Les deux poutres est et ouest portent un décor sculpté où prédominent les dragons à queue dotée d'une gueule, et qui menacent ou dévorent des épis ou des humains tout en crachant des langues de feu. La proximité est donc forte, sur le plan thématique, avec les sablières du chevet (vers 1544), mais nous ne retrouvons pas ici les caractéristiques du "maître de la nef de Plomodiern" propres à ces dernières. Par exemple, les trous de foret, marques de gouges en C et en I ou les médaillons sont absentes, et le bois (non peint) est soigneusement poncé et poli tandis que les reliefs linéaires à type de nervures sont fines et soigneuses. Nous avons affaire à un sculpteur de charpente bien averti des différentes réalisations qui décorent les monuments du Cap Sizun et du sud du Finistère, qui a enrichi sa mémoire visuelle et ses carnets de croquis des travaux effectués ailleurs, mais qui affirme son style. Il est peut-être l'auteur des sablières les plus orientales de Confort-Meilars.
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"L'église de Pont-Croix abrite un autre ensemble de sablières, placées à la jonction des deux chapelles du bas-coté sud sans doute au moment des modifications apportées à l'édifice au milieu du XVIe siècle. Le travail d'ornementation est élaboré, composé d'images de dragons déglutissant des végétaux, de personnages grotesques et de grylles monstrueux à plusieurs têtes. Il semble que l'auteur de cet ouvrage ait participé à la décoration des poutres de l'église de Confort, située à quelques kilomètres de là. La conception de cet ensemble est très hétérogène mais on reconnaît à l'observation de quelques détails la facture de Pont-Croix. Les représentations, que l'on retrouve également dans l'église de Plouhinec, attestent les contacts visuels, et par conséquents la circulation des sculpteurs dans la pointe du Cap Sizun à cette époque." (S. Duhem)
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1. La poutre du coté est.
Deux registres.
Six dragons à queue céphalisée (donc 12 gueules au total) dévorent ou menacent des êtres humains, des épis, ou un chien, lorsqu'ils ne crachent pas des flammes ou des rubans. Les blochets ajoutent à ce total trois dragons, l'un dévorant une tête humaine, les autres présentant un écu bûché.
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1. Le blochet de gauche: dragon tenant dans sa gueule un humain.
Ce blochet est d'un grand intérêt car il éclaircit l'interprétation du motif du dragon dans l'ornementation médiévale et Renaissance des monuments religieux. Si les dragons sont quasi constants en Bretagne, et notamment en Finistère, au XV et XVIe siècle, et si on ne les compte plus à l'intérieur sur les sablières, les blochets ou sur les entraits sous forme d'engoulants, et à l'extérieur sur les crossettes ou sur les façades, leur tête souvent débonnaire et leur attitude n'incitent pas à prendre vraiment au sérieux la peur théâtralisée et baroque qu'ils voudraient susciter. Bien-sûr, ils menacent souvent (notamment à Pont-Croix) des figures humaines ou semi-humaines de leurs crocs acérés, mais ni l'animal ni l'humain ne semblent vraiment croire à l'acte qu'ils mettent en scène. Le dragon est-il une figure du Diable ? Ou de la Mort ? S'inscrit-il dans une pensée chrétienne rappelant aux paroissiens les risques pour leur âme d'une conduite peccamineuse ? Annoncent-ils les tableaux que les missionnaires comme Michel Le Nobletz puis le père Maunoir vont peindre au XVIIe siècle pour conduire les fidèles dévoyés vers les confessionnaux ?
Au contraire, relèvent-ils de la résurgence de croyances animistes, ou celtes, ou ésotériques ?
J'en doute fort, et j'y vois plutôt une farce gaillarde, l'expression pleine d'entrain de paysans adoptant une mode d'ornementation très en vogue, car ils en apprécient, précisément, la neutralité : dans les espaces intermédiaires qui échappent au champ liturgique, ils laisseraient une place à l'imaginaire. Mais de façon néanmoins très codée, voire ritualisée, puisque les artisans sculpteurs répètent, chacun avec son talent et ses inventions stylistiques, des modèles communs.
Ces animaux fabuleux sont à rapprocher de ceux qui figurent sur les armoiries : leur présence est plus emblématique que signifiante (en terme de croyance) ou narrative, même s'ils renvoient aux dragons foulés par saint Michel, asservis par saint Pol-de-Léon, et à celui dont sainte Marguerite s'est libérée.
Ici, ce dragon semble bien prendre son rôle de grand méchant loup très au sérieux, et la créature humaine (ou ce qui en reste, disons l'âme) n'en mène pas large. Ce passage à l'acte n'est pas fréquent pour des bêtes qui se contentent habituellement d'ouvrir une large gueule, voire de tendre une langue gourmande vers les humains. Pourtant, dans une paroisse voisine, à Confort-Meilars, un blochet de la charpente de Notre-Dame de Confort est identique à celui-ci, ce qui incite à créer un cousinage (de date ou d'auteur) entre les deux réalisations sculptées. La même scène est représentée selon S. Duhem sur un blochet de l'église de Plouhinec (même secteur géographique, même époque) ainsi qu'à Bieuzy en 1560.
Nous tenons donc ici un détail qui a une haute valeur sémiologique pour le pisteur en patrimoine monumental.
Le style est néanmoins différent dans cette chapelle de Pont-Croix par rapport à Confort-Meilars. Certes, le haut du museau se retrousse en volute, l'œil est large et de face, mais le haut du corps accumule des nodosités creusées en leur centre, comme des petites pommes resserrées, pour rendre les pustules infectes de la bête. Le sourcil forme un éventail de plumes.
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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Partie gauche.
En haut : un chien aboie contre un animal, né de la queue d'un dragon ailé. Épillet et bouton floral d'un rinceau.
En bas : un masque humain de 3/4 est léché par un dragon né de la queue d'un dragon ailé. Épillet et et bouton floral d'un rinceau.
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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Scène suivante :
En haut : le rinceau est bûché (ou usé), puis apparaît une gueule de dragon, crachant une tige à épis de grains.
En bas : le rinceau naissait en fait de la gueule d'un dragon, mêlé à des volutes (langues de feu ?). Là encore, il s'agit d'un dragon ailé à queue céphalisée, où l'autre gueule lance également des langues de feu.
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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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De l'autre coté du blochet central.
En haut, la pièce a été entièrement bûchée, nous devinons seulement le cheminement d'un rinceau.
En bas, un rinceau s'échappe d'une deux hommes se battent (l'un frappe l'autre avec un bâton ), mais le premier est avalé par sa chevelure par le dragon de gauche, tandis que la victime des coups de bâton, à la figure vultueuse, voit son bras gauche avalé par le dragon de droite.
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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Le blochet central : deux dragons présentant un blason(bûché).
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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Le blochet de droite (moderne).
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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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2. La poutre du coté ouest.
Deux registres.
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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Pièce de droite.
Restauration récente avec remplacement de parties.
En haut (entièrement moderne ?) un lion et un dragon aux extrémités et un dragon à queue céphalisée crachent une tige à épillets.
En bas, un dragon ailé crache une tige à épillet picorée par un oiseau. Un masque humain de profil crache à son tour un épillet. À gauche, un lion (moderne) présente un écu avec un lion de la pièce de gauche.
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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Pièce de gauche.
Dragons ailés et lions crachant des tiges à épis.
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Sablières (milieu XVIe) de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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La chapelle du Rosaire du bas-coté sud.
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Les corniches sculptées des retombées ouest et est du lambris peint nous offrent un exemple d'une façon de faire très différente des frises précédentes, puisque les pièces de bois montrent à intervalle régulier des têtes en haut-relief d'hommes et de femmes dont les coiffes ou chaperons enturbannés supportent une tablette, inoccupée.
Sophie Duhem les datent du début du XIVe siècle et remarquent leur parenté avec celles de Fouesnant et de Penmarc'h.
" Quelques sablières anciennes placées dans le bras sud du transept présentent des décors qui datent très probablement du début du XVIe siècle. Les figures principales sont constituées de bustes féminins et masculins coiffés de chapeaux et de turbans. Des représentations d'une facture très proche apparaissent dans les sanctuaires de Fouesnant et de Penmarch semblant attester un déplacement de sculpteur jusqu'au sud du diocèse." (S. Duhem)
— DUHEM (Sophie), 1997, Les sablières sculptées en Bretagne: images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne, XVe-XVIIe s. ... préface d'Alain Croix. , Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1997 : thèse de doctorat en histoire sous la direction d'Alain Croix soutenue à Rennes2 en 1997. Pont-Croix cité aux pages 18 ; 19 ; 63 (mutilations des sablières) ; 84 (atelier de sculpture sur pierre) ; 139 ; 141 à 143 ; 156 ; 179 ; 239 ; 267 ; et 301.
Les vitraux du XVe siècle de la cathédrale d'Évreux : la baie 213 (1450) "des trois Marie" offerte par Pierre de Brézé et Robert de Floques.
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Après 22 articles sur les vitraux du XIVe, j'explore les vitraux du XVe siècle de la cathédrale, en suivant peu ou prou l'ordre chronologique des datations de ces verrières. Je suis guidé pas à pas par les publications de Françoise Gatouillat, et notamment par Gatouillat 2001, auquel j'emprunte toutes les données techniques.
La baie 213 est la première baie du coté nord du haut-chœur, et l'une des 3 du XVe siècle (avec les baies 203 et 205 offerte par Thibaut de Malestroit, plus précoces puisque datées vers 1409-1415). Elle date de 1450 (environ) et tranche avec les baies antérieures dont les registres figurés s'encadraient dans une vitrerie géométrique claire. Ici, les trois registres figurés et colorés occupent toute la hauteur..
Elle mesure 6, 50 m de haut et 3,60 m de large et comporte 4 lancettes trilobées et un tympan à 1 pentalobe, 2 trilobes et 9 écoinçons.
Elle a été peu restaurée, sans-doute par Duhamel-Marette avant 1868.
Elle a été offerte par Pierre de Brézé et Robert de Floques, libérateur d'Évreux en 1441, en l'honneur de l'entrée dans le trésor de la cathédrale des reliques des saintes Marie Salomé et Marie Jacobé en 1449 : elle date donc de 1450, ou un peu plus tard.
La première description date de 1868 : elle est de l'abbé Pierre-François Lebeurier, qui fut archiviste-paléographe (1845-1846), professeur de dogme à la Faculté de théologie de Bordeaux, archiviste du département de l'Eure, curé de Huest et de Gravigny, (Eure) et, c'est important, chanoine titulaire d'Évreux.
"La fenêtre 45. se distingue de toutes les autres fenêtres du chœur en ce que ses menaux sont du style flamboyant. Ses formes contiennent :
1. Sainte Marie-Madeleine tenant de la main droite un vase de parfums et de la gauche un livre. Au-dessous deux personnages à genoux, qui sont Pierre de Brezé et Robert de Floques. On les reconnaît à leurs cottes d'armes armoriées, savoir pour Brezé d'azur, à l'écusson d'argent, accompagné de crossettes d'or ; et pour de Floques : de gueules, à 3 bandes d'argent ; au-dessous encore trois autres personnages à genoux, qui sont sans doute des membres de la famille des précédents ;
2. Sainte Marie Cléophas avec ses quatre enfants: S. Jacques, S. Simon, S. Jude et S. Joseph. Au-dessous le Dauphin, duc de Normandie, qui fut depuis Louis XI, agenouillé, les mains jointes devant un pupitre qui porte un livre ouvert. Sa cotte d'armes est armoriée de France et de Dauphiné; au- dessous encore trois personnages à genoux ;
3. La Sainte Vierge portant l'enfant Jésus. Au-dessous le pape Eugène IV à genoux et portant la tiare ; au-dessous encore trois personnages à genoux, savoir : un évêque en chappe ayant la mitre et la crosse et deux chanoines dont le premier tient une crosse. Ils doivent représenter l'évêque d'Evreux, Guillaume de Floques, l'abbé du Bec, premier chanoine de la cathédrale, et Robert Cybole, doyen ;
4.Sainte Marie Salomé et ses deux enfants , S. Jacques et S. Jean ; au-dessous, le roi de France, Charles VII, à genoux, devant un pupitre qui porte un livre ouvert; il est revêtu d'une cotte d'armes, d'azur semé de fleurs de lys; au-dessous encore trois personnages à genoux, l'épée au côté , qui sont sans doute des officiers du roi.
[...]
Cette verrière , qui est une œuvre d'art fort remarquable , paraît avoir voulu rappeler le souvenir de trois événements d'un haut intérêt : la fin du grand schisme d'Occident sous Eugène IV, la rentrée de la Normandie entière sous l'autorité de Charles VII, précédée du recouvrement d'Evreux par Pierre de Brezé et Robert de Floques ; mais elle fut faite directement à l'occasion du don fait à Guillaume de Floques et à son église par René d'Anjou, roi de Sicile, des reliques des Saintes Marie Jacobé et Marie Salomé. Le Brasseur dit (page 290) que Pierre de Brezé les fit mettre dans une châsse d'argent, où sont gravés son nom et celui de Catherine Crespin , sa femme. Le Mémorial des évêques d'Evreux, p, 430, ajoute qu'il présenta cette châsse à Robert Cibole, doyen (1).
La claire-voie du triforium est ornée, dans la partie supérieure des ogives, de trois écussons. Le premier parti de Floque et de Crespin (fuselé d'argent et de gueules) ; le second parti de Brezé et de Crespin ; le troisième de Floques.
Nous devons l'interprétation de cette magnifique verrière à Monseigneur l'évêque d'Evreux. Sa Grandeur l'a fait restaurer et admirablement graver." (Lebeurier)
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Je ne lui trouve pas d'intérêt particulier sur le plan technique, son emploi du jaune d'argent est, depuis plus de 100 ans, banalisé, et ses damassés sont, pour ce que je peux en voir, simples. Elle est riche en données héraldiques, surtout en y ajoutant le tympan de la baie 113 qu'elle domine. Elle est passionnante sur le plan historique (et elle a d'ailleurs été qualifiée de "verrière historique") en réunissant un roi, un dauphin, un pape, un évêque, et deux héros de la libération d'Évreux des mains des Anglais, vingt ans après la mort de Jeanne d'Arc : elle marque la fin de la Guerre de Cent Ans.
Mais ce qui m'a ému, et qui en est peut-être le fil rouge, c'est de découvrir que les deux héros (le sénéchal, comte d'Évreux, et le grand bailli d'Évreux sont beaux-frères. Ils ont épousé les deux filles de Guillaume X du Bec-Crespin, descendant de Guillaume VI ( connétable héréditaire de Normandie depuis 1262) et époux de Jacqueline d'Auvricher, Maréchale héréditaire de Normandie. Les armoiries losangés d'argent et de gueules sont présentes deux fois dans la baie du triforium. L'importance pour les intéressés de cette alliance avec Jeanne Crespin et Jacqueline Crespin est aussi soulignée par leurs présences comme donatrices en registre inférieur.
La place des femmes dans cette verrière est bien évidemment majeure aussi par la représentation de trois saintes femmes autour de Marie en registre supérieur : c'est le seul exemple d'une baie où aucun homme ne figure parmi les saints personnages de grande taille des lancettes. Le plus passionnant est de comprendre que, derrière le don des reliques de Salomé et Jacobé à la cathédrale, se cache la tradition d'une Sainte Parenté, équivalent généalogique féminin du thème d l'Arbre de Jessé, et que le culte des Trois Marie est, dans les oraisons des livres d'Heures de la noblesse, celui «des trois sœurs de noble lignage par ce nom Marie nommées». Ce culte fut entretenu par Jeanne d'Évreux au XIVe siècle, comme modèle de conduite pour des vies exemplaires d’épouses, de mères ou de veuves, et modèle de piété, de sagesse et de bonne entente."
Toute la baie s'organise donc sur cet hommage aux femmes de noble lignage : lignage royal pour la Vierge couronnée, lignage de sainteté pour les Sainte Femme, lignage de haute noblesse normande pour Jeanne et Jacqueline Crespin.
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Baies 213 et 113 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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LE REGISTRE SUPÉRIEUR.
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Les quatre lancettes sont occupées de gauche à droite par sainte Marie-Madeleine, sainte Marie-Jacobé avec ses quatre fils, la Vierge et l'Enfant, et sainte Marie-Salomé avec ses deux fils. Autrement dit, Marie est entourée des trois saintes femmes présentes lors de la Passion selon Marc 16:1, notamment pour embaumer le corps de Jésus, et qui constatèrent que le tombeau était vide. Ce qui fait d'elles les premières témoins de la Résurrection. "Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala [assimilée ensuite sous le nom de Marie-Madeleine à Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare], Marie mère de Jacques et Salomé achetèrent des aromates afin d'aller embaumer Jésus."
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1°) Les Trois Marie : Madeleine, Salomé et Jacobé.
Les quatre lancettes sont occupées de gauche à droite par sainte Marie-Madeleine, sainte Marie-Jacobé avec ses quatre fils, la Vierge et l'Enfant, et sainte Marie-Salomé avec ses deux fils. Autrement dit, Marie est entourée des trois saintes femmes présentes lors de la Passion selon Marc 16:1, notamment pour embaumer le corps de Jésus, et qui constatèrent que le tombeau était vide. Ce qui fait d'elles les premières témoins de la Résurrection. "Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala [assimilée ensuite sous le nom de Marie-Madeleine à Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare], Marie mère de Jacques et Salomé achetèrent des aromates afin d'aller embaumer Jésus."
La tradition a voulu que ces trois Marie, chassées de Palestine, aient débarqué en Provence (aux Saintes-Marie-de-la-Mer) avec Marthe, Lazare et Maximin. Marie-Madeleine, retirée comme ermite dans le massif de la Sainte-Baume.
Les reliques de ces premiers disciples eurent une importance considérable. Celles de sainte Marie-Madeleine fit tout le succès de Vézelay. Celles de Lazare furent vénérées en la cathédrale d'Autun. Marie-Salomé et Marie-Jacobé suscitèrent le pèlerinage des Saintes-Marie-de-la-Mer, mais ce n'est qu'en 1447 que René d'Anjou, comte de Provence, obtint des bulles du pape Nicolas V pour procéder des fouilles dans l'église appelée alors Notre-Dame-de-la-Mer (et qui deviendra église des Saintes-Maries-de-la-Mer) et, suite à la découverte de trois corps, procéder à l'invention de leurs reliques (1448), les conserver dans des chasses et en propager le culte jusqu'en Anjou. Dès décembre 1449, René d'Anjou fit don d'une partie de ces reliques (des fragments de côtes) à la cathédrale d'Évreux. Comment expliquer ce privilège ébroïcien ?
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2. Les Trois Marie : la Vierge, Jacobé et Salomé.
Il faut comprendre que la tradition a ensuite réunit "les trois Marie" (cette fois, la Vierge, Marie Jacobé et Marie Salomé) pour en faire les trois filles successives (par trois mariages) de sainte Anne : Anne et Joachim eurent (miraculeusement) la Vierge Marie, Anne et Cléophas eurent Marie Jacobé, et Anne et Salomas eurent Marie Salomé.
La Vierge Marie, mariée à Joseph engendra miraculeusement Jésus.
Marie Jacobé eut de son époux Alphée saint Jacques le Mineur, Joseph le Juste (le seul qui ne soit pas un apôtre), saint Simon et saint Jude-Thaddée.
Marie Salomé eut de son mari Zébédée les apôtres saint Jacques le Majeur et saint Jean.
La descendance d'Anne constitue, selon une tradition apocryphe rapportée par la Légende Dorée au XIIIe siècle, "la Sainte Parenté", où Marie Jacobé et Marie Salomé sont les sœurs de la Vierge Marie. Cette Sainte Parenté fit l'objet d'une riche iconographie, comme par exemple l'enluminure des Heures d'Etienne Chevalier peinte par Jean Fouquet vers 1452-1460, donc à peu près en même temps que notre vitrail. On y voit sainte Anne et ses trois filles. Comme déjà vers 1450 par le Maître de Jouvenel dans les Heures d'Angers BnF NAL 3211 p.27, avec la prière "Trois sœurs de noble lignage par ce nom Marie nommées".
Les historiens ont pu mettre en évidence le thème de ce vitrail (Marie-Madeleine + les Trois Marie) avec le don des reliques de Marie Salomé et Marie Jacobé, en décembre 1449, à la cathédrale d'Évreux.
"An 1452. Et a son instance [...] de Guillaume de Floques ], Pierre René d'Anjou, roy de Hierusalem et de Sicile, comte de Provence, fit present au chapitre d'Evreux de deux parties notables des costes de Stes Marie Jacobé et Marie Salomé, attestées en parolles de roy avoir esté tirées de leurs corps, apportées au Mont de Ste Catherine de Rouen le quatre de decembre 1449, et qui avoient esté transportées, a la priere de Sa Majesté, d'une petite bourgade au diocese d'Arles, par la permission du cardinal de Foy, legat du St Pere le pape et archevesque d'Aix, le premier de decembre 1448" (Le Batelier d'Aviron)
Mais c'est Claudia Rabel qui a montré en 2007 le lien entre la Sainte Parenté et la reine Jeanne d'Évreux (fille du comte d'Évreux).
"Cette nouvelle promotion des saintes est peut-être directement liée à l’entrée en scène de la reine Jeanne d’Evreux qui va devenir la véritable bienfaitrice des carmes parisiens. De même, ce n’est sans doute pas un hasard si l’essor de la sainte parenté d’Anne eut lieu en France, au moment même où les descendants par les femmes étaient exclus de la succession au trône. En 1325, en effet, Jeanne d’Evreux, arrière--petite-fille de saint Louis, devint la troisième femme de Charles IV qui espérait enfin obtenir d’elle un fils héritier . Mais comme sainte Anne, la reine n’eut que trois filles. ...
Contrairement à la grand-mère du Christ et des apôtres, le lignage royal féminin fut donc refusé à Jeanne d’Evreux. Mais pendant plus de quarante ans, jusqu’à sa mort en 1371, la dernière reine capétienne sera la doyenne, estimée et respectée, de toutes les femmes de caractère qui gravitent à la cour de France au XIVe siècle, artisane de la paix dans le conflit entre les Valois et les Evreux-Navarre. Ces reines et princesses, souvent devenues veuves jeunes, sont citées en exemple de bon gouvernement aux princes qui se querellent et se combattent. Dans ce contexte, Jean de Venette ne dut guère avoir de mal à gagner le soutien de Jeanne d’Evreux pour promouvoir le culte des Trois Maries, «sœurs de noble lignage», modèle de conduite pour des vies exemplaires d’épouses, de mères ou de veuves, et modèle de piété, de sagesse et de bonne entente." (C. Rabel)
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J'ai souligné, dans les premiers articles sur les vitraux du XIVe de la cathédrale, l'importance du mécénat de Jeanne d'Évreux soit par son Livre d'Heures illustré par Jean Pucelle, soit par la statue en argent de la Vierge, offerte à la cathédrale.
"Les verrières de la cathédrale d’Evreux. Après Charles V et Charles VI, leurs successeurs continuent à être associés à la dévotion aux Trois Maries, protectrices des rois Valois, cette fois-ci publiquement, dans des verrières de la cathédrale d’Evreux en Normandie. L’ambiguïté de l’identité des Trois Maries: filles de sainte Anne ou Saintes Femmes des Evangiles, est résolue dans les quatre lancettes de la «verrière historique», qui se situe du côté nord dans la travée reliant le transept au chœur de la cathédrale. Elle a été offerte par les vainqueurs de la bataille de Formigny en 1450, Pierre de Brèze et Robert de Floques. La verrière commémorait cette victoire, qui marqua la fin de la guerre de Cent Ans, et honorait l’entrée au trésor de la cathédrale des reliques des saintes Marie Jacobé et Marie Salomé. Ces reliques avaient été données en 1449 à l’évêque d’Evreux, Guillaume de Floques, par René Ier duc d’Anjou. Ce prince également comte de Provence vénérait les deux Maries, dont il venait de retrouver les corps, comme il vénérait aussi leur compagne Marie-Madeleine et sainte Marthe, dans le cadre de sa politique menée dans le Midi de la France.
A l’arrivée de leurs reliques à Evreux, les deux Maries sont de nouveau réinterprétées comme demi-sœurs de la Vierge et mères des apôtres. En même temps, les donateurs de la verrière préservent leur identification aux Saintes Femmes au Tombeau, en choisissant Madeleine pour la première des quatre lancettes (La même solution a été adoptée dans un livre d’heures parisien enluminé dans l’entourage du Maître de Bedford, où l’ange de la Résurrection apparaît au tombeau vide du Christ à quatre Saintes Femmes: Lisbonne, Musée Calouste-Gulbenkian, LA 141, f. 217v. ).
En dessous des saintes, les places d’honneur aux pieds de la Vierge et de Marie Salomé, reviennent au pape Nicolas V —L’identification du pape à Eugène IV, avancée par Les vitraux de Haute-Normandie, semble impossible, ce pape étant mort en 1447, avant les événements conduisant à la réalisation de la verrière. — et au roi de France Charles VII, alors que le dauphin et les deux donateurs sont agenouillés derrière le pontife.
Comme un siècle plus tôt après la guérison miraculeuse de Pierre de Nantes, les saintes Maries provençales sont désinvesties de leur rôle de premiers témoins de la Résurrection du Christ, trop proches du mystère insaisissable de Pâques. Suivant une évolution générale de la piété à la fin du Moyen âge, elles sont «descendues sur terre», pour devenir des saintes plus proches des fidèles. Ces derniers invoquaient en elles des mères à la tête de familles modèles, bénies de nombreux fils illustres. Tout laïc en désirait, le roi de France en tête comme les deux donateurs, dont les familles se déploient dans le registre inférieur de la verrière. Il en allait de même pour le fils et successeur de Charles VII. Devenu roi, Louis XI voua une dévotion particulière à Notre-Dame d’Evreux. Peu après 1465 il fi t magnifiquement rebâtir la chapelle axiale dédiée à la Vierge et la fit orner d’un ensemble de verrières réalisées vers 1467-1469. Parmi elles, nous retrouvons encore une fois les Trois Maries, mais disposées sur deux verrières qui se font face. Au Nord, au sein du vitrail consacré à l’histoire de sainte Anne, une lancette est occupée par ses deuxième et troisième filles accompagnées de leurs fils. L’insistance sur sainte Anne et sa descendance s’explique à un moment où Louis XI, avant la naissance de son fils Charles en 1470, se souciait de sa succession et avait cherché en vain à l’assurer à sa fille aînée Anne. En face, côté Sud, dans une des lancettes du vitrail du «Triomphe de la Vierge», une Mater omnium protège sous son manteau un petit groupe d’hommes où Louis XI est «empereur en son royaume», agenouillé directement face au pape Paul II suivi du cardinal Jean Balue, évêque d’Evreux (Gary BLUMENSHINE, «Le vitrail du triomphe de la Vierge d’Evreux et Louis XI. Le patronage artistique des Valois dans la Normandie du XVe siècle», dans Annales de Normandie, 40, nos 3-4, 1990, p. 177-214 ). Ici encore, iconographie et politique, démographie et parenté se trouvent étroitement liées." (Claudia Rabel)
Sainte Marie-Madeleine tenant le flacon d'aromates.
Fond rouge uni.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Marie-Jacobé avec ses quatre fils, Jacques le mineur, Joseph le Juste, Simon-Thaddée et Jude.
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Fond jaune orangé damassé (rinceaux). La sainte est nimbée, voilée et porte la guimpe.
Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge Marie portant son Fils.
Fond lie-de-vin à rinceaux polycycliques.
Elle est nimbée, couronnée et voilée. La Mère et son Fils se penchent vers les donateurs du registre inférieur.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Marie-Salomé avec ses deux fils saint Jacques et saint Jean.
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Fond jaune-orangé à rinceaux. La sainte est nimbée, voilée et porte la guimpe. Elle remet un livre à l'un de ses fils, le premier ayant déjà un livre en main. Les pieds des enfants sont nus, ce qui rappelle qu'ils furent des apôtres.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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LES DEUX REGISTRES DES DONATEURS.
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Première Lancette.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Pierre de Brézé et Robert de Flocques.
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Les deux hommes, sensiblement du même âge, sont beaux-frères, puisqu'ils ont épousé chacun l'une des deux filles de Guillaume Crespin (ou Bec-Crespin). Ce sont des compagnons d'armes, puisqu'ils sont, en septembre 1441, les libérateurs d'Évreux (ils reçurent en 1442 pour cet exploit 6000 écus d'or du roi Charles VII), puisque vers 1443 Robert de Floques reçut ses gages de grand bailli et capitaine d'Évreux tandis qu'en 1441 Pierre de Brézé, déjà grand sénéchal, avait été fait comte d'Évreux.
1. Pierre de Brézé (1410-1465).
Il est représenté agenouillé en armure recouverte d'un tabard à ses armes d'azur, à l'écusson d'argent, accompagné de crossettes d'or.
Rappel Wikipédia :
" Pierre de Brézé, né vers 1410 ou 1412 et mort le 16 juillet 1465 à Montlhéry, est un soldat, courtisan et homme de gouvernement au service des rois de France Charles VII et Louis XI qui s'est illustré au cours de la guerre de Cent Ans.
Pierre de Brézé entre très tôt au service du roi de France Charles VII. Il est déjà suffisamment renommé à la cour à l'été 1433 lorsqu'il apporte son soutien à la belle-mère du roi et duchesse douairière d'Anjou Yolande d'Aragon et au connétable Arthur de Richemont quand ces derniers écartent de la cour le puissant favori Georges de La Trémoille. Adoubé dès 1434 par Charles IV du Maine, Brézé entre rapidement au Conseil royal, puis est nommé grand sénéchal d'Anjou en 1437 et de Poitou en 1440. Brézé soutient ainsi de manière décisive le roi Charles VII contre son fils le dauphin de France Louis et les grands féodaux au cours de la Praguerie entre février et juillet 1440, ce qui lui portera préjudice quelques décennies plus tard.
Brézé s'évertue au cours des années 1440 à chasser les Anglais du royaume de France, au cours de la dernière phase de la guerre de Cent Ans. Il participe de ce fait aux hostilités en Normandie dès 1440 et en Aquitaine dès 1442. En récompense de son rôle joué dans la défense de Pontoise contre les Anglais menés par Richard d'York, le roi le crée comte d'Évreux en 1441. Brézé bénéficie de l'appui total de la maîtresse du roi Agnès Sorel, devient chambellan du roi et assoit son autorité sur le Conseil royal au détriment de ses anciens alliés, tels Arthur de Richemont ou Charles IV du Maine. Les années de son ascension spectaculaire au sein du gouvernement, entre 1444 et 1450, se révèlent être les plus glorieuses du règne de Charles VII.
Malgré des accusations formulées en 1448 par son farouche ennemi le dauphin Louis qui résultent en un procès qui l'exonère complètement, Pierre de Brézé garde la confiance de Charles VII et joue un rôle majeur dans la reconquête du duché de Normandie. Il prend part à la prise de Verneuil en 1449 ainsi qu'à la décisive bataille de Formigny en 1450, qui scelle la fin de la présence anglaise en Normandie. En remerciement de ses efforts, le roi lui attribue la charge de grand sénéchal de Normandie, et ce en dépit de la mort de son alliée Agnès Sorel et du déclin de son influence à la cour. Brézé exerce depuis la Normandie de fructueux actes de piraterie contre les vaisseaux anglais et parvient même à conduire un raid contre le port de Sandwich en 1457.
À la mort de Charles VII en 1461, Brézé tombe en disgrâce auprès du nouveau roi Louis XI et est immédiatement emprisonné. Il est pourtant libéré dès 1462 et prépare promptement une expédition dans le cadre de la Guerre des Deux-Roses dans le Northumberland en faveur de Marguerite d'Anjou, épouse du roi de la Maison de Lancastre Henri VI d'Angleterre, renversé l'année précédente par Édouard IV de la Maison d'York. L'invasion conduite par Marguerite d'Anjou à l'automne 1462 en concertation avec l'Écosse et la France se révèle cependant inefficace. Contraints de se replier en Écosse, Marguerite et Brézé mènent plusieurs expéditions dans le Nord de l'Angleterre qui échouent et doivent finalement se réfugier en France à l'été 1463.
L'agitation du duc François II de Bretagne inquiète Louis XI, qui nomme Brézé capitaine de Rouen en 1464 en lui confiant la défense de la Normandie1. Fidèle au roi, Brézé le soutient lors de la Ligue du Bien public et meurt au combat à la bataille de Montlhéry le 16 juillet 1465. Son tombeau, un enfeu de style flamboyant de la fin du xve siècle, se trouve dans la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Rouen. Il y est enterré avec sa femme Jeanne du Bec-Crespin, dame du Bec-Crépin, de Mauny et de Maulévrier. "
2. Robert de Floques.
Il est agenouillé derrière son compagnon.
Le 15 septembre 1441, escaladant les murs de la porte de Chartraine, depuis leurs barques, et avec l'aide de deux pêcheurs, l'homme de guerre Robert de Flocques et environ trois cents de ses compagnons d'armes entrent dans l'enceinte de la ville. Ils parviennent à libérer Evreux des mains des Anglais qui, malgré les barricades installées rue Grande, sont rapidement écrasés et massacrés. Le roi reprend ainsi le contrôle de la ville. Il reçoit pour cela 6000 écus (avec Pierre et Jean de Brézé), puis reçoit ses gages de grand-bailli et capitaine d'Evreux. Son fils est nommé évêque d'Évreux.
Robert de Flocques (date de naissance inconnue, vers 1411 - mort le 7 décembre 1461 à Évreux, Normandie), dit Flocquet, est un homme de guerre français, seigneur de Grumesnil, bailli royal d'Évreux, maréchal héréditaire de Normandie (par son mariage), conseiller et chambellan du roi.
L'article Wikipédia signale ceci : "De basse noblesse picarde, Robert de Flocques participe aux combats de la Guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons (1407-1435) dans le camp armagnac. Il se lie de fidélité au roi Charles VII, pratique l'écorcherie dans les territoires bourguignons et vit de la guerre jusqu'en 1444, où il reçoit une lettre de rémission pour toutes ses exactions. En 1441, il reprend Évreux aux Anglais et devient le bailli de la ville. En 1445, il est intégré à l'armée permanente de Charles VII comme capitaine d'Ordonnance. En 1449-1450, il participe à la conquête de la Normandie.
Sa carrière se poursuit avec sa participation à la bataille de Formigny qui clôt la récupération de la Normandie par le roi de France. Au terme d'une trajectoire exceptionnelle, Robert de Flocques meurt dans son lit à Évreux en 1461, passé d'un petit soudard picard à un bailli et capitaine reconnu comme un des meilleurs de son temps."
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Les membres des familles de Pierre de Brézé et/ou de Robert de Floques.
On peut penser que la famille de Pierre de Brézé, le premier sur le registre du dessus, occupe ce panneau, et que celle de Robert de Flocques occupe la suivante. Ce n'est qu'une hypothèse, invérifiable, et peu importe, sauf pour ma présentation.
Fond lie de vin damassé à rinceaux.
Un homme portant le chaperon blanc sur l'épaule droite.
Son épouse à large coiffe blanche et robe rouge.
Un deuxième homme, chaperon rouge sur l'épaule droite.
L'épouse de Pierre de Brézé est Jeanne (selon les généalogistes, mais Catherine selon P. Le Brasseur et les autres auteurs) Crespin, "dame de Mauny, Maulévrier et du Bec-Crespin (succède à ses frères) (le Roi lui accorde 400 £ de pension avant 1455) épouse Pierre de Brézé, baron de Maulévrier, seigneur de La Varenne +X 16/07/1465 (Montlhéry) (fils de Pierre 1er et de Clémence Carbonnel) (vendent ensemble les Trois-Villes de Saint-Denis assise en la Forêt de Lyons, à Louis d’Harcourt)"
Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Les registres inférieurs de la deuxième lancette.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Le Dauphin.
le Dauphin, duc de Normandie, (qui deviendra Louis XI en 1461), est agenouillé, les mains jointes devant un pupitre qui porte un livre ouvert. Sa cotte d'armes est armoriée de France et de Dauphiné;
Fond rouge damassé à rinceaux.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Les hommes portent une tunique courte, serrée par une ceinture, et fourrée au col et aux poignets.
Fond jaune orangé damassé à rinceaux.
Si cette famille est celle de Robert de Flocques, c'est le moment de signaler que son épouse Jacqueline Crespin est la jeune sœur de Jeanne [Catherine], épouse de Pierre de Brézé. "Jacqueline Crespin ° ~1415 + 20/01/1484 (inhumée à Gonfreville-L'Orcher) épousa 1) Robert de Floques dit «Floquet» ° 1411 + 07/12/1461 Bailli d’Evreux, puis 2) Pierre d'Ercambourg." http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Crespin.pdf
Le couple eut une fille, Jeanne, née vers 1430, mariée à Gilles de Rouvroy, et décédée vers 1480.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Les registres inférieurs de la troisième lancette.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Le pape Eugène IV, pape de 1431 à 1447.
Il porte une chape rouge à orfrois d'or, et la triple tiare papale, aux deux fanons. Il est identifié par ses armoiries d'azur à la bande d'argent placées au tympan. Pourtant, il n'est plus en vie à la date du don des reliques de Salomé et Jacobé le 4 décembre 1449. On pourrait donc y voir le pape Nicolas V, dont le pontificat s'étend de 1447 à 1455, mais dont les armoiries de gueules à la clef d'argent posé en bande et à la clef d'or posée en barre toutes deux liées d'un cordon d'azur, sont absentes.
Fond bleu damassé de rinceaux.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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L'évêque d'Evreux, Guillaume de Floques, l'abbé du Bec, premier chanoine de la cathédrale, et Robert Cybole, doyen
Fond vert damassé à rinceaux.
Guillaume de Floques évêque d'Évreux est agenouillé en habit épiscopal devant Robert Cybole, doyen du chapitre cathédral, et Jean de Rouen abbé du Bec jusqu'en 1452, et premier chanoine d'Évreux.
—Guillaume de Floques, moine bénédictin, fils de Robert, fut évêque d'Évreux jusqu'à sa mort le 25 novembre 1464. Il obtint ce poste par appui du roi après que Pasquier de Vaux évêque d'Évreux de 1439 à 1443, ardent défenseur des anglais, ait été suspendu en 1442 de tous ses biens pour avoir refusé de reconnaître le roi de France, et soit transféré par le pape à Lisieux, toujours sous domination anglaise. Eugène IV avait nommé en succession de Pasquier de Vaux Pierre Estrillac (ou de Treigac) de Comborn, mais le lendemain même de son élection, le 10 juillet 1443, Guillaume de Flocques est élu évêque d'Évreux sur l'insistance de son père. Le 16 juin 1445, il prit possession par procuration de l'évêché malgré les fonctions de Pierre de Comborn. Le 24 août 1446, il prête serment de fidélité au roi à Bourges. En 1447, Pierre de Comborn lui intente un procès devant le Parlement de Paris, mais le perd. Et le 5 septembre 1447, Guillaume de Flocques prend possession de l'évêché. Le 29 janvier 1456, trop âgé pour exercer ses fonctions, il se retire et devient abbé du pontificat. Pierre de Comborn lui succède enfin.
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— Jean de la Motte fut abbé du Bec de 1446 à sa mort le 17 novembre 1452 à Rouen. Il était le fils d'un bourgeois de Rouen, docteur en décrets de l'Université de Paris. Il peut être identifié par la crosse abbatiale, tenue sur l'épaule droite. Il porte un grand manteau blanc plissé (de bénédictin ?).
— Robert de Cibole (1403-1458), ou de Ciboule, Cybolle, Cybole, doyen d'Évreux. Chancelier de Notre-Dame de Paris en 1451 et proviseur du collège de Navarre, célèbre pour ses sermons, particulièrement pour celui sur la Passion prononcé le 30 mars 1442 à Saint-Jacques-la-Boucherie dont il était le curé (Notice BNF) et camelier de Nicolas V. "On a vû fleurir de son temps Robert de Cibole Doyen de l'Eglise Cathédrale d'Évreux. Il étoit de Breteüil, Docteur en Théologie, Chancelier de l'Université de Paris, Camerier du Pape Nicolas V. Il a écrit un Commentaire sur les Epîtres de S. Paul, dont le manuscrit étoit il n'y a pas encore bien longtemps, dans la Bibliothèque du Chapitre d'Evreux, avec llIl que le Pape Nicolas lui envoya de Rome en 1454. portant la permission de tenir tels bénéfices qu'il voudroit , fans être obligé à la résidence, & même de choisir le lieu le plus sain pour sa santé & le plus commode pour ses études. " (P. Le Brasseur p. 294)
Il porte, bien-sûr la tonsure. Son vêtement de chœur est doublé au col et aux poignets d'une fourrure dorée. L'étoffe pliée sur son avant-bras droit est l'aumusse des chanoines.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Les registres inférieurs de la quatrième lancette.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Le roi Charles VII.
Fond à rinceaux en trois bandes verticales rouge, verte et blanche.
Il est agenouillé devant son prie-dieu où son livre de prières est ouvert. Il porte la couronne, l'armure complète, l'épée au coté, et un tabard à ses armes d'azur fleudelysé.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Trois hommes en armure.
Fond jaune d'or, à grands feuillages.
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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LE TYMPAN.
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"Les compartiments supérieurs sont ornés de six écussons. :
En haut celui d'Eugène IV, d'argent, à la bande d'azur, surmonté de la tiare.
Au second rang deux blasons surmontés de la couronne de France : l'un de France, l'autre parti de France et d'Anjou. Ce dernier doit appartenir à Marie d'Anjou, femme de Charles VII : cependant, il diffère notablement de celui que lui attribue le Père Anselme et se rapproche davantage de celui de René d'Anjou, donateur des reliques, sans lui être absolument conforme. On peut le blasonner ainsi pour Anjou , tiercé : au 1er fascé d'argent et de gueules de 6 pièces ; au 2 d'azur, semé de fleurs de lys d'or ; au 3 d'argent, à la croix potencée d'or, soutenu de la pointe: au 4 d'azur semé de fleurs de lys d'or; au 5 d'azur, à 2 barbeaux adossés d'or, au 6 d'or à la bande d'argent.
Au troisième rang l'écusson du dauphin : écartelé de France et de Dauphiné.
Au quatrième rang l'écusson de Robert de Floques : de gueules, à 3 bandes d'argent ; et celui de Pierre de Brezé : d'azur, à l'écusson d'argent enclos dans un trécheur d'or et à 8 croisettes d'or, en orle." (Lebeurier)
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Baie 213 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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La baie 113 du triforium.
"La claire-voie du triforium est ornée, dans la partie supérieure des ogives, de trois écussons. Le premier parti de Floque et de Crespin (fuselé d'argent et de gueules) ; le second parti de Brezé et de Crespin ; le troisième de Floques." (Lebeurier)
Les trois baies géminées à 2 lancettes trilobées, tympan à 1 soufflet et 4 écoinçons portent dans les lancettes une vitrerie géométrique ponctuée de soleils ondés et de monogramme du Christ, C'est dans le tympan que se trouvent 3 écus armoriés, de France à gauche, puis de Robert de Floques, de son épouse Catherine Crespin et de la famille de Brézé parti Crespin. (Gatouillat)
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Baie 113 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
— BOUDOT ( Marcel), 1966,“Les verrières de la cathédrale d’Evreux: Cinq siècles d’histoire,” Nouvelles de l’Eure 27 (1966), 28-29.
— DUBUC (René), 1983, "Problèmes héraldiques de la cathédrale d'Évreux", Normandie, Etudes archéologiques. Congrès national des sociétés savantes, Caen
— GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385
— GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.
— GATOUILLAT (Françoise), "Note sur les verrières royales", Connaissance de l'Eure, n°88, p. 33-34.
–GOSSE-KISCHINEWSKI ( Annick ) et Françoise Gatouillat, La cathédrale d’Evreux, Evreux, Hérissey, 1997.
–GOSSE-KISCHINEWSKI ( Annick ), HENRY (Virginie), 2016, Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine de l'Eure (DRAC Normandie) Connaissance n°07
— GRODECKI Louis, 1968, Baudot et Dubuc "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in Bulletin monumental, 1968, p. 55-73.
"Le vitrail « des Trois Marie », dans le chœur, a déjà été souvent commenté et expliqué dans ses nombreux portraits de chanoines et dignitaires, comme aussi dans sa signification « politique ». « Cet admirable ensemble, écrit M. Dubuc, postérieur à la bataille de Formigny (15 avril 1450) qui marquait l'expulsion définitive des Anglais hors de la France, commémorait aussi, outre la fin du Grand Schisme d'Occident (1429), la donation au chapitre d'Évreux par René d'Anjou, roi de Jérusalem et de Sicile..., de deux parties notables des côtes des saintes Marie- Jacobé et Marie-Salomé en décembre 1449. » "
— LEBEURIER (Pierre-François), 1868, Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868, pages 26-27.
— LE BATELIER d'AVIRON, édition 1865 Le mémorial historique des évêques, ville et comté d'Évreux, écrit au XVIIe et publié pour la première fois par l'abbé P.F. Lebeurier...P. Huet, page 132.
— NEVEUX (François), 1987, Evreux à la fin du moyen âge: André Plaisse, La baronnie du Neubourg. Essai d'histoire agraire, économique et sociale ; L'évolution de la structure agraire dans la campagne du Neubourg ; Charles, dit le Mauvais, comte d'Evreux, roi de Navarre, capitaine de Paris ; Un chef de guerre du XVe siècle, Robert de Flocques, bailli royal d'Evreux ; La vie municipale à Evreux pendant la guerre de Cent Ans ; Evreux et les Ebroïciens au temps de Louis XI [compte-rendu]Annales de Normandie Année 1987 37-1 pp. 83-87
— RABEL (Claudia), 2009, des histoires de famille la dévotion aux trois maries en france du xive au xve siècle textes et images Revista de historia da arte n.º 7 - Institut de recherche et d’histoire des textes (CNRS) Paris – Orléans
Son intérêt héraldique avait été signalé en 1964 par Roger Gargadennec dans le bulletin de la S.A.F., XC (1964) p. 87. Il a été décrit aussi par Auguste Téfany, puis par René Couffon 1988 ( Autel de saint Joseph, en pierre, portant en relief les armes de Jean de Rougeart de Loquéran et de sa femme Jeanne Le Doulec, qu'il avait épousée le 13 octobre 1516. Retable du XVIIè siècle avec statue de saint Joseph).
Je ne trouve néanmoins aucun document photographique en ligne (notamment sur pop.culture.gouv.) et aucune discussion sur les blasons sculptés dans le granite. Ce qui justifie cet article.
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Autel Saint-Joseph de Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Angelots de l'autel Saint-Joseph de Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Les armoiries de [Jean] Le Rougeart.
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La détermination du blason est certaine : ce sont les armes de la famille de Rougeart, données par Pol Potier de Courcy comme D'argent au pin arraché de sinople, le fût chargé d'un greslier de sable lié de même.
Le Nobiliaire de Bretagne indique : ROUGEART (LE). Ancienne extraction R. 1671. 7 générations. R. 1426, 1536. M. 1481. Paroisse de Plouhinec, évêché de Cornouailles. "Anc. ext., réf. 1671, sept gén. ; réf. et montres de 1426 à 1536, dite par., év. de Cornouailles. D'argent au pin arraché de sinople, le fût chargé d'un greslier de sable, lié de même. Henry, vivant en 1481, père de Jean, marié en 1516, à Jeanne Le Doulec. Fondu dans Livec." (Nobiliaire ed.2)
La famille est dite aussi Le (de) Rougeart de Locquéran, du nom du manoir de Locquéran à Plouhinec, qui appartint à Yvon Le Rougeart (1455), puis aux Kerguélen de Keramorch et enfin aux Le Livec (1768),
Les données biographiques sans doute les plus sérieuses se trouvent dans la thèse de Catherine Magnien-Simonin (éditrice des Oeuvres complètes de Jucquel Rougeart (1578) :
—Hervé de Rougeart vers 1410 eut deux fils, Daniel et Henry.
—Henri I Le Rougeart était à la Montre de l'évéché de Cornouailles de 1481 parmi les nobles de Plouhinec : « Henry Rougeart , archer en brigandine et guisarme ».
— Le fils d'Henry, Jean Le Rougeart, épousa le 13 octobre 1516 Jeanne Le Doulce (Le Douce), "fille aînée de feu noble homme de Yvon le Doulce et de demoiselle Marie Salluden" (contrat de mariage) .
—Leur fils Henry Le Rougeart ( parmi les nobles de Plouzévet, il faisait défaut à la Montre de l'évéché de Cornouailles à Quimper de mai 1562) épousa Jeanne Godé, morte en 1568, et ils eurent trois fils .
a) Jean I, sieur de Locquéran (mort avant 1568), épousa Marguerite Kerderrien (1537-Lervily en Esquibien 24 juin 1637) et C'est leur fils Jucquel, né à Audierne en 1558 et décédé en 1588, qui est l'auteur de poèmes français et latins.
b) Jean II, sieur de Huibléré (mort en 1573), épousa Clémence Gouandour, d'où :
-Alain I (né vers 1571) , capitaine et garde-côte du hâvre d'Audierne , qui épousa Marie de Tréanna [Il déclare, dans un acte du 25 août 1641, « s'estre retiré en sa maison par l'ordre et commandement du Roy, après l'avoir servy pendant le temps de 30 ans dans la compagnie de 200 chevaux-légers de sa garde ordinaire, et ayoir aussi servi sa Majesté en qualité de capitaine et garde-coste des ports et havre d'Audierne, l'isle de Saint, la rade et parroisses,circonvoisines, voyant le dit Rougeart être incommodé, ayant atteint l'aage de 70 ans, il se démet de la dite charge de capitaine et et garde-coste entre les mains d'escuyer Allain Le Rougeart, son fils, principal héritier et noble ». Cet Alain Le Rougeart doit être celui qui fut témoin lors de l'enquête de 1599 sur les désordres de la Ligue en Cornouailles. Marie de Tréanna se sépara de corps et de biens de son mari en 1624 et alla demeurer au manoir du Huibléré, en Plouhinec.
- Ce couple eut un fils Alain II (1614-1669), garde-côte d'Audierne qui épousa Marie Hamon le 4 octobre 1648 dans la chapelle de Locrenan - Plestin-les-Grève. ""Messire Alain de Rougear seigneur de Locqueran, de ..andy, Huilleray, chevalier de l'ordre de St Michel, l'un des deux cents chevaux legers du roy, capitaine appointé de ladicte compagnie et l'un des gentilshommes servants actuellement a sa majesté, capitaine garde coste d'Audierne, seigneur de la paroisse de Plouzinec, et damoiselle Marie Hamon dame de Locrenan, Kerlan, Kerferes, Toulanhery, furent espousés le dimanche quatriesme jour d'octobre mil six cents quarante et huict par missire Euflam Le Guennec prebtre et recteur de la paroisse de Plestin en la chappelle du manoir de Locrenan par la permission de monseigneur l'illustrissime et reverendissime Baltazar Grangier evesque et comte de Treguier qui les dispense de deux bans, unaiant esté faict au prosne de la grande messe dicte et celebrée en l'eglise parochiale de Plestin le mardi vingt et neufiesme jour de septembre et feste de monsieur St Michel, ladicte dispense et permission de faire les nopces en ladicte chappelleest en datte du deuxiesme octobre mil six cents quarante et huict, et la lettre du curé de ladicte paroisse de Plouzinec signée Plaro est du 16 7bre. Lesdictes nopces furent faictes en presence de messieurs duLezar, La Sale, Kerbreselic et autres.En foy de quoy avons signé."
c) Julien, mineur en 1568, bailli de Douarnenez, mort en 1600 dans les prisons de Rennes.
Ce site donne la transcription d'un Extrait des registres de la Chambre etablie par le Roy pour la Reformation de la Noblesse du pais et duché de Bretagne, par lettres patentes de Sa Majesté du mois de Janvier 1668, tiré de "La noblesse de Bretagne devant la Chambre de la Réformation 1668-1671" du Comte de Rosmorduc, 1896, tome II, p. 561-565.
La famille, qui compta des notaires,
Le manoir de Loquéran.
Il est instructif de consulter sur les cartes la situation géographique du manoir des Rougeart, pour mesurer combien il place cette famille dans un milieu maritime et portuaire :
Loquéran, situé en Poulgoazec, est sis à l'embouchure du Goyen ; la baie et le port d'Audierne offraient aux navires, malgré leur accès farouche et une fois franchie la barre, un mouillage à flot bien abrité. L'activité économique prospère reposait sur le négoce et le cabotage pour le transport des toiles d'olonnes, de vin, de sel, ainsi que sur la pêche avec des pêcheries et sécheries —le merlu est alors si abondant que les habitants sont surnommés penn-merlu —, et sur l'hivernage des bateaux sur la côte, permettant un enrichissement général des populations. En témoigne les professions des deux Rougeart pour lesquels celle-ci est renseignée : Bailli de Douarnenez (Julien), et garde côte , garde et capitaine du hâvre d'Audierne (Alain I et II) .
Le manoir, qui se trouvait à l'emplacement de l'actuelle rue du Manoir et du 6 rue de la République du Plouhinec d'aujourd'hui, possédait sa propre chapelle Saint-Jérôme. Situé à flanc de colline, en face d'Audierne et au dessus du Goyen, au milieu de terres riches ; le manoir avait double vocation, maritime et agricole. Hervé de Rougart (Dom H. Morice, Preuves II, coll 849-853) a eu à déposer avec d'autres dans une enquête ordonnée par le vicomte de Rohan pour préciser les droits coutumiers sur le port de Goezian que aucuns appellent Odierne » pour définir ses droits en matière de pots de vin, vente de vaisseaux et justice sur la rive Ouest du Goyen. http://tudchentil.org/spip/spip.php?article102
Enfin, il faut apprécier la proximité d'Audierne avec Esquibien dont elle était la trève (les deux communes sont aujourd'hui fusionnées) pour comprendre que Jeanne Le Doulce, issue de cette paroisse, partage avec son mari cette appartenance à un milieu maritime.
Blasons de l'autel Saint-Joseph de Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Les armoiries de droite.
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On pourrait le décrire comme une croix en bois écotté. Chaque branche de la croix porte trois entailles, d'implantation alternée, 1 à droite et 2 à gauche, ou l'inverse.
Or, les armoiries des Le Doulce ne sont décrites, par Pol de Courcy, que pour la famille Le Doulec sr de Kerourgant et de Liscoët, paroisse de Plogastel-Saint-Germain (R. 1536) : elles sont d'argent à la croix de sable, donc blanche avec une croix noire.
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La famille Le Doulce (Douce, Doulec, Doulcic, Doulcyc, Le Doulczic, Le Doulz).
La famille, compta, comme celle des Rougeart, des notaires, Maître Yves Le Doulce et Guillaume Le Doulce, nobles hommes, furent témoins d'une querelle à Quimper le 13 décembre 1551. Je ne retrouve aucune mention de profession maritime.
Jeanne Le Doulce, "fille aînée de feu noble homme Yvon Le Doulce", épousa le 13 octobre 1516 Jean le Rougeart
Yvon Le Doulce parut à la montre de 1481 comme noble d'Esquibien.
La famille compta des notaires. Le 13 décembre 1551, Maître Yves Le Doulce et Guillaume Le Doulce, nobles hommes, furent témoins d'une querelle à Quimper.
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Bulletin SAF 1910 - Société archéologique du Finistère pages 154-155
"Noble homme Michel Le Doulcic, ou le Doulce, était issu d'une vieille famille d'Esquibien qui avait été possessionnée des manoirs de Kermabon et de Kerouarné en cette paroisse .
Yvon Le Doulce parut à la montre de 1481 comme noble d'Esquibien ( Freminville. Antiquités du Finistère, 2' partie. Cet Yvon Le Doulce ayait épousé en 141f2, Marguerite Tréouret fille puinée de Louis et de Marie Buzic, seigneur et Dame du dit lieu. Ceux-ci assuraient à leur fille la jouissance de 4 livres iD sols .de rente, plus les cheffrentes dûs sur les villages de Trémarc'ha, en Esquibien (3 raz froment et une r'az avoine) et de Trobrech, en Goulhien (42 sols, 6 'deniers monnaie). (Archives du Finistère: E. 360).). En 1540, Alain le Doulcyc et Jacquette de Tremyc, sa femme, étaient seigneur et Dame de Kerouarné et possédaient en outre le manoir de Kergatouarn en Beuzec-Cap Sizùn. Yves et Guillaume Le Doulce se trouvèrent mêlés à l'affaire du « coup de Jarnac)) arrivé à la foire de-Saint-Corentin, à Quimper le 11 décembre 1551. Ils demeuraient en la tour du chastel. Le fief de Kermabon passa à la famille de Rospiec par suite du mariage de Jean de Rospiec, avec Marie Le Doulce. Cette dernière épousa, en secondes noces, le 4 août 15ï4, écuyer François de la Tour de qui elle n'eut pas d'enfants . .
La famille Le Doulce s'est également alliée aux Rougeart de Locquéran en Plouhinec.
Nous empruntons quelques renseignements sur cette famille Le Rougeart à l'excellente publication de M. Le Comte de Rosmorduc sur la Réformation de 1668. Le 13 octobre 1516, Henry Le :Rougeart, seigneur de Locquéran, épousa demoiselle Jeanne Le Doulce, fille aînée de feu noble homme Yvon Le Doulce et de demoiselle Marie Salludem, sa femme. De ce mariage issurent deux fils, Henry et Jean. Le premier épousa Jeanne Godé qui mourut en 1568,et le second Marguerite Kéridiern qui fut citée comme témoin à l'enquête' au sujet des prééminences à la Chapelle de Saint-They. Du mariage de Henry Le Rougeart et de Jeanne Godé naquit au moins un fils, Jean qui épousa Clémence de Gouandour ; Jean Le Rougeart et Marguerite Kéridiern eurent également un fils. Jacques, qui mourut sans hoirs et dont la succession fut adjugée à son cousin par sentence du 13 mai 1588."
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Blasons de l'autel Saint-Joseph de Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Conclusion.
Si on peut affirmer que le deuxième blason est bien celui des Le Doulce d'Esquibien, les donateurs de la chapelle ou de l'autel sont alors bien Jean Le Rougeart et son épouse Jeanne le Doulce. Ils pourraient avoir fait cette donation l'année de leur mariage en 1516, mais, bien que nous ignorions la date de leur décès, la donation est peut être plus tardive, et dater par exemple des années 1528, lorsque les libéralités d'Alain de Rosmadec et de Jeanne du Chastel permirent l'agrandissement du choeur mais aussi la réfection des fenestrages des chapelles méridionales.
L'emplacement du manoir des Rougeart, tout comme la profession de garde-côte des descendants de Jean Le Rougeart, incite à penser que la promotion rapide de cette famille anoblie en 1426 et 1481 est liée à l'expansion économique de la région Penmarc'h-Audierne due au commerce maritime par les rouliers, et par la réussite de la pêche.
Dans ces conditions, nous pourrions créer des liens entre la présence de ces blasons, et la scène de pêche figurée sur les sablières du chœur (vers 1528-1544), ou, dans d'autres églises et chapelles, d'autres scènes de pêche sculptées dans le bois (sablières de Primelin) ou la pierre (façade de Confort-Meilars), ou associer ces blasons avec les nombreuses carvelles (navires marchands) sculptés à Audierne, Penmarc'h, etc.
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Un dernier mot.
Les armoiries de Rougeart de Loquéran avaient été reconnues sur la maîtresse-vitre de Notre-Dame-de La Cour à Lantic, au cinquième rang avec celle des Boterel et des Geslin, dans la description de M. de Geslin de 1849. Ces armes d'argent à l'arbre arraché de sinople, le fût chargé d'un greslier de sable lié de gueules ont été attribuées depuis par Anatole de Barthélémy à l'archidiacre Salomon Mahaut. "Dans les rangs inférieurs plusieurs écussons manquent; parmi ceux qui sont conservés nous notons ceux-ci : d'argent à l'arbre arraché de sinople, le fût chargé d'un greslier de sable lié de gueules (n° 12). Jusqu'ici on a attribué ce blason à la famille Rougeart, de la paroisse de Plouhinec (Finistère), sans que rien ne justifiât la présence en Goëllo des armoiries d'une famille qui n'y était pas possessionnée; d'autres personnes ont voulu y retrouver les Le Roux, seigneurs de Bourgogne et Fontaine-Bouché dans les paroisses de Lantic et de Plourhan, qui portaient d'argent au houx de sinople feuille de trois pièces (n° 15) ; dans cette hypothèse il faudrait admettre que le greslier figure ici comme brisure, et que les armes primitives des Le Roux ont subi quelque modification. Je crois que le blason en question estcelui de l'archidiacre de Goëllo dans la circonscription duquel se trouvait Lantic et qui ne pouvait manquer d'accompagner l'évêque de Saint-Brieuc. A la date où nous sommes, l'archidiaconé de Goëllo était tenu par Salomon MAHAULT, seigneur de Kerangouarc'h qui avait justement les armoiries ci-dessus décrites."Poudouvre.over-blog.com
"Jucquel Rougeart nait à Audierne, en Basse-Bretagne, en 1558. En 1574, il se rend à Paris, pour y poursuivre ses études au collège de Lisieux. A quelques mois d'intervalle, il publie au cours de l'année 1578 son Curiosolitorum de haereticis triumphus et ses Divers poèmes latins et français. La poésie de cet écolier donne à lire un catholicisme traditionnel, héritier militant des idées de la Saint-Barthélemy, ainsi qu'un sentiment aigu d'appartenance à la nation de Bretagne; elle témoigne aussi de la formation des collégiens d'alors et révèle les ambitions poétiques d'un jeune homme à l'affut de l'actualité et des modes littéraires de son temps. Nous publions les œuvres complètes de Rougeart (avec variantes pour le Triumphus, introduction générale, notices, traduction des poèmes latins, glossaire) à partir des trois exemplaires connus du Triumphus et de l'Unicum des divers poèmes que nous avons retrouvé. Ce sont quelque deux mille vers cinq cents vers français et quatre cents vers latins qui viennent s'ajouter au corpus de la littérature provinciale de la renaissance française."
http://www.theses.fr/1986PA040247
— PÉRÉNNÈS (Chanoine), 1942, s Plouhinec et Poulgoazec, MONOGRAPHIE des deux paroisses , 1942
« Manoir de Locquéran. Ce manoir était situé en Poulgoazec, à droite faisant coin, lorsque l'on s'engage de la route de Plouhinec-Audierne sur la route de Poulgoazec. Le mur ouest subsiste encore ainsi qu'une ouverture à ogive de la chapelle du manoir dédiée à saint Jérôme. Locquéran appartient en 1455 à Yvon Le Rougeart, en 1516 à Henri Le Rougeart, époux de Jeanne Le Doulce. Les Rougeart blasonnaient d'argent à l'arbre de sinople, un cor de chasse de gueule suspendu au fût de l'arbre. Des Rougeart, le manoir passa par alliance aux Kerguélen de Keramorch."
Les vitraux du XIVe siècle de la cathédrale d'Évreux : XIX: la baie 210 offerte vers 1390-1400 par le roi Charles VI.
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Cet article est le dix-neuvième d'une série sur l'apparition du jaune d'argent dans les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux au XIVe siècle, et il suit l'ordre chronologique des datations de ces verrières.
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Je suis guidé par les publications de Françoise Gatouillat, et notamment par Gatouillat 2019.
Haute de 6,50 m et large de 3,60 m, la baie 210, située au coté sud des vitres hautes du chœur, comporte 4 lancettes trilobées et un tympan à 1 pentalobe, 2 trilobes et 9 écoinçons. Elle appartient, avec la baie 209 offerte par Pierre de Navarre, comte de Mortain, aux verrières dites "royales". En effet, dans les deux lancettes centrales, le roi de France Charles VI est agenouillé devant un prie-dieu, présenté à la Vierge à l'Enfant, assise, par saint Denis placé à l'extrême droite.
Les dais répètent les mêmes fleurons trilobés au sommet des petits gables aigus des contreforts que la baie 209, les mêmes crosses de feuillage sur les rampants des gables principaux, et surtout les mêmes crochets blancs et jaunes qui hérissent, par une disposition assurément rare, la corniche supérieure des niches.
De même, nous retrouvons ici les deux tissus damassés de la baie 209, d'une part celui des fonds, à rinceaux et médaillons où s'affrontent deux dragons ou oiseaux fabuleux, et d'autre part celui du prie-dieu, à large fleur jaune en étoile.
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La verrière a été recomposée ici en 1955 avec des panneaux exécutés pour la nef et transférés progressivement dans le chœur depuis 1845. La figure royale était placée à l'origine dans la baie 132 sous sa rose aux armes de France. Lebeurier donnait en 1868 la description du coté sud de la nef :
"Les fenêtres 2 et 3 ont de simples grisailles ornées à leur partie supérieure, la première d'un écusson aux armes de France d'azur à trois fleurs de lys et la seconde d'un écusson écartelé de Navarre et d'Evreux.
La verrière de la fenêtre 4 représente un roi qu'on croit être Charles V, beau-frère de Charles-le-Mauvais, agenouillé sur un coussin orné de fleurs de lys, en face d'un prie-dieu sur lequel est un livre ouvert. Le fonds de la scène est d'azur semé de fleurs de lys. Au haut, dans la rosace, un écu de France, d'azur semé de fleurs de lys sans nombre.
La verrière de la fenêtre 5 représente une Vierge assise ayant sur ses genoux l'enfant Jésus qui tient à la main une branche de rosier. En face se trouvait, dit-on, le portrait de Charles-le- Mauvais qui a été transporté dans le chœur vers 1834."
Elle fut restaurée en 1890 par Leprévost et Steinheil, puis restaurée et recomposée en 1955 par Gruber. En 1983, elle a été endommagée par un orage de grèle et restaurée par Tisserand avec inclusions, doublage de la vitre, tandis que les plombs de casse ont été supprimés grâce à un collage bord à bord des pièces brisées.
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Les baies 210 et 212 et en dessous les baies 110 et 112 du triforium.
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La baie 210.
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Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Les parties figurées des quatre lancettes.
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Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Première lancette (à gauche) : la Vierge à l'Enfant assise sur une cathèdre.
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La Vierge nimbée et voilée, vêtue d'un manteau bleu, tient son fils sur le bras droit et un livre dans la main gauche. Elle est légèrement tournée et inclinée vers le donateur, vers lequel se dirige son regard.
L'Enfant, blond, à demi recouvert d'un drap, entoure le cou de sa Mère tandis que sa main droite se dirige vers le donateur.
Marie porte une robe blanche à motifs de deux fleurs différentes, peintes au jaune d'argent.
La cathèdre est gothique, à pinacles à crochets.
Le drap d'honneur tendu derrière elle, de couleur rouge, est peint à la grisaille, l'enlevé de cette peinture donnant à voir le motif du damassé, à rinceaux souples dont les boucles à crochets renferment deux dragons (ou oiseaux fabuleux) selon une inspiration orientale repris dans les lampas italiens.
L'édicule hexagonal à voûte nervurée et aux pans marqués par des gables à fleurons laisse voir, sur le fond bleu, les lancettes d'une ou plusieurs verrières, comme si la niche était située dans une cathédrale.
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Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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. Détail du damassé.
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Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Les deux lancettes centrales : Charles VI agenouillé en donateur.
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Les deux lancettes forment un seul lieu, délimité par l'arcade de la niche, dont le sommet est gardé par deux anges (complété en 1955).
Sur un fond vert (en haut) et rouge , un drap d'honneur fleurdelysé est tendu. Le large prie-dieu est recouvert d'un linge liturgique blanc, richement orné de fleurs à sept pétales en étoile, comme sur la baie 209. Le livre de prière, ouvert, étale les deux fermoirs de sa reliure.
Le roi (couronné) est vêtu, non pas d'un manteau aux armes de France, mais d'un manteau rouge au rabat de col et au revers blanc (fourrure d'hermine ?).
Mains jointes, il fixe la Vierge du regard.
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Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Dernière lancette : Saint Denis.
C'est lui qui porte sur son manteau les armes du royaume de France, dont il est le patron(cf. la nécropole royale de Saint-Denis et le cri Montjoie-Saint Denis).
Il tient sa tête dans les bras, puisqu'il a été décapité. Cette tête est mitrée, les fanons de la mitre retombent derrière le bras gauche.
C'est ici le même carton que pour la baie 209, où il co-présente Pierre de Navarre.
Le fond damassé rouge reprend le même motif que sur les lancettes précédentes.
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Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Le tympan.
L'oculus du pentalobe renferme les armes de France aux fleurs d lys sans nombre, tandis que les lobes, datant du XIXe, sont aux armes d'Évreux-Navarre. Des couronnes d'or sur champ de gueules occupent les trilobes.
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Baie 210 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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La baie 110 du triforium (3ème quart du XVe).
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Baies 210 et 110 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 110 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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— Stained-glass windows of Cathédrale Notre-Dame d'Évreux
— BOUDOT ( Marcel), 1966,“Les verrières de la cathédrale d’Evreux: Cinq siècles d’histoire,” Nouvelles de l’Eure 27 (1966), 28-29.
— DUBUC (René), 1983, "Problèmes héraldiques de la cathédrale d'Évreux", Normandie, Etudes archéologiques. Congrès national des sociétés savantes, Caen
— GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385
— GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.
— GATOUILLAT (Françoise), "Note sur les verrières royales", Connaissance de l'Eure, n°88, p. 33-34.
–GOSSE-KISCHINEWSKI ( Annick ) et Françoise Gatouillat, La cathédrale d’Evreux, Evreux, Hérissey, 1997.
–GOSSE-KISCHINEWSKI ( Annick ), HENRY (Virginie), 2016, Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine de l'Eure (DRAC Normandie) Connaissance n°07
— LAFOND (Jean), 1975, "Les vitraux royaux et princiers de la cathédrale d'Évreux et les dessins de la collection Gaignières" , Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France Année 1975 1973 pp. 103-112
— LEBEURIER (P-F.), 1868, Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868
Sophie Duhem a attribué au sculpteur des sablières de l'église de Plomodiern, — à qui elle donne le nom de Jean Brellivet d'après une inscription datée alors que c'est pour moi le nom du fabricien en titre en 1564 — plusieurs autres ensembles de sablières qui lui sont antérieures, d'abord dans la région du Cap-Sizun (à une trentaine de kilomètres plus au sud) tant à Pont-Croix vers 1544 qu' à la chapelle Saint-Trémeur de Cléden-Cap-Sizun en 1554, ou à la chapelle Saint-Tugen de Primelin, puis à l'église de Saint-Nic (voisine de Plomodiern).
Effectivement, on y retrouve des traits stylistiques bien particuliers, dans des décors où les dragons tiennent la première place, se livrant à des dévorations et menaces à l'égard des humains. L'un de ces traits est l'existence de feuilles-plumes, parfois fixées à des anneaux, colliers ou ceintures, qui poussent sur les corps des dragons, des grylles (animaux chimériques à plusieurs têtes) mais aussi des "humains", dans une confusion entre les trois Règnes. Un autre trait est l'emploi de marques de gouges, en C, en I ou en glissades pour rendre les écailles, les stries, les verrues des animaux, les marques des médaillons ou les collerettes des personnages. On reconnait aussi du premier coup d'œil ces hommes allongés bras tendus et présentant ( à Plomodiern et Saint-Nic) des cartouches à inscription. Citons aussi la présence de masques (souvent à l'extrémité des pièces de bois) ou de médaillons occupés par des couples en coiffe, casque et costume Renaissance.
Après avoir visité et photographié les sablières de Plomodiern et de Saint-Nic, et m'être plu à suivre à la trace en vrai pisteur du patrimoine ces empreintes d'un artiste du temps jadis, j'ai décrit celles de Confort-Meilars (dans le Cap-Sizun), dont le style est proche mais non identique, et me voilà à Pont-Croix.
Là, je découvre une charpente lambrissée à trois ensembles différents de charpente sculptée.
a) Dans la Chapelle du Rosaire, l'artiste a représenté des masques d'homme et de femmes de face, coiffés , se détachant de la pièce de bois où ils sont séparés par des espaces plans, non sculptés. Sophie Duhem les date du début du XVIe. Mauvaise piste pour ma chasse, mais elle mériterait, une autre fois, d'être remontée pour en retrouver la famille.
b) Dans la chapelle adjacente (quelle est son nom ?), à l'ouest, quatre pièces de bois sont joliment sculptés avec des lions, des dragons et des grylles : la parenté avec le sculpteur de Plomodiern s'établit par cette thématique, mais le style est différent (et peut-être plus proche des réalisations de Confort-Meilars). Elles dateraient du milieu du XVIe siècle.
c) À l'extrémité orientale de l'église, au centre du chevet, la toiture retombe sur deux corniches qui se font face ; et là, pas d'erreur, c'est bien le pseudo Jean Brellivet (le "Maître de la nef et du porche de Plomodiern", si on veut) qui y a fait ses armes. De même, sur le pan sud du chevet, deux pièces sont de la même main, C'est donc vers cet ensemble de six pièces que je dois me pencher (si on peut dire, pour des détails placés tout en haut des murs).
J'aurais tendance à rattacher à ces sculptures de corniches , bien que je ne sois plus couvert par l'autorité des écrits de S. Duhem, la tribune d'orgue de l'église, le buffet étant classée MH ; en effet, j'y retrouve les dragons caractéristiques.
Note : la charpente a été restaurée en 2007, "et des pièces de sablières ont été resculptées".
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Datation.
Sophie Duhem adopte la date de 1544. En effet, c'est selon Couffon entre 1528 et 1544 que comme à Notre-Dame de Confort, , grâce aux libéralités d'Alain de Rosmadec et de Jeanne du Chastel, le choeur fut agrandi avec transformation de l'ancien chevet plat en chevet à noues multiples. Le couple s'est marié en 1528, Alain de Rosmadec est décédé en 1560. Jeanne du Chastel est décédée en 1544, or, elle est représentée avec son mari sur le vitrail de la grande verrière, dont les fragments sont conservés actuellement dans la chapelle du Rosaire. Ce sont ces données biographiques qui conduisent René Couffon à cette datation. Par ailleurs, les réalisations du maître des sablières de Plomodiern sont datées par inscriptions en 1564 à Plomodiern et 1562-1566. La date de 1544 pour les sablières de Pont-Croix, même si elle se base sur des estimations fragiles, peut être considérée comme plausible.
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LES QUATRE PIÈCES DU CHEVET PRINCIPAL (VERS 1544, maître des sablières de Plomodiern) .
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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I. Chevet, au dessus de la travée sud. Deux pièces et trois blochets.
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Blochet : personnage tenant un rouleau.
Première pièce : deux médaillons (hommes casqués, de profil) encadrant deux dragons enfeuillagés et un masque (homme-feuille).
Blochet central : gueule de dragon.
Deuxième pièce : scène de pêche (trois hommes dans une barque et six poissons) ; créature semi-humaine accroupie tenant la queue de deux dragons enfeuillagés.
Blochet : femme mains jointes.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Blochet : personnage tenant un rouleau.
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Ce personnage aux cheveux à petites mèches serrées est coiffé de ce qui peut être un bonnet carré (de recteur ou de docteur). Il porte un manteau à plis épais, sur une chemise au col particulier. Le bras droit n'est qu'ébauché, et c'est la main gauche qui tient un rouleau, ou le manche d'un objet.
Du visage, auquel deux grands yeux confère une allure pensive, nous remarquons le menton très rond, la bouche étroite mais lippue, et le nez aux larges narines.
On le comparera au blochet du pan sud du chevet, où le personnage porte un bonnet carré intact.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Première pièce : deux médaillons (hommes casqués, de profil) encadrant deux dragons enfeuillagés et un masque (homme-feuille).
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Dès le premier médaillon, nous reconnaissons le style du maître de la nef de Plomodiern, avec ce cadre entaillé de marques en I (à empattement), et ce profil à l'œil d'horus, immense, à pupille creuse et à paupière soulignée par un double trait.
Nous reconnaissons aussi le nez en patate au dessus d'un menton fuyant.
Le chapeau rond à large bord antérieur et postérieur n'a pas l'allure franche d'un casque : c'est, aussi bien, la coiffure civile d'un bourgeois.
Le haut du manteau, aux plis marqués, évoque également les médaillons plomodiernais ou saint-nicais que voici :
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Médaillon masculin, nef de l'église de Plomodiern.
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Médaillon féminin, nef de l'église de Plomodiern.
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Sablières de l'église de Saint-Nic. Photo lavieb-aile.
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Ici, nous avons de chaque coté deux médaillons masculins, et non un couple. Les deux médaillons sont identiques, quoique le nez du personnage de droite soit encore plus typique que celui de gauche.
Sur le dessin du cadre circulaire vient se mouler celui de l'oreille d'âne du dragon, et la volute d'une feuille-plume complète le cercle. C'est une façon de souligner combien les êtres humains (miroir tendus aux paroissiens ) étaient menacés par les forces animales prêtes à les dévorer. Il est tentant d'y voir une représentation des dangers encourus par les âmes des chrétiens et des tentations de la chair, mais loin d'être un prêche à la moraline pesante, c'est plutôt un clin d'œil amusé où les enjeux sotériologiques ne sont pas pris au sérieux. Cet espace intermédiaire entre l'espace liturgique du chœur et les cieux échappe à la religion.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Vient ensuite le premier dragon, avec son œil d'horus qui fait parenté avec celui de l'humain, dans un souci de brouiller les limites spécifiques qui domine cette production. Selon le même principe de confusion animal-végétal, des appendices foliaires s'échappent du corps, tandis que les lignes du museau et de la langue se métamorphosent en volutes comme des feuillages, ou des plumes. À y regarder de près, le dragon est bien équipé d'une aile nervurée, comme de règle, mais celle-ci est si réduite et si entourée des boucles végétales qu'elle en est dissimulée.
Immédiatement, nous repérons aussi les marques de gouge en C qui rendent les écailles de l'animal.
Nous pourrions décrire aussi un ruban aux marques en I et y voir une banderole (produit manufacturé humain), si l'habileté de notre artiste ne mêlait pas ces volutes aux autres pour mieux emmêler notre plume interprétative.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Au centre, un masque dont le centre est humain mais qui, aplati au rouleau à pâtisserie, s'étale en feuilles pointues.
Ne quittons pas ce moustachu sans remarquer l'encadrement fait d'éléments cycliques, puisque ceux-ci portent des marques faites au foret de menuisier. Constatation précieuse, puisqu'à Plomodiern et ailleurs, ces marques de foret appartiennent au vocabulaire routinier du sculpteur.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Le deuxième dragon nous permet de réviser notre acquis : les feuilles-plumes, les banderoles, l'aile nervurée (en fleur de lys), la queue bifide comme celle d'un poisson-feuille, les dents de loup, le museau et la langue retroussés en vrille, etc.
Disons un mot de la peinture rouge du fond (et des dents) et de la peinture crème des éléments sculptés, un procédé qui se retrouve à peu près à Saint-Tugen en Primelin mais qui diffère de la riche polychromie utilisée à Plomodiern, Saint-Nic, ou Confort-Meilars .
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Blochet central : gueule de dragon.
Deuxième pièce. 1. scène de pêche (trois hommes dans une barque et six gros poissons) ; 2. créature semi-humaine accroupie tenant la queue de deux dragons enfeuillagés.
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Le blochet est de la même main, comme en témoigne les marques de gouge et de foret.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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1. scène de pêche (trois hommes dans une barque et six gros poissons) .
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La scène de pêche présente un intérêt majeur. On ne la trouve, par le même atelier ni à Plomodiern ni à Saint-Nic, mais bien à Primelin (et, selon S. Duhem, à la chapelle Saint-Trémeur de Cléden-Cap Sizun): donc uniquement au Cap Sizun.
Au total, sur les sablières, ces scènes de pêche (ou du moins maritimes) sont au nombre de sept.
Église de Combrit, 1549, [par un sculpteur proche de celui de Plomodiern, l'"anonyme de Combrit" (S. Duhem), actif aussi à Saint-Tugen de Primelin] : 2 barques et 7 ou 8 poissons.
Chapelle Sainte-Marine de Combrit,
Chapelle Saint-Michel Douarnenez (pêche au filet).
église de Cléden-Cap-Sizun
chapelle Saint-Trémeur de Cléden-Cap-Sizun (maître de la nef de Plomodiern)
Église de Pont-Croix (maître de la nef de Plomodiern)
Chapelle Saint-Tugen de Primelin.
Cette représentation de barques et de poissons sur les sablières, uniquement au Cap Sizun et nulle part ailleurs en Bretagne, est à rapprocher des sculptures sur pierre de navires et de poissons sur les façades des églises de la même région, s'ornent de navires (plus souvent des carvelles que des barques de pêche), à l'église de Penmarc'h, à la Tour-Carrée de Penmarc'h, à l'église Notre-Dame de Confort de Confort-Meilars, à Saint-Rumon d'Audierne , à la chapelle Saint-Yves et à l'église Saint-Collodan de Plogoff, ou à Cléden et Goulien . "On rapporte qu'en 1590, en pleine période des Guerres de religion, sur 849 navires ayant fréquenté le port de Bordeaux, 80 venaient du Cap Sizun et 55 de Penmarc'h. Vers la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle, des bateaux d'Audierne s'aventuraient jusqu'aux Canaries ainsi qu'en Méditerranée, et au milieu du xviie siècle, Audierne possède 150 chaloupes de pêche et compte environ 2 300 habitants" (Wikipédia). Lire J. Peuziat, "Navires de pierre (sculptures des églises bretonnes),” Le Chasse-marée n° 15 (1985) p. 34-47, ou Ch. Villain-Gandossi, Le navire médiéval à travers les miniatures https://books.openedition.org/pur/107810
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Description.
On y voit trois hommes dans une barque non pontée, à clins ou, du moins, dont le franc-bord est rehaussé. Ils sont vêtus d'un vêtement ample mais serré à la taille par une ceinture, et leur tête est recouverte par un capuchon se dressant en pointe et recouvrant les épaules, comme un chaperon. On imagine ces protections en toile huilée. L'un, à l'avant, tient des deux mains une gaffe ou un harpon ramenant l'un des poissons. Celui du milieu tire vers lui une ligne, qui est interrompue par le bûchage dont la sculpture a été victime, mais qui se retrouve à gauche, amenant au bord un gros poisson.
Sophie Duhem estime qu'il s'agit de sardines, la pêche alors florissante sur les côtes bretonnes, mais on peut penser aussi à des thons.
Le pêcheur de gauche, bras écartés, a le geste professionnel des pêcheurs à la ligne en mer, mais sa main droite est proche des filins d'un mât et de la voilure, abattus pour la pêche. Plus vraisemblablement, cette main droite manœuvre la barre, dont la partie arrière est visible au dessus du safran.
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Barque de pêche, sablières de Saint-Tugen à Primelin. Photo lavieb-aile.
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Sablières de Sainte-Marine à Combrit. Photo lavieb-aile
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Eglise Saint-Nonna de Penmarc'h : une chaloupe non pontée armée de deux avirons pêche divers poissons ; outre les rameurs, le patron et le matelot.Photo lavieb-aile
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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2. créature semi-humaine accroupie tenant la queue de deux dragons enfeuillagés.
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La créature, probablement nue, est coiffée d'une couronne évasée. On la comprend mieux en la
comparant avec la scène homologue, dans la chapelle Saint-Tugen de Primelin :
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f de la chapelle Saint-Tugen à Primelin. Photo lavieb-aile
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Blochet : femme mains jointes.
En très bon état : restaurée ou restituée ? Elle est surmontée d'une colombe en about de poinçon : est-ce la Vierge ?
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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II. Chevet, au dessus de la travée nord. Deux pièces et trois blochets.
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Blochet : personnage bras tendus (tête perdue)
Première pièce : deux médaillons (hommes casqués, de profil) encadrant deux dragons enfeuillagés et un masque (homme-feuille). (Reprise de la pièce sud)
Blochet : gueule de dragon.
Deuxième pièce : deux médaillons encadrant deux dragons à queue céphalisée; autour d'un médaillon central.
Blochet : homme tenant un bâton.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Blochet : personnage bras tendus (tête perdue).
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Première pièce : deux médaillons (hommes casqués, de profil) encadrant deux dragons enfeuillagés et un masque (homme-feuille). (Reprise de la pièce sud)
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Blochet : gueule de dragon.
Le blochet identique à son vis-à-vis est de la même main, comme en témoigne les marques de gouge et de foret.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Deuxième pièce : deux médaillons encadrant deux dragons à queue céphalisée; autour d'un médaillon central.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Blochet : homme tenant un bâton.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Les abouts de poinçons.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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LES DEUX PIÈCES DU PAN SUD DU CHEVET (VERS 1544, maître des sablières de Plomodiern) .
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Blochet : gueule de dragon.
Première pièce : masque mi-humain enrubanné.
Blochet : homme tenant une banderole ou étole.
Deuxième pièce : deux dragons à queue céphalisée, et deux médaillons.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Première pièce : masque mi-humain enrubanné.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Blochet : homme tenant une banderole ou étole.
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Le bonnet carré et l'étole (si c'en est une) plaiderait pour l'hypothèse d'y voir un prêtre ; mais il serait étonnant que le recteur de Pont-Croix se soit fait représenter ici.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Deuxième pièce : deux dragons à queue céphalisée, et deux médaillons.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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LA DEMI-PIÈCE DU COTÉ EST DU PAN SUD DU CHEVET (VERS 1544, maître des sablières de Plomodiern) .
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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Sablières du chevet de l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix. Photographie lavieb-aile.
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CONCLUSIONS.
Il est passionnant de suivre, grâce aux indices thématiques et stylistiques, l'activité d'un atelier de sculpture sur bois actif au milieu du XVIe siècle dans la région du Cap Sizun à Pont-Croix, Primelin et Cléden-Cap-Sizun puis au nord du Porzay à Plomodiern et Saint-Nic, puis d'en déceler l'influence directe sur les sablières de Confort-Meilars, et enfin d'observer des rebondissements thématiques liés aux scènes de pêche autour du Cap.
Il est également passionnant de voir comment se développe, au gré des talents de chaque artiste, le thème du dragon, si souvent repris qu'il est presque emblématique des sablières finistériennes (comme aussi des crossettes en pierre). Sur 1895 pièces de sablières du Finistère recensées par S. Duhem, les animaux fantastiques sont présents dans un quart de celles-ci. Nous ne disposons pas du chiffre par sanctuaire, mais rares sont les ensembles de sablières d'une église ou d'une chapelle qui ne comporte pas un ou plusieurs dragons. Ils représentent 7,2 % des pièces, mais il faut y ajouter les engoulants des entraits (10%) , les blochets (non recensés dans cette étude), les dragons à plusieurs têtes classés comme grylles, etc. L'originalité du maître des sablières de Plomodiern est de les montrer abondamment végétalisés par des feuilles-plumes et d'insister sur la proximité de leur gueule envers les humains.
La planche 29 de la publication de S. Duhem montre la fréquence de ces représentations de dragons sur les sablières. J'en donne la partie concernant le Finistère., en cerclant les deux foyers d'activité de notre sculpteur.
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Sophie Duhem, Les sablières bretonnes, 1997 (détail).
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À cet atelier va succéder, dix à vingt ans plus tard, l'atelier du Maître de Pleyben, actif non seulement à Pleyben et Plomodiern, mais aussi plus au nord à Saint-Divy, Saint-Vougay, Bodilis, et peut-être Roscoff. Dans les deux cas, nous voyons comment un sculpteur (ou un atelier) peut étendre son activité de site en site, dans un rayon d'une trentaine de kilomètres, et sur une période d'activité d'une vingtaine ou trentaine d'années, en développant un style et une thématique parfaitement individualisée, ce qui n'exclut pas que des travaux plus attentifs puisse y reconnaître plusieurs mains, ou plusieurs périodes.
Là encore, j'emprunterai un document à l'ouvrage de Sophie Duhem :
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Sophie Duhem, Les sablières sculptées... 1997, représentations des ateliers et de leur diffusion.
— DUHEM (Sophie), 1997, Les sablières sculptées en Bretagne: images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne, XVe-XVIIe s. ... préface d'Alain Croix. , Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1997 : thèse de doctorat en histoire sous la direction d'Alain Croix soutenue à Rennes2 en 1997. Pont-Croix cité aux pages 18 ; 19 ; 63 (mutilations des sablières) ; 84 (atelier de sculpture sur pierre) ; 139 ; 141 à 143 ; 156 ; 179 ; 239 ; 267 ; et 301. Voir les pages 142 à 146 pour les sablières attribuées à "Bréllivet".
"Le Cap-Sizun : un chantier en effervescence.
Les grands chantiers architecturaux du Cap Sizun sont commencés au cours du Moyen-Âge avec l'édification de la collégiale Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix puis de la chapelle Saint-Tugen à Primelin au siècle suivant, celle des ornemanistes, sculpteurs de statues ou de retables, et peintres de tableaux. Parmi eux, les charpentiers-sculpteurs, bâtisseurs et décorateurs à la fois, ont su trouver au Cap Sizun des occasions d'exercer leurs talents.
L'anonyme de Plonévez-du-Faou, première moitié du XVIe siècle :
_Chapelle Saint-Tugen à Primelin, 1ère (ou 2ème) moitié du XVIe s, partie ouest de la nef. Tête d'homme coiffé d'un chapeau. La sculpture représente des visages joufflues, souvent expressifs , coiffés de chapeaux à rebords ou de bonnets qui laissent dépasser des chevelures bouclées.
_Église de Plonévez-du-Faou, 1ère moitié du XVIe siècle. Sablières plutôt postérieures à celles de Primelin. Bustes masculins ou féminins grimaçants, séparés par des feuilles de vigne denticulées, avec un travail très recherché des expressions, des positions et des tenues vestimentaires. L'inclinaison des têtes est caractéristique, comme les modelés des visages aux joues potelées, les boucles agglutinées des cheveux, les chapeaux hauts aux bords fendus ou le traitement des chevelures féminines. Par rapport à Primelin, on trouve en plus des figures de fous en buste, coiffés de capuchons dentelés à oreilles d'âne et de petits animaux.
L'anonyme de Combrit vers 1549.
-Saint-Tugen à Primelin, nef, vers le milieu du XVIe siècle, avec des sculptures présentées à la manière ancienne, disposées à intervalle réguliers sur la sablière, puis bras du transept nord quelques années plus tard, avec des sculptures disposées en frise. Reconnaissable aux fourrures des animaux, aux rebords des végétaux formant des boucles agglomérées. Visages ronds souvent coiffés de chapeaux aux rebords évasés. Thèmes médiévaux mêlant des têtes grimaçantes et des figures dans des positions grotesques.
-Combrit en 1549.
Moutons (lions) aux crinières bouclées. Scène de pêche dans le transept sud comme à Pont-Croix et Cléden-Cap-Sizun. Mais aussi influence Renaissance avec des portraits en bustes dans des médaillons.
-Chapelle Sainte-Marine à Combrit. Scène de pêche également.
-Plomeur, chapelle de Tréminou. Ensemble de sablières inspirées des décors réalisés à Combrit (mais avec plus de maladresse), notamment les figures de dragons ont les mêmes caractéristiques.
L'œuvre de Jean Brellivet vers 1544-1564. (page 142)
"Contemporain de l'anonyme de Combrit, J. Brellivet exerce comme lui son métier sur les chantiers du Cap Sizun avant de gagner des paroisses situées, cette fois, plus au nord. Les dates mentionnées par quelques sablières permettent de suivre son activité durant près d'une dizaine d'années, voire un peu plus si l'on tient compte des dates des campagnes de construction des sanctuaires où son passage est attesté. Avant de découvrir les étapes anciennes de son parcours, arrêtons-nous dans l'église de Plomodiern qui abrite l'ensemble le plus tardif que l'artisan ait réalisé.
L'œuvre, datée de 1564, est de belle qualité : Brellivet n'hésite pas à évider le bois de manière à obtenir un relief assez haut, et comme l'artiste de la chapelle des saints Côme et Damien à Saint-Nic, il aime ornementer les surfaces de motifs taillés en creux, stries, encoches, facilitent l'identification de son travail. Les mentons sont fuyants, mais les fronts sont bombés net, les yeux immenses, aux contours très dessinés. Les figures originales qu'il représente sont inspirés des décors de la Renaissance : il apprécie surtout les figures humaines et animales « végétalisées » qui prennent la forme dans sa sculpture de bustes d'hommes et de dragons dont les cornes pisciformes sont couverts de végétaux. Il dynamise ses compositions par de petits portraits qu'il représente en buste ou de profil, sur des médaillons.
Ces images sont caractéristiques de sa production et apparaissent à quelques kilomètres de là, pointe du Cap Sizun sur les poutres plus anciennes de l'église de Pont-Croix. L'année 1544 marque la fin de la campagne de construction du chœur et sans doute est-ce durant cette période qu'il entreprend l'ornementation des sablières. Soit près d'une vingtaine d'années en amont de l'œuvre de Plomodiern. Les images choisies sont les mêmes ou du moins partiellement puisqu'une scène de pêche complète la décoration de l'ensemble. En réalité l'auteur n'a pas encore fixé son répertoire : il mêle à ses figures végétales renaissances des thèmes plus « locaux » dans la tradition de l'imagerie divertissante du bas Moyen-Âge. Il lui faudra quelques années avant d'adopter définitivement le registre des images les plus modernes, car son choix n'est toujours pas fait en 1554 : les fragments de sablières conservés dans la chapelle Saint-Trémeur à Cléden-Cap-Sizun le prouvent. Si le nom de Brellivet n'est pas mentionné par l'inscription qui fournit la datation, la paternité ne fait aucun doute.
Bien que nous ne connaissions pas les dates d'édification de la charpente de la chapelle Saint-Tugen à Primelin, une partie au moins est contemporaine des charpentes de Pont-Croix et de Trémeur. La présence de quelques sablières décorées par le sculpteur l'atteste. Nous retrouvons à Primelin l'image du putto tenant entre les mains les queues de deux dragons végétalisés, de même que les petits bustes pleins d'embonpoint qui ornaient déjà les culots des poinçons pontécruciens. C'est probablement vers le milieu du siècle que le sculpteur quitte la pointe du Cap Sizun pour gagner des chantiers situés plus au nord. Comme nous l'avons vu, il réalise les décors de Plomodiern en 1564. Il est à la même époque dans la paroisse de Saint-Nic où il est employé à l'ornementation de la charpente de l'église entre 1561 et 1566. La commande est importante si l'on tient compte des éléments conservés localisés sous le porche et dans la nef. La maîtrise technique de l'ouvrage est incontestable, mais il est vrai que le répertoire est déjà bien connu du sculpteur."
Les sculpteurs anonymes de Pont-Croix. (page 143)
Également localisés dans la région du Cap Sizun, les travaux d'un sculpteur anonyme décorent l'église de Pont-Croix.
a) Quelques sablières anciennes placées dans le bras sud du transept présentent des décors qui datent très probablement du début du XVIe siècle. Les figures principales sont constituées de bustes féminins et masculins coiffés de chapeaux et de turbans. Des représentations d'une facture très proche apparaissent dans les sanctuaires de Fouesnant et de Penmarch semblant attester un déplacement de sculpteur jusqu'au sud du diocèse.
b) L'église de Pont-Croix abrite un autre ensemble de sablières, placées à la jonction des deux chapelles du bas-coté sud sans doute au moment des modifications apportées à l'édifice au milieu du XVIe siècle. Le travail d'ornementation est élaboré, composé d'images de dragons déglutissant des végétaux, de personnages grotesques et de grylles monstrueux à plusieurs têtes. Il semble que l'auteur de cet ouvrage ait participé à la décoration de s poutres de l'église de Confort, située à quelques kilomètres de là. La conception de cet ensemble est très hétérogène mais on reconnaît à l'observation de quelques détails la facture de Pont-Croix. Les représentations, que l'on retrouve également dans l'église de Plouhinec, attestent les contacts visuels, et par conséquents la circulation des sculpteurs dans la pointe du Cap Sizun à cette époque." (S. Duhem)
Les vitraux du XIVe siècle de la cathédrale d'Évreux : XVIII : la baie 209 offerte vers 1390-1400 par Pierre de Navarre, comte de Mortain.
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Cet article est le dix-huitième d'une série sur l'apparition du jaune d'argent dans les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux au XIVe siècle, et il suit l'ordre chronologique des datations de ces verrières.
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Je suis guidé par les publications de Françoise Gatouillat, et notamment par Gatouillat 2019.
Haute de 6,50 m et large de 3,60 m, la baie 209, située au coté nord des vitres hautes du chœur, comporte 4 lancettes trilobées et un tympan à 1 pentalobe, 2 trilobes et 9 écoinçons. Elle appartient, avec la baie 210 offerte par Charles VI, aux verrières dites "royales" car le donateur a été identifié comme Pierre de Navarre, comte de Mortain, frère puiné du roi de Navarre et comte d'Évreux Charles III le Noble, et compagnon d'enfance du roi Charles VI.
Pierre de Navarre y est présenté à la Vierge à l'Enfant par saint Pierre, et par saint Denis.
Les quatre personnages se tiennent dans des édicules voûtés tendus de damas à motifs de rinceaux en spirale.
Les dais répètent les mêmes fleurons trilobés au sommet des petits gables aigus des contreforts que la baie 210, les mêmes crosses de feuillage sur les rampants des gables principaux, et surtout les mêmes crochets blancs et jaunes qui hérissent, par une disposition assurément rare, la corniche supérieure des niches. Mais le dais à sommet plat est simple pour les trois saints personnages, et double pour le donateur, afin qu'il soit placé plus bas qu'eux.
La verrière a été restaurée lors de la réfection du chœur entre 1888 et 1896 : la date de 1893, qui est inscrite sur le livre de prières, se rapporte certainement à cette restauration.
Elle résulte d'une recomposition un peu complexe par Jean-Jacques Gruber en 1953 puisque son emplacement était auparavant celui de la verrière de Guillaume d'Harcourt (aujourd'hui en 211), et que les panneaux du donateur et de saint Pierre ont été transférés depuis la baie 134 de la nef avant 1834 pour compléter la verrière de Raoul de Ferrières de la baie 207, et qu'enfin la Vierge et saint Denis étaient placés dans la verrière voisine...
Longtemps, en se fondant sur un relevé exécuté par le collectionneur Gaignières, on y a vu Charles III de Navarre. L'identification juste, et la recomposition de la verrière, résultent d'un véritable travail d'enquête érudite mené en 1942 par Suzanne Honoré-Duvergé puis Jean Lafond , mais le débat s'est poursuivi autour des baies 209 et 210 jusqu'en 1980, entre Jean Lafond, Louis Grodecki (1956-1957), l'archiviste Marcel Baudot et l'héraldiste Jean-Bernard de Vaivre. Il portait notamment sur les deux relevés effectués par Boudan pour Gaignières : s'agissait-il, — puisqu'ils portaient en inscription les identifications de Charles II et de Charles III —, d'infidélités aux verrières réelles (car plus difficiles à observer qu'une dalle funéraire par exemple), ou bien de relevés de deux autres verrières, aujourd'hui perdues, tandis que les actuelles baies 209 et 210 auraient échappé à l'attention du dessinateur et antiquaire ? On pourra voir, dans les articles cités en source, combien ces débats sont passionnants et instructifs.
Néanmoins, le consensus est établi concernant l'identité de Pierre de Navarre, et la datation entre 1390 et 1404.
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Vue générale en situation au dessus du triforium avec sa baie 109 :
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Baies 209 et 109 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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La première lancette : la Vierge à l'Enfant.
Elle provient de la verrière de la cinquième travée de la nef, du côté sud, où elle avait été déplacée.
"La Vierge assise à laquelle Mme Honoré-Duvergé a pensé pour compléter le vitrail de Pierre de Mortain est infiniment gracieuse. Sa tête blonde s'incline vers la droite, comme pour accompagner le mouvement de l'Enfant-Jésus, penché en avant avec ce bel élan qu'on lui voit dans certaines représentations de l'Adoration des Mages. Mais il tend ici une branche de rosier." (J. Lafond)
On sait que la Vierge, patronne de la cathédrale Notre-Dame, est honorée dans la plupart des verrières hautes du chœur.
Fond rouge damassé au motif de rinceaux. Manteau bleu, nimbe vert, Enfant et visage de Marie en verre blanc peint au jaune d'argent. Le damassé aux rinceaux polycycliques se retrouve sur la robe dorée, visible en bas.
La Vierge incline la tête vers son Fils avec qui elle échange un regard d'autant plus tendre que l'Enfant enlace le cou de sa Mère de ses bras. Elle tient dans la main droite un objet (rosier selon Lafond) que je ne peux déterminer.
Petit effet de perspective par les nervures des voûtains, le manteau qui passe devant les piédroits, ou les lignes du carrelage à losanges noirs et jaunes.
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Cliché éclairci pour étudier le fond rouge.
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Deuxième lancette : saint Pierre coiffé de la tiare papale.
Fond du dais rouge, sous lequel est tendue une étoffe damassée bleu au motif de pommes de pins fleuronnées, de rouelles à crochets et de rinceaux. Je rappelle l'importance de ces damassés, qui ont permis le regroupement des panneaux dispersés et qui se retrouvent en baie 210. La rouelle à crochet renferme deux dragons (ou oiseaux fabuleux) affrontés, comme les soieries ou lampas importés de Lucques ou de Florence.
Ce motif se retrouve à Bourges dans le vitrail de la chapelle d'Etampes — ou du Sacré-Coeur — des premières années du XVe, et reproduit dans la Pl. II d'A de Méloizes.
Saint Pierre tient la clef dans la main droite et tend la main gauche, en arrière, vers le donateur dont il est le patron. Nimbe rouge, chape lie-de-vin, surplis, visage et mains en verre blanc.
L'un des détails précieux est le motif des broderies de l'étole, puisqu'il s'agit de verrières au remplage stylisé : il indique que Pierre de Navarre est donateur de la verrière, d'une façon très originale puisqu'ailleurs dans le chœur, les donateurs portent eux-mêmes une maquette de vitrail.
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Troisième lancette. Pierre de Mortain en donateur.
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Pierre de Navarre (Évreux, 31 mars 1366 – Sancerre, 29 juillet 1412), comte de Mortain, était le fils puîné de Charles II, roi de Navarre et comte d'Évreux (dit Charles le Mauvais), et de Jeanne de France (1343-1373), fille du roi de France Jean le Bon.
Pierre de Navarre alias Pierre de Mortain naquit à Évreux le 5 avril 1366. Laissé à la cour de France (en gage d'une possible politique de réconciliation entre son père et le roi Charles V), il fut élevé avec le futur roi Charles VI, dont il devint l'inséparable compagnon.
C'est dans ce contexte qu'il faut réunir les deux verrières 209 (au nord) et 210 (au sud) offertes par Pierre de Mortain et Charles VI, et où saint Denis est présent dans les deux cas.
Le gisant de Pierre de Navarre est conservé au Louvre.
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Statue gisante provenant du tombeau de Pierre de Navarre , dans le choeur de l'église de la Chartreuse de Paris, détruit à la Révolution.
"Au reste, l'exactitude de l'identification est aisée à vérifier ; la figure du vitrail présente, nous l'avons dit, toutes les apparences d'un portrait. Or, le Louvre conserve la belle statue tombale du comte de Mortain, que lui fit ériger, après sa mort en 1412, sa veuve Catherine d'Alençon . L'épreuve est concluante : non seulement le costume du gisant est identique en tous points au vitrail — mêmes détails de l'armement, même cotte armoriée, le cortil seul faisant défaut — mais encore les traits sont semblables ; à peine peut-on noter que le vitrail offre une image plus juvénile, faite vraisemblablement du vivant de Pierre de Navarre." (Honoré-Duvergé)
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Plus précisément (de Vaivre), Pierre de Mortain porte une cuirasse, cuissards, grèves et solerets à bouts pointus. La cuirasse, portée sur une cote de maille qui apparaît au col, est elle-même revêtue d'un tabard aux armes un peu différentes que celles du vitrail : aux 1 et 4 au rais d'escarboucle pommeté, besanté et fermé, aux 2 et 3 à trois fleurs de lis à la bande et à la bordure simple. En d'autres mots, seuls sont brisés les deux quartiers issus de France. D'autre part, le tortil est absent mais aux dires de Millin, la tête était autrefois ceinte d'un tortil « en vermeil, orné de pierres fines ».
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Datation :
"Le peu que nous connaissons de la vie du comte de Mortain nous aidera à préciser la date de la verrière. Nous savons qu'il est né à Évreux le 5 avril 1366 , et cela nous donnera le terminus a quo du travail : il semble bien que le prince eût dépassé vingt ans quand l'artiste a fixé ses traits sur le verre ; le vitrail ne saurait donc être antérieur de plus de deux ou trois ans à 1390. Un autre argument, tiré de l'état des ressources du jeune Pierre de Navarre, vient renforcer cette déduction : quand Charles V procéda à la confiscation de toutes les terres françaises de Charles le Mauvais (1378), le jeune homme, retenu prisonnier à la cour de France, fut dès lors élevé en compagnie du futur Charles VI, son cadet de deux ans à peine ; financièrement parlant, il dépendait donc entièrement du bon plaisir du roi de France : en dehors de quelques dons motivés par des frais extraordinaires, sa pension s'élevait à 3,200 l. p. par an, jusqu'à l'érection en sa faveur du comté de Mortain en 1401 . Sans doute peut-on penser que Charles le Noble, une fois monté sur le trône de Navarre (1387), aida son jeune frère à tenir son rang ; mais les finances navarraises étaient elles-mêmes bien mal en point, et c'est en 1410 seulement que le prince recevra un apanage de 3,000 l. de rente . Aussi paraît-il impossible qu'avant 1390 les ressources du jeu ne homme aient pu lui permettre la dépense de la verrière. L'exécution du vitrail se placerait donc entre l'extrême fin du XIVe siècle au plus tôt et les premières années du XVe siècle au plus tard. … L'on peut même penser que le vitrail devait être posé en 1404 : à cette date, en effet, le roi de Navarre perd le comté d'Évreux et reçoit en échange le duché de de Nemours ; dès lors, il y a peu d'apparence que les princes de Navarre aient songé à embellir la cathédrale d'une capitale qu'ils avaient perdu l'espoir de recouvrer. Sans doute, le comte de Mortain gardait-il, même après cette cession, de nombreuses raisons de se montrer généreux envers l'église de sa ville natale, où sa mère était enterrée, que ses ancêtres avaient ornée. Il n'en reste pas moins vraisemblable que Pierre de Navarre et son saint patron ont pris place aux fenêtres de la cathédrale d'Évreux entre 1390 et 1404. Dès lors, leur facture, la précision du dessin, l'emploi déjà sûr de la perspective s'expliquent aisément." (Honoré-Duverger)
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Le motif du damassé est ici peint sur fond vert.
Le comte d'Évreux est figuré à genoux, devant son livre de prière ouvert sur un prie-dieu. Il porte la cotte de maille et l'armure complète, sous un tabard à ses armes .
Il porte sur la tête un tortil d'or où s'enroule un rang de perles.
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Héraldique.
Le tabard porte les armes écartelées aux 1 et 4 de gueules au rais d'escarboucle pommeté, besanté et fermé, d'or (qui est de Navarre), aux 2 et 3 semé de France ancien à la bande componée d'argent et de gueules (qui est d'Évreux), à la bordure d'argent sur le tout .
Pierre de Mortain n'usa pas toujours des mêmes armes au cours de sa vie. Cela n'a rien de surprenant car on sait que seul le chef de famille avait droit aux pleines armes, les autres membres de la maison brisant ou surbrisant, selon un système qui était propre à chaque famille. Il a utilisé au cours de sa vie au moins quatre sceaux différents mais son blason ne subit essentiellement qu'une seule modification. Elle concerne la bordure ajoutée en signe de brisure de son écu (écartelé aux 1 et 4 de Navarre, aux 2 et 3 semé de France à la bande componée, qui est d'Évreux) : la bordure engrelée pendant sa jeunesse, en 1376 et 1377, elle sera modifiée sur ses sceaux à partir de 1384 en bordure pleine, ou bordure simple d'argent sur le tout assurément à partir de 1401, comme nous la rencontrons alors sur ses actes, l'Armorial de la cour Amoureuse, sur les vitraux de la cathédrale d'Évreux ou sur le surcot de son gisant déposé au Louvre.
Si les sceaux ne renseignent pas sur les émaux (les couleurs) des armoiries, et notamment de la bordure, ces couleurs sont documentées par Y Armoriai de la cour Amoureuse du début du XVe siècle, conservé aux archives de l'ordre de la Toison d'or à Vienne,. Sur le folio 3 r°, en bas et à droite, sont peintes les armes de Pierre fils de roy de Navarre comte de Mortaing. L'écu est écartelé, aux 1 et 4 de gueules au rais d'escarboucle pommeté, besanté et fermé, d'or, aux 2 et 3 d'azur semé de fleurs de lis d'or à la bande componée d'argent et de gueules, à la bordure simple d'argent sur le tout. Il n'y a pas de trace de bordure engrelée . Tout ceci est conforme aux armoiries du vitrail.
J'emprunte aux articles de de Vaivre les photos des sceaux avec bordure engrêlée et avec bordure simple, et je les pointe d'une flèche.
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Sur le cliché qui suit, j'ai indiqué par des flèches la bordure blanche (d'argent) qui est droite (simple), et non en dents de scie ou timbre de poste (engrêlé).
La barre diagonale rouge et blanche sur le fond bleu et or est la bande componée d'argent et de gueules.
Les deux quartiers en "jeu de mérelles" rouge et or sont les armes de Navarre, étudiées en détail dans mon article sur la baie de l'Annonciation de Chartres.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Etude du fond damassé.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Le relevé que donne Gaignières (si on juge qu'il a fait dessiner ces panneaux) de ce panneau montre de nombreuses différences , ou erreurs (De Vaivre, 1973):
a) le b) Vitrail
pas d'inscription
tortil perlé .
cotte d'armes sans manches
armes sur la cotte seule : écartelé aux 1 et 4 Navarre, aux 2 et 3 « Évreux » à, la bordure d'argent sur le tout
le prie-Dieu recouvert d'une étoffe à motifs de feuillage
pas d'écu dans le coin gauche.
bras et coude droits du personnage apparents .
partie postérieure gauche de la cotte invisible .
composition architecturale élancée
Le Dessin ..
Inscription ka/rol/3 rex/nav/ar/re
couronne
cotte d'armes avec manches.
armes sur le surcot et sur les manches : écartelé aux aux 1 et 4 Navarre, aux 2 et 3 « Évreux ». Sans bordure.
le prie-Dieu recouvert d'une étoffe unie.
dans le coin gauche, un écu écartelé Navarre et Évreux, sans bordure, cime d'un plumail de paon, et orné de lambrequins.
bras et coude droits cachés .
partie postérieure gauche de la cotte très apparente .
composition architecturale très ramassée
Pour de Vaivre,
"Les différences qui se constatent entre le vitrail tel qu'il est actuellement et le dessin de la collection Gaignières sont trop importantes pour que l'on puisse encore soutenir que ce dernier représente le vitrail de la baie 115 [209], et ce pour des raisons héraldiques.
Il faut également admettre que le tortil perlé qui ceint le front de Pierre de Mortain sur le vitrail n'est pas le fruit d'une réfection d'un maître verrier de l'époque romantique, comme d'aucuns l'ont avancé, puisque le témoignage de Millin prouve qu'un tortil, sans doute très semblable, se voyait également sur le gisant de la chartreuse de Vauvert. On ne peut donc que se rallier aux conclusions de M. Baudot lorsqu'il affirme que le dessin de la collection Gaignières représente une verrière aujourd'hui disparue. De ce fait, voilà Boudan lavé d'une accusation de « falsifications délibérées » que ni lui, ni Gaignières qui l'employait, ne sauraient mériter.
Certains s'étonneront d'avoir des croquis du XVIIIe siècle de verrières disparues (les rois Charles II et Charles III de Navarre) tandis que sont parvenus jusqu'à, nous des vitraux que Boudan n'aurait pas pris la peine de copier (Charles VI et Pierre de Mortain). C'est que Gaignières avait de nombreuses autres représentations du roi de France et qu'il avait déjà, pris deux dessins du gisant de Pierre de Mortain à la chartreuse de Vauvert, à, Paris."
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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J'éclaircis l'image pour examiner le damassé.
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Il faut encore s'intéresser à l'étoffe qui recouvre le prie-dieu, blanche ornée de grosses fleurs aux pétales en étoile. J. Lafond a noté qu'on le retrouvait en baie 210 :
"Mais l'indice décisif, ce sont les draperies blanches des prie-Dieu qui le fournissent. Elles ne sont pas décorées de fleurons banaux, mais de petits arbres d'or, représentés avec leurs racines, leur tronc et des rameaux qui sont des palmettes rayonnant autour d'une fleur, le tout stylisé de la façon la plus précieuse. Ce motif, copié avec amour sur quelque étoffe persane du XIIIe ou du XIVe siècle, suffit pour assigner à nos vitraux [209 et 210] la même origine et la même date, qui s'établit sans doute entre l'année 1390, admise par Mme Honoré Duvergé pour la verrière de Pierre de Mortain, et l'année 1398 où mourut la reine Blanche. (J. Lafond) "
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Quatrième lancette : saint Denis.
Le saint, tenant sa tête coupé, est identifié facilement. Sa présence pour le patronage du donateur s'explique sans doute en symétrie de la verrière 210, dont il reprend le carton, dans laquelle il est justifié comme étant le saint patron de la royauté de France, la basilique Saint-Denis étant la nécropole royale des rois de France.
"saint Denis, magnifiquement paré de tous les ornements pontificaux, avec une longue et souple chasuble bleue losangée d'or par des fleurs de lis, dont plusieurs sont à plombs vifs. Le martyr porte sa tête coupée sur son bras gauche arrondi, la main ramenant sous le menton les deux fanons de la mitre. Ainsi la droite reste libre pour son geste de présentation. En décrivant le vitrail du nord, nous avons décrit celui du sud, car le même carton a servi pour l'un et pour l'autre. Cette pratique, dont on rencontre des exemples dès le XIIIe siècle, surprend ici, car rien n'évoque le travail en série dans ces vitraux, où tout est royal : la fondation, la matière et la facture. Il y a beaucoup d'art dans ces visages de supplicié, où la souffrance trouble à peine la noblesse. Rien n'est plus somptueux que les tentures damassées de couleur rouge qui tapissent les niches, derrière la sainte Vierge et derrière saint Denis." (Jean Lafond)
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Le motif du damassé rouge est le même que sur les autres lancettes, avec ses pommes de pins fleuronnées, ses rouelles à crochets et ses rinceaux.
On trouve, dans le surplis dépassant du bas de la chape bleue, un autre motif, celui d'une feuille aux larges découpes polylobées, à quatre parties exubérantes en étoile.
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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Le damassé rouge :
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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LE TYMPAN.
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Au dessus des parties supérieures des lancettes occupées par une vitrerie blanche géométrique à fleurettes et fermaillets, et cernée de bordures colorées datant de 1330-1340, le tympan comprend un pentalobe où les lobes peintes aux armes de Navarre entourent une Vierge à l'Enfant sur le croissant de lune aux pointes sommées de deux fleurs de lys, qui sont les armes du chapître cathédrale ( d'azur à une Notre-Dame d'argent, tenant l'enfant Jésus dans ses bras, accostée de deux fleurs de lis d'or, appuyant ses pieds sur un croissant d'argent).
Les couronnes d'or sur fond de gueules des trilobes sont des éléments de la fin du XIVe siècle, complétées.
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Baie 209 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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La baie 109 du triforium.
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Cette baie géminée à 2 lancettes trilobées et tympans à 1 soufflet et 4 écoinçons de 3,20 m de haut et 3,60 m de large est une vitrerie géométrique dans laquelle, en haut de chaque lancette, ont été réemployés les écus armoriés (restitués dans les 2e et 5e lancettes) d'Évreux-Navarre datant vers 1380, armes utilisés par Charles III de Navarre entre 1375 et 1387 (Gatouillat se fondant sur de Vaivre 1980 p. 324-326).
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"M. Louis Grodecki ne peut envisager pour ces « vitraux royaux » deux campagnes de fabrication distinctes dans le temps ; s'il a donc existé des vitraux représentant à la fois Pierre de Mortain, Charles II et Charles III, la verrière où se voyait le second ne pouvait donc être qu'un vitrail commémoratif. M. de Vaivre en convient, mais il tient aussi à attirer l'attention sur un écu qui figure sur l'une des verrières du fenestrage du triforium du chœur où l'on voit un écartelé aux 1 et 4 de Navarre, aux 2 et 3 d'Évreux, au lambel de trois pendants d'argent sur le tout.
M. Grodecki précise que tous ces vitraux datent du xve siècle. M. de Vaivre ne partage pas cette manière de voir et pense, quant à lui, que si les fenestrages de cette partie du triforium ont bien été percés sous le règne de Louis XI, une bonne partie des vitraux qui y sont aujourd'hui placés (ou ceux qui leur ont servi de modèles) sont très certainement antérieurs et que c'est précisément le cas de celui qu'il vient de décrire. Les armes précitées — pour lesquelles tous les auteurs ont proposé jusqu'à présent des attributions erronées -— sont en réalité celles de Charles de Navarre, le futur Charles III, du vivant de son père, ainsi que le prouvent des sceaux encore inédits. Il n'y a aucune raison de penser que cet écu a été exécuté à l'époque romantique, ni au xve siècle ni même après 1387 lorsque Charles, du fait de la mort de son père, porta les pleines armes de sa maison. Il faut donc en conclure que des verrières sur lesquelles figuraient un ou des blasons furent commandées entre 1375 et 1387 puisque c'est à ce moment, et à ce moment-là seulement, que furent portées ces armoiries au lambel. M. Grodecki conclut en disant que, les hommes du Moyen Age ayant horreur du vide — en l'occurrence du verre blanc — auraient procédé à de nombreux remplois dont le cas évoqué semble précisément être un exemple."(Vaivre in Lafond 1975)
armoiries de Charles III de Navarre dessinées par Odejea pour le projet Blasons de Wikipedia
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Baie 109 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
Baie 109 du chœur de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile.
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ANNEXE.
" Ceux qui ont mesuré les difficultés d'une pareille enquête sauront gré à Mme Honoré-Duvergé d'en avoir abordé le problème le plus délicat avec la décision d'un historien, et de l'avoir résolu, pour le principal, avec son intuition de femme. L'auteur de l'article qu'on vient de lire écrit trop modestement qu' « un simple regard permet de reconnaître une facture identique » entre le donateur princier et le saint Pierre de la quatrième fenêtre septentrionale du chœur. C'est vrai depuis que Mme Honoré a eu l'idée de rapprocher les photographies de ces personnages, séparés dans le vitrail d'Évreux par deux figures remontant au second quart du XVIe siècle. Sur place, à première vue, le chevalier en armure et son saint patron produisaient des impressions si différentes qu'un illustre archéologue, F. de Guilhermy, a pu attribuer le saint Pierre au XVIe siècle . A vrai dire, ce pape qui gesticule dans l'ampleur de sa chape, sous la haute tiare aux trois couronnes, est une figure « baroque ».
Au contraire, le donateur nous apparaît comme aussi étroitement enserré dans l'immobilité de sa prière que dans la carapace de son armure, et sa cotte d'armes ne fait pas un pli. Mais justement, en détaillant ces différences, ne dissipons-nous pas l'apparente incompatibilité qui opposait le personnage « étoffé » au personnage « étriqué »? Alors on prend garde que, s'il se mettait debout, le donateur aurait exactement la même stature que ce grand saint Pierre. On s'aperçoit que son visage et ses mains ont les mêmes mesures que ceux de son patron. On réfléchit que le dais à double étage qui s'élève au dessus de sa tête est fait précisément pour garnir la forme réservée au personnage agenouillé. On constate que ce dais, si différent soit-il de celui de saint Pierre, n'offre aucun détail qui l'empêche d'être exactement du même temps. On reconnaît, enfin, que les tentures damassées se ressemblent beaucoup et que les carrelages sont semblables. Rien n'est donc plus légitime que le rapprochement des deux panneaux qui restitue au donateur le nom de Pierre de Mortain, parfaitement confirmé par la comparaison du priant d'Evreux avec le gisant du Louvre. L'hypothèse de Ferdinand de Lasteyrie est devenue une certitude. Nous voilà débarrassés de ce prétendu roi de Navarre qui portait un simple tortil de baron. Un tel excès de modestie aurait dû inquiéter plus tôt les archéologues, et Mme Honoré a eu raison d'en souligner l'invraisemblance. C'est là, je crois, un des points décisifs de la discussion, car Charles le Mauvais avait fondé à la cathédrale d'Évreux une chapellenie des saints Pierre, Paul et Jean l'Évangéliste. Il aurait fort bien pu se faire présenter à la sainte Vierge par saint Pierre .
La reconnaissance de Pierre de Mortain porte un coup à l'autorité de la collection Gaignières.. Mais il faut avouer que la série ébroïcienne nous apparaît comme particulièrement sujette à caution. Dans les portefeuilles de Roger de Gaignières, Pierre de Mortain s'appelle Charles III le Noble. Le dessinateur s'est avisé de surcharger le socle d'une inscription imaginaire : Karolus rex Navarre et de changer le tortil en une couronne, assez simplette d'ailleurs.
Pour faire un Charles le Mauvais, il a pris un roi de France, auquel nous rendrons son nom tout à l'heure. Mais il s'est donné plus de mal. Non seulement il a inscrit sur le soubassement : Karolus Rex Navarre me donavit, mais la tenture semée de fleurs de lis sans nombre est devenue une tapisserie décorée d'écussons alternés aux armes d'Evreux et de Navarre. Un blason royal de Navarre est apparu au tympan de la niche . Quant au chef de la dynastie, Philippe le Bon, il a été fabriqué avec l'une des deux effigies de son père, Louis, comte d'Evreux, qui subsistent encore dans une chapelle du déambulatoire : Ludovicus est devenu Philippus , tout simplement."
"C'est un roi de France, en effet. Mais non pas Charles V, comme le croyait Batissier et Lebeurier, et comme inclinait à le penser M. de M. Delachenal, qui « admettait difficilement que le portrait de Charles V eût été placé dans la cathédrale d'Évreux du vivant de Charles le Mauvais, qui survécut de sept ans à son beau-frère ». Le manque absolu de ressemblance est plus grave, quand il s'agit d'un personnage aux traits aussi accusés que Charles V. Bien rares sont les œuvres contemporaines, même parmi les miniatures, qui ne se conforment pas au type consacré .
Ce que nous devons souligner d'abord, c'est l'intime parenté qui relie ce vitrail au point de vue des formes comme au point de vue technique, à celui de Pierre de Mortain. Dans les architectures, ce sont les mêmes fleurons trilobés au sommet des petits gables aigus des contreforts, les mêmes crosses de feuillage sur les rampants des gables principaux, et surtout les mêmes crochets blancs et jaunes qui hérissent, par une disposition assurément rare, la corniche supérieure des niches.
Mais l'indice décisif, ce sont les draperies blanches des prie-Dieu qui le fournissent. Elles ne sont pas décorées de fleurons banaux, mais de petits arbres d'or, représentés avec leurs racines, leur tronc et des rameaux qui sont des palmettes rayonnant autour d'une fleur, le tout stylisé de la façon la plus précieuse. Ce motif, copié avec amour sur quelque étoffe persane du XIIIe ou du XIVe siècle , suffit pour assigner à nos vitraux la même origine et la même date, qui s'établit sans doute entre l'année 1390, admise par Mme Honoré Duvergé pour la verrière de Pierre de Mortain, et l'année 1398 où mourut la reine Blanche.
Le roi de France du vitrail d'Évreux est donc Charles VI, avant sa trentième année. Mme Honoré-Duvergé a signalé dans son étude sur le vitrail de Pierre de Mortain que celui-ci, « retenu prisonnier à la cour de France à partir de 1378, fut élevé en compagnie du futur Charles VI, son cadet de deux ans à peine ». En fait, les deux cousins devenus frères ne se sont jamais quittés, partageant les mêmes exercices et les mêmes travaux, et tous les plaisirs de cette vie inimitable dont nous retrouvons l'écho chez les chroniqueurs et les poètes de cour comme Eustache Deschamps, au siège de Bourges, où il avait accompagné Charles VI.
[...]
Quoi qu'il en soit, la reconstitution que nous allons tenter des vitraux de Pierre de Mortain et de la reine Blanche apparaîtra comme une entreprise moins ardue. Mme Honoré-Duvergé a supposé que son héros était présenté par saint Pierre à une sainte Vierge qu'elle retrouve dans la cinquième travée de la nef, du côté sud. A la vérité, il subsiste encore, dans les fenêtres hautes de la nef ou du chœur — en dehors du Charles VI logé à l'aise dans une niche qui s'étend sur deux formes — huit grandes figures unies par la plus étroite parenté de style et de facture, et que leurs dais d'une architecture très caractéristique désignent au premier coup d'oeil : trois Vierges, trois saints patrons — le saint Pierre et deux saints Denis — et les deux donateurs que nous connaissons déjà. Il ne manque qu'un troisième donateur pour rétablir un ensemble de trois fenêtres à trois formes, comme celles des chapelles absidiales actuelles ; Quel était ce troisième personnage éventuel? Les peintures perdues de Paris et de Saint-Denis, l'initiale de la charte de 1372 nous laissent le choix entre le mari et la fille de la reine Blanche, entre Philippe VI de Valois et Jeanne de France. La Vierge assise à laquelle Mme Honoré-Duvergé a pensé pour compléter le vitrail de Pierre de Mortain est infiniment gracieuse. Sa tête blonde s'incline vers la droite, comme pour accompagner le mouvement de l'Enfant-Jésus, penché en avant avec ce bel élan qu'on lui voit dans certaines représentations de l'Adoration des Mages. Mais il tend ici une branche de rosier.
Il y a plus de gravité dans le second groupe, malgré l'attitude familière de l'Enfant à moitié nu, qui tient son pied de la main droite et pose l'autre main sur l'épaule de sa mère. Celle-ci est assise sur un trône de pierre à pinacles gothiques qui rappelle les sièges des Prophètes et des Apôtres d'André Beauneveu (Psautier du duc de Berry, BnF ms fr. 13091. Enveloppée dans un ample manteau bleu qui voile ses cheveux, elle lit dans un livre posé sur ses genoux, qu'elle maintient de la main gauche, le petit doigt étendu . La troisième Vierge est debout, drapée dans un grand manteau bleu qui enveloppe sa main gauche — celle qui soutient l'Enfant-Jésus — mais découvre le haut et le bas d'une robe taillée dans un de ces précieux damas décorés d'animaux dont s'habillaient les princes en ces temps de luxe raffiné. L'Enfant tourne son visage nimbé vers sa mère, dont il cherche à saisir la blonde chevelure. La Vierge lui répond par un sourire, avec un geste gracieux de la main droite . Ces deux figures offrent une ressemblance frappante avec la Vierge à l'Enfant qui reçoit l'hommage du duc Jean de Berry au frontispice des Très Belles Heures de la Bibliothèque royale de Bruxelles. On sait que cette miniature justement célèbre a été attribuée tour à tour à André Beauneveu et à Jacquemart de Hesdin et que le débat dure encore .
On trouve la même maîtrise dans les images de saint Denis, magnifiquement paré de tous les ornements pontificaux, avec une longue et souple chasuble bleue losangée d'or par des fleurs de lis, dont plusieurs sont à plombs vifs. Le martyr porte sa tête coupée sur son bras gauche arrondi, la main ramenant sous le menton les deux fanons de la mitre. Ainsi la droite reste libre pour son geste de présentation. En décrivant le vitrail du nord, nous avons décrit celui du sud, car le même carton a servi pour l'un et pour l'autre. Cette pratique, dont on rencontre des exemples dès le XIIIe siècle, surprend ici, car rien n'évoque le travail en série dans ces vitraux, où tout est royal : la fondation, la matière et la facture. Il y a beaucoup d'art dans ces visages de supplicié, où la souffrance trouble à peine la noblesse. Rien n'est plus somptueux que les tentures damassées de couleur rouge qui tapissent les niches, derrière la sainte Vierge et derrière saint Denis.
Les dais peuvent-ils nous servir à retrouver l'assemblage primitif de tous ces personnages isolés ? Il faudrait pour cela que nous fussions sûrs qu'ils n'ont pas fait l'objet de chassés-croisés.
Si cinq d'entre eux appartiennent à un type classique de décor purement « rayonnant », avec gables rectilignes et corniches à glacis, ceux de la Vierge de la nef et du saint Denis du côté nord présentent des gables en accolade et des balustrades ajourées. Il n'est pas certain que le dais manquant ait été à double étage, comme le dais de Pierre de Mortain. Celui-ci, en effet, par une disposition assez rare, était placé derrière son patron, ce qui explique le geste de présentation de saint Pierre, différent de celui des deux saints Denis. Au contraire, Blanche de Navarre était agenouillée au voisinage immédiat d'une sainte Vierge, dans la forme centrale du vitrail, et l'un des saint Denis occupait la forme de droite. Si l'on s'en rapporte aux soubassements, moins faciles à transposer, c'est dans la fenêtre voisine, la troisième du chœur, du côté sud, qu'on retrouvera ces deux figures.
Exécutés selon toute vraisemblance entre 1390 et 1398, les vitraux dont nous venons de réunir les morceaux épars ne sont pas à Évreux les plus anciens témoins de l'art nouveau. Vers le milieu du xive siècle, peintres et peintres verriers, emportés d'un élan irrésistible vers plus de vérité, sinon de « réalisme », s'affranchissaient des dernières conventions du dessin calligraphique pour se soumettre aux lois de la perspective. Ici, c'est dans les deux vitraux fondés par l'évêque Bernard Cariti (1376-1383) que pour la première fois les niches s'affirment comme un espace habitable, les corps comme des volumes et tous les visages comme des portraits.
Une technique appropriée se révèle qui permet au verrier de sculpter pour ainsi dire ses personnages avec la lumière même. Après s'être servi d'un pinceau de petit-gris pour peindre le trait, il étend au « blaireau » une couche de grisaille que, sans retard, il attaque d'aplomb, à l'aide d'une brosse, le « putois ». Le grain de la peinture s'affine, et le verre reparaît peu à peu. Le plus souvent, ce travail se complète par des « enlevés » dont le procédé est sans doute aussi vieux que l'art du vitrail. Mais l'ouvrier ne se contente plus de juxtaposer des clairs à des ombres plates. Ëgratignant la grisaille au « petit bois », à la plume d'oie, à l'aiguille, il varie ses effets : lumières filées droit, hachures contrariées, spirales nerveusement enroulées. Quelques touches au pinceau, prestement jetées, et le modelé « tourne », le visage s'anime et vit. Immédiatement après ces deux verrières du haut chœur, je classerais les délicats vitraux de la chapelle du Rosaire, dont on sait la parenté avec les vitraux de Bourges, mais que leurs grisailles archaïques vieillissent de deux décades au moins. Viennent ensuite nos vitraux royaux, précédant la splendide verrière offerte en don de joyeux avènement par l'évêque Guillaume de Cantiers (1400).
Tous ces chefs-d'œuvre représentent avec éclat, et aussi avec une heureuse variété, l'art parisien de la fin du XIVe siècle. Comme la capitale n'a pas gardé de vitraux de cette époque, à la seule exception des Apôtres de Saint-Germain-des-Prés, recueillis par l'église Saint-Séverin, c'est à Évreux que nous pouvons prendre une idée précise des vitreries princières des Célestins, de l'église Saint-Paul, de l'hôtel Saint-Paul, du collège de Navarre, etc..., qu'une célébrité universelle n'a pas sauvées du vandalisme, et dont la perte semblait irréparable.
Faut-il revenir sur la valeur artistique des verrières de Pierre de Mortain, de la reine Blanche et de Charles VI ? Des comparaisons nullment recherchées ont fait venir sous plume les noms de Jean de Bandol, d'André Beauneveu, de Jacquemart de Hesdin, (André Beauneveu avait sculpté le tombeau de Philippe VI à Saint-Denis en 1364, et en 1386 il était entré au service du duc Jean de Berry en qualité de maître des œuvres de taille et de peinture). Nos vitraux ne sont pas indignes de ces artistes royaux. Ils s'apparentent à la grande statuaire française par leur style monumental, tandis que l'exubérance parfois capricieuse de leurs draperies accuse nettement la tendance «bourguignonne ». Jean Lafond
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SOURCES ET LIENS.
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— Stained-glass windows of Cathédrale Notre-Dame d'Évreux
— BOUDOT ( Marcel), 1966,“Les verrières de la cathédrale d’Evreux: Cinq siècles d’histoire,” Nouvelles de l’Eure 27 (1966), 28-29.
— DUBUC (René), 1983, "Problèmes héraldiques de la cathédrale d'Évreux", Normandie, Etudes archéologiques. Congrès national des sociétés savantes, Caen
— GATOUILLAT (Françoise), 2019, "French 14-th-century stained glass and other arts", in Investigations in Medieval Stained Glass, Materials, Methods and Expressions, Brill ed., pages 374-385
— GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.
— GATOUILLAT (Françoise), "Note sur les verrières royales", Connaissance de l'Eure, n°88, p. 33-34.
–GOSSE-KISCHINEWSKI ( Annick ) et Françoise Gatouillat, La cathédrale d’Evreux, Evreux, Hérissey, 1997.
–GOSSE-KISCHINEWSKI ( Annick ), HENRY (Virginie), 2016, Unité Départementale de l'Architecture et du Patrimoine de l'Eure (DRAC Normandie) Connaissance n°07
"C'est à propos de Pierre de Mortain que s'est engagée une controverse qui devait se prolonger de 1966 à 1973, tant dans les Nouvelles de l'Eure, la précieuse petite revue dirigée par l'abbé Jean Saussaye1, que dans le Bulletin monumental , cette fois avec intervention de Louis Grodecki. « Au début, M. Baudot se fondait sur l'inscription qu'il lisait sur un dessin de la collection Gaignières : Charles III roi de Navarre. Les nombreuses différences qu'il ne pouvait pas ne pas remarquer entre le dessin et le vitrail s'expliquaient pour lui, par des restaurations infligées à la verrière : la couronne était devenue un tortil de baron « de style troubadour », le blason au cimier en queue de paon avait été pure¬ ment et simplement supprimé, etc. Cependant la lancette d'Évreux avait figuré à l'exposition Vitraux de France , organisée en 1953 par Louis Grodecki. Celui-ci avait donc pu la soumettre à un examen minutieux auquel il avait bien voulu m'associer. Notre opinion était formelle : on s'est borné à régulariser l'adaptation à un cadre plus étroit, la tête et sa coiffure sont parfaitement authentiques. Enfin le socle n'a jamais porté d'inscription. Peuvent en témoigner non seule¬ ment une photographie prise avant la restauration de 1893, mais aussi un dessin exécuté pour Raymond Bordeaux en 1845 par Georges Bouet, aïeul de notre regretté confrère Georges Huard. « Nous avons donc ici un portrait du second fils de Charles le Mauvais. La ressemblance générale, costume compris, est confirmée par la comparaison avec le beau gisant de marbre du Musée du Louvre qu'on avait eu l'idée ingénieuse de placer au pied de la verrière pendant l'exposition. « Tandis que Louis Grodecki et moi-même nous gardions notre opinion sur ce point, M. Baudot portait la discussion, sur mon Charles VI, en invoquant, cette fois encore, l'inscription de la collection Gaignières : Karolus IIs rex Navarre , c'est-à-dire Charles le Mauvais. J'avais cru prouver que le dessinateur avait changé délibérément les armoiries de la tenture, en substituant au semis de fleurs de lis des écussons portant alternativement les armes d'Évreux et de Navarre. Mais mon contradicteur déclarait « fort improbable » qu'un portrait de Charles VI ait pu trouver place dans la cathédrale vais d'une 2. cité dont le bailli était resté partisan de Charles le Mau¬ « M. Baudot considérait que le dessin représentait un vitrail perdu. Cependant le respect qu'il professait à l'égard de la collection Gaignières ne l'empêchait pas de reconnaître Blanche de Navarre, reine de France, dans le personnage à qui on avait donné le nom et les armoiries de Jeanne de France, reine de Navarre. Cela lui permettait en effet de nommer le roi du vitrail aux fleurs de lis, Philippe VI de Valois, époux de la « reine Blanche ».
Dans l'album des Nouvelles de l'Eure commentant une série de diapositives, Charles le Noble était devenu Charles le Mauvais, couronné d'un chapel de roses en qualité de fondateur (en 1350) de la Confrérie de la Passion. « Enfin, dans Êvreux, livret publié par le Syndicat d'initiative en 1969, M. René Dubuc, excellent héraldiste, laissait à son lecteur le choix entre Charles le Mauvais, Charles le Noble et Pierre de Mortain. De même, le dépliant actuellement distribué dans la cathédrale. En présence d'une pareille débandade, on pourrait déclarer clos le débat, mais il faudrait mieux aller au fond des choses afin de ne rien laisser dans l'ombre
J'ai scandalisé nombre de bons esprits en mettant en doute l'autorité de la collection Gaignières. Non pas son intérêt ni son utilité, reconnus dès l'origine et considérablement augmentés par les méfaits du vandalisme. Non pas la qualité artistique des dessins, qui varie évidemment avec les dessinateurs. Certains ont su refléter le style du document original tandis que les autres (en grande majorité) manquent absolument de caractère. C'est assurément le cas des vitraux d'Évreux, exécutés par un certain Boudan, graveur de profession, que Roger de Gaignières avait pris à son service pour copier ses documents et qui l'a accompagné en 1702 dans son voyage en Normandie. « Mais cela importe moins que leur exactitude, laquelle dépend évidemment de la nature de l'objet et de son emplacement, et aussi de la probité du dessinateur. S'il était facile de reproduire avec vérité une miniature ou un tableau, une dalle tumulaire et même un tombeau sculpté, il en allait tout autrement pour les vitraux, que bien souvent il fallait dessiner de loin et dans des conditions plus ou moins favorables. Prenons un exemple à Évreux, mais en dehors de notre série royale. On conviendra que le magnifique vitrail qui commémore l'accession de Guillaume de Gantiers au siège épiscopal d'Évreux (1400) est rendu avec une fantaisie déconcertante. Dans l'original, l'évêque est présenté à la Vierge de l'Annonciation par l'archange Gabriel. Chez Boudan, la Vierge est remplacée par un « saint Sauveur » et l'archange par une sainte quelconque. On peut penser que pour exécuter son dessin d'ensemble, il ne disposait que de croquis hâtifs, faits sur place. Au surplus, il a représenté d'une façon toute conventionnelle, et plutôt archaïque, les dais placés au-dessus des personnages. Il a même purement et simplement supprimé ceux de la rangée inférieure, occupée par des blasons figurés — il convient de le souligner — avec une exactitude absolue. Sur ce point, il servait parfaitement les intentions de son patron pour qui importaient d'abord l'héraldique, le costume « La et, fidélité le cas échéant, du dessinateur les portraits Boudan historiques. a d'autres limites encore que celles-là. Par exemple, on ne peut se fier à lui pour affirmer que son dessin du prétendu Charles le Mauvais veut représenter une fenêtre sans meneau. Je suis persuadé qu'il a supprimé purement et simplement ce détail d'architecture. De même, quand il dessine un personnage logé dans l'une des lancettes d'une fenêtre, comme dans les autres exemples, il n'hésite pas à flanquer cette lancette d'une muraille ou d'un faisceau de colonnettes. A Évreux, Boudan a dessiné, d'après les vitraux, sept évêques, avec leurs armoiries, ce qui explique peut-être leur choix et une donatrice sans importance. Enfin, cinq dessins prétendent illustrer la dynastie d'Évreux-Navarre. Or, sur les cinq personnages représentés, un seul, Charles III le Noble, semble parfaitement « honnête ». C'est aussi l'unique cas où l'on puisse affirmer que le vitrail est perdu. Au contraire, le prétendu Charles le Mauvais n'est que la contre- façon d'un vitrail conservé, celui du roi Charles VI, comme Jeanne de Navarre la métamorphose de Blanche de Navarre, l'épouse de Philippe VI de Valois. Dans les deux cas, les armoiries ont été modifiées en conséquence. « Manquait le chef de la dynastie, Philippe d'Évreux, roi de Navarre. Boudan l'a remplacé par son père, Louis de France, comte d'Évreux, en changeant simplement un nom dans l'inscription du vitrail qu'il a dessiné, fidèlement cette fois, à ce petit détail près, « au-dessus de l'autel, dans la chapelle de santé Anne derrière le chœur de l'église NotreDame d'Évreux ». Or ce vitrail existe encore : on ne peut supposer, cette fois, que le dessin représente une verrière disparue. L'accusation portée contre Boudan était grave. Je suis heureux de pouvoir démontrer qu'elle n'avait pas été lancée à la légère.
Autre preuve du parti pris ici dénoncé : Boudan a négligé de dessiner Pierre de Mortain, parce que ce prince n'avait pas porté la couronne royale. « Cependant il y a tant de ressemblances entre tous les « vitraux royaux », notamment dans leur cadre architectural, socles en zigzag par exemple, qu'on peut affirmer qu'ils appartiennent tous à une seule et même série, qu'ils ont été commandés en même temps. Par la reine Blanche, morte seulement en 1398, ou par ses héritiers, Pierre de Mortain, et Charles le Noble, c'est ce que nous ne saurons sans doute jamais. Malheureusement les falsifications de Boudan ont trompé Montfaucon lui-même, et par la suite l'érudit Henri Bouchot, auteur du précieux Inventaire des dessins exécutés pour Roger de Gaignières (Paris, 1891).
Pour en revenir à Pierre de Mortain, mon respect pour les lois de l'héraldique m'empêchait d'oublier que Marcel Baudot avait opposé à mon identification une raison qu'il jugeait péremptoire : la cotte d'armes de Pierre de Mortain ne présentait pas la bordure engrêlée d'argent qui devait marquer sa qualité de cadet. Il ne me suffisait pas de constater que les principes infrangibles n'ont jamais empêché les erreurs — à preuve le nombre d'armoiries « à enquerre » constaté par les d'Hozier. M. Jean-Bernard de Vaivre vient de balayer l'objection en passant en revue toutes les épreuves connues des sceaux de Pierre de Navarre. Il s'est aperçu qu'à partir de 1384 le comte de Mortain avait modifié ses armes. Dorénavant la bordure engrêlée devenait une bordure simple — peut-être à la mort d'un frère plus âgé. C'est cette nouvelle brisure qu'on voit sur la cotte d'armes du vitrail d'Évreux comme sur la statue funéraire provenant de la Chartreuse de Paris. Dès lors, il est établi que notre personnage est bien Pierre de Navarre et que le vitrail n'est pas antérieur à 1384. En ce qui concerne le dessin de la collection Gaignières, M. de Vaivre incline à penser qu'il représente Charles le Noble, comme l'indique l'inscription tracée par Boudan, qui aurait cette fois rencontré la vérité. L'écusson au cimier timbré d'un heaume à queue de paon qu'on voit à ses pieds n'aurait pu trouver place dans le vitrail de Pierre, vitrail qui n'a subi, nous l'avons reconnu, aucune restauration importante. Il est peu probable que Boudan l'ait inventé. Sur le dessin, Charles le Noble porte la couronne, car il était devenu roi de Navarre à la mort de son père en 1388 (n. st.). Sa cotte d'armes diffère de celle de son frère cadet en ce qu'elle présente des manches courtes. Ce que figuraient les autres lancettes du vitrail qu'il avait fondé, on ne saurait l'imaginer. De même ne connaîtrons-nous sans doute jamais le contenu des trois lancettes qui complétaient la Verrière de la reine Blanche. Mais celle-ci se trouvait bien dans une fenêtre haute de la nef (sans doute celle de la troisième travée du côté Nord en partant de l'ouest) : le panneau est trop large pour avoir appartenu à une fenêtre des chapelles. Pareillement l'écusson qui l'accompagne. En effet, des blasons de même échelle se voient dans le haut chœur à côté des personnages du vitrail d'Harcourt antérieur de quelques années. Le style est bien celui des « vitraux royaux « et le dais ne diffère en rien des autres.
La série se compose donc actuellement de deux verrières complètes et d'une lancette isolée. Comme je le constatais en 1942, et comme Louis Grodecki l'a confirmé de son côté, elle se compare aux œuvres des plus grands artistes qui travaillaient à Paris pour la cour de France et les maisons princières aux environs de 1400. Cette considération ne saurait être développée à la suite de ce trop long exposé, mais elle va dans le même sens que la chronologie que, d'un commun accord, nous avons adoptée. »
Jean-Bernard de Vaivre, a. c. n., regrette l'absence de M. Jean Lafond et fait part de ses constatations à propos de quelques-uns des vitraux royaux d'Évreux dont il a été question. Le vitrail de l'actuelle baie 115 représente indéniablement Pierre de Mortain et il n'y a pas à y revenir. En revanche, le dessin de la verrière où se voit un personnage que Boudan identifie à C harles III ne peut être considéré comme une invention ni même une mauvaise interprétation de Pierre de Mortain : il doit, en fait, représenté le frère aîné de de ce dernier. Le dessin montre en effet, un écu dans le bas et à gauche de la composition. Or, dans le vitrail de Pierre de Mortain, cette partie n'a pas été restaurée. L'écu peint par Boudan et donnant les armes pleines n'a pas été inventé, car il est timbré d'un heaume cimé d'un plumail de paon. Ce cimier a effectivement été porté, au xive siècle, par plusieurs membres de la famille d'Évreux-Navarre : — Philippe de Navarre, comte de Longueville, mort en 1363, porte sur un sceau de 1362 un tel cimier ; — Louis de Navarre, comte de Beaumont-le-Roger, mort en 1372, porte sur les sceaux qu'il utilisait en 1364-1365 un cimier identique. Ce dernier eut un fils bâtard : — Charles ou Chariot, mort en 1432, dont les sceaux montrent qu'il portait une touffe de plumes indéterminée ; — Pierre de Mortain lui-même dut reprendre ce cimier si l'on en juge par le fragment du sceau qu'il utilisait en 1376 ; — Lionel, son fils, porta le même plumail en fait de cimier ; — Le « Roi de Navarre » porte un plumail de paon sur l'armorial de Gelre.
On a dit qu'il s'agissait de Charles II. Ce peut tout aussi bien être Charles III dont il ne nous est malheureusement parvenu aucun sceau du type à l'écu timbré.
Quant à l'autre dessin qui représente, toujours d'après l'indication de Boudan, Charles le Mauvais, on ne peut dire que la composition du fond ait été inventée, car, elle aussi, correspond à la partition avant des armes de ce roi qui, contrairement à son père, plaçait Navarre avant Évreux.
Si le fond fleurdelisé de l'actuelle baie 125 n'est pas une réfection postérieure — et selon M. Lafond ce ne semble pas être le cas — cette verrière représente le roi Charles VI et il faut se résigner à déplorer la disparition du vitrail au fond semé d'écus qu'a dessiné Boudan et où Charles le Mauvais était agenouillé..
En ce qui concerne, en second lieu, la datation des vitraux, l'héraldique peut permettre d'approcher d'un peu plus près l'époque à laquelle ils ont été commandés : les armes de Pierre de Mortain figurées sur sa cotte d'armes ne permettent guère d'avancer une date antérieure à 1384. La gouache exécutée par Boudan du vitrail de Charles III montre que cette verrière ne pouvait être que postérieure à. 1387 puisque Charles de Navarre porte une couronne et que tant son écu que son tabard montrent des armes non brisées. D'autre part, le vitrail de Charles le Mauvais comportait la disposition des écus que ce roi de Navarre avait adoptée. M. de Vaivre se demande donc si tous ces vitraux sont contemporains.
M. Louis Grodecki ne peut envisager pour ces « vitraux royaux » deux campagnes de fabrication distinctes dans le temps ; s'il a donc existé des vitraux représentant à la fois Pierre de Mortain, Charles II et Charles III, la verrière où se voyait le second ne pouvait donc être qu'un vitrail commémoratif. M. de Vaivre en convient, mais il tient aussi à attirer l'attention sur un écu qui figure sur l'une des verrières du fenestrage du triforium du chœur où l'on voit un écartelé aux 1 et 4 de Navarre, aux 2 et 3 d'Évreux, au lambel de trois pendants d'argent sur le tout.
M. Grodecki précise que tous ces vitraux datent du xve siècle. M. de Vaivre ne partage pas cette manière de voir et pense, quant à lui, que si les fenestrages de cette partie du triforium ont bien été percés sous le règne de Louis XI, une bonne partie des vitraux qui y sont aujourd'hui placés (ou ceux qui leur ont servi de modèles) sont très certainement antérieurs et que c'est précisément le cas de celui qu'il vient de décrire. Les armes précitées — pour lesquelles tous les auteurs ont proposé jusqu'à présent des attributions erronées -— sont en réalité celles de Charles de Navarre, le futur Charles III, du vivant de son père, ainsi que le prouvent des sceaux encore inédits. Il n'y a aucune raison de penser que cet écu a été exécuté à l'époque romantique, ni au xve siècle ni même après 1387 lorsque Charles, du fait de la mort de son père, porta les pleines armes de sa maison. Il faut donc en conclure que des verrières sur lesquelles figuraient un ou des blasons furent commandées entre 1375 et 1387 puisque c'est à ce moment, et à ce moment-là seulement, que furent portées ces armoiries au lambel. M. Grodecki conclut en disant que, les hommes du Moyen Age ayant horreur du vide — en l'occurrence du verre blanc — auraient procédé à de nombreux remplois dont le cas évoqué semble précisément être un exemple."
— LAFOND (Jean), 1975, "Les vitraux royaux et princiers de la cathédrale d'Évreux et les dessins de la collection Gaignières" , Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France Année 1975 1973 pp. 103-112
— LEBEURIER (P-F.), 1868, Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868
Deux cathèdres anciennes (XVIe ?) aux appuis-mains sculptés (acrobate, cavaliers) abandonnées aux vrillettes en l'église Notre-Dame de Roscudon à Pont-Croix (29).
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Sur les stalles des cathédrales et collégiales, voir dans ce blog :
Je me suis rendu à Pont-Croix pour photographier les sablières du chevet. Là, j'ai trouvé stocké du mobilier déclassé sans doute après Vatican II, en bois teinté sombre, et qui passaient ainsi une triste fin de vie dans la semi-obscurité. On ne peut pas tout garder !
Il y avait là trois stalles d'intérêt médiocre, un beau confessionnal en bois blond, mais aussi, l'une au nord et l'autre au sud comme pour les punir en les séparant, deux cathèdres jumelles. Leur croix pattée, leur superstructure néogothique, leur couleur noire et leur allure massive chassaient déjà mon regard vers d'autre cible, lorsqu'un des appui-mains me fit comme un clin d'œil.
C'était un de ces rébus, l'une de ces charades en image, une olla-podrida animalo-humaine qu'affectionnaient les huchiers et dont les stalles des cathédrales offrent de multiples exemples, tout en n'en n'offrant jamais la réponse, comme on la trouve, à l'envers et en petit caractère, dans les jeux de nos magazines. Des esprits fins y ont pourtant discerné des proverbes désuets, des fables et fabliaux (l'inévitable Renart), des allégories, des caricatures (des chanoines qui s'y asseyaient), des chimères, des scènes érotiques la plupart du temps amputées de leur sel, tandis que des musiciens, de rares anges ou des feuillages permettaient aux esprits moins vifs de s'y retrouver un peu.
J'était, du coup, fort intrigué de trouver au rebut ce qui est, ailleurs, mis en valeur et dûment restauré. Peut-être s'agissait-il d'une méprisable copie faite au XIXe siècle ?
Les vrillettes avaient déjà fait bonne chère, et des planches ruinées, des morceaux décatis et des amas pulvérulents témoignaient d'une certitude : en l'absence d'expert en patrimoine, des experts en gastronomie s'apprêtaient à faire de ces chefs-d'œuvre leurs hors-d'œuvre.
Chaque meuble se composait d'un siège à dossier élevé et à assise mobile, basculante et dotée d'une miséricorde. Ce siège fermé latéralement par deux accotoirs en demi-cercle, et c'étaient eux qui s'encanaillaient d'un appui-main sculpté énigmatique. Il était solidaire d'un prie-dieu, lui-aussi fermé par un volet dont la partie haute formait un quart de cercle. Et dans la convexité de ce dernier, une nouvelle sculpture venait rompre, par des croupes brillantes, des volumes doux et soyeux, l'austérité tout en rectitude du siège (si on oublie quelques moulures et une rangée d'ove).
Il s'agissait de deux stalles, ou, du moins, puisqu'ils n'appartenaient pas à une rangée et qu'ils formaient au contraire un meuble indépendant, de "sièges de célébrants" ou cathèdres.
C'était le moment de se souvenir que l'église Notre-Dame de Roscudon avait été érigée en collégiale par les seigneurs bannerets de Tyvarlen, et accueillait donc des chanoines chargés d'y chanter les offices. Les deux sièges étaient sans doute réservés au clergé local, ou à des dignitaires.
Aussi gourmand qu'un coléoptère (Anobium punctatum, l'"Horloge de la mort") devant un buffet Louis XIII, je dévorais des yeux et de mon objectif les quatre figurines de chaque stalle.
En fin de visite, je découvrais une feuille de papier "ronéotypée" qui décrivait ces cathèdres. Voir en Annexe.
Puis, rentré chez moi, je trouvais sur POP.CULTURE la mention, hélas sans photo, de "deux sièges de célébrants" en bois ciré du XVIe siècle, de 2,20 m de haut, 90 cm de large et 1,25 m de profondeur, inscrits MH à titre d'objet en 2014. Certainement ceux qui m'intéressent, mais pourquoi tant de négligence ?
Par ailleurs, le Dictionnaire des artisans parlait d'un menuisier du nom de Pochic, qui avait réalisé en 1725-1727 des stalles à Pont-Croix (Bourde de la Rogerie 1998 et Castel 1987). Mais la date montre que cela ne concerne pas nos cathèdres.
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I. Le siège de célébrant placé au nord.
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Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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1. L'acrobate en renversement postérieur. Appui-main du siège, coté droit pour l'occupant du siège.
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Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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2. Homme à califourchon sur un animal. (Samson et le lion???). Appui-main du prie-dieu, coté droit pour l'occupant du siège.
Un homme vêtu d'une tunique aux manches à replis au dessus d'une culotte plissée tend les deux bras vers l'encolure de sa monture, et écarte de ses deux mains la mâchoire. La tête de l'homme est peu distincte (ou bûchée). Les pattes de l'animal — qui n'a pas de queue — sont griffues.
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Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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3. Homme assis, penché en avant, tenant un récipient. Appui-main de l'assise, coté gauche pour l'occupant du siège.
Cet homme nu (ou sans détail vestimentaire) est assis sur une petite chaise. Il se penche en avant, bras tendus vers un objet qui est peut-être un livre ouvert, avec sa couverte. Son menton est enfoui dans le crâne d'une être ou animal à la gueule ouverte, montrant les dents.
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Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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2. Homme en renversement postérieur. Appui-main du prie-dieu, coté gauche pour l'occupant du siège.
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L'homme est chaussé de larges pantoufles ; on peut penser qu'il est coiffé d'un bonnet de fou.
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Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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II. Siège de célébrant, placé au sud.
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Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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1. Appui-main du siège, coté droit pour l'occupant. Créature à deux têtes.
Une tête humaine est placée sur le dos d'un animal, dont la queue la couvre. La tête de l'animal est peut-être celle d'un chien tenant en gueule des pains, ou celle d'un canard, etc..
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Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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2. Appui-main du siège, coté gauche. Animal montrant les dents.
Il aurait la silhouette d'un chameau, car son dos est fortement convexe. Sa queue passe entre les pattes et étale son fouet sur le dos (comme les lions des crossettes), tandis qu'une bande le recouvre comme un phylactère.
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Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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3. Appui-main du prie-dieu, à gauche pour l'occupant. Un autre animal.
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Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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3. Appui-main du prie-dieu, à droite pour l'occupant. Feuillage ?
Siège de célébrant de l'église de Pont-Croix. Photographie lavieb-aile 2020.
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ANNEXE. Texte trouvé dans une vieille église de Pont-Croix...
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Église collégiale Notre-Dame de Roscudon.
"Trois petites villes du diocèse de Quimper : Rostrenen (qui faisait partie du diocèse de Quimper avant la Révolution), Carhaix et Pont-Croix possédaient chacune un chapitre collégiale.
LES STALLES DU CHOEUR
Des sièges en bois à dossier élevé garnissaient les deux cotés du chœur de la collégiale. Ces stalles étaient réservés aux chanoines. Sur les cartes postales anciennes, on en compte 18.
Dans sa monographie de Pont-Croix (1901), Auguste Tephany, chanoine honoraire, curé-doyen de Pont-Croix dénombre 19 stalles en comptant « celles du clergé paroissial ».
En 2013, dans la collégiale Notre-Dame de Roscudon, il n' en reste que six (deux groupes de trois) et deux cathèdres situées dans l'abside (celles du clergé paroissial?).
Les stalles ont été placées entre les piliers du chœur au début du XIXe, voir une délibération du conseil de fabrique dans le registre paroissial (A. Tephany).
Les deux cathèdres sont beaucoup plus anciennes. Elles ont été "consolidées" et rehaussées d'un triangle de style gothique plus tardivement.
Les quatre sculptures étranges et remarquables qui ornent chacune des cathèdres attestent de leur ancienneté.
Il est probable qu'avant le XIXe siècle, toutes les stalles étaient de la même facture que les deux cathèdres.
Après le concile Vatican II convoqué par le pape Jean XXIII, la collégiale a été allégée du mobilier jugé encombrant et les stalles ont été descellées d'entre les piliers. Les vers sont actifs... , les réparations maladroites ne cachent palus le triste état du bois. Les éléments de l'une d'entre elles sont en train de se disloquer. Ces deux cathèdres mériteraient une restauration judicieuse, car elles sont actuellement en grand danger.
Le travail remarquable des artisans menuisiers, sculpteurs et artistes du Moyen-Âge, auteurs de ces chefs-d'œuvres mériteraient d'être respecté, restauré et mis en valeur.
Les deux cathèdres mériteraient d'être classées monuments historiques."
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ANNEXE II : citation d'Auguste Tephany 1901.
"Les stalles du chœur sont au nombre de dix-neuf, y comprises celles du clergé paroissial. Elles ont été placées, au commencement du XIXème siècle ; on trouve à cet égard une délibération du conseil de fabrique dans le registre paroissial. Elles sont d'une très grande simplicité. On pourrait trouver peut-être qu'elles encombrent un peu le chœur de l'église, et empêchent la double rangée de colonnes de se montrer dans toute leur beauté ; mais leur placement là était nécessaire, car elles servent aux membres du conseil de fabrique et aux prêtres qui viennent aux offices et aux pardons de la paroisse. Quelques-unes d'entre elles sont louées à certains particuliers qui y trouvent, le dimanche, plus facilement leur place. A vrai dire, elles donnent un aspect de cathédrale à l'église, et il ne manque dans l'ancienne collégiale de Notre-Dame de Roscudon que des chanoines, avec leur costume de chœur, pour y réciter, comme autrefois, l'office divin."
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988 Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, par René Couffon, Alfred Le Bars, Quimper, Association diocésaine, 1988.
- E. Lefèvre-Pontalis et L. Lécureux : Les influences poitevines en Bretagne dans l'église de Pont-Croix (S.F.A. B.M. 1909)
- R. Couffon : Notre-Dame de Roscudon et l'atelier de Pont-Croix (Mém. Soc. Hist. Arch. Bret., 1951) ; Pont-Croix, Notre-Dame de Roscudon (S.F.A. C.A. 1957)
- R. Grand : L'art roman en Bretagne (1958)
- Ass. Bret. : Congrès de Douarnenez, 1965
- G. Savina : Notre-Dame de Roscudon, Pont-Croix (Châteaulin, 1972)
- M.-M. Tugorès : Eglise Notre-Dame de Roscudon, le retable de saint Joseph (B.S.A.F. 1978).
- R. Barrié : Eglise Notre-Dame de Roscudon, les vitraux de J.-J. Gruber (B.S.A.F. 1978) - R. Gargadennec : Contribution à la datation de l'église de Pont-Croix (B.S.A.F. 1979) ; Le sculpteur Paul de la Haye (B.S.A.F. 1982)
Ces sablières n'ont pas été décrites ni étudiées en propre. L'abbé L. Rolland mentionne dans sa description de l'église "Au bas des lambris, on aperçoit des sablières élégamment sculptées. Courant le long des nefs, elles représentent, parmi des animaux fantastiques, la salamandre, de François Ier.". Il est repris en 1933 par C. Parcheminou : "Au bas du lambris, on aperçoit des sablières élégamment sculptées courant le long de la nef. Elles représentent, parmi des animaux fantastiques, la salamandre de François ler. D'immenses gueules de monstres mordent les poutres transversales ."
Couffon, en 1988, mentionne les "Sablières sculptées au-dessus de la quatrième arcade et dans les collatéraux."
Un feuillet distribué dans l'église vers 1988 et cité non sans ironie par S. Duhem décrivait « une belle tête de mandarin chinois, deux incas à la bouche toute ronde, (…) des gauchos à la Colombie, un annamite, un mongol (…).
Enfin, Sophie Duhem, auteure de référence pour les sablières de Bretagne, les cite en 1988 sans les décrire, pour suggérer un rattachement à un atelier actif à Pont-Croix et Plomodiern entre 1544 et 1566, ce que j'étudierai en conclusion.
Leur datation ne peut être déduite que de celle de la charpente, elle-même liée aux dates de construction qui sont imprécises et évaluées entre 1528 et 1560, ou 1528 et 1544, en s'appuyant sur une inscription de fondation de la face nord du chevet "EN. LAN. MVCSXXVIII." (1528). Nous pouvons nous aider de la datation des vitraux du chevet, estimée par Gatouillat et Hérold pour la baie 0 (arbre de Jessé offert par Alain de Rosmadec) vers 1530, tandis que la baie 2 (déplacée en baie 6) porte par inscription la date de 1554. En définitive, entre les deux chronogrammes attestés par inscription, celui de 1528 (chevet) et celui de 1554 (vitrail), je choisis ce dernier, plus cohérent avec les autres ensembles de sablière de même style.
Les services du Patrimoine n'ont mis en ligne, sur la base gertrude, que l'étude du calvaire et ses statues par Larhantec.
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DESCRIPTION.
L'église comprend une nef de quatre travées avec bas-côtés et un chœur terminé par un chevet à noues multiples de type Beaumanoir. Du type à nef obscure, l'édifice est lambrissé en berceau avec entraits apparents ; les grandes arcades en tiers-point pénètrent directement dans les piliers.
La quatrième travée de la nef est celle où, du coté nord, est fixée la roue à carillon que chacun repère immédiatement. La corniche de sa charpente lambrissée est sculptée , des cotés nord et sud, de part et d'autre de l'entrait qui traverse horizontalement la nef. Nous trouvons donc là quatre pièces sculptées, deux au nord et deux au sud.
Plus à l'est, dans le chœur, les deux murs parallèles qui précèdent les trois pans coupés sont également coiffés chacun d'une pièce de sablière.
Enfin, deux petites pièces encadrent une lucarne.
Si j'ai été clair, le lecteur aura compris que l'église offre principalement à l'amateur six sablières sculptées, quatre dans la nef et deux dans le chœur... Trois au nord (N1, N2 et N3 d'ouest en est) et trois au sud (S1, S2 et S3). Plus les pièces accessoires.
Le plus simple est de partir de la Roue à carillon, et de tourner dans le fameux sens des aiguilles d'une montre à gousset : N1, N2, N3, S3, S2, et S1.
N1. Trois masques et une frise de vigne avec ses grappes. Bois polychrome.
N2. Deux masques crachant deux dragons à tête semi-humaine. Bois polychrome.
N3 : Grylle (dragon à deux queues, dont une céphalique) mangeant du raisin ; deux anges. Bois peint d'un enduit "chocolat" avec traces de peinture bleue sous jacente.
S3 : créature semi-humaine dont le pied est avalé par un grylle. Deuxième grylle symétrique en miroir. Epillet. Bois peint de couleur chocolat.
S2. La pièce débute par un masque de profil coiffé d'un bonnet à grelot, puis vient un grylle, un semi-humain vêtu de blanc, et enfin un dragon à queue céphalisée. Bois polychrome (blanc, bleu et rouge) sous l'enduit chocolat.
S1. La pièce est centrée par un masque humain de face coiffé d'un bonnet bleu et portant la barbe. À sa droite vient un grylle à tête de bonne femme grimaçante. À sa gauche un pampre, dont les grappes sont dévorées par un dragon à gueule de loup, ailes nervurées, et queue couverte de pustules, et entortillée.
Autres pièces :
-Homme allongé, bras en avants, coiffés d'un bonnet de fou. Feuilles-plumes fixées à des colliers.
-Dragon à feuille-plumes croquant une grappe.
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I. QUATRIÈME TRAVÉE DE LA NEF, COTÉ NORD.
Deux pièces N1 et N2 séparées par l'entrait et encadrées par des blochets.
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La pièce N1. Trois masques et une frise de vigne avec ses grappes. Bois polychrome.
À l'ouest un blochet à feuille (vigne ?). À l'est, l'entrait à engoulant.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Au centre, un masque humain de face à barbe bifide, coiffé d'un bonnet plat de couleur bleue.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Sur le coté droit, deux masques humains de profil, coiffé du chaperon.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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La pièce N2. Deux masques crachant deux dragons à tête semi-humaine. Bois polychrome.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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À gauche, un masque à la face lunaire crache la queue d'un dragon au corps partiellement bûché mais dont on voit les épines et verrucosités, et une collerette de plumes. La tête guillerette serait humaine si elle n'était coiffée d'une crête acérée de dents.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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À droite, un masque humain de profil, coiffé d'un chaperon vert à pointe et queue exubérante libère de sa bouche un dragon ou poisson (pas de pattes). Cette créature a une tête semi-humaine coiffée d'une crête s'achevant en queue entortillée.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Au centre, les deux têtes s'affrontent en tenant chacune l'extrémité de la crête de son vis-à-vis, ce qui contribue à accentuer la confusion et la dissolution des limites : confusion des formes, ambiguïté des êtres, suppression des séparations entre les règnes végétal, animal et humain.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Le blochet : une gueule de dragon tenant une tête d'homme.
C'est un élément très intéressant, puisque le dragon tient entre ses dents la tête terrifiée d'un humain. Est-ce le Mal emportant l'âme d'un mécréant ? Une simple dramatisation du décor accentuant le motif des "engoulants" ?
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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II. CHEVET, COTÉ NORD. UNE PIÈCE N3 ET DEUX BLOCHETS.
N3 : Grylle (dragon à deux queues, dont une céphalique) mangeant du raisin ; deux anges. Bois peint d'un enduit "chocolat" avec traces de peinture bleue sous jacente.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Le blochet ouest est délicat à interpréter : un être (ailé ?) désigne de l'index un objet ovoïde (poisson?).
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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À gauche, un dragon ailé mange les raisins d'un pampre. Mais ce dragon aux longues oreilles et au corps lisse porte un collier strié, tandis que ses ailes nervurées sont implantées sur l'arrière-train. Sa queue se transforme en un nouvel arrière-train avec ses pattes postérieures, et lui-même doté d'une queue portant un collier. Et enfin, cette deuxième queue s'achève par une tête semi-humaine, de profil. Bref, c'est un grylle.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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À droite, une tête d'ange au centre de ses deux ailes, puis un ange tenant un phylactère.
Le blochet oriental est une tête d'ange.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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III. CHEVET, COTÉ SUD. UNE PIÈCE S3 ENTRE DEUX BLOCHETS.
Blochet oriental : tête d'ange.
S3 : créature semi-humaine dont le pied est avalé par un grylle. Deuxième grylle symétrique en miroir. Epillet. Bois peint de couleur chocolat.
Blochet ouest : tête de dragon.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Du coté gauche, un "homme" dénaturé par des appendices foliaires ou de plumes, brandit un objet qui forme une crosse, comme un panache de plume. Ses appendices, deux feuilles indentées, sont fixés autour du ventre par une ceinture crénelée. Ses jambes sont nues.
Ce motif nous est connu, car il appartient au vocabulaire d'un sculpteur de sablières qui a travaillé à Plomodiern en 1564, pour le porche sud et la nef de l'église. Une inscription datée sur ces sablières a incité S. Duhem à le nomme J. Brellivet (alors que je pense qu'il s'agit plutôt du nom du fabricien), et c'est sous ce nom qu'elle décrit un corpus identifiable aussi à Saint-Nic en 1562 et 1564, et auparavant à Pont-Croix en 1544, à la chapelle Saint-Tugen de Primelin (après 1533) et celle de Saint-Trémeur à Cléden-Cap-Sizun en 1554.
Il se caractérise par des créatures humaines au gros œil de profil, au front proéminent au dessus d'un menton fuyant, et emplumés de feuilles-plumes attachés à des ceintures. Toujours allongés et de profil, ils tiennent souvent, en paires, un cartouche à poignées.
Ses dragons portent aussi des appendices foliaires fixés sur des colliers ou ceintures à la queue et aà l'arrière-train.
Une autre caractéristique est l'emploi de la gouge (droite ou creuse) pour réaliser des séries de marques en C (pour faire les écailles) ou en I, et du foret pour exécuter des séries de cupules (les verrues des dragons). L'artiste utilise aussi les longues empreintes de la gouge creuse pour rendre les plumes ou la collerette de blochets mal dégrossis, et au cou épais. Ces caractéristiques ne sont pas retrouvées à Confort-Meilars.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Le grylle attrape le pied gauche de l'homme. Sa tête de dragon ou d'oiseau se prolonge par un corps aux rainures vrillées, corps doté de quatre feuilles-plumes en crochets. La queue est céphalique, avec une tête coiffée d'un "chapeau" (d'une crête) à prolongement frontal et postérieur en volutes.
La volute postérieure se croise en crochet avec la partie homologue de la coiffure de la queue d'un deuxième grylle, qui, à droite, mange un gros épi. Et ce dernier naît d'une tige à double rang de feuilles, reprenant ainsi les formes des feuilles-plumes des grylles et de l'homme, dans un nouvel exemple de confusion malicieuse des règnes.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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IV. QUATRIÈME TRAVÉE DE LA NEF, COTÉ SUD.
Deux pièces S1 et S2 séparées par l'entrait et encadrées par des blochets.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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-Blochet complexe.
-La pièce S2. Elle débute par un masque de profil coiffé d'un bonnet à grelot, puis vient un grylle, un semi-humain vêtu de blanc, et enfin un dragon à queue céphalisée. Bois polychrome (blanc, bleu et rouge) sous l'enduit chocolat.
-Entrait à engoulant.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Le masque de profil, aux cheveux longs et raides, est coiffé d'un bonnet dont la corne, projetée en avant, s'achève en balle (grelot ?), ce qui évoque un fou ou acrobate. Il embrasse la petite tête d'oiseau d'un grylle aux longues écailles et aux feuilles-plumes habituelles. La queue de ce grylle s'achève en tête coiffée d'un bonnet bleu enrubanné.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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L'homme (ou créature semi-humaine) au centre tend les bras vers la chevelure du grylle, et l'empoigne. Il semble porter un bonnet carré. Il est vêtu d'une tunique blanche plissée, bouffante à la taille. Ses jambes sont repliées en grenouille, mais il n'échappe pas à la morsure du dragon qui le poursuit.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Ce très beau dragon appartient au style de "Brellivet" par ses oreilles d'âne, son grand œil d'horus et sa collerette de plumes, mais il s'en éloigne par un corps soigneusement poncé, et non entaillé de coups de gouges. Il est équipé d'ailes de chauve-souris. Sa queue se termine par une tête (c'est très commun parmi les dragons bretons), mais cette tête singe le masque de profil de début de pièce, et la queue du grylle.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Pièce S1. Elle est centrée par un masque humain de face coiffé d'un bonnet bleu et portant la barbe. À sa droite vient un grylle à tête de bonne femme grimaçante. À sa gauche un pampre, dont les grappes sont dévorées par un dragon à gueule de loup, ailes nervurées, et queue couverte de pustules, et entortillée.
Le blochet est une face lunaire, taillée en console.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Le bas-coté sud ("transept").
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Pièce de gauche. Homme allongé, bras en avants, coiffés d'un bonnet de fou. Feuilles-plumes fixées à des colliers.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Pièce de droite. Dragon à feuille-plumes croquant une grappe.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Blochet : buste de femme tenant un objet (ses genoux ?).
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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Masque crachant des feuilles.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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AUTRES PIÈCES.
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Jeune garçon en sarrau plissé soufflant dans une chalemie qui génère des feuilles.
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Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
Sablières de l'église Notre-Dame de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile mai 2019.
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CONCLUSION.
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J'ai compté
7 masques, de face et de profil.
4 dragons, la plupart dotés d'une queue céphalisée.
4 grylles (chimère mi-humaine, mi-animale)
3 hommes (ou créatures semi-humaines) allongés,
2 "anges".
Le point le plus remarquable est l'homogénéité de ce décor sculpté, déclinant en 6 à 8 pièces finalement le même motif, celui de dragons ou de dragons-grylles menaçant de dévoration des hommes, tout cela sous le signe de la métamorphose entre êtres humains, animaux, animaux fantastiques et végétaux par le biais de l'ingestion réciproque. Les frontières entre espèces sont défaites par le double truchement d'anneaux de feuilles-plumes, et des queues prenant visage humain.
L'interprétation de ce décor, en opposition avec les motifs religieux (cultuels ou hagiographiques), ne peut être donnée. Au mieux, elle peut être suggérée, mais chaque proposition ou hypothèse soulevée se rit d'elle-même tant elle est en deçà de ce qui est représentée. Un charme évident naît de cette indétermination de ce qui est donné à voir, mais ce charme n'appartient pas au domaine du fantastique, ni de la poétique, et ni encore du folklorique ou du transgressif.
Pour retrouver un terrain plus argumenté, il faut souligner l'intérêt des rapprochements stylistiques avec les sablières de Pont-Croix, Cléden-Cap-Sizun et Primelin, toutes communes voisines ou proches de Confort-Meilars, et de Plomodiern et Saint-Nic, plus éloignées au nord du Porzay. Les hommes allongés bras tendus en avant, presque nageant ou volant dans l'étroite bande de bois, ont sur un visage de profil le même œil vu de face, de taille excessive, le même front en melon et le même menton fuyant. La métamorphose par des feuilles-plumes prenant naissance par des colliers ou anneaux est également caractéristique.
Pourtant, dans ce corpus, Confort-Meilars se distingue par les corps lisses des dragons, par un goût du travail bien poncé soulignant des volumes musculeux.
On voit combien le travail d'analyse des sablières, si superbement établi pour toute la Bretagne par Sophie Duhem, peut encore être affiné, notamment pour le Finistère, par la confrontation de dossiers iconographiques comme celui que je propose ici.
Enfin, il doit sortir de ce cadre pour s'enrichir de la comparaison avec les œuvres de sculpture sur pierre contemporaines, comme les crossettes souvent riches en dragons (mais pas à Confort-Meilars).
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SOURCES ET LIENS.
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— COUFFON (René) & LE BARS (Alfred), 1988, Notices
"Suivant la généalogie de la Maison de Rosmadec, l'édifice actuel fut bâti en même temps que l'ancienne église de Landudec, entre 1528 et 1544, par les soins d'Alain de Rosmadec et de sa femme Jeanne du Chastel. La date de fondation inscrite sur la face nord du chevet, "EN. LAN. MVCSXXVIII. LE. SECOND. DIMANCHE. DAVST", vient confirmer cette assertion, mais les nombreux poissons et les caravelles sculptées sur le tympan du portail ouest montrent la participation importante des pêcheurs et armateurs, comme à Roscoff et à Penmarc'h. Au cours de la construction, il y eut repentir, les deux premières travées ayant une largeur légèrement supérieure aux deux dernières.
L'édifice actuel comprend une nef de quatre travées avec bas-côtés et un choeur terminé par un chevet à noues multiples. De part et d'autre du clocher encastré sont deux réduits : côté sud, ossuaire ajouré de deux baies et donnant sur l'intérieur ; côté nord, chapelle des fonts. Le pignon ouest est percé à la base par un portail influencé par celui de Saint-Corentin, mais les voussures ne sont décorées par aucune guirlande de feuillages.
Le chevet, du type Beaumanoir, est contrebuté par des contreforts ajourés d'un quatre-feuilles du plus heureux effet. L'un des remplages renferme une fleur de lys, les deux autres sont flamboyants.
Du type à nef obscure, l'édifice est lambrissé en berceau avec entraits apparents ; les grandes arcades en tiers-point pénètrent directement dans les piliers ; elles sont simplement épannelées dans les deux premières travées et bien moulurées dans les deux dernières.
Sablières sculptées au-dessus de la quatrième arcade et dans les collatéraux.
Arcs diaphragmes sur la nef et les bas-côtés entre la troisième et la quatrième arcade.
BIBL - B.D.H.A. 1933 : Notice (par l'abbé Parcheminou) - J. Rolland : La chapelle Notre-Dame de Confort (Saint-Brieuc, 1922) - R. Couffon : Notre-Dame de Confort (S.F.A. C.A. 1957) - R. Grand : L'art roman en Bretagne (Paris, 1958) - Ass. Bret. : Congrès de Douarnenez, 1965
— DUHEM (Sophie), 1997, Les sablières sculptées en Bretagne: images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne, XVe-XVIIe s. ... préface d'Alain Croix. , Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1997 : thèse de doctorat en histoire sous la direction d'Alain Croix soutenue à Rennes2 en 1997. pages 3 ; 19 : 143 et 179. Voir les pages 142 à 146 pour les sablières attribuées à "Bréllivet".
"Quelques représentations exceptionnelles [de scènes sexuelles] doivent être signalées : une scène de masturbation apparaît dans la chapelle Saint-Tugen à Primelin, une sculpture damée laisse deviner deux figures enlacées se présentant mutuellement leurs organes à Brennilis, et, à Confort-Meilars, un petit homme est coiffé d'un chapeau à crête phallique" (p. 179)
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"Contemporain de l'anonyme de Combrit, J. Brellivet exerce comme lui son métier sur les chantiers du Cap Sizun avant de gagner des paroisses situées, cette fois, plus au nord. Les dates mentionnées par quelques sablières permettent de suivre son activité durant près d'une dizaine d'années, voire un peu plus si l'on tient compte des dates des campagnes de construction des sanctuaires où son passage est attesté. Avant de découvrir les étapes anciennes de son parcours, arrêtons-nous dans l'église de Plomodiern qui abrite l'ensemble le plus tardif que l'artisan ait réalisé.
L'œuvre, datée de 1564, est de belle qualité : Brellivet n'hésite pas à évider le bois de manière à obtenir un relief assez haut, et comme l'artiste de la chapelle des saints Côme et Damien à Saint-Nic, il aime ornementer les surfaces de motifs taillés en creux, stries, encoches, facilitent l'identification de son travail. Les mentons sont fuyants, mais les fronts sont bombés net, les yeux immenses, aux contours très dessinés. Les figures originales qu'il représente sont inspirés des décors de la Renaissance : il apprécie surtout les figures humaines et animales « végétalisées » qui prennent la forme dans sa sculpture de bustes d'hommes et de dragons dont les cornes pisciformes sont couverts de végétaux. Il dynamise ses compositions par de petits portraits qu'il représente en buste ou de profil, sur des médaillons.
Ces images sont caractéristiques de sa production et apparaissent à quelques kilomètres de là, pointe du Cap Sizun sur les poutres plus anciennes de l'église de Pont-Croix. L'année 1544 marque la fin de la campagne de construction du chœur et sans doute est-ce durant cette période qu'il entreprend l'ornementation des sablières. Soit près d'une vingtaine d'années en amont de l'œuvre de Plomodiern. Les images choisies sont les mêmes ou du moins partiellement puisqu'une scène de pêche complète la décoration de l'ensemble. En réalité l'auteur n'a pas encore fixé son répertoire : il mêle à ses figures végétales renaissances des thèmes plus « locaux » dans la tradition de l'imagerie divertissante du bas Moyen-Âge. Il lui faudra quelques années avant d'adopter définitivement le registre des images les plus modernes, car son choix n'est toujours pas fait en 1554 : les fragments de sablières conservés dans la chapelle Saint-Trémeur à Cléden-Cap-Sizun le prouvent. Si le nom de Brellivet n'est pas mentionné par l'inscription qui fournit la datation, la paternité ne fait aucun doute.
Bien que nous ne connaissions pas les dates d'édification de la charpente de la chapelle Saint-Tugen à Primelin, une partie au moins est contemporaine des charpentes de Pont-Croix et de Trémeur. La présence de quelques sablières décorées par le sculpteur l'atteste. Nous retrouvons à Primelin l'image du putto tenant entre les mains les queues de deux dragons végétalisés, de même que les petits bustes pleins d'embonpoint qui ornaient déjà les culots des poinçons pontécruciens. C'est probablement vers le milieu du siècle que le sculpteur quitte la pointe du Cap Sizun pour gagner des chantiers situés plus au nord. Comme nous l'avons vu, il réalise les décors de Plomodiern en 1564. Il est à la même époque dans la paroisse de Saint-Nic où il est employé à l'ornementation de la charpente de l'église entre 1561 et 1566. La commande est importante si l'on tient compte des éléments conservés localisés sous le porche et dans la nef. La maîtrise technique de l'ouvrage est incontestable, mais il est vrai que le répertoire est déjà bien connu du sculpteur."
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— ROLLAND (J.), 1922, La chapelle Notre-Dame de Confort (Saint-Brieuc, 1922) : in Infobretagne
Le Musée des beaux-arts de Quimper présente actuellement l' exposition Raoul Dufy (1877-1953), les années folles.
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"Raoul Dufy (1877-1953) est l’un des artistes français les plus marquants du XXe siècle. Peintre, dessinateur, céramiste, créateur de tissus, décorateur, il a su, à l’instar de Gauguin, abolir les frontières entre art majeur et art mineur. L’exposition au musée des beaux-arts de Quimper présente environ trois cents œuvres issues d’une collection particulière.
Les peintures et dessins mettent en valeur les thèmes qui sont chers à Dufy : la mer, les régates, la musique et les fêtes pavoisées aux couleurs lumineuses. Le public peut également découvrir une autre facette de l’artiste qui a multiplié les expérimentations dans le domaine des arts décoratifs, impulsées par ses bois gravés réalisés pour le Bestiaire d’Apollinaire. Il a en effet collaboré avec le célèbre couturier Paul Poiret et la société Bianchini-Férier, l’une des principales maisons de soieries lyonnaises. Une vingtaine de robes et une soixantaine de tissus donnent un aperçu de la hardiesse et de la justesse des trouvailles de Dufy qui ont largement alimenté l’inventivité des grands couturiers des années folles." http://www.mbaq.fr/fr/expositions/expositions-a-venir/raoul-dufy-1877-1953-les-annees-folles-669.html
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Ayant nommé (non sans ironie) mon blog lavieb-aile, je ne pouvais pas ne pas rendre hommage au peintre de la joie de vivre lumineuse, colorée et musicale, à celui dont le parti-pris fut de rendre compte non pas de la réalité (que nous ne voyons que trop), mais d'un parti-pris intérieur de jovialité, car si la vie n'est pas toujours belle, chacun peut se vouer à rendre belle la vie. Dufy m'accompagne depuis mes premières visites, à 17 ans, des salles du Musée d'Art Moderne de Paris, mais j'en avais retenu les bords de mer et les champs de course, la palette fraîche, le trait vif sur des couleurs tendres, et surtout le petit drapeau français qui battait gaiement au vent, comme chez Marquet. Quimper m'offre la découverte des autres facettes de son art par le biais d'une vingtaine de robes et d'une centaine de tissus ou projets de tissus..
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J'ai l'habitude de parcourir une exposition une première fois assez rapidement, d'y rechercher des axes de curiosité, puis de parcourir plus attentivement les salles. Ce jour là, j'ai organisé ma visite en quatre ateliers, et je propose au lecteur de m'accompagner :
Les fleurs et la dissociation forme : couleur.
Les éléphants : Apollinaire (1910) puis Bianchini-Férier
Les robes à fleurs : Paul Poiret puis Bianchini-Férier.
Papillons, oiseaux et perroquets
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Atelier I. Les fleurs et la dissociation contour / couleur.
L'œuvre de Dufy compte environ 3 000 toiles, 6 000 grandes aquarelles, 6 000 dessins, des bois gravés, des lithographies, des tapisseries, des tissus… Mais cette œuvre est rythmée par des années charnières où il modifia sa technique
1913 est l'une d'entre elles avec le choix des couleurs vives qui déterminent des zones relativement arbitraires auxquelles se surajoutent les dessins des divers éléments. Mais c'est en 1926, en regardant une petite fille qui court sur le quai de Honfleur, Dufy comprend que l’esprit enregistre plus vite la couleur que le contour. Il va alors vraiment dissocier les couleurs et le dessin. Dès 1925, il ajoutait à son dessin de larges bandes de couleurs (généralement trois) horizontales ou verticales, ou bien à de larges taches colorées.
Dufy se rend compte que, pour l’œil, les couleurs n’appartiennent pas indéfectiblement à une chose : ce ne sont pas des qualités qui n’auraient pas d’existence hors une substance. Elles ont leur vie propre, débordent les objets, et cela surtout dans l’expérience de la perception du mouvement. D’où l’usage de ce que Pierre Cabanne appelle « les flaques de couleurs juxtaposées ». La dissociation entre la couleur et le dessin est parfois très poussée, et Dufy installe souvent les objets réduits à un contour sur trois ou quatre larges plages colorées.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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La composition Épis de blé et coquelicots.
Gouache sur papier, s.d.
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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Autre exemple : Les hippodromes : avant et après.
Deux exemples illustrent ce changement : dans l'exposition, une gouache sur papier Paddock, ou le Polo à Bagatelle, de 1920, voisine Paddock à Nice, une aquarelle de 1927. Dans la première, les couleurs sont à leur place logique, cohérente avec le contour du dessin. Dans la seconde, les couleurs ont pris leur liberté, et flottent devant les formes, teintant partiellement les chevaux de bleu, de rose ou de jaune.
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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ATELIER II : LES ROBES À ÉLÉPHANTS : APOLLINAIRE PUIS PAUL POIRET.
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Deux robes (des créations contemporaines reprenant des tissus créés par Dufy) sont présentées à Quimper avec le motif des éléphants et tigres (ou éléphants et guépards) : découvrons les, avant d'en révéler les sources.
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1. La veste et la robe rouge.
Veste Les Éléphants, création contemporaine d'après un tissu édité par la maison Bianchini-Périer similaire au motif Éléphants et tigres de 1925.
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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2. La robe verte.
Robe de soirée Éléphants et guépards, soie, création contemporaine d'après un tissu édité par la maison Bianchini-Férier sur un motif de Raoul Dufy similaire au motif Éléphants et tigres entre 1920 et 1926.
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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Le Bestiaire d'Apollinaire (1911) avec les bois gravés de Dufy : l'Éléphant.
Guillaume Apollinaire a demandé à Dufy d'illustrer par des bois gravés son premier recueil publié, leBestiaire ou le Cortège d'Orphée. Ce dernier, tiré à 120 exemplaires comportait trente quatrains d'octosyllabes (quelques quintils et sizains, quelques fois des alexandrins). C'est " un grand in-4° de 33 centimètres x 25 centimètres où la lettre et le trait, les mots et les formes, se répondent en un fascinant jeu de miroir."
« Les formes très géométriques et très sculpturales qu’il [Dufy] donne aux corps et au décor et le refus de toute proportion perspectiviste, dans ses illustrations, rappellent qu’il fut sensible à l’influence de Cézanne, un des pères du cubisme géométrique. Les formes gravées par Dufy ne sont pas figuratives : elles rappellent plutôt des langages plastiques archaïques et primitifs, observés et étudiés les peintres contemporains et par Apollinaire lui-même. La convergence est donc évidente, entre un langage pictural moderne et une écriture poétique moderne : le retour à une forme de primitivité, y compris dans ce qu’elle a de populaire, permet en toute liberté une création poétique originale et innovante. A bien des égards, Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée est une expérimentation poétique. » Vincent Jolivet et Eric Thiébaud (édition TEI) http://obvil.sorbonne-universite.site/corpus/apollinaire/apollinaire_bestiaire .
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En 1919, Francis Poulenc mit en musique six de ces poèmes .
L'Éléphant est la 12ème gravure. L'animal massif et noir, élevant sa trompe, brille par ses défenses blanches, celles dont le poème forme son sujet. il est entouré d'une jungle peu tropicale de cyprès, de bleuets géants, où volent quatre oiseaux tandis que les deux yeux d'un félin brillent dans le fond.
Comme un éléphant son ivoire,
J’ai en bouche un bien précieux.
Pourpre mort !… J’achète ma gloire
Au prix des mots mélodieux.
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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Du bestiaire au vestiaire : L'utilisation de l'Éléphant du Bestiaire dans les cartons de tissus.
L'Éléphant du Bestiaire devint un motif de tissu entre 1920 et 1926.
Entre 1909 et 1918, Raoul Dufy créa en effet pour ce grand couturier Paul Poiret (celui qui libéra les femmes du corset) des impressions pour tissus. A l'époque, la firme lyonnaise de textiles Bianchini-Ferier était la référence de toutes les élégantes et fournissait les maisons de couture les plus en vue. Elle remarqua la créativité de Dufy et l'employa. Entre 1912 et 1928, Raoul Dufy collaborera très activement à la création au sein de cette société, créant entre 1909 et 1929 plus de 3000 dessins textiles. Il publia ses modèles en 1920 dans la revue de mode Le Bon Ton.
"Dans son mémoire "Le Roi de la mode" (1931), Poiret écrit " "Suis-je un imbécile quand je rêve de mettre de l'art dans mes robes, un imbécile quand je dis que la couture est un art? Car j'ai toujours aimé les peintres, sur un pied d’égalité avec eux. Il semble que nous pratiquions le même métier et que ce sont mes collègues. "
Rejetant les rivalités fraternelles qui ont toujours tenaillé les beaux-arts et les arts appliqués, Paul Poiret (1879-1944) pensait que l'art et la mode n'étaient pas simplement impliqués mais indivisibles. En plus de se présenter comme un artiste et mécène des arts, Poiret a promu ses modes comme des œuvres d'art uniques et originales en soi. Il l'a fait en mobilisant les arts visuels et le spectacle vivant, et en travaillant avec des artistes associés au modernisme d'avant-garde. Parmi les diverses collaborations de Poiret, la plus durable a été celle avec Raoul Dufy (1877-1953), dont il a contribué au lancement de la carrière de designer-textile. Les motifs graphiques plats de Dufy étaient parfaitement adaptés aux créations planes et abstraites de Poiret, ce qui est visible dans des créations emblématiques telles que le manteau `` La Perse '', la robe `` La Rose d'Iribe '', et la robe de soirée `` Bois de Boulogne '', qui est fabriqué à partir d'un tissu que Dufy a conçu en collaboration avec le fabricant de soie Bianchini-Férier. (Metropolitan Museum).
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1. Éléphant et guépard. 1925.
Carré de soie de la maison Bianchini-Férier, 90cm x 90 cm : édition contemporaine d'après un carton de Raoul Dufy en 1925.
C'est le motif repris dans le tissu de la robe verte.
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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2. Les éléphants harnachés de leur tapis de howdah (baldaquin) parmi deux pivoines .
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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3. Les éléphants gris et oiseaux du paradis : vers 1922-1924.
Gouache sur papier pour un projet pour Bianchini-Férier.
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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ATELIER III : LES ROBES À FLEURS. Paul Poiret puis Bianchini-Férier.
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1. Le célèbre manteau "La Perse", 1911.
Il se pare d'un motif en noir et blanc de roses, de pavots et de feuilles géantes.
"Ce manteau, "La Perse", avec son design audacieux imprimé sur bois par Raoul Dufy, apparaît dans un croquis de vêtements pour femmes d'Éve Lavallière, une actrice et courtisane célèbre. Elle le portait dans la comédie Les Favoris d'Albert Capus au Théâtre des Variétés en 1911. La simple forme en T du manteau de soirée, décrit dans Women's Wear comme "coupé sur des lignes de kimono" permet le déploiement efficace du motif surdimensionné. L'intérêt de Poiret pour l'intersection de tous les arts est illustré par le fait que ce motif a également été utilisé dans le traitement mural de son salon de l'avenue d'Antin.
Alors que le manteau de Lavallière était noir sur blanc avec des garnitures en fourrure de renard noir, ce manteau, qui appartenait à Denise Poiret et qu'elle portait lors de la première tournée officielle de mannequins de Poiret en Europe en octobre-novembre 1911, ainsi que lors de son premier voyage en Amérique en Septembre-octobre 1913, est imprimé dans un bleu nuit d'encre avec des garnitures en fourrure de lapin. Étant donné qu'il appartenait à Madame Poiret, il est probable qu'il s'agissait du prototype pour d'autres qui avait été fait pour les clients. (Une autre version a été faite pour Olga de Meyer, l'épouse du photographe Baron de Meyer et prétendument la fille illégitime du prince de Galles et Blanche, duchesse de Caraciolla.).
Poiret a inséré une pointe de couleur à travers la doublure en soie du manteau, le bleu vert vif des carreaux persans. Porté serré, cet élément signature n'aurait pas été vu, mais porté en arrière comme le voulait la mode, la doublure soulignait les allusions orientalistes de "La Perse"." (Metropolitan Museum)
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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2°) La rose d'Iribe, 1913.
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"La Rose d'Iribe," 1913
"Cette robe est une élaboration de la construction plus simple des chemises de Poiret. Comme les versions précédentes, elle a été conçue pour être portée avec une ceinture qui cintrait la robe au corps sous le buste dans une silhouette Empire. À la forme en T de base de la soie à motifs roses, Poiret a ajouté des rectangles de velours bleu noir pour former des manches larges et l'ourlet de la robe. Le résultat est l'illusion d'une sous-robe en soie et en velours. La proportion établie par cette stratégie de trompe-l'œil est cohérente avec celles des robes tuniques actuelles prônées par le couturier à cette époque.
Paul Iribe a conçu le motif rose de Poiret. De toutes ses collaborations avec des artistes et des illustrateurs, Poiret était le plus fier de son introduction d'Iribe à un public plus large. Iribe était responsable d'une publication au début de la carrière du couturier, Les robes de Paul Poiret (1908), promouvaient non seulement le couturier lui-même, de plus en plus influent, mais établissait également Iribe comme un talent majeur. En 1908 ou 1909, lorsque Poiret déménage son entreprise avenue d'Antin, la rose, délimitée par Iribe, est placée sur l'étiquette du couturier, une réaffirmation de l'estime de Poiret pour l'artiste. Le motif a ensuite été incorporé dans ce textile conçu par Raoul Dufy." (Metropolitan Museum)
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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Robe rouge.
Création contemporaine.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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Les cornets d'arums.
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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Raoul Dufy, Cornets d'arums et fleurs sur fond bleu, 1919, gouache sur papier, 64 cm x 69 cm, coll. part.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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IV. Papillons, oiseaux et perroquets.
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Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-arts de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019.
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Conclusion.
Ce dernier article de l'année 2019 souhaite offrir, dans la joie et la beauté, aux lecteurs un petit échantillon de ce que le visiteur peut découvrir jusqu'au 4 mai 2020 au MBA de Quimper. Puisse 2020 lui permettre d'en parcourir les 4 salles avec la même passion que moi, et profiter du beau film Raoul Dufy, la lumière entre les lignes (51 mn) à l'auditorium.
La joie et le rire : merci Dufy.
5 heures avant les 12 coups de minuit sonnant le passage en 2020, je dois à Dufy l'un de mes derniers éclats de rire de l'année. Après avoir légendé mes 49 photos, j'ai découvert que j'avais écrit 49 fois :
"Raoul Dufy, la mode des années folles , exposition du Musée des beaux-rats de Quimper (copyright). Photo lavieb-aile 2019."
Le patrimoine textile issu du culte religieux est précieux tant pour en documenter les techniques de fabrication artisanale ( et, pour la maison Le Minor, artistique), ou pour en admirer la beauté, que pour témoigner de l' évolution des invocations d'une paroisse dans son ensemble, ou dans la constellation de leurs confréries . Il est donc précieux pour l'histoire des arts textiles, pour celle des pratiques cultuelles, et parfois pour l'histoire des communautés humaines, notamment lors des guerres.
Il est donc capital d'en établir le recensement, comme cela a été organiser jadis par l'évêché de Quimper. Mais aujourd'hui, ce recensement doit être photographique, et comporter si possible une notice descriptive.
C'est ce petit militantisme de la diffusion en ligne des documents patrimoniaux qui justifie, pour les bannières comme pour les sablières, les vitraux, la statuaire entre autre, mon travail assidu à mon petit niveau.
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I. La bannière Le Minor de 1960 : Notre-Dame-de-Confors et sainte Bernadette.
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La face principale, en velours gris brodé, représente la statue de la Vierge à l'Enfant dite Notre-Dame de Confors qui occupe une niche à gauche du chœur.
Elle porte l'inscription (lettres capitales blanches sans empattement) PAROISSE DE CONFORT en haut et NOTRE-DAME DE CONFORT en bas.
Une bande d'un gris plus clair, surpiqué sur le fond, accueille la Vierge couronnée et voilée, en manteau bleu, robe à surprenantes rayures vertes et jaunes, tenant l'Enfant en élégante robe blanche brodée de rouge.
Deux cartouches verticaux contiennent chacun un motif de broderie bretonne au dessus de deux dates 1560 -1960 soulignant un anniversaire de 400 ans; mais la date de fondation de l'église, inscrite sur la face nord du chevet, mentionne la date de 1528 : "EN. LAN. MVCSXXVIII. LE. SECOND. DIMANCHE. DAVST".
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Quoiqu'il en soit, ces dates indiquent que cette bannière est sortie en 1960 de l'atelier de broderie de la maison Le Minor de Pont-L'Abbé, ce qui en fait la cinquième d'une série débutée en 1953 à Locronan.
Je n'ai pas eu accès au bolduc de la bannière, ce certificat qui authentifie son statut d'œuvre d'art et qui pourrait nous renseigner sur l'auteur du carton et sur l'identité du brodeur.
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
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Bannière de dos : sainte Bernadette.
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Velours bleu céruléen, encart central gris sous l'inscription STE BERNADETTE. Dans l'encart, sainte Bernadette tient un chapelet du Rosaire à coté d'un agneau (en 1857, Bernadette Soubirous aurait gardé des moutons à Bartrès).
De chaque coté descendent deux lignes en arêtes de poisson, un motif de broderie bigoudène.
En bas, la représentation de la basilique Notre-Dame-du-Rosaire de Lourdes.
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
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Bannière de sainte Bernadette.
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
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IIa. Bannière du Sacré-Cœur.
Velours rouge. Inscription SACRE COEUR DE JESUS SAUVEZ LA FRANCE. Le Christ sur une nuée bénit et montre son cœur. Blason de la Bretagne. Rinceaux latéraux. Frange en cannetilles.
L'oraison Sacré-Coeur de Jésus sauvez la France a été diffusée pendant la guerre de 1870 puis pendant la Première Guerre Mondiale, date probable de cette bannière.
Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
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L'église possède une chapelle dédiée au Sacré-Cœur.
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
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IIb. Bannière de saint Michel.
Velours rouge. Elle est sans doute couplée à la précédente dont elle a la même forme notamment pour les lambrequins. Son inscription QUIS UT DEUS la rapproche d'autres bannières proposées pendant la Première Guerre par les entreprises spécialisées, comme la maison Biais de Paris :
Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019.
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III. Bannière de sainte Anne éducatrice.
Inscription SANTEZ ANNA PEDIT EVIDOMP, "sainte Anne priez pour nous" . Velours rouge, rinceaux au fil d'or.
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019
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L'église conserve une statue (XIXe ?) de sainte Anne éducatrice, mais Anne est assise.
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019
Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019
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IV. Bannière de saint Jean-Baptiste.
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SANT YAN BADEZOUR PEDIT EVIDOMP.
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019
Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019
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Va. Bannière du Christ-Roi, Alpha et Oméga. 1951.
Elle est tout à fait remarquable par son style . L'inscription renvoie à la réponse de Jésus devant Pilate qui demande en Jean 18:37Ergo rex est tu "Tu es donc roi ?" . Mais cette réponse Tu dicis quia rex sum ego "Tu le dis, je suis roi" est ici tronquée.
Les lettres grecques rappellent l'affirmation Je suis l'Alpha et l'Oméga".
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019
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Vb. Bannière de saint Mélar, 1951.
Elle s'assemble par la forme des lambrequins à la précédente. Elle honore le saint patron de l'ancienne église paroissiale, l'église Saint-Mélar, qui a perdu ce titre en 1910. C'est le fils de saint Miliau.
Inscription SANT MELAR PEDIT EVIDOMP, "Saint Mélar priez pour nous".
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Bannières de la paroisse de Confort-Meilars. Photographie lavieb-aile 2011 et 2019
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1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
"Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)