have been green,
— The Abdomen, is now brown, but I fancy was green also ; for. these kinds of insefts are very subject to lose the gay colours they exhibited when alive.
— The Wings, are reticulated and transparent ; appearing of a brownish colour along the anterior edges ; having a small flender black stripe, about a quarter of an inch long, placed thereon near the tips, and a small angular white spot at the base of each next the body. I received it from New York.
. Fig.. V. Déploye ses aîles près de quartre [sic] pouces & un quart. Cet insecte resemble beaucoup à un que nous avons en Angleterre, mais pourtant il diffère en quelques particuliers, & je l'introduis ici plutôt comme un sujet pour éclaircir l'histoire naturelle de ces insectes, que comme une espece qui mérite être proposée dans cet ouvrage.
La Tête est grande, & en devant brune jaune. — Les Yeux font bruns presque noirs, grands, & placés contigus. — Le Corselet, quand l'insecte étoit vivant, paroit avoir été verd. — L' Abdomen est à présent brun, mais je crois qu'il étoit aussi verd, car les especes de ce genre sont fort sujettes à perdre leurs belles couleurs, quand mortes. — Les Ailes sont réticulées & transparentes, d'une couleur brune le long des bords antérieurs, avec une raye déliée, environ un quart d'un pouce en longueur, noire prés des bouts, & une petite tache blanche angulaire, à la base de chaque aile, près du corps. Je l'ai receu de la Nouvelle York.
En 1839, H. Burmeister le décrira sous le nom Æschna junia dans son Handbuch der Entomologie 2:841.
En 1850, Sélys-Longchamps le décrira sous le nom d'Anax junia dans sa revue des Odonates ou libellules d'Europe page 328. (le genre Anax est alors féminin).
Calvert reprend le nom Æschna junia dans les Transactions of American entomological Society en 1898 25:56.
Calvert utilise le nom Anax junius dans les Transactions of American entomological Society de 1919 45:357 (Cuba)
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. ÉTUDE DU NOM.
L'épithète Junia, écrit avec une majuscule par Drury, doit être compris comme la forme féminine (accordée avec Libellula) du latin Junius, non pas le quatrième mois du calendrier romain (qui ne comporte pas de majuscule) mais comme le nom d'une importante famille de la Rome antique, dont Lucius Junius Brutus, fondateur légendaire de la république romaine. Pour s'en convaincre, il suffit de découvritr les noms des espèces de libellules décrites dans le volume 2 de 1773 aux Planches XLV à XLVII : Lucia Caia Marcia Domitia Titia Arria Fulvia Paulina, Lydia, Eponina, Portia, Sophronia, Lucretia, extraits de la liste des gens romaines.
. H. FLIEDNER, 2009 https://www.entomologie-mv.de/download/virgo-9/Virgo%200902%20Die%20wissenschaftlichen%20Namen%20der%20Libellen%20in%20Burmeisters.pdf http://dominique.mouchene.free.fr/libs/docs/GENE_Burmeister_Fliedner.pdf
"- junius bedeutet: Angehöriger des Clans der Iunii. Zu dieser römischen Familie gehörte Marcus Iunius Brutus, der berühmte Gründer der römischen Republik ebenso wie zwei der Mörder Cäsars. Doch keiner von ihnen hat für den Namen der Art Pate gestanden. Denn Drury hatte diese, getreu seiner Gewohnheit weibliche Namen aus der römischen Antike zu wählen, als Libellula junia beschrieben. Bei der Zuordnung der Art zu der neuen Gattung wurde der Name deren grammatischen Genus angepasst. Das macht man heute bei Eigennamen nicht mehr."
"- junius means: member of the Iunii-clan. To that Roman family belonged Marcus Iunius Brutus, the famous founder of the Roman republic as well as two of the assassins of Caesar. But none of them is involved in the origin of this denomination. For Drury, following his manner of giving female names from antiquity to Odonata, described this species as Libellula junia. The name was adapted in gender, when the species was transferred to the present genus. Today that would not happen to a proper name."
. VAN HIJUM, 2005. http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document&docid=555521
non décrit
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. LES NOMS VERNACULAIRES. .
. I. LES NOMS VERNACULAIRES FRANÇAIS. .
L'espèce étant erratique d'origine américaine, et rarement décrite en France lorsque les tempêtes d'équinoxes l'entrainent en Cornouailles anglaises (six individus en septembre 1998 amené par les reste du cyclone Earl) ou sur nos côtes atlantiques (un individu mâle le 14 septembre 2003 à la Pointe Saint-Gildas au sud de Vannes), elle n'a pas reçue rapidement de nom vernaculaire, hormis au Canada par un auteur francophone.
1°) L'Anax junia Sélys, 1850.
En 1850, Sélys-Longchamps (Revue des Odonates page 328) lui donne comme nom vernaculaire le nom scientifique : Anax junia Drury, ou "Anax junia".
2°) "L'Anax de Juin" Provancher Léon, 1877.
Petite faune Entomologique du Canada et particulièrement de la Province de Québec. Vol. II. Orthoptères, Névroptères et Hyménoptères. page 100
L'abbé Léon Provancher, québécois auteur aussi d'une Flore canadienne, commet le contre-sens qu'il fallait éviter (et que rien ne vient particulièrement justifier en terme de période d'apparition de l'Odonate) dans la traduction de Junius.
Le nom a néanmoins fait école, et se retrouve encore soit sur Wikipédia, soit dans le Guide des Libellules de Dijkstra (Delachaux et Niestlé 2007).
3°) L'Anax américain, Grand et Boudot, 2007.
Daniel Grand, Jean-Pierre Boudot, Les libellules de France, Belgique et Luxembourg page 328.
Daniel Grand est l'auteur de l'article Les Libellules et le réchauffement climatique, Rev. sci. Bourgogne-Nature - 9/10-2009, 124-133
K-D. B. Dijkstra Guide des Libellules de France et d'Europe, Delachaux et Niestlé 2007, pages 166-167.
Ce nom a été sans doute créé avant que Grand et Boudot n'ait publié leur "Anax américain", et a été suscité par "la marque caractéristique en forme d'œil sur le front" de l'espèce.
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. II. LES NOMS VERNACULAIRES DANS D'AUTRES LANGUES.
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- Néerlandais : amerikaanse keizerlibel
-catalan : libèllula verda ou libèllula de juny
-espagnol : La libélula verde ou libélula de junio
- allemand : Die Amerikanische Königslibelle
- anglais : Common Green Darner .
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. SOURCES ET LIENS. . Bibliographie générale de ces articles de zoonymie des Odonates : voir ici. http://www.lavieb-aile.com/2018/01/la-bibliographie-de-mes-articles-de-zoonymie-des-odonates.html
. OUTILS DE ZOONYMIE. — http://www.dragonflypix.com/etymology.html — PRÉCIGOUT (Laurent), PRUD'HOMME (Eric), 2009, Libellules de Poitou-Charentes, Ed. Poitou-Charentes Nature, 255 pages, — POITOU-CHARENTE NATURE (Association) / Philippe JOURDE & Olivier ALLENOU http://www.poitou-charentes-nature.asso.fr/leucorrhine-a-front-blanc/ — ANTONIO (Costantino D’), VEGLIANTE (Francesca ) "Derivatio nominis libellularum europæarum"(PDF) (en Italien) Étymologie de 197 noms de Libellules européennes. https://www.researchgate.net/publication/316791278_Derivatio_nominis_libellularum_europaearum
— ENDERSBY (IAN D. ), 2012, : Watson and Theischinger: the etymology of the dragonfly (Insecta: Odonata) names which they published Journal and Proceedings of the Royal Society of New South Wales, vol. 145, nos. 443 & 444, pp. 34-53. ISSN 0035-9173/12/010034-20 34 https://royalsoc.org.au/images/pdf/journal/145_Endersby.pdf — ENDERSBY (IAN D., FRS ), 2012, Etymology of the Dragonflies (Insecta: Odonata) named by R.J. Tillyard, F.R.S. Proceedings of the Linnean Society of New South Wales 134, 1-16. https://openjournals.library.sydney.edu.au/index.php/LIN/article/viewFile/5941/6519 — ENDERSBY (IAN D., FRS ), 2012, The Naming of Victoria’s Dragonflies (Insecta: Odonata, Proceedings of the Royal Society of Victoria 123(3): 155-178. https://www.academia.edu/28354624/The_Naming_of_Victoria_s_Dragonflies_Insecta_Odonata_ — ENDERSBY (IAN D. ), 2015, The naming's of Australia's dragonflies. https://www.researchgate.net/publication/283318421_The_Naming_of_Australia%27s_Dragonflies http://dominique.mouchene.free.fr/libs/docs/GENE_origine_noms_odonates_Australie_Endersby_2015.pdf — FLIEDNER (Heinrich), 2009, Die wissenschaftlichen Namen der Libellen in Burmeisters ‘Handbuch der Entomologie’ Virgo 9[5-23] http://www.entomologie-mv.de/download/virgo-9/Virgo%200902%20Die%20wissenschaftlichen%20Namen%20der%20Libellen%20in%20Burmeisters.pdf — FLIEDNER (Heinrich), "The scientific names of the Odonata in Burmeister’s ‘Handbuch der Entomologie". http://dominique.mouchene.free.fr/libs/docs/GENE_Burmeister_Fliedner.pdf — FLIEDNER (Heinrich), 1997. Die Bedeutung der wissenschaftlichen Namen Europaischer Libellen. Libellula, supplement I. Sonderband zur Zeitschrift der Gesellschaft deutschsprachiger Odonatologen (GdO) e.V. Fliedner, Bremen.
— FLIEDNER (Heinrich), (1998): Die Namengeber der europäischen Libellen. Ergänzungsheft zu Libellula - Supplement 1 — FLIEDNER (H.), 2012, Wie die Libelle zu ihrem Namen kam Virgo, Mitteilungsblatt des Entomologischen Vereins Mecklenburg 15. Jahrgang (2012). https://www.entomologie-mv.de/download/virgo-15/virg%2015104%20Libelle_Namensherkunft.pdf — HIJUM (Ep van ), 2005, Friese namen van libellen , TWIRRE natuur in Fryslan jaargang 16, nummer 4 page 142-147 http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document&docid=555521 — STEINMANN (Henrik), World Catalogue of Odonata, Walter de Gruyter, 6 févr. 2013 - 650 pages . Numérisé Google. https://books.google.fr/books?id=IaEgAAAAQBAJ&dq=world+catalogue+odonata&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— SITE Libellen - eine (kleine) Einführung . die Namensgebung
http://www.libelleninfo.de/07.html#buch
http://www.libelleninfo.de/071.html
—SCHIEMENZ, H. (1953): Die Libellen unserer Heimat. Jena: Urania
— WENDLER (A)., A. Martens, L. Müller & F. Suhling (1995): Die deutschen Namen der europäischen Libellenarten (Insecta: Odonata).Entomologische Zeitschrift 105(6): 97-112
EXTRAIT DE LA BIBLIOGRAPHIE :
— DRURY (Dru), 1770 , Illustrations of natural history. Wherein are exhibited upwards of two hundred and forty figures of exotic insects, according to their different genera; very few of which have hitherto been figured by any author, being engraved and coloured from nature, with the greatest accuracy, and under the author's own inspection, on fifty copper-plates. With a particular description of each insect: interspersed with remarks and reflections on the nature and properties of many of them. To which is added, a translation into French. - pp. I-XXVII [= 1-27], [1], 1-130, index [1-2], Pl. I-L [= 1-50]. London. (White).
— DRURY (Dru), WESTWOOD, 1837, Illustrations of exotic entomology : containing upwards of six hundred and fifty figures and descriptions of foreign insects, interspersed with remarks and reflections on their nature and properties
La baie 1 est celle qui est située à gauche de la baie d'axe, dans l'abside. Vers 1500, les réseaux et meneaux des fenêtres de cette abside ont été modifiés, et ont reçu de nouveaux vitraux, grâce à la contribution de donateurs haut-placés : le grand amiral Louis Malet de Graville pour la baie d'axe consacrée à la Passion, Louis Le Picart pour la baie 2 consacrée à la Vie de saint Jean-Baptiste. C'est ce même donateur qui offrit la verrière de la Vie de Marie-Madeleine de la baie 1, mais celle-ci nous est parvenue incomplète, et les restaurateurs, "à une époque ancienne", ont complété la baie avec des éléments composites.
Ma description s'appuie sur celle des auteurs de Les Vitraux de Haute-Normandie, Martine Callias Bey, Véronique Chaussé, Françoise Gatouillat et Michel Hérold, pages 44 et 120.
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La baie mesure 6 m. de haut et 2,80 m. de large et comporte trois lancettes et un tympan à cinq ajours. Elle a été remaniée, principalement par Théodore Bernard en 1847-1848.
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Pour Callias Bey & al., cette baie rassemble autour de la Vie de Marie-Madeleine de la lancette centrale et des ajours latéraux du tympan dés éléments soit plus anciens (les saintes Marie-Madeleine et Anne dans des niches de 1460-1480) soit qui lui sont contemporaines (les Pèlerins d'Emmaüs devant le Christ), avec, en outre le réemploi de deux chanoines donateurs du 3ème quart du XVe siècle. Ce qui me conduit à ce schéma :
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Je décrirai donc cette verrière en regroupant les panneaux homogènes :
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I. LES PANNEAUX PROVENANT D'UNE VIE DE MARIE-MADELEINE, PAR L'ATELIER ROUENNAIS DU "MAÎTRE DE LA VIE DE SAINT JEAN-BAPTISTE", OFFERTE VERS 1500-1510 PAR JEAN LE PICART DE RADEVAL. LANCETTE CENTRALE ET TYMPAN.
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1°) Le registre inférieur de la lancette centrale : Marie-Madeleine au Tombeau, et Jean Le Picart de Radeval en donateur.
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La sainte, identifiable par son pot d'aromates, se tient devant le tombeau du Christ. Dans le fond bleu se détachent, en jaune-vert par utilisation du jaune d'argent, le branches d'un arbre où se perche un oiseau (de proie ?). Un peu plus bas, de fines fabriques décrivent un pont défendu devant des remparts, un château (tour à poivrière) et une église : un travail d'identification semble possible.
L'amas de rochers du tombeau est peint à la sanguine brune. Au dessus, quelques arbustes.
L'œil est attiré par Marie-Madeleine, nimbée, tête couverte par son voile blanc (elle est en deuil) sur une robe pourpre et une chemise blanche, celles-ci seulement visibles aux poignets et au col. Le manteau qui recouvre le voile est garni d'un large galon or à frise grecque.
La sainte est légèrement penchée en avant et ses mains sont croisées sur la poitrine : cela exprime-t-il sa rencontre avec des personnages qui auraient occupé un autre panneau ? Nous pensons aux deux anges de Jean 20:12.
Le dimanche, Marie de Magdala se rendit au tombeau de bon matin, alors qu'il faisait encore sombre, et elle vit que la pierre avait été enlevée [de l’entrée] du tombeau. 2 Elle courut trouver Simon Pierre et l'autre disciple que Jésus aimait et leur dit: «Ils ont enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où ils l’ont mis.» Jn 20:1
[...]
Cependant, Marie se tenait dehors près du tombeau et pleurait. Tout en pleurant, elle se pencha pour regarder dans le tombeau, 12 et elle vit deux anges habillés de blanc assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l'un à la tête et l'autre aux pieds. 13 Ils lui dirent: «Femme, pourquoi pleures-tu?» Elle leur répondit: «Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où ils l'ont mis.» Jn 20:11-13
Ce texte est suivi immédiatement par celui du Noli me tangere Jn 20:14-17, illustré sur le tympan.
Le coté du tombeau est "sculpté" de quatre médaillons ovales à personnages : une femme nue (Ève), un homme barbu enveloppé dans un manteau (Jean-Baptiste ?), un homme en scapulaire, tunique courte et chausses, et un homme en robe longue et scapulaire (un clerc ?) .
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Le visage de Marie-Madeleine est fait d'une pièce de verre englobant les épaules, si nous faisons abstraction d'un probable trait de refend et de son plomb de casse (ce trait se prolonge à droite). Il est rendu par des traits de pinceaux très fins, avec des sourcils sinueux, des paupières supérieures en amande, une demi-pupille, des paupières inférieures plus lourdes ombrées par hachures, un nez droit, une bouche entrouverte, et un petit menton rond.
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Le donateur, avec sa coupe de cheveux Louis XII, est représenté mains jointes, agenouillé sur un coussin bleu, et tourné vers la droite (où devait se trouver un panneau avec la sainte scène qu'il contemple avec dévotion). Devant lui est un prie-dieu tendu d'une étoffe damassée et frangée d'or, avec son Livre d'Heures (lettrine en rubrique) et son heaume, ou plutôt son armet à visière articulée sur deux pivots latéraux.
Il porte, selon la tradition de cette iconographie, son armure complète avec ses solerets munis d'éperons à molettes. Seuls les gantelets sont absents.
Cherchez l'erreur ! Il s'agit de l'épée, portée à tort au coté droit.
Le donateur porte sur cette armure un tabard qui permet de l'identifier car il porte ses armoiries. Cette tunique rouge à fleurs blanches et croissants jaunes a été mis en relation avec celles des Le Picart de Radeval, armoiries "parlantes" avec des piques : de gueules à trois fers de pique d'argent les pointes en haut, chargé d'un lambel de trois pièces. Les croissants ne sont donc pas considérés dans cette identification.
Bien que le titre de seigneur de Bourg-Achard soit porté par Louis Le Picart, les auteurs de Vitraux de Haute-Normandie propose de reconnaître ici Jean Le Picart, son frère (mais ces auteurs font de Louis, à tort, son père). Ces auteurs ajoutent, à mon sens, une seconde erreur, en basant ce choix sur le fait que le donateur est figuré comme "un très jeune homme" : c'est ignorer la convention qui veut que les donateurs, comme sur les gisants, soient figurés à un âge idéal (et en armure de chevalier bien-entendu toute aussi emblématique plus que réelle).
Le titre de seigneur de Bourg-Achard, après avoir été tenu par Guillaume IIIe de Courcy, avait été celui de Guillaume Le Picart, sieur d'Estelan né ~1430, mort après le 16/04/1484, seigneur d’E(s)telan (76), de Radeval (27), de Bourg-Achard (27), de Menillet, de Chailly, Longjumeau et Villiers, notaire et secrétaire du Roi (1462) Procureur général à la cour des Aides (1463) puis des Finances en Normandie (avant 1483), Capitaine d’Abbeville (1477), Grand-Bailli, Capitaine et Gouverneur de Rouen, commis au gouvernement de toute l'artillerie en 1479, premier maître d’hôtel, Chambellan et conseiller du roi Louis XI, époux de Jeanne de La Garde (née ~1440 + 13/05/1493 et fille de Jacques de La Garde et de Gillette Boudrac ; petite-fille de Bureau Boudrac et de Eude de Vitry). C'est de son temps que la confrérie de charité de Saint-Lô de Bourg-Achard fut fondée. Son épouse était enterrée aux Cordeliers de Rouen.
Guillaume Le Picart eut trois fils, Louis seigneur d’Estelan et de Bourg-Achard puis Jean sieur de Radeval et enfin François Picard, archidiacre du Grand-Caux.
Louis Le Picart , mort après le 21/02/1497, était seigneur d’Estelan et de Bourg-Achard, Mesnil-Hatte, Boisnormand, . Il épousa le 17 juillet 1492 Charlotte Luillier dame de Quillebeuf dont les armoiries étaient «d’azur, à une fasce d’or accompagnée en chef de trois croissants d’argent». Ce sont ces croissants qui figurent en chef sur le tabard du donateur.
Je propose donc d'identifier ce donateur avec Louis Le Picart , ou avec un de ses enfants pour expliquer les armoiries. La pose du vitrail pourrait être en relation avec l'édification du mausolée de ce seigneur dans l'église. Que sait-on de lui ?
"En l486, Louis Picard, sieur de Bourg-Achard, chambellan du roi Louis XII, bailli de Troyes, ou de Tournay, selon d'autres, était défaillant à la montre de Rouen. "
"En 1497, Louis Picard menaçait de brûler le bateau que les religieux de Jumiéges avaient dans le petit port de Courval : la mème année il fut choisi pour représenter la noblesse de Rouen aux Etats de Normandie. Par son mariage avec Charlotte Lhuillier, il devint seigneur de Quittebeuf et de Bosnormand ; il mourut en 1500 et fut placé sous un mausolée en pierre dans l'église de Bourg-Achard. Sa femme fut inhumée à ses côtés en l536. Quatre filles étaient nées de leur mariage, et dans les partages de leurs successions, la seigneurie de Bourg-Achard resta à Isabeau Picard ,femme de François Pompadour, vicomte de Comborn, baron de Treignac.
" François de Pompadour mourut en 1534. et l'une de ses filles, nommée Madeleine, porta la seigneurie de Bourg-Achard à Tannegui le Veneur, comte de Tillières, seigneur de Carrouges, qu'elle épousa en l550. "
L'une des filles, Jeanne le Picart, épousa Jacques Lechevallier, seigneur des Prunes, controleur des fiances, mort en 1565.
— Charpillon, Anatole Caresme - 1868 Dictionnaire historique de toutes les communes du département de l ..., Volume 1
Il est très intéressant de découvrir que c'est Louis Le Picart, (ami et chambellan du Roi Louis XII, qu’il accompagnera en Italie ) et Charlotte Lhuillier qui firent édifier le château d'Etelan, en Seine-Maritime, situé à Saint-Maurice-d'Etelan, à 30 km au nord-ouest de Bourg-Achard:
"Le château d’Ételan, construit à partir de 1494 et terminé en 1514, est composé de deux corps de logis à appareillage de pierres et briques alternées, reliés entre eux par une galerie d’escalier en pierre, qui le fait également considérer comme un château Renaissance.". "De style gothique flamboyant, l’édifice est contemporain du Palais de Justice et de l'hôtel de Bourgtheroulde de Rouen, ainsi que du vieux château de Clères."
Ce château est remarquable par sa chapelle dédiée à Sainte Madeleine : on trouve des représentations de la sainte dans les vitraux en baie 3 (vers 1500), et en sculpture sous la forme d'un Noli me tangere ; le donateur y est représenté dans les vitraux (baie 3) revêtu du tabard à trois piques.
La chapelle : le joyau du château d’Ételan
"Partie intégrante du bâtiment principal, la chapelle du château, dédiée à sainte Madeleine, en est le joyau. L'abbé Cochet la comparait à celle du château de Blois ou d’Amboise. En effet, c’est un lieu unique où sont réunis des vitraux, des fresques et des statues polychromes de ce qui fut la première Renaissance normande et dont les initiateurs furent les célèbres cardinaux d’Amboise." (Wikipédia)
Des vitraux du XVème siècle
"La chapelle, classée Monument Historique en 1980, est remarquable à plus d’un titre, qu’il s’agisse de ses vitraux (du XV°siècle) que la famille Boudier eut la bonne surprise de découvrir dans des cartons de la cave car ils avaient été démontés au moment de la dernière guerre. Ils furent remontés en 1975 par le maître verrier Patrick Forfait
Des fresques et des statues exceptionnelles
"En 1976 la chapelle, qui n’était donc plus «ouverte à tous vents » bénéficia aussi de la canicule exceptionnelle car ses murs enfin secs laissèrent apparaître des fresques dont on ignorait complètement l’existence, derrière l’autel (qui est double car celui en bois en dissimule un précédent, en pierre). Des spécialistes vinrent les nettoyer, restaurer, dater. Aux angles, de grandes statues polychromes attirent également l’œil. Celle de droite représente Marie allaitant Jésus. Sur la gauche, Jésus est avec Marie-Madeleine, au jardin des oliviers. Elle a hésité à le reconnaître, à cause de la pelle (qui n’est pas celle d’origine), lui faisant supposer, un court instant, qu’il s’agissait d’un jardinier (ou d’un fossoyeur ?)"
Les vitraux de la chapelle Sainte Madeleine du château d'Ételan sont décrits aux pages 418-419 des Vitraux de Haute-Normandie comme relevant du style du verrier rouennais Guillaume Barbe, surtout connu à la cathédrale de Rouen. Certains de ces modèles sont reconnaissables, comme une gravure de Saint Sébastien par Martin Schongauer vers 1490 et de saint Christophe par le maître MZ actif vers 1500.
C'est dire si l'abandon de l'hypothèse de Jean Le Picart comme donateur au profit de celle de Louis Le Picart offre des perspectives fructueuses. Et c'est dire combien l'importance de l'association du donateur avec Marie-Madeleine se trouve soulignée.
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Registre supérieur : Le repas chez Simon.
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Rappel (d'après Wikipédia) : Le Repas chez Simon est un épisode de la vie du Christ rapporté par les quatre Évangiles (Matthieu (Mt 26,6-13), Marc (Mc 14,3-9), Luc (Lc 7,36-50) et Jean (Jn 12,1-8)), La tradition a très tôt confondu en la personne de Madeleine trois femmes de l'Évangile : la pécheresse anonyme de Luc dans le repas chez Simon le Pharisien ; Marie de Béthanie, sœur de Marthe et Lazare chez Simon le lépreux ; Marie de Magdala (Marie-Madeleine), convertie par Jésus, présente au pied de la croix, à la mise au Tombeau et première personne à rencontrer le Christ ressuscité. Grégoire Ier, au vie siècle, considéra que Marie de Magdala ne faisait qu'une avec Marie de Béthanie et avec la pécheresse qui oint le Christ de parfum chez Luc. Cette interprétation n'est pas canonique, même si la tradition populaire l'a fortement propagée.
Alors que les textes de Marc 14:3-9 et Matthieu 26:6-13 mentionnent que Marie de Bethanie verse le parfum sur la tête de Jésus, c'est dans ceux de Luc et de Jean que "la femme pécheresse" verse le nard précieux sur les pieds du Christ avant de les essuyer de ses cheveux :
« Un pharisien pria Jésus de manger avec lui. Jésus entra dans la maison du pharisien, et se mit à table. Et voici, une femme pécheresse qui se trouvait dans la ville, ayant su qu’il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre plein de parfum, et se tint derrière, aux pieds de Jésus. Elle pleurait ; et bientôt elle lui mouilla les pieds de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les baisa, et les oignit de parfum. Le pharisien qui l’avait invité, voyant cela, dit en lui-même : "Si cet homme était prophète, il connaîtrait qui et de quelle espèce est la femme qui le touche, il connaîtrait que c’est une pécheresse." Jésus prit la parole, et lui dit: Simon, j'ai quelque chose à te dire. -Maître, parle, répondit-il. -Un créancier avait deux débiteurs: l'un devait cinq cents deniers, et l'autre cinquante.Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel l'aimera le plus?Simon répondit: Celui, je pense, auquel il a le plus remis. Jésus lui dit: Tu as bien jugé.
Puis, se tournant vers la femme, il dit à Simon: Vois-tu cette femme? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m'as point donné d'eau pour laver mes pieds; mais elle, elle les a mouillés de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux.Tu ne m'as point donné de baiser; mais elle, depuis que je suis entré, elle n'a point cessé de me baiser les pieds.Tu n'as point versé d'huile sur ma tête; mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds.C'est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés: car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu.Et il dit à la femme: Tes péchés sont pardonnés.Ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes: Qui est celui-ci, qui pardonne même les péchés?
« Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie, où était Lazare, qu’il avait ressuscité des morts. Là, on lui fit un souper ; Marthe servait, et Lazare était un de ceux qui se trouvaient à table avec lui. Marie, ayant pris une livre d’un parfum de nard pur de grand prix, oignit les pieds de Jésus, et elle lui essuya les pieds avec ses cheveux ; et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Un de ses disciples, Judas Iscariot, fils de Simon, celui qui devait le livrer, dit : "Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ?" Il disait cela, non qu’il se mît en peine des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et que, tenant la bourse, il prenait ce qu’on y mettait. Mais Jésus dit : "Laisse-la garder ce parfum pour le jour de ma sépulture. Vous avez toujours les pauvres avec vous, mais vous ne m’avez pas toujours." » (Jn 12,1-8)
L'artiste a manifestement suivit le texte de Luc, "Elle pleurait ; et bientôt elle lui mouilla les pieds de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les baisa,", car le vase de parfum n'est pas représenté. L'accent est mis sur la repentance de la pécheresse et sur ses pleurs, puisque les yeux sont placés juste au dessus du pied.
La scène comporte six personnages : deux valets debout servant les plats, Jésus bénissant au centre, Simon de profil désigné par une inscription SIMON sur le galon de la manche, et un homme à gauche en costume orientalisant qui le désigne, selon les codes iconographiques alors en usage, comme Juif, et comme Pharisien.
Tout, dans la peinture de la dévoyée, cherche à souligner sa richesse et son élégance, par la citation de signes somptuaires alors réservés à la plus haute noblesse : la chaîne et la ceinture en maillons d'or (d'une valeur inouïe), l'étoffe damassée d'or à motifs de rinceaux et bordure à quatre-feuilles, l' orfroi de broderie d'or et de pierreries, les deux bracelets en or,, l'un plat, l'autre étant un simple jonc, et surtout la coiffure. Il s'agit, sur un bonnet de dentelle, d'un chaperon d'étoffe entièrement brodée d'or, serré par un linge blanc laissant échappé un rang de perle fixé à un diamant frontal serti d'or, et enfin une résille noir et or sur un postiche, tout cela ne disciplinant que provisoirement un flot de longs cheveux blonds retombant sur les épaules, privilège des jeunes filles ... ou des dépravées. Et le petit chien blanc participe à cette description, puisqu'il s'agit d'un chien de cour, un "chien de chambre" dont la blancheur évoque la virginité et la petite taille son rôle d'accessoire ludique ou érotique non sans rapport avec le fameux Petit-Crû de Tristan et Iseult.
Voir : Anaïs Perrin, Le chien dans les portraits de la Renaissance, 2006
http://anais.perrin.free.fr/DEA-2006.pdf
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NB : la tête de Marie-Madeleine est restaurée.
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Le visage de Marie-Madeleine (restauré) offre les mêmes traits stylistiques que celui de Madeleine au tombeau déjà décrit.
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On peut le comparer avec un détail d'une Déposition du château d'Ételan. (notez les lettres inscrites sur le galon du voile).
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LES AJOURS LATÉRAUX DU TYMPAN.
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a) Préalable : les autres ajours .
Notez dans les écoinçons les piques des armoiries de Louis Le Picart.
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Le tympan culmine avec un ajour du XIXe siècle du buste du Christ montrant ses plaies ; une inscription y est placée en réemploi. On y lit (j'ai replacé les N abrégés) SUPER QUEM VIDERIS SPIRITUM DESCENDENTEM ET MANENTEM, HIC EST QUI BAPTIZAT IN SPIRITU SANCTO.
Ce texte est intéressant car il s'agit d'une citation de l'évangile de Jean Jn 1:33 : "Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et s'arrêter, c'est lui qui baptise du Saint-Esprit."
Que fait-elle là ? On remarquera que la scène qui suit celle du Noli me tangere est la descente de l'Esprit-Saint sur les apôtres en Jn 20:22.
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Le Noli me tangere.
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Marie-Madeleine et son exclamation : "Rabouni !".
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Marie-Madeleine, au visage voilé et recouvert du manteau blanc à galon d'or comme dans le registre inférieur, est représentée de profil, les mains légèrement écartées par la surprise et tendue vers Jésus. Ses paroles sont inscrites sur le phylactère qui s'échappe de ses lèvres : RABONY QUI EST MAGISTER. Ce sont les paroles exactes de l'évangile de Jean :
Haec cum dixisset, conversa est retrorsum, et vidit Jesum stantem: et non sciebat quia Jesus est. Dicit ei Jesus: Mulier, quid ploras? quem quaeris? Illa existimans quia hortulanus esset, dicit ei: Domine, si tu sustulisti eum, dicito mihi ubi posuisti eum, et ego eum tollam. Dicit ei Jesus: Maria. Conversa illa, dicit ei: Rabboni (quod dicitur Magister).
" En disant cela, elle se retourna et vit Jésus debout, mais elle ne savait pas que c'était lui. Jésus lui dit: «Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu?» Pensant que c'était le jardinier, elle lui dit: «Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis et j'irai le prendre.» Jésus lui dit: «Marie!» Elle se retourna et lui dit en hébreu: «Rabbouni!», c'est-à-dire maître.
Dans l'arrière plan, des tours, des rochers, des arbres dénudés autour desquels tournoient des oiseaux noirs renvoient à Jérusalem et au Golgotha, tandis qu'une palissade place la scène dans le jardin où se trouvait le tombeau. Le plessis passe devant et derrière la sainte, créant un rappel avec le thème du jardin clos, ou hortus conclusus, et du locus amoenus, lieu idéal et printanier où la nature renaît (renaissance / résurrection) qui explique la présence de deux perdrix dans la verdure.
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Jésus ressuscité et sa réponse : Noli me tangere .
Il est représenté devant la même palissade en parfaite continuité avec l'ajour de gauche.
Barbu, auréolé du nimbe crucifère, vêtu du manteau rouge de la Résurrection et tenant l'étendard et la croix de sa victoire sur la mort, il regarde Marie-Madeleine vers laquelle il tend la main. Le phylactère porte sa réponse : NOLI ME TANGERE, NE ME TOUCHES PAS.
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Dicit ei Jesus: Noli me tangere, nondum enim ascendi ad Patrem meum: vade autem ad fratres meos, et dic eis: Ascendo ad Patrem meum, et Patrem vestrum, Deum meum, et Deum vestrum.
Jésus lui dit: «Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père, mais va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.» Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu'elle avait vu le Seigneur et qu'il lui avait dit cela."Jn 20:17.
Vous remarquerez les animaux peints sur l'herbe : un couple de lapins, un volatile, un [chien] avec collier.
Je note que le retable de Schongauer date de 1480, vingt ou trente ans avant la datation estimée de ce vitrail. :
Je note surtout que la même scène est sculptée pour la chapelle du château d'Ételan de Louis Le Picart avec la même inscription MARIA RABONI NOLI ME TANGERE avec la même posture des personnages; et on peut se demander si la pelle du XXIe siècle n'est pas venue remplacer la hampe de l'étendard.
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Note :
Un triptyque de Jean Poyer représentant trois scènes de la vie de Marie Madeleine commandé par Jean IV de Chalon-Arlay, peut-être achevé par un suiveur, vers 1500-1502 à Tours, ou 1515 à Paris, est conservé en l'église Notre-Dame-de-l'Assomption de Censeau (Jura) :
La Prédication du Christ, .
Le Repas chez Simon le Pharisien,
Noli me tangere , 1500-1502 ou 1515.
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II. LES PANNEAUX LATÉRAUX DU REGISTRE SUPÉRIEUR (1500-1510, même atelier) : LE CHRIST RESSUSCITÉ ROMPANT LE PAIN DEVANT LES TÉMOINS D'EMMAÜS.
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Les paysages avec fabriques des têtes de lancette appartiennent à la verrière d'origine, celle de Marie-Madeleine.
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1°) Les pèlerins d'Emmaüs.
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Le premier porte le bourdon, le chapeau à coquilles et bourdonnets (petits bâtons en forme de bourdon) et azabache ( image avec la lettre A), le baudrier, la pèlerine avec le chaperon rouge rabattu (le cordon jaune du chapeau est gravé sur le verre rouge), et une robe de bure grise serrée par une cordelière. Quelques éléments témoignent d'une restauration (pied droit, bas de robe ..)
Le second pose la main sur son compagnon, il tient un bourdon, et est vêtu d'un manteau rouge et d'un chaperon bleu . Le pied droit ressemble au soleret d'une armure (réemploi ?). Son buste relève d'une restauration.
"Le même jour, deux de ces disciples se rendaient à un village nommé Emmaüs, à une douzaine de kilomètres de Jérusalem. Ils s’entretenaient de tous ces événements. Pendant qu’ils échangeaient ainsi leurs propos et leurs réflexions, Jésus lui-même s’approcha d’eux et les accompagna. Mais leurs yeux étaient incapables de le reconnaître. Il leur dit: De quoi discutez-vous en marchant? Ils s’arrêtèrent, l’air attristé. L’un d’eux, nommé Cléopas, lui répondit: Es-tu le seul parmi ceux qui séjournent à Jérusalem qui ne sache pas ce qui s’y est passé ces jours-ci?" Luc 24:13-18
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Le phylactère accroché au bourdon du premier pèlerin porte les mots MANE NOBISCUM, extrait du texte de la Vulgate pour l'évangile de Luc 24:29 :
"Entre-temps, ils arrivèrent près du village où ils se rendaient. Jésus sembla vouloir continuer sa route. Mais ils le retinrent avec une vive insistance en disant: Reste donc avec nous; tu vois: le jour baisse et le soir approche. Luc 24:29
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2° Le Christ rompant le pain.
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Le Christ, au nimbe crucifère, barbu, vêtu de manteau rouge du Ressuscité, la plaie du flanc droit sanguinolente, tenant sous le bras la hampe de la croix fleuronné de l'étendard de sa victoire sur la Mort, rompt une miche de pain devant les pèlerins.
"Alors il entra dans la maison pour rester avec eux. Il se mit à table avec eux, prit le pain et, après avoir prononcé la prière de bénédiction, il le partagea et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent … mais, déjà, il avait disparu. Et ils se dirent l’un à l’autre: N’avons-nous pas senti comme un feu dans notre cœur pendant qu’il nous parlait en chemin et qu’il nous expliquait les Écritures?
Ils se levèrent sur l’heure et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent les Onze réunis avec leurs compagnons.
Tous les accueillirent par ces paroles: Le Seigneur est réellement ressuscité, il s’est montré à Simon.
Alors les deux disciples racontèrent à leur tour ce qui leur était arrivé en chemin et comment ils avaient reconnu Jésus au moment où il avait partagé le pain." Luc 24:28-35
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Des lettres majuscules aux fûts perlés avec quelques onciales sont inscrites sur le galon du manteau. Elles se suivent sans signification apparente, hormis peut-être la séquence RENAVLT, "Renault". La lettre N revient fréquemment.
TNO / FIA
RENTA
GII.IALDUSGEV?3 VVV
RENAVLTGVE / MEN / TNT / N /
MORIGA -E NOTA / A.
Ces lettres sont comparables à celles des vitraux de la chapelle du château d'Ételan.
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3°) Les chanoines donateurs.
Réemploi de fragments datant du milieu ou troisième quart du XVe siècle.
Ces clercs (ils sont tonsurés) portent l'aumusse, une chaude fourrure pliée sur le bras gauche par les chanoines lorsqu'ils chantent l'office.
L'église Saint-Lô était initialement un prieuré de chanoines de Saint-Augustin, et les stalles dans lesquelles ils s'installaient sont encore visibles.
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IV. LES PANNEAUX LATÉRAUX DU REGISTRE INFÉRIEUR : SAINTE MARIE-MADELEINE ET SAINTE ANNE ÉDUCATRICE, VERS 1460-1480.
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Ces panneaux proviennent d'une autre baie ("peut-être de l'ancienne nef" Callias Bey & al.). Les encadrements architecturaux et les damas sont modernes, ainsi que le buste de sainte Anne.
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1°) Sainte Marie-Madeleine.
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Elle est facilement identifiable à son flacon de parfum ou d'aromates, à la richesse de ses vêtements et à ses cheveux longs et dénoués.
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2°) Sainte Anne éducatrice.
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L'ATTRIBUTION AU "MAÎTRE DE LA VIE DE SAINT JEAN-BAPTISTE".
Cette attribution est posée par les auteurs de Vitraux de Haute-Normandie pour la partie principale (celle de Marie-Madeleine) de cette baie 1, et également pour les deux panneaux de la Rencontre des Pèlerins d'Emmaüs. Ainsi que, dans l'église de Bourg-Achard, pour la baie 2, celle de la Vie de Saint-Jean Baptiste.
Tout serait simple si ce nom de convention, créé par Jean Lafond en 1958, n'avait pas donné lieu à une multitude de publications, soit récemment pour en percer l'anonymat (Cardin Jouyse ? pour Caroline Blondeau), soit pour le définir comme un atelier rouennais utilisant des cartons exécutés d'après le peintre et artiste multicartes Jean d'Ypres (mort en 1508), alias Maître des Très Petites Heures d'Anne de Bretagne, Maître de la Chasse à la licorne, Maître de la Dame à la Licorne, Maître de la rose occidentale de la Sainte-Chapelle, etc.
Cette profusion de publications me trouble d'autant plus que Caroline Blondeau, dont la thèse a porté sur l'atelier rouennais des Barbe et qui confirme l'attribution des vitraux de la chapelle du château d'Ételan à Jean Barbe, (page 186) reprend à son compte (p. 211) la notion des auteurs de Vitraux de Haute-Normandie selon laquelle le commanditaire des baies 1 et 2 de Bourg-Achard est Jean Le Picart de Radeval, et que ce dernier serait le fils de Louis Le Picart, seigneur de Bourg-Achard. : "lorsque le fils de Louis Picart, Jean, décide d'offrir des vitraux à l'église Saint-Lô de Bourg-Achard, il ne choisit pas l'artiste à qui son père s'est adressé quelques années plus tôt à Ételan, Jean Barbe, mais bien cet atelier reprenant ostensiblement un style alors en vogue à Paris, sans doute plus apprécié en cette première décennie du XVe siècle.
Voici néanmoins ce que j'ai copié dans Vitraux de Haute-Normandie :
Le Maître de la Vie de saint Jean-Baptiste.
"Jean Lafond a créé ce nom de convention pour regroupé les œuvres d'un ou plusieurs ateliers : "Peut-être venu de Paris, il a travaillé chez nous [en Normandie] pour les mêmes églises que le grand peintre verrier Arnoult de Nimègue." Ce nom lui vient des très belles suites de l'histoire de Jean-Baptiste encore visibles à Saint-Romain de Rouen [baies 110 et 112], à Bourg-Achard [baie 2 et baie 1] et à Conches [baie 20 ]. Mais Jean Lafond dit aussi retrouver les mêmes caractères stylistiques "chez un autre peintre verrier, l'auteur d'une Vie de la Vierge, répétée à Saint-Godard de Rouen, à Saint-Etienne-du-Mont, et dans la chapelle de la Vierge à Saint-Jean d'Elbeuf" et les relie aux bois gravés des plus belles productions de l'imprimerie parisienne autour de 1500. Cette piste de recherche s'est avérée être la bonne, puisqu'il est aujourd'hui possible de nommer, — grâce aux travaux de Geneviève Souchal ("Un grand peintre français de la fin du XVe siècle : le Maître de la Chasse à la Licorne", Revue de l'Art n°22, 1973, p. 22-86) et surtout de Nicole Reynaud (1993, Les manuscrits à peinture en France 1440-1520), enrichis récemment par Catherine Grodecki (1996, Le « Maître Nicolas d'Amiens » et la mise au tombeau de Malesherbes. À propos d'un document inédit , Bulletin Monumental Année 1996 154-4 pp. 329-342), — les acteurs principaux d'un véritable courant artistique qui s'est développé dans la capitale du royaume au cours des dernières décennies du XVe siècle. Il s'agit du Maître de Coëtivy, Colin d'Amiens, et du Maître des Très Petites Heures d'Anne de Bretagne, Jean d'Ypres (mort en 1508), fils du précédent. Leur activité très polyvalente concerna aussi largement le vitrail. Nicole Renaud a attribué au Maître de Coëtivy les projets du vitrail de la baie d'axe de saint-Séverin (1985, Les vitraux du chœur de Saint-Séverin, Bulletin monumental t.143-1 p. 25-40), la célèbre rose ouest de la Sainte Chapelle, le panneau conservé du décor vitré de la chapelle de l'hôtel de Cluny (F. Perrot, 1970, Revue de l'Art n°10, p. 66-72) et de nombreuses verrières des environs de Paris indiquent que lui-même, puis son fils et d'autres peintres partageant le même répertoire formel (c'est ce que montre l'étude des verrières de la nef de l'église Saint-Merry à Paris par F. Gatouillat 1997) , fournirent quantité de modèles et vraisemblablement de grands patrons à plusieurs ateliers de peintres verriers."
"Plusieurs articles de l'ouvrage Vitraux parisiens de la Renaissance, Paris, 1993, prennent en compte l'ensemble de cette production. Cf. Gatouillat (F.), Lautier (C.), "La première Renaissance (1500-1520)" p. 52-61 et Hérold (M.): "Le Maître de la Vie de saint Jean-Baptiste : un nom de convention" p. 62-81.
"Depuis, deux articles ont été consacrés au sujet par M. Hérold : "A propos du Maître de la Vie de saint Jean-Baptiste" : recherche sur l'usage du patron à grandeur au début du XVIe siècle, Vitrail et arts graphiques (XVe et XVIe siècles), Cahier de l'Ecole du Patrimoine, n°4 1998 p. 48-60, et "La production normande du "Maître de saint Jean-Baptiste. Nouvelles recherches sur l'usage des documents graphiques dans l'atelier du peintre-verrier à la fin du Moyen-Âge", Pierre, lumière couleur, Paris 1999, p. 469-485.
"De nombreux exemples déjà repérés par Jean Lafond et d'autres identifiés depuis illustrent le succès des productions verrières parisiennes, exportées largement. Mais la Normandie possède le nombre le plus considérable de verrières où l'on perçoit le langage inventé à Paris. [...].
"Les célèbres suites de la vie de saint Jean-Baptiste de Saint-Romain de Rouen, de Conches ou de Bourg-Achard n'ont malheureusement pas — ou plus — d'équivalents parisiens. [...] .
L'auteur des vies de la Vierge de Saint-Godard et d'Elbeuf, à qui l'on peut attribuer aussi la verrière de la vie de saint Jean-Baptiste de Bourg-Achard, fit au même moment et pour ce même édifice une remarquable verrière consacrée à sainte Marie-Madeleine, qui cette fois ne doit rien ou presque à Paris. On le croirait volontiers installé à Rouen, mettant en œuvre dans son atelier des grands patrons venus de Paris aussi bien que d'autres venus d'ailleurs, ou les siens propres. C'est à lui seul que revient le nom autrefois générique de maître de la vie de saint Jean-Baptiste." (Callias Bey & al. 2001).
Ces propos incitent à distinguer trois sortes d' artistes : les peintres, les cartonniers, et les verriers (qui peuvent se confondre en un seul) : voici ce qu'écrit Nicole Reynaud en 1985 dans Les vitraux du chœur de Saint-Séverin :
"Rappelons le processus d'exécution d'un vitrail.
Pour faire un vitrail, l'artiste commence par établir une esquisse en couleurs qu'on appelait autrefois « patron au petit pied », c'est-à-dire d'une échelle très réduite.
Puis il en tire le carton, qui sera le vrai « patron » de son ouvrage, en grandeur d'exécution, où tout doit être soigneusement tracé, depuis la division de la fenêtre par les meneaux et par les barres de fer qui constituent l'armature jusqu'au moindre détail des figures et des ornements, en passant par le réseau des plombs. Le carton guidera en effet le travail à toutes ses étapes, aussi doit-il être aussi « poussé» que l'œuvre définitive » .
En résumé trois opérations successives, dont le détail nous est précisé par les contrats du temps.
1) Il est d'abord fait un « pourtraict », c'est-à-dire un dessin, ou « petit patron », terme plus rarement employé, dessiné à la plume et lavé de bistre ou légèrement rehaussé de couleurs. Ce dessin d'ensemble, en petit format, permettant de juger de la composition, est soumis à l'agrément du donateur du vitrail, ou de la fabrique.
2) Le « pourtraict » accepté — et parfois joint au contrat — servira de modèle pour l'exécution du « patron », ou grand patron, détaillé, ce que nous appelons aujourd'hui le carton. Celui-ci sera à son tour soumis à l'accord du commettant qui, jugeant cette fois sur modèle à grandeur réelle, pourra spécifier les ultimes modifications voulues.
3) Le patron définitivement approuvé sera scrupuleusement traduit en verre par le verrier .
L'avènement au XVe siècle du carton transportable, c'est-à-dire du patron dessiné sur papier ou sur toile et non plus directement sur la table enduite de craie qui servait aux verriers dans leur atelier, permet désormais le libre choix du cartonnier, et les cartons sont « souvent demandés à des peintres étrangers au métier » .
En effet qui est l'auteur du patron? Deux contrats du début du XVIe siècle, cités par Lafond, sont révélateurs : concernant deux verrières voisines de l'église Saint-Germain l'Auxerrois, à Paris, commandés au même artiste verrier presque à la même date, ils stipulent l'un que le vitrail sera exécuté sur « pourtraict » et « patrons » fournis par le verrier lui-même, Jean Chastellain, l'autre d'après les « pourtraicts et patrons faicts de la main de maistre Noël Bellemare, maistre painctre à Paris ». Comme les deux vitraux, par chance toujours conservés, se révèlent tout à fait dissemblables et que leur communauté d'origine serait passée inaperçue sans la découverte des deux contrats, on est à même de juger de l'importance du patron dans le résultat. Quand le modèle est demandé à un peintre, celui-ci fournit bien évidemment le « pourtraict » mais souvent aussi le patron à grandeur, comme c'est le cas cité plus haut de Noël Bellemare. Si la chambre du conseil d'Arras paie en 1534 au célèbre peintre Jean Bellegambe de Douai « deux patrons de verières », et en même temps à un charretier le transport des dits patrons de Douai à Arras, c'est bien qu'il s'agissait de modèles de grand format (papiers ou toile montée sur chassis?) et non seulement de feuillets de dessins ; les verrières seront exécutées à Arras par un verrier local.
Aussi dans certains cas, grâce au rôle intermédiaire joué par le grand patron, doit-on et peut-on retrouver dans le vitrail les traits caractéristiques de la manière du peintre : surtout son écriture et ses habitudes de dessin, son système de drapés, son répertoire de détails, ses couleurs, voire son modelé, le tout naturellement retranscrit par une main étrangère mais respecté et demeuré discernable. La place des peintres dans la création artistique du XVe siècle était singulièrement plus vaste que nous ne l'imaginons aujourd'hui au vu des rares tableaux conservés, et dépasse les limites de la peinture proprement dite. Leur intervention dans le domaine du vitrail est d'une particulière importance, car c'est là que se manifestait leur talent pour la peinture monumentale, trop oublié : ce sont les vitraux, comme les tapisseries, qui offrent aux artistes français du XVe siècle le format et le registre d'expression correspondant à ceux de la fresque et du grand décor mural en Italie."
— BLANQUART (Abbé F. ), 1927, "Etat des tombeaux des Picart de Radeval en l'église Notre-Dame d'Andely, d'après une enquête de 1646, publiée avec introduction et notes par l'abbé F. BLANQUART ". Mélanges : documents / Société de l'histoire de Normandie. Pages 7-44
— BLONDEAU (Caroline),2012, THESE « Recherches sur le milieu des peintres verriers à Rouen à la fin du Moyen Âge : l’atelier des Barbe »
— BLONDEAU (Caroline), 2014, Le vitrail à Rouen 1450-1530, "l'escu de voirre". Presses Universitaires de Rennes.
—GATOUILLAT (Françoise), LEPROUX, G.-M., PILLET, E 1997, "L'église Saint-Merry de Paris : un monument daté par ses vitraux," Cahiers de la Rotonde, n°19 p. 47-64)
—GATOUILLAT (Françoise) , Michel Hérold, Véronique David. Des vitraux par milliers… Bilan d’un inventaire : le recensement des vitraux anciens de la France http://www4.culture.fr/patrimoines/patrimoine_monumental_et_archeologique/insitu/pdf/vitrail-962.pdf
— GRODECKI (Catherine), 1996, Le « Maître Nicolas d'Amiens » et la mise au tombeau de Malesherbes. À propos d'un document inédit , Bulletin Monumental Année 1996 154-4 pp. 329-342
— HÉROLD (Michel), Le maître de la Vie de saint Jean-Baptiste, un nom de convention, in Vitraux parisiens de la Renaissance..., Paris, l993, pages 62-81.
— HÉROLD (Michel), 1999, « A propos du " maître de la vie de saint Jean-Baptiste " recherches sur l'usage des patrons à grandeur au début du XVI siècle », Vitrail et arts graphiques, (Cahiers de l'Fcole nationale du Patrimoine, 1999, n" 4), p. 169-183,
— HÉROLD (Michel), 1999, « Dans les coulisses de l'atelier : modèles et patrons à grandeur », ibid., p. 172-177.
— HEROLD, (Michel) 1998. A propos du « Maître de la vie de saint Jean-Baptiste » : recherches sur l’usage du patron à grandeur au début du xvie siècle. Vitrail et arts graphiques (XVe-XVIe s.), Cahiers de l’Ecole du patrimoine,n°4, 1998,p. 48-60 ;
— HEROLD, (Michel), 1999 La production normande du Maître de la vie de saint Jean-Baptiste. Nouvelles recherches sur l'usage des documents graphiques dans l'atelier du peintre-verrier à la fin du Moyen Age. Pierre, lumière, couleur. Etudes d’histoire de l’art du Moyen Age en l’honneur d’Anne Prache , F. Joubert et D. Sandron éd. Paris : Presses universitaires de la Sorbonne, 1999, p. 469-485.
— HEROLD, (Michel), 1998, Aux sources de « l'invention » : Gaultier de Campes, peintre à Paris au début du XVIe siècle. Revue de l’Art, n° 120, 1998-2, p. 49-57 https://www.persee.fr/doc/rvart_0035-1326_1998_num_120_1_348386
— LAFOND, Jean, 1958, Le Vitrail français, Paris : Éditions des Deux Mondes, 1958.
— LAFOND, Jean, 1972-1974, Le château de Highcliffe, sculptures des Andelys et de Jumièges, vitraux de Rouen et de Saint-Denis. In: Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1972, 1974. pp. 98-104; doi : https://doi.org/10.3406/bsnaf.1974.8141 https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_1974_num_1972_1_8141
— LAUTIER (Claudine),1999, Vitrail et arts graphiques, XVe-XVIe siècles, Actes de la table ronde organisée par l'École nationale du patrimoine les 29 et 30 mai 1997, Les Cahiers de l'École nationale du patrimoine, n° 4, 1999 [compte-rendu], Bulletin Monumental Année 2001 159-4 pp. 358-360
— NETTEKOVEN Ina, 2004, Der Meister der Apokalypsenrose der Sainte Chapelle und die Pariser Buchkunst um 1500, Turnhout : Brepols, 2004.
— OGET (Nicolas), 2014, Quelle identité pour l'artiste médiévale ? Le cas du Maître de Coëtivy , peintre, enlumineur et cartonnier à Paris dans la seconde moitié du XVᵉ siècle
— REYNAUD (Nicole), 1985, Les vitraux du chœur de Saint-Séverin, Bulletin monumental t.143-1 p. 25-40.
— REYNAUD Nicole, La Résurrection de Lazare du Maître de Coëtivy un retable reconstitué, Le tableau du Mois n°13, Département des Peintures, 4 - 30 janvier 1995.
— REYNAUD Nicole, "Complément à la Résurrection de Lazare du Maître de Coëtivy", in La Revue du Louvre, 1977, n°4, p 222 - 224.
— REYNAUD Nicole, "La Résurrection de Lazare et le Maître de Coëtivy", in La Revue du Louvre et des Musées de France, 1965, n° 1 - 5, p. 171 - 182.
Les peintures murales (fin XIVe) de la chapelle de Jean Chiffrevast de la cathédrale de Coutances.
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Le visiteur de la cathédrale de Coutances pourrait, s'il se laissait absorber par la découverte des verrières (certaines datent de 1225 et celle du Jugement dernier de 1450 !), passer trop rapidement devant la chapelle Saint-Joseph, la première du déambulatoire sud, éclairée par un pieux vitrail de la vie de Saint-Joseph, à qui elle fut dédiée en 1864.
"En 1864, cette chapelle a été dédiée à St Joseph par Mgr Bravard. Des deux côtés de l'autel, refait dans le style du XIIIe siècle, on voit deux inscriptions ainsi conçues: Allare in honorent Sancti Joseph \ sponsi B. M. V. 1864; à gauche, sont ces mots : Olim capella S. S. \ Georgii et Christophori 1384, avec les armes de Mgr Bravard et celles de Sylvestre de la Cervelle. Dans la fenêtre, au-dessus de l'autel, est une jolie verrière moderne, rappelant diverses scènes de la vie de St Joseph." (Pigeon 1876)
En effet, une grille aux épais barreaux de bois lui masque partiellement une œuvre remarquable, une peinture murale sur enduit datée du XIVe siècle (1384), fortement restaurée en 1864 puis restaurée (nettoyage, consolidation et réintégration picturale) en 2006 par Romana et Corneliu Andronescu.
L'abbé Delamare en a donné le relevé suivant dans une publication de 1841 :
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Et ce relevé correspond bien à ce que nous pouvons découvrir aujourd'hui, si nous écrasons nos joues contre les barreaux heureusement bien galbés, ou si, mieux inspirés, nous reculons de quelques mètres pour que notre ligne de vue passe au dessus de l'obstacle peint au brou de noix. Seuls alors nous échappent les deux blasons du soubassement, peints sur une fausse tenture couleur chocolat du meilleur XIXe. Ce sont pourtant ces blasons qui nous indiquent que la chapelle, jadis vouée à saint Georges et à saint Christophe, a été fondée en 1384 par Jean de Chiffrevast (blason: bandé de sable et d’argent) et son épouse Marguerite de la Houssaye (blason échiqueté d’argent et d’azur). Nous sommes devant la "chapelle de Chiffrevast".
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cette vue éloignée montre une chapelle gothique, avec ses piliers, ses nervures et sa voûte à croisée d'ogive. Le mur occidental, qui reçoit les peintures est une une large ogive subdivisée en deux lancettes ogivales secondaires.
L'ensemble peut se décrire en trois registres à fonds bleu étoilé en haut, ocre rouge au milieu et bleu-vert en dessous. Ce sera mon plan de description. Nous y verrons
en haut I. Trône de grâce entouré d’anges ;
II. au milieu à gauche l’Annonciation, au milieu à droite St Michel contre le diable ;
III. en bas à gauche Jean de Chiffrevast (gouverneur et capitaine de Valognes en 1378; fondateur de la chapelle en 1384) présenté à la Vierge par St Jean-Baptiste et Ste Catherine,
III. en bas à droite sa femme Marguerite de la Houssaye présentée par sainte Madeleine et sainte Marguerite.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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LE TYMPAN OU AMORTISSEMENT DE L'OGIVE : LE TRÔNE DE GRÂCE.
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"Dans le tympan supérieur de la grande ogive est l'image de l'auguste Trinité. Le père éternel est assis sur un siège dans le genre de celui de la Ste Vierge, c'est-à-dire orné de pinacles et de petits cintres qui rappellent la Renaissance. Il montre une croix et sur sa barbe vénérable apparaît une colombe représentant le St-Esprit. Des deux côtés sont des anges qui, les ailes éployées et un genou en terre, lancent leurs encensoirs devant l'image rappelant dans son ensemble le mystère fondamental de la religion chrétienne. " (Pigeon 1876)
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Il ne faut pas se contenter de la désignation de "Trinité, et je viens de décrire sur la baie 8 de l'église Notre-Dame de Saint-Lô une Trinité bien différente, où les trois personnes sont figurées comme trois hommes de même taille, placés sur la même ligne horizontale, côte à côte : c'est une Trinité "triandrique". François Bœspflug , l'auteur de référence sur cette iconographie, décrit aussi la "Trinité du Psautier", où le Père et le Fils sont assis côte à côte et souvent de même dimension, surmontés par la colombe.
Au contraire, l'artiste a placé ici ses trois personnes sur une ligne verticale, et seul Dieu le Père a, si je peux me permettre, forme humaine. Le Saint-Esprit est figuré dans son aspect habituel de colombe, et Dieu tient un grand crucifix où le Christ crucifié est de moitié plus petit que le Père. C'est un Trône de Grâce. Puisque la date de 1384 est validée actuellement par les autorités de l'Inventaire pour cette peinture (A. Pigeon la décrit comme un travail du XVIe siècle), c'est alors un exemple fort précoce de cette représentation verticale de la Trinité, l'article Wikipédia citant un retable de Bartolo di Fredi à Chambéry datant de 1396, et le très remarquable article de Jacques de Chalendar montre une enluminure du Missel de Cambrai de 1120 puis une autre de l'évangéliaire de Jully-les-Nonnains (BM de Lyon) du milieu du XIIIe avant de préciser : "Au milieu du XIVème siècle, peut-être sous l’influence de la grande peste, la peste noire ( celle qui fit 25 millions de morts en Europe en huit ans), les artistes et leurs commanditaires mettront de plus en plus souvent l’accent sur cette Trinité souffrante."
Les auteurs du site Enluminure séparent les Trônes de grâce d'une autre type de représentation où Dieu le Père tient dans ses bras, comme les Vierges des Pietà, le Christ mort déposé de la croix, et c'est à cette représentation qu'ils réservent le terme de Trinité souffrante.
Dans la crypte de Bayeux, la peinture murale de l'enfeu de Gervais de Larchamp (1447) montre un exemple de Trône de grâce géographiquement proche de Saint-Lô. Voir l'article de Michel Niqueux)
Parmi ces dernières, seules 20 sont antérieures au XVe siècles: quelques exemples
Amiens - BM - ms. 0362 f.006v Etienne de Conty présenté à la Trinité par saint Etienne Novella in Decretales Gregorii VIIII 1375 , auteur Johannes Andreae
Arras - BM - ms. 0888 (0444) f. 077, Missel à l'usage d'Arras , XIIIe
Avignon - BM - ms. 0136 f. 332v, Missel dit de Clément VII/Missel d'Urbain V vers 1370
Avignon - BM - ms. 6733 f. 070 Livre de prières de l'antipape Clément VII/Livre de prières de Clément VII vers 1378-1383
Avranches - BM - ms. 0213 f. 011v. Historiae Montis S. Michaelis vers 1400
Cambrai, BM ms.0190 f.175, Epistolier à l'usage de Cambrai, 1266.
Le choix de cette représentation de la Trinité est une prise de position dogmatique, ou l'expression d'un passage liturgique (ou choral, comme Qui procedis at utroque d'Adam de St-Victor, XII), ou d'un thème de prédication, mettant l'accent sur l'histoire du Salut et de la Rédemption plutôt que sur l'égalité des trois personnes divines. La riche complexité de ce sujet peut être découverte à la lecture de F. Bœspflug et Zaluska 1994.
Il faudrait étudier ce thème dans la toponymie de la Manche, et l'influence de l'ordre des Trinitaires ou Mathurins fondé en 1194 pour le rachat des prisonniers des Maures : cette influence est mentionnée pour la commune de La Trinité au sud de Villedieu-les-Poêles, notée apud sanctam trinitatem en 1186.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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La Trinité est assise sur une large cathèdre gothique ( il y aurait largement la place pour trois comme elle), siège où elle reçoit les encensements de deux anges thuriféraires.
Le Père y est vêtu d'un ample manteau rouge bordé d'or, et d'une robe gris ou chamois. Ses pieds nus sont largement écartés, notamment à droite. Son visage nimbé est christique (*), jeune, encadré de longs cheveux blonds ondulants. La barbe est absente, et le menton s'appuie sur le sommet de la poutre verticale (stipes) du crucifix. Le regard est tourné vers le bas, et donc vers le Fils. Des traces noirâtres pourraient faire croire à des larmes.
(*) la « règle du christomorphisme » de la représentation de Dieu voulait que l’on ne donnât pas au Père d’autres traits que ceux du Christ, par respect du « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 9). (F. Bœspflug)
À la différence de la peinture de Bayeux, le Père tient la traverse de la croix des deux mains, les bras largement étendus.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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La colombe descend verticalement encadrée par les pans du manteau, ses ailes sont proches de celles d'une hirondelle, sa queue est étroite et trifide. Son axe laisse penser qu'elle est l'émanation ou la concrétisation du souffle ou du Verbe, échappé des lèvres roses entrouvertes. Elle forme un trait d'union entre ces lèvres (sur la statue de Châteauneuf-du-Faou, la queue de l'oiseau sort vraiment de la bouche divine) et le Christ, et elle s'inscrit dans le rectangle vertical de et la branche haute de la croix, là où se trouve habituellement le titulus.
Pour François Bœspflug, dans la miniature du missel de Cambrai, "le tracé des ailes de la Colombe, qui joint avec minutie les bouches du Père et du Fils en croix, traduit selon toute vraisemblance le dogme occidental de la procession de l'Esprit ab utroque". Le Saint-Espritprocèdedu Père et du Fils ab utroque, "par les deux".
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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À gauche et à droite, un ange thuriféraire lance son encensoir vers la Trinité.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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LE REGISTRE SUPÉRIEUR : L'ANNONCIATION et SAINT MICHEL.
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"Dans le tympan des deux ogives, on voit d'un côte la salutation angélique. La Ste Vierge est debout, l'ange est à genoux, tenant un phylactère où l'on voit ces mots : Ave, Maria, gratia plen. Dom*. tecum. L'ange est séparé de la Ste Vierge par un vase renfermant une fleur où apparaissent encore les armes de Jean de Chiffrevast, premier fondateur de cette chapelle. De l'autre côté se trouve saint Michel, debout et terrassant le démon qu'il transperce de sa lance."
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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À gauche : l'Annonciation.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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À droite : saint Michel terrassant le démon.
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Le détail remarquable est le démon, qui repousse de sa patte l'archange et qui le menace d'un fouet.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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III. LE REGISTRE PRINCIPAL : LES DONATEURS PRÉSENTÉS À LA VIERGE PAR LEURS SAINTS PATRONS.
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"Au premier plan, à gauche du spectateur, mais à droite, dans le tableau, est Jean de Chiffrevast, à genoux, la tête nue et les mains jointes. Il est présenté à la Ste Vierge par St Jean-Baptiste et Ste Catherine. Ces deux personnages sont debout et regardent la Vierge qui, assise dans un grand fauteuil du commencement du XVIe siècle, paraît accueillir assez favorablement le jeune chevalier qu'on lui présente. Elle tient dans ses bras l'enfant Jésus, qui semble sourire à Guillotte ou Marguerite de la Houssaye, femme de Jean de Chiffrevast, et qui lui est également présentée, à genoux, par ses deux patronnes, Ste Marguerite et Ste Madeleine." (Pigeon 1876)
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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1°) À gauche : Jean de Chiffrevast présenté par sainte Catherine et par Jean-Baptiste à la Vierge.
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La Vierge est couronnée, vêtue d'une robe bleue et d'un manteau pourpre, et assise sur un trône. Elle regarde le donateur avec bienveillance.
La présence de saint Jean s'explique par le prénom du donateur, mais celle de sainte Catherine d'Alexandrie est justifiée par le fait que celle-ci est constamment invoquée dans les Livres d'Heures ou convoquée comme intercesseur dans les vitraux où les donateurs sont des seigneurs du lieu. C'est néanmoins le plus souvent la donatrice qui est présentée par sainte Catherine.
Catherine, couronnée, est vêtue d'un surcot ouvert au dessus de sa robe bleue : cette couronne souligne son statut de princesse, et ce surcot la noblesse de son extraction. On retrouvera ce dernier porté par la donatrice.
Voir mon étude du surcot ouvert en annexe de cet article :
Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Jean de Chiffrevast est représenté à genoux et mains jointes devant la Vierge, vêtu d'une tunique portant ses armoiries à bandes de sable (noires) et d'argent (blanches). Son blason est à ses pieds, sommé d'un heaume coiffé d'un tortil à ses couleurs et cimé d'une tête et d'un col de bouc.
Selon Rodovid.org, il est le fils de Nicol de Chiffrevast (n.v. 1310), Seigneur de Chiffrevast à Tamerville (50), capitaine de Cherbourg 1354 - 1356 , et dont le premier Château de Chiffrevast fut détruit par Jean d'Harcourt entre 1353 et 1354.
Jean ou Jehan de Chiffrevast ou de Siffrevast était né vers 1330, et fait chevalier vers 1350, date à laquelle il était seigneur de Chiffrevast, Tamerville, Huberville, Ivetot (Yvetot), Prétreville, Bunchon, Val-de-Sie (Le Valdécie), etc. Il fut Écuyer du Roi, Chambellan de Philippe de Bourgogne, fils de France, Capitaine et gouverneur des villes et Château de Valognes. En 1395 il fut confirmé dans ses propriétés par Charles VI.
Il épousa Guillotte [Marguerite] de la Houssaye née vers 1330 . Leur fille Huguette épousa Robert de Percy. Ce fut en 1384, que Sylvestre approuva la fondation des chapelles St. Georges (dit le jeune), et St.-Christophe, faite à un même autel , par Jehan de Siffrevast ou de Chiffrevast . .
Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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2°) À droite : Marguerite de Houssaye présentée par sainte Madeleine et sainte Marguerite.
Guillotte de Houssaye était issue d'une ancienne noblesse de Normandie connue depuis les années 1200. Elle est la fille d'Eustache de Houssaye et de Tomasse de Beaumanoir.
Elle est présentée en premier lieu, selon l'inscription placée en dessous, par sainte Madeleine (S. MAGDALENA), mais j'ignore si cette inscription est due à un restaurateur. En effet, Marie-Madeleine est rarement représentée les cheveux recouverts par un voile.
La seconde sainte serait sainte Marguerite d'Antioche, dont les attributs , un crucifix et un dragon dont elle s'extrait, sont absents ici. Guillotte est un diminutif de Marguerite.
La donatrice est vêtue d'un surcot ouvert rouge fourré d'hermines sur un surcot fermé rose ou pourpre. Elle est coiffée du touret et ses cheveux sont ramassés sur la tempe en deux volumineux chignons.
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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C'est l'examen de mes photos qui me permet de voir un détail singulier. La donatrice est tournée vers la Vierge, qui lui tourne le dos tandis que c'est l'Enfant qui dans un charmant mouvement, se libère des bras maternels pour tendre les siens vers dame Guillotte. Je m'aperçois qu'il lui tend (ou qu'il reçoit d'elle ?) un objet (qui m'a d'abord évoqué une tétine !). Est-ce une bague ?
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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IV LE REGISTRE INFÉRIEUR : LES BLASONS DES CHIFFREVAST ET HOUSSAYE.
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"Sur un fond d'azur devenu verdâtre, mais encore semé de lis d'or apparaissent les armoiries des deux époux, le premier écu est bandé d'argent et de sable de six pièces; ces dessins et ces couleurs se retrouvent sur le vêtement de Jean de Chiffrevast, qui était alors gouverneur de Valognes. Les autres armes appartiennent à la jeune épouse, et sont échiquetées d'argent et d'azur." (Pigeon 1876)
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Peintures murales (v. 1384) de la chapelle de Chiffrevast, cathédrale de Coutances. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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SOURCES ET LIENS.
— BOESPFLUG (François), 2009, , « La Trinité dans l’art breton (xve-xviiie siècle) », Revue des sciences religieuses [En ligne], 83/4 | 2009, mis en ligne le 15 novembre 2013, consulté le 04 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/rsr/441 ; DOI : 10.4000/rsr.441
— BOESPFLUG (François), La Trinité dans l’art d’Occident (1400-1460). Sept chefs d’oeuvre de la peinture, préface de Roland Recht, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2000, 22006.
— BOESPFLUG (François), « La Trinité dans l’art alsacien (XIIe-XVe siècle). À propos de quelques oeuvres, du Hortus Deliciarum à la tapisserie de Saint-Jean-Saverne », Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, XL, 1997, p. 99-123.
— BOESPFLUG (François), ZALUSKA ( Yolanta) , Le dogme trinitaire et l'essor de son iconographie en Occident de l'époque carolingienne au IVe Concile du Latran (1215) Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1994 37-147 pp. 181-240.
— DELAMARE (Abbé), Essai sur la véritable origine et les vicissitudes de la cathédrale de Coutances, Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, Volume 12, 1841
. Résumé. —nom de genre Anax, Lech, 1815, "Entomology". In Brewster, David. Edinburgh Encyclopaedia. Vol. 9. Edinburgh: William Blackwood. pp. 57–172 [137] (in 1830 edition) : Anax vient de l'ancien grec ἄναξ , anax qui signifie « seigneur », « chef [de guerre] » ou « roi [tribal] ». Il est interprété comme qualifiant le comportement dominant d'Anax imperator, la seule espèce décrite par Leach 1815 sous son genre Anax. L'auteur lui-même ne fait aucun commentaire ni sur la justification de son nom de genre, ni sur le comportement de l'espèce qu'il nomme sans la décrire. Néanmoins, les liens unissant Anax "roi" en grec et imperator "empereur" en latin, sont évidents, comme il est évident que cette espèce est de morphologie tout à fait royale, par sa taille , l'une des plus grandes des Libellulidae (son envergure peut atteindre 11 cm) ou par les couleurs bleu et noir de l'abdomen des mâles (vert et/ou bleu et noir chez les femelles). Le vol des mâles est également majestueux, lorsqu'ils dominent "de manière impériale un territoire allant d'une simple flaque à une zone atteignant 2400 m2, duquel ils repoussent leurs congénères. Ils patrouillent continuellement au dessus de l'eau, parfois loin des rives" (Grand et Boudot, 2006). —nom d'espèce Anax parthenope Selys, 1839 : Bull. Acad. roy. de Belgique, 6(2):389-391.
Parthénopé, d'après le nom d'une sirène, était le nom de cette colonie grecque de Cumes fondée au cours du VIIIe siècle avant notre ère en Italie, qui deviendra ensuite Naples. L'épithète renvoie donc au lieu où Sélys-Lonchamps captura le 10 mai 1838, sur les bords du lac Averne, le spécimen type (mâle), conservé au Musée Royal de Bruxelles.
— Nom vernaculaire français : 1) "L'Anax Parthénope", Sélys 1840 et 1850. 2) "L'Anax napolitain", Jacques d' Aguilar et Jean-Louis Dommanget, 1985, Guide de libellules d'Europe et d'Afrique du Nord : c'est une habile transcription du nom scientifique, l'adjectif italien partenopeo étant devenu un synonyme littéraire de "napolitain".
. — Noms vernaculaires étrangers :
- Néerlandais : Zuidelijke keizerlibel (Libellule empereur du sud).
- Frison : Südlike keizerslibel (Libellule empereur du sud), Sinnekeizer
- Allemand : Kleine Königslibelle (la petite libellule empereur) - anglais : The Lesser Emperor [Dragonfly]
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LE NOM SCIENTIFIQUE.
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. I. LE NOM DE GENRE, ANAX, LEACH, 1815. Voir http://www.lavieb-aile.com/2018/01/zoonymie-des-odonates.le-nom-de-genre-anax-leach-1815.html . . . II. LE NOM D'ESPÈCE ANAX PARTHENOPE SELYS, 1839. .
Selys Longchamps, E. (de) 1839. Description de deux nouvelles espèces d'Aeshna du sous-genre Anax (Leach). Bulletin de l'Académie royale des Sciences de Belgique, 6(2): 386-383 page 389-391
Long. 29 1.; envergure 44 l.; longueur de l'appendice anale inférieure du mâle 1/2 ligne à peine.
♂. Tête jaune, bouche brune; une tache transverse noire bordée de bleu en arrière sur le haut du front, et une autre petite triangulaire noire devant les ocelles. Yeux bleus. Thorax en partie bleu et verdâtre avec des lignes latérales noires. Le devant du thorax traversé par deux bandes étroites brunes tout-à-fait parallèles au cou.
Abdomen déprimé, long, renflé à sa base, étranglé au milieu du 3e segment. Le 1er segment avec deux taches basales et une tache latérale brunes. Une tache transversale sur le 2e et une bande dorsale anguleuse depuis le 3e jusqu'au dernier segment. Cette bande traversée à la base des 3e, 4e, 5e, 6e, 7e et 8e segmens par une raie courte de la même couleur. Derrière la ligne transversale du 2e anneau se trouve immédiatement un petit tubercule dorsal arrondi.
Observation. — Toutes les bandes et taches de l'abdomen sont noires sur un fond qui, autant que je m'en souviens, était généralement bleu. Je puis au moins l'assurer quant à la partie renflée des trois premiers segments , car c'est à ce caractère que je distinguai au vol cette espèce de la Formosa.
Appendices anales brun - noirâtres , les deux supérieures ayant une fois et demie la longueur du dernier segment de l'abdomen, atténuées à leur base, ensuite élargies, puis tronquées à leur extrémité. Une ligne élevée les traverse longitudinalement en dessus. Le bord interne de cette ligne est cilié. L'appendice inférieure égale à peine eu longueur le cinquième des supérieures; elle est peu visible en dessus, tronquée, plus large que longue, à bords renflés. Pieds noirs ; les cuisses en partie ferrugineuses. Ailes teintées de jaunâtre sur leur milieu; parastigma moyen, brun-roussâtre. Membranule accessoriale blanchâtre à la base, cendrée ensuite. La nervure de la côte jaune extérieurement.
♀. Elle diffère du mâle par la forme des appendices anales qui sont lancéolées, sans lignes élevées, et par la couleur du thorax et de l'abdomen où le bleu ne domine pas et se trouve mélangé de jaune, de verdâtre et de brun.
Observation. — L'individu que je possédais ayant été détruit parles insectes rongeurs, je ne puis donner de détails plus circonstanciés sur la femelle.
J'ai pris celle espèce nouvelle sur les rives du lac Averne près de Naples, le 10 mai 1838. Elle y était commune et semblait à son époque d'éclosion. Je crois l'avoir revue depuis dans la Campagne de Rome et même dans les marais de Ravennes, vers le commencement de juin. Le mâle diffère de celui de la Formosa par sa taille plus petite, par la tache noire transverse du front et par la couleur bleue des deux premiers segments de l'abdomen et d'une partie du thorax qui est, en outre, marqué en avant de doux taches transverses, et par le parastigma qui est plus court que dans la Formosa qui n'a pas non plus
Le tubercule sur le dos du 2e segment. La femelle se distingue au premier abord de la Formosa par une taille plus petite, la tache du front, etc. Il sera peut-être plus difficile de la reconnaître de la femelle de la Mediterranea, mais celle dernière a les cuisses antérieures d'un jaune clair extérieurement et le parastigma plus allongé.
. ÉTUDE DU NOM. .
Parthénopé est le nom de la colonie grecque de Cumes (siège de l'antre de la Sibylle) fondée au cours du VIIIe siècle avant notre ère en Italie, et qui deviendra Naples. Le nom renvoie donc à la localité du type (type locality) de l'espèce, où Sélys-Lonchamps captura le 10 mai 1838, sur les bords du lac Averne, le spécimen type (mâle), conservé au Musée Royal de Bruxelles.
"Naples fut d'abord fondée au cours du VIIIe siècle avant notre ère sous le nom de Parthénope par la colonie grecque de Cumes. Ce premier établissement fut appelé Palaiopolis (la ville ancienne). Lorsqu'une seconde ville fut fondée vers 500 avant notre ère par de nouveaux colons, cette nouvelle fondation fut appelée Néapolis (nouvelle ville), d'où Napoli." (d'après Wikipédia).
Selon les Argonautiques d'Apollonius de Rhodes, la sirène Parthénope (du grec Parthenos, "jeune fille, vierge", soit "celle qui a un visage de jeune fille"), désespérée de n'avoir pu séduire par son chant Ulysse lors de son Odyssée se serait jetée à l'eau. Son corps échoué devant la future Naples aurait été placé dans un tombeau, et un temple lui aurait été édifié, donnant son nom à l'ancienne cité de Parthénopé, Palaiopolis.
"Strabon mentionne que son temple se situait dans la ville de Néapolis (actuelle Naples), où les habitants célébraient des jeux gymniques en son honneur.
Le lien entre la ville de Naples et Parthénope est très fort. Celle-ci symbolise pour Naples virginité, chant et mort. La sirène a d'ailleurs donné naissance à l'adjectif Partenopeo parfois utilisé en italien à la place de napolitain, par exemple pour la République parthénopéenne proclamée lors de l'occupation par les troupes françaises de la ville lors de la deuxième campagne d'Italie." (Wikipédia)
"parthenope (Anax) - Parthenope, es = antico nome di Napoli. Il nome è dovuto alla vicinanza della località tipica della specie (lago Averno)"
. H. FLIEDNER, 2009 https://www.entomologie-mv.de/download/virgo-9/Virgo%200902%20Die%20wissenschaftlichen%20Namen%20der%20Libellen%20in%20Burmeisters.pdf http://dominique.mouchene.free.fr/libs/docs/GENE_Burmeister_Fliedner.pdf A. parthenope n'est pas étudié. On peut consulter le site libelleninfo.de qui donne :
"Anax parthenope: Parthenope - eine der Sirenen, die Odysseus bekehren wollten"
. VAN HIJUM, 2005. http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document&docid=555521
"Anax parthenope Vernoemd naar de sirene Parthenope (wat ‘zij met de meisjesstem’ betekent) die tevergeefs Odysseus probeerde te verleiden en vervolgens stierf ." ("Anax parthenope tire son nom de la sirène Parthenope (qui signifie" celle qui a la voix de la jeune fille ") qui a tenté sans succès de séduire Ulysse puis est morte.")
. I. LES NOMS VERNACULAIRES FRANÇAIS. . 1°) L'Anax Parthénope Sélys 1840 et 1850
Monographie des Libellulidées d'Europe. 1840 page 119.
Revue des Odonates ou Libellules d'Europe 1850 page 111 :
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Sélys-Longchamps 1840 Numérisation Google
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Sélys-Longchamps 1850, numérisation Google
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2°) L'Anax napolitain, d'Aguilar et Dommanget 1985.
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Ce nom apparaît pour la première fois en 1970 dans un article de l'Entomologiste, puis à partir de 1983 dans une série de guides sur les Odonates d'Europe, qui reprennent tous les mêmes noms vernaculaires. Le premier ouvrage est anglais, il s'agit de The Dragonflies of Great Britain and Ireland par Cyril Oswald Hammond, Richard Robinson Askew, Robert Merritt - 1983 , et j'ignore si ces auteurs ont créés eux-mêmes le nom français pour compléter leur liste de noms vernaculaires dont "The Lesser Emperor Dragonfly", guère plus ancien.
Il semble pourtant logique de considérer que les auteurs à l'origine du nom d'Anax Napolitain sont les premiers auteurs français mentionnés, Jacques d' Aguilar et Jean-Louis Dommanget, en 1985 dans leur Guide des libellules d'Europe et d'Afrique du Nord, Page 246.
"Anax parthenope Sélys, 1839 Pl. 15 Syn. Anax parisinus Rambur, 1842 Fr. L'Anax napolitain; All. Kleine Königslibelle. Identification Espèce de taille plus faible que A. imperator. "
L'année suivante paraît par les mêmes auteurs une édition anglaise, A field guide to the dragonflies of Britain, Europe and North Africa, Jacques d' Aguilar, Jean-Louis Dommanget, René Préchac - 1986
"Anax parthenope Selys, 1839 PI. 15 Syn. Anax parisimus Rambur, 1842 Eng. Lesser Emperor Dragonfly; Fr. L'Anax napolitain; Ger. Kleine Königslibelle. Identification Smaller than A. imperator. "
Comme cela a été le cas pour les Lépidoptères, c'est donc la parution de ces guides de vulgarisation, d'abord étrangers, qui a contraint les entomologistes français à combler la grande carence de notre langue en zoonymes vernaculaires.
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Le nom choisi, Anax napolitain, montre que les auteurs ont su se démarquer d'une traduction littérale du nom scientifique ou des autres noms vernaculaires étrangers pour rappeler l'équivalence de l'italien parthenopeo avec napoletano, "habitant de Naples.
. II. LES NOMS VERNACULAIRES DANS D'AUTRES LANGUES.
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La nécessité de renouer avec des noms vernaculaires après le mépris que leur portaient les entomologistes et, par ce fait, leur extinction entre 1850 et 1950 tient, je l'ai dit, au développement après la Seconde Guerre Mondiale de guides de terrain pour des entomologistes amateurs, dans le cadre d'un regard plus attentif au milieu naturel.
Dès 1953, un entomologiste allemand, Hans Schiemenz (1920-1990), conservateur de la partie entomologique du Musée zoologique Humbolt de Berlin a affronté la condescendance et l'opposition de ses collègues en s'attachant à développer un corpus de noms vernaculaires dans sa langue dans une publication, Die Libellen unserer Heimat (les Libellules de notre pays). Il a créé les zoonymes de Große Königslibelle pour A. imperator, et de Kleine Königslibelle pour A. parthenope.
- Néerlandais : Zuidelijke keizerlibel (Libellule empereur du sud).
- Frison : Südlike keizerslibel (Libellule empereur du sud), Sinnekeizer
- Allemand : Kleine Königslibelle (la petite libellule empereur) - anglais : The Lesser Emperor [Dragonfly] .
Pour le coup, notre Anax napolitain récolte la médaille d'or, avec son pouvoir évocateur, de tranche napolitaine pour certains, de biscuit fourré pour d'autres, de tarentelles ou de villanelles ou de polichinelles en gilet bleu chantant O Sole mio ou Santa Lucia.
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. SOURCES ET LIENS. . Bibliographie générale de ces articles de zoonymie des Odonates : voir ici. http://www.lavieb-aile.com/2018/01/la-bibliographie-de-mes-articles-de-zoonymie-des-odonates.html
. OUTILS DE ZOONYMIE. — http://www.dragonflypix.com/etymology.html — PRÉCIGOUT (Laurent), PRUD'HOMME (Eric), 2009, Libellules de Poitou-Charentes, Ed. Poitou-Charentes Nature, 255 pages, — POITOU-CHARENTE NATURE (Association) / Philippe JOURDE & Olivier ALLENOU http://www.poitou-charentes-nature.asso.fr/leucorrhine-a-front-blanc/ — ANTONIO (Costantino D’), VEGLIANTE (Francesca ) "Derivatio nominis libellularum europæarum"(PDF) (en Italien) Étymologie de 197 noms de Libellules européennes. https://www.researchgate.net/publication/316791278_Derivatio_nominis_libellularum_europaearum
— ENDERSBY (IAN D. ), 2012, : Watson and Theischinger: the etymology of the dragonfly (Insecta: Odonata) names which they published Journal and Proceedings of the Royal Society of New South Wales, vol. 145, nos. 443 & 444, pp. 34-53. ISSN 0035-9173/12/010034-20 34 https://royalsoc.org.au/images/pdf/journal/145_Endersby.pdf — ENDERSBY (IAN D., FRS ), 2012, Etymology of the Dragonflies (Insecta: Odonata) named by R.J. Tillyard, F.R.S. Proceedings of the Linnean Society of New South Wales 134, 1-16. https://openjournals.library.sydney.edu.au/index.php/LIN/article/viewFile/5941/6519 — ENDERSBY (IAN D., FRS ), 2012, The Naming of Victoria’s Dragonflies (Insecta: Odonata, Proceedings of the Royal Society of Victoria 123(3): 155-178. https://www.academia.edu/28354624/The_Naming_of_Victoria_s_Dragonflies_Insecta_Odonata_ — ENDERSBY (IAN D. ), 2015, The naming's of Australia's dragonflies. https://www.researchgate.net/publication/283318421_The_Naming_of_Australia%27s_Dragonflies http://dominique.mouchene.free.fr/libs/docs/GENE_origine_noms_odonates_Australie_Endersby_2015.pdf — FLIEDNER (Heinrich), 2009, Die wissenschaftlichen Namen der Libellen in Burmeisters ‘Handbuch der Entomologie’ Virgo 9[5-23] http://www.entomologie-mv.de/download/virgo-9/Virgo%200902%20Die%20wissenschaftlichen%20Namen%20der%20Libellen%20in%20Burmeisters.pdf — FLIEDNER (Heinrich), "The scientific names of the Odonata in Burmeister’s ‘Handbuch der Entomologie". http://dominique.mouchene.free.fr/libs/docs/GENE_Burmeister_Fliedner.pdf — FLIEDNER (Heinrich), 1997. Die Bedeutung der wissenschaftlichen Namen Europaischer Libellen. Libellula, supplement I. Sonderband zur Zeitschrift der Gesellschaft deutschsprachiger Odonatologen (GdO) e.V. Fliedner, Bremen.
— FLIEDNER (Heinrich), (1998): Die Namengeber der europäischen Libellen. Ergänzungsheft zu Libellula - Supplement 1 — FLIEDNER (H.), 2012, Wie die Libelle zu ihrem Namen kam Virgo, Mitteilungsblatt des Entomologischen Vereins Mecklenburg 15. Jahrgang (2012). https://www.entomologie-mv.de/download/virgo-15/virg%2015104%20Libelle_Namensherkunft.pdf — HIJUM (Ep van ), 2005, Friese namen van libellen , TWIRRE natuur in Fryslan jaargang 16, nummer 4 page 142-147 http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document&docid=555521 — STEINMANN (Henrik), World Catalogue of Odonata, Walter de Gruyter, 6 févr. 2013 - 650 pages . Numérisé Google. https://books.google.fr/books?id=IaEgAAAAQBAJ&dq=world+catalogue+odonata&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— SITE Libellen - eine (kleine) Einführung . die Namensgebung
—SCHIEMENZ, H. (1953): Die Libellen unserer Heimat. Jena: Urania
— WENDLER (A)., A. Martens, L. Müller & F. Suhling (1995): Die deutschen Namen der europäischen Libellenarten (Insecta: Odonata).Entomologische Zeitschrift 105(6): 97-112
EXTRAIT DE LA BIBLIOGRAPHIE :
— CHARPENTIER (Toussaint von) , 1840, Libellulinae europaeae descriptae ac depictae. L. Voss, 180 pages,. https://books.google.fr/books?id=DoIwvgAACAAJ&hl=fr&source=gbs_navlinks_s — DELIRY (Cyrille) : Bibliothèque des Odonates http://www.deliry.com/index.php?title=Biblioth%C3%A8que_Odonatologique — DELIRY (Cyrille) Monographie Anax ephippiger http://www.deliry.com/index.php?title=Anax_parthenope
— SELYS-LONGCHAMPS ( Michel Edmond, Baron de), 1839, de Selys Longchamps E. 1839 - Description de deux nouvelles espèces d'Aeshna du sous-genre Anax (Leach). Bulletin de l' Acad. royale de Belgique, 6 (2) pages 389-391
Deux cloches habitent actuellement le clocher du Faou, la plus récente ayant été fondue par Viel à Brest en 1823.La plus ancienne et la plus grosse a été fondue en 1714, en remplacement d'une cloche fêlée.
À la différence des autres cloches de la commune du Faou, réalisées par VIEL ou BRIENS à Brest, ou par LE JAMTEL à Guigamp elle témoigne de l'activité d'un des fondeurs de l'Ancien Régime, Thomas Le SOUEFF, mais il est passionnant de constater que ces quatre familles sont originaires de la Manche, autour de Villedieu-les-Poêles et de Saultchevreuil-du-Tronchet, et qu'elles ont su se déplacer au gré des besoins, tout en créant par mariage des alliances avec des familles normandes de seintiers.
"Les premières cloches apparurent en Campanie au Ve siècle et les premiers clochers au IXe siècle en Italie. Ils se répandirent au début du XIIe siècle; d'abord indépendants de l'église, véritables tours protectrices Au moins depuis la fin du XVe siècle et pendant des siècles les fondeurs de cloches ambulants sillonnèrent la France et l'Europe, transportant de ville en village leur matériel, se réduisant à peu de chose, en dehors de la planchette en bois gravée comprenant lettres, chiffres, éléments de décor et marque. Ils venaient souvent du Bassigny lorrain [ou de la région de Villedieu-les-Poêles]. Ils partaient chaque printemps et faisaient le moulage sur place. Ils signaient les cloches de leur nom suivi de la mention du pays d'origine ou de leur marque.
Au XIXe siècle les derniers fondeurs installèrent des ateliers fixes dans diverses villes comme les Perret à Auch, les Bollée à Orléans. Deux fils Vouillemot s'étaient établis à Montpellier au XVIIe siècle.
Les artisans fondeurs étaient appelés clochetiaux en Lorraine ou seintiers (du latin médiéval sein qui voulait dire cloche; d'où le mot tocsein : toque sein). Ils étaient très considérés et le titre de bourgeois leur était parfois décerné." (d'après geneawiki)
"Autrefois, les cloches étaient fondues au pied du clocher (dans le cimetière). Une fosse de coulée et un four étaient construits sur place.
On fabrique un moule détruit après la coulée. Sur un socle en maçonnerie, on façonne d’abord un noyau en argile armé de filasse, tourné avec un gabarit au profil intérieur de la cloche (la planche à trousser). Cette argile est durcie en allumant un feu doux à l’intérieur de la forme maçonnée. Puis on façonne la forme de la cloche (la fausse cloche) en cire. Cette fausse cloche est démolie après avoir confectionné, séché et enlevé le moule extérieur (la chape) en argile lui aussi.
Les différents motifs de décor, marques du fondeur, signatures ou inscriptions ont été mis en place sur la forme avant la confection du moule extérieur. Le moule est ensuite remis en place pour permettre la coulée du bronze. Après démoulage et polissage, la cloche est prête à être baptisée par l'évêque avant de trouver sa place dans le clocher. Ce travail demande de trois semaines à un mois. Chaque fondeur avait ses méthodes et ses abaques pour les formes et épaisseurs exactes à donner à la cloche pour obtenir la note désirée : il ne peut bien entendu plus être rajouté du métal après la coulée." ( d'aprèsGeneawiki)
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou.
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Description.
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Selon Danguy des Deserts, elle pèse 1389 livres (630 kg ?) et la hauteur de la cuve est de 87 cm (105 cm avec l'anse) et son diamètre inférieur est de 101,5 cm.
"Le poids des cloches au XVIe siècle varie de 100 à 600 livres. Dans les églises paroissiales la cloche majeure passe de 1500 livres de moyenne au XVIIe s et à 2000 livres de moyenne au XVIIIe. On cite comme un cas exceptionnel et digne d'admiration une cloche de 4000 livres et de 1,62 m de diamètre, fondue en 1715 pour Lampaul-Guimiliau, par des artisans de Brest, Jean et Jean-François LE BEURRIER de la RIVIÈRE." ( H. du Halgouet)
Sur le mouton en bois sont ferrées les trois anses de la cloche, remarquables par leurs six têtes d'hommes moustachus. La cloche est ornée d'un riche décor en bas-relief sur le vase supérieur, le flanc et le vase inférieur. Elle sonne à la volée par tintement du battant et par marteau extérieur frappant le bord depuis l'électrification.
La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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I. L'INSCRIPTION DE DÉDICACE SUR LE VASE SUPÉRIEUR .
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Une longue inscription se déroule entre les filets sur trois lignes en lettres capitales romaines. Chaque mot est séparé du voisin par une hermine ou une fleur de lys, et débute par une croix pattée (après le mot CVRE). Certains mots sont abrégés.
N.B :La ligne haute et la ligne intercalaire comportent plusieurs R isolé ou RE qui doivent être lues comme des adjonctions suscrites, que j'ajoutent dans la transcription.
Les trois lignes principales :
première ligne + IAY. ESTE. FAITTE. P. SER. A. LEGLISE. DV. FAOV. VENERABLE. ET. DIS.TMI.RE FRANCOIS. LVGVERN. RECTEVR. MI. RE YVES. MOCAER. CVRE.
deuxième ligne + NOBLE. HOMME. PIERRE. BIGEAVD.S R DE PREVILLE. ET DME MARIE. THERESE.HIACINTHE. FILLOVSE. EPOUSE. DE. M. M. IULIEN. GODEFROY.
troisième ligne + SEVL. JVGE. DV. FAOV. MONT. NOMMEE. M. RE. PAVL. LE. BESCOND. AVOCAT. ET. PROCVREVR. FISCAL. TRESORIER. EN LAN. 1714.
Soit :
« J'ai été faite pour servir à l'église du Faou. Vénérable et discret Missire François Luguern, recteur, Missire Yves Mocaer curé.
Noble homme Pierre Bigeaud, sieur de Préville et dame Marie-Thérèse Hiacinthe Fillouse, épouse de M Julien Godefroy .
seul juge du Faou m'ont nommée M Paul Bescond avocat et procureur fiscal trésorier. en l'an 1714.»
Nous remarquons déjà que cette cloche n'a pas de nom de baptême.
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Les personnalités mentionnées sur l'inscription.
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1°) Le recteur : vénérable et discret messire François LUGUERN.
Il figure dans l'église de Rosnoën sur une inscription lapidaire de 1674 avec ses curés (c'est à dire ses prêtres vicaires) Bauguion et Jean Creven.
François Luguern est né le 19-12-1662 à Rosnoën de Tanguy Luguern et Marie Mallegol, et il décéda le 16-04-1732.
2°) Le curé (vicaire) Yves MOCAER.
La seule indication retrouvée est son signalement dans le BDHA de 1909 (page 138) parmi la liste des vicaires avec sa période d'activité entre 1711 et 1724.
3°) Le parrain Noble homme Pierre BIGEAUD, sieur de PREVILLE.
Ce personnage est cité en 1682 par le BDHA dans un extrait d'acte de baptême comme époux de Demoiselle Marie Bernard, marraine :
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1682, 3 Décembre : Baptême d'Yves, fils de Jean-François Laferière, et de Dlle Marie Bigeaud, Sr. et dame du dit lieu (il était né dès le 15 Octobre). Parrain, N. G. Yves Ferrière, sieur de Bussé ; marraine, Dlle Marie Bernard, épouse de noble homme Pierre Bigeaud, sieur Desclos.
Nous trouvons Marie Bigeaud et Françoise Bigeaud citées en 1689 dans un autre acte de baptême . :
1689, 5 Septembre : Baptême de Jean-Baptiste-François, fils de noble homme François Ferrière et de Dlle Marie Bigeaud (né le 10 Août). Parrain, noble homme Jean-Baptiste Ferrière, Sr. de Kerdonval ; et marraine, Dlle Françoise Bigeaud, dame du Quelennec.
Il faut distinguer Pierre Bigeaud I , né vers 1630 à Nantes, et décédé le 21 octobre 1696 au Faou, Sieur des Clos, Fermier Général du Faou, marié avant 1668 avec Marie Bernard ca 1639-1721 dont 12 enfants, Pierre Bigeaud II, le dernier enfant du couple, né le 16 août 1682 au Faou, décédé le 7 janvier 1723 au Faou, à l’âge de 40 ans.
Mad Danguy des Déserts écrit : "
"Pierre Bigeaud, le parrain [de la cloche], était intéressé dans les devoirs et les Billots (impôts sur les boissons alcoolisées). Il décède, célibataire de 40 ans en 1723, dans l'actuelle maison Lennon, place des Halles."
Ses armoiries seraient (Danguy des Deserts) « d'azur à trois glands d'or posés 2 et 1». Elles figurent sur le flanc de la cloche, avec heaume :
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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4°) La marraine, dame Marie-Thérèse Hiacinthe FILLOUSE, épouse de M Julien GODEFROY.
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Marie-Thérèse Fillouse, née le 4 avril 1680 à Landerneau Saint-Julien et décédée après le 5 décembre 1735) était la fille de Ollivier Fillouse, (1610-1711) sr de Lannivinan et de Claude du Vall, qui demeuraient à Landerneau. Elle avait épousé le 20 juin 1713 à Landerneau Julien GODEFROY DU RHUN, advocat à la cour, sénéchal du Faou, en second mariage pour ce jeune père de 3 enfants. Il était le fils de Maître Guillaume GODEFROY, sieur de Keraoulen (ou Trolen) de Landerneau. Il s'était marié le 11 janvier 1706 avec Thérèse FERRIÈRE, née à Quimper et fille de Marie BIGEAUD, ... la sœur de notre Pierre BIGEAUD II..
Ses armoiries d'azur à la licorne d'argent surmontée d'un croissant de même (Nobiliaire de Pol Potier de Courcy) figurent aussi sur le flanc de la cloche.
Fillouse, sr de Lanriven près Landerneau, — de Kergorez, — de Kerambriz. D’azur à la licorne d’argent, surmontée d’un croissant de même. (Arm. 1696). Catherine, épouse en 1668 Hervé Simon, sr de Kerbringal. .
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Un quatrième blason honore indirectement Julien Godefroy puisqu'il porte les armoiries de la Vicomté du Faou , d'azur au léopard d'or
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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5°) Paul Bescond avocat et procureur fiscal trésorier.
Il faut sans doute comprendre "Paul Le Bescond". Un Joseph Le Bescond a été vicaire au Faou de 1722 à 1728.
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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II. L'INSCRIPTION BASSE : LA SIGNATURE DU FONDEUR.
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TH. LE SOVEF ME FECIT.
"TH. Le Souef me fecit" traduit par "Thomas Le Soueff me fit."
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Que savons-nous de ce fondeur ? La plupart des informations ont été trouvées par Georges-Michel Thomas dans son dépouillement des archives, dont il a publié les conclusions en 1981 :
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"Le Le Soueff semblent avoir eu trois branches en Bretagne.
— François Le Soueff, établi à Vannes, rue Saint-Yves, fondit une cloche pour Guéhénno (Morbihan) le 12 mai 1675 et deux pour Plumelin (Morbihan) le 10 août 1690.
— Julien Le Soueff s'établit à Quimper où il s'éteignit en 1690, laissant sa succession à son fils Jean.
— Jean Le Soueff fondit en 1691 la cloche de Briec, qui était fendue en 1782, celle du Cloître-Pleyben en 1696, celle de Saint-Thégonnec en 1697. Il s'établit à Brest en 1701, année où il fondit, avec Le Moyne, la cloche Corentin pour la cathédrale de Quimper.
« Ce jour de mercredy, 25 may 1701, la cloche nommée Corentin, fut solennellement bénite par Mgr. l'Ill..me et Rév..me évesque, François de Coetlogon, accompagné et assisté de tous les messieurs du chapitre, en la chapelle de la Madeleine, en l’église de St Corentin, et pour la nommer conjointement avec luy, mondit seigr. évêque, a choisy madame Janne du Louet, dame douarière, présidente de Guilly. Ladite cloche, fondue par les sieurs Soüef et Le Moyne, fondeurs du roy à Brest, s’est trouvée pezer 3.901 l. ; et ont eu lesdits fondeurs, pour l’oeuvre de main, la somme de 800 l. et 15 sols par livre, pour les 225 livres d’augmentation de métal. — Signé : A. F. de Coetlogon, grand archidiacre ; Jan de Kermellec, archidiacre de Poher ; Jean Callier ; Anne Bernard Pinon » (Déal du chapitre de 1696-1707, f° 64). http://www.infobretagne.com/quimper-fondeurs.htm
Remarquons cette collaboration entre Le Soueff et Le Moyne, puisque cette dernière famille de fondeur est également originaire de Villedieu-les-Poêles. Pierre-Antoine Le Moyne reçut en 1693 l'autorisation royale de se qualifier "maître fondeur de l'artillerie des vaisseaux du Roy".
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Thomas Le Soueff (ou Souef, ou Le Soefve),
"Maître fondeur du roi, Thomas Le Soueff naquit à Quimper, paroisse du Saint-Esprit de père et mère originaires de Villedieu-les-Poêles. Il épousa à Vannes (Saint-Patern) le 8 septembre 1689 Jeanne Le Douarin, âgée de 24 ans et veuve de Jacques Le Beurrié et de cette union virent le jour :
Catherine-Jeanne et Marie, toutes les deux nées à Quimper en 1691 et 1694, puis Isabelle (1701), Renée-Antoinette (1697-1762), Gabrielle (1697-1738), Elisabeth (1699-1762), Jacques (1701-1730) et Arnould (1702). Les actes d'état-civil montrent que la famille était installée à Brest au quartier des Sept-Saints entre 1699 et 1702, puis rue Saint-Louis vers 1762.
La famille Le Beurrier était originaire de La Colombe, tout près de Villedieu-les-Poêles :
"Jacques BEURIER DE LA RIVIÈRE, (alias LE BEURIER). Fondeur à Brest, puis à Vannes, et époux de Jeanne Le Douarain. Il fit, en 1683, deux cloches pour l'abbaye de Lanténac, et mourut en 1686. Son fils posthume, Jean-François, né à Vannes le 15 novembre 1686, devint fondeur à Vannes. Quant à sa femme, Jeanne Le Douarain, elle se remaria au fondeur Le Soueff. Le frère de Jacques, Etienne Beurier, était également fondeur. On doit à la famille Beurier de nombreuses cloches du Finistère, entre autre à : Lampaul-Guimiliau en 1715, Bodilis en 1719, Saint-Pierre-Quilbignon en 1720, Saint-Eloi de Plouarzel en 1729. Jean et Jean-François sont qualifiés de fondeurs du Roy."
Installé à Landerneau puis à Brest, Thomas Le Soueff fondit, en 1699, à Saint-Thomas de Landerneau, une cloche mal faite par Troussel et qui avait entrainé un procès. Il perçoit 583 livres pour ce travail.
La même année, il fond une cloche pour Lochrist au Conquet pour 349 livres et une pour la chapelle Saint-Christophe, dans la même paroisse, petite cloche qui lui vaut 36 livres.
"Le Sr Le Soueff, maître fondeur, de Brest, promet de refondre la grande cloche de Lochrist pour le prix de 4 sols la livre. La dite cloche sera pesée avant de la fondre et lorsqu'elle sera refondue; si elle se trouve moins pesante, le Sr Le Soueff ...".
En 1700, il fournit un bénitier de métal à Saint-Thomas de Landerneau, payé 10 livres 10 sols, et une cloche pour Plouguerneau, en 1704. Payée 150 livres, elle fut refondue en 1890.
En 1706, cloche pour Plougourvest et en 1707, une autre pour Lanhouarneau. La même année, résidant à Landerneau, il fournit à Plougastel-Daoulas une cloche payée 519 livres 16 sols et qui, faite à Landerneau, fut transportée en voiture jusqu'à Passage moyennant 21 livres 20 sols, puis du Passage à l'église pour 20 sols.
Il est toujours à Landerneau quand il fond, en 1708, une cloche pour Bodilis, pesant 231 livres payée 20 sols la livre. et placée au-dessus de la sacristie pour sonner la messe.
En 1711, il travaille pour Plouzané et pour Plougoulm, et l'année suivante, il fond une cloche pour l'église du « Prêcheur » , paroisse de Saint-Joseph à la Martinique. Le Faou lui commande une cloche en 1714 et lui verse 487 livres 5 sols (Arc. Dep. Finist. 63 G13)."
Note personnelle : René Couffon mentionne aussi une cloche de 1712 pour Plouha , et envoyée à la refonte au XIXe siècle, et sur laquelle « le fondeur de Brest, Thomas Le Soueff, avait même copié la légende italienne de la médaille qui lui avait servi de modèle : Allegreza del cielo e délia terra. "
"Nous n'avons trouvé aucune trace de son décès dans les paroisses brestoises. Nous savons seulement qu'en 1719, il habitait toujours Brest, rue Traverse des Carmes, et que sa situation financière était loin d'être brillante : il ne payait qu'une livre de capitation.
En dehors de son métier de fondeur, il avait été l'adjudicataire d'une pompe à incendie, vers 1710, pompe payée 1500 livres."
En 1726, sa veuve Jeanne Le Douarin demeure rue Saint-Louis à Brest :
"-au logis couvert d'ardoise, avec appentis et jardin, possédé par Jean Le Douarin, maître sellier (1672) et par Renée Poupart, sa veuve (1687), cédé par elle, avec tout les héritages provenant tant de la succession de son mari que des acquêts de leur communauté , i Yves Grignon, maître peintre, travaillant pour S. M. au port de Lorient et y demeurant, époux de demoiselle Yvonne Le Douarin, et à Thomas Soueff, maître fondeur, travaillant pour S. M au port de Brest et ailleurs , demeurant ordinairement en la ville de Quimper, époux de Jeanne Le Douarin (1693), vendu partiellement, sous forme de moitié d une grande maison, par la dite Jeanne Le Douarin, veuve Thomas Soueff, demeurant ordinairement à Brest, rue Saint-Louis, à Pierre Quennec , jardinier et Perrine Duvau, au prix de 1,200 1. (1726)" (Arc. dép. Morbihan)
Des LESOUEF sont mentionnés dans la Manche à Saultchevreuil-du-Tronchet (rattaché à Villedieu-les-Poêles), à Soulles (entre Villedieu et Saint-Lô), à Notre-Dame-de-Cenilly, (voisin de Soulles), à Gieville (id), à Domjean, Maupertuis, Le Guillain, Gavray, Hambye, Cerisy-la-Salle, etc...
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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L'inscription est placée sous un calvaire à cinq degrés encadré par deux médaillons du Christ et de la Vierge. Une devise est inscrite sous chaque médaillon, mais je ne les déchiffre qu'avec peine : SOLE ET ARIOR ?
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Le quatrième blason ou estampille : une cloche au dessus de deux canons.
NB il existait une fonderie de canons à Toulon (ou bien-sûr à Douai 1667-1867), mais non au port de Brest.
Ce "blason", cette estampille, est très intéressante car elle est identique à celle du fondeur R. Le Beurrié, apposée sur une cloche de 1782 de la chapelle Saint-Divy à Dirinon.
Il serait intéressant de la rechercher sur les autres cloches de Le Soueff ou de Le Beurrié.
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Terminons par les six têtes aux superbes moustaches décorant l'anse .
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La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
La cloche de 1714 de l'église Saint-Sauveur du Faou. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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RAPPEL :
Installé à Landerneau puis à Brest, Thomas Le Soueff fondit les cloches suivantes
1691 Briec :
"La cloche du côté Nord a 25 pouces de hauteur sur 30 pouces de diamètre, elle ne porte aucun écusson, mais l'inscription suivante : ANNO : DNI : 1691 : LVDOVICO : MAGNO : XIV° : REGNANTE : ILLMO : DD :FRANCISCO : DE : COETLOGON : DIOECESIM : CORISOPITEN : GUBERNANTE : JOANNES : HVELVAN : SACR : FACULT : PARISIEN : BACCALAUREVS : THEOLOGVS : DOMVS : SORBONAE : NEC : NON : PAROCHIAE : BRIZIEC : RECTOR. Au bas est écrit : T. LE : SOUEFF : FONDEVR : Au milieu, côté du Nord : IHS. Côté du Midi, dans un médaillon circulaire de 4 pouces de diamètre, la Vierge avec l'Enfant-Jésus dans ses bras, assise sur des nuages.
Sur la seconde cloche, du côté du Midi, qui a 27 pouces de haut et 31 pouces de diamètre, est écrit : SIT : NOMEN : DOMINI : BENEDICTVM : 1702. Sans armoiries, mais elle porte une croix sous laquelle on lit FRANCOIS : LE : MOYNE : FONDEVR. De l'autre côté, est une Vierge en pied ayant les mains jointes. Cette cloche est éclatée." (Abgrall, 1904)
1699, Saint-Thomas de Landerneau, (perdue)
1699 Lochrist au Conquet (perdue)
1701, cathédrale de Quimper, 3901 livres (1909 kg ?) [fondeur Le Soueff sans précision de prénom]. (perdue)
1704, Plouguerneau, en 1704. (perdue)
1706, Plougourvest (perdue)
1707, Lanhouarneau. (perdue)
1707 Plougastel-Daoulas (perdue)
1708, Bodilis, pesant 231 livres. (perdue)
1711, Plouzané . (perdue)
1711, Plougoulm, (perdue)
1712 « Le Prêcheur » à la Martinique. 560 kg, Diam. 99,5 cm. Note : Fa Sans nom. Croix entourée de deux médaillons de la Vierge et du Christ avec inscriptions allegreza del cielo et del tierra... et Refugium peccatorum . Anse à têtes . Inscription débutant par une croix: Chaque mot est séparé par une petite fleur de lys.
1712, Plouha 757 kg, diam. 91 cm , nom Pierre-Marie. Croix entourée de deux médaillons de la Vierge et du Christ avec inscriptions allegreza del cielo et del tierra et Refugium peccatorum ora pro nobis. Inscription débutant par une croix et dont chaque mot est séparé par une petite fleur de lys et une moucheture d'hermine. Cloche perdue.
1714 Le Faou 1389 l (679 kg?) , diam. 101 cm, sans nom. Croix entourée de deux médaillons de la Vierge et du Christ avec inscriptions à déchiffrer. Inscription débutant par une croix et dont chaque mot est séparé par une petite fleur de lys et une moucheture d'hermine.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1883, "Inscriptions de quelques cloches anciennes du diocèse de Quimper", Bulletin Société archéologique du Finistère pages 304-306.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1890, "Inscriptions de cloches" , Bulletin Société archéologique du Finistère pages 281-285.
— ABGRALL (Jean-Marie), et PEYRON, 1903, Notice sur Le Faou, Bull. Diocésain d'Histoire et d' Archéologie [BDHA], Quimper, Kerandal.
— BOURDE DE LA ROUGERIE (H.), [1829] 1903. "Restitution de cloches aux paroisses du Finistère", Bulletin Société archéologique du Finistère pages LI-LVIII
— CASTEL (Y.P.), DANIEL (T.), THOMAS (G.M.), 1987, Artistes en Bretagne : dictionnaire des artistes, artisans et ingénieurs en Cornouaille et en Léon sous l'Ancien Régime / Yves-Pascal Castel, Georges-Michel Thomas ; avec la collab. de Tanguy Daniel ; introd. par André Mussat / Quimper : Société archéologique du Finistère , 1987
— CASTEL (Y.P.), DANIEL (T.), THOMAS (G.M.), Artistes en Bretagne Tome 2, Additions et corrections : dictionnaire des artistes, artisans et ingénieurs en Cornouaille et en Léon sous l'Ancien Régime / Yves-Pascal Castel, Tanguy Daniel, Georges-Michel Thomas / Quimper : Société archéologique du Finistère , DL 2013
— DANGUY DES DESERTS (Mad), 1993, Les cloches du Faou, in bulletin municipal Le Contact.
— LE PESANT (Michel), 1972,, Un centre d'émigration en Normandie sous l'Ancien Régime. Le cas de Percy. — Bibliothèque de l'École des chartes, t. CXXX (1972), p. 163-225.
A partir d'un lot de 609 émigrants relevés exclusivement dans les minutes anciennes d'un notariat rural, celui de Percy en Basse- Normandie, l'auteur a entrepris d'étudier entre 1560 et 1749, et plus particulièrement à Percy et dans trois paroisses limitrophes, un mouvement de population caractérisé par des départs définitifs comme par des absences saisonnières, moins bien connues, qui touchait toute une région axée sur Villedieu, centre de chaudronnerie, et Gavray, spécialisé dans la fabrication des tamis. Il s'exerçait dans trois grandes directions vers lesquelles les émigrants se répartissaient en fonction de leurs activités professionnelles. La Bretagne et surtout les diocèses bas-bretons étaient le principal centre d'attraction où les poêliers jouaient le premier rôle à côté de quelques autres marchands et des représentants de divers menus métiers ; les deux autres courants suivis seulement par les tamisiers gagnaient les pays du centre de la France (Bourbonnais, Marche, Limousin, etc.) et ceux du nord tant en France (Artois, Flandre) qu'à l'étranger (Pays-Bas, Provinces-Unies et Allemagne). Les modalités et l'ampleur de ce phénomène sont étudiées ; en Bretagne, le poids de cette émigration n'est pas douteux tant du point de vue de l'histoire économique que de celle de la société ; en Normandie, elle manifeste la vocation industrielle et commerciale de certaines aires rurales.
C'est aussi une lignée de fondeurs de cloches que j'ai suivie à Vannes avec les deux frères Le Beurier. Venus de La Colombe, ils sont arrivés vers 1684 et se sont vite mariés, Jacques avec une Bretonne, Jeanne Le Douarain, qu'il laissa veuve en 1686 et qui contracta en 1689 une nouvelle union avec Thomas Le Souef, un fondeur de cloches quimpérois d'origine normande ; Etienne dont la femme, Suzanne Delabaye, appartenait aussi à une famille de poêliers normands, en eut plusieurs enfants, une fille qui épousa un chirurgien, un fils qui entra dans les ordres et Joseph Le Beurier qui, après la disparition de son père en 1719, continua à fondre des cloches jusqu'à sa mort en 1734.
SOUEF et LE MOYNE. « Ce jour de mercredy, 25 may 1701, la cloche nommée Corentin, fut solennellement bénite par Mgr l’Illme et Révme évesque, François de Coetlogon, accompagné et assisté de tous les messieurs du chapitre, en la chapelle de la Madeleine, en l’église de St Corentin, et pour la nommer conjointement avec luy, mondit seigr évêque, a choisy madame Janne du Louet, dame douarière, présidente de Guilly. Ladite cloche, fondue par les sieurs Soüef et Le Moyne, fondeurs du roy à Brest, s’est trouvée pezer 3,901 l. ; et ont eu lesdits fondeurs, pour l’œuvre de main, la somme de 800 l. et 13 sols par livre, pour les 225 livres d’augmentation de métal. — Signé : A. F. de Coetlogon, grand archidiacre ; Jan de Kermellec, archidiacre de Poher ; Jean Callier ; Anne Bernard Pinon (2)326. »
En 1852, un guide décrivait Bourgachard, comme un joli bourg de 1500 habitants situé dans une belle plaine entrecoupée de haies vives et parsemée d'arbres fruitiers, dont les Curiosités étaient le Château d'Autonne et sa pépinière d'arbres fruitiers et d'Amérique, ou encore ses moutons mérinos et ses chevaux anglais.
Au XIXe siècle, Bourgachard était le siège d'un Bureau de poste, mais aussi d' un relais de poste aux chevaux tenu en 1869 par un certain Lenoble, maître de poste. Si vous ne preniez pas ses chevaux, vous deviez vous acquitter néanmoins d'une indemnité de 25 centimes par port et par cheval attelé. Le relais suivant était vers Pont-Audemer, à l'ouest, et Moulineaux puis Rouen vers l'est.
C'est sur cette route, et à Bourg-Achard, qu'en 1843, Gustave Flaubert eut, en conduisant lui-même un cabriolet, sa première crise d'épilepsie, décrite par Maxime Du Camp :
"Au mois d'octobre 1843, il avait été à Pont-Audemer ; son frère Achille alla y chercher. Ils partirent un soir ensemble dans un cabriolet que Gustave conduisait lui-même. La nuit était sombre ; Aux environs de Bourg-Achard, au moment où un roulier passait à la gauche du cabriolet et que l'on apercevait sur la droite la lumière d'une auberge isolée , Gustave fut abattu et tomba. Son frère le saigna sur place, espérant qu'il venait d'être témoin d'un accident qui ne se renouvellerait pas. D'autres attaques survinrent ; il y en eut quatre dans la quinzaine suivante." (Souvenirs littéraires page 38).
Mais en 1866, lorsque Flaubert signait sa correspondance à sa nièce Caroline "Ton vieux ganachon, ta vieille momie, ton vieux bonhomme en baudruche, ton petit oncle Croûtonneau, ton Bourgachard en pain d'épice, Ton oncle qui t'aime.", il faisait sans doute référence à un personnage d'une comédie d'Eugène Scribe.
Ce bourg était desservi par la Route de Caen à Rouen passant d'ouest en est par Pont-l'Evêque et Pont-Audemer, et du nord au sud par le Chemin de Grande Communication n° 144, comme en témoigne encore la plaque de cocher placée rue Carlet.
Cette plaque nous apprend que BOURACHARD est distant de 4,1km de THUIT-HÉBERT et de 6km de BOURGTHEROULDE, en suivant la direction de la flèche.
Le toponyme THUIT est une trace du passage des Vikings, puisqu'il est issu du vieux norrois thveit ou du vieux danois thwet qui signifie "essart" . Et un "essart" est un terrain qui a été essarté, c'est à dire, pour parler clairement, défriché, souvent par des moines, au XIIIe siècle.
"On se souvient en effet que dans Sodome et Gomorrhe, Marcel Proust décrit comment, dans le salon estival des Verdurin, à La Raspellière, les convives débattent de toponymie, puis comment Brichot, professeur à la Sorbonne, explique au narrateur combien l'ancien curé de Balbec, dont l'ouvrage est très estimé par Mme de Cambremer, s'était égaré dans son analyse étymologique des noms de lieu : " " Carquethuit et Clitourps, dont vous me parlez, sont, pour le protégé de Mme de Cambremer, l'occasion d'autres erreurs. Sans-doute il voit bien quecarque, c'est une église, la kirche des allemands. [...] Mais pour tuit, l'auteur se trompe, il y voit une forme de toft, masure, comme dans Criquetot, Ectot, Yvetot, alors que c'est le thveit, essart, défrichement, comme dans Braquetuit, Le Thuit, Regnetuit, etc..." "
Quand à Bourgthéroulde, jadis Burgo Turoldi dès 1059, il rappelle immédiatement à tout visiteur de la Tapisserie de Bayeux (1067), le petit personnage tenant la laisse des chevaux avec l'inscription TVROLD de la scène 10. Selon Rateau et Pinet, Théroulde [Théroulde : ancien prénom d'origine anglo-scandinave Torold dérivant lui-même du norrois Thorvaldr (Þorvaldr) « gouverné par Thor »] était précepteur de Guillaume le Conquérant. Lire "Encore Turold dans la Tapisserie de Bayeux" par P.E. Bennett. Voir aussi Wikipédia.
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L'amateur de toponymes savoureux pouvait aussi, et peut encore, s'arrêter au Passe-Temps ou, mieux, au moulin de Quiquengrogne, et flâner sur la carte d'Etat-Major du site Remonter le temps de Géoportail.
Ce Quiquengrogne témoigne d'une fortification médiévale, puisque cette expression était la réponse de l'occupant à ceux qui protestaient contre son édification : une sorte de "Cause toujours" par lequel le seigneur manifestait son arrogance contre les manants et mettaient au défi les mécontents de venir le déloger. Comme le Duc de Bourbon, qui répondait lors de la construction de la tour du château de Bourbon-l'Archambault : On la bâtira, qui qu'en grogne !"
Voir aussi la route Rouen-Honfleur en 1765 dans l'Indicateur fidèle :
Plaque de cocher rue Carlet à Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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PRÉSENTATION.
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"Fondée au XIIe siècle, alors prieuré de chanoines de Saint-Augustin, l'église a été plusieurs fois remaniée. Le chœur et le transept avaient été rebâtis au début du XIVe sicle, mais le bras nord et les baies de l'abside furent repris dans les premières années du XVIe siècle.
Le fenêtre de l'abside aux meneaux et réseaux modifiés vers 1500, reçurent alors plusieurs verrières aujourd'hui largement conservées. Dans l'axe, les armes des Malet de Graville, sans doute celles de Louis, grand amiral de France en 1487, mort en 1516, désignent cette famille comme donatrice de la Passion, verrière de provenance rouennaise ; il s'agit, selon Jean Lafond, de la réplique d'un vitrail de la fin du XVe siècle provenant de Saint-Godard de Rouen, dont les restes étaient utilisées en remploi dans l'axe du chœur de l'église de Saint-Ouen jusqu'en 1939." Callias Bey, Chaussé, Gatouillat et Hérold 2001 p. 119.
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Les trois baies de l'abside, église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Il s'agit d'une verrière de 6 m. de haut et 2,80 m. de large, divisée en 3 lancettes et un tympan à 5 ajours. La lecture des lancettes, consacrées à la Passion, se fait en deux registres, au dessus d'un rang de panneaux ayant remplacé le soubassement d'origine par des fleurs et nature morte peints par Duhamel-Marette en 1891; (d'après Callias Bey et al. 2001 p. 120).
Les six scènes peuvent être comparées aux gravures contemporaines ou un peu postérieures de Dürer dans sa Petite Passion (1511) ou sa Grande Passion (1497-1510), ainsi qu'avec le retable ou les séries de plaques de Schöngauer. Mais encore avec les 28 maîtresse-vitres finistériennes de la Passion, entre 1476 et 1593.
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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I. LE REGISTRE INFÉRIEUR.
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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1°) L'Arrestation du Christ, le baiser de Judas et l'oreille tranchée de Malchus.
La tête de Jésus et celle de Malchus sont restaurées.
.Les apôtres sont regroupés à gauche, réunis autour de saint Pierre qui rengaine son glaive après avoir frappé Malchus, le serviteur du grand-prêtre.
Au centre, Jésus, en bleu, reçoit de Judas le baiser qui signe la trahison de Judas.
À droite, les soldats du Sanhédrin, en cotte et armure du XVIe siècle, plus ou moins fantaisiste; on peut remarquer les solerets "en demi-pied d'ours" qui correspondent bien à une datation du début du XVIe. le cimeterre cherche à souligner le coté exotique, outremer, de la scène. La lanterne, la masse d'arme, la hallebarde et le feu grégeois de l'arrière-plan, sur fond bleu, sont bien représentatifs du thème iconographique.
Détail ultime, les chausses mi-parti (à bandes de deux couleurs) sont le propre des soldats de l'époque, et, à la fois, stigmatisent Malchus.
La main droite de Jésus est dirigée vers l'oreille gauche du serviteur de Caïphe, alors que les Évangiles précisent que c'est l'oreille droite qui a été tranchée (Luc 22:50). C'est un détail ; car Malchus lève un regard reconnaissant, et désigne de la main ses yeux pour témoigner de sa conversion (don les Évangiles ne font pas état).
En bas à gauche, le blason des Malet de Graville. Celui-ci est "de gueules à trois fermaux d'or posés 2 et 1", c'est à dire rouge à trois fermaux (boucle et ardillon, dont la pointe est tourné vers la dextre) jaunes. Ici, nous avons un blason d'argent à trois fermaux de gueules, dont l'ardillon est tourné à dextre, mais le fermail et l'ardillon sont perlés.
Les seigneurs de Bourg-Achard ont été d'abord de la famille de Plasnes, avant que Ameline de Plasnes, seule héritière, n'épouse avant 1309 Robert de Malet. Puis Marie de Malet-Graville épousa Jean de Courcy : " A la mort de Jean en 1363, ce ménage hérite de Plasnes, et le ménage Courcy de Bourg-Achard. Beau fief en vérité, digne de former une baronnie : il s'étend dans l'Eure à Notre-Dame-du-Hamel, Mélicourt, Saint-Denis-d'Augerons, Mesnil-Rousset (quatre communes voisines au sud d'Orbec), et Glos-sur-Risle. A Bourg-Achard, les Courcy résideront au château du Faÿ" (Wikipédia). Jean de Courcy donna le nom de son fief à une compilation d'histoire antique dont il était l'auteur, la Bouquechardière, achevé en 1422 (on trouve aussi "Boscachardine", tout aussi plaisant)..
Tout ceci pour dire que, si j'ai bien suivi, vers 1510, lorsque la verrière fut réalisée, Louis Malet de Graville n'était plus seigneur de Bourg-Achard. Mais cette verrière en a peut-être remplacé une autre, qui portait déjà ces armoiries, du fait de droits prééminenciers ?
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
Armoiries des Malet de Graville.Travail personnel de Sodacan sur Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Malet_de_Graville#/media/File:Armoiries_des_compagnons_de_Jeanne_d%27Arc_-_Jean_de_Graville.png
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Blason de la troisième lancette. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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2°) La Flagellation.
"Moitié supérieure bien conservée, partie inférieure restaurée" (Callias Bey & al.).
Jésus, lié à la colonne, est flagellé par trois bourreaux sous la surveillance de trois membres du Sanhédrin et un soldat.
Les bourreaux répondent à un cahier des charges qui doit souligner leur vile condition (chausses mi-parti pour deux d'entre eux, crevés des chaussures pieds d'ours ou du bonnet, chaussures à la poulaine, crevés d'une veste jaune et de la tunique rouge [ obtenus par gravure du verre]) et établir un contraste entre leurs mouvements pleins d'élan et la passivité de la victime, mais aussi des décisionnaires.
Parmi ceux-ci, l'un d'entre eux est sans doute Caïphe, car il tient un bâton de commandement. — moins que cela soit Pilate. Il porte un bonnet à oreillette (judaïque), un manteau rouge à fourrure dorée et au fermail à pierreries. Derrière lui, un collègue porte un manteau fourré d'hermines.
À droite, un autre pharisien est doté d'une barbe négligée, de cheveux longs et d'un manteau vert fourré.
Nous avons donc tous les éléments habituels d'un codage des identifications des rôles.
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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3°) Portement de croix et Voile de Véronique.
"Bonne conservation. Tête de saint Jean et de la Vierge restaurées".
Nous retrouvons l'utilisation des crevés et des chausses mi-parti réservée au bourreau qui maltraite Jésus.
La scène est centrée par l'échange de regards entre le Christ et la femme qui a essuyé son visage, et que la tradition a nommé Véronique.
Des lettres sont inscrites autour du col du Christ, et, comme c'est très souvent le cas, elle n'ont aucun sens : -NOM-RA-. Gageons qu'un spécialiste ne résistera pas à y lire le nom du verrier.
Sont présents ici les bourreaux, les soldats en armure, Véronique (coiffée d'une guimpe), la Vierge en manteau bleu près de saint Jean, et enfin Marie-Madeleine (identifiée par son turban et ses riches vêtements damassés) devant deux autres saintes femmes.
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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II. LE REGISTRE SUPÉRIEUR.
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"Au dessus d'un bandeau orné d'animaux fantastiques et de têtes de chérubins, grande Crucifixion à nombreux personnages ; les saintes femmes et saint Jean au pied de la croix, le sanhédrin avec le phylactère VERE FILIUS DEI ERAT ISTE, des dignitaires à cheval, saint Longin, les soldats se disputant la tunique du Christ. Paysage avec fabrique, pélican symbolique surmontant la croix, entouré d'astres dans les têtes de lancettes. Quelques traces d'une restauration ancienne, dont le buste du bon larron ; buste du Christ , celui de la Vierge, tête de saint Jean restaurés en 1891." (Callias Bey & al. p. 120).
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1°) La lancette de gauche. Le bon larron.
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Le bon larron saint Dismas.
Nous savons comment reconnaître le bon larron : il est à la droite du Christ, et il se tourne vers lui.
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Baie 0 de l' église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Deux cavaliers, six soldats, deux écuyers et une sainte femme.
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Je ne reviens pas sur la tenue des écuyers, semblables aux bourreaux des scènes précédentes, tenue inspirée de celle des lansquenets. Ce sont des écuyers puisqu'ils tiennent les chevaux par la chaîne fixée au mors.
Dans cette foule, il est toujours difficile d'identifier avec précision les cavaliers. Pourtant, celui qui est barbu, coiffé d'un bandeau noué, épaules couvertes d'un camail, est certainement saint Longin, puisqu'il tient la lance avec laquelle il va percer le flanc droit de Jésus pour donner le coup de grâce ou s'assurer de sa mort. Il porte sa main vers ses yeux pour témoigner de la tradition suivante : le sang du Christ, s'écoulant le long de la hampe de la lance sur sa main, vint éclaircir immédiatement sa vue, et il se convertit. Voir l'analyse de ce détail à Landerneau, § VI.
Son voisin, coiffé du même bandeau sous un bonnet vert pourrait être le Bon Centurion, mais cela ferait double emploi avec le cavalier du coté gauche.
Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Un écuyer . Une sainte femme. Un petit chien blanc portant un collier.
La présence d'un petit chien est fréquente dans les Passions, comme à Guengat et à La Martyre, où il est au pied de la croix près d'un cavalier . Il est souvent associé à Pilate dans la scène de la Comparution, comme à Plogonnec, à Ergué-Gabéric, à Lanvénéguen, à N-D. du Crann , etc..
On peut trouver la source de ce détail soit dans une gravure de Dürer de 1509-1501 conservée à LyonA16DUR000701, ou, à une date antérieure, dans unEcce Homode 1475-1480 de Martin Schongauer conservée à l'Unterlinden de Colmar, ou dans une autre gravure de Schongauer où figurent deux chiens.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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2°) La lancette du milieu : le Christ en croix.
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Jésus est en croix, yeux ouverts (tête restaurée) sous le titulus INRI et le Pélican déchirant de son bec sa poitrine pour nourrir ses petits de son sang, symbole du sacrifice salvateur du Christ.
Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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En arrière-plan, peint en grisaille sur verre bleu, les remparts (médiévaux) de Jérusalem.
À gauche, la lance de Longin, et celle d'un autre cavalier, sans doute celui dont le casque est orné d'un plumet blanc.
À droite, la phylactère verticale porte les mots VERE FILIUS DEI ERAT ISTE, "celui-ci était vraiment le fils de Dieu". On reconnaît l'exclamation du centenier citée dans l'évangile de Matthieu Mt 27:54, et témoignant de sa conversion après le tremblement de terre qui suivit la mort de Jésus.
Ce centenier est l'homme barbu qui lève la tête vers le sommet de la croix. Il est coiffé d'un chapeau dont le rabat s'orne d'un anneau d'or et il es vêtu d'une robe bleue à revers vert : c'est là la tenue d'un officier, et donc, à la Renaissance, d'un noble. Surtout, ce dessin reprend celui du Bois Protat, un bois gravé de 1370-1380.
Juste devant, le cheval qui hennit évoque tous ceux des Passions finistériennes attribuées à Le Sodec, avec son mors à balancier.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Six autres têtes de chevaux sont visibles, et cela semble, pour le cartonnier, un défi de les intercaler dans l'enchevêtrement des personnages en multipliant les angles de vue, et en détaillant toutes les pièces de leur harnachement.
Le même jeu s'applique à la représentation des pièces d'armures, et notamment du nasal en masque, avec deux ouvertures pour les yeux.
Un écuyer affiche un bonnet à plumet, une chevelure aux boucles digne de Dürer, et une tunique rouge à crevés (verre gravé).
À gauche de la croix, une lanière porte les lettres MAM.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Au pied de la croix et à la droite du Christ, Jean l'évangéliste soutient Marie en pâmoison. La tenue de la Vierge pourra être détaillée, mais on notera le revers du voile, avec ses mouchetures d'hermines semblables à des larmes.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Au pied de la croix, mais à gauche du Christ, sous une sainte femme, Marie-Madeleine (tête restaurée) agenouillée, enlace la croix et lève un regard empli de chagrin. La posture, les cheveux longs et défaits, la richesse vestimentaire font partie des stéréotypes. On remarquera l'inscription à l'envers sur un galon doré.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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inscription MORNAEA : le cliché est inversé.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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3°) La lancette de droite. Le mauvais larron.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Le mauvais larron est un méchant : il détourne la tête vers la gauche et refuse d'entrer avec le Christ dans le Royaume. Ses cheveux en bataille sont à l'image de son âme.
Le pagne est retenu par une aiguillette d'or, un luxe surprenant qui se remarquait déjà sur le bon larron.
Comme sur tous les calvaires monumentaux de Bretagne (et d'ailleurs sans doute), les larrons ne sont pas crucifiés, mais suspendus par les bras à la traverse, alors que leurs jambes fléchis sont liées.
Un bourreau monte sur une échelle et vient frapper Gesmas (son nom dans l'évangile de Nicodème), et nous retrouvons les crevés, les chausses mi-parti et même une ceinture à fanfreluche blanche.
En arrière-plan, une hallebarde, et une enseigne romaine à aigle noir.
Au dessus, une lune au profil humain témoigne, comme le soleil de la lancette de gauche, du caractère cosmique du bouleversement qui s'opère ici.
Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Sept personnages dont trois cavaliers.
Le plus en vue, qui nous fait face, est en armure mais son turban orientalisant et sa longue barbe le désignent comme un membre du Sanhédrin plutôt que comme Pilate. C'est surtout le harnachement de son cheval qui suscite l'admiration, avec la têtière au quatre-feuille d'or, les rênes rouges garnis de clous de cuivre ou de perles (verre gravé), la jupe rouge tendue sous la bricole avec ses glands et ses entrelacs, ou la housse de selle ou chabrache...
Tout cela est attesté vers 1510.
L'harnachement est détaillé ensuite sur le cheval, vu en fuite, de Caïphe : la croupière, l'avaloire
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
Les soldats jouant au dés la tunique du Christ.
Cette scène est traitée sur le mode d'une violente dispute entre les trois soldats. Les dès montrent la séquence 6, 5, 1. Et encore des crevés et des chausses rayées.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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III. LE TYMPAN.
Il s'orne dans l'ajour supérieur du Christ entre deux anges, panneau restauré ayant remplacé le Christ-juge. Ce dernier s'intégrait à un Jugement dernier dont témoignent les ajours latéraux.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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À droite, l'ajour latéral est occupé par Jean-Baptiste, avec sa peau de poils de chameaux, intercédant pour les âmes ressuscités qui sortent d'une prairie (une femme, un clerc tonsuré ). Derrière lui, un ange tient la couronne d'épines et l'étendard de la Résurrection.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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À gauche, la Vierge et un ange tenant la colonne de la Flagellation.
Inscription MARIA MATER sur le nimbe. Quatre personnages sortant d'une prairie.
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Baie 0 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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SOURCES ET LIENS.
— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2001, Le vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum vol. VI. ed. CNRS, pages 119-121.
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— PERROT Françoise M. Baudot et J. Lafond. Églises et vitraux de la région de Pont-Audemer, numéro spécial des Nouvelles de l'Eure, 3e trimestre 1969 Bulletin Monumental Année 1972 130-1 pp. 87-88
— VANDEWIELE (Jean-Luc), 1998. Les chemins de Rouen à Caen : histoire d'une liaison intra-provinciale à l'Epoque Moderne. In: Annales de Normandie, 48ᵉ année, n°3, 1998. Industrie, routes, commerce. pp. 231-258; doi : https://doi.org/10.3406/annor.1998.4841 https://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_1998_num_48_3_4841
—nom de genre Anax, Lech, 1815, "Entomology". In Brewster, David. Edinburgh Encyclopaedia. Vol. 9. Edinburgh: William Blackwood. pp. 57–172 [137] (in 1830 edition) : Anax vient de l'ancien grec ἄναξ anax qui signifie « seigneur », « chef [de guerre] » ou « roi [tribal] ». Il est interprété comme qualifiant le comportement dominant d'Anax imperator, la seule espèce décrite par Leach 1815 sous son genre Anax. L'auteur lui-même ne fait aucun commentaire ni sur la justification de son nom de genre, ni sur le comportement de l'espèce qu'il nomme sans la décrire. Néanmoins, les liens unissant Anax "roi" en grec et imperator "empereur" en latin, sont évidents, comme il est évident que cette espèce est de morphologie tout à fait royale, par sa taille , l'une des plus grandes des Libellulidae (son envergure peut atteindre 11 cm) ou par les couleurs bleu et noir de l'abdomen des mâles (vert et/ou bleu et noir chez les femelles). Le vol des mâles est également majestueux, lorsqu'ils dominent "de manière impériale un territoire allant d'une simple flaque à une zone atteignant 2400 m2, duquel ils repoussent leurs congénères. Ils patrouillent continuellement au dessus de l'eau, parfois loin des rives" (Grand et Boudot, 2006).
— Nom de genre Hemianax Selys, 1883, Synopsis des Aeschines, Bull. acad. roy. Belg. 3, 5 : 723. L'auteur divise le genre Anax en deux sous-genre, Anax et Hemianax, qui diffère du précédent par "l'absence de carènes supplémentaires à l'abdomen". Le suffixe hemi- "demi, moitié" s'applique au nom de genre qui a été divisé en deux sous-genres.
—nom d'espèce A. ephippiger Burmeister, 1839, Handb. Ent. 2: 840. Du latin ephippium, "couverture ou selle de cheval" et du verbe gerere "porter", l'épithète doit se comprendre ici au sens de "porteur de chabraque, ou tapis de selle de cheval" car il se réfère à la couleur bleue du dos du deuxième segment abdominal, et non, comme pour la sauterelle E. ephippiger, à un élément ayant une forme de selle.
— Noms vernaculaires français : L'Anax méditerranéen (Sélys-Longchamps 1839, 1840, 1850). L'Anax Porte-selle (P.-A. Robert, 1958, Dommanget 1985). Ces noms sont des adaptations littérales des noms scientifiques, doublés pour le dernier du contre-sens sur ephippium.
de Selys-Longchamps E. 1883 - Synopsis des Aeschnines. Première partie : Classification. - Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 3me série, 5 : 712-748., pages 722- 723.
E. de Sélys-Longchamps décrit le genre ANAX Leach 1815 en deux sous-genres Anax, Leach, et Hemianax Selys, dont les espèces se distinguent par l'absence de carènes latérales supplémentaires à l'abdomen. L'espèce-type en est H. ephippigerus Burm.
Le suffixe hemi- "demi, moitié" s'applique au nom de genre qui a été divisé en deux sous-genres.
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Pour Antonio et Vegliante qui sont les seuls à avoir étudier ce nom,:
Hemianax - ημι = metà + Anax. Per la somiglianza al genere Anax : "pour la similitude avec le genre Anax.
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II. LE NOM D'ESPÈCE A. EPHIPPIGER, BURMEISTER, 1839.
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1°) Hermann Burmeister (1807-1892). D'après H. Fliedner.
"Hermann Carl Burmeister ( 1807 à Stralsund, † 1892 à Buenos Aires) était un grand zoologiste et explorateur. En 1829, il obtint un diplôme de médecin à Greifswald et un diplôme de philosophie à Halle. Après quelque temps en tant que professeur à Berlin, il fut nommé professeur de zoologie à Halle en 1837. Alexander von Humboldt lui a permis d’entreprendre deux expéditions en Amérique du Sud (1850-1852, 1854-1856). En 1861, il émigra en Argentine où il participa à l'exploration du pays, de sa faune et de sa flore, en construisant le Musée national d'histoire naturelle et la section scientifique de la nouvelle université de Cordoue. Ses publications couvrent un large éventail d'études zoologiques, paléontologiques et géologiques. L’un d’eux est son Handbuch der Entomologie (ou Manuel d’entomologie), vol. 1-5, 1832-1855, qui n’a pas été achevé. Il était bien préparé à cette tâche, car déjà, en tant qu'étudiant, il s'intéressait à la taxonomie et à l'entomologie, comme le montre le sujet de sa thèse à Halle: De insectorum systemate naturali (Du système naturel des insectes) . Probablement en raison de ces compétences spéciales en 1830-1831, il fut engagé par le banquier et négociant important en insectes Michael Christian Sommer (1775-1868), qui vivait à Altona (maintenant une partie de Hambourg, mais alors une ville rivale appartenant au royaume du Danemark), pour réviser sa grande collection entomologique. Cette collection comprenait des insectes du monde entier, que Sommer avait reçus en tant que «Kommissionär», une sorte d’agent, qui avait collecté des fonds pour permettre à quelqu'un de commencer une expédition à l'étranger ou d'émigrer. Ce crédit devait être remboursé par des «produits de la nature», c’est-à-dire des spécimens botaniques ou zoologiques - souvent des insectes - donnés aux investisseurs ou vendus aux collectionneurs .
. Le deuxième volume du «Handbuch», dans lequel sont traités les Odonates, a été publié en 1839. A cette époque, il n'existait pas de clés détaillées de libellules et de plus, des descriptions suffisantes des espèces exotiques (c'est-à-dire non européennes) n'avaient pas encore été publiées. Par conséquent, quiconque devait faire face aux exigences d'une telle tâche ne pourrait pas faire sans accès aux principales collections d'insectes. Dans ses parties odonatologiques, Burmeister (1839) se repose principalement sur les collections de Sommer, à qui il était également lié depuis qu'il avait épousé sa fille Elisa Marie en 1836, et de Wilhelm von Winthem (1799-1847), un marchand de Hambourg, qui, comme Sommer était engagé dans le commerce des insectes. Il avait probablement connu cette collection, qui était encore plus grande que celle de Sommer, lors de la révision de celle de son futur beau-père. Une autre collection mentionnée est celle de Ernst Friedrich Germar (1786-1853), un collègue de Burmeister à Halle, qui était un professeur de minéralogie, mais aussi entomologiste passionné, qui, parmi d' autres publications sur les insectes, a édité des revues entomologiques entre 1814-1819 et 1839-1844 . De plus Burmeister mentionne la collection de l'Université de Halle, qu'il développait alors. Les contributions à cette collection proviendraient d’un certain M. King à Madras, en partie via un missionnaire nommé Schmidt, dont nous ne connaissons aucun détail, et par ailleurs de J.C.Graf Hoffmann von Hoffmannsegg (1766-1850) de Dresde, qui était botaniste et entomologiste et s’est rendu au Portugal pour des voyages de collecte efficaces ; mais il semble aussi avoir eu des connexions spéciales avec Java, pour lesquelles il est fréquemment cité dans le «Handbuch».
La collection entomologique du Zoologisches Museum Berlin ', qui est cité comme M.B. (= Musée Berolinense, cf. CALVERT 1898: 51), joue un rôle mineur dans le chapitre sur les odonates que dans les premières parties du Manuiel, sauf une fois, quand il est fait référence à, Graf Hoffmannsegg . C'est tout à fait naturel, car le développement et la fondation de ce musée étaient due en grande partie à son influence, et ses collections étaient largement basé sur ses dons . D'autres références sont faites au conservateur du musée de Leiden, W. de Haan (1801-1855), à l'entomologiste suisse J.J. Hagenbach (1801? -1825), qui depuis 1823 avait été conservateur au même musée, en plus des agents de recouvrement de Sommer K.C.A. Zimmermann (1800-1867) de Caroline du Sud et C.F. Drège, qui a recueilli dans le sud-est de l'Afrique vers 1826-1840 , en outre à G. Thorey (1790-1884), un commerçant d'insectes à Hambourg semblable à Sommer et von Winthem . Très important pour la présentation des odonates par Burmeister dans le "Handbuch" était Toussaint de Charpentier (1779-1847), qui était alors «Berghauptmann» à Brieg en Silésie, c’est-à-dire l’officier minier en chef de Silésie. C'était un entomologiste passionné et spécialisé dans les orthoptères et les odonates. En 1825, il avait publié un volume comprenant 40 espèces européennes d’odonates et avait poursuivi ses études en préparant une monographie illustrée de 61 espèces bien décrites et représentées, qui devait paraître en 1840. Charpentier avait mis à la disposition de Burmeister une ébauche de son traité, ce qui fait , que certains noms de genre que Charpentier allait introduire ont comme auteur Burmeister (v.infra). À l'exception de Calepteryx, qu'il a transféré dans Calopteryx, Burmeister n'a pas adopté les noms de genre proposés par Leach (1815), car il ne les estimait pas fondés. Cela pourrait être dû au fait qu’il n’a pas très bien compris les descriptions de Leach, car il n’a pas vu que le genre Diastatomma de Charpentier est synonyme de Gomphus de Leach, qu’il supposait être un genre libellulide.
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Burmeister savait que son traité ne décrivait pas toutes les espèces d’odonates existantes, car il rapportait que 137 espèces d’Anisoptères étaient au musée de Leiden en 1828, alors que son «Handbuch» ne comptait que 119. De même, il écrivait que de nouvelles espèces allait être décrit par Charpentier dans sa prochaine monographie. Pour certaines espèces, il a ajouté des notes comme «des espèces apparentées se trouvent à Dongola et en Amérique du Nord» ou «de plus, j'ai vu plusieurs espèces similaires dans les collections de von Winthem et Sommer» . Aussi les publications antérieures d'Odonata il a utilisé éclectiquement dans son «Handbuch», nous ne trouvons pas deux des 19 espèces d’odonates de Linnaeus, tandis que des 46 espèces nouvellement décrites de Fabricius 15 sont manquantes; et parmi les 20 espèces de Drury seulement 18 sont cités, des 12 de Palisot de Beauvois il y en a six, des 40 espèces résumées par Charpentier (1825), sept sont omises, de même que huit des 37 dans Vander Linden (1825). . Cela signifie que Burmeister n’a présenté dans son «Handbuch» que les taxons , dont il était convaincu qu’ils étaient corrects. Alors qu'un catalogue complet des espèces d' odonates connues n’a pas été réalisé de cette manière, une contribution importante à leurs connaissances a été apportée et ce traité - bien qu’il ne soit pas exempt d’erreurs (cf. Hagen 1849: 141sqq.), se présentait comme un solide fondement pour des études ultérieures."
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2°) La publication originale.
Aeschna ephippiger, Burmeister (Hermann) 1839 - Handbuch der Entomologie. - Enslin, Berlin : Libellulina : 840.
La description originale est en latin puis en allemand:
A. ephippigera * : viridi-testacea, linea summae frontis nigra; abdominis segmento secundo macula dorsali coerulea; ultimis fuscis, gutta laterali flava; venis stigmatibusque alarum testaceis, radio solo cum sectore secundo et postcosta nigro; pedibus nigris.
♂ cercis triquetris, late lanceolatis, acutis, supra auritis; alis posticis nubecula fulva. Long. 2.1/2.
Von Madras ; ein schönes exemplar in der hallenser Sammlung aus der Sendung des herrn King an den vormaligen Missionär hrn Schmidt
Tentative de traduction :
"Anax ephippigera : vert-brun [testaceis : couleur de brique pilée], ligne noire au sommet du front ; tache dorsale bleue sur le deuxième segment de l'abdomen, le reste brun avec des taches en goutte jaunes latérales ; veines et pterostigmas couleur brique-pilée, (radio solo cum sectore secundo et postcosta nigro); pattes noires.
Mâle : cercoïdes triangulaires, larges, pointus, --- ailes postérieures avec un nuage jaune. Longueur 2 1/2.
Provient de Madras : un beau spécimen de la collection [résident] de la mission de Mr King à l'ancien missionnaire Schmidt."
Burmeister reprend ici pour cet Odonate une épithète — ephippiger — bien connue chez les Orthoptères, puisque dès 1784, Fleibnig, à Berlin, avait baptisé ainsi une sauterelle (Tettigonidae) remarquable à son prothorax coudé en V ressemblant à une selle posée derrière la tête. En 1827, Berthold avait créé, pour les espèces semblables, le genre Ephippiger. Ephippiger ephippiger (ou E. diurnus) porte le nom vernaculaire d'Éphippigère de la vigne , mais aussi de Porte-selle ou de Porte-hotte.
C'est donc certainement en ayant ce nom de sauterelle à l'esprit que Burmeister a nommé cette libellule, et il est évident pour chacun, quoique l'auteur ne le dise pas de manière explicite dans sa description, qu'il a considéré que l'emplacement de la tache bleue proximale de l'abdomen appelait cette comparaison, d'autant qu'elle ne s'étend que sur la face dorsale, le "dos" et ne se prolonge pas sur le ventre de l'abdomen.
Burmeister décrit ensuite (1838), dans le même Handbuch vol.2 part.2 page 678-679 les sauterelles ephippiger groupés dans la sous-famille des Bradoporinae.
Le terme est formé du latin ephippium, latinisation du mot grec ephippios (« couverture ou selle de cheval ») et du verbe gerere (porter). Gaffiot ne traduit pas ephippium par "selle", mais bien par "couverture, housse" de cheval et donne des exemples chez Cicéron et César. Si, pour la Sauterelle ephippiger, la forme concave du prothorax évoque bien une selle, pour l'Odonate il est plus juste d'évoquer une couverture, de couleur bleue.
De même, Lewis & Short donnent en traduction d'ephippium "a pad-saddle, caparison, rug (as a rider's seat)". A Caparisonse traduit par "une couverture ornementale pour un cheval. A saddle est " un siège généralement rembourré et recouvert de cuir pour le cavalier d'un animal (tel qu'un cheval)". A rug est "une couverture pour un animal (comme un cheval ou un chien)".
Merriam Webster indique : "New Latin, from Greek ephippion saddlecloth, saddle, from neuter of ephippios for putting on a horse, from epi- + hippios of a horse, from hippos horse."
L'ephippigium latin doit donc être distingué de nos selles de cuir :
"Ce ne fut que vers le milieu du quatrième siècle, en 340, qu'apparut la selle proprement dite, si préférable et si commode pour le cavalier, non moins avantageuse pour le cheval, et dont le résultat indispensable, complétée par les étriers, était une équitation plus commode, plus sûre, plus solide et plus perfectionnée. Jusqu'alors l'arçon avait été inconnu, et on ne saurait donner le nom de selles à ces siéges d'étoffe rembourrés, ou à ces peaux de bête, en plusieurs doubles, qu'employaient les anciens. Xénophon parle de housses, dont le siége doit être entendu de manière à donner au cavalier une assiette plus ferme sans blesser le cheval. Chez les Romains, cette selle informe, ou plutôt ce panneau, qui était assujetti au moyen de trois sangles, au poitrail, à la queue et au ventre du cheval, portait le nom d'Ephippium, et l'on en voit la forme sur différentes médailles et d'anciens monumens, notamment sur les colonnes trajane, antonine et sur l'arc de Constantin. Toutefois, les fiers Germains, dont le sang se mêla avec celui des Gaulois, par les Francs de race germanique, pour former la nation française, plus attachés aux habitudes guerrières, que disposés à adopter les inventions dues à l'amour de la commodité, méprisaient les adversaires qui se présentaient à eux de la sorte; ils montaient leurs chevaux à nu, comme on le fit dans l'origine, et CÉSAR nous apprend qu'ils jugeaient l'usage de l'éphippium si mou, si lâche et si honteux, que leur mépris pour les cavaliers qui s'en servaient était tel, qu'ils ne craignaient pas de les attaquer, quelques supérieurs en nombre qu'ils fussent ( Commentaires de César, Guerre des Gaules, livre Iv.). En rendant justice aux motifs qui dirigeaient nos braves aïeux, nous les trouvons beaucoup plus mâles que raisonnés, et quelqu'informe que fut l'éphippium auprès de la selle, il offrait encore de grands avantages. Si la position était plus commode, évidemment elle était plus sûre, le cavalier étant plus fixe sur le milieu du dos du cheval, et pouvant mieux se servir de ses armes. Quelqu'habiles cavaliers que fussent les Germains, ils ne pouvaient manquer, dans les brusques mouvemens de la guerre, de se déplacer et d'arriver en glissant sur un poil lisse, trop près du garrot, et surtout de la croupe; de plus, le dos du cheval était plus ménagé, ainsi que le cavalier. L'expérience démontre, en effet, que de longues routes meurtrissent la colonne vertébrale du cheval, monté à nu, et que le cavalier lui-même en est blessé, surtout si l'épine dorsale est aiguë et décharnée; ainsi, tout mâles qu'étaient les motifs de ces braves d'Outre-Rhin, ils n'en étaient pas moins erronés, mais admirons cependant un peuple, qui en agissait de la sorte pour de pareils motifs. L'éphippium en usage ne présentant aucun moyen de suspension solide, il n'est pas étonnant que les anciens ignorassent encore l'usage des étriers ; mais si les exercices du Champ-de-Mars leur faisaient trouver les moyens de triompher de cette difficulté, s'ils parvenaient à s'élancer à cheval et à terre, tout armés, avec la plus grande adresse, il n'en était pas de même, quant au manque des étriers pour les marches; aussi Galien fait-il remarquer, dans plusieurs endroits de ses ouvrages, que la cavalerie romaine était sujette à plusieurs maladies des hanches et des jambes, faute d'avoir ses pieds soutenus à cheval. Environ six siècles avant, Hippocrate avait aussi fait l'observation, que les Scythes qui allaient beaucoup à cheval, étaient incommodés de fluxions aux jambes pour la même cause, et ces affections dûrent être communes à tous les peuples cavaliers." (F. d'Aldéguier 1843, Des Principes qui servent de base et d'instruction à la cavalerie p. 31)
Le terme latin était connu de Linné, puisqu'il l'a utilisé pour le bivalve Anomia ephippium L. 1758, ou Anomie Pelure d'oignon ou Common saddle-oyster : sans-doute a-t-il choisi ce nom car la bestiole était pliée (rugoso-plicata ...plicis), une valve recouvrant l'autre.
On notera qu'en zoologie, les ephippia sont les œufs produits, toujours par paire, par les Daphnies en reproduction sexuée. Le Poisson-clown à selle se nomme Amphiprion ephippium.
Il ne faut donc pas assimiler, dans la compréhension de l'épithète ephippiger, la coloration bleue de la portion dorsale du deuxième segment de l'abdomen de cette libellule avec une selle, mais bien à un tapis de selle, tapis que je n'hésiterai pas à qualifier de son nom en usage dans la cavalerie, celui de chabraque ou schabraque. Issu de l'allemand schabraque ou schaberacke, lui-même emprunté au turc čaprak « couverture de selle".
La couleur bleue de la chabraque était, selon Alexandre Dumas, celle du duc d'Aumale :
"Monseigneur, dit une voix à son oreille , il a une chabraque rouge ! Le duc d'Orléans respira à pleine poitrine. Le cheval du duc d'Aumale avait une chabraque bleue. Il se retourna et jeta ses bras au cou de celui qui l'avait si bien compris. " (Les morts vont vite, 1861)
Il faudrait traduire ephippiger par "Porte-chabraque", ce serait conforme à la réalité entomologique et à l'histoire, et cela aurait beaucoup de gueule.
Ma proposition me paraissait extravagante. Mais quelle surprise lorsque, parvenu à mon dernier chapitre sur les noms vernaculaires étrangers, je découvrais le nom allemand ! Ah, je n'en dis pas plus ! Voir infra !
Ephippiger de ephippion (gr) = selle et ger (um) (lat) = porter, soit porte-selle : les mâles arborent une tache bleu azuré sur le 2e segment abdominal, dont la forme rappelle celle d’une selle de cheval.
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DRAGONFLYPIX
http://www.dragonflypix.com/etymology.html
"Anax ephippiger (Burmeister, 1839) from Grk. ἐφίππιον = (pad) saddle + Lat. -ger, -gera, -gerum = -bearing for the (light-blue) saddle on S2."
"ephíppiger (Hemianax) - ephippium, ii = sella + gero, ere = portare in sè; che porta in sé una sella. Per la colorazione distintamente blu dei primi segmenti addominali che li fanno somigliare ad una sella. ."
— SELYS-LONGCHAMPS ( Michel Edmond, Baron de) 1840 - Monographie des Libellulidées d'Europe. - Roret, Paris ; Muquardt, Bruxelles, 220 pages, page 120.
En 1839, la même année que Burmeister pour A. ephippiger, Sélys-Longchamps avait décrit Aeshna (Anax) mediterranea.
Selys Longchamps, E. (de) 1839. Description de deux nouvelles espèces d'Aeshna du sous-genre Anax (Leach). Bulletin de l'Académie royale des Sciences de Belgique, 6(2): 386-383 page 391 https://www.biodiversitylibrary.org/page/15829405#page/415/mode/1up
En 1840, il reprend certes description dans sa Monographie des Libellulidées d'Europe avec un nom français, simple traduction de son nom scientifique : l' Anax méditerranéenne.
En 1850 Sélys-Longchamps écrit dans la Revue des Odonates ou Libellules d'Europe:
"Le genre ne comprend plus authentiquement que deux espèces européennes, le formosus Vandert. qui est commun dans tout le centre et le midi et parait étranger aux parties boréales, et le Parthénope de Selys qui n'a été observé jusqu'ici que dans certaines localités de l'Italie, de la France et de la Prusse. Le formosus se trouve dans le nord de l'Afrique.
On doit supprimer la junia (spiniferus Rambur), qui appartient à l'Amérique septentrionale, et le Mediterraneus de Sélys dont l'existence en Provence et en Sardaigne est plus que douteuse et qui parait ne se trouver réellement que dans l'Afrique tropicale. "
2°) Anax porte-selle, Paul-André Robert 1958 puis d'Aguilar et Dommanget 1985.
Paul-André Robert 1958, Les Libellules (Odonates), Delachaux & Niestlé. Il écrit page 198 : "signification du nom : ephippiger = porte-selle.. Ce nom fait allusion à la splendide tache bleu de ciel qui recouvre le 2ème segment du mâle. Cette tache fait un grand contraste avec tout le reste du corps et ressemble à une plaque d'émail posée sur le dos de la bête, comme une selle.".
Ce nom apparaît à partir de 1983 dans une série de guides sur les Odonates d'Europe, qui reprennent tous les mêmes noms vernaculaires : il semble logique de considérer que les auteurs à l'origine du nom d'Anax Porte-selle sont les premiers auteurs français mentionnés, Jacques d' Aguilar et Jean-Louis Dommanget, en 1985. Comme cela a été le cas pour les Lépidoptères, c'est la parution de ces guides de vulgarisation, d'abord étrangers, qui a contraint les entomologistes français à combler la grande carence de notre langue en zoonymes vernaculaires.
— The Dragonflies of Great Britain and Ireland , Cyril Oswald Hammond, Richard Robinson Askew, Robert Merritt - 1983
— Guide des libellules d'Europe et d'Afrique du Nord , Jacques d' Aguilar, Jean-Louis Dommanget - 1985,
— A field guide to the dragonflies of Britain, Europe and North Africa, Jacques d'. Aguilar, Jean-Louis Dommanget, René Préchac - 1986 -
..— Étude faunistique et bibliographique des Odonates de France , Jean-Louis Dommanget - 1987 -
— The Dragonflies of Europe - Harley Books, 1988 -
Le nom d'Anax porte-selle est désormais adopté par tous les ouvrages de vulgarisation, ainsi que par l'INPN pour Anax ou Hemianax ephippiger. La comparaison avec les noms vernaculaires catalan, anglais et allemand permet de constater, une fois de plus, combien notre langue a laissé passer sa chance de se doter de noms créatifs, poétiques et signifiants, au lieu de se contenter de traductions littérales des noms scientifiques, et, ici notamment, d'une réflexion critique et philologique sur le danger des traductions trop rapides. Le contre-sens sur ephippiger et ephippium aurait pu être évité.
— ANTONIO (Costantino D’), VEGLIANTE (Francesca ) "Derivatio nominis libellularum europæarum"(PDF) (en Italien) Étymologie de 197 noms de Libellules européennes.
— ENDERSBY (IAN D. ), 2012, : Watson and Theischinger: the etymology of the dragonfly (Insecta: Odonata) names which they published Journal and Proceedings of the Royal Society of New South Wales, vol. 145, nos. 443 & 444, pp. 34-53. ISSN 0035-9173/12/010034-20 34
— ENDERSBY (IAN D., FRS ), 2012, Etymology of the Dragonflies (Insecta: Odonata) named by R.J. Tillyard, F.R.S. Proceedings of the Linnean Society of New South Wales 134, 1-16.
— FLIEDNER (Heinrich), 1997. Die Bedeutung der wissenschaftlichen Namen Europaischer Libellen. Libellula, supplement I. Sonderband zur Zeitschrift der Gesellschaft deutschsprachiger Odonatologen (GdO) e.V. Fliedner, Bremen.
— FLIEDNER (H.), 2012, Wie die Libelle zu ihrem Namen kam Virgo, Mitteilungsblatt des Entomologischen Vereins Mecklenburg 15. Jahrgang (2012).