Les modillons et bases de colonnes (kersanton, traces de polychromie ocre, atelier du Maître de Plougastel, 1606) du porche intérieur de l'église de Guimiliau.
Les cotés ouest et est du porche intérieur de l'église de Guimiliau peuvent se diviser en deux registres : en haut, les niches à dais des douze Apôtres (six de chaque coté), et en bas une succession de six pilastres cannelés (et rudentés) soutenant une frise de masques et panneaux décoratifs.
Décrire les douze statues me nécessitera un article entier. La frise vous vaudra au moins deux articles.
Mais il faudrait décrire séparément chaque colonne séparant les Apôtres, avec leur chapiteau ionique, leur fût cannelé et rudenté, et leur piédestal, ou "base". Ah oui ? Yes, car chacune des trois faces visibles de ces bases cubiques sont sculptées d'un motif différent. Confinez-vous une après-midi dans ce porche avec une lampe de poche, un miroir, et un plumeau (car c'est très empoussiéré et toiledaraignéisé ), et, au couvre-feu, vous devrez quitter les lieux sans avoir épuisé votre inventaire.
Voici donc quelques uns des 2x17 modillons qui soutiennent la corniche où se sont installés les Apôtres. Ils nous offrent une vraie leçon de sagesse, car, pour les examiner, il faut s'accroupir et s'abaisser pour en découvrir la face cachée aux profanes. Mais c'est ainsi qu'on accède à un très beau répertoire de l'ornementation Renaissance, marqué par le principe de métamorphose entre humanité et végétaux : les masques feuillagés, les masques crachant des feuillages, alternent avec des compositions stylisées à volutes, godrons ou palmettes tandis que de beaux portraits de Guimiliens et Guimiliennes à fraises courtes se mêlent à ceux de géants aux barbes énormes. Autre leçon, ces modestes modillons, qui attendaient sans doute jusqu'à aujourd'hui pour vivre leur quart d'heure de célébrité, sont des petites choses, d'une dizaine de centimètres peut-être : petits par la taille mais grands par le talent.
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Attribution et datation.
La date de 1606, inscrite sur la frise coté ouest, peut qualifier également ces modillons et ses colonnes. En étant strict, on élargira le compas de datation jusqu'à 1617, date inscrite à l'extérieur du porche.
Le porche est principalement l'œuvre du Maître de Plougastel (1570-1621), anonyme installé à Landerneau et auteur, comme son nom de convention l'indique, du calvaire de Plougastel (1602-1604), mais aussi du calvaire de Locmélar, de l'intérieur du porche de Bodilis, et de bien d'autres œuvres, dans 31 paroisses (4 en Cap-Sizun, 3 dans le diocèse de Tréguier, 2 en Haute-Cornouaille, et toutes les autres dans le Léon au nord de l'Élorn).
Par contre, les statues du porche ne lui sont pas attribuées, hormis celle des apôtres Pierre et Jean dans ce porche, et son compagnon ou élève Roland Doré a pris le relais vers 1618.
Dans son Catalogue des ateliers de sculpture sur pierre Emmanuelle Le Seac'h attribue au Maître, à l'intérieur du porche sud de Guimiliau, les termes gainés et les deux bustes du fronton, le bénitier du trumeau, les apôtres déjà cités.
Mais elle attribue d'autres éléments à une deuxième main, celle d'un compagnon, qu'elle baptise du nom de Valet du Maître de Plougastel. (Dans les archives, le "valet" est le bras droit du maître d'atelier, son second). Elle définit son style ainsi, à propos de quatre scènes des piédroits de l'extérieur du porche: "Les yeux sont globuleux, taillés en amande, avec des paupières ourlées. Le nez est droit, gros, avec des ailes larges. Les trous des narines sont creux, ce qui fait la particularité de ces sculptures. À l'inverse, les lèvres sont serrées, à peine dessinées. L'ensemble est relevé par une barbe bien peignée, avec des moustaches transversales qui démarrent sous les narines, laissant le haut des lèvres glabres. Le philtrum est inexistant. Une petite frange de cheveux reproduit la sinuosité des arcades sourcilières. ... Les visages suivent une inflexion au niveau des tempes contrairement aux visages du Maître de Plougastel qui sont tous ronds."
Ce serait à lui qu'aurait été confié la frise intérieure du porche, et les chapiteaux de la porte d'entrée (le menu de mon prochain article).
E. Le Seac'h ne mentionne pas les modillons ou les colonnes séparant les apôtres, et nous pouvons les attribuer, au sens large, à l'atelier du Maître de Plougastel : soit au Maître, soit à son "Valet". Observons donc les trous des narines! Il me semble bien qu'ils soient creux, j'opte pour le Valet.
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Plan.
I. Quelques-uns des 34 modillons (j'en montre 25).
II. Quelques décors truculents des bases des colonnes. (Surprise)
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Modillons et frise du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons et frise du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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QUELQUE-UNS DES 34 MODILLONS.
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Modillons et frise du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons et frise du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons et frise du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons et frise du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons et frise du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons et frise du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Modillons du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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LES BASES DES COLONNES SÉPARANT LES NICHES.
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Si nous numérotons les colonnes en partant pour le n°1 de celle qui est à droite de saint Pierre (et c'est la moindre des choses, c'est la colonne n°11 qui remporte, à l'unanimité, le prix du Jury. Entre saint Mathias, porteur de hache, et saint Barthélémy, porteur de coutelas.
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La base de la colonne n°11. Lutte à la corde entre quatre personnages.
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C'est là un vieux jeu breton, "an tortis" ou "chech fun". Il appartient aux "jeux de pardons". Fanch Peru le décrit ainsi :
"La corde a environ 25 m de long. Au centre se trouve un témoin que l'on amène au-dessus d'une marque tracée au sol, l'axe. Deux équipes de 5 ou 6 s'affrontent. Le jeu consiste à amener l'équipe adverse de l'autre côté de l'axe. Chaque partie se fait en deux «manches» et éventuellement une «belle» avec inversion des équipes. L'ordre des affrontements est obtenu par tirage au sort. Dans certains terroirs et dans les jeux fédérés de la F.N.S.A.B. il n'est pas nécessaire pour gagner d'amener l'équipe adverse de l'autre côté de l'axe. Deux témoins placés à la même distance (3 mètres le plus souvent) du témoin central servent alors de repères pour désigner les vainqueurs."
Fanch Peru (Jeux traditionnels de Bretagne, 1987 p.50), illustre sa description de ce jeu par une photo du moyen-relief de Guimiliau, et il décrit sur cette sculpture deux lutteurs. Mais ils sont en réalité quatre, pour ceux qui savent regarder les facettes moins visibles du cube.
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Les joueurs sont coiffés d' un béret très plat, et porté sur le coté. Ce béret est remarquable par sa valeur documentaire ethnographique. Mais hormis cette coiffure, ils sont parfaitement nus, même si les attributs virils des lutteurs les plus visibles aient été escamotés. Leurs postures sont également de forte valeur documentaire, les hommes agrippés à la corde s'opposant par par la plante de leur pied tandis que le genou de la jambe opposée est à terre.
Sur le coté droit, le lutteur tient l'extrémité de la corde, celle-ci passant derrière son dos. Il est allongé et prend appui des deux pieds sur la tête et sur le coude de son compagnon.
Sur le coté gauche, nous retrouvons les mêmes appuis.
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Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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Base de la colonne n°9 : masque d'un anthropomorphe. Autres masque humains sur les cotés.
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Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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Base de la colonne n°13 : masque d'un homme barbu coiffé d'un bonnet. Autres masque humains sur les cotés.
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Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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Base de la colonne n°5 : masque de femme dans un cartouche à cuir découpé. Masques anthropomorphes sur les cotés.
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Le cuir découpé à enroulement témoigne de l'influence du style bellifontain introduit dans le Léon par l'atelier du château de Kerjean. La femme porte une fraise courte (autrement dit, plutôt Charles IX que Henri IV).
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Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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Base de la colonne n°3 : masque d'homme barbu dans un cartouche à enroulement. Masques humains sur le coté.
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L'homme est coiffé d'un bonnet muni d'une petite queue au sommet de de volutes retroussées sur le coté. Son nez long et pointu me rappelle celui du terme féminin du bénitier du trumeau (par le même atelier).
À sa droite et à sa gauche, ses collègues sont coiffés d'un turban (peut-être) et portent une large fraise (comme la collerette du Pierrot Gourmand).
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Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Base des colonnes du porche intérieur de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— COUFFON (René), 1948, " l'architecture classique au pays de Léon, l'atelier de l'Elorn, l'atelier de Kerjean", Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
Le porche sud de l'église Saint-Miliau de Guimiliau porte, sur sa frise, la date de 1606, et sur son portail extérieur près de la clef de voûte, celle de 1617. Il est en kersantite, cette pierre extraite de la Rade de Brest et transportée par bateau sur le premier port de l'Elorn, celui de Landerneau où se sont installés successivement les ateliers prestigieux de taille du "kersanton".
Le Maître de Guimilau avait réalisé le calvaire monumental de Guimiliau entre 1575 et 1588. C'est l'atelier du Maître de Plougastel (auteur du calvaire monumental de Plougastel qui a débuté, vers 1606, le chantier du porche sud, et s'est chargé d'une bonne part du décor de l'arcature du porche extérieur, des masques des contreforts, du fronton du porche intérieur avec ses termes gainés, de deux apôtres des niches, et du bénitier du trumeau séparant les portes en plein cintre.
Son compagnon, baptisé "Valet du Maître de Plougastel" par Le Seac'h, a poursuivi le chantier en complétant l'arcature du portail extérieur, en réalisant les bas-reliefs de la frise intérieure et les deux chapiteaux de la porte d'entrée de droite. Quelques années plus tard (1619), il se charge de l'ossuaire de La Martyre, avec ses termes gainés semblable à ceux de Guimiliau et sa cariatide.
Enfin (donc plutôt vers 1617), un autre compagnon du Maître de Plougastel, Roland Doré, termine le chantier et sculpte, pour l'intérieur, six apôtres et le Christ Sauveur , et pour l'extérieur, les trois des statues des quatre niches, et un beau buste féminin au fronton.
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Le Maître de Plougastel, avant de sculpter le bénitier de Guimiliau, avait réalisé celui de La Martyre, avec son ange aux goupillons, où il avait inscrit la date de 1601. Et auparavant il avait fini le porche sud de Bodilis, avec ses successions de termes gainés.
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Et, près de cinquante ans auparavant, l'atelier des Prigent avait réalisé pour l'église Saint-Thuriau de Landivisiau un bénitier de trumeau, à cuve à godrons et dais Renaissance, où l'ange proposait déjà son goupillon d'eau bénite.
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C'est dire si ce bénitier du trumeau de Guimiliau, ne serait-ce que par deux de ses caractéristiques, l'ange aux deux goupillons et les trois termes gainés, ouvre tout un jeu de comparaison associant les autocitations et les innovations.
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Lorsqu'on pénètre à l'intérieur du porche, on baigne dans un bain coloré rouge-orangé, car tout le décor a conservé, à l'état de traces suffisamment importances, sa polychromie où prédomine l'ocre mais où persistent quelques éclats de bleu. Mais lorsque la pierre a été usé, comme sur la marge du bénitier, par l'usage répété des fidèles qui se signaient, le kersanton au grain fin. luit de la teinte noire qui fait sa réputation.
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Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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LA CUVE À GODRONS ET L'ANGE AUX GOUPILLONS.
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La cuve est posée sur une colonne cannelée ; son décor à godrons est surmonté d'un rang d'arceau puis d'une frise d'oves (ou de feuille d'eau ? Que diriez-vous ?).
Puis vient le panneau portant l'ange aux goupillons, l'un tourné vers le haut et l'autre vers le bas. Il est agenouillé, un seul genou posé, en position de chevalier servant. Il est vêtu d'une aube longue ; ses cheveux descendent derrière ses épaules. Son visage est très rond. Ses larges et hautes ailes s'étalent comme un éventail protecteur. Une coquille au naturel, sculptée dans le dais, forme un toit au dessus de sa tête. Il aurait fallu examinée plus attentivement cette voûte, peinte en rouge et traversée par une diagonale à volutes avant une petite clef pendante.
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Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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LES TERMES GAINÉS DU DAIS.
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Le dais est une haute pièce montée qui échafaude au moins six étages avant d'être couronnée par un chapiteau ionique qui soutient l'entablement.
Le premier rang alterne des pilastres suspendus et des couples d'animaux feuillagés et affrontés.
Le deuxième alterne des masques et des rosettes.
Le troisième, des pommes de pin et trois têtes (une femme au centre, deux hommes barbus sur les cotés)
Le quatrième accueille trois niches (vides) et les trois termes gainés que je me réserve de décrire ensuite.
Le cinquième est orné de modillons cannelés.
Le sixième forme l'échine du chapiteau, il est sculpté de moulure, de rinceaux, de cylindres et de perles.
Mais celui qui voudrait fouiller les détails de cela trouverait des rais-de-cœur et bien d'autres choses.
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La polychromie, notamment d'un beau bleu, est bien conservée en partie haute et dans les zones profondes.
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Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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Le premier support anthropomorphe est en réalité double, et deux hommes barbus et coiffés (en guise de chapiteau) d'un bonnet phrygien, bras réunis devant l'abdomen, sont installés comme au zinc au dessus de la console à volutes et feuillages qui forme leur piètement. Les sabots bifides qui en dépassent en font un couple de satyres.
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Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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Le deuxième est un terme féminin, une cariatide si vous voulez, fort gracieuse avec son beau minois et sa poitrine nue, mais son profil vient révéler un nez de taille un peu excessive. Elle porte sur ses cheveux longs et nattés un chapiteau ionique.
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Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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Le troisième est un beau barbu, coiffé d'un bonnet à revers et vêtu d'une veste à large rabat de col. Ses bras croisés sur le ventre sont finalement dissimulés par un pan frontal, dont je ne saisis pas toute la fonction, d'autant qu'il est orné de quatre papillotes avant que les coins de la veste ne s'évasent avec conviction.
Le piètement est cannelé ; le bonnet fait office de chapiteau.
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Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
Bénitier (kersantite, traces de polychromie, Maître de Plougastel, v. 1606) du porche sud de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.
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Au total, ces trois termes gainés indiquent l'influence de l'atelier des sculpteurs du château de Kerjean, qui ont introduit dans le Léon vers 1570 ce motif ornemental et architectural de la Seconde Renaissance : ils placent ce trumeau dans "l'ordre anthropomorphe" ( Sabine Frommel) de cette nouvelle architecture. [H. Sambin considère en 1572 ces supports comme un sixième ordre architectural]
Et ils fonctionnent un clin d'œil avec le couple de termes masculin et féminin du fronton, immédiatement au dessus de ce bénitier.
Ce motif liée dans l'Antiquité à la soumission et aux châtiments (les perses et cariatides décrites par Vitruve sont des esclaves, des punis ou des vaincus entravés) deviennent à la Renaissance, en portant les chapiteaux, des colonnes vivantes des entrées de temples, d'arcs de triomphe, et des encadrement de frontispice ou de cheminée. C'est à dire qu'ils marquent une transition.
En effet, Dans son Premier tome de l’architecture (1567), Philibert Delorme écrit« qu’il est permis à l’exemple des anciens, d’inventer et faire nouvelles colonnes ; ainsi que nous en avons faits quelques unes, appelées colonnes françaises » [DELORME1567, vol. 1, livre 7, chap. XIII, non paginé], et admet l’usage de cariatides ainsi que de figures de satyres, à condition qu’elles soient adaptées à la configuration du site et à la structure de l’édifice. Et l’architecte Androuet du Cerceau affirme en 1561 que les figures anthropomorphes peuvent être utilisées comme des éléments décoratifs pour des portes et des fenêtres.
Ainsi, ils ont toute leur place ici, à la fois sur le plan spatial lors du franchissement du seuil et des portes de l'église, à la fois sur le plan symbolique par le passage dans l'espace sacré, et à la fois enfin sur le plan du rituel, puisque le bénitier est indéfectiblement relié au signe de croix avec l'eau bénite, tracée à l'entrée dans le sanctuaire.
Et ces colonnes anthropomorphes sont à relier aux "colonnes françaises" de Philibert Delorme, qu'on retrouve, baguées et cannelées, de chaque coté des portes (ma photo n°2 supra), ou à celles, cannelées, baguées et rudentées au tiers inférieur, qui encadrent l'entrée du porche à l'extérieur.
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SOURCES ET LIENS.
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— COUFFON (René), 1948," l'architecture classique au pays de Léon, l'atelier de l'Elorn, l'atelier de Kerjean", Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1559 Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1582, Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
— DELORME (Philibert), 1567 Le premier tome de l'architecture de Philibert de L'Orme conseillier et aumosnier ordinaire du Roy, & abbé de S. Serge lez Angiers , Paris, Federic Morel
— DE GRANDE (Angelo), 2014, "De Fontainebleau vers la Lorraine: l’ordre anthropomorphe de la maison «des Sept Péchés capitaux» à Pont-à-Mousson" in Gravures d'architecture et d'ornement au début de l'époque moderne : processus de migration en Europe (sous la direction de S, Frommel et E. Leuschner), pp.205-218, 2014.
— FROMMEL (Sabine), 2018 Supports anthropomorphes peints de la Renaissance italienne, in Frommel, Sabine – Leuschner, Eckhard – Droguet, Vincent – Kirchner, Thomas (dir.) Construire avec le corps humain/ Bauen mit dem menschlichen Korper. Les ordres anthropomorphes et leurs avatars dans l'art europèen de l'antiquité à la fin du XVIe siècle/ Antropomorphe Stùtzen von der Antike bis zur Gegenwart, Campisano Editore 2 volumes pp 618, 40 ill.
"Rares sont les motifs architecturaux qui témoignent d'une persistance telle que les ordres anthropomorphes, depuis l'Antiquité jusqu'à la période actuelle, en passant par le Moyen Âge. Leur évolution s'articule par de subtiles interactions entre les domaines sculptural, architectural et pictural, alors qu'une fortune théorique durable a été instaurée par la description détaillée par Vitruve des "Perses" et des "Caryatides" dans son traité De architectura libri decem. Contrairement aux ordres architecturaux canoniques, ce " sixième ordre " invite à des interprétations et des variations plus souples et plus personnelles. Il put ainsi assimiler des traditions locales très diverses lors de son parcours triomphal dans toute l'Europe. Si la signification originelle de soumission et de châtiment de ces supports reste valable, les valeurs narratives ne cessèrent de s'enrichir et de s'amplifier, en faisant de ce motif un protagoniste abondamment présent dans de multiples genres artistiques, des meubles aux monuments les plus prestigieux, et qui révèle les mutations typologiques et stylistiques au fil du temps. Les contributions réunies dans ces deux volumes fournissent un large panorama européen de ces occurrences, offrant un large éventail de synergies et d'affinités révélatrices."
—SAMBIN ( Hugues), 1572 Oeuvre de la diversité des termes dont on use en architecture reduict en ordre : par Maistre Hugues Sambin, demeurant à Dijon, publié à Lyon par Jean Marcorelle ou par Jean Durant. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
—SERLIO (Sebastiano ), 1551 Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
Le premier livre d’architecture et Le second livre de perspective de Sebastiano Serlio furent publiés par Jean Martin pour la première fois à Paris en 1545; le troisième livre, fut publié à Anvers, en 1550 chez Pieter Coecke qui en 1542 avait publié une version pirate du Quatrième livre. Le quinto libro d’architettura traduit en françois par Jean Martin fut édité à Paris en 1547 par Michel de Vascosan ; le Livre extraordinaire le fut àLyon par Jean de Tournes en 1551.
—SERLIO (Sebastiano ), 1540 Il terzo libro ... Venise F. Marcolini
La Regola delli cinque ordini d’architettura de Vignole sans cesse ré-éditée depuis 1562, fut publiée en édition quadrilingue in-folio (italien, néerlandais, français et allemand) en 1617 par Willem Jansz Blaeu à Amsterdam et, ensuite, en français en très nombreuses éditions parisiennes : Regles des cinq ordres d’architecture de Vignolle / Reveuee (sic) augmentees et reduites de grand en petit par le Muet , Paris, chez Melchior Tavernier, 1631-1632 ; chez Pierre Mariette en1644-55 ; 1702 ; chez Nicolas Langlois, s.d. ; Seconde édition, 1657,1658, 1684 ;Reigle de cinq ordres d’architecture éd.par Pierre Firens,s.d. [1620-1630] ; chez Pierre Mariette, 1662, 1665 ; chez Nicolas Bonnart, 1665 ; éd. Jean Le Pautre, chez Gérard Jollain, 1671, 1691,1694.
— VITRUVE, 1511, De architectura M. Vitruvius per Jocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula, traduit par Fra Giovanni Giocondo en 1511 à Venise chez G. da Tridentino avec 136 gravures sur bois
Les termes gainés (cariatide et atlante) de l'intérieur du porche sud (1606) de l'église de Guimiliau. Atelier du Maître de Plougastel, kersanton.
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Je continue à colliger une documentation iconographique sur les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne, inspirées de l'art à la grotesque, et de l'École de Fontainebleau, et je m'intéresse maintenant aux Termes, Cariatides et Atlantes que les architectes et sculpteurs bretons ont créés en Finistère à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. On les attribue, pour les premières réalisations, à l'atelier qui a travaillé à l'édification du château de Kerjean en Saint-Vougay vers 1570, et qui a introduit dans le Léon les nouveautés stylistiques de la Seconde Renaissance de l'École de Fontainebleau (1539) diffusés par des recueils comme ceux de Sebastiano Serlio (1537) et d'Androuet du Cerceau (vers 1550).
Le couple de termes masculin et féminin de l'entrée du château de Kerjean est repris (encadrant une sculpture du patron du sanctuaire) au fronton du porche sud de Lanhouarneau en 1588, au fond du porche de Saint-Thégonnec en 1599, au fronton du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau en 1604, ici à Guimiliau en 1606, puis au fronton de la porte de l'ossuaire de La Martyre en 1619, et de l'ossuaire de Saint-Thégonnec en 1676. Toujours en kersanton.
Ce sont des "termes" car leur piètement est en forme de bornes, mais aussi des "cariatides" et "atlantes" (voire des "télamons"), car ils supportent sur leur tête, par un chapiteau ionique, un entablement. Face à ce flottement sémantique, il vaudrait mieux désigner ces figures comme des "supports anthropomorphes". J'ai choisi de rester simple, au prix de l'incorrection.
On retrouve aussi cet ornement, décliné avec beaucoup d'imagination, en granite à l'intérieur du porche de Bodilis (1570-1601), ou sur la façade de l'ossuaire de Sizun (1585), et, en sculpture sur bois, sur les jubés et clôtures de chœur de La Roche-Maurice, et de la chapelle Saint-Nicolas en Priziac.
Sans compter— mais c'est essentiel —les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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PRÉSENTATION DU PORCHE PAR RENÉ COUFFON.
"Le porche en kersanton, voûté sur croisée d'ogives à clef pendante, est l'un des plus remarquables du Léon. Il porte à l'intérieur la date de 1606 sur le mur ouest et a été achevé par l'atelier de Roland Doré, le buste de femme du fronton est de lui (d'après Y.-P. Castel : Sur les pas de Roland Doré, de Keranroux à Guimiliau, B.S.A.F. 1986, p. 369-370) ; sur la façade, près de la clef de voûte, celle de 1617. Sur le rampant du gable de la chapelle qui suit, à l'est, celle de 1642. L'arcade extérieure à voussures multiples est en plein cintre avec clef de voûte et colonnes baguées. Deux colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens soutiennent un entablement à fronton ; dans la frise, une inscription : "O QVAM. METVENDVS EST. LOCVS. ISTE/ VERE. NON. EST. HIC. ALIVD. NISI. DOMVS. DEI.". Dans le gable, niche à fronton cintré abritant une statue en kersanton de saint Miliau, et plus haut, clocheton terminé par un lanternon. Dans les contreforts, statues en kersanton : saint Sébastien, saint portant la tiare (Pierre ?), saint évêque et saint moine.
A l'intérieur, dans les niches à dais Renaissance, statues des douze Apôtres (C.), huit en pierre (sans doute d'après 1606), quatre en bois (XVIIIe siècle). Sur le socle de la statue de saint Pierre on lit une inscription en creux : "A: GO". Sous les niches, frise de bas-reliefs parmi lesquels la Création d'Eve.
Bénitier en kersanton au trumeau (C.), surmonté d'un dais Renaissance. - Dominant les deux portes géminées, statue en pierre du Christ bénissant entre deux cariatides gainées."
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Entrée extérieure du porche sud. Photographie lavieb-aile.
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DESCRIPTION .
Attribution.
E. Le Seac'h attribue au Maître de Plougastel les piédroits et les voussures de l'arc d'entrée du porche de Guimiliau . Cet atelier de Landerneau est intervenu dès le début du chantier (daté en 1606 selon l'inscription de l'intérieur du porche) et jusqu'en 1617, date figurant à l'extérieur à droite de la grande agrafe feuillagée.
Dans le Catalogue de ce sculpteur, elle lui attribue aussi, à l'intérieur du porche, "les deux termes gainés, homme et femme, et les deux bustes homme et femme les encadrant sur le fronton intérieur", le bénitier du trumeau, et deux apôtres, Pierre et Jean.
Par contre, elle attribue à Roland Doré le Christ Sauveur qu'encadrent les termes gainés. (Roland Doré est aussi l'auteur de six apôtres sous le porche, et de quatre statues en kersanton de l'extérieur du porche).
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Sur le portail intérieur du porche, les deux portes jumelles en plein cintre sont séparées par le trumeau et son bénitier. Les deux colonnes cannelées de chaque porte supportent une arcade dont les moulures sont interrompues par quatre clefs et une agrafe centrale, évoquant vaguement l'alternance métope-triglyphe. Ces portes prennent place dans un portail où le chapiteau ionique de deux colonnes cannelées et baguées —introduites en architecture par Philibert Delorme —, supportent l'entablement orné d'une frise aux rinceaux peints de couleur ocre-rouge.
Le tympan reçoit une niche formée par nos deux supports anthropomorphes supportant un fronton curviligne portant trois pots à feu. Cette niche en kersanton est reliée à la corniche par deux volutes s'appuyant sur de nouveaux pots à feu.
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Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
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Cette disposition générale reprend celle du porche de Lanhouarneau (atelier de Kerjean ?, 1588), du porche intérieur de Saint-Thégonnec (v.1599) et celle de l'ossuaire de La Martyre (Maître de Plougastel 1619) qui sera copiée sur l'ossuaire de Saint-Thégonnec (1676-1677).
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Les deux termes masculin et féminin autour du Christ Sauveur.
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Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
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Au centre, et un peu à l'étroit, la statue en ronde bosse montre le Christ Sauveur du Monde, en latin Salvator Mundi. Représenté en gloire (revêtu du manteau rouge de la victoire sur la Mort), mais non nimbé, il donne sa bénédiction de la main droite au Monde, figuré par un orbe tenu dans la main gauche. La jambe gauche est avancée, avec un genou fléchi.
Cette statue, je l'ai dit, est l'œuvre de Roland Doré (1618-1663), alors à ses débuts puisqu'il achevait le chantier débuté par le Maître de Plougastel (1570-1621), qui l'avait formé dans son atelier. Cette transition explique que les cinq visages de ce fronton conservent une unité certaine. Les pupilles ne sont pas encore creusées, comme cela deviendra un trait stylistique de Roland Doré.
C'est également un Christ Sauveur qui occupe le porche intérieur de Lanhouarneau, église dont le fronton qui sert ici de modèle. On le trouve aussi aux porches de Dirinon et de Bodilis.
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Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
Christ Sauveur (Roland Doré). Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
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Les deux termes.
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Comme à Lanhouarneau, (et comme dans les modèles de gravure de Serlio ou Androuet du Cerceau) ces supports anthropomorphes portent un pagne feuillagé d'acanthe et reposent sur un fût prismatique, non cannelé. Mais à l'inverse de Lanhouarneau leurs bras sont croisés dans le dos. Leur anatomie humaine est très fidèle, et non envahie par des métamorphoses. Ils supportent un chapiteau à volute ionique.
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Termes gainés (Maître de Plougastel ). Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
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Le terme féminin ou cariatide.
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La femme est nue jusqu'à la taille, jeune, fraîche et jolie, et elle porte autour du cou le collier à médaillon qui se retrouve à La Martyre, à Saint-Thégonnec et sur les gravures d'Androuet du Cerceau.
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Termes gainés (Maître de Plougastel ).Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
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Le terme masculin ou atlante.
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L'homme, torse nu, porte des cheveux mi-longs et une barbe taillée.
Je m'afflige de voir ces sculptures, comme la paroi, si altérées dans sa polychromie.
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Termes gainés (Maître de Plougastel ). Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
Termes gainés (Maître de Plougastel ). Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
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Le couple figurant à la base du fronton.
Ils évoquent, par leurs costumes contemporains et leur toilette, de jeunes paroissiens.
La femme porte une robe noire sur un corsage bleu. Son front est épilé.
L'homme porte une veste bleue et un gilet rouge boutonné (chupenn et jiletten du costume breton), sa barbe est taillée, ses cheveux tombent sur les épaules.
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Femme (Maître de Plougastel ). Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
Homme (Maître de Plougastel ). Fronton (kersanton polychrome, v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
Homme (Maître de Plougastel ). Fronton (kersanton polychrome , v.1606) du portail intérieur du porche sud. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— COUFFON (René), 1948," l'architecture classique au pays de Léon, l'atelier de l'Elorn, l'atelier de Kerjean", Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
Le porche sud permet d’entrer dans l’espace sacré de l’église. Ceci explique la richesse de sa décoration qui affiche également la prospérité de la paroisse. Pour le réaliser, Guimiliau a fait appel à deux sculpteurs de renom ; le Maître de Plougastel entre 1606 et 1617, puis Roland Doré. Ceint de contreforts ornés de niches et amortis de lanternons, il allie les styles gothique et Renaissance.
L’entrée en plein cintre est bordée extérieurement par deux colonnes corinthiennes et intérieurement par des colonnes baguées. Elle est surmontée d’un fronton triangulaire portant un buste de femme, œuvre de Roland Doré, puis d’un second avec une statue de saint Miliau. Un clocheton surmonté d’un lanternon coiffe l’ensemble. Dans les voussures de l’entrée sont représentées des scènes bibliques avec Adam et Eve, Abel et Caïn, Noé et, plus haut, des événements de l’enfance de Jésus.
A l’intérieur, la voûte est formée d’une belle croisée d’ogives. Les portes de l’église sont surmontées d’une statue polychrome du Christ enseignant entre deux cariatides figurant Adam et Eve. Entre les portes, sous un dais, un ange armé de goupillons trempe le pied dans un bénitier. Sur les murs latéraux, abrités par des dais Renaissance et des niches à colonnettes ioniques, les apôtres adoptent un maintien majestueux avec leurs attributs : saint Pierre et sa clé, saint Jacques et sa coquille, saint André et sa croix en X, etc. Sous les apôtres, des têtes symbolisent les péchés capitaux. En bas-relief apparaissent un moine exorciste et la création d’Eve
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1559 Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1582, Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
— DELORME (Philibert), 1567 Le premier tome de l'architecture de Philibert de L'Orme conseillier et aumosnier ordinaire du Roy, & abbé de S. Serge lez Angiers , Paris, Federic Morel
— DE GRANDE (Angelo), 2014, "De Fontainebleau vers la Lorraine: l’ordre anthropomorphe de la maison «des Sept Péchés capitaux» à Pont-à-Mousson" in Gravures d'architecture et d'ornement au début de l'époque moderne : processus de migration en Europe (sous la direction de S, Frommel et E. Leuschner), pp.205-218, 2014.
— FROMMEL (Sabine), 2018 Supports anthropomorphes peints de la Renaissance italienne, in Frommel, Sabine – Leuschner, Eckhard – Droguet, Vincent – Kirchner, Thomas (dir.) Construire avec le corps humain/ Bauen mit dem menschlichen Korper. Les ordres anthropomorphes et leurs avatars dans l'art europèen de l'antiquité à la fin du XVIe siècle/ Antropomorphe Stùtzen von der Antike bis zur Gegenwart, Campisano Editore 2 volumes pp 618, 40 ill.
Rares sont les motifs architecturaux qui témoignent d'une persistance telle que les ordres anthropomorphes, depuis l'Antiquité jusqu'à la période actuelle, en passant par le Moyen Âge. Leur évolution s'articule par de subtiles interactions entre les domaines sculptural, architectural et pictural, alors qu'une fortune théorique durable a été instaurée par la description détaillée par Vitruve des "Perses" et des "Caryatides" dans son traité De architectura libri decem. Contrairement aux ordres architecturaux canoniques, ce " sixième ordre " invite à des interprétations et des variations plus souples et plus personnelles. Il put ainsi assimiler des traditions locales très diverses lors de son parcours triomphal dans toute l'Europe. Si la signification originelle de soumission et de châtiment de ces supports reste valable, les valeurs narratives ne cessèrent de s'enrichir et de s'amplifier, en faisant de ce motif un protagoniste abondamment présent dans de multiples genres artistiques, des meubles aux monuments les plus prestigieux, et qui révèle les mutations typologiques et stylistiques au fil du temps. Les contributions réunies dans ces deux volumes fournissent un large panorama européen de ces occurrences, offrant un large éventail de synergies et d'affinités révélatrices.
—SAMBIN ( Hugues), 1572 Oeuvre de la diversité des termes dont on use en architecture reduict en ordre : par Maistre Hugues Sambin, demeurant à Dijon, publié à Lyon par Jean Marcorelle ou par Jean Durant. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
—SERLIO (Sebastiano ), 1551 Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
— VITRUVE, 1511, De architectura M. Vitruvius per Jocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula, traduit par Fra Giovanni Giocondo en 1511 à Venise chez G. da Tridentino avec 136 gravures sur bois
Saint Yves en l'église de Guimiliau : deux statues en ronde-bosse. Entre le Riche et le Pauvre (bois polychrome, XVIIe siècle, retable de Saint- Joseph, chapelle sud). Et en official de Tréguier (bois polychrome, 2ème moitié XVIIe siècle, par le sculpteur Antoine, 1er pilier nord du chœur).
Sur l'autel du croisillon sud, le retable de Saint-Joseph montre en haut saint Laurent, dans le registre principal saint Joseph tenant la main à l'Enfant Jésus entre la Vierge et sainte Anne, et en bas, entourant saint Yves, saint François d'Assise et saint Hervé accompagné de son guide Guicharan et de son loup.
Ce retable a été restauré par Christian Karoutzos (Arts et Bâtiment) en 1991.
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Retable de saint Joseph, église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Saint Yves, au centre, est plus grand que les deux plaideurs, et il est rehaussé par son support plus épais. Il écarte les bras, comme saisi en pleine plaidoirie et avance avec assurance le pied gauche. Sa tête est tournée sur la droite, et son regard semble fixer quelque auditoire.
Le sculpteur, sans souci d'anachronisme, lui a donner la perruque, la moustache Louis XIII et l'habit de la première moitié du XVIIe siècle. Il est coiffé du bonnet carré (ou barrette) de son rang de docteur en droit et est vêtu d'un manteau noir doublé de satin blanc, au revers dorés, et aux manches spectaculairement larges : À lui les effets de manche!
Sous ce manteau, la soutane blanche égrène ses boutons ronds cousus par groupe de trois. La rigueur du collaro est contredite par la richesse de la sorte de lavallière à glands de passementerie nouée sous le cou, par la ceinture dorée, et par le repli brodé d'or du manteau, qui précède les manches molletonnées.
Saint Yves tient en main deux sacs à procès, qui contiennent les dépositions et requêtes des deux parties.
Au total, il affiche l'aisance et la superbe des orateurs ou prédicateurs à succès, et rien n'indique qu'il porte une attention particulière au Pauvre, ni qu'il refuse l'argent que le Riche lui tend. On peut imaginer (et on le trouve ailleurs) une meilleure illustration de l'intégrité morale et du sens d'une justice attentive à ceux qui n'ont pas les moyens de défendre financièrement leur cause, qui ont fait la sainteté d'Yves de Kermartin.
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Retable de saint Joseph, église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Yves entre le Riche et le Pauvre, Retable de saint Joseph, église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Yves entre le Riche et le Pauvre, Retable de saint Joseph, église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Yves entre le Riche et le Pauvre, Retable de saint Joseph, église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le Riche porte également la perruque et le costume Louis XIII. Son chapeau placé sous le bras droit est d'un rouge éclatant, que seuls les puissants peuvent s'autoriser à afficher. L'attache de ses bas blancs s'orne d'un pompon de même couleur, et nous retrouvons ce vermillon sur la languette de ses chaussures. Ses hauts de chausse sont larges et bouffantes. Le justaucorps, aux longues basques montre une option de boutonnage assez recherché.
Il présente au magistrat un sac rempli d'espèces sonnantes et trébuchantes.
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Saint Yves entre le Riche et le Pauvre, Retable de saint Joseph, église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le Pauvre.
C'est bien le pauvre hère : il est pieds nus, et doit s'appuyer sur une canne, ou plutôt sur un méchant bout de bois. Sa tunique est de couleur brun-noir. Ses jambes sont couvertes, sous les braies, par des houseaux. Il porte un bissac sur l'épaule gauche.
La manière dont il tient son chapeau est une marque de déférence.
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Saint Yves entre le Riche et le Pauvre, Retable de saint Joseph, église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
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II. SAINT YVES EN OFFICIAL DU DIOCÈSE DE TRÉGUIER.
"Saint Yves est un savant et un lettré. Il donne douze ans de sa vie à l'étude des lettres, du droit, de la théologie, dans les célèbres universités de Paris et d'Orléans. Après quoi il passe vingt ans dans les grandes magistratures ecclésiastiques, et pendant tout ce temps, comme l'usage d'alors l'y autorise, il ne cesse de plaider avec éclat devant tous les tribunaux autres que le sien — pour les pauvres et gratis, sans doute, mais il n'en a que plus de clients. — Il ne cesse point non plus, pendant tout ce temps, d'éclaircir, d'approfondir la science du droit, prenant même la nuit pour oreiller ses livres de jurisprudence. Comme avocat et comme official il va suivre ses causes et ses sentences aux juridictions d'appel, à Tours à Paris. Aussi son action, sa renommée de grand jurisconsulte ne se borne point à la Bretagne, elle court toute la France." (Arthur de la Borderie)
De 1280 à 1284. Séjour d'Yves à Rennes comme official de l'archidiacre Maurice. En 1281, Il suit l'enseignement théologique des Cordeliers de Rennes et conçoit le premier dessein de sa vie ascétique. Puis en 1284 . Yves Hélory quitte Rennes, et est nommé vicaire judiciaire (official) c'est-à-dire « juge ecclésiastique » du diocèse de Tréguier par l'évêque Alain de Bruc .
En 1290, il commence ses prédications.
C'est en 1292 qu'il adopte son costume de bure blanche et embrasse les hautes pratiques de l'ascétisme. Il laisse la cure de Trédrez pour celle de Louannec, qu'il occupe jusqu'à sa mort. En 1293, il fonde la chapelle de Notre Dame de Ker Martin, et en 1297 Il confirme et complète cette fondation. Il résigne les fonctions d'official de l'église de Tréguier en 1298 ; il meurt le 19 mai 1303.
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La posture.
La "gestuelle oratoire" (Castel) n'est pas celle, souvent rencontrée en statuaire sur pierre (kersanton) au XVIe siècle, de l'argumentation — index contre le pouce opposé — mais celle, plus fastueuse, de l'éloquence, la jambe gauche avancée, pied en rotation externe (allumant le fanal rouge de la languette de la chaussure), la tête haute et tournée vers la droite, les bras écartés. La main droite, paume vers le haut, présente une pièce du procès tandis que la gauche souligne le discours par un mouvement, sans doute circulaire, de la barrette orientée avec sa face rouge vermillon et son pompon tournés vers les auditeurs.
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Le costume.
Les épaules sont couvertes d'un chaud et douillet camail en fourrure frappé d'hermines. Le manteau noir brille des dorures de ses revers et de sa doublure de satin blanc. La soutane noire (qui a inspiré la robe des avocats) décline sa rangée de 33 boutons (on en compte 27, les autres étant cachés), en relation avec le nombre des années terrestres du Christ. Mais ces boutons au lieu d'être noirs, sont dorés comme des pièces de monnaie. Dorée également est la ceinture, dont le nœud laisse pendre de longues et voyantes extrémités. Que de richesses !
La barrette, ou bonnet carré indique le rang de docteur (en droit)
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Cette posture et ce costume tendent certainement à se rapprocher du modèle ecclésiastique ou juridique de l'éloquence nourri de rhétorique sous Mazarin. Et, en s'en rapprochant, elle s'éloigne de la sainteté d'Yves Hélory, soucieux bien au contraire d'humilité, de modestie, de pauvreté et de proximité avec les petits éloignés du pouvoir.
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Saint Yves en Official de Tréguier, chœur de l' église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Yves en Official de Tréguier, chœur de l' église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
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SOURCES ET LIENS.
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— CASTEL (Yves-Pascal), Saint Yves et ses statues, in Saint Yves et les Bretons, Culte, images, mémoire (1303-2003), Jean-Christophe Cassard et Georges Provost (dir.) Presses universitaires de Rennes
— HAMOURY (Maud), Saint Yves dans la peinture aux XVIIe et XVIIIe siècles en Bretagne, in Saint Yves et les Bretons, Culte, images, mémoire (1303-2003), Jean-Christophe Cassard et Georges Provost (dir.) Presses universitaires de Rennes
https://books.openedition.org/pur/22409
— LA BORDERIE (Arthur de)
http://www.infobretagne.com/vie-saint-yves.htm
— MONTAROU (Virginie) Saint Yves entre le riche et le pauvre, in Saint Yves et les Bretons, Culte, images, mémoire (1303-2003), Jean-Christophe Cassard et Georges Provost (dir.) Presses universitaires de Rennes
https://books.openedition.org/pur/22412
MONTAROU,Saint Yves entre le riche et le pauvre : évolution de sa représentation iconographique en Bretagne aux xvie et xviie siècles, mémoire de maîtrise d’histoire (G. Provost, dir.), université Rennes 2, 1998.
Les termes gainés (cariatide et atlante) du porche sud (1584-1588) de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Atelier du château de Kerjean, kersanton.
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Je continue à colliger une documentation iconographique sur les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne, inspirées de l'art à la grotesque, et de l'École de Fontainebleau, et je m'intéresse maintenant aux Termes, Cariatides et Atlantes que les architectes et sculpteurs bretons ont créés en Finistère à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. On les attribue, pour les premières réalisations, à l'atelier qui a travaillé à l'édification du château de Kerjean en Saint-Vougay vers 1570, et qui a introduit dans le Léon les nouveautés stylistiques de la Seconde Renaissance de l'École de Fontainebleau (1539) diffusés par des recueils comme ceux de Sebastiano Serlio (1537) et d'Androuet du Cerceau (vers 1550).
Le couple de termes masculin et féminin de l'entrée du château de Kerjean est repris au fronton du porche sud de Lanhouarneau en 1588 (granite). Ce fronton sert de modèle qui se retrouve, au fond du porche de Saint-Thégonnec en 1599 (kersanton), au fronton du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau en 1604 (kersanton), au fond du porche de Guimiliau vers 1606, puis au fronton de la porte de l'ossuaire de La Martyre en 1619 (kersanton), et de l'ossuaire de Saint-Thégonnec en 1676 (kersanton). Dans ces six cas, les deux termes encadrent une niche accueillant une statue d'un saint ou d'une sainte, et ils sont épaulés par deux volutes latérales.
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Ce sont des "termes" car leur piètement est en forme de bornes, mais aussi des "cariatides" et "atlantes" (voire des "télamons"), car ils supportent sur leur tête, par un chapiteau ionique, un entablement. Face à ce flottement sémantique, il vaudrait mieux désigner ces figures comme des "supports anthropomorphes". J'ai choisi de rester simple, au prix de l'incorrection.
On retrouve aussi cet ornement, décliné avec beaucoup d'imagination, en granite à l'intérieur du porche de Bodilis (1570-1601), ou sur la façade de l'ossuaire de Sizun (1585), en kersanton sur un bénitier de Guimiliau (v.1606) et, en sculpture sur bois, sur les jubés et clôtures de chœur de La Roche-Maurice, et de la chapelle Saint-Nicolas en Priziac.
Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
PRÉSENTATION GÉNÉRALE.
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On commencera par noter la proximité de Lanhouarneau avec le château de Kerjean (Saint-Vougay), à 8 km à l'est.
"En forme de croix latine, l'église comprend une nef de trois travées avec bas-côtés, un transept et un chœur accosté de deux chapelles et terminé par un chevet à trois pans. En dehors du clocher du XIVe siècle, l'édifice est en partie de la fin du XVIe siècle, en partie de la fin du XVIIIe siècle.
Le porche du midi , voûté sur croisée d'ogives avec liernes, porte la date de 1582 sur le contrefort est et l'inscription suivante dans l'entablement de l'arcade extérieure : "IEAN. TOVLLEC (?). Y. BERTHOV. ET. J. MESGVEN. PROCVREVRS (?)." Ce porche a une importance capitale pour l'histoire de l'art breton, car il présente une innovation totale dans la décoration des porches, aucun élément gothique n'y figurant plus et le style classique y apparaissent totalement pour la première fois. Dû sans nul doute à l'atelier de Kerjean, sa disposition et ses principaux ornements ont été reproduits dans de très nombreux monuments de la vallée de l'Elorn.
Le sommet du gable est décoré d'un écu martelé portant les armes mi-parti Maillé et Carman, armes de François de Maillé et de sa femme Claude de Carman, héritière de ses frères après leur fin tragique en 1584. C'est donc peu après cette dernière date que le porche semble avoir été achevé.
Les niches à coquille abritent encore les statues des douze Apôtres (kersanton) ; dans le soubassement, cartouches à têtes grimaçantes et grotesques comme à Bodilis. L'une des liernes porte sur ses deux faces l'inscription : "H. N. GAL... FAB. NOBLE. E. VEN. P. SR. M. G. ESQVZ... RECT. /M. E. GARS. CVRE. 1582. F. RICHART. FAB.". Au-dessus de l'arc surbaissé de la porte intérieure, statue en kersanton du Christ Sauveur du monde. Au pignon du porche, dans une niche à cariatides gaînées, statue de sainte à longues tresses, un enfant à ses pieds [sic]." (René Couffon)
Marie-Dominique Menant donne une lecture plus complète de l'inscription de l'intérieur gravée sur les liernes du porche : M. E. BARS. CURE. 1582. F. RICHART. FAB. H. NOAL. FAB. NOB. ET. VEN. PER. M. G... REC sur la croisée d'ogives. Je la discuterai à mon tour infra.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Cartel in situ. Photographie lavieb-aile.
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LE FRONTON DU PORCHE.
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Au dessus de l'entablement du porche, le tympan est centré par une niche à coquille dont le plein cintre vient s'inscrire sous un fronton triangulaire supporté par deux colonnes à supports anthropomorphes. Deux volutes forment les arcs-boutants de cet ensemble central.
Dans le tympan, un blason, martelé à la Révolution, aux armes des familles Maillé et Carman permet de faire remonter aux environs de 1584 la fin de la construction du porche (cf. Couffon et Bouricquen).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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La statue de la niche : une sainte (Marie-Madeleine) et un donateur (kersanton, 1588).
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On a vu que René Couffon décrit une "statue de sainte à longues tresses, un enfant à ses pieds". Effectivement, l'identité de la sainte ne peut être précisée facilement. Par contre, il me semble peu discutable que c'est un donateur (tête refaite en pierre ou ciment pierre) qui est agenouillé à ses pieds, les mains jointes autour d'un phylactère qui monte verticalement jusqu'aux nattes de la sainte. Ce donateur est un chanoine, car il est vêtu d'une chape à capuchon rabattu.
La femme (dont la tête est brisée) est tête nue, sans voile, ni bandeau, ni nimbe ni couronne, mais sa chevelure est remarquable car elle forme deux nattes méchées qui se réunissent devant la poitrine et descendent jusqu'au ventre. Ces nattes sont si remarquables qu'elles semblent être un attribut d'identification. Mais vers quelle sainte ?
L'autre attribut est le flacon qu'elle tient, par l'intermédiaire d'un pli de son manteau, dans la main gauche.
Je ne vois qu'une solution de cette devinette, et seule sainte Marie-Madeleine me semble correspondre à cette définition d'une chevelure longue et non couverte, et du flacon d'aromates présenté lors de la Mise au Tombeau, ou du lundi de Pâques, pour l'embaumement du corps du Christ.
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Pour en revenir au donateur, de qui peut-il s'agir ?
Serait-ce le recteur de la paroisse, ce "noble et vénérable personne M. G. R[ecteur] " de l'inscription de 1582 sous le porche ? L'absence de son nom interrompt les tentatives de recherche.
J.M. Abgrall nous indique le nom du recteur de 1585, un certain Guillaume Dall. Pas mieux.
Serait-ce un membre de la famille de Carman, dont les armes figuraient sur un blason du porche avec la date de 1584 ? Ce serait ma meilleure hypothèse. Une verrière de l'église de Plonévez-Lochrist montrait Jean de Carman, "chanoine de Léon" en donateur présenté par Jean-Baptiste devant une Descente de Croix.
Ce chanoine devint évêque de Saint-Pol-de-Léon, et sa dépouille y repose sur une dalle à son effigie, mais dans l'église de Plonévez-Lochrist, la chapelle Saint-Sébastien renferme dans un enfeu la tombe qu'il s'était destiné.
Mais hélas pour la validité de ma suggestion, cet évêque intronisé en 1503 est décédé en 1514.
L'énigme du donateur reste donc à résoudre.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Le terme masculin, ou "atlante". (Atelier de Kerjean, leucogranite à muscovite de Berven, 1588).
"Géologiquement, l’intrusion du granite à tourmaline de Sainte-Catherine a été précédée, en plusieurs points et en particulier aux environs de Berven, par la mise en place d’un granite clair, blanchâtre, à grain fin-moyen, caractérisé par la présence fréquente de muscovite (mica blanc) et le développement aléatoire, mais toujours en faible proportion, de tourmaline. Si cette roche est loin d’avoir la beauté et surtout l’originalité des divers faciès du massif de Sainte-Catherine, elle est cependant susceptible de fournir des pierres de taille parfois de fortes dimensions. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce qu’elle ait été recherchée pour l’église de Lanhouarneau, fréquemment en association avec le faciès (b) de Sainte-Catherine, extrait dans les mêmes secteurs. Sa mise en œuvre remonte certainement au xvie siècle, comme l’atteste sa présence dans le chevet et dans le porche méridional où elle forme les deux belles colonnes cannelées monolithes dressées de part et d’autre de la partie externe de l’accès. Elle a été également utilisée en remploi (au xviiie siècle), avec le granite de Sainte-Catherine, dans le transept sud, dans l’élévation méridionale… La même roche a été aussi mise en œuvre au niveau de la plate-forme du clocher (balustrade, colonne, base de la flèche…) sans que l’on puisse toutefois préciser ici la date de son utilisation, du fait des restaurations subies par ledit clocher. "(L. Chauris 2006)
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Ces deux supports anthropomorphes sont beaucoup plus grossiers (ou bien moins conservés du fait de leur matériau moins fin et inaltérable que le kersanton) que ceux à qui ils serviront de modèles ; ils ont les bras croisés devant la poitrine et la transition avec le pilier se fait par un pagne feuillagé (acanthe) suspendu à une volute ionique. Ils supportent l'entablement par un chapiteau ionique.
L'homme est remarquable par ses grands yeux et sa moustache.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Le terme féminin, ou "cariatide". (Atelier de Kerjean, Leucogranite à muscovite de Berven, 1588).
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Cette cariatide est nue et sa belle poitrine souligne sa grâce, plus que son visage qui nous échappe sous l'effet de l'altération de la pierre. Sa coiffure forme deux boucles qui la coiffe comme des oreilles de Mickey.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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LE PORCHE EXTÉRIEUR.
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L'entrée en plein cintre sculpté, soutenu par des colonnes à tambour, est accostée de deux colonnes corinthiennes cannelées, conforme aux modèles de Philibert Delorme adoptés au château de Kerjean. Le pignon et les contreforts d'angles s'amortissent en lanternons.
La corniche à large moulure porte l'inscription : Mre: JEAN: TOVLLEC Rr: Y: BERTHOV : ET : J : MESGVEN : PROCVREVRS 1765, témoignant d'une restauration ou modification assez sérieuse à cette date. En effet, "en octobre 1760, l'architecte Guillaume Balcon est appelé pour étudier la réédification de l'église. Le sieur de Keramoal-Lucas, expert blasonneur, l'accompagne. Le transept et la nef sont repris à partir de 1766 : linteau daté, ajout d'une voûte basse en berceau dans le clocher et transformation du portail occidental. Le remontage du porche sud est effectué après numérotation peinte en rouge des pierres" . (M. Menant)
—Jean TOULLEC (1707-1777) a été recteur de 1748 à 1777.
—Yves BERTHOU (10 février 1719-31 juillet 1783), cultivateur, est qualifié d'Honorable Marchand, demeurant au Manoir du Ferz à Lanhouarneau. Il a été capitaine de la paroisse (équivalent de "procureur" je pense). Il a épousé vers 1739 Françoise Yvonne LE GUEN. Dans sa fratrie figure Hamon Berthou curé de Lanhouarneau.
Son ancêtre Jean Berthou avait fait construire le manoir du Fers en 1660 et y avait fait graver ses initiales avec celles de son épouse.
"Le Fers", à Lanhouarneau, apparaît sur Google Maps comme une, ou plutôt deux ou trois grosses exploitations d'élevage agricole. Existe-t-il encore des bâtiments anciens ? La notice de l'Inventaire décrit Le Fers Vras, en grès et granite, datant vers 1900.Il y a Le Fers, Le Fers Vras, Le Fers Bian et Le Fers Kerhilliguy. Le lieu-dit est mentionné sur la carte de Cassini, comme Tréfalégan.
Yves Berthou est marchand de toile : lorsqu'en 1785, à l’occasion de l’inventaire après décès du plieur de toile Ollivier Péton, de Landerneau, on découvre dans son grenier une boîte « contenant cinquante sceaux en bois gravés du nom et de la marque particulière de chaque fabriquant », deux noms de marchands sont de Lanhouarneau : le sien et celui de F. Nicolas.
Un post du forum CGF est consacré aux BERTHOU de Lanhouarneau.
On lit, dans les Antiquités de Bretagne (1832) de Fréminville : "En entrant dans l'église , à main droite, contre la muraille , est la pierre tombale de Jean Berthou. Son nom y est écrit en grosses lettres, mais sans aucune autre espèce d'épitaphe".
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— Jean MESGUEN, cultivateur, est né le 7 octobre 1751 au manoir de Tréfalégan, où il décéda le 29 avril 1806. Il avait épousé en 1785 Catherine BARS.
Un homonyme, cultivateur sachant signer, qualifié d'Honorable Homme, est né vers 1716 au manoir de Tréfalégan où il est décédé le 2 mai 1803. Il avait épousé en 1747 Honorable Femme Marie KEROUANTON.
Le manoir de Tréfalégan, à 800 m au nord-est de l'église, avait appartenu à Sébastien de Rosmadec puis à la famille Thépault dont il porte les armoiries.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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L'entablement est soutenu par deux colonnes cannelées, rudentées au tiers inférieur et baguées, en leucogranite à muscovite de Berven (L. Chauris) mais dont le chapiteau corinthien est en kersanton.
Près de ces chapiteaux, des anges présentent des cartouches en cuir découpé à enroulement, centrés par des masques anthropomorphes entourés d'un collier de perles de gros diamètre : l'influence du style bellifontain introduit au château de Kerjean est patent.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Les soubassements des contreforts, en granite de Sainte-Catherine, sont sculptés de masques (mi-humains mi-léonins) dans un encadrement rectangulaire de palmes.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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L'INTÉRIEUR DU PORCHE.
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Cet intérieur a été reproduit en 1614 par Jean Bouricquen. Si son dessin est peu fidèle dans sa représentation du porche sud, il propose un intérieur coloré : les statues des apôtres et les arabesques le long des parois, la statue du Christ bénissant et les voûtes du couvrement sont polychromes ; les dessins des voûtes semblent représenter des anges.
Le bénitier à godrons, la frise et le soubassement des statues et colonnettes sont en granite de Sainte-Catherine facies b (L. Chauris).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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La statue du Christ Sauveur (kersantite) dans la niche centrale.
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Comme sous le porche de Dirinon ou celui de Bodilis, le Christ, jambe gauche en avant, bénit de la main droite (brisée) le globe terrestre ou orbe tenu de la main gauche (brisée).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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L'inscription.
Elle est gravée, d'une main maladroite, sur les liernes du porche sur la croisée d'ogives. Marie-Dominique Menant a relevé :
M. E. BARS. CURE. 1582. F. RICHART. FAB. H. NOAL. FAB. NOB. ET. VEN. PER. M. G... REC
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Je propose de lire :
1°)
M : E : BARS : CVRE. 1588 /
Soit "Messire E. BARS curé en 1588".
La famille BARS est attestée sur la paroisse à cette date (on sait que les curés sont recrutés localement) : voir infra.
Ce changement de date créerait une rupture avec tous les auteurs datant ce porche de 1582 ou 1584 (d'après les armoiries de Carman-Maillé). Ma lecture, cliché à l'appui, semble assez fondée.
Nous savons par les archives qu'un Jean BARZ était fabricien de la paroisse en 1553, date à laquelle il a commandité avec Hervé Calvez la réalisation de la croix de Croas ar C'hor par l'atelier Prigent de Landerneau.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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2°)
F : RICHART : FAB.
F[rançois?] RICHART Fabricien.
Les généalogistes signalent François RICHART, cultivateur, né vers 1570 à Goasven, Lanhouarneau et décédé au même lieu vers 1638, marié vers 1590 à Marie GRALL.
On remarque que sa sœur Barbe a épousé Alain BARS.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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3°)
H : MOAL : FAB.
Soit "H. Moal, fabricien".
Les paroisses élisent chaque année deux fabriciens : voici donc le second.
Je propose de reconnaître ici Hervé MOALIC, né vers 1580 à Plounéventer (pour l'instant, ça ne colle pas), mais marié vers 1610 à Lanhouarneau avec Plesoue BARS, fille d'Alain BARS et de Barbe RICHART (décédée en 1636) mentionnés supra.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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4°)
NOB : E : VEN : PER : M : --- REC
Soit "Noble et vénérable personne messire --- recteur".
Je ne parviens pas à un meilleur résultat, et le nom de ce recteur nous échappe encore. Mais résisterait-il à de nouvelles tentatives et à des éclairages différents ?
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Les douze apôtres du Credo apostolique (kersanton).
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Ces apôtres, pieds nus et tenant le livre qui les caractérisent tous, tiennent chacun le phylactère où était jadis peint l'article du Credo qui leur est attribué. Ils sont vêtus du manteau et de la robe dont la fente pectorale est fermée par des boutonnières à languettes en S, caractéristique des ateliers de kersanton de Landerneau (atelier Prigent, puis Maître de Plougastel, puis Roland Doré puis Jean Bescont).
Toutes les têtes ont été refixées au ciment, quelques mains, doigts ou attributs ont disparu.
Attribution.
Ces statues ne sont pas attribuées par Emmanuelle Le Seac'h dans son Catalogue des ateliers de sculpture de Basse-Bretagne du XVe au XVIIe siècle, mais cette auteure ne semble pas s'être attardée à Lanhouarneau. Si on les estime contemporaine du porche, donc en 1588, elles correspondent à la période d'activité du Maître de Plougastel (1570-1621), très actif dans le Léon et auteur par exemple avec son atelier du Christ Sauveur de Bodilis, ou des termes gainés de Saint-Thégonnec. Mais on ne connait de cet atelier que les séries d'apôtres placés à l'extérieur des églises de Confort-Meilars et de Saint-Tugen en Primelin, ou le saint Pierre de Plogoff. On pourra les comparer ici :
On y retrouve la manière de traiter les visages, et certains traits, comme le livre coincé sous l'aisselle, la ceinture serrant quelques robes, la façon de caractériser saint Matthieu par sa balance, etc. Je propose donc cette hypothèse.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Pierre et sa clef (brisée).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Apôtre non déterminé. Saint Thomas ?
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Jacques le Majeur, son chapeau frappé de la coquille et son bourdon.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Jean tenant la coupe de poison.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Philippe avec sa croix (brisée) à longue hampe.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Jacques le Mineur avec son bâton de foulon (brisé).
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Les six apôtres du coté ouest.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint non déterminé. Saint Matthias tenant sa lance ?
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Comparer avec :
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Matthieu tenant la balance du publicain.
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Comparer à :
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint non déterminé. Barthélémy et son coutelas à dépecer ?
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint non déterminé. Saint Jude tenant son épée ?
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Comparer à :
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint André et sa croix en X.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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Saint Simon et sa scie.
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Porche sud de l'église Saint-Hervé de Lanhouarneau. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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— AGRALL (Jean-Marie), 1918, Notice sur Lanhouarneau, BDHA, Kerangall, Quimper.
— BOURICQUEN, Jan. Bref estat es preminences du marquis de Kerman et conte de Seszploe de mesme quelles sont es eglisses covent et chapelles tant en pierre boys viltres que lisières en Leon. Visite recuilli es ce presant livre faict pour hault et puissant mesire Charles de Maillé chevalier de l'Ordre du roy, gentilhomme ordinaire de sa chambre, seigneur marcquis de Kerman conte de Seizploue, baron de la Forest, [etc], par son peintre et vistrier humble et fidel serviteur Jan Bouricquen en 1614.
— CHAURIS (Louis), 2006, « Éclairage lithologique sur l’église de Lanhouarneau (Finistère) : XIVe-XVIe-XVIIIe siècles », Revue archéologique de l'Ouest, 23 | 2006, 117-149.
https://journals.openedition.org/rao/156
— COUFFON (René) Le BARS (Alfred), 1988, Lanhouarneau, in Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, 552 p.
— LE GUENNEC (Louis),1932, « Prééminences de la famille de Carman », Bulletin archéologique de l’Association bretonne, 44, 1932, p. 98-137.
— LE GUENNEC (Louis), "Lanhouarneau", in Morlaix et sa région. Quimper 1979
"-Lan Hoarneu, vers 1330; (Terre d'Huvarné, ou de saint Hervé). Ce fils d'Harvian et de Rivanone, sœur de saint Rivoaré, naquit vers 520 au manoir de Lanrioull, en Plouzévédé. Hervé, qui était aveugle de naissance, passa la plus grande partie de sa vie à Lanhouarneau, et y mourut. II fonda un monastère en ce lieu sur une révélation du ciel qui lui commanda de s'y fixer. Le champ appartenait à un paysan nommé Ioncour et celui-ci, sans refuser de le donner au saint, lui demanda d'attendre jusqu'à la moisson, afin de pouvoir récolter son blé. Hervé promit au paysan qu'il n'y perdrait rien; le blé fut coupé en herbe, engrangé, et l'août venu, il se trouva très mûr tout en fournissant le double en grains. Dans une crypte de l'église, on voyait jadis, dit Kerdanet, la tombe du saint aveugle sculptée par le « tailleur d'imaiges » Coyé. Ce mausolée n'existe plus, mais le trésor conserve une relique de saint Hervé contenue dans un bras de bois revêtu d'argent.
L'église est surmontée d'une massive tour gothique à balustrade en quatrefeuilles, elle offre tous les caractères du XIIIe siècle, et se termine par une flèche ajourée d'étoiles et de rosaces que flanquent quatre épais clochetons.
Sur le porche latéral sud, belle œuvre de la Renaissance bretonne, on lit la date de 1582. L'entrée en plein cintre sculpté, soutenu par des colonnes à tambour, est accostée de deux colonnes corinthiennes cannelées. La corniche à large moulure porte l'inscription : Mre: JEAN: TOVLLEC Rr: Y: BERTHOV : ET : J : MESGVEN : PROCVREVRS 1765. Le pignon et les contreforts d'angles s'amortissent en lanternons.
A l'intérieur du porche, des niches à coquille, séparées par des colonnes d'ordre ionique, abritent les statues des douze Apôtres; le soubassement est divisé en panneaux offrant des têtes grimaçantes et grotesques, comme à Guimiliau et Bodilis. Au-dessus de la porte du fond, est une statue de Notre-Seigneur.
L'église en partie du XVIe siècle, remaniée au XVIIIe siècle, a une nef très élevée et un transept. L'abside est percée de trois hautes fenêtres garnies de forts beaux vitraux modernes, représentant des scènes du Nouveau Testament, fabriqués en 1868 à Lanhouarneau même, par H. Laurans, dont l'atelier existait encore à la fin du siècle dernier. On s'étonne de trouver là ces belles verrières qui, pour la richesse et l'harmonie du coloris, peuvent rivaliser avec les meilleures productions du xvre siècle.
A l'angle sud-ouest du cimetière contre lequel est un lech octogone, il y a un ossuaire de la Renaissance, dont la façade est décorée de colonnes ioniques. Dans cet ossuaire, aujourd'hui transformé en chapelle, on remarque un très joli bénitier en granit, aussi de la Renaissance, où la fantaisie de l'artiste a représenté un diablotin furieux d'être obligé de porter la cuve du bénitier. Une pierre tombale aujourd'hui déposée au musée de Kerjean fut découverte en relevant les dalles du chœur. Elle porte l'effigie mutilée d'un chevalier que le lion héraldique sculpté sur son corselet fait reconnaître pour un seigneur de Coatmerret du nom de Launay. On trouva en même temps, paraît-il, une autre dalle chargée d'une effigie d'ecclésiastique, que les ouvriers auraient détruite sous l'œil indifférent du recteur. Au sud du bourg le manoir ruiné de Coatmerret, posé sur la crête d'un ravin abrupt, fut jadis une importante seigneurie avec haute justice. Le grand portail gothique de l'entrée et les ruines de l'édifice principal qui n'offrent plus que quelques pans de murs indiquent le xve siècle. A l'entrée de l'avenue gisent, près d'une fontaine, les débris d'une belle croix armoriée de deux écussons, l'un chargé d'un lion, l'autre mi-parti d'un lion et d'un coupé d'un lion et d'un burelé de dix pièces. Ce sont les armes de Guillaume de Launay, seigneur de Coatmerret en 1460, et de sa femme Marguerite de Lesquélen, de la maison de Penfeunteniou. Leur petite-fille et héritière Louise de Launay, dame de Coatmerret, épousa en 1520 Rolland de Kersauson, seigneur dudit lieu."
— TOSCER, (G.),1916 Le Finistère pittoresque. Brest : A. Kaigre, . p. 510-511
— WAQUET, (Henri) 1960. L'art breton. Grenoble : Arthaud. Tome II, La Renaissance. p. 42, 117, 110, 113, 143.
Dans l'enclos paroissial Saint-Milau de Giumiliau, deux éléments sont bien connus pour témoigner de la réalité du culte de saint Yves de Kermartin : une statue, géminée avec Jean, du saint sur le calvaire (1581-1588) ; et le groupe du saint entre le Riche et le Pauvre sur le retable de Saint-Joseph (XVIIe siècle).
Mais un troisième éléments est plus confidentiel, c'est le panneau de kersanton en bas-relief qui inaugure, à l'ouest, la frise intérieur du porche, juste avant une scène plus fameuse de la Création d'Ève.
René Couffon (et avec lui de nombreux auteurs) passe la scène sous silence.
a) Dans sa description de 1883 (reprise en 1912 et 1924) le chanoine Abgrall décrit ce panneau, mais n'identifie pas le saint :
"Dans la même frise du côté gauche en entrant, il faut noter deux scènes singulières sculptées en bas-relief: d'abord un petit personnage presque en ronde-bosse, portant une aumusse et une tunique couvertes d'hermines ; puis deux personnages à genoux ou estropiés: l'un crie et est surmonté d'une tête cornue et à longues oreilles, la femme prie et porte un chapelet; ensuite un estropié n'ayant qu'une jambe, marchant à l'aide de béquilles; enfin une sorte de Père-Eternel, les mains levées ."
b) Il est par contre bien identifié par Victor-Henry Debidour en 1953, mais ce dernier ne décrit que partiellement la scène :
"Il [Saint Yves] se fait plus petit encore sous le porche de Guimiliau , sous les apôtres , pour protéger une bonne femme à genoux qui dit son chapelet et un éclopé."
c) Emmanuelle Le Seac'h la décrit ainsi :
"Sur le bas-relief mitoyen [ de la Création d'Ève], un homme [sic] à genoux égrène son chapelet accompagné d'un personnage agité. Celui-ci, qui s'arrache les cheveux, est surmonté d'une tête cornue. Un estropié s'appuie sur ses béquilles. Un dernier personnage lève les bras au ciel. Les quatre compères reçoivent la bénédiction de saint Yves vêtu d'une chasuble à capuchon rabattu. Des hermines sont plaquées sur le camail et sur le bas du surcot. " (p. 196-197).
Je ne peux prétendre avoir lu tous les auteurs, mais je ne parviens pas à trouver d'autres descriptions que ces trois là. Yves-Pascal Castel, dans son article Saint Yves et ses statues, identifie bien ici saint Yves par les hermines de son camail, mais ne décrit pas la scène.
Pourtant, il me paraît clair que saint Yves, dont on ne peut dire s'il est à genoux ou si le bas du corps est tronqué, est tourné vers le personnage à sa gauche vers lequel il tend une main. La main droite est brisée, mais nous pouvons supposer un geste de bénédiction.
Il me paraît également clair que le deuxième personnage est une femme, vêtue d'une tunique longue, qui est tombée à demi à terre et qui s'arrache les cheveux, tous en criant avec la bouche ouverte en "o".
Il est non moins indiscutable que la "tête cornue à longues oreilles" est celle d'un démon, qui s'échappe du crâne de la malheureuse comme dans toutes les scènes d'expulsion du diable sous l'effet d'un exorcisme, ou du moins de la guérison miraculeuse d'un ou une possédée.
Il faut donc conclure ici à une représentation de saint Yves guérissant une possédée en pleine crise de convulsion.
Or, je ne trouve aucun autre exemple de cette scène, ni en iconographie (laquelle est consacrée en majorité au saint rendant la justice, le plus souvent entre le Riche et le Pauvre), ni dans les textes, et notamment pas dans la Vie de saint Yves d'Albert Le Grand, qui énumère les 29 miracles de sa canonisation. L'abbé France fait mention d'un possédé, du nom d'Alain de Tresleveur, mais le récit de sa guérison ne correspond pas à la scène ici représentée.
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Il ne me reste plus qu'à soumettre cette hypothèse à mes lecteurs et à les supplier de me faire connaître leur point de vue.
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Datation .
Sur cette frise, le troisième panneau ouest porte la date de 1606. Celle-ci détermine forcément, au minimum, toute la frise ouest.
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Attribution.
Emmanuelle Le Seac'h attribue à l'atelier landernéen du Maître de Plougastel (1570-1621) le porche sud, ou du moins une partie des piédroits et toutes les voussures de l'arcade extérieure ; les 14 masques des contreforts ; et à l'intérieur le bénitier, les termes gainés et deux apôtres Pierre et Jean, le tout en kersanton.
Elle attribue à son assistant, qu'elle nomme "le Valet du Maître de Plougastel", et pour ce porche sud, quatre scènes de l'arcature du porche, tous les bas-reliefs de la frise intérieure, et deux chapiteaux de la porte d'entrée. En kersanton également.
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Panneau de saint Yves exorciste et thaumaturge (kersanton, 1606) du porche de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
Panneau de saint Yves exorciste et thaumaturge (kersanton, 1606) du porche de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
Panneau de saint Yves exorciste et thaumaturge (kersanton, 1606) du porche de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
Panneau de saint Yves exorciste et thaumaturge (kersanton, 1606) du porche de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
Panneau de saint Yves exorciste et thaumaturge (kersanton, 1606) du porche de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le troisième personnage est, à mon sens, la mère de la jeune fille : agenouillée, mains jointes, le chapelet à la ceinture, elle prie, et montre sa confiance dans les pouvoirs du saint.
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Panneau de saint Yves exorciste et thaumaturge (kersanton, 1606) du porche de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le quatrième personnage est un "estropié", amputé de la jambe gauche sous le genou, et qui se déplace entre deux béquilles. Il est barbu, et vêtu comme un paysan, d'un chemise, d'une cotte à manches courtes (plissée à la taille au dessus d'une ceinture), de braies et de guêtres. Les détails de la coiffure peuvent correspondre à un béret.
Demande-t-il au saint une improbable guérison, ou plutôt l'assistance pour se nourrir et se vêtir ?
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Panneau de saint Yves exorciste et thaumaturge (kersanton, 1606) du porche de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le dernier personnage, barbu et les cheveux longs dressés en épi sur la tête ou encadrant le visage , n'est certainement pas " le Père-Eternel" qu'y voyait Abgrall. Il est maigre, torse nu et ne porte qu'un pagne. Il est agenouillé et lève les deux mains, dont il nous présente les paumes.
J'y verrais un "ravi", un pauvre émerveillé par le miracle auquel il assiste. On ne peut exclure un Christ montrant les plaies de ses mains, mais cela n'a aucune cohérence avec le reste du panneau.
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Panneau de saint Yves exorciste et thaumaturge (kersanton, 1606) du porche de l'église de Guimiliau. Photographie lavieb-aile 2021.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1883, L'église de Guimiliau, Bulletin de la Société Archéologique du Finistère.
"La corniche qui soutient ces statues est couverte de fines sculptures dans les intervalles qui séparent les modillons. Ces modillons eux-mêmes sont ornés de représentations variées. Sous cette corniche est une frise où l'on remarque des têtes saillantes ayant un caractère étrange. On croit y reconnaître la personnification des différents vices : orgueil, jalousie, avarice, colère, moquerie, vanité ou coquetterie accompagnée d'un paon.
Dans la même frise, du côté gauche en entrant, il faut noter deux scènes singulières sculptées en bas-relief : d'abord, un petit personnage presque en ronde-bosse, portant une aumusse et une tunique couvertes d'hermines ; puis, deux personnages à genoux ou estropiés : l'un crie et est surmonté d'une tête cornue et à longues oreilles, la femme prie et porte un chapelet ; ensuite, un estropié n'ayant qu'une jambe, marchant à l'aide de béquilles; enfin, une sorte de Père-Eternel, les mains levées.
La seconde scène représente le Seigneur créant Eve, qui sort du côté d'Adam endormi. Tout autour, se voient les animaux de la création. Dans le panneau suivant, on lit la date de 1606. Enfin, au côté opposé, dans le dernier panneau, près de la porte, se trouve saint Jean baptisant Notre Seigneur. Au fond du porche, deux portes séparées par un trumeau donnent accès dans l'église. Sous les chapiteaux des chambranles, on voit d'un côté deux personnages nus, représentant les pécheurs retenus captifs par un lion qui figure le démon ; de l'autre, deux hommes sont liés ou semblent lutter ; leurs jambes sont couvertes de poils épais et sont terminés par des sabots fourchus. Les arcs des portes sont divisés par des claveaux saillants et par une clef sculptée. Au trumeau est adossé un joli bénitier porté sur une colonnette cannelée. Au-dessus du bénitier, un ange à genoux tient deux goupillons; il est surmonté d'un dais orné de pilastres, gaines, cariatides, petites niches, etc... Dans les côtés, deux colonnes à tambours cannelés, bagues sculptées et chapiteaux ioniques, supportent l'entablement, et dans le tympan, une niche, accostée de deux gaines et cariatides, renferme une statue de Notre Seigneur bénissant, revêtu dune robe longue aux plis raides et serrés presque analogues à ceux des statues romanes de Chartres et d'Angers. Le porche est couvert d'une voûte découpée par de belles nervures, qui forment au milieu un pendentif assez remarquable."
— ALBERT LE GRAND La vie des saints de la Bretagne Armorique 1901 (pp. 163-191).
— CASTEL (Yves-Pascal), 2004, "Saint Yves et ses statues", in Saint Yves et les Bretons, culte, images, mémoire, (1303-2003) sous la direction de Georges Provost, Presses Universitaires de Rennes.
https://books.openedition.org/pur/22411?lang=fr
"On signalera, revendication d’une appartenance bretonne, les hermines héraldiques brodées sur le surcot du bas-relief dans le porche de Saint-Houardon à Landerneau, celles qui se devinent dans les plis de la tunique à la porte d’entrée de Bodilis, et telles autres sur le camail au porche de Guimiliau, des œuvres qui datent toutes du xviie siècle."
Saint Yves est couramment placé au rang des saints les plus honorés : par exemple, en pendant de saint Pierre sur les croix. (Notre-Dame de Lorette en Irvillac, Sainte-Marie du Ménez-Hom. Il est encore à la place d'honneur à la croix de Commana, du Port-Blanc, à Saint-Adrien de Plougastel, à Guimiliau, etc.).
Il se loge discrètement aux piedroits des porches, reconnaissable à son collet d'hermines, délicat insigne à la fois de sa justification et de sa province. On l'y trouve à Landivisiau, Bodilis, Kergris-Mëlou, où il est même flanqué, dans les deux gorges voisines du piedroits, des deux plaideurs, au porche ouets.
Il se fait plus petit encore sous le porche de Guimiliau , sous les apôtres , pour protéger une bonne femme à genoux qui dit son chapelet et un éclopé."
Groupe de saint Yves entre le Riche et le Pauvre sur les Calvaires de Plougonven, de Kergrist-Moëlou, de Pestivien, de Lanrivain. Ou sur la façade de Notre-Dame du Folgoët. Au Cloître-Pleyben.
Niches ou retables : Dinéault, Saint-Herbot, Gouézec, Minihy-Tréguier, Saint-Vénnec, à la Trinité de Melgven, Locmélard en Plounéventer, Tréguier, Evéché de Quimper, Pleybn, Tréguennec, Trémarec, Huelgoat, Sainte-Avoye.Plonéis, Saint-Thois.
Vitraux : Moncontour
—FRANCE (Abbé), 1893, Vie de saint Yves
https://fr.wikisource.org/wiki/Saint_Yves/II
"Un jour, dit Yves L’Hauspice ou L’Hostis, j’entendis parler de quelqu’un qui était possédé du démon. Je l’amenai au recteur de Louannec, et il me suivit sans difficulté. Yves l’interrogea et lui demanda si c’était vrai que le diable le possédait. — Oui, répondit ce malheureux, et très souvent il me tourmente en me faisant entendre sa voix. — Commencez, lui dit le saint, par confesser tous vos péchés. — Après sa confession, continue le témoin, interrogé de nouveau, il répondit : Je sens la présence du démon, il me menace de toutes sortes de tourments et me demande pourquoi je l’ai conduit ici, promettant de me faire bien expier ma faute, la nuit prochaine. — Il en a menti, dit le saint ; vous resterez ici, vous mangerez et dormirez chez moi, et l’on verra si le démon ose encore vous attaquer. »
Ce malheureux prit donc l’hospitalité chez le bon recteur ; Yves bénit le lit où il le fit coucher et veilla toute la nuit dans l’étude et la prière. Le possédé dormit très bien, ce qui ne lui était pas arrivé depuis trois ans, et se trouva complètement guéri. — « Rendez grâce à Dieu, dit le saint prêtre, et de mon côté j’en ferai autant. Retournez ensuite chez vous, aimez à entendre la messe et les sermons et faites l’aumône autant que vous le pourrez. Priez Dieu et observez ses commandements, afin que le démon n’ait plus recours sur vous. »
Ce possédé s’appelait Alain de Tresleveur, du diocèse de Tréguier. Plusieurs témoins ont attesté ce prodige, entre autres Hamon Le Flem, reclus de la paroisse de Louannec, et Guillaume, le propre fils du possédé, qui entre dans les détails les plus affreux sur les souffrances que son père endurait de la part du démon. Cette guérison ne fut pas sans doute la seule opérée par le saint prêtre, mais c’est celle dont les circonstances ont été relatées avec le plus de développements par un témoin oculaire."
— LE GUILLOU (J-P.) 1989, "Saint Yves : ceux qui l'ont connu témoignent, ceux qu'il a guéris racontent (enquête de canonisation)", Henry, Pédernec. Non consulté
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Notice sur Guimiliau, Extrait de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm.
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395 Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014 Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut.
— NANTEUIL (Alfred DE LA BARRE DE ), 1914, Guimiliau (S.F.A. - C.A. 1914) Non consulté.
—PRIGENT (Christiane) 1986, Guimiliau (Châteaulin, 1986). Non consulté.
—ROYER (E.)1979 : Guimiliau (Rennes, 1979) . Non consulté.
—TUGORES (M.M.) 1979 : Eglise Saint-Miliau, la tribune des orgues (B.S.A.F. 1979) Non consulté.
Les Termes (cariatides et atlantes) en kersanton du porche sud (1599) et de l'ossuaire ( Jean Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec.
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Je continue à colliger une documentation iconographique sur les œuvres de la Première et Seconde Renaissance en Bretagne, inspirées de l'art à la grotesque, et de l'École de Fontainebleau, et je m'intéresse maintenant aux Termes, Cariatides et Atlantes que les architectes et sculpteurs bretons ont créés en Finistère à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle. On les attribue, pour les premières réalisations, à l'atelier qui a travaillé à l'édification du château de Kerjean en Saint-Vougay vers 1570, et qui a introduit dans le Léon les nouveautés stylistiques de la Seconde Renaissance de l'École de Fontainebleau (1539) diffusés par des recueils comme ceux de Sebastiano Serlio (1537) et d'Androuet du Cerceau (vers 1550).
Le couple de termes masculin et féminin de l'entrée du château de Kerjean est repris (encadrant une sculpture du patron du sanctuaire) au fronton du porche sud de Lanhouarneau en 1582, au fond du porche de Saint-Thégonnec en 1599, au fronton du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau en 1604, puis au fronton de la porte de l'ossuaire de La Martyre en 1619, et de l'ossuaire de Saint-Thégonnec en 1676. Toujours en kersanton.
Ce sont des "termes" car leur piètement est en forme de bornes, mais aussi des "cariatides" et "atlantes" (voire des "télamons"), car ils supportent sur leur tête, par un chapiteau ionique, un entablement. Face à ce flottement sémantique, il vaudrait mieux désigner ces figures comme des "supports anthropomorphes". J'ai choisi de rester simple, au prix de l'incorrection.
On retrouve aussi cet ornement, décliné avec beaucoup d'imagination, en granite à l'intérieur du porche de Bodilis (1570-1601), ou sur la façade de l'ossuaire de Sizun (1585), et, en sculpture sur bois, sur les jubés et clôtures de chœur de La Roche-Maurice, et de la chapelle Saint-Nicolas en Priziac.
Sans compter— mais c'est essentiel —les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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PRÉSENTATION.
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L'enclos paroissial de Saint-Thégonnec, situé en Léon près de la voie express n°12 Rennes-Brest, est l'un des plus fameux et des plus visités, avec son "arc de triomphe", son ossuaire, son calvaire, et son église, édifiés entre 1520 et 1667. Il a été magnifiquement restauré après l'incendie du 8 juin 1998
Pourtant, et bien que le rôle de l'atelier des sculpteurs du château de Kerjean soit reconnu pour la construction de la porte triomphale entre 1587 et 1589, il est difficile de trouver mention (et a fortiori description) de ses deux couples de termes. François Quiniou décrit "deux cariatides à gaines coiffés de la volute ionique" de l'ossuaire, Yves-Pascal Castel les "deux termes, mâle et femelle" du même ossuaire, mais c'est Emmanuelle Le Seac'h qui décrit avec précision ces "termes gainés homme et femme" . Par contre, le couple des mêmes figures, à l'entrée sud de l'église, est passé sous silence.
Quand aux photographes, ils ne publient pas en ligne les clichés de ces figures ; Mais la façade de l'ossuaire est presque tout le temps dans l'ombre ( peut-être devrais-je tenter ma chance, au lever du jour en été ?) et le fond du porche reste plongé dans une ombre colorée de moisissures verdâtres.
On voudra bien pardonner l'exceptionnelle médiocrité de mes clichés.
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LE FRONTON DU PORTAIL INTÉRIEUR DU CLOCHER-PORCHE. LA VIERGE À L'ENFANT ENCADRÉE DE DEUX TERMES GAINÉS MASCULIN ET FÉMININ (KERSANTITE,1599).
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La date de 1599 est inscrite sur le bénitier à droite de l'entrée : elle s'applique a priori également à ce portail intérieur. Notons que le porche extérieur porte la date de 1605, et le cadran solaire celle de 1606.
La porte de plein cintre, dont on remarquera l'agrafe en S au décor d'acanthe, est encadrée par deux colonnes engagées à chapiteau ionique, qui supportent un entablement assez sobre.
Cet entablement est dominé par une niche à coquille, et c'est elle qui est encadrée par les deux termes qui, dans leur fonction de colonnes, soutiennent un fronton curviligne à trois pots-à-feu. Cet ensemble supérieur est épaulé par deux volutes en "S".
On comparera cette porte à celle de la tour clocher de Goulven (1593), rapprochée par Couffon de celle de Saint-Thégonnec et de Pleyben.
On comparera également cette disposition au porche extérieur de Lanhouarneau (1582) avec ses deux termes entourant la Vierge.
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge à l'Enfant.
Elle est couronnée et voilée, et tient l'Enfant sur le bras droit. Le pan du manteau est fixé par une agrafe au poignet gauche, ce qui engendre un doux et ample plissé. Le visage est joufflu, les mains manquent de délicatesse. L'Enfant, vêtu d'une tunique longue, est figuré en Sauveur, bénissant et tenant le globe terrestre.
Que donnerait-elle si elle sortait de sa pénombre et que le soleil venait magnifier le travail du sculpteur sur le kersanton ?
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La cariatide.
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Le visage est large, le nez épaté, la bouche petite, les yeux soulignés par d'épaisses paupières, et les cheveux longs forment deux masses latérales.
Elle porte un chapiteau dont la volute ionique est marquée par trois indentations.
Son buste à la poitrine nue et aux bras placés en arrière est posé sur la pyramide tronquée à deux étages cannelés.
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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L'atlante.
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Ce pilastre partage avec le voisin le motif anthropomorphe, le chapiteau à volute ionique et le pilier pyramidal tronqué à deux étages cannelés.
L'homme est barbu (un drôle de collier torsadé ou taillé dru), et son visage très grossièrement sculpté est vaguement léonin. Ses mains, croisées sur la poitrine, sont mal dessinées, avec cinq doigts isomorphes en éventail.
Je remarque que dans les deux cas, le pilier à deux étages est plus large que le buste de la figure, et qu'il dissimule entièrement l'abdomen, à la différence des nombreux termes où le ventre et bas-ventre sont recouverts d'un pagne, souvent feuillagé.
Cette caractéristique écarte, parmi les très nombreux modèles des recueils de gravure, de nombreux exemples. Mais inversement, elle en retient quelques-uns, comme les cheminées d'Androuet du Cerceau (Second Livre, 1561):
S'il faut conjuguer cette caractéristique à celle des piliers cannelés, la sélection s'amenuise.
http://www.fr-ornement.com/fr/node/123
Et si nous exigeons maintenant un pilier cannelé à deux étages, je déclare forfait, après avoir consulté (trop rapidement je l'avoue) les 12 pages du site Ornement.
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Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Conclusion.
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Ce porche intérieur est de style Renaissance, et on mesurera (bien que ce style soit déjà introduit en France depuis plus d'un demi-siècle) combien il est audacieux d'encadrer une statue de la Vierge de ces figures issues du paganisme romain, en remplacement des anges prosternées, orant ou thuriféraires présents, par exemple, au dessus du porche sud de la cathédrale de Quimper.
Néanmoins, la repris des termes hermaïques fusionnées en statues-colonnes soutenant un portique sont parfaitement à leur place ici dans leur fonction de marquage d'un seuil ; et c'est aussi dans cette fonction que Sebastiano Serlio les place sur un frontispice ou dans un encadrement de cheminée, ou qu'Androuet du Cerceau les utilise sur une porte monumentale, ou que Jean Goujon les propose pour la Joyeuse Entrée d'Henri II à Paris.
"Ces « musées en plein vent » que sont les enclos paroissiaux symbolisent l’âge d’or du Léon et, notamment, du pays julod. S’ils manifestent l’importance de la foi chez nos aïeux, ils rappellent également la prospérité toilière, de même que l’aisance qui s’ensuit. Celle-ci concerne, surtout, les paysans-marchands mais touche également les autres paysans comme l’atteste la considérable augmentation de la population du pays toilier entre 1600 et 1675 : entre ces deux dates, les effectifs de la paroisse de Guiclan passent d’environ 1 125 à 2 525 habitants et ceux de Saint-Thégonnec de 1 775 à 3 750. Cette évolution est d’autant plus remarquable qu’à cette époque l’ensemble de la France traverse une période de crise économique et démographique." (L. Élégouët, Les Juloded)
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COMPLÉMENT. LA FRISE DU PORCHE INTÉRIEUR.
(Les 4 statues d'apôtres des niches, attribuées au Maître de Plougastel ou à Roland Doré, seront décrites ultérieurement).
1°) Coté gauche.
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On y trouve une succession de cartouches de cuirs découpés à enroulement, typiques du style bellifontain, et centrés par des masques de femmes coiffées d'un bandeau noué , des masques léonins, ou d'une feuille.
Les quatre masques féminins reprennent ce motif —déjà signalé sur les décors de l'atelier de Kerjean (Bodilis, N.-D. de Berven), et dérivé des modèles de gravure d'ornements de la Seconde Renaissance — où la femme est coiffé d'un bandeau noué sur les tempes et descendant en voile autour du menton en couvrant la gorge comme une guimpe. Il est amusant de voir comment notre sculpteur anonyme le décline à sa façon.
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Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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2°) Coté droit.
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On y trouve trois feuilles identiques, un masque de lion, et deux masques différents de femme portant le bandeau noué et le voile-guimpe.
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Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Frise (granite, 1599) de l' intérieur du clocher-porche (1599) de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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LE FRONTON DU PORTAIL DE L'OSSUAIRE. LA STATUE DE SAINT-POL-AURÉLIEN ENCADRÉE DE DEUX TERMES GAINÉS MASCULIN ET FÉMININ (KERSANTITE, JEAN LE BESCOND, 1676).
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À la différence du portail intérieur de l'église, je dispose de beaucoup plus d'informations sur cet ossuaire. À commencer par le nom de son architecte, Jean Le Bescont (vers 1664-1682). Ce dernier avait deux ateliers, l'un à Landerneau et l'autre à Carhaix, et il était aussi sculpteur sur pierre. Un bon sculpteur, peut-être formé auprès de Roland Doré à partir de 1650 avant de reprendre son atelier à sa mort en 1663.
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Jean Le Bescont.
Le Seac'h attribue à Jean Le Bescont, sculpteur de kersanton, les séries d'Apôtres du porche de Locmélar daté de 1664 (Apôtre et Dieu Sauveur), ceux du porche de Goulven (Apôtres, Dieu le Père et saint Goulven), et ceux de Dirinon (Apôtres, Dieu Sauveur et statue de saint Divy). Il a produit aussi un bénitier pour Ploudiry en 1680 et celui de La Martyre en 1681, le calvaire de Kerfeunteuniou à Bodilis en 1681 et le calvaire du cimetière de Saint-Eutrope à Plougonven daté de 1655 (vestige : statue de saint Eutrope).
Comme architecte-sculpteur, il est responsable du porche sud de Ploudiry en 1665 et de la reconstruction du chevet de Locmélar entre 1680 et 1681. En 1668, avec Yves Le Guiriec, il obtient le marché de l'aile sud du transept et de la sacristie de Saint-Thomas de Landerneau
À Saint-Thégonnec, il est intervenu à plusieurs reprises comme architecte sur l'église elle-même : il a fabriqué en son atelier de Landerneau les fenestrages du bas-coté nord en 1651 et a édifié le bas-coté sud de 1652 à 1656, après en avoir eu l'adjudication en 1650 comme entrepreneur à Carhaix (Kerhaez).
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Adjudication de l'ossuaire, artisans et tarifs,
"Le deuxième dimanche de février 1676, plusieurs architectes vinrent à Saint-Thégonnec pour assister à la mise en adjudication des travaux à exécuter pour la chapelle ossuaire. « Le second dimanche de février, ayant convenus de M. architecteurs pour voir l’aplacement du reliquaire qu’on vouloit bastir, fait des frais pour la some de quatre livres dix sols [cahier des comptes 1675-1676]. » Jean Le Bescon « architecteur de Khaez » ou Carhaix fut chargé de l’entreprise. Il était en même temps « architecteur, entrepreneur et maître picoteur », et outre son atelier de Carhaix, il en possédait un autre à Landerneau.
Me Jean Le Bescond fut payé d’après le nombre de journées employées par ses ouvriers à la construction de l’ossuaire. Les tailleurs de pierre payés à treize sols par jour étaient : Ivon Huon, Yvon Tanguy, Georges Pouliquen, René Pouliquen. Jean Bescont, Guillaume Tauc, Jacques Hamon, Le Duff et Vincent Tréguier.
Les six premiers travaillèrent jusqu’à la fin de l’entreprise. Les trois derniers ne furent pas employés d’une façon régulière et au bout de quelque temps furent même remplacés par Mathieu Runot, Jean Blez et Yvon le Bescont.
L’architecte mettait lui-même de temps en temps la main à l’ouvrage, probablement pour remplacer quelqu’un de ses ouvriers, ou pour exécuter un travail plus délicat, et recevait pour son salaire vingt-cinq sols par jour.
Les charpentiers percevaient le même salaire que les « picoteurs ». C’étaient Alain Picart, Charles Prigent, Charles Picart et François Chapalain.
Les couvreurs, Hervé Pichon et Yvon Pichon étaient payés douze à treize sols par jour, tandis que les « darbareurs » ou manœuvres ne touchaient que dix sols. Les darbareurs s’appelaient Yan Grall, Charles Prigent et Pierre Berthélé.
Pour l’ensemble des travaux qui durèrent de 1676 à 1681, les tailleurs de pierre reçurent 6.304 livres. Les frais de charrois de pierres de la montagne d’Arrée montèrent à la somme de 2.682 livres. Si l’on joint à ces deux chiffres le salaire des darbareurs, les dépenses en chaux, charbon, pierres de maçonnerie et quelques autres menus frais, nous trouvons que cette chapelle ossuaire revient à la fabrique à la somme de 9.500 livres, la charpente non comprise.
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Construction et fabriciens.
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La construction est faite, comme pour l'église, en granite de la Montagne de Plounéour--Ménez hormis les statues qui sont en kersantite.
On y relève les inscriptions suivantes : "CE RELIQUAIRE FUT FONDE LAN 1676 : LORS Y. BRETON : ET D : CARO F."
Et sur le contrefort à droite sur le façade orientale :
"P MAGVET : YVES FAGOT F. 1677."
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Autrement dit : "Ce reliquaire fut fondé l'an 1676 alors qu'Yves Breton et D. Caro étaient fabriciens" "P. Maguet et Yves Fagot fabriciens en 1677."
Recherches généalogiques.
Yves Breton : peut-être le père de Yves Breton né en 1660.
La famille CARO est attestée, mais il manque un prénom compatible avec le D.
Le patronyme LE MAGUET est attesté sur la paroisse au XVIIe siècle, mais on connait surtout Yves ou Yvon Le Maguet (1638-1688), "marchand", fils de Jean, et habitant Le Cosqueric. Il est nommé comme fabricien (infra) en 1678, donc à 40 ans.
Un Yves FAGOT est connu des généalogistes à Saint-Thégonnec, mais son premier enfant nait en 1688.
Archives. (F. Quiniou)
"Le recteur de la paroisse était à cette époque Jean Armand Harscouët. Les autres prêtres, vicaires ou chapelains, s’appelaient : Thomas Breton, Hervé Spaignol, Jacques La Haye et Guillaume Breton.
Les marguilliers [fabriciens] étaient :
- En 1676, Yvon Breton de Cozlen [Coz Len, au sud-ouest], Pierre Caro de Gouazanlan [Goasallan, Goazallan, tout au sud de la paroisse]
- En 1677, Pierre Maguet de Mengars [Monhars izella et uhella ?, à 500 m. à l'ouest], Yvon Fagot de Penanvern [près de Cosquéric, au sud-est].
-En 1678, Yvon Maguet de Cosquéric, Jean Pouliquen de Brogadéon [au nord-ouest au dessus de la Penzé].
-En 1679, Pierre Le Grand de Broustou [près de Cosquéric et Penanvern, au sud-est], Guillaume Picart du Bourg.
-En 1680, Mathieu Abgrall de Bodenéry[au sud, près de Marquès], François Caro de Mengars.
-En 1681, Hervé Cottain de Gozlen, Hervé Tanguy de Cosquéric.
-En 1682, Olivier Herrou de Kerfeultz. Jean Bras du Fers."
"Il est à peu près certain que la composition socio-professionnelle de la fabrique de Saint-Thégonnec n’est pas différente à la même époque. En 1625, on y trouve François Mazé, Ollivier Breton, Yvon Pouliquen, Jacques Meudec, Yvon Keryoual, Jean Gral, c’est-à-dire des patronymes de marchands de toile (Gac (Yvon), Étude démographique, économique et sociale de Guiclan, Saint-Thégonnec et des paroisses voisines au xviie siècle, (mémoire de maîtrise), Brest, 1971). En 1704, on y signale Jean Thoribé, Jacques Breton, Jean Coadic, Yves Martin, Hervé Madec, Guillaume Madec, Guillaume Le Maguet, François Mer, Ollivier Breton, Alexandre Rioual, François Caro, François Breton, François Floch : le recours aux registres paroissiaux et aux inventaires après décès permet quasiment d’affirmer qu’il s’agit là de marchands de toile. C’est fréquemment, par ailleurs, que l’on remarque des patronymes de Juloded sur les monuments des enclos paroissiaux : ce sont ceux des Pouliquen, Guillerm, Broustail, Madec, Breton, Fagot, Caro, Croguennec, Le Bras... que l’on observe sur les ossuaires, les chaires à prêcher, les fonts baptismaux... voire sur des croix, calvaires et chapelles." (L. Élégouët, Les Juloded)
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Noms des artisans.
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"D'après les sources conservées, on sait que la construction a été réalisée, de 1676 à 1682, avec des tailleurs de pierre dont on connait les noms. Un premier groupe est constitué par Jacques Hamon, Yvon Huon, Le Duff, Georges Pouliquen, René Pouliquen, Yvon Tanguy, Guillaume Tauc, Vincent Tréguier : ils ont reçu pour leur travail 965 livres 10 sols soit 13 sols par jour mais ils n'étaient pas présents tous les jours, à l'exception de Huon, Tanguy, les Pouliquen, Bescont et Tauc.
Un deuxième groupe était constitué par des travailleurs plus occasionnels, à savoir Mathieu Runot, Jean Blez et Yvon Le Bescont. Les pierres étaient taillées directement sur place dans une loge au toit de genêts coupés et charroyés par Jean Laurens pour 15 livres. L'ossuaire coûta 9500 livres, sans la charpente, : avec celle-ci, on dépasserait 10 000 livres, ce qui représente une somme colossale pour l'époque, qui a pu être financée grâce aux revenus de la fabrique liée en grande partie à la production florissante de toiles de lin."
"Au début du xviie siècle, un porche tel que ceux de Guimiliau, de Guiclan, de Commana coûte de 5 000 à 6 000 livres. Commencé en 1593 et terminé en 1639, le clocher-porche de Goulven a coûté 25 000 livres. C’est aussi le prix de revient approximatif de celui de Saint-Thégonnec qui est construit entre 1599 et 1610. Édifié entre 1685 et 1688, le chevet polygonal de Guiclan revient à 5 500 livres. Une sacristie comme celle de Bodilis, construite entre 1677 et 1690, coûte 10 000 livres. Le grand ossuaire de Saint-Thégonnec (1676-1682) revient à 10 000 livres également (Porhel (Jean-Luc), Les chantiers paroissiaux dans le Léon (mémoire de maîtrise), Brest, 1982.). Le prix des travaux de construction effectués à Saint-Thégonnec entre 1599 et 1690 s’élève à 41 400 livres (ossuaire : 10 000 L ; clocher-porche : 25 000 L environ, sacristie (1685-1690) : 6 400 livres)27. Si l’on tient compte de l’inflation, qui est de l’ordre de 75 % entre 1580 et 1690 et de 40 % entre 1600 et 169028, cela représente environ 60 000 livres de 1690. À cette époque, un domestique ne gagne pas 40 livres par an. Une bonne vache vaut une quarantaine de livres ; un cheval, une soixantaine." (L. Élégouët, Les Juloded)
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L'OSSUAIRE. DESCRIPTION.
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"La décoration de l'ossuaire est entièrement classique et reprend les grands thèmes de la Renaissance avec le découpage de la façade en deux étages séparés par une frise qui continue sur les autres faces de l'édifice.
Les angles de l'édifice sont flanqués de contreforts amortis par des lanternons à dômes et décorés d'élégants pots à feu. Un clocheton couronne sommet du pignon nord. Seul le chevet à trois pans s'inspire du style gothique avec des fenestrages à soufflets de l'atelier Beaumanoir mais avec des crochets à volutes classiques."(E. Le Seac'h 2014 p. 297-298)
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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FAIRE LE TOUR DE L'OSSUAIRE ET LIRE L'INSCRIPTION.
Dans la frise qui sépare les deux étages est sculptée une inscription magistrale en grandes capitales romaines qui se continue sur tout le pourtour de l’édifice : C'est une bonne et sainte pensée de prier pour les fidèles trépassés. Requiescant in pace. Amen. Hodie tibi cras tibi. Ô pêcheurs repentez vous étant vivants, car à nous, morts, il n'est plus temps. Priez pour nous, trépassés, car un jour aussi vous en serez, Soyez en paix".
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1. Façade orientale :
CEST VNE BONNE ET SAINCTE PANSEE DE PRIER POUR LES FIDELLES TREPASSES. REQVIESCANT
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Pignon nord.
IN PACE.
AMEN. — HODIE MIHI CRAS TIBI. O PECHEVRS, ...
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Façade ouest.
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REPANTEZ-VOVS ETANT VIVANTS, CAR À NOVS, MORTS, IL N’EST PLVS TEMPS. PRIEZ POUR NOUS, TREPASSES, CAR VN DE CES JOVRS AVSSI VOVS EN SEREZ, SOIEZ EN PAIX.
Au dessus, et au ras du toit, se voit une frise de crânes et d'ossements.
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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LE CLOCHETON ET SES VISAGES FÉMININS.
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Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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LA FAÇADE ORIENTALE.
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"Le premier étage est divisé en six fenêtres en plein cintre à colonnes lisses corinthiennes avec la porte au milieu.
Le second étage, l'attique, est ponctué de huit niches vides à coquilles et d'un fronton brisé au dessus de la porte avec une niche surmontée d'un dais."
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Façade orientale de l'ossuaire (Le Bescont, 1676-1677) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La porte en plein cintre est ornée d'une clef d'arc en relief ou "agrafe" à volutes et fleuron.
La boiserie à fuseaux rayonnants montre un lion crachant une guirlande de fruits parmi lesquelles une grenade et des glands.
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Porte de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Porte de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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À l'étage supérieur, le portail est marqué par un fronton brisé pour laisser place à la niche monumentale accostée de nos deux termes gainés ; et ceux-ci supportent par leur volute ionique l'entablement qui vient former un dais au dessus de la statue de saint Pol-Aurélien.
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Portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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"Sur la façade orientale, dans la niche au-dessus de la porte d'entrée, une statue de Paul Aurélien est encadrée de deux termes gainés homme et femme dont le style est similaire à celui des trois séries d'Apôtres décrits plus haut. Le saint, vêtu de sa tenue d'évêque, tunique longue et manteau fermé par une bride, terrasse froidement un dragon de son bâton. L'animal essaie de lutter, la tête tournée vers le saint. Son corps est celui d'un lion, une aile déployée sur le dos. De chaque coté, des termes gainés femme et homme l'encadrent. Ils sont copiés sur ceux de l'ossuaire de La Martyre datant de 1619 de l'atelier du Maître de Plougastel. Le motif des termes gainés a ainsi essaimé de la vallée de l'Elorn, du porche de Lanhouarneau datant de 1584 à l'ossuaire de La Martyre, puis jusqu'au porche de Saint-Houardon de Landerneau datant de 1604.
Les termes gainés sont ici moulurés avec un motif en feuillage formant une jupette aux bustes. Ils sont surmontés d'une volute ionique. La féminité de la dame n'est exprimée que par le collier qui est fait d'une rangée de petites boules, imitant les perles de culture, reliées à un pendentif rond avec un motif en croix au centre qui tombe entre deux seins plats. Des mèches de cheveux les cachent jusqu'au milieu. Le saint est à rapprocher du saint Goulven de la niche extérieure de la façade sud du clocher-porche de Goulven. Habillé à l'identique, il a malheureusement perdu ses deux avant-bras. Le haut de sa mitre est rond tandis qu'à Saint-Thégonnec, il est pointu." (E. Le Seac'h 2014 p.297-298)
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On remarquera les grands yeux exorbités en amande qui sont le trait stylistique, reconnu par Le Seac'h , de Jean Le Bescont. À propos des Apôtres de ce sculpteur, elle précise (p. 294) : "La particularité de Jean Le Bescont est de donner à ses personnages des orbites très rondes avec un fin contour et une arcade sourcilière marquée. Les visages sont compris dans un rectangle aux angles adoucis."
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Mais le fronton en général, et son couple de termes en particulier, sont copiés sur ceux du portail de l'ossuaire de La Martyre, réalisé en 1619 par l'atelier du Maître de Plougastel. ( Notons la continuité et la transmission des savoirs des sculpteurs de kersanton du Léon, puisque Jean Le Bescont serait issu de l'atelier de Roland Doré (1618-1663), lui-même issu de celui du Maître de Plougastel (1570-1621) , et que ces trois ateliers sont basés sur Landerneau, premier port sur l'Élorn permettant le transport de la kersantite depuis ses gisements en Rade de Brest).
Il existe pourtant quelques différences. Pour la cariatide, par exemple, la chevelure de La Martyre est nattée et enlacée d'un ruban, le collier est plat, la poitrine plus modelée, les côtes thoraciques sont figurées, le pagne feuillagé s'inspire de l'acanthe, et le pilier n'est pas cannelé. Je renvoie à mon article sur La Martyre pour poursuivre ce jeu des différences.
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J'avais signalé que le portail de l'ossuaire de La Martyre reprenait l'ornementation du porche sud de Saint-Houardon de Landerneau, daté de 1604. Le rapprochement avec Saint-Thégonnec reste valide.
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Un modèle possible serait l'une des cheminées de Second Livre d'architecture d'Androuet du Cerceau.
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Le terme gainé féminin. Kersanton, Jean Le Bescont 1677.
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Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Cariatide (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Le terme gainé masculin. Kersanton, Jean Le Bescont 1677.
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Terme gainé masculin (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Terme gainé masculin (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Saint Pol-Aurélien tenant en laisse grâce à son étole le terrible dragon de Batz. Kersanton, Jean Le Bescont 1677.
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Saint Pol-Aurélien (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Pol-Aurélien (kersantite, Jean le Bescond, 1676-1677), portail de la façade orientale de l'ossuaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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CONCLUSION.
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Dans un enclos pour lequel trois des plus grands maîtres de la sculpture du kersanton ont travaillé (le Maître de Plougastel, Roland Doré et le Maître de Saint-Thégonnec — auteur du calvaire monumental—), il est intéressant de constater que les deux exemples de couple de supports anthropomorphes sont réalisés par des architectes-sculpteurs : l'anonyme responsable de l'atelier de Kerjean en 1599, et Jean Le Bescont en 1676-1677.
En effet, c'est vers les Livres d'architecture que la recherche de modèles nous amène. Et c'est dans des ensembles architecturaux (portes, porches et portails ) qu'ils prennent place, dans un environnement marqué par les Ordres architecturaux décrits par Vitruve.
En amont des modèles d'Androuet, il faut placer la tribune des musiciens au Louvre par Jean Goujon (1550), les termes de la grotte de La Bâtie d'Urfé (1547), les Satyres-colonnes des stucs de Rosso Fiorentino et Francesco Primaticcio pour la Galerie François Ier de Fontainebleau (1539), mais auparavant et en Italie les réalisations des peintres-architectes Giulio Romano au Palais du Té (1532-1535) et Raphaël dans le soubassement des Chambres du Vatican (1524). Pour cette recherche génétique voir S. Frommel 2018.
Comme j'approfondis, studieusement, mon sujet, je découvre de nouvelles publications, comme celle d'Angelo de Grande, qui donne cette excellente introduction au concept des supports anthropomorphes comme nouvel et sixième ordre architectural, l'ordre anthropomorphe :
"Architecte et graveur parmi les plus prolifiques de son temps, Jacques Androuet du Cerceau s’est sans doute familiarisé auprès de Serlio à Fontainebleau avec des modèles d’Agostino Musi, dit Veneziano. À Venise, ce dernier avait gravé les ordres d’architecture selon les dessins de Serlio, lequel aurait pu ramener en France quelques dessins de termes de son collègue, auteur de la plus ancienne série de gravures véritablement consacrée à ces motifs d’après des modèles antiques (1536). On retrouve ainsi son «Hercule aux bras tronqués» et d’autres figures de la même série , copiés par du Cerceau dans sa suite des Termes et cariatides vers 1546-1549 .
"Pendant la seconde Renaissance, les termes et les cariatides devinrent un véritable ordre et des exemples comme le tombeau de Jules II ou la décoration peinte des stanze de Jules II par Raphaël au Vatican suscitèrent une vague de réceptions. Ces compositions s’appuient sur l’exégèse des descriptions que fit Vitruve dans le premier livre de son traité. Les cariatides dont parle l’auteur romain étaient des statues féminines qui soutenaient sur leur tête un entablement et qui, en remplaçant ainsi des colonnes, symbolisaient la défaite subie au combat et le châtiment. En tenant compte de la description faite par Vitruve d’un portique réalisé à Sparte, Marcantonio Raimondi, graveur des œuvres de Raphaël, les a figurées au second niveau d’une composition, dont le rez-de-chaussée est marqué par des Perses. Ces derniers, instigateurs et perdants du conflit avec la cité grecque, sont représentés comme condamnés à soutenir le poids de la construction. Les supports anthropomorphes peuvent être en figure entière, comme celles décrites par l’architecte romain, ou coupées à mi-corps et engainées, à l’instar des termes. Ces derniers dérivent de la figure du dieu Terminus qui présidait aux bornes et était aussi interprété comme métaphore de la mort.
"En France, le processus d’assimilation de ces motifs fut favorisé par des préfigurations dans l’architecture médiévale romane et gothique, dans laquelle des supports sous forme humaine existaient déjà. On en trouve ainsi dans des portails des églises gothiques sous forme de statues de saints et dans les parties hautes de certains bâtiments romans, comme au dernier étage du clocher de l’église abbatiale Saint-Philibert de Tournus, dans la Bourgogne voisine, datant du XIIe siècle. Au XVIe siècle, on assiste à une reprise massive de ces thèmes, car contrairement aux ordres «conventionnels », codifiés notamment par Serlio dans son Livre IV, l’ordre anthropomorphe revêt une forte composante narrative qui favorise des allusions et des significations spécifiques, devenues quelquefois énigmatiques à notre époque. Cet «ordre» s’est répandu en France grâce à l’œuvre de Rosso Fiorentino et de Francesco Primaticcio à Fontainebleau et par le frontispice du Quatrième Livre de Serlio publié à Venise en 1537.
Celui-ci développa de tels motifs dans des cheminées de ses Regole generali (1537) et ensuite dans les portails du Livre Extraordinaire (1551), alors que Jacques Androuet du Cerceau les assimila et les modifia dans plusieurs de ses recueils, la suite des Termes et cariatides ou le recueil de 25 portails triomphaux, Quinque et viginti exempla arcuum […] de 1549."
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SOURCES ET LIENS.
— CASTEL ( Yves-Pascal) 1956 Saint-Thégonnec, Renaissance du Haut-Leon, collection Reflet de Bretagne , ed. Jos Le Doaré
— COUFFON (René), 1948," l'architecture classique au pays de Léon, l'atelier de l'Elorn, l'atelier de Kerjean", Mémoires de la Société d'Histoire et d’Archéologie de Bretagne. 1948, 28.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1559 Livre d’architectvre de Jaques Androvet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastimens tous differens : pour instruire ceux qui desirent bastir, soient de petit, moyen, ou grand estat. Auec declaration des membres & commoditez, & nombre des toises, que contient chacun bastiment, dont l’eleuation des faces est figurée sur chacun plan..., Paris, s.n., 1559.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), Second Livre d’architecture, par Iaqves Androvet Du Cerceau. Contenant plusieurs et diverses ordonnances de cheminées, lucarnes, portes, fonteines, puis et pavillons, pour enrichir tant le dedans que le dehors de tous edifices. Avec les desseins de dix sepultures toutes differentes, Paris, André Wechel, 1561.
—ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1582, Livre d’architecture de Jaques Androuet Du Cerceau, auquel sont contenues diverses ordonnances de plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs ; mesmes en aucuns d’iceux sont desseignez les bassez courts... aussi les jardinages et vergiers..., Paris, pour Iaques Androuet du Cerceau, 1582. de l’Orme (Philibert), Le Premier tome de l’architecture, Paris, Frédéric Morel, 1567.
— DELORME (Philibert), 1567 Le premier tome de l'architecture de Philibert de L'Orme conseillier et aumosnier ordinaire du Roy, & abbé de S. Serge lez Angiers , Paris, Federic Morel
— DE GRANDE (Angelo), 2014, "De Fontainebleau vers la Lorraine: l’ordre anthropomorphe de la maison «des Sept Péchés capitaux» à Pont-à-Mousson" in Gravures d'architecture et d'ornement au début de l'époque moderne : processus de migration en Europe (sous la direction de S, Frommel et E. Leuschner), pp.205-218, 2014.
— FROMMEL (Sabine), 2018 Supports anthropomorphes peints de la Renaissance italienne, in Frommel, Sabine – Leuschner, Eckhard – Droguet, Vincent – Kirchner, Thomas (dir.) Construire avec le corps humain/ Bauen mit dem menschlichen Korper. Les ordres anthropomorphes et leurs avatars dans l'art europèen de l'antiquité à la fin du XVIe siècle/ Antropomorphe Stùtzen von der Antike bis zur Gegenwart, Campisano Editore 2 volumes pp 618, 40 ill.
Rares sont les motifs architecturaux qui témoignent d'une persistance telle que les ordres anthropomorphes, depuis l'Antiquité jusqu'à la période actuelle, en passant par le Moyen Âge. Leur évolution s'articule par de subtiles interactions entre les domaines sculptural, architectural et pictural, alors qu'une fortune théorique durable a été instaurée par la description détaillée par Vitruve des "Perses" et des "Caryatides" dans son traité De architectura libri decem. Contrairement aux ordres architecturaux canoniques, ce " sixième ordre " invite à des interprétations et des variations plus souples et plus personnelles. Il put ainsi assimiler des traditions locales très diverses lors de son parcours triomphal dans toute l'Europe. Si la signification originelle de soumission et de châtiment de ces supports reste valable, les valeurs narratives ne cessèrent de s'enrichir et de s'amplifier, en faisant de ce motif un protagoniste abondamment présent dans de multiples genres artistiques, des meubles aux monuments les plus prestigieux, et qui révèle les mutations typologiques et stylistiques au fil du temps. Les contributions réunies dans ces deux volumes fournissent un large panorama européen de ces occurrences, offrant un large éventail de synergies et d'affinités révélatrices.
—SAMBIN ( Hugues), 1572 Oeuvre de la diversité des termes dont on use en architecture reduict en ordre : par Maistre Hugues Sambin, demeurant à Dijon, publié à Lyon par Jean Marcorelle ou par Jean Durant. Bibliothèque municipale de Lyon, Rés 126685.
—SERLIO (Sebastiano ), 1551 Liure extraordinaire de architecture, de Sebastien Serlio, architecte du roy treschrestien. Auquel sont demonstrees trente Portes Rustiques meslees de diuers ordres. Et vingt autres d’oeuvre delicate en diverses especes, Lyon, Jean de Tournes, 1551.
— VITRUVE, 1511, De architectura M. Vitruvius per Jocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula, traduit par Fra Giovanni Giocondo en 1511 à Venise chez G. da Tridentino avec 136 gravures sur bois