Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Saint Corentin assis (vers 1530), et divers fragments (XVe et XVIe siècles).
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L'évêché de Quimper conserve, dans la chapelle privée de l'évêque au premier étage, et répartis sur deux baies, deux ensembles de fragments de vitraux anciens. Ils ont été remontés en 1914, mais étaient signalés dans les collections de l'évêché avant 1907 , date de son transfert depuis l'ancien palais de Rohan (aujourd'hui occupé par le Musée départemental breton) vers la rue de Rosmadec. La restauration et le remontage de ces fragments sont signés de Fernand Rosey, peintre verrier parisien, et de son successeur Rabion.
Je remercie Monsieur Yann Celton , archiviste et bibliothécaire diocésain de Quimper et Léon, qui m'a permis de découvrir et de photographier ces vitraux.
Je m'inspire, souvent littéralement, de la description donnée par Gatouillat et Hérold pour le Corpus Vitrearum en 2005.
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I. DEUX SCÈNES DE LA VIE DE SAINT YVES (vers 1510-1515 et 1914).
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La baie B, la plus à droite est rectangulaire et mesure 1,80 m et 1,20 m de large. Dans la vitrerie en verre cathédrale avec filet coloré et double ogive en haut, sont insérés deux scènes de la vie de saint Yves en forme d'ajours provenant de l'église Saint-Mathieu, peintes sur fond rouge vers 1510-1515.
Voir Paul Peyron, Bull. SAF 1893 pour la datation, et Jean-Marie Abrall, Bull. SAF 1893 pour la description des vitraux de Saint-Mathieu. "Une fenêtre du fond du bas-coté nord, timbrée aux armes des L'Honoré conservait quelques éléments figurés, un saint solitaire (Fiacre) avec 2 personnages agenouillés, et 2 scènes de la vie de saint Yves avec une longue inscription."
Voir mon article sur la description des vitraux de Saint-Mathieu :
Les illustrations hagiographiques de saint Yves, hormis le fameux Saint Yves entre le Riche et le Pauvre, sont rares.
La base Mandragore de la BNF ne propose qu'une image issue du Bréviaire de Charles V par Jean le Noir (1334-1370, Latin1052 f. 378).
La base Enluminures en propose quatre ; mais aucune n'illustre un épisode de sa vie.
Cette recension échappe au sommaire de Saint Yves et les Bretons (1303-2003) de Cassard et coll.
La Vita b. Yvonis, Latin 17008 folios142 bis v°-145, de Pierre de Dinteville qui a fondé à Orléans en 1357 une chapelle Saint-Yves n'est pas illustrée.
La baie 7 de Moncontour, datant de 1537, est construite sur une succession d'épisodes narratifs, mais ce miracle n'est pas figuré.
Les bases scripturaires reposent essentiellement sur le dossier de canonisation, repris par Albert le Grand. Plusieurs épisodes sont décrits dans lesquels Yves donne aux pauvres son habit, et notamment son chaperon.
"Yves Menguy, de la paroisse de Louannec, dont saint Yves fut recteur, témoin 35, raconte une scène qu’il n’a jamais oubliée : « Chaque fois qu’il voyait un pauvre du Christ dans le besoin, il lui faisait cadeau d’un de ces vêtements-là. Il arriva un jour que voulant acheter un habit pour ma femme je dis à dom Yves : « Messire, j’ai l’intention de me rendre à Lannion acheter un habit pour ma femme ». « Achète-moi de l’étoffe, me dit alors dom Yves, de la même que d’habitude, pour me faire une cotte et un chaperon ». Ce que je fis. Comme on avait confectionné dans la maison de dom Yves la cotte et le chaperon, le tailleur lui dit : « Messire, voyez si cette cotte est bien faite ». Tandis qu’il voulait essayer la cotte, il regarda du côté de la porte et vit un pauvre sans vêtement et dans une très grande détresse. Sur le champ il le héla : « Enfile cette cotte, et vois si elle te va bien ». « Messire, lui dit le pauvre tout craintif, je ne suis pas digne de porter un tel habit ». « Tu le feras, lui dit dom Yves ». Et tout de suite notre pauvre mit la cotte. Yves lui dit alors : « Prends le chaperon ». Quand le pauvre se fut coiffé du capuchon, dom Yves lui dit : « Va gagner ton pain avec la bénédiction de Dieu, et ne commets pas le mal ». Et notre pauvre s’en alla avec cotte et chaperon. J’ai vu et entendu tout cela, puisque j’étais présent. » https://fonds-saintyves.fr/connaitre-saint-yves/saint-yves-et-les-pauvres-3-10-saint-yves-au-plus-pres-des-besoins-des-pauvres/
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Mais les deux scènes du vitrail décrivent un miracle, dans lequel Dieu restitue à Yves le vêtement qu'il avait donné au pauvre.
Elle est rapportée par Sigismond Ropartz dans son "Histoire de saint Yves, patron des gens de justice (1253-1303)" de 1856. Il s'agit d'une traduction des Actes de saint Yves, en latin, des Acta sanctorum des Bollandistes. Selon Roparz, "Les Actes de. saint Yves ont été édités par le Père Daniel Papebroch, le plus érudit et le plus exact des Bollandistes . Le P. Papebroch nous apprend qu'Il a travaillé· sur une copie qui lui était venue de Tréguier, en 1665. Un des chanoines de la cathédrale s'était. chargé de surveiller cette copie et de la collationner . La procédure contenait deux enquêtes distinctes. La première, comprenant cinquante deux témoignages relatifs à la vie et aux vertus du Bienheureux, était entière. La seconde comprenant les témoignages, beaucoup plus nombreux, relatifs aux miracles, était incomplète·"
"En l'an 1300, le lundi de la Pentecôte, deux femmes de Lanmeur, Margile, qui avait épousé le fils de Thaor, et Mahaut , qui était mariée à Rivallon Leizone, entreprirent de compagnie un pèlerinage aux basiliques des Sept-Saints de Bretagne. Cette dévotion, très populaire au moyen-âge, consistait à visiter successivement les sanctuaires de saint Corentin., à Quemper, de saint Pol Aurelien, à Saint-Pol-de-Léon , de saint Tugdual à Tréguier, de saint Sanson, à Dol, de saint Patern, à Vannes , de saint Brieuc et de saint Malo , dans les deux villes qui portent leur nom, Sur la route, entre Tréguier et Lannion , les deux pèlerines rencontrèrent saint Yves. Elles en éprouvèrent une grande joie , car elles avaient appris avec quelle éloquence et quel zèle il prêchait en toute occasion la parole de Dieu. Elles le saluèrent donc et marchèrent à ses côtés l' écoutant' les divins enseignements qu'il leur donnait. Après qu'ils eurent cheminé quelque temps ensemble, ils trouvèrent , sur le bord du chemin , un mendiant couché sous un auvent de chaume et qui demandait l'aumône aux passants Saint Yves se détourna et s'approcha de ce pauvre , qui sollicita sa charité , en disant qu'il mourait de faim. Saint Yves lui parla quelque temps à voix basse , puis il tira son chaperon et le lui donna , en disant : «Prends ceci, car je n'ai pas , pour l'heure , autre chose que je puisse te donner." II continua ensuite son chemin tête nue et récitant son bréviaire. Les deux femmes étaient toujours près de lui et à une demi-lieue plus loin , levant les yeux sur le saint prêtre , elles · virent qu'il avait sur la tête ce même chaperon qu'il avait donné au mendiant . Il se mit à genoux, les mains jointes , au milieu de la route, et il dit à - haute voix : "Seigneur Jésus-Christ, je vous rends grâces de votre présent » ; puis il se frappait la poitrine. Les femmes commencèrent à pleurer à chaudes larmes , ravies en admiration par le miracle qui venait de s'opérer sous leurs yeux; et saint Yves leur dit : « Allez; et continuez-votre route avec la bénédiction de Dieu ; faites le bien , et Dieu vous le rendra. " .Et il prit un sentier détourné pour gagner son manoir de Kermartin."
Ce texte nous permet de comprendre les deux panneaux et leurs inscriptions.
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Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Panneau de gauche. Yves donnant son chaperon à un pauvre.
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Emploi de sanguine et de jaune d'argent léger, nimbes ornés. Peu restauré.
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Le saint, nimbé, tonsuré, en surplis frappé d'hermines au dessus de sa cotte talaire d'étoffe sombre, tend au pauvre son "chapouroy", qu'on traduit par "chaperon". Ce n'est pas la coiffure à bourrelet terminé par une queue que portaient les hommes et femmes aisés du Moyen-Âge, mais un capuchon, ou, d'après l'image, un vêtement à capuchon, ici de couleur bleue et centré par une partie jaune à identifier. ( Roparz : "Désormais, et jusqu'à sa mort, il adopta pour vêtement une tunique avec des manches larges et amples, sans boutons, et un manteau avec un chaperon, long et tout à fait modeste, le tout en grosse bure blanche de Léon")
Le pauvre, agenouillé, barbu, tête nue (son chapeau semble serré entre ses bras), porte un long manteau rouge aux manches à larges rabats, qui serait peut-être confortable s'il n'était en guenilles. Son bâton de marche signale son âge, voire son handicap. Il est pieds nus. Il porte en bandoulière une besace, elle-aussi bien usée.
Les deux personnages échangent un regard plein d'humanité.
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Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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L'inscription du phylactère.
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Je l'avais déchiffré ainsi en me basant sur l'illustration du Corpus Vitrearum : COMAIN S. Y. DONNE SON CHAPOUROY A UNG POUVRE HOME POUR DIEU ET NAVOIT AULTRE QUE CREUT DOUUEZ (cf. Albert Le Grand, " Dieu fit paroistre, par plusieurs miracles, combien luy estoit agreable la charité dont S. Yves assistoit ses membres. Nous avons dit cy-dessus, que, trouvant un jour un pauvre en son chemin, n'ayant que luy donner, il luy donna son chapperon, mais Dieu le luy remist sur la teste, avant qu'il fust arrivé en l'Eglise où il alloit".) On évaluera la valeur du terme CHAPOUROY, qui ne semble pas attesté en moyen- français ailleurs.
J'ai peu de correction à apporter :
COMANT S Y DONE SON CHAPOUROY A UN POUVRE HOME POUR DIEU ET NAVOIT AULTRE QUE CREUT DONNER
"Comment saint Yves donne son chaperon à un pauvre homme et n'avait rien d'autre qu'il crut donner." La deuxième partie s'éclaire si on la confronte à la Vita : "car je n'ai pas , pour l'heure , autre chose que je puisse te donner."
La phrase latine correspondante est :
Et cum D. Yvo diu locutus fuisset eum eo in secreto , extraxit capucium suum de capite, et dedit pauperi supra dicto, et dixit: Accipe , quia non habeo aliud de quo tibi faciam eleemosynam in praesenti .
Saint Yves ôte son capucium (capuchon) de la tête et le donne au pauvre en disant Accepte-le, car je n'ai rien d'autre pour te faire aumône (eleemoysyna, du grec ancien eleemosunê,"don charitable").
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Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Panneau de droite. Yves reçoit un chaperon d'un ange.
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Le panneau diverge un peu du texte cité par Roparz, ou bien il le commente, car saint Yves est agenouillé devant une ange aux ailes vertes et dont le front porte un diadème. L'objet qu'il remet au saint s'est obscurci depuis la pose, et n'est plus très distinct, mais c'est à l'évidence un chaperon, comme le précise l'inscription. (Des analyses sont en cours pour déterminer l'origine de cette altération du verre et pour y remédier).
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Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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L'inscription est moins lisible que la précédente.
----YADIS --NE UNG
CHAPOUROY -SEREUT------QUIL AI QUE SON CHAPOUROY POUR
(sous réserve).
Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Deux scènes de la vie de saint Yves (vers 1510-1515). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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II. SAINT CORENTIN ASSIS ; QUATRE TÊTES ( XVe s. XVIe s. ,1914).
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La baie A est de taille et format identique à la baie B : elle est rectangulaire et mesure 1,80 m et 1,20 m de large, et comporte une vitrerie en verre cathédrale avec filet coloré et double ogive en haut.
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Au centre : Saint Corentin en évêque assis dans une cathèdre (vers 1530).
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Ce panneau, venant peut-être du sommet d'une niche, provient probablement de la chapelle des Fonts de la cathédrale, comme le suggérait Abgrall. Ce travail en jaune d'argent et grisaille a été remonté sur un fond bleu moderne. Elle correspond à une petite figure de saint Corentin décrite par Guilhermy dans la chapelle des Fonts.
Inscription SANTU9 / CORE[N]TIN°
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Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Saint Corentin assis dans une cathèdre (vers 1530). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Saint Corentin assis dans une cathèdre (vers 1530). Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Deux anges volant (XVe siècle) en grisaille et jaune d'argent.
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Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Deux têtes (XVIe siècle) en grisaille et jaune d'argent.
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Tête d'une femme ou d'un ange. Panneau altéré par les micro-organismes. XVIe siècle.
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Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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Tête d'une sainte. Voile en bandeau occipital. Milieu du XVIe siècle.
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Les vitraux anciens de l'évêché de Quimper. Photographie lavieb-aile janvier 2022.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (chanoine Jean-Marie), 1893, Saint-Mathieu de Quimper, description du monument. Bull. Société archéologique du Finistère tome XX pages 198-205 (page 203).
Au haut de cette fenêtre sont trois panneaux historiés.
-Saint Yves, vêtu d'une robe bleue ou violette, sur laquelle est un autre vêtement blanc, plus court, en forme de surplis et camail, avec mouchetures d'hermines. Devant lui, à genoux, un pauvre portant besace. Au-dessous est une longue inscription gothique.
-Saint Yves, costumé comme précédemment, à genoux . devant un ange vêtu d'une robe bleue, avec ailes vertes.
-Un saint solitaire, probablement saint Fiacre, prêchant deux petits personnages agenouillés à ses pieds. Les blasons qui surmontent ces scènes sont: En supériorité, de Bretagne. Au-dessous: 1 Un écu portant de sable au chevron d'argent accompagné de 3 annelets d'or . Plus bas, dans le même panneau, un autre écu mi parti de sable à un demi-chevron d'argent et à un annelet et demi d'or et losangé d'argent et de sable (L'Honoré). 2. Ecu brisé, et au-dessous un autre écu portant parti: de sable à un demi-chevron d'argent et à un annelet et demi d'or et d'azur à une demi croix pattée d'argent."
"Il ne pouvoit endurer de voir lea pauvres nuds ; un jour estant allé (selon sa coustume) visiter les pauvres à l’Hospital de Land-Treguer, voyant plusieurs pauvres fort mal vétus, il leur bailla la pluspart de ses habits. de sorte qu’il luy fallut s’envelopper dans un loudier, attandant qu’on luy en eust apporté d’autres.
Une autre fois, il fit la même chose ; &, comme un jour son cousturier luy fut venu vestir une robbe & capuchon gris, il apperceut en la court un pauvre à demy nud ; il ne le peut endurer ; mais, retenant ses vieux habits, luy donnna cet accoustrement neuf.
Allant une fois à l’Eglise, disant son Breviaire, un pauvre, luy demanda l’aumône, n’ayant que luy donner, tira son capuchon & le luy donna.
Dieu fit paroistre, par plusieurs miracles, combien luy estoit agreable la charité dont S. Yves assistoit ses membres. Nous avons dit cy-dessus, que, trouvant un jour un pauvre en son chemin, n’ayant que luy donner, il luy donna son chapperon, mais Dieu le luy remist sur la teste, avant qu’il fust arrivé en l’Eglise où il alloit.
Un pauvre estant arrivé tard à Ker-Martin & n’osant fraper à la porte se coucha auprés & y passa la nuit ; saint Yves, sortant de bon marin, le trouvant là, le fit entrer, le revétit de ses propres habits, luy donna bien disner & à souper, le fit coucher en un bon lict, alla se coucher au mesme lieu où il l’avoit trouvé et y passa la nuict."
— ANDRÉ (Auguste), 1877, "De la verrerie et des vitraux peints de l'ancienne province de Bretagne", Bulletin et mémoires de la Société archéologique du Département d'Ille-et-Vilaine, Volumes 11 à 12 tome IX, Rennes Ch. Catel, 1877 page 309 et sv
Les trois autres compartiments de la vitre contiennent divers épisodes de la vie de saint Yves, official de Tréguier, mort en 1303. Dans le premier, le saint, revêtu de son costume d'official, donne son capuchon à un pauvre qui lui demandait l'aumône (Albert Legrand, Vies des Saints de Bretagne, p. 161). Le second le représente vêtu de même, à genoux devant un ange. Dans le troisième, deux personnages sont à genoux devant lui; derrière le saint on aperçoit une maison ; ce sujet rappelle sans doute la charité de saint Yves, qui logeait et nourrissait les pauvres dans ses presbytères de Trédrez et de Lohannec'h, et qui fonda pour eux un hôpital dans son manoir de Kermartin (ibid.). Ainsi qu'on l'a dit plus haut, le style du dessin, l'agencement des figures, le coloris de cette vitre lui assignent la date de la fin du xv° siècle !. »
— CASSARD (Jean-Christophe) 1992 Saint Yves de Tréguier: un saint du XIIIe siècle - Page 59
— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005, Les vitraux de Bretagne, Corpus vitrearum VII, Presses universitaires de Rennes page 185.
Les vitraux armoriés (quatrième quart XVIe siècle ; XXe ; 1957) de la chapelle de Trémalo à Pont-Aven lors d'une excursion de la Société archéologique du Finistère.
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Le 26 novembre 2021, les Journées d'études de la Société archéologique du Finistère, menées par le président Yves Coativy, ont débuté par une visite du four à pain et de l'enclos mégalithique de Kerambris à Névez, et se sont poursuivies par une visite du Musée de Pont-Aven, où Daniel Le Feuvre, qui venait de publier dans le dernier bulletin de l'association une étude très approfondie des œuvres du peintre André Joly (1882-1969), a enrichi de ses commentaires la présentation de la médiatrice.
Le soleil était déjà couché lorsque nous terminâmes la journée par la découverte, incontournable, de la chapelle de Trémalo. Nous y admirâmes, bien sûr, et à nouveau sous la guidance de Daniel Le Feuvre, le Christ Jaune qui a donné à la chapelle sa renommée internationale. Mais pas que.
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PRÉSENTATION.
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La chapelle, qui est privée, a été restaurée en 1755, par Jean-Baptiste Mahé, recteur de Nizon, et en 1957 à l'initiative du propriétaire du Plessis, le vicomte Patrice de la Villemarqué de Cornouaille. Après lui, son fils Xavier a présidé l’Association pour la sauvegarde de la chapelle de Trémalo, laquelle a, en 2009, fait procéder au drainage, au rejointoiement des maçonneries de la façade est, de la voûte de la porte sud et de l’escalier du clocher.
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L’intérieur de la chapelle est composé d’une nef et de deux bas-côtés. Il est divisé en six travées soulignées par des arcades gothiques. Les poutres sont sculptées d'engoûlants et et les sablières de figures humaines et animales. Un (et peut-être deux) motifs héraldiques y sont présents.
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La maîtresse-vitre comportait jadis un Arbre de Jessé, déjà absent lors de la visite du chanoine Pérennès en 1938 . Le tympan lui-même ne conservait que quelques pièces anciennes, la seule intacte étant une précieuse Messe de saint Grégoire, et il a été restauré et largement complété en 1957 par Etienne Scaviner, verrier de Pont-Aven.
La description qu'en donnent Françoise Gatouillat et Michel Hérold en 2005 pour le Corpus Vitrearum est brève, et ces auteurs n'avaient pas identifié les éléments héraldiques. Je m' appuierai néanmoins sur leur travail pour décrire les panneaux. Mais c'est Yves-Pascal Castel et Catherine Puget qui , en 2007, en ont décrypté les armoiries, sans doute aidée par le propriétaire de la chapelle dont le père avait commandité les panneaux récents en 1957. Leur notice est reprise en ligne sur le site municipal Pont-Aven Histoire et Patrimoine. Je me suis appuyé sur ces descriptions, non sans les vérifier et les commenter.
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Mais puisque ces verrières nous conduisent à une étude héraldique, il nous faut présenter les données connues sur l'histoire de la chapelle seigneuriale du manoir de Plessis en Nizon, et étudier les blasons sculptés à l'extérieur.
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HISTORIQUE (d'après T. Daniel et C. Puget, etc.).
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Étymologie.
— Plessis (Plessix) est la forme française de Quinquis.
Quinquis est un toponyme très fréquent, parfois sous la graphie kenkis, issu du moyen-breton kenkist "maison de plaisance" désignant à l'origine des maisons entourées d'une haie de branches entrelacées (on a rapproché le préfixe kenkis du radical gallois cainc- , "branche"). Le vieux français plesse avait un sens identique et a donné plessis, "entrelacement". Le toponyme s'applique souvent, en Bretagne, à d'anciennes mottes féodales ou castrales, dont le sommet est défendu par de fortes palissades. Pour F. Tournier, "Kenquiz, quenquis (plessis, clôture), équivalent de "haia" (enceinte faite de haies) peut dénoter aussi bien des enclosures à vocation agricole qu'à vocation défensive militaire." Mais la situation du manoir (cf. topologie) permet d'évoquer un site idéal pour une vocation défensive. Mon opinion se trouve confirmée dans un article de J. Le Goff-Ruiz 2011.
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—Trémalo.
"Du point de vue étymologique, la particule “Tré-” désigne, selon Bernard Tanguy, non une trève dépendant d’une paroisse, mais un village d’origine ancienne qui tirerait son nom d’un personnage, un certain Malo dont la silhouette se perd dans la nuit des temps. Paradoxalement, si un acte de 1653 donne à la chapelle le titre de “Notre-Dame de Saint-Malou, en laditte paroisse de Nizon”, aucune statue n’évoque ici le patron de la cité des corsaires. A moins que Malo étant bien loin, on lui ait, à une époque donnée, attribué le nom de Corentin, fondateur du diocèse de Cornouaille. Ce ne serait pas la seule fois qu’une statue ait été rebaptisée pour les besoins de la cause locale." (Castel et Puget)
Je note sur la carte IGN le toponyme Pontic-Malo ("petit pont Malo"), mais il doit être récent, n'est pas attesté sur les cartes antérieures, et doit se rattacher au nom de la chapelle qui le domine.
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Les seigneurs de Quinquis ou Quenquis/Plessis et le manoir de Plessis-Nizon.
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La seigneurie du Plessix à Nizon appartint successivement aux familles du Plessis, Feydau et Hersart de la Villemarqué.
"La Réformation de 1426 (pour 1427?) révèle, dans la paroisse de Nizon, l’existence des manoirs suivants : Le Quenquis ou Plessix ; Kerazret appartenant à Guillaume de la Rue Neuve ; Penboutou possédé par Yvon du Plessix ; Penisquin, à Pierre du Hautbois ; Penalen, à Jehan Penquelen. Celle de 1536 mentionne quelques autres manoirs, au nombre desquels figure celui de Rustéphan .
La réformation de 1427 sous le rapport de paroisse de Nizon mentionne "le manoir de Paubatoux (?), Yvon du Plessix, noble, et Jehan du Plessix, noble.
A la "Montre" de l'Evêché de Cornouailles de l'an 1481 qui s'est tenue à Carhaix les 4 et 5 septembre, est présent Maurice le Quinquis, représenté par Guillaume son fils, archer en brigandine ;
A la "Montre" de l'Evêché de Cornouailles de l'an 1536 qui s'est tenue à Quimper le 10 et 11 mai est présent Guillaume du Plessix, sieur dudit lieu, à deux chevaux et armé
A la "Montre" de l'Evêché de Cornouailles de l'an 1562 qui s'est tenue à Quimper les 15 et 16 mai, les nobles suivants de Nizon apparait : François du Plessix, sieur du Plessix, présent, dict faire corselet suivant sa déclaration .
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"Plessix (du), en breton Quenquis (du), sieur dudit lieu, paroisse de Nizon, - de Missirien, paroisse de Kerfeunteun, - de Kerfrez [39], paroisse d’Ergué-Gabéric, - de Kerminihy et de Penbuel, paroisse d’Elliant, - de Kervidal, paroisse de Tourc’h.
Ancienne extraction., réf. 1669, huit générations, références et montres de 1426 à 1562. dites paroisses, évêché de Cornouaille.
D’argent au chêne de sinople englanté d’or ; au franc canton de gueules, chargé de deux haches d’armes adossées d’argent en pal.
-Yves, vivant en 1427, épouse Marie de la Villeblanche.
La branche aînée fondue en 1690 dans Feydeau, puis Hersart ; la branche de Missirien fondue dans Autret ; la dernière branche fondue dans la Marche.
Le sr de Kerhouaz, paroisse de Lesbin-Pontscorff, débouté à la Réformation de 1671.
Le sr de Penfrat, débouté au conseil en 1700.
Pol Potier de Courcy édition de 1895, tome II, page 397. Correction 2005" https://www.tudchentil.org/spip.php?article738
Remarque.
Les armoiries des Quenquis figurent sur la baie 107 de la cathédrale de Quimper où se voit un chanoine qui les porte. Il s'agit de Pierre de Quenquis :
Pierre de Quenquis fut reçu chanoine de la cathédrale le 20 janvier 1415. Il décéda en 1459, et son tombeau fut placé dans la chapelle Saint-Corentin ( depuis, chapelle Saint-Paul). Ses armes sont aussi sculptées sur l'un des deux écussons des clefs de voûte du bas-coté nord de la nef, et en deux écussons accolés, à la naissance de la voûte du porche du portail nord.
Généalogie (des aînés) de la famille du Plessix : https://www.tudchentil.org/spip.php?article583
Yves du Plessix x Amice de la Villebranche [Montre 1427]
Maurice x Clemence Kergoet [ décédés en 1502]
Guillaume I x Constance Kerjequel [Montre 1481. Lui ou son fils :Montre 1536]
Guillaume II x Marguerite du Rinquier du Poulguin (fille de Louis du Rinquier et Louise Didoueget). Ils fondent l'actuelle chapelle de Trémalo, datée de 1550.
François I x Marguerite Le Glas (décédée en 1582). [Montre 1562. Existe en 1568]
François II x Marie Du Moulin [mariage en 1574]
Nicolas x Hélène Guimarho [Existe en 1602 ; Marié en 1638 ]
Georges-Joseph (1640-1669) x Mauricette de Bouvans . [ Marié en 1659 ; Existe en 1659]. Ils ont une fille unique Anne du Plessix, héritière, épouse en 1690 Charles Feydeau de Saint-Remy, cf. infra.
Jacques du Plessix, frère de Georges, héritier du nom. [Existe en 1669]
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Généalogie des descendants : Feydeau et Hersart :
Marie-Anne du Plessix, fille et héritière de Georges du Plessix, x 1690 Charles Feydeau de Saint-Remy, chevalier de Malte.
Louis-Charles Feydeau (1732-1786) x Marie-Josèphe Briant Du Stang, d'où
Jean-Marie Feydeau de Vaugien, seigneur du Plessis Nizon, officier de marine, x 1774 Marie-Thérèse de Talhouët-Grationnaye.
De ce mariage naquirent huit enfants, dont le plus jeune fut Théodore-Claude-Henri, l’auteur du Barzaz Breiz ( Plessix-Nizon 1815 - 1895 manoir de Keransquer, près de Quimperlé). Le manoir du Plessix , la chapelle de Trémalo et le Bois d'Amour appartiennent encore à la famille de la Villemarqué. Mais la propriété passent à :
Roland Eleonore Marie Cyprien Armand (Quimperlé 1861-Kermaria Pont-Aven 1937 X Jeanne Marcetteau du Brem 1867-1958
Xavier de la Villemarqué de Cornouaille (-décédé au manoir de Plessis 19 septembre 2018)
Yann Hersart de la Villemarqué de Cornouaille
(sous réserve)
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Le manoir.
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Un article illustré de photos de J. Le Goff-Ruiz permet de le découvrir, avec un bâtiment rectangulaire de style classique bien éclairé par de nombreuses fenêtres et datant de la seconde moitié du XVIIe, et l'ancien manoir contemporain de la chapelle (1550), et "dont les pierres énormes servant de linteaux aux portes et fenêtres, toutes curieusement dissemblables, et où figurent quelques belles accolades" incitaient Bertrand Queinec (*) à évoquer "très facilement la réutilisation des matériaux d'un manoir primitif, peut-être victime d'un incendie". Une chapelle du début du XIXe siècle, des écuries et un puits ancien complètent cet ensemble.
(*) Bertrand QUEINEC, 1992, page 187
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Situation : topologie.
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L'examen des cartes est, comme toujours, très utile.
La carte IGN et la photo aérienne permettent de repérer la proximité du château (ancien manoir) et de la chapelle, reliés par une route traversant Quistilliau et Trémalo-Kerhuil en restant sur la crête. En effet, le château est à 67 m d'altitude, à la pointe d'un quadrilatère aux pentes abruptes, tracées par le cours de l'Aven et d'un ruisseau prenant sa source vers Kerhuil (étymologie non retrouvée). Et la chapelle est à la même altitude approximativement.
Cette situation en hauteur mais dominant directement un cours d'eau est évidemment très avantageuse sur le plan militaire et économique. Plus précisément, il permet l'établissement d'un moulin (associé aux droits seigneuriaux), "le moulin du Plessis", aujourd'hui démoli mais où un bief subsiste. Le zoom de la carte IGN en détaille l'implantation (le site Pont-Aven signale une installation de pisciculture ; cela rappelle que les seigneurs percevaient des droits sur la pêche). Ce n'est qu'un des nombreux moulins qui ont fait la prospérité de Pont-Aven.
Juste en face, un site symétrique porte le nom de Colline Sainte Marguerite, témoignant d'une ancienne chapelle et donc d'une sanctification de ces promontoires.
La situation de la chapelle est celle que je retrouve presque constamment : point haut, proximité d'une rivière, moulin. On peut l'expliquer par les avantages économiques et politiques, ou par la reprise d'anciens cultes, les deux ne s'excluant pas.
On peut observer la situation des ruines de Rustéphan, deuxième manoir de Nizon.
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La carte d'Etat-Major (1820-1866) rend plus visible, par le hachurage des pentes, les reliefs et l'hydrologie. La carte de Cassini dressée en 1783, permet de repérer tous les moulins indiqués par une petite roue dentée, d'examiner la modification du paysage, et de relever les toponymes (ici : Trémalo ?)
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Carte IGN Géoportail Remonterletemps.
Carte IGN et Etat-Major Géoportail Remonterletemps.
Carte de Cassini Gallica https://gallica.bnf.fr/html/und/cartes/france-en-cartes/la-carte-de-cassini?mode=desktop
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"L’édifice, situé sur les hauteurs qui dominent Pont-Aven (mais sur le territoire de la paroisse de Nizon), se trouve sur le chemin qui monte du bourg vers le manoir du Plessis-Nizon et, d’autre part, vers le hameau de Trémalo. On y accède par une longue allée de chênes et de châtaigniers, dans ce qu’on appelle localement le Bois d’amour, et la majesté de ce parcours contraste avec la simplicité de la chapelle, formant un ensemble réellement harmonieux.
Construite en 1550 (comme en témoigne une inscription au-dessus de la porte sud), elle est de fondation seigneuriale : le blason des du Plessis figure en plusieurs endroits de l’édifice : sur la façade ouest, sur la maîtresse-vitre, sur les sablières. Le style relève encore du gothique flamboyant, ce qui n’a rien d’étonnant dans cette région où la tradition médiévale persiste en même temps que pénètrent les nouveautés de la Renaissance.
Le plan est rectangulaire, orienté est-ouest. La longueur de l’édifice est de 24 m, la largeur de 13 m. À l’extérieur, les murs en granit sont soigneusement appareillés en pierre de taille ; le chevet plat comporte trois baies flamboyantes, celle de gauche étant murée ; la façade occidentale est d’une grande simplicité : une porte en anse de panier, quatre contreforts (deux droits de part et d’autre de la porte, et deux biais aux extrémités nord et sud), un blason sculpté au milieu de la façade, un petit clocher de type cornouaillais, à une seule cloche.
Du côté nord, une seule petite fenêtre passante, contrastant avec les ouvertures du côté sud : deux portes en anse de panier (l’une toute simple, l’autre surmontée d’une accolade et de pinacles latéraux), et quatre fenêtres (deux ouvertes dans le muret, deux passantes, la première du XVIe siècle avec son remplage d’origine, la seconde construite en 1755). L’ensemble est couvert d’une imposante toiture dissymétrique qui descend, au nord, jusqu’à hauteur d’homme." (T. Daniel)
D'après Castel et Puget citant Bertrand Quéinec I, 1992:
La chapelle était desservie par les prêtres de la paroisse de Nizon. La fabrique était tenue d'y célébrer deux messes, l'une à l'intention du seigneur de/u Plessis "le jour de Monsieur saint Marc", l'autre à l'intention du sieur Troguidic (un patronyme qui échappe à mes recherches) à la Saint Grégoire. Ces clauses n'ayant pas été respectée, il fallut une sentence de la cour royale de Concarneau en 1624 pour obliger la fabrique à reprendre ces célébrations à l'intention du sieur du Plessis à la Saint-Marc, et à l'intention du même sieur du Plessis, héritier des Troguidic, à la Saint Grégoire.
Trémalo fondée par la famille du Plessis est considérée par eux comme leur chapelle privée où sont célébrés les baptêmes de la famille, mais cette appropriation était contestée par Charles de la Roche-Rouxe, du manoir voisin de Penanroz, qui déclarait en 1653 "avoir le droit de faire figurer ses armoiries dans la maîtresse-vitre de Saint-Malou en la paroisse de Nizon, comme elles figuraient depuis longtemps dans l'église paroissiale."
C'est sans doute le même différend qui entraîna un affreux scandale le 11 septembre 1661, le jour du pardon, quand un groupe de cinq gentilhommes pénétra dans le sanctuaire avec à leur tête Alain de Guer, marquis de Pont-Callec, seigneur de la Porte-Neuve en Briec. Ce dernier bondit l'épée à la main dans le chœur pour attaquer le jeune Georges du Plessis, qui aurait manqué de respect au procureur fiscal du puissant marquis.
Tout le long du XVIIIe siècle les finances de la fabrique de Trémalo sont saines, et les revenus permettent un bon entretien de la chapelle.
Le 3 messidor an III (juin 1795), on procéda à la vente aux enchères des biens de la fabrique de Nizon, dont la chapelle de Trémalo, la chapelle Saint-André et la chapelle Saint-Maudez devenus biens nationaux. La chapelle de Trémalo, son petit placître au sud planté de trois chênes et de deux châtaigniers, ainsi que les matériaux en pierre de taille d'une croix écroulée, est adjugée pour 5320 livres au citoyen Pierre Caudan, riche cultivateur de Keramperchec et maire de Nizon. L'intention de ce dernier, dont deux de ses fils seront prêtres dont l'un vicaire à Nizon) est de rendre au culte la chapelle après les troubles. C'est après 1805 que la famille de la Villemarqué y effectue des travaux et édifie un nouveau calvaire en 1807.
Au cadastre de 1832, la chapelle est indiquée avec ses 300 m² de superficie comme propriété de la commune.
En 1852, Cyprien de la Villemarqué fait donation à la fabrique de "l'église succursale de Nizon" d'une rente annuelle pour la célébration des messes à Trémalo.
Le grand pardon était célébré à la Nativité de la Vierge le 8 septembre, et un autre avait lieu le dimanche le plus rapproché de la Sainte-Anne, le 26 juillet. Plus tard on institua une troisième célébration le 15 août, jour de l'Assomption.
Le 11 mai 1932, la chapelle est classée "monuments historiques".
Le groupe de Sainte-Anne, la statue de la Vierge et le Christ Jaune sont classés "monuments historiques" à titre d'objet le 16 août 1957.
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Je note sur la base Geneanet que Trémalo figure comme lieu de décès sur les actes paroissiaux dans la deuxième moitié du XVIIe siècle pour les familles Couric ou Gouric (Pierre Coric 1630-Trémalo1690), Le Calvez, Le Du, Le Deuff, Le Tallec, Quénéhervé.
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Le pignon ouest.
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Sur le pignon ouest, sous le clocher à gables aigus, pinacles et pointe à crochets, et au dessus de la porte cintrée flanquée de contreforts, un ange aux ailes éployées tient un blason des armoiries de la famille des Seigneurs Plessis Nizon, fondateurs de la chapelle. La pierre étant érodée, on devine les meubles (notamment le chêne) plus qu'on ne les distingue avec certitude.
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La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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La façade sud et sa porte flamboyante.
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L’élément architectural le plus intéressant est la porte sud en anse de panier, où l'ocre rouge qui rehaussait jadis les contours du panneau d'inscription a laissé quelques traces.
L'accolade à fleurs d'acanthes et fleuron s'appuie sur deux culots qui supportent des pinacles à fleurs ampulliformes et masques.
Deux blocs de pierre, de chaque coté du fleuron, sont sculptés d'inscriptions en réserve. Leur lecture est difficile, surtout pour un visiteur qui ne bénéficie pas des meilleurs conditions d'ensoleillement et de lumière rasante (chaque inscription, comme les personnages des horloges astronomiques, ne livre son message qu'à une heure et parfois une date bien précise et la réserve aux fidèles patients et persévérants). La première, à gauche, est en lettres gothiques sur deux lignes, et on y a lu :
ALAIN AUDREN
FABRIQUE DE CEANS
La seconde porte, sur une ligne, la date : LAN 1550. Numérotation en chiffre arabe.
La base Geneanet ne fournit aucune donnée sur ce nom AUDREN à Nizon ou Pont-Aven avant 1743, et encore moins avec ce prénom.
C'est la lecture la plus assurée. Citons d'autres leçons : GUILQUENQUIS 1558 (renvoyant à Guillaume de Quenquis), pour la notice de l'exposition Gauguin et le Christ Jaune du Musée d'Orsay et de Pont-Aven (Puget, 2000), ou bien LAN 1556 (pour René Couffon).
Néanmoins, Castel estime que sa lecture de 1550 est "claire".
"Le “fabrique”, paroissien en charge de l’édifice, assure les rentrées d’argent et pourvoit aux dépenses. On sait, mais par ailleurs, que le recteur de Nizon, est alors Jacques Le Vescoz . Pourvu de son poste en 1549, il s’y maintient jusqu’en 1580 (“Bulletin diocésain d’histoire et d’Archéologie”, 1938, p. 47)." C. Puget.
Je me demande s'il ne s'agit pas d'une coquille pour Le Vergoz ou Le Vergos, patronyme bien plus attesté en Finistère. Mais cette hypothèse ne permet pas d'aller plus loin. Le corpus épigraphique finistérien conserve la mention d'un recteur Guillaume Le Vergoz (Kerlaz, Sainte-Anne-la-Palud) dans les années 1653 et 1654.
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La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile juillet 2022.
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La crossette d'angle sud-est : un lion tenant un blason.
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C'est un lion de crossette typique, avec la gueule débonnaire, la langue tirée, la crinière bouclée et la queue faisant retour sur l'arrière-train. Sa tête est tournée vers l'est, et donc vers le manoir et ses seigneurs. Mais il tient un blason bien érodé et défiguré ("démeublé") par les lichens. Y.-P. Castel y reconnaît les armes du Plessis.
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La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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On remarque aussi ce bloc sculpté.
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La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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Nous pouvons maintenant entrer dans la chapelle et nous diriger vers le chœur.
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La chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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Mais avant d'examiner la maîtresse-vitre, nous remarquerons le blason intégré dans la frise des sablières, du coté gauche près du chœur.
Ce sont les armes de la famille du Plessis. Le chêne et ses glands pourraient renvoyer au nom quinquis. Le chêne est figuré par un tronc central, trois feuilles de chêne vertes, et des glands au bout de leurs tiges ou pétioles (gland et petioles rouges et non jaune d'or comme il siérait) ; ce serait alors un chêne pédonculé Quercus robur. Les deux haches en pal occupent une place un peu exagérée. Voici le modèle :
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Castel, citant apparemment Bertrand Quéinec, décrit page 2 "les deux écussons de bois peint sur une poutre au dessus du chœur, la place d'honneur, montrent les armes de Guillaume du Plessis et de Catherine de Botigneau son épouse." Mais je n'ai pu trouver une confirmation de ce couple. Il ajoute : "on retrouvait d'ailleurs dans un vitrail disparu les armes du même Guillaume du Plessis accolées à celles de sa deuxième épouse Marguerite du Rinquier du Poulgwin." Je n'ai pas trouvé confirmation d'un deuxième mariage de Guillaume II du Plessis.
Annotation d’un descendant de la famille Keransquer, Mikaël Ansker (comm. pers.) :
"Concernant la chapelle de Trémalo, située à Pont-Aven, le blason situé dans l’un des vitraux (d’argent à deux haches de gueules adossées), est celui des Keransker ou Kerasker. Il est donc possible qu’il y ait eut une fusion de cette famille Hersart avec les Ansquer (Ansker), primitivement propriétaires de cette terre (la donation ayant été effectuée par le duc de Bretagne afin de disperser les moines dans les grands espaces pour transmettre leur foi. Ces haches d’armes font sans doute référence à un Anscher virgiferi, cité dans le Cartulaire de Kemperlé au XIème siècle (*), et l’on sait que leurs attributs étaient, déjà au temps des Romains, un faisceau de deux haches entouré de verges."
Sablières de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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A noter cet aigle bicéphale des sablières, aux têtes becquées de gueules.
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Sablières de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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LA MAÎTRESSE-VITRE.
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Cette baie d' 1,80 m de haut et 1, 50 m de large comporte 3 lancettes et un tympan à 6 ajours — dont deux soufflets et 4 mouchettes — et deux écoinçons. Elle a été presque complètement détruite, et seule le soufflet du rang inférieur consacré à la Messe de saint Grégoire, et la mouchette placée à droite représentant les Saintes Femmes au tombeau sont du quatrième quart du XVIe siècle (Corpus Vitrearum) ou de 1550 environ (Y.-P. Castel). Les lancettes sont occupées par des vitreries à bornes modernes, et les autres ajours du tympan de tableaux héraldiques dont certains datent de 1957.
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Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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Les trois ajours supérieurs.
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Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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Le soufflet du sommet.
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Le Corpus Vitrearum le qualifie "d'écu de fantaisie (XXe siècle) sommé d'une couronne ancienne".
Ce sont les armoiries d'or à la herse sarrasine de sable de la famille Hersart de la Villemarqué qui sont placées en prééminence, témoignant du fait qu'elle est présente au Plessis depuis 1798. L'écu est surmonté d'un casque fermé et timbré de la couronne comtale posée sur un bourrelet.
La devise des Hersart, evertit et oequat (sic, pour evertit et æquat) "Il bouleverse et aplanit", en accord avec la métaphore de la herse de labourage, n'a pas été retenue dans la restauration.
Si on consulte en ligne les représentations de ce meuble héraldique, on trouve très généralement la représentation d'une herse rectangulaire et quadrillée, qui ne correspond pas à ce qui est représenté ici où deux traverses se croisent comme le tipi qui sert de logo pour annoncer un camping.
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La herse héraldique est décrite ainsi :
HERSE SARRASINE. Ce meuble, qui prend aussi le nom de coulisse, est composé de six pals alésés, aiguisés par le bas, et de cinq traverses horizontales, jointes par des clous aux intersections, enfin, la traverse du haut est munie d'un anneau dans sa partie du milieu.
HERSE, subst. fém., meuble de l'écu, qui représente un instrument propre à renverser les terres entre les sillons sur les grains, pour les couvrir après qu'ils ont été semés.
D'après le Manuel héraldique ou Clef de l'art du blason », une herse symboliserait un commandement de place forte.
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Pol Potier de Courcy écrit dans son Nobiliaire : d'or à la herse sarrasine de sable; sceau 1381).Il faut retrouver les sceaux de la famille pour retrouver cette forme en X, et notamment ceux conservés au musée Dobrée de Nantes :
Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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La mouchette supérieure gauche : du Plessis.
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Le blason des du Plessis, déjà présenté dans la sablière, est d’argent au chêne arraché et tigé de sinople, englanté d’or au franc-canton aussi chargé de deux haches d’armes de gueules adossées et posées en pal.
"Armes pleines d'argent à l'arbre de sinople sous un heaume empanaché couronné et cimé d'une tête de lion : assez bien conservé (Gatouillat et Hérold)
"Sous un casque fermé, cimier au lion sur le bourrelet, lambrequins tailladés en volutes feuillagées, un détail emprunté à l’héraldique germanique : “d’argent au chêne arraché et tigé de sinople, englanté d’or au franc-canton aussi d’argent chargé de deux haches d’armes de gueules adossées et posées en pal. ” (Castel et Puget)
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Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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Mouchette supérieure droite.
Placé lors de la restauration, l’écu d’azur au chevron d’or cantonné de coquilles de même , 2, 1, évoque les Feydeau de Vaugien, qui ont été les propriétaires du Plessis de 1690 à 1798.
Il trouve place dans un chapeau de triomphe ancien orné de mascarons et de rubans rehaussés de bandes au jaune d'argent. Le mascaron supérieur, une femme au voile en bavoir, est un motif typique de la Seconde Renaissance, repris très largement après la construction vers 1571 du château de Kerjean.
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Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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Mouchette inférieure gauche.
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En alliance, les armes de Guillaume du Plessis et de Marguerite du Rinquier du Poulguin de gueules au lion rampant morné d’or, fondateurs de la chapelle en 1550. Selon Castel, un blason analogue occupait l’oculus qui éclairait l'autel de Sainte-Anne, avant qu'on le remplace par une large baie en 1755.
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Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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Mouchette centrale de la rangée inférieure : Rare vitrail représentant la Messe de saint Grégoire
Quasi intacte, “la Messe de Saint Grégoire” est datée du 4ème quart du XVIe siècle . Gatouillat et Hérold signalent la présence de verres colorés et l'emploi de sanguine.
Le thème a joui d’une vogue prodigieuse aux XVe et XVIe siècles, pour affirmer, contre les thèses de la Réforme, la présence réelle du Christ lors de la Consécration, dans sa chair (hostie) et dans son sang (vin du calice). C'est dire l'importance du sang qui s'écoule des plaies du Christ qui apparaît nu, sortant du Tombeau, au pape Grégoire (540-604) qui célèbre à la messe entre deux acolytes céroféraire (porteurs de cierge). Le Christ est nimbé, couronné d’épines, flanc percé, mains liées, le fouet de la flagellation et autres instruments posés à son côté.
Selon la légende , pendant qu'il célèbre la messe, une des personnes de l'assistance doute de la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie. Quand Grégoire se met à prier, l'assistance aurait eu la vision du Christ sur l'autel, entouré des instruments de la Passion et versant dans le calice eucharistique le sang de sa plaie au côté.. L'iconographie montre souvent le pape assistant à la messe, sans la célébrer lui-même. Le détail important est le jet de sang qui, depuis le flanc, rempli le calice. (Ici)
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Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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Mouchette droite de la rangée inférieure . “Visite des saintes femmes au tombeau”. Deux des trois têtes restaurées en 1957. Fragment d'un panneau réutilisé en réemploi. 4ème quart XVIe, provenant peut-être des lancettes.
Les trois femmes portant les aromates d'empressent de se rendre, au matin de Pâques, au Tombeau où leur maître a été enseveli après la Crucifixion. Il y avait là selon Luc 24:10 Jeanne, Marie, mère de Jacques et Marie de Magdala (Marie-Madeleine), qui porte le vase de parfums ou d'aromates.
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Maîtresse-vitre de la chapelle de Trémalo. Photographie lavieb-aile 28 décembre 2021.
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Les vitraux modernes.
Celui qui éclaire l'autel Sainte-Anne a été réalisé en 2013 par Charles Robert de Pluguffan, après que la baie, qui avait été bouchée au XVIIIe siècle, ne soit réouverte, et son meneau restauré.
—CASTEL (Yves-Pascal), PUGET (Catherine), 2007 La chapelle de Trémalo, Association des amis du musée de Pont-Aven éditeur au profit de l'Association de sauvegarde de la chapelle de Trémalo, 60 pages couleurs.
Un ouvrage coécrit par Catherine Puget, ancien conservateur du musée des Beaux-Arts de Pont-Aven et Yves Pascal Castel, docteur en histoire de l'art et ancien vicaire de la paroisse de Pont-Aven, de 1952 à 1955. Photos de Michel Thersiquel
Les bénéfices de la vente de cet ouvrage serviront à la restauration de la chapelle. Cet ouvrage est le premier livre complet sur la chapelle; outre les très belles photos des sablières et des oeuvres réalisées par des peintres des XIX e et XX e siècles inspirés par la chapelle, le lecteur peut y découvrir l'histoire de la chapelle, l'étude de l'architecture et la statuaire.
"PONT-AVEN-NIZON Depuis la fusion en 1955 des deux communes de Pont-Aven et de Nizon, le territoire de la nouvelle commune comprend deux paroisses : 1. Pont-Aven - 2. Nizon.
CHAPELLE DE TREMALO (I.S.) Dédiée à Notre Dame. Edifice de plan rectangulaire comprenant une nef de six travées avec bas-côtés. Il date du XVIe siècle ; les grandes arcades sont à pénétration directe dans les piliers cylindriques, les poutres et les sablières sont sculptées. Une inscription en petits caractères gothiques est encore lisible au-dessus de l'arcade flamboyante de la porte sud : le nom du fabrique et la date : "LAN. 1556". Des armoiries tenues par un ange sur le pignon ouest et un escalier sur le rampant sud du même pignon.
Mobilier : Maître-autel en tombeau droit, avec tabernacle surmonté d'un dais à colonnettes torses ; sacraire muni de sa porte dans le mur du chevet. - L'autel latéral sud est dédié à sainte Anne ; dans le petit retable à deux colonnes corinthiennes qui bouche la fenêtre du chevet, groupe sculpté de l'Education de la Vierge. La balustrade est encore en place. Statues anciennes en bois polychrome : Crucifix du XVIIe siècle qui a inspiré à Gauguin son "Christ jaune" (C.), groupe de sainte Anne et de la Vierge, XVIe siècle (C.), saint Etienne portant des cailloux, saint Laurent, saint Corentin, saint portant un livre ouvert, saint moine en chasuble gothique ; - en pierre blanche polychrome : Vierge à l'Enfant dite Notre Dame de Trémalo, XVe siècle (C.).
Dans le remplage de la fenêtre d'axe, débris de vitraux anciens : armoiries, messe célébrée devant un Christ ressuscité (?).
Dans le placitre, deux croix de granit, sans sculptures, la plus grande, côté du midi, posée sur un marchepied octogonal, la petite contre le chevet. "
— DANIEL (Tanguy) Pont-Aven, chapelle Notre-Dame de Trémalo, Sauvegarde de l'Art Français
La chapelle de Trémalo, c’est la chapelle du Christ jaune de Gauguin. C’est à celui-ci qu’elle doit sa renommée, qu’on peut dire internationale : en 1889, le peintre, frappé par le caractère fruste du Christ en croix fixé sur un mur (alors) chaulé, en face de la porte d’entrée sud, en fait le sujet d’une toile célèbre (aujourd’hui conservée à l’Albright-Knox Art Gallery de Buffalo aux États-Unis) et, l’année suivante, reproduit cette même figure hiératique dans son Autoportrait au Christ jaune (musée d’Orsay à Paris). Cependant, avant Gauguin, bien des artistes avaient été inspirés par la chapelle de Trémalo (mais non par le Christ en croix) : l’Allemand Otto Weber vers 1863, l’Américain Frederick A. Bridgmann entre 1866 et 1871, le Français Auguste Anastasi vers 1869-1870, le Suisse Henri Girardet en 1871, l’Anglais George Sherwood Hunter en 1873, l’Irlandais Augustus Burke en 1876, l’Américain Franck C. Penfold vers 1880, la Finlandaise Hélène Schjerfbeck en 1884. C’est dire que l’édifice a séduit nombre de peintres et de dessinateurs de toutes nationalités avant 1889, et a continué à les attirer jusqu’à nos jours.
Il est juste de dire que la chapelle de Trémalo ne peut laisser indifférent, et qu’elle doit son charme particulier à son environnement naturel et au caractère à la fois simple et recueilli du sanctuaire. L’édifice, situé sur les hauteurs qui dominent Pont-Aven (mais sur le territoire de la paroisse de Nizon), se trouve sur le chemin qui monte du bourg vers le manoir du Plessis-Nizon (résidence du propriétaire de la chapelle, M. Xavier de La Villemarqué) et, d’autre part, vers le hameau de Trémalo. On y accède par une longue allée de chênes et de châtaigniers, dans ce qu’on appelle localement le Bois d’amour, et la majesté de ce parcours contraste avec la simplicité de la chapelle, formant un ensemble réellement harmonieux.
Construite en 1550 (comme en témoigne une inscription au-dessus de la porte sud), elle est de fondation seigneuriale : le blason des du Plessis (d’argent au chêne arraché et tigé de sinople, englanté d’or au franc-canton aussi chargé de deux haches d’armes de gueules adossées et posées en pal) figure en plusieurs endroits de l’édifice : sur la façade ouest, sur la maîtresse-vitre, sur les sablières. Le style relève encore du gothique flamboyant, ce qui n’a rien d’étonnant dans cette région où la tradition médiévale persiste en même temps que pénètrent les nouveautés de la Renaissance. Le plan est rectangulaire, orienté est-ouest. La longueur de l’édifice est de 24 m, la largeur de 13 m. À l’extérieur, les murs en granit sont soigneusement appareillés en pierre de taille ; le chevet plat comporte trois baies flamboyantes, celle de gauche étant murée ; la façade occidentale est d’une grande simplicité : une porte en anse de panier, quatre contreforts (deux droits de part et d’autre de la porte, et deux biais aux extrémités nord et sud), un blason sculpté au milieu de la façade, un petit clocher de type cornouaillais, à une seule cloche. Du côté nord, une seule petite fenêtre passante, contrastant avec les ouvertures du côté sud : deux portes en anse de panier (l’une toute simple, l’autre surmontée d’une accolade et de pinacles latéraux), et quatre fenêtres (deux ouvertes dans le muret, deux passantes, la première du xvie s. avec son remplage d’origine, la seconde construite en 1755). L’ensemble est couvert d’une imposante toiture dissymétrique qui descend, au nord, jusqu’à hauteur d’homme.
L’intérieur comporte une nef à six travées, séparée des deux bas-côtés par des arcades en arc brisé, à l’exception de deux qui sont en plein cintre). Les colonnes sont cylindriques (sauf une, octogonale) et à pénétration directe, c’est-à-dire sans chapiteaux, ce qui est commun dans les édifices de cette époque. La voûte est couverte d’un lambris de bois, et la solidité de l’ensemble est assurée par des entraits engoulés reliés entre eux, en haut des murs, par des sablières ornées de nombreuses sculptures représentant des animaux, réels ou fabuleux, et des têtes de personnages aux expressions les plus diverses. La maîtresse-vitre a conservé quelques éléments anciens, de la fin du xvie s., en particulier une Messe de saint Grégoire (sujet iconographique rare en Bretagne), les Saintes Femmes au tombeau, et plusieurs écus armoriés.
Le mobilier est constitué de trois autels adossés au chevet, simples coffres en bois peu ornés, séparés de la nef par une grille de communion d’un bout à l’autre du chœur. Curieusement, la statuaire ne comporte pas d’image de saint Malo, que l’on attendrait par référence au nom du lieu : au xviie s., la chapelle était appelée « Notre-Dame de Saint-Malou ». En revanche, on y trouve, outre le célèbre Christ jaune (bois, fin du XVe s., cl. M.H. 1957), des statues de bonne facture : Notre-Dame de Trémalo (en pierre tendre du Val de Loire, XVe s., cl. M.H. 1957), un groupe de sainte Anne éducatrice (Anne assise, un livre sur les genoux, et la Vierge debout à ses côtés, bois polychrome, xviie s., cl. M.H. 1957), et d’autres d’un style rustique, toutes en bois polychrome : saint Corentin, saint Laurent, saint Étienne, saint Léger, sainte Madeleine (?).
La chapelle a connu bien des restaurations depuis sa construction : on connaît celle de 1755, entreprise par Jean-Baptiste Mahé, recteur de Nizon, celle de 1957, effectuée par le vicomte Patrice de La Villemarqué. En 2009 enfin, l’Association pour la sauvegarde de la chapelle de Trémalo, présidée par M. Xavier de La Villemarqué, a fait faire le rejointoiement des maçonneries de la façade est, de la voûte de la porte sud et de l’escalier du clocher. Pour le drainage de la chapelle, la Sauvegarde de l’Art français a fait un don de 5 000 € en 2008. Tanguy Daniel
— GUEGUEN, Michel, 1997, "Pont-Aven. Nizon. Chapelle de Trémalo" in Bulletin de la Société archéologique du Finistère, Vol. CXXVI, , p.154-155.
—PERENNES, Henri, 1938, "Notices sur les paroisses : Nizon" in Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Vol. 37,
"NOTRE-DAME DE TRÉMALO Enfoui sous les arbres qui l'enveloppent de toutes parts, ce charmant édifice du xvr siècle, à clocher à jour, s'élève à l'orée du Bois-d'Amour, à un kilomètre E.N.E. de Rustéphan. ll comporte trois nefs, et douze arcades gothiques. Les poutres sont ornées de sablières sculptées, La fenêtre du chevet a encore quelques restes du vitrail, où figurait un arbre de Jessé. Le maître autel est encadré de deux statues : N.-D. de Trémalo et Saint Etienne qui porte des cailloux dans sa dalmatique. Un vieux tableau présente le Christ et deux saintes femmes dont l'une est la Madeleine. La chapelle a deux autels secondaires. L'un possède les statues de sainte Anne et de saint Laurent, l'autre celles de saint Corentin et de saint Léger. Au Sud de la chapelle se dresse une petite croix de granit. Les pardons de N.-D. de Trémalo ont lieu le dimanche après le 26 Juillet (en l'honneur de sainte Anne), le 15 Août, et le dimanche après le 8 Septembre."
En 1885, Eugène Cadel entre dans l'atelier de Luc-Olivier Merson puis, en 1886 devient l'élève de Léon Bonnat. En 1889, admis au salon des artistes français, il côtoie Messonier et Puvis de Chavannes et obtient en 1899 une mention honorable. Aujourd'hui, l'artiste es surtout connu comme illustrateur de la revue l'Assiette au beurre publiée dans les années 1900.Cette peinture sur bois, sans date, exécutée sans doute au tournant des XIXe et XXe siècles, représente l'intérieur de la chapelle de Trémalo à Pont-Aven
Au premier plan, sont représentés deux prie-Dieu nimbés par la lumière du vitrail et placés sous l'arcature de la nef, et devant la table de communion. A l'arrière-plan, on remarque, sur la droite, l'autel sud surmonté du bois polychrome situé dans la niche, qui représente sainte Anne et la Vierge Marie. À gauche de l'autel, se trouve sur une console sculptée d'un large masque, la statue en bois polychrome de saint Léger. Tout personnage est absent de cette composition, m^me si la disposition des prie-Dieu laisse à penser qu'ils viennent d'être occupés ou qu'ils le seront bientôt. Ce site d'inspiration a été peint par de nombreux autres artistes, tels que Pierre-Eugène Clairin, Emile Jourdan ou Otto Weber, dont les œuvres sont exposées au Musée de Pont-Aven.
Estelle Guille des Buttes-Fresneau, Directrice des équipements culturels CCA, Conservatrice en chef du Musée de Pont-Aven et du Musée de la Pêche de Concarneau.
« Chapelle de Trémalo », Eugène Cadel, Huile sur panneau Ht : 22 cm, L:27 cm. Don des Amis du Musée de Pont-Aven. Collection du Musée de Pont-Aven
—PUGET (Catherine), 2000, "La chapelle de Trémalo en Nizon", in "Gauguin et le Christ jaune", Musée de Pont-Aven, Pont-Aven, 31 pages. Plaquette de l'exposition éponyme du Musée de Pont-Aven.
Les vitraux anciens (fin XVe ; 1540-1543) de l'église Saint-Paterne de Louvigné-de-Bais.
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PRÉSENTATION.
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L'église du XVe siècle fut largement modernisée entre 1536 et 1562 par les soins de la fabrique et les libéralités de Guy III d'Espinay et de Louise de Goulaine.
Nous retrouvons donc ici les seigneurs d'Espinay, fondateurs de la Collégiale de Champeaux, situé à 17 kms au nord de Louvigné-de-Bais. Et en particulier le couple de Guy III d'Espinay et de Louise de Goulaine, qui contribuèrent à introduire en Bretagne l'art de la Renaissance.
C'est cette pénétration de l'art de la Renaissance en Bretagne qui forme le fil rouge d'une série de mes articles. Elle débute à Dol-de-Bretagne avec le cénotaphe de l'évêque de Dol Thomas James en 1507, se poursuit par le tombeau de Guillaume Guéguen (évêque de Nantes mort en 1509) à Nantes, et par celui de Thomas Le Roy à Nantes (1515) , puis par les stalles de Guerche-de-Bretagne en 1518-1525 et par celles de Champeaux vers 1530. L'influence d'Yves Mayeuc, évêque de Rennes, est visible par le vitrail de l'Annonciation qu'il offre en 1536 à la collégiale de Guerche-de-Bretagne, un peu avant la maîtresse-vitre de Champeaux exécutée en 1539 pour Guy II d'Espinay et Louise de Goulaine.
L'influence de la famille de Goulaine se retrouve plus tard en Côtes-d'Armor en la chapelle de Kerfons en Plouzévédé en 1559, et au nord du Finistère au château de Maillé en Plonévez-Lochrist vers 1550 par Maurice de Carman et Jeanne de Goulaine. Elle diffuse alors dans le Léon, d'abord au château de Kerjean à Saint-Vougay vers 1571, puis sur de nombreux édifices religieux des enclos paroissiaux du Léon, en sculpture sur pierre, sculpture sur bois (sablières et jubés) et peinture sur verre.
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Dans le domaine de l'ornementation, cet art se reconnaît entre autre, en simplifiant, pour la Première Renaissance, par ses grotesques, et pour la Seconde Renaissance par ses cartouches à cuirs découpés, ses médaillons et ses termes ou cariatides.
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Voir sur l'art de la Renaissance en Bretagne par ordre chronologique :
Sans compter— mais c'est essentiel — les sablières à cuirs chantournés et/ou grotesques du Maître de Plomodiern à Saint-Nic (1561-1566), Plomodiern (1564), à l'atelier du Cap-Sizun à Primelin, Pont-Croix (1544), Confort-Meilars, Esquibien ou de celle du Maître de Pleyben (1567-1576) à Pleyben, Kerjean, Plomodiern (Sainte-Marie du Menez-Hom), Bodilis, Saint-Divy, Notre-Dame de Berven (1579-1580) à Plouzévédé et peut-être Roscoff.
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Historique de l'église d'après Couffon 1968.
"Alain, évêque de Rennes (1141-1157), donna l’église de Louvigné-de-Bais et ses dépendances à l’abbaye Saint-Melaine de Rennes, se réservant seulement les droits cathédraux et ceux de l’archidiacre et du doyen, donation approuvée en 1158 par Josse, archevêque de Tours. Cette donation fut confirmée par l’évêque Philippe (1179-1181) à l’abbé de Saint-Melaine, Guillaume Privé, puis en 1185 par le pape.
L'on ne possède cependant aucune preuve que l’abbaye y ait établi un prieuré. Au point de vue féodal, trois seigneuries se partageaient les prééminences, importantes à connaître pour l’identification des vitraux et des autels : la seigneurie de Sauldecourt, qui possédait les droits prééminenciers dans la maîtresse vitre du chevet et la chapelle prohibitive de Saint-Nicolas avec droit d’enfeu, chapelle autrefois sur la façade sud de l’église avant sa démolition au XVIIIe siècle. Elle appartenait à la fin du XVe siècle aux d’Espinay de la Rivière et, en 1513, Catherine d’Estouteville habitait Sauldecourt, qu’elle avait reçue en douaire. La seigneurie de Fouesnel, dont les possesseurs avaient la chapelle à gauche du chœur, côté évangile, chapelle prohibitive avec droit d’enfeu.
Cette seigneurie passa à l’extrême fin du XVe siècle de la maison des Le Vayer dans celle de Poix par le mariage de Jeanne Le Vayer, fille et unique héritière de Jean (décédé le 12 mai 1496) et de Guyonne de Parthenay, avec André de Poix. Au XVIIIe siècle, elle fut transmise par alliance aux Rosnyvinen de Piré.
Enfin les seigneurs de la Touche avaient droit d’enfeu. Cette seigneurie, dès le xv e siècle, appartenait aux Busnel, dont les armes portaient d’argent à l’épervier au naturel, grilleté et becqué d’or, perché sur un écot de sable.
De l’église romane primitive subsistent encore, au nord du chœur, les fondations d’une petite chapelle annexe sous laquelle existe un caveau, découvert en 1775 par suite de l’effondrement du sol, puis, alors, à nouveau obturé sans qu’aucune description en ait été donnée.
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Nous sommes parfaitement renseignés sur la construction de l’édifice actuel par le registre des comptes de la fabrique de 1536 à 1563, volume de 800 pages conservé au presbytère et minutieusement dépouillé par Henri Busson, ainsi que par de nombreux comptes conservés aux Archives départementales.
L’église remonte à 1536, construction à laquelle travaillèrent en 1536 et 1537 quinze maçons sous la direction de Richard Babin, très probablement le même que le constructeur d’une partie de la nef de Saint-Sulpice de Fougères en 1522.
L’un des ouvriers, Jean Chassé, prit en 1537 une tâche à part et fut payé en cette dernière année 65 livres pour l’exécution des trois pignons de l’église : celui du chevet, celui du porche et celui de la chapelle de la Vierge ; la charpente fut exécutée par Louis Courgeon, maître charpentier, et la plomberie par Jean Lambaré de Vitré.
En 1538 et 1539, puis en 1546, on termina la nef « en amortissant les piliers », et l’église fut dédiée le 14 février 1549 (n. st.) par le R. P. en Dieu Gilles de Gand, évêque de Rouanne et suffragant de Nantes, qui bénit le maître-autel, l’autel Saint-Nicolas et un autel portatif. De 1551 à 1554, l’on fit des charrois de pierres en vue de la construction de trois chapelles en équerre sur le bas-côté nord, chacune percée d’une grande fenêtre, ainsi qu’il se faisait à cette époque dans les églises entre Vitré et La Guerche, travaux dont les plans et devis sont dus à Jehan Coury et Jean Perdriel.
L’exécution en fut confiée en 1556 à Jehan Auffray, maître maçon. Mais, celui-ci étant décédé peu après le début des travaux, son fils proposa aux fabriques de les faire continuer par Médard Arthur, maître maçon, ce qui fut accepté. En 1561, celui-ci est qualifié « maçon et maître d’œuvre de la maçonnerie des chapelles neuves ».
Les travaux furent terminés en 1562, les charpentes mises en place par Pierre Iluet et Michel Droyer, et Jean Perdriel abattit alors la muraille séparant la nef de ces chapelles.
En 1560-1561, les fabriques projetèrent de faire édifier un clocher « en daulme » sur les plans de Maître Jullian Cilliart et de Médard Arthur, mais ce projet ne fut pas alors exécuté.
Au XVIIIe siècle, l’on rebâtit presque entièrement le collatéral sud, la sacristie, et l’on construisit sur la façade ouest une tour, travaux exécutés suivant les plans d’Antoine Forestier, le jeune, architecte à Rennes, qui amenèrent la destruction de la grande chapelle de Saint-Nicolas, dite chapelle de Sauldecourt, de la chapelle de la confrérie de Notre-Dame-de-Pitié, du chapiteau (porche midi) et d’un édifice servant alors de sacristie.
La première pierre de cette construction nouvelle fut posée le 1 er mai 1759 par Guillaume Busnel, sieur de la Touche, fils de René et d’Anne d’Espinay, et le recteur de Domagné, M. Le Gendre, fit une nouvelle bénédiction de tout l’édifice le 14 décembre 1760. L’autel de Notre-Dame-de-Pitié fut alors transféré au haut du nouveau bas-côté.
Étude architectonique et plan.
— Précédé d’une tour de plan carré, l’édifice comprend une nef de trois travées avec bas-côtés, un transept non débordant sur les façades et un chœur à chevet droit, plus étroit mais très profond, accosté d’une sacristie et d’une annexe.
Les dimensions intérieures sont les suivantes : nef : largeur 7 m 30 et avec ses bas-côtés 16 m 90, longueur 16 m 40 ; transept : longueur 5m 20 ; chœur : largeur 5 m 80, longueur 9 m 20.
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Les vitraux.
"Malgré leurs avatars, les cinq verrières anciennes de Louvigné-de-Bais sont d’un intérêt capital pour l’histoire de la peinture sur verre en Bretagne, puisque les cinq sont datées et les auteurs de quatre d’entre elles sont connus.
Les comptes de Louvigné nous apportent en outre un renseignement des plus importants. Malgré les démêlés que les fabriques avaient eus avec Gilles de la Croix-Vallée pour obtenir la livraison des verrières commandées, c’est à lui qu’ils confièrent l’entretien annuel, suivant l’usage, de toutes les verrières jusqu’en l’année 1557-1558, sans doute année de son décès.
Or les comptes de 1550-1551 portant des payements à Gilles et Gillequin à Vitré ont fait dédoubler le personnage, et l’on a voulu voir dans le second un ouvrier du premier, alors que celui-ci n’est indiqué dans aucune des procédures faisant connaître les aides de Gilles. Le fait qu’il soit appelé indifféremment Gilles et Gillequin indique ainsi une origine très probable des Pays-Bas. C’est également avec le prénom tantôt de Gilles, tantôt de Gillequin, qu’il figure d’ailleurs dans les comptes de 1545 de la collégiale de Champeaux, avec son associé Guyon Colin, et l’on peut donc attribuer avec certitude à leur atelier la grande verrière de cette dernière église, dont la facture de la chevelure du donateur, Guy d’Espinay, est, entre autres, si caractéristique.
Cette facture très particulière des verrières de Louvigné-de-Bais et de Champeaux permet, semble-t-il, par comparaison, d’attribuer à l’atelier de Vitré la verrière de la Pentecôte de Notre-Dame de Vitré, datée de 1537, ainsi qu’il était naturel, et le vitrail de Javené. Celui-ci porte d’ailleurs sur le panneau de la Circoncision : i. f. g. 1. (« istud fecit Gilles Lacroixvallée »).
Il est également assez probable que les vitraux de la Tentation de la Baussaine et de la Transfiguration des Iffs leur sont dus." (R. Couffon)
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Restauration.
"Les vitraux de Louvigné-de-Bais ont été très restaurés au cours des âges ; et, en effet, mentions sont faites dans les comptes de nombreuses restaurations, sur lesquelles nous n’avons que peu de détails. Ces divers travaux furent exécutés, en 1589-1590, par Jean Lizon ; en 1604, par Richard Allaire, maître verrier à Rennes ; en 1671, par Colin, de Vitré ; en 1673, par Guillaume Blancvillain, de Vitré ; en 1699, par Gilles Métayer, maître verrier à Vitré ; en 1721, par François Ruffet, maître verrier à Rennes ; en 1749, par Michel Roulin, maître-verrier à Vitré ; enfin, de 1887 à 1889, d’une façon trop radicale suivant le goût de l’époque, et assez médiocre, par l’atelier rennais Lecomte et Colin. (R. Couffon)
Il faut ajouter la consolidation de trois verrières anciennes par l'atelier Alleaume en 1919 et la restauration des cinq baies du XVIe siècle par l'entreprise Briand de Rennes en 1981-1982.
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La description des verrières reprend largement le texte de référence, celui de Gatouillat et Hérold pour le Corpus Vitrearum.
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LA BAIE I : VERRIÈRE DE LA VIE DE LA VIERGE. 4ème quart XVe, et Gilles de la Croix-Vallée 1544. Coté nord à l'entrée du chœur.
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Cette baie de 3 lancettes trilobées et un tympan à 2 quadrilobes et 4 mouchettes mesure 5,50 m. de haut et 2,10 m. de large. La verrière de la Vie de la Vierge, seul témoignage d'une campagne de vitrage antérieure, date, avec son décor d'architecture flamboyant, du quatrième quart du XVe siècle mais a été remaniée par Gilles de la Croix-Vallée en 1544 lors d'une restauration qui y ajoute quelques décors Renaissance. Les armes des premiers donateurs ou prééminenciers ont été insérés dans les dais du registre inférieur.
"Ce vitrail se distingue par des couleurs vives et contrastées où le bleu tient une grande place, par la qualité du dessin des visages, des mains et des drapés. Le verrier qui l'exécuta avait d'ailleurs accédé à la maîtrise, si l'on en croit le sertissage en plomb vif exécuté dans le panneau du Mariage de la Vierge. Ce qui domine dans cette œuvre est bien son inspiration encore toute médiévale ; l'attribution qui en a été faite au verrier Pierre Simon qui travaillait à Fougères au milieu du XVIe siècle, beaucoup trop tardive, nous paraît impossible. " (D. Moirez 1975)
Gatouillat et Hérold, s'appuyant sur Moirez-Dufief, réfutent également l'attribution par Couffon de cette verrière à Pierre Symon. La documentation par sources permet d'affirmer que c'est Gilles de la Croix-Vallée qui, en 1544, remania la verrière au cours des travaux de rénovation favorisés par Guy III d'Espinay : Il changea en particulier des têtes dans plusieurs des scènes.
Ce Gilles de la Croix-Vallée, avec "Guyon" (Guillaume Collin), tous les deux installés à Vitré, avait déjà réalisé la verrière de la Transfiguration et celle de la Résurrection en 1539-1540, et depuis, La Croix-Vallée avait été chargé de l'entretien des verrières de l'église jusqu'en 1558, peut-être l'année de sa mort. Les deux verriers avaient réalisé en 1539 la maîtresse-vitre de Champeaux pour Guy d'Espinay et Louise de Goulaine.
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"Vitrail de la Vierge. Exécuté en 1544 par Pierre Symon, de Fougères, il est de conception et d’exécution très différentes des précédents vitraux. Il comprend neuf panneaux en trois lancettes, les trois panneaux supérieurs surmontés de hauts dais
Renaissance mais d’inspiration gothique. Il est timbré de trois écus : deux aux armes pleines losangé d’or et de gueules, armes des Le Vayer, sieur de Fouesnel, qui paraît un ramage de Craon, l’autre mi-parti des armes précédentes et d’argent à la croix pattée de sable, armes des Parthenay, rappelant l’alliance de Jean Le Vayer et de Guyonne de Parthenay.
L’exécution de ce vitrail est très soignée et l’on remarquera particulièrement la figure de la Vierge de la scène du Mariage avec son nimbe très ciselé. Pierre Symon était d’ailleurs un peintre réputé à Fougères, où il exécuta plusieurs verrières pour Saint-Sulpice et Saint-Léonard ainsi que pour la Maison de Ville en 1551.
Les restaurations de la verrière sont très visibles : Vierge de l’Assomption, Christ du Couronnement, deux des rois mages de l’Adoration, le saint Joseph des fiançailles et deux têtes des apôtres de la Mort de la Vierge. " (R. Couffon)
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le registre inférieur et ses armoiries. Le Mariage de la Vierge, l'Annonciation et la Visitation.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le Mariage de la Vierge.
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La scène se passe dans une église gothique à voûte d'ogive et clefs pendantes, et baies à remplages gothiques.
Sur fond d'un drap d'honneur rouge, le grand prêtre, reconnaissable à son bonnet conique perlé à gland frangé et à sa cape verte au fermail losangique doré, place la main de la Vierge dans celle de Joseph. Celui-ci tient la canne, qui signale son âge, mais aussi le rameau fleuri qui est le signe de son élection divine parmi les autres prétendants. On remarque ses chaussures à bouts fins.
Deux hommes et deux femmes assistent à la scène. L'homme le plus externe porte à l'oreille un grelot d'or, ce qui incite à s'interroger sur sa signification.
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La tête de Joseph a été restaurée par La Croix-Vallée en 1544 ; celle des deux têtes à gauche ont été refaites en 1887.
Le médaillon jaune d'or du bonnet vert du personnage de gauche est monté en chef-d'œuvre.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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L'Annonciation.
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L'ange Gabriel coiffé du diadème, est à demi-agenouillé, et fait le geste de salutation tandis que ses paroles sont en parties visibles sur le phylactère de sa tige fleurdelysée : AVE MARIA GRATIA PLENA DOMINUS TECUM BENEDICT [A IN MULI] ERIBUS. La colombe de l'Esprit traverse la chambre en diagonale depuis une baie dans un rayon de lumière dorée et se dirige vers le sommet de la tête de Marie.
La Vierge est agenouillée ou assise sur le sol carrelé, sous le pavillon rouge couronnant son lit, à coté du vase dont le lys symbolise sa virginité.
La tête de la Vierge a été restituée en 1887 ; la pièce a été mouchetée de hachures pour simuler une corrosion.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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La Visitation.
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Dans un paysage extérieur (arbres, rochers, feuillages, mais devant des murailles (vieux-rose) et sous une arche cintrée à voutes ogivales et clefs pendantes, les cousines Marie et Elisabeth adoptent un geste en miroir, à quatre mains : l'une des mains retient le pan du manteau tandis que l'autre se pose sur le ventre. Marie se reconnaît à son nimbe ciselé, à sa tête non fléchie, et aux mèches de cheveux blonds s'échappant du voile.
Le vitrail est bien conservé sauf quelques pièces de drapé.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Les armoiries.
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1°) Echiqueté de gueules et d'or sur les deux panneaux latéraux. Jean Le Vayer, seigneur de Fouesnel
Ces armes figurent aussi sur le retable nord, datant de 1655.
Potier de Courcy :
Vayer, Voyer ou Véyer (le), sr. de Clayes, par. de ce nom, — de la Clarté, par. de Cornillé, — de Fouësnel, par. de Louvigné-de-Bais, — de la Hussonnière et de Montbouan, par. de Moulins-sur-Roche, — de Goësmes, par. de ce nom, — du Plessis-Raffray, par. de Domagné, — de la Mariais, de la Lande, de la Cour, du Boisgerbaud, de la Villeaugier, de la Garenne, de la Rivière et de Saint-Patern, par. de Soudan, — de Rigné, par. de Rougé, — de Laumondière, par. de Saint-Père-en-Retz.
Réf. et montres de 1427 à 1544, par. de Clayes. Moulins-sur-Roche, Louvigné-de-Bais, Soudan, Rougé et Saint-Père-eu-Retz, év. de Saint-Malo, Rennes et Nantes.
Losangé d'or et de gueules (Sceau 1402).
Jean, sr de la Clarté, ratifia le traité de Guérande en 1381, et fut marié en 1391 à Marguerite Rogier de Beaufort ; Jean, conseiller du duc Jean V en 1404-, Auffroy et François, son neveu, abbés de Saint-Aubin-des-Bois de 1509 à 1532; Olivier, panetier ordinaire de la reine Anne en. 1513; Bertrand, vivant en 1586, épouse: 1° Vincente de Clairefontaine, dont Pierre, auteur des srs de la Morandaye, qui suivent ; 2° Marie Malenfant, mère de Jean, président aux enquêtes en 1619, qui, de Claude le Marchant, laissa entre autres enfants : Louise, dame de Clayes, mariée à Jean Nicolas, sr de Champgérault, autorisé par lettres de 1626 à prendre les nom et armes de sa femme. Voyez Nicolas.
La branche de Coôsmes fondue en 1377 dans Maillé ; la branche de Fouësnel fondue vers 1493 dans de Poix ; la branche de Montbouan fondue en 1615 dans Langan.
Vayer (le) (ramage des précédents), sr de la Hérissaye, — de Montforay, — de Chevigné,
— de Quédillac, par. de ce nom, — de la Morandaye, par. de Roisgervilly, — de la Giraudais, — de Raulac.
Anc. txt., réf. 1668, 0 géu.; réf. 1513, par. de Boisgervilly, év. de Saint-Malo.
De gueules à neuf losanges d'or.
Bertrand, vivant en 1586, marié à Vincente de Clairefontaine, père de Pierre, et ce dernier de Jean, marié : 1° à Suzanne le Bouteiller, 2° à Marguerite de Penhoët ; un héraut des États de Bretagne en 1728.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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2°) Echiqueté de gueules et d'or en alliance avec d'argent à la croix pattée de sable. Jean Le Vayer, seigneur de Fouesnel et son épouse (1452) Guyonne de Parthenay.
https://man8rove.com/fr/blason/2tisd66-parthenay
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Guyonne de Parthenay est la fille de Michel de Parthenay, seigneur du Bois-Briant, et de Perrine de la Bouëxière (-1461), dame de Parigné. Elle eut une fille, Jeanne le Vayer, qui épousa André de Poix (v.1460-1531), seigneur de Saint-Roman. Celui-ci épousa en 1520 Renée du Hallay.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le registre intermédiaire. Adoration des Mages, Massacre des innocents, Fuite en Égypte.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Adoration des Mages.
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Les têtes des deux mages de droite ont été remplacées en 1544.
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La tête de Balthasar, le roi noir —celui qui offre la myrrhe— est remarquable par son pendentif en forme de clochette. Cette marque de marginalité (voire d'exotisme), qui apparaît dans la peinture flamande ou du nord de l'Europe (Memling, 1470) et se retrouve ailleurs sur les vitraux bretons, comme aux Iffs vers 1530. Mais il s'agit plus souvent d'une simple boucle, et cette clochette est très originale. Cet accessoire peut être un signe de judéité, comme celle de la Vierge dans L'Annonciation de Lorenzetti ou celle de Caïphe à La Roche-Maurice, d'africanité comme pour le roi Salomon de l'Arbre de Jessé de Bourg-Achard , mais est toujours un détail significatif en iconographie.
Les cheveux blonds de la Vierge sont retenus par un diadème centré par un cabochon.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Massacre des innocents.
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Certaine têtes ont été refaites en 1544, dont celle d'Hérode. Ce dernier lève l'épée et se prépare à frapper un enfant, assez indistinct dans les bras de sa mère. Les cheveux de celle-ci sont retenus par un bandeau dont les extrémités frangées pendent derrière son dos : on notait déjà ce détail sur le Vierge de l'Annonciation.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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La Fuite en Égypte
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le registre supérieur.
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On regrettera la très large barlotière qui masque la partie la plus importante des trois scènes.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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La Dormition.
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Trois apôtres nimbés, assis ou à genoux, comme Jean, mains jointes, occupent le devant du lit. La Vierge, en manteau bleu, est allongée, tête vers notre droite, et tenant le cierge. Elle est entourée d'un apôtre qui tient un livre grand ouvert derrière un autre qui semble tracer une onction. Sa main, cerclée de plomb au sein de la pièce de verre, est réalisée selon la technique du chef-d'œuvre. On devine d'autres apôtres à leur nimbes.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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L'Assomption.
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La Vierge porte une robe violette et un manteau bleu. Elle est emportée dans les Cieux par six anges aux ailes rouges, en tunique blanche et étole rouge, ou aux ailes vertes, vêtus de chapes en velours bordeaux frangés de perles et à fermail losangique.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le Couronnement de la Vierge.
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La Vierge, mains jointes, de face, est encadrée par le Christ et le Père, de même taille. Le Fils qui porte le nimbe crucifère et un manteau bleu bénit sa Mère, tandis que le Père est vêtu en pape et tenant le globe (verre bleu teinté au jaune d'argent du cadran jaune d'or) surmonté d'une croix richement travaillée. L'Esprit-Saint vole au dessus, dans des rayons d'or, presque au même niveau que les autres termes de la Trinité.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Les dais.
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Les scènes sont encadrées d'architecture gothique à dais très élevés en grisaille et jaune d'argent.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le tympan.
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Dans les quatre mouchettes, sont figurés au jaune d'argent des anges musiciens (restaurés au XIXe) jouant de la harpe, de la vièle à archet à quatre cordes, du luth, et de la flûte à bec. Dans les quadrilobes, un pélican nourrissant ses petits, et un Agneau Pascal sont encadrés par quatre fleurs.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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LA BAIE 3 : VERRIÈRE DE LA DESCENTE AUX LIMBES. Guyon Colin 1567.
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Cette baie d'une lancette mesure 4,00 m. de haut et 2,00 m. de large. La verrière de la Rédemption ou de la Descente aux Limbes est datée de 1567 et a été exécutée par Guyon Collin pour Louise de Goulaine ou Jean d'Espinay à la mémoire de ses parents.
La scène est présentée sous un arc de triomphe à colonnes torses sur celle de gauche un cartouche à cuir à enroulement portant la date de 1567, et sur celle de droite un cartouche à inscription signalant la restauration par Lecomte et Colin, de Rennes, en 1887. (D'après Gatouillat et Hérold)
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"Vitrail de la Descente aux limbes. Du même atelier vitréen, cette œuvre de Guyon Colin porte la date de 1567 sur l’un des cartouches décorant les colonnes de l’arc Renaissance qui encadre la scène ; l’autre cartouche portait le nom de Richard Allaire, qui restaura la verrière, et la date 1604 de sa restauration, cartouche rendu fruste par les derniers restaurateurs.
En supériorité, un écu entouré du collier de Saint-Michel est aux armes de Guy d’Espinay et de Louise de Goulaine, seigneurs de la Rivière-en-Champeaux et de Sauldecourt-en-Louvigné, qui figurent également avec les donateurs au bas de la verrière.
On retrouve dans les figures les mêmes chevelures et barbes moutonnées, si caractéristiques de l’atelier, les chevelures très blondes des femmes et leurs figures très rondes qui se voient également dans la Tentation de La Baussaine." (R. Couffon)
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Dans le couronnement à volutes latérales, animées par deux couples d'enfants, une niche à coquille est encadrée par deux termes (supports anthropomorphes) typiques de la Seconde Renaissance. On y trouve à gauche les armes d'Espinay d'argent au lion coupé de gueules sur sinople armé, lampassé et couronné d'or. Et dans un losange (armes féminines), celles de son épouse Louise de Goulaine, mi-parti d'Angleterre et de France. Ces armes figurent sur le tombeau du couple, datant de 1553. Guy III est décédé en 1551 et Louise de Goulaine en 1567, l'année même de réalisation de cette verrière.
Les armes du couple sont surmontées de la couronne perlée : le titre de comte de Durtal ne fut acquis, comme celui de chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, que par leur fils Jean d'Espinay, chambellan du roi Henri II, décédé en 1591. Celui-ci obtint le titre de marquis d'Espinay en 1575.
Selon Gatouillat et Hérold, les écus sont modernes, le cadre est restauré ; les meubles des écus ont été gravés sur la pièce vitrée bleue.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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La grande scène centrale.
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Au centre, le Christ foule la porte de l'Enfer, figuré comme une forteresse habitée de démons multicolores, et en accueille les âmes des Patriarches.
On reconnaît l'influence de la gravure du Christ aux Limbes du cycle de la Petite Passion de Dürer en 1511.
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On cite aussi l'influence de la gravure du monographiste L.D., alias Léon Davent d'après Luca Penni, 1547.
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Mais on pourrait se référer à la représentation de cette scène sur de nombreux vitraux, et sur les calvaires monumentaux bretons dans la version où le Christ libère les âmes retenus par le Léviathan.
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L'inscription centrale.
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Un phylactère part des mains d'un des patriarches avec l'inscription ADVENISTI DESIDERABILIS. Il s'agit d'un fragment d'un cantique Cum rex gloriae Christus infernum, conservé dans l'antiphonaire de l'abbaye de Saint Gall au XIIe siècle, et qui intègre un fragment du psaume 24(23) :
Cum rex gloriae Christus infernum debellatur(us intraret et chorus angelicus ante faciem ejus portas principum tolli praeciperet sanctorum populus qui tenebatur in morte captivus voce lacrimabili clamaverat advenisti desiderabilis quem exspectabamus in tenebris ut educeres hac nocte vinculatos de claustris te nostra vocabant suspiria te larga requirebant lamenta tu factus es spes desperatis magna consolatio in tormentis alleluia
"Quand le Christ, Roi de gloire, fut entré en guerrier dans les enfers, et que les chœurs des anges eurent ouvert les portes des ténèbres, les âmes des saints encore détenues dans les liens de la mort criaient avec larmes et lamentations : Venez le désirable que nous attendons dans les ténèbres, pour nous retirer, cette nuit, de notre prison ; nos soupirs vous y appellent ; nos abondantes lamentations vous réclament ; vous êtes devenu l’espoir de nos désolations, la grande consolation de nos tourments."
https://gregorien.info/chant/id/1723/9/fr
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La trame de l'épisode du Roi de Gloire capable d'abattre les portes de l'Enfer en raison même de sa victoire sur la Mort est tirée de l'évangile apocryphe grec du Ve siècle traduit en latin par Descendus Christi ad Inferos et rattaché à L'Evangile de Nicodème.
SKUBISZEWSKI (Piotr), 1996, Le titre de « Roi de gloire » et les images du Christ : un concept théologique, l’iconographie et les inscriptions Civilisation Médiévale Année 1996 2 pp. 229-258
Gatouillat et Hérold signalent l'utilisation abondante de sanguines.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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La bordure de gauche et Adam et Ève tenant la pomme de la Tentation.
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La colonne torse et son soubassement sont typiquement Renaissance, de même que le cartouche à cuir à enroulement suspendu par une couronne de lauriers.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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La bordure de droite et les Patriarches sortant du Limbus Patrum.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Les termes (supports anthropomorphes) des angles.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le registre inférieur et ses armoiries.
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Au centre, un ange tient un cartouche à cuir à enroulement portant l'inscription tirée du Livre de Zacharie IX:11 :
ZACHAR9
EMISISTI VI[NCTOS DE LACV
IN QVO NON ERAT AQVA
Tu quoque in sanguine testamenti tui emisisti vinctos de lacu in quo non erat aqua : "Et pour toi, à cause de ton alliance scellée dans le sang, je retirerai tes captifs de la fosse où il n'y a pas d'eau".
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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De chaque coté, des anges présentent des chapeaux de triomphe contenant à droite les armes pleines d'Espinay, et à gauche les armes mi-parti d'Espinay et de Goulaine (bustes d'origine, écus refaits).
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On notera les termes ou supports anthropomorphes, qui sont latéralement des vieillards barbus à oreilles de faune, vêtus d'un pagne, et au centre un couple torse nu.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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LA BAIE 4 : VERRIÈRE DE LA VIE DE LA TRANSFIGURATION. Gilles de la Croix-Vallée et Guyon Colin 1540-1543 ; atelier Lecomte et Colin 1886.
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Cette verrière d'une seule lancette est haute de 4,50 m et large de 2,05 m. Elle était conçue pour la maîtresse-vitre à trois lancette et un tympan par Gilles de la Croix-Vallée et Guyon Colin, et était offerte par Guy III d'Espinay et Louise de Goulaine. Brune, en 1846, l'a décrite dans sa baie d'origine. Elle a été déplacée, complétée et adaptée dans cette vitre par Lecomte et Colin en 1886.
Une aquarelle donne l'état du vitrail avant sa restauration :
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"Vitrail de la Transfiguration. L’exécution de ce vitrail donna aussi lieu à pas mal de péripéties avant sa livraison définitive, le 25 octobre 1544. Gilles et son associé Guyon Colin se plaignirent d’avoir perdu de l’argent et les fabriques leur accordèrent le 28 décembre suivant quatre écus de gratification.
Des parties importantes en ont été refaites, notamment le Christ et les portraits des donateurs, Guy d’Espinay et Louise de Goulaine, mais les figures de Moïse et Élie sont d’excellents documents pour l’étude de cet atelier vitréen. Les fabriques renferment nombre de documents antiques comme les tableaux contemporains d’Antoine Caron et les verrières de Jean Cousin. Ainsi que le précédent, ce vitrail dénote en effet une influence italienne." (R. Couffon)
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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La Transfiguration.
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Dans un paysage avec fabriques, les apôtres Jean et Jacques, renversés et éblouis, et Pierre, mains jointes et à genoux, contemplent le Christ entouré de Moïse et d'Élie environnés de nuées.
Le Christ a été restitué en 1886. Jean, Jacques et les prophètes sont bien conservés. Seul le visage de Pierre est d'origine.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le registre inférieur.
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Sous des pavillons à lambrequins (en verre rouge gravé), les donateurs sont vus en mi-corps. Guy III d'Épinay est présenté par un saint guerrier revêtu d'une cotte d'hermines. S'agit-il de saint Guillaume d'Aquitaine ou du bienheureux Charles de Blois ? Louise de Goulaine est présentée par saint Louis. Les panneaux ont été restitués en 1886, sauf quelques pièces de la cotte armoriée du donateur et les bustes de leurs saints patrons. Les panneaux inférieurs ont été perdus.
Au centre se trouve un paysage de ruines, un buste, et l'inscription relative à la restauration de 1886.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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ANNEXE : Description de Brune :
"Les trois vitraux des chapelles du nord ont au contraire été parfaitement conservés. Le plus curieux pour l'iconographie religieuse est sans aucun doute celui qui représente la Descente de Jésus aux enfers. Il doit être de Guyon Colin. nous avons déjà indiqué que Colin travaillait chez de la Crouezevallée. Il est donc probable que c'est lui qui a succédé au maître vers 1560. La facture, par certains détails, l'apparente aux vitraux sortis de chez de la Grouez-vallée. Le Christ, en particulier, a certainement été fait avec les mêmes cartons que celui de la Résurrection même manteau rouge agrafé par le même cordon, même nimbe fleurdelisé, même croix avec les mêmes plis à l'étendard, même tête majestueuse et un peu dure. ( Même sujet à Saint-Etienne du Mont; mais imité plus directement de Raphaël.)
On sait que M. E. Male a suivi l'évolution de ce sujet à travers le moyen âge dans son Histoire de l'Art religieux. C'est à l'aide de ses savants commentaires que je vais analyser ce vitrail, en signalant pourtant quelques détails que M. Male n'a pas expliqués ou que même il n'a pas relevés ailleurs. Notre diocèse possédait autrefois trois Descentes aux enfers, l'une au Mont-Dol, recouverte d'un badigeon; une à Bazouges la-Pérouse (1574), et celle de Louvigné. Peut-être y en avait-il une aussi à La Baussaine, dans un vitrail. Les deux qui nous restent suivraient à illustrer l'étude de M. Male. La fresque du Mont-Dol (31), de la fin du XIIe ou du XIIIe siècle, représente la scène dans sa simplicité primitive. Le Christ tenant sa croix sans étendard pose un pied sur les portes de l'enfer renversées (32) et tend la main à Eve et quelques autres personnages dont on aperçoit la silhouette en contre-bas de la porte de l'enfer. Cette porte est simplement une entrée noire, sans flammes. Mais au cours des âges le sujet s'est enrichi, et Louvigné nous le montre dans toute sa complexité. Les enfers (les limbes) sont devenues l'enfer séjour de souffrances, contre toute vraisemblance théologique. 11 est représenté par une tour pleine de flammes d'où s'élancent par une fenêtre et que surmontent des démons rouges. Le Christ porte de la main gauche une croix surmontée d'une oriflamme; ce dernier détail apparaît dans l'iconographie au XIVe siècle. A la fin du .\]le siècle, un monstre apparaît dans cette scène, c'est le Léviathan, que nous décrit le livre de Job. On trouve ce Léviathan au Mont-Dol, non dans la fresque de la Descente aux enfers mais dans celle qui représente les supplices des damnés en enfer. A Louvigné, il y a aussi un Léviathan; mais il n'a pas la forme d'une gueule énorme que lui a prêtée tout le moyen âge et qu'a popularisée la mise en scène des mystères. Il y est représenté par uns sorte de serpent vert qui s'avance contre le Christ au-dessus des flammes dans l'embrasure du gouffre.
Vers la fin du XIIe siècle aussi Adam et Eve, qui dans les manuscrits orientaux sont habillés, deviennent nus comme aux jours de leur innocence, avant le péché. Au Mont-Dol, tous les justes délivrés par Jésus sont nus. Mais on a dissimulé Eve derrière les autres personnages; on n'aperçoit, que sa tète. A Louvigné, au contraire, Adam et Eve sortis de l'enfer occupent à eux deux la moitié du vitrail. Adam est peint de trois-quarts, mais Eve est vue de face, tenant dans sa main la pomme fatale. Manifestement l'artiste les a posés là pour avoir l'occasion de faire une élude de nu; et, à voir le soin qu'il a mis à modeler les formes et à colorer les chairs, en ne peut s'empêcher de croire qu'il a voulu rivaliser avec les modèles que lui offraient Durer, lan Gossaert, Granach, Raphaël, tant d'autres auteurs d'Eve où la Renaissance a salué la glorification du corps humain et de ses tendances artistiques et païennes.
Quelques détails de ce tableau me paraissent encore inexpliqués ou particuliers à Louvigné. Le Christ enfonce la hampe de la croix clans la gueule d'un démon pris sous la porte de l'enfer. Ce démon pris sous la porte est classique . mais je ne crois pas que M. Male l'ait expliqué. Tous les détails de l'iconographie religieuse ont leur signification, surtout ceux que se transmettent les siècles et les écoles. Voici donc ce que je propose, en suivant la méthode même du grand critique. D'après M. l'abbé Turmel une partie des docteurs chrétiens ont cru que le Christ en mourant a trompé le démon. Le diable ne voyant dans Jésus qu'un prophète l'a fait mourir et il se réjouit de le voir descendre dans les enfers. C'est quand il le voit arriver, plein de force et d'autorité, pour délivrer ses victimes qu'il s'aperçoit de son erreur; il a été joué et pris comme à un hameçon ou à une souricière*39). Dans la Passion du XVe siècle publiée par Jubinal < Satan se plaint que Jésus l'ait « tousjours deceu » et son compagnon Beelzebuth rit de sa naïveté
Comment as tu esté si nices
Que tu as fait Jhesucrist pendre ?
N'est-ce point cette idée théologique qu'ont voulu rendre nos artistes en le faisant prendre sous la porte qu'il barricadait à l'arrivée du Christ ?
La composition du vitrail de Louvigné pose encore un autre problème. Quand on le compare à la fresque du Mont-Dol, ou à celles du haut moyen âge que M. Maie a reproduites, on s'aperçoit qu'au cours des siècles la scène s'est dédoublée. Il n'y a qu'un groupe de personnages dans les miniatures et les vitraux les plus anciens; le musée d'Angers possède du début du XVI" siècle un retable et une tapisserie et le musée de Lyon un tableau d'un maître primitif allemand où un seul groupe de personnages se prépare à sortir des Limbes. Il y en a deux dans celui que nous étudions. Le Christ, placé au centre du tableau, le divise en deux parties. A gauche, derrière lui, libérés de l'enfer, debout sur l'herbe fleurie comme au paradis terrestre, sont Adam et Eve, accompagnés à l'arrière-plan de cinq autres personnages. A droite, dans l'enfer, 6 ou 7 personnes forment un second groupe. Le de ce groupe, prêt à sortir à la Inmirrc, lient la main de Jésus. M. Ottin qui <i pf-snyé une histoire du vitrail signale aussi (autant que j\> puis imagine)' sa description) deux groupes sur la Descente rie Boran. Cette répartition des personnages, je l'ai moi-même notée à Bordeaux, sur le bas-relief Renaissance de Saint-André et sur l'émail de Léonard Limosin (1557) du musée de Cluny, Il est impossible d'y voir deux tableaux différents, comme le veut Guillotin de Corson la chute et la rédemption. Adam et Eve n'avaient pas derrière eux une demi-douzaine de témoins au paradis terrestre Adam et Eve regardent en souriant ceux qui vont à leur suite sortir des Limbes, marquant par cette attitude l'unité du groupement. Peut-être n'y a-t-il là 'qu'un souci de symétrie dans la composition ? Peut-être aussi y a-t-il une idée théologique. Toute une école de théologiens ont cru, à la suite de saint Clément d'Alexandrie, Origène, saint Athanase, saint Jérôme, saint Hilaire, que Jésus délivra les âmes des païens vertueux (en leur donnant la foi posthume) aussi bien que celles des Juifs qui avaient cru à sa venue <41>. Combien cette théorie devait séduire les penseurs de la Renaissance, scandalisés au point d'en faire une objection à la foi chrétienne que la Rédemption n'eût pas profilé aux héros païens Certains humanistes n'hésitaient pas à donner le paradis à Cicéron, à invoquer saint Socrate, à mettre le De o//tcus à côté de l'Evangile, et se refusaient à croire que des hommes comme Aristide, Solon, Platon, Scipion, Caton ne fussent pas sauvés (42>. On sait comment Raphaël dans l'Ecole d'Athènes a voulu rapprocher les sages anciens des théologiens de la Dispute du Saint-Sacrement.
Les Gentils n'avaient-ils pas eux aussi attendu le Messie ? Le drame des Prophètes fait à Virgile et aux Sibylles une place à côté des prophètes juifs. Les oracles sibyllins ont même formé un roman au XIVe siècle et une moralité au XVe. Le Mistére du Yiel Testament les a accueillis et ils ont suscité toute une littérature en marge des cycles chrétiens. Virgile ne paraît pas dans les drames que j'ai pu étudier , mais on invoque sa 4e bucolique dans la Nativité du XVe siècle, et Reproduite par M. l'abbé J. Descottes dans son album Les curiosités du Mont-Dol, IX, d'après une copie de T. Busnel de 1807. M. Male le signale à côté des prophètes ainsi que la sibylle, dans des Arbres de Jessé du XIIIe siècle. De là à lui donner place dans les Descentes aux enfers, il n'y a qu'un pas. Car les mêmes personnages qui annoncent le Messie dans le Drame d'Adam, ou dans le Viel Testament le saluent à sa descente aux enfers dans les Passions et les Résurrections. Que les plus anciennes descentes aux enfers que nous possédions n'utilisent pas ces personnages, ce n'est pas une preuve qu'au XVIe siècle on n'ait pas mis Virgile et la Sibylle en tête des païens délivrés par le Sauveur. Au vitrail de Louvigné, en tète du groupe que nous éludions se trouvent un homme et une femme. Serait-ce Virgile et la Sibylle J'hésite à le croire, faute de preuves. Et puis le premier personnage est barbu et je ne sais pourquoi je ne puis me figurer qu'on ait représenté Virgile avec cette barbe. Il est plus probable que c'est Platon. La tradition chrétienne depuis Clément d'Alexandrie (48> admettait que les philosophes avaient été la lumière des Gentils comme les prophètes celle des Juifs. C'est pourquoi saint Jean Damascène (") les joint aux Sibylles pour former le groupe des infidèles délivrés des enfers par le Christ. Parmi ces philosophes, le divin Platon paraissait presque un docteur chrétien <48). Quand au début de la Renaissance Marsile Ficin voulut populariser le platonisme, il eut bien soin de rappeler qu'il y avait peu de chose à y changer pour faire des platoniciens des chrétiens . Erasme dans son Eloge de la Folie essaie un parallèle entre les deux doctrines. Il étail donc tout naturel qu'on lui donnât la première place en tête des païens que leurs vertus naturelles sauvaient des enfers. Dès la fin du XIe siècle Nicelas de Serra, métropolitain d'Héraclée, commentant le sermon de saint Grégoire de Naziance sur Pâques (5|) raconte qu'un chrétien qui avait insulté la mémoire du philosophe eut une vision. Plalon lui apparut et lui révéla qu'à la descente du Christ aux enfers, il fut le premier à croire en lui. La Renaissance, en faisant de Platon l'auxiliaire des Apologistes contre ie rationalisme aristotélicien, dut encore augmenter la vénération qu'inspirait le créateur de l'Académie. Ce personnage porte une banderolle avec ces mots Advenisli desiderabilis Cette formule n'est point dans la Bible. Je soupçonne qu'elle pourrait bien venir de quelque drame. Qui en aura trouvé l'origine aura expliqué ce petit problème d'art. Au-dessous du vitrail est écrit le verset de Zacharie qu'il illustre Emisisti vinctos de lacu in quo non erat aqua. Autour se dresse un splendide portique; le haut surtout, orné de festons de verdure el de fruits est d'une grande richesse décorative. En bas, des anges nus soutiennent les armes d'Espinay et de Goulaine encadrées de couronnes de fleurs.
Je me suis arrêté longuement sur ce vitrail, parce qu'il représente un sujet rarement traité dans l'art breton et qu'il contient quelques détails originaux." https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k115330r/f334.item.r=domagn%C3%A9.zoom#
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LA BAIE 5 : VERRIÈRE DE LA VIE DE SAINT JEAN-BAPTISTE. 1578.
Cette verrière d'une lancette cintrée de 4 mètres de haut et 2 mètres de large est consacrée, sur deux registres, à la vie de saint Jean-Baptiste. Les armoiries de 1578 en attribue le don à Michèle Le Sénéchal, dame de La Valette épouse de Christophe de Poix depuis 1560.
"Vitrail de Saint-Jean-Baptiste. Au centre de la verrière, entre les armes des de Poix et d’Espinay, est un écu portant les armes pleines de Michèle Le Sénéchal, entourées de la cordelière, montrant que cette œuvre ne peut être antérieure à la mort de son mari, Christophe de Poix, décédé au manoir de Fouesnel le 17 juillet 1575.
D’ailleurs, sur deux des carreaux au bas du panneau figurant l’inscription du nom de Jean, se lisent les deux dates de 1578 et 1887, de son exécution et de sa restauration. Ce ne peut donc être le second vitrail commandé à Guyon Colin en 1567, ainsi qu’il est répété. Il est d’ailleurs de facture très différente et d’un maître non encore identifié. Plusieurs figures ont été refaites : le saint Jean-Baptiste de la Prédication ainsi que la femme assise devant lui, les figures des anges du Baptême du Christ, celle du témoin de l’inscription, enfin le saint Jean de la Naissance.
Ce vitrail est certainement avec celui de la Vierge le meilleur de cet ensemble très remarquable." (R. Couffon)
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le registre supérieur : la prédication de Jean-Baptiste. Le baptême du Christ par Jean-Baptiste. Sa décollation.
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L'amortissement associe, sur les cotés, des génies et des rinceaux colorés, et au centre, un panneau moderne où des nuées ont remplacé une figure de Dieu le Père placée au dessus du Baptême et envoyant l' Esprit-Saint.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le baptême du Christ par Jean-Baptiste.
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La partie gauche incluant les anges et le paysage est moderne.
La colombe du Saint-Esprit descend depuis des nuées dans un rayon lumineux portant l'inscription HIC EST FILIUS MEUS (Celui-ci est mon Fils).
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Le thème de la vie de saint Jean-Baptiste a été traité au début du XVIe siècle, notamment par un atelier rouennais qui lui doit son nom de convention : le "Maître de la vie de saint Jean-Baptiste" à Louviers, à Bourg-Achard, à Conches, à Rouen sous forme de vestiges, et à Philadelphie. L'inscription accompagnant la descente de l'Esprit-Saint dans une colonne de lumière est caractéristique de ce Maître.
. En voici quelques exemples :
— Paris , verrières nord de Saint-Merry, (vers 1500). Maître de la vie de saint Jean-Baptiste
— Bourg-Achard (Eure), baie 2 vers 1500. Maître de la vie de saint Jean-Baptiste
— Rouen, église Saint-Romain, baie 112 (vers 1500). Maître de la vie de saint Jean-Baptiste
— Rouen, église Saint-Vincent, Engrand Le Prince.
— Louviers, baie 26 (vers 1500-1510), offert par les tanneurs de Louviers.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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La décollation de Jean-Baptiste devant Hérode.
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Le festin d'Hérode est figuré au centre en arrière-plan à échelle réduite. Salomé reçoit des mains du bourreau, dans un plat la tête du saint, mais se détourne vers sa mère Hérodiade qui est responsable de cet acte.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le registre intermédiaire. Annonce de la naissance à Zacharie. Naissance de Jean-Baptiste. Zacharie inscrit le nom de son fils.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Annonce de la naissance par un ange à Zacharie dans le Temple.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Naissance de Jean-Baptiste.
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Gatouillat et Hérold font remarquer l'emploi d'un émail rouge ou de sanguine en ton local sur le dais du lit.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Zacharie inscrit le nom de son fils.
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Le buste de Zacharie est moderne, ainsi que le spectateur placé au centre. La date de 1887 est inscrite sur le dallage.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Le soubassement.
Un socle architectural surmonté d'une balustrade, est timbré de trois écus entourés de l'ordre de Saint-Michel. Les armes de Poix et d'Espinay entourent celles de la fondatrice Michelle Le Sénéchal. Le tout é été refait en 1887, sauf quelques fragments de collier à gauche.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Armoiries de Christophe de Poix d'or à deux vols de gueules et de gueules à la bande d'argent accostée de six croix recroisettées d'or, 3 et 3.
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"Christophe de Poix , seigneur de Fouesnel, Brécé, etc., et en outre de la Vallette , le Frétay - Bourdin, Neuville , et Brachet , est né au manoir de Fouesnel; il fut baptisé dans l'église de Louvigné le 2 septembre 1522 :
Cristoffle de poys fils de noble Michel de poys, ser de Fouesnel et damoyselle Regnée du Hallay, sa cpaigne fut baptizé le second jour de septembre lan susdit et fust parain noble lan du Bous chet, si de la Haye de Torcé ; coadjuteur Bertrand de sevigné .
Christophe de Poix tint un rang distingué dans la noblesse de la province; un rôle du 14 mars 1569 constate qu'il était à cette date capitaine des gentilshommes de l'arrière-ban de l'évêché de Rennes , titre qui lui avait été conféré par un brevet du 14 janvier précédent. Par lettre de commission du 2 mars 1574, M. de Bouillé, lieutenant du gouverneur de Bretagne , le nomma capitaine du ban et arrière-ban du même évêché, qu'on envoya tenir garnison à Vitré , et dont il fit la revue devant le sénéchal de cette ville le 16 du même mois . Le roi lui envoya le collier de l'Ordre de Saint-Michel , auquel il l'avait associé le 17 juin 1570 ; par lettre du 22 juillet de la même année , le marquis d'Espinay fut chargé de lui remettre cet insigne et de recevoir son serment . Il mourut au manoir de Fouesnel le 17 juillet 1575."
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Armoiries féminines (dans un losange) de Michèle Le Sénéchal, d'azur à neuf macles d'or, 3, 3, 3 accostées et arc-boutées.
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Christophe de Poix épousa, avant le 20 août 1560, Michelle Le Sénéchal, dame de la Vallette, Neuville, Brachet, etc. , fille unique et héritière de feus Bertrand Le Sénéchal, écuyer, seigneur des mêmes lieux , et de Catherine de Neuville ; elle avait perdu sa mère en 1545, et dès 1547 elle était restée orpheline sous la tutelle de son parent , Renaud de Neuville, seigneur du Plessis -Bardoul, désigné à cette charge par le testament du père . Six enfants au moins naquirent de ce mariage; les lacunes des registres paroissiaux ne nous permettent pas de réparer les omissions probables des mémoires généalogiques , qui mentionnent seulement : 1 ° René , — 2 ° Louise , l'aînée , -3° Louise, puinée, -4° Suzanne, - 5° Perronnelle , 6° Mathurin, baptisé à Louvigné le 16 mars 1563."
Sa mort en 1605 est mentionnée en ces termes dans les registres de l'église de la Vallette : Le mardy vingz et cinquiesme jour de janvier lan mil seix cent cinq deceda noble et puissante dame Michelle Le Senechal, dame de Fouesnel, et fust enterrée le vingtz et septiesme a Loupvigné et faist testament." (F. Saulnier)
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Armoiries d'Espinay, sommées d'une couronne.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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LA BAIE 6 : VERRIÈRE DE LA RÉSURRECTION. 1544-1543 et 1888.
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Cette verrière d'une seule lancette mesure 4,50m de haut et 2,05 m. de large. Elle a été commandée en 1540 pour la façade ouest à Gilles de la Croix-Vallée et Guyon Collin pour 50 livres. Elle a été déplacée et fortement complétée en 1888 par Lecomte et Colin.
Les pièces d'origine sont : le buste du Christ ; quelques fabriques du paysage ; et l'un des soldats en bas à gauche. Le reste est refait, y compris les saintes femmes en arrière-plan. (Gatouillat et Hérold)
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"Vitrail de la Résurrection. Ce fut le premier prêt. Il devait coûter 50 livres, la paroisse fournissant les matériaux, mais, dès 1540-1541, la fabrique dut intenter un procès au peintre qui se refusait à donner les mesures nécessaires au forgeron Jean
Le Bouteiller. Enfin, après nombreuses procédures, Gilles apporta le vitrail dont le solde lui fut payé le 4 octobre 1543, mais il prétendit que le tympan n’était pas compris dans le prix du marché et réclama trois écus d’or qui lui furent accordés.
Les procédures nous font connaître les noms de ses deux collaborateurs, Guyon Colin et Jehan Limaiger, de Vitré.
Le vitrail fut modifié en 1671 par Guyon Colin, de Vitré ; dans la suite, toute la partie inférieure portant les armes des l’Espinay fut détruite et refaite en 1888.
Le Christ subsiste donc à peu près seul. Sa tête, très caractéristique comme facture, est nimbée avec croix fleurdelysée et de bonne exécution, tandis que le corps, refait d’ailleurs en partie, est de mauvaises proportions." (R. Couffon)
"Le Christ (ancien) témoigne de l'influence des gravures de Dürer et de Lucas de Leyde tandis que l'influence italienne apparaît dans les paysages du registre médian." (D. Moirez 1975)
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Sous un dais en pavillon, Guy III d'Espinay en armures et tabard à ses armes présenté comme donateur par un saint en armure, la poignée de l'épée apparente à droite, tenant une hallebarde, en robe mouchetée d'hermines.
Ce saint breton est-il le bienheureux Charles de Blois ? L'aquarelle témoigne de la fidélité à l'état antérieur .
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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Louise de Goulaine présentée par saint Louis.
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Vitraux anciens de Louvigné-de-Bais. Photographie lavieb-aile octobre 2020.
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SOURCES ET LIENS.
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—- Archives d'Ille-et-Vilaine, série G, Louvigné-de-Bais et IF 1619, n° 4.
— ANDRÉ (A), , 1878, De la verrerie et des vitraux peints de l'ancienne province de Bretagne, Rennes, 1878, p. 56-58. p. 56-58
— BANEAT (P.), 1928, Le département d'Ille-et-Vilaine, t. II, Rennes, Larcher, 1928, p. 301-311
— BRUNE (J.), 1846, Résumé du cours d'archéologie professé au séminaire de Rennes, Rennes, 1846, p. 424 et suiv.
— BOURDE DE LA ROGERIE, (Henri ) 1924, L'excursion de la Société archéologique, dans Mémoires de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. LI, 1924, p. 141-143
—BRUNE, 1849, Résumé, p. 29.
— BUSSON (Henri), 1922, "La Renaissance en Bretagne. Dans l'orbe de la Pléiade, Charles d'Espinay, évêque de Dol, poète", Mémoires SHAB, t.III, p. 13-18.
— BUSSON (Henri), 1926, "L'église et la paroisse de Louvigné-de-Bais (Ille-et-Vilaine)", Annales de Bretagne t. 37, p.321-326
— COUFFON (René), 1968, "Eglise Sainte-Paterne de Louvigné-de-Bais", Société française d'archéologie · 1968 Congrès archéologique de France - Volume 126 - Page 81-83
— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005, Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum t. VII, Presses Universitaire de Rennes pages 248 à 250.
— GUIFFREY ( Jules), 1886, La Renaissance en France, 11e et 12e livraisons, par Léon Palustre. [compte-rendu] Bibliothèque de l'École des chartes Année 1886 47 pp. 125-129
— JOUBERT (Solen), 2003, Audace et renommée : un réseau de la noblesse bretonne, vecteur d'échanges culturels et artistiques pendant la Renaissance. SHAB pages 205-
— MOIREZ-DUFIEZ (Denise), 1977 "Le vitrail de la Transfiguration à Louvigné-de-Bais", Arts de l'Ouest p. 51-65.
— MOIREZ-DUFIEZ (Denise), et BARRIÉ (Roger), 1983, "Le vitrail et l'influence de la gravure, Artistes, artisans et production en Bretagne au Moyen-Âge p. 255-256.
— MUSSAT ( André), 1995, Arts et cultures de Bretagne : un millénaire, Rennes, Éditions Ouest-France, 380 p.
—MUSSAT (André), La Renaissance en Bretagne.
En Haute-Bretagne, ce sont naturellement les châteaux de la grande noblesse qui donnèrent le ton. Ils imitèrent les modèles de la Touraine directement inspirés par l'occupation de l'Italie du Nord. Citons la délicieuse et blanche loggia du château de Vitré et dans la même région, les stalles de la collégiale de Champeaux, commande des Espinay, parents des châtelains d'Ussé en Touraine. Aux Laval encore est dû, vers 1530, au flanc d'un antique donjon l'élégant château de Châteaubriant et sa longue galerie où se marient adroitement la brique, le tuffeau et le schiste.
Aux seigneurs se joignent les ecclésiastiques retour d'Italie. Les neveux d'un prélat humaniste commandent, dès 1507, aux Justi ou Juste, florentins devenus tourangeaux, le grandiose et élégant tombeau de la cathédrale de Dol. Tout ces novateurs suivaient le chemin illustré par la duchesse-reine lorsqu'elle avait confié à Jean Perréal et à Michel Colombe le tombeau de ses parents aujourd'hui à la cathédrale de Nantes, exécuté en marbre d'Italie.
—PALLUSTRE (Léon), 1886 La Renaissance en France, par Léon Palustre, illustrations sous la direction de Eugène Sadoux, tome III
— RAMÉ (Alfred), 1883, Notes sur le sceau de Thomas James, évêque de Léon et de Dol, sur l'origine de Michel Columbe et sur le tombeau de Guillaume Gueguen, évêque de Nantes, par M. Alfred Ramé,
— SAULNIER (F), 1883, La maison de Poix et la seigneurie de Fouesnel en Bretagne, dans Mémoires de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, t. XV, 2 e partie, 1882, p. 205 et suiv.,
1°) Blason de Jehan III (après 1476) présenté par deux lions, kersanton polychrome.
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C'est un écartelé avec en 1 et 4 les armes de Kerouzéré, de pourpre au lion d'argent, que j'ai décrites dans mon article sur le gisant d'Éon de Kerouzéré dans l'église de Sibiril (en l'attribuant à tort à Jehan II).
Cet Eon de Kerouzéré épousa Marguerite de Pontantoul, d'où Jehan II qui fut échanson du duc Jean V de Bretagne, et qui épousa en 1436 Constance Le Barbu, et plus tard Jeannette Toupin. Vient ensuite Yvon de Kerouzéré, marié à Marie de Kerimerc'h. Leur fils Jehan III épousa en 1476 Jeanne de Rosmadec.
En 2, nous trouvons les armes de la famille de Rosmadec, palé d'argent et d'azur de six pièces. Ce sont donc ici, sous réserve, les armes de Jehan III de Kérouzéré en alliance avec Rosmadec présentées par deux lions.
En 3, ce sont les armes de Marguerite de Pontantoul, d'hermines au sautoir de gueules, grand-mère de Jehan III.
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Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
Boiséon.
Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
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2°) L'écusson de la cheminée (XVe siècle) de la salle d'honneur. Armes (kersanton polychrome, après 1590) de Pierre de Boiséon.
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Dans la salle d'honneur, la cheminée porte un écusson en kersanton polychrome, plus tardif.
En effet, il s'inscrit dans une bordure de cuirs découpés à enroulement, un motif de la Seconde Renaissance introduit en France par le décor de boiseries du Salon François Ier à Fontainebleau, en 1536-1537.
a) Ces cuirs découpés vont se retrouver en Finistère au château de Kerjean, sur les sablières (vers 1579) mais aussi, plus près de notre sujet, sur un cartouche présentant les armoiries de Louis Barbier et Jeanne Gouzillon, dont le mariage date de 1571.
b) En héraldique, on trouve également ce type de cartouches, au château de Maillé, à trois reprises autour des armoiries en kersanton, de Maurice de Plusquellec alias de Kermavan en alliance avec Jeanne de Goulaine, son épouse depuis 1541. C'est ce couple qui a doté, sans-doute sous l'influence de Philibert Delorme, le château de Maillé d'un pavillon Renaissance où, pour la première fois en Finistère, les trois étages sont ornés de rangs de colonnes successivement des ordres toscan, ionique et corinthien.
—Cheminée de la chambre de Judith au château de Maillé
Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
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Les armes sont entourées du collier de l'Ordre de Saint-Michel, second modèle.
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Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
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Au centre ("brochant sur le tout), nous repérons les armes de Pierre de Boiséon d’azur au chevron d’argent, accompagné de trois têtes de léopard d’or. Or, on sait que c'est après le siège du château en 1590, qu'Henri IV aurait décoré Pierre de Boiséon du collier de l'ordre de Saint-Michel, créé par Louis XI et modifié par François Ier.
Elles sont placées au dessus des armes écartelées de Kerouzéré en 2 et 3 et de Kerimel d'argent à trois fasces de sable. en 1 et 4.
Après le décès de Jehan III en 1518, sa fille unique, Marie de Kérouzéré, épouse le 21 janvier 1492 Jehan II de Kérimel (Kerymel), fils de Jacques de Kerymel et de Jehanne du Chastel (seigneur et dame de Coëtinisan et de Coëtles). Leur fille Marie de Kerimel, dame de Trogoff, dame de Kerouzéré, épouse en 1522 Claude de Boiséon, d'où Yves de Boiséon x1550 - Isabeau de de La Bouexiere, sans descendance, et Pierre de Boiséon.
Pierre de Boiséon († en 1627) épousa en août 1587 Jeanne de Rieux (+ en 1630). Ses armes se trouvent aussi au cimetière de l'église de Brélès, où elles ont été étudiées par Michel Mauguin, qui fournit les informations données supra. Voir aussi par Michel Mauguin L'héraldique de la commune de Guiclan.
Voir encore le relevé des armoiries du vitrail de la chapelle de Kerinon en Lanmeur : "dans la 1ère rose dicelle le 2 et 3 escartellé au I et IV fascé d'argent et de sable de huit pièces (Kerimel), au II et III est de pourpre au lion rampant d'argent (Kerouzéré) et le IV est escartellé au 1er et 4e d'or, au 2e et 3e d'azur et les armes de Boyséon en abisrne, le 3 et 4e sont les armes de Boyséon en plain surmontées dune couronne de comte, ..."
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Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
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3°) Les vitraux héraldiques du XVIIe siècle.
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Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
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La fenêtre d'un oratoire voûté aménagé dans la salle d'honneur conserve dans sa partie supérieure un panneau héraldique du XVIIIe siècle qui a été parfaitement décrit, mais non identifié, par Gatouillat et Hérold. Ce panneau a suscité leur plus vif intérêt par l'inscription qu'on peut lire en enlevé à la pointe du pinceau sur le jaune d'argent bruni du cadre :
LOUIS ET JEAN LE VIEIL, PEINTRE SUR VERRE, ORDINAIRE DU ROY, A PARIS 1764.
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En effet, Jean Le Viel (1711-1796), qui était installé rue du Bac avant 1740, était le frère de Pierre Le Vieil, dont on peut lire l'article Wikipedia, et qui est l'auteur de L'Art de la peinture sur verre et de la vitrerie, paru chez Delatour en 1774 (numérisé sur Gallica).
Quant à Louis, le fils aîné de Jean, il accéda à la maîtrise précisément en 1764, et il succéda à son père en 1777.
Des "ovales" semblables, et appartenant au même groupe, sont conservées, signées des deux verriers, au Louvre, daté de 1763, au musée Carnavalet, daté de 1774, et à la bibliothèque de Versailles, daté de 1805. Gatouillat et Hérold estime que ce panneau de Kerouzéré a dû être commandé pour une demeure de Paris ou sa région, et ramené ici ultérieurement.
Dans une chapelle du chœur de Notre-Dame-de-Paris, deux médaillons signées Jean Le Vieil portent les armoiries de la famille de Noailles en baies 9 et 11.
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Le panneau rectangulaire mesure 30 cm sur 20 cm ; il est peint en grisaille et jaune d'argent avec quelques touches d'émaux rouge et vert. Deux écus ovales sont juxtaposés sous une couronne fleuronnée. Il en donne le blasonnement suivant : d'argent au lion rampant de sable à dextre et d'argent à l'arbre arraché de sinople flanqué de deux chevreuils d'argent affrontés à senestre.
Pour les auteurs du Corpus, "ce petit vitrail civil fut vraisemblablement commandé pour une demeure de Paris ou de sa région, plutôt que pour le manoir, où il a du être rapporté à une date indéterminée.". Pourtant, l'identification des armes incite à penser le contraire, mais sans doute pour une autre baie de Kerouzéré, car la barlotière coupe de façon malencontreuse les armes et notamment la tête du lion.
F. Gatouillat et M. Hérold notent que la marquise de Piré possédait le château à la fin du XVIIIe avant que son fils le général de Piré ne le vende à Jean-Baptiste du Beaudiez en 1821. À sa mort en 1850, Kerouzéré revient à Henri de l'Estang du Rusquec. Les armoiries ne sont pas celles de ces familles.
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On doit à Marc Faujour (communication personnelle) la résolution de cette petite énigme héraldique. Je reprends avec son autorisation et avec ma gratitude le résultat de son travail.
Ce sont les armes de Nicolas Eon, seigneur du Vieux-Châtel, d'argent au lion de sable, accolées à celles de sa femme, Marie-Michelle Nouël d''argent au pin de sinople, soutenu de deux cerfs affrontés et rampants de sable.
"Chantal DANIEL, Conservateur en chef aux Archives du Finistère, dans son inventaire des archives de Kerouzeré écrit page 12 :
« Cette dernière [seigneurie de Kerouzeré] fut vendue par Jean-Anne-Vincent de Rochefort, en 1755, à Nicolas Eon, seigneur du Vieux-Châtel et de la Villebague, d'une riche famille d'armateurs malouins. Les armes d'Eon du Vieux-Châtel et de sa femme, Marie-Michelle Nouël de Lesquernec, figurent au portail de l'église de Sibiril. Veuve en 1787, Marie-Michelle Nouël passa la Révolution à Kerouzeré sans être inquiétée : on rapporte qu'elle offrit elle-même aux membres du district de Lesneven de faire bailler tous les titres de la baronnie pouvant être entaches de féodalité.
Apres sa mort, survenue en 1814, ses biens furent partages entre ses deux filles, dont l'une, Helène-Marie, veuve du comte de Rosnyvinen de Piré, hérita de Kerouzeré, qu'elle transmit ensuite à son fils, le général Hippolyte de Piré. »
Les archives de Kerouzeré renferment 16 liasses concernant les Eon du Vieux-Chatel (1755-1815) depuis la liasse 131 « Vente de la baronnie de Kerouzere-Trongoff par Jean-Anne-Vincent de Rochefort a Nicolas Eon, seigneur du Vieux-Chatel (2), 21 août 1755 ; prise de possession par l'acquéreur, octobre-novembre 1755 » jusqu’à la liasse 147 (p 47)
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Pol Potier de Courcy donne pour les familles :
— EON : Sr de la Fontaine par de Cherruex - de le Villebague - de la Villeauroux - de la Palue - du Vieux-Châtel - du Hindré par de St Coulomb - du Vausalmon - par de Cancale - baron de Kerouzéré par de Sibiril - sr de Trogoff par de Plouescat - de la Bouyière par de la Chapelle-Janson - de la Rouaudaye et du Pontgirouard par de Carfantain - de Carman par de Kernilis - comte de Cély en Brie.
Maint à l'intend en 1709; R 1478 à 1513, par de St Coulomb, Cherrueix et Carfantain. év de Dol.
D'argent au lion de sable.
Jean vivant en 1513 marié à Marie du Han ; 1 secrétaire du Roi en la chancellerie de Bordeaux en 1700 ; 2 secrétaires du Roi en 1707 et 1709 ; 3 officiers de la vénerie et de la fauconnerie en 1749. La branche de Cély a produit 1 maréchal de camp en 1780.
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—NOËL OU NOUËL, sr de Pillavoine, — de Kerven, par. de Guimaëc, — de la Villehulin, par. de Pordic, — de Crec'holan,— de Kersalaun, par. de Trédarzec,—de Kerlary,—de Penvern,— de Kerfau, — de Kerguézennec, — de Kerriou, — de la Ville-Josse, — de Kerjean, — de Lesquernec, par. de Ploumagoër.
Anc. ext. réf. 1669, sept gén.; réf. et montres de 1426 à 1543, par. de Guimaëc, év. de Tréguier, et Pordic, év. de Saint-Brieuc.
D'argent au pin de sinople, soutenu de deux cerfs affrontés et rampants de sable.
Devise : Tout bien ou rien.
Rolland, vivant en 1481, épouse Jeanne Le Borgne, dame de Pillavoine.
Le père Joseph, capucin et prédicateur célèbre, fondateur des capucins de Sedan en 1640, † 1661, était fils du sr de Kerven, en Guimaëc, et de Françoise Callouët, fondatrice des Calvairiennes de Morlaix en 1625.
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Nicolas a fait enregistrer ses armes dans l’Armorial d’Hozier, Bretagne, T I, p 736 :
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Plusieurs armes des Nouël sont enregistrées dans l’Armorial d’Hozier, Bretagne, comme celles du T II, p 1631 :
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De plus, nous connaissons une empreinte du sceau de Nicolas Eon du Vieux Châtel qui scelle une missive portant des documents sur le château de Kerouzeré. Cette lettre est signé dudit Nicolas :
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Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
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Comme le précisent Chantal Daniel et Marc Faujour, nous retrouvons ces armes sculptées dans le leucogranite des piliers de part et d’autre de la grille d’entrée de l’église de Sibiril . Note : il serait intéressant de tenter de déchiffrer, par un bon éclairage à jour frisant, les inscriptions et la date (1770??) des piliers.
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Eglise de Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.
Eglise de Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.
Eglise de Sibiril. Photographie lavieb-aile août 2017.
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4°) Les peintures murales sur la voûte en berceau de l'oratoire.
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« La chapelle domestique conserve quelques vestiges de peintures murales comme cet ange en adoration, stylistiquement encore d'inspiration gothique par le traitement du drapé. C'est probablement vers 1600, sous Pierre de Boiséon, gouverneur de Morlaix et gentilhomme de la chambre du roi, que le sanctuaire médiéval a été mis au goût du jour. La peinture a été exécutée directement sur la voûte en berceau, sans la préparation du fond qui devance généralement l'application de fresques. Sur la face Est de l'oratoire, on distingue encore la trace d'une autre scène peinte, la présentation du saint sacrement, donnant l'illusion, en trompe-l'œil, d'un retable derrière l'autel de pierre aujourd'hui disparu. Ailleurs, d'autres traces de peintures permettent de supposer que Kerouzéré, comme d'autres châteaux du Léon, avait reçu, au XVIIe siècle, un décor intérieur complet. » (Douard & Barrié)
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Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
Château de Kerouzéré en Sibiril. Photographie lavieb-aile 18 août 2021.
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SOURCES ET LIENS.
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— AMIOT, Christophe, « Le château de Kerouzéré », Congrès archéologique de France, 165e session, Finistère, Paris 2009, p. 133-141.
— BERGEVIN (E. de), 1903, chapelle Notre-Dame de Kernitron, Monographie de la paroisse de Lanmeur (3/4) SAF 1903 page 117
— DANIEL (Chantal, Conservateur en chef aux Archives du Finistère ), 1993, Archives de Kerouzeré et de la sous-série 16 B (juridiction de Kerouzere-Trongoff), Quimper,
Les vitraux en dalle de verre sur béton réalisés à partir de dalles de verre de 22 mm d'épaisseur (et jusqu'à 30 ou 40 mm), colorées dans la masse.
Le Maître verrier taille la dalle de verre à la marteline et en éclate la surface pour que la lumière soit diffractée. Après avoir disposé les verres sur la table de coulage et réalisé un coffrage aux dimensions du panneau, il "coule" un mortier de ciment avec armature métallique (ou ensuite de résine époxy) pour les sertir. https://www.ateliers-loire.fr/fr/dalle-de-verre.php
"Mise au point au début des années 30 (Jean Godin, Jules Albertini), les réalisations en Dalles de Verre sont un élément architectural du patrimoine national (religieux et civil) et, néanmoins, un univers peu connu du grand public. Le Métier d’Art associé est une « niche » dans les Métiers d’Art du vitrail. Contemporaine, la Dalle de Verre offre un éventail élargi de visions et de formes où les signatures de peintres, de maîtres verriers et de mosaïstes se sont exercées, dont certaines reconnues sur la scène internationale : Jean Godin [en 1929 dans la verrerie Albertini], Gabriel Loire, Fernand Léger, Henri Guérin, Max Ingrand, Louis Barillet, Jacques Le Chevallier, Joseph Guevel, Jean Lesquibe, Henri Martin Granel, Claude Idoux, Tristan Ruhlmann, Pierre Soulage, Frédérique Duran, et d’autres. Depuis la fin du XXème siècle, une nouvelle dimension artistique contemporaine est en voie de développement grâce à des créateurs de talent dont l’ambition est de redonner ses lettres de noblesse à cette matière et à son Métier d’Art oublié. "
Parmi ces noms, il ne faut pas oublier celui d'Auguste Labouret, qui avait déposé un brevet dès 1933 et qui a créé les vitraux de Roscanvel.
Cette technique a été reprise par l'atelier monastique d'En-Calcat et de Saint-Benoit-sur-Loire et se retrouve en Bretagne pour les vitraux de l'Île d'Hoedic, ou en Normandie pour ceux de l'Île de Chausey.
Parmi ces ateliers, celui de Félix Razin, installés à Nantes a réalisé en Bretagne des vitraux pour les églises de Camaret et de Crozon, pour celle de Landeleau en 1944, celle de l'Île de Batz, pour celle de Saint-Malo, ou dans le Morbihan pour celle de Noyalo, de Saint-Avé, de Saint-Laurent-su-Oust ou de Glénac, dans une liste non exhaustive.
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Notre conseil :
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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Bas-coté sud de la nef.
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1. Les Litanies de la Vierge : Maison dorée, porte du ciel, arche d'alliance.
Voir les Litanies de Lorette :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Litanies_de_Lorette
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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2. Les Litanies de la Vierge :Reine des anges, Tour d'ivoire, reine des martyrs .
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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3. Baie non figurative.
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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Élévation ouest (fond de la nef), coté sud.
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4. Baie non figurative.
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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5. Saint Joseph. Ses attributs sont la hache de charpentier et le lis blanc de son élection.
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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Élévation ouest (fond de la nef), coté nord.
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6. La Vierge terrassant le serpent. Signature R. RAZIN.
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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Le fond de la nef, au dessus de la tribune.
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7. Panneau non figuratif, teintes vertes, jaunes et brunes.
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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8. Panneau à médaillons rectangulaires figuratifs (croix, calice,), teintes vertes, jaunes, rouges et brunes.
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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Le bas-coté nord.
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9. Les Litanies de la Vierge, suite. Vase d'honneur, Rose mystique, étoile du matin.
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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Stella matutina.
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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10. Les Litanies de la Vierge, suite. Reine des apôtres, miroir de justice, Reine des prophètes.
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Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
Vitraux (dalle de verre, Félix Razin, 1931) de la nef de l'église Saint-Rémy de Camaret-sur-Mer. Photographie lavieb-aile 13 juillet 2021.
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SOURCES ET LIENS.
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— Camaret, son histoire, ses monuments religieux. Sans auteur ni date.
La chapelle de la Magdeleine (1578) en Briec-sur-Odet.
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PRÉSENTATION.
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Autrefois située sur la paroisse de Landrévarzec, cette chapelle en forme de croix latine date du XVIe siècle. Elle est construite en appareillage de granite coté sud et en moellons de schiste coté nord. Elle a été restaurée vers 1978 (cf. "Un chantier de restauration, la chapelle de la Madeleine en Briec-de-l'Odet. Compte-Rendu des travaux", Gwechall, 1978, T.I, pp.265-273, ill. .
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Situation.
La chapelle occupe (une fois de plus) une hauteur (150 m) dominant le vallon d'un ruisseau, celui qui alimente, près de sa source, la fontaine. Ce ruisseau s'écoule vers le sud-ouest, animait plusieurs moulins (Meilh Kerroc'h, Meilh ar C'hrek, , Moulin de Kerrefren) avant de se jeter dans le Steir. À 50 m en aval de la fontaine, un minuscule moulin à roue horizontale (pirouette) existe encore à Ty Men. Le site d'implantation est sans doute dicté par la source de ce ruisseau, soit en raison d'un culte pré-chrétien aux eaux et à leurs pouvoirs thérapeutiques, soit comme richesse économique (les moulins étaient jadis la propriété des familles nobles et les paysans étaient contraint d'y faire moudre leur grain), mais la chapelle a peut-être été la propriété des seigneurs de Parc-ar-mou, ou, du moins, ceux-ci y exerçaient-ils leurs prééminences. Sans doute toutes ces raisons se cumulent-elles ou se succèdent-elles.
Les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle et du Tro Breiz passent à côté de la chapelle.
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Datation.
Le pilier octogonal encastré de l'angle sud du transept porte l'inscription en creux : "1578. 14/IOVR. DV/ FEVRIER ". Au dessus de la porte du transept sud se trouvent des armoiries tenues par deux lions qui seraient celles des sieurs de Pargamou, dont le manoir est voisin.
L'unique cloche est datée de 1809. La sacristie au nord-est a été construite en 1813.
Elle possède un clocher dont la tour porte l'inscription « GIVLAVM TRELLV FABRIQVE » datant peut-être du XVIIe siècle.
En 1910, après une destruction partielle par la foudre, la flèche du clocher a été reconstruite. La toiture a été rénovée vers 1980.
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Le calvaire et la fontaine
Sur le placître, le calvaire du XVIe siècle a été déplacé en 1955 sans respecter son orientation désormais inversée, Crucifix vers l'est. Un autel en pierre occupe un coté du socle, et sur l'autre face sont sculptés les fémurs croisés et le crâne rappelant l'implantation de la Croix sur le Golgotha, ainsi que le lien entre le vieil Adam et le Christ de la Rédemption. Les statues géminées sur le croisillon montrent la Vierge et Jean au calvaire, et au revers saint Damien tenant le pot d'onguent et saint Côme le flacon d'urine.
A 400 m au sud-ouest, une fontaine monumentale renferme une statue frustre de la Madeleine (?)
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La dédicace à sainte Madeleine laisse suspecter, comme tous les toponymes Magdeleine, Magdelaine, l'implantation d'une ancienne léproserie, et la présence d'une statue de saint Sébastien (invoqué contre la peste en raison de ses plaies) tout comme la présence sur le calvaire des deux saints jumeaux médecins Côme et Damien montrent en tout cas les liens de ce site avec les rituels de guérison ou de recherche de protection contre les épidémies. La présence d'une fontaine en témoigne également.
Malgré ce qu'on peut lire (" la chapelle est dédiée à sainte Marie Madeleine depuis 1789") le toponyme La Magdelaine ou La Magdeleine figure sur la carte de Cassini, avant 1789, et sur les actes d'état-civil de Landrévarzec aux XVIe et XVIIe siècle associés aux noms de TRELLU, PENNARUN, GADAL, JEZEQUEL, DOUGUEDROAT, et CHRISTIEN.
Elle se trouverait sur la voie romaine reliant Carhaix, l'antique Vorgium avec la pointe du Raz par Douarnenez "Is", et sur un des chemins vers Compostelle. Selon Picquenard (SAF 1923) "Pendant les invasions barbares, sous la Féodalité, pendant le Moyen-Age et la Renaissance, on ne s'est guère occupé de construire d'autres voies; on a continué à utiliser ce réseau gallo - romain; il est probable qu'un certain nombre de hameaux répartis le long de ces voies se sont installés dans les anciens relais (ou mutationes) et dans les anciennes hôtelleries (ou mansiones), distribués avec une grande régularité au bord desdites voies. Les ordres hospitaliers ont également installé leurs établissements charitables sur le parcours de ces voies; aux abords des villes, les léproseries y ont été cantonnées; de là ces noms de Le Temple, La Templerie, Saint-Jean, Locjean, La Madeleine, La Maladrerie, etc ... , qui jalonnent les anciennes voies."
Je n'ai pu vérifier ces assertions.
Aucune donnée n'atteste la réalité d'un pèlerinage mais c'est une hypothèse crédible.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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LE CLOCHER, SON INSCRIPTION ET SA CLOCHE DE 1809.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Inscription lapidaire de la tour du clocher.
On lit sur le coté sud :
"GIVLAVM. TRELLV. FABRIQVE",
soit "Guillaume Trellu, fabrique".
Certains auteurs ont lu "Guillaume Trellu 1578", ce qui n'est pas confirmé sur place.
On notera qu'un Guillaume Trellu "de la Magdeleine" participe au cahier de doléance de Landrévarzec (dont dépend alors la chapelle) en 1789.
Un autre Guillaume Trellu (1629-1679) est signalé par les généalogistes à Landrévarzec et décédé à La Magdeleine, il avait épousé Catherine Gadal, dont un fils Hervé. Les généalogistes mentionnent aussi Guillaume Trellu (1701 -La Magdelaine,1754). Ce dernier avait épousé Marie Feunteun.
Je privilégie, comme auteur de cette inscription, celui décédé en 1679, à moins qu'il ait été précédé, à La Magdelaine, d'ancêtres portant le même prénom mais dont les archives n'aient pas conservé la trace.
Nota bene : je crois deviner (artefact?) une inscription de trois lignes sur le bloc de pierre surmontant celle-ci.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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La cloche de 1809.
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L'inscription occupe quatre lignes.
Je ne parviens à lire que le texte suivant :
CommuNE DE BRIEC CLOche
MAGDELAINE PArrain
T MARAINE
FABRIQUE
Un relevé complet accessible en ligne est souhaitable, avec recherche de médaillons et du nom du fondeur.
La cloche se sonne à la main, depuis l'intérieur, le sonneur se tenant devant la porte ouest.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Le portail ouest.
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Il est souligné par une accolade gothique à crochets et fleuron, s'appuyant sur des culots sculptés de deux têtes d'allure primitive.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Les crossettes.
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La crossette (pierre d'amortissement à la base de la toiture) de l'angle sud-est du transept est un homme ou une femme, nu.e., la tête baissée (et peut-être coiffée), les deux mains levés vers la face, tandis que les jambes très fléchies encadrent l'angle. On sait, pour la rencontrer très souvent à cet emplacement, que cette figure renvoie soit à celle de l'acrobate, soit à une posture érotique, les deux étant d'ailleurs reliées.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Une deuxième crossette montre une pause encore plus équivoque, où le personnage nu et ithyphallique écarte les bras et les jambes autour de la construction.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Les deux autres crossettes sont animales.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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La porte sud et la porte du bras sud du transept.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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La porte sud donnant sur la nef.
Elle porte au dessus de l'accolade un blason sculpté sur le granite. Les motifs de ce blason sont usés mais semblent organisés en quatre quartiers, et nous trouvons en 3 un alignement oblique de trois losanges, que nous allons rapprocher de la bande losangée de deux autres blasons, celui du calvaire, et celui de la porte du transept.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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La porte du transept sud.
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Comme à l'ouest, l'accolade s'appuie sur deux culots en forme de têtes — vaguement — humaines.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Le blason est présenté par deux lions et sommé d'une figure humaine (ou d'un ange ?).
Il est traversé en diagonale par cinq losanges oblique vers le bas et la droite, mais le quadrant supérieur droit est occupé par un meuble, très usé mais vaguement turriforme.
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C'est le rapprochement avec le blason du calvaire de la chapelle, qui nous aide dans sa lecture.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Discussion sur ce blason.
Le cartel du site mentionne ici les armoiries " de Talhoët de Landivy, ou de Pargamou"
Je trouve, tant à Landrévarzec (ancienne paroisse de la chapelle de La Magdeleine) qu'à Briec, sur le relevé de vitraux ayant actuellement disparu, la mention d'armoiries d'or à la bande losangée de gueules accompagnée au second quartier d'un château d'azur qui s'appliquent bien aux trois blasons de la chapelle de La Magdeleine.
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1°) Landrévarzec. Chapelle de Quilinen.
Le relevé des vitraux est contenu dans un procès-verbal de 1648 :
Dans une vitre du pignon occidental, armes de Bretagne et de France, au-dessous, armes du marquis de la Roche et celles de Penanjeun-Launay, parti : d'or à la bande losangée de gueules accompagnée au second quartier d'un château d'azur, alliance de la maison de Pacarmon.
Michel Mauguin, qui a étudié l'héraldique de la chapelle de Quilinen, cite le passage qui nous concerne et le commente :
« Et plus bas dans un autre soufflet les armes du Seigneur marquis de Laroche, et au-dessous Celles de la maison de Penanjeun Laulnay blasonnés cydevant, partye d’or à la bande Lozangé de gueulle accompagné au second quartier d’un chasteau d’azur que lesdits Kerguellen ont dit Estre Lalliance de la maison de Pacarmon, [Pargamou ou Pargamon]"
"Si le marquis de La Roche est bien identifié, il n’en est pas de même pour le second écu, Il s’agit de N. Launay et son épouse N. Moysan de Parc Hamon de Briec. L’écusson : d’or à la bande de gueules, accompagnée au second quartier d’un château d’azur est inconnu des armoriaux, il est identifiable par une alliance de Guillaume Moysan (4) et de Marguerite Trégain en 1469, dont les armoiries figuraient dans un vitrail de l’ancienne église de Briec.
(4) Une généalogie des Trégain (BnF, Cabinet d’Hozier 9005) mentionne un Guillaume Moysan époux de Marguerite Trégain en 1469, http://www.tudchentil.org/spip.php?article29 "
n.b : Les armes des Trégain : d'or àtrois pommes de pin de gueules la pointe en haut.
Je note qu'à la "Montre" de l'Evêché de Cornouailles de l'an 1562 qui s'est tenue à Quimper les 15 et 16 mai, parmi les nobles de Landrévarzec apparait : Jehan Moysan, sieur du Parc-Armou, (représenté par Guillaume Tréouret, dict faire pique sèche). Cette date est proche de celle de la fondation de la chapelle en 1578.
Jean Moysan était présent en personne à la Montre de la réformation de 1536 — "Jan Moysan noble sergent Sr de Pergamou" — et le site Tudchentil indique que "Jean Moysan est sergent féodé de la châtelenie de Quimper pour Briec et à ce titre est cité au rentier de Quimper en 1539. Les biens de la succession de Jean Moysan sont avoués en 1560 (ADLA, B 2016)".
https://www.tudchentil.org/spip.php?article103
Le toponyme Parcamon, avec ses diverses graphies, peut s'interpréter (A. Deshayes, Dict. noms lieux) comme Park Hamon, "champ ouvert", attesté à Morlaix, à Ploujean et à Argol.
Le lieu-dit Pargamou est actuellement inclus dans la zone industrielle de Briec, avec les voies Pargamou bihan, Pargamou braz tandis que Yeun Pargamou est le nom d'une cité de Briec. Le scan historique 1950 de l'IGN donne la graphie Parc-a-mou comme celle de l'Etat-Major.
Le manoir de Pargamou.
Il en subsiste une maison "maniale", aujourd'hui restaurée, avec porte en arceau et fenêtre "armoriée", et ces armoiries sont les mêmes que celles de la chapelle. Photo ici :
Voir la discussion du forum de généalogistes du Finistère sur Renée Moisan dame de Pergamou/ Pergamon /Pargamon x Jean de Trégouët seigneur de Liscuit et de Launay. On s'y interroge sur les liens de Renée Moysan avec noble Jean Moysan, cf. supra.
Il faudrait peut-être distinguer Jan I Moysan, écuyer sieur de Parcamou, sergent féodé de la châtelenie de Quimper pour Briec, Receveur ordinaire de Châteaulin, décédé en 1560, époux de Françoise Le Gallais, et leur fils Jan II Moysan, ( époux de Jeanne de l Bouexière et père de Renée Moysan) . Leur fille Louise Moysan aurait épousé Jan II de Kerguélen seigneur de Kerlez décédée en 1568. La fille de Louise Moysan, Marie de Kerguelen, épousa François de Kerviher, décédé vers 1606.
Le relevé des vitraux de l'église de Briec dans un procès-verbal de 1789 indique :
-Dans la deuxième fenêtre du bas côté, à la clef de voûte, est un écusson d'or à la bande losangée de gueules, surmonté au canton senestre d'une tour crénelée d'azur murée de sable. Au-dessous, écusson : parti au 1er d'or à la bande losangée de gueules, surmontée d'une tour comme ci-dessus, au 2ème d'or à 3 pommes de pin de gueules et d'une moitié de chevron d'argent.
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Une fois ces données acquises, si nous admettons ma proposition d'identifier ces armoiries de La Magdeleine avec celles d’or à la bande de gueules, accompagnée au second quartier d’un château d’azur des vitres de Quilinen et de l'église de Briec, si nous suivons Michel Mauguin pour y voir les armoiries des Moysan sieurs de Parc-Armou ou Pacarmon, il suffit de consulter la carte de Cassini et celle d'Etat-Major pour constater que Parchamon (Cassini) ou Parc-a-mou (C. E.-M.) se trouve à moins de 500 mètres au sud de La Magdeleine, de l'autre coté du ruisseau et plus près encore de la fontaine.
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L'INTÉRIEUR.
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La chapelle de La Madeleine est très émouvante car elle a conservé la simplicité de son cachet, associant un sol de terre battue et des murs enduits de chaux soutenant une voûte en berceau non lambrissée, et de remarquables sculptures. L'un des grands mérites de l'Association qui la préserve est de l'ouvrir très largement aux visiteurs.
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LA NEF.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Le Christ en croix sur la poutre de gloire, bois polychrome, XVIe siècle.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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La Vierge à l'Enfant, pierre polychrome, XVIe siècle.
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La Vierge n'est ni couronnée ni voilée, et ses cheveux descendent sur son dos en boucles dorées. Elle regarde devant elle, plutôt que de regarder l'Enfant qui la fixe avec un sourire, alors même qu'ils échangent un objet (fruit ?) non discernable. De sa main gauche, elle retient le pan de son manteau
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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LE COTÉ SUD DE LA NEF.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Saint Sébastien, bois polychrome, XVIe siècle.
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Cette statue de saint Sébastien possède tous les caractères du genre, son allure de jeune éphèbe maître-nageur, ses cheveux blonds comme les blés, son maillot jaune d'or bien moulant, les liens qui nouent ses bras à un arbre, faisant bomber le torse, et sa belle indifférence, exemple de foi chrétienne face au martyre, face aux huit flèches qui le transpercent (par référence aux cinq plaies du Christ). Ce sont ces plaies sanguinolentes, mais dont il triomphe avec abnégation, qui font de lui Le saint vers qui se tournent les paroissiens face à une épidémie de peste, ou, plus largement, face à toute maladie contagieuse atteignant la peau.
Une particularité néanmoins : la flèche transperçant transversalement la gorge.
La chapelle de Guernilis (1574), contemporaine de celle-ci (1578) à Briec, et appartenant aux Trégain, est dédiée à saint Sébastien. "On venait y demander guérison des maux d'yeux et d'entrailles".
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Le vitrail : la restauration de la chapelle. Le Bihan 1985, Quimper.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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LE CHOEUR.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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La niche hexagonale de l'Annonciation, coté gauche de l'autel. Bois polychrome, XVIe siècle.
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Il s'agit d'une Annonciation où Marie, en prières dans sa chambre agenouillée devant son livre saint, reçoit la visite de l'ange qui s'adresse à elle en la saluant des mots AVE MARIA.
Mais c'est également, de façon très originale, un Couronnement de la Vierge, où Marie reçoit la couronne tenue par deux anges. Dans la tradition, ce Couronnement survient lorsque Marie est montée aux Cieux.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Les sablières et les blochets du chœur.
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Sainte Catherine.
Cette femme est très richement vêtue et couronnée. Derrière elle, une roue brisée et armée de lames justifie l'identification à sainte Catherine d'Alexandrie, vierge et martyre vénérée en priorité, avec sainte Barbe, par les femmes de la noblesse, et présente dans leurs Livres d'Heures avec sainte Marguerite et/ou sainte Ursule.
Catherine, Barbe et Marguerite figurent, comme saintes protectrices de la santé, parmi les 14 saints auxiliaires particulièrement secourables dans les situations d'urgence. Si on y associe saint Sébastien, autre saint auxiliaire, et sainte Madeleine associée aux lazarets et lieux d'isolement des malades, et les saints Côme et Damien du calvaire, cette chapelle apparaît comme une vraie pharmacie assurant toutes les protections.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Le blochet du coté sud-est : sainte Madeleine.
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La sainte porte son flacon d'aromates (pour l'ensevelissement du Christ) ou de parfum . Etrangement, elle a la tête couverte d'un voile, alors que son iconographie privilégie ses cheveux non couverts, descendant en flot sur ses épaules.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Les blochets du chœur : deux anges tenant des écus muets.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Deux masques des sablières, coté sud.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Sainte Marie-Madeleine, bois polychrome.
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La sainte tient le flacon d'aromates. Les cheveux sont retenus par le bandeau occipital si fréquent au XVIe siècle en Basse-Bretagne dans les statues de la Vierge et de Marie-Madeleine.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Le vitrail du chœur : la Passion. Jean-Pierre Le Bihan, 1985, Quimper.
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Comme dans les Passions des maîtresse-vitres finistériennes du XVIe siècle, que le maître-verrier connait parfaitement pour les avoir restaurées, Marie-Madeleine est agenouillée au pied de la croix, paumes ouvertes écartées en signe de grande émotion.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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LE BRAS NORD DU TRANSEPT.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Pourquoi sainte Marthe ? Parce qu'elle est la sœur de Marie-Madeleine et de Lazare ?
Elle a des cheveux longs descendant le long de son dos. Elle tient un livre, qui est son seul attribut.
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Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
Chapelle de la Madeleine à Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile juin 2021.
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Le culot (granite), anthropomorphe.
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À notre hauteur, nous voyons un homme au visage rayonnant affichant un grand sourire.
Il faut regarder la sculpture de plus bas pour constater que ce personnage est accroupi ou à genoux, jambes écartées et qu'il saisit ses jambes par les deux chevilles. Il n'est pas nu mais porte une tunique à gros boutons. C'est là la posture de l'acrobate jouisseur, déjà remarqué sur les deux crossettes de la chapelle. Mais ce geste de saisir ses chevilles a certainement une signification codifiée, puisque nous le retrouvons régulièrement associée à cette posture, notamment sur des crossettes et abouts de poinçon. Voir les deux exemples de Dirinon, la crossette de La Martyre et de Landerneau.