L'âge des hommes allait de 19 à 26 ans. Le bombardier B-24 Liberator 42-109830 «Daisy Mae Scraggs» appartenait au 704ème escadron de bombardiers, 446ème groupe de bombardement. Il a décollé de la station 125 Bungay, Suffolk, au Royaume-Uni, lors d'une mission de bombardement au-dessus de Granville. Les moteurs de l’avion avaient besoin d'une révision et son équipage était «flak happy» et était constitués d’officiers qui ne s’étaient jamais rencontrés. Les conditions météorologiques furent également difficiles, ne permettant qu'à seulement sept bombardiers de voler vers la cible secondaire, la gare de Granville, alors que la cible primaire (l'aéroport militaire de Laval) était obstruée par des nuages. Après le largage des bombes sur Granville vers 10h30, ils ont été attaqués par quinze Messerschmitt Me-109. Le poste de pilotage de l’avion a pris feu et les moteurs 1 et 2 ont pris feu. Sans personne pour l'éteindre et alors que le feu se propageait vers la soute à bombes, le pilote J. Ogden a ordonné à l'équipage de sauter en parachute mais il est resté sur le même niveau. Le sergent Leedy Lewis fut tué en plein vol par une rafale de 20 mm, juste après avoir annoncé de la tourelle supérieure : "Capitaine,! J'en ai eu un !". Après que chaque homme ait sauté, le bombardier explosa, juste au dessus de Chausey et les débris tombèrent sur l'île.
Le corps de Leedy fut retrouvé dans l'épave, et inhumé sur l'île. Il fut enterré ensuite, après la guerre, au cimetière américain et britannique de Saint-James, près d'Avranches . Trois aviateurs ne furent pas retrouvés, sans-doute tombés en mer et noyés. L'un des parachutistes tomba en mer au pied du phare et, blessé et inconscient, allait se noyer s'il n'avait pas été secouru. Deux tombèrent à Roc-Ner et deux autres sur l'îlot de la Conchée où ils furent récupérés par les pêcheurs en doris.
Les cinq survivants, sauvés par les habitants de l'île qui les ont hébergés, partagèrent la vie des habitants et la pêche des homards. Mais un mois plus tard, dans la nuit du 9 juillet 1944, les Allemands vinrent les chercher. Ils ont été envoyés en captivité en Pologne, soit au Stalag Luft 4 à Gross-Tychow, soit au Stalag Luft 1 à Barth-Vogelsang.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Plaque de remerciement placée dans l'église par le 446th bomb group Association en 2003.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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LA CHAPELLE
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La chapelle vers 1953 in Jourdan. Numérisation BnF Gallica.
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LES EX-VOTO ET MAQUETTES DE LA CHAPELLE.
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Navire de guerre à trois-mats carré (3 phares carrés, brigantine sur le mât d'artimon).
Sous réserve d'avis compétent, ce ne serait pas une frégate (comme la fameuse Hermione), armé de canons sur un seul pont-batterie et d'autres pièces d'artillerie sur le pont principal, puisque nous distinguons deux rangées de sabord donc deux ponts-batteries. Il ne peut s'agit de faux sabords, (le double damier noir et blanc étant destiné à faire illusion), car les gueules des canons sortent bien des sabords. Je compte 14 canons par pont, de chaque coté, soit au total 56 canons, Je n'ai lu aucun nom. La figure de proue est un buste de femme.
L'arrière arrondi (à cul rond) ne dispose pas de château, mais d'une double balustrade.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Doris de procession sur son brancard.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Bateau de procession sur son brancard : Bateau de pêche caseyeur CH 170248 "Les Blainvillais" .
Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Maquette de procession : un doris ou un warry.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Maquette d'une bisquine à coque noire type La Granvillaise.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Autre maquette. Monotype ?
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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MARIE-JOSEPHE, LA CLOCHE DE LA CHAPELLE.
On y lit sur son coté ouest :
J'AI REMPLACÉ EN 1951
CELESTE-ZOÉ
BÉNITE EN 1951
EN PRÉSENCE DES
FAMILLES HARASSE ET HÉDOUIN
ALORS PROPRIÉTAIRES
Explication.
"L’origine de la propriété actuelle de Chausey remonte loin. Il faut en effet revenir trois siècles en arrière, au 28 juillet 1772 très exactement, date à laquelle le roi Louis XV en fait concession à l’abbé Nolin. Un an après avoir reçu cette concession, l’abbé Nolin meurt. Ses héritiers, un frère et une sœur, vendent l’île le 15 juillet 1775 à Louis-Jean-Christophe Régnier, fils de l’aubergiste.
Le 12 juillet 1786, Chausey est ainsi vendu à Jacques PIMOR, un des principaux négociants de Granville.
Après le décès de Jacques Pimor, sa succession est partagée entre ses deux fils et sa fille, et réunie peu après en une seule main, celle de monsieur HARASSE, gendre de son fils aîné – et bientôt seul héritier des Pimor.
En 1891, la propriété des îles change, sinon de famille, au moins de titulaire. Monsieur et madame Harasse ont eu une fille, qui épouse monsieur HÉDOUIN, armateur à Granville. Le domaine entier de l’archipel se trouve ainsi réuni entre leurs mains par l’acquisition du dernier quart possédé par les DAGUNET-HUGON.
Madame Hédouin, qui a longtemps survécu à son mari, laisse comme héritières deux filles, Marie et Léonie Hédouin, à qui incombe la tâche difficile d’administrer un tel domaine.
Le 10 mai 1919, Léonie Hédouin, dernière “reine des îles”, s’éteint. Six mois auparavant, elle a vendu Chausey à une Société Civile Immobilière composée de trois familles, les Durand de Saint-Front, les Fortin et les Gélin…"
La chapelle fut construite en 1848 par et pour les quelques 500 carriers qui y séjournaient. Elle était alors dotée en guise de clocher d'un campanile en bois. La cloche fut baptisée Céleste-Zoé en l'honneur des marraines Céleste PIMOR , grand-mère des demoiselles HÉDOUIN, et Zoè HUGON DE LATOUR, cousine de Céleste.
Vers 1935, Louis Renault fit construire un clocher en granit, et y installa, outre Céleste-Zoé, une deuxième cloche plus petite baptisée NOÉMIE, du nom de l'épouse de Georges CROSNIER.
En 1945, une salve d'obus tirée par les Allemands venus de Jersey endommage le clocher et fend l'une des cloches qui tinte alors d'une voix égrillarde, méritant bientôt le sobriquet de "l'aigrelette".
En 1951, les deux cloches furent fondues en une seule, la MARIE-JOSEPHE, à la fonderie HAVARD-CORNILLE de Villedieu-les-Poëles.
Elle fut baptisée en août 1951 du nom des deux doyens de l'île, MARIE LEPERCHOIS et JOSEPH GUILLOT, du temps de l'abbé DELABY, en présence de Marin-Marie et du fermier Joseph Gérouard.
Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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LES VIEILLES COQUES DE BATEAUX DE PÊCHE SOUS LE SÉMAPHORE.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Comparez avec cette capture d'écran (modifiée) d'un film vidéo (cf Sources) INA 1994 :
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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DRAPEAUX EN BERNE POUR UN ABSENT, Fréderic Legrand dit Fredo, pêcheur de homard et patron du warry "Rebelote", sauveteur en mer, est décédé le 6 septembre 2018.
Voir les belles photos de Laurence Picot en 2016 :
Photo T. Jouanneau droits réservés Association Le vent coulis.
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Pavillon de Chausey en berne sur la Ferme.
Les couleurs bleu à croix rouge de ce pavillon sont inspirées du guidon (burgee) du Yacht-Club de New-York NYYC (lequel comporte en outre une étoile blanche au centre). C'est Marin-Marie qui a obtenu du NYYC la permission de reprendre ces couleurs pour la flotte de Chausey, après ses traversées en solitaire de l'Atlantique Douarnenez-New-York sur le voilier Winnibelle II en 1933 puis sur la vedette Arielle en 1936.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Pavillon "français" ? en berne sur le local de la SNSM.
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"Frédéric Legrand, sur nommé "Frédo", était incontournable à Chausey et Granville. Le pêcheur, connu pour son bonnet bleu à pompom jaune, a commencé son activité à l'âge de 19 ans, en 1960 à bord du Stella-Maris.
En parallèle de cette activité, il se lance dix ans plus tard (en 1970) dans le sauvetage en mer. Le patron du canot de sauvetage de Chausey, le Marin Marie II, a exercé durant 30 ans. En 2004, il a été élevé au rang de chevalier dans l'ordre du Mérite maritime et reçu la médaille d'honneur des marins de la pêche. Deux ans plus tard, c'est la Société nationale des sauveteurs en mer (SNSM) qui lui remet la médaille d'argent." (FR3)
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Sur le local de la SNSM.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Le warry CH 449836 "REBELOTE".
Le film INA de 1994 montre Fredo en pêche à bord de Rebelote, avec le même numéro et la même décoration.
Un warry, barque à fond plat utilisée jadis à Terre-Neuve pour tendre les lignes à pêcher la morue, diffère d'un doris par son arrière plus large et ses formes plus volumineuses et plus arrondies.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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Archipel de Chausey. Photographie lavieb-aile sept. 2018.
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SOURCES ET LIENS.
— VIDEO INA 27 août 1994 : Fredo de Chausey
http://www.ina.fr/video/I00013495
— EUDE (Michel), 1956. "Pierre Jourdan, Les Iles Chausey". In: Annales de Normandie, 6ᵉ année, n°1, 1956.
"M. l'abbé Pierre-Joseph Jourdan, ancien curé de Chausey, est mort à Granville le 18 juillet 1954 (il était né au Mesnil-Aubert en 1880). Il avait publié en 1953, sur l'archipel qu'il avait administré de 1929 à 1950, une brochure qu'il convient de signaler aux lecteurs des Annales de Normandie. Illustrée de clichés, croquis et cartes, l'étude comprend sept chapitres: temps anciens, relief de l'archipel, climat des îles, flore terrestre et marine, vie religieuse Chausey dans l'histoire, ressources de Chausey. On se limitera ici à quelques-uns des problèmes que pose cet archipel de 11 kms de long sur 5 de large, situé à 17 kms de Granville et composé de plusieurs centaines d'îlots (52 ne sont jamais recouverts, plus de 360 découvrent à marée liasse, réunis par de vastes étendues de sables au N.-O., de vases au S.-E. et au centre). Sur l'origine des îles Chausey comme de tout le littoral de la baie du Mont-Saint-Michel M. Jourdan se rallie (mais on hésite à le suivre) à la thèse d'une formation récente (v° et vi«>- siècles de l'ère chrétienne), sans toutefois que le cataclysme de 709, s'il a existé, ait eu l'influence décisive que certains iui attribuent : ta submersion serait due à une lente et progressive élévation du niveau marin. Constitué par un massif de granite précambrien antérieur au poudingue (également précambrien) de Granville, alors que le granité de Carolles appartient au Carbonifère injecté dans les schistes plissés du briovérien inférieur, l'archipel possède donc une structure extrêmement ancienne (il n'y a à signaler, au Tertiaire, que quelques dislocations, peut-être une faille qui expliquerait le relèvement de la partie S. O. et rabaissement de la partie N.-E. de l'archipel). Son visage actuel, en revanche, ne date que du Quaternaire : une phase initiale (transgressions tyrrhénienne et monastirienne), puis une régression pendant laquelle Chausey devait dominer d'une quarantaine de mètres une immense zone plate et basse, traversée par un cours d'eau formé de la Sée et de la Sélune et grossi de la Rance et du Couesnon, précèdent la transgression flandrienne. Celle-ci est suivie d'une légère régression (à laquelle correspondrait la « forêt de Scissy »), jusqu'à ce que la transgression dunkerquienne vienne donner à la baie du Mont-Saint-Michel l'aspect que nous lui connaissons. Le relief des iles hautes a pu être façonné par les mers tyrrhénienne et iiaut-monastirienne, celui des îles basses (5 m. au maximum au dessus des plus hautes mers) correspondant au niveau bas-monastirien légèrement supérieur au niveau actuel. Les rochers aux contours pittoresques (éléphant, dormeur, bouledogue, moines) sont peut-être dus à une érosion plus récente. Quant aux formes d'accumulation, elles ne se rencontrent guère que dans la Grande Ile, où le sable a soudé quatre ilôts primitivement séparés.
Nous ne savons rien de l'histoire de Chausey avant le xie siècle : vers 1025 (et non en 1008 : cf. J. Adigard des Gautries, Annales de Normandie, 1951, p. 21), Richard II donne Calsoi aux Bénédictins du Mont-Saint-Michel qui y bâtissent une chapelle desservie par deux moines. En 1343 le prieuré bénédictin cède la place, pour deux siècles, aux Franciscains, mais toujours sous l'autorité de l'abbé du Mont (la possession de Chausey lui avait déjà été confirmée par une bulle de 1179). Le service religieux, assuré par le clergé diocésain au xviii siècle, fut interrompu au moment de la Révolution et ne devait reprendre qu'en 1848. Suivant le sort du duché de Normandie, les îles Chausey avaient été rattachées au domaine du roi de France en 1204. Dans la seconde période de la guerre de Cent Ans elles furent, comme le Mont-Saint-Michel, occupées par les partisans de Charles VII. Leur importance stratégique n'échappa point à Henri 11 qui v fit construite en 1558 une forteresse (détruite en 1756 et restaurée en 1928 par l'industriel Louis Renault).
Le commandement en fut confié peu après à Jacques II de Matignon, lieutenant-général en Basse-Normandie (il sera fait maréchal de France en 1578) dont la famille (qui devait s'allier en 1715 aux Grimaldi de Monaco) conserva la charge de gouverneur de Chausey jusqu'à la Révolution, tout en se faisant le plus souvent à la tète de la petite garnison par des capitaines. Depuis le milieu du xvie siècle, l'archipel a donc essentiellement un rôle de surveillance et de défense contre les Anglais. Ceux-ci tentent des coups de main (et réussissent parfois à occuper les îles) en 1694, 1695, 1744, 1756-57. Ce dernier épisode faillit être fatal à Chausey, dont le gouvernement de Louis XV sembla se désintéresser totalement après 1763.
Les iles furent sauvées par l'action conjuguée de deux hommes : le Blainvillais Régnier, qui développa la fabrication de la barille (soude) à partir du varech, et l'abbé Nolin, chanoine de Dijon et agronome réputé, tous deux soutenus d'ailleurs par les Grimaldi et l'intendant de Caen, Fontette. L'œuvre de Régnier, mort en 1772, fut continuée par son fils Jean-Louis, organisateur en 1781, avec le Baron de Rullecourt, de la malheureuse expédition contre Jersey, et qui jouera un rôle important à Granville pendant la Révolution. En 1786 Régnier céda ses droits à l'armateur granvillais Pimor, à la famille duquel le ministère des Finances reconnut la propriété des îles en 1803. Au cours du xixe siècle, l'archipel resta propriété des Pimor, puis, par héritages, des familles Harasse et Hédouin (la chronologie de M. Jourdan, assez embrouillée, appellerait sans doute quelques rectifications). Plus d'un Granvillais se souvient encore des demoiselles Marie et Léonie Hédouin (de l'aînée surtout, véritable « châtelaine de Chausey ») qui, peu de temps avant 1914, léguèrent les des à une société civile immobilière. Celle-ci en possède actuellement la plus grande partie, le reste (terrains occupés par le fort, le phare et le sémaphore) étant passé aux mains de l'Etat par suite d'expropriations.
La position stratégique de l'archipel, la proximité de Jersey expliquent en effet l'intérêt qu'on lui portait et les constructions qu'on y éleva au siècle dernier. Après l'alerte de 1840, c'est le phare, allumé en 1817 ; en 1866 le fort, en 1867 le sémaphore (abandonné par la Marine après 1945). M. Jourdan ne signale pas un trait caractéristique du rôle de Chausey en face de l'Angleterre : à la fin du xixe siècle encore, le 2e régiment d'infanterie, en garnison à Granville, détachait une demi-compagnie pour occuper le fort, et ce n'est qu'après l'entente cordiale de 1904 que celui-ci fut abandonné et déclassé. Après avoir reçu en 1871 des communards, il fut utilisé au cours de la première guerre mondiale comme lieu d'internement pour des prisonniers allemands et des étrangers suspects.
Quelles sont dernière question les ressources de Chausey et comment envisager son avenir ? Longtemps la vie économique des îles a reposé sur trois activités : les carrières de granit, le varech, la (lèche. Depuis le xie siècle au moins (au Mont-Saint-Michel, la construction de l'abbaye romane commence en 1023) la pierre est exploitée et dirigée vers les ports de Saint-Germain-sur-Av, Regnéville et Genêts. Les maisons, l'église Notre-Dame, les remparts, le port de Granville sont en granit de Chausey. Aux xvir et xvii siècles on venait de Jersey et de Guernèsey se fournir à Chausey, jusqu'à ce que la vente à l'étranger fût interdite en 1731 par le secrétaire d'État à la marine. Et après 1945, c'est la pierre de Chausey qui a été choisie pour la reconstruction de Saint-Malo, afin de conserver à la vieille cité malouine tout son caractère. Aussi ancienne sans doute est l'exploitation du varech : au xiiie siècle les Jersyais venaient couper le varech de Chausey pour le brûler et extraire de ses cendres la soude utilisé dans l'industrie du verre. Au xviie siècle, la manufacture de glaces de Tourlaville recherche le varech des îles, et il fallut en 1736 en interdire la coupe aux Jersyais.
La monarchie de Juillet marque l'apogée de cette activité : chaque année quelque 500 barilleurs, la plupart venus de Blainville, s'installent pour six mois à Chausey et brûlent le varech dont les cendres sont traitées à l'usine de Granville. Mais la concurrence, les progrès de la chimie ne lardèrent pas à ruiner cette industrie, qui disparut complètement vers 1880. La pêche, en revanche, fait encore vivre une centaine de personnes, c'est-à-dire presque tous les Chausyais, l'agriculture et surtout l'élevage étant représentés par l'unique ferme de la Grande Ile. Elle porte principalement sur tes crustacés (homard et bouquet) que l'on va chercher jusqu'aux Minquiers.. M. Jourdan signale également la tentative, entreprise en 1950, de reconstituer les parcs à huîtres. On notera pour terminer que la pèche n'est pas seulement l'activité essentielle des Chausyais : elle est liée en effet au remarquable essor du tourisme après 1945. M. Jourdan cite le chiffre de. 32.000 passagers entre Granville et Chausey (mais on y vient également de Cancale, Saint-Malo et Jersey) pour l'année 1949. Ressource appréciable, certes, et appelée à se développer encore, mais qui n'est peut-être pas sans danger. Sans parler des déprédations trop souvent causées par les campeurs, une pratique inconsidérée de la pêche (comme, en hiver, de la chasse aux oiseaux de mer) par des amateurs risque d'amener la raréfaction, voire la disparition de certaines espèces (en particulier du homard). Enfin la question de l'eau se posera toujours avec acuité. L'unique source de la Grande Ile a tari en 1949 et 1955 et le fait peut se reproduire lors des étés chauds et secs, ceux précisément où les touristes viennent nombreux dans l'archipel. Il y a là un problème difficile à résoudre, mais impossible à éluder pour qui se préoccupe de l'avenir des iles Chausey." Michel EUDE.
— JOURDAN (abbé Pierre) , 1953, Les îles Chausey , Saint-Lô, impr. de R. Jacqueline, (1953). In-8°, 96 p., fig., cartes, couv. ill. [D. L. 14913-53] -VIIIe.
Les vitraux de la chapelle Notre-Dame de la Grande île de l'archipel de Chausey (Manche) par Yves Saint-Front et frère Hugues Rettel de l' atelier monastique de Saint-Benoit-sur-Loire, 1967.
La chapelle Notre-Dame est bâtie sur un point éminent de la Grande île de l'archipel de Chausey, entre la cale de débarquement des vedettes venant de Granville et le port des Blainvillais, au sud du Sound qu'elle surplombe.
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Chapelle Notre-Dame, Grande-Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Chapelle Notre-Dame, Grande-Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Chapelle Notre-Dame, Grande-Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
Chapelle Notre-Dame, Grande-Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
À l'intérieur, sous la voûte lambrissée, se disposent, outre l'autel du chœur, deux autels adossés aux murs nord et sud, et ceux-ci, lieux très animés des dévotions et des ex-voto, divisent l'espace de la nef en deux parties. Le chœur, plus froid et plus sombre, reste à l'écart.
C'est donc tout naturellement que les six baies sont disposés dans la nef de part et d'autre de ces autels, et dans le chœur sur les pans coupés latéraux, le pan médian restant borgne.
Par facilité, je leur attribuerai dans ma description une numérotation débutant par le premier vitrail visible pour le visiteur à gauche, et suivant ensuite une progression dans le sens des aiguilles d'une montre. Le numéro 7 sera donné à l'oculus occidental, au dessus de la porte d'entrée.
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Chapelle Notre-Dame, Grande-Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
Chapelle Notre-Dame, Grande-Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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DESCRIPTION DES SEPT VITRAUX.
Six baies formées d'une seule lancette ogivale de 2,7 m2, et un oculus.
LA COHÉRENCE THÉMATIQUE.
Le peintre-verrier Yves Saint-Front marie ici une profonde et ancienne connaissance de l'archipel de Chausey, qu'il avait fréquenté depuis l'enfance, du milieu marin (son père est le peintre de marine et navigateur Marin-Marie) et de la pêche, avec une foi religieuse déterminée par la rencontre avec un missionnaire de Tahiti et par une retraite à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire. C'est très logiquement que pour cette archipel de pêcheurs de bouquets et de homards, il sélectionne les textes évangéliques qui font mention du métier de pêcheurs sur le lac de Tibériade de quatre apôtres, du baptême du Christ dans les eaux du Jourdain (rapproché de la tradition du baptême de leurs navires par les marins), de la multiplication des poissons par le Christ pour nourrir la foule attirée par ses prédications, de la pêche miraculeuse, ou de Pierre marchant sur les eaux. Le lac de Tibériade (ou Mer de Galilée, 160 km2) et le Jourdain qui le traverse donne donc une solide unité à cinq des six vitraux principaux, le sixième étant consacré à la Vierge qui est la patronne de la chapelle. "
"Le lac a une grande importance pour les chrétiens. C'est sur ses rives dont les collines boisées et les petites plaines fertiles abritaient de nombreux villages de pêcheurs et d'agriculteurs que de nombreux épisodes de la vie de Jésus, rapportés dans les Évangiles, ont eu lieu (La tempête apaisée (Lc 8, 12,25), la pêche miraculeuse (Lc 5, 4-6), la dernière apparition aux disciples alors qu'il était ressuscité (Jn 21, 1s))." (Wikipédia)
C'est André, frère de Simon (saint Pierre) qui fut le premier à décider de suivre Jésus, juste après le baptême par Jean-Baptiste à Bethanie (Bathanée, au nord-est du lac ?), et, aussitôt, il alla trouver son frère pour le convaincre qu'il avait trouvé le Messie. Ils étaient tout deux nés à Bethsaïde, sur les bords du lac, où ils avaient leur barque. Mais c'est Simon ("qui écoute") qui prit l'ascendant sur son frangin, et reçut du Christ son nouveau nom de Pierre, avant de recevoir, dans la tradition, les clefs de l'Église.
Mais nous retrouvons André lors de l’épisode de la multiplication, puisque c'est lui qui amena le jeune garçon portant les cinq pains et les deux poissons.
"Jean leur répondit: Moi, je baptise d'eau, mais au milieu de vous il y a quelqu'un que vous ne connaissez pas, qui vient après moi; je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers. Ces choses se passèrent à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait. Le lendemain, il vit Jésus venant à lui, et il dit: Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. C'est celui dont j'ai dit: Après moi vient un homme qui m'a précédé, car il était avant moi. Je ne le connaissais pas, mais c'est afin qu'il fût manifesté à Israël que je suis venu baptiser d'eau. Jean rendit ce témoignage: J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et s'arrêter sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau, celui-là m'a dit: Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et s'arrêter, c'est celui qui baptise du Saint Esprit. Et j'ai vu, et j'ai rendu témoignage qu'il est le Fils de Dieu. Le lendemain, Jean était encore là, avec deux de ses disciples; et, ayant regardé Jésus qui passait, il dit: Voilà l'Agneau de Dieu.
Les deux disciples l'entendirent prononcer ces paroles, et ils suivirent Jésus. Jésus se retourna, et voyant qu'ils le suivaient, il leur dit: Que cherchez-vous? Ils lui répondirent: Rabbi (ce qui signifie Maître), où demeures-tu? Venez, leur dit-il, et voyez. Ils allèrent, et ils virent où il demeurait; et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C'était environ la dixième heure.
André, frère de Simon Pierre, était l'un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean, et qui avaient suivi Jésus. Ce fut lui qui rencontra le premier son frère Simon, et il lui dit: Nous avons trouvé le Messie (ce qui signifie Christ). Et il le conduisit vers Jésus.
Jésus, l'ayant regardé, dit: Tu es Simon, fils de Jonas; tu seras appelé Céphas (ce qui signifie Pierre)." Jean 1:27-42
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Les vitraux sont répartis chacun en deux registres thématiques. Nous allons découvrir :
Baie n°1 : les quatre apôtres pêcheurs de Tibériade : André et Pierre, Jean et Jacques.
Baie n°2 : la Multiplication des poissons. Prédication à Tibériade.
Baie n°3 : Vierge à l'Enfant. Retour de pêche à Chausey.
Baie n°4 : Baptême du Christ ; baptême d'un navire à Chausey.
Baie n°5 : Pierre tentant de marcher sur le lac ; la Pêche miraculeuse.
Baie n°6 : Le Christ en gloire parmi 24 rois. Prédication dans une barque.
Oculus : symbole eucharistique et trois oiseaux marins.
Note : ces interprétations des vitraux sont personnelles : je n'ai pas eu accès à d'éventuelles archives du peintre ou à d'autres documents.
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Vue de l'élévation nord et des baies 1 et 2. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail n°1. Les quatre apôtres pêcheurs sur le lac de Tibériade : Pierre et André, Jean et Jacques.
(Mur nord. Numérotation baie 5 selon le Corpus Vitrearum).
" Comme Jésus se trouvait auprès du lac de Génésareth, et que la foule se pressait autour de lui pour entendre la parole de Dieu, il vit au bord du lac deux barques, d'où les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets. Il monta dans l'une de ces barques, qui était à Simon, et il le pria de s'éloigner un peu de terre. Puis il s'assit, et de la barque il enseignait la foule. Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avance en pleine eau, et jetez vos filets pour pêcher." [ ici, dans Luc, le texte se poursuit par le récit de la miracle de la Pêche miraculeuse]
" Il en était de même de Jacques et de Jean, fils de Zébédée, les associés de Simon. Alors Jésus dit à Simon: Ne crains point; désormais tu seras pêcheur d'hommes. Et, ayant ramené les barques à terre, ils laissèrent tout, et le suivirent." Luc 5:1-11
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Vitrail des quatre apôtres pêcheurs, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail des quatre apôtres pêcheurs, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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1a. Registre supérieur : les apôtres Pierre et André.
Saint Pierre se reconnaît à sa clef et à son geste de bénédiction (il fut le premier évêque de Rome), saint André à la croix en X, rouge sur sa robe verte. Ils sont représentés montés dans leur barque de pêche, dont l'étrave haute, mais surtout le tableau arrière en cœur, légèrement incliné, et le gouvernail, sont ceux des canots de Chausey plutôt que des embarcations de la mer de Galilée.
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Vitrail des quatre apôtres pêcheurs, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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1b. Registre inférieur. Les apôtres Jean et Jacques.
Jean, à gauche, s'identifie par son absence de barbe et par le livre qu'il porte : il est l'auteur d'un des quatre Évangiles et de l'Apocalypse.
Jacques porte le baudrier à coquilles de Saint-Jacques des pèlerins de Compostelle. L'objet qu'il tient en main droite reste à identifier et ne ressemble pas à un bourdon. Les coquilles Saint-Jacques sont familières aux pêcheurs de la Baie du Mont Saint-Michel : ce sont, avec les canots chausiais, un autre moyen d'ancrage de la scène dans l'environnement marin granvillais.
Ils sont montés dans une barque semblable à celle du registre supérieur. Les membrures du bordé sont fidèles à leur modèle.
Marc précise qu'ils réparaient leurs filets, détail éloquent pour les marins :
"Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient un filet dans la mer; car ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit: Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. Aussitôt, ils laissèrent leurs filets, et le suivirent. Étant allé un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui, eux aussi, étaient dans une barque et réparaient les filets. Aussitôt, il les appela; et, laissant leur père Zébédée dans la barque avec les ouvriers, ils le suivirent. " Mc 1:16-20
Le jeu de mot pêcheurs / pêcheurs d'hommes est basé sur le mot latin piscatores de la Vulgate suivi de piscatores hominum, traduction du grec original, halieus, dérivé de hals, "sel". Ces "hommes du sel" vont être chargés d'assaisonner la vie spirituelle de leurs semblables.
Dans Mc 3:17, Jésus donne aux deux fils de Zébédée le nom de Boanergès, "fils du tonnerre" .
Ils sont présents, avec Pierre, lors de la Transfiguration. Mc 9:1-9.
Et ils sont encore là, avec Pierre, au jardin de Gethsémani lors de l'agonie du Christ. Matthieu 24:37.
La place donnée dans les Évangiles à ces apôtres marins-pêcheurs est troublante. Ces vitraux en soulignent l'importance.
Pierre et André, Jean et Jacques forment deux couples de frères. Les barques sont possédées par une communauté familiale.
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Vitrail des quatre apôtres pêcheurs, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
Vitrail des quatre apôtres pêcheurs, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail des quatre apôtres pêcheurs, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail n°2 : le miracle de la Multiplication des poissons. Prédication du Christ sur le lac de Tibériade.
(Mur nord. Numérotation baie 3 selon le Corpus Vitrearum).
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Vitrail de la Multiplication des poissons, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail de la Multiplication des poissons, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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2a. Registre supérieur. La Multiplication [des pains et] des poissons.
Multiplication des pains et des poissons.
Dans ce récit qui est souvent désigné par le titre La Multiplication des pains, le peintre insiste davantage sur les poissons, mais les dos ronds des pains bruns sont néanmoins visibles au fond des paniers.
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc chapitre 9, versets 12 à 17 :
« Comme le jour commençait à baisser, les douze s'approchèrent, et lui dirent : Renvoie la foule, afin qu'elle aille dans les villages et dans les campagnes des environs, pour se loger et pour trouver des vivres; car nous sommes ici dans un lieu désert. Jésus leur dit : Donnez-leur vous-mêmes à manger. Mais ils répondirent : Nous n'avons que cinq pains et deux poissons, à moins que nous n'allions nous-mêmes acheter des vivres pour tout ce peuple. Or, il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : Faites-les asseoir par rangées de cinquante. Ils firent ainsi, ils les firent tous asseoir. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux vers le ciel, il les bénit. Puis, il les rompit, et les donna aux disciples, afin qu'ils les distribuassent à la foule. Tous mangèrent et furent rassasiés, et l'on emporta douze paniers pleins des morceaux qui restaient. »
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Vitrail de la Multiplication des poissons, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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2b. Registre inférieur : prédication du Christ à Tibériade.
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Le Christ est debout dans une barque, tandis qu'un apôtre, assis, le regarde. La barque est au milieu du lac, et, sur la rive, un public mêlé (homme, femme, enfant, vieillard) l'écoute.
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Vitrail de la Multiplication des poissons, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail n°3. La Vierge à l'Enfant. Retour de pêche à Chausey.
(Pan nord du chevet. Numérotation baie 1 selon le Corpus Vitrearum).
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Vitrail de la Vierge, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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3a. Registre supérieur. La Vierge à l'Enfant.
La Vierge est assise sur un trône, elle est nimbée, couronnée et voilée, porte son Fils sur le genou droit et tient un objet (globus cruciger ? On voit une croix rouge) dans la main gauche.
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Vitrail de la Vierge, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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3b. Registre inférieur. Scène de Chausey : retour de deux pêcheurs attendus par une femme et son enfant. Aux Blainvillais ?
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Vitrail de la Vierge, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail n°4. Baptême du Christ. Baptême d'un bateau.
Pan sud du chevet. Baie 2 selon le Corpus Vitrearum.
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Vitrail du Baptême du Christ, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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4a registre supérieur. Baptême de Jésus dans le Jourdain par Jean-Baptiste.
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En haut, une main et une colombe signale la puissance divine. Jean-Baptise est à gauche, Jésus, vêtu d'un pagne, est enveloppé par l'ondoiement des eaux lustrales. Un apôtre assiste à la scène. En bas, un enfant de chœur semble s'être échappé du registre inférieur.
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Vitrail du Baptême du Christ, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail du Baptême du Christ, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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4b. Registre inférieur. Baptême d'un bateau de pêche.
Quatre personnages : la marraine , un enfant de chœur, le recteur traçant la bénédiction, et le marin-pêcheur.
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Vitrail du Baptême du Christ, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail n°5. Saint Pierre marchant sur les eaux. La Pêche miraculeuse.
Mur sud. Baie n°4 selon le Corpus Vitrearum.
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Vitrail de Pierre marchant sur les eaux, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
Vitrail de Pierre marchant sur les eaux, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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5a. Registre supérieur. Saint Pierre marchant sur les eaux.
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La Marche sur les eaux
" Les disciples de Jean vinrent prendre son corps, et l'ensevelirent. Et ils allèrent l'annoncer à Jésus.
A cette nouvelle [la mort de Jean-Baptiste], Jésus partit de là dans une barque, pour se retirer à l'écart dans un lieu désert; et la foule, l'ayant su, sortit des villes et le suivit à pied. [Multiplication des pains et des poissons]
Aussitôt après, il obligea les disciples à monter dans la barque et à passer avant lui de l'autre côté, pendant qu'il renverrait la foule. Quand il l'eut renvoyée, il monta sur la montagne, pour prier à l'écart; et, comme le soir était venu, il était là seul. La barque, déjà au milieu de la mer, était battue par les flots; car le vent était contraire. A la quatrième veille de la nuit, Jésus alla vers eux, marchant sur la mer. Quand les disciples le virent marcher sur la mer, ils furent troublés, et dirent: C'est un fantôme! Et, dans leur frayeur, ils poussèrent des cris. Jésus leur dit aussitôt: Rassurez-vous, c'est moi; n'ayez pas peur!
Pierre lui répondit: Seigneur, si c'est toi, ordonne que j'aille vers toi sur les eaux. Et il dit: Viens! Pierre sortit de la barque, et marcha sur les eaux, pour aller vers Jésus. Mais, voyant que le vent était fort, il eut peur; et, comme il commençait à enfoncer, il s'écria: Seigneur, sauve-moi! Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit, et lui dit: Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté? Et ils montèrent dans la barque, et le vent cessa."
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Yves de Saint-Front n'a pas représenté la tempête ou le vent contraire, mais seulement le fléchissement de la foi de saint Pierre, et surtout la main tendue du Christ.
Jésus, au nimbe vert crucifère, est debout (sur les flots ? ou sur le bord ?) et tend la main à saint Pierre qui est enfoncé dans la mer jusqu'à mi-corps. Les deux mains se touchent par le bout des doigts, dans une diagonale qui est aussi celle des regards : le geste et l'échange visuel ont la même force. C'est, dans sa disposition graphique, la même composition que la scène du Noli me tangere entre le Christ et Marie-Madeleine, avec la même intensité de relation interpersonnelle, quoique la signification soit inversée.
Le regard estomaqué d'André, de Jean et de Jacques est incroyablement rendu, si on considère la simplicité des traits de peinture.
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Vitrail de Pierre marchant sur les eaux, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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5b. Registre inférieur. La Pêche miraculeuse et la crainte de Dieu.
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"Simon lui répondit: Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre; mais, sur ta parole, je jetterai le filet. L'ayant jeté, ils prirent une grande quantité de poissons, et leur filet se rompait. Ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l'autre barque de venir les aider. Ils vinrent et ils remplirent les deux barques, au point qu'elles enfonçaient.
Quand il vit cela, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus, et dit: Seigneur, retire-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. Car l'épouvante l'avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche qu'ils avaient faite." (Luc 5)
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Jésus (nimbe crucifère vert) est debout sur les eaux, devant l'étrave de la barque. Pierre est également debout (dans le bateau ?) et brandit un grand poisson plat. Je ne sais comment, le peintre laisse passer son désarroi dans son regard.
Deux autres apôtres se penchent par dessus le liston et remontent les filets remplis de poissons. À droite, le tableau arrière et le safran du gouvernail.
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Vitrail de Pierre marchant sur les eaux, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail de Pierre marchant sur les eaux, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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L'éclairage, au moment de ce cliché, souligne remarquablement le pouvoir de la dalle de verre de faire miroiter la lumière et de la briser en une multitude de teintes : les bulles, l'irrégularité de la coupe et de la surface, les lignes et marques du matériau jouent mélodieusement avec le soleil d'une façon dynamique que l'instantané photographique ne peut rendre.
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Vitrail de Pierre marchant sur les eaux, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail n° 6. Le Christ en gloire.
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Vitrail du Christ ressuscité, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail du Christ ressuscité, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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6a. Registre supérieur. Christ ressuscité ou en gloire. Transfiguration ?? Ascension??.
Le Christ, dans un nimbe crucifère, vêtu du manteau rouge glorieux de la Résurrection, est assis sur un trône, en majesté, tenant le Livre des Écritures et traçant une bénédiction.
Ses pieds sont posés sur un dôme émergeant d'ondes ou de nuées.
Il est entouré de deux fois douze rois couronnés et barbus : certainement les rois de Juda de sa généalogie selon Matthieu et Luc. Ces rois tendent la main vers lui et indiquent ainsi qu'ils l'annonçaient. David tient en guise de harpe une sorte de guitare, deux autres rois brandissent un calice.
Ce registre évoque en même temps l'Arbre de Jessé, le Christ en gloire, les 24 Anciens d'Apocalypse 5:8 tenant chacun une harpe et une coupe d'encens, et le verset d'Apocalypse 5:5 : "Voici, il a remporté la victoire, le lion de la tribu de Juda, le rejeton de la racine de David [ de Jessé], pour ouvrir le livre et ses sept sceaux."
.Ces éléments me conduisent à abandonner l' hypothèse de L'Ascension et celle de la Transfiguration, mais sans exclure un habile jeu de renvois internes et polysémiques du peintre pour intégrer les références précédentes aux Apôtres.
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Vitrail du Christ ressuscité, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
Vitrail du Christ ressuscité, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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6b. Registre inférieur. Prédication du Christ dans une barque.
L'interprétation est incertaine. La scène se passe dans une barque, sous une arche blanche. Le personnage nimbé vêtu de blanc est très vraisemblablement le Christ, qui lève un index kérigmatique vers le ciel et le registre supérieur. Autour de lui, sept personnages, au lieu de le regarder, tournent vers nous des regards effarés. Ce ne sont pas les Apôtres, puisqu'ils ne sont pas nimbés : c'est "la foule" assistant aux prédications.
Cela pourrait être saint Jean à Patmos (mais pourquoi la barque plutôt que l'île ? Pourquoi la barbe ?).
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Vitrail du Christ ressuscité, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail n° 7 : l'oculus occidental. Symbole eucharistique entouré de trois oiseaux marins.
Un calice est surmonté d'une hostie où s'inscrit une croix. Trois oiseaux circonscrivent le ciel bleu à nuages blancs en réunissant les ailes, et, avec leurs grandes ailes blanches à extrémité noire et leur fort bec jaune, ils évoquent des Fous de Bassan, oiseaux marins et pêcheurs par piqués audacieux en pleine mer. Ils n'ont rien d'une colombe du saint-Esprit mais l'artiste leur confère néanmoins la fonction d'intercession du Paraclet.
Tout reste donc délibérément marin, jusqu'à la traditionnelle bordure de tesselles blanches qui prend ici l'allure de deux cordages noués.
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Oculus occidental, Yves Saint-Front 1967, dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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COMMENTAIRES ET DOCUMENTS (les textes copié-collés sont en retrait).
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Résumé : le peintre Yves de Saint-Front, fils du navigateur et peintre de marine Marin-Marie, a découvert la technique de fabrication des vitraux en dalle de verre sur ciment lors d'une retraite à Saint-Benoït-sur-Loire en 1958 auprès d'un Frère, Hugues Rettel. Cette technique avait été diffusée par le père Ephrem Soccart de l'abbaye d'En-Calcat. En 1959, il reçut la commande des vitraux de Chausey par le curé de l'ïle, l'abbé Delaby. Les thèmes ont été fixés par l'abbé Delaby, les maquettes ont été réalisées par Yves de Saint-Front à l'atelier monastique de Saint-Benoît-sur-Loire, la disposition iconographique a été mise au point avec le frère Hugues Rettel, et la fabrication des dalles a eu lieu à Saint-Benoît-sur-Loire par l'atelier, où Louis-René-Petit avait été embauché. Yves de Saint-Front a vraisemblablement participé aussi à la fabrication. Les vitraux ont été inaugurés en juillet 1967.
I. L'AUTEUR DES CARTONS : YVES DURAND DE SAINT-FRONT (1928-2011).
Extrait des biographies en ligne :
a) Wikipédia.
"Yves de Saint-Front est un artiste peintre et vitrailliste français né le 23 mars 1928 à Paris et décédé le 14 octobre 2011 à Pleudihen-sur-Rance. Il est le fils du peintre de marine et navigateur solitaire normand Durand de Saint-Front, alias Marin-Marie.
Il reçoit l'enseignement du cubiste figuratif Jean Souverbie à l'école nationale supérieure de Paris dès 1949 et se lie d'amitié avec le peintre Romain Souverbie qui lui propose de rencontrer Picasso à Vallauris.
Habitant longtemps Tahiti, il y a notamment réalisé une importante série de tableaux ainsi que les vitraux de la façade Ouest de la cathédrale de Papeete et le chemin de croix de cette même cathédrale sous la forme d’une bande horizontale narrative.
Il a également exécuté de nombreuses toiles de l'ile de Chausey où il avait sa demeure familiale."
J'ai sélectionné ce qui concerne Chausey d'une part, les vitraux d'autre part :
"Naissance à Paris le 23 mars 1928, d'Yves de Saint-Front, fils du peintre de marine et navigateur solitaire normand, Durand de Saint-Front, alias Marin Marie. Yves est l'aîné d'une famille de trois enfants. Dès sa plus jeune enfance, sa mère l'emmène au musée du Louvre où il est impressionné par Rembrandt, Goya, Ingres et par l'Homme au gant de Vélasquez. Il commence son apprentissage à l'aquarelle et à la gouache selon la méthode de son père ; en 1943, il lui emprunte des tubes d'huile et fait ses premiers essais de portraits et natures mortes à Saint-Hilaire-du-Harcouët, ainsi qu'à Chausey.
1945 - Il prépare les Beaux-Arts et fréquente l'atelier d'Yves Brayer à la Grande Chaumière où il fait la connaissance de Pierre Fustenberger et de Pierre Cabannes, massier à l'époque.
1947 - Il est admis aux Beaux-Arts dans l'atelier de M. Jean Souverbie qui enseigne l'art des maîtres contemporains (Braque, Picasso, Matisse) ainsi que les primitifs. Il visite les musées parisiens dont le Louvre, et les maîtres de la tradition chrétienne comme le maître de laPietà d'Avignon ; à l'occasion des grandes expositions montées après-guerre, il découvre Van Gogh, Gauguin, Degas, Toulouse-Lautrec, ainsi que les impressionnistes.
1948 - En novembre, voyage au Maroc effectué en famille au départ de Chausey, Lisbonne-Casablanca à bord de l'Ariel, voilier de 17 m conçu pour la compétition. Retour en juillet, août par Madère sur Chausey.
1951 - Après avoir fait son service militaire en 1950, il voyage en novembre et décembre 1951 de Casablanca à Monaco comme équipier de son père sur le Carola, goélette de 300 tonneaux.
1954- il séjourne plusieurs mois à Chausey et lorsqu'il rentre fin octobre à Paris, il s'associe à une entreprise de peinture en bâtiment qui lui permet de gagner sa vie jusqu'en juin 1955. Il réalise cette année portraits, études, travaux de décoration et continue à peindre en hiver, dans la rue, les cafés de nuit. Il projette avec Gilles Artur d'effectuer une expédition aux Vanuatu. Nouvelles-Hébrides, en armant un ancien chalutier de Cancale. mais le principal mécène les abandonne.
1955 Invité à Tahiti par son oncle l'amiral Durand de Saint Front, il arrive à Papeete au début du mois de décembre 1955.
1956 - Il séjourne d'abord sur la côte ouest puis à la pointe Vénus chez le peintre Jean Masson : en juin, il expose au Cercle Polynésien situé à l'hôtel Stuart. Accueilli par la famille Teo Ananiaa, il vit trois mois et demi sur l'atoll d'Anaa où il fait la connaissance d'un vieux missionnaire, le Père Materne-Cevaëre — rencontre qui marquera sa vie spirituelle. De retour à Tahiti le 6 octobre, il s'installe à Papeete à l'hôtel Gabert jusqu'au 2 novembre, date à laquelle il embarque sur le Tahitien pour rejoindre la France. Après avoir retrouvé sa famille à Paris, il se rend fin décembre à Chausey. Ce séjour lui a permis de se confronter à la lumière extérieure, selon le principe des impressionnistes. Il peint à l'huile Paysages, portraits, vie quotidienne des habitants, ne faisant aucune concession à l'exotisme et la littérature. Attentif à sa recherche sur la couleur et la lumière, ses compositions restent classiques.
1958- En juin, à l'occasion d'une retraite à l'abbaye de Saint-Benoit-sur-Loire, il prend contact avec un frère qui a participé à la réalisation des verrières en dalles de verre du réfectoire moderne. En juillet, il revient aider le frère à réaliser des cartons (dessins grandeur nature des panneaux qui composent le vitrail), et mettre en place une rosace dans une église de la région. Il abandonne l'atelier de décoration parisien, fin décembre.
1959- Il accepte, à Pâques, le poste de surveillant et professeur de dessin au collège de Pontlevoy, près de Bloy, ce qui le rapproche de Saint-Benoit où il se rend régulièrement. Il y met au point un système de visionnage en même temps qu'il fabrique les panneaux de dalles de verre. Pendant les vacances scolaire le père Delaby [curé de Chausey] lui propose de réaliser les vitraux pour la chapelle de Chausey dont les verrières ont été en grande partie détruite pendant la guerre.
1960- Il démissionne du collège de Pontlevoy et accepte en début d'année l'offre du monastère de Saint Benoît qui l'embauche à mi-temps comme conseiller artistique, magasinier, coupeur de verre ; il pourra ainsi entreprendre les maquettes des vitraux de Chausey. Peu après, Louis-René Petit, jeune maître verrier, sera embauché. Yves de Saint-Front y travaillera jusqu'en juin 1967. Inauguration en juillet des vitraux de la Chapelle de Chausey ; six fenêtres figuratives de 2,70 m² chacune. Les thèmes ont été décidés par le père Delaby et la disposition iconographique a été mise au point avec le frère Hugues Rettel.
1962 - Il se marie en avril à l'abbaye de Saint-Benoît. Parallèlement à son emploi, il est maquettiste d'un certain nombre de chantier. Amillis, Seine-et-Marne, église du XIIIe siècle, quatre fenêtres en dalles de verre, figuratives et non figuratives (100 m²)
1963 - Boffres, Ardèche, chapelle romane, vitrail en dalles de verre, non figuratif.
1964 - Forari, aux Nouvelles-Hébrides, église œcuménique, vitraux en dalles de verre, semi-figuratifs, thèmes symboliques (200 m²).
1965 - Le Mans, église moderne Saint-Aldric, vitraux en dalles de verre, non figuratifs (200m²). .
1966 -. Pavillon-sous-Bois, banlieue est de Paris, vitraux en dalles de verre avec parties figuratives (400 m²). Vezins, Manche, vitraux plombs et grisailles pour le chœur et les transepts, thèmes figuratifs. Église moderne d'Alboussière, Ardèche, vitraux en dalles de verre, non figuratifs. Piace, Orne, vitraux en dalles de verre figuratifs et non figuratifs. Saint-Bernard Abbey, Alabama, USA, porche de l'église abbatiale, vitraux en dalles de verre et époxy, non figuratifs.
1967 - Cathédrale de Papeete, trois fenêtres en dalles de verre pour le porche d'entrée, non figuratifs, (30 m²). A la fin de l'année, il est sur place pour en diriger la pose.
[...]
1993 - Avec le frère Hugues Rettel, il met en œuvre et réalise sur place les vitraux de la chapelle du Prieuré de Saint-Benoît à Chérence ; huit fenêtres figuratives d'environ 1,60 m² chacune.
[...] A la fin de l’année 1991, il aménage un nouvel atelier dans la maison familiale de Chausey qui a été divisée par la succession.
En 1999, il quitte sa demeure du Vexin et s’installe à Pleudihen sur la Rance près de sa fille Marguerite Gaboriau. Avec l’aide de son gendre, charpentier de marine, il se lance une nouvelle fois dans la restauration d’une maison où il prévoit son atelier.
Yves de Saint-Front nous quitte le vendredi 14 octobre 2011 à l’âge de 83 ans ."
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COMMENT C'EST FAIT ? LA DALLE DE VERRE SUR CIMENT.
"Mise au point au début des années 30 (Jean Godin, Jules Albertini), les réalisations en Dalles de Verre sont un élément architectural du patrimoine national (religieux et civil) et, néanmoins, un univers peu connu du grand public. Le Métier d’Art associé est une « niche » dans les Métiers d’Art du vitrail. Contemporaine, la Dalle de Verre offre un éventail élargi de visions et de formes où les signatures de peintres, de maîtres verriers et de mosaïstes se sont exercées, dont certaines reconnues sur la scène internationale : Jean Godin, Gabriel Loire, Fernand Léger, Henri Guérin, Max Ingrand, Louis Barillet, Jacques Le Chevallier, Joseph Guevel, Jean Lesquibe, Henri Martin Granel, Claude Idoux, Tristan Ruhlmann, Pierre Soulage, Frédérique Duran, et d’autres. Depuis la fin du XXème siècle, une nouvelle dimension artistique contemporaine est en voie de développement grâce à des créateurs de talent dont l’ambition est de redonner ses lettres de noblesse à cette matière et à son Métier d’Art oublié. "
Le Collectif « DALLE DE VERRE » www.collectifdalledeverre.com https://www.facebook.com/pages/Collectif-Cr%C3%A9ateur-de-vitraux-en-Dalle-de-Verre/1407682152804937 Le Collectif « Dalle de Verre » est un réseau informel de professionnels et d’amateurs éclairés dans le domaine très particulier de la Dalle de Verre. L’idée du collectif résulte d’une analyse du déclin de la Dalle de Verre depuis les années 80 et de sa disparition probable à moyen terme si rien n’est fait. Ce collectif s’est concrétisé fin 2012 sous l’impulsion de Charles Narçon, Victor-Loup Deniau, Thierry-Tristan Ruhlmann, Jacques Loire, Carlo Roccella, Gérard Albertini. Son évolution est permanente au fur et à mesure des nouveaux contacts (nationaux et internationaux). Finalité : l'idée fédératrice du collectif est de promouvoir la Dalle de Verre, de lui donner : "Un nouvel élan", de la mettre en lumière, d’explorer de nouvelles voies artistiques, de la remonter à la surface médiatique … bref, de la montrer et de faire parler d’Elle !
Fondée en 1925 par Jules Albertini, la société Albertini et Cie est aujourd’hui la seule entreprise artisanale et familiale en France spécialisée dans la fabrication de Dalles de verre et de mosaïques réputées pour leur qualité et leur palette colorée très étendue. 1, rue des Genêts - 95370 MONTIGNY-LÈS-CORMEILLES - 01 39 97 25 80 www.societe-albertini.fr - societe.albertini@orange.f
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LE MAÎTRE-VERRIER EPHREM SOCARD (PÈRE EPHREM) ET L'ATELIER MONASTIQUE DE SAINT-BENOÎT-SUR-LOIRE.
"Atelier monastique Saint-Benoît.
Cet atelier de réalisation de vitraux en dalles de verre a été fondé en 1958 à l’occasion de la reconstruction du monastère. Les verriers ont été formés par le père Ephrem, de l’abbaye d’En Calcat, qui fut également le maître du peintre verrier Henri Guérin. La technique de la dalle de verre était alors en perte de vitesse. Les vitraux en dalles de verre étaient réalisés en atelier puis posés. Les dalles provenaient de Saint-Gobain et de l’atelier G. Albertini à Montigny-les-Cormeilles (95). Les maquettes étaient réalisées par des artistes tel que Louis René Petit, salarié qui s’installera ensuite à son compte à Saint Aignant des Gués à proximité de St Benoit puis à Orléans. Il fut l’auteur d’un grand nombre des vitraux de l’Eglise de la Borie d’Arles de Brioude prenant ainsi la succession de Yves de Saint Front alors occupé à la réalisation et la pose des vitraux de la cathédrale de Papeete à Tahiti. Ce chantier fut suivi par l’architecte Guy Bion. Les artistes Bernard Foucher, Henri Guiro et Jean François Guerin-Laguette ont aussi travaillé pour cet atelier." Le vitrail contemporain en Haute-Loire, de 1945 à aujourd’hui .
"Le Père Ephrem Socard (+1985) était lui-même le fils d'un maître-verrier. Artiste puissant doté d'une solide formation, il créa vers 1950 l'atelier de dalles de verre d'En Calcat, technique encore assez nouvelle en France à cette époque.
À la fin des années cinquante, il fut le maître d'Henri Guérin, peintre-verrier toulousain dont l'œuvre monumentale est aujourd'hui reconnue, tant dans le monde religieux que par les architectes et les particuliers qui ont su comprendre les possibilités merveilleuses de la dalle de verre dans l'architecture civile.
A partir des années soixante, le Père Éphrem forme le Père Denis Hubert à cette technique. Celui-ci lui succédera à la tête de l'atelier jusqu'à sa mort prématurée en 1999, à l'âge de soixante-sept ans. Frère David reprend alors l'atelier jusqu'à son élection comme Père Abbé en 2009.
L'atelier d'En Calcat est fort d'une collection merveilleuse de plus de 1200 dalles de toutes nuances, pour la plupart venant des fourneaux de G. Albertini, à Montigny-les-Cormeilles (95). Le joint entre les verres, grâce aux progrès techniques du liant utilisé, peut se limiter à quelques millimètres, alliant transparence maximale et solidité ; mais la libre épaisseur du trait, qui est l'armature du dessin, offre au peintre une très grande souplesse." http://www.encalcat.com/l-atelier-des-vitraux_63.php
Les couleurs de la lumière. Le vitrail contemporain en région Centre 1945-2001
L'inspection des vitraux par l'extérieur permet de voir combien cette technique diffère de celle des verres sertis au plomb.
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Vitrail n°5, vue de l'extérieur. dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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Vitrail n°5, vue de l'extérieur. dalle de verre sur ciment. Chapelle de la Grande Île, Chausey. Photographie lavieb-aile septembre 1018.
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La comparaison avec le recto permet de découvrir avec quelle parcimonie le peintre a appliqué les traits de peinture à la grisaille : sur le visage, ce sont seulement les lignes des sourcils et des rides, les narines, la bouche et le menton. Nous sommes très loin des vitraux du XIV au XVIe siècle, avec leurs larges morceaux de verre fins, sertis au plomb, et peints de dégradés de grisaille, de lavis, d'application de jaune d'argent ou de sanguine. Il y a avec cette technique une contrainte qui impose un art plus austère, et plus primitif rappelant les vitraux du XI et XIIe siècle. Ce qui n'est pas pour déplaire à celui qui a suivi les évolutions de la peinture du XXe siècle.
La fondation d'un office anniversaire (obit) de la mort de Marie de Clère : une inscription de 1395 en l'église de Bourg-Achard (Eure).
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Obit : "service anniversaire pour un mort". tiré du latin obitus, "mort".
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Marie de Clère, dame des Authieux, fut l'épouse en second mariage (1376) de Guy Chrétien, chevalier, bailli de Rouen et de Gisors, et conseiller du roi. Décédée le 5 octobre 1395, elle fut inhumée aux Cordeliers de Rouen, où se lisait son épitaphe, mais c'est à Bourg-Achard que se trouve cette plaque en pierre avec l'inscription datée du 15 novembre 1395 d'une fondation pour un service religieux à l'anniversaire de son décès, chaque année le 5 octobre, "éternellement".
Son mari est cité parmi les "Marmousets", conseillers de Charles VI issus de la bourgeoisie ou de la noblesse récemment nommée, et dont le souci d'une gestion rigoureuse était vu d'un mauvais œil par le parti des princes tandis que le peuple les voyaient comme des profiteurs. Aussi la carrière du nouveau général conseiller faillit être brusquement interrompue en 1392, lors de la chute de ces Marmousets et du rétablissement de la tutelle des oncles du roi. Il partagea le sort de Jean Le Mercier, au mois de septembre 1392 : " Et sire Jean Le Mercier et Mgr Guy Chrestien furent mis en garde comme en prison à la bastide Saint-Anthoine".
Le couple était seigneurs de Bosgouet, commune voisine de Bourg-Achard
Voir :
— Dictionnaire historique des communes de l'Eure :
L'amateur monomaniaque de vitraux anciens qui se mettrait au défi de visiter l'ensemble des 1400 verrières recensées dans le sixième volume du Corpus Vitrearum, — celui consacré aux vitraux de Haute-Normandie —, serait amené à découvrir quelques 230 édifices de la Seine-Maritime et de l'Eure. Dans ce dernier département — sans-doute après avoir admiré les baies de Bourg-Achard — il se ferait un devoir de passer à Hauville, dans cette boucle de la Seine occupée par la forêt de Brotonne. Les auteurs du Corpus (M. Callias Bay, V. Chaussée, F. Gatouillat et M. Hérold) décrivent en effet, page 174, "des reste de vitraux Renaissance" remontés dans les fenêtres 5 et 6 et mentionnent que Jean Lafond les rangeaient parmi les "œuvres rouennaises perpétuant les inventions d'Arnoult de Nimègue" . Oh la la !
Il lirait, cet improbable monomane, que "cette église construite au XIIe siècle, est formée d'une nef romane aux piliers retaillés en colonnes au XVIe siècle, d'un collatéral sud et un transept du XVIe siècle, d'un collatéral nord du XVIIe siècle, et d'une sacristie bâtie vers 1658. Son portail attire l'attention par ses décorations en quatre colonnes romanes surmontées de plusieurs bourrelets, d'un feston à dents de scie et d'une rangée d'étoiles. La tour qui menaçait ruine en 1858 fut démolie, puis fut menée la construction du bras nord du transept et la modification du plan de toiture sous la direction de l'architecte Georges Simon de 1860 à 1864. La reconstruction du clocher au même emplacement fut entrepris en 1869 et 1870, suivie de celle du choeur, de la sacristie, de la tourelle de l'escalier du clocher, du grand portail occidental entre 1871 et 1878 sous la direction de l'architecte Barre. Édifice non classé en 1998."
Hauville (Hauville-en-Rumois, sans-doute de Harulfivilla) appartenait au XIe siècle au domaine ducal, et Richard II en attribua les bénéfices à Notre-Dame de Chartes, avant que le domaine ne soit partagé entre Pont-Audemer et l'abbaye de Jumièges. Les religieux de Jumièges étaient seigneurs de la paroisse et y avaient droit de haute justice, ils eurent la main-mise sur la paroisse pendant tout le Moyen-Âge , même si Saint-Wandrille y bénéficiait d'un droit de dîme, et Saint-Léger du Préaux y possédait un fief.
L'église est vouée à saint Paër, graphie locale de saint Paterne, évêque d'Avranches au VIe siècle (voir Saint-Pair et Saint-Poix dans la Manche, saint-Pern en Ille-et-Vilaine)
L'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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La baie 5 . Bras nord du transept.Trois scènes de la Vie de saint Nicolas datant du XVIe siècle.
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Baie à 3 lancettes en plein cintre et tympan à 3 ajours de 2,20 m de haut et 1,40 m de large avec 3 médaillons datant vers 1540 dans une verrière ornementale signée par Théodore Bernard et Schwoob en 1847.
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Vitraux de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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1. Lancette latérale gauche. Médaillon de 0,35 m. : saint Nicolas sauvant un navire du naufrage.
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Vitraux de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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2. Lancette médiane. Médaillon de 0,35 m. : saint Nicolas ressuscitant les trois enfants.
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Vitraux de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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1. Lancette latérale droite. Médaillon de 0,35 m. : messe de saint Nicolas.
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Vitraux de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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La baie 6. Bras sud du transept.
Baie à 3 lancettes en plein cintre et tympan à 3 ajours de 2,20 m de haut et 1,40 m de large avec 3 médaillons datant vers 1540 dans une verrière ornementale signée par Théodore Bernard et Schwoob en 1847. Dans les lancettes latérales, deux saints dans des niches ont été retaillés en médaillons.
1. Lancette gauche. Médaillon de saint Louis. diamètre 0,35m.
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Vitraux de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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2. Lancette centrale : Vierge à l'Enfant (1847).
Vitraux de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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3. Lancette droite : saint Guillaume d'Aquitaine (v. 1540).
inscription S. GUG.
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Vitraux de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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N'osant s'avouer déçu de sa visite des vitraux, le visiteur cherchera d'autres sources de jouissance esthétique et examinera la Poutre de Gloire. Elle est remarquable notamment par la représentation d'un cadavre placé dans un cercueil, rappel du Golgotha mais aussi de la tradition qui veut — depuis sainte Hélène — que la croix ait été placée au dessus de la tombe d'Adam. Il échouera à déchiffrer l'inscription sous-jacente. CE CCC VI / XXIIII.
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Poutre de Gloire de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Poutre de Gloire de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Poutre de Gloire de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Poutre de Gloire de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Poutre de Gloire de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Poutre de Gloire de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Poutre de Gloire de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Les éléments sculptés de la bague des entraits et poinçons resteront également en partie mystérieux.
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Charpente de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
Charpente de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
Charpente de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Notez ici la poulie fixée à l'entrait, et le signe abréviatif à droite.
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Charpente de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Après les étoiles, la lune anthropomorphe.
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Charpente de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Charpente de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Charpente de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Trois épées au dessus de trois fouets.
Charpente de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Charpente de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Si notre visiteur est vexillomaniaque, il ira jeter un coup d'œil aux bannières conservées ici.
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Celle de l'ASSOCIATION DES DAMES et sa Vierge à l'Enfant.
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Bannière de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Celle, plus que centenaire, de la CONFRÉRIE DE LA SAINTE ENFANCE 1907 HAUVILLE :
qu'il comparera à celle qui est conservée en Champagne-Ardennes
Bannière de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Celle de la CONFRERIE DE LA SAINTE VIERGE / HAUVILLE.
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Bannière de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Celle de l'Immaculée-Conception O MARIE CONÇUE SANS PÉCHÉ PRIEZ POUR NOUS.
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Bannière de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Enfin, il se dirigera vers la bannière CHARITÉ DE HAUVILLE 1308. où saint Paterne est représenté en évêque sur un fond de velours rouge.
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Bannière de l'église de Hauville. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
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Intrigué, il recevra des explications de la part du bedeau : les Charités sont des confréries très anciennes (celle de Hauville daterait de 1308) qui prennent en charge l'inhumation des défunts. Les membres, nommés "charitons", sont au nombre de 20 — tous des hommes — dans la paroisse. Ils possèdent leur costume de cérémonie (le bedeau, un chariton, emploie le terme de "queue de pie") et la large étole brodée on "chaperon" qui caractérise leur fonction.
"Selon la tradition orale, elle aurait été fondée en 1308 sous le règne de Philippe le Bel et placée sous le patronage de saint Paterne. Les premiers documents officiels mentionnant la confrérie datent de 1410. Les statuts de la charité ont été renouvelés le 10 novembre 1619. En 1867, à la suite d'un différend avec le curé, hostile à la charité, cette dernière s'est mise à fonctionner civilement. Le retour à un fonctionnement religieux n'a pu reprendre qu'avec le successeur de l'opposant. Elle est érigée canoniquement le 5 avril 1881 ; un nouveau règlement est alors mis en place. Depuis 2001, la charité est une association loi de 1901." (Wikipédia)
«La confrérie de charité est une association à laquelle des laïcs de confession catholique adhèrent volontairement afin de rendre aux morts les derniers honneurs et d’accompagner les familles lors des funérailles» (Cosset Fabienne, «Confréries de Charité de Normandie», Carnets d’ici, CRECET 1999).
Nées au 12e s., les Confréries de Charité se sont considérablement développées à la fin du Moyen Age, quand les grandes épidémies de peste et de choléra (14e-15e s.) nécessitaient de faire preuve de foi et de charité chrétienne pour braver la contagion en enterrant les victimes …
Le Frère de Charité ou Chariton. Ce fut tout d’abord un honneur réservé à l’élite : les chaperons, dalmatiques et autres ornements richement brodés le prouvent : seuls les gens aisés pouvaient se les offrir. A l’origine, c’était aussi une activité ‘’réservée’’ aux hommes : une sorte de club à l’anglaise.
L’entrée des femmes -les Sœurs- dans les Charités est très récente et n’est toujours pas admise dans certaines Confréries !
Le Frère entre en général dans la Confrérie pour douze années, mais peut ensuite ‘’faire le temps’’ de son épouse et de sa fille, s’il le souhaite. Une Confrérie est généralement composée de douze Frères (comme les apôtres), mais leur nombre est souvent supérieur, afin d’être toujours suffisamment nombreux pour assurer les enterrements.
Les Charités existaient bien avant les Pompes Funèbres ! Le rôle du Chariton est de porter le cercueil depuis la maison du défunt jusqu’à l’église, ensuite il participe activement à l’office religieux, enfin il déposera le cercueil à la place préparée dans le cimetière par le fossoyeur. Et tout ceci, gratuitement bien sûr !
Les Tintenelles, cloches pesant 1 à 2 kg. Tenues à la main, elles servaient à avertir les vivants de s’écarter du passage d’un convoi mortuaire, notamment quand on portait à sa dernière demeure une victime de la peste ou du choléra.… De nos jours, les Tintenelliers savent toujours faire sonner leurs tintenelles gaiement ou tristement, selon le type de cérémonie qu’ils accompagnent …
En plus d’assurer gratuitement les enterrements, nombre de Confréries de Charité ont à cœur d’aider moralement la famille affligée.
Le Chariton porte en signe distinctif sur l’épaule gauche le chaperon richement brodé, qui, parfois, recouvre un surplis blanc ou noir masquant la tenue civile du Frère.
La bannière brodée porte en général le nom du village et la date de fondation de la Confrérie, en plus de l’effigie de son Saint Patron et souvent aussi de la Vierge. Le Maître de Charité -l’équivalent du Président dans une Association- change régulièrement : chaque année ou tous les deux ans, de même que le Prévôt -chargé des comptes-.
Au cours des siècles, les Charités ont offert à leur église nombre de vitraux et d’ornements. Interdites à la Révolution, les Charités renaissent dès 1796-97.
Il existe actuellement dans l’Eure plus de 120 Confréries, 5 en Seine-Maritime, une trentaine dans le Calvados, autant dans l’Orne, sans oublier les Charitables de Béthune (62), portant une superbe dalmatique.
Le recrutement. Actuellement difficile car il nécessite de se rendre libre pour tous les enterrements, ce qui peut occasionner des difficultés aux personnes salariées."
Un rassemblement quinquennal réunit toutes les Confréries de Charité : en 2008 c’était à Hauville.
Voir aussi
— Martine Segalen. 1975, Rituels funéraires en Normandie Archives de Sciences Sociales des Religions Année 1975 39 pp. 79-88
— Michel Bée, 1996, Dans la Normandie entre Seine et Orne confrères et citoyens , Annales historiques de la Révolution française Année 1996 306 pp. 601-615
"On trouve des registres qui, régulièrement, portent plusieurs centaines de noms et, dans celui de Charités rayonnant sur plusieurs paroisses, plusieurs milliers (3). On conçoit que, dans ces conditions, la confrérie rurale inclut une très large partie de la population de la paroisse, femmes et enfants compris. La Charité de Hauville (doyenné de Pont-Audemer) inscrit, en 1774, 4704 associés."
Le cénotaphe de Thomas James dans l'ancienne cathédrale de Dol-de-Bretagne par Jean et Antoine Juste en 1507.
Nouvelle version (21/09/18) avec de nouvelles photos et un éclairage d'appoint .
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L'évêque de Dol Thomas James est mort le 5 avril 1504. Dans son testament (*), il demandait que son corps "soit humblement enseveli dans la terre, sans pompes, comme pour un homme du peuple (non pempose, sed sicut unus de populo, volo humiliter sepeleri), dans la chapelle Notre-Dame de Pitié, en l'église Saint-Samson son épouse ( sponsa mea) ". Toutefois, ses neveux, Jean, abbé commendataire de Léhon, chanoine et trésorier du chapitre de Dol, et François, chanoine scholastique du même chapitre, lui firent élever un superbe tombeau, chef-d'œuvre de la Renaissance, par les frères florentins Antoine (1479-1529) et Jean Juste, auxquels on doit également le tombeau de Louis XII et d'Anne de Bretagne de la basilique royale de Saint-Denis.
Les dernières volontés du défunt ont-elles été trahies ? Sans-doute pas, car le monument qui reflète fidèlement les goûts de l'évêque pour l'art italien (découvert à Rome lorsqu'il était gouverneur du Château Saint-Ange entre 1479 et 1483), n'est pas une tombe, mais un cénotaphe. C'est le premier monument de style Renaissance en Bretagne, et l'un des premiers en France. Rien n'empêche l'évêque d'être inhumé en terre, et de satisfaire à sa passion pour la sculpture italienne.
(*) « .... Ego Thomas Dei gratiâ indignissimus minister et episcopus Dolensis Ecclesiæ.... Meam in hunc modum, declaro voluntatem ultimam : Et imprimis do animam meam Domino nostro Jesu Christo, etc. Corpus que meum seu cadaver terræ unde exivit, in Ecclesiâ Sancti Samsonis SPONSA MEA, in Capella quæ dicitur Sancta Maria de Pietate, non pempose, sed SICUT UNUS DE POPULO, VOLO HUMILITER SEPELIRI, jaxtâ considerationem executorum meorum… » (Testament de Th. James)
"Thomas JAMES, né à Saint-Aubin-du-Cormier, homme recommandable par sa piété, sa prudence et son érudition, . docteur en droit et archidiacre de Penthièvre dans l'église de Saint-Brieuc, fut pourvu en 1478 de l'évêché de Léon, d'où il fut transféré à Dol le 28 mars 1482. Il paya les droits de la chambre apostolique le 15 juillet suivant, et le 28 il envoya une procuration au trésorier Landais pour prêter en son nom le serment de fidélité au duc. Il était de retour de Rome en 1486, suivant un acte du Mont-Saint-Michel, et il ne pensa plus qu'à bien gouverner son troupeau. Le pape Alexandre VI lui rendit le privilège de faire porter la croix devant lui dans son diocèse, d'en timbrer ses armes et de s'en servir dans ses sceaux. Sa mort arriva le 5 avril 1504, après vingt et un ans et sept jours d'épiscopat. Il fut enterré dans la croisée de son église, du côté de l'Evangile, où l'on voit encore son magnifique tombeau ." Dom Lobineau, Vie des saints.
Voir la biographie actuelle dans Wikipédia. La famille noble James est attestée à Coëtmieux (Dol), Landéhen (Dol) et Plestan lors de la montre de l'évêché de Saint-Brieuc de 1479
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PRÉSENTATION.
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" Le monument le plus remarquable de tous ceux que possède la cathédrale est sans contredit le tombeau de l'évêque Thomas James (1482-1504), exécuté par les Juste, aux frais de son neveu.
C'est, après le mausolée de Charles d'Anjou, à la cathédrale du Mans, la plus ancienne œuvre exclusivement inspirée des principes de la Renaissance classique qu'il soit possible de rencontrer dans l'ouest de la France. On serait en droit de s'étonner de voir, dés les premières années du XVIe siècle, ce style en usage dans une province aussi rebelle que la Bretagne aux innovations artistiques [sic], si on ne savait que la famille de l'évêque défunt entretenait avec l'Italie d'étroites relations. Thomas fut en effet chargé par le pape du gouvernement du château Saint-Ange, fonction que son père avait occupée avant lui nommé, en 1478, évêque de Léon et transféré à Dol en 1482, il n'en continua pas moins à résider à Rome jusqu'en 1486, où il vint définitivement habiter son diocèse. Il paraît avoir éprouvé un attrait marqué pour les nouvelles formules de l'art, car son missel [1483] était l'œuvre du célèbre enlumineur florentin Attavante et il possédait un sceau [1478] conçu dans le plus pur style italien.
Une inscription en caractères gothiques, gravée sur le tombeau, en fixe l'exécution à l'année 1507, et l'attribue au sculpteur Jean Juste. On sait toute la place qu'occupe, dans l'histoire des origines de la Renaissance en notre pays, cet artiste, né en 1485 à San-Martino-a-Mensola. dans la banlieue de Florence et qui devait être chargé, en 1519, d'élever dans l'abbaye de Saint-Denis le tombeau de Louis XII et d'Anne de Bretagne. En raison du jeune âge qu'aurait eu le maître en 1507, Léon Palustre a supposé que ce monument pourrait être attribué, avec plus de vraisemblance à Antoine Juste, de six ans plus âgé que son frère: l'inscription aurait alors été placée postérieurement pour rehausser le mérite de l'œuvre lorsque Jean Juste, en 1531, après avoir terminé le tombeau de Louis XII, fut arrivé au comble de la gloire. Pour soutenir cette hypothèse, l'éminent critique fait observer que la présence de caractères gothiques, à la place des lettres romaines qui figurent sur les autres parties du monument, accuse nettement une main différente.
Mais. si l'on peut admettre sans difficulté qu'Antoine ait apporté à son frère le concours de son talent, ce serait, semble-t-il faire preuve de quelque témérité que de refuser, devant une objection aussi légère, toute créance à cette inscription, conçue du reste dans le style pompeux, habitue! à l'épigraphie italienne.Il faut en outre se souvenir que l'attribution du tombeau aux Juste ne repose que sur son témoignage; si on le repousse, rien ne permet de citer le nom d'Antoine plutôt que celui de Jean, et l'oeuvre devient en réalité anonyme.
Anatole de Montaiglon, Léon Palustre et, en dernier lieu, M. Paul Vitry, ont montré, avec toute leur compétence, les mérites et les faiblesses du tombeau de Dol le défaut évident d'harmonie dans la conception générale, l'agencement souvent défectueux des éléments décoratifs, qui dénote, comme l'a remarqué M. Vitry, une certaine inexpérience, mais par ailleurs la véritable maîtrise que possédait l'auteur dans l'art de traiter les ornements de détail, modèles de ciselure délicate auxquels des rehaussements de peinture dans les tons vert et brun devaient donner autrefois un singulier relief. Ces qualités et ces défauts, dont on retrouvera du reste toujours le mélange dans ses œuvres, même les plus renommées, ne peuvent-ils pas se concilier fort bien avec le jeune âge de l'auteur qui arrivait d'Italie la mémoire toute imprégnée des modèles du quattrocento, mais ne se trouvait pas encore en possession de la plénitude du talent dont il sut donner plus tard toute la mesure? " (Rhein 1910)
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Cartel pédagogique placé à coté du monument.
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VUE GÉNÉRALE.
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"Le tombeau proprement dit se compose d'un petit édicule, en forme de ciborium, enfermé dans un enfeu dont l'arc d'ouverture est lui-même encadré d'un portique. Il fut, sans aucun doute, exécuté en France., comme le prouve la pierre tendre dont il est construit : mais on ne sait s'il fut apporté tout fait d'un atelier tourangeau ou si les Juste vinrent eux-mêmes travailler à Dol. Malgré la présence,dans un endroit peu visible des médaillons dont nous allons parler, on ne peut croire qu'il était, à l' origine, destiné à être isolé; l'absence de toute décoration sur les faces latérales et postérieure des pilastres montre bien au contraire que, suivant l'habitude italienne. il devait être encastré dans la muraille." (Rhein 1910)
"l est composé de deux parties: l'une extérieure formée d'un grand arc surmonté d'une frise que couronne une sorte de haut fronton arrondi, l'autre intérieure composée d'un enfoncement où le tombeau, avec ses quatre colonnes carrées entre lesquelles n'existe plus la statue de Thomas James, a l'air d'un autel ou plutôt de l'un de ces ciborium dont les églises toscanes de la fin du xve siècle offrent plus d'un exemple. Au-dessus de la corniche le double couronnement est assez peu agréable et le monument eût plutôt gagné que perdu à sa disparition. Cette coquille portant un vase surmonté d'un oiseau, le tout accosté d'anges et de dragons verts,—car toute cette partie était coloriée et le fonds nu garde encore des traces de. peintures, — n'est ni d'un goût pur, ni d'un heureux effet; mais le reste est merveilleux d'élégance et de finesse. Le devant de la base, dont la grande inscription occupait le milieu, offre de chaque côté une niche plate avec une Vertu brisée. Le plafond est composé de carrés avec une rosace centrale et aux angles quatre ornements, qui sont alternativement cinq rayons et une feuille de lierre très-lancéolée. Sur le mur du fond est, au centre, un bas-relief carré avec deux anges, d'un très-beau mouvement, qui supportent une armoirie brisée et florentine par la forme de l'écu. Les quatre colonnes carrées qui supportent ce plafond plat ne sont sculptées que de trois côtés et ont leur surface postérieure unie. Le seul défaut, c'estque ce ciborium n'est pas assez éloigné des murs latéraux; les côtés et en particulier les médaillons de Jean et de François qui sont sur ses petits côtés, à la tête et aux pieds de la caisse inférieure, ne se voient que mal et trèsdifficilement. Cela ne ferait-il pas supposer que le travail n'a pas été exécuté sur place, et que, comme plus tard le tombeau de Louis XII, il a été fait à Tours et porté ensuite à Dol pour y être monté et complété par l'arcature extérieure qui a pu être faite sur place? Ce qui est certain du reste pour le couronnement arrondi. Remarquons en même temps deux choses : la qualité profondément italienne de ce couronnement tout à fait courant à ce moment en Italie et dont la peinture devait à l'origine lui donner le même effet que s'il eût été en terre cuite émaillée, et aussi le parti même de l'ensemble du tombeau. Il fait partie de la muraille, et c'est le système italien, tandis qu'en France il y a au contraire prédominance des tombeaux isolés. Les deux choses s'accordent à merveille avec ce fait que le tombeau de Dol est une des plus anciennes œuvres d'un Juste en France, et par là l'une des plus voisines de leur arrivée en France, et avant qu'ils ne se soient modifiés sous l'influence d'un milieu nouveau." (A. de Montaiglon 1875)
Le monument est difficile à photographier de face, car un lustre a été placé devant lui, tandis qu'une légion de chaises en défend l'accès.
J'ai suivi l'exemple de Carla Rebbeca Constabel, qui a judicieusement adopté un point de vue décalé.
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Je me permets de souligner que l'allure générale du monument évoque les architectures peintes par Attavante pour le Missel de Thomas James (Lyon BM ms 5123 f.6) et pour le Bréviaire de Matthias Corvin.
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Missel de Thomas James (1483) par Attavante, image IRHT http://initiale.irht.cnrs.fr/codex/2545
Le fronton en demi-cercle du monument funéraire, qui ne se retrouve pas sur cette page du Missel, et le plafond à caisson, se trouvent sur la page correspondante du Bréviaire de Matthias Corvin, réalisé entre 1487 et 1492 par le même Attavante.
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Bréviaire de Matthias Corvin par Attavante , Bibliothèque apostolique vaticane Urb.lat.112. folio 7v
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I. LE FRONTON (ou "TYMPAN") SUPÉRIEUR.
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"L'entablement est couronné d'un fronton en plein cintre, assez disgracieux, dans lequel certains critiques ont cru découvrir, pour ce motif seul, une main française; Léon Palustre a fait bonne justice de cette prétention à ne reconnaître comme italiennes que les œuvres d'une sûreté de goût impeccable, et il ne serait du reste pas difficile de trouver à cet élément décoratif des prototypes nombreux dans les monuments de la Renaissance florentine, par exemple au revers des portes de San-Spirito. La décoration de ce fronton est des plus compliquées deux dragons, dont les queues forment rinceaux, s'appuient contre une coquille sur laquelle est posé un vase portant un phénix; de chaque côté, se trouvaient des écussons dont les armoiries ont été mutilées. Un vase garni de fleurs. placé sur le fronton, et deux statues, dont on ne voit plus que les socles, complétaient cette décoration. " (Rhein 1910)
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"Remplissant l'espace laissé libre entre l'entablement et l'arcade, se trouve une sorte de tympan, décoré d'une coquille que surmonte un vase garni de fleurs, au pied duquel sont fixées deux cornes d'abondance tenues par deux angelots.On y voit deux dauphins à feuillages, surmontés de deux dragons. Ces dauphins s'appuient contre une grande coquille sur laquelle est posé un vase portant un ange. De chaque côté se trouvaient des écussons dont les armoiries ont été mutilées. Un vase garni de fleurs, placé sur le fronton, et deux statues agrémentaient cette partie haute du tombeau. " .(Amiot 1986)
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"Au-dessus du portail principal, un tympan représentant une scène de bêtes mythiques et un vase au-dessus du panneau ajoutent de la hauteur au monument. Au centre de la construction du tympan, une fontaine à coquille surmontée d'un phénix domine la scène. À gauche et à droite, une série de bêtes mythiques,— deux dauphins et deux griffons ailés —, y sont figurés. Deux sirènes (ou une méduse et une sirène) placées à gauche et à droite au-dessus des animaux complètent la scène. Contrairement à la plupart des monuments, cependant, le tympan est encore faiblement polychrome, peut-être en raison de sa hauteur extraordinaire qui a probablement découragé les iconoclastes révolutionnaires. Muratova a suggéré que les couleurs rouge, vert et bleu correspondent aux couleurs utilisées dans les manuscrits du XVe siècle, ce qui implique que ces couleurs sont fidèles à l’original." (Constabel)
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Ma description.
Cet arc au sommet en plein cintre peut être divisé en deux registres.
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Cénotaphe (tuffeau, Jean et Antoine Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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1. Le registre supérieur.
— Au centre, une colombe ou aigle déploie ses ailes (comme sur les tombes égyptiennes) qui soutiennent des rubans à glands de passementerie.
— À gauche, une tête féminine se détache sur un fond de feuillage. Le sommet de son crâne est marqué par une croix et deux arceaux. Elle correspond sans-doute à une allégorie, laïque.
— Toujours à gauche, deux blasons bûchés se reconnaissent d'une part par leur forme globalement losangique polycyclique qui est celle du blason de Thomas James dans son Missel, et d'autre part par les rubans qui les entourent. Le "blason" le plus médian, qui forme comme un corps à la tête féminine, n'a pas une forme évocatrice, mais on y distingue une rose, élément clef des armoiries de l'évêque.
— À droite, la tête féminine, bouche ouverte, est coiffé d'une houppe. Elle a également les apparences d'une allégorie.
— Encore à droite, deux autres blasons, losangiques mais polycycliques et à rubans, ont été également martelés. Le plus grand reste néanmoins lisible. Il se divise en deux parties, avec une rose (dans un losange ?) en haut, et trois bandes diagonales ou fasces en bas.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Les armoiries épiscopales de Thomas James figurent sur son sceau et sur le frontispice de son Missel.
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Sceau de Thomas James.
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Armoiries, Missel de Thomas James par Attavante, 1483, image IRHT
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On peut se demander si, parmi les quatre blasons de ce registre, on ne peut y trouver celles deux neveux commanditaires. Ou bien celles de sa nièce Marie James, dont il est attesté par le manuscrit des Blancs-Manteaux qu'elles figuraient sur le monument :
"Le tombeau de Thomas James peut bien n'avoir pas été la seule œuvre de Jean Just dans l'église de Dol. Le même manuscrit des Blancs-Manteaux nous donne un dessin grossier d'un bas-relief en hauteur, représentant jusqu'aux genoux, les bras croisés et les mains dans ses manches fourrées, une jeune fille, nièce de Thomas James. L'épitaphe transcrite est en latin; en voici la traduction:
« Ci-gît noble et très-honnête Marie James, qui en son vivant vénérait Dieu, était pitoyable aux pauvres du Christ qu'elle réchauffait et consolait. Elle a été enlevée pour le ciel l'an de l'incarnation de Notre-Seigneur, 1503, le 10 de mai. Elle a vécu ... ans, quatre-vingt-seize mois 1 et sept jours. Thomas, son oncle, prêtre et évêque de cette église, a fait élever ce monument l'année que dessus. » L'écrivain ajoute : « Au bas il y a un écusson, » et il l'indique par une sorte de dessin. On voit que le monument élevé en 1503 par Thomas, celui-même dont Just a fait le tombeau en 1507, peut ne pas être de notre sculpteur, mais il est nécessaire d'en parler à cause de cette armoirie.
Elle est en losange comme les armoiries de femme, et ce losange est tranché de trois traits et taillé de quatre, ce qui forme vingt losanges, chargés chacun d'une larme ; c'est une pièce peu commune en blason, mais nous savons par notre manuscrit que ces armes se retrouvaient sur le tombeau de l'évêque. On lit en effet à gauche de ce méchant dessin : « Aux deux coins de la corniche et sur les faces des pilastres du tombeau de l'oncle ces armes sont écartelées avec celles des James » et à droite : « Au tombeau de Thomas James, aux ornements des pilastres du dehors, deux petits anges tiennent ce mesme escusson en forme d'escu d'homme".
Nous n'avons pas à chercher ici à quel titre ces armes étaient écartelées avec celles de Thomas James, et si ce n'était pas celles de sa famille maternelle, mais nous avions dans tous les cas à parler de ce tombeau de Marie James, puisque, dans la note qui lui est consacrée, notre manuscrit ajoute à la description du tombeau de Thomas le détail, maintenant détruit, de ces armoiries jointes à celles de James, que le même manuscrit donne en marge de l'épitaphe de l'évêque : « Portoit d'or au chef d'azur chargé d'une rose d'or. »" (A. de Montaiglon 1875)
On sait ce qu'il faut entendre sous le terme de "neveu" et de "nièce" d'un prélat du XVIe siècle.
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Cénotaphe (tuffeau, Jean et Antoine Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile 2018.
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Cénotaphe (tuffeau, Jean et Antoine Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile 2018.
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Cénotaphe (tuffeau, Jean et Antoine Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile 2018.
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2. Le registre inférieur.
Deux dauphins à queue baguée entourent une coquille. Ces éléments décoratifs sont très représentatifs du vocabulaire de l'Italie de la Renaissance.
Les dauphins non aucun caractère réaliste, mais leur corps écaillé est placé dans une peau végétale verte, leur queue en spirale libère des rinceaux, leur gueule rouge est armée de dents féroces, leur nature animale est, dans un processus de métamorphose et de confusion des genres, végétalisée et modifié par des exubérances artificielles purement décoratives.
Deux oiseaux ou dragons ailés, au corps traité de la même manière, s'affrontent entre une coupe ou fontaine à rubans. Ces oiseaux à gueules carnassières sont dotés de cornes formant un cercle.
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Cénotaphe (tuffeau, Jean et Antoine Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile 2018.
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Cénotaphe (tuffeau, Jean et Antoine Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile 2018.
Cénotaphe (tuffeau, Jean et Antoine Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile 2018.
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Cénotaphe (tuffeau, Jean et Antoine Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile 2018.
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Au total, ce fronton servait de panneau indicateur identitaire (par son matériel héraldique) et de manifeste esthétique optant pour le nouvel art italien de la Renaissance. On remarquera, et on s'étonnera peut-être, de l'absence de toute sémiologie religieuse. Ni croix, ni référence christique ou mariale, ni ornement liturgique, pas une mitre ou crosse, pas un ange, même pas un putto qui pourrait passer pour un angelot. La référence à l'humanisme tourné vers l'étude de l'Antique est total.
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II. LE PORTIQUE.
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"L'arc encadrant l'enfeu est surmonté d'un portique, appliqué sur le nu du mur, et qui offre la répétition agrandie du ciborium intérieur.
Les pilastres qui le soutiennent, décorés comme ceux que nous avons décrits sont portés sur de hauts stylobates ornés d'armoiries, aujourd'hui mutilées, de rubans et de vases, et dont la corniche est garnie d'un cordon de rais-de-cœur." (Rhein 1910)
Vu de face, on en décrirait idéalement l'entablement et les trois faces des pilastres droits et gauches.
La description de chaque détail de chaque face est un travail que chaque auteur a éludé. Je prendrai soin de ne pas être exhaustif pour ne pas leur faire ombrage, et ne donnerai qu'une représentation métonymique du corpus sculpté, mais je ne passerai pas à coté de l'occasion de montrer les trésors d'ornementation qu'on y trouve.
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1. Le pilastre droit.
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a) La base ou stylobate. Trophée d'armes.
Un cimeterre, un glaive et une flèche.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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b) le pilastre droit.
Face antérieure.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Deux "faunesses ailées" affrontées tenant une croix.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Deux "dauphins" accouplés par la queue.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Deux faunes sonnant de la trompe recourbée.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Deux putti tenant une vasque.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Deux "lions" au corps de serpent affrontés autour d'une lampe.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Tête de Méduse surmontée de deux dauphins et de deux lions.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Chapiteau. Décor végétal.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Le pilastre droit, face intérieure.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Faune au dessus d'un bassin.
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Vase à acanthes et collier de perle. Masque de faune. Vasque à têtes de lion affrontés.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Bucrane entre deux cornes d'abondance.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Le pilastre droit, face extérieure.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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2. Le pilastre gauche.
a. la face intérieure.
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Cénotaphe (pierre calcaire, traces de polychromie, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Faune au dessus d'un tambour ou bassin.
Sexe martelé.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Deux animaux fabuleux (tête de lion, corps de sirène ou de poisson).
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Deux dauphins ; deux oiseaux buvant à la même vasque.
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Masque de faune grimaçant.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Têtes de faune ; cornes d'abondance.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Faunes soutenant une coupe.
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b. Le pilastre gauche : face antérieure.
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Le médaillon et le cartouche à inscription soutenu par deux putti.
Un cartouche est placé sous un médaillon en couronne de lauriers entourant le profil d'un homme jeune : Jean James sans-doute.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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"Un cartouche, appliqué contre le pilastre de gauche, porte la date du tombeau et le nom de celui qui le fit élever
IOÃNIS . IAMEZ . IURI~U . LAUTI LEHONII . CÕMENDAT DÕL THESAU ; ET . CANO . IMP~ESA ET .CURA . STRUCTUM . AC ORNAT~U. SEPULCR~U M .Vcc. VII. " (Rhein 1910)
Transcription : Ioannis Jamez juris laureatus Lehonii commendatarius. Dol thesaur et canonicus . impensa et cura structum ac ornatum sepulcrum 1507 .
Traduction : "Jean James, licencié es-droit, commendataire de l'abbaye du Léhon (près de Dinan), trésorier et chanoine de cette église de Dol fit construire à ses frais ce tombeau en 1507."
On notera la graphie Iamez, que je n'ai pas vérifiée ; la forme Jametz est attestée, comme Jamès, ou Jamet ensuite à Roscoff. (forum cgf)
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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L'inscription du stylobate du pilastre gauche, entre le piédestal et le fût.
SCELTE . STRUXIT . OPUS . MAGISTER . ISTUD
JOHES . CUJUS . COGNOM~E . EST . JUSTUS
ET FLORENTIN9
Scelte struxit opus magister istud Johannes cujus cognomen est Justus et Florentinus.
Le premier mot, scelte, assez rare, signifie : « avec le burin » (de sceltes ou celtis, is). Le verbe struxit vient de struo, ere, structum "bâtir, édifier".
Comment traduire ? "Cet ouvrage a été édifié par le ciseau de maître Jean, dont le nom de famille est Juste et Florentin (Juste le Florentin)" .
Antoine Juste, frère aîné de Jean Juste, est qualifié de florentin en guise de nom de famille en 1505 sous le terme de "Anthoine florentin".
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ANTOINE et JEAN JUSTE, sculpteurs florentins.
"La première occurrence française de Me Anthoine florentin remonte à 1505, date du paiement de la préparation d’une médaille offerte à Louis XII par la municipalité de Bourges lors de son entrée dans la ville. Au cours de l’année 1508, venant d’Amboise où il semble avoir fixé sa résidence, il travaille à Gaillon où il exécute le bas-relief de la prise de Gênes et d’autres statues en marbre et en terre cuite, notamment celles, célèbres, destinées à la chapelle haute du château. En 1510 il est au service du roi et modèle une biche en cire pour le jardin de Blois. Trois ans plus tard, il travaille pour François d’Angoulême et est naturalisé français l’année suivante avec sa nombreuse famille : ses frères Jean et André, sculpteurs comme lui, sa femme Élisabeth et ses enfants – Just, qui suivra les traces de son père, François, Aimée et Madeleine. Enfin, de 1516 jusqu’à sa mort en 1518, Antoine Juste travaille au tombeau monumental de Louis XII et Anne de Bretagne.
Son puîné Jean semble être l’auteur du tombeau de Thomas James à Dol autour de 1505-1507 , puis, dès 1516, il collabore avec Antoine au monument funéraire de Louis XII et devient le chef de l’atelier après la mort de son frère. Il est assisté, jusqu’en 1521, par le jeune Just, fils d’Antoine. Jean et Just auront encore une longue carrière en France.
"Leurs actes de baptême, conservés à Florence et jusqu’à aujourd’hui inédits, permettent en premier lieu de mettre de l’ordre dans les données divergentes des cadastres florentins et de la déclaration de naturalisation.Antoine est né le 15 avril 1481, Jean le 7 novembre 1483, André le 22 août 1487. Ces dates ne concordent pas avec celles que Milanesi avait déduites du cadastre et correspondent seulement partiellement à celles données en 1514 par les témoins Jérôme Pacherot et Barthélémy Guiet, bien informés en ce qui concerne Antoine mais plutôt approximatifs pour Jean, André et le reste de la famille des Juste."
"Sur la base de ces documents, il semble donc qu’au début, à partir de 1503, seul Antoine, au cours de deux voyages, ait sondé la possibilité de faire fortune en France. Et ce n’est qu’après s’en être assuré que, probablement à l’automne 1507, il décide de faire venir sa femme et son fils Just. Celui-ci est né en Italie, comme le prouvent à la fois la déclaration de naturalisation et son acte de baptême du 13 décembre 1501 à Florence.
Jean pourrait avoir quitté assez tôt Florence, déjà au cours de l’année 1503. Il y revient une seule fois en 1510, probablement après la mort de Monna Lisabetta, lorsqu’il fallut réorganiser la gestion des biens familiaux. André, le puîné, arrive le dernier en France, peut-être au cours de l’année 1507, sans doute sans jamais retourner dans son pays natal.En 1503, Antoine est âgé de vingt-deux ans et Jean de vingt ans. Ils sont déjà des artistes formés depuis longtemps si l’on considère que le premier apprentis-sage, dans les carrières florentines, commence ordinairement à l’âge de sept ans. De même pour André qui avait au moins vingt ans au moment de son départ. Les affirmations selon lesquelles ils se seraient tous formés dans l’ombre de Michel Colombe sont donc tout à fait hasardeuses.Il est difficile de connaître la raison pour laquelle Antoine et Jean décidèrent de quitter Florence : les activités familiales étaient florissantes, la famille des Juste de San Martino était bien implantée. Ils avaient leur chapelle dans l’église où Giusto avait fait remanier un retable de Taddeo Gaddi pour y placer son portrait et celui de sa femme Lisabetta, en donateurs." (Bardati et Tommazzo)
Pour l'auteur de l'article Wikipédia, Antoine et Jean se séparent après le chantier de Dol :
" Antoine Juste a travaillé pour le cardinal d'Amboise au château de Gaillon. Les comptes de Gaillon indiquent qu'il est marié à Isabeau ou Isabelle de Pascha. Sous l'égide de l'archevêque de Rouen, il a sculpté pour la chapelle du château une série de douze apôtres en terre cuite, un buste du cardinal et un bas-relief représentant la bataille de Gênes pour la galerie.
Jean Juste Ier s'est installé à Tours où il a passé quelques années dans l'atelier de Michel Colombe. Ce dernier était célèbre pour la Mise au tombeau se trouvant dans l'abbaye de Solesmes. Michel Colombe avait été formé à Dijon, influencé par Claus Sluter et le réalisme flamand. Il a créé un style mélangeant le réalisme flamand et la douceur française transmis par Michel Colombe avec un charme venant de la flexibilité et de la complexité des formes. Jean Juste Ier a sculpté les tombeaux de Jean IV de Rieux, maréchal de Bretagne, à Ancenis, de Thomas Bohier, bâtisseur du château de Chenonceau, dans l'église Saint-Saturnin de Tours, et de l'abbé Louis de Crévent, abbé de la Trinité, à Vendôme. Il a exécuté le tombeau d'Artus Gouffier à la demande de sa veuve Hélène de Hangest, entre 1532 et 1537 pour la collégiale Saint-Maurice du château d'Oiron (Deux-Sèvres), ainsi que celui de sa belle-mère, Philippe de Montmorency
À la mort de Michel Colombe, vers 1514, les frères Juste se sont remis à travailler ensemble. François Ier leur a confié la réalisation du tombeau de Louis XII et d'Anne de Bretagne dans la basilique Saint-Denis. Sa réalisation a duré de 1516 à 1531. Antoine étant mort en 1519, le tombeau est donc essentiellement l'œuvre de Jean Juste Ier. Il est possible qu'André, le frère de Jean Juste Ier ait travaillé sur le projet. Juste de Juste a participé à la réalisation du tombeau."
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
Soubassement du pilastre extérieur gauche, cénotaphe (pierre calcaire, traces de polychromie, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Le pilastre gauche, suite.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Pilastre gauche, face extérieure.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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III. LE CÉNOTAPHE INTÉRIEUR. .
Là encore, il faudrait décrire scrupuleusement le "tombeau" qui sert de base, les quatre colonnes, l'entablement, le fronton en demi-cercle et le fond.
"Aux angles, des stytobates font saillie. couverts de vases et de rinceaux et surmontés d'une moulure continuant celle qui couronne le tombeau. Ils portent de légères piles rectangulaires ornées, sur leur face antérieure, avec un art consommé, de ces gracieux motifs qu'aimaient à prodiguer !es décorateurs italiens du XV'' siècle griffons, satyres, amours, tètes de Méduse, vases, etc. Les chapiteaux sont garnis de feuilles d'acanthe qui. aux angles, se replient en volutes sous tes abaques concaves.
L'entablement se compose d'une frise et d'une corniche: la première, ornée a sa base d un rang d'oves, présente, au-dessus. une décoration courante rappelant celle des pilastres. La corniche est formée de plusieurs cordons superposés de perles, d'olives, de rais-de-cœur, d'oves, de dés et de feuillage. Le plafond du baldaquin est divisé en caissons ornés de rosaces; il abritait autrefois la statue de l'évêque, dont on ignore la position, mais qui ne pouvait être qu'accoudée ou agenouillée, par suite de l'espace restreint, qui lui était réservé. Sur le mur du fond, un demi-relief mutilé représente deux anges portant un petit personnage qui figurait l'âme du défunt.
Remplissant l'espace laissé libre entre l'entablement et l'arcade, se trouve une sorte de tympan, décoré d'hippogriffes et d'une grande coquille que surmonte un vase garni de fleurs. au pied duquel sont fixées deux cornes d'abondance. " (Rhein, 1910)
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1°) TYMPAN OU FRONTON INTÉRIEUR.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Dans le fronton, autour d'une coquille, deux "anges" plus antiques que chrétiens évoquent plutôt des Vertus ou des Allégories. Ils sont accompagnés de cornes d'abondances, de vases et de vasques. Sans aucun élément religieux.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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L'entablement répète trois fois le même motif : l'affrontement de deux griffons et des rinceaux fleuris de roses.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Les colonnes ou pilastres intérieurs : le coté droit.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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le pilastre droit du cénotaphe intérieur : la face intérieure.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Le pilastre du fond, à droite, face intérieure.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Bucrane.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Sirène bifide.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Les colonnes ou pilastres intérieurs : le coté gauche.
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On y découvrira des épis de blés, des roses, des fruits et légumes, de fines tiges, et un masque de faune.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
2°) LE BAS-RELIEF AUX DEUX ANGES.
Ces anges présentaient jadis les armoiries et la croix épiscopale de Thomas James au milieu d'une profusion de rubans.
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Emprunt à la figure 40 de la thèse de X. Constabel.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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On comparera ces anges gracieux avec ceux du centre du monument du Frontispice du Missel de Thomas James : ceux-ci présentent le Christ Sauveur entouré de chérubins :
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Missel de Thomas James par Attavante, image IRHT-CNRS
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3°) LE PSEUDO-SARCOPHAGE.
Il est décrit ainsi dans le manuscrit des Blancs-Manteaux :
" Un tombeau de pierre blanche dorée sur filets, de figure quarrée oblongue, de quatre pilastres semblables de façon au grand, soutenant architrave, frise et fronton; sur la table duquel, qui est de quatre pieds de haut, est la figure de l'évesque James en habits sacerdotaux, mitre en teste, deux petits anges soutenant les oreillers, et derrière sont deux petits demi-piliers ou supports quarrez sur lesquels sont deux anges assis soutenant les armes, à la tête avec casque, des pieds avec mitre, et, au fond, deux grands anges en bas-relief, tenant les armes avec la simple croix; sur le devant, deux niches avec la figure de deux Vertus, et au milieu, une plaque de cuivre enchâssée. » (A. de Montaiglon p. 396)
Le "gisant" de l"évêque en habits sacerdotaux a disparu, de même que la plaque de cuivre avec son inscription, tandis que le bas-relief montre encore les deux anges mais non les armoiries et la croix.
Je n'ai pas lu que ce "tombeau" ait jamais contenu la dépouille de l'évêque. C'est pourquoi j'emploie le terme de cénotaphe.
"Le soubassement était orné de rinceaux au milieu desquels un cartouche, soutenu par des anges, portait l'épitaphe de l'évêque, inscrite sur une plaque de cuivre. Cette plaque a disparu au moment de la Révolution, mais le texte nous en a été conservé par les Bénédictins dans la collection des Blancs-Manteaux (BibI. nat., tr. 22321). Blancs-Manteaux, t. XLV, p. 85.) et par Dom Taillandier (Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, t. Il,p. LXIV. :
D.Thomas James, Jurium doctor, patria Albinus de Cormierio, patre Petro, Sixti papae tempore, arcis santi (sic) Angeli Romae castellano et Francisci Britonum ducis oratore ac procuratore, Penthevriaeque archidiacono. Leonensis episcopus creatus et paulo post in Dolensem episcopatum transfertur. Vir quidem optimus et divini cultus cupidus et assiduus. In derelequintes clemens pauperum, pupillorum et viduarum causas et vitam propria manu ita tutatus est, ut ab omnibus merito pater pauperutn diceretur. In religiosos benignus, virgines egenas elam dotabat; cilicio utens, bis aut ter in hebdomada jejunans; familiares parentum loco habens post bellorum turbines inter Francorum regem Carolum VIII et Franciscum Britannia ducem, Dolensisque civitatis diruptionem et ecclesiae depredationem vi factam, quae fuit 11 octobris 1482, et urbis et nundinarum et halle et castrorum atque molendinarum factus est restaurator; ab Alexandro Papa VI, ob ejus eximias virtutes, crucis defendendae beneficum ante se per diocesim et sibi et successoribus obtinuit ut in armis ac sigillis ubique palla possent . Dolenses episcopi uti. Ecclesiam mirifice fundationibus dotavit, juraque ecclesiae et dignitatum semper tutatus est : ornamentisque ex auro et serico, vasisque argenteis et auratis decoravit. Obiit praesul nonas aprilis, die Veneris sancta, hora nona, 1503. Passionem devote nudiendo et hic collacrymantibus omnibus sepelitur. Sedit annis uno et vigenti, diebus septem. Cujus anima requiescat In pace. Amen ».
"M(essire) Thomas James, docteur en Droit, de Saint-Aubin du Cormier, fils de Pierre James, [qui ?] était, sous le pape de Sixte IV, [gouverneur] au château Saint-Ange porte-parole et représentant du duc de Bretagne François II et archidiacre de Penthièvre est devenu évêque de Léon, et peu après transféré à l'évêché de Dol. Ce fut un homme excellent qui servait Dieu avec zèle et assiduité. Il était indulgent envers les coupables. Il défendit personnellement la cause et la vie des pauvres, orphelins et veuves, si bien que tous le reconnaissaient fort justement comme le père des pauvres. Généreux pour les religieux, il dotait secrètement les jeunes filles sans ressources ; il portait un silice et jeûnait deux ou trois fois par semaine ; il considérait les gens de son entourage comme parents ; après les troubles des guerres entre le roi de France Charles VIII et le duc de Bretagne François, la destruction de la ville de Dol et la mise à sac de son église le 11 octobre 1482, il restaura la ville, le marché, la halle, les fortifications et les moulins ; à cause de ses vertus exemplaires, le Pape Alexandre VI lui concéda, ainsi qu'à ses successeurs, le privilège de faire porter devant lui la Croix à travers son diocèse, , de sorte que les évêques de Dol pouvaient utiliser le Pallium partout dans leurs armoiries d'or et de soie, de vases d'argent et d'or. On l'ensevelit ici en écoutant pieusement le récit de la Passion, au milieu des larmes de tous. Il avait occupé le siège épiscopal durant vingt et un ans et sept jours. Que son âme repose en paix !' Amen." (d'après une traduction de Patrick Amiot 1986)
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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"De chaque côté, des nielles, encadrées de pilastres et garnies d'une coquille, renferment les statues mutilées de la Force et de la Justice. " (Rhein, 1910)
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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Le coté gauche.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Les médaillons des cotés du "tombeau".
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Sur les faces latérales,se trouvent les médaillons des deux neveux de l'évêque d'un type purement italien, exceptionnel en France pendant la première moitié du XVI siècle.
1°) Le médaillon du coté gauche. hauteur 45 cm.
"A gauche, Jean James, qui fit élever le tombeau, est représenté coiffé d'un bonnet à gland [sic], au milieu d'une couronne de feuillage que contourne une banderole sur laquelle on lit SPES MEA IN DÑO. [Mon espoir dans le Seigneur]. Au-dessous, se trouve l'inscription suivante :
DO : JO : JAMES : JUR : LAUREATUS
LEHONII : CO~MENDA : AC HUIUS
ECCLIE : THESAU : ET CANO : ETAT
XXXI ANNI : M : Vcc : VII. " (d'après Rhein 1910).
Je trancris maladroitement : Dominus ? Johannis James juris laureatus Lehonii commendatarius ac huius ecclesiae thesaurus et canonicus aetat 31 anni 1507.
Et je traduis :
"Maître Jean James, licencié en droit, [prieur] commendataire de [l'abbaye] de Léhon, et trésorier et chanoine de cette église [de Dol], âgé de 31 ans, 1507."
Ces médaillons sont typiquement florentins par la forme du bonnet carré porté par le chanoine, par la coupe de cheveux, la chemise courte ; chanoine séculier dont rien ne laisserait deviner l'état ecclésiastique si l'inscription ne le précisait pas.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile septembre 2018.
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2°) Médaillon du coté droit : François James.
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À droite, est placé le médaillon représentant François James, frère du précédent, avec l'inscription lue par Rhein ainsi:
M: FRANCISCV[S]..
JAMES : HVIVS : ECCL
SCOLASTICVS : AS : CA
CONDITORIS FRATER 1507." (Rhein 1910)
Transcription : Magister ? Franciscus James huius ecclesiae scholasticus as canonicus conditoris frater 1507.
Traduction : Maître François James scholastique et chanoine de cette église et frère [du précédent] 1507.
Maistre François James est donné comme propriétaire de la métairie de Villemain à Bagué-Morvan dans la Réformation de la noblesse de l'évêché de Dol en 1513 (tandis que feu maistre Thomas James évesque de Dol possédait la métairie du Clos à Carfantein, métairie sur laquelle il fonda son obit).
Ce neveu est mentionné dans une lettre adressée à l'évêque de Dol par Attavante à propos de son missel : :« A questi di èpassalo di qui M. Francesco, nipote ..., con una vostra lettera. — Aujourd'hui est passé ici messire François, neveu de ..., avec une lettre de vous, » par laquelle on priait Attavante de remettre à ce neveu le missel de l'évêque breton. Les points de suspension de l'édition sont faciles à remplir, au moins comme sens. C'est François James qui est allé à Florence vers 1483, chez Attavante, et il faut lire: « Messire François, neveu de l'évêque Thomas James, » ou mieux encore « neveu de l'évêque de Dol ».
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Cénotaphe (pierre calcaire, Jean Juste, 1507) de l'évêque de Dol Thomas James dans la cathédrale de Dol-de-Bretagne. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Conclusion.
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Le monument funéraire de l'évêque Thomas James à Dol-de-Bretagne doit être replacé dans la succession des monuments de ce type en France au XVe et XVIe siècle, comme ceux, d'influence gothiques du duc Jean de Berry à Bourges ou ceux des ducs de Bourgogne à la Chartreuse de Champmol pour évaluer l'influence de l'art italien de la fin du XVIe
Xenia Constabel a mené cette comparaison dans sa thèse, et elle confronte le Cénotaphe de Dol avec un ensemble de sept autres monuments relevant de la même influence :
"La période comprise entre 1494 et 1512 montre une multitude d'éléments «anciens» en sculpture funéraire introduits dans toute la France, bien que la majorité de la Renaissance les monuments ne furent pas installés avant le début du nouveau siècle. Au lieu d'assumer un succès prédéterminé de l'art de la Renaissance italienne par rapport à son prédécesseur gothique, il est donc nécessaire d'examiner l'impact de l'opportunité historique et géographique de sculpture «antique» sur l'art funéraire français. Sur un échantillon de dix-sept monuments subsistants mis en service, construits ou achevés entre 1494 et 1512, seuls huit monuments peuvent être distingués directement sous l'influence de l'italien réfléchi et engagé avec le discours sociopolitique, c'est-à-dire construits en Italie, utilisant des matériaux italiens, des ornements «anciens» ou de l'artisanat italien. Les huit monuments antiques ont été commandés par des patrons du plus haut ordre social: trois ont été commandés par Louis XII ou son épouse Anne de Bretagne; deux étaient commandés par des nobles notables; et trois par des membres de la noblesse ou du clergé.
-Les monuments commandés par le couple royal étaient le tombeau des ducs d'Orléans ; le monument de François II duc de Bretagne et son épouse à Nantes; et le monument de Charles Orland et Charles de France (les enfants décédés de Charles VIII et Anne de Bretagne) à Tours.
-Les tombeaux de Raoul de Lannoy (décédé en 1513) et de son épouse à Folleville, et de Louis de Blanchefort à Ferrières-en-Gâtinais, commandés par de grands nobles.
-Dans la dernière catégorie, il y a les tombeaux de Mgr Thomas James à Dol-de-Bretagne et de Mgr Guillaume Guéguen à Nantes.
On peut aussi compter les restes de l'enfeu de Claude de Saint-Marcel à Montbrison dans cette catégorie.
En examinant des exemples spécifiques de ces trois catégories de patron, ce chapitre suggère que les expéditions italiennes ont ouvert une fenêtre d'opportunités politiques et artistiques à la fois à la royauté et à la noblesse. Il propose qu'entre 1494 et 1512 des éléments «antiques» de la sculpture funéraire aient été choisis de manière active et délibérée par leurs clients pour utiliser, représenter et renforcer leurs intérêts professionnels et politiques en Italie." (X. Constabel)
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SOURCES ET LIENS.
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— AMIOT Patrick, 1986 Dol-de-Bretagne d'hier à aujourd'hui.
— BARDATI (Flaminia) & MOZZATI (Tomasso), Des collines florentines à Tours: Antoine Juste et sa famille.
— BARDATI (Flaminia) & MOZZATI (Tomasso), Jérôme Pacherot et Jean et Antoine Juste : artistes italiens à la cour de France, Studiolo 9, varia
— CONSTABEL (Carla Rebecca), 2014, Northern French Tomb Monuments in a Period of Crisis, c. 1477-1589 Thesis submitted for the degree of Doctor of Philosophy, :Department of the History of Art and Film University of Leicester
— GAUTIER (Toussaint) 1860, Cathédrale de Dol. Histoire de sa fondation, son état ancien et son état ...
— KERBEUZEC(Henri de) [abbé F. Duine] Le Tombeau de Thomas James dans la cathédrale de Dol, Rennes, Plihon et Hervé, 1895, In-18°, 40 pages. (non consulté)
— MONTAIGLON (Anatole de) 1875, ‘La famille des Justes en France [II]’, Gazette des beaux-arts, 12 (1875), pp. 515-526
— MONTAIGLON (Anatole de) 1876, --- ‘La famille des Justes en France [III]’, Gazette des beaux-arts, 13 (1876), pp. 552-568.
— MONTAIGLON (Anatole de) 1876, --- “La famille des Juste en France [IV].” Gazette des Beaux-Arts, 13 (1876), pp. 657-670.
— MURATORA ( Xenia), 2000 "The tomb of Bishop Thomas James in the cathedral of Dol: a monument of the Early Italian Renaissance in Gothic Brittany," England and the Continent in the Middle Ages: Studies in Memory of Andrew Martindale. Proceedings of the 1996 Harlaxton Symposium, Ed. John Mitchell and Matthew Moran, Stamford, 2000, pp 349-364
A quelle date les Juste arrivèrent-ils en France ? Il n'est pas très facile dire d'une façon exacte. Mais l'œuvre la plus ancienne à laquelle leur nom soit attaché est le tombeau de Thomas James, évêque de Dol.
Ce Thomas James était un de ces évoques dont nous avons parlé plus haut, que leurs fonctions avaient, dès le xve siècle, appelés au delà des monts, et qui avaient appris de bonne heure à connaître et à goûter l'art italien. Mais rien ne nous prouve que, relégué dans son évêché breton, il ait personnellement exercé une grande influence autour de lui sur le mouvement italianisant. [Note Nous savons qu'il avait commandé un missel au miniaturiste Altavante et qu'il l'envoya chercher par son neveu François James. (Cf. Leltere Pittoriclie, 1822, Milan, III, p. 328-9.) ]
Nous savons aussi qu'il se trouvait à Rome au moment où il fut nommé évêque de Léon, en 1478, et qu'il se fit faire à ce moment un sceau épiscopal par un artiste italien. Ce sceau représentait une Annonciation, sous un édicule de forme classique. (Cf. A- Ramé, Note sur le sceau de Thomas James, évêque de Léon et de Dol, Bull, archéol. du Comité des trav. historiques, 1882, p. 449-434, grav.) Il ne paraît même pas, ainsi que Commines, avoir songé lui- même à se préparer un tombeau selon ses goûts. Ce sont ses neveux, Jean et François James, les inscriptions du monument en font foi, qui se chargèrent de ce soin.
Ce tombeau de Dol a été signalé par Mérimée dès 1836 (Notes d'un voyage dans l'Ouest, 1836, p. 117). Il est très célèbre aujourd'hui et très souvent cité pour sa signification historique. Il est loin cependant d'être égal à sa réputation, au point de vue artistique.
Thomas James était mort en 1504 ; la date de 1507, plusieurs fois répétée sur le monument, fait supposer que le tombeau ne fut terminé qu'à cette époque. D'autre part, on lit sur le grand pilastre de gauche, entre le j^iédestal et le fût, cette inscription tracée en lettres gothiques très simplifiées : « Scelfe struxit opus magisler islud Jolies cujus cognomen est Justus et Florentinus. » Jean Juste serait donc, d'après cette inscription, l'auteur du tombeau de Dol. [1. D'après les dates citées tout à l'heure, celui-ci n'aurait eu que vingt ans en 1504 et l'on a supposé avec raison, semble-t-il, que cette inscription avait pu être ajoutée après coup lorsque Jean Juste eut atteint plus tard toute sa renommée. (Cf. Giraudet, Artistes tourangeaux, 229.) ]En réalité il avait dû être aidé par son frère aîné Antoine, arrivé sans doute en France en même temps que lui et que nous allons trouver immédiatement après occupé à des travaux importants à Gaillon.
C'est donc très vraisemblablement entre 1504 et 1507 qu'Antoine et Jean Juste apparurent pour la première fois en France, appelés par les neveux de Thomas James. Remarquons que cette date coïncide avec celle de presque toutes les grandes œuvres italiennes importées ou exécutées sur place, dix ou douze ans seulement, en général, après le retour de Charles VIII .
Ce monument ne fut-il pas, comme bien d'autres, apporté tout fait d'Italie ? Cela ne parait pas probable, surtout à cause de la matière dans laquelle il est taillé, matière qui n'est pas le marbre, mais une pierre tendre comme celle de la vallée de la Loire.
La composition du monument est ici absolument différente du type du tombeau français : elle comprend un petit édicule en forme de tabernacle adossé à l'italienne, celui-ci est couronné par un fronton et emboîté lui-même dans un second édicule de forme analogue surmonté d'un autre fronton. Tous les éléments décoratifs, pilastres, entablements, tympan, écoinçons, en sont assez mal agencés, et leur ensemble incohérent dénote une certaine inexpérience. Le tout est couvert à profusion de ces ornements qui commencent à être si fréquents, même en France : arabesques, rinceaux, dauphins accouplés, etc. ; les pilastres de l'intérieur surtout sont d'une finesse de ciselure remarquable et d'une virtuosité que n'avaient pas encore atteinte et que n'atteindront même jamais nos français italianisés ; les deux pilastres de l'extérieur rappellent vaguement ceux de l'encadrement de Solesmes, mais ils sont beaucoup plus grêles et plus classiques avec leurs médaillons, leurs vases, leurs satyres, etc.
Quant à la statue du personnage qui devait figurer dans cette espèce d'enfeu, elle a complètement disparu, toutefois les dimensions très restreintes de la place qui lui étaient réservée nous font supposer qu'elle devait être ou bien ridiculement étriquée, ou bien à demi couchée dans une pose contournée que l'on n'avait pas encore pu voir en France et qui n'entrera dans les habitudes que vers le milieu du xvie siècle '. Notons enfin, sur le devant du soubassement, dans des niches à coquilles, les traces de deux figures de Vertus, la Force et la Justice. Au fond de l'enfeu, deux anges volants en demi-relief; enfin sur les côtés du sarcophage, deux médaillons représentant les profils des deux frères James. Ces médaillons, d'une exécution un peu molle, sont d'un type purement italien : les quattrocentistes avaient réalisé sous cette forme des chefs-d'œuvre incomparables ; mais nous ne la trouverons reprise que très tard dans l'art français du milieu et de la fin du xvie siècle : les médaillons de Dol sont des œuvres isolées et qui resteront sans influence immédiate.
Donc si l'on met de côté quelques éléments très spéciaux à l'art italien qui ne s'acclimateront jamais en France, ou seulement beaucoup plus tard, ce qu'il faut retenir de cette œuvre nouvelle, c'est encore sa partie décorative, qui allait simplement augmenter la masse des documents livrés à l'activité de nos ornemanistes avides de revêtir la livrée italienne, en admettant même que ce monument ait pu exercer quelque influence, perdu comme il l'était au fond de sa Bretagne.[sic !]"
— WIKIPEDIA
Médaillon représentant Jean James, neveu de l'évêque Thomas James. Détail du tombeau de Thomas James en la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne (35).
Médaillon représentant François James, neveu de l'évêque Thomas James. Détail du tombeau de Thomas James en la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne (35).
— DEUFFIC (Jean-Luc), 2007, « Attavante degli Attavanti et le missel de Thomas James, évêque de Dol (+ 1504) » [archive], sur Pecia, le manuscrit médiéval.
La baie 116 (1228-1231) du transept sud de la cathédrale de Chartres : saints Christophore et Nicaise ; saint Denis remettant l'Oriflamme à Jean Clément du Mez.
L'ensemble de la vitrerie de la cathédrale montre une réelle unité formelle. Alors que les fenêtres basses qui ont conservé leurs vitraux d'origine sont toutes narratives et racontent les vies du Christ, de la Vierge et des saints dont les cycles comprennent de nombreuses scènes disposées suivant des compositionsgéométriques variées, les fenêtres hautes sont occupées par de grandes figures de saints présentés debout au-dessus d'un ou deux épisodes de leur vie, ou bien par trois ou quatre scènes hagiographiques superposées, d'une échelle assez ample pour être bien lisibles depuis le sol. Les représentations des corporations de métiers, surtout dans les fenêtres basses, et des seigneurs et ecclésiastiques, surtout dans les baies hautes, attestent des nombreuses donations dont la cathédrale a bénéficié. (Grodecki 1981, C. Lautier 2003)
Parmi les fenêtres hautes de la cathédrale, se remarque l'ensemble des 12 verrières figurées du transept (baies 115 à 120, 123 à 128) qui entourent les deux grandes roses des baies 121 et 122. L'ensemble des verrières est daté entre 1225 et 1235, sauf la baie 123 du dernier quart du 13e siècle.
Dans cet ensemble, les baies du coté nord, autour de la rose glorifiant la Vierge-Reine des Cieux et Sainte Anne, sont vouées à la Vie de la Vierge (à l'ouest) et aux Apôtres présentés deux par deux au dessus de prêtres donateurs.
Les fenêtres du coté sud du transept, tentent de répondre également à l'exigence de placer des couples de personnages, qui sont soit les apôtres Pierre et Paul, soit les prophètes (Osée et ?, Michée et Malachie), soit des saints associés car ils sont deux frères (Gervais et Protée, Côme et Damien, peut-être Crépin et Crépinien). Cette unité iconographique souffre d'exceptions, soit par notre incapacité à identifier les personnages, soit parce que d'autres principes s'appliquent, notamment la possession de reliques, et l'existence d'autels présents à proximité, comme l'a magistralement montréClaudine Lautier(figures 7 et 16).
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Les trois fenêtres hautes du coté oriental de la baie sud du transept : 116, 118 et 120.
Dans ce sous-ensemble du transept sud, découpons encore un groupe, dont l'unité vient de ce qu'il s'offre au regard du fidèle tourné vers le déambulatoire : les trois baies voisines 116, 118 et 120. Chaque baie renferme quatre grands personnages accouplés deux à deux, et deux donateurs plus petits.
La baie 116 montre, sous une rose où siège Jean-Baptiste, deux saints traditionnellement identifiés comme Christophe et Nicaise , ainsi que saint Denis remettant l'oriflamme à Jean Clément du Metz. Les donateurs sont le prêtre Geoffroy, et Jean Clément du Metz par ses armoiries.
La baie 118 montre sous une rose consacrée à la Vierge à l'Enfant les saints Gervais et Protais et Côme et Damien, le donateur étant encore un prêtre du nom proche de Geoffroi.
La baie 120 montre sous une rose consacrée à la Vierge à l'Enfant deux prophètes dont Osée, et le donateur Pierre Mauclerc.
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La baie 116.
C'est une verrière à 2 lancettes et une rose à 8 lobes et 16 ajours ; les lancettes mesurent 6,67 m de haut et 2,58 m de large, tandis que la rose mesure environ 4,50 m.
Réalisée en 1228-1231 (Grodecki) au moment même où le transept sud a été édifié, elle a été restaurée à la fin du 19e siècle, puis en 1920-1921 par Gaudin et enfin vers 2010 par l'atelier Peters à Paderborn (Allemagne).
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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La lancette a (à gauche): deux saints et un donateur, le prêtre Geoffroy.
Bordure bleue, rouge et blanche de losanges et de rosettes. Fond des dais rouge.
" Deux grandes figures : 1° Saint Christophe, en robe jaune foncé et en manteau bleu, tient un livre ; une inscription semi-grecque porte : s. XPOFOR ; 2° Saint Nicaise, en robe verte et manteau bleu, avec un livre ; on lit : S : NICHASIVS. Dans le bas, on voit le donateur du vitrail, le prêtre Geoffroi, Gaufridus, ou comme le porte l'inscription : IEFROI ; il est debout et joint les mains devant un autel chargé d'une grande croix bleue ; ses vêtements sacrés sont l’amict vert, l’aube blanche, la dalmatique jaune et la chasuble bleue."
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La demi-lancette gauche. Un saint prêtre ou moine nommé Christophore.
Ce personnage nimbé tient un livre dans la main gauche et tend un index d'argumentation avec son voisin. Il est tonsuré, la calotte rasée étant entourée d'une couronne de cheveux bruns.
Dans le sommet ogival du dais est inscrit en lettres capitales romaines les mots :
S+ P~FOR'
La première lettre est l'abréviation de Saint ou de Sanctus.
Le tilde (la barre horizontale) placée au dessus du P et du O témoigne d'une ou de plusieurs lettres absentes.
L'apostrophe qui suit le R est très vraisemblablement l'abréviation de la terminaison latine -us.
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L'hypothèse de lire ici S. X[ist]poforus est judicieuse, car cette forme, y compris celle Xpoforus, est bien attestée en paléographie, et trouve toujours sa signification en Christophorus, "Christophe". L'inscription indique donc avec une quasi certitude SANCTUS CHRISTOPHORUS, "Saint Christophe".
La difficulté vient du fait que le personnage ne correspond absolument pas à saint Christophe, dont l'iconographie a certes évolué, mais qui se caractérise par sa taille de géant, son bâton, et par l'enfant qu'il porte sur ses épaules.
Au contraire, le personnage est un saint (nimbe) moine (tonsure), et peut-être abbé fondateur d'un Ordre (livre, la Règle ?), bien que ce livre soit placé assez systématiquement entre les mains des saints des autres lancettes (saint Nicaise ou saint Denis ici, saints Côme et Damien, Gervais et Protais en baie 118).
Cette discordance a été remarquée par l'abbé Yves Delaporte dans Les Vitraux de la cathédrale de Chartres, 1926, page 442-443, cité par James Bugslag en note de sa page 492 :
"As with some of the other inscriped names accompanying saints and prophets in the transept clerestory glass, these do not unproblematically signal the identity of these figures. Delaporte has pointed out that the attributes and dress of the two saints are at variance with the inscribed names and suggested that the images might be composite. The problem has yet to be adressed systematically."
C. Lautier cite aussi l'avis de ces deux auteurs. Le site Wikipedia dédiée aux vitraux de la cathédrale indique "Gauche : 2 saints inconnus" dans sa description de la baie 116. Toutes les autres descriptions, y compris celle de Bulteau, celle de Grodecki, ou celle des Amis de la cathédrale (mécènes de la restauration de la baie) identifient le personnage avec saint Christophe.
Ce n'est pas moi qui donnerait, bien-sûr, la solution. J'ai tenté de voir si l'inscription pouvait être lue différemment, (Carpoforus), mais j'ai écarté cette hypothèse. J'ai envisagé qu'il puisse exister plusieurs saints Christophe, puisque le plus connu porte le nom de "saint Christophe de Lycie". C'est peut-être ma meilleure suggestion, puisqu'il existe effectivement six autres saints Christophe :
Christophe d'Antioche (iiie siècle), martyr à Antioche ; célébré localement le 9 mai.
Christophe de Nicomédie, († 303), compagnon de saint Georges ; célébré les 20 et 24 avril.
Christophe de Palestine (vie siècle), ou Christophe le Romain, moine ; célébré le 30 août.
Christophe de Cordoue († 852), avec Léovigild, si désireux de connaître le martyre qu'ils allèrent volontairement trouver leur juge Maure ; célébrés localement le 20 août
Christophe de Collesano (xe siècle), moine au mont Mercure en Lucanie ; célébré le 17 décembre.
Pour valider cette hypothèse, il faudrait que l'un d'entre eux figure à l'Ordinaire de Chartres, ou que son culte soit attesté dans le diocèse.
Saint Christophe de Romagnola présente l'intérêt d'avoir été franciscain ; il n'a pas le titre de saint, mais celui de bienheureux. Il mourut à Cahors où il avait été envoyé par saint François. Mais il est mort en 1272, après la date de réalisation du vitrail.
Par ailleurs, nous pouvons nous interroger sur la date de l'inscription. Elle occupe une place inhabituelle, puisque le nom des saint Nicaise, Côme et Damien figure en latin entre les pieds des grands personnages. A-t-elle été placée là à la suite d'une restauration, provient-elle d'une autre baie ?
Enfin, est-ce le personnage qui a été modifié ? Aucune modification minime ne pourrait transformé notre quidam en un gigantesque Christophe porteur du Christ. Néanmoins, la tête du moine aurait été modifiée.
Une information est donnée par l'atelier Peters, verrier qui a restauré la baie :
"La restauration de la fenêtre haute n° 116 de la cathédrale Notre-Dame de Chartres par les ateliers Peters à Paderborn La baie 116 a été datée de la première moitié du 13e siècle, entre 1228 et 1231. Il s’agit de deux baies géminées surmontées d’une rosace dans la claire-voie du transept sud. Chacune des deux baies représente deux personnages plus grands que nature, qui se font face. La rosace est composée d’un oculus central et de huit lobes entourés de douze quadrilobes plus petits. Dans la lancette A est représenté à gauche, un clerc tonsuré, et à droite, un personnage identifié comme saint Niçaise. Les deux personnages sont nimbés et portent un livre comme attribut. Au-dessus de la tête du clerc on peut lire l’inscription S.X[- IST]OFO- R[US], ce qui permet de l’identifier comme saint Christophore. Le lectionnaire de Chartres toutefois décrit ce personnage simplement comme un laïque barbu, de très grande taille, ce qui laisserait planer un doute."
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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La demi-lancette droite. Saint Nicaise.
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"Saint Nicaise, en robe verte et manteau bleu, avec un livre ; on lit : S : NICHASIVS." (Bulteau"
"Le personnage à droite est identifié par l’inscription S.NICHASIVS sous ses pieds. Les deux personnages se caractérisent par un corps étiré plus grand que nature ainsi que par leur attitude figée et peu naturelle. La partie inférieure de la baie est consacrée au prétendu donateur, un religieux, debout, qui lève ses deux mains jointes dans un geste de prière. En face de lui, une croix et un tissu blanc avec des franges dorées, identifié, semble-t-il, comme drap de naissance du Christ." (Peters)
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Bien que les auteurs prennent, à la suite du chanoine Yves Delaporte, l'identification de saint Nicaise avec des pincettes et des points d'interrogation, sa présence dans les vitraux de la cathédrale peut s'appuyer sur trois ordres de fait, d'ailleurs reliés : je cite ici Claudine Lautier.
a) La possession de reliques.
"Le reliquaire dit « des Maries », haut de onze pouces, était composé d'un « petit donjon antique, d'orfèvrerie à jour », portant un cylindre de cristal empli de trois groupes de reliques. Dans le premier paquet, l'authentique désignait le lait de la Vierge, le bois de la croix de saint Pierre, les os de saint Paul et de saint Barthélémy, ceux de saint Luc et de saint Marc, et une relique de sainte Marguerite. Si la plupart d'entre elles pouvaient être d'origine byzantine, toutes coïncident avec des saints représentés dans les vitraux. Dans le second paquet étaient les reliques de sainte Cécile et des saints Vincent, Nicaise, Germain de Paris, Eloi évêque de Noyon, Euverte évêque.
Parmi les reliques contenues dans le second paquet conservé dans le reliquaire des Trois Maries, seules celle de saint Vincent et celle de saint Nicaise peuvent être mises en rapport avec des saints figurés dans les vitraux. Le côté hétéroclite du rassemblement de ces reliques, sans doute issues de plusieurs reliquaires disparus à une époque indéterminée, ne permet aucune supposition sur leur provenance pas plus que sur la date de leur arrivée respective dans le trésor.
Le cas de saint Nicaise est plus troublant. Dans la lancette gauche de la baie 116, il est aux côtés de saint Christophe, du moins c'est ainsi que les inscriptions nomment les deux saints. Le chanoine Delaporte conteste l'identification des deux personnages, car il refuse de reconnaître en Christophe la figure du jeune homme tonsuré et imberbe désigné par l'inscription, et en Nicaise le personnage qui ne porte aucun attribut pontifical . Mais peut-être faut-il reconnaître en saint Nicaise non pas l'illustre évêque rémois, mais l'évangélisateur du Vexin et du pays de Meulan au IVe siècle, dont le prieuré Saint-Nicaise de l'île-de-Meulan, du diocèse de Chartres, conservait le corps . Les deux saints, curieusement associés dans une même lancette, ne bénéficient pas d'un culte très important d'après les ordinaires; une chapelle de la crypte était cependant dédiée à saint Christophe."
b) les textes liturgiques.
"Le premier ordinaire, bien connu, a sans doute été rédigé vers 1225- 1235, c'est-à-dire peu après que les chanoines eurent pris possession de leurs stalles dans le chœur, à un moment où les cérémonies pouvaient prendre toute leur ampleur dans une église pratiquement achevée. Le texte liturgique est bien structuré, car le temporal et le sanctoral sont séparés, et le parcours et l'organisation des processions sont clairement décrits. Il permet donc d'analyser la solennité que l'on donnait aux fêtes de l'année liturgique ou à celles des saints du calendrier chartrain. L'importance relative de ces dernières est révélée par le nombre de « leçons » lues le jour de la fête du saint, racontant sa vie et ses mérites : une simple mémoire, trois leçons ou neuf leçons. L'autre texte est aussi un ordinaire rédigé entre 1152 et 1173, analysé par Delaporte dans la publication de l'ordinaire du XIIIe siècle, et dont il tire de son incipit le nom de Veridicus.
Saint Nicaise bénéficiait de trois leçons au jour de sa fête le 11 octobre, tandis que saint Christophe n'avait droit qu'à une simple mémoire le 25 juillet."
c) les possessions et dépendances.
"Aux nombreux établissements du diocèse de Chartres dédiés à la Vierge ou à la Trinité s'ajoutaient des fondations dont les vocables trouvent en quelque sorte un relais dans le décor monumental de la cathédrale, en particulier dans les vitraux.
Parmi les prieurés bénédictins importants figurait Saint-Nicaise sur l'île de Meulan, qui dépendait du diocèse de Chartres, alors que la ville était du diocèse de Rouen. Donné en 1095-1098 à l'abbaye normande du Bec, le prieuré conservait le corps de Nicaise, évangélisateur du Vexin et du pays de Meulan. Il était favorisé par les évêques de Chartres, et c'est son saint patron qui est représenté dans la baie 116 du transept de la cathédrale . L'abbaye Saint-Denis de Nogent-le-Rotrou, fondée vers 1028- 103 par Geoffroy III, vicomte de Châteaudun, devint prieuré clunisien en 1090 et richement dotée, ce qui lui permit de fonder par la suite de nouveaux prieurés. Saint Denis, dont le trésor conservait une relique, était représenté plus d'une fois dans la vitrerie de la cathédrale." (C. Lautier)
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Nous aurions donc ici la représentation de saint Nicaise, apôtre et martyr du Vexin avec ses compagnons Quirin et Scuvicule, mais placé ensuite à la tête de la liste des évêques de Rouen et inscrit à ce titre dans tous les martyrologes et calendriers liturgiques normands. Notons qu'il est présenté dans la Passio Nigasii comme un compagnon de saint Denis (Louis Violette).
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Le registre inférieur : le donateur.
À droite, le donateur le prêtre Geoffroy.
La partie inférieure de la baie est consacrée au donateur, un prêtre, debout, qui lève ses deux mains jointes dans un geste de prière. La description de Bulteau est très précise : "Dans le bas, on voit le donateur du vitrail, le prêtre Geoffroi, Gaufridus, ou comme le porte l'inscription : IEFROI ; il est debout et joint les mains devant un autel chargé d'une grande croix bleue ; ses vêtements sacrés sont l’amict vert, l’aube blanche, la dalmatique jaune et la chasuble bleue." Ajoutons que ce prêtre en habit de célébrant est tonsuré.
Bulteau assimile IEFR / OI à Gaufridus, un père de famille qui apparaît en donateur avec son épouse et ses enfants sur la baie 101 de l'abside du chœur, portant peut-être la besace des pèlerins de Compostelle. Il s'agit du chevalier (miles) Geoffroy de Dillonvilliers de Gallardon, Eremburge, sa femme, et Raoul, leur fils aîné, qui apparaissent dans le capitulaire chartrain en 1210 et 1212 : Le cartulaire de Notre-Dame-de-Chartres de mars 1210 mentionne Gaufridus de Galardone :
Geoffroy de Gallardon, Eremburge, sa femme, et Raoul, leur fils aîné, vendirent au Chapitre, pour 140 livres chartraines, tout ce qu'ils possédaient de cens et de surcens dans la Banlieue de Chartres. . ( cf. concernant le nom, l'abbaye de Bonneval à Gallardon, non loin de Chartres).
On trouve aussi cette famille, portant les coquilles de pèlerinage, comme donatrice de la baie 136 sous saint Jacques.
Néanmoins, Gaufridus est ici le prénom du donateur, et non un nom de famille.
Le manuscrit Chartres ms 330 de le 2ème moitié du XIIIe siècle provenant du chapitre de la cathédrale, mentionne Gaufridus de Trano, auteur de Summa super titulis Decretalium.
Cette assimilation ou ce rapprochement du prêtre [G]IEFROI avec le donateur Gaufridus des baies 101 et 136 n'est donc pas licite. Ce clerc ne peut être identifié. Mais c'est très vraisemblablement le donateur de la baie 118, très similaire et accompagné de l'inscription tronquée IEF / OI.
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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En face de lui, un autel recouvert d'un drap blanc frangé supporte une croix bleue pattée. Des médaillons à quatrefeuilles sont accrochés aux branches de la croix.
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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La restauration par l'atelier Peters de Paderborn (Allemagne).
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La baie a avant et après restauration, source et copyright Glasmalerei Peters GmbH Am Hilligenbusch 23 - 27 D - 33098 Paderborn
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La lancette b (à droite): saint Denis et Jean Clément du Mez et un donateur, le prêtre Geoffroy.
Comme la précédente, et les lancettes de la baie 118, elle est divisée en deux registres, le plus grand accueillant deux personnages plus grands que nature, dans des dais, et, au dessous, le plus petit destiné à témoigner d'une donation. Mais ici, les deux personnages ne sont pas séparés mais participent à une action commune : la remise d'un oriflamme. L'un des deux, seul à être nimbé, domine légèrement l'autre. De plus, le fond n'est pas homogène, mais bleu à gauche et rouge à droite : ils n'appartiennent pas au même espace coloré.
" Deux grandes figures: 1° Saint Denis, en habits pontificaux, donne l’oriflamme à Henry Clément, dit le Petit-Maréchal ; 2° Henry Clément est vêtu d’une cotte de mailles d’or et d’un surtout bleu blasonné. Dans le bas, se voient les armoiries de Henry Clément entre deux chandeliers." (Bulteau)
"La lancette B montre deux personnages debout également, à gauche, saint Denis qui donne l’oriflamme à Jean Clément. L’inscription S. DIONISIVS ainsi que la mitre qu’il porte, le nimbe et le livre dans la main gauche permettent son identification. Le personnage à droite porte un vêtement militaire avec, sur la poitrine, le blason de la famille Clément. Cette figure héraldique est représentée de nouveau dans la partie inférieure de la lancette. Cette lancette se distingue par rapport à la lancette A en particulier par un léger déhanchement des personnages, ainsi que par une bordure à rinceaux floraux et une composition harmonieuse." (Peters)
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Roger de Gaignières avait fait relever le dessin de cette baie, ce qui en atteste la véracité au fil du temps :
Dessin de la baie 116 relevé par Robert de Gaignières au XVIIe siècle.
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Hémi-lancette à gauche : saint Denis remettant l'oriflamme.
Saint Denis, — identifié par l'inscription S. DIONISIVS ainsi que par la mitre qu’il porte, le nimbe et le livre dans la main gauche — , tient la hampe d'une lance où est fixé par trois rubans verts un drapeau. Celui-ci est rouge, à cinq bandes se terminant en pointes, et garnies de houppes blanches à forme d'olive : c'est l'Oriflamme de l'abbaye de Saint-Denis. Les pièces blanches figurent peut-être l'or de cet étendard (oriflamme = aureo flamma, flamme d'or). Ce vitrail donne la (l''une des) plus ancienne illustration de l'Oriflamme.
Or, cet Oriflamme, Vexillum beati Dionysii, conservé à Saint-Denis était, au Moyen-Âge, l'étendard du roi de France en temps de guerre. Louis VII s'en était saisi en 1147 pour la Deuxième Croisade, et Philippe-Auguste en 1190 pour la Troisième Croisade et en 1214 à Bouvines. On le nommait l'oriflamme du roi, l'oriflamme de France, et il témoignait de la protection divine dont bénéficiait le royaume.
L'étendard de Saint-Denis fait son apparition dans l'histoire en 1124. En juillet de cette année, l'empereur Henri V décide de faire la guerre au roi de France Louis VI. Celui-ci lève en hâte une armée. Rassemblée à Reims, l'armée française fait une telle impression qu'à la mi-août les troupes germaniques rebroussent chemin sans livrer bataille.
C'est à ce moment, d'après Suger, que Louis VI apprend que « saint Denis est le patron spécial et, après Dieu, le protecteur sans pareil du royaume ». Le roi se rend donc à l'abbaye et prend sur l'autel l'étendard (vexillium), « appartenant au comté de Vexin, au titre duquel il se trouve feudataire de l'église ; il le prend conformément à son vœu comme de la main de son seigneur », puis part vers le point de ralliement de l'armée. Le nouvel étendard vient comme en remplacement de celui que Louis VI avait perdu, en même temps que son cheval, le 20 août 1119, lors de la défaite de Brémule infligée par les Normands.
C'est en tant que comte de Vexin que le roi lève l'étendard de Saint-Denis. Le roi possède ce comté depuis 1077, quand le dernier titulaire, Simon, pour se faire moine, l'a remis à son suzerain. (D'après Wikipédia)
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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Hémi-lancette de droite : Jean Clément du Mez.
Ce chevalier est identifié par les armoiries de son tabard : d'azur à la croix recercelée (ancrée avec étirement des extrémités) d'argent, à la cotice de gueules brochant en bande.
Ce sont les armes de la branche cadette de la famille Clément, seigneur du Mez (Dordives, Loiret) et d'Argentan (Orne). Cette famille obtint le titre de maréchal de France durant le XII et le XIIIe siècle.
James Bugslag identifie ce personnage comme étant Jean III Clément du Mez.
-Jean Clément III , seigneur du Mez et d’Argentan, croisé avec Louis IX et fait prisonnier avec lui en 1249, Maréchal de France à 17 ans, dès 1225, décéda le 17/03/1261
-Son père, Henri Ier Clément (1170-1214), avait été élevé au rang de maréchal vers 1204 par le roi Philippe-Auguste pour sa participation à la conquête de la Normandie, de l’Anjou, de la Touraine ; pour ses exploits militaires Henri Clément reçoit en récompense le château d’Argentan en 1207 (château royal des Plantagenets en France) puis le château de Parthenay en 1208.
Celui-ci, le "Petit Maréchal", s'était illustré à la bataille de Bouvines.
-Son grand-père Robert III Clément + 1181/82 seigneur du Mez (77, Gâtinais), succède à son frère Aubri, désigné par Louis VII comme conseiller et Gouverneur du Prince Royal Philippe (futur Philippe II «Auguste» (~1168), quasi Régent pendant la jeunesse du Roi, conseiller et ministre.
-Son frère Eudes Clément du Mez mort le 05/05/1248 fut Abbé de Saint-Denis (1228) puis Archevêque de Rouen . Il reconstruit la vieille abbatiale de Suger dès 1231.
- Son troisième fils Jean Clément devint chanoine de Chartres.
L'identification du personnage comme étant Jean, et non Henri comme le propose Bulteau, est cohérente avec la présence de saint Jean-Baptiste dans l'oculus.
Jean du Mez ou ses ancêtres, ont-ils rempli la fonction de porte-oriflamme ? La bannière de Saint-Denis était présente à Bouvines, avec l'avant-garde qui avait franchi le pont de Bouvines le 27 juillet. Et on sait aussi de Henri Ier s'illustra dans cette bataille : "Henri Clément bloque l’armée du roi d’Angleterre à la Roche aux Moines avec le prince Louis, futur Louis VIII."
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Bugslag souligne que ce vitrail est le seul exemple du début du XIIIe siècle où un chevalier est peint dans le registre principal, au même niveau qu'un saint, et non dans le registre des donateurs. Les exemples de représentation de saint remettant une bannière à un chef militaire sont rares dans l'art médiéval. Un dessin conservé au Vatican a recopié des mosaïques où saint Pierr remet la bannière de Rome à Charlemagne et son étole au pape Léon III. Un ducat d'or du doge Andreas Dandolo (1343-1354) montre saint Marc remettant son drapeau au doge.
Grodecki a remarqué la ressemblance entre cette figure de Jean Clément de Mez et un chevalier sculpté sur le portail de gauche du porche du transept sud : ce dernier est vêtu d'un surcot sur une armure alors démodée, il porte une lance où un étendard est enroulé, il avance la jambe gauche.
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Figure accompagnant l'article de James Bugslag. Droits réservés.
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On remarquera aussi que le toit du dais est remplacé par un bâtiment, qui pourrait correspondre à l'abbaye de Saint-Denis.
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Enfin, puisque l'oriflamme est lié à l'origine aux comtes du Vexin, on se rappellera que, dans la baie a, saint Nicaise était évangélisateur du Véxin.
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En définitive, qu'il s'agisse ici de Henri Ier Clément ou de son fils Jean III, le vitrail montre la remise de l'oriflamme par Saint Denis au Maréchal du roi de France et rappelle le rôle illustre de Henri Ier à Bouvines. Il honore, de manière exceptionnelle, cette famille Clément du Mez, mais à travers elle, c'est sans-doute le pouvoir royal qui affirme son autorité et son élection divine, soit l'alliance de la monarchie et de la religion.
Si on accepte la datation proposée par Grodecki (1228-1231), elle correspond au règne de Saint Louis, couronné à 12 ans en 1226, et à la régence de Blanche de Castille jusqu'en 1235.
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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La restauration par l'atelier Peters de Paderborn.
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La lancette b avant et après restauration. Source et copyright Glasmalerei Peters GmbH Am Hilligenbusch 23 - 27 D - 33098 Paderborn
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La tête de Jean Clément avant restauration. Source et copyright Glasmalerei Peters GmbH Am Hilligenbusch 23 - 27 D - 33098 Paderborn
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Jean Clément après restauration.Source et copyright Glasmalerei Peters GmbH Am Hilligenbusch 23 - 27 D - 33098 Paderborn
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La rose sommitale à 8 lobes et 16 ajours.
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"Dans la rose, saint Jean-Baptiste, en tunique de peau verte et en manteau bistré, tient l’Agneau divin, et dit : Ecce Agnus Dei. Un pétale contient les armes de Henry Clément, d’azur à la croix ancrée d’argent et à la bande de gueules brochant sur le tout." (Bulteau)
"La rosace est composée d’un oculus central et de huit lobes entourés de douze quadrilobes plus petits.
"La rosace, placée au-dessus des deux lancettes au milieu de leur amortissement, montre un Jean-Baptiste barbu, nimbé de rouge, vêtu d’une peau de chameau et portant sur son bras gauche l’Agneau de Dieu. Il est entouré de différents éléments floraux, et dans le lobe inférieur, du blason de la famille Clément. Les motifs d‘ornementation utilisés dans cette partie de la baie se distinguent de nouveau par rapport aux deux lancettes, et semblent conçus comme le lien entre les deux. En particulier, on y retrouve les rinceaux de vigne, les fleurs quadrilobées et les hachures en croix, motifs déjà rencontrés dans les deux lancettes. On relève des parallélismes dans la représentation figurative des personnages, p.ex. en ce qui concerne les plis des vêtements, et les premières tentatives d’une individualisation des personnages. Au total, cette baie comporte 117 panneaux de dimensions les plus variées." (Peters)
Par ses armoiries, elle appartient au même programme que la lancette b.
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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La baie 116 du transept sud de la cathédrale de Chartres. Photographie lavieb-aile juillet 2018.
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CONCLUSIONS.
Les satisfactions esthétiques et intellectuelles suscitées par l'étude de cette baie sont multiples, non sans réserver un bon nombre d'énigmes excitantes.
Etude de la technique de la peinture sur verre au XIIIe siècle : choix des couleurs, découpe, peinture à la grisaille.
Étude des techniques de restauration.
Réflexion sur le rôle des donateurs : simples payeurs, ou participant au choix du sujet ?
Identité des donateurs : ici, le prêtre Geoffroi (un chanoine de Chartres ?) et un chevalier.
Etude de l'héraldique dans la cathédrale.
Présence de l'influence des Croisades.
Affirmation des pouvoirs religieux dans le choix iconographie. Saint Nicaise témoigne du pouvoir du chapitre cathédrale, possesseur de reliques et du prieuré de Saint-Nicaise dans le Véxin.
Affirmation du pouvoir politique et royal par la représentation de saint Denis remettant l'Oriflamme au Maréchal de France, alors Jean Clément du Mez.
— BUGSLAG (James), 1998, « Ideology and Iconography in Chartres Cathedral Jean Clément and the Oriflamme », Zeitschrifi fur Kunstgeschichte, 61/4, 1998, p. 491-508.
https://www.jstor.org/stable/1482940
— BULTEAU (abbé Marcel Joseph) 1887 Monographie de la cathédrale de Chartres. Par l'abbé Bulteau ... Deuxième édition, revue et augmentée. Tome 3 par Société Archéologique d'Eure-et-Loir (Chartres) page 236
— KURMANN-SCHWARZ (Brigitte), 1996, Récits, programme, commanditaires, concepteurs, donateurs : publications récentes sur l'iconographie des vitraux de la cathédrale de Chartres Bulletin Monumental Année 1996 154-1 pp. 55-71
— LAUTIER (Claudine), 2003, . Les vitraux de la cathédrale de Chartres. Reliques et images. In: Bulletin Monumental, tome 161, n°1, année 2003. Les vitraux de la cathédrale de Chartres. Reliques et images. pp. 3-1; doi : https://doi.org/10.3406/bulmo.2003.1180 https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_2003_num_161_1_1180
— LAUTIER (Claudine ), 2011, Restaurations récentes à la cathédrale de Chartres et nouvelles recherches , Bulletin Monumental Année 2011 169-1 pp. 3-11 Fait partie d'un numéro thématique : La cathédrale de Chartres. Restaurations récentes et nouvelles recherches.
La campagne de restaurations 2006-2010 La restauration récente a été répartie entre six ateliers, travaillant parfois en collaboration.
Atelier Vitrail-France (Le Mans) : baie 100, avec l’atelier I. Baudoin-Louw (2006) ; baies 103 et 105 (2008) ; baie 106 (2009-2010) ; baie 122, rose sud et 5 lancettes (2008-2009). Atelier Petit-Babet (Chenonville) : baie 101 (2006) ; baie 108 (2010) ; baies 111, 113 et 114, avec l’atelier Lorin (Chartres) (2009-2010). Atelier Lorin (Chartres) : baie 102 (2006). Atelier Pinto (Tusson) : baie 107 (2007- 2008), baie 109 (2009). Atelier Debitus (Tours), avec les ateliers Geronazzo (Paris) et Leliepvre (Domfronten-Champagne) : baies 110 et 112 (2009-2010).
."Ils ont effectué les nettoyages, la suppression des produits de corrosion, celle d’un certain nombre de plombs de casse et leur remplacement tantôt par des collages et tantôt par de fins rubans de cuivre (dits « Tiffany »), la consolidation des soudures, mais aussi la remise en plombs partielle de nombreux panneaux des lancettes sous la rose sud. Dans certaines baies, l’entourage des panneaux a été consolidé par de minces cadres en laiton soudés aux plombs d’entourage, ce qui limitera d’éventuelles déformations. Tous les vitraux ont également été protégés par des verrières de doublage. Celles-ci, réalisées selon un procédé de thermoformage de plaques de verres sur empreinte des panneaux anciens 22, ont été montées sur des armatures neuves posées à quelques centimètres à l’arrière des armatures anciennes portant les panneaux de vitraux. De minces aérations ont été ménagées pour permettre la circulation d’air, par l’intérieur du monument, entre le vitrail ancien et la verrière de doublage. L’efficacité de ces protections a été prouvée par maintes études menées dans le cadre de programmes européens auxquels a participé le Laboratoire de recherche des monuments .historiques. Elles isolent les vitraux anciens des pluies chargées de substances corrosives et empêchent la condensation sur la face interne. Or cette dernière fragilise la peinture à la grisaille et la rend pulvérulente ou lacunaire. Ainsi protégés, les vitraux conserveront longtemps leur luminosité et leur lisibilité, et leur peinture à la grisaille sera sauvegardée."
— PETERS (Atelier Peters à Paderborn, Allemagne) : La restauration de la fenêtre haute n° 116 de la cathédrale Notre-Dame de Chartres par les ateliers Peters à Paderborn
" La baie 116 a été datée de la première moitié du 13e siècle, entre 1228 et 1231. Il s’agit de deux baies géminées surmontées d’une rosace dans la claire-voie du transept sud. Chacune des deux baies représente deux personnages plus grands que nature, qui se font face. La rosace est composée d’un oculus central et de huit lobes entourés de douze quadrilobes plus petits. Dans la lancette A est représenté à gauche, un clerc tonsuré, et à droite, un personnage identifié comme saint Niçaise. Les deux personnages sont nimbés et portent un livre comme attribut. Au-dessus de la tête du clerc on peut lire l’inscription S.X[- IST]OFO- R[US], ce qui permet de l’identifier comme saint Christophore. Le lectionnaire de Chartres toutefois décrit ce personnage simplement comme un laïque barbu, de très grande taille, ce qui laisserait planer un doute. Le personnage à droite est identifié par l’inscription S.NICHASIVS sous ses pieds. Les deux personnages se caractérisent par un corps étiré plus grand que nature ainsi que par leur attitude figée et peu naturelle. La partie inférieure de la baie est consacrée au prétendu donateur, un religieux, debout, qui lève ses deux mains jointes dans un geste de prière. En face de lui, une croix et un tissu blanc avec des franges dorées, identifié, semble-t-il, comme drap de naissance du Christ.
La lancette B montre deux personnages debout également, à gauche, saint Denis qui donne l’oriflamme à Jean Clément. L’inscription S. DIONISIVS ainsi que la mitre qu’il porte, le nimbe et le livre dans la main gauche permettent son identification. Le personnage à droite porte un vêtement militaire avec, sur la poitrine, le blason de la famille Clément. Cette figure héraldique est représentée de nouveau dans la partie inférieure de la lancette. Cette lancette se distingue par rapport à la lancette A en particulier par un léger déhanchement des personnages, ainsi que par une bordure à rinceaux floraux et une composition harmonieuse.
La rosace, placée au-dessus des deux lancettes au milieu de leur amortissement, montre un Jean-Baptiste barbu, nimbé de rouge, vêtu d’une peau de chameau et portant sur son bras gauche l’Agneau de Dieu. Il est entouré de différents éléments floraux, et dans le lobe inférieur, du blason de la famille Clément. Les motifs d‘ornementation utilisés dans cette partie de la baie se distinguent de nouveau par rapport aux deux lancettes, et semblent conçus comme le lien entre les deux. En particulier, on y retrouve les rinceaux de vigne, les fleurs quadrilobées et les hachures en croix, motifs déjà rencontrés dans les deux lancettes. On relève des parallélismes dans la représentation figurative des personnages, p.ex. en ce qui concerne les plis des vêtements, et les premières tentatives d’une individualisation des personnages. Au total, cette baie comporte 117 panneaux de dimensions les plus variées.
Après leur démontage et leur transport à Paderborn, les différents panneaux de la baie furent photographiés dans le studio des Ateliers Peters, en vue de leur documentation détaillée. Ces photographies servirent ensuite de base pour la cartographie digitale relevant les désordres constatés dans la plombure, dans la substance des verres et la peinture. Les Ateliers Peters utilisent des programmes d’ordinateurs spécifiques pour réaliser cette cartographie, afin d’assurer une précision maximale et afin de permettre une diffusion et une démultiplication de l’information sans perte de qualité. Sur un panneau fut réalisé, à titre de documentation, un scannage 3D à lumière blanche. C’est en coopération avec l’université de Bamberg que cet appareil a été testé pour réaliser des analyses topographiques des surfaces des verres, dans le but d’obtenir des informations détaillées concernant l’enlèvement des couches de salissures et de corrosion, et afin de rendre de nouveau visibles le cas échéant, des traces de peintures perdues. Lors du nettoyage des panneaux, le L.R.M.H. (Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques) a accompagné l’analyse des différentes couches de corrosion et leur composition. A la suite des ces analyses, fut déterminée et soumise au propriétaire et à l’architecte en chef des Monuments historiques, une méthodologie de restauration. La surface intérieure fut traitée dans un premier temps par une aspersion partielle d’un mélange de 70% d’éthanol et d’eau. Cette aspersion fut répétée par deux fois, pour éliminer des micro-organismes encore actifs, ainsi que des spores qui pourraient le redevenir. Ensuite fut procédé à un nettoyage contrôlé au pinceau sous microscope. En parallèle, il importait de refixer des couches de peintures fragilisées au moyen d’un acrylate.Des couches de peintures qui se soulevaient furent légèrement chauffées et refixées au moyen d’une spatule thermique. Afin de traiter la surface extérieure très fortement corrodée et obscurcie par des produits de corrosion, les Ateliers Peters ont utilisé un procédé différent de ceux plus classiques et légèrement agressifs. C’est en raison de la composition des produits de corrosion que ce procédé de l’utilisation d’un échangeur d’ions CO2 fut rendu possible: il permet de transformer les couches de corrosion en un produit facilement soluble que l’on peut ensuite éliminer simplement avec des spatules en plastique. L’avantage de cette méthode réside dans le fait que l’échangeur d’ions ne laisse sur le verre historique aucune trace de produit agressif pour le verre et que le processus d’échange d’ions est stoppé directement après élimination des couches de salissures. Il s’agit d’une résine qui est appliquée sur la surface dans l’état solide et qui est ensuite activée par de l’eau distillée, ce qui permet un contrôle précis de l’opération, contrairement aux autres produits, comme l’E.D.T.A. dont l’utilisation peut laisser des traces sur le verre qui peuvent ensuite être réactivées par l’eau de condensation et devenir sources de nouveaux désordres. Ce procédé d’échange d’ions utilisé par les Ateliers Peters est dépourvu de tout risque et en ce sens offre les meilleures garanties dans le cadre des monuments historiques. Cette méthode s’est avérée au cours des tests comme la plus fiables entre toutes, et une dernière fine couche de corrosion, servant de protection, fut laissée sur le verre afin de ne pas attaquer la couche inférieure de gel. La réinstallation de la baie 116 a été réalisée entre le 19 et le 25 janvier 2013, en l’absence de masticage des panneaux, car le vitrail sera désormais placé devant un vitrage de protection extérieure, assurant l’étanchéité, avec prise d’air par l’intérieur de l’édifice, dans des conditions quasi identiques à une conservation en musée." Traduction : Félicité Schuler-Lagier
Glasmalerei Peters GmbH Am Hilligenbusch 23 - 27 D - 33098 Paderborn
— SAMZUN (Philippe), 2016, Tours protège les vitraux de Chartres, La Nouvelle République, article du
"Tours, rue de la Bourde. Sur la table de travail de l'atelier Debitus, une belle tête de clerc, reconnaissable à sa tonsure. Une tête « récente » car elle date vraisemblablement du XVI esiècle alors que le reste du vitrail remonte au XIII e. Ce vitrail, il provient de la cathédrale de Chartres et se trouve depuis des mois entre les mains expertes de Laurence Cuzange et Nicolas Babouin. L'un et l'autre ont repris, il y a deux ans, l'atelier d'Hervé Debitus. Un maître d'art qui – pour protéger les vitraux de la cathédrale de Tours – a mis au point un dispositif de protection des verrières particulièrement innovant.
Une protection ad vitam aeternam
« Un vitrail se salit de l'intérieur parce qu'autrefois, les cierges dégageaient beaucoup de suie. Il s'altère aussi de l'extérieur à cause des pluies acides et autres formes de pollution »,explique Laurence Cuzange. En Angleterre, c'est dès la fin du XIX esiècle qu'on a pensé à mettre en place une structure métallique vitrée pour protéger ces fragiles livres d'histoire et de foi que sont les vitraux « mais ça se voyait, ça brillait, ça n'était pas esthétique ». Le brevet déposé par Hervé Debitus s'appuie sur une technique différente : « Il s'agit d'une sorte de double vitrage qui n'adhère pas au vitrail pour permettre un flux d'air et éviter la condensation. Sur cette nouvelle surface vitrée, on reconstitue les dessins délimités par les plombs ainsi que les grandes tendances colorées. « La cuisson donne une patine à ce verre neuf. Cela permet de disposer de " légères vibrations colorées ". La lumière continue de passer mais le vitrail est protégé. » Actuellement, la protection des vitraux constitue le gros de l'activité de l'atelier Debitus « mais la technique n'est mise en œuvre qu'au moment où le vitrail est dans l'atelier afin d'y être restauré ». Une œuvre de longue haleine. Restaurer un vitrail, c'est un an de travail pour deux artisans : « On est à pied d'œuvre depuis deux ans sur la baie 116 de la cathédrale de Chartres. Auparavant, on a restauré la 110 mais nous sommes également intervenus sur Bourges, la Sainte-Chapelle et, actuellement, Reims. » Un vitrail du XIII esiècle, c'est 45 m 2de verre coloré : « Il s'agit toujours de commandes d'État qui portent sur de grosses opérations réparties en lots. Ainsi, pour la commande actuelle, on partage le travail avec un atelier de la Sarthe. Au total, huit ont été mobilisés pour restaurer huit fenêtres »… avec la satisfaction de savoir qu'une fois la protection inventée par Hervé Debitus mise en place, l'œuvre sera éternellement protégée.
Philippe Samzun, La Nouvelle République, Indre-et-Loire, Publié le 24/01/2016 à 05:45