a) Le rassemblement des porteurs des croix et des bannières.
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À la différence du Pardon de Saint-Côme et Saint-Damien, les délégations du Pays de Porzay ne sont pas présentes, et seules les deux croix et les deux bannières principales de la commune sont présentes : celle réalisée par Le Minor, portée par les hommes derrière la croix, et celle de Marie et sainte-Thérèse, restaurée récemment, portée par les femmes.
En laiton : argenté, repoussé, ciselé, on y trouve en effet la présence de fleurons en forme de boules godronnées au bout des branches (ornées de fleurs de lys) , un nœud architecturé renferment quatre figurines (deux manqueraient), les deux clochettes sous la traverse de la croix, et la Vierge et Saint Jean portés par des branches, encadrant un Christ en croix.
Les figurines du nœud en forme d'architecture gothique sont Saint Pierre, une vierge et martyre tenant sa palme, saint Yves et un saint évêque.
Nous la verrons détacher sa silhouette emblématique dans le ciel de l'été débutant.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Les costumes.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Tout Pardon finistérien, même s'il n'est pas une troménie (tro minihi, "tour du monastère celtique") comme à Locronan (mais aussi Bourbriac, Gouesnou, Landeleau, Plabennec ou Plouzané) ou une procession giratoire répétée plusieurs fois autour d'une fontaine, est une circumambulation, reprenant un rituel qui existe dans le monde entier -de l’Irlande à l’Inde et au Moyen-Orient, de l’Asie à l’Afrique- et est attestés et décrit depuis l’Antiquité védique et gréco-romaine jusqu’à nos jours, c'est à dire un phénomène de sacralisation d’un territoire et de re-création d'un rituel de fondation. (cf. Joel Hascoët 2010)
Cette circumambulation se doit d'être dextrogyre ou horaire, dans le sens des aiguilles d'une montre.
Aujourd'hui, la procession va quitter le sanctuaire par sa porte sud, va tourner autour de la chapelle, puis descendre la cinquantaine de mètres vers la fontaine, où le prêtre va puiser de l'eau et en asperger les bannières et les fidèles. La croix vient en tête, puis la bannière paroissiale, puis la bannière portée par les femmes, puis arrive le reliquaire entre ses deux porteurs, puis le prêtre et ses acolytes, et enfin la foule des fidèles reprenant les cantiques anciens.
Quatre croix, deux bannières et le brancard du reliquaire, cela nécessite 14 porteurs/euses qui se relayent, car l'effort est réel. Nul souci de folklore et d'effet touristique, mais une gravité digne mais jamais bigote. Je n'ai pas l'impression d'une reconstitution historique, mais de connaître à mon tour cette profonde et intense émotion esthétique que Mathurin Méheut a exprimé dans ses toiles.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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La descente vers la fontaine.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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L'arrêt devant les blés mûrs.
La procession doit s'arrêter car la voie vers le fond du vallon par le raide escalier n'est pas praticable pour elle. Après avoir traversé l'ombrage des saules, elle fait face au soleil des moissons aussi bien que, le 3 juin dernier, elle faisait face à la Baie de Douarnenez pour le pardon de Côme et Damien.
Étoile de la mer voici la lourde nappe
Et la profonde houle et l’océan des blés
Et la mouvante écume et nos greniers comblés,
Voici votre regard sur cette immense chape (Péguy)
Cette proximité du ruisseau qui coule vers la plage de Pentrez et la mer toute proche, cette étendue de blé proclamant l'été, les chants des oiseaux se mêlant aux cantiques, le parfum des fleurs des arbustes sauvages et celui des chaumes chauffées à blanc, cette sirupeuse chaleur de fin de journée, tout participe à célébrer non seulement un saint et son sanctuaire, mais les noces d'un terroir et de ses habitants, celle de la nature et de la magie du monde avec les hommes.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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L'aspersion et la remontée vers la chapelle.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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L'entrée dans la chapelle par la porte occidentale.
Le porteur de la croix de procession passe le premier.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Pendant cette entrée de la procession et des fidèles, le sonneur sonne la cloche à toute volée.
Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Quand le reliquaire parvient à l'entrée, les porteurs l'élèvent en travers de la porte, et les fidèles passent en dessous en le touchant.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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C'est le reliquaire de 1578 avec les figurines de saint Côme, de saint Pierre (bien visibles à travers la vitre) et de saint Damien . Il contenait les reliques du Christ (couronne et robe) des saints Côme et Damien, de saint Pierre, de saint Meen, de Marie-Madeleine.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
Le Pardon de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Mathurin Méheut a représenté cette scène dans un Pardon plus grandiose, en illustration de Au Pays des Pardons d'Anatole Le Bras (1937).
— DANIEL (Tanguy) "T.D" (*), 2002, article sur la restauration de la chapelle Saint-Jean-Baptiste pour le Cahier 15 de La sauvegarde de l'art français, Numéro 15 , Picard, 2002, pages 190-192.
(*) très vraisemblablement Tanguy DANIEL, Professeur d'histoire et géographie (en 2005). - Président honoraire de la Société archéologique du Finistère (en 2005)
— DILASSER (Maurice), 1979, La chapelle Saint-Jean in Un pays de Cornouaille Locronan et sa région. Paris, Nouvelle Librairie de France. page 632.
— OLIVIER ( Corentin), 2014, Les charpentes armoricaines : inventaire, caractéristiques et mise en œuvre d’un type de charpente méconnu, Mémoire de master 2, Université Rennes 2, sous la direction de Pierre-Yves Laffont et Vincent Bernard, 2014, 410 p.
— OLIVIER ( Corentin), 2016, « L’archéologie des charpentes anciennes (xive -xvie siècles) au service de la connaissance des forêts du Massif armoricain », Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, t XCIV, 2016, p. 109- 121.
— PARCHEMINOU ( Corentin), 1930 “Saint-Nic : une paroisse cornouaillaise pendant la Révolution : ses monuments religieux,”
La chapelle a été décrite — voir infra Sources et Liens — par l'abbé Corentin Parcheminou en 1930, par le père Maurice Dilasser en 1979, par René Couffon (publié en 1988), et par les services de l'Inventaire en 1986 et 2016. Je découvre la synthèse donnée par T.D [Tanguy Daniel] pour les Cahiers de la Sauvegarde de l'Art français en 2002, qui fait état des récentes restaurations : je l'ai recopié ici :
"La chapelle Saint-Jean-Baptiste est située entre la baie de Douarnenez et le Ménez-Hom, sur la route qui mène vers la presqu'île de Crozon. Elle a été construite à la fin du XVIe siècle, ainsi que l'indiquent deux inscriptions sur le bras sud du transept (1591 et 1593), remaniée au XVIIe (inscription sur un entrait de la nef et style du clocher), restaurée au XIXe (1817 inscrit au-dessus de la porte sud).
L'édifice, en forme de croix latine, avec un chevet plat à l'est et un clocher-mur à l'ouest, est construit en pierres grossières — surtout du grès — extraites du Ménez-Hom voisin. La maçonnerie a été récemment restaurée dans sa totalité. Le clocheton en granit, sur le mur ouest, orné de pinacles et de pots à feu, supporte une courte flèche garnie de crochets ; on y accède par un escalier aménagé sur le rampant sud.
L'intérieur est actuellement très dégradé. Le sol est en terre battue, la trace des anciennes dalles étant encore visible. Les murs sont enduits d'un crépi à la chaux en très mauvais état ; des traces de peinture ocre ancienne apparaissent par endroits sur le mur est du bras sud du transept : on peut y lire, notamment, le nom de Quéré. Le mobilier a été en grande partie enlevé : seuls subsistent le maître-autel de pierre, une balustrade délimitant un espace qui servait de sacristie entre le maître-autel et le mur du chevet, une statue en pierre polychrome de saint Jean-Baptiste et deux stalles à quatre sièges chacune, datant du XIXe siècle. Une armoire à quatre porte en très mauvais état est adossé au mur de l'abside.
À l'intérieur, on note le décor savoureux de certains entraits : l'engoulé par les dragons, d'autres ornés de têtes de dragons aux extrémités et au milieu. Les sablières sculptées ont subsisté dans le bras sud du transept et dans le chœur où un cartouche représente les Cinq-Plaies. Aux angles du carré du transept, les blochets représentent les quatre évangélistes.
Sur le placître, au sud de la chapelle, se dresse le calvaire daté de 1645 avec le Christ en croix et les statues de la Vierge et de saint Jean-Baptiste, adossées l'une à l'autre à des figures non identifiées. De l'autre coté de la route, en contrebas, une fontaine porte la date de 1712.
Grâce à la restauration des parties hautes, la chapelle est aujourd'hui hors d'eau. La charpente a été complètement refaite dans le chœur, à la croisée du transept et dans une partie de la nef.
La couverture d'ardoise est neuve, sauf sur la partie occidentale de la nef qui était en bon état.
En 2000, la Sauvegarde de l'Art français a versé une aide de 15 245 € pour les travaux de maçonnerie sur les quatre murs, la réfection de la charpente et la couverture d'une grande partie de l'édifice. " T[anguy] Daniel
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Cet article est accompagné d'une photographie émouvante car elle montre l'état intérieur pendant les travaux. Je me permets d'en donner une capture d'écran.
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Nous y trouvons également une carte de la chapelle :
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Le Pardon a lieu le dimanche avant le 24 juin, date de la Saint-Jean. J'ai assisté à celui de 2018, et il m'a semblé qu'il s'agissait d'un renouveau.
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I. LA FONTAINE DE DÉVOTION (1712).
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La fontaine est difficile d'accès, et, lors du Pardon, la procession ne descend pas la rampe d'un précaire escalier en bois et ne s'engage pas sous l'humide futaie : seul le prêtre et ses acolytes s'y rendent pour puiser l'eau de l'aspersion des bannières et des fidèles.
Pour sa situation sur le cours d'eau qui descend vers la mer, voir l'article sur le calvaire.
Ses eaux étaient réputées guérir ou prévenir les affections oculaires (ou, selon Dilasser, les maux de tête).
Sa forme générale en demi-cercle délimitée par de volumineux blocs de pierre placés sur tranche est unique dans la région.
La niche, aujourd'hui désertée de sa statue, est remarquable car c'est un monolithe en demi-cintre surmonté d'une croix, avec deux rampants servant de bancs.
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Fontaine Saint-Jean, chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Fontaine Saint-Jean, chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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L'INTÉRIEUR DE LA CHAPELLE : LA CHARPENTE, SON INSCRIPTION ET SES SABLIÈRES.
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1. La charpente.
Elle a le mérite de ne pas être lambrissée et de laisser étudier son ossature, ce qui rend la visite passionnante pour peu ...que l'on tente de comprendre le langage des spécialistes. Je me lance, mais les experts me corrigeront j'espère, et malgré le saint lieu le lecteur ne prendra pas mes assertions comme paroles d'évangile.
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a) la nef et les transepts.
Les charpentes armoricaines ont été étudiées par Corentin Olivier. Celle de la nef appartient au groupe des charpentes "à fermes et à pannes" (voir les explications dans mon article sur Landevant), et parmi celles-ci au sous-groupe (il y en a trois) "à poinçon court, faux-entrait droit et aisselier" (C. Olivier fig. 4).
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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La nef vue de la croisée du transept.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le bras sud du transept.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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b) Le chevet.
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Si la nef est couverte "à fermes et à pannes", par contre, il est peut-être possible d'écrire que la partie de charpente qui couvre le chevet appartient au groupe "à chevrons formant fermes".
Rappel :
- Les charpentes dites à chevrons formant fermes : les chevrons en vis-à-vis de chaque rampant sont reliés entre eux au niveau du faîtage et par un faux-entrait (pièce horizontale). Cet ensemble forme ainsi un « triangle indéformable » appelé ferme. Les fermes se répètent tous les 60 cm et servent de support à la fixation des liteaux permettant la pose des ardoises ou des tuiles. http://inventaire-patrimoine.regioncentre.fr/files/live/sites/inventaire_patrimoine/files/contributed/images/Articles_actu/IVR24_20170000003NUDA.jpg
- Les charpentes dites à fermes et à pannes : les fermes, beaucoup moins nombreuses mais plus robustes, supportent un ou plusieurs rangs de pannes soutenant elle(s)-même les chevrons dont la section peut alors être amoindrie. Ce principe constructif est bien moins consommateur en bois.
Le maillage serré des fermes (autrement dit, des arbalétriers ) et l'aspect en carène de bateau avec membrures et bordé m'incite à cette option.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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2. L'inscription de 1653.
Le troisième entrait (poutre transversale), engoulé (sortant de la gueule d'un dragon à ses deux extrémités), porte une inscription sur sa moitié droite de sa face ouest.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le texte en est (les relevés qui ont été publiés sont inexacts, au minimum pour la ponctuation, l'exception étant le relevé de Sophie Duhem) :
M : GVIL : PERFEZOV REC : M KVAREC FA 1653
Elle se comprend ainsi : " Messire Guillaume Perfezou recteur et M. Kervarec Fabricien 1653."
Le recteur Guillaume Perfezou est bien connu de ceux qui ont lu son nom sur le calvaire de la chapelle, qu'il fit ériger en 1645 avec Sébastien Polesec comme fabricien.
Ou encore de ceux qui ont vu, dans la chapelle Saint-Côme et Saint-Damien, les trois inscriptions des sablières : "D'ici jusques au premier pilier a été boisé aux frais de vener persone Mre Guil. Perfezou recteur de Saint-Nic 1641", puis plus loin "D'ici jusqu'à l'autre écriteau a été boisé par Iac Polezec et Ol. Guillossou et était recteur Mre Guil. Perfezou", alors que la boiserie du bas-côté sud porte les inscriptions "M. G. Perfezou. R. G. Marzin. F. 1661".
Et encore de ceux qui ont repéré, sur les piliers de Saint-Côme, l'inscription : "Ces quatre derniers piliers furent bastis 1645. Mre Guil. Perfezou R[ecteur].
Et de ceux enfin qui ont pris la peine de déchiffrer le texte gravé sur la chaire à prêcher de la même chapelle : "SVMPTIB (US) VENERAB (ILIS) VIRI D (OMINI) D. GVILLELM (I) PERFEZOV SACERDOS AC RECTOR. HVIVS ECCLESIAE ANNO D (OMINI) 1638. FECERVNT. I. POLESEC IO (SEPH) ET OL (IVIERIVS) K (ER) MORGAN"
Au total, ce sont sept inscriptions qui portent son nom, en 1638, 1641, 1645, 1653 et 1661.
Ce nom de famille est attesté 14 000 fois sur Geneanet quasi-exclusivement en Presqu'île de Crozon, et pour les hommes, le prénom Guillaume prédomine, juste après Yves.
Guillaume Perfezou, prêtre de Saint-Nic, est mentionné comme parrain en 1637, 1639; 1645; 1654.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
L'auteur de référence en matière de sablières bretonnes est Sophie Duhem, par sa thèse publiée aux Presses Universitaires de Rennes en 1988. Elle y donne (p. 334) les dates des les trois ensembles de sablières de la paroisse de Saint-Nic, celles de l'église Saint-Nicaise (1562, XVIe), de la chapelle saint-Côme (1641, 1646, 1661 et 1670) et de la chapelle Saint-Jean (1653), elle en relève précisément les inscriptions (page 321), et consacre un paragraphe page 146 aux sculpteurs de Saint-Nic (1641-1670).
Les sablières de la chapelle Saint-Jean sont commentées page 283 : "En 1670, à la chapelle Saint-Nic (Chap. St-Jean), le sculpteur Jean Roignant représente des dragons et des oiseaux au milieu de formes végétales". Mais le charpentier Roignant qui a laissé sa signature à Saint-Nic se prénomme Alain, et c'est à Saint-Côme qu'il inscrit son nom sur la porte nord avec la date de 1675 (ainsi que sur la tribune de l'église, sans date). J'ignore de quelle source provient ce "Jean Roignant".
On lit page 146, après la description stylistique des sablières de Saint-Côme par Olivier Guillosou et Jacques "Bolesec" en 1641 et 1646 , ceci :
"Un autre compagnon se joint aux ouvriers une dizaine d'année plus tard, pour exécuter un ouvrage de même goût dans le bas-coté sud de l'église. Une poutre précise l'époque (nous sommes en 1661) et l'une des factures identifie le nouvel artisan : il s'agit d'Alain Roignant, qui reproduit fidèlement les thèmes sculptés par ses compagnons mais pour un résultat plus médiocre que tente de camoufler une excessive décoration de stries, d'encoches et de points. L'artisan a visiblement été formé aux « méthodes » des sculpteurs et familiarisé avec les images de l'atelier.
Son activité ne débute pas en 1661 puisqu'il exerce déjà son métier en 1653. il réalise à cette époque les décors sculptés de la chapelle Saint-Jean, toujours pour le recteur Guillaume Perfezou. Ses déplacements le conduisent à quelques kilomètres de là, dans la paroisse de Trégarvan qui l'emploie à l'ornementation de la charpente. La date de réalisation de cet ensemble n'est pas connue ; elle est probablement contemporaine des travaux de Saint-Nic et de l'achèvement des reliefs du bas-coté nord en 1670."
Il est certain que le rapprochement entre les deux ensembles de sablières des deux chapelles bâties ou couvertes dans les mêmes décennies sous le même recteur s'impose.
À Saint-Côme, il y eut un premier chantier en 1641 au début de la nef côté nord (première travée), sans nom de chapentier, puis un deuxième chantier en 1646 (deuxième et troisième travée) durant lequel Jacques Polesec et Olivier Guillosou étaient les charpentiers. Les sculptures des sablières y sont de qualité soignée. Pour le côté sud de la nef, la première tranche se déroula en 1645 sur les quatre derniers piliers.
Les bas-côtés furent réalisés, au sud, en 1661 , et au nord en 1675 : c'est sur ce bas-côté nord, sur la dernière pièce, qu' on trouve une inscription AL. ROIGNANT FAB[rique] ET CHARP[pentier] l'AN 1675. La porte nord porte également l'inscription AL: ROIGNANT F: 1675.
Ce n'est donc qu'en 1675, 34 ans après les premiers travaux sur la charpente de Saint-Côme, qu'Alain Roignant est mentionné comme charpentier. La qualité des sculptures est plus rustique.
Les éléments stylistiques de ces sablières de Saint-Jean (1653) et de Saint-Côme (1675) se retrouvent aussi dans l'église de Trégarvan en 1670-1676.
On les retrouve aussi vers 1659 dans l'église de Landévennec.
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On y trouve le même contenu thématique assez simple ou répétitif:
-frises "eucharistiques" aux oiseaux picorant les raisins de rinceaux de vignes.
-têtes d'angelots encadrés d'ailes.
-couple de dragons affrontés aux têtes liées ensemble par un anneau de corde.
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Et on y trouve les mêmes éléments stylistiques "rustiques" où les figures sont dégagées du bois à coups de gouges aux arêtes encore visibles et souvent peu atténués par ponçage, et où les outils de menuisiers (tarière notamment) sont largement utilisés pour la structuration ornementale des volumes. :
a) Pour les dragons :
les écailles du corps traités, selon les zones, par deux entailles différentes, soit en coup de biseau, soit en ligne irrégulière et sinueuse.
Les plages du corps lisses, dépourvues d'écailles,
les langues dont le caractère épineux est figuré par un aspect foliaire (absent à Saint-Jean).
Le fouet des queues traité comme des épis ou des grappes.
Les trous des pupilles.
b) pour les oiseaux et raisins :
c) pour les personnages des blochets (absents à Saint-Jean sauf les 4 évangélistes du carré du transept, assez différents) :
Tête bilobée par des joues rondes au dessus d'un menton en galoche ou godet
Vêtement stylisé, non réaliste.
Trous d'ornementation pour les yeux, la collerette et la ceinture. les trous forés assez profondément pour représenter les yeux et les boutons. Ils sont soigneusement exécutés, très réguliers, et nous allons les retrouver régulièrement. J'émets l'hypothèse qu'ils ont pu servir de mortaise pour des éléments décoratifs colorés.
La collerette en larges pétales , comme celle d'un Pierrot, se retrouve sur les blochets de la chapelle Saint-Côme de Saint-Nic (bas-côté sud, 1661), mais non à Saint-Jean, où on note des camails à bords crénelés.
Au total, je préfère parler prudemment d'un "maître de Saint-Nic", anonyme, actif de 1641 à 1676, même si il correspond probablement à Alain Roignant, "charpentier" (tribune de l'église), qui apparaît à Saint-Côme comme fabricien et charpentier mais non sculpteur.
Un Alain Roignant bien connu des généalogistes est né à Saint-Nic en 1629, s'est marié en 1655 avec Marie Bihan (1629-1690) et a eu une fille, Marguerite (1661-1721). Il est décédé à Saint-Nic en 1709 à 80 ans, au village de Nezert (bms).
Sur les réalisations du Maître de Saint-Nic (1641-1676) [Alain Roignant] :
Une première pièce de bois nous offre deux dragons affrontés, et une deuxième un pampre tenu par des oiseaux, et dont les grappes sont picorées par d'autre.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Deux dragons affrontés, aux cous reliés par un anneau, et la tête tournée vers leur queue.
Le thème des deux dragons aux têtes reliées par une boucle est courant, notamment en sculpture sur pierre par les frères Prigent.
On le trouve dans l'église de Saint-Nic, coté nord de la nef, au dessus de l'inscription M. Le Parlant : Fa[bricien] 1566. Mais ceux-ci sont feuillagés, ailés, sculptés avec finesse et détail : ils sont dus au Maître de la nef de Plomodiern actif de 1544 à 1566.
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On le trouve, dans un traitement bien différent, sur les sablières de la chapelle Saint-Côme, soit au fond de la nef (première photo ), soit sur le coté nord de la nef au dessus de l'inscription IAC POLESEC ET OL GVILLOSSOV , soit sur le bas-coté sud (2ème photo infra) associé à la date de 1661. Jacques Polesec et Olivier Guillosou sont les fabriques commanditaires du chantier, et non les sculpteurs.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile mai 2023.
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Pampres tenus par des oiseaux, et dont les grappes sont picorées par d'autre.
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On le trouve à l'identique sur les sablières du bas-coté nord de la chapelle Saint-Côme et Saint-Damien, au dessus de l'inscription AL[ain] ROIGNANT FAB[ricien] ET CHARP[pentier] 16--" La date a été lue comme 1670 (Couffon), 1673 ou 1675.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Le bras sud du chœur, côté est.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Pampre centré par une tête d'angelot (1).
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Les sablières du coté sud du chevet.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Le chœur côté droit : un cartouche à cuir découpé au motif des cinq plaies.
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C'est la pièce la plus intéressante, et qui a été mentionnée par tous les auteurs. Elle dénote avec le reste du décor sculpté d'une part parce que c'est la seule représentation religieuse, d'autre part car on ne la trouve pas dans les autres sanctuaires de la paroisse, et enfin parce que, au contraire, elle trouve son modèle précis chez un sculpteur de sablière bien documenté, le Maître de Pleyben (1567-1570).
a) le fond.
Ces "cinq plaies" sont portées par un cartouche, ou plus précisément par un "cuir découpé à enroulement", typique de l'art bellifontain introduit en France par le Primatice à Fontainebleau vers 1532.
En Basse-Bretagne, ce motif Renaissance semble avoir été introduit lors de la construction du château de Kerjean à Saint-Vougay, dans le Léon, soit en sculpture sur pierre pour ce château, soit en sculpture sur bois pour les sablières de sa chapelle seigneuriale (vers 1570), mais aussi pour celles des églises de Pleyben (v.1571), de Saint-Divy (v.1570), de Bodilis (1567-1576), de Roscoff et pour celles de la chapelle de Sainte-Marie-du-Ménez-Hom (v.1575).
L'une des caractéristiques des cuirs découpés de l'auteur de ces sablières, (qui a reçu le nom de convention de Maître de Pleyben) est d'être perforés de trous (virtuels) par où passent des cordages, ces derniers étant tendus par des anges ou autres personnages.
Or, ce cuir découpé de la chapelle Saint-Jean présente ces orifices, par où se faufilent des sangles marqués d'entailles en I, sangles qui se prolongent latéralement en s'élargissant et se dédoublant.
Nous remarquerons que Sainte-Marie-du-Ménez-Hom est distante de 5 km de la chapelle Saint-Jean. Pleyen est situé à 28 km.
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b) le thème.
C'est celui des cinq plaies infligées au Christ lors de sa Passion, celles des clous des mains et des pieds lors de la Crucifixion, et celle du cœur, renvoyant au coup de lance final porté sur la droite du thorax par un soldat romain.
Ce thème christique est représenté à Kerjean dans le chœur :
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Il est présent aussi à Pleyben, toujours dans le chœur, mais aussi dans le transept sud.
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Il est présent encore à Bodilis, à nouveau deux fois :
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c) le contexte.
Les quatre évangélistes en blochets autour du transept ou du chœur sont présents à la chapelle Saint-Jean tout comme dans la chapelle de Kerjean, ou à Pleyben, ou à Saint-Divy, etc.
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Les influences du travail du Maître de Pleyben sont donc évidentes sur cette pièce de sablière et sur son cantonnement par les quatre évangélistes. Les conséquences à en tirer restent à discuter, après avoir évalué si cette pièce est de la même main que les autres, donc de la même datation vers 1653 et attribuable à l'atelier actif à la chapelle Saint-Côme entre 1641 et 1670, et notamment à Alain Roignant, ou si elle relève d'un autre atelier.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Le chœur côté gauche : suite de rubans reliant une tête cornue de face et une tête animale (dragon? ) de profil.
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Nous retrouvons les rubans ou lanières feuillagées marquées de suites de I (IIIIIIIIIII) de la même main que la pièce précédente, et relevant de la même influence stylistique propre au Maître de Pleyben.
La tête cornue crachant les lanières ressemble à celle du centre de la pièce N3 de Saint-Côme.
L'essence de bois me semble (??) plus précieuse que celle des pièces des bras du choeur.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Les sablières du bras nord du chœur.
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du côté est : deux têtes d'angelots ailées, de chaque côté de l'entrait.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Du côté ouest : une tête d'angelot, ailée, au milieu d'une frise de vigne picorée par des oiseaux.
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On retrouve le contour bilobé du visage de l'ange.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Les blochets du carré du transept : les quatre évangélistes.
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J'ai pensé qu'il ne s'agissait pas d'un travail attribuable à "Alain Roignant" ou son atelier. Mais pourtant, les camails à bords découpés, le visage bilobé de l'ange de saint Matthieu, et les barbes peignées en arborescence, rendent recevable l'hypothèse.
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a) Saint Luc.
Il est barbu (ce n'est pas saint Jean) et il a les pieds nus (c'est un apôtre ).
Il est assis et il écrit (il a perdu sa plume) sur un livre : c'est un évangéliste .
Un lion montre sa tête. C'est saint Marc. Mais n'est-ce pas plutôt une tête de taureau, au front frisé ? C'est saint Luc.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Saint Jean.
On reconnaît l'aigle entre ses jambes. Ses épaules sont couvertes par un camail à découpes rectangulaires. Il a perdu son stylet, mais on distingue sa posture écrivant sur un livre.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Saint Marc.
Au lieu de d'un des quatre symboles du Tetramorphe, nous trouvons une fleur ; ou bien une facies léonin. De toute façon, c'est un évangéliste, barbu, en train d'écrire son œuvre.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Saint Matthieu et l'homme.
On recommence :
Il est barbu (ce n'est pas saint Jean).
Il est assis et il écrit (il a perdu sa plume) sur un livre : c'est un évangéliste .
Un petit homme tient le livre des deux mains. C'est saint Matthieu.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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L'about central, ou clef pendante.
Elle a la forme traditionnelle (carré du transept de l'église de Pleyben) d'un parallélipipède rectangle dont les quatre faces abritent un personnage. Celui tourné vers le sud est barbu et porte une couronne, cela pourrait être le Christ. Les autres faces sont peu distinctes.
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La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
La charpente de la chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 25 mai 2023.
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Les entraits à engoulant et nœud et les abouts de poinçons feuillagés.
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Les entraits, ou poutres transversales, sont à engoulants, c'est à dire sculptées de gueules de dragons à leurs extrémités. Mais le milieu des poutres sont également sculptées en gueules affrontées.
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LES ÉLÉMENTS MOBILIERS : STATUES ET TABERNACLE.
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La Vierge à l'Enfant. Bois polychrome, XVIe siècle.
Hauteur 146 cm, largeur 42 cm, profondeur 22 cm. Statue d'applique, petite nature.
La Vierge est couronnée, souriante, et porte un voile à plis tuyautés, un corsage gris lisse et une jupe plissée rouge . Jésus, présenté face aux fidèles, porte une tunique blanche.
(notez les traces de peinture murale ocre sous l'enduit).
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La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Saint Jean-Baptiste (pierre polychrome, XVIIe), dans une niche (bois polychrome).
Hauteur : 1,80 m, largeur 60 cm, profondeur 38 cm. Inscription sur la base : S [J] EHAN B.
Les éléments d'identification sont la barbe longue, les cheveux longs, le manteau en poils de chameau (franges aux manches), et bien-sûr l'Agnus Dei, l'Agneau posé sur le livre tenu sur l'avant-bras gauche et qui représente le Christ et son sacrifice. L'index droit prophétique désignant l'Agneau est un attribut à part entière du Précurseur.
Mais ici, l'index, qui passe derrière le museau, semble s'introduire dans la bouche de l'animal.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Saint Jean-Baptiste, dit Sant Yann bihan (le petit saint Jean). Bois polychrome, XVIIIe.
Statue d'applique, demi-nature, à revers plat, de 80 cm de haut et de 22 cm de large.
Même représentation que la statue n°1, mais la peau de chameau forme la robe, serrée par une ceinture , et qui est recouverte d'un manteau bleu. La tête du chameau recouvre le pied gauche... L'index droit est brisé. La jambe droite nue, et les pieds nus, mettent en évidence le statut érémitique du saint.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Une statuette de procession, buste de saint.
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Saint Joseph.
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Une pietà en bois.
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Le tabernacle à colonnettes et quatre panneaux des évangélistes. Bois polychrome, milieu XVIIe siècle.
Le tabernacle trapézoïdal à trois panneaux est posé sur l'autel de granite panneau central est orné de la Sainte Face et du calice eucharistique, et les deux panneaux latéraux de saint Tugen à droite et d'un saint évêque ou abbé tenant un livre (saint Guénolé ?).
Les décors en bas-reliefs des panneaux de la prédelle représentent de gauche à droite saint Matthieu (homme), saint Marc (lion) , saint Luc (taureau ailé) et saint Jean (aigle).
En arrière-plan, la balustrade du milieu du XVIIe, longue de 5,14 m et haute de 2,18m, avec ses deux niveaux, le premier composé de panneaux taillés juxtaposés, et le deuxième niveau composé d'un rang de balustres ; trois traverses occupent toute la largeur ; 2 portes latérales reprenant les mêmes éléments. L'ornementation associe plis en serviette, denticules, dents de scie et écaille..Notice Palissy. inscrit MH 09/01/2003.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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Une vue latérale montre saint Matthieu accompagné d'un jeune homme, saint Marc avec son lion, et saint Tugen tenant une clef de la main gauche et bénissant un chien qui montre ses crocs à ses pieds (il est invoqué contre la rage).
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Saint Tugen.
Saint Tugen.
Saint Tugen.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 23 juin 2018.
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La clôture de chœur (placée ici en bordure d'autel).
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C'est une claire-voie à fuseau sur la moitié supérieure, au dessus de panneaux en plis de serviette, et dotée de portes latérales. Elle ne comporte aucune inscription. Certains panneaux ont été remplacés.
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La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
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Vues générales de la chapelle vide. Son sol battu, son état en 2023.
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La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic. Photographie lavieb-aile 235 mai 2023.
"Première campagne 16e siècle, partiellement datée 1591, inscription transept : " B10F FA 1591 MORICE L F ". Charpente et sablières en 1653 pour G. _Perfezou recteur de Saint-Nic, portent l'inscription : " M. GUIL PERFEZOU REC M KVAREC FA 1653 ". Calvaire en 1645. Clocher milieu 17e siècle. Fontaine en 1712"
1591 ; 1645 ; 1653 ; 1712 .
Un vaisseau, plan en croix latine. granite ; grès ; appareil mixte ; moellon toit à longs pans ; pignon découvert ; noue ; flèche en maçonnerie
"2766. Saint-Jean, g. k. 5,50 m. 1645. Trois degrés, corniche. Socle cubique. Fût à pans. Croisillon, culots à godrons: M. GVILL. PERFEZOU RECTEUR IE. B. BOLEZEC F. 1645, statues géminées: Vierge-saint, Jean-Jean le Baptiste. Croix, fleurons, crucifix." [YPC 1980]
Edifice en forme de croix latine remontant au XVIe siècle, remanié au XVIIe et restauré au XIXe (1817 au-dessus de la porte sud). Clocheton amorti par une flèche à crochets et gables ajourés. Marches d'escalier sur le rampant sud. Il est lambrissé avec entraits engoulés et sablières sculptées : flore, oiseaux, dragons affrontés et, dans le choeur, sur le côté nord, cartouche contenant l'emblème des Cinq Plaies. La poutre transversale du haut de la nef porte l'inscription : "M. GVIL. PERFEZOV RECT. M. KVAREC. FA. 1653."
Mobilier : Maître-autel de pierre : le retable bas porte dans des médaillons les figures en bas-relief polychrome des Evangélistes. Le tabernacle est ouvragé : Sainte Face sur la porte, et, entre des colonnettes, en bas-relief, saint Tugen avec clef et chien dans le panneau de gauche et un évêque dans celui de droite. Derrière le retable, une haute balustrade donne accès, par deux portes à balustres, à une sacristie qui occupe le chevet.
Statues anciennes - en bois polychrome : Vierge à l'Enfant, Pietà, saint Joseph, saint Jean-Baptiste dit Sant Yann Bihan ; - en pierre polychrome : autre saint Jean-Baptiste, de haute taille, dans une niche à colonnettes et fronton, et un saint évêque (Philibert ?).
Dans la sacristie, vieille armoire massive à quatre portes, en mauvais état. Près de la chapelle, calvaire relevé vers 1950 ; il porte l'inscription : "M. GVILL. PERFEZOV. RECTEVR. IE. B. POLESEC. F. 1645." Fontaine voûtée en anse de panier et datée 1712.
— DANIEL (Tanguy) "T.D" (*), 2002, article sur la restauration de la chapelle Saint-Jean-Baptiste pour le Cahier 15 de La sauvegarde de l'art français, Numéro 15 , Picard, 2002, pages 190-192.
(*) très vraisemblablement Tanguy DANIEL, Professeur d'histoire et géographie (en 2005). - Président honoraire de la Société archéologique du Finistère (en 2005)
— DUHEM (Sophie) 1998, Les sablières sculptées en Bretagne: images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne (XVe-XVIIe s.), Presses universitaires de Rennes, 390 pages. Saint-Nic pages 19, 24, 25, 29, 36, 95, 100, 113, 119, 143, 146, 147, 183 (médaillons), 218, 242, 257 (les évangélistes de la chapelle Saint-Jean), 283 (chap. St-Jean), 299, 321 et 334.
http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=781
— DILASSER (Maurice), 1979, La chapelle Saint-Jean in Un pays de Cornouaille Locronan et sa région. Paris, Nouvelle Librairie de France. page 632.
"Sise au bord de la route de la Presqu'île, la chapelle peut remonter au XVIe siècle mais fut modifiée et restaurée ensuite, comme l'indiquent les dates de 1653, accompagnée du nom de M. Guil. Perfezou, l'infatigable recteur de Saint-Nic, ou de 1817 sur la porte sud et de 1873 sur la charpente. C'est une construction grossière faite de moellons tirés du Ménez-Hom (grès, granite et schistes), édifiée en forme de croix latine. Le clocheton du mur ouest garnie de crochets boursouflés et accompagnée de pinacles et de pots à feu à l'étroit sur leur plate-forme.
·À l'intérieur, la voûte est lambrissée avec entraits, dont l'un est engoulé par des dragons. Les sablières sont sculptés en forme de monstres, d'angelots d'oiseaux qui picorent. Un cartouche présente, comme au chevet de Ploaré et sur une sablière de Kerlaz, les stiggmates des pieds, des mains et du cœur. Des blochets, taillés en forme d'évangélistes, proposent un thème que l'on retrouvera en bas-relief sur le retable polychromé. Une Vierge Mère (bois polychrome) paraît aussi ancienne que la chapelle, ainsi que l'un des deux saints Jean-Baptiste (pierre polychrome). Dans un recoin qui sert de sacristie, derrière une balustrade, est rangée une statue mannequin faite pour être habillée."
— OLIVIER ( Corentin), 2014, Les charpentes armoricaines : inventaire, caractéristiques et mise en œuvre d’un type de charpente méconnu, Mémoire de master 2, Université Rennes 2, sous la direction de Pierre-Yves Laffont et Vincent Bernard, 2014, 410 p.
— OLIVIER ( Corentin), 2016, « L’archéologie des charpentes anciennes (xive -xvie siècles) au service de la connaissance des forêts du Massif armoricain », Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, t XCIV, 2016, p. 109- 121.
— PARCHEMINOU ( Corentin), 1930 “Saint-Nic : une paroisse cornouaillaise pendant la Révolution : ses monuments religieux,”
Celle-ci est à deux kilomètres du bourg, sur le bord de la route de Crozon. Moins belle que la chapelle de Saint-Côme, la chapelle de Saint- Jean est pourtant loin d'être indifférente. Elle possède un petit clocher bosselé, de jolies portes gothiques et des fenêtres flamboyantes. A l'intérieur, les poutres transversales sont tenues comme à Saint-Côme par des gueules de monstres. Une frise sculptée court au haut des murs : plantes, vignes avec feuilles et grappes que picotent des oiseaux, dragons accouplés par une corde au cou, anges aux ailes déployées, sorte d'écusson allongé portant l'emblème des Cinq Plaies : deux mains et deux pieds transpercées et un cœur. Au carré du transept, aux quatre coins, on voit dans la frise quatre personnages à longue barbe, tenant chacun un livre ouvert. Le premier est assis sur les épaules d'un génie qui lui enserre les jambes ; un autre sur un génie qui élève les bras pour tenir le livre comme un lutrin ; un autre est assis sur les épaules d'un génie affreusement laid ; le dernier, enfin,. au lieu d'un génie, a une colombe à ses genoux. . Quatre petits personnages sont sculptés autour de la clef de voûte.
Une poutre transversale à gueules porte cette inscription : M. GVILL : PERFEZOU : REC : M. KV AREC : FA : 1653. Sur la charpente, on lit la date 1873 (réfection).
Au fond de la chapelle, on a déposé les débris de l'ancien calvaire qui ressemblait à celui du bourg. On y lit cette inscription : M. GVILL. PERFESZOV. RECTER E B. POLESEC. F. 1645.
Statues. - A l'autel principal, Evangélistes assis chacun avec son attribut : lion, taureau, aigle, homme. Sur un panneau du tabernacle, Saint Tujen avec chien et clef. Sur l'autre panneau, autre Saint avec mitre et crosse, lisant dans un livre .. Derrière l'autel, un Saint Jean-Baptiste, de stature herculéenne, portant un mouton. Cette statue est en pierre. - Vierge portant l'Enfant-Jésus. A l'autel latéral gauche : Sainte curieuse assise. La partie inférieure du corps est dissimulée par une sorte de caisse. Elle est habillée d'une vraie chemise en grosse toile. - Pieta honorée sous le nom de N. D. de la Chapelle-Neuve. - Saint Joseph. A l'autel latéral de droite : Saint Philibert, mitré et crossé. - Saint Jean-Baptiste (appelé Sant Yann Bihan parce que plus petit que l'autre statue) portant un agneau. A ses pieds une tête de loup (?). Toutes ces statues sont en bois, excepté celles de Saint Philibert et de Saint Jean-Baptiste. Non loin de la chapelle se trouve la fontaine dn Saint. Elle porte la date 1712, derrière le fronton."
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer : une visite guidée sur les traces d'un cachalot.
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PRÉSENTATION GÉNÉRALE PAR COPIER-COLLER.
Document n°1.
"En 1863, alors qu'il dirige les fouilles du tumulus du Mané er Hroek, René Galles décide de fouiller un autre tumulus de la commune de Locmariaquer : le Mané Lud. Celui-ci fait 90m de long pour 50m de large et environs 6m de hauteur. Aujourd'hui, le tumulus est bien conservé, presque complet, bien qu'ayant été coupé sur ses côtés, là par des maisons, là par une route.
La fouille a révélé une petite chambre funéraire, constituée de moellons, sans couloir d’accès, qui renfermait des ossements peu conservés, de la poterie et des objets de silex.
Le tumulus renferme aussi un dolmen, à l'ouest de la masse tumulaire, qui semble avoir été ajouté postérieurement et dont certaines des dalles sont gravées. Ces gravures ont été identifiées comme des haches, des bateaux, mais aussi un cachalot sur la stèle du fond de la chambre. Un escalier aménagé après la fouille permet de descendre dans le dolmen.
Le tumulus de Mané Lud et son dolmen, se trouvent à moins de 100 m du tumulus d'Er Grah et du site de la table des marchands. A pied, il faudra faire un petit détour pour relier les deux sites, mais il est aussi possible de rejoindre le tumulus de Mané Lud depuis la zone de stationnement aménagée à 150m à l'ouest, par un sentier piéton." (Paysages de mégalithes)
Document n°2.
"Le tertre du Mané-Lud est le premier grand monument de Locmariaquer que l'on aperçoit en arrivant d'Auray. Pratiquement installé au point culminant de la commune, c'est le seul dont le nom nous ait été transmis par le président de Robien, sous la forme déjà francisée au 18e siècle de Mont-Helleu, ce que l'on peut rapprocher du breton Uhelan (d'en haut) et qui n'a rien à voir avec les "cendres" ludu (humaines bien sûr !) invoquées à partir de déformations tardives par des esprits en mal de nécrophilie.
Il s'agit d'un grand "tumulus carnacéen" de 80m de long, 50m de large et 5m de haut. Au centre, un cairn circulaire abritait un caveau grossièrement maçonné de 2,25x1,25m recouvert en encorbellement. Il contenait les restes de deux personnes accompagnées simplement de quelques silex et fragments de poteries.
Vers l'est, ce cairn central se prolongeait par une nappe de pierres limitée par une curieuse structure : de deux mètres en deux mètres, six grandes pierres dressées dessinaient un arc faiblement concave vers l'ouest, portant des ossements déterminés comme étant des crânes de chevaux. Le tout était noyé dans une masse de "vase" atteignant 4m d'épaisseur et formant l'essentiel du tumulus.
L'extrémité occidentale du monument est engagée entre les maisons du village. Un grand dolmen à couloir y est enserré dans un second cairn dont les pierres affleurent en surface. Sa couverture comporte une énorme dalle d'orthogneiss (8,3m de long, 4m de large et 0,5m d'épaisseur), brisée sans doute par suite d'un porte-à-faux et anciennement amputée de son extrémité.
La chambre en a toujours été connue ouverte (elle fut jadis utilisée comme étable) et son couloir a été amputé par les constructions attenantes. La structure est strictement mégalithique, à dalles jointives (voire se recouvrant en écailles pour assurer l'étanchéité).
Le sol de la chambre est formé d'une seule grande dalle d'orthogneiss taillée en ogive, probable stèle anthropomorphe réutilisée. Plusieurs piliers de la chambre et du couloir sont ornés." (Mégalithes du Morbihan http://www2.culture.gouv.fr/culture/arcnat/megalithes/)
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PRÉSENTATION PERSONNELLE.
La lecture s'apparente à une marche, tantôt flaneuse, tantôt hasardeuse, tantôt emportée par le rythme haletant de l'aventure.
Ma découverte des articles de l'archéologue Serge Cassen (directeur de recherche CNRS à Nantes) sur les mégalithes de Carnac et du Golfe du Morbihan m'a entrainé dans un périple fabuleux. Marchais-je encore, ou rêvais-je déjà ?
Trois articles sur le tumulus de Mané Lud, très voisin de la célèbrissime table des Marchands de Locmariaquer, (successivement Mané Lud en sauvetage ; en images ; et en mouvement) m'ont appris que je trouverai là les gravures d'un cachalot, de bateaux, et d'oiseaux. Et non quelque déesse-Mère ou autre Hache-charrue.
J'ai deux amours : les cétacés (et les bateaux, et les oiseaux...) et le Golfe du Morbihan (et les îles du Ponant).
J'ai donc suivi Serge Cassen page après page à Mané Lud, je me suis laissé entrainer entre les allées de pierres dressées, j'ai appris à les qualifier d'orthostates et à en traquer les traces, j'ai baissé la tête sous les dalles de couverture, je me suis habitué à l'obscurité, j'ai été presque à ses côtés lorsqu'il menait son enquête et s'enthousiasmait de ses découvertes et qu'il criait "There she blows ! There ! There !".
Et puis j'ai posé ces centaines de page si bien illustrées, j'ai quitté ce monde virtuel et numérique (l'auteur a montré tout l'intêret de sa méthode d'acquisition et de traitement numérique des photographies superposées sous incidences lumineuses complémentaires, du scanner laser et de la photogrammétrie), pour aller, comme un grand, voir moi-même Mané Lud, tel celui qui, ayant trop lu Moitessier et les Damiens, part franchir le Cap Horn et toucher les glaces antarctiques.
J'embarquais, en guise d'Instructions nautiques, la précieuse littérature savante.
C'est ce voyage que je décris ici, par mes photos. Car pour le texte, je laisse la parole à Serge Cassen. Toutes les citations sont en retrait et entre guillemets avec la source. Toutes les figures sont extraites, avec sa permission, de ses articles mis en ligne.
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L'arrivée : la vue extérieure.
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Depuis la Table des Marchands, on suit brièvement la route jusqu'aux panneaux indiquant le site (à moins de prendre un étroit raccourci depuis le parquing) et on craint de s'être égaré car on ne repère l'endroit qu'au dernier moment : . Et dès lors, il va falloir se perdre, ou du moins perdre son temps, son XXIe siècle, pour atteindre le Néolithique : c'était il y a quelques 6000 ans.
Ce que nous découvrons, au sommet d'une légère élévation, c'est une belle pierre plate : la dalle de couverture de la tombe à couloir. La Rivière d'Auray est visible au nord-est (CPA)
Après l'avoir contourné, nous constatons la présence de quelques marches menant à un petit dédale longeant une habitation : nous y sommes.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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Et le couloir est fort étroit ; on descend quelques marches, on évite l'angle de la maison, on se faufile, on joue déjà à l'indien, car Indiana Jones est sans doute devant nous : la grande aventure.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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La bouche du royaume des morts est ouverte, j'invoque Ulysse lors de sa Nekyia.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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L'entrée dans le couloir. Les orthostates.
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Note personnelle : j'ai trouvé à mon arrivée les motifs des gravures surlignés (à la craie ou la peinture), un procédé qui semble utile au néophyte mais dont la nuisance, aggravée par leur nettoyage par détergent, a été soulignée par Serge Cassen 2005 p.337.
Le monument se compose de 5 dalles de couverture, de 21 orthostates et d'une dalle sur le sol de la chambre.
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Neuf orthostates conservent des gravures : trois dans le couloir (n° 16,17, et 6), cinq dans la chambre (n°19, 21, 1, 1A et 2) dont 1 en grande partie occulté. Deux orthostates sont en orthogneiss (n° 20 et 5) à la lointaine origine (bassin oriental du Golfe, à 10 km de là), tandis que le n° 4 est en migmatite dont la source la moins éloignée se trouve à la pointe de Kerpenhir sur la même commune de Locmariaquer.
Le sol de la chambre (dalle 25) est une grande stèle d’orthogneiss de forme vaguement anthropomorphe et sculptée d’une bande en relief surmontée de deux éléments circulaires aux extrémités. Fouillée en 1912, il fut découvert sous cette stèle des objets en or attribués au néolithique et au campaniforme (Z. Le Rouzic 1912).
Il s'agit de dalles de ré-emploi (on ignore si la face non visible est gravée), et le couloir initialement court aurait été allongé ensuite : "Les stèles gravées du Mané Lud, réemployées dans la construction d’une tombe à couloir au début du IVe millénaire, parlent d’un ouvrage de monolithes édifié bien plus tôt, probablement au contact d’un tumulus de pierres et de limons recouvrant une ciste [tombe] à deux individus destinée (Galles & Mauricet 1864, p. 15)." (Cassen 2011)
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Les interprétations de Serge Cassen.
Cet auteur déconstruit les interprétations anciennes des gravures de Mané Lud et propose les changements sémiologiques suivants :
• la "Grande Déesse" devient un cachalot soufflant ;
• l"’herminette" devient un homme bras en croix ;
• la "hache du bûcheron" devient une arme guerrière ;
• la "houlette du berger" devient un bâton de jet (crosse);
• le "cornu" se transforme en un oiseau volant ;
• le "peigne-graffiti" est un bateau monté ;
• et "l’idole en écusson" est considéré comme un monde en miniature.
Bref, ça va souffler !
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Liste des orthostates réinterprétés (dans l'ordre de leur succession sur le site) :
L'orthostate n°16. Une arme de jet ; une embarcation surmontée d’un oiseau ; un autre oiseau survole la représentation d’une terre (carré).
L'orthostate n°17. Un vol de 12 oiseaux.
L'orthostate n°6. Un voyage : l'homme-croix, l'oiseau, la hache emmanchée, le quadrilatère-monde.
La stèle 2. Une lame de hache ; deux crosses ; trois oiseaux ; une embarcation sans équipage ?.
L'orthostate n°19. Une crosse (arme de jet) au dessus d'un oiseau. Le quadrilatère "monde divisé".
La stèle 1. Le cachalot.
L'orthostate n°1A : signes en U superposés : vol groupé de 4 oiseaux.
La stèle 2. Une lame de hache ; deux crosses ; trois oiseaux ; une embarcation sans équipage ?.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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L'orthostate n°16. Une arme de jet ; une embarcation surmontée d’un oiseau ; un autre oiseau survole la représentation d’une terre (carré).
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En jaune : une embarcation à 6 personnages survolée par un oiseau. Et une crosse : une figure de proue ?
En rouge : un oiseau au dessus du carré représentant la Terre.
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"Les gravures seront partagées en deux sous-ensembles.
En haut et à gauche (en jaune), trois signes bien distincts sont disposés à égale distance l’un de l’autre suivant un axe oblique et se partagent entre crosse, bateau et oiseau (fig. 12) :
- sur la gauche de la dalle, l’instrument dirige l’extrémité du crosseron vers la gauche ;
- l’embarcation est à peu près orientée parallèlement au sol actuel, mais en réalité contrainte par un ressaut naturel dans la pierre sur lequel elle semble reposer et qui impose une légère obliquité ; elle contient six personnages, à l’image des embarcations de la stèle n° 6, mais le personnage dominant les autres par la taille est ici placé au centre du motif ; une crosse, extrémité distale dirigée vers l’extérieur, prolonge la pointe gauche du bateau ;
- l’oiseau est en plein vol et surmonte le bateau.
Un autre groupement de deux signes (en rouge) s’inscrit plus bas entre deux failles altérées :
- tout d’abord un oiseau, deux fois plus petit que le précédent, signifie lui aussi un plein vol ;
- en dessous, un petit quadrilatère assez peu marqué mais indéniable est orienté parallèlement au sol.
Il est évident que nous retrouvons des éléments de la structure sous-jacente au Mané Lud, déjà révélée sur les dalles 2, 6 et 21 : d’une part un oiseau surmonte une surface terrestre, d’autre part un oiseau surmonte une embarcation et donc une surface d’eau. Pour cette dernière composition, la proue pourrait être signalée par une forme en crosse, l’avant du bateau étant en règle générale valorisé dans les représentations et les miniatures, à l’image des têtes animales (cervidés, bovins, oiseaux) révélées par les gravures et les modèles réduits de l’âge du Bronze pour ne s’en tenir qu’à la Russie d’Europe, la Scandinavie et la Sardaigne (Lahelma 2005 ; Coles 2006 ; Guerrero Ayuso 2004). Au Mané Lud, une certaine ambiguïté persiste sur cette forme en crosse ; elle pourrait en effet représenter l’arme que nous connaissons, mais également une tête animale simplifiée, et les précédents exemples européens contenant plusieurs figurations gravées très semblables peuvent nous permettre d’abonder dans ce sens (voir par exemple à Begby Ic, Østfold, Norvège - Coles 2005, fig. 248). Mais dans la mesure où une autre crosse à la morphologie assez proche est disposée en avant du motif en question, nous retenons temporairement l’arme de jet comme figure de proue du navire. Par conséquent, une direction au déplacement peut être proposée, de la droite vers la gauche."
En somme, une crosse verticale dirige une embarcation surmontée d’un oiseau, tandis que plus loin et plus bas sur la stèle, contraint par un jeu de deux failles parallèles, un autre oiseau, plus petit ou plus lointain, survole la représentation d’une terre également réduite en proportion. " (Cassen 2011)
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—À propos du signe quadrilatère, Serge Cassen :
"En somme, cet espace délimité à la marge océane, nous l’acceptons au Mané Lud comme une surface abstraite qui serait une terre, un monde, un jardin des délices, une habitation, une arche, une île fortunée ; peu importe." (Cassen 2011)
—La signification de la crosse a été longuement étudiée par Serge Cassen: en s'appuyant sur la comparaison avec le lituus au manche courbe étrusque (ancienne arme de jet qui, progressivement, est passée au rang de symbole, tout d’abord comme insigne royal dans la première royauté romaine, puis objet de divination aux mains des augures), et avec le sceptre heqat égyptien en « point d’interrogation » . Ce sceptre étaient remis au roi lors de son intronisation avec le fléau à grain, celui-ci rappelant sa fonction de pourvoyeur de nourriture pour le peuple tandis que la crosse marquait son rôle de berger, de guide.
En outre, il signale les bâtons de jets égyptiens âmâat utilisé pour la chasse aux oiseaux dans les marais . Les auteurs s’accordent à reconnaître dans ces bâtons de jets, trouvés le plus souvent dans des tombes, un double usage, cynégétique et talismanique.
Pour Cassen, le signe néolithique « crosse » n'est pas un bâton de pâtre, mais une arme de jet à fonction assomante, un peu comme un boomerang : il est opposé systématiquement, sur les stèles morbihannaises, avec des animaux (oiseaux, cachalots) qu'il vise.
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— Le signe "bateau".
D'abord rangé parmi les « pectiniformes » par G. de Closmadeuc (Closmadeuc (de) 1873), ce signe "en forme de peigne" sera identifier par A. de Mortillet en 1894 comme un bateau à proue relevée portant des hommes, à l’image de représentations semblables amplement documentées en Scandinavie dès cette époque. Mais les auteurs modernes rejetteront cette image. Serge Cassen la reprend en soulignant sa cohérence :
-ce signe est uniquement réparti sur la zone côtière sud-armoricaine ;
- une composante importante du procès d’apparition du Néolithique en France méditerranéenne, puis atlantique, passe par des déplacements par voie maritime (*);
- le cachalot est représenté sur ces stèles contemporaines.
Sa coque peut varier d’une morphologie en « croissant de lune » ou disque tronqué, à celle souvent dite «corniforme » qui est une variante aplatie ou allongée de la figure géométrique précédente ; elle peut être isolée, vide, ou bien surmontée de traits verticaux parallèles figurant des personnages embarqués, systématiquement conduit par un personnage plus haut que les autres.
"Trois sortes d’embarcations résonnent sur les dalles de Mané Lud, trois formes également connues en Bretagne :
- la première est montée de personnages dont l’alignement est toujours dominé par un individu-tige plus grand que les autres, bien souvent vertical à la proue ;
- la seconde soutient un homme seul ouvrant ses bras en croix, encore placé à la proue ;
- la troisième forme de navire est une coque non montée, épurée, dont on ne sait ce qu’elle contient car aucune verticalité ne l’anime et ne lui donne vie."
(*)La découverte, dans les tombes, de pendeloques et perles en variscite, dont l'analyse a prouvé l'origine espagnole, renforce l'idée d'une population maîtrisant la navigation maritime ; de même, le ré-emploi de dalles lourdes d'un site à un autre du Golfe de Morbihan et de la Rivière d'Auray suppose la capacité de transporter des embarcations plus ambitieuses que des pirogues monoxyles.
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Le signe en U ou signe-oiseau.
Un très riche argumentaire permet à Serge Cassen de justifier qu'il remette en cause l'interprétation habituelle (un signe en joug ou la représentation de "cornus" renvoyant à des bovins et caprins) au profit d'oiseaux ; l'association très fréquente de ces oiseaux avec des embarcations est remarquable.
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Ma photo montre cet orthostate n°16, où on reconnaît l'oiseau et l'embarcation, mais elle montre aussi combien on peut passer assez rapidement devant lui sans en détailler les gravures si on attend un motif spectaculaire. Il aurait fallu être très attentif, ralentir, scruter la pierre en variant l'éclairage : il aurait fallu avant de s'engoufrer ici avoir appris à regarder : comme face à tout art, c'est un long apprentissage, et rien n'est donné au naïf.
Un peu plus loin, on discerne les oiseaux de l'orthostate n°17.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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L'arrivée dans la chambre : à gauche, l'orthostate n°17, et à droite, l'orthostate n°6.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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L'orthostate n°17. Un vol de 12 oiseaux.
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" Douze signes clairement établis, et deux autres moins assurés, se partagent une surface grossièrement triangulaire sur la partie gauche de la stèle. Ces deux derniers tracés incertains pourraient être identiques aux tracés voisins mais, dans les deux cas, seule la branche gauche est bien marquée, donnant l’image d’une crosse sur la gauche, d’un arc-de-cercle sur l’individu plus à droite, sans qu’il soit permis de trancher définitivement.
Loin de représenter le bétail domestique présumant un quelconque état socio-économique de la société étudiée, ces cornus sans tête sont à nos yeux la transcription la plus simple d’oiseaux en plein vol. Mais, ainsi que nous l’avions noté (Cassen et al. 2005, p. 365), cinq des sept signes gravés sur le côté gauche de la dalle débordent sur sa tranche [...].
Nous résumons par conséquent la scène à un vol d’oiseaux, peut-être en formation triangulaire, avec un individu en tout cas isolé à la pointe droite tandis qu’une série est alignée sur le bord gauche avec l’extrémité de chaque aile uniquement visible sur la tranche de la stèle, dans une autre de ses dimensions." (Cassen 2011)
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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L'orthostate n°6. Un voyage : l'homme-croix, l'oiseau, la hache emmanchée, le quadrilatère-monde.
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"Quatre zones peuvent être discernées dont trois couvertes de gravures. La
première, délimitée dans la partie inférieure droite par une brisure oblique naturelle dans la
roche, comporte cinq motifs aisément identifiables (hache, « bateaux », carré, « U ») ; la
seconde, dans la partie inférieure gauche, au-delà de la faille, est vide de gravures ; au-dessus
de celle-ci, un secteur est rempli de motifs géométriques traités en petites cupules (carré,
cercle, lignes) ; détaché de cet ensemble, un ultime secteur occupe l’espace restant, à nouveau
sous formes de tracés gravés où l’on reconnaît deux haches emmanchées, un « bateau »
et un motif quadrangulaire ouvert sur une série de traits verticaux." (Cassen 2005)
"Les gravures. Cinq signes fondamentaux sont reproduits : l’homme en croix, l’oiseau, la hache emmanchée, le bateau, le quadrilatère-monde. Ils se partagent la surface en évitant certains secteurs, et s’orientent différemment dans l’espace. Six groupements ont été arbitrairement distingués par des lettres, de A à F (fig. 10).
A - (en vert clair) Sous la ligne de ressaut déjà mentionnée sont réunis cinq signes inscrits dans un espace triangulaire :
- dans l’angle droit, au bas de la dalle, un signe quadrilatère (trapézoïdal) est exactement tangent à l’arête de la pierre ; si sa base rectiligne est bien parallèle à la ligne de sol (actuel), son côté opposé est en partie oblique tandis que les bords latéraux sont également divergents selon cette même dynamique ;
- deux bateaux bordent les deux côtés du signe précédent ; ils sont penchés, suivant en cela à la fois une partie du tracé supérieur du quadrilatère et une faille apparente sous la seconde embarcation du bas ; respectivement cinq et six segments verticaux figurent les deux équipages et un personnage s’y trouve systématiquement placé plus haut que les autres et bien posé à l’extrémité gauche, partie que nous reconnaissons en conséquence devant très certainement figurer une proue ;
juste en avant de la proue de l’une de ces embarcations, une hache polie sur manche crossé dirige son tranchant dans la même direction, c’est-à-dire vers la gauche ; - un signe oiseau surmonte l’ensemble, et tout comme l’embarcation qu’il survole, et à la différence du quadrilatère, l’extrémité de son tracé en creux déborde sur la tranche de la dalle (fig. 11).
- un signe oiseau surmonte l’ensemble, et tout comme l’embarcation qu’il survole, et à la différence du quadrilatère, l’extrémité de son tracé en creux déborde sur la tranche de la dalle (fig. 11).
Le hors-champ de l’oiseau et d’un bateau, la position des proues, l’orientation du tranchant de la hache, tout concourt à désigner un sens commun au déplacement des signes dont au moins deux sont par essence mobiles (l’oiseau, le bateau). Au surplus, la direction de ce déplacement peut être déduit de nos observations antérieures, notamment sur l’orthostate 17, dans la mesure où les mêmes oiseaux montrent là-bas un déploiement triangulaire avec un seul individu à l’une des extrémités ; il signifie, comme dans la réalité, la tête du groupement (l’oiseau suiveur récupérant la composante ascendante en bout d’aile de l’oiseau précédent, battements d’ailes alternés par rapport à l’oiseau qui précède). Si cette composition reproduit une formation d’oiseaux en vol, alors ils se dirigent de la gauche vers la droite, ils entrent littéralement dans le cadre. En sorte que sur la dalle 6 et suivant ce principe directeur, l’oiseau, les bateaux (et la hache ?) se meuvent de la droite vers la gauche, et par conséquent donnent une indication de « montée » par l’obliquité légère mais notable des représentations.
B- (en blanc) . Comme posé sur la ligne de ressaut, une gravure isolée en forme de croix latine occupe le « sommet » de cet accident naturel. Elle représente un humain dans une position statique universelle, bras tendus, jambes jointes, une station qui est néanmoins exceptionnelle, loin de signifier la vie courante.Si le tronc est vertical, les bras sont penchés l’un dans l’alignement de l’autre, et suivent la direction du signe sus-jacent, à moins bien sûr que ce ne soit l’inverse.
C- (en bleu clair) Ce grand signe quadrangulaire n’est pas fermé, mais ouvert sur le dessus. Il contient plusieurs traits parallèles dont deux sont inscrits dans une figure courbe, formant alors la ligne qui pourrait être rapportée à un bateau embarqué, mais alors très arqué ; cette dernière figure est comme posée sur une diaclase qui forme un ressaut dans la pierre, grossièrement horizontal. Une cupule est disposée à son côté, sur cette ligne naturelle.Comment interpréter cet ensemble, très perturbé par des tracés parasites provoqués par le nettoyage de graffitis ? Si nous admettons la représentation d’une surface terrestre par le biais du motif quadrangulaire (simple ou divisé, droit ou oblique), la figure « ouverte » de l’orthostate 6 ne laisse pas d’intriguer, et en dire davantage serait cette fois bien risqué.
D- (en jaune)Sont ici regroupées deux haches polies emmanchées, tranchants dirigés vers la gauche. Les lames semblent parallèles au sol, mais un des deux manches est oblique et suggère en conséquence une action portée par la plus grande lame régulière au talon pointu.
Fait exceptionnel, unique dans l’état actuel des connaissances, les manches ne sont non seulement pas crossés, comme en A et comme il est usuel de le produire en gravure en Bretagne, mais ils ne dépassent pas non plus le corps de la lame au point que ce type d’emmanchement inconnu dans notre corpus pose question.
- Est-ce un mode d’emmanchement réel, qui impliquerait une fixation directe par liens et colle, peu documentée en Europe à cette époque ?... Cette possibilité est admissible mais difficilement crédible, d’autant plus qu’aucune lame polie à gorge – une morphologie fonctionnelle en règle générale recherchée pour adopter cette configuration – n’est connue dans l’ouest de la France (voir Avias 1949, pour vérifier le rapport d’identité entre le « casse-tête » à gorge et la manière de le représenter par la gravure sur un rocher).
- Est-ce un mode d’emmanchement réel, qui supposerait une lame de hache perforée sans dépassement du manche ?... L’hypothèse est recevable (cf. Klassen et al. à paraître) mais nous ne connaissons pas d’instruments perforés, en pierre ou en métal, trouvés en contexte en Bretagne, datés de cette époque (milieu du Ve millénaire).
- Est-ce un emmanchement idéel dont le classique crosseron serait alors supprimé ?... En ce cas, un manche tronqué qui n’est plus opérationnel – comment, en effet, la lame polie pourrait-elle tenir ? – charge l’arme d’une autre signification ; et l’objet « crosse », privé de sa partie active, ne fournirait plus que la matière du « manche » de l’arme, au mépris de son ancienne efficacité dans le monde réel.
E- (en rouge) Dans ce même quadrant arbitrairement façonné par nos axes majeurs divisant la stèle, une série de petites cupules fut diversement appréciée par les observateurs et les commentateurs. Une figure quadrangulaire et une autre circulaire ont en tout cas systématiquement retenu leur attention, sans pour autant motiver une interprétation spécifique à leur propos. Reprenons l’énumération :
- un contour quadrangulaire est nettement dégagé dans le registre inférieur ; il est approximativement parallèle au sol actuel ;
un autre contour, cette fois plus circulaire, marque la partie supérieure, seulement interrompu par la coque d’un bateau ;
- depuis ces deux figures, d’autres petits segments formés de deux ou trois cupules partent vers le bas, ou vers la gauche tout en étant parallèles à la même ligne de sol ;
- comme « sortie » de la petite hache emmanchée, ou en tout cas rejoignant son tranchant, une ligne – toujours ponctuée au moyen de cupules – oblique légèrement vers le bas ; une autre lui semble parallèle, inscrite au-dessus ; les deux étant à leur tour parallèles à une ligne semblable émanant de l’angle supérieur gauche du signe quadrilatère, ces trois alignements étant peu ou prou dirigés vers le bord de l’orthostate ;
- un autre alignement, équivalent mais obliquant vers le haut, semble être orienté vers le tranchant de la grande lame emmanchée.
Il est intéressant de noter que les bordures droites des figures quadrangulaire et circulaire sont tangentes à un même axe vertical virtuel, et qu’aucune cupule ne dépasse cette limite (fig. 10) ; une limite qui coïncide de surcroît avec les tranchants superposés des deux haches emmanchées, ce qui ne peut être le fruit d’un hasard. Soulignons en aparté que S. Ferguson (Ferguson 1864) est le seul à avoir repéré deux lignes de cupules partant de la lame polie la plus basse, alors que notre figure n° 17 en 2005 ne rendait pas justice de cette bonne observation en ne rappelant que les levés, par ailleurs incomplets à cet égard, de Cussé, Closmadeuc, Le Rouzic/Péquart et Shee-Twohig.
F- (en violet)Le dernier sous-ensemble est placé à l’angle supérieur de l’orthostate ; il est ici le troisième motif (fait d’un croissant et de barres verticales) que nous interprétons comme la représentation d’une embarcation montée, dont un personnage plus grand que les autres pourrait indiquer la proue (en Scandinavie, A. Fredsjö dès 1948 traduisait cette distinction de taille d’un humain à la proue des navires de l’âge du Bronze comme la marque d’un statut particulier - Bengtsson & Bengtsson 2011, p. 38). Ce bateau n’est pas gravé parallèlement au sol actuel mais, à l’image des deux autres inscrits dans le registre inférieur, est placé en oblique par rapport à ce plan de référence. Deux particularités supplémentaires doivent être soulignées :
- la coque interrompt la ligne de cupules formant le signe circulaire sous-jacent, preuve d’un évitement volontaire dans une composition globale cohérente ; les personnages signifiés dans l’embarcation « débordent » sur la tranche supérieure de la stèle, ajoutant une troisième occurrence au sein du programme iconographique relevé sur cette même dalle, après les hors-champs notés sur l’oiseau et sur un autre bateau.[...]
Nous appellerons voyage ce déplacement suggéré des grands mobiles, réserves d’imaginaire qu’étaient en ce temps-là une embarcation et un oiseau, devant lesquels l’instrument hache crossée ouvre la voie. Nous opposons un univers révélé par des tracés continus à un autre monde signifié par des tracés discontinus, en sorte que ce jeu des interruptions nous ramène au principe fondamental du passage d’un état à un autre (Cassen 2009b, p. 65). (Cassen 2011)
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À propos du signe-croix, Serge Cassen précise :
"Le signe en croix inscrit sur les stèles du Mané Lud est la représentation d’un anthropomorphe de type statique, du type « crucifié », la représentation d’un personnage en position arrêtée, jambes fusionnées et bras écartés, dans l’attitude la moins « narrative » qui soit ; mais peut-être aussi, par là même, la plus exceptionnelle qui soit."
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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Le groupe A : un oiseau (mal compris par celui qui a surligné la gravure), l'embarcation à équipage, la hache, le signe-quadrilatère (la terre), et la deuxième embarcation.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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Détail de l'orthostate n°6 partie A : le signe-quadrilatère (la terre), et la deuxième embarcation. Sur place, on comprend très peu ce que l'on voit.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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Détail de l'orthostate n°6 partie C : le bateau du bas avec son équipage dont un personnage plus grand à la proue.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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Détail de l'orthostate n°6 partie D : les deux haches.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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L'entrée dans la chambre.
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L'orthostate n°19. Une crosse (arme de jet) au dessus d'un oiseau. Le quadrilatère "monde divisé".
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"Les gravures sont partagées en deux zones séparées par un ressaut naturel dans la pierre, dans le tiers inférieur ; nous considérons cette partition comme pertinente.
Dans la partie basse, (en jaune) un signe quadrangulaire est placé à la verticale, marquant plutôt le secteur droit de la dalle si l’on s’en remet à l’axe longitudinal ici dessiné (fig. 9). La figure est à son tour exactement divisée en deux par un trait horizontal. Cette surface quadrangulaire séparée en deux moitiés est l’illustration même d’un concept mieux connu par l’expression philosophique du rapport à l’altérité ; en répétant l’opération, le monde se divise, presque à l’infini (le réticulé, la grille, le damier, etc. - cf. Cassen 2007a).
Au-dessus (en rouge), un signe oiseau très affaissé, « aplati » au point de ressembler aux embarcations gravées de Scandinavie, est inscrit sur le même côté droit mais de telle manière qu’une branche montante de l’aile mord sur l’arête de la stèle et se prolonge sur la tranche. Un schéma déjà entrevu avec les oiseaux gravés sur l’orthostate 17 mais débordant là-bas sur le côté gauche.
Enfin, plus haut encore sur la pierre (en rouge), une gravure courbe terminée par une dépression grossièrement circulaire n’avait pas subi le risque d’une interprétation dans le Mané Lud en sauvetage (2003), faute de connaître la suite du tracé tronqué par la taille et la mise en forme postérieure du sommet de la stèle. Mais après la découverte du Bronzo (Cassen 2005) où une crosse gigantesque semblait stopper l’envol d’un oiseau, il nous a semblé crucial de revenir aux clichés de notre campagne photographique pour vérifier si l’amorce d’un tracé rectiligne, pouvant suggérer le manche, ne serait pas encore visible, comme par « transparence » dans la matière enlevée. Et ce fut très opportunément le cas. En sorte qu’une campagne complémentaire de relevés fut programmée en 2010 (34 clichés) pour préciser le tracé. Il y a fort à parier maintenant, malgré cette impossibilité de discuter à partir d’un document complet qui, seul, permettrait d’être bien plus affirmatif, que ce prolongement rectiligne attesté est bel et bien le manche d’une crosse qui opposerait ainsi sa zone active au signe oiseau sous-jacent, individu provenant derechef d’un hors-champ, un oiseau déplacé de la gauche vers la droite et désormais directement concerné par cette plausible frappe." (Cassen 2011)
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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L'orthostate n°21.
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"Les gravures. Quatorze signes ont été inventoriés. Ils sont assemblés en bas à gauche et vers le haut à droite, distribués en oblique en laissant ainsi la surface en bas à droite et le quadrant en haut à gauche entièrement vides d’inscriptions. Nul doute que ces évitements sont volontaires.
Le signe crosse, le plus fréquent, est reproduit à cinq exemplaires, dont un est clairement appuyé sur la ligne naturelle de démarcation à mi-hauteur de l’ancienne stèle, marquant le centre de la composition ainsi que le milieu de la dalle (fig. 4). Si les manches sont plutôt droits, l’individu au contact du motif quadrangulaire présente une courbure classique et par conséquent une longueur moins importante du manche, à l’image des crosses similaires dans le corpus de la France de l’ouest. Il est d’ailleurs le seul à être penché, à l’instar du signe carré adjacent et du signe en forme d’oiseau qui le surmontent. Tous les autres signes sont en position verticale et paraissent de la sorte stabilisés.
Deux signes haches sont gravés dans chaque « moitié » de la dalle, tranchants dirigés vers la gauche, de même tous les crosserons du signe précédent sont dirigés vers la gauche, sans exception. Les manches des haches sont aussi en forme de crosse, mais si l’exemplaire du bas de la stèle laisse ressortir le talon pointu de la lame, ce n’est pas le cas du spécimen positionné en haut.
Trois signes cruciformes sont enfin regroupés dans le bas de l’orthostate, deux sont isolés mais un est directement connecté au dernier signe de ce registre puisqu’il s’inscrit à l’extrémité d’un croissant que nous interprétons comme un bateau. Nous serions par conséquent en présence d’une embarcation contenant un seul personnage central traduit par une barre verticale (le mât semble moins crédible ; voir à ce propos la transformation du mât en croix – ou inversement – dans la représentation du bateau de Saint-Vincent gardé par deux corbeaux, fig. 5), mais présentant dans le même temps, vers la proue ou vers la poupe, un autre personnage debout les bras en croix. Une ligne horizontale tracée sous cette composition introduit un égal effet de support au second personnage les bras en croix, placé en bas et au centre de la stèle, et bien qu’il n’y ait pas contact avéré entre les tracés. Ce personnage est surmonté dans son axe vertical exact par un grand signe oiseau. Le troisième cruciforme est inscrit au-dessus de cet ensemble, mais sur le côté de l’oiseau. Ainsi, les deux oiseaux sur la stèle n’ont pas de signe les surmontant directement." (Cassen 2011)
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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La dalle 25 (plancher de la chambre).
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"Ce grand monolithe en orthogneiss est l’exemple type de la stèle en réemploi que Le Rouzic (1913) avait déjà identifié en ce sens dès 1913. Intensément piétinée par sa position en « plancher » qui lui fut dévolue dans la construction de la chambre, à l’instar de plusieurs tombeaux morbihannais (Kerlud, Petit Mont, etc.), on regrettera là encore que les passages innombrables effectués sur cette pierre aient abrasé, érodé, poli l’intéressante sculpture qui en marque sa partie médiane.
Un « bandeau » en relief, d’une quinzaine de centimètres de large sur 2 à 3 cm d’épaisseur partage la surface, à la hauteur des deux points d’inflexion notés sur les deux bords, les reliant en quelque sorte ; ce positionnement est certainement voulu et désigne le secteur en pointe, actuellement dirigé vers le couloir d’accès, comme une forme signifiante, que l’on doit rapprocher de la stèle de chevet de la Table des Marchand. Ce détachement en relief est le résultat d’un large enlèvement de matière en son pourtour. Aux deux extrémités supérieures de cette barre, deux motifs ou renflements circulaires se détachent nettement, et furent signalés en tant que tels par Le Rouzic.
En partie fouillée par son dessous par Z. Le Rouzic — lequel y trouva des objets en or — cette stèle mériterait d’être un jour soulevée afin que l’on puise en explorer sa face cachée, dont l’éventuelle composition gravée serait à même de compléter cette immense gravure en champlevé qui la partage en deux secteurs bien différenciés." (Cassen 2005)
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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La stèle 1. Le cachalot.
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Ce motif était auparavant interprété comme une déesse antique ou une "hache-charrue".
"Loin d’une fantastique déesse, il s’agit là de la figuration d’un cétacé la plus réaliste que nous ayons pu trouver dans le corpus armoricain ; il s’agit enfin de la représentation d’un cachalot, espèce déjà pressentie (Cassen et Vaquero, 2000) mais que valide irréfutablement cette découverte (tête quadrangulaire, dégagée par flexion du corps de l’animal). On rapprochera cette image donnée par l’utilisation opportuniste du relief de la pierre, observée à l’extrémité de la tête, de la figuration au rendu semblable remarquée à l’extrémité céphalique d’un des cachalots du Mané Rutual." (Cassen 2005)
"Voici une forme nouvelle, sans doute peu éloignée des restitutions de nos prédécesseurs qui en avaient reproduit les lignes directrices, mais suffisamment distante pour qu’un regard neuf puisse cette fois déclencher un autre processus de reconnaissance, à vrai dire facilité par le réalisme de la figure.
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[...]Les unités graphiques identifiables peuvent être résumées ou décrites comme suit :
la tête est quadrangulaire ;
le souffle jaillit en « fontaine », à l’image des figurations familières de l’eau émergente (fig. 2) ;
la queue est profilée selon une vue latérale, en perspective ;
la tête et le tronc sont dans un égal rapport de proportions ; auxquels s’ajoutent :
la tête « carrée » dégagée par flexion du corps de l’animal ;
la flexibilité de l’appendice caudal si remarquée en mer lors du plongeon vertical qui laisse alors aisément entrevoir cet affaissement de la queue en une barre perpendiculaire au tronc ;
l’emprise étonnante de la tête qui occupe dans la réalité le tiers du corps de la bête, confirment notre diagnostic premier (Cassen, Vaquero, 2000) : le cétacé n’est pas une baleine, mais bien un cachalot.
[...]Remarquez la manière dont le « souffle » est rejeté vers l’avant, depuis un évent en position anatomique erronée mais suffisamment efficace à l’échelle de la représentation pour rendre compte d’un phénomène étonnant, visuel autant que sonore, qui domine l’animal émergeant au loin et sur lequel cette signature universelle est finalement centrée et abstraite.
C’est cette évacuation vers l’avant en une courbe terminée en deux traits rectilignes qui nous autorise à effectuer le rapprochement formel avec la « boucle » dégagée au-dessus de la Chose (the Thing) sur les stèles de Galice et du nord du Portugal (Cassen, Vaquero, 2000, fig. 174). Une dynamique particulière du tracé, commune aux deux contextes géographiques, qui ne peut procéder d’une simple convergence iconophile mais qui relève au contraire, à la même époque, d’une même idée graphique sous-jacente, d’une même solution partagée/adoptée pour un problème singulier de représentation, confortant l’intuition première reliant l’ouest ibérique et le sud de l’Armorique." (Cassen 2007)
"Cette gravure est la plus réaliste du corpus armoricain, et seuls un enregistrement insuffisant des surfaces et la croyance systématique en l’aspect anthropomorphe des menhirs ont détourné le regard et la reconnaissance (voir Cassen 2005, 2007a, pour un historique des recherches).
Le cachalot est fort bien restitué, puisque la tête occupe véritablement le tiers du corps, ce qui est exceptionnel ; le dessin rapporte bien cet allongement et la partie quadrangulaire de la tête. La rencontre des deux axes majeurs divisant la stèle se place à peu près là où devrait se trouver l’oeil de l’animal, ce qui n’est peut-être pas un accident. La nageoire caudale est également remarquable de vérité, tant sa souplesse naturelle ne laisse habituellement transparaître que cet état « plié », vu en profil, l’organe étant rabattu sous son propre poids lors de la plongée ; et dans la mesure où l’observateur n’est jamais vraiment dans l’axe exact de la bête plongeant mais plutôt placé sur un des côtés, cette dissymétrie est l’image parfaite qui peut en être donnée. Par contre, le dessin du souffle est une erreur anatomique manifeste quant à son placement sur la tête. L’évent du cachalot est en effet placé loin en avant de la tête, en son extrémité même, et l’on se demande pourquoi le graveur a fait cette erreur. Il est vrai que le souffle est le moins localisable des phénomènes observés, même depuis une embarcation, puisqu’il ne s’agit pas d’un jet mais d’un mélange gazeux et liquide largement diffusé au-dessus du corps de l’animal. Un animal difficile à voir, difficile à approcher. Aussi n’est-il pas impossible que sur ce détail précis du comportement du cachalot, le graveur ait réuni l’image générique du souffle renvoyant aux cétacés visibles à cette époque.
En définitive, ce réalisme de la figure n’est pas superposable aux gravures connues sur la même commune (Table des Marchands, Grand Menhir) et plaide probablement pour une date plus ancienne de la réalisation, avant que ne se poursuive le processus d’abstraction et de simplification des grandes unités graphiques (corps, tête, souffle, queue, pénis, melon) qui atteindra un extrême avec la stèle de Dissignac. Dissignac est également le seul signe à être représenté tête vers la gauche, car au Mané Lud le mouvement de l’animal est bien suggéré de la gauche vers la droite, à l’instar de tous les autres signes similaires du corpus." (Cassen 2011)
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Comme l'indique Serge Cassen, on retrouve des gravures de cachalots, jadis considérées comme des "haches-charrues" sur d'autres mégalithes du Morbihan (La forme d'une chose, S. Cassen, 2000) :
Le Grand Menhir brisé du site de la Table des Marchands (Locmariaquer)
La dalle de couverture du cairn de Gavrinis (Larmor-Baden), ré-emploi d'un fragment d'un menhir de 14 mètres voisin du Grand Menhir de Locmariaquer.
Le menhir de Kermaillard (Sarzeau), avec une embarcation heurtant un quadrilatère-monde.
L'orthostate n°6 de la tombe à couloir de Mané-Rutual (Locmariaquer), avec une scène interprétée comme un affrontement avec une embarcation.
L'orthostate de la tombe à couloir de Pen-Hap à l'Île-aux-Moines.
Le plafond de la tombe à couloir de Kercado à Carnac,
sur le site de Kerhan-Lann Porz Menec à Ploemeur.
On le trouve également à Dissignac (Saint-Nazaire, Loire-Atlantique)
Un processus d'abstraction du dessin progresse de Mané Lud à Gavrinis puis à Dissignac.
Le rapprochement est fait également avec des gravures des stèles de Galice et du nord du Portugal (Aboboreia, Dombate, Casa Dos Mouros).
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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L'orthostate n°1A : signes en U superposés : vol groupé de 4 oiseaux.
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"Le sommet de la stèle fut manifestement cassé. Trois trous percés sous les motifs néolithiques
rappellent une ancienne tentative de carrier pour débiter la roche." (Cassen 2005)
"En somme, la stèle présente un vol groupé d’oiseaux, dont la disposition ne suggère aucune direction de déplacement, ni d’un côté ni de l’autre, ou alors plutôt vers l’avant, ou bien vers l’arrière. À moins qu’il ne s’agisse que d’un procédé commun de rangement et d’ordination, par répétition d’un objet. Mais l’imbrication des sujets signifie probablement davantage que la seule action itérative ; c’est en tout cas un procédé retrouvé à l’identique à Gavrinis, par exemple sur le bloc en réemploi RS2 avec ses six oiseaux imbriqués et superposés (aujourd’hui peu visibles), contraints entre deux autres signes semblables mais trois plus grands." (Cassen 2011)
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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La stèle 2. Une lame de hache ; deux crosses ; trois oiseaux ; une embarcation sans équipage ?.
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"Une lame de hache triangulaire, tranchant dirigé vers le haut, est sans problème identifiée dans la partie basse, et se conforme à un modèle bien inventorié dans l’ouest de la France. Sa verticalité peut donc corroborer l’état actuel d’implantation du support, malgré son sommet fracturé qui peut en effet plaider en faveur d’une mise en forme à l’occasion du réemploi d’une stèle préexistante.
Au sommet du monolithe (le sommet actuel, que l’on sait tronqué), un premier signe quadrangulaire complet est disposé à peu près dans l’axe longitudinal, mais en réalité plutôt inscrit dans le quadrant droit. Il semble prolongé par des segments rectilignes et verticaux, qui confortent ainsi, avec le rectangle gravé, l’orientation donnée par la lame de hache et l’implantation de l’orthostate. Ces segments sont malheureusement difficiles à lire et seul le fragment supérieur paraît faire partie intégrante d’un second motif plus complet, grossièrement quadrangulaire, qui chevauche l’autre quadrilatère plus régulier, sans que l’on puisse connaître la chronologie relative des tracés. Une diaclase naturelle est mise à profit pour « poser » le segment de base de cette seconde figure. D’autres segments incertains marquent le quadrant supérieur gauche mais il est impossible d’y reconnaître une figure géométrique familière ou un motif déjà recensé.
Plus satisfaisante est l’interprétation des gravures sur le côté droit de la stèle. Quatre familles de signes se succèdent ; ainsi, du haut vers le bas, peut-on décrire :
- deux signes en crosse opposés par leur partie active ;
- trois signes oiseaux imbriqués, à l’image de l’orthostate 1A ;
- un signe rayonnant difficilement identifiable ;
- enfin un signe courbe – lui aussi, comme le précédent, très abîmé par le nettoyage des années 1990 – que nous sommes tentés d’interpréter comme le bateau du registre armoricain, mais une embarcation sans équipage. |...] en somme, un bateau est surmonté d’un signe non identifié, l’ensemble est surmonté de trois oiseaux en plein vol « stationnaire », et le tout est couronné par un couple de crosse qui, avec les oiseaux ainsi disposés, reproduisent un schéma structural déjà inventorié sur la commune de Locmariaquer, comme au Mané er Hroëck (Twohig 1981)." (Cassen 2011)
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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Le tumulus de Mané Lud à Locmariaquer. Photographie lavieb-aile avril 2023.
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Au total.
"Les orthostates enregistrés dans la tombe à couloir du Mané Lud sont très probablement les ultimes témoins d’un ouvrage de pierres dressées qui, peut-être, accompagnait la ciste enfouie sous le tumulus plus ancien à l’extrémité duquel s’est adossé le dolmen daté des débuts du IVe millénaire. Les dimensions homogènes des dalles et la réalisation technique comparable des gravures sur leurs faces visibles s’ajoutent à une remarquable convergence des signes permettant de conclure, sans risque majeur, à l’existence d’un ensemble architectural cohérent (barre rectiligne ou barre curviligne de stèles). Ainsi, les monolithes du Mané Lud auraient été placés à l’extrémité nord-ouest de la dorsale de Locmariaquer, fermant (ou débutant) la suite des ouvrages semblables édifiés à Kerpenhir, Men Letionnec, Mané er Hroëck et Grand Menhir, tous montant et barrant cette ligne topographique sur près de 3 km. "
Cette première barre de stèle serait contemporaine de la stèle en grès occupant le fond de la Table des Marchands, avec des datations vers 4600-4300. La réorganisation des stèles de Mané Lud I pour former le dolmen daterait du début du IVe millénaire (en même temps que la Table des Marchands).
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La visite solitaire et libre de ce site est une expérience très forte puisque le franchissement d'un seuil (jamais anodin) puis la progression dans un couloir voûté étroit et l'arrivée dans une chambre au silence lapidaire mais serein s'accompagne d'une part de l'aventure mentale de la confrontation troublante avec les traces d'humains des Ve et IVe millénaires; et surtout du face à face avec l'expression de leur pensée et de leur spiritualité. Que cette pensée nous échappe très largement n'évite en rien le choc de la rencontre avec une altérité fraternelle.
En outre, ou surtout, cette rencontre passe par la contemplation finale du Cachalot. Il ne s'agit surtout pas d'une scène de chasse, mais de la représentation d'un être mythique transcendantal, de l'archétype du Sauvage.
En des lignes magnifiques, Serge Cassen (Mané Lud en mouvement) explore toutes les dimensions philosophiques et anthropologiques de ses découvertes archéologiques et ouvre les perspectives d'un voyage vers la mort d'un Roi du "Royaume de Carnac", mené dans cette transition entre deux états par un navire sans équipage et accompagné des signes qui lui confèrent le pouvoir : armes de jet, haches, embarcation à équipages, oiseaux , et monde en miniature.
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Cette visite est terminée, mais vous pouvez la prolonger par la reconstruction 3D de Mané Lud sur sketchfab:
—CASSEN (Serge),VAQUERO LASTRES J., 2000, La Forme d’une chose, in: Eléments d’architecture : exploration d’un tertre funéraire à Lannec er Gadouer (Erdeven, Morbihan) : constructions et reconstructions dans le Néolithique morbihannais : propositions pour une lecture symbolique, Cassen S. (Dir.), Chauvigny, Association des Publications chauvinoises (A.P.C.), 2000, p. 611-656 (Mémoire ; 19).
—CASSEN (Serge), 2003, Cassen & Vaquero Lastres 2003a, CASSEN S., VAQUERO LASTRES J., Relevés de gravures pariétales. Le Mané Lud (Locmariaquer, Morbihan - 2002/2003). Propositions pour un nouveau corpus des signes gravés, Rennes : Rapport d’opération programmée sous convention de recherche, SRA/DRAC Bretagne et Laboratoire de Préhistoire, Université de Nantes s.l., s.n., 2003a, 32 p., 41 fig.
—CASSEN (Serge), 2005, CASSEN S., LEFÈBVRE B., VAQUERO LASTRES J., COLLIN C., Le Mané Lud en sauvetage (Locmariaquer, Morbihan) : enregistrement et restitution de signes gravés dans une tombe à couloir néolithique, L’Anthropologie (Paris), Paris, 109, 2, 2005, p. 325-384.
—CASSEN (Serge), 2007, Le Mané Lud en images : interprétations de signes gravés sur les parois de la tombe à couloir néolithique de Locmariaquer (Morbihan), Gallia Préhistoire, Paris, 49, 2007a, p. 197-258.
— CASSEN (Serge), 2011, «Le Mané Lud en mouvement. Déroulé de signes dans un ouvrage néolithique de pierres dressées à Locmariaquer (Morbihan)», Préhistoires Méditerranéennes[Online], 2 | 2011, online dal 26 mars 2012, consultato il 28 avril 2023. URL: http://journals.openedition.org/pm/582; DOI: https://doi.org/10.4000/pm.582
— Documentaire film, juin 2021 " CARNAC, Sur les traces du royaume disparu", 1h 35'
https://www.youtube.com/watch?v=_QR_ALrSLkE
— GALLES (René), 1864, "Étude sur le Mané-Lud de Locmariaquer," Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 10 (Juillet à Décembre 1864), pp. 355-364 (10 pages)