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18 mars 2023 6 18 /03 /mars /2023 14:31

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Zoonymie des Odonates : avant l'ère des noms, celle des enluminures. Dix libellules du Bréviaire Grimani (1510-1520) à la Bibliothèque Marciana de Venise.

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Voir aussi :

 

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INTRODUCTION.

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Le Bréviaire Grimani est un bréviaire à usage franciscain  actuellement conservé à la Biblioteca Marciana à Venise.  Ce  manuscrit enluminé  réalisé en Flandres entre 1510 et 1514 est l'un des plus célèbres manuscrits de l'école ganto-brugeoise. Il est décrit de façon détaillé sur l'article Wikipédia  Breviarium-Grimani en néerlandais, et par Kren  & Mckendrick sous leur n°126 page 420 . Son premier propriétaire a été Antonio Siciliano, ambassadeur du duc de Milan Maximilien Sforza à la cour de Marguerite d'Autriche à Malines en 1514. Il le vendit pour 500 ducas d'or au cardinal Dominico Grimani.

 

Le manuscrit contient parmi ses 832 folios les 12 miniatures pleines pages et les 12 miniatures de bas de page du calendrier, mais aussi 50 miniatures en pleine page et 18 miniatures de grande taille et 18 autres de plus petite taille ainsi que de nombreuses bordures historiées.

Le style des enluminures est typique du style de l'école ganto-brugeoise du XVIe siècle. Plusieurs mains sont distinguées. Les miniatures les plus archaïsantes sont attribuées au peintre Alexandre Bening. La plupart des autres sont attribuées à son fils Simon Bening et à son atelier. Quelques miniatures— celles du Calendrier—  ont été toutefois attribuées au Maître de Jacques IV d'Écosse (depuis identifié à Gerard Horenbout) et d'autre à Gérard David et au « Maître des scènes de David du Bréviaire Grimani ».

Il comporte 

— Un calendrier. Les enluminures en diptyque attribuées aujourd'hui au Maître de Jacques  IV d'Ecosse sont inspirées de celles des frères Limbourg pour les Très Riches Heures de Jean de Berry. Ce modèle était à cette époque à Malines, dans la bibliothèque de Marguerite d'Autriche  et était donc probablement accessible au peintre.

le Temporal : 14v-174v. 

Des Rubriques

Un Psautier :  ff 286v-400v : 8 enluminures par le «Maître des scènes de David dans le bréviaire de Grimani», élève du Maître de Jacques IV d'Ecosse. Elles   débutent par la Chute d'Adam et Éve et se poursuivent en illustrantle Psaumes 1, 26, 38, 68, 80 et 97.  

le Commun des saints Commune sanctorum ff 401-448.

L'Office des Morts et les Heures de la Vierge ff.449v-476v.

Le Propre des saints Propium sanctorum ff. ou Sanctoral ff 468v-831v.

L'encadrement des enluminures sont de trois types.

1.Soit les miniatures pleine page se passent d encadrement.

2.Soit elles ressemblent à un retable en bois, dans un cadre ayant une couleur de bois doré.

3.Soit il s'agit de la bordure propre au style ganto-brugeois, soucieux de naturalisme et de réalisme, d'illusion de relief avec des ombres portées, et d' une disposition aérée éloignée de la saturation médiévale par horror vacui. Trois sous-types sont distingués : 

  • Une marge colorée en jaune avec des fleurs éparpillées, des oiseaux et des insectes : c'est là que nous trouverons nos libellules. C'est le type 3a de l'auteur de l'article Wikipédia

  • Une marge colorée décorée de rinceaux de feuilles d'acanthes séparés par des insectes et des oiseaux. Les libellules y seront aussi recherchées

  • Une marge colorée ornée de bijoux et de perles.

Comme pour la plupart des manuscrits, les opinions des historiens de l'art divergent sur les miniaturistes qui ont contribué au bréviaire. Tout d'abord, il y a ceux qui attribuent l'illumination à Gérard Horenbout  et à Alexander Bening  et à son fils Simon Bening . D'autres parlent de maître de Jacques IV d'Ecosse, identifié dans les œuvres plus anciennes avec Gérard Horenbout et le maître Maximilien qui à son tour est identifié comme Alexander Bening. Certaines miniatures sont attribuées à Gerard David . 

De nos jours, en 2013, la plupart des historiens d'art s'accordent sur les interventions du  maître de Jacques IV d'Ecosse, Alexander Bening, les scènes de Maître de David dans le Bréviaire Brimani , Gerard David et Simon Bening.

En 1977 Erik Drigsdahl a cru reconnaître dans une inscription de bordure du folio 339v les lettres   A  . BE . NI . 7I.  Il a pensé y voir la signature d'Alexander Bening suivi de son âge de 71 ans , et suggère que cet artiste avait 71 ans en 1515. A. BE + NC + 71 [A.(lexander) BE(ni)NC 71] . Thomas Kren a fait l'éloge de cette observation, pourtant bien audacieuse.

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LE BRÉVIAIRE GRIMANI ET LES ODONATES (LIBELLULES).

 

Ce bréviaire est célèbre parmi les entomologistes et notamment les odonatologistes car il renferme au folio 781v (donc, dans le Propre des saints) une miniature comportant dans son coin inférieur droit une magnifique libellule. Elle a été signalée dans la revue Odonatologica en 1991 par R. Rudolph — un spécialiste qui a publié notamment en 1973 sur l'histologie de la larve de Aeshna cyanea — qui y a reconnu le genre Aeshna , en s'appuyant sur les travaux de Pichetti 1949 sans en donner les références bibliographiques :

"An Aeshna is illustrated in the Italian "Breviario Grimani" dating from 1495-1500 (PICHETTI, 1949)."

La même année et dans la même revue Odonatologica, Philip S. Corbet, éminent spécialiste des Libellules, signale aussi ce Bréviaire.

"Much later, we find dragonflies beautifully depicted in the Gutenberg Bible of 1453 (Rudolph, 1991) and in certain medieval breviaries, for example the Breviario Grimani (Conci & Neilsen, 1956), the Belleville Breviary from the workshop of Jean Pucelle in Paris (Hutchinson, 1978) and the Livre d’Heures d’Anne de Bretagne illustrated by Jean Bourdichon (Frain, 1989)."

Dans l'ouvrage de C. Conci et C. Neilsen cité en référence,  Fauna d’Italia, Vol. 1. Odonata. Calderini, Bologna,  1956, on peut lire l'identification d'un "Escnide" sans-doute pour "Aeshnidae ".:

"Nessuna notizia riguardante gli Odonati ci è pervenuta dall'antichità. Il primo documento su questi Insetti, a quanto ci è noto, è un fregio miniato rappresentante, in grandezza naturale e con sorprendente efficacia, un Escnide, riportato nel foglio 181 v. del Breviario Grimani (Venezia, Biblioteca di S. Marco), databile fra gli anni 1490 e 1500 (PICCHETTI, 1949). Abbiamo riprodotto nella tavola fuori testo tale preziosa miniatura. Il primo naturalista che scrisse sulle fu Ulisse Aldrovandi."

La publication initiale est donc celle d'Enricho PICCHETTI, "Libella-ula,  Atti Ist. Veneto Sc. Lett. E Arti, CVII, II, pp.269-279, 1949", dont je parviens à retrouver le texte. C'est lui qui, dans un article passionnant de Zoonymie, donne la meilleure description (seule la foliation est inexacte) et prend parti pour le genre Aeshna :

"Esistono pero documentazioni iconografische anteriori. Al foglio 181v del Breviario Grimani (Venezia, Biblioteca di S. Marco), che con sufficente esattezza collocare fra gli anni 1490-1500, si puo vedere raffigurato, nell' angolo destro inferiore del fregio miniato marginale, un bell'esemplare di « Aeschna », in grandezza naturrale, screziato di azzurro, verde, giallo, ritratto con sorprendente efficacia veristica."

"Mais il y a des images iconographiques antérieures. Sur la feuille 181v du bréviaire de Grimani (Venise, Biblioteca di S. Marco), qui avec une précision suffisante peut être daté entre les années 1490-1500, un bel exemple de "Aeschna" peut être vu dans le coin inférieur droit de la frise marginale de la miniature. », en grandeur nature, marbré de bleu, vert, jaune, et  dépeint avec une efficacité réaliste surprenante."

Enfin, dans la partie historique (chapitre 4) de leur publication Les Libellules de France, Belgique et Luxembourg, Daniel Grand et Jean-Pierre Boudot ont fait figurer la reproduction du folio 781v du Bréviaire Grimani, sans la décrire.

En définitive, cette libellule n'a pas été décrite sauf par Picchetti, et pas davantage le folio qui la contient. 

En outre, le Bréviaire contient au moins neuf autres Libellules. Comme il n'est pas numérisé et consultable en ligne, ce décompte dépend du hasard des pages accessibles.  Mais je dois remercier  Philippe Sevestre, conservateur en chef du patrimoine et auteur d'une vidéo sur ce Bréviaire, qui m'a fourni des clichés complémentaires à mon enquête initiale.

C'est à la description de ces dix libellules que je vais me consacrer maintenant.

 

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1°) Le folio 781v Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v.

 

Cette enluminure du Propre des Saints est attribuée soit à Simon Bening, soit à son père Alexander Bening " ou Maître du Premier Livre de Prière de Maximilien (Alexander Bening ?) " selon E. Morrison et T. Kren en 2007. 

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 — Alexander Bening appelé aussi Sanders Bening est un peintre enlumineur actif entre 1469 et 1519 en Flandre.

Originaire de la ville de Gand, il est actif dans cette ville ainsi qu'à Bruges et Anvers. La première mention dans les archives à son propos est son inscription à la guilde de Saint-Luc en 1469, cautionné par Hugo van der Goes et Joos van Wassenhove.

— Simon Bening est généralement considéré comme le dernier grand miniaturiste flamand avant Joris Hoefnagel, d'Anvers.

Il naît vers 1483, à Gand ou à Bruges. Il est fils d'Alexandre Bening  et de Catherine van der Goes (probablement une nièce ou la sœur du peintre Hugo van der Goes). Il fait son apprentissage dans l'atelier d'enluminure de son père, à Gand puis s'installe ensuite (vers 1500) à Bruges, où il acquiert rapidement une grande renommée. Il devient membre de la Guilde de Saint Luc de Bruges  en 1508 . Il connut un succès rapide et fut au moins trois fois doyen des calligraphes, libraires, enlumineurs et relieurs de la Guilde de  Saint Luc. Selon Smeyers son nom apparaît régulièrement depuis 1517 en charge de la confrérie.

En 1519, Simon Bening devint citoyen de Bruges, où il s'installa apparemment à l'époque de la mort de son père. En 1555, il payait toujours sa contribution annuelle à la confrérie de Bruges, il avait donc une longue carrière et était aussi un artiste célèbre de son vivant. Francisco da Hollanda , le critique d'art portugais, l'a appelé le plus grand miniaturiste en Europe et Vasari l' appelle aussi un excellent enlumineur. Il meurt à Bruges le 6 novembre 1561.

Dans l'art de la miniature flamande, il a été un innovateur de la représentation de la nature et du paysage dans la continuation du Maître de Jacques IV d'Écosse et d' autres membres de l' école de Gand-Bruges .

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La miniature principale et le texte.

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La miniature centrale montre saint Luc, identifiable par son Taureau, dans sa chambre (lit, cheminée, meubles) devant un chevalet où il peint le portrait de la Vierge, puisque la Tradition voulait que ce soit lui qui ait été l'auteur du premier portrait de Marie. C'est cette tradition qui fait de Luc le patron des peintres, et qui explique que les Guildes des imagiers flamands aient pris son nom. Le sujet a été peint par Rogier van der Weyden en 1435 pour la Guilde de Bruxelles, par Jean Fouquet pour les Heures de Jean Robertet vers 1460, par Bourdichon au folio 19v des Grandes Heures d'Anne de Bretagne vers 1503, etc...

(On notera que Jean Fouquet a peint, pour montrer l'excellence de son talent à rendre l'illusion du réel, des fioles en verre sur une étagère).

La rubrique qui indique IN : FES : S : LUCE : EUUANGELISTE :  ORATIO. précède l'Oraison :

In festo sancti luce Euangeliste : oratio.  Interueniat pro nobis quesumus domine sanctus tuus lucas euangelista qui crucis mortificationem iugiter in suo corpore pro tui nominis honore portauit. (voir Bréviaire)

La rubrique suivante se lit HIERONYMUS IN LIBRO ILLUSTRIUM VIRORUM : LECTIO : PRIMA.

 

La Lecture qui suit  est extraite du chapitre 17 du De viri illustribus de Saint Jérôme, texte qui appartient bien au Propre du Bréviaire pour la saint Luc le 18 octobre (2ème Nocturne de l'Office  de nuit)  :

 Lucas, medicus Antiochensis, ut eius scripta indicant Graeci sermonis non ignarus fuit. sectator apostoli Pauli et omnis eius peregrinationis comes, scripsit evangelium de quo idem Paulus: Misimus, inquit, cum illo fratrem cuius laus est in evangelio per omnes ecclesias, et ad Colossenes: Salutat vos Lucas medicus carissimus, et ad Timotheum: Lucas est mecum solus. aliud quoque edidit volumen egregium quod titulo apostolicorum πραξεων praenotatur, cuius historia usque ad biennium Romae commorantis Pauli pervenit, id est, usque ad quartum Neronis annum, ex quo intelligimus in eadem urbe librum esse compositum.

Lucas d'Antioche médecin de profession, et savant dans la langue grecque, comme il paraît par ses écrits, fut disciple de l'Apôtre saint Paul, et le compagnon de tous ses voyages. Il a écrit l'Évangile, et c'est de lui que le même Apôtre dit : Nous avons envoyé avec lui un des frères qui est devenu célèbre par l'Évangile dans toutes les Églises. Et dans la Lettre aux Colossiens : Notre très cher Luc Médecin vous salue. Et dans celle à Timothée : Luc est seul avec moi. Il a composé un autre excellent Livre, intitulé les Actes des Apôtres, dont l'histoire s'étend jusques aux deux ans que saint Paul demeura à Rome, c'est à dire jusqu'à la quatrième année de Néron. Ce qui nous a fait juger que c'est dans cette ville que ce Livre a été composé.

 

Au bas de la seconde colonne débute  la Leçon 5:

Igitur de laudibus  pauli & tecle, & totam baptizati leonis fabulam, inter apocryphas scripturas computamus. Quale enim est, ut individuus comes Ap[osto]li, inter ce[teras ejus res hoc solum ignoraverit ?]

Nous mettons donc au nombre des écritures apocryphes les voyages de Paul et de Thècle et toute la fable du baptême d'un lion. Car quelle apparence y a-t-il que le compagnon inséparable de l'Apôtre ait ignoré cette seule chose de toutes celles qui sont arrivées ?

Note : on trouve habituellement Igitur  periodos  [περιοδους] Pauli et Theclae (ici)

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Les bordures.

On y voit deux sortes de violettes (la violette bleue Viola odorata ? et la violette blanche V. alba ?), disposées soigneusement, soit en boutons, soit épanouies alignées ou en sens croisé le long des marges.  Un papillon diurne appartenant aux Nymphalidés et sans-doute aux Satyrines  n'est pas éloigné du Fadet commun, par exemple. Je ne tenterai pas d'identifier la mouche qui descend la marge extérieure. Outre la présence des ombres des objets naturels sur le fond jaune, l'impression de réalité est rendue par un verre d'eau posé sur une surface en coin, comme celui d'une table, et par les reflets du verre, par le niveau de l'eau et par les tiges des violettes qui y ont été placées.   Mais l'effet de trompe-l'œil est surtout rendu par la position en diagonale de la libellule du coin inférieur, vue du dessus, et dont tout concoure à nous faire croire qu'elle s'est posée là, attirée par les fleurs, pendant que le peintre faisait sêcher ses derniers coups de pinceaux. Car non seulement la transparence de ses ailes laisse voir les spécimens botaniques, non seulement les ailes gauches sortent de la fiction picturale et débordent la marge blanche extérieure en franchissant allègrement la double ligne du fin encadrement,  non seulement la queue croise le cadre de la colonne droite du texte, non seulement les pattes sont posées, non pas au hasard, mais sur les pétales ou le calice, mais enfin les ailes droites, croisant les deux colonnes du texte, laissent voir les caractères de l'écriture liturgique

Cet exemple de trompe-l'œil est le seul type d'illusionnisme trouvé dans le Bréviaire Grimani (Morrison et Kren 2007 p. 176 note 459-89) :  « Voyez aussi un petit livre d'heures illustré par Simon Bening et ses associés à Francfort, dans lequel une libellule est peinte de manière similaire avec ses ailes transparentes s'étendant hors au dessus du texte dans la bordure et dans une partie de la marge extérieure. (Francfort , Museum für Kuntsthandwerk, Ms LM 56 fol. 17) ».

"459–89. Elizabeth Moodey reminds me that this striking example of trompe l’oeil on the page with a portrayal of Saint Luke is the only instance of this kind of illusionism found in the Grimani Breviary. See also a small book of hours illustrated by Simon Bening and associates in Frankfurt, in which a dragonfly is similarly portrayed with transparent wings extending over text, decorated panel borders, and part of the outer margin (Frankfurt, Museum für Kunsthandwerk, Ms. LM 56, fol. 17).

Significantly, this occurs once again on a page with a miniature of Saint Luke, and it is again the only instance of this kind of bravura trompe l’oeil involving text, decorated border, and margin in the manuscript in which it appears; see color reproduction in the catalogue of the exhibition at the Städelsches Kunstinstitut und Städtische Galerie, Frankfurt am Main: Jochen Sander, Die Entdeckung der Kunst: Niederländische Kunst des 15. und 16. Jahrhunderts in Frankfurt (Mainz: P. von Zabern, 1995), 172, fig. 164, 198, no. 25. 17. See the discussion of related notions by Robert G. Calkins, “Sacred Image and Illusion in Late Flemish Manuscripts,” in Essays in Medieval Studies: Proceedings of the Illinois Medieval A"

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Pourtant, on retrouve ce procédé utilisé en 1503-1508 par Jean Bourdichon, exclusivement avec des libellules, dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne : les ailes débordent soit sur la marge blanche extérieure, soit sur le texte placé à l'intérieur. Deux à sept ans avant la date estimée de ce Bréviaire.

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Il est certainement significatif que Simon Bening réalise ici quelque chose d'exceptionnel : en tant que membre et doyen de la Guilde de Saint-Luc, et plusieurs fois doyen, il se devait de créer pour ce folio consacré au patron des peintres quelque chose comme un chef d'œuvre, une démonstration de son savoir-faire. 

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Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

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La libellule.

Sa description est limitée par la résolution assez limitée des images qui nous sont proposées. Les entomologistes ont-ils pu voir l'original, ou le fac-similé paru chez Salerno Editrice ? Les critères concernant la nervuration des ailes ne sont pas utilisables, et d'autres critères vont également devoir être écartés.

Ses ailes sont étendues  sur le coté, comme les Anisoptères, mais les ptérostigmas ne sont pas visibles sur ces clichés. Les yeux, bleus, sont en contact par leur partie interne sur une certaine longueur, ce qui définit les Aesnidae (clef de détermination  Grand et Boudot p. 154). L'angle anal des ailes postérieures est très marqué, comme dans le genre Aeshna. L'abdomen est noir à marques bleues, j'écarte donc A. isoceles (corps brun à roux) et A. grandis (couleur générale brune, ailes très enfumées). Le thorax est sphérique, noir avec des taches en mosaïque : j'écarte A. caerulea, au thorax brun, aux marques bleues de l'abdomen laissant peu de noir entre elles, et qui n'est pas observée (aujourd'hui) dans les Flandres et dans la moitié nord de la  France. 

On voit très bien, sur le deuxième segment S2 de l'abdomen, une marque jaune "en clou" (la tête du clou vers le thorax). Cette marque est présente chez A. mixta et chez A. Cyanea. J'écarte ainsi l'Aeschne printanière, qui, de toute façon,  est du genre Brachytron et non Aeshna. J'observe aussi que S1 est bleu, que l'abdomen s'étrangle un peu sous S2, et que les dernières taches bleues, lorsqu'elles croisent le montant du cadre factice, sont réunies en une seule. 

Or, voici ce que je lis sur l'Aeschne bleue A. cyanea :

"Le mâle et la femelle aeschne bleue (Aeshna cyanea) sont aisément reconnaissables à leurs deux grosses taches claires sur le dessus du thorax et aux deux derniers segments de leur abdomen dont les taches confluent pour former un bandeau clair caractéristique. 

Les ailes postérieures du mâle adulte sont anguleuses à leur base, le deuxième segment de son abdomen présente un étranglement important." (Odonates costarmoricains)


"Un des critères infaillibles de reconnaissance de l'espèce est facilement visible quand l'insecte est posé : la disposition des points bleus au bout de l'abdomen : les deux taches présentes sur chaque segment abdominal tendent à se rapprocher au fur et à mesure que l'on s'éloigne du thorax, puis fusionnent et forment une unique tache sur chacun des trois derniers segments.
Seul le mâle est vert-noir-bleu, la femelle n'a pas de bleu." (Wikipédia)

Aeshna mixta Wikipédia et Costarmoricain

Aeshna juncea Wikipedia et Costarmoricain

Aeshna cyanea Wikipedia et Costarmoricain

Un moyen très utile est de comparer ces clichés du Brévaire à la Comparaison des Aeschnes sur Odonates costarmoricains

 

Au total, je proposerai volontiers de reconnaître dans cette libellule de Simon Bening, non seulement le genre Aeshna, mais aussi l'espèce A. cyanea. Mais je ne suis pas docteur. Je laisse le micro aux spécialistes.

Dans tous les cas, le miniaturiste a bien réussi son coup, et a réalisé un chef-d'œuvre qui va marquer l'histoire de l'odonatologie.

Trois-quart de siècle plus tard, le miniaturiste Joris Hoefnagel va effectuer la même performance.

 

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc faisant le portrait de la Vierge.

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Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc peignant la Vierge.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc peignant la Vierge.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc peignant la Vierge.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 781v. Saint Luc peignant la Vierge.

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2°) Le folio 135r .

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 135r. Bordure : deux libellules, deux  sauterelles et une chenille.

Les libellules sont peut-être des Zygoptères (ailes dressées) au corps annelé bleu (mâle ?) et femelle ?

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Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

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3°) Le folio 167v .

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 167v.

 

Ce folio 167v est disposé  en deux colonnes d'oraison et une bordure verticale sur fond jaune comporte des fleurs et un insecte avec un soin particulier donné à la vraisemblance naturaliste .

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La bordure du folio 167v :  La fleur centrale est peinte avec beaucoup de précision. Les botanistes y reconnaitront-ils l' Iris germanica Iris violet, Iris bleu d'Allemagne, Iris flambe ? .

La libellule a les yeux séparés et les ailes dressées, comme les Zygoptères. Les ptérostigmas ne sont pas peints.  Les yeux sont translucides.  Le thorax est jaune crème, dilaté et trapézoïdal. L'abdomen de couleur verte, fin, sans dilatation, est divisé en segments réguliers ; six sont visibles sur l'illustration. Il ne porte aucune marque. L'artiste s'est peut-être inspiré d'un membre de la famille des Lestidae  (du genre Lestes), sans fidélité entomologique exacte.

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Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Libellule (Zygoptère) sur un Iris, Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 167v.

Libellule (Zygoptère) sur un Iris, Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 167v.

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5°) Le folio 404v .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 404v : semé de fleurs et libellule bleue non identifiable.

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Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

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6°) Le folio 442r .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 442r. Semé de fleurs et une libellule jaune aux yeux bleus, aux ailes dressées.

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Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

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7°) Le folio 467v .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 467v. Une libellule jaune au corps annelé, aux ailes dressées, aux yeux blancs. Inscription du vase JHESUSR MARIAM GESAN-. Le vase contient des oeillets rouges. La queue de la libellule empiète sur la marge, par effet de trompe-l'oeil.

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Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

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8°) Le folio 478v .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

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Je puise ce cliché dans le fac-similé publié par F. Ongania. Le folio 478v appartient au Sanctoral, et il est consacré à sainte Anne. Elle est assise sous un dais gothique devant une tenture portant des inscriptions (NOMEN ..) et elle tient un livre sur ses genoux.  Marie est montrée dans son ventre comme un petit enfant, indiquant qu'Anne est enceinte de sa fille, comme sur le vitrail de l'église de Brennilis (29) . Elle est entourée de David et Salomon, les deux rois de Juda, comme un abrégé de l'Arbre de Jessé, tandis que dans les nuées en haut à droite, Dieu le Père bénit cette conception miraculeuse.

Cette peinture est décrite par l'abbé Delaunay en 1864 (Les Evangiles.., L. Curmer, page 195), ce qui donne accès aux inscriptions : celle qui sort de la bouche d'Anne et se dirige vers Dieu dit FRVCTVS MEVS HONORIS E HONESTATIS "Mon fruit est un fruit d'honneur et d'honnêteté" et celle qui provient de Marie in utero dit QVI ILLUCIDANT PER VITAM ETERNAM HABEBVNT, "Ceux qui me glorifient auront la vie éternelle" (Ecclésiaste 29:31). David s'écrit QVERITUR PECCATVM ILLIUS ET NON INVENIETVR "on cherchera son péché et on ne le ntrouvera point" (Ps. 9:36). Enfin l'inscription qui sort de la bouche de Salomon est rédigé de façon rétrograde et dit : PROGREDITVR QVASI AVRORA CONSVRGENS, "Elle s'avance comme l'aurore à son lever" , reprenant le Cantique des Cantiques 6:9. Dieu, vêtu d'une robe rose, tenant le globus cruciger, répond par un autre verset du Cantique des Cantiques (attribué à Salomon) : TOTA PVLCHRA EST, AMICA MEA NON EST IN TE "Tu es toute belle, ma bien-aimée, et il n'y a pas de tache en toi" (Cantique 4:7). 

On voit que cette miniature reprend les arguments chers aux franciscains en faveur de l'Immaculée Conception, comme dans ce vitrail de la Collégiale de Moulins datant vers 1486.

Cette  miniature est entourée d'une marge dans le style Gent-Bruges avec des fleurs alignées, des oiseaux et des insectes, objets naturels dont le relief est rendu par les ombres portées. Les fleurs sont des roses blanches, symbole de virginité, en bouton, semi ouvertes ou épanouies, alternant avec d'autres roses probablement rouges (la Chair ou l'Incarnation). Deux oiseaux ne sont pas identifiables, ils accompagnent un escargot, trois chenilles (qui renvoient aux mystères des métamorphoses), six papillons blancs à ocelles noirs, et une libellule.

La qualité et le caractère monochrome de l'image ne permet pas de nous étendre sur la description de cet Odonate, malgré une apparence très prometteuse. Les ailes sont semi-dressées, l'abdomen incurvé (comme dans la posture de ponte) est assez épais et porte une ligne latérale de marques blanches et noires. Le thorax porte trois bandes blanches obliques assez caractéristiques. La position des ailes n'est pas incompatible avec un Anisoptère (une Aeschne ??) en train de pondre, mais je n'irai pas jusqu'à penser que l'artiste ait déliberemment choisi cette posture en relation avec la situation de sainte Anne portant sa Fille.

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Image : https://archive.org/stream/lebreviairegrima00meir#page/n153/mode/2up

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Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 478v : sainte Anne entre David et Salomon.

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Je bénéficie plus tard du cliché de Philippe Sevestre.

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La couleur de la tête, du thorax et de la partie ventrale du corps de la libellule est jaune. La partie dorsale de l'abdomen est sombre avec des anneaux jaunes. Les yeux ne sont pas séparés et ronds comme ceux des Zygoptères. Je ne peux pas aller plus loin, bien que l'on puisse exclure de nombreuses exspèces d'Anisoptères.

Les ombres créent un effet de réel. L'artiste joue avec le regard du lecteur en entremélant la queue de l'insecte et celle de la rose. Un bouton de rose est à cheval sur le cadre.

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Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

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9°) Le folio 556v .

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 556v. Semé de fleurs coupées, avec une libellule bleue et un papillon (un "Gazé" ?).

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Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

Cliché Philippe Sevestre. Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520.

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10°) Le folio 646v .

 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

Dans le même Sanctoral du Bréviaire, une grande enluminure montre saint Pierre dans sa prison du Carcer Tullianum ou Mamertine de Rome. L'Apôtre y aurait baptisé ses geôliers et 47 prisonniers avec l'eau d'un puits. Puis, il aurait été délivré par un ange, qui apparaît ici en grande cape (cappa magna). Le galon de cette cape damassée est brodée de perles traçant une inscription illisible (NEC ---RVES). À l'arrière-plan, nous voyons Pierre et l'ange s'éloigner.

Comme dans le cas du folio précédent, la miniature est encadrée d'une bordure dans le style Gent-Bruges. Mais les roses blanches ou rouges, épanouies ou en bouton sont fixées au parchemin  par douze épingles en trompe-l'œil. Là encore, je ne me précipiterai pas à y voir un rapport avec les douze Apôtres, ou avec les fers par lesquels Pierre est incarcéré, mais j'y verrai un procédé supplémentaire de la panoplie d'illusionniste de Simon Bening pour convaincre le propriétaire de ce Bréviaire que le texte liturgique est placé dans l'herbier d'un humaniste soucieux de l'exploration encyclopédiste des petits objets de la Création.

Outre ces 18 roses épinglées, nous trouvons aussi sept papillons (Lepidoptera), un criquet (Orthoptera) et une libellule (Odonata).

Cet Odonate vu de haut et de 3/4 a les ailes réunies et dressées. Son abdomen qui s'affine vers son extrémité est clair dans sa partie dorsale, avec des marques triangulaires effilées noires. Les yeux semblent se toucher en leur bord interne.

 

Image : https://archive.org/stream/lebreviairegrima00meir#page/n195/mode/2up

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Ms lat. I 99. Bréviaire du cardinal Domenico Grimani, Flandres, vers 1510-1520. folio 646b :  Saint Pierre délivré de prison par un ange. 

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CONCLUSION.

Après les Grandes Heures d'Anne de Bretagne enluminées par Jean Bourdichon entre 1503 et 1508 avec 377 plantes individuelles légendées et 91 libellules, dont l'une au moins semble identifiable, le Bréviaire Grimani enluminé vers 1510 offre de nouveaux exemples de représentations au naturel de plantes, de papillons et de libellules. À la différence des Grandes Heures, le manuscrit de la Biblioteca Nazionale de Venise n'est pas (encore) numérisé et consultable in extenso, et l'inventaire entomologique n'est pas possible.  À ma connaissance, aucun entomologiste italien ou autre ne s'est rendu sur place pour se livrer à cet exercice. 

L'exemple naturaliste le plus connu et le mieux reproduit est la libellule du folio 781v, impressionnante par le réalisme accentué par des procédés de trompe-l'œil uniques dans ce manuscrit. Dès 1949, Enrico Picchetti l'a identifié comme appartenant au genre du genre Aeshna, ce qui n'a pas été démenti par les plus fins spécialistes des Odonates. Personne n'a osé s'aventurer néanmoins dans la détermination  de l'espèce, et c'est avec beaucoup de vergogne et en toute incompétence que je suggère d'y voir une Aeschne bleue. Ce qui est intéressant, c'est de voir cette espèce splendidement  reprise (et dûment déterminée récemment comme A. cyanea ) par Joris Hoefnagel, dernier héritier de la tradition d'enluminure flamande, vers 1575, alors que la période intermédiaire 1510-1575 ne donne aucune illustration convaincante d'un Odonate, et qu'ensuite, après la diffusion de l'imprimerie, les gravures des ouvrages d'Aldrovandi en 1602 puis de Mouffet en 1634  n'égaleront pas, tant s'en faut,  cette enluminure de 1510.

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Aeshna cyanea, miniature de Joris Hoefnagel dans le volume Ignis (feu) des Quatre Éléments, vers 1575.

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Les  autres Odonates sont placés ici afin de les signaler à l'attention des entomologistes, ou de ceux qui pourraient en donner des images plus précises, car il n'est pas encore établi qu'une détermination de famille ou de genre soit impossible, ou que d'autres considérations ne naissent d'un examen des peintures en couleur.

Même si l'Aeshne de Simon Bening ait été la première  à avoir été connue, pour le XVIe siècle,  des entomologistes préoccupés de l'histoire de leur science, ces libellules du Bréviaire Grimani ne sont pas les seules qui soient issues des peintures sur velin de l'École des miniaturistes de Bruges et de Gand : mes recherches en révèlent un certain nombre, et un inventaire plus approfondi des productions de cette École en trouvera bien d'avantage, maintenant que la numérisation sort peu à peu les manuscrits de la confidentialité des réserves des Musées et des Collections. L'avenir dira si l'une d'entre elles peut rivaliser, dans cette période 1475-1561 des miniaturistes d'influence flamande, avec  celle du folio 781v.

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SOURCES ET LIENS.

http://manuscripts.org.uk/chd.dk/misc/ABGrim.html

— La signature d'Alexander Bening 

http://manuscripts.org.uk/chd.dk/misc/AB1515.html

— CORBET (Philip S.)  1991, A brief history of odonatology , Adv. Odonatol. 5 : 21-44

http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document;docid=593082

— MELY (de) : Les inscriptions du manuscrit Grimani, Revue de l'art

http://www.tpsalomonreinach.mom.fr/Reinach/MOM_TP_071800/MOM_TP_071800_0003/PDF/MOM_TP_071800_0003.pdf

— PICCHETTI, (Enrico), 1949,  "Libella-ula,  Atti Ist. Veneto Sc. Lett. E Arti, CVII, II, pp.269-279, 1949"

http://www.beic.it/it/articoli/periodici-istituto-veneto-di-scienze-lettere-ed-arti

http://gutenberg.beic.it/view/action/nmets.do?DOCCHOICE=7895663.xml&dvs=1519053491494~816&locale=fr&search_terms=&show_metadata=true&adjacency=&VIEWER_URL=/view/action/nmets.do?&DELIVERY_RULE_ID=7&divType=&usePid1=true&usePid2=true

— PICCHETTI, Enrico. (1960-63): Le denominazioni della libellula nel dominio linguistico italiano, in «Atti dell’Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti», Classe di Scienze Morali e Lettere, CXIX (1960-1), pp. 745-788; CXXI (1962-3), pp. 513-560.

http://www.beic.it/it/articoli/periodici-istituto-veneto-di-scienze-lettere-ed-arti

http://gutenberg.beic.it/view/action/nmets.do?DOCCHOICE=9224878.xml&dvs=1518640134260~418&locale=fr&search_terms=&show_metadata=true&adjacency=&VIEWER_URL=/view/action/nmets.do?&DELIVERY_RULE_ID=7&divType=&usePid1=true&usePid2=true

— RUDOLPH (R.)  (1991) Paintings of Zygoptera in the Gutenberg Bible of 1453 Odonatologica 20(1): 75-78

http://natuurtijdschriften.nl/download?type=document;docid=591936

"An Aeshna is illustrated in the Italian "Breviario Grimani"dating from 1495-1500 (PICHETTI, 1949)."

RATTU, ( Roberto), 2009, Le denominazioni popolari della libellula nelle varieta sarde meridionali https://dialnet.unirioja.es/descarga/articulo/3623166.pdf

— SEVESTRE (Philippe) : le bréviaire Grimani : vidéo

https://www.dailymotion.com/video/x8gvg6o

https://www.youtube.com/watch?v=Tetj8jRov-o

— SIEGERT (Bernhart), Cultural techniques : Grids, Filters, Doord and other articulations of the real.

Sources Google

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La page 15 :

http://www.salernoeditrice.it/grimani/pagine/15.html

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Zoonymie des Odonates Enluminure
17 mars 2023 5 17 /03 /mars /2023 10:19

 Les statues (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic.

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Voir :

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Données historiques sur le calvaire de Saint-Côme.

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Statut.

-Calvaire (cad. ZH 106) : inscription par arrêté du 31 mai 1927 

-Abords de la chapelle (cad. ZH 106) : inscription par arrêté du 20 août 1946 

-Chapelle Saint-Côme et les rangées d'arbres bordant le chemin qui contourne ladite chapelle au Sud et à l'Ouest (cad. ZH 106) : classement par arrêté du 21 octobre 1947

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Descriptions anciennes.

Nous disposons de plusieurs descriptions du calvaire de la chapelle Saint-Côme ; la description de la fontaine leur a été ajoutée puisqu'elle abrite deux statues de kersantite de Côme et Damien ayant une valeur de comparaison.

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1°) Jean-Marie Bachelot de la Pylaie, v. 1838 (réed. 1888) études archéologiques et géographiques, page 132.

https://books.google.fr/books?redir_esc=y&hl=fr&id=w39aAAAAcAAJ&q=c%C3%B4me#v=snippet&q=c%C3%B4me&f=false

"Il y a au bout de l'église, en même temps qu'à l'entrée de cette rue, une petite place au milieu de laquelle on voit une croix mutilée. Le fût ou bâton de celle-ci, ornée de nœuds ou de rameaux tronqués, est surmonté d'une petite croix terminale ronde, sur laquelle est appliqué le crucifix. Elle est en kersanton, ainsi que les apôtres [sic] qui accompagnent le pied du fût de la croix. Les personnages [étaient ] hauts de quatre pied, fort bien sculptés, mais d'un dessin incorrect."

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2°) Abbé Corentin Parcheminou, 1930,   Saint-Nic : une paroisse cornouaillaise pendant la Révolution : ses monuments religieux page 109

https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/3082c766c9392bec4684ec9de6920595.pdf

"Devant la chapelle se dresse un petit calvaire mutilé, transporté à cet endroit, il y a quelques années, de derrière le chevet de l'église, où il gênait la circulation. C'est une vieille croix entourée de saints personnages et montée sur une base triangulaire. On reconnaît Saint Pierre tenant une clef, et Saint Côme broyant un remède dans un mortier. Un autre personnage tient une bourse dont il serre le col. Au pied de la croix est un écusson aux armes de Hirgarz en alliance avec celles d'une autre famille. A une centaine de mètres de la chapelle coule une jolie fontaine gothique contenant les statues de Saint Côme et de Saint Damien. L'une des statues n'a plus de tête."

On notera que l'abbé Parcheminou signale ailleurs que les éléments du calvaire de la chapelle Saint-Jean (celui de 1645) étaient, comme aujourd'hui ceux de Saint-Côme en 1930, réunis au fond de la chapelle : "Au fond de la chapelle, on a déposé les débris de l'ancien calvaire. ". La calvaire a été, depuis, parfaitement remonté.

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3°) André Mussat, 1957,  "Saint-Nic : La chapelle Saint-Côme et Saint-Damien" Congrès archéologique de France , Cornouaille , 1957 , pp . 130-138 ..

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3210063v/f132.item.r=come

"Le calvaire et la fontaine. — À l’angle sud-ouest de l’église se dressent les débris d’un calvaire qui fut certainement important. Sur un socle triangulaire, il reste une partie du fût ébranché, la croix du Christ, et plusieurs, statues de granit [sic] assez abîmées. On y reconnaît la Vierge adossée à Marie-Madeleine, un Saint Pierre avec sa grande clef, enfin deux statues qui sont sans doute celles de saint Côme et de saint Damien. L’un d’eux tient un mortier et un pilon, l’autre porte à sa ceinture un écritoire et un rouleau.
Ce calvaire est écussonné et on y reconnaît des armoiries écartelées dans lesquelles se trouve l’alliance d’Hirgaz (On ne peut malheureusement déchiffrer la senestre de ces armoiries).

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A quelque distance, dans un pré qui descend vers la mer, se trouve la fontaine des deux saints. C’est un édicule très simple protégé par deux murets parallèles, avec au fond une profonde niche surmontée d’un pignon sans décor. Au fond de cette niche, deux statues anciennes de saint Côme et saint Damien, presque identiques : chacune porte un pot à onguents et est coiffée d’un bonnet en forme de calotte (au calvaire, les deux statues sont tête nue). "

Photographie P. Dubost:

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Remarque : André Mussat a confondu saint Jean l'évangéliste, identifiable par son plumier et son encrier, avec l'un des deux frères médecins.

Sur le cliché, la statue de Jean est encore sur le soubassement, avec sa tête sur les épaules. Et saint "Côme" possède encore également sa tête. 

-La datation des statues de la fontaine, proposée par André Mussat, est du XVe siècle ou du début du XVIe siècle. Aujourd'hui, la tête de l'une est perdue, tandis que c'est tout le buste de l'autre qui n'est plus d'origine. Mais les saints portent des chaussures pointues à la mode au XVe siècle (tandis que les chaussures des personnages du calvaire sont rondes, selon la mode du XVIe).

La fontaine de la chapelle Saint-Côme-et saint Damien de   Saint-Nic (Finistère) : les statues (kersanton, XVIe siècle) des saints patrons.

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4°)Description par Loyer,  Mosser Françoise,  Bréjon,  Jullien, 1968, revu en 1976 par Ducouret  in dossier IA00005244  de l'Inventaire Général.

https://inventaire-patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/public/annexes/IA00005244_01.pdf

"Situé dans l'enclos ( angle Sud-Ouest), aspecté au Nord-Est.

-granite, grand appareil réglé.

-Soubassement à deux degrés de plan triangulaire, base appareillée de même plan, fût écoté cassé supportant la croix ; sur la base sont posées des statues, certaines en place, d'autres proviennent de la traverse supérieure disparue.

-Représentation : Groupe de Crucifixion (Christ, Vierge, St Jean, Madeleine et saint Pierre) et statue de saint Côme ; statue de saint Damien disparue.

-H. totale actuelle 263 cm.

-Etat de conservation : mauvais.

-Un écu martelé sur la face Sud-Est.

-Datation : milieu du XVIIe siècle.

-Attribution : atelier de Rolland Doré (sculpture)

Fontaine non datée : XVIe ou XVIIe ?"

 

 

-La datation estimée (milieu du XVIIe) et l'attribution à Roland Doré ne sont justifiées que pour le Christ, de style typique de l'atelier, mais les autres statues sont plus anciennes et d'un style très différent de celui de Roland Doré. Roland Doré a exécuté les statues géminées des personnages entourant le Christ du calvaire (XVe et milieu XVIIe) de l'église du bourg, le Christ étant hors atelier doréen,  et peut-être le calvaire de 1645 de la chapelle Saint-Jean de Saint-Nic.

https://www.lavieb-aile.com/2019/05/le-calvaire-de-l-eglise-de-saint-nic.html

https://www.lavieb-aile.com/2018/06/la-chapelle-saint-jean-a-saint-nic-29-calvaire-inscriptions-sculptures-exterieures.html

 

-En 1968, les photos montre que le soubassement triangulaire du calvaire supportait les trois statues adossées au fût  de Marie-Madeleine/Vierge, de saint Pierre et de saint "Côme", tandis que la statue de saint Jean (dont nous montrons qu'elle était géminée à saint Pierre) était conservée (avec sa tête, brisée mais placée sur la statue) contre un pilier de la chapelle.

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5°) Cliché des statues sur le calvaire :  in dossier IA00005244 réalisé en 1968

https://patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/dossier/chapelle-saint-damien-saint-come-saint-nic/efd0fcef-1bdb-4d23-8991-2d5d727de52d

Le dossier de l'Inventaire propose trois clichés du calvaire  prises par François Dagorn à une date non précisée, mais avant le remaniement du placitre,  et cinq clichés prises par Samson sans doute vers 1968, et après le remaniement du placitre.  À cette date, les statues de saint Pierre, de saint "Côme" portant le pot à onguent, et de sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge, sont installées sur le soubassement du calvaire, et la statue de saint Jean est placée dans l'église. Les photographies des statues de la fontaine sont également présentes.

-Il serait intéressant de consulter le fond des clichés du Dr Louis Le Thomas conservé par la DRAC de Rennes ( 15500 clichés entre 1948 et 1961)  : des clichés de la charpente présentés sur ce dossier proviennent de ce fond, attestant de la visite de ce photographe .

 


 

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6°) Couffon et Le Bars 1980 :

https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/ce04ce4688eec94939d3300b0299ab59.pdf

"Dans le placitre (site inscrit), petit calvaire mutilé (I.S.) : Christ de Roland Doré et, sur le socle triangulaire, statues en pierre de l'Apôtre saint Pierre et des saints Jean et Madeleine géminés, toutes décapitées. Fontaine en contrebas dans la prairie : voûte à fronton, statues des deux saints mutilées."

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Le calvaire aujourd'hui.

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 Le  calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2018.

Le calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2018.

 

 

 

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Description actuelle des statues conservées dans la chapelle et analyse stylistique.

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I. LES STATUES GÉMINÉES : PIERRE/JEAN (DISSOCIÉES) ET MARIE-MADELEINE/VIERGE.

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Ces statues géminées témoignent de l'existence d'un calvaire plus conséquent de la croix actuelle puisque ces statues géminées sont toujours placées sur un croisillon disposant la Vierge à droite du Crucifix, saint Jean à sa gauche, dans une orientation dirigée vers l'ouest, alors que l'autre face du calvaire, tourné vers l'est présentent les deux autres personnages, ici Marie-Madeleine adossée à la Vierge et dont à droite, et saint Pierre adossé à Jean et placé à gauche.

Le Christ actuel est de Roland Doré, il pourrait provenir du calvaire du bourg, dont le croisillon porte les statues géminées Vierge/diacre et Jean/diacre de l'atelier de Roland Doré.

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A. LA STATUE DE SAINT JEAN ÉVANGÉLISTE.

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Jean est présenté bras croisés devant la poitrine ; ses cheveux sont abondants mais non bouclés, mi-longs, taillés au dessus de la nuque ; il porte une cotte talaire laissant apercevoir des chaussures à bout rond, et un manteau au col rabattu et aux manches — peu larges— à revers, fermé sous la gorge par un bouton rond. Un pli du manteau forme un équivalent de camail autour des épaules.

La cotte ou robe est serrée à la taille par une ceinture où se faufile une lanière réunissant un "écritoire" ou plumier, et un encrier, attestant de la fonction du saint, auteur de l'évangile éponyme (et du Livre de l'Apocalypse).

La tête est inclinée vers la gauche et tournée vers le haut et la droite, c'est à dire vers le Christ du Crucifix. Les yeux sont ovales, et globuleux.

La statue est non seulement brisée dans le plan coronal et séparée de la statue de saint Pierre avec laquelle elle était géminée, mais aussi brisée au quart inférieur sur un trajet oblique bien que cette fracture ait été réparée (au prix de traces du mortier). Une fissure (ou une ombre??) court le long d'un pli du côté droit. Enfin, la tête est séparée du corps, mais s'y ajuste parfaitement : elle attend une décision de scellement.

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Cliché Samson, Inventaire.

 

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 Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic.  Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

 Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

 Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic.  Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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Les larmes.

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Trois courtes larmes coulent sous chaque paupière inférieure. Ce détail évoque fortement la pratique de l'atelier des Bastien et Henri Prigent (1527-1577) de Landerneau, tant pour les trois personnages de leurs calvaires (Marie, Jean et Marie-Madeleine) que pour les mêmes personnages de leurs Déplorations (Bourg de Saint-Nic, 1560 ; Plourin).

La perte des têtes de la Vierge et de Marie-Madeleine ne permet pas de vérifier la très probable présence de larmes identiques sur leur visage.

Sur les calvaires, les larmes sont réservées, dans la peinture dès le XVe siècle, et dans la sculpture, à ces trois personnages ou aux deux autres Saintes Femmes : l'identification de saint Jean, pour évidente qu'elle soit, est confirmée.

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 Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic.  Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

 Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic.  Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

 Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic.  Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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B. LA STATUE DE SAINT PIERRE.

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Le chef des Apôtres porte ici dans la main droite la clef qui permet de l'identifier. Elle dépasse la taille du buste, son anneau est losangique et le panneton complexe adopte un motif en croix.

Il est vêtu d'une cotte talaire ou robe à gros plis parallèles, serrée par une ceinture, et d'un manteau dont il tient de la main gauche le pan.

Un livre ("Livre des Apôtres") est retenu sous l'aisselle entre torse et bras gauche.

Les pieds sont, de règle, nus.

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État : Le panneton et de l'anneau sont partiellement brisés, de même que les pieds, et, bien-sûr, la partie dorsale qui rejoignait la statue de Jean.

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Cliché Samson v.1968.

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 Saint Pierre (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Pierre (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Pierre (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Pierre (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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C. LES STATUES DE SAINT JEAN ET DE SAINT PIERRE PEUVENT ÊTRE RÉUNIES.

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Elle étaient auparavant taillées dans un bloc monolithique comme toutes les statues géminées des croisillons.

Il semble judicieux de reconstituer par scellement le blog d'origine.

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Saint Pierre et saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Pierre et saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Pierre et saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Pierre et saint Jean (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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D. LES STATUES GÉMINÉES DE MARIE-MADELEINE ET DE LA VIERGE AU CALVAIRE.

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Les deux statues ont perdues leur tête : cette destruction systématique des statues relève probablement du vandalisme  ayant marqué la Révolution. "Il y avait dans la chapelle de nombreux enfeus ; ils furent comblés sur ordre du Conseil municipal en janvier 1791. La destruction des armoiries également décidée fut effectuée le 30 avril 1791. " (Mussat)

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Marie-Madeleine s'identifie par son attribut, le flacon de parfum ou d'aromates qu'elle porte des deux mains. Elle s'identifie également à son élégance vestimentaire, ses manches bouffantes plissées, la dentelle des poignets et de l'encolure,  sa taille fine, son corsage moulant, et ses cheveux longs et dénoués. Les chaussures sont à bout rond et semelle épaisse.

Elle porte un surcot et un manteau largement ouvert, dont les pans sont réunis par un fermail de tissu orné d'un médaillon.

L'état de préservation est bon hormis le manque de la tête.

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Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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La Vierge au calvaire.

Elle devait avoir la tête voilée, et les yeux larmoyants. Elle porte un manteau (assez proche de celui de Marie-Madeleine), une robe serrée par une ceinture, et des chaussures rondes. La jambe gauche est légèrement avancée et fléchie. On distingue le bas d'une guimpe couvrant la gorge.

Ses mains sont jointes. Le pan gauche du manteau est attaché au poignet gauche, comme c'était l'usage.

Les mains sont brisées ; mais la tranche de section montre une pierre non altérée évoquant un accident récent. En effet, sur les clichés de Samson, les mains sont présentes.

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Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Sainte Marie-Madeleine géminée avec la Vierge (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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II. LA STATUE DE SAINT "CÔME".

 

Note : je reprends la désignation de cette statue, par les différents auteurs, comme étant celle de saint Côme, mais j'ai démontré que ce saint est représenté, lorsque son nom est spécifié de façon valide, avec son attribut, la matula ou flacon d'urine permettant l'uroscopie. Au contraire, saint Damien tient le flacon d'onguent, et parfois la spatule.

Iconographie de Saint Côme et saint Damien en Bretagne, sur une vingtaine de sites, sur les porches de Landivisiau (1554), Bodilis (1570), et Saint-Houardon de Landerneau (vers 1554), à Saint-Nic, Plougastel, La Martyre, Ploudiry, Languivoa, etc,  etc... .Avec une petite iconographie générale (enluminures, ...).

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Le saint est placé sur une console qui compense sans doute la perte de la partie inférieure et notamment de ses pieds (ou bien cette partie basse n'a pas été achevée). Il porte un manteau d'étoffe épaisse (les manches se rebroussent aux poignets), plissée, serré par une ceinture et ses épaules sont couvertes d'un camail ou "chaperon" dont le capuchon est bien visible en vue postérieure. Il porte un mortier et son pilon, emblème de la part thérapeutique de son titre de médecin. Le manteau doit correspondre à "la robe" rouge des docteurs en médecine, le chaperon pouvait être en fouurure (parfois frappée d'hermines) mais l'absence de polychromie, et l'absence de la coiffure (logiquement, un bonnet carré) ne nous permet pas d'être plus précis.

La statue est pourvue d'un trou à sa partie inférieure, ce qui "prouve" que la statue venait se fixer sur un plot, sans doute sur le soubassement du calvaire.

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Voir le saint Damien du calvaire de la chapelle de La Magdeleine à Briec :

Saint Côme et saint Damien : le calvaire (kersanton, XVIe siècle) de la chapelle de La Magdeleine à Briec-sur-Odet.

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Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Damien (kersanton, probable atelier Prigent, milieu XVIe siècle) du calvaire de la chapelle Saint-Côme à Saint Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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CONCLUSION.

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Ces descriptions anciennes, ces photos du XXe siècle et les statues conservées aujourd'hui permettent d'imaginer qu'au XVIe siècle, un calvaire à un croisillon s'élevait sur le placitre de la chapelle, doté d'un crucifix entouré de deux statues géminées de la Vierge/Marie-Madeleine et de Jean/Pierre, tandis qu'au moins une statue, celle de saint Damien tenant le mortier et le pilon, était placé indépendamment, peut-être sur le soubassement. Le calvaire a été déplacé car il génait la circulation.

Il parait logique d'imaginer qu'une statue de saint Côme (portant le vase d'urine) était également présente, dans une situation comparable à celle de saint Damien.

Les statues de la fontaine sont antérieures et datent du XVe siècle.

Le fût de la croix était différent de celui-ci, qui date du milieu du XVIIe siècle, qui n'a pas de croisillon et qui est d'un seul bloc avec le Christ de Roland Doré. Et le Christ contemporain des statues du XVIe siècle pouvait être comparable avec celui présent actuellement sur le calvaire du bourg.

Tout cela est cohérent avec ce que nous savons de la chapelle Saint-Côme : un premier édifice du XVe, construit peut-être au décours d'épidémies de peste [statues de kersanton de Côme et Damien de la fontaine]. Une possible intervention de Bertrand de Rosmadec, évêque de Quimper de 1416 à 1445 dont un blason épiscopal est conservé dans la chapelle. Une nouvelle édification au XVIe siècle, dont témoigne le chevet et du transept mais aussi les  statues de kersanton d'un ancien calvaire ; une importante campagne entre 1638 et 1675, sous l'impulsion du recteur Guillaume Kerfezou, avec l'intervention du sculpteur Roland Doré au bourg, à la chapelle Saint-Jean et ici.

Comme cela a été fait à la chapelle Saint Jean, il paraît légitime de replacer ces statues autour du calvaire : les statues géminées sur un croisillon, et la statue de saint "Côme" [Damien pour moi] sur le soubassement, comme l'a envisage l'association Folklore et Culture.

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Quelle serait la datation du soubassement triangulaire ? Du XVIe siècle.

Un élément important est la présence sur le calvaire des armoiries des Hirgaz (d'or à trois pommes de pin d'azur) en alliance à celles d’une autre famille. En effet, elles se retrouvent — quoique martelées — sur un socle de pierre, très mouluré, qui est de la première moitié du xvie siècle d’après son style, sous une statue de saint Damien .  Elles se voient aussi sur deux écus tenus par des têtes latérales qui ont servi de socle à des statues dans le collatéral nord. Ces socles sont en
kersanton. Nous pouvons donc penser que cet écu du soubassement date du XVIe siècle.

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DISCUSSION : L'ATTRIBUTION DES STATUES À L'ATELIER DE BASTIEN ET HENRI PRIGENT (Landerneau 1527-1577).

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Les premiers arguments sont les suivants :

a) la présence des larmes sur le visage de saint Jean. Hors, selon Emmanuelle Le Seac'h, auteure de référence, "Le trait commun aux deux Prigent se repère à un détail qui devient leur signe distinctif : trois larmes en relief roulent sur les joues de leurs Vierges éplorées au calvaire, leurs Vierges de Pitié , de Saint Jean et de Marie-Madeleine quand ils lui sont associés. L'appartenance au même atelier se reconnaît à quelques autres traits : l'arcade sourcilière nette, et les visages pointus.".

b) l'existence dans l'église du bourg de Saint-Nic d'une Déploration à cinq personnages sculptée par les Prigent, en kersanton qui a conservé sa polychromie, et dont les personnages sont en larmes.

c) L' atelier des Prigent est le principal atelier de sculpture du kersanton en Basse-Bretagne au milieu du XVIe siècle.

Mais Emmanuelle Le Seac'h n'a pas retenu ces scullptures (dont elle ignorait peut-être l'existence) dans soon catalogue raisonné de l'atelier Prigent.

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Nous pouvons aller plus loin en comparant le saint Jean avec les statues homologues d'autres calvaires.

1°) Le calvaire de la chapelle Saint-Laurent de Pleyben.

 

Jean au calvaire, Bastien Prigent  calvaire de la chapelle Saint-Laurent de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent calvaire de la chapelle Saint-Laurent de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent  calvaire de la chapelle Saint-Laurent de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent calvaire de la chapelle Saint-Laurent de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent  calvaire de la chapelle Saint-Laurent de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent calvaire de la chapelle Saint-Laurent de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

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2°) Le calvaire monumental de l'église de Prigent, daté de 1555.

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N.b : Sur le calvaire de Plougonven sculpté par les Prigent en 1554, le groupe de la Crucifixion n'est pas de l'atelier, mais de Yan Larhantec au XIXe siècle.

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Jean au calvaire, Bastien Prigent 1555, calvaire monumental de l'église de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent 1555, calvaire monumental de l'église de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent 1555, calvaire monumental de l'église de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent 1555, calvaire monumental de l'église de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent 1555, calvaire monumental de l'église de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent 1555, calvaire monumental de l'église de Pleyben. Photographie lavieb-aile.

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Comparaison : la Vierge et Jean au calvaire, et saint Pierre, sur le calvaire de Dinéault.

Le calvaire de Dinéault réunit un Christ en croix de Roland Doré et la Vierge et Jean sur un croisillon de l'atelier Prigent. On notera la proximité des communes de Dinéault et de Saint-Nic. La statue de la Vierge est géminée avec un saint Sébastien, et Jean avec ... un saint Pierre.

L'église Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault III. Le calvaire sculpté par Bastien Prigent puis Roland Doré.

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Jean au calvaire, Bastien Prigent kersanton, milieu XVIe, calvaire de l'église de Dinéault. Photographie lavieb-aile.

Jean au calvaire, Bastien Prigent kersanton, milieu XVIe, calvaire de l'église de Dinéault. Photographie lavieb-aile.

arie au calvaire, Bastien Prigent kersanton, milieu XVIe, calvaire de l'église de Dinéault. Photographie lavieb-aile.

arie au calvaire, Bastien Prigent kersanton, milieu XVIe, calvaire de l'église de Dinéault. Photographie lavieb-aile.

Saint Pierre sur le croisillon, Bastien Prigent kersanton, milieu XVIe, calvaire de l'église de Dinéault. Photographie lavieb-aile.

Saint Pierre sur le croisillon, Bastien Prigent kersanton, milieu XVIe, calvaire de l'église de Dinéault. Photographie lavieb-aile.

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Pour info, le Christ de Roland Doré (kersanton, XVIIe siècle) à Saint-Côme et à Dinéault.

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Calvaire de Saint-Côme à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de Saint-Côme à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de l'église de Dinéault. Photographie lavieb-aile.

Calvaire de l'église de Dinéault. Photographie lavieb-aile.

ANNEXE : LES STATUES DE LA FONTAINE (Kersanton, XVe, complétée au XXe).

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Le sculpteur moderne a représenté les deux saints avec le même attribut : il a imaginé une nouvelle tête pour saint Damien (à droite), qui tient un pot d'onguent type albarelle, mais en omettant de la couvrir du bonnet de docteur. Et il a conçu pour le buste de son frère une statue identique, où le saint porte également un pot de pharmacie (au lieu du vase d'urine) et est dépourvu également du couvre-chef auquel il pouvait prétendre.

Quel casse-tête pour ceux qui, plus tard, feront l'analyse de cette statuaire.

Toujours est-il que les chaussures , bien conservées, sont à bout pointu, un argument déterminant pour une datation au XVe siècle : à la fin du XVe.

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Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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La statue de gauche : seule la moitié inférieure est du XVe siècle.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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La statue de droite : saint Damien.

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Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

Fontaine de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 2023.

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SOURCES ET LIENS.

 

—Cadastre 1811 Section C3 de Saint-Côme

https://recherche.archives.finistere.fr/document/FRAD029_00000003P#tt2-279

— CADIOU (Didier), 2022, Les restaurations des édifices religieux de Saint-Nic, revue Avel Gornog n° 30 page 19 et 20

— CASTEL (Yves-Pascal) 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère.

http://croix.du-finistere.org/commune/saint_nic.html

— CORDIER (Jean-Yves), blog lavieb-aile

COUFFON (René), Le Bars (Alfred), 1988, 

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/SAINTNIC.pdf

 

LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes, page 216.

http://www.pur-editions.fr/couvertures/1409573610_doc.pdf

— MUSSAT (André), 1957, La chapelle saint-Côme de Saint-Nic, congrès archéologique.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3210063v/f139.item.r=come.zoom#

— PARCHEMINOU (Corentin), 1930  “Saint-Nic : une paroisse cornouaillaise pendant la Révolution : ses monuments religieux,” 

https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/9720

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Published by jean-yves cordier - dans Sculptures Prigent saints côme et damien Larmes
8 mars 2023 3 08 /03 /mars /2023 15:31

La Vierge à l'Enfant dite Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles (Maître de Rieux ? Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin de Toulouse.

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Voir :


 

 

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PRÉSENTATION.

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Cette statue de 142 cm de haut, 54 cm de large et 35 cm de profondeur  provient de la chapelle de Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles de l'abbatiale Saint-Sernin de Toulouse :  La Vierge à l’Enfant ornait autrefois un autel extérieur situé dans le cloître de l’abbatiale Saint-Sernin de Toulouse, sans qu’il soit possible de préciser si ce fut bien là son emplacement d’origine , elle est  conservée depuis 1835 au Musée des Augustins.

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Le culte de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle (ou, ici, de Bonnes-Nouvelles) est lié au désir de grossesse de femmes stériles, ou bien à la gratitude des femmes devant la bonne nouvelle de se trouver enceinte, leur vœu étant exaucée (Lanmodez à Lézardrieux, 22). La Vierge invoquée n'est pas sans rapport avec la Vierge de l'Annonciation (à Paris) de celle de la Visitation. Cela peut aussi se référer à une heureuse naissance, en lien avec Notre-Dame de la Délivrance.  Il peut aussi concerner plus généralement la gratitude de voir un vœu se réaliser, comme le couvent de Bonne-Nouvelle de Rennes construit  après la promesse du  duc de Bretagne en 1336 sur le champ de bataille d'Auray. 

Dans tous les cas, selon Pascal Julien, dès 1302 est attesté à Saint-Sernin un culte à la Vierge pour la délivrance des femmes enceintes, antérieurement donc à la création de la statue dans les années 1330. 

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Histoire.

À partir de 1641, une chapelle, dédiée à Notre-Dame de-Bonnes-Nouvelles, fut érigée d’un bout à l’autre du cloître, séparant littéralement en deux celui-ci. Ces travaux furent exécutés grâce à un marchand de soie toulousain, Sébastien Taffin (vers 1577-1664), qui y fit édifier sa sépulture dans cette chapelle. Un nouveau retable y fut mis en place en 1643, celui-ci possédait une niche centrale, dans laquelle fut transférée une statue médiévale de Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles, tandis qu'un bas-relief représentant l’Annonciation fut placé au-dessus de la Vierge.

En 1655, le chapitre décida « d’employer la somme de 150 livres à l’achat d’une chasuble moirée d’argent blanc ornée de natte d’or conforme au devant d’autel et robe de la Vierge qui est de lad. chapelle ». À cette date, la Vierge était donc habillée : la Vierge à l’Enfant était ainsi sans doute transformée en Vierge de l’Annonciation, la robe confectionnée permettant de cacher l’Enfant.

Après la Révolution, la statue entra dans les collections du musée des Augustins de Toulouse. Elle fut alors datée de 1330 et attribuée au maître de Rieux.

À la fin du XXe siècle, cependant, son état de conservation était devenu préoccupant. Elle était recouverte d’épaisses croûtes noires, son épiderme présentait des zones de pulvérulence, particulièrement dans la partie inférieure, et sa polychromie vantée par les plus anciens catalogues du musée ne semblait plus qu’un lointain souvenir. Vraisemblablement lors de déplacements au sein du musée des Augustins,  la structure a été fortement endommagée : cassures des têtes, du corps de l’Enfant et de l’oiseau, ainsi que du poignet droit de la Vierge et des drapés qui le côtoient. La décision de lancer une étude fut prise avec l’objectif d’identifier plus précisément les dégradations, afin d’en arrêter la progression, d’étudier la polychromie et enfin d’envisager le nettoyage de l’œuvre et l’élimination des croûtes noires si cela était possible.

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Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles, Vue générale avant restauration. © Musée des Augustins/photo Ville de Toulouse.

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Une restauration fut menée par  Sandrine Pagès-Camagna sous la direction de la conservatrice Charlotte Riou jusqu'en 2014; Cette restauration a restitué à Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles  bien plus que ses couleurs, son modelé délicat et sa grâce, disparus sous les croûtes noires. Elle rend aussi plus aisée une nouvelle étude stylistique qui se proposera de faire le point sur les nombreuses Vierges attribuées au Maître de Rieux et à son entourage, et de rediscuter l'attribution de la statue de Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles au maître de Rieux.

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Description.

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La Vierge est enveloppée dans un manteau et tient dans ses bras l'Enfant demi-nu qui joue avec un oiseau.

La statue provient des modèles d'Île-de-France datés du deuxième quart du XIVe siècle. Mais des détails tels les plis esquissés sur le buste, l'expression du visage aux yeux fendus, ou la résille couvrant les cheveux de la Vierge, jadis dissimulée par une couronne amovible, sont des spécificités toulousaine. 

Une restauration  a redonné son éclat à la polychromie. 

Les pigments utilisés sont du blanc de plomb,, du cinabre (vermillon d’origine naturelle), et de l’azurite naturelle. La dorure originale, retrouvée tant sur la chevelure que sur le galon en bordure de voile, est réalisée avec une feuille d’or pur d’environ 3 µm appliquée sur une mixtion beige mêlant argiles potassiques, carbonate de calcium et un peu de blanc de plomb. (S. Pagès-Camagna)

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Sa pierre est une une pierre blanche calcaire, douce et qui se polit bien, extraite à Belbèze en Comminges (à 73 km de Toulouse), et que le Maître de Rieux a également utilisée pour les 19 statues sauvées de la chapelle de Rieux des Cordeliers de Toulouse. Elle a reçu un  encollage protéinique afin de faciliter l’adhérence des couches picturales, mêlant blanc de plomb et blanc de calcium  dans un liant huileux.

Elle est exposée au musée des Augustins de Toulouse, et a fait partie de l'exposition 2023 "Toulouse 1300-1400" du musée de Cluny à Paris.

"La statue présente un fort déhanchement du côté gauche, côté où elle porte, très haut vers l’épaule, l’Enfant à demi-nu, qui joue avec un oiseau. La Vierge, dont le bras droit est cassé, est construite comme les statues de la première série de la chapelle de Rieux, avec un corps massif et large, des épaules étroites, et une tête assez volumineuse, redressée et légèrement détournée vers l’Enfant.

Son vêtement est identique à celui de la Vierge de Bayonne, un voile-manteau posé en arrière sur la chevelure, protégée ici par une résille portée sur le haut du crâne, et dont les pans retombant sur les épaules se croisent au niveau de la poitrine, dessinant un grand drapé transversal avant de retomber, en cascade de plis tuyautés, sur le bras gauche, et sous la main droite.

La tunique dont l’encolure est visible, apparaît sous le voile à partir de la taille, avec des effets de transparence et de superpositions de tissus chers au Maître de Rieux, et se drape en longues obliques qui se brisent sur les pieds.

La conception de la draperie est identique à celle de la Vierge du cycle, et tous les procédés du maître reparaissent ici ; la tête est également très proche de celle de la statue de Bayonne, très ronde, posée sur un cou un peu long, mais entourée du même type de chevelure aux ondulations serrées sur le haut du crâne, où une raie la partage, et qui s’organise de chaque côté de la figure en torsades symétriques entourant de petites vrilles ; le visage, moins fin que celui de la Vierge de Rieux, offre cependant une certaine ressemblance par l’étirement des yeux, le modelé délicat des narines et le petit menton rond creusé d’une fossette, fortement détaché d’un bas de visage large." (Michèle Pradalier-Schlumberger)

 

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La main droite est brisée, et nous ignorons quel geste elle effectuait, ou quel attribut elle portait :

"Le poignet droit et la retombée des plis du manteau ne présentent pas d’indice sur le geste de la main droite de la Vierge. 

Sur un cliché photographique, qui daterait des années 1930 au moment où P. Mesplé était conservateur du musée ,les retombées du manteau sont complètes. On n’y distingue pas de trace d’arrachement susceptible de témoigner d’un éventuel attribut ou d’une partie de la main de la Vierge."

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Un voile, retenu sur la tête de la Vierge avec une résille sur la partie frontale, passe sur le buste de la Vierge pour envelopper le corps dénudé de l’Enfant. Un manteau ample montre des enroulements de plis soulignés par un contraste coloré entre endroit blanc et revers bleu. La robe, visible au niveau du buste, apparaît dans la partie inférieure en découvrant uniquement le pied droit finement chaussé de la Vierge, tandis qu’elle se répand largement sur la terrasse verte, sculptée comme un amas compact fortement bosselé.

Sur le manteau de la Vierge, un semis de paons, de branchages fleuris et de motifs floraux en accolade sur un fond blanc contraste avec les fleurs de lis dorées sur un fond bleu du revers. Le voile de la Vierge, qui enveloppe également l’Enfant, présente des aigles dorées et des fleurettes stylisées, là encore sur un fond blanc. Le rouge de la robe offrait une touche d’éclat supplémentaire à cet ensemble d’un raffinement extrême.

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Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

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"La prédominance du blanc, agrémenté de très beaux motifs peints ou dorés pour le manteau comme pour le voile, est tempérée par le rouge de la robe et le bleu des revers du manteau et de la robe.

Chaque vêtement est bordé d’un galon doré souligné de rouge et d’un filet de lignes rouges et/ou noires ou dorées selon une combinaison différente pour chaque pièce de vêtement . Aux deux extrémités du voile, les franges sculptées et dorées sont rehaussées de glacis afin de produire une séquence régulière de couleurs : or, rouge, or, vert. L’or recouvre également les magnifiques boucles des chevelures, avec un glacis jaune clair appliqué au moins localement. Les carnations très pâles, de ton beige, sont rehaussées vivement sur les joues et cernées sur leur pourtour d’un accent rose soutenu. Le trait des sourcils est net et bien marqué de coups de pinceaux de couleur rouge brun foncé. Cette couleur est également choisie pour souligner le bord des paupières inférieure et supérieure, elle renforce ainsi la courbe élégante de la fente des yeux. L’iris est bleu autour d’une large pupille noire qui laisse paraître un anneau blanc intermédiaire ; deux touches rouges sont posées aux extrémités du blanc des yeux." (S. Pagès-Camagna et D. Faunières)

Reconstitution de la polychromie originale d'après les observations des restaurateurs.© Dominique Faunières

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Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

 

 

"Un repeint, de belle exécution, avec un rose bien lisse et lumineux pour les carnations pourrait appartenir à l’intervention de 1643 – d’« estoffage » du retable et d’habillement de la sculpture.  Ils concernent les carnations et ne recouvrent pas les chevelures. Il est donc possible qu’un voile ait complété l’habillement attesté en 1655.

La présence d’une couronne dès l’origine est apparemment peu probable. En effet, la chevelure apparaissant au travers de la résille placée au sommet du crâne a bien été dorée dès l’origine. Le sculpteur n’a pas aménagé un bord circulaire pour accueillir un élément rapporté (en métal ou autre matériau). De plus, aucune trace d’apposition d’une couronne n’a été décelée hormis une retaille locale à l’arrière de la tête – retaille qui pourrait être tardive et éventuellement correspondre à la réalisation au XVIIe siècle d’un diadème en métal, évoqué dans l’article de P. Julien." (d'après S. Pagès-Camagna)

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Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

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"Le visage, moins fin que celui de la Vierge de Rieux, offre cependant une certaine ressemblance par l’étirement des yeux, le modelé délicat des narines et le petit menton rond creusé d’une fossette, fortement détaché d’un bas de visage large." (Michèle Pradalier-Schlumberger)

Le bord inférieur de la paupière est presque droit,  tandis que la paupière supérieure, en double trait, est convexe. Le sourcil  épilé, propre à l'élégance du XIVe siècle, est rendu par un arc très fin.

Le regard ne se porte pas sur l'Enfant, mais vers le lointain, dans une méditation grave.

Le nez est droit avec des narines rondes au dessus d'un philtrum discret mais présent. La bouche est très fine, mais gracieuse sans tristesse, au dessus d'un petit menton rond.

Les cheveux qui se libèrent de la résille retombent en boucles blondes (dorées) derrière les épaules.

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Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

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 Décor d’aigles héraldiques dorés et de fleurettes stylisées rouge et bleu du voile de la Vierge.

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"Les motifs représentés sont distincts pour le voile, le manteau et son revers. Sur le voile, deux motifs se côtoient, un aigle doré figurant l’aigle éployée d’or de l’héraldique et des fleurettes stylisées à six pétales alternativement rouges et bleus disposés autour d’un centre doré."
 

 

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Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

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Les paons.

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Le décor extraordinaire de paons n'est pratiquement pas visible sur mes clichés. D'après un cliché publié par Pagès-Camagna et Faunières (figure 4), il semble surtout visible sur le revers . Les auteurs indiquent ceci : 

 

 

"Le semis sur l’endroit du manteau est plus foisonnant. La dégradation de la polychromie originale ne permet plus d’apprécier visuellement la densité des décors du tissu représenté, sauf sur le côté gauche du bras droit. On peut y admirer des motifs floraux en accolade, des branches feuillues et fleuries, et des paons. Si la plupart des décors sont relativement stylisés, l’exécution des branches fleuries semble assez libre (les fleurs sont des sortes de taches qui semblent être des roses) et les oiseaux, parés de couleurs variées (bleu, vert en glacis, rouge, rose, noir), sont d’une très grande délicatesse de réalisation. Par ses larges fleurs de lis dorées disposées de façon rapprochée et régulière sur le fond bleu, le revers du manteau vient en fort contraste et met ainsi en valeur le travail du sculpteur."

"Plusieurs couleurs ont été employées pour les paons : bleu pour le corps, vert en glacis et rouge vif pour les ailes, rose pour les « yeux » des plumes et des aigrettes, et noir pour les pattes, le bec ainsi que pour tracer le dessin. Les attitudes des oiseaux sont diverses. Le résultat obtenu donne une impression d’abondance, de liberté et de délicatesse."

Le cliché  "du côté gauche du bras droit" montre bien, au centre de l'image, le motif recherché :

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Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse.

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L'intérêt de ce décor est important, puisqu'on suggère qu'il s'inspire des soieries italiennes (à Lucques puis Florence), et que celles-ci constituaient sous forme d'ornements liturgiques, une part du trésor des cathédrales et des abbayes les plus prestigieuses, par offrande des rois et des grands seigneurs.

Ainsi, une chasuble du début du XIVe siècle,  à paons et gazelles affrontés, en tissu diapré de Lucques, appartient à l'inventaire de Notre-Dame de Paris (M. Beaulieu, 1967, Les ornements liturgiques à Notre-Dame de Paris aux XIVe et XVe siècles figure 1).

De même, le musée de Cluny conserve une aumônière à motif de cygnes et  paons du XIVe siècle.

Ce décor statuaire rejoint celui des tentures et vêtements damassés des vitraux, que j'ai particulièrement décrits dans ce blog, à Quimper ou Merléac, Évreux ou Sées, Bourges, etc.

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L'Enfant est enveloppé partiellement dans le manteau-voile, sa jambe gauche est repliée, et il est porté par sa mère dans un geste qui le met un peu à distance. Il regarde, comme sa mère, au loin, et il sourit. 

L'oiseau, semblable à un petit aigle, qu'il tient sur sa jambe, vient, bien que ce détail soit brisé (*), becqueter le petit doigt de l'enfant, peut-être par jeu tendre (comme celui de la mère donnant son doigt à sucer à  un nourrisson), peut-être, pour d'autres, par préfiguration des souffrances de la Passion.

(*) Un infime reste de carnations originales de l’Enfant repéré à l’extrémité du bec de l’oiseau a permis d’affirmer que l’animal venait pincer l’auriculaire aujourd’hui disparu. (S. Pagès-Camagna)

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Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ( Toulouse vers 1340-1350, calcaire de Belbèze polychromé) de Saint-Sernin. Musée des Augustins, Toulouse. Photographie lavieb-aile janvier 2023.

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DISCUSSION : UNE OEUVRE DU MAÎTRE DE RIEUX ?

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"La comparaison de cette polychromie avec celle des Apôtres de Rieux, ensemble de quinze statues monumentales attribuées au Maître de Rieux et conservées également au musée des Augustins, montre des similitudes dans l’élaboration et dans le choix des deux couleurs primordiales, le blanc et le bleu, que l’on retrouve à travers toute l’Europe au cours du XIVe siècle. Mais là s’arrête la comparaison, car Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles  s’en distingue par la profusion des couleurs (rouge de la robe, étendue des dorures, coloration des décors) et la variété des motifs floraux et animaliers, par le rapprochement des pièces de vêtements très ornées – le voile et le manteau endroit et revers –, ainsi que par le soin apporté à leur exécution. Les associations de motifs stylisés, d’inspiration héraldique ou encore de facture assez enlevée, font l’originalité de cette polychromie qui, selon nous, connaît peu ou pas d’équivalent conservé de nos jours en France. Un rare rapprochement peut cependant être proposé avec la Vierge à l’Enfant en pierre de l’église de Saint-Victurnien en Haute- Vienne, dont la polychromie d’origine a été dégagée de 1987 à 1990 par Didier Groux. Cette œuvre présente en effet une manière proche de disposer en semis plusieurs types de motifs : oiseaux affrontés, dragons dans des quadrilobes et fleurs de lys. "(S. Pagès-Camagna, d. Faunières et C. Riou)

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Vierge à l'Enfant de Saint-Victurnien, calcaire, XIVe s. : Détail du motif peint sur la robe de la Vierge : deux oiseaux de part et d'autre d'un vase de fleurs.

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SOURCES ET LIENS.

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— CHANCEL-BARDELOT(Béatrice de) 14 décembre 2022,  Visite privée de l'exposition Toulouse 1300-1400 du musée de Cluny

https://www.youtube.com/watch?v=822-iC4nnwA

 

CZERNIAK, Virginie, RIOU, Charlotte, "Toulouse au XIVe siècle ; Histoire, arts et archéologie : Une floraison d'exception au temps de la peste et de la guerre de Cent Ans", Actes du colloque du 9-10 novembre 2017, Collection Tempus Artis, Presses universitaires du Midi, Toulouse, 2021. ; 

 

 —DU MÈGE (A.), 1835, Description du musée des Antiques de Toulouse, Paris, impr. Levrault, 1835.. 

LAHONDÈS (J. DE), 1920, Les statues de la Vierge au musée de Toulouse, dans MSAMF 1890-1900, p. 278

LAHONDÈS (J. DE), 1902 "Les statues de la Vierge au Musée de Toulouse",  Mélanges Léonce Couture,  p.323-333 ; p. 328-329

La Vierge du Musée de Toulouse, autrefois à la chapelle de Notre-Dame des  Bonnes-Nouvelles du cloître de Saint-Sernin, offre une certaine ressemblance par son visage large et ses cheveux très bouclés avec les statues de la chapelle de Rieux. Elle n'a pas cependant la distinction de celle que l'on voyait au milieu du  groupe des apôtres et des saints et qui est maintenant exilée au musée de Bayonne.

Le déhanchement est déjà beaucoup plus accentué. Le manteau coupe les plis calmes et verticaux de la robe, Irai tés toutefois encore très largement. Le visage est empreint d'une gravité douce et pensive. La main droite a disparu ; le bras gauche porte l'Enfant divin dont le torse est mi et tpii se tourne à demi acis sa mère en étirant l'aile d'un oiseau, pin- jouet sans iidenlion S}ndjoliqué à ce momerd.

 

https://archive.org/details/lesmonumentsdeto00laho/page/484/mode/2up

 

PAGÈS-CAMAGNA (Sandrine), FAUNIÈRES (Dominique), RIOU (Charlotte)  2014, La polychromie des sculptures françaises au Moyen Âge-Notre Dame de Bonne Nouvelle, Techné n°39 

Dominique Faunières, restauratrice du patrimoine (domfo@wanadoo.fr). Sandrine Pagès-Camagna  , ingénieur de recherches, C2RMF,département Recherche (sandrine.pages@culture.gouv.fr). Charlotte Riou , conservatrice chargée des sculptures au musée des Augustinsde Toulouse (charlotte.riou@mairie-toulouse.fr)

https://www.academia.edu/7755322/La_polychromie_des_sculptures_fran%C3%A7aises_au_Moyen_%C3%82ge-Notre_Dame_de_Bonne_Nouvelle

 

PRADALIER-SCHLUMBERGER (Michèle), 1998,  6. Le Maître de Rieux (1330-1350), in Toulouse et le Languedoc, Troisième partie. Le gothique renouvelé © Presses universitaires du Midi, p. 209-274

https://books.openedition.org/pumi/18251?lang=fr

 

RACHOU (Henri), 1908, 1910 Le Musée de Toulouse : Peinture, sculpture. Sculptures II, description des Vierges et Piéta, Toulouse. Edouard Privat, 1908 ; p.19-21,

RACHOU (H.), 1905, Les statues de la Chapelle de Rieux et de la basilique Saint-Sernin au musée de Toulouse, Toulouse

RESTAURATION DES OEUVRES DE LA CHAPELLE DE RIEUX

Au centre des salles d'art gothique le musée présente un exceptionnel ensemble de sculptures autrefois disposé dans la chapelle construite par Jean Tissendier, évêque de Rieux, située à l'extrémité orientale de l'église du couvent des Cordeliers de Toulouse, vers 1333-1340.

L'état de conservation des sculptures est très variable. Certaines ont été présentées en extérieur tout au long du XIXe siècle à l'église du Taur par exemple, d'autres sous les galeries du cloître des Augustins. La plupart présentent de nombreuse plaques de croûtes noires, parfois associées à d'épais repeints ou à des vernis qui ont mal vieilli.

Fort heureusement, sous ces épaisseurs, de larges plages de polychromie originale sont conservées : vêtements blanc et bleu sombre, accessoires rouge vif, nimbes dorés. Les carnations sont très soignées, tout comme les chevelures et les barbes dont les tons sont variés, brun, blond, roux et châtain.

Malgré une première restauration dans les années 1980, il est apparu nécessaire de reprendre le nettoyage tant pour des raisons esthétiques que de conservation. Chaque œuvre est étudiée et restaurée au cas par cas afin que l'ensemble des sculptures de la chapelle de Rieux puisse être présenté dans toute sa splendeur à la réouverture du musée.

https://augustins.org/fr/restauration-des-oeuvres-de-la-chapelle-de-rieux

https://augustins.org/fr/restauration-des-oeuvres-de-la-chapelle-de-rieux

—  RIOU (Charlotte) MUSEE DES AUGUSTINS,

https://www.canal-u.tv/chaines/universite-toulouse-jean-jaures/le-passe-au-present-les-passeurs-du-patrimoine/quelques

https://musees-occitanie.fr/oeuvre/vierge-a-lenfant-dite-notre-dame-de-bonne-nouvelle/

https://augustins.org/fr/search-notice/detail/ra-511-vierge-a-7cccc

 

WIKIPEDIA

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chapelle_Notre-Dame_de_Rieux

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Statue_de_Vierge_%C3%A0_l%27Enfant_dite_Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle_(d%C3%A9tail_02).jpg

https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/exposition-l-eclat-de-l-art-gothique-de-toulouse-illumine-le-musee-cluny-de-paris-2640088.html

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Sculptures
7 mars 2023 2 07 /03 /mars /2023 15:21

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : buste de Christ en croix, saint Marc en évangéliste, saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle .

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PRÉSENTATION.

Dans la descente de la rue de la Gare à Plomodiern, sur la droite juste après l'intersection avec la rue de la fontaine, l'automobiliste aperçoit, souvent trop tard, un édicule flanqué de statues en kersanton.

Lorsqu'un jour il décide de s'arrêter, il découvre qu'il s'agit d'une fontaine dédiée à saint Mahouarn,patron de la paroisse et il peut lire sur un panonceau un dossier illustré sur l'iconographie de ce saint, dont la statue (moderne) s'abrite à l'ombre de la niche.

Image maps.

La fontaine se trouvait jadis de l'autre côté de la rue.

La carte IGN indique au nord une station de pompage, au sud une station d'épuration, donc la fontaine devait être alimenter par le petit ruisseau qui se jette dans la rivière de Kerharo.

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Les statues de kersanton ont été manifestement rassemblées ici à partir d'un autre lieu. Un buste de Christ provient d'un calvaire, et les deux autres statues de saint pourraient en provenir également, occupant le soubassement.

Le calvaire près de l'église, du XVe siècle, a déjà été décrit sur ce blog.

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Je ne trouve pas beaucoup de documentation sur ces statues. Emmanuelle Le Seac'h ne les mentionne pas. Yves-Pascal Castel dans son Atlas des croix et calvaires du Finistère, signale seulement, à juste titre, le buste du Christ, et le date du XVIe siècle. Il en relève le schéma. 

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Jacques Thomas (Plomodiern en Porzay, 1966, p.101) indique la date de la fontaine en 1841 , et la présence des statues "en granit" des saints Marc et Nicolas.

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Un dossier de Claudie Boissé pour l'Inventaire général IA00005885 date de 1969. Il donne quatre clichés, ainsi que les mensurations de l'édicule, puis reprend la date de construction en 1841 "remlployant des sculptures de provenance inconnue".

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La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : buste de Christ en croix, saint Marc en évangéliste, saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : buste de Christ en croix, saint Marc en évangéliste, saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : buste de Christ en croix, saint Marc en évangéliste, saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : buste de Christ en croix, saint Marc en évangéliste, saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : buste de Christ en croix, saint Marc en évangéliste, saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : buste de Christ en croix, saint Marc en évangéliste, saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : buste de Christ en croix, saint Marc en évangéliste, saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : buste de Christ en croix, saint Marc en évangéliste, saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

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SAINT MARC ÉVANGÉLISTE AVEC SON LION. Kersantite, XVIe siècle.

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Le saint est assis, écrivant grâce à un stylet son évangile qui est posé sur ses genoux ; il tient l'encrier de la main gauche. Un phylactère (sur lequel était peut-être inscrit l'incipit) débute dans la gueule de son lion et entoure ses jambes.

Il est barbu, porte un chapeau rond à rabat éversé au centre et à fanons (intermédiaire entre un bonnet carré de docteur et une mitre) et une chape sur une tunique fermée sous le menton par un bouton réunissant les bords d'une courte fente.

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Le calvaire de la chapelle Saint-Exupère comporte, au pied de la croix, un Saint-Marc évangéliste à la fois comparable, et différent.

https://www.lavieb-aile.com/2017/03/le-calvaire-de-la-chapelle-saint-exupere-a-dineault.html

Voir aussi la croix de Pennayeun à Dinéault :

https://www.lavieb-aile.com/2019/03/la-croix-de-pennayeun-a-dineault-saint-pol-et-son-dragon.html

Voir le saint sur le calvaire monumental de Guimiliau (émule du maître de Guimiliau, après 1589 :

 

https://www.lavieb-aile.com/2021/09/le-calvaire-de-l-enclos-paroissial-de-guimiliau.html

Voir la statue du saint par Roland Doré, bien différente, vers 1660 sur l'église de Cast :

https://www.lavieb-aile.com/2020/03/le-calvaire-de-l-eglise-de-cast.html

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La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

La fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern : saint Marc en évangéliste, kersantite, XVIe siècle . Photographie lavieb-aile 2023.

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LE CHRIST EN CROIX, FRAGMENT D'UN CALVAIRE. Kersantite, XVIe siècle.

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Il est couronné d'épines à spires régulières et parallèles, la tête inclinée, les yeux clos, la bouche entrouverte. La barbe est peignée, les cheveux sont longs tombant en mèche devant l'épaule droite et derrière l'épaule gauche.

Le tronc et le bassin forment un cylindre, les cotes sont horizontales, le nombril est en large bouton. Le pagne est croisé sur l'avant.

La plaie du flanc est visible mais tend à se confondre avec la ligne des cotes.

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Christ en croix,  kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix,  kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix,  kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix,  kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix,  kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix,  kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Christ en croix, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

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SAINT NICOLAS EN ÉVÊQUE ET LES TROIS ENFANTS DANS LE SALOIR. Kersantite, XVIe siècle.

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Saint Nicolas est représenté en évêque mais la main droite (qui bénit) et la crosse sont brisés et perdus. La tête brisée a été rescellée, les traits du visage sont particulièrement altérés. Les pans de la chape sont réunis par un fermail orné d'un médaillon et de deux fleurons, au dessus d'une dalmatique frangée.

Les trois enfants (ou jeune gens) sont nus et se réveillent à la vie en levant leurs bras.

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Saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

Saint Nicolas, kersantite, XVIe siècle, fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern  . Photographie lavieb-aile 2023.

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Le panonceau.

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Panonceau de la fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile 2023.

Panonceau de la fontaine Saint-Mahouarn de Plomodiern. Photographie lavieb-aile 2023.

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Published by jean-yves cordier - dans Sculptures Kersanton Calvaires
1 mars 2023 3 01 /03 /mars /2023 14:48

Le porche de Trégourez : inscriptions (1687) et sculptures anthropomorphes : la femme-serpent et son homme.

La façade sud et son motif armorié (Montmorency-Laval?).

 

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Voir aussi :

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PRÉSENTATION.

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L'église Saint-Idunet date en majeure partie de la seconde moitié du XVIe siècle, même si elle conserve les fragments d'une verrière de la Passion du milieu du XVIe siècle, et que sa nef à cinq travées complétée par un transept et un chevet rectangulaire remonterait aux alentours de 1520. Les sablières portent la date de 1544. La statue du saint patron est datée de 1562, le groupe sculpté en pierre du Baptême du Christ  de 1563. Le vitrail de saint Sébastien, armorié, daterait des années 1570.

Les cloches portent les dates de 1602 et 1646.

À la fin du XVIIe siècle, peut-être à la suite du rectorat de Maurice Guéguen et à la visite de l'évêque François de Coëtlogon en 1673, on constate une reprise des travaux d'aménagement : commande de dix pots acoustiques en 1666, construction d'un porche sud avec toit en carène inversée datée de 1687, puis d'une sacristie accolée au côté sud datée de 1675. 

Ce porche de 1687 présente  l'intérêt de porter une inscription lapidaire à chronogramme portant, en quatre cartouche, les patronymes des curés et fabriciens commanditaires. Sur la sacristie, on retrouvera une inscription comparable, mentionnant en outre le nom du recteur Maurice Guéguen.

Mais le porche est également doté de deux figures anthropomorphes en bas-relief, dont une femme serpent fournissant un nouvel exemple d'un motif bien représenté en Bretagne, et dont l'interprétation est ouverte.

Enfin, la façade sud, au faîte de la dernière lucarne, porte un écusson qui suscite notre curiosité.

 

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Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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LES INSCRIPTIONS.

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1. Les inscriptions du côté gauche du porche :

 

Le cartouche supérieur (deux lignes séparées par une réglure) :

V P : BOVRCHIS

CV : 1687

Soit "Vénérable Pierre Bourhis, curé, 1687."

Le cartouche inférieur (deux lignes séparées par une réglure) :

F : PERON G . FA (*)

GR. PERON G . FA. (**)

(*)  (**) N rétrogrades

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Pierre Le Bourhis est mentionné comme "curé", c'est à dire vicaire du recteur Maurice Guéguen dès 1661, les "prêtres " étant alors Jean Le Bourhis (frère de Pierre) et Maurice Jac, qui décèdera en 1662. La famille Le Bourhis est bien établie à Trégourez.

https://gw.geneanet.org/dstagnol?n=le+bourhis&oc=3&p=pierre

En 1672, il existait pour assister Maurice Guéguen deux vicaires, "vénérable missires Jean et Pierre Le Bourhis, prêtres et curés, célébrant depuis longues années au profit et satisfaction de tout le peuple."

L'inscription de la sacristie les mentionnent tous les deux en 1675 :

" D. MAVRICIVS. GVEGVEN. R. 1675 / M. P. LE. BOVRCHIS. C./ M. I. LE. BOURCHIS. P./M. G. PERENNES / CL. LE. GALLOV. FA./ Y. LE COR /G. QVEINNEC. FA./ LO. TALIDEC. MA. " (mur ouest) ; et sur le mur nord : " H. I. CO. MAHE. "

"D. Mauricius Gueguen Recteur 1675, Messire Pierre Le Bourhis curé, Messire Ian Le Bourhis Prêtre, M. G. Perennès Cl; Gallou fabriciens, Y. Le Cor G. Queinnec fabriciens, Lo[uis] Talidec MA."

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Les noms des fabriciens du cartouche inférieur posent problème. René Couffon avait lu "PERONIC (ou PEROVIC ?)". La base Geneanet ignore ces patronymes à Trégourez. Les familles PERON sont nombreuses sur la paroisse, qui, en 1672, comptait 872 habitants. Au village de Kerscao habitait alors  Gilles Péron et sa femme Marie Le Goff.

Le G précédent FA (fabricien) correspond-il à "Gouverneur" ?

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Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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2. Les inscriptions du côté droit du porche :

 

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Le cartouche supérieur (deux lignes séparées par une réglure) :

 NOBLE & DISCRET

MI. MICHEL. DE. KGVEAV. P

Soit : "Noble et discret missire Michel de Kergueau (Kercueau ? Kercuehu ? Kerguen) prêtre".

N.b le recteur en 1699 est Vincent de Kerguélen

On aimerait lire Kerguern ou Kervern, sr de Penfrat, paroisse de Trégourez.

 

Le cartouche inférieur (une ligne) :

 

IL : BLANCHET. 

Le patronyme BLANCHET est attesté à Trégourez

https://gw.geneanet.org/rockabilly?lang=fr&iz=0&p=julien&n=blanchet

 

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Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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LES DEUX REPRÉSENTATIONS ANTHROPOMORPHES.

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1°) La créature de type femme-serpent.

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Allongée sous la corniche du mur sud du porche, au dessus de ces inscriptions à l'angle gauche,  cette femme sculptée en bas-relief est couchée sur le dos. Son visage ovoïde est entouré d'une chevelure longue à deux nattes ; les yeux sont peut-être clos, la bouche est petite. Les bras sont confondus avec le torse, qui a la forme d'un disque sur lequel les deux seins sont stylisés en deux demi-disques. La queue s'enroule en boucle et s'achève par une pointe arrondie.

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Schéma par Hiroko Amemiya

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Cet ornement du type femme-serpent appartient à une série de 11 exemples de la statuaire bretonne, dont  9 dans le Finistère. Le plan souligne la répartition particulière de ces figures.

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1. église Saint-Idunet à Trégourez, granite,1687.

2. Le Juch, granite XVIIe.

3. église Notre-Dame , Bodilis, porche sud, granite, 1564-1570?

4. église Notre-Dame  de Brasparts, porche sud, granite, 1592.

5. église Saint-Edern à Lannedern, crossette de l'ossuaire, 1662.

6. église de la Sainte-Trinité de Lennon, crossette du porche sud, XVIe siècle

7. chapelle Saint-Herbot de Plonévez-du-Faou, porche ouest, granite, 1516.

8. église Saint-Suliau à Sizun, crossette de l'ossuaire, kersanton.

9.  église Saint-Suliau à Sizun, ornement d'une frise du chevet, granite.

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Voir  sur ce blog :


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Localisation des onze femmes-serpents de Bretagne. H. AMEMIYA p. 176.

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Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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2°) Le personnage masculin.

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On le découvre sur le mur oriental, faisant l'angle.

Son style rudimentaire et sa position allongée sur le dos incite à l'associer à la femme-serpent  en un couple ou du moins un tout, mais il est nu et dépourvu de tout détail  permettant une interprétation. 

 

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Le porche sud (1687) de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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LA DEUXIÈME LUCARNE DE LA FAÇADE SUD : LE BLASON.

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Dernière lucarne sud de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Dernière lucarne sud de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Dernière lucarne sud de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Dernière lucarne sud de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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Analyse :

Les supports : deux lions léopardés.

Les quatre quartiers : en 1 et 4, trois lys soit les armes de France.

En 2 et 3 , une croix  cantonné de seize alérions = Montmorency ; les bras de la croix semblent bien porter des coquilles.

Brochant sur le tout : un lion (Laval)

Et un lambel à trois pendants.

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La solution proposée couramment est d'y voir  les armes de "Nicolas d'Aragon et Charlotte de Laval"  (Couffon)

 http://knockaertmarthe.unblog.fr/un-peu-de-notre-histoire/au-moyen-age/

"Les Trêves de Tregourez, de Saint Goazec et de Saint Thois dépendaient de la seigneurie de Laz. Cette seigneurie de Laz appartenait à la riche famille de Kergorlay au 13e siècle qui possédait en outre des domaines en Spezet et  Motreff. Elle passa au 15e siècle de la famille de Kergorlay à la famille de Montfort par le mariage de Raoul de Montfort avec Jeanne de kergorlay. Son fils Jean de Montfort épousa Jeanne de Laval. Il mourut le 12 avril 1414 laissant la seigneurie de Laz à son fils André de Laval, Maréchal de France, dit Maréchal de Lohéac.

A sa mort en 1486, son frère Louis de Laval-Châtillon, devint seigneur de Laz donc de Tregourez et autres trêves. Son neveu Nicolas de la Roche Bernard épousa Charlotte d’Aragon, princesse de Tarente, fille de Frédéric III d’Aragon, roi de Naples. Ils eurent quatre enfants dont Anne née à Vitré le 25 septembre 1505, filleule d’Anne de Bretagne. Anne de Laval épousa en 1521 François de la Trémoïlle, prince de Talmont. La seigneurie de Laz et ses dépendances passa donc dans la famille de Trémoïlle.  "

 

Mes suggestions :

Cet écartelé évoque celui de Guy de Montmorency-Laval  (+1338), blasonné ainsi :

Ecartelé au I d'azur à trois fleurs de lys d'or, au II et III d'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur ordonnés 2 et 2 et chargée de cinq coquilles d'argent, au IV d'azur à trois fleurs de lys d'or chargé d'un bande camponnée de gueules et d'argent, sur le tout de gueules au lion d'argent.

Mais je ne vois pas, en 4, la barre camponnée. D'autre part, ces armes portent un lambel indiquant une brisure.

Il faudrait être plus averti que moi de la généalogie nobiliaire et de l'héraldique, et de l'histoire locale, pour aller plus loin. 

Quelques copié-collés sur la baronnie de  Laz, sur  Nicolas de Laval-Montfort dit Guy XVI de Laval (1476-1531)  et sur la fille de Guy XVI de Laval et de Charlotte d'Aragon,  Anne de Laval.

 

À partir de 1486, la baronnie de Laz appartient à la famille de Laval. Un aveu d'Anne de Laval concernant la seigneurie de Kergorlay date de 1543.

 Le roi François 1er fait épouser à Guy XVI, le 5 mai 1517, Anne de Montmorency, sœur d’Anne, qui devint connétable de France . La mort lui enleva, en 1525, le 26 juin, Anne de Montmorency, au château de Comper . Le corps d’Anne de Montmorency fut rapporté à Laval et fut inhumé à la Collégiale Saint-Tugal de Laval , le 23 juillet, par Yves Mahyeuc , évêque de Rennes qui, la veille, venait de procéder à la consécration de la chapelle de la maison de Patience. 

Nicolas de Laval-Montfort dit Guy XVI de Laval (1476-1531) était comte de Laval-Baron de Vitré-Vicomte de Rennes-Baron de La Roche-Bernard-Baron d’Acquigny et de Crevecœur-Seigneur de Montfort et de Gaël-Baron de Quintin et du Perrier, Seigneur d’Avaugour, de Beffou , de Belle-Isle, châtelain de La Bretesche, seigneur de La Roche-en-Nort, de Laz, seigneur de Tinténiac, de Bécherel et de Romillé, seigneur de Lohéac , de Bréal, et de La Roche-en-Nort , seigneur de La Roche-d’Iré, chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, gouverneur et lieutenant-général en Bretagne, capitaine de Rennes, amiral de Bretagne.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_de_Laval_(1505-1554)

https://gw.geneanet.org/sraynal38?lang=fr&iz=52&p=anne&n=de+laval

 

VOIR

http://sophie.demeautis.free.fr/joomla/index.php/dossiers-et-recherches-en-cours/noblesse-francaise/264-les-sire-de-laval-jusquen-1265

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Dernière lucarne sud de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Dernière lucarne sud de l'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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QUELQUES CROSSETTES.

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Un lion.

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L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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Une créature à queue de serpent (dragon ou femme-serpent?).

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L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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Un dragon à queue de serpent.

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L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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Un lion.

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L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

L'église de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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SOURCES ET LIENS.

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AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 176. Version remaniée de la thèse de 1996.

— AMEMIYA (Hiroko) Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image  Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129

Résumé : Le thème principal de cette étude est de voir quel rôle la femme non-humaine - et notamment la femme qui appartient au monde maritime - a joué au japon et en Bretagne, à travers les récits relatifs à l'épouse surnaturelle. Pour la Bretagne, les recherches s'étendent également sur l'iconographie religieuse représentant l'être semi-humain telles la sirène et la femme-serpent. La région conserve dans ses chapelles de nombreuses statues des xvie et xviie siècles figurant ce type faites par des artisans locaux. L'imagination populaire s'épanouit ainsi dans la femme non-humaine de deux façons en Bretagne : dans l'expression orale et dans l'expression plastique ce qui nous offre une occasion inestimable d'étudier leur compatibilité dans leur contexte socioculturel. Les récits qui traitent le thème du mariage entre l'être humain et l'être non-humain révèlent la conception de l'univers d'une société. L'autre monde ou les êtres de l'autre monde sont en effet une notion fonctionnelle qui permet a la société de maintenir l'ordre interne par une intervention externe fictive : la suprématie du fondateur du japon s'explique par la transmission d'une puissance surnaturelle par sa mère du royaume maritime, alors qu'en bretagne, la destruction de la cite légendaire d'Is est causée par une fille maudite née d'une fée. Le premier volume de cette étude est composé de trois parties : i. L'autre monde dans la tradition populaire au japon, ii. Récits relatifs au mariage au Japon et en Bretagne, iii. Iconographie d'une femme semi-humaine. Le deuxième volume est un inventaire des différents types de représentation semi-humaine en bretagne.

— COMITE D'ANIMATION DE LAZ

http://www.comiteanimationlaz.fr/mydata/Revolution%20Tregourez.PDF

COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Trégourez, Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine.

https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/11f67d5b790259d5e88147762dfe6e34.pdf

 

Le porche latéral sud, avec toit en carène renversée, porte l'inscription : " V P : BOVRCHIS CV : 1687/F. PERONIC (ou PEROVIC ?). FAB./GR. PERONIC (ou PEROVIC ?). FAB. " et " NOBLE & DISCRET MI. MICHEL. DE. KGVEAN. P./IL. BLANCHE. " La porte intérieure est soulignée d'une accolade reposant sur des culots. Porte identique dans le mur sud. Enfin, la sacristie, accolée au flanc sud, porte des inscriptions : " D. MAVRICIVS. GVEGVEN. R. 1675 / M. P. LE. BOVRCHIS. C./ M. I. LE. BOURCHIS. P./M. G. PERENNES / CL. LE. GALLOV. FA./ Y. LE COR /G. QVEINNEC. FA./ LO. TALIDEC. MA. " (mur ouest) ; et sur le mur nord : " H. I. CO. MAHE. "

INFOBRETAGNE

http://www.infobretagne.com/tregourez.htm

INVENTAIRE GENERAL 1966

https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/9a06828e-20a5-40a7-92c1-b8d45ff5397d

https://inventaire-patrimoine.region-bretagne.fr/gertrude-diffusion/public/annexes/IA00005194_01.pdf

— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.

— WAQUET (Henri), 1945, Confidences d'un recteur bas-breton, Trégourez en 1672, Mémoire de la Société histoire et archéologie bretonne SHAB 

https://m.shabretagne.com/scripts/files/5f467d5dd0f360.27066687/1945_03.pdf

— AUTRES.

http://www.infobretagne.com/tregourez.htm

http://piquetjm.free.fr/notes%20historiques%20LAZ.pdf

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26 février 2023 7 26 /02 /février /2023 18:46

Les vitraux (vers 1425, et XVIe siècle) de l'église de Betton (35) exposés au musée de Cluny. Les seigneurs de Saint-Gilles en donateurs autour d'une Passion.

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Voir les autres verrières du premier quart du XVe siècle en Bretagne :

QUIMPER,  CATHÉDRALE : vers 1417 et vers 1496.

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DOL-DE-BRETAGNE :

LA GUERCHE-DE-BRETAGNE. Premier quart XVe siècle.

 

MERLEAC 

RUNAN:

MALESTROIT vers 1423.

 

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Voir aussi :

La baie 108 de l'église Saint-Pierre de Saint-Père (35) datant du premier quart du XVe.

 

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PRÉSENTATION.

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La source principale est l'ouvrage de Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Les Vitraux de Bretagne, volume VII du Corpus Vitrearum, pages 268 à 270,  avec deux clichés.

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1. Les vitraux du début du XVe siècle en Bretagne.

Les verrières peintes en Bretagne au début du XVe siècle et encore conservées sont rares, ce sont celles (liens supra) de la baie axiale de la chapelle de Merléac en 1402, des fenêtres hautes du chœur de la cathédrale de  Quimper vers 1417, de deux tympans de la cathédrale de Dol vers 1420,  de la baie d'axe de l'église de Runan vers 1423 et d'une baie de l'église de Malestroit,  également vers 1423, et de l'église de La Guerche-de-Bretagne. Elles sont dues au mécénat du duc Jean V (Quimper, Runan), ou du connétable Olivier de Clisson et des Rohan (Merléac), et autres très nobles familles (Marie de Bretagne sœur de Jean V et son mari Jean d'Alençon à La Guerche-de-Bretagne, ou les puissants seigneurs de Malestroit.

Presque toutes ces verrières partagent des caractères communs, la présence de tentures colorées damassées dans le fond de niches dans lesquelles se tiennent des personnages ou des scènes traitées en camaïeu de grisailles et jaune d'argent avec un emploi de verres colorés teintés dans la masse restreint aux vêtements ou accessoires. Les pupilles des illustres personnages sont souvent rehaussées de jaune d'argent (Dol, Quimper, Merléac, Runan, Malestroit). L'examen des motifs des damas, parfois issus de soieries (lampas) est passionnant, surtout en comparaison avec les verrières contemporaines d'Évreux, de Sées ou de Bourges.

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La quinzaine de panneaux datant de 1420-1430,  provenant  de l'église de Betton et conservés au musée de Cluny témoignent également d'un illustre mécénat (les seigneurs de Saint-Gilles), avec un intérêt certain pour le portrait des donateurs, et on y retrouve les figures en verre blanc peint en grisaille avec rehaut de jaune d'argent, enlevés sur des tentures à motifs variés de plusieurs teintes.

Bien que les photographies de ces panneaux soient disponibles sur internet, notamment par la Réunion des Musées Nationaux, aucun site ou aucune publication n'en offre un examen complet associé à une analyse détaillée. Je propose donc ici mes photographies complétées par celles de la RMN (parfois éclaircies), associées aux descriptions fournies par le Corpus Vitrearum, et à quelques commentaires personnels.

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L'église Saint-Martin de Betton.

La première église du premier quart du XVe siècle fut incendiée en 1590 pendant les guerres de la Ligue. Elle fut reconstruite à partir de 1869 sur les plans de Jacques Mellet.

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Les vitraux.

 

Ce qui restait des verrières anciennes de l'église, déjà regroupé en une seule fenêtre avant 1861 par Brune, fut proposé à la vente en 1874. Ils passèrent entre les mains d'Alfred Ramé, magistrat, historien et archéologue de Rennes, qui décrivit en 1849 avec Pol de Courcy les vitraux bretons anciens (Bull. arch. de l'Association Bretonne), et qui avait brièvement décrit et relevé par croquis ces vitraux de Betton. Alfred Ramé offrit dès 1876 au Musée de Bretagne certains panneaux, et servit d'intermédiaire pour l'achat en 1877 par le musée de Cluny de quinze autres panneaux, de la cuve baptismale ( fonds baptismaux doubles, sculptés, armoiries aux armes de Saint-Gilles)  et d'un bénitier.

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La liste des panneaux du Musée de Cluny, constituée à l'origine était la suivante :

1°) Quinze panneaux rectilignes conçus pour des lancettes, certains comportant sur l'un des côtés une bordure aux couleurs des Saint-Gilles

—Six panneaux figurant des donateurs et leurs épouses, portant les armes de seigneurs de Saint-Gilles, dont un disparu.

—Six scènes de la Passion, dont deux ont disparus (Agonie du Christ , et Comparution devant Pilate).

—Une Charité de saint Martin.

— Deux saints en pied : Jean-Baptiste, et sainte Apollonie (ou Anastasie), panneaux disparus.

Parmi ces quinze panneaux, huit sont exposés  aujourd'hui au musée de Cluny : quatre panneaux de donateurs et quatre scènes de la Passion. Je n'ai pas vu lors de ma visite en 2023 (oubli ?) la Charité de saint Martin.

 

2°) Douze ajours de tympans dont une Vierge à l'Enfant et Marie Cléophas (figures d'une Sainte Parenté ou "Trois Maries"? Ces  fragments sont conservés en réserves (cliché RMN) .

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Les trois panneaux conservés au Musée de Bretagne sont au nombre de trois et constituent un calvaire :  un oculus figurant le Christ en Croix entouré du Tétramorphe, et deux têtes de lancettes figurant l'un la Vierge, l'autre saint Jean.

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Couple de donateurs, un chevalier de Saint-Gilles et son épouse, tournés vers la droite. Cl.9541. Vers 1420-1430.

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https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks/couple-de-donateurs-de-la-famille-de-saint-gilles-seigneur-de-betton_vitrail-technique_grisaille-69a45b58-235f-4bd6-8070-4a2b1d752828

Ce panneau dépourvu de bordures  mesure 43 cm de haut et 43 cm de large.

Sous une série d'arcades (pièces modernes et bouche-trous) entre deux piliers, les donateurs agenouillés vers la droite sur un coussin prient , et leur oraison est inscrite sur les phylactères qui s'élèvent de leurs mains jointes.

L'homme est en armure dont nous voyons les pièces couvrant les jambes, et la cotte de l'encolure. Cette armure est recouverte d'un tabard à ses armes, d'azur semé de lys d'argent. Ses cheveux sont taillés court.

L'épouse porte un surcot ouvert et une robe d'or, damassée, aux manches couvrant le dos des mains, et une coiffe ramassant les cheveux en deux masses latérales sous une résille. La jupe armoriée est aux armes de son époux, en partition avec ses propres armes, mais ce détail précieux est perdu et remplacé par un bouche-trou.

On notera les lys d'argent montés en chef d'œuvre dans le verre bleu des armoiries.

Le fond rouge est peint de feuillages des tiges dotées de vrilles) et de lys, mais cette peinture est effacée, ; la partie devant le donateur est moderne.

 

 

Inscriptions :

Un relevé soigneux pourrait sans doute encore les transcrire, malgré la grisaille pâle. Je distingue les lettres finales MEA du donateur.

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Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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Couple de donateurs, plus âgés, un chevalier de Saint-Gilles et son épouse, tournés vers la gauche. Cl.9542. Vers 1420-1430.

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Ce panneau dépourvu de bordures  mesure 43 cm de haut et 40 cm de large.

Sous une série  de cinq arcades entre deux piliers, les donateurs agenouillés vers la gauche sur un coussin prient comme les précédents , et leur oraison s'inscrit également sur les phylactères qui s'élèvent de leurs mains jointes.

Le donateur porte les armes d'azur semé de lys d'argent des Saint-Gilles, tandis que son épouse associe ces armes aux siennes, qui seraient d'argent et de gueules mais qui seraient restaurées.

Pour F. Gatouillat et M. Hérold, la figure de l'homme, âgé et barbu, pourrait être un portrait.

Le fond rouge porte des rinceaux à vrilles et feuilles trilobées.

Le phylactère du donateur est effacé, celui de son épouse débute par un O--

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Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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Couple de donateurs, jeunes, un chevalier de Saint-Gilles et son épouse, tournés vers la droite. Cl.9544. Vers 1420-1430.

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Ce panneau de 42 cm sur 44 cm (plus la bordure de 4 cm à droite) comporte deux bordures armoriées mais celle de droite est douteuse et celle de gauche est moderne malgré l'insertion de deux lys anciens.

Le fond est vert à rinceaux de feuillages trilobés.

Le donateur porte les cheveux taillés au dessus de la nuque (la tête est légèrement décalée par une remise en plombs), les mains et le bas de l'armure (remplacé par un bouche-trou) ne sont pas conservés. Certains lys du tabard armorié sont montés en chef d'œuvre.

La donatrice est coiffée d'un bourrelet, de cheveux ramassés latéralement sous une résille, avec un voile couvrant l'arrière de la nuque. Elle porte le surcot ouvert et la cotte, et une jupe armoriée avec des pièces en chef d'œuvre. Selon F. Gatouillat et M. Hérold, cette jupe "a été remplacée".  Nous ne pouvons donc pas identifier ce couple.

Inscription :

1. dans les mains de l'épouse : SANCTE MARTINE ORA PRO NOBIS.

Soit Saint Martin priez pour nous". C'est bien la forme attestée sur les livres d'Heures du XVe siècle. Saint Martin est le patron de l'église de Betton.

2. dans les mains du donateur  : MAT---

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Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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Couple de donateurs, plus jeunes, Jean de Saint-Gilles  et son épouse Jeanne de Tilly, tournés vers la gauche. Cl.9545. Vers 1425.

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Le panneau de 45 cm sur 49 cm conserve sa bordure aux armes de Saint-Gilles. L'architecture à modillons entre deux colonnes et pavement losangique à fleurons entoure les deux donateurs.

Le fond damassé est vert à rinceaux de feuilles trilobées.

Le jaune d'argent est utilisé avec parcimonie, par rehauts.

 L'homme est  à genoux sur un coussin damassé à pampilles ; il est coiffé d'un tortil au dessus d'une chevelure blonde volumineuse mais taillée au ras de la nuque. Il porte au dessus de son armure (cuissardes, genouillères, jambières, solerets à la poulaine et éperons) le tabard à ses armes. L'épée est à son côté gauche.

L'épouse est coiffée d'un bourrelet (semblable au tortil) et ses cheveux postiches ou non sont ramassés latéralement sous une coiffe perlée.

 Elle porte le surcot ouvert et la robe (ou cotte) damassée dorée comme les précédentes. Sa jupe  porte les armes des Tilly d'or à la fleur-de-lys de gueules

https://www.musee-moyenage.fr/collection/dossiers-thematiques/vetement-couvre-chef-moyen-age.html

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Selon Wikipedia et le site du musée de Cluny, il s'agirait de Jean de Saint-Gilles et de son épouse Jeanne de Tilly (Tilly-Blaru):

 Jean de Saint-Gilles, époux de Jeanne de Tilly, nommé en 1424 par Jean V, duc de Bretagne, fut  grand maître et gouverneur des œuvres pour les fortifications de la ville de Rennes, puis chambellan et conseiller du duc en 1425. Il serait décédé en 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Vitrail_de_Jean_de_Saint-Gilles_et_de_Jeanne_de_Tilly_(XVe_si%C3%A8cle).JPG

https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_de_Tilly

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Mais l'épouse bien documentée de ce Jean de Saint-Gilles serait plutôt (après un premier mariage ?) Jeanne de Montauban, dont les armes seraient de gueules à sept macles d'or 3, 3 et 1 et un lambel à quatre pendants du même en chef

 

"La seigneurie de Betton appartint de bonne heure et pendant plusieurs siècles à la famille de Saint-Gilles, qui tirait son origine de la paroisse de ce nom. En 1222, Tison de Saint-Gilles était à la fois seigneur de Saint-Gilles et de Betton ; il avait épousé Agathe de la Barre, veuve de lui en 1272, et laissa plusieurs enfants, entre autres Bertrand, seigneur de Saint-Gilles, et Tison, seigneur de Betton et de Mouazé ; ce dernier confirma en 1276 une donation faite à l'abbaye de Saint-Sulpice des Bois (Cartulaire Sancti Melanii et Sancti Sulpicii).

Son fils ou petit-fils Georges de Saint-Gilles, seigneur de Betton et mari de Jeanne Chesnel, jura en 1379 l'association bretonne et mourut en août 1398.

Peu après son fils, Jean de Saint-Gilles, fournit au duc le minu de la seigneurie de Betton. En 1424, Jean V, duc de Bretagne, nomma Jean de Saint-Gilles gouverneur de Rennes et le chargea d'augmenter les fortifications de cette ville. Ce seigneur se trouvait l'année suivante chambellan et conseiller du prince ; il mourut le 17 octobre 1435, laissant veuve Jeanne de Montauban.

La succession fut recueillie par sa fille, Bonne de Saint-Gilles, alors mariée à Guillaume de Rochefort.

Devenue veuve vers 1447, la dame de Betton se remaria - 1° à Charles de la Feuillée, seigneur de la Ribaudière, décédé en 1456 ; - 2° à René Chandrier, seigneur de la Poissonnière ; elle mourut le 15 octobre 1487, léguant sa seigneurie de Betton à son fils, Pierre Chandrier.

Celui-ci prit le nom de sa mère, devint Pierre de Saint-Gilles, épousa Catherine Grimault et fonda une nouvelle famille. Ecuyer de la reine Anne de Bretagne en 1495, Pierre de Saint-Gilles mourut le 25 novembre 1537, laissant Betton à son fils, Georges de Saint-Gilles (Archives de Loire-Inférieure). A la montre de 1541, ce dernier se présenta comme seigneur de Betton ; « en robe, estant à pied, il présenta pour lui un homme bien monté et armé en habillement d'homme d'armes, accompagné d'un homme bien armé et monté en archer, et d'un page à cheval, et déclara ledit seigneur de Betton son revenu noble valoir environ 800 livres, tant en ce pays que en Normandie ».

Georges de Saint-Gilles décéda sans postérité le 22 juillet 1552, laissant la seigneurie de Betton à Catherine de Saint-Gilles, sa soeur, femme de François de Denée, seigneur de la Motte de Gennes. De cette union sortit Nicolas de Denée, seigneur de Betton, qui épousa Louise de Malestroit et mourut à la fête Saint-Jean 1560, sans laisser d'enfants. Guillotin de Corson 1897

https://man8rove.com/fr/blason/grlz8j5-tilly

https://man8rove.com/fr/blason/a2bf347-montauban

https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=vincent&n=de+saint+gilles

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Néanmoins, selon Guillotin de Corson :

Châtellenie d'ancienneté, la seigneurie de Betton, relevant directement du duc, puis du roi, se composait de deux groupes de fiefs : ceux de Moigné et l'Hermitage, qui semblent un démembrement de la seigneurie de Saint-Gilles, et ceux de Betton et Mouazé, qu'un aveu prétend avoir été apportés à un seigneur de la maison de Saint-Gilles par sa femme, nommée Jeanne de Tilly. "

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Inscriptions, transcription approximative :

S[ANC]TE XOBE DEI LUCIARE NOS --

S[ANC]TE IOBS ORA PRO NOBIS (**)

(*)peut-être Sancte Christofore dei, voir ici

(**) selon Gatouillat, ce serait une invocation à saint Jean-Baptiste, mais je ne lis pas Iohannes : il faut peut-être lire SANCTE IOHES [BAPTISTA] comme ici

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Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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Un livre d'heures aux armes des Saint-Gilles du XVe siècle, Nantes ? vers 1415 et milieu XVe.

Le Wellesley College possède ce manuscrit ms.81 Wm-1, d'un livre d'heures, dont la reliure bretonne du XVIIe siècle est estampée Ieanne Govro.

https://repository.wellesley.edu/object/wellesley15497#page/1/mode/1up

Jean-Luc Deuffic en a donné l'analyse.  Vers le milieu du XVe siècle, on a peint au verso  du folio 99 [page 207] une enluminure représentant sainte Catherine et saint Sébastien, puis ajouté un nouveau feuillet avec les armoiries de la famille Saint-Gilles sous une Sortie du Tombeau et un moine dominicain désignant l'Enfant Sauveur montrant ses stigmates.

https://repository.wellesley.edu/object/wellesley15497#page/207/mode/1up

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Jean-Luc Deuffic s'interroge sur ce dominicain : peut-être un membre de la famille Saint-Gilles ?

Puis il donne les renseignements suivants :

Le 12 novembre 1394, Jean, sire de Saint-Gilles, rendit aveu au duc de Bretagne pour la terre et seigneurie de Saint-Gilles (Ille -et-Vilaine) avec sa motte, son manoir garni de douves, ses rabines, bois, moulins et divers bailliages en dépendants, avec droit de haute justice, dont "l'intersigne et lieu patibulaire est vert et arbre vif" (Nantes, ADLA, B 2166. Avec Constance de Rosmadec, qu'il laissa veuve le 9 janvier 1442, il eurent un fils, Guillaume de Saint-Gilles, chevalier, qui le 8 juin suivant fournit au duc le minu de sa terre de Saint-Gilles. Ce Guillaume s'unit avec Jeanne de Rohan, qui devint veuve à son tour le 5 août 1462. Bertrand de Saint-Gilles, leur fils, rendit aveu pour la seigneurie de Saint-Gilles en 1464.

https://gw.geneanet.org/kerguelen29570?lang=fr&n=saint+gilles+de&oc=0&p=jean

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Ce livre d'Heures mentionne (bien-sûr) dans son calendrier la fête de saint Martin en novembre. Mais sans que cela ne le rattache à l'église de Betton. 

 

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LES SCÈNES DE LA PASSION.

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L'Arrestation du Christ, le Baiser de Judas. Saint-Pierre tranchant l'oreille du serviteur du grand prêtre. Cl. 9548.

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Panneau de 41 cm sur 42. Le fond est rouge à motif de plante grimpante à vrilles, les herbes du  sol sont représentées. La scène réunit comme c'est l'usage le baiser de Judas et l'action par laquelle Jésus au nimbe crucifère restitue à Malchus, serviteur du principal sacrificateur, l'oreille que saint Pierre vient de trancher. Les autres personnages sont deux soldats en armure et casques, et peut-être des disciples.

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Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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La Flagellation. Cl 9549.

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Panneau de 41 cm sur 49. La bordure héraldique est moderne. Même fond rouge à feuillage à trille (qualifié de clochettes par F. Gatouillat). Les bourreaux munis de leur fouet sont vêtus d'étoffes damassées à deux motifs, géométrique et de feuillages. Ils portent des chausses ou collants ajustés se prolongeant par des poulaines très effilées.

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Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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La Crucifixion. Cl. 9551.

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Ce panneau mesure 43 cm sur 48 ; il représente le Christ en Croix entouré de Marie, assise les mains croisées sur la poitrine figée sous son manteau-voile, et Jean regardant son maître en levant la main droite de façon expressive.

Bizarrement, la plaie du flanc est située à gauche.

Les trois personnages sont en camaïeu sur verre blanc, conforme aux caractères généraux des verrières bretonnes du début du XVe, tandis que les nimbes rouges apportent une touche de couleur, et que des rehauts au jaune d'argent (bois de la traverse de croix) sont distribués selon une logique qui nous échappe.

Le fond est bleu, mais toujours à feuillages et vrilles.

Le torse du Christ est restauré.

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Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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La Sortie du Tombeau, la Résurrection. Cl. 9552.

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Panneau de 42 cm sur 40. Fond rouge à rinceaux et vrilles, nimbe bleu, tout le reste en verre blanc peint en grisaille et rehauts de jaune d'argent.

La bordure armoriée est ancienne.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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Détail : les rinceaux du fond ; l'insistance sur l'écoulement du sang des plaies.

Voir :

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Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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La  Charité de saint Martin. Cl. 9553.

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Sur ce panneau de 47 cm sur 48cm, la scène est abritée sous un arc polylobé moderne (sauf les pièces de l'angle gauche et les colonnettes latérales). Le fond est vert, à feuilles trilobées. 

Toute la scène principale est, encore une fois, en camaïeu sur verre blanc, sauf le nimbe rouge du saint. Le cavalier coupe son manteau de son épée, tandis que l'indigent à peine vêtu d'un pagne, en saisit une extrémité.

Le saint est en armure et tunique damassée dorée, ses cheveux sont coupés au ras de la nuque (comme les donateurs) sous une sorte de tortil.

Le sol a été complété ; un bouche-trou en bas à droite.

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AJOURS DE TYMPAN.

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Marie-Cléophas portant le flacon d'aromates. Cl. 9554.

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Inscription M. CLEOFE, "Marie Cléophas", l'une des trois Marie fille de sainte Anne selon la tradition de la Sainte Parenté avec la Vierge, et Marie-Jacobé (qui devait figurer également sur le tympan). Elle tient le flacon d'aromates du lundi de Pâques.

La femme est vêtu, selon la mode du XVe siècle, d'une cotte ajustée au dessus de la taille avant de s'élargir en un beau drapé. Un grand voile-manteau l'enveloppe. Sa posture associe le déhanché et la projection en avant du ventre, alors en vogue. Le personnage, son nimbe, son flacon et le phylactère sont en verre blanc et grisaille.

Fond rouge à rinceaux et vrilles. Sol carrelé noir et blanc.

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Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

Les vitraux (vers 1425) de l'église de Betton, Musée de Cluny à Paris. Photographie lavieb-aile 2023.

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Les cinq panneaux  signalés au XIXe siècle et actuellement disparus :

Un donateur isolé en cotte aux armes de Saint-Gilles.

L'Agonie du Christ au Jardin des Oliviers.

La Comparution devant Pilate.

Saint Jean-Baptiste

Sainte Apollonie (ou Anastasie)

La présence d'une sainte Apollonie laisse penser que l'une des inscriptions des donateurs l'invoque en oraison.

 

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AUTRES PANNEAUX NON EXPOSÉS, EN RESERVES. BASE RMN.

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Couple de donateurs tournés vers la gauche. Inscription SANCTE PETRO--- (?). Cl.9546. Après 1501.

Ce panneau daterait du premier quart du XVIe siècle, soit un siècle plus tard que les précédents, car les armoiries de l'épouse, fascé de gueules et d'argent chargé de coquilles de gueules, permet d'identifier Catherine Grimault, épouse de Pierre Chandier dit Saint-Gilles.

Ce dernier, mort en 1537, est le fils de Bonne de Saint-Gilles, et le petit-fils de Jean de Saint-Gilles, identifié comme l'un des donateurs précédents.

Effectivement,  la mode a changé, les solerets de l'armure sont à bouts arrondis, et Catherine Grimault porte sur un surcot doublé d'hermines un manteau aux larges manches fourrées d'hermine, et une coiffe noire semblable à celle d'Anne de Bretagne. Elle porte un collier d'or à médaillon, des bagues, et, aux manches du surcot, des breloques ou boutons d'or. Le donateur est a priori agenouillé à son prie-dieu, comme en témoigne le livre ouvert devant lui.

Le lys de la manche du tabard bleu est monté en chef d'œuvre.

Inscription : SANCTE PETRUS [?] ORA PRO NOBIS. "Saint Pierre priez pour nous".

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Données historiques :

En 1424, Jean V, duc de Bretagne, nomma Jean de Saint-Gilles gouverneur de Rennes et le chargea d'augmenter les fortifications de cette ville. Ce seigneur se trouvait l'année suivante chambellan et conseiller du prince ; il mourut le 17 octobre 1435, laissant veuve Jeanne de Montauban.

La succession fut recueillie par sa fille, Bonne de Saint-Gilles, alors mariée à Guillaume de Rochefort.

Devenue veuve vers 1447, la dame de Betton se remaria -

1° à Charles de la Feuillée, seigneur de la Ribaudière, décédé en 1456 ;

- 2° à René Chandrier, seigneur de la Poissonnière ; elle mourut le 15 octobre 1487, léguant sa seigneurie de Betton à son fils, Pierre Chandrier.  Celui-ci prit le nom de sa mère, devint Pierre de Saint-Gilles, épousa en 1501  Catherine Grimault et fonda une nouvelle famille. Ecuyer de la reine Anne de Bretagne en 1495, Pierre de Saint-Gilles mourut le 25 novembre 1537, laissant Betton à son fils, Georges de Saint-Gilles (Archives de Loire-Inférieure).

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Couple de donateurs, vitrail Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Franck Raux

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Donatrice (fragment).

La provenance est-elle certaine ? On ne trouve pas les caractères précédents, le fond à rinceaux,  je pense plutôt à un vitrail normand du XVIe. La femme porte de très longues manches à revers de fourrure (hermine ?)

 

 

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"Vierge à l'enfant"(?). Inscription ---/MARIA. Cl. 9555

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Vitrail provenant de l'église de Betton : Vierge à l'Enfant Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Jean-Gilles Berizzi

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Sainte femme portant un flacon d'aromates.

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Il s'agirait de Marie Jacobé. Même attitude générale que Marie Cléophas.

Fond rouge à rinceaux.

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Marie-Madeleine (fragment réunis en mosaïque, inscription M.MAGDALE).

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Fragment de vitrail de l'église de Betton : Marie Magdeleine Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Jean-Gilles Berizzi

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Fragment de lancette avec bordure armoriée.

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Fragment de vitrail.

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Vitrail de l'église de Betton : tête de lancette à damas Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Jean-Gilles Berizzi

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Fragments de tête de lancette. Gables crénelés et pinacles gothiques.

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Fragment de vitrail provenant de l'église de Betton. Photo RMN éclaircie.

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Fragment de vitrail provenant de l'église de Betton Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Jean-Gilles Berizzi

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Fragment de vitrail provenant de l'église de Betton : gâble Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Jean-Gilles Berizzi

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Fragments de tête de lancette.

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Cl. 9555b. Sommet d'une tourelle sur fond damassé rouge. Databt vers 1420-1430, avec compléments modernes.

Tête de lancette, vitrail provenant de l'église de Betton Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Franck Raux

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Tête de lancette, vitrail provenant de l'église de Betton Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Franck Raux

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Fragment de vitrail à crénelage sur fond rouge damassé de feuillages.

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Fragment de vitrail provenant de l'église de Betton : mouchette Photo (C) RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / Jean-Gilles Berizzi

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Fragments de mouchette du tympan. Rose rouge et rinceaux à vrilles et feuilles trilobées.

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FRAGMENTS CONSERVÉS À RENNES, MUSÉE DE BRETAGNE.

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Ces panneaux ont été détenus par Ramé, magistrat et archéologue à Rennes, après leur mise en vente en 1874, et ce dernier les confia au Musée de Bretagne (aujourd'hui Les Temps Libres) en 1877.

Ils furent exposés à partir de 1963 dans les anciens locaux du musée, puis transférés dans les nouveaux locaux où ils se trouvent en réserves sous les n° d'inventaires 876.0019.1, 876.0019.2 et 876 00193.

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Le Christ en croix entouré du Tétramorphe, oculus. Inscription INRI /S.MATTEUS:S. LUCAS : S. MARCUS/ IOANNES. Premier quart XVe siècle.

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Cet oculus quadrilobé de 34 cm a été monté dans un verre sombre pour sa présentation. Le Christ en croix, au nimbe crucifère sous le titulus INRI est entouré dans les lobes des  symboles des quatre évangélistes tenant un phylactère à leur nom en latin, l'ensemble en grisaille et jaune d'argent sur verre blanc.

F. Gatouillat et M. Hérold indique que le montage original devait comporter cinq panneaux indépendants, car on trouve des marques de fer circulaire autour de l'oculus sur 2 à 3 cm, et car les lobes sont rognés et "cousus" à la forme principale .

 

Christ et Tétramorphe. Copyright Musée de Bretagne Numéro d'inventaire : 876.0019.3

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La Vierge et saint Jean au calvaire : panneaux en forme de têtes de lancettes trilobées.

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Ces deux panneaux de 39 cm sur 53 cm ont été insérés dans un verre noir moderne pour leur présentation. La Vierge et saint Jean, dont seuls les vêtements sont en verre coloré, sont debout sur des tertres traités en grisaille et jaune d'argent sur fond blanc.

La plus grande pièce du manteau bleu damassé est un bouche trou (du XIXe ?).

 

Panneau figurant la Vierge au calvaire (sommet de lancette).Numéro d'inventaire : 876.0019.1

 

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Le site du Musée de Bretagne indique en titre, bien sûr par erreur "Saint Jean-Baptiste", mais la légende rectifie la description.

Panneau figurant Saint Jean au pied de la croix (sommet de lancette).Numéro d'inventaire : 876.0019.2

 

 

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SOURCES ET LIENS.

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BASES PHOTOS RMN :

https://art.rmngp.fr/fr/library/artworks?k=betton

DEUFFIC (Jean-Luc), 2019, Le livre d'heures enluminé en Bretagne, Brepols, page 321.

— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005,  Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, France VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, p. 200.

RAISON (Abbé J.), 1934, Souvenirs de l'ancienne église de Betton, B. et Mem. Société archéologique d'Ille-et-Vilaine t. LX p. 103-111.

"L’abbé Guillotin de Corson disait dans son Pouillé (Pouillé, IV, p. 157), en parlant de la verrière de Betton « La destruction en est fort regrettable ». Il ignorait donc, quatre ans après l’évènement, que les vitraux s’en étaient allés à Paris, ce qui donne à penser que ce départ fit peu de bruit. La Société archéologique d’Ille-et-Vilaine avait, en vain, essayé de les sauver [Note : Mémoires de la Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine, X, p. XXV « M. du Breil Le Breton fait connaître que M. le Curé et M. le maire de Betton seraient disposés à vendre à la Société le bénitier et le baptistère provenant de l’ancienne église de cette paroisse. Des démarches seront faites pour arriver à la réalisation de cet achat. M. le président (M. André) signale a cette occasion la maîtresse-vitre de cette église représentant la Vie de Saint-Martin (Ce qui est une erreur). Mais la Société ne peut en faire l’acquisition. Elle est déjà embarrassée des Vitraux provenant de la chapelle Saint-Yves (de Rennes), qu’elle ne peut placer d’une manière convenable »]. [...] Les vitraux de Betton partirent pour Cluny, en 1879. Ils devaient être en assez piteux état puisque, en 1862, on les classait déjà au rang des choses abandonnées. Ils n’étaient pas inconnus de tout le monde, Pol de Courcy les avait signalés dans le Guide de Rennes à Saint-Malo (page 355) ; Paul de la Bigne-Villeneuve, dans la Bretagne contemporaine (page 20) ; Ogée, dans le Dictionnaire de Bretagne (I, p. 84), le chanoine Brune dans son Cours d'Archéologie (page 153) et enfin M. André, dans son travail sur la Verrerie et les Vitraux peints dans l’ancienne province de Bretagne (Mémoires de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine, XII, p. 154).

Jusqu’ici, on n’a jamais essayé de les décrire, ou plutôt les auteurs qui se sont occupés de la question en ont parlé sans les avoir vus. Je vais essayer de combler cette lacune en me servant des notes que j’ai prises sur place, lors d’une visite au musée de Cluny, et d’un document précieux, conservé au Musée archéologique de Rennes c’est un croquis de M. Ramé, remontant à 1860, et présentant, avec le schéma du vitrail, l’indication des scènes figurées aux différents panneaux. Il y en a quinze, divisés par séries de trois [Note : M. Ramé les classe ainsi, par rangées de trois, en commençant par le sommet : « Tête de cardinal, XVIème (siècle). Fragment. Id. - Flagellation, Crucifixion, Résurrection. - Saint Jean-Baptiste, Saint Martin, Saint Gilles, donateur. - Saint Gilles. Com (sic) dans prison. Jésus devant Pilate. - Saint Gilles. Baiser de Judas. Saint Gilles et ses fils ou femme ». Note marginale « La bande porte d’argent à deux sequins »].

Dans le catalogue de M. du Sommerard, on lit « Vitraux de l’église de Betton, donnés à l’une des chapelles de ce monument au XVIème siècle par les seigneurs de Saint- Gilles et exécutés à Rennes. Les six premiers représentent les donateurs de la famille de Saint-Gilles, qui occupait un rang honorable à la Cour du duc Jean V. Ils sont à genoux et en prières. Le sixième est d’une époque postérieure et ne remonte pas au delà du XVIème siècle » (Page 157, numéros 1897-1913).

On peut apporter quelques compléments à ces indications sommaires. Le panneau catalogué au numéro 1898 représente un donateur et une donatrice. Le chevalier est revêtu d’une cote armoriée d’azur à des fleurs de lys d’argent. Deux phylactères sont illisibles. Il en est de même pour les numéros 1902 et 1906. Le premier de ces panneaux présente des arceaux gothiques. Sur le panneau N° 1901, le donateur à genoux tient un livre. Il a une cote armoriée, aux couleurs déjà décrites. La Dame qui l’accompagne porte une robe rouge, avec fourrure, sur laquelle se détachent deux coquilles. Deux phylactères sont illisibles. Impossible de dire où étaient placés ces panneaux dans le vitrail de Betton. Ils étaient d’ailleurs présentés sans ordre, ainsi qu’il appert pour les scènes de la Passion.

Celles-ci, à Betton, étaient au nombre de cinq. On les retrouve à Cluny sous les numéros suivants 1904, le baiser de Judas ; 1905, la Flagellation ; 1906, le Christ devant Pilate ; 1907, le Calvaire ; 1908, la Résurrection. Une difficulté surgit ici : le panneau catalogué 1903, représente l'Agonie au Jardin des Olives. M. Ramé n’en parle pas. Le panneau 1904, représentant le Baiser de Judas comporte un fonds rouge et des personnages peints en blanc. Il en est de même pour la Flagellation. Ici, sur les côtés, apparaît une bande bleue semée de fleurs de lys d’argent. Les bourreaux sont du nombre de deux. Le panneau de la Crucifixion est à fonds bleu et celui de la Résurrection à fonds rouge avec bande bleue, fleurdelysée. Quelques-uns de ces panneaux ont perdu le numéro du catalogue. On les reconnaît uniquement grâce aux armoiries des Saint-Gilles. Les salles elles- mêmes du musée n’ont pas toutes de numéros. Les vitraux doivent se trouver dans la XXIVème et la XXVème (Note : Ces panneaux ont 0 m. 40 de hauteur et 0m.48 de largeur). Les trois derniers panneaux représentent les saints patrons de la famille de saint Gilles au numéro 1910 figure saint Jean-Baptiste ; le numéro 1911 est consacré à sainte Appollinie (sic). Il doit correspondre au panneau appelé par M. Ramé : Com dans (une) prison. Le numéro 1909 représente saint Martin. Ce dernier panneau est le plus connu, grâce à Guillotin de Corson qui a écrit dans le Pouillé (IV, page 157) : La verrière de Betton « représentait la légende de saint Martin de Tours, patron de la paroisse ». Cette erreur fut reproduite par plusieurs auteurs, ainsi que celle-ci : « On y voyait le blason des saint Gilles ». Ce panneau, consacré à l’évêque de Tours, est sur fond vert, les habits du saint sont blancs et l’auréole est rouge. Le dessin, très pauvre, laisse bien au-dessus de lui le vitrail de la chapelle de la Vierge dans l’église des Iffs, le plus médiocre de la série. Quant à la tête de Cardinal qui signale M. Ramé dans son croquis, elle ne figure pas au musée de Cluny. Tous ces panneaux appartenaient à la verrière placée au-dessus du maître-autel. Mais la chapelle des seigneurs de Saint-Gilles possédait aussi un vitrail. De ce dernier des fragments subsistent à Cluny et même à Rennes. Furent-ils placés au somment de la grande vitre, dans les deux panneaux que le dessin de M. Ramé désigne sous le nom de fragments. Je ne le crois pas. Voici en effet ce qu’en dit le catalogue de Cluny au numéro 1912 : « Fragments des grandes verrières de l’église de Betton. Figures de femmes en costume du XIVème siècle. Grisailles sur fond rouge, avec la légende L. CLEOFE (une des saintes femmes, Marie Cleofas).

1913, Fragment analogue. La Vierge tenant dans ses bras l'Enfant Jésus : Grisaille relevée d’or sur fonds rouge. Hauteur, 0 m. 38. Ces deux motifs faisaient partie de la décoration des arcatures dont les autres fragments n’ont pu être conservés. Ces vitraux sont restés en place jusqu’au moment de la destruction de la chapelle Saint-Gilles. Ils ont été acquis par le musée en 1879, en même temps que les fonts-baptismaux et le bénitier de Betton » (Catalogue du Musée de Cluny).

Au musée de Rennes figure un quatrefeuille avec le Christ en croix, entouré des quatre évangélistes (Catalogue du Musée de Rennes. 3ème édition. N° 4.316, Don de M. Ramé). D’autres fragments présentent la figure d’une sainte femme. Les tons et le dessin sont très supérieurs à ceux des fragments de la grande verrière. "(Abbé Raison - 1934).

— SOMMERARD (Alexandre Du ),1834, Notices sur l'Hôtel de Cluny et sur le palais des Thermes: ... - Page 150

https://www.google.fr/books/edition/Notices_sur_l_H%C3%B4tel_de_Cluny_et_sur_le/_u4TAAAAQAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=chapelle+de+l%27h%C3%B4tel+de+cluny+%22phylact%C3%A8res%22&pg=PA150&printsec=frontcover

https://fr.wikisource.org/wiki/Notices_sur_l%E2%80%99h%C3%B4tel_de_Cluny_et_le_palais_des_Thermes/Table_des_mati%C3%A8res

TUDCHENTIL, A. De la Pinsonnais : Saint-Gilles.Preuves pour la Grande Ecurie (1687)

 

https://www.tudchentil.org/spip.php?article315

MES VITRAUX FAVORIS

http://www.mesvitrauxfavoris.fr/Supp_c/musee_cluny_paris.htm

 

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Héraldique
17 février 2023 5 17 /02 /février /2023 17:59

La maîtresse-vitre (vers 1550 et 3e quart XVIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  

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Voir aussi :

 

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 Voir les 29 Passions des verrières du Finistère au XVIe siècle  dont beaucoup  sont dues à l'atelier Le Sodec à Quimper. Le Corpus Vitrearum VII permet d'en dresser une chronologie :

et dans le Morbihan :

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 On attribue aussi à l'atelier des Le Sodec les vitraux suivants :

 

 

 

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PRÉSENTATION.

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L'église et les éléments de datation.

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L'église paroissiale Saint-Idunet, dédiée à saint Idunet,  est en forme de croix latine. Sa  nef obscure à cinq travées avec bas-côté, complétée par un transept et un chevet rectangulaire, daterait des alentours de 1520, quoique ses sablières sous la charpente lambrissée portent le chronogramme 1544. Le porche latéral sud dont le toit est en forme de carène renversée date de 1687 et porte l'inscription "P. Bourchis cu(ré) 1687. F. Peronic. Fab. Gr. Peronic. Fab. Noble et discret Mi Michel de Kerguen R. Il Blanche". La sacristie date de 1675 et porte l'inscription "D. Mauricius. Gueguen. R. 1675 - M. P. Le Bourchis C. Mi. Le Bourchis P. M. G. Perennec. Cl. Le Gallou. Fa. Y. Le Cor. G. Queinnec F. A. Talidec Ma.".

Le clocher, dont les cloches datent de 1602 et de 1646, a été remonté et restauré vers la fin du 17e siècle, et la tour, à une galerie, porte la date de 1709.

La sacristie date de 1675 et porte l'inscription "D. Mauricius. Gueguen. R. 1675 - M. P. Le Bourchis C. Mi. Le Bourchis P. M. G. Perennec. Cl. Le Gallou. Fa. Y. Le Cor. G. Queinnec F. A. Talidec Ma.".

A l'intérieur, sur la maîtresse-vitre,  d'importants fragments d'un vitrail de la Passion et d'un autre du Jugement Dernier ont été remonté, qui remontent aux alentours de 1550 .

 L'église abrite les statues de la Vierge-Mère, saint Idunet (datée de 1562), saint Hervé en pierre, saint Michel, saint Herbot, une Pietà et le Baptême de Notre-Seigneur (en pierre et datée de 1563). 

 

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Description.

 

 

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La baie 0 comporte 4 lancettes dont le décor est réparti en 3 registres horizontaux, et un tympan à 15 ajours. Elle mesure 5,00 m. de haut et 2,80 m. de large.

En 1667, le vitrier Jean Le Bodolec fut chargé de réparer les verrières et de poser des vitres neuves.

La verrière a été déposée en 1959, puis restaurée par Jean-Jacques Gruber et reposée en 1971.

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La maîtresse-vitre (vers 1550 et 3e quart XVIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

La maîtresse-vitre (vers 1550 et 3e quart XVIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

La maîtresse-vitre (vers 1550 et 3e quart XVIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

La maîtresse-vitre (vers 1550 et 3e quart XVIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

 

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LES 4 LANCETTES.

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La maîtresse-vitre (vers 1550 et 3e quart XVIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

La maîtresse-vitre (vers 1550 et 3e quart XVIe siècle) de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

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La lancette A (à gauche) : éléments d'un Jugement Dernier.

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Un Jugement Dernier  datant sans doute des année 1550, occupait vraisemblablement la baie 4, à trois lancettes. Ses éléments très fragmentaire, ont été remontés sur les lancettes A et D, dans une vitrerie moderne. On y retrouve des panneaux très semblables à ceux, également fragmentaire, de l'église de Kergoat en Quéménéven. Le style est celui de l'atelier quimpérois du milieu du XVIe siècle.

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Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

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En haut, un ange  soufflant dans la trompette annonçant la résurrection des morts et le Jugement. Un homme sortant du tombeau et implorant, un autre s'élevant vers l'ange. Complément de fragments hétéroclites.

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Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

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L'ange porte un bandeau d'or dans les cheveux et une robe damassée verte.

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Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

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En bas, un ange guide un élu vers les Cieux.

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Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

La maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.

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La lancette D (à droite) : éléments d'un Jugement Dernier. Vitrerie décorative de 1970.

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Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

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En haut, fragments d'une scène où des diables (bleu ; rouge; jaune) entrainent des damnés.

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Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

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En bas : trois diables (vert ; orange ; rouge) tourmentent des damnés qu'ils entrainent vers la gueule du Léviathan.

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Emploi de rouge clair (doublé) altéré par endroit.

 

Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

Le Jugement dernier (vers 1550) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.  Photographie lavieb-aile 2022.

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Note n°1. Comparaison avec le Jugement Dernier (1520-1525) de la baie 2 de l'église Saint-Thurien de Plogonnec.

 Les vitraux de l'église Saint Thurien de Plogonnec II : le Jugement dernier.

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Le Jugement dernier de l'église de Plogonnec.

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Note n°2. Comparaison avec les fragments d'un Jugement Dernier (vers 1540) en baie 7 et 9  de la chapelle Notre-Dame de Kergoat en Quéménéven.

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fragments d'un Jugement Dernier (vers 1530-1540) en baie 7 et 9  de la chapelle Notre-Dame de Kergoat en Quéménéven

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fragments d'un Jugement Dernier (vers 1530-1540) en baie 7 et 9  de la chapelle Notre-Dame de Kergoat en Quéménéven

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fragments d'un Jugement Dernier (vers 1530-1540) en baie 7 et 9  de la chapelle Notre-Dame de Kergoat en Quéménéven

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3°) Comparer avec le Jugement dernier de l'église Saint-Pierre de Beauvais, datant de 1522 et attribué à l'atelier d'Engrand Le Prince :

https://www.lavieb-aile.com/2016/04/les-vitraux-anciens-de-l-eglise-saint-etienne-de-beauvais-baie-n-6-le-jugement-dernier.html

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Les lancette B et C  : registre supérieur : éléments d'une Passion (vers 1550) :  La Vierge et saint Jean assistant à la Crucifixion.

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Cette Passion ne présente aucun rapport avec la production quimpéroise contemporaine.

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Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

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Lancette B : La Vierge et Jean. Fond de paysage (Jérusalem) en grisaille sur verre blanc ou bleuté. Nuages cernés d'un plomb. Voile de Véronique.

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Visage de la Vierge restauré.

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Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez.   Photographie lavieb-aile 2022.

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La lancette C, registre supérieur : la Crucifixion. Fond de paysage (Jérusalem) en grisaille sur verre blanc ou bleuté. Nuages cernés d'un plomb.

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Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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On notera l'insistance portée sur l'écoulement du sang des cinq plaies et de la tête.

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Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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La lancette B  : registre moyen : éléments d'une Passion (vers 1550) :  Le couronnement d'épines.

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Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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La lancette B  : registre moyen : éléments d'une Passion (vers 1550) :  comparution du Christ  devant Caïphe.

Moitié inférieure restaurée.

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Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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La lancette  : registres moyens : éléments d'une Passion (vers 1550) :  Agonie au Mont des Oliviers et comparution du Christ  devant Pilate (tête du Christ restaurée).

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Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Éléments d'une Passion ( 3e quart XVIe siècle) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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LE TYMPAN.

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Au sommet, le buste du Christ-Juge, entouré  de fragments évoquant  l'épée et le lys.

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Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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Sur la tête du Christ ressuscité montrant ses plaies et vêtu du manteau pourpre de sa victoire sur la Mort, le nimbe crucifère contient un fragment d'un verre bleu gravé.

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Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

 

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Rang supérieur, côté gauche :  parmi les fragments du Jugement Dernier en ré-emploi, le buste d'une sainte, la tête d'une autre sainte, et des anges au front ceint d'un bandeau.

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Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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Rang supérieur, côté droit :  parmi les fragments du Jugement Dernier en ré-emploi, saint Pierre et des angelots.

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Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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Au rang intermédiaire, des anges tenant les instruments de la Passion. Au rang inférieur, quatre anges  datant de 1970, et des soleils ondés du XVIIe siècle.

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Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970)  de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

Tympan ( 3e quart XVIe siècle, 1970) de la maîtresse-vitre de l'église Saint-Idunet de Trégourez. Photographie lavieb-aile 2022.

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SOURCES ET LIENS.

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— ABGRALL (Jean-Marie), 1901, BDHA page 151 : statistique monumentale des vitraux peints.

https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/9dfa6dac00e1a2ee864f8c28b17defea.pdf

— ABGRALL (Jean-Marie), 1914, Architecture bretonne. Etude des monuments du diocèse de Quimper, A. de Kerangal Quimper, 

 

COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Trégourez, Notice extraite de : Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine.

https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/11f67d5b790259d5e88147762dfe6e34.pdf

— COUFFON (René), 1945, La peinture sur verre en Bretagne, Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne (SHAB) pages 27 à 64.

https://www.shabretagne.com/document/article/2531/La-peinture-sur-verre-en-Bretagne-Origine-de-quelques-verrieres-du-XVIe-siecle

— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005,  Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, France VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, p. 200.

— INFOBRETAGNE

http://www.infobretagne.com/tregourez.htm

— INVENTAIRE GENERAL 1966

https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/9a06828e-20a5-40a7-92c1-b8d45ff5397d

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00090462

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/APMH0244707

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Chapelles bretonnes
16 février 2023 4 16 /02 /février /2023 21:45

 

Onomastique de Moby Dick. Onomastique et humour : Mes notes de lecture de Moby Dick.

. Où je re-publie, pour l'anniversaire de ses dix ans, mon article afin de  le dépoussiérer.

Voir aussi :

 

 

                                "Il aimait à épousseter ses vieilles grammaires ; d'une certaine manière, cela lui rappelait qu'il était mortel." Herman Melville, Moby Dick.

 

  Sur quel océan me suis-je embarqué ? Le fond de cet article ne pourrait jamais être sondé, fût-ce avec une ligne de 18 fils de 120 brasses. J'abandonne toute idée d'exhaustivité ; ce ne sera qu'une esquisse, que dis-je, même pas : l'esquisse d'une esquisse ; que Dieu me garde de jamais rien parfaire. Je publie en l'état.

 

I. ONOMASTIQUE.

   S'il est un livre qui s'attache avec humour à l'origine des noms, comment cela ne serait-il pas Moby Dick ? Melville n'a-t-il pas dressé Humour et Étymologie comme deux marraines qui président au lancement de l'ouvrage, deux fières cariatides soutenant l'édifice, lui qui débute par son Étymologie (fournie par un pion de collège qui mourut tuberculeux) et la fait suivre par un petit prologue de ses Extraits, autoportrait en bibliothécaire parcourant l'océan des rayonnages, naviguant sans fin sur la mer Vaticane qui est un des grands bonheurs de la littérature comique? [si réussi, si hilarant que je résiste difficilement à me payer le plaisir de le recopier ici].

  Comment Melville choisissait-il les noms de ses personnages et de ses navires ? Glissait-il au hasard la lame acérée de son vistemboir sur la tranche dorée de sa Bible et de ses Encyclopédies pour y trouver, désigné par le doigt de Dieu, le nom de baptême de ses héros ? Pour trouver la réponse à cette question, il suffit d'inscrire sur son moteur de recherche "Onomastique" et Moby-Dick". Las, aucune réponse réelle sur les 1870 propositions (seulement). Allons, il suffit de consulter la riche bibliographie de l'édition Pléiade de Melville ! Aucun ouvrage, aucun article ne s'y consacre. L'onomastique de Moby-Dick, avec ces centaines de noms d'auteur, serait-il un serpent-de-mer qu' aucun universitaire n'oserait se vanter d'avoir capturé ? Impossible. Je suis, seulement, un piètre explorateur des immensités textuelles, et, dans quelque réserve, les mémoires consacrés à ce sujet mythique attendent, jalousement gardés par un directeur de thèse attendant sa grande heure, une triomphale publication sous son nom. 

  Ou encore, la Bête onomastique trop pourchassée aurait-elle sondé ?

Croulant sous son propre poids, le Sujet en or aurait-il été détruit par quelque Moïse par ordre d'un Éditeur jaloux ?

Ce vase séphirotique trop riche des 777 noms propres de l'Œuvre se serait-il brisé en d'innombrables étincelles qui, désormais mêlées à des scories qélipothiques et éparpillées dans les foot-notes de milliards d'ouvrages, ne pourraient plus être rassemblées ?

 Qu'adviendra-t-il de ce misérable blog s'il se lance à la quête de ce Graal ? Est-ce ici le Lieu secrètement désigné depuis cent cinquante ans pour en voir, sonnez haut-bois, résonnez musettes, le joyeux avènement en l'humble étable dont je serai l'âne? Ah, avec quel enthousiasme alors viendrais-je alors réchauffer de mon museau le petit être et lui faire les marionnettes avec mes oreilles !

 Je m'embarque vers ces espaces infinis :

 

0) préliminaire : les Extraits.

  Après avoir placé ses cariatides, Melville nous fait parcourir un long couloir (p.5-20)* où sont suspendus les portraits des Auteurs Illustres ; où, si l'on veut, il nous fait visiter les in-folio et volumes empoussiérés de sa bibliothèque, histoire de dire que Moby Dick, placé sous leur patronage, en est nourri. A bon entendeur, à bon harponneur de clef pour une onomastique, salut !

* mes références renverront à la dernière édition française de Moby-Dick, traduction de Philippe Jaworski, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2006.

 Or, cette théorie d'écrivain est ordonnée en une architecture savante :

  • d'abord, la Bible (  la Genèse, puis Job précédant Jonas, puis Isaïe et les Psaumes),
  • puis les auteurs latins (Plutarque, incontournable pour nos aïeux, Pline, même commentaire, puis Lucien, l'auteur satirique dénonçant les impostures religieuses ).
  •  Vient alors une citation de Le Périple d'Other ou Other, récit recueilli par le roi Alfred le Grand, AD 890. Il a été publié en latin par André Bussæus sous le titre Periplus Otheri et Wulfstani ab Alfredo, rege Angliae descriptus, Copenhague, 1744, in-8°. C'est, telle une saga, le récit de voyage de Other, norvégien de Halogaland (Nordland) qui avait visité la Mer Blanche. Cet auteur est cité par Bory de Saint-Vincent dans son Dictionnaire Classique d'Histoire Naturelle vol.3 p. 416.
  • Puis deux auteurs français, et non des moindres, Montaigne et Rabelais : c'est dire si le crible critique, le scepticisme et le renversement carnavalesque des valeurs vont être au rendez-vous. C'est l'Apologie de Raymond Sebond de Montaigne qui est citée ; et on sait qu'alors que Sebond confiait à l'homme une place centrale et sommitale au sein de la création, la dignité de l'homme se justifiant par le fait que l'homme occupe le sommet de la hiérarchie des êtres, que Dieu l'a façonné à son image de telle sorte qu'il soit capable, par l'exercice de la raison, de s'élever jusqu'au divin, Montaigne démontre bien l'inverse, critiquant le rationalisme et écrivant : " Est-il possible de rien imaginer si ridicule que cette misérable et chétive créature, qui n'est pas seulement maîtresse de soi, exposée aux offenses de toute chose, se dise maîtresse et emperière de l'univers, duquel il n'est pas en sa puissance de connaître la moindre partie, tant s'en faut de la commander." Allez chasser la baleine avec une telle philosophie à bord ! La citation que donne Melville est très peu explicite, et il semble avoir volontairement donné de chaque auteur des citations si brèves et si dénuées de sens quoique contenant le mot whale que cela ressemble, soit à une parodie insensée d'un catalogue médiéval (où la simple citation d'un ancien "autorise", valide le texte), soit aux citations d'un dictionnaires, simples exemples de l'usage d'un terme ne se préoccupant pas de leur sens. Ici, il donne l'extrait où Montaigne parle du Gayet de mer, poisson pilote qui accompagne les cétacés (mais aussi les squales) pour le guider sans se faire manger. Si on se rapporte à la source Livre II chapitre XII, on découvre qu'il s'agit d'une démonstration des qualités des sociétés animales, égales ou supérieures aux sociétés humaines comme en témoigne les manchettes: Le chien plus fidèle que l'homme...Noble gratitude d'un Lion...Société qui s'observe entre les animaux...entre la baleine et un petit poisson. A noter que ces exemples sont repris de Plutarque.
  •  Enfin, et enfin seulement, presque 70 citations d'auteurs plus ou moins anglais (où surnage le français Cuvier [Le régne animal Vol. 1 p. 174]: "Les cétacés sont les mammifères sans pieds de derrière"). Là encore, elles sont si brèves que le sérieux de leur référencement bibliographique est détruit par la corrosion de l'absurdité de leur succession ; certaines affirment savamment que l'on ne sait rien des cétacés ("Le savant Hosmannus dans son œuvre de trente années dit clairement : Nescio quid sit."). De ce salmigondis où se mêlent en une danse sarcastique Darwin, Hawthorne, Goethe, les chants de Baleiniers, Fenimore Cooper, les récits de mer, des coupures de journaux et fragments de dictionnaires, il ne ressort rien d'autre que l'image dérisoire des prétentions humaines au Savoir.

1. Le Titre : Moby-Dick.

 Il aurait fallu commencer par lui ; mais on trouve partout les explications nécessaires. Je rappelle que :

a) Le premier titre prévu était The Whale, Le Cachalot. Cela explique que les étymologies et les citations des Extraits viennent illustrer le mot whale.

b) Au dernier moment de l'édition, en septembre 1851 (le livre sera publié à Londres le 18 octobre), Melville change ce titre pour Moby-Dick.

c) L'édition anglaise est publiée sous le titre The Whale et, en sous-titre, or, Moby-Dick.

d) L'édition américaine sortira le 14 novembre 1851 sous le titre Moby-Dick ; or, The Whale.

e) Le nom de Moby-Dick ne réapparaît, après sa mention dans le titre qu'à la page 189 (de l'édition française) au chapitre 36, prononcé par Tashtego, et repris par Achab: — Moby Dick ? hurla Achab. Tu connais donc le cachalot blanc, Tash ? . Moby Dick est le nom de titre du chapitre 41.

Influence du nom Mocha Dick.

 On estime que Melville s'est inspiré du récit de Jeremiah N. Reynolds, "Mocha Dick ou le Cachalot blanc du Pacifique", publié dans le magazine populaire new-yorkais The Knickerbocker en mai 1839 très peu de temps avant l'embarquement de Melville, à vingt ans, sur un navire marchand vers Liverpool.

Le titre original est Mocha Dick, or The White Whale of the Pacific: A Leaf from a ManuscriptJournalThe Knickerbocker XII, 1839, pp. 377-392.

C'est le récit, par le second d'un baleinier de New York, de sa capture d'un cachalot , "blanc comme la laine", un vieux mâle solitaire, monstre célèbre parmi les marins pour être sorti victorieux de cent combats, et pour sa taille et sa force exceptionnelle. Ce redoutable animal surnommé aussi The Stout Gentleman, "le gros monsieur", était à cette époque si réputé que sa prise avait valu à l'officier la réputation la meilleure parmi les harponneurs de Nantucket Outre sa couleur, il se distinguait par son souffle qui, au lieu de se diriger vers l'avant selon une ligne oblique, accompagné de brefs hoquets, s'élevait par son nez en une haute fontaine verticale d'un vaste volume, à intervalles réguliers assez espacés les uns des autres, dans un grondement continu, "comme la soupape de sécurité d'une puissante machine à vapeur". Les balanes ou bernaches, qui salissent si facilement les carènes des navires mais se fixent rarement sur les cachalots, étaient si développées sur sa tête (il s'agit de whale barnacle, plus simplement corolunidae) qu'elles étaient agglomérées pour la couvrir entièrement.  Il aurait été vu pour la première fois avant 1810 près de l'île de Mocha qui donna son nom au vieux Dick.

 Cette île montagneuse des côtes chiliennes, de 49 km de long, est située à 38° 22′ Sud et  73° 54′ Ouest au large de la province Arauco. Selon Isidore Duperrey, qui y fit escale à bord de la corvette La Coquille, l'île avait été le point d'atterrissage favori des premiers navigateurs pénétrant dans les mers du sud et soucieux d'échapper aux tracasseries des espagnols : Francis Drake en 1578, Olivier Van Noord en 1600, l'amiral Spilbergen en 1615 et bien d'autres, y étaient accueillis par des Indiens de souche, qui voulaient bien leur offrir moutons, volailles ou fruits et les ennivrer de Chicha, mais leur refusaient, rigoureusement, l'entrée de leurs demeures et de leurs femmes. Le mouillage fréquentè par les baleiniers se trouvait, et se trouve peut-être encore, sur la côte nord. Ils y faisaient aiguade d'une eau pure, s'avitaillaient de cochons sauvages dont ils vantaient la délicatesse de la chair, des légumes et des fruits mais "l'imprévoyance de leur caractère prodigue et insouciant de l'avenir" fut telle que Duperrey trouva l'île déserte. Le souci onomastique exigerait de découvrir l'origine du toponyme Mocha, terme à l'évidence espagnol, mais cela supposerait quelque connaissance linguistique plus sérieuse que celle que procure la consultation du dictionnaire : Mocha adj.f. "émoussée", "étêtée". S'applique mal à un cachalot dont la tête, qui pèse seize tonnes, représente le tiers du cétacé.

  Je rappelle que si la plupart des cétacés portent sur la tête un melon, organe de tissu gras servant de régulateur de flottabilité, les cachalots s'enorgueillisent de porter en guise de coiffure/burette d'huile un spermaceti, qui détrône définitivement tous les bearskin , les bobs, bonnets, bibis, bérêts, bollenhuts, zé autres borsalinos.

                               Dessin d'un cachalot avec une vue du squelette en comparaison, au-dessous. (Wikipédia Cachalot)

 

 Comme les loups blancs et les merles blancs, les cachalots blancs ne sont pas des unicum, et si cet exemplaire d'in-folio portait un nom propre et se faisait reconnaître, c'est que, outre sa reliure en velin immaculé, il portait quelque ex-libris laissé par des humains qui avaient eu l'imprudence, ou l'audace, d'aller le consulter : en l'occurence, il s'agissait des fers de harpons qui hérissaient son dos, accompagnés, selon Reynolds, de 50 à 100 yards de ligne. Cent yards (ou verges) de trois bons pieds anglais, cela représente tout-de-même une traîne de 91,4 mètres, quoiqu'on puisse supposer que les mensurations données par Reynolds soient cumulatives des quantités de cordages qui, tels les paperoles de Proust, attachaient les Forget-me-not de chaque harponneur, par autant de fers, au corps tant recherché.

 

  — Dick, diminutif de Richard, renvoie à l'habitude des baleiniers d'attribuer des prénoms aux cachalots les plus combattifs ; dans le texte de Reynolds, Mocha Dick est nommé simplement Dick. Les cachalots sont aussi désignés sous le terme de "old bull" ou "old sog".

— Mocha : "originaire de l'île Mocha".

 

Influence de Bobby, Johny, etc...

  Si on oublie que , selon une note énigmatique n°27 de la page 166 de The Trying-out of Moby-Dick (1949) de Howard P. Vincent , "un auteur", qu'il ne cite pas, prétend que ce Mocha Dick était aussi nommé Moby Dick, si on se débarasse comme d'un scrupule (scrupulum, "petit caillou" de cette footnote,  on peut penser que Melville est le créateur de ce nom de Moby Dick, récupérant le nom Mocha Dick pour le rendre plus conforme à ses intuitions créatrices. Il a donc modifié Mocha en Moby , et donc -cha en -by, ce qui, à mes oreilles, sonne comme un diminutif affectueux de prénom rappelant Johny, issu de John, Bobby issu de Bob, ou Roby issu de Robert. Bref, Melville forgea, à partir de Mocha, une forme hypochorique rejoignant les Jacky et les Jakey, les Juddy et les Jerry, les Amy, les Nancy, les Barbie, les Davy et les Danny, les Gerry et les Franckie, les Sally, les Mary, les Molly et les Teddy, les Jimmy et les Betty, les Maggy et les Peggy, Stevie, Susy, Bobby, Billy, Wally, Willy, et les Micky, et les Kimmy, pour finir avec les Laury.

 

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Influence du Livre de Job et du Livre de Tobie.

Mais le mot m'évoque aussi la sonorité de Job, un nom qui hante tout le roman, et celui de Toby. Je me plais donc à penser que l'imaginaire de Melville a procédé à la fusion de Mocha, Job et Toby pour produire Moby. Il a conservé, pour honorer quelque vieux Richard, (the old Rick, Ritchie, Ritchie-Dickie) le Dick final qui claque comme un coup de fouet frappé par la queue du cachalot.

L'influence du nom Toby est bien probable. Toby est un prénom répandu dans le monde anglo-saxon. En France, il évoque d'abord le prénom biblique Tobie et le Livre de Tobie, (de l'hébreu Tobi, "mon bien" et Tobiah, "Dieu est mon bien") mais on doit se remémorer que le chapitre 6 de ce Livre mentionne "un énorme poisson" très comparable à celui, beaucoup plus connu, de Jonas :

  "Tobie partit, suivi du chien, et il fit sa première halte près du fleuve du Tigre. Comme il descendait sur la rive pour se laver les pieds, voici qu'un énorme poisson s'élança pour le dévorer. Effrayé, Tobie poussa un grand cri, en disant: " Seigneur, il se jette sur moi! " L'ange lui dit: " Prends-le par les ouïes et tire-le à toi. " Ce qu'ayant fait, il le tira sur la terre sèche, et le poisson se débattit à ses pieds. L'ange lui dit: " Vide ce poisson, et conserves-en le coeur, le fiel et le foie, car ils sont employés comme d'utiles remèdes. " Il obéit; puis il fit rôtir une partie de la chair, qu'ils emportèrent avec eux pour la route; ils salèrent le reste, qui devait leur suffire jusqu'à ce qu'ils arrivassent à Ragès, ville des Mèdes. Et Tobie interrogea l'ange, en disant: " Je te prie, Azarias mon frère, de me dire quelle vertu curative possèdent les parties de ce poisson que tu m'as commandé de garder. " L'ange lui répondit: " Si tu poses sur des charbons une petite partie du coeur, la fumée qui s'en exhale chasse toute espèce de démons, soit d'un homme, soit d'une femme, en sorte qu'ils ne peuvent plus s'en approcher. Et le fiel sert à oindre les yeux couverts d'une taie, et il les guérit. " Par ces remèdes, Tobie guérira Sarah, sa future épouse, de ses démons, puis il libérera son père Tobit de son aveuglement.

 Le Livre de Tobie, livre deutéronomique ou apocryphe, ne nous est parvenu que par sa traduction dans la Septante, quoiqu'il ait été écrit en langue sémite (hébreu ou araméen) vers le 3-2e siècle avant J.C. Le mot "poisson" traduit le grec ἰχθὺς, traduit en latin par piscus.  Ces mots sont les mêmes qui désignent dans le Livre de Jonas, le grand poisson que nous considérons comme une baleine, et rien ne s'oppose, à part la mention des ouïes, à ce que nous considérions, si tel est notre bon plaisir, cet "énorme poisson qui s'élance pour dévorer" Tobie comme une baleine...ou un cachalot.

 Il existe un autre motif pour que le nom de Tobie ait "contaminé" celui de Moby, motif bien connu par tous les lecteurs de Melville, c'est que ce dernier a surnommé Toby son compagnon Richard Tobbias Greene dans le récit qu'il donne dans Typee (Taïpi) de sa désertion du baleinier Acushnet et de ses aventures aux Îles Marquises.

 

Nommer les animaux pourchassés : une tradition.

 On ne s'étonnera pas que le cachalot blanc qui fréquentait les côtes de l'Arauco et l'île Mocha ait reçu un nom propre : Melville lui-même nous signale (Chapitre 45, p. 233-234) qu'un certain nombre de proies, particulièrement remarquables, recevaient des marins l'hommage d'un surnom. il nous donne les exemples suivants qui permettent l'étude onomastique d'une courte série :

  • Timor Tom  . Trad : Jack de Timor (P.J), Tom Timor (H. G-R)
  • New Zealand Jack . Trad : Tom de Nouvelle-Zélande (P.J), Jack de Nouvelle-Zélande (H. G-R)
  • Morquan (O, Morgan ! King of Japan
  • Don Miquel (O, Don Miquel, thou Chilian whale)

Je me permets de citer tout le passage, car c'est, dans une écriture flamboyante, un ode de l'onomastique :

  But not only did each of these famous whales enjoy great individual celebrity—nay, you may call it an oceanwide renown; not only was he famous in life and now is immortal in forecastle stories after death, but he was admitted into all the rights, privileges, and distinctions of a name; had as much a name indeed as Cambyses or Caesar.  Was it not so, O Timor Tom! thou famed leviathan, scarred like an iceberg, who so long did’st lurk in the Oriental straits of that name, whose spout was oft seen from the palmy beach of Ombay?  Was it not so, O New Zealand Jack! thou terror of all cruisers that crossed their wakes in the vicinity of the Tattoo Land?  Was it not so, O Morquan!  King of Japan, whose lofty jet they say at times assumed the semblance of a snow-white cross against the sky?  Was it not so, O Don Miguel! thou Chilian whale, marked like an old tortoise with mystic hieroglyphics upon the back!  In plain prose, here are four whales as well known to the students of Cetacean History as Marius or Sylla to the classic scholar.

But this is not all.  New Zealand Tom and Don Miguel, after at various times creating great havoc among the boats of different vessels, were finally gone in quest of, systematically hunted out, chased and killed by valiant whaling captains, who heaved up their anchors with that express object as much in view, as in setting out through the Narragansett Woods, Captain Butler of old had it in his mind to capture that notorious murderous savage Annawon, the headmost warrior of the Indian King Philip. (Source Wikisource)

 

       On constatera néanmoins une incongruïté : Le cachalot nommé New Zeland Jack dans sa première émergence réémerge la seconde fois du texte sous le nom de New Zealand Tom ; ce qui a incité Jaworski à inverser les deux premiers noms et à placer Tom en Nouvelle Zélande et Jack à Timor, conformément (Jaworski note 3 p. 1224) à la citation de ces zoonymes sous les plumes de Thomas Beale dans The Natural History of the Sperm Whale, p. 183, et de Frederick B. Bennet dans Narrative of a Whaling Voyage round the Globe, vol.II, p. 220. Ce dernier auteur signale que Tom de Nouvelle-Zélande se reconnaît à sa bosse blanche.

 

1'. Le baptême secret.

Le livre a été baptisé secrètement par Melville comme il l'écrit à Hawthorne le 29 juin 1851. (Le livre en cours d'être terminé se nomme encore The Whale) : "Voici la devise secrète du livre : "Ego non baptizo te in nomine —mais je vous laisse achever le reste". Ce "reste" est effectivement peu prononçable car diabolique et imprécatoire, c'est celui que, dans l'œuvre, le capitaine Achab prononce, ou plutôt hurle, dans le passage suivant :

«Non, non...ce n'est pas de l'eau qu'il faut ici. Je veux la vraie trempe de la mort. Ohé, vous là-bas ! Tashtego, Quiqueg, Daggou ! Qu'en dîtes-vous, païens ? Me donnerez-vous tout le sang qu'il faut pour y plonger ce dard ?» demanda-t-il en brandissant haut le fer. Trois sombres hochements de tête lui répondirent en chœur :« Oui. » Trois incisions furent faites dans les chairs païennes, et les barbelures du cachalot blanc furent trempées. «Ego non baptizo te in nomine patris, sed in nomine diaboli !» hurlait Achab frénétiquement, tandis que le fer incandescent étanchait sa soif maligne dans le sang baptismal."

 "Je ne te baptise pas au nom du père, mais au nom du diable !" Quelle violence ! Voilà la devise secrète du livre, son baptême noir, dont tous les points, le refus du Père, l'allégeance au diable, le caractère secret, le baptême par le sang, font frémir lorsqu'on pense que Melville, loin de prendre ses distances avec Achab, s'identifie à lui. Ce ne sera que trois mois plus tard que le nouveau nom de Moby-Dick sera trouvé ; et, quoique n'ayant aucun élément onomastique pour celui-ci que la proximité avec Mocha Dick, je ne serai pas surpris qu'une référence satanique y soit dissimulée. 

 Il semble que Melville soit passé (progressivement ou après le choc d'une rencontre avec Hawthorne) du projet d'écrire un roman documentaire humoristique sur le monde pittoresque des la chasse aux cétacés à celui de composer une tragédie shakespearienne proche du Roi Lear (Julian Markels King Lear and Moby-Dick) et qu'il en conserve, comme après un sacrifice, le sang sur les mains. Lorsqu'on lit dans sa correspondance après la parution "Je me demande si c'est mon art maléfique qui a suscité ce monstre" (p.1153), ou "J'ai écrit un livre malfaisant et je me sens [après les louanges de Hawthorne] innocent comme un agneau" (p. 1154), on suspecte l'auteur d'avoir été aussi loin que possible dans la mise à mort de son Cachalot et dans la recherche folle d'un Salut par l'échec afin d'atteindre l'apogée suprême du destin de Prométhée dans un autodafé satanique.  

  Si nous lisons plus en détail la lettre adressée à Hawthorne le 29 juin 1851, nous constatons que son Livre, qu'il nomme son Cachalot, dépecé,  brûle dans les feux de l'Enfer et qu'il propose à Hawthorne de partager le festin (je souligne):

    "Le Cachalot n'a passé qu'à moitié sous la presse ; car, las du long délai des imprimeurs et dégoûté de la chaleur et de la poussière du four à briques babylonien de New York, je suis retourné à la campagne pour sentir l'herbe et terminé le livre couché sur elle, si je le puis [...] Vous enverrai-je une nageoire du Cachalot pour y goûter ? La queue n'est pas encore cuite, bien que le feu d'enfer où flambe tout le livre ait déjà pu, raisonnablement, faire son œuvre. Voilà le devise (secrète) du livre", etc...

"Faire son œuvre", n'est-ce pas faire "l'œuvre au noir" dans quelque athanor, réussir la séparation et la dissolution qui mènera vers le Magnus Opus de la transmutation du livre en Œuvre, en Chef d'œuvre ?

 

2) noms bibliques.

   Au chapitre XVI, Melville nous signale que la coutume d'attribuer aux habitants des noms tirés des Écritures est très répandue sur l'île de Nantucket, île des Quakers. Est-ce vrai *? Est-ce un procédé justifiant ses choix onomastiques ?

* les patronymes anciens rencontrés sont Coffin, Starbuck, Folger, Gardner, Bulker, Hussey, Coleman, Macy, Pipe...

 

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2a. Achab. 

C'est l'un de ces nom de rois de Juda que j'ai régulièrement rencontré sur les arbres de Jessé ; pourtant, ce n'est pas un roi de Juda, mais l'un des rois d'Israël, roi impie, prenant comme épouse Jezabel (qui tue les prophètes de Dieu) et adorant Baal et Astarté. Le prophète Élie tenta en vain de corriger la conduite.

 Achab, sur le conseil de Jezabel, s'empare de la vigne de Naboth en faisant lapider ce dernier. Élie prophétise sa mort : 

 "Tu lui diras : Ainsi parle l’Éternel : N’es-tu pas un assassin et un voleur ? Et tu lui diras : Ainsi parle l’Éternel : Au lieu même où les chiens ont léché le sang de Naboth, les chiens lécheront aussi ton propre sang.Achab dit à Élie : M’as-tu trouvé, mon ennemi ? Et il répondit : Je t’ai trouvé, parce que tu t’es vendu pour faire ce qui est mal aux yeux de l’Éternel.Voici, je vais faire venir le malheur sur toi ; je te balaierai, j’exterminerai quiconque appartient à Achab, celui qui est esclave et celui qui est libre en Israël, et je rendrai ta maison semblable à la maison de Jéroboam, fils de Nebath, et à la maison de Baescha, fils d’Achija, parce que tu m’as irrité et que tu as fait pécher Israël. L’Éternel parle aussi sur Jézabel, et il dit : Les chiens mangeront Jézabel près du rempart de Jizreel. Celui de la maison d’Achab qui mourra dans la ville sera mangé par les chiens, et celui qui mourra dans les champs sera mangé par les oiseaux du ciel." (Premier Livre des Rois, 21, 19-24). Et effectivement : "Alors un homme tira de son arc au hasard, et frappa le roi d’Israël au défaut de la cuirasse. Le roi dit à celui qui dirigeait son char : Tourne, et fais-moi sortir du champ de bataille, car je suis blessé.Le combat devint acharné ce jour-là. Le roi fut retenu dans son char en face des Syriens, et il mourut le soir. Le sang de la blessure coula dans l’intérieur du char. Au coucher du soleil, on cria par tout le camp : Chacun à sa ville et chacun dans son pays !Ainsi mourut le roi, qui fut ramené à Samarie ; et on enterra le roi à Samarie. Lorsqu’on lava le char à l’étang de Samarie, les chiens léchèrent le sang d’Achab, et les prostituées s’y baignèrent, selon la parole que l’Éternel avait prononcée." (Rois 1, 22, 34-38)

 Ce passage permet de comprendre ce passage du chapitre XVI de Moby Dick :

 

—Oh ! ce n’est pas un capitaine Bildad, non, ni un capitaine Peleg ; il est Achab, mon fils ; et l’Achab de l’histoire, tu le sais, était un roi couronné !

– Et un roi très infâme. Lorsque ce roi pervers fut assassiné, les chiens ne léchèrent-ils pas son sang ?

 

2b. Élie.

      Ayant fait connaissance avec le roi Achab, on ne s'étonne plus de voir apparaître Élie, sous le titre Un prophète du chapitre XIX, et comme oiseau de mauvaise augure élliptique et abscond du chapitre XXI. Nous aurions mieux connu notre Bible que nous aurions même attendu cette apparition dès la première mention du nom d'Achab, comme si, découvrant un héros de roman se nommant Tintin, nous aurions eu un plaisir complice en voyant arriver quelques pages plus loin un Haddock plus ou moins déguisé. 

 Élie, la mauvaise conscience d'Achab dans la Bible, est plutôt ici celle du héros Ismaël, qui est, qui va devenir un second Jonas.

2c. Jonas.

  C'est, d'abord, le surnom du barman de l'auberge Au souffle de la baleine, petit homme ratatiné officiant à l'intérieur de l' " immense voûte osseuse d'une mâchoire de baleine" ; son surnom est donc onomastiquement transparent, mais contribue à faire rentrer le lecteur dans ce livre saturé monomaniaquement de cétologie.

 Le héros biblique du Livre de Jonas, est par ailleurs le sujet dés le chapitre IX du sermon du père Mapple .

 

Moby Dick par John Huston, avec Orson Wells dans le rôle de Mapple:

orson welles as father mapple Voir le sermon du père Mapple sur You Tube

  Or il se trouve que le roman va suivre le fil rouge des aventures de Jonas à partir du moment où celui-ci cherche à s'embarquer sur un navire sur le port de Jaffa, fuyant l'ordre qu'il a reçu de Dieu d'aller annoncer aux habitants de Ninive la destruction de la ville en punition de leurs péchés. Comme le dit le père Mapple, "Il croit qu'un navire construit par des hommes l'emportera vers des pays où Dieu ne règne pas mais dont seuls sont maîtres à bord les capitaines de ce monde". C'est une condamnation directe de l'hubris humaine, des prétentions de l'homme à se dire "maître et possesseur de la nature" et seul maître à bord sur la planète terre.

   Or, le narrateur n'est-il pas un autre Jonas, qui nous dit qu'il embarque pour échapper à la dépression et à la tentation suicidaire ?

   Lorsque le narrateur salue, sur le navire qui l'emporte vers Nantucket, "l'océan magnanime qui ne garde nulle trace", ne comprenons-nous pas qu'il recherche, dans sa fuite de tous les livres de compte, la clémence "magnanime", le pardon de toute cette comptabilité des péchés, l'abandon de la logique de tous les Bildad (cf infra) qui pensent que toutes les fautes doivent être expiées ?   Sur la mer, les coupables ne laissent derrière eux aucune trace de leurs pas, ou de leurs crimes.

"Gaining the more open water, the bracing breeze waxed fresh; the little Moss tossed the quick foam from her bows, as a young colt his snortings.  How I snuffed that Tartar air!—how I spurned that turnpike earth!— that common highway all over dented with the marks of slavish heels and hoofs; and turned me to admire the magnanimity of the sea which will permit no records."  Nous gagnions le large, la brise vivifiante fraîchissait ; notre petit Goémon, tel un jeune poulain qui s'ébroue, faisait jaillir de son étrave des tourbillons d'écume. Ah ! Comme je humais ces souffles tartares. Foin de la terre et de ses barrières de péage ! foin de ces grands chemins où s'impriment les marques des talons et des sabots serviles! Comme je m'en détournais pour admirer l'océan magnanime qui ne garde nulle trace !" (Trad. P. Jaworski).

   Et comment ne pas penser aux éléments biographiques de Melville ? Il me suffit de consulter Wikipédia pour lire : "À la fin de 1840, déçu dans ses espoirs à l'ouest, Melville se rend à Nantucket, berceau américain de la chasse à la baleine, où il signe, le 26 décembre, son inscription sur le rôle de l’Acushnet, trois-mâts baleinier de 358 tonnes (il reçoit une avance de 84 dollars sur son salaire) et embarque à New Bedford le 31 décembre. Il parcourt ainsi le Pacifique, visitant les îles Galapagos et les Marquises où il déserte, le 9 juillet 1842, avec un de ses compagnons d'infortune, Richard Tobbias Greene, le « Toby » du livreTypee (Taïpi), qui relatera son aventure sur Nuku Hiva*.

Le 9 août 1842, il réussit à quitter la vallée de Taipivai sur le baleinier australien Lucy Ann alerté par Richard Tobbias Greene et part pour Tahiti. À l'arrivée à Tahiti, il est arrêté pour avoir participé à une mutinerie à bord du Lucy Ann et est emprisonné. Il s'échappe de Tahiti pour rejoindre Moorea, puis Hawaii. Il travaille un temps comme commis chez un marchand puis s'engage comme simple matelot dans l'équipage de la frégate USS United States de la marine de guerre américaine qui débarque à Boston en octobre 1844."

* Aux Marquises, s'étant enfoncé à l'intérieur des terres, il est fait prisonnier par des cannibales ; il ne sera délivré que par l'équipage du Lucy Ann.

 

 

  Concernant le patronyme Mapple, construit par fusion des mots anglais maple, érable, et apple, la pomme, je n'ai actuellement pas de commentaire à proposer.

 

2d. Peleg.

 Achab, Peleg et Bildag, les trois capitaines de baleinier de Nantucket, ont des noms bibliques selon l'usage des Quakers.  

Peleg est cité dans la Bible en Genèse 11, 16-19 : "Quand Éber eut trente-quatre ans, il engendra Péleg. Après la naissance de Péleg, Éber vécut quatre cent trente ans et il engendra des fils et des filles. Quand Péleg eut trente ans, il engendra Réu. Après la naissance de Réu, Péleg vécut deux cent neuf ans et il engendra des fils et des filles.

On trouve sur Wikipédia cette information :"Peleg is a common surname in Israel, also being the root lettering for sailing (lahaflig להפליג) and a military half-bivouac tent (peleg-ohel פלג אוהל). The meaning of Peleg in English is "brook", a little river."

 

 

 

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2e. Bildad.

      C'est le nom du deuxième propriètaire du Pequod, un Quaker  férocément avare tout en ne cessant de lire la Bible qui condamne l'appât du gain. Son nom vient directement de la Bible, du Livre de Job, où il apparaît au chapitre 8. Il signifie "longue amitié" (Jaworski) ou "Dieu a aimé" (discussion ici) Cet "ami" de Job vient le convaincre de se résigner à son triste sort, qui ne saurait être que la conséquence, la juste rétribution de ses péchés, de même que ses filles et fils ont péri par leurs fautes : Job,8,4 : "Si tes fils ont péchés contre Lui, il les a livrés à leur péché". C'est le donneur de bonnes leçons de morales, celui qui, après un accident, saura vous rappeller l'importance de la prudence, ou venir vous voir à l'hôpital pour vous expliquer gentiment les régles de bonne santé qu'il observe, ou, après un vol, vous expliquer avec tact qu'il ne faut jamais faire ceci, qu'il faut toujours faire cela... Si vous glissez il saura vous recommander de mettre, comme lui, de bonnes chaussures et de ne jamais laisser trainer vos savonnettes. Au chomeur, il saura faire valoir l'importance des démarches de recherche d'emploi, et, au pauvre, il fera preuve de pédagogie sur la valeur du travail et des économies. C'est le WASP, le self-made-man qui sait que s'il a réussi, il ne le doit qu'à lui-même, mais que l'échec est toujours la conséquence d'un laisser-aller d'individus trop faibles. Dieu voit tout cela et en sa grande Sagesse, il donne à ceux qui ont, et retire à ceux qui n'ont pas. "Non, Dieu ne rejette pas l'homme intégre, et il ne protège pas les méchants" (8, 20)

  Lorsque Job proteste de son innocence, Tsophar, qui appartient au même Club que Bildad, reprend le même discours (Livre de Job, 11) et reproche à Job de vouloir faire le raisonneur face à la Justice de Dieu. S'il est pauvre comme Job, c'est bien de sa faute, il n'a qu'à chercher un job.

Job rétorque "Au malheur le mépris ; c'est la devise des heureux. A celui dont le pied chancelle est réservé le mépris !".

 Cette insolence des pauvres est insupportable et Eliphaz saura lui rabattre le caquet : "Ton iniquité dirige ta bouche, et tu prends le langage des hommes rusés".

 

Bildad le capitaine baleinier a été "élevé selon les règles les plus strictes du quackerisme de la secte de Nantucket" mais "manquait passablement de simple logique" : "bien que refusant, par scrupules de conscience, de porter les armes contre de terrestres envahisseurs , lui-même avait envahi, sans que rien puisse le retenir, l'Atlantique et le Pacifique, et bien qu'ennemi juré du sang versé, il avait pourtant, dans son manteau étroit, répandu à flot celui du léviathan. Comment le vieux Bildad, au soir contemplatif de sa vie, réconciliait-il ces faits dans son souvenir, je ne sais ; mais cela ne semblait pas l'inquiéter outre-mesure, et il en était très probablement venu à la conclusion sage et raisonnable que la religion d'un homme est une chose, et que ce monde positif en est une autre. Ce monde paie des dividendes".

  Cet "Avare incorrigible" et "tyran implacable" est plongé, lorsque Ismaël vient discuter de son enrôlement et de sa part, dans la lecture de l'Évangile de Matthieu, chapitre 6 versets 19-21 : Ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la mite et le ver consument, où les voleurs percent et cambriolent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel : là, point de mite ni de ver qui consument, point de voleurs qui perforent et cambriolent. Car où est ton trésor, là sera aussi ton cœur. Et, tout en lisant, il offre à Ismaël la part de 1/777e, c'est-à-dire une misère.

  Le chiffre de 777 semble, en propre, un chiffre biblique, et ce triple 7 n'est pas là par hasard : il appartient si ce n'est à l'onomastique, du moins aux chiffres choisis par l'auteur, non pour leur valeur comptable, mais pour une autre raison. Pourtant, ce chiffre ne correspond à rien d'autres qu'à l'âge atteint par Lamek, le père de Noé. C'est dans l'Évangile de Matthieu -encore- que Pierre interroge Jésus (Mat 18:21) :

  « Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu'à sept fois ? »  Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois. 

  Ce chiffre symbolique du pardon inépuisable, de la clémence infinie apparaît, dans la bouche de Bildad l'ami de Job partisan de la punition éxacte des péchés comme dans celle de Bildad le capitaine avare et tyrannique comme le témoin du dévoiement de la religion, qui s'affiche et s'énonce extérieurement pour mieux en trahir les régles. Or ce chiffre 777 va s'inscrire sept fois sur la page de Moby Dick, sept fois de suite Bildad va trahir le livre saint qu'il tient dans la main, jusqu'à l'ignominie de l'argument " si nous rétribuons trop largement les services de ce jeune homme, nous enleverons peut-être le pain de la bouche à ces veuves et à ces orphelins" [qui détiennent quelques parts très minoritaires du navire].

 

2f. Ismaël.

  a) Ismaël (en anglais Ishmael) est, sans ambiguïté, un nom biblique, celui du premier fils d'Abraham, obtenu de sa servante égyptienne Agar, et dont Dieu a promis qu'il donnerait naissance à douze princes et une grande nation. Le nom signifie en hébreu "Dieu a entendu" [ma demande], et si, dans la bouche d'Abraham, cela signifie "Dieu m'a accordé une descendance", cela peut aussi signifier pour un écrivain dont l'attente principale est le succès de son œuvre, "Dieu m'a donné la notoriété". 

  C'est le fruit de l'alliance conclue entre Dieu et Abraham.

L'orthographe du nom peut avoir son importance : Giono traduit l'américain Ishmael par Ismaël, et Armel Guerne par Ismahel, introduisant un "h". Il se trouve que le nom d'Abraham était, à Ür et avant la promesse du Pays de Canaan pour ses 99 ans, Abram , et qu'il se transforme par introduction de la lettre hébraïque  : "On ne te nommera plus Abram, mais ton nom sera Abraham, car je te rends père d'une multitude de nations". (Genèse 17, 5).

 Dans l'incipit de Moby Dick "Call me Ishmael", ce "h" peut, tout comme le nom lui-même et la tournure de phrase, fonder l'alliance, le pacte fictionnel que tout romancier passe avec son lecteur, et réciproquement. Cette alliance entre Dieu et Abraham est matérialisé par la circoncision, autrement-dit le manque, la privation symbolique et rituellement organisée, la cèsure, la castration symboligène, le fragment ôté, la pause (au sens musical), l'élision.

  On retrouve ce h dans le nom Ahab (forme anglaise d'Achab)

 On lit alors autrement la toute première Étymologie, qui restait mystérieuse, celle de Hakluyt : Elle est tirée de Principals Navigations lors d'un passage ou Richard Hakluyt dénonce la croyance dans les îles-baleines si grandes qu'un navire y jetait l'ancre, que son équipage y débarquait avec les victuailles, avant de provoquer la colère du monstre en faisant du feu... Il signale que les marins —ou les auteurs de fables— nommaient ces îles Trollwal, (décrit par Brendan, Olaus Magnus, Gessner, et Sébastien Münster, La Cosmographie universelle contenant la situation de toutes les parties du monde, livre IV, s.l., s.d. (trad. française, édition de 1575), p. 1053-1056 ). Si je comprends bien ce passage, Hackluyt semble s'en prendre à Sébastien Munster (qui était cartographe, historien, mathématicien et professeur d'hébreu) en lui reprochant de prétendre enseigner à des élèves sans être capable soit même de faire la différence entre whale, la baleine, et Trollwal oubliant le "h" qui fait la différence entre whale et wal : " Go not farther then your skil, Munster, for I take it you cannot skill our tongue : and therefore iy may be a shame for a learned man to teach others that which he knoweth not himselfe : for such an attempt is subject to manifold errours, as we well shew by this your example. For while you take in hand to schoole others, & to teach them by what name a Whale-fish is to be called in our tongue, leaving out throughignorance the letter H, which almost alone maketh up the signification of the worlde, you deliver that which is not true : for val in our langage signifieth not a whale, but chusing or choise of the verg Eg vel, that is to say I chuse,or I make choise, for what val is derived, etc... " J'ai souligné la citation donnée par Melville. 

 Parmi d'autres interprétations, cette citation à l'intérieur du livre de Melville peut être comprise comme illustrant le rôle du H, de la lettre non prononcée, mais qui par l'élision, crée le sens. Sans espace entre les mots, l'écriture est incomprehensible; sans respecter le H, le H de Whale, c'est la Tour de Babel, le chaos, la porte ouverte aux affabulations et mystifications, le mensonge. Et il est significatif également que, dans les citations de Melville, c'est le contexte omis (mais auquel l'auteur renvoie) qui révèle le sens caché.

  A un autre niveau (le plus plaisant) ce H non prononcé mais essentiel, ce silence capital peut aussi être entendu comme le sens même de l'œuvre : that is true, ce qui est vrai ici est ce qui est écrit entre les lignes. Relisez celles qui décrivent Bildad lisant l'Évangile de Matthieu et proposant à Ismaël sa 1/777e part : rien n'est dit si clairement que d'être invisible. C'est la force de l'humour d'être impalpable, insaisissable, et Flaubert cherchait bien à écrire un texte où "le lecteur ne pourrait jamais savoir si l'auteur s'est foutu de lui". Ici, ce sont les personnages qui chercheraient en vain les mots qui les accusent ; si nous  les entendons si bien, c'est qu'ils ne sont pas prononcés.

 On peut voir une autre illustration de l'idée que la Vérité est dans l'élision dans la phrase : " Quiqueg était natif de Rokovoko, une île située très loin à l'Ouest et au Sud. Comme tous les endroits vrais , elle ne figure sur aucune carte." (p. 77)

 

  S'il est d'abord signe de l'alliance, il devient, dans Genèse 21, après que Sarah ait donné naissance à Isaac et qu'Abraham ait dû chasser Ismaël et sa mère Agar dans le désert, une figure du fils réprouvé, déshérité par le père au profit d'un frère concurrent,  solitaire, errant dans le désert, telle que la reprendra Fenimore Cooper dans La Prairie (1827) avec son personnage de Ismaël Bush : avec ce dernier prendra naissance la "thématique ismaëlienne" (Jaworski) faite d'exclusion sociale et de misanthropie.

 

 

 

 

3. Les noms de navire. 

 

3a). Devil-Dam, Tit-Bit et Pequod.

Chapitre 16 :  After much prolonged sauntering and many random inquiries, I learnt that there were three ships up for three-years' voyages—The Devil-dam, the Tit-bit, and the Pequod. DEVIL-DAM, I do not know the origin of; TIT-BIT is obvious; PEQUOD, you will no doubt remember, was the name of a celebrated tribe of Massachusetts Indians; now extinct as the ancient Medes. I peered and pryed about the Devil-dam; from her, hopped over to the Tit-bit; and finally, going on board the Pequod, looked around her for a moment, and then decided that this was the very ship for us.

 ...j’appris que trois navires étaient en partance pour des voyages de trois ans : le Diable-et-sa-mère, la Bonne-Bouche et le Péquod. J’ignore l’origine du nom du Diable-et-sa-mère, celle de Bonne Bouche est évidente, quant à Péquod, vous vous souvenez sans doute que c’était le nom d’une célèbre tribu d’Indiens du Massachussetts aussi éteinte à présent que les anciens Mèdes. Je jetai un regard inquisiteur et fureteur sur le Diable-et-sa-mère ; de là, je sautai dans la Bonne-Bouche et enfin, montant à bord du Péquod, je l’examinai un moment et décidai que c’était là le navire idéal pour nous.

  Le nom de Pequod fait sa première apparition en compagnie de deux autres noms de navire encore plus curieux, Devil-Dam et Tit-Bit (que j'estime préférable de ne pas traduire dans le texte français).

  — Melville se livre à un commentaire onomastique, profitons-en : "J'ignore l'origine du nom de Devil-Dam".

Pourtant, ce nom que l'on peut traduire par Le Diable et sa mère ou le Diable et sa femme est employé six fois par Shakespeare (Le roi Jean ; Titus Andr. IV,2,64 ; La Mégère apprivoisée I,1,105 et III, 2,155) par exemple dans cette dernière occurence : GREMIO :No, he’s a devil—a devil, I tell you! An utter fiend./TRANIO (as LUCENTIO) Why, she’s a devil, a devil, the devil’s dam. Traduction TRANIO.-Quoi ! plus bourru qu'elle ? Oh ! cela est impossible. GREMIO.-Bon ! c'est un diable, un vrai diable, un démon. TRANIO.-Eh bien !elle, c'est une diablesse, une diablesse, la femme du diable.  C'est (mais je ne suis pas compétent) cette dernière traduction, La Femme du diable qui me convient le mieux pour désigner un navire baleinier dont j'imagine déjà la figure de proue.

Armel Guerne a traduit par le féminin de Satan : "La Satane".

Henriette Guex-Roll a traduit par 'Le Diable -et-sa-mère".

Philippe Jaworski a traduit par "La Diablesse".

 

— Tit-Bit ou titbit, dont le sens est présenté comme "évident" par Melville, désigne en anglais ou plutôt en américain ou anglais canadien une friandise, ou, au sens figuré, quelque chose de savoureux voire de croquignolet (un passage de Sade par exemple). Le dictionnaire Harper Collins donne : 1. (Cookery) a tasty small piece of food; dainty. 2. a pleasing scrap of anything, such as scandal. [perhaps from dialect tid tender, of obscure origin]. Je n'apprècie la traduction par Bonne Bouche qu'après avoir fait ce détour par le dictionnaire, qui me permet d'entendre l'expression au second degré, "garder pour la bonne bouche", les connaisseurs  —et eux seulement— apprécieront.  Comme il ne viendrait à personne l'idée de nommer un baleinier "Friandise", ou Bonne Bouche, il faut chercher mieux.

  En 1881, un magazine britannique a porté le titre de Tit-Bits, raccourci du titre complet Tit-Bits from all the interesting Books, Periodicals, and Newspapers of the World, que je propose de traduire par Les Bonnes Pages [ ou  Les Perles, ou mieux les Bons Morceaux] de tous les livres, périodiques et journaux interessants du monde entier. Là encore, il faudrait mieux ne pas traduire ce nom de navire, mais le comprendre à la lumière de ces exemples. A défaut , j'aurais opté pour La Perle (au second degré), joli nom pour une goélette ou un trois-mâts-barque, ou plutôt pour Le Sot-l'y-laisse.

Henriette Guex-Roll a traduit par "Bonne-Bouche".

Armel Guerne a traduit par "La Friandise".

Philippe Jaworski a traduit par "Bonne-bouche".

 

— Venons-en au Pequod : Melville indique cette-fois clairement l'origine du nom : celui d’une célèbre tribu d’Indiens du Massachussetts aussi éteinte à présent que les anciens Mèdes.

 Les Pequots sont, selon l'encyclopédie Larousse, une nation indienne du Connecticut, "peuple d'agriculteurs et de pécheurs qui vivent dans des villages fortifiés faits de wigwams recouverts d’écorce. Leurs ennemis traditionnels sont les Narragansetts. 

 

Les Anglais établis au Massachusetts depuis 1620 cherchent à s’emparer du territoire pequot. De nombreux incidents opposent durant plusieurs mois les Pequots aux colons. Au début de l’année 1637, des Pequots tuent neufs colons.

LE MASSACRE DE MYSTIC RIVER (1637)

 Pour mettre fin aux attaques des Pequots sur les établissements anglais du Connecticut, les autorités britanniques décident de frapper un grand coup. Les Mohegans du chef Uncas se joignent aux troupes des capitaines John Underhill et John Mason. Le 26 mai 1637, ils se dirigent vers le village du chef Sassacus, l’un des deux grands villages fortifiés que possèdent les Pequots sur la Mystic River. Deux cents Narragansetts viennent grossir le nombre des assaillants.

Les Anglais et leurs alliés se heurtent à la solide palissade qui défend le village. Les Pequots résistent avec acharnement au feu des assaillants solidement armés de mousquets. Alors, le capitaine Mason fait lancer des torches enflammées sur les wigwams. Le village qui abrite six cents Pequots n’est bientôt plus qu’un immense brasier. Tous ceux qui tentent de fuir la fournaise sont abattus par les mousquets des Anglais. "C’était un spectacle terrible de les voir ainsi griller dans le feu que les flots de leur sang ne parvenait pas à éteindre", racontera l’un des officiers présents. Le capitaine Underhill fait remarquer que même les Narragansetts, pourtant rompus aux cruautés de la guerre indienne, sont épouvantés de la férocité des Anglais. 
En moins d’une heure, les habitants du village indien sont morts. Le capitaine Mason s’écrie : "Dieu est avec nous : il se moque de ses ennemis et il en fait un brasier !". Mais, alors que les vainqueurs quittent les lieux, ils sont assaillis par deux cents guerriers pequots ivres de vengeance, venant de l’autre village. Les Narragansetts les tiennent à distance jusqu’aux abords de la colonie. La résistance des Pequots est définitivement brisée. 
Terrifiés, les Pequots des autres villages se cachent dans les marais où les Anglais les assiègent. Ceux qui se rendent sont vendus comme esclaves. Les quelques survivants qui se cachent dans les forêts sont traqués par les Anglais et leurs alliés indiens. Les Mohegans capturent et assimilent certains d’entre eux. En 1640, la nation pequot a complètement disparu.
Quelques Pequots survivront pourtant. Ce sont les descendants des prisonniers esclaves

LE CASINO DE FOXWOODS

Dans les années 1970, des personnes d’ascendance pequot se font reconnaître par l’état fédéral un petit territoire sur la côte du Connecticut, près de Hanford. C’est là que les Pequots-Mastantuckets fondent, en 1992, le casino de Foxwoods, le plus grand casino indien des Etats-Unis. Maintenant, les Pequots sont riches. Ils vivent dans de belles maisons et donnent de l’argent au Musée des Indiens d’Amérique, ainsi qu’à de nombreuses fondations culturelles ou philanthropiques. Ils ont pu racheter une partie de leurs terres.

 Chaque année, en septembre, à l’occasion de la Fête du Maïs Vert, ils organisent le plus grand "pow-wow" des Etats-Unis."

Je trouve quelques précisions supplémentaires :

a) le mot algonquien pequot a été jugé dériveant de Pequttôog, ou Paquatauoq qui signifie "Les destructeurs", ce qui ne manque pas de sens sous la plume de Melville pour baptiser son  navire baleinier. C'était le sens admis au XIXe siècle, et ce n'est qu'au XXe siècle que Frank Speck, spécialiste du Pequot-Moheban (une langue actuellement éteinte), se prononça pour celui de "swallowness of a body of water (un plan d'eau de faible profondeur?)".

 A Vocabulary of Mohegan-Pequot

b) Il faut souligner que le Connecticut est voisin du Massachusetts, auquel appartient New-Bedford et Nantucket, et que la Colonie de Massachusetts Bay regroupait ces territoires . Le peuple pequot était, bien que le point soit discuté, indigène de cette région du Connecticut et comptait 16 000 personnes avant d'être décimés par une épidémie de variole (introduite par les colons) en 1633 qui réduisit leur nombre à 4000, puis par la guerre du Pequot de 1637. Le massacre du village de Missituck fut perpétué par les colons de Massachusetts Bay et de la colonie du Connecticut, et en 1638, les prisonniers pequots furent échangés par William Pierce contre une cargaison d'esclave de la Barbade

Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Pequots

      : http://en.wikipedia.org/wiki/Pequot_people#Etymology_of_.22Pequot.22

      : http://en.wikipedia.org/wiki/Pequot_War

 Ces éléments soulignent la virulence de l'ironie de Melville en choisissant comme nom de navire pour les baleiniers de Nantucket qui se sont tournés vers l'océan comme nouveau territoire de colonisation et d'extermination des cétacés, le nom de la tribu indienne que leurs ancêtres avaient contribué à faire disparaître, et un terme qui signifie Les Destructeurs..

 

 

 

 

      3b) The Moss.

  Une fois encore, fallait-il traduire le nom propre du "paquebot" qui fait le service entre New-Bedford et Nantucket ? Henriette Guex-Rolle traduit Moss par Varech, et Philippe Jaworski par Goémon, alors que la traduction litterale de Moss est "mousse, plante de l'embranchement des Bryophytes"  et que goémon se dit "seaweed". Varech (le goémon d'épave) et Goémon ont plus de gueule que Mousse comme nom de navire, mais si Melville avait placé là une intention onomastique, celle-ci serait perdue pour le lecteur français. De même, serait perdue une hypothétique allusion à l'essai publié anonymement par Melville en août 1850 alors qu'il écrivait Moby Dick, Hawthorne and his Mosses. Il s'agissait d'une recension du recueil de nouvelles  Mosses of the Old Manse (Les Mousses du Vieux Presbytère), écrit par Hawthorne. Melville, qui avait rencontré Hawthorne pour la première fois le 5 août lors d'un pique-nique  s'enthousiasma pour cet auteur et se précipita à le lire, faisant publier son compte-rendu de lecture dans New-York  World Literary magazin le 17 et 24 août.

 La demeure historique The Old Manse à Concord dans le Massachusetts est liée au mouvement romantique américain nommé Transcendantalisme car l'œuvre phare de ce mouvement, Nature, y a été écrite par Ralph Waldo Emerson en 1836. Hawthorne et son épouse louérent la maison en 1842 dans le voisinage d'Emerson et de Henri David Thoreau, autre transcendantaliste, qui conçut l'aménagement du jardin. On peut croire que la maison et son jardin, situés au bord de la rivière Concord, devaient être riches en sous-bois moussus.

  Mais ce mot de moss, qui revient trés souvent dans l'essai de Melville, (Hawthorne, "l'Homme des mousses") semble destiné à désigner métaphoriquement le tempérament sombre d'Hawthorne, si on en croit cet extrait : For spite of all the Indian-summer sunlight on the hither side of Hawthorne's soul, the other side—like the dark half of the physical sphere—is shrouded in a blackness, ten times black... You may be witched by his sunlight,—transported by the bright gildings in the skies he builds over you;—but there is the blackness of darkness beyond; and even his bright gildings but fringe, and play upon the edges of thunder-clouds.  " Car en dépit de tout le soleil d'été indien qui baigne ce coté-ci de l'âme de Hawthorne, l'autre coté,—comme la moitié obscure d'une sphère physique—est enlinceulée d'une noirceur dix fois plus noire... Vous pouvez être ensorcelé par son soleil, transporté par les brillantes dorures des cieux qu'il construit au-dessus de vous; mais par delà s'étend l'obscurité des ténèbres ; et même ses brillantes dorures ne font que se jouer sur la frange d'orageuses nuées" (trad. P. Leyris, in Edition Pléiade de Melville, Œuvres III).

 Cette obscurité de sous-bois, cette pénombre des mousses et des fougères n'est pas vantée pour elle-même, mais pour la faculté que l'écrivain y trouve de s'y cacher pour révéler la vérité : "Car dans ce monde de mensonges, la Vérité est forcée de fuir dans les bois comme un daim blanc éffarouché, et c'est seulement par d'habiles aperçus qu'elle se révèlera, comme chez Shakespeare et d'autres maîtres du grand Art d'énoncer la Vérité —même si c'est à mots couverts et par bribes." (Hawthorne and his Mosses, trad. P. Leyris). Nous retrouvons ici le théme de la vérité qui ne s'exprime qu'entre les lignes, sous le couvert des mots, cette Vérité qui rendait le "h" de Whale si important, de n'être qu'un effet de langue. (cf supra Ismahel)

  Edgar Poe dira d'Hawthorne "il traite tous les sujets sur le même mode, en demi-teinte, brumeux, rêveur..." : Hawthorne et ses mousses... Entre Ombragé et Ombrageux.

 Si, après avoir découvert ces éléments, je me remémore que le roman Moby Dick est dédié à Hawthorne, si je lis alors dans l'édition de la Pléiade que Moby Dick a été profondément remanié par Melville après qu'il ait écrit cet Hawthorne and his Mosses* , je deviens convaincu que le nom de ce bateau est un hommage littéraire crypté, auxquels seuls les lecteurs de la version originale auront accès, les autres risquant de glisser sur le Varech ou le Goémon et de passer outre. 

*Moby Dick traduit et commenté par Jaworski, Melville en Pleiade, Œuvres III p. 1345 : "...le roman [...] a subi, dans les mois qui ont suivi , une métamorphose ou simplement une expansion ou une forte accentuation épique et tragique".

 — J'avais commencé cette recherche sans même savoir le sens du mot Moss, mais je découvre que la rencontre avec Hawthorne, la lecture de Mosses of the Old Manse, et la rédaction de Hawthorne and his Mosses furent des éléments déterminants, bouleversants et féconds pour Melville, tant dans la fascination équivoque, presque érotique et du moins fraternelle exercée par Nathanael Hawthorne que dans la révélation de la puissance tragique, shakespearienne de l'œuvre à venir. Je cite Jaworski :

  " Ce que Melville reconnaît en Hawthorne, par une fascination immédiate, violente, passionnée, où l'affect a une placeessnetielle, c'est, soudain incarnée, une figure familière de sa mythologie intime, qui projette son ombre de manière obsédante dans tous ses livres depuis Taïpi : la figure complexe, —parfois distribuée entre plusieurs personnages —du compagnon d'aventure, ami et frère, (et amant rêvé, peut-être) avec lequel le narrateur entretient une relation presque gémellaire ou "siamoise", pour reprendre un terme que Melville affectionne. La différence d'âge confère en outre à Hawthorne, de quinze ans son aîné, une forme d'autorité quasi paternelle, non pas de celles qui écrasent, mais au contraire rassurent, légitimisent et permettent un dialogue libérateur avec l'autre, et surtout, dans pareil jeu de miroir, avec soi-même" (Pleiade, Notice, p. 1145).

3c. The Goney (Albatross). 

  Ce navire est mentionné au chapitre 52, dont le titre est The Albatross, "L'Albatros" (p. 267). Melville a eu auparavant, page 218, dans une note de bas de page, l'occasion de signaler que l'albatros est surnommé goney par les marins. Un site signale l'appellation conjointe de gooney-bird. Philippe Jaworski, dans sa note 3 de la page 218, explique que l'adjectif signifie "idiot", "sot", qualifiant sans-doute le manque d'expressivité de l'oiseau lorsqu'il escorte un navire en planant sans bouger la tête ni cligner des yeux ; il traduit l'adjectif par "benêt", en s'inspirant, écrit-il, "du nigaud, appellation familière du petit cormoran d'allure lourde et maladroite". Dés lors, il est amené à traduire le nom du navire par "Le Benêt", ce qui manque un peu d'allure marine. Dans sa description, Melville insiste surtout sur la couleur blanche du navire, et semble donc faire plutôt un lien avec le mot albatros et son étymologie fantaisiste issu du latin albus, "blanc" : "On eût dit le squelette d'un morse échoué, blanchi par les vagues comme par des foulons. Sur toute la hauteur de ses flancs, cette apparition spectrale était maculée de longues trainées de rouille aux reflets rougeâtres, tandis que ses espars et son gréement étaient pareils à d'épaisses branches enveloppées d'une fourrure de givre." Après que le capitaine, "penché sur le pavois blafard" , ait laissé tomber son porte-voix, l'Albatros va s'éloigner et disparaître, ombre fantômatique et de mauvaise augure.

 Henriette Guex-Rolle traduit par The Goney par "Le Diomède".

  3d) The Town-Ho (Chapitre 54).

De ce baleinier, seule l'histoire sera contée, à l'auberge The Golden Inn (l'Auberge Dorée) de Lima, mais une astérisque acollée au nom de Town-Ho! nous expliquera que "Tel est le cri que poussaient autrefois les vigies à la pomme de mât des baleiniers lorsqu'ils apercevaient les cétacés : il est encore en usage chez les baleiniers lorsqu'ils chassent les fameuses tortues des Galapagos". Il est fort peu probable que jamais navire baleinier de Nantucket ou d'ailleurs ne s'affubla d'un tel nom, et il faut plutôt voir là un effet de l'aimable effort de l'auteur pour plonger son lecteur, qu'il présume aussi peu salé qu'un fermier de l'Illinois, dans le bain linguistique des harponneurs de baleines. Lorsqu'il ne lance pas sa ligne onomastique dans la Bible du bon roi Jacques, il va ferrer ses prises dans ses meilleures encyclopédies sur la pêche baleinière.

Henriette Guex-Rolle traduit par "Le Town-Ho!", dans lequel l'oreille française entend mal à propos "le tonneau", alors que Jaworski traduit par "Holà, ho!"

3e) The Jeroboam. (chapitre 71)

      Traduction unanime : "Le Jéroboam". 

  Nous retrouvons ici le nom d'un roi d'Israël, un prédécesseur du rois Achab puisqu'il fut, de tous les rois d'Israël, le premier. Contestant au successeur désigné de Salomon la légitimité de son pouvoir, il prit la tête de dix tribus qui créèrent le royaume du Nord, laissant au sud le royaume de Juda avec deux tribus,sur lequel régnait Roboam. S'il est un trait commun entre le roi Achab et Jéroboam, c'est que tous les deux se rendirent désagréable à Yahvé : Jéroboam, soucieux de donner à son nouveau royaume son indépendance, alors que les tribus avaient perdu le lieu de culte de Jérusalem, appartenant au royaume de Juda, fonda deux nouveaux sanctuaires à Dan et à Bethel et y plaça deux veaux d'or. 

Jéroboam et Achab sont des rois impies adorateurs d'idoles, et qui repoussent les prophètes de Dieu leur envoie ; en baptisant de leur noms les baleiniers américains commandités par les quakers, Melville mène clairement la métaphore qui condamne, dans la chasse aux cétacés, une société avide de profit, adorant les veaux d'or et trahissant des alliances ancestrales.

Nous ne sommes pas étonnés que ce nom de navire soit attribué à un baleinier de Nantucket.

3f) The Virgin. (chapitre 81)

Ce navire de Brême porte un nom allemand, Jungfrau ("La Jeune Fille") que Melville traduit par The Virgin ("La Vierge"); Philippe Jaworski traduit Virgin par "La Pucelle" ; Henriette Guex-Rolle et Armel Guerne traduisent par "La Vierge". 

 Melville justifie son choix onomastique par une plaisanterie un peu lourde : comme ce baleinier allemand n'a pas réussi à pêcher la moindre baleine et qu'il n'a même plus d'huile pour sa propre consommation, l'auteur donne la parole à son capitaine, qui est monté à bord avec sa burette vide : " Son navire, dit-il en conclusion, était bel et bien ce qu'on appelle techniquement parmi les pêcheurs un navire "propre" (c'est-à-dire vide), qui méritait tout-à-fait son nom :le Jungfrau, ou la Pucelle." (p.389).

 Le nom du capitaine, Derick De Deer, mériterait peut-être une réflexion onomastique.

3g. The Rose-Bud. (Chapitre 91).

   Melville donne en anglais le nom de ce navire français, le Bouton-de-Rose, nom qu'il n'a inventé  qu'à la seule fin de se moquer de "this Crappoes of Frenchmen", ces "crapauds" ou grenouilles de Français qui, aussi piètres chasseurs que les allemands du Virgin, aussi incapables de se procurer même l'huile de leur propre éclairage, aggravent leur cas en chassant, dans une puanteur pestilentielle, les baleines mortes. C'est une scène de comédie où les américains roulent dans la farine le capitaine français, ancien fabricant d'eau de Cologne, par le truchement du second qui, étant de Guernesey, mérite d'être mieux traité et de se faire dépouillé seulement du précieux ambre gris de la baleine que Bouton-de-Rose a capturé.

  On voit que les Européens auraient de bonnes raisons de se plaindre de la façon dont ce roman les traite...si, en cette matière, la victime d'un mauvais tour ne rendait pas régulièrement la monnaie de la pièce au tour suivant.

 

2g. The Samuel Enderby. (Chapitre 100).

Traduction: Le Samuel Enderby.

  L'explication onomastique ne restera mystérieuse que jusqu'au chapitre 102, dont le début  est consacré à donner les renseignements nécessaires sur la société d'armement Samuel Enderby & Sons, très connue au XIXe siècle et à laquelle Edgar Poe fait allusion dans Les aventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket (1838). 

 Samuel Enderby (1717-1797) est le fondateur de cette société qu'il céda à ses trois fils Samuel, Georges et Charles.  Elle armait 17 baleiniers en 1785, 68 navires en 1791. Les informations données par Melville ( et qui'l a trouvé dans l'ouvrage de Thomas Beale The Natural History of the Sperm Whale) sont vérifiées :

  • Armement de l'Amelia, navire commandé par le Capitaine James Shields qui franchit le Cap Horn pour chasser la baleine dans l'Océan Austral. Le commandemant des navires d'Enderby était confié à des américains, qui composaient également l'équipage, et c'est un certain Archelus Hammond de Nantucket qui tua le premier cachalot il au large des côtes du Chili le 3 Mars 1789. Amelia est retourné à Londres le 12 Mars 1790 avec une cargaison de 139 tonnes de l'huile de baleine .
  • Le 3 Août 1819, le navire baleinier Syren , détenue par Samuel Enderby & Sons et commandé par le capitaine Frederick Coffin de Nantucket, dans le Massachusetts , a visité les lieux de chasse hors du Japon . Le navire est retourné à Londres le 21 Avril 1822 avec une cargaison de 346 tonnes d'huile de sperme.
  • La participation de l'armement Enterby aux campagnes d'exploration de l'Océan et des Terres Australes est également confirmé, comme l'atteste, par exemple, le nom de Terre Enderby donné, en territoire antarctique australien, à la terre  qui s'étend du glacier Shinnan à la Baie William Scoresby : Elle a été découverte en février 1831 par John Biscoe et fut nommée d'après les Frères Enderby de Londres, les propriétaires du navire utilisé, le Tula.

Melville ne se trompait pas lorsqu'il présumait, en 1851, que  "la maison existe encore aujourd'hui", mais la faillite fut prononcée en 1854.

  Le baleinier Samuel Enderby a réellement existé, Jaworski nous révélant par une note de la page 485 qu'il fut construit en 1834, et qu'il n'est pas impossible que Melville ait "gamé" avec lui lors de ses navigations.

  On trouve dans les Mémoires de l'Académie de médecine Volume 5,  un mémoire de M. Keraudren intitulé Des propriétés du Sublimé corrosif pour la conservation du bois (p. 41), où il présente les résultats des travaux sur l'intérêt du deutochlorure de mercure par une commission de cinq membres nommés par M. le Ministre de la Marine et des Colonies. J'ai déjà eu partiellement à traiter du délicat problème de la conservation des matières organiques dans mes articles consacrés à la taxidermie Taxidermie et collections ornithologiques au XVIIIème et XIXème sièces. (1) et à la conservation des collections naturalistes ramenés par les navires d'exploration au XVIII et XIXe siècle. Les mêmes difficultés se présentent aux marins qui veulent préserver la toile des voiles, le chanvre des cordages, ou le bois des structures. L'acide sulfurique fut proposé, avant de réalisé qu'il corrodait les pièces métalliques ; puis diverses huiles végétales et animales. Un méthode éprouvée depuis Duhamel du Monceau consiste à faire mariner les bois dans l'eau de mer et/ou de les enfouir dans la vase, en les soumettant à l'alternance des marées : c'est l'origine, par exemple à Brest, des Parcs à Bois du fond de la Penfeld, des anses de Rostellec et de Kerhuon, copié à Lorient à Keronou. Les anglais tentèrent d'appliquer sur les bois de la Reine Charlotte, vaisseau de cent canons lors d'un radoub à Plimouth, "une espèce de marcassite "riche en arsenic, avant de constater un tel "engorgement des glandes" des ouvriers que deux d'entre eux en moururent. Là où l'Arsenic avait échoué, il fallait essayer le Mercure, remède à tout faire de l'époque, qui faisait merveille dans la syphilis, remplissait les thermomètres et les dents cariées (depuis 1850), s'appréciait comme antiseptique cutané (mercurochrome®), etc... Notre auteur Keraudren  aborde donc cette riche idée dans une deuxième partie, "De l'emploi du sublimé corrosif pour prévenir la carie sèche ou pourriture du bois et de son influence sur la santé des ouvriers et des marins". C'est dans celle-ci qu'il écrit, page 61, les lignes suivantes : " Le navire baleinier Le Samuel Enderby de cinq cent cinquante tonneaux et de trente-trois hommes d'équipage a été construit à Cowes, dans les chantiers de Mr. Wite. Sa charpente est entièrement préparé au sublimé, ses voiles et ses cordages ont subi la même préparation ; néanmoins les hommes qui ont travaillé à sa construction et à son gréement n'ont éprouvé aucune espèce d'accident, et ceux qui se blessèrent fortuitement furent promptement guéris. Ce bâtiment alla terminer son équipement à Londres, et les marins qui avaient mangé et couché à bord pendant environ deux mois avant le départ pour la pêche à la baleine, restèrent en parfaite santé. Si l'équipage de l'Enderby est en aussi bon état à son retour, ce sera sans-doute une expérience bien concluante en faveur de l'innocuité du sublimé corrosif."

Oui, l'équipage de l'Enderby était en bonne santé, et au retour d'une aimable croisière de 29 mois dans les Mers du Sud (voisinant les degrés 1 à 5 de latitude Sud dans les Southern Fisheries) les différents témoignages du capitaine, de son second ou des armateurs étaient unanimes à chanter les mérites du "Procédé Kyan".

        On eut aussi l'idée d'utiliser les excellentes propriétés du mercure pour la conservation des graines de semence : voilà ce qu'en dit un rapport Piren-Seine de 2004:

Un grand nombre de composés de mercure ont été utilisés pour le traitement des graines, notamment celles des céréales, avant les semailles. Régulièrement des accidents liés à l'utilisation de ces graines pour la fabrication de farine et de pain a entraîné l'intoxication de populations (en Irak en 1956, 1960 et 1972, provoquant la mort de centaines de personnes et l'empoisonnement de plusieurs milliers d'autres. Des intoxications humaines similaires ont été enregistrées en 1961 au Pakistan, en 1963, 64 et 65 au Guatemala) (Bakir 1973). La Suède, qui utilisait à grande échelle des dérivés alkyl du mercure pour le traitement des graines, a par ailleurs montré comment la toxicité de ces graines avait provoqué la mort de nombreux oiseaux et de leurs prédateurs. Ces deux types d'événements ont participé au même titre que Minamata à la prise de conscience des dangers du mercure dans la deuxième moitié du XXe siècle. Au début du XXe siècle, le sublimé corrosif ou bichlorure de mercure était utilisé pour combattre les maladies cryptogamiques de la vigne et en particulier le black rot (Bouchonnet 1909, p.285). L'Angleterre a commencé à produire des dérivés organiques du mercure (essentiellement du diméthyl mercure) pour leur utilisation comme fongicide en 1914 (Hamilton 1949, p.113). Mais ce commerce ne s'est véritablement développé qu'à partir des années 1930 (Hunter 1975, p.315). A la suite des accidents des années 1960, l'utilisation des composés mercuriels pour traiter les semences a progressivement disparu. Les composés organo-mercuriques entraient également dans la composition de fongicides destinés à combattre les moisissures de la pâte à papier. La France a publié une circulaire le 5 janvier 1976 pour interdire tout usage de biocides mercuriels dans les papeteries, une directive européenne a prohibé l'utilisation d'anti-parasitaires mercuriels en 1979 (directive européenne 79/117) et la France a supprimé toutes les dérogations à cette directive en 1989.

On sait que les chapeliers qui utilisaient le mercure pour traiter les feutres, et qui respiraient les vapeurs mercurielles, "travaillaient du chapeau" et devenaient fous : c'est le modèle du chapelier d'Alice au Pays des Merveilles. Melville nous signale bien que le chirurgien du Samuel Enderby était atteint d'hydrophobie ; mais, renseignement pris, ce symptome est très courant dans la marine, notamment anglaise qui s'adonne...au thé. Il n'appartient pas à la sémiologie de l'intoxication mercurielle, tout au plus à celle de la Rage, dont il est un signe précoce, mais qui se transmet par les renards, assez rares sur les bâtiments de sa Majesté. Le sublimé corrosif n'est pour rien responsable, à notre connaissance, du comportement de Jack Labonde.

  N'est-il pas possible par contre que le Capitaine Achab ait navigué sur un navire soigneusement traité au sublimé ?

 Le Samuel Enderby a été construit par Thomas White à Cowes (île de Whight) en 1864 ; ce baleinier gréé en 1851-52 en trois-mâts barque, de 422 tonneaux en ancienne jauge, 395 tonneaux selon la jauge moderne, enregistré à Londres, avait une carène doublée de cuivre. Il avait été réparé et réaménagé pour ses suprastructures en 1847. Ses propriétaires furent la Société Enderby, puis en 1851 la compagnie South Sea Whaling, puis la Southern Whaling and Fishing Compagny. Il a été commandé par les capitaines suivants : William Lisle de 1836 à 1840 ; Watson de 1840 à 1844 ; Georges Gerre puis Charles Freeman en 1847 ; Joseph William Miller* en 1847-1849 ; Henderson de 1849 à 1852; Oliver de 1853 à 1854, date à laquelle il disparaît des registres de la Lloyds (Lloyds Register of Shipping). Il navigua sur la ligne Londres-Cowes, puis à l'île Maurice en 1851-52, puis dans les mers du Sud.

* second sur Samuel Enderby sous le commandement de W. Lisle.

  Melville navigua sur des baleiniers de 1840 à 1842 : s'il a rencontré le Samuel Enderby, celui-ci était sous le commandement du Capt. Watson; s'il en a entendu parler avant et pendant la composition de Moby-Dick, le navire était alors sous le commandement des capitaines suivants. En 1836, le chirurgien du  Samuel-Enderby se nommait Charles Penny : en 1867, il était signalé, à Hobarth, comme passager sur l'Alexander-Henry  (The Sydney Monitor Lundi 13 Février 1837). Je n'ai pas retrouvé les noms des autres chirurgiens.

  La South Sea Whaling Compagny a été créée par octroi à Charles Enderby d'une chartre royale l'autorisant à établir sur les îles Auckland une station baleinière permanente et une colonie. En effet, l'entreprise familiale Enderby était en déclin à la suite de pertes occasionnées par plusieurs expéditions ambitieuses dans l'Océan Austral, et surtout aprés l'incendie qui avait détruit en 1845 leur Corderie du quartier londonien de Greenwhich, Enderby's Hemp Rope Works. Pour sauver l'entreprise, Charles obtint une aide du gouvernement pour créer cette colonie, permettant aux baleiniers de caréner et de décharger leur cargaison. Charles Enderby fut nommé lieutenant-général des îles Auckland. En décembre 1849, il mena une expédition composée de trois navires transportant 150 colons, un chirurgien un ingénieur civil, des menuisiers de marine et divers animaux de fermes qui débarquèrent à Port Ross. Ils eurent la surprise d'y découvrir 70 maoris et leurs esclaves morioris. Les terres furent défrichées et la station baleinière montée, disposant de huit navires,  mais le climat froid, les précipitations excessives, la nature aride des sols, et l'absence de baleine capturée mena le projet à l'échec ; la colonie, baptisée Hardwicke, fut abandonnée en août 1852 par Charles Enderby, qui regagna Londres. L'entreprise familiale fut liquidée en 1854, et lui-même décéda dans la pauvreté le 31 août 1876. Quand aux îles Auckland, elles sont restées inhabitées. L'île la plus au nord de l'archipel porte le nom d'île Enderby.

  Dans cette aventure des îles Auckland, le Samuel Enderby, commandé par Henderson appartient, avec le Fanny et le Brisk à la liste des trois navires qui, partis de Plimouth le 17 août, appareillèrent de Nouvelle Zélande en décembre 1849 : Charles en personne était à bord du "Sammy",  avec 40 "mecanics" (mécanicien-monteur ?) et leur famille.

 

 quelques sources :

l'incendie de la corderie et Enderby House.

 

 

 

Geoges Glazer Gallery : THE SAMUEL ENDERBY, OF 422 TONS, WILLIAM LISLE, COMMANDER LEAVING COWES ROADS FOR LONDON, SEPT. 1834 par William Huggins

The Samuel Enderby

 

 Interessons-nous maintenant aux patronymes des officiers du Samuel-Enderby :

Le capitaine se nomme Boomer (Traduit par "Florissant" par Jaworski, ). Le second se nomme Mounttop ( "Duhaut-Dumont" par Jaworski,  ). Le ton débridé du capitaine et du chirurgien laisse présumé qu'une intention se cache derrière ces noms saugrenus, mais les patronymes choisis en traduction n'aident pas mon imagination à créer les associations libres nécessaires. Armel Guerne a choisi de conserver les noms de Boomer et de Mounttop. Henriette Guex-Rolle également, mais elle orthograpjhie "Mountop". Quelle astuce Melville y a-t-il caché ?  Mounttop, "Monte-la-d'sus" ? Boomer, "l'Explosif" ? ou bien "Et qu'ça saute?".

Le chirurgien se nomme Jack Bunger (Traduction "Jack Labonde" par Jaworski, "Bunger" par H.G.R). Son nom fait l'objet d'une note dans l'édition critique Norton de 2002 : " One who puts the bung (plug) into a cask of liquide, or (the case here), who pulls is out. The name signals the unreliability of the surgeon's claim to be a total abstinence man". "La bonde" se rapporte donc au tonneau, ou à la bouteille, que Bunger ne sait pas boucher ; néanmoins, comme d'autres noms de cette onomastique melvillienne, il semble que d'autres sens moins convenables pourraient être devinés, et que les trois noms de Boomer, Mounttop et Bunger soient de connivence. 

  Bunger pourtant un patronyme authentique, et si, en Antarctique, une chaîne cotière a été baptisée Bunger Hills, c'est pour avoir été photographiée par l'avion de reconnaissance de l'U.S Navy pilotée par David E. Bunger (en 1947).

  Armel Guerne a traduit par "Jack Bondon".

 

 

3h) The Bachelor. (Chapitre 115).

Traduction: "Le Célibataire", navire de Nantucket. Drôle de nom, que peut-il vouloir dire ici ? 

3i). The Rachel (Chapitre 128 Le Pequod rencontre la Rachel)

"La Rachel" est le nom d'un navire baleinier commandé par le capitaine Gardner, de Nantucket, un ami d'Achab. L'onomastique du nom du navire est claire, car lorsque le Pequod rencontre la Rachel, ce baleinier vient de perdre, la veille, une baleinière et son équipage, parmi lequel se trouve le propre fils de Gardner : ce dernier supplie donc Achab de participer aux recherches, mais Achab refuse avec d'autant plus de détermination qu'il vient d'apprendre que c'est Moby-Dick qui a entraîné la baleinière de la Rachel à sa perte. 

 En effet, "Rachel (hébreu רָחֵל (raḥel) : brebis),  personnage biblique de la Genèse, est la cousine et la seconde femme de Jacob : elle lui donne ses deux derniers enfants, Joseph et Benjamin, mais meurt des suites de cette dernière naissance. Sur son tombeau, à Béthlém, Jacob dresse une stèle (Genèse 35, 16-20) qui commémore autant la naissance inespérée du fils que la mort de la mère. Bien des siècles plus tard, Saül, descendant de Benjamin, reçoit l'onction de roi. Il est le premier messie royal d'Israël. Aussitôt le prophète Samuel l'envoie au tombeau de Rachel (1 Samuel 10, 1-2). Les premiers pas du premier messie le portent vers le tombeau qui rappelle qu'un fils est sorti vivant contre toute attente.

  On ne voit là aucun rapport avec le chapitre où la Rachel tire des bords dans le Pacifique à la recherche de l'équipage de la baleinière. C'est la citation de l'évangile de Matthieu, qui cite le prophète Jérémie, qui est explicite : "Alors Hérode, voyant qu'il avait été joué par les mages, se mit dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléhem et dans tout son territoire, selon la date dont il s'était soigneusement enquis auprès des mages. Alors s'accomplit ce qui avait été annoncé par Jérémie, le prophète: « On a entendu des cris à Rama, Des pleurs et de grandes lamentations: Rachel pleure ses enfants, Et n'a pas voulu être consolée, Parce qu'ils ne sont plus. » " La citation de Jérémie 31:15, qui annonce la déportation des enfants d'Israël à Babylone, est la suivante :"Ainsi parle l'Eternel: On entend des cris à Rama, Des lamentations, des larmes amères; Rachel pleure ses enfants; Elle refuse d'être consolée sur ses enfants, Car ils ne sont plus."   (Ramah est une ville du territoire de la tribu de Benjamin, ville où est né Samuel ).

  C'est donc uniquement sur le plan métaphorique et prophétique lié au massacre des Innocents et à la destruction de Jérusalem que Rachel, qui mourut en réalité avant ses enfants, peut être décrite comme une mère pleurant ses enfants, et ne pouvant être consolée.

  Le thème de la mort des enfants a déjà été évoqué par la figure du forgeron Perth, qui, par sa faute, a conduit ses enfants à la mort. Lorsqu'il forge, les étincelles qui tourbillonnent autour de son front sont comparés à des pétrels tempête, âmes défuntes suivant inlassablement les navires. Les marins les surnomment Mother Carey's childrens, les enfants de la Mère Carey.

  La Rachel possède une place majeure dans le récit puisque le nom de ce navire apparaît à la dernière phrase de Moby-Dick, dans l'Épilogue : "Le second jour, une voile parut, s'approcha, et me recueillit enfin. C'était la Rachel à la course errante : ayant rebroussé chemin pour continuer de chercher ses enfants perdus, elle ne trouva qu'un autre orphelin."

  On voit combien est polyvalente la figure de Rachel dans la Bible et dans le roman : mère mourrant en donnant la vie ; mère pleurant ses enfants perdus : mère errant à leur recherche ; mère en dernier lieu salvatrice du héros Ismaël. Du deuil d'une mère, puis du deuil d'enfants, on termine par le mot "orphelin". Herman Melville avait perdu son père à l'âge de 12 ans.

 

 

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3j) The Delight.  (Chapitre 131)

Traduction "La  Joie." (Henriette Guex-Rolle), "Le Délice" (Armel Guerne), "Le Délices" (Jaworski). 

  Le nom du navire est commenté par le texte : "and another ship, most miserably misnamed The Delight, was descried", ce que Armel Guerne traduit littéralement et fidélement par  par "Un autre vaisseau, qui portait misérablement son nom de "Délice"", alors que Jaworski choisit : "L'on signala un autre navire, malencontreusement appelé Le Délices."

  Du point de vue du narrateur, le nom du navire est malencontreux, puisqu'après le Rachel et sa baleinière perdue, Le Pequod qui poursuit avec acharnement le cachalot blanc rencontre une autre navire baleinier victime de Moby-Dick, et qui s'apprête à immerger le cadavre d'un des six matelots tués la veille par le cétacé. Mais du point de vue de Melville, qui a précisément choisi ce nom parmi tant d'autres, il est parfaitement approprié à son dessein. Résoudre les raisons de ce choix permettrait de mieux comprendre le dessein, et, a contrario, connaissant par ailleurs le dessein melvillien, nous pouvons présentir les raisons du choix.

 J'ai consulté le dictionnaire (Online Etymology Dictionary) : "delight (n.) c.1200, delit, from Old French delit "pleasure, delight, sexual desire," from delitier "please greatly, charm," from Latin delectare "to allure, delight, charm, please," frequentative of delicere "entice" (see delicious). Spelled delite until 16c. when it changed under influence of light, flight, etc.  "

  On trouve donc la notion de jouissance, et de jouissance sexuelle (il ne serait pas diificile de souligner combien celle-ci sous-tend l'œuvre) , celle de charme (envoûtement d'Achab, qui s'accroît face aux prouesses combattives de son adversaire), et on y trouve souligné aussi la contamination du mot par light, "lumière" (l'une des clefs du roman étant l'opposition entre Bien et Mal, Lumière et Obscurité, Dieu et Satan, Naissance et Destruction, etc...) et surtout fight, "combattre". 

  L'interprétation la plus simple du nom de navire est d'y voir un effet d'oxymore, les 'délices" annoncées se révélant funèbres, et la chasse glorieuse du "Maître-et-comme-possesseur-de-la-nature" virant au piteux cauchemard, pour ceux que n'exaltent pas les fièvres d'un défi faustien ou prométhéen. Mais, sans que je puisse aller plus avant, il me semble que le nom ne vaut pas que par son contraire : de vrais délices, puissamment sexuels et puissamment jouissifs (les "suppliciantes délices" A. Gide), sont aussi en jeux, et lorsque Melville s'accuse d'avoir créé un nom "most miserably misnammed", il les dissimulent habilement, tout en les énonçant toutes voiles dehors.

  Qu'aurais-je choisi pour traduire Delight : "Ravissement", pour le double sens du mot "ravir" ? 

 

  

3. Autres noms.

 

Les officiers: 

Starbuck : " Nom d'une célèbre famille quaker de baleiniers établie à Nantucket au XVIIe siècle. Mary Starbuck, dont la jeune femme du seond porte le prénom, avait contribué à propager la foi quaker au début du XVIIIe siècle en créant la Société religieuse des Amis. Thomas Starbuck est l'un des personnages du roman de Joseph C. Hart Miriam Coffin." (P. Jarowski, op. cité p. 1204).

 La marque de café Starbucks a été créée en 1971 à Seattle par Jerry Baldwin,  professeur d'anglais, Zev Siegel, professeur d'histoire, et l'écrivain Gordon Bowker, tous trois passionnés de café et soucieux de témoigner du passé maritime du négoce du café. Gordon Bowder proposa de nommer la marque du nom du baleinier de Moby-Dick, mais Terry Heckler, créateur du logo, a rétorqué "Mais personne ne boira une tasse de Pee-quod !". Les associès remuèrent leurs méninges, et c'est le nom du premier lieutenant du bord qui en sorti, Starbuck. 

 

 Le premier logo se compose d’un cercle – rappelant un hublot – de couleur marron au centre duquel trône une sirène couronnée avec deux queues et la poitrine apparente Le choix de la sirène comme mascotte, et plus largement de toute l’imagerie maritime qui accompagne la société, s’explique par ses racines profondément ancrées dans la mer : « Nous voulions évoquer la tradition des voyages maritimes qui a accompagné l’histoire des premiers exportateurs de café, ajoute Steve Barrett. Cela a amené Terry Heckler à se tourner vers de vieux ouvrages de marine pour y puiser son inspiration. Ainsi il a basé son design sur une gravure scandinave datée du 16ème siècle représentant la figure d’une sirène. Pour ce qui est de la riche et profonde couleur brune du logo, elle fut choisie pour rappeler la nuance chaude des grains de café torréfiés. Et ces nuances de marron sont effectivement très vite devenues le symbole du café aux yeux des milliers de buveurs de café en Amérique du Nord. » Voir toute l'histoire du logo.

 

 

  

Starbucks+Brown.jpg

Stubb :

"Stubbs (avec un s ) est un nom relativement courant dans les registres d'état-civil de Nantucket (Nantucket Vital Records) de l'époque ; le nom "Stubb", en revanche, n'y figure pas. Le mot stub en anglais signifie "souche", "chicot", "bout" : il peut donc suggérer le caractère direct, brusque et peu subtil du personnage. (P. Jaworski, op. cité, p. 1205).

Le dictionnaire propose aussi pour l'anglais stub le sens de "souche d'un arbre", "talon" (d'un ticket)", "mégot", "bout (de crayon, de chandelle)" ; il rentre dans la composition de pay stub, "fiche de paye". Comme verbe, il signifie "heurter" (son orteil), "écraser un mégot" (he stubbed out the cigarettes in the ashtray).

Flask.

  "Le second lieutenant incarne la médiocrité. L'assimilation de Flask à "une fiole vide" au chapitre 134 (p.604) fait référence à la signification du mot anglais flask, "fiasque", "flacon" ". (P. Jaworski, op. cité p. 1205).     On peut aussi le traduire par "gourde". 

Au chapitre 48, Flask est surnommé little King-post, traduit p. 247 par Jaworski par "le petit plançon" (le plançon est une tige d'osier, de saule ou de peuplier préparée pour servir de bouture), et par Henriette Guex-Rolle par "Le petit Cabrion", le cabrion étant un terme de marine désignant un madrier pour l'arrimage des caisses à eau, ou une pièce de bois servant à raffermir les affûts. King-post désigne à terre une pièce verticale de charpente, élément d'une ferme de toit. Le chapitre 27 nous explique que son surnom illustre son endurance :

"De même que l'on distingue dans les clous de charpentier les clous forgés et les clous découpés, de même l’humanité peut être divisée en deux catégories. Le petit Flask comptait au nombre des clous forgés faits pour river fermement et durer longtemps. A bord du Pequod on le surnommait Plançon,, parce que sa forme pouvait rappeller ces madriers courts et carrés connus des baleiniers de l’Arctique sous ce nom, qui, pourvus d’allonges latérales disposées en rayons, permettent de protéger le navire du heurt des glaces dans ces mers impétueuses." (p. 143)

 

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Les harponneurs:

 

a). Queequeg (et Yojo).

Queequeg dans le texte original, traduction : "Queequeg" ( Henriette Guex-Rolle), "Quiequeg" (Armel Guerne), "Quiqueg" (Jaworski).

L'article Whence come you, Queequeg? de Geoff Sanborn, paru dans" American Literature " Vol. 77 N°2, Juin 2005 révèle que ce personnage est né après la lecture par Melville de Les Néo-Zélandais (1830), de Georg Lilie Craig, sur le modèle du noble sauvage maori nommé Tupai Cupa. Quiqueg est le fils du roi de l'île de Kokovoko, toponyme inventé par Melville sur des sonorités polynésiennes évoquant entre-autre celles du mot Toi moko.

 

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Les Toi Moko.

Les têtes réduites de guerriers tatoués sont caractéristiques de Nouvelle-Zélande où elle portent le nom de Toi-Moko ou Moko-mokai (alors que le tatouage permanent du visage porte celui de Tā moko, moko signifiant "tatouage". Depuis  25 ans, le pays tente de récupérer quelques unes des  têtes répertoriées et dont certaines sont conservées dans des musées. Celle du Muséum d'histoire naturelle de Rouen a été restituée en 2011 ; puis l'ensemble des 20 têtes conservées dans les collections françaises ont été restituées en 2012.

Après leur première découverte de ce rite par le Capitaine Cook, l'intérêt de l'Europe pour ces têtes incita les Maories à en faire commerce, organisant des raids contre leurs ennemis ou capturant des esclaves pour les décapiter et tatouer leur tête post-mortem avant de les faire sécher pour les vendre.   Leur commerce a été interdit en Angleterre en 1831. On comprend que Queequeg ait-eu des difficultés à écouler sa lugubre marchandise ("le marché est saturé" (p.38).

  Les voyages français d'exploration ramenèrent dans les cales des navires quelques têtes : le Musée de Sens en conservait une ramenée du voyage de Dumont-Durville sur l'Astrolabe de 1827 ; celle du Musée de la Marine avait été rapportée de Nouvelle-Zélande le 5 avril 1824 par René-Primevére Lesson, chirurgien et botaniste de la corvette La Coquille lors de son tour du monde sous le commandement de Duperrey.

Celles des Museum de Rouen et de Nantes  et l'une de celles du Muséum National d'Histoire Naturelle ont un intérêt littéraire en rapport avec Gustave Flaubert : Celle du MNHN avait appartenu à Maxime du Camp, l'ami de Flaubert et son compagnon de voyage en Bretagne comme en Orient. Gustave Flaubert rapporte dans Par les champs et par les grèves de 1847 comment il avait découvert au Muséum de Nantes une Toi-Moko, celle donnée en 1826 par le chirurgien de marine François-Louis Busseuil qui l'avait recueillie en Nouvelle-Zélande lors de son tour du monde sur la Thétis de 1824-1826 :

  "La belle chose qu’une tête de sauvage ! Je me souviens de deux qui étaient là, noires et luisantes à force d’être boucanées, superbes en couleurs brunes, avec des teintes d’acier et de vieil argent. La première...On a mis prés d'elle une tête d'homme de la Nouvelle-Zélande, sans autre ornement que les tatouages qui l'ont engravée comme des hiéroglyphes et  que les soleils que l'on distingue encore sur le cuir brun des joues, sans autre coiffure que ses longs cheveux noirs, débouclés, pendants et qui semblent humides comme des branches de saule. Avec ses plumes vertes sur les tempes, ses longs cils abaissés, ses paupières demi-closes, elle a un air exquis de férocité, de volupté et de langueur. On comprend en la regardant toute la vie du sauvage, ses sensualités de viande crue, ses tendresses enfantines pour sa femme, ses hurlements à la guerre, son amour pour ses armes, ses soubresauts soudains, sa paresse subite et les mélancolies qui le surprennent sur les grèves en regardant la mer."

 

Quand au Museum d'Histoire Naturelle de Rouen, son rapport à Flaubert est moins direct : ce musée a été dirigé en 1828 à sa création  par un chirurgien élève de Cléophas-Achille Flaubert (le père de Flaubert) du nom de Felix -Archimède Pouchet ; le fils de ce dernier, Georges Pouchet (1833-1894) professeur d'anatomie comparée, compte parmi les amis proches de Flaubert. C'est à ce Musée que Flaubert emprunta le perroquet qui est le héros animal de Un cœur simple. Surtout, Felix-Archimède Pouchet avait rassemblé au Museum une collection de moulage de crânes (actuellement conservée au Musée Flaubert et d'Histoire de la médecine) qu'il avait commandé  auprès du musée de la Société phrénologique de Paris, inauguré en 1836 et principalement conçu par Pierre-Marie-Alexandre Dumoutier. Une correspondance conservée dans les archives du Muséum atteste d’une première commande de seize têtes et d’un moulage de cerveau auprès de madame Dumoutier. Son mari était alors à bord de l’un des navires commandés par Dumont d’Urville à l’occasion d’une expédition au pôle sud et en Océanie (source : http://criminocorpus.hypotheses.org/4330).

 Dumoutier avait été en effet embarqué sur l'Astrolabe comme "préparateur d'anatomie et phrénologiste" sur décision de Dumont-Durville, phrénologue également. (Source : Ackerknecht 1956). On voit le lien étroit qui réunit l'engouement de l'époque pour la phrénologie et la tendance à collectionner des crânes, dont des têtes maories.

 L'influence de la phrénologie est perceptible dans Moby-Dick à plusieurs reprises, sous forme directe.

Tout cela ne me donne pas de piste pour comprendre comment Melville a choisi Queequeg come patronyme de son "bon sauvage".

 A défaut, j'ai trouvé sur le net :

— cet extrait de la présentation de l'édition Pléiade par Philippe Jaworski : Au chapitre XVIII, Ismaël présente au capitaine Peleg, armateur du Pequod, son ami Quiqueg (Queequeg dans l’original), espérant le faire engager comme harponneur. Peleg, quaker bon teint de Nantucket, ne parvient pas à répéter correctement le nom du sauvage. 

Peut-être veut-il éviter d’avoir à prononcer un nom païen, peut-être ne l’a-t-il pas bien compris. Quoi qu’il en soit, il lui substitue un mot vaguement ressemblant, quohog, qui désigne en Nouvelle-Angleterre une grosse palourde, et glisse ensuite à un autre mot proche par le son du premier, hedgehog (« hérisson »). Partant d’une forme francisée du nom polynésien, Quiqueg, nous avons exploité quelques-uns des mots où se retrouve le couple de consonnes c / q ou q / c. Si les repères familiers de l’armateur ont disparu en français, les substituts du nom du sauvage qui viennent maintenant sur ses lèvres révèlent d’autres facettes du personnage : « Allons… dites à votre Qui… Quiconque… Quelconque ? comment l’appelez-vous ?… Dites-ce à ce Quiconque d’approcher. Par la grande ancre, quel harpon il porte ! […] Il nous faut absolument ce Quinconce… je veux dire Quiconque… dans l’une de nos pirogues. »

— Une discussion onomastique sur Queequeg : http://kn0l.wordpress.com/queequeg-le-maori-ou-kuikoe-le-marquisien/

L'auteur, Stéphane Jourdan, pense que le nom Queequeg aurait pu être inspiré à Melville par celui  d'une plante parasite qu'il aurait entendu aux Marquises : Kūiko’e, ce qui signifie "celui qui n’a pas de mère". Prononcé par un anglais, cela donnerait quelque chose comme Queequeg. Le nom scientifique de la plante est Decaisnina forsteriana (J.A. Schultes & J. Schultes)  et rend hommage au botaniste Johann Reinhold Forster, ou à son fils Georg, qui embarquèrent tout deux sur la Resolution durant le deuxième voyage de Cook de 1772 à 1775. Cette plante est nommée en anglais  Red Mistletoe, ("Gui rouge"). 

Un commentateur a fait remarquer, en faveur de la signification "sans mère" cryptée derrière Queequeg, que  le dernier mot du roman, était "orphelin", que la thématique du veuvage et des orphelins était importante dans le récit , et que dans le chapitre 12,  la mère de Queequeg n’est pas mentionnée. “His father was a High Chief, a King; his uncle a High Priest; and on the maternal side he boasted aunts who were the wives of unconquerable warriors.” 

Melville a séjourné aux Marquises après sa désertion du trois-mâts baleinier « Acushnet », le 8 juillet 1842, à Taiohae, île Nuku-Hiva . Avec un autre marin, il se réfugia dans la vallée de Taipivai où vivaient les tribus Hapaa et Taipi connus pour leur cannibalisme. Le 9 août,  il embarquait sur le baleinier Lucy Ann  qui l’emmènait à Tahiti. Son séjour forme la base des romans autobiographiques Taïpi et Omoo qui   décrivent notamment en détail les conditions de vie des tribus indigènes.  

 

b) Tashtego, "un Indien de race originaire de Gay-Head, le promontoire le plus occidental de Martha's Vineyard, où subsistent les derniers vestiges d'un village de Peaux-Rouges, qui donne depuis longtemps à l'île voisine de Nantucket nombre de ses plus hardis harponneurs" (p. 144).

 C'est à Gay-Head (actuellement Aquinnah) qu'est né Amos Smalley (1877-1961), le harponneur qui a tué en 1902 "Moby-Dick", ou, du moins, un cachalot blanc de 90 pieds de long. Gay-Head est l'un des plus anciens site de pêche des cétacés par les indiens Wampanoag, pêche pratiquée alors à partir du rivage puis à l'aide de petites embarcations. Gay-Head est l'une des trois réserves établies au XVIII et XIXe siècle sur  Martha's Vineyard, avec Chappaquiddick et Christiantown.  

Une compagnie de production de films de New York a pris le nom de Tashtego Films ; Tashtego Punta est le nom d'une pointe en Antarctique.

 Je ne peux m'empêcher d'en recopier la description par Melville : on verra comment s'y travaille, sous le signe du Noir, de l'étrangeté et de la pureté, et par le biais du thème de la chasse, celui de l'animalité, laquelle va glisser vers le satanisme :

" les longs et fins cheveux noirs de Tashtego, ses pommettes hautes, ses yeux de jais très ronds,— d'une dimension toute orientale pour un Indien, mais avec des scintillements polaires —, tous ces traits désiganient assez en lui l'héritier de ces fiers chasseurs guerriers au sang pur qui, lancés à la poursuite du grand élan de Nouvelle-Angleterre, avaient battu, l'arc à la main, les forêts primitives du continent. Tashtego, pourtant, ne suivait plus au flair  la trace des bêtes des bois, mais le sillage des formidables baleines de l'océan, l'infaillible harpon du fils remplaçant opportunément la flêche impeccable des pères. A voir son corps fauve, souple et musculeux aux lignes serpentines, vous eussiez été tenté d'accorder foi aux superstitions de certains des premiers puritains et de voir dans ce farouche Indien un rejeton du prince des Puissances de l'Air*. Tashtego était l'écuyer de Stubb, le premier lieutenant."

* "c'est-à-dire le diable (Voir Épitre de Paul aux Éphésiens, II,1-2) " (Jaworski, op. cité p. 1205)

 

c) Daggoo

           Traduction : Daggou (Jaworski) 

Melville a placé délibérement ses trois harponneurs sous le signe du sauvage et du paganisme, et on se rappelle que c'est par le sang de ces trois païens qu'est baptisé le harpon par lequel Achab va chasser Moby Dick.

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Autres :

Perth, le vieux forgeron du Pequod (chapitre 112).

 Je ne trouve pas d'autre signification du mot anglais Perth que de renvoyer à des noms de ville, dont en premier lieu la ville australienne, capitale de l'Australie Occidentale ; et je ne voyais là aucun rapport avec le forgeron du bord. Pourtant, la note 2 de la page 540 de Philippe Jaworski m'incite à considérer que Perth, ancienne capitale du royaume d' Écosse, (Peart / Pairt, dérivant d'un mot signifiant "bois") est proche des collines de Birnam et Dunsinane. On se souvient alors de la prophétie faite au roi, dans Macbeth de Shakespeare, "Macbeth jamais ne sera vaincu avant que le grand bois de Birnam n'atteigne la haute colline de Dunsinane et ne marrche contre lui." (Acte IV, scène 1). Outre que l'influence de Shakespeare est considérable sur la composition de Moby-Dick, cette prophétie est clairement reprise par celle faite par Fedallah à Achab : "Le chanvre seul peut te tuer". Le capitaine l'interprète en pensant que seul la condamnation à la pendaison, forcément à terre, peut l'atteindre, et il se considère comme invulnérable face au cachalot. Il occulte la matière dont est faite la ligne de son harpon, en bon chanvre américain.

 

 

Faut-il pousser l'érudition jusqu'à étudier la racine grecque πέρθω / pérthô, « détruire, mettre à sac, piller »,  le radical perth- étant issu de l'indo-européen bher-, « couper » (In étymologie de Persée) ?

  

  Par contre, pour rester dans la mythologie, la fonction du personnage, et sa boiterie, évoquent le dieu Héphaïstos. Il est évident que le portrait du forgeron cache une intention, une cryptographie, et l'hypothèse de la figure d'Héphaïstos, forgeron des flèches d'Apollon et d' Artemis ou de la foudre de Zeus, est assez tentante. Si on a en tête le tableau de Rubens au Prado Héphaïstos forgeant le foudre de Zeus, on lit autrement le passage où Perth forge le harpon d'Achab.

(Source : Wikipédia)

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  Il y aurait trop à dire sur la dimension mythique du personnage, directement et explicitement lié au mythe prométhéen qui embrase Achab : il faudrait alors analyser phrase après phrase 112 et 113. A celle-ci s'ajoute la dimension saturnienne, ou mélancolique, qui reprend le thème du chapitre 1 : ayant perdu par sa faute (son éthylisme) son travail, son foyer, sa charmante épouse et les têtes blondes de ses enfants, il choisit, plutôt que la Mort, ou, en guise de mort, l'embarquement sur un baleinier : 

  "mais la mort n'est qu'un départ pour les régions de l'étrange inexploré, le premier salut adressé aux possibilités de l'immense lointain, du monde illimité des eaux. C'est pourquoi aux yeux de ceux qui aspirent à la mort, mais que des scrupules retiennent encore devant le suicide, l'océan qui donne à tous et reçoit chacun — l'océan déploie les séductions de ses vastes plaines aux terreurs inimaginables, fascinantes, et les aventures merveilleuses d'une vie nouvellle. Mille sirène, du cœur de ses Pacifiques infinis, leur adressent leur chants: Viens à nous, cœur brisé ; tu connaîtras une autre vie, libre du péché de la mort qui est passage ; tu connaîtras ici, sans mourir, des prodiges d'un autre monde." (p. 529)

 C'est le génie littéraire qui permet, tout en s'inspirant d'un personnage mythologique, tout en suivant une métaphore, d'y fusionner d'autres éléments pour créer un personnage de roman unique. Perth, brûlé, comsumé par le remords ou la honte, erre sur les Océans, mi démiurge, mi-Caïn (hébreu קין qayin, "forger"). 

 Aussi puis-je regretter que la traduction ne rende pas entièrement compte de ce très beau passage où Perth, battant le fer sorti de l'enclume et environné d'étincelles, est interrogé par Achab : "Are-these thy Mother Carey's Childrens, Perth ?". Jaworski traduit, exactement, "Sont-ce là tes pétrels, Perth ? Ils ne quittent jamais ton sillage." On devine que ces pétrels-tempête (storm-petrels) qui suivent fidélement le sillage de Perth (Perth /Petrel) sont ses remords et ses hantises, mais la tradition anglo-saxonne qui les surnomment Mother Carey's Childrens, les enfants de la Mère Carey, dame Blanche féérique qui hante les mers souligne d'avantage que ces pétrels, où les marins voient l'âme des marins noyés, sont ici les enfants décédés de ce Père du Feu volants en incandescences autour de son front.

 

"Smut".

  Ce nom apparaît au chapitre 108 dans la bouche du charpentier : "Come, come, you old Smut, there, bear a hand, and let's have that ferule and buckle-screw" , "Allons, mon bon Noir-de-Fumée, aide-moi...et termine cette virole et cette boucle à vis, je vais en avoir besoin dans un instant." (Jaworski p. 511). Ce surnom est adressé au forgeron Perth, comme le confirme à la page suivante l'échange entre Achab et le charpentier : "Le forgeron, qu'est-il en train de faire ? — Il doit forger la boucle à vis, en ce moment".

Une note de l'édition critique Norton de 2002 précise (p. 358) : "Smut : sailor's name of the blacksmith (from the soot he works in)" : Smut : nom donné par les marins au forgeron ( qui travaille dans la suie)". Le dictionnaire Collins donne  deux significations Smut :"charbon", salissant comme la suie, mais aussi : smutty : "sale, indécent, pornographique, obscène". Il provient de l'allemand schmutzen, "salir".

  On comprend donc que la traduction "mon bon Noir-de-fumée" laisse peut-être de coté un sous-entendu gentiment injurieux. Henriette Guex-Rolle ne traduit pas et garde le nom Smut.

Pippin, ou Pip,

  le mousse, ou "cabin boy", garçon de cabine : son nom est un surnom venant de "pépin", témoignant sans-doute de ce qu'il est noir. Les cabin boy avaient habituellement 14 à 16 ans.

  Devenu fou après avoir été abandonné en pleine mer parce qu'il a sauté à deux reprises de la baleinière, il est comme adopté par Achab et installé dans sa cabine. Il joue alors un rôle analogue au "fou du roi", et notamment du fou qui accompagne le roi Lear.

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Fedallah :

  Le travail a déjà été fait, et il me suffit de recopier la note 1 de la page 247 de la traduction de Jaworski : " Selon Dorothee M. Fonkelstein (Melville's Orienda, New york, Octagon Books, 1971, p. 223-239), le nom Fedallah signifie en arabe " Le Sacrifice [ou la Rançon] de Dieu". Elle précise qu'à l'époque de Melville le terme fedai ("celui qui se dévoue" ou "celui qui sacrifie sa vie" désignait les "anges vengeurs" envoyés par le "vieil Homme de la Montagne" , chef de la secte des Assassins [Hashashin] mentionnée par les Croisés, Marco Polo, Samuel Purchas et autres voyageurs au Moyen-Orient. Fedallah, qui est décrit comme un vieillard, peut être rapproché du chef de cette confrérie secrète musulmane (VIII-XIVe siècle). C'est à l'époque de Melville que le sens du mot "Assassin " et les caractéristiques de cette secte commencèrent à être connus grace aux travaux de l'orientaliste Sylvestre de Sacy (1758-1838).  Mansfield et Vincent (Moby-Dick, p. 729-734) mentionnent entre autres sources possibles du nom Fedallah un article anonyme du Specta

 

tor (n°578 du 9 août 1714 [sic] ) sur le problème de "l'identité personnelle" qui cite abondamment John Locke et résume un conte persan mettant en scène un jeune roi vertueux, Fadlallah ("grâce de Dieu"), victime d'une possession démoniaque. La conception de fedallalh doit sans-doute beaucoup au passage des Confessions d'un mangeur d'opium anglais où de Quincey évoque un personnage qui apparaît mystérieusement sur le seuil d'un cottage anglais, portant un turban et des pantalons flottants ..."etc...

 

  Je voudrais pour ma part souligner que Fedallah est le harponneur d'Achab, et, comme les trois précédents harponneurs, il accumule dans sa description les traits ayant rapport avec la "race" étrangère et ceux  se rapportant avec l'inhumanité,  l'animalité et du satanisme. Dans ces derniers registres je souligne : entre ses lèvres d'acier saillait maléfiquement, une dent blanche. ...Mais curieusement un turban d'une blancheur éclatante couronnait cet ébène : sa crinière, tréssée et enroulée plusieurs fois sur sa tête. D'une complexion moins bistrée, ses compagnons de cet individu avaient le teint vif, jaune roux du tigre particulier aux indigènes de Manille, une race célèbre pour la subtilité diabolique de ses ressourceset que certains  honnêtes marins blancs jugent composée des espions à gage et des agents secrets du diable sur l'eau...Paré, Fedallah? Paré, lui fut-il répondu dans un sifflement.

 

Fleece :

  C'est le cuisinier noir, vieux et boiteux du bord.

Traduction  "Laine-de-mouton" (Jaworski), "Toison" (Henriette Guex-Rolle) : c'est l'un des noms de personnage les plus fascinants du roman. Le mot anglais fleece signifie :

— nom : fleece  : "toison" Sheep's fleece, "toison d'un mouton", donc" peau de mouton, laine de mouton", et par extension moderne pour un vêtement isolant du froid, "molleton", "polaire".  Dans l'expression the Golden Fleece, le terme désigne la Toison d'or que Jason et les Argonautes partent conquérir en Colchide.

— verbe : to fleece "tondre", "tondre la laine sur le dos de", "plumer, voler, escroquer".

  Une fois de plus (mais tout l'art onomastique est là), la polysémie du mot permet à Melville de jouer avec notre imagination : nous pourrons y voir une allusion aux cheveux crépus mais blancs du vieil homme, ou bien au contraire un sobriquet qualifiant par son contraire la couleur du" vieil ébène" (p.331), ou un lien entre la croisière du Pequod et la quête de cette Toison d'Or qu'est le cachalot blanc, ou y entendre à demi-mots une dénonciation de la façon dont les Blancs ont tondu, continuent à plumer les Indiens et les Noirs. Cette dernière interprétation se fera d'autant plus forte lque le cuisiner sera surtout en scène au chapitre 64, "Le Souper de Stubb". Dans cette scène, on voit l'officier se faire préparer un steack de baleine, à minuit, puis reprocher cruellement au cuisinier la cuisson excessive de la viande, et le contraindre, comme par brimade, à aller s'adresser aux requins qui dévorent la carcasse de la baleine avec la même avidité sanguinaire que celle de Stubb. C'est la proximité de ces requins, ces milliers de requins qui, "se vautrant", "se goinfrant goulûment", trouble le repas de Stubb par le claquement de leurs machoires ; et c'est la proximité de leur cruelle voracité avec celle des hommes qui fait écrire à Melville, après qu'il ait décrit les requins attirés par victimes des combats navals, ou par les esclaves nègres que les négriers jettent par dessus bord, " la chose n'en demeurerait pas moins ce qu'elle est —une sinistre et requineuse affaire, à queque bord qu'on appartienne".(p. 329)

  Fleece — appellons le Laine-de-mouton —, sur l'ordre de Stubb, se penche donc sur le bastinguage pour adresser aux squales ce morceau d'anthologie  qu'est son Sermon aux requins. Depuis ses premières pages, Melville a souligné de traits animaux ses portraits d'Indiens, de Noirs et des hommes d'équipage : il va montrer ici combien Laine-de-mouton, que nous voyions dans le regard de Stubb comme un être primitif ou demeuré, se révèle capable de communiquer avec les animaux. Et la parole de Laine-de-mouton, ce sabir qu'il est difficile de transcrire autrement qu'en reprenant les stéréotypes "petit-nègres" du colonialisme, va se révéler une Langue des oiseaux superbement cocasse et poétique et suprêmement sage.

 L'officier blanc (et sans-doute avec lui tout un pan de la société américaine, un large pan de la socièté européenne, une trés large partie de l'esprit de conquête de de domination, et, soyons généreux, tout l'ensemble de l'esprit de lucre de l'humanité) va se confondre avec les requins, et, en face de lui, Laine-de-mouton, dans sa sage innocence bafouée et humiliée, va se dresser comme une force animale d'une autre nature, intuitive, saine, mesurée et bon-enfant ; Stubb n'entendra pas ce Sermon aux requins qui s'adressait à lui, continuera à persécuter Laine-de-mouton, mais celui-ci aura, in petto, le dernier mot : "J'veux bien être pendu s'il n'est pas plus requin qu' Maître Requin lui-même!".

 La traduction française ajoute encore un grain de drôlerie à cette "requinade" et à cette "moutonnade" en qualifiant le cuisinier de "coq".

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Dough-Boy :

traduction Boulette-de-farine (Jaworski) ; Dough signifie "pâte", (dough-nut : "beignet", transposé en donut comme chaque émule d'Homer Simpson le sait). On pouvait aussi traduire par Bonne-Pâte.

Armel Guerne a traduit par "Mie-de-pain" ; Henriette Guex-Rolle par "Pâte-Molle".