Les Ursulines de Quimper furent expulsées de leur couvent en 1794, et le bâtiment servit de prison sous la Révolution, puis de caserne. Il accueille aujourd'hui la Médiathèque de Quimper.
En 1805 et 1808, ces sœurs Ursulines, dispersées, achetèrent deux maisons contiguës de la rue Verdelet à Quimper et une chapelle y fut construite en 1822. La Congrégation est ré-autorisée en 1826. A la suite des expulsions de 1904, la chapelle des Ursulines est devenue plus tard de 1912 à 1913 celle du Grand Séminaire, puis en 1932 celle des religieuses de la Retraite du Sacré-Coeur. Le bâtiment fut remaniée en 1957-1958 par l'architecte Yves Michel. Il s'agit alors d'un édifice de plan rectangulaire dont les vitraux sont réalisés par Jacques Le Chevallier en 1957. La chapelle a été désaffectée en 1984 puis rachetée par la Ville. Les archives municipales (créées en 1966) y ont pris place en 1987 au 10bis rue Verdelet. Les locaux sont alors réaménagés pour accueillir actuellement près de 5 kilomètres linéaires de documents papiers ou électroniques, de registres, de photographies, d’imprimés et même d’objets, regardant l’histoire et la mémoire de la ville. Des rangées de rayonnages ont été installées dans l'ancienne chapelle devenue salle d'archive, tandis que les bureaux occupent sur deux étages le bâtiment adjacent. Les religieuses qui ont cédé les locaux ont souhaité rester propriétaires des verrières, et c'est toujours le cas aujourd'hui selon Bruno Le Gall conservateur des archives municipales de Quimper.
Les autres bâtiments des religieuses de la Retraite accueillent aujourd'hui l'EHPAD La Retraite (10 rue Verdelet), et la cour de cette maison médicalisée permet de voir la façade des Archives et leurs vitraux.
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Les vitraux de Jacques Le Chevallier (JLC) : description.
La salle d'archives municipales est éclairée au sud (côté rue Verdelet) par trois baies en vitrerie blanche, plus anciennes, et par cinq baies rectangulaires hautes JLC et deux baies rectangulaires basses JLC . Elle est éclairée au nord (côté cour de l'EHPAD) par 3 hautes baies cintrées JLC 1957 (inscription) dans la cage d'un escalier à colimaçon, cinq fenêtres hautes rectangulaires JLC et deux fenêtres rectangulaires basses JLC.
Ces baies JLC sont ornées de verres colorés sertis au plomb (avec serrurerie habituelle à barlotières), non figuratifs. Une seule baie porte en bas à droite l'inscription J.LE CHEVALLIER peintre verrier J. MARTIN Collaborateur 1957. La surface totale de vitrail atteindrait 34 m².
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Le peintre, verrier, vitrailliste Jacques Le Chevallier (Paris 1896-Fontenay-aux-Roses 1987) a travaillé dans l'atelier de Louis Barillet à partir de 1920, puis dans son atelier de Fontenay-aux-Roses à partir de 1945. L'inventaire de ses vitraux religieux dénombre plus de 120 ensembles de vitraux dans 44 départements, participant à la diffusion de l'Art Sacré dans la reconstruction de l'Après-Guerre. En 1965, il réalisa pour Notre-Dame de Paris des vitraux non-figuratifs pour les fenêtres hautes de la nef, du mur occidental du transept et des tribunes.
Photo aérienne IGN : la rue Verdelet, les archives municipales et l'EHPAD.
Plan IGN : les archives au 10bis rue Verdelet et l'EHPAD.
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Vue extérieure côté rue Verdelet.
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Les Archives municipales de Quimper vue côté rue Verdelet. Photographie lavieb-aile 2024.
Les Archives municipales de Quimper vue côté rue Verdelet. Photographie lavieb-aile 2024.
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Vue extérieure côté rue cour de l'EHPAD.
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Les Archives municipales de Quimper vue côté cour. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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Seule cette vue extérieure permet de l'unité des trois baies cintrées, dont le réseau de plombs et les couleurs des verres se poursuivent d'une baie à l'autre.
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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LA GRANDE SALLE D'ARCHIVES ET SES VERRIÈRES.
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L'ancienne chapelle (année ?)
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Ancien cliché de la chapelle de la Retraite, document Archives municipales de Quimper.
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La salle actuelle.
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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Les baies en vitrerie blanche (hors atelier).
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Une des trois baies a vitrerie blanche, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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LES TROIS BAIES CINTRÉES (ÉCLAIRANT LA CAGE D'UN ESCALIER METALLIQUE).
Il n'est plus possible de les photographier entièrement.
Souligné par une double ligne de plombs, un motif rouge (verre rouge flammé) se distingue dans le quadrillage irrégulier des verres bleus, jaunes et verts.
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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Première baie cintrée.
N.B : une pièce est brisée.
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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Deuxième baie cintrée.
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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Troisième baie cintrée.
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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LES BAIES RECTANGULAIRES DE LA SALLE D'ARCHIVE.
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Les trois baies hautes côté cour.
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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Les baies rectangulaires côté rue Verdelet.
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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LES VITRAUX DES FENÊTRES DES BUREAUX.
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Côté cour de l'EHPAD
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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Côté rue Verdelet (bureaux administratifs).
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Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
Les vitraux (1957) de Jacques le Chevallier, Archives municipales de Quimper. Photographie lavieb-aile 2024.
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LES ARCHIVES MUNICIPALES REPRENNENT LE GRAPHISME DES VITRAUX DE JACQUES LE CHEVALLIER POUR LEUR LOGO.
Les vitraux de la cathédrale de Troyes : les baies 129 et 229 (1500) : l'histoire de Tobie et de son chien. Don de Jean Festuot l'Aîné, marchand, et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme d'un peintre verrier anonyme.
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. "Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine." (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
Les baies 129 (triforium) et 229 occupent la quatrième travée côté nord.
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Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien ; un écu armorié d'Odard Hennequin mis en place en 1502-1503 par Jeancon Garnache et Nicolas Hulins a disparu.
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiriesidentifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrière réalisée par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph (biblique) ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire du prophète Daniel ; réalisées en 1499 par Pierre Maçon, don de Jean Corart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
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Datation, attribution et donation.
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Les précisions sont apportées par l'inscription du bord inférieur des six lancettes de la baie 229 :
JEHAN FESTUOT LAINE MARCHAND ET BOURGOIS DE TROYES ET DENISE CHAPPELAIN SA FEMME ONT DONNE CESTE VERRIERE EN LAN MIL CCCCC PRIEZ DIEU POUR LES TRESPASSES.
Cette verrière n'apparaît pas dans les comptes de la cathédrale, et nous n'avons pas d'information sur son auteur, à moins de tenter de l'identifier par son monogramme.
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La baie 229, avec six lancettes réunies deux à deux sous deux mouchettes ( décor réparti en trois registres ) , et un tympan à treize ajours et écoinçons , mesure 10 m de haut et 6 m . de large.
La baie 129, en dessous, au triforium, avec ses six lancettes réuniées deux à deux sous un tympan à deux mouchettes et un soufflet, mesure 3, 50 m de haut et 6 m. de large.
Toutes les deux sont consacrées à l'histoire de Tobie (Bible, Livre de Tobie), sont réalisées par le même peintre verrier anonyme et ont été commanditées par le marchand Jean Festuot et son épouse Denise Chapelain en 1500 : leurs armoiries sont présentes dans les deux baies.
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Les baies 129 et 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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LA BAIE 229, LES DONATEURS.
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Note : on lit dans les notices de l'Inventaire et ailleurs le nom Jehan FUESTOT mais l'inscription porte bien la graphie FESTUOT : je les tiendrai comme des variantes, ce qui se retrouve dans les arbres généalogiques.
La généalogie d'Alain Beyrand nous renseigne au mieux : il distingue six "Jehan FESTUOT" :
Un Jehan FESTUOT I décédé après 1407, était boucher à Troyes.
Denise Chapelain épousa Jean III FESTUOT, dit Festuot l'aîné, né en 1440, décédé après 1500, marchand bourgeois, marchand drapier, fils de Jean II FESTUOT, boucher, mercier, décédé après 1435.
Ils eurent deux fils,
1. Jean IV FESTUOT Seigneur de Ravières 1470- , maire de Troyes en 1520-1522 marié en 1520 avec Claude HENNEQUIN (Parents : Jean Hennequin, Ecuyer, Sgr de Lantages ca 1440-1500/ & Jeanne Baillet ca 1440) dont Jean V FESTUOT †1570, chanoine de Troyes après son veuvage, marié avec Françoise PYON dont Jean VI FESTUOT, coseigneur de Ravières †1557,
et 2. Nicolas FESTUOT, 1470-1547 Marié avec Catherine LE PEVRIER, †1547/ dont Hugues FESTUOT, 1500- Marié avec Magdeleine PERRECIN, Dame de Récourt †1601/ dont Madeleine FESTUOT, Dame de Ravières 1525-, Claude FESTUOT, Seigneur de la Mothe †1581/ , Catherine FESTUOT, †1594/ , etc...
On leur connait une fille, Jeanne FESTUOT dame de Rumilly , †1541 Mariée Claude Bury décédé avant 1520 puis avec Pierre PYON, Seigneur de Rumilly †1528/ Ce couple figure en donateur avec leurs armoiries sur la baie 214 de la cathédrale, présentés par leurs saints patrons, avec saint Claude et Saint Paul.
-On mentionne en juin 1492 une démarche effectuée au sujet de la navigation par Jehan de la Rotyère, Lorant Hérault, Jehan Festuot (Jehan IV), et Pierre Mérille, échevins et Nicolas Mauroy, receveur des deniers communs.
-Dans le décompte du ban et de l'arrière ban du baillage de Sens en 1545, Jehan Festuot le Jeune (Jean IV), seigneur de Ravières, bourgeois et stationnaire à Troyes est, par privilège royal, exempté de contribuer au ban.
-Une Scène de la vie de saint Jean-Baptiste par Etienne de La Vallée, a été offerte par la femme du tanneur Jean Fuestot en septembre 1536 à l'église Saint-Jean du Marché.
-Théophile Boutiot mentionne un Jacquinot Festuot, maître-boucher en 1431 et maître de la corporation des bouchers de Troyes en ?, et un Jacquot Festuot, conseiller à la ville en 1434.
- La tante de Claude Hennequin épouse de Jean IV Festuot est Simone Hennequin épouse de Guiot Le Peley : ces derniers sont commanditaires du livre d'heures BnF NAL 3248 enluminé par des artistes troyens comme le Maître des Heures de Troyes, et du Livre d'Heures BM Troyes ms 3901, enluminé par Jean Colombe. Petit indice des liens entre les Festuot, les autres grands bourgeois troyens comme les Molé et Le Peley, et les artistes de Champagne.
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La verrière 229 attribue au couple Festuot/Chapelain deux fils et quatre filles.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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Jehan Festuot présenté par saint Jean-Baptiste et suivi par ses deux fils Jehan et Nicolas.
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Saint Jean-Baptiste (inscription St JEHAN BAPTe) s'identifie à l'agneau mystique porté au bras droit, la croix tenue par les pattes de l'agneau, mais aussi à sa barbe, ses cheveux longs et sa tunique en poils de chameau.
Le donateur Jehan Festuot agenouillé mains jointes devant son prie-dieu où est posé le livre de prière, est déjà âgé comme en témoigne ses cheveux blancs : il a alors 60 ans. Il est vêtu d'un manteau bordeaux sombre aux revers fourrés. Il est identifié par ses armoiries (cf. infra).
Il est suivi de ses deux fils Jehan IV et Nicolas , l'un blond et en manteau vert, l'autre châtain et en manteau bleu.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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Armoiries de Jehan Festuot, d'azur à trois têtes de bélier d'argent accornées d'or .
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Ces armes aux têtes de bélier sont bien adaptées à un marchand issu d'une famille de bouchers.
Un autre Jehan Festuot (Festuot le jeune ?) portera d'azur à trois oiseaux accompagné en abîme d'un besant du même.
Selon Charles Fichot " Les deux blasons de Jean Festuot et de sa femme ne sont pas d'accord avec les armoiries de cette famille publiées dans l'Armorial du département de l'Aube, par M. Roserot. Y a-t-il eu deux familles Festuot, Chappelain ou Chapelain? C'est peu probable, rien ne le donne à penser. Nous devons constater seulement que ces blasons se répètent quatre fois, qu'ils ont été exécutés pour la verrière elle-même et que le monogramme qui les accompagne porte bien la couleur du champ du blason et les initiales J. F. du nom du donateur, inscrit en toutes lettres dans l'inscription de fondation."
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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Denise Chapellain présentée par saint Denis et suivie de ses quatre filles.
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Saint Denis est représenté en évêque céphalophore (tenant sa tête décapitée), inscription S DENIS.
Il présente Denise Chapellain, agenouillée mains jointes devant son prie-dieu au livre d prière ouvert. Elle porte la coiffe violette, un manteau gris souris d'où dépasse aux manches une chemise de dentelle.
Elle est identifiée par son écu losangique (cf. infra).
Elle est suivie de quatre filles, dont l'une en manteau rouge vif.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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Armoiries féminines (losange) de Denise Chapellain, mi-parti Festuot d'azur à trois têtes de bélier d'argent accornées d'or et Chapellain d'argent à trois couronnes d'épines d'or.
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Note : les couronnes d'épines sont vertes (de sinople) sur ld'autres représentations du blason.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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LA BAIE 229, CYCLE NARRATIF DE TOBIE.
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I. LE TYMPAN : HISTOIRE DE TOBIE (DÉBUT).
Le Livre de Tobie (exclu du canon hébraïque et de la Bible protestante) comporte 14 chapitres. Il raconte le voyage de Tobie, fils de Tobith :
Juif pieux en exil, aveugle et persécuté, le vieux Tobith [de l’hébreu Tobiah : « Dieu est mon bien » ] envoie son fils Tobie le Jeune recouvrer dix talents d’argent prêtés jadis à Raguël, père de Sara. Celle-ci est tourmentée par sept démons qui tuent tous ses prétendants. Aidé par l’ange Raphaël, le jeune Tobie capture un poisson grâce auquel il délivre Sara de ses sortilèges. Tous les Arbres du Paradis célèbrent alors les noces de Tobie et de la jeune femme. Muni du foi du poisson christique, le jeune Tobie rend la vue à son père.
C'est un magnifique roman d'aventure, haut en scènes idéales à peindre, comme celle de Tobie et le poisson, ou la délivrance de Sara. Et, bien avant Milou pour Tintin, un chien accompagne le jeune aventurier durant tout son voyage.
Le verrier fait débuter le récit au tympan (deux scènes), puis la poursuit par seize scènes dans les lancettes de la baie 229 et l'achève par les six scènes de la baie 129 : soit 24 scènes.
La scène de Tobie ensevelissant les morts figure aussi dans les vitraux de l'église Saint-Germain de Rouen, en baie 7 réalisée vers 1560-1570.
Les enluminures des manuscrits chrétiens illustrent largement, et dès les Bibles historiées, les scènes les plus marquantes du récit : cf les 74 enluminures sur POP-culture. Cf aussi Mandragore.
Dans mon étude sur la baie 231 de Troyes consacrée à l'Adoration des Mages, j'avais fait remarquer les liens probables de cette verrière avec le théâtre religieux et ses représentations à Troyes. D'autres arguments montraient le lien possible entre lea verrière 232 consacrée au Livre de Job, et la publication du drame religieux La Patience de Job.
De la même façon, nous remarquons que l'histoire de Tobie [Thobie] fut joué à Paris en même temps que plusieurs histoires tirées de l'Ancien Testament, comme le Livre de Daniel, l'histoire de Susanne et des vieillards, de Judith, d'Esther et le Livre de Job : c'est ce qu'indique le texte imprimé [vers 1494 et diverses éditions du XVIe siècle] titré Le mistere du viel testament par personnaiges ioué à Paris , et dont les manucrits ne nous sont pas parvenus. Voir :
Le mistére du Viel Testament, publié, avec introduction, notes et glossaire, par le baron James de Rothschild, Paris, Firmin Didot pour la Société des anciens textes français, 1878-1891, 6 t.
... Sensuit le second volume du viel Testament par Personnaiges tenant huyt hystoires de la bible, cest assauoir Lhystoire de iob, Lhystoire de thobie, Lhystoire de daniel ,Lhystoire de susanne Lhystoire de iudich, Lhystoire de hester, Lhystoire de Octouien ëpereur, Et la sibille thiburtine Et les pphecies des douze sybilles
Le baron de Rothschild signale : "Quoiqu'il en soit, il est certain que, vers 1480, le Viel Testament était une oeuvre fort répandue, puisque nous en avons trouvé des traces dans le préambule des mystères de la Passion mis sur la scène vers cette époque à la fois à Troyes et à Valenciennes."
Alain Cuillière 2015, Tobie sur la scène européenne à la Renaissance, suivi de "Tobie", comédie de Catherin Le Doux (1604). Édité par Alain Cullière, Berne, Peter Lang, coll "Recherches en littérature et spiritualité", vol. 24
La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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0. L'histoire débute sous la bénédiction de Dieu le Père, coiffé de la tiare et tenant l'orbus cruciger, dans une nuée et des rayons zébrant l'azur.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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1. Tobith est emmené en captivité à Ninive.
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Dans l'écoinçon de gauche un phylactère porte l'inscription CIVITAS NINIVE, "la cité de Ninive". À la pointe du soufflet est inscrit THOBIAS.
Résumé du chapitre 1 : Tobith, de la tribu de Nephtali, vivait en Israël, en Haute-Galilée mais alors que toute sa tribu s’était séparée de la maison de David et de Jérusalem, et offrait des sacrifices aux idoles païennes, lui seul était le seul à se rendre encore à Jérusalem pour les fêtes, et à y présenter ses offrandes rituelles.
À l’époque de Salmanasar, il fut déporté par les Assyriens à Ninive. Mais, seul, il faisait des aumônes à ses frères captifs, et se conformait à la loi de Moïse et aux prescriptions alimentaires. Il se maria avec Anna et eut un fils, Tobie.
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Le panneau montre Tobith, sa femme tenant un chapelet, et le jeune Tobie, conduits ligotés par des soldats en exil, devant d'autres captifs sortant de la cité ceinte de murailles.
Durant tout le récit, Tobith et son fils Tobie sont vêtus d'un manteau violet aux revers fourrés, exactement comme les donateurs ; soit parce que ces derniers s'identifient aux héros bibliques, soit parce que cette couleur et cet habit était alors à Troyes le summum du luxe bourgeois.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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Plus bas, dans les soufflets inférieurs, les armes de Jehan Festuot, et le monogramme du verrier.
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Monogramme du verrier de la baie 129.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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2.Tobith a acquis la faveur du roi Salmanasar qui le charge de commercer pour lui et lui remet un sauf-conduit.
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Dans l'écoinçon de droite un phylactère porte l'inscription CIVITAS NEPHTALI, "la cité de Nephtali". À la pointe du soufflet est inscrit THOBIAS.
Le panneau montre le roi Salmanasar assis entre ses conseillers, et remettant à Tobith un sauf-conduit.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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Plus bas, dans les soufflets inférieurs, les armes de Jehan Festuot en alliance avec celles de Denise Chapellain.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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II.LA BAIE 229 : LES SIX LANCETTES : HISTOIRE DE TOBIE (SUITE).
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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L'histoire se poursuit en partant du coin supérieur gauche.
3. Le roi d’Assyrie, Salmanasar, charge Tobith de procéder à des achats en Médie.
4. Tobith confie à Gabelus dix talents d'argents, en échange d'un reçu.
Résumé : Ayant la confiance du roi Salmanasar pour procéder à des achats pour son compte, Tobith se rendit en Médie, et dans ce pays il confia à Gabaël des bourses qui contenaient dix talents d’argent.
Dans la scène n°3, on lit l'inscription SALMANAZAR et dans la scène n°4 GABELUS (Gabaël).
Entre les têtes de lancette, un motif à losanges correspont à un blason, d'azur à six macles d'or. Ce sont les armes de François de Marisy, maire de Troyes en 1499 et 1521, ou, moins probablement si ces armes sont contemporaines du vitrail de 1500, de son fils Claude de Marisy, grenetier au grenier à sel de Troyes et maire de Troyes de 1522 à 1528 et époux de Jeanne Le Boucherat puis de Michèle Molé ; il fit construire l'hôtel de Marisy. Ou encore de Jacques de Marisy, frère de François et maire de Troyes en 1515 et 1521. Rappelons que Jehan Festuot IV fut maire de Troyes en 1522.
Le cheval blanc du roi est splendidement harnaché, avec un collier à grelots d'or.
Première apparition du chien blanc de Tobith. Le collier du lévrier est réalisé avec un verre rouge gravé. Dans le Livre de Tobie, il est cité plus tardivement, au chapitre 6:1 "le chien".
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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5. Sennacherib, successeur du roi, massacre les juifs
6.Tobit enterre les morts malgré l’interdiction royale
Résumé. Quand Salmanasar fut mort et que Sennakérib, son fils, lui succéda, les routes de Médie furent bloquées et Tobith ne put continuer à s'y rendre et récupérer son argent. Sennakérib tuait de nombreux fils d’Israël ; et Tobith enterrait leurs corps malgré les ordres du roi.
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Inscriptions : SANACHERIC à gauche, THOBIAS à droite.
Senacherib trône, couronné et tenant le sceptre, sous un pavillon, devant des idoles, et ordonne d'un geste à ses soldats le massacre des fils d'Israël.
Dans le panneau de droite Tobith enterre un homme avec l'aide de son fils, sous le regard inquiet de sa femme.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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7. Tobith prie Dieu pendant que l’on confisque ses biens. Le chien est à ses côtés.
8. Pendant qu’il dort dans sa cour, les fientes d'un oiseau le rend aveugle.
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Résumé.
Tobie 1:19-20 Tobith fut dénoncé par un habitant de Ninive, tous ses biens furent saisis, et il dut se cacher loin des siens .
Tobie 1:21-22 et 2:1-10: :Asarhaddone succéda à Sennakerib, et le neveu de Tobith, Ahikar fut placé à la tête des finances royales. Tobith retrouve sa famille et ses biens, mais, à peine rentré, il part enterrer un membre de sa nation jeté sur la place publique. Revenu chez lui, il se repose dans sa cour, mais la fiente chaude des moineaux lui tombe dans les yeux ; malgré les soins, il devient aveugle. Accablé, il se tourne vers Dieu et souhaite mourir.
Inscription : THOBIAS.
Dans la tête de lancette de gauche, Dieu le Père apparait dans la nuée et dirige ses rayons vers Tobith agenouillé dans la lancette de droite.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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9. Tobith le père, aveugle, envoie son fils Tobie chercher son argent chez Gabelus
10. Le jeune Tobie part, guidé par l’archange Raphaël, accompagné du chien.
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Inscription : THOBIAS.
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Texte :
"Ce jour-là, Tobith se souvint de l’argent qu’il avait mis en dépôt chez Gabaël, à Raguès de Médie. Il se dit en lui-même : « Voici que j’ai réclamé la mort. Ne devrais-je pas appeler mon fils Tobie et lui parler de cet argent avant de mourir ? » Il appela son fils Tobie, qui vint à lui. [...]
Tobie répondit à son père Tobith : « Père, je ferai tout ce que tu m’as commandé. Mais comment pourrais-je reprendre cet argent chez cet homme, alors que lui ne me connaît pas et que moi, je ne le connais pas ? Quel signe lui donner pour qu’il sache qui je suis, qu’il ait confiance en moi et me remette l’argent ? De plus, je ne connais pas les routes à prendre pour aller en Médie. » Tobith répondit à son fils Tobie : « Il a signé un reçu et je l’ai contresigné. Puis je l’ai partagé en deux pour que nous en ayons chacun une moitié, et j’en ai laissé une avec l’argent. Voilà déjà vingt ans que j’ai mis cet argent en dépôt. Et maintenant, mon enfant, cherche-toi un homme de confiance pour t’accompagner, et nous lui donnerons un salaire à ton retour. Va reprendre cet argent chez Gabaël. »
Tobie sortit chercher un homme qui connaisse la route, pour l’accompagner jusqu’en Médie. À peine sorti, il trouva l’ange Raphaël debout devant lui, mais il ne savait pas que c’était un ange de Dieu."
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Dans le texte, la nature angélique de Raphaël n'est pas dévoilée aux protagonistes car il se présente comme étant leur cousin Azarias : mais le peintre le représente néanmoins avec des ailes.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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11. Au moment de son bain un poisson menace Tobie. Sur conseil de Raphaël, Tobie le tue.
12. Tobie retire le foie et le fiel du poisson. Le chien observe la scène avec intérêt.
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"Comme le garçon descendait se laver les pieds dans le Tigre, un grand poisson bondit hors de l’eau et voulut avaler son pied. Le garçon cria. Mais l’ange lui dit : « Attrape le poisson, et maîtrise-le. » Le garçon saisit le poisson et le hissa sur la berge. L’ange lui dit : « Éventre le poisson, enlève-lui le fiel, le cœur et le foie, mets-les à part pour les emporter, et jette les entrailles. Car le fiel, le cœur et le foie sont des remèdes efficaces. » Le garçon éventra le poisson, recueillit le fiel, le cœur et le foie, puis il grilla une partie du poisson et la mangea, et il garda l’autre partie après l’avoir salée. Ils poursuivirent tous deux la route, jusqu’aux abords de la Médie. Le garçon interrogea alors l’ange : « Azarias, mon frère, le cœur, le foie et le fiel du poisson, en quoi sont-ils un remède ? » L’ange lui répondit : « Si tu fais brûler le cœur et le foie du poisson devant un homme ou une femme attaqués par un démon ou un esprit mauvais, l’agresseur s’enfuit au loin, et ses victimes en seront délivrées pour toujours. Quant au fiel, si tu l’appliques sur les yeux d’un homme atteint de leucomes et si tu souffles dessus, les yeux seront guéris. »
Le texte latin de la Vulgate utilise le mot pisces, "poisson", tout comme le texte grec de la Septante traduit le texte originel du VIIIe siècle av. J.C (en araméen ou hébreu, perdu) par ἰχθὺς, même sens. Ce n'est pas un "monstre marin".
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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13. Il rencontre Ragouël, le père de Sara et l’épouse
14. Le mariage de Tobie et de Sara par le grand prêtre.
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Inscription : RAGVEL THOBIE. à gauche, THOBIE et SARA à droite.
On remarque comment le père et le fils sont distingués ici par la graphie de leur nom : Thobias pour le père, et Thobie pour le fils.
Le chapitre 3 nous avait révélé l'histoire de Sara, victime du démon Asmodée :
"Or ce jour-là, Sarra, la fille de Ragouël d’Ecbatane en Médie, se fit, elle aussi, insulter par une jeune servante de son père : elle avait été mariée sept fois, et Asmodée, le pire des démons, tuait les maris avant qu’ils ne se soient approchés d’elle. Donc, la servante dit à Sarra : « C’est toi qui as tué tes maris ! En voilà déjà sept à qui tu as été donnée en mariage, et d’aucun d’entre eux tu n’as porté le nom. Pourquoi nous fouetter, sous prétexte que tes maris sont morts ? Va les rejoindre : puissions-nous ne jamais voir de toi un fils ni une fille ! » Ce jour-là, Sarra, la mort dans l’âme, se mit à pleurer. Et elle monta dans la chambre haute de la maison de son père avec l’intention de se pendre. Mais, à la réflexion, elle se dit : « Eh bien, non ! On irait insulter mon père et lui dire : “Tu n’avais qu’une fille, une fille très aimée, et elle s’est pendue à cause de ses malheurs !” Je ferais ainsi descendre mon vieux père plein de tristesse au séjour des morts. Mieux vaut pour moi ne pas me pendre, mais supplier le Seigneur de me faire mourir, pour que je n’aie plus à entendre de telles insultes à longueur de vie. » À l’instant même, elle étendit les mains vers la fenêtre et fit cette prière : « Béni sois-tu, Dieu de miséricorde ; béni soit ton nom pour les siècles ; que toutes tes œuvres te bénissent à jamais !
"Et Raphaël fut envoyé pour les guérir tous deux : à Tobith pour enlever le voile blanchâtre qui couvrait ses yeux afin que, de ses yeux, il voie la lumière de Dieu, et à Sarra, fille de Ragouël, pour la donner en mariage à Tobie, fils de Tobith, et expulser d’elle Asmodée, le pire des démons ; en effet c’est à Tobie que revenait le droit de l’épouser plutôt qu’à tous ses prétendants. Juste à ce moment, Tobith rentrait de la cour dans sa maison tandis que Sarra, fille de Ragouël, descendait de la chambre haute."
"Quand il fut entré en Médie et que déjà il approchait d’Ecbatane, Raphaël dit au garçon : « Tobie, mon frère », et celui-ci répondit : « Qu’y a-t-il ? » Raphaël reprit : « Nous devons loger cette nuit chez Ragouël. Cet homme est ton parent, et il a une fille qui s’appelle Sarra. À part elle, il n’a ni fils ni fille. Tu es le plus proche parent de Sarra : c’est à toi qu’elle revient en priorité et tu as aussi le droit d’hériter de la fortune de son père. D’ailleurs, c’est une jeune fille intelligente, courageuse et très belle, et son père est un homme de bien. » Il ajouta : « C’est ton droit de l’épouser. Écoute-moi bien, mon frère. Cette nuit, je parlerai au père de la jeune fille pour qu’il t’accorde sa main, et, à notre retour de Raguès, nous célébrerons les noces. Je sais que Ragouël ne peut te la refuser ni la fiancer à un autre. Sinon, il encourrait la mort selon le décret du Livre de Moïse, car il sait que sa fille te revient de préférence à tout autre. Ainsi donc, écoute-moi bien, mon frère : dès cette nuit, nous aurons un entretien au sujet de cette jeune fille et nous conviendrons du mariage. Quand nous quitterons Raguès, nous la prendrons avec nous et nous l’emmènerons chez toi. » »
Le chapitre 7 raconte l'arrivée de Tobie chez Ragouël.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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15. Mais Sara a déjà tué 7 hommes lors de ses nuits de noces précédentes. Pendant la nuit de noces, Tobie fait brûler le foie du poisson pour chasser le démon de la chambre de Sara. Le chien est présent.
16. L’archange enchaîne le vilain démon Asmodée sur une montagne.
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Inscription : SARATHOBIE à gauche, RAPHAEL à droite
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Texte : Tobie 6:14-19
"Tobie répondit à Raphaël : « Azarias, mon frère, j’ai entendu dire qu’elle a déjà eu sept maris et qu’ils sont morts dans leur chambre nuptiale : ils ont succombé la nuit même où ils voulaient s’approcher d’elle. J’ai même entendu dire qu’un démon les tuait. Voilà pourquoi j’ai peur, car ce n’est pas elle que le démon attaque, mais il tue quiconque veut s’approcher d’elle. Or je suis le fils unique de mon père, et, si je venais à mourir, je causerais à mon père et ma mère un chagrin qui les conduirait dans la tombe, et ils n’ont pas d’autre fils que moi pour les enterrer ! » Raphaël lui répondit : « As-tu oublié les instructions de ton père, qui t’a commandé de prendre femme dans son clan ? Et maintenant, écoute-moi bien, mon frère : ne t’inquiète pas au sujet de ce démon et prends Sarra comme épouse. Car je sais que cette nuit même elle te sera accordée. Mais, quand tu entreras dans la chambre nuptiale, prends le cœur du poisson et un peu de son foie, dépose-les sur le brûle-parfums, et l’odeur s’en répandra. Dès que le démon l’aura sentie, il prendra la fuite et il ne reparaîtra plus jamais auprès d’elle. Quand tu seras sur le point de t’unir à elle, levez-vous d’abord tous les deux, priez et demandez au Seigneur du ciel de faire venir sur vous sa miséricorde et son salut. N’aie pas peur, car c’est à toi qu’elle a été destinée depuis toujours, et c’est toi qui la sauveras. Elle te suivra, et j’ai bien l’idée que tu auras d’elle des enfants, qui seront pour toi comme des frères. Ne t’inquiète pas. »
En apprenant de Raphaël qu’il avait une parente dans son clan, il s’éprit d’elle passionnément et il lui fut attaché de tout son cœur."
Le chapitre 8 correspond exactement aux deux panneaux que nous examinons :
"Quand on eut fini de manger et de boire, on décida d’aller se coucher. On conduisit le jeune homme jusqu’à la chambre, où on le fit entrer. Tobie se souvint alors des paroles de Raphaël ; il sortit de sa besace le foie et le cœur du poisson et les déposa sur le brûle-parfums. L’odeur du poisson repoussa le démon, qui s’enfuit par les airs jusqu’en Égypte. Raphaël s’y rendit, et aussitôt entrava et ligota le démon."
Mais l'artiste n'a pas représenté ma scène préférée, celle où Ragouël, persuadé que Tobie va y passer comme les sept autres maris, lui fait creuser une tombe pour pouvoir l'enterrer sans ameuter le voisinage : Tobie 8: 4-12 .
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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17. Tobie quitte Raguel et rentre chez lui avec Sara son épouse,...
18. ...avec ses troupeaux, ses chameaux menés par Raphaël, et son chien (qui a un nouveau collier bleu.
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Inscription : RAGVEL SARA à gauche, RAPHAEL à droite.
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La baie 229 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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III. LA BAIE 129 DU TRIFORIUM : HISTOIRE DE TOBIE (SUITE).
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La baie 129 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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19. Raphaël, Sara et Tobie reviennent chez Tobith.
20. Tobie applique le fiel de poisson sur les yeux de son père, qui retrouve la vue. Le chien fait la fête à son vieux maître.
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En tête de lancette, le monogramme du verrier et le mongramme de Marie au dessus de branches écotées. Au tympan, les armes de Jehan Festuot et le monogramme du verrier.
Inscription :THOBIE à gauche.
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Texte :
"Comme ils approchaient de Kaserîn, qui se trouve en face de Ninive, Raphaël dit à Tobie : « Tu sais dans quel état nous avons laissé ton père. Prenons de l’avance sur ta femme et allons préparer la maison, avant que les autres n’arrivent. ». Ils partirent donc tous deux ensemble. Raphaël dit : « Prends avec toi le fiel du poisson. » Et le chien les suivait.
Or, Anna était assise à l’entrée de la cour et surveillait la route par laquelle son fils était parti.
Elle le reconnut qui arrivait et cria à Tobith : « Voici ton fils qui revient, et aussi son compagnon de voyage. » Raphaël dit à Tobie, avant que celui-ci ne s’approche de son père : « J’ai la certitude que ses yeux vont s’ouvrir. Étale sur eux le fiel du poisson ; le remède provoquera la contraction des yeux et en détachera le voile blanchâtre. Ton père retrouvera la vue et verra la lumière. » Anna courut se jeter au cou de son fils et lui dit : « Je te revois, mon enfant. À présent, je peux mourir ! »"
Et elle se mit à pleurer. Quant à Tobith, il se leva et franchit l’entrée de la cour en trébuchant.
Tobie alla vers lui, le fiel du poisson à la main. Il lui souffla dans les yeux, le saisit et lui dit : « Confiance, père ! » Puis il lui appliqua le remède et en rajouta. Ensuite, de ses deux mains, il lui retira les pellicules en partant du coin des yeux. Tobith se jeta alors au cou de son fils et lui dit en pleurant : « Je te revois, mon enfant, toi, la lumière de mes yeux ! » Et il ajouta : « Béni soit Dieu ! Béni soit son grand nom ! Bénis soient tous ses saints anges ! Que son grand nom soit sur nous ! Bénis soient tous les anges pour tous les siècles ! Car Dieu m’avait frappé, mais voici que je revois mon fils Tobie ! »"
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La baie 129 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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. 21. Tobie rapporte l’argent prêté à Gabelus.
22. Tobith veut rétribuer Raphaël , mais celui-ci leur révèle qu'il est un ange et s'envole, sous les yeux stupéfaits du chien.
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En tête de lancette, les armoiries de Jehan Festuot et le monogramme IHS au dessus de branches écotées.
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Texte :
"Tobie entra dans la maison, tout joyeux et bénissant Dieu à pleine voix. Il raconta à son père qu’il avait fait bon voyage, qu’il rapportait l’argent et comment il avait épousé Sarra, la fille de Ragouël : « La voilà qui arrive, ajouta-t-il ; elle est aux portes de Ninive. » . [...].
"Quand les noces furent achevées, Tobith appela son fils Tobie et lui dit : « Mon enfant, pense à donner son salaire à ton compagnon de voyage, et ajoute un supplément. » Tobie lui répondit : « Père, quelle somme vais-je lui donner comme salaire ? Même si je lui donnais la moitié des biens qu’il a rapportés avec moi, je n’y perdrais pas : il m’a ramené ici en bonne santé, il a guéri ma femme, il a rapporté l’argent avec moi, et il t’a guéri. Quelle somme vais-je donc lui donner comme salaire ? Mon enfant, reprit Tobith, il est juste qu’il reçoive la moitié de tout ce qu’il a rapporté. »
Tobith appela Raphaël et lui dit : « Accepte comme salaire la moitié de tout ce que tu as rapporté, et va, porte-toi bien ! »
Alors l’ange les prit tous deux à part et leur dit : « Bénissez Dieu et célébrez-le devant tous les vivants pour le bien qu’il vous a fait. Bénissez-le et chantez son nom. Annoncez à tous les hommes les actions de Dieu comme elles le méritent, et n’hésitez pas à le célébrer.
S’il est bon de tenir cachés les secrets d’un roi, il faut révéler les œuvres de Dieu et les célébrer comme elles le méritent. Faites le bien, et le mal ne vous atteindra pas.
Mieux vaut prier avec vérité et faire l’aumône avec justice, qu’être riche avec injustice. Mieux vaut faire l’aumône qu’amasser de l’or.
L’aumône délivre de la mort et purifie de tout péché. Ceux qui font l’aumône seront rassasiés de vie,tandis que le pécheur et l’homme injuste sont leurs propres ennemis.
Je veux vous révéler toute la vérité, sans rien vous cacher. Je viens de vous dire que, s’il est bon de tenir cachés les secrets d’un roi, il faut révéler les œuvres de Dieu comme elles le méritent.
Eh bien ! Quand tu priais en même temps que Sarra, c’était moi qui présentais votre prière devant la gloire de Dieu, pour qu’il la garde en mémoire, et je faisais de même lorsque tu enterrais les morts.
Quand tu n’as pas hésité à te lever, à laisser ton repas et à partir enterrer un mort, c’est alors que j’ai été envoyé vers toi pour te mettre à l’épreuve,mais Dieu m’a aussi envoyé pour te guérir, ainsi que Sarra, ta belle-fille.
Moi, je suis Raphaël, l’un des sept anges qui se tiennent ou se présentent devant la gloire du Seigneur. »
Les deux hommes furent alors bouleversés et ils tombèrent face contre terre, saisis de crainte. Mais Raphaël leur dit : « Ne craignez pas ! La paix soit avec vous ! Bénissez Dieu à jamais ! Tant que je me suis trouvé avec vous, je n’y étais point par un effet de ma bienveillance, mais par la volonté de Dieu. Bénissez-le donc chaque jour, chantez-lui des hymnes ! Vous avez cru me voir manger, mais ce que vous avez vu n’était qu’une apparence. Et maintenant, bénissez le Seigneur sur la terre ! Célébrez Dieu ! Voici que je remonte auprès de celui qui m’a envoyé. Mettez par écrit tout ce qui vous est arrivé. » Alors l’ange remonta au ciel.Ils se relevèrent, mais ils ne pouvaient plus le voir.
Ils bénirent Dieu, chantèrent pour lui et le célébrèrent pour la grandeur de ses œuvres : un ange de Dieu leur était apparu !"
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La baie 129 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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23. Tobie et Sara entoure Tobith lors de sa mort
24. Le vieux Tobit meurt dans son lit auprès d'Anna son épouse et de son chien.
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En tête de lancette côté gauche et au tympan, les armoiries du couple Festuot /Chapellain.
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En tête de lancette droite, le monogramme du verrier dans un entrelacement de branches écotées.
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Inscription THOBIE SARA à gauche, et THOBIC.
Texte : "Tobith mourut dans la paix à l’âge de cent douze ans et il fut enterré dignement à Ninive. Il avait soixante-deux ans quand il perdit l’usage de ses yeux. Après avoir retrouvé la vue, il vécut dans l’abondance et fit des aumônes. Il continua de bénir Dieu et de célébrer la grandeur divine.
Au moment de mourir, il appela son fils Tobie et lui fit ces recommandations : « Mon enfant, emmène tes enfants, pars vite en Médie, car je crois à cette parole de Dieu que le prophète Nahoum a proférée contre Ninive : tout doit arriver, tout se produira contre Assour et Ninive, comme l’ont annoncé les prophètes d’Israël que Dieu a envoyés ; tout se produira, et rien ne sera retranché de toutes leurs paroles ; toutes choses arriveront en leur temps. Il y aura alors plus de sécurité en Médie qu’en Assour et en Babylonie. Car je sais bien, moi, et je crois que s’accomplira tout ce que Dieu a dit ; tout doit arriver, aucune de ses paroles ne sera effacée. Nos frères qui habitent sur la terre d’Israël seront tous disséminés et emmenés en exil loin de ce bon pays. Tout le pays d’Israël deviendra un désert, Samarie et Jérusalem seront un désert, et la Maison de Dieu sera livrée à la désolation et à l’incendie, jusqu’au temps fixé. Mais Dieu les prendra de nouveau en pitié, il les ramènera au pays d’Israël, et ils rebâtiront sa Maison, non pas dans l’état de jadis, mais en attendant que s’accomplissent les temps favorables. Ils reviendront alors tous de leur captivité, ils reconstruiront Jérusalem magnifiquement, et la Maison de Dieu y sera rebâtie, comme l’ont annoncé les prophètes d’Israël."
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La baie 129 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
La baie 129 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
La baie 129 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
La baie 129 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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Mon grand regret.
Mon grand regret dans l'histoire de Tobie, c'est que le chien n'ait pas de nom. Que ce personnage central doive rester anonyme me fend le cœur. Certes, Colette nomma son bouledogue "Toby-Chien", mais cela ne résoud rien. J'aurai aimé que les auteurs qui, depuis 2800 ans, se transmettent ce conte finissent par l'adopter et le baptiser. C'est triste comme ces gens qui disent "ici le chien, au pied!".
Il méritait d'autant plus un nom, par sa fidélité et son soutien, que c'est le seul portrait positif d'un chien dans la Bible : ailleurs, ses semblables sont méprisables, et menacent les cadavres qu'il dévorent. Pas de pire insulte pour un humain que d'être traité de chien (celeb, kalev.). En fait, le chien de Tobie est peut-être le seul exemple de chien de compagnie, domestiqué, alors que les autres chiens bibliques vont en meute et sont sauvages. Dans les évangiles, on mentionne les "petits chiens", qui reçoivent les miettes de la table.
La baie 129 (histoire de Tobie, 1500) de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile 2024.
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SOURCES ET LIENS.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858,Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
— LIEZ (Jean-Luc), 2022, "Regard(s) sur l’héraldique à Troyes au XVIe siècle". ffhal-03940420f
https://hal.science/hal-03940420/document
—MARSAT (André), Charles J. Ledit, Angelico Surchamp · 1972 Cathédrale de Troyes, les vitraux
— MINOIS (Danielle), 2005 Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560) .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
— MINOIS (Danielle), 2003, thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald, La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle), Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
— RUNNALLS Graham Runnalls, 1995, La compilation du "mistère du vieil testament : le mystère de Daniel et Susanne, Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance T. 57, No. 2 (1995), pp. 345-367 (23 pages) Librairie Droz
Les vitraux de la cathédrale de Troyes : les baies 132 et 232 (1499). Parabole du Fils prodigue. Auteur : le verrier Pierre . Donateurs Guillaume II Molé/ Simone Boucherat (armoiries). Monogrammes de verriers.
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. "Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine." (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
Les baies 132 (triforium) et 232 occupent la troisième travée côté sud.
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Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien ; un écu armorié d'Odard Hennequin mis en place en 1502-1503 par Jeancon Garnache et Nicolas Hulins a disparu.
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiriesidentifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrière réalisée par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph (biblique) ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire du prophète Daniel ;réalisées en 1499 par Pierre Maçon, don de Jean Corart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
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Datation, attribution et donation.
Ces éléments sont basés sur les comptes du chapitre de la cathédrale de Troyes, AD série G, registre 1571, années 1498-1499 : "À la femme de Pierre, verrier, lequel a faict la verrière de l'enfant prodigue pour Guillaume Molé, xxxv sous ".
Les armoiries identifient le couple Molé/Boucherat.
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Vue générale.
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Baies 132 et 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la nef sud de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LA BAIE N° 132 DU TRIFORIUM : ANNONCIATION ET SAINTE PARENTÉ ( MARIE SALOMÉ, MARIE CLEOPHAS ET ANNE TRINITAIRE).
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Elle mesure 3,50 m de haut et 6,00 m de large, et est divisée en trois baies de deux lancettes trilobées sous un tympan à deux mouchettes et un soufflet.
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1. et 2. L'Annonciation.
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Sur un fond rouge damassé de rinceaux dentelés et d'un carrelage bicolore orange et bleu, Gabriel aux ailes multicolores tient le bâton de messager dont le phylactère porte l'inscription aux lettres gothiques aux fûts perlés : AVE [M]ARIA --IES TECUM. Il porte une étole bleue à croix de Malte.
Depuis des nuées bleues du coin supérieur gauche, un rayon de lumière entraine la colombe de l'Esprit-Saint vers Marie.
Celle-ci porte un manteau fourré d'hermines et une robe rouge et sa réponse figure sur un second phylactère ECCE ANCILLA DNI.
Les croissants blancs et les étoiles jaunes du tympan, sur un ciel rouge, rappellent les armoiries de la famille Molé.
Dans la tête de lancette de droite, ces armoiries sont présentées dans un chapeau de gloire, de gueules à un croissant d'argent accompagné en chef de deux étoiles d'or.
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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3. La Nativité.
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Le monogramme du peintre-verrier.
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Il n'est conservé que partiellement mais j'y retrouve la forme générale de clef décrite en baie 231, où le losange proche d'un A serait l'anneau, et où la tige est barrée ; on devine au dessus les deux V qui seront bien visibles au tympan. Ce ou ces "V" seraient-ils un code pour "Verrier" ?
Comparez à :
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Baie 231
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église de Cravan (Yonne), vitrail de la fin du XVe siècle.
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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4. La Sainte Parenté I : Marie Jacobé, assise, avec ses quatre fils, les apôtres Jacques le mineur, Simon et Jude, ainsi que Joseph Barsabas.
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L'interprétation est difficile, mais la solution adoptée est la plus probable. Voir la Sainte Parenté sur Wikipédia. Tous les enfants sont nimbés. Celui de gauche tient la croix dont le titulus porte l'inscription INRI, ce pourrait être le Christ... mais on reconnaitrait plutôt l'Enfant-Jésus dant le bambin bouclé assis sur les genoux de ... sa mère ? Ce pourrait être plutôt l'apôtre Simon, dont l'attribut est la croix dans le Kalendrier des Bergers, et que nous retrouverons présentant la donatrice...
Celui qui est assis à terre en écrivant sur une banderole pourrait être Jean l'évangéliste. Mais cela remet en cause l'interprétation.
Fond damassé bleu à la grenade.
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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La tête de lancette : les armoiries Molé/Boucherat.
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Ce blason mi-parti montre en 1 les armes des Molé de gueules à un croissant d'argent accompagné en chef de deux étoiles d'or, et en 2 celle des Boucherat, d'azur au coq d'or crêté, becqué, barbé, membré et onglé de gueules.
Cette partition désigne le couple de Guillaume II Molé et de Simone Boucherat.
Simonne ou Simone Boucherat, est peut-être descendante de Pierre le Boucherat, (décédé après 1420) qui fut procureur de Charles VI à Troyes en 1420. Elle épousa le 19 juin 1467 Guillaume Molé, (1438-1487) bourgeois de Troyes, lui-même fils aîné de Guillaume I Molé, et frère de Jean Molé seigneur de Villy-le-Maréchal qui épousa Jeanne de Mesgrigny : c'est le couple donateur en 1500 des baies 131 et 231. Les armes de Jean II sont brisées d'une bordure et sa devise diffère de celle de son frère.
D'autres généalogies, plus actuelles, font de Guillaume II Molé le fils de Nicolas seigneur de Fouchères et de Marie Ménisson, et le petit-fils de Guillaume I.
Guillaume II Molé, qui mourut en 1507, et Simone Boucherat eurent des filles, dont Louise dame de Vaubercey, et Colette, qui épousa Jean d'Origny seigneur de Longchamps.
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De même que le tympan de l'Annonciation reprenait les armes des Molé, celui de la Parenté reprend celles des Boucherat, et bien que les détails soient masqués par l'architecture, nous reconnaissons bien le coq jaune et rauge sur fond bleu.
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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5. La Sainte Parenté II : Sainte Anne , sa fille Marie et son petit-fils Jésus.
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Sainte Anne et Marie, de même taille, sont assise côte à côte, Anne étant identifiée par sa guimpe de veuve. Elle tient un livre, mais un autre livre est posé sur les genoux de Marie. Celle-ci présente une poire à Jésus qui, debout, tend les bras.
Dans la tête de lancette, le monogramme du verrier sera présenté plus bas.
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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6. La Sainte Parenté III : Marie Salomé, assise, avec ses deux fils les apôtres Jacques le majeur tenant le bourdon de pèlerin et Jean l'évangéliste tenant la palme.
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Fond bleu damassé à rinceaux dentelés.
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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5 et 6 (détail) : Les têtes de lancette avec le monogramme du peintre-verrier et la devise "En attendant", et au tympan les armes des Molé.
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Le monogramme, bien que tronqué, est le même que celui de la lancette C. La devise est celle de Guillaume II Molé. Le tympan reprend le croissant blanc et les étoiles jaunes sur fond rouge des Molé .
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Annonciation et Sainte Parenté, baie 132 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LA BAIE N° 232 : PARABOLE DE L'ENFANT PRODIGUE.
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PRÉSENTATION.
Cette verrière mesure 10 m de haut et 6 mètres de large, elle comporte un tympan à 9 ajours et écoinçons, et 6 lancettes. Ces 6 lancettes A B C D E F sont organisées horizontalement en trois registres soit au total 18 scènes. Seize de ces scènes racontent la parabole du Fils prodigue, en partant du haut à gauche. Les deux scènes des coins inférieurs accueillent le donateurs et son fils (lancette A) et la donatrice et sa fille (lancette F) .
Comme dans les baies 131 et 132, elles aussi données par la famille Molé, chacune des scènes encadrée par une fausse architecture sous un arc en plein cintre par une accolade à pampres sous un entablement occupé par des putti et les blasons et devises des donateurs. Mais les blasons et la devise des donateurs n'occupent pas les têtes de lancettes, mais les scènes de donation, et le tympan.
Je la décrirai en partant de l'angle supérieur gauche, lancette A et en suivant le cours des 16 scènes narratives, puis je décrirai les deux scènes présentant le couple donateur. Je terminerai par le tympan.
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1. et 2. Le fils prodigue demande à son père sa part d'héritage et s'en va en voyage profiter de la vie.
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Texte :
Luc 15:11-12 "Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père: ‘Mon père, donne-moi la part de l’héritage qui doit me revenir.’ Le père leur partagea alors ses biens. "
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À gauche, le père est assis à côté de son fils aîné. le fils cadet tend la main vers la bourse.
Dans la deuxième lancette, le fils part d'un bon pas à laventure, la hallebarde sur l'épaule et l'épée au côté.
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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3. et 4. Il dépense son argent dans les tavernes et se fait dépouiller par des prostituées, qui le chassent, ne lui laissant que sa chemise.
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Texte :
"Peu de jours après, le plus jeune fils ramassa tout et partit pour un pays éloigné, où il gaspilla sa fortune en vivant dans la débauche. Alors qu'il avait tout dépensé, une importante famine survint dans ce pays et il commença à se trouver dans le besoin."
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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5. et 6. Il trouve du travail chez un fermier pour garder les cochons dans les bois . Il se nourrit de glands.
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Texte :
"Il alla se mettre au service d'un des habitants du pays, qui l'envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se nourrir des caroubes que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. "
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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7. et 8. N'en pouvant plus, il décide de retourner chez son père pour y être employé comme ouvrier.
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Texte
Luc 15:17-20 "Il se mit à réfléchir et se dit: ‘Combien d'ouvriers chez mon père ont du pain en abondance et moi, ici, je meurs de faim! Je vais retourner vers mon père et je lui dirai: Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils, traite-moi comme l'un de tes ouvriers.’ Il se leva et alla vers son père."
Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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9. et 10. Il est accueilli à bras ouvert par son père, qui le confie à l'un de ses domestiques .
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Texte :
Luc 15: 20-21"Alors qu’il était encore loin, son père le vit et fut rempli de compassion, il courut se jeter à son cou et l'embrassa. Le fils lui dit: ‘Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils.’"
Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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11. et 12. Le fils est luxueusement habillé par le serviteur . Le père fait tuer le veau gras .
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Texte :
Luc 15: 22-24 "Mais le père dit à ses serviteurs: ‘Apportez [vite] le plus beau vêtement et mettez-le-lui; passez-lui un anneau au doigt et mettez-lui des sandales aux pieds. Amenez le veau qu’on a engraissé et tuez-le! Mangeons et réjouissons-nous, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent à faire la fête."
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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13. On prépare un grand festin .
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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14. et 15. Le père festoie avec ses fils, accompagné par trois musiciens. L'un joue du luth, l'autre d'un instrument à vent (coquillage?), le troisième du galoubet-tambourin .
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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16. Après le repas, le frère aîné refuse de serrer la main de son frère cadet.
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Texte :
Luc 15:25-35 : " Or le fils aîné était dans les champs. Lorsqu'il revint et approcha de la maison, il entendit la musique et les danses. Il appela un des serviteurs et lui demanda ce qui se passait. Le serviteur lui dit: ‘Ton frère est de retour et ton père a tué le veau engraissé parce qu'il l'a retrouvé en bonne santé.’ Le fils aîné se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit le supplier d'entrer, mais il répondit à son père: ‘Voilà tant d'années que je suis à ton service sans jamais désobéir à tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis. Mais quand ton fils est arrivé, celui qui a mangé tes biens avec des prostituées, pour lui tu as tué le veau engraissé!’ ‘Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi et tout ce que j'ai est à toi, mais il fallait bien faire la fête et nous réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.’"
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LES DONATEURS.
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Le donateur Guillaume Molé présenté par saint Guillaume et son fils.
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Guillaume II Molé, tête nue aux cheveux gris, est agenouillé mains jointes devant son livre de prières posé sur le prie-dieu. Il porte un manteau bleu-violet (même couleur que Jean II Molé en baie 131) aux manches et col fourrés.
Il est présenté par saint Guillaume évêque de Bourges.
Un fils (dont les généalogistes n'ont pas transmis le nom) est agenouillé à sa suite, portant sur un pourpoint rouge un manteau bleu sombre à revers or, doté sur la manche d'un emblême rouge. Ses chausses sont rouge.
Sur le drap du prie-dieu, sont figurées les armes pleines des Molé, de gueules à un croissant d'argent accompagné de deux étoiles d'or.
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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La donatrice Simone Boucherat présentée par saint Simon, et ses trois filles.
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Simone Boucherat est agenouillée mains jointes devant le livre de prières (sac de transport, fermoirs) de son prie-dieu. Elle porte une robe de même drap bleu-violet que son mari (et que les donateurs de la baie 131) et une coiffe noire.
Elle est présentée par saint Simon, dont l'attribut n'est pas toujours la scie, mais, comme dans les éditions du Kalendrier des bergers dès 1493, une croix. Nous reconnaissons ici la croix portant le titulus INRI qui désignait l'apôtre Simon dans la Sainte Parenté. Il est barbu comme tous les apôtres (sauf Jean) et tient l'attribut de tous les apôtres, le livre (se référant au Livre des Apôtres).
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Saint Simon, in Kalendrier des bergers de 1493, Gallica.
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Ce patronage de Simone par l'apôtre Simon est bien logique.
Sur le drap d'or du prie-dieu, le blason est losangique, c'est un blason féminin. Il est mi-parti, avec en 1 les armes des Molé et en 2 celles des Boucherat.
Vient ensuite une fille aînée, vêtue de rouge et portant une coiffe bordeaux.
Puis deux sœurs, en robe et coiffe bordeaux
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Parabole du fils prodigue, baie 232 (par le verrier Pierre, 1499) de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Guillaume Molé bibliophile, et ses armoiries.
1°) Comme son frère (ou oncle) Jean Molé, Guillaume II était bibliophile, et il avait commandé à Maître de Guillaume Lambert et atelier (français, actif vers 1475 - 1485) une "Passion de nostre seigneur Iesus Christ" vers 1480-1490, un manuscrit aujourd'hui conservé au Getty Museum, ms. 25. Au folio 1, l' enluminure La résurrection de Lazare montre en marge droite un tronc d'arbre où sont suspendus deux blasons. Le premier porte les armes des Molé, le second celle des Molé en alliance avec Boucherat.
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Maître de Guillaume Lambert et atelier (français, actif vers 1475 - 1485), La résurrection de Lazare , vers 1480-1490Couleurs tempera, peintures or et argent, feuille d'argent et encre noire Feuille : 30,5 × 21,6 cm. J. Paul Getty Museum, Los Angeles, Ms. 25, fol. 1
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J. Paul Getty Museum, Los Angeles, Ms. 25, fol. 1 détail
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2°) Guillaume Molé fut encore commanditaire, d’après François Avril (Très riches heures de Champagne, p. 184), d’un manuscrit des Faits des Romains egalement enluminé par l'atelier de Guillaume Lambert et conservé à Bruxelles (Bibliothèque royale, ms. 9040) .
3°) En juin 2000 est passé chez Christie's un manuscrit enluminé sur velin, les " Heures de Molé-Boucherat" à l'usage de Troyes, daté vers 1420 et dont les enluminures sont attribuées au Maître de Rohan (actif à Troyes en 1420-1440). Mais une miniature en folio f.iii est un frontispice armorié ajouté par un
enlumineur (Maître du Michaut de Guyot le Peley) de c.1480. Il montre deux écus, l'un aux armes de Molé, , l'autre mi-parti Molé/Boucherat . Les boucliers sont suspendus à un casque avec un manteau bleu et or. La base du casque porte le nom GUILLERMUS. M.
4°) Des Heures de la famille Molé à l'usage de Troyes sont passés en vente chez Christie's le 23 avril 2021 avec 12 grandes miniatures attribuées au Maitre de Rosenberg , 34 lettrines historiées, vers 1480 (Rosenberg Ms.5, vente lot 9).
"Le commanditaire était un membre masculin de la famille Molé de Troyes qui portait la devise « En attandant » , qui figure sur un rouleau à nombreux liserés, et à deux initiales historiées ; la devise est accompagnée des initiales jointes « GM » dans certaines des bordures des Heures de la Croix et de l'Esprit. Les mêmes initiales reliées par un nœud d'amour sont dans une autre Heure illuminée par le même enlumineur, suggérant la possibilité que l'une ait appartenu au mari et l'autre à la femme. Les Molé furent pendant plusieurs siècles l'une des familles les plus importantes de Troyes, et plusieurs manuscrits enluminés de la fin du Moyen Âge furent réalisés ou adaptés pour eux : (i) un Livre d'Heures de l'usage de Troyes, vers 1485, enluminé par Jean Colombe de Bourges, à l'exception de la dernière miniature, qui a été enluminée par un membre du groupe Guillaume Lambert de Lyon (voir Enluminure ), et représente un membre de la famille Molé en prière (Rodez, Société des lettres, MS 1 ; voir Avril & Reynaud , 1993, n° 184) ; (ii) Guillaume de Nagis, Chronique abrégée et des rois de France , enluminée par un artiste troyen, vers 1475-1480 (Paris, BnF, MS Fr. 2598 ; voir Avril & Reynaud, n° 101) ; (iii) Passion de nostre seigneur et Vengeance de la mort , enluminés à Lyon vers 1480 par un membre du groupe Guillaume Lambert (J. Paul Getty Museum, MS 25) ; (iv) un Livre d'Heures de l'usage de Troyes, attribué au Maître Rohan à Troyes, vers 1420, et adapté vers 1480 pour Guillaume II Molé et son épouse Simone Le Boucherat (Christie's, 7 juin 2000, lot 7) , avec un frontispice armorié supplémentaire similaire à celui du présent manuscrit.
Un membre de la famille Molé du début du XVIe siècle était probablement responsable de l'ajout de la miniature héraldique du frontispice pleine page, avec les armes Molé et trois autres rouleaux « En attandant » tenus par des putti. C'est peut-être ce propriétaire du XVIe siècle qui était chargé d'insérer des feuilles pour remplacer les passages de texte perdus ; l'entrelacement face aux miniatures est cependant apparemment original : ceux face aux feuilles fournies présentent tous des traces de pigment là où auraient dû se trouver les miniatures.
5°) Il fut aussi possesseur d’un Doctrinal rural de Pierre Michault (Saint-Pétersbourg, BNR, Fr. F. v. XIV,10). réalisé en 1476 enluminé par le Maître du Pierre Michault de Guyot II Le Peley, Guyot Le Pelé étant le demi-frère de Guillaume Molé (voir François Avril, Très riches heures de Champagne, p. 28).
Ce manuscrit possède le même cycle de dessins que le BnF fr 1654 « Pierre Michault, Doctrinal du temps présent et Danse aux aveugles » daté vers 1475-1480, réalisé à Troyes pour Guyot II Le Peley (armes au f. 1 : d'azur à deux colombes affrontées d'argent, au chef de gueules au lambel d'argent brisé d'une étoile d'or entre les premier et deuxième pendants ; dans les encadrements, devise "Nul bien sans peine", tenue par une colombe), et enluminé par 26 peintures .Deux autres manuscrits ont également appartenu à Guyot II Le Peley : des Heures à l'usage de Troyes (BnF, Mss., NAL 3248) et un Lancelot-Graal en quatre volumes (Cologny-Genève, Fondation Martin Bodmer, ms. 105).
En conclusion, les familles troyennes issue du couple Molé/Léguisé, celle de Guyot Le Peley, celle de Guillaume II Molé en alliance avec les Le Boucherat et de Jean II Molé avec Jeanne de Mesgrigny participent pleinement, à la fin du XVe siècle, à un mécénat associant la commande de livres enluminés et celle de verrières , dans une production troyenne alors florissante permettant « la construction d'un atelier d'art original, où d'importants peintres s'épanouirent (le maître du Missel de Troyes, le maître de Pierre Michault de Guyot Le Peley) et se répandirent hors de Troyes ». … et fait appel à des artistes venus d'ailleurs, notamment Jean Colombe ». Jean Léguisé, évêque de Troyes de 1426-1450 était rattaché à cette famille, et il possédait également dans sa bibliothèque des livres richement enluminés.
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LE TYMPAN.
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Tympan de la baie 232 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 232 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1. Soufflet supérieur. Dieu le Père en gloire. Deux anges déroulant les phylactères portant la devise EN ATTENDANT du couple Molé/Boucherat.
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Tympan de la baie 232 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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2. Soufflet latéral gauche. La Vierge allaitant son Fils qui tient une fleur. Un ange présentant les armes pleines de Guillaume II Molé. Un ange présentant le monogramme du peintre verrier.
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Tympan de la baie 232 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Détail : le monogramme du verrier.
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C'est exactement le même quen baie 132, mais il est mieux visible, notamment les deux V en chevron superposés.
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Tympan de la baie 232 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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3. Soufflet latéral droit. Saint Bernard en abbé. Un ange présentant le monogramme du peintre verrier. . Un ange présentant les armes mi-parti de Guillaume II Molé et Simone Le Boucherat.
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Tympan de la baie 232 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 232 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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4. Soufflet inférieur gauche : saint Nicolas . Écoinçons : devise EN ATTENDANT ; putto au phylactère.
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Tympan de la baie 232 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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5. Soufflet inférieur médian : Marie-Madeleine et le vase d'aromates.
Inscription MARI/MADE
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Tympan de la baie 232 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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6. Soufflet inférieur droit : saint Claude en abbé (mitre, livre, croix) . Écoinçons : devise EN ATTENDANT ; putto au phylactère.
Inscription : .St. / CLAVD
N.b : les saints et la sainte renvoient-ils aux prénoms des enfants du couple Guillaume Molé et Simone Boucherat (un fils et trois filles) figurés en baie 132 ? Les généalogies ne retiennent que Colette et peut-être Louise. Des membres de la famille Molé portent bien les prénoms de Nicolas (fils de Guillaume II Molé et père (?) de Guillaume II) et de Claude (fils de Jean II Molé).
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SOURCES ET LIENS.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858,Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
"À cette époque, la production de manuscrits et de monuments était florissante. Les mécènes bourgeois de Troyes, au lendemain de la guerre de Cent Ans, provoquent un essor de l'industrie des manuscrits. Ils s'appelaient Le Peley, Molé, Le Boucherat, Mauroy. Ils commandèrent des livres d'heures ou des vitraux, ils permirent « la construction d'un atelier d'art original, où d'importants peintres s'épanouirent (le maître du Missel de Troyes, le maître de Pierre Michault de Guyot Le Peley) et se répandirent hors de Troyes ». … et fait appel à des artistes venus d'ailleurs, notamment Jean Colombe ».
l'étude de Françoise Bibolet sur le mécène troyen de la fin du XVe siècle permet de faire connaissance avec ces familles bourgeoises dont l'amour des livres se manifestait par la commande de manuscrits, notamment la fratrie Le Peley-Molé-Boucherat. . Jean Léguisé, évêque de Troyes de 1426-1450 était rattaché à cette famille, et il possédait également dans sa bibliothèque des livres richement enluminés. Simon Liboron, avocat, s'allie à la famille Mauroy, et devient maire de Troyes en 1497. Amateur d'art, il s'intéresse au Mystère de la Passion . Il fit réaliser un vitrail pour l'église Sainte-Madeleine ainsi qu'un livre d'heures (aujourd'hui conservé dans une collection particulière) dont la décoration est attribuée au maître du maître de Pierre Michault de Guyot Le Peley (catalogue n° 32 ). Très riches heures de Champagne, François Avril, Maxence Hermant, Françoise Bibolet 216 pages. 24 x 28 cm. 180 ill. Editions Hazan. ISBN : 978-2754101882. 25 €"
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
— MINOIS (Danielle), 2005 Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560) .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
— MINOIS (Danielle), 2003, thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald, La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle), Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
Les vitraux de la cathédrale de Troyes : les baies 131 (Adoration des Mages, 1501) et 231 ( histoire de Job 1501-1502) du triforium et des fenêtres hautes du côté nord de la nef. Auteur inconnu. Offerte par Jehanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé.
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine. (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
Les baies 131 (triforium) et 231 occupent la troisième travée côté nord.
Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien ; un écu armorié d'Odard Hennequin mis en place en 1502-1503 par Jeancon Garnache et Nicolas Hulins a disparu.
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiries identifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrière réalisée par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph (biblique) ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire du prophète Daniel ;réalisées en 1499 par Pierre Maçon, don de Jean Corart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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I. LA BAIE 131 : L'ADORATION DES MAGES (1501).
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Elle mesure 350 cm de haut et 600 cm de large, et est divisée en trois baies de deux lancettes trilobées sous un tympan à deux mouchettes et un soufflet. Les mages se dirigent vers la crèche abritant Joseph, la Vierge et l'Enfant, placée vers la droite et donc vers le chœur. Elle relève, comme le montrent les armoiries et devises, de la même donation que la baie sus-jacente 231, par Jehanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé, , datée de 1500. Or on sait que la réalisation d'une verrière prend un an après la date de la donation.
Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1. Les lancette A et B : BALTHAZAR
Dans la lancette A, quatre seigneurs ou soldats au service des rois mages se succèdent ; trois portent des hallebardes , ils sont coiffés de bonnets à plumes et vêtus de tuniques sur des chausses ajustées vertes. Devant eux, un africain, portant des boucles d'or à ses oreilles et un collier d'or, présente une coupe en or qui doit contenir la myrrhe.
Le roi ou mage BALTHASAR porte également des boucles d'oreilles en or (des maillons de chaîne) : par ce détail, l'artiste montre que Balthasar est, comme son valet, originaire d'Afrique, selon un code iconographique du XVe siècle qui s'affirme à la Renaissance (Dürer, Adoration, 1504) . Il est couronné, il tient un sceptre et est luxueusement vêtu ; on remarque notamment ses chausses à crevés, alors que la mode venue d'Italie ou des Lansquenets ne se généralisera que plus tardivement au XVIe siècle en France.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Dans les lobes du triforium nous trouvons deux écus suspendus, l'un au monogramme du Christ IHS et l'autre aux armes des Molé, donateurs du vitrail, de gueules à deux étoiles d'or en chef et un croissant d'argent en pointe. Au dessus se lit dans une banderole la devise de cette famille "POVR MIEVX AVOIR".
On trouve cette expression comme deuxième partie de deux proverbes équivalents : "Endurer pour mieux avoir" et "savoir attendre pour mieux avoir". Mais ici, la suite du décor va nous révéler la devise complète : CVIDER DECOYT POUR MIEVX AVOIR.
"Cuider" signifie "tenir pour vrai, croire, penser". Le sens premier de "décevoir" est "tromper". Jean-Luc Liez l'interprète comme "penser ou croire, déçoit".
Charles Fichot est plus clair : "veut dire qu'on s'est souvent trompé dans ses espérances ; que trop de confiance nuit, qu'on se trompe par trop de présomption".
Les deux étoiles et le croissant de l'écu des Molé sont des pièces posées en chef d'œuvre. Ces deux meubles pourraient renvoyer à l'Islam (et à une source d'approvisionnement des étoffes ?).
Jeanne de Mesgrigny et son époux Jean de Molé, qui sont représentés en donateurs sur la baie 231, s'affichent donc comme donateurs également de cette baie 131.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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2. Les lancettes C et D : MELCHIOR ; JASPART
Traditionnellement, Melchior est le roi le plus âgé et c'est lui qui est figuré agenouillé devant l'Enfant. Il y a ici une interversion, et Melchior, debout, soulève son chapeau coiffée de la couronne et avance la jambe pour saluer en présentant son vase (d'encens). Au dessus de lui, l'écu suspendu par un ruban porte le monogramme de Marie, un M surmonté du tilde.
Le roi suivant est dénommé JASPART. C'est là un indice important, car cette graphie se retrouve dans le Mystère de la Passion de Troyesqui fut joué à Troyes de 1482 à 1490 : les donateurs ont donc pu y assister. Le manuscrit en trois volumes et 23000 vers est conservé à l'Hôtel de Ville, qui est l'ancien hôtel particulier de Jean Molé. Le texte qui était joué en quatre journées empruntait d'une part au Mystère du Vieil Testament ainsi qu'au Mystère de la Passion d'Arnoul Gréban. On sait qu'une des hypothèses d'Émile Mâle est de voir dans le théâtre une des sources de l'iconographie des monuments religieux.
Dans le texte d'Arnoul Gréban, le roi se nomme JASPAR. Il est le premier roi, devant MELCIOR et BALTAZAR le troisième. Les trois offrent "l'or, la mierre [myrrhe] et l'encens". Dans le texte de Troyes, chaque roi (JASPART, MELCÏOR et BALTHAZAR) sont accompagnés de leur "pages" Fleuriet, Friolet et Sadinet : ce sont peut-être eux qui sont représentés ici en début de cortège. JASPART présente (vers 5470) l'or , Melcïor l'encens qui "montre divine intelligence" et BALTHAZAR la myrrhe "contraire à toute putréfaction" et qui donc, par sa pureté, atteste de "l'incarnation faicte sans virille semence".
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Jaspart porte des cheveux blancs (et non gris comme Melchior) et une barbe blanche et longue. Il porte l'épée au côté gauche. Son chapeau couronné et rabattu sur la nuque. Ses genoux commencent à se fléchir pour s'agenouiller.
On admirera la graphie des trois noms en lettres gothiques jaunes aux fûts perlés.
L'écu placé au dessus de Jaspart est mi-parti, avec en 1 les armes de Molé, néanmoins affectées d'une bordure engrelée d'or indiquant que ce sont celles de Jean II Molé fils cadet de Guillaume Molé, et en 2 l'association des armes d'argent au lion de sable qui sont celles de Jeanne de Mesgrigny, et de gueules au chevron d'argent soutenant un oiseau d'or pour brisure.
Les armes de Jean Molé figurent sur son portrait , en enluminure de son Livre d'heures de 1485. (Voir aussi BnF fr 2598 f.131v). Jean II Molé est un bourgeois et bibliophile troyen, fils de Guillaume I Molé et Jeannette Lesguisé (sœur de l’évêque Jean Léguisé), et frère de Guillaume II et de Jacquette Molé. Il fut échevin de Troyes en 1472, 1487 et 1491 avant de mourir en 1492 ou 1493. Voir ici.
Sa mère Jeannette Lesguisé , fille de Huet Léguisé, marchand drapier teinturier de Troyes annobli en 1431 et conseiller de Troyes, avait d'abord épousé vers 1414 Guyot I Le Peley (1390-1427) changeur forain et marchand troyen, bourgeois de Troyes , trésorier de la reine (1418-1419) et maître de la monnaie de Troyes (1422-1425) . Leur fils Guyot II Le Peley (v1420-1489), demi-frère de Jean Molé, travailla en étroite collaboration avec lui, et avec Guillaume Molé II, notamment en armant des bateaux en Méditerranée. Ce Guyot II épousa Nicole Hennequin, et ce couple commanda des Livres d'Heures soit au Maître de Troyes (BnF NAL 3248) soit avec Jean Colombe (B.M. Troyes ms 3901).
Il serait intéressant de rechercher des liens éventuels entre ce vitrail et les enluminures du Livre d'heures de Jean Molé, réalisé par l'atelier de Guillaume Lambert en collaboration avec Jean Colombe, vers 1485 (Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, Rodez, Ms.1), ou encore avec les autres enluminures de Guillaume Lambert réalisées pour Claude Molé.
La devise est CVIDER DECOYT POUR MIEVLX AVOIR.
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Portrait de Jean Molé dans son Livre d'Heures de 1485
Deux hommes Maures tiennent le blason de gueules à deux étoiles d'or en chef et un croissant d'argent en pointe (l'argent a noirci) à bordure engrelée d'or. Le heaume à lambrequins et coiffé d'un tortil porte en guise de cimier une femme nue aux longs cheveux blonds-roux dont le phylactère indique : CVIDER DECOIT.
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Heures de Claude Molé France, Paris, ca. 1500 Morgan Library MS M.356 fol. 66r
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Dans le même manuscrit folio 59r, Claude Molé est présenté par son saint patron au dessus de la devise CVIDER DECOIT. La devise est citée seule, de façon indépendante de celle de son père "Pour miueux avoir", et on la retrouve au folio 54v.
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Heures de Claude Molé folio 59r
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Heures de Claude Molé France, Paris, ca. 1500 MS M.356 fol. 54v. En marge inférieure, parchemin inscrit de la devise, CVIDER DECOIT, en lettres d'or sur fond bleu et rouge.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Lancette E et F. La Vierge, Joseph et l'Enfant Jésus.
Sous un abri ouvert formant crèche, et sur le même sol carrelé noir et blanc que les panneaux précédents, la Vierge, assise sur un bnac très large, présente Jésus aux mages : ce dernier tend les bras vers le vase offert. Au dessus d'eux est l'étoile (l'estoille du Mystère v.5327) qui a guidé les mages.
Le manteau bleu de la Vierge est doublé d'une soie damassée rouge.
Sur l'autre lancette, saint Joseph s'appuie sur son bâton devant l'âne et le bœuf.
Au dessus de lui, nous retrouvons l'écu suspendu, mais cette fois-ci il est losangique, c'est donc celui d'une femme, Jeanne de Mesgrigny. Ce sont ses armes qui viennent en 1, accompagnées en 2 des armes de gueules au chevron d'argent soutenant un oiseau d'or, qui sont celles de Mesgrigny et aussi celles de Cochot seigneur de Villecerf (Troyes). Mais en fait les familles Cochot et Mesgrigny portaient alors les mêmes armes, la première en écartelé, la seconde en parti, ce qui indique communauté d'origine.
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Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Adoration des mages, baie n° 131 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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II. LA BAIE 231 : L'HISTOIRE DE JOB (1501-1502).
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PRÉSENTATION.
Cette verrière mesure 10 m de haut et 6 mètres de large, elle comporte 6 lancettes réunies deux par deux sous un soufflet et un tympan à 9 ajours et écoinçons. Les lancettes sont organisées en deux registres.
Chaque registre est lui-même découpé en trois scènes sur deux lancettes : chacune des six scènes est donc formée de deux panneaux soulignés dans une fausse architecture par une accolade à pampres sous un entablement occupé par des putti et les blasons et devises des donateurs. Les têtes de lancettes des six lancettes sont aussi occupées par ces putti et ces blasons. Soit au total quatre blasons et une devise
Sur les six scènes, celle du bas à gauche est reservée aux donateurs. L'inscription qui se déroule tout au long du registre inférieur identifie le couple de donateurs représentés , il s'agit comme nous l'avons vu de Jeanne de Mesgrigny, veuve de Jean Molé et donatrice en 1500.
Les cinq autres racontent l'histoire de Job.
Mais cette histoire débute au tympan, par trois scènes réparties sur trois mouchettes.
Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Les deux lancettes de gauche, registre inférieur : L'inscription de donation. Les donateurs.
—Inscription : "Damoiselle Jehanne de Mesgrigny vesue de Jehan Mole en son vivant escuyé seigneur de Villy le Maréchal a donné cette verrière et fut faite en l'an mil cinq cent"
Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
En 1500-1501, le maître-maçon de la cathédrale, Jehançon Garnache est payé pour "avoir assis l'huis de fer de la verrière de la Moslée". Mais dès 1489 ce maçon avait commencé à tailler "les formettes (remplage?) où sera le verre" du triforium et il poursuivi la confection de ces formettes jusqu'en 1499 .
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Inscription sur la partie supérieure de ce registre, lancettes C et F : devise : CVIDER DECOYT / POUR MIEUX AVOIR
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La famille Molé.
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"La famille Molé est l'une des plus célèbres familles française de la noblesse parlementaire ; elle est originaire de la région de Troyes. L'ascension sociale de cette famille commence probablement à la fin du XIIIe siècle, et son histoire se termine au milieu du XIXe siècle, avec la mort de son dernier représentant mâle, Mathieu Molé. Héritière d'un prospère commerce de draps depuis le milieu du xve siècle, la famille s'est agrégée à la noblesse par charges parlementaires dès 1537 "
La famille apparaît dans l'histoire avec Jacquin Molé, habitant de Savières cité pour la première fois en 1294. Le fils de ce dernier, Garnier Molé, occupe un poste de censitaire toujours à Savières en 1304. En 1401, un certain Nicolas Molé (probablement né vers 1350) est cité comme sergent et mesureur du chapitre de Saint-Pierre à Troyes. Son fils, Jean Molé (né vers 1370), est connu comme bourgeois de Troyes et épouse Denise de Marcheville. Ils ont notamment Guillaume Molé (1405-1459), riche drapier [époux de Jeanne Léguisé, soeur de l'évêque de Troyes, décédée en 1514)]. Leur fils aîné Guillaume épousera en 1467 Simone Boucherat.
Par son mariage avec Jeanne de Mesgrigny dame de Saint-Rémy, leur fils cadet Jean Molé (1435-1493) fait entrer la seigneurie de Villy-Maréchal dans la famille Molé. Il est lui aussi qualifié de marchand et bourgeois de Troyes. Il rend hommage au comte de Nevers pour son fief de Villy le 5 octobre 1487. Le couple laisse trois garçons et quatre filles, dont six resteront établis en Champagne. L'aîné, Claude Molé [qui épousa en 1480 Barbe Hennequin] succède à son père et rend hommage pour Villy le 14 janvier 1529 ; il est le fondateur de la branche aîné qui s'éteint en 1678 à la mort du dernier seigneur de Villy, Pierre Molé.
C'est à cette époque que les Molé adoptent pour armoiries de gueules, à deux étoiles d'or en chef et au croissant d'argent en pointe. C'est le blason initial des Molé, notamment visible sur le portrait de Jean II Molé datant de 1485. Pour ce dernier, la bordure engrêlée indique que c'est le fils cadet de Guillaume Molé. Le nom de Molé pourrait venir du toponyme « mole », désignant en Champagne un tas ou une meule. Toutefois, les armoiries de la famille questionnent, avec la présence conjointe du croissant lunaire et de deux étoiles, deux symboles qui semblent évoquer l'islam. Durant la période de commerce drapier de la famille dans les grandes foires de Champagne, et tout comme les Cambefort, marchands qui étaient représentés à Troyes, Aurillac et au Puy-en-Velay, mais aussi à Montpellier.
Le cadet de Jean Molé, Nicolas, est connu comme seigneur de Jusanvigny. Il devient surintendant de Champagne et s'établit ensuite à Paris, devenant conseiller à la cour des aides, puis conseiller au parlement de Paris en 1517. Il écartèle ses armes de celles des Mesrigny ou Mesgrigny (famille de sa mère). Il est marié trois fois : d'abord à Jeanne Hennequin, puis à Jeanne Charmille et enfin à Marie de La Grange-Trianon. Il décède en 1542. De son premier mariage il laisse Nicolas (1536-1586), conseiller du roi et intendant général des finances ; il fonde la branche des seigneurs de Jusanvigny, qui s'éteint par les mâles en 1658 avec Jean Molé. De son troisième mariage, il laisse Édouard (1540-1614), fondateur du rameau de Champlâtreux, qui s'éteint en 1872, avec la mort de Clotilde Molé, fille de Mathieu Molé, ministre de Louis-Philippe." (d'après Wikipédia)
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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. La donatrice Jeanne de Mesgrigny présentée par son saint patron Jean l'évangéliste.
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Saint Jean tient la palme, l'un de ses attributs rappelant son rôle lors de la Dormition de la Vierge, et la coupe de poison rappelant l'épreuve face à Simon le magicien : un serpent ou dragon ailé sort de la coupe.
Jeanne de Mesgrigny est agenouillée mains jointes devant son livre de prière à fermoir d'or et étoffe de transport ; elle est vêtu d'une robe violette à manches fourréeset à ceinture de tissu. Sa coiffe encadre le visage.
Jeanne de Mesgrigny (née vers 1440 et décédée après le 18/02/1496), dame de Mesgrigny, Villy-Le-Maréchal, Assenay et Saint-Rémy-sous Barbuisse épousa vers 1475 et avant le 05/10/1487 Jean Molé, écuyer, marchand Bourgeois-drapier à Troyes, seigneur de Villy , décédé dès 12/10/1493 . La branche Jusanvigny de Molé écartèle, depuis, ses armes avec celles de Mesgrigny.
L'hôtel particulier de Jeanne de Mesgrigny, du XIVe siècle, devait être remarquable, puisqu'en 1494, le maire de Troyes l'acheta au nom de la ville : il deviendra l'hôtel de ville, avant de tomber en ruine .
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La donatrice est dite "la Moslée" dans les livres de compte, et les seigneurs de Molé s' y orthographient parfois "Moslé". Mais c'est le nom générique de toute épouse Molé, sur ces livres de compte (1462 : "A la Molée pour l'achat d'ung tablier contenant six aulnes de Paris et de un aulnes à la mesure de Troies de large, garny de touaille de pareille longueur, pour porter à Rome, présenter et donner à Monseigneur le cardinal d'Avignon, pour recognoistre le plaisir et service qu'il avoit fait à l'église à cause du pardon général estant en icelle, pour ce paie xv escus d'or qui valent xx 1. xn s. vi d.")
Un Guillaume Moslé apparaît dans les comptes de la cathédrale de Troyes comme donateur de la verrière du Fils prodigue pour un réglement au verrier Pierre en 1498.
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Au dessus de Jeanne de Mesgrigny sont figurés ses armes tenues par deux putti, dans un écu en losange, mi-parti Molé et de Mesgrigny comme en lancette D du triforium.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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. Le donateur Jean Molé présenté par son saint patron saint Jean-Baptiste.
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Le saint tient l'agneau pascal tenant l'étendard de la résurrection, sur le livre.
Jean Molé est agenouillé mais jointes vêtu d'un manteau de même couleur violette que son épouse, et doublé de fourrure au col et aux manches, sur une robe ou pourpoint rouge vif.
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Au dessus, deux putti tronqués sur une collerette bleue jouent l'un du luth, et l'autre un instrument à vent.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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L'HISTOIRE DE JOB : LE TYMPAN.
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Introduction.
L'histoire de Job est représentée par enluminures dès les initiales des manuscrits de Moralia in Job du XIIe siècle (*), ou sur des bibles moralisées du XIIIe siècle et en vitrail sur une baie D de la Sainte-Chapelle au XIIIe siècle. La base Mandragore propose 109 enluminures pour le XVe siècle, dont 63 pour Moralia in Job et 11 pour la Bible historiale de Guiard des Moulins. Mais la base POP propose 808 enluminures! L'histoire est aussi sculptée, comme au pilier central du portail des Calendes de la cathédrale de Rouen ( fin XIIe-début XIVe). L'histoire donne lieu à une verrière à l'église Saint-Patrice de Rouen, baie 20 (XVIe siècle).
(*) Moralia in Job, ou "Morales sur Job", de Grégoire le Grand, pape en 590, fut l'un des textes les plus lus et copiés au Moyen-Âge.
On notera enfin, en relation avec la réflexion sur les rapports entre théâtre religieux et verrières développée à propos de l'Adoration des mages du triforium, que l'histoire de Job donnait lieu à des Mystères, comme à Rouen en 1556 (in Petit de Julleville). Un Mystère de la patience de Job fut écrit vers 1450. Jean Lafond mentionne "un Mystère de Job à quarante-neuf personnages, dont on possède un manuscrit copié en 1478 (Bibl. nat., ms.fr. 1774) et plusieurs éditions imprimées à Paris, à Lyon, à Troyes (Nicolas Oudot 1613 et 1621) et à Rouen aux XVIe et XVIIe siècles." Ce Mystère de Job, à quarante-neuf personnages, fut imprimé à Rouen en 1604 par Romain de Beauvais. Voir BnF Français 1774 une copie datée de 1478 provenant de la bibliothèque d'Anet en 1724.
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Job devant ses "amis", Bible moralisée Vienne ÖNB 1179 f.159v. Elle a été achevée avant 1223, car elle était celle de Louis VIII,
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Le Christ et Job sur son fumier Bodleian Library Bodl 270b f.223v, XIIIe siècle
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Dans les Bibles moralisées, la page est découpée en deux colonnes de plusieurs vignettes et le texte biblique est accompagnée de textes et d'enluminures sur la signification morale du récit. Voir ainsi le BnF français 166 f. 102v à 113ra du XVe siècle. On y retrouve les thèmes repris par la verrière de Troyes, mais aussi des illustrations des discours des amis. On compte, tel un roman graphique, 116 vignettes, dont la moitié illustrant le Livre de Job et l'autre moitié les mises en relation à la vie du Christ ou des scènes moralisatrices.
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BnF fr 166 f.103 Gallica
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Bible moralisée du XVe siècle, BnF fr 166 f. 104v, Gallica
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Bible moralisée BnF fr 166 f.104v, Job affligé par Satan.
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BnF fr 166 f. 105r
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On comparera les dernières enluminures au registre inférieur de la verrière : le texte francais, proche du texte biblique, dit : "Nostre seigneur adiousta à Job plus de biens au double qu'il navait en devant , quatorze mille brebis, six mille chameus, mille couple de bœufs et mille anesse, sept fils et sept filles. Job donna à ses filles héritage au milieu de leurs frères et [vec plus] des douleurs en grande prospérité".
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Bible moralisée BnF fr166 f.113a, Job retrouve ses biens et ses enfants.
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Bien-sûr, les illustrations de la verrière ne peuvent rendre compte des débats théologiques tentant de justifier le sort du pauvre Job : ils montrent les évènements initiaux et finaux du Livre.
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Job 1 :1-6 :
"Il y avait dans le pays d'Uts un homme qui s'appelait Job. Et cet homme était intègre et droit; il craignait Dieu, et se détournait du mal. Il lui naquit sept fils et trois filles. Il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de boeufs, cinq cents ânesses, et un très grand nombre de serviteurs. Et cet homme était le plus considérable de tous les fils de l'Orient. Ses fils allaient les uns chez les autres et donnaient tour à tour un festin, et ils invitaient leurs trois soeurs à manger et à boire avec eux. Et quand les jours de festin étaient passés, Job appelait et sanctifiait ses fils, puis il se levait de bon matin et offrait pour chacun d'eux un holocauste; car Job disait: Peut-être mes fils ont-ils péché et ont-ils offensé Dieu dans leur coeur. C'est ainsi que Job avait coutume d'agir. Or, les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux."
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1. Dieu le Père autorise Satan à mettre Job à l'épreuve.
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Texte : Job 1:7-12 :
"L'Éternel dit à Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener. L'Éternel dit à Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal. Et Satan répondit à l'Éternel: Est-ce d'une manière désintéressée que Job craint Dieu? Ne l'as-tu pas protégé, lui, sa maison, et tout ce qui est à lui? Tu as béni l'oeuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent le pays. Mais étends ta main, touche à tout ce qui lui appartient, et je suis sûr qu'il te maudit en face. L'Éternel dit à Satan: Voici, tout ce qui lui appartient, je te le livre; seulement, ne porte pas la main sur lui. Et Satan se retira de devant la face de l'Éternel."
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Description.
Dieu est représenté en majesté dans une nuée, assis, bénissant, coiffé de la tiare et portant l'orbe.
Satan, gris-bleu sur fond rouge, est allongé à ses pieds, cornus et griffu, avec une queue verte de serpent. Il tient une sorte de fléau articulé (que nous retrouverons plus bas).
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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2. Satan s'en prend à Job.
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Texte
" Un jour que les fils et les filles de Job mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère aîné, il arriva auprès de Job un messager qui dit: Les boeufs labouraient et les ânesses paissaient à côté d'eux; des Sabéens se sont jetés dessus, les ont enlevés, et ont passé les serviteurs au fil de l'épée. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle.
Il parlait encore, lorsqu'un autre vint et dit: Le feu de Dieu est tombé du ciel, a embrasé les brebis et les serviteurs, et les a consumés. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle. Il parlait encore, lorsqu'un autre vint et dit: Des Chaldéens, formés en trois bandes, se sont jetés sur les chameaux, les ont enlevés, et ont passé les serviteurs au fil de l'épée. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle. Il parlait encore, lorsqu'un autre vint et dit:
Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère aîné; et voici, un grand vent est venu de l'autre côté du désert, et a frappé contre les quatre coins de la maison; elle s'est écroulée sur les jeunes gens, et ils sont morts. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle.
Alors Job se leva, déchira son manteau, et se rasa la tête; puis, se jetant par terre, il se prosterna, et dit: Je suis sorti nu du sein de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. L'Éternel a donné, et l'Éternel a ôté; que le nom de l'Éternel soit béni! En tout cela, Job ne pécha point et n'attribua rien d'injuste à Dieu."
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Description.
Satan, en diable rouge, frappe avec un marteau sur le toit de la maison des fils de Job : celle-ci s'écroule et tue les trois fils et les filles de Job, qui étaient attablés.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Les monogrammes du peintre-verrier.
Dans les écoinçons, deux monogrammes proche de "quatre de chiffre" sont sans doute les marques de verriers. D'autres monogrammes, différents mais proches, se retrouvent soit sur un écu du tympan de la verrière n°232, offerte par Guillaumme Molé, soit sur les baies 129, 231, 235, 232 et 134 .
On distingue sur ces monogrammes un V à l'extrémité d'une tige doublement barrée pouvant évoquer une clef.
Voir l'exemple relevé par Emile Alé à Cravan (Yonne) — à 100 km au sud de Troyes— daté de la fin du XVe siècle et où on retrouve cette forme générale de clef :
Voir le monogramme VB du verrier Valentin Bousch à Saint-Nicolas-le-Port (bas-côté nord, vers 1514) ou à la cathédrale de Metz
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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3. Satan s'en prend aux troupeaux de Job.
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Trois soldats (les Sabéens ou des Chaldéens) armés de hallebardes et de piques capturent les bœufs les chameaux, les brebis, et les ânesses de Job.
On remarque les mêmes marques en quatre de chiffre.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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3b. Les serviteurs annonçant à Job (au centre) les désatres. Job déchire ses vêtements.
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Rappel : Trois serviteurs armés de piques viennent alors annoncer à Job les catastrophes. Job se lève, déchire ses vêtements, et tombe à terre disant « Nu je suis sorti du ventre de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, loué soit le Nom du Seigneur »
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Le registre supérieur.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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4. Satan face à Job sur son tas de fumier.
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Texte Job 2 :1-8
"Or, les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux se présenter devant l'Éternel. L'Éternel dit à Satan: D'où viens-tu? Et Satan répondit à l'Éternel: De parcourir la terre et de m'y promener. L'Éternel dit à Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal. Il demeure ferme dans son intégrité, et tu m'excites à le perdre sans motif. Et Satan répondit à l'Éternel: Peau pour peau! tout ce que possède un homme, il le donne pour sa vie. Mais étends ta main, touche à ses os et à sa chair, et je suis sûr qu'il te maudit en face. L'Éternel dit à Satan: Voici, je te le livre: seulement, épargne sa vie. Et Satan se retira de devant la face de l'Éternel. Puis il frappa Job d'un ulcère malin, depuis la plante du pied jusqu'au sommet de la tête. Et Job prit un tesson pour se gratter et s'assit sur la cendre."
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Description.
Inscription : JOB / SATAN.
Têtes de lancettes : putti tenant un cordon à gland de passementerie / Putto tenant les armes mi-parti Molé/ Mesgrigny.
Job est assis nu, marqué par des ulcérations, sur son tas de fumier devant les remparts d'une ville, tandis qu'un diable lève sur lui un bâton articulé auquel est suspendu un filet plein d'immondices ou d'objets non identifiables. Ce Satan aux ailes de chiroptère tire une langue rouge, il est doté d'une bouche grimaçante sur le ventre et ses yeux sont jaunes.
L'épouse de Job sort à la porte de la ville et lève les bras. Ce qui correspond au texte biblique : "Sa femme lui dit: Tu demeures ferme dans ton intégrité! Maudis Dieu, et meurs! Mais Job lui répondit: Tu parles comme une femme insensée. Quoi! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal! En tout cela Job ne pécha point par ses lèvres."
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Tête de ces lancettes : un putti tenant un cordon à fleurette ; le blason losangique (féminin) de Jeanne de Mesgrigny, dont la bande blanche est gravée sur le verre rouge ; la ceinture Espérance.
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La ceinture, dégrafée, n'est pas la sangle du blason, ou un accessoire vestimentaire égaré, mais elle évoque un emblème, la ceinture Espérance , notamment propre aux Bourbons à Chapigny-sur-Veude.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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5. Job est accablé par son épouse et ses amis qui lui demandent de se repentir pour ses péchés.
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Rappel : La femme de Job l'incite à maudire Dieu et mourir, mais Job « ne pécha point par ses lèvres ». Dans la traduction française, sa femme dit : « maudis Dieu et meurs », mais dans le texte hébreu il est écrit « bénis Dieu et meurs ».
Informés de son infortune, trois amis de Job, Éliphaz de Teman, Bildad de Schuach, et Tsophar de Naama, se rendent chez lui pour le plaindre et le consoler. Les malheurs de leur ami, qu'ils ne reconnaissent pas, leur font prendre le deuil et ils passent sept jours près de lui sans parler, avant que Job ne prenne la parole. Les chapitres 3 à 31 rapportent une série de discussions entre Job et trois amis Éliphaz, Bildad et Tsophar. Ils émettent et soutiennent l'idée que Dieu étant juste, quiconque connaît un sort aussi peu enviable que celui de Job est nécessairement puni pour avoir désobéi à la loi divine. À mesure que progresse le poème, leurs réprimandes se font de plus en plus insistantes sur son refus de confesser ses péchés, bien qu'eux-mêmes soient en peine de les déterminer. Ils continuent à estimer que Job est un pécheur méritant sa punition, et supposent, selon une théologie simpliste, que Dieu récompense le bien et punit le mal sans aucune exception. D'après eux, Dieu ne pourrait pas autoriser la souffrance pour une autre raison que la rétribution.
Job, convaincu de son innocence, maintient que ses souffrances ne pourraient être dues à ses péchés, et qu'il n'y a donc pas de raison que Dieu le punisse. Il refuse cependant et refusera obstinément de maudire Son Nom.
Les chapitres 32–37 contiennent les discours d'Élihou, un quatrième ami, qui condamne Job pour des raisons autres que celles des trois premiers amis.
Elihou, dont le nom signifie « Il est mon Dieu », tient la voie de la médiation, maintenant la souveraineté, la justice de la miséricorde divine. Il condamne fortement l'approche des trois amis, tout en reprochant à Job de présenter sous un faux jour la justice de Dieu, et de discréditer Son caractère aimant.
Elihou dit qu'il prend la parole en dernier du fait de son jeune âge, mais ajoute que l'âge ne fait pas de différence en matière de compréhension et de sagesse. Son discours, « prophétique » ou tout au moins inspiré, décrit le pouvoir de Dieu, la rédemption et la justice absolue de toutes ses actions. Dieu est puissant, et juste en même temps, prompt à avertir et pardonner.
Outre son discours et son ton distinctif, Elihou ne sera pas blâmé par Dieu à la fin de l'histoire, alors que les trois amis le seront. Par ailleurs, Job ne répond ni aux invectives d'Elihou ni à ses révélations de la manière dont Dieu le traite. (Wikipédia)
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Inscription : JOB / LA FE[M]ME JOB.
Job est agenouillé nu sur la paille de son fumier, devant les remparts d'une ville. Sa femme pointe un index accusateur vers lui. Elle porte à sa ceinture une pomme de senteur au bout d'une chaîne. Près d'elle les trois amis de Job, dont l'un se protège par sa manche de la puanteur de Job .
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Tête de lancette : putti tenant un cordon à gland de passementerie / Putto tenant les armes pleines des Molé de gueules, à deux étoiles d'or en chef et au croissant d'argent en pointe. Pour réaliser ces détails, il a fallu utiliser la technique du verre rouge doublé et gravé.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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6. Job défend sa cause devant ses "amis".
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Devant les remparts d'une ville (Jérusalem), Job, agenouillé nu sur la paille du fumier, se cache le bas-ventre tout en protestant de sa cause face à ses trois amis dont la gestuelle illustre leur rôle de donneurs de pieux conseils. Ils portent chacun des détails vestimentaires (chapeau conique, aumonière, franges des galons de la tunique), les attributs alors codifiés des Juifs.
Aux chapitres 3 et 6-7, Job maudit le jour de sa naissance, se plaint, et se révolte contre l'injustice de son sort. Eliphaz l'exhorte à se tourner vers Dieu.
Bildad lui conseille de remettre en cause la solidité de sa foi. Au chapitre 9, Job proclame son innocence mais célèbre la grandeur de Dieu, dont la justice est impénétrable : "Il commande au soleil, et le soleil ne paraît pas; Il met un sceau sur les étoiles. Seul, il étend les cieux, Il marche sur les hauteurs de la mer. Il a créé la Grande Ourse, l'Orion et les Pléiades, Et les étoiles des régions australes. Il fait des choses grandes et insondables, Des merveilles sans nombre. Voici, il passe près de moi, et je ne le vois pas, Il s'en va, et je ne l'aperçois pas. S'il enlève, qui s'y opposera? Qui lui dira: Que fais-tu? Dieu ne retire point sa colère; Sous lui s'inclinent les appuis de l'orgueil. Et moi, comment lui répondre? Quelles paroles choisir? Quand je serais juste, je ne répondrais pas; Je ne puis qu'implorer mon juge." Il lui semble vain d'argumenter sa cause.
Tsophar reprend la parole et l'accuse d'iniquité, remettant en cause son innocence.
Job refuse de se justifier devant ses pairs : "Ce que vous savez, je le sais aussi, Je ne vous suis point inférieur. Mais je veux parler au Tout Puissant, Je veux plaider ma cause devant Dieu."
Un quatrième ami, absent de ce panneau, Elihu, s'enflamme de colère "parce que Job se disait juste" (Job 32)
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Plusieurs verres sont gravés, notamment le verre rouge de l'aumônière avec sa pièce jaune gravée et peinte au jaune d'argent.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Registre inférieur.
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7. Après les épreuves, Job retrouve ses troupeaux et ses serviteurs.
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Rappel :
Rappel : Les chapitres 38 à 42 forment la conclusion du Livre, assurant Job qu'il avait fait les bons choix dès le départ. Ce Livre se termine par un discours de l’Éternel :
"Qui est celui qui obscurcit mes desseins par des discours sans intelligence? Ceins tes reins comme un vaillant homme; Je t'interrogerai, et tu m'instruiras. Où étais-tu quand je fondais la terre? Dis-le, si tu as de l'intelligence. Qui en a fixé les dimensions, le sais-tu? Ou qui a étendu sur elle le cordeau? Sur quoi ses bases sont-elles appuyées? Ou qui en a posé la pierre angulaire, Alors que les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse, Et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie? Qui a fermé la mer avec des portes, Quand elle s'élança du sein maternel; Quand je fis de la nuée son vêtement, Et de l'obscurité ses langes" ...etc
Et Dieu ne manque pas d'humour pour souligner l'ignorance de Job, et l'étendue de sapropre puissance :
"Prendras-tu le crocodile à l'hameçon? Saisiras-tu sa langue avec une corde? Mettras-tu un jonc dans ses narines? Lui perceras-tu la mâchoire avec un crochet? Te pressera-t-il de supplication? Te parlera-t-il d'une voix douce? Fera-t-il une alliance avec toi, pour devenir à toujours ton esclave? Joueras-tu avec lui comme avec un oiseau? L'attacheras-tu pour amuser tes jeunes filles? Les pêcheurs en trafiquent-ils? Le partagent-ils entre les marchands? Couvriras-tu sa peau de dards, et sa tête de harpons? Dresse ta main contre lui, et tu ne t'aviseras plus de l'attaquer. Voici, on est trompé dans son attente; à son seul aspect n'est-on pas terrassé? Nul n'est assez hardi pour l'exciter; qui donc me résisterait en face?"
Dans le dénouement, Dieu condamne les amis de Job pour leur insistance à parler de manière erronée des motifs et méthodes de Dieu, leur prescrit de réaliser d'énormes sacrifices animaux et instruit Job de prier pour leur pardon. (Wikipédia)
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Inscription JOB.
En haut : devise CUIDER DECOYT présentée par deux putti. À droite, deux créatures hybrides tiennent un nœud de branchage.
Les serviteurs présentent à Job, vêtu d'une robe écarlate fourrée d'hermine, un agneau, un âne, un taureau et un récipient en or.
La bouche de Job serait (D. Minois) une pièce montée en chef-d'œuvre.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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8. Après les épreuves, Job retrouve sa famille.
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Inscription : JOB / LA FE[M]ME JOB.
En haut : deux angelots jouant du luth. Banderole présentée par deux putti : POUR AVOIR MIEULX.
Job, richement vêtu et coiffé d'un bonnet conique à turban, se tient parmi quatre de ses serviteurs, un de ses fils à ses pieds. Il tend la main pour bénir une de ses filles.
La femme de Job, coiffée d'un turban, pose la main sur la tête de sa fille. Derrière elle se tiennent deux femmes et un homme à large chapeau rouge.
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Histoire de Job, baie n° 231 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— BALCON-BERRY (Sylvie) 1999. "Les verrières hautes du choeur de la cathédrale de Troyes." Paris 4, 1999. http://www.theses.fr/1999PA040008.
Les vitraux légendaires du haut-choeur de la cathédrale de Troyes (XIIIe siècle) occupent les fenêtres supérieures ainsi que celles du triforium. Si ceux des ouvertures sommitales ont peu souffert, ceux du niveau médian ont été très perturbés au cours du XVIIIe siècle, puis restaurés au XIXe siècle. L'ensemble glorifie la cathédrale de Troyes et, par la même, le diocèse, à travers l'évocation des saints et des grands évêques troyens. L'emplacement des oeuvres répond à des besoins liturgiques et le choix de certains sujets s'explique par la volonté de pallier le manque de façade occidentale, réalisée au XVIe siècle. Ces oeuvres sont le fruit de deux ateliers. Le premier travaille déjà sur les verrières les plus occidentales avant l'ouragan de 1228 ayant entraîné l'effondrement du choeur primitif. Le second atelier intervient autour de 1235. Le triforium, non vitré avant 1228, est décoré par les deux groupes d'artistes qui travaillent concurremment à ce projet. Les derniers vitraux sont posés vers 1240.
— CHRISTE (Yves), 2004, "L'histoire de Job dans les bibles moralisées et la Sainte-Chapelle". Cahiers de Civilisation Médiévale Année 2004 47-186 pp. 113-126.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858,Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955 1957, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
— LEDIT (Charles-J. Abbé) 1948, Les Hautes verrières de la cathédrale de Troyes, préfacées par S. E. Mgr Julien Le Couedic,.
— MINOIS (Danielle), 2005 Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560) .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
La verrière ne présente pas d'unité iconographique : l'adoration des mages, au triforium, et l'histoire de Job, thème issu de l'ancien testament dans les lancettes et le tympan de la baie haute. Les textes n'associent aucun peintre verrier à la verrière. On note la présence de montures en chef d'oeuvre : la bouche de Job au milieu de sa barbe
— MINOIS (Danielle), 2003, thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald, La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age
"Troyes est un centre artistique brillant à la fin du Moyen Âge. Les chantiers sont nombreux. Les édifices religieux s'ornent de vitraux. Quels en sont les commanditaires ? les auteurs ? D'après l'enquête menée à partir des Archives et des vitraux, les donateurs, ecclésiastiques et riches bourgeois, ouverts à la nouveauté, restent attachés à la tradition. Le rôle de l'Eglise est prépondérant pour l'iconographie. Sur les cinquante et un verriers recensés, vingt trois peuvent être dits peintres verriers. Leurs travaux sont en général intégrés aux chantiers. Probablement dépourvus de statuts, leurs ateliers sont de petites structures. Lors de demandes importantes, ils s'associent. Ils travaillent aussi dans de nombreuses églises de Champagne méridionale. Reproduction de verrières, fonctionnement en association, absence de propriété des œuvres et existence de réseaux de donateurs permettent d'interpréter l'homogénéité apparente des verrières. La notion d'Ecole troyenne de peinture sur verre est confirmée et précisée."
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle), Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
"Grâce à ce travail, il est possible de connaître l’iconographie des verrières originelles, la date exacte de leur pose et le nom de leurs donateurs. À travers l’analyse des archives, se déroulent à nouveau pour nous les chantiers de la cathédrale de Troyes et de douze églises troyennes : les baies se construisent, sont provisoirement bouchées de pans de bois et torchis, puis garnies de remplages, comblés de pieux de saule et de roseaux liés à l’osier, et enfin vitrés. La donation est faite au plus tard 18 mois après la pose du remplage ; celle de la verrière a lieu dans l’année qui suit la donation.
Un premier constat concernant l’origine et les conditions de la commande est l’essor de la production après la guerre de Cent ans et l’incendie de la ville en 1524. Entre guerre étrangère et guerres de religion, une période relativement prospère favorise la donation ; mais s’agit-il, comme le pense l’auteur, d’un « mécénat » « artistique » ? Le haut clergé troyen, très cultivé, en phase avec l’humanisme et à l’écoute critique de la Réforme, est à l’origine des idées dominantes reflétées dans les programmes iconographiques, car, d’autres études l’ont montré, le donateur, sauf exception, n’est qu’un payeur. Les commanditaires élaborent avec des théologiens les programmes iconographiques ; le choix du sujet permet donc de déterminer le degré de liberté du donateur : si les sujets rares ou difficiles ne peuvent qu’être imposés par le clergé, les thèmes hagiographiques peuvent témoigner du désir des particuliers de satisfaire leur dévotion à leur saint patron.
Selon le Recensement (vol. IV, 1992), l’absence de lien entre les thèmes des verrières témoigne d’une indifférence à une quelconque harmonisation : avec une profonde intelligence de la pensée chrétienne, l’auteur souligne au contraire la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », D. Minois signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine.
Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillent au sein de structures familiales et fondent des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier est une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’emploie qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence. Est ici mise en évidence, en réponse à une forte demande, la formation en associations, ponctuelles ou non, phénomène dont le dynamisme se ralentit après 1530 et dont l’exemple type est le travail en commun de Balthazar Godon, Jean Verrat et Lyevin Varin pour la cathédrale de Sens. Le recours à la soustraitance est également attesté. En Champagne méridionale comme en Provence ou en Normandie, l’exercice du métier est libre : au contraire de l’exemple parisien, aucune structure corporative ne protège la profession de peintre verrier. Certains verriers sont aussi peintres, comme Jean I Macadré, ou sculpteurs, comme Nicolas Cordonnier. L’analyse montre, en Champagne comme en Provence, qu’autorégulation du métier et surveillance mutuelle se substituent aux structures juridiques. Un apport fondamental du livre de D. Minois est la remise en cause des schémas de pensée antérieurs qui paralysaient la recherche. Émile Mâle exposait en 1911 sa théorie d’une École champenoise dont les foyers se trouvaient selon lui à Troyes, Sens et Châlons-sur- Marne, et dont la source était à chercher dans les baies hautes de la nef de la cathédrale et à Sainte-Madeleine de Troyes ; selon lui, toutes les verrières de l’Aube avaient été réalisées à Troyes. Pour P. Biver dès 1908, « l’École troyenne de peinture sur verre », attestée par les remplois de cartons et de pochoirs de damas, dépassait les limites du diocèse de Troyes. Concluant à une production d’origine troyenne quasi industrielle, Biver imagina des structures de production semblables à celles du XIXe siècle : un maître, inventeur des compositions, secondé par des compagnons chargés de les multiplier, et un atelier s’assurant l’exclusivité des pochoirs, d’où, croyait-il, une identification à coup sûr. J. Lafond, reprenant ce modèle, attribuait l’homogénéité de style des vitraux de la fin du XVe à la fin du XVIe siècle à l’influence déterminante d’un peintre à forte personnalité artistique, venu de Lorraine ou de Souabe, dont il décelait la main dans les baies hautes de la nef de la cathédrale de Troyes. Le caractère varié des remplois contredit le principe d’une reproduction systématique ; la notion de production industrielle fut donc plus tard refusée par N. Hany. Le Recensement (vol. IV) ne remettait cependant pas en cause le modèle Biver.
La démarche de D. Minois a été d’écarter dès l’abord cette notion d’École troyenne telle qu’elle était définie. Pour P. Biver, tous les vitraux de Champagne réalisés sur des patrons identiques étaient troyens. S’appuyant sur les travaux de M. Hérold (1990-1993), D. Minois souligne l’existence de copies interprétées de ces cartons. La mise en évidence de la pratique des associations de peintres verriers lui permet de supputer la probable circulation interne des mêmes patrons : la copie interprétée est donc forcément le fait d’un atelier extérieur à la ville de Troyes, sollicité par un commanditaire stimulé par l’exemple troyen. Si les verriers troyens ont certes travaillé pour des églises de Champagne méridionale, il existe d’autres foyers de peinture sur verre, à Châlons ou à Sens, Bar-sur-Seine ou Tonnerre, sans parler de Paris, dont l’aire de diffusion dépasse largement les limites de la capitale. D. Minois reformule donc en dernière analyse la notion d’École troyenne de peinture sur verre, en attribuant désormais le phénomène d’homogénéité de la production à la pratique, mise au jour par elle, des associations de peintres verriers. L’existence de dynasties en confirme l’existence. Selon elle, les ateliers associés ont « décidé » de ces caractéristiques stylistiques pour des raisons purement pratiques de rapidité d’exécution et de reproduction. Elle remarque par ailleurs qu’une verrière peut être l’oeuvre de plusieurs mains.
Les modalités de la répartition du travail ne sont cependant pas étudiées, et cette notion de « décision » commune d’un style, qui pose pourtant problème, n’est pas approfondie. L’auteur prouve aujourd’hui, grâce à l’analyse des salaires perçus, que les peintres verriers n’ont eu recours à des cartonniers que lorsque leur marge bénéficiaire ne risquait pas d’en pâtir, le coût d’un patron réalisé par un peintre représentant le quart du prix de la verrière. Les peintres verriers étaient donc capables de réaliser leurs cartons eux-mêmes : ainsi la collaboration avec un peintre cartonnier n’était pas « la règle », comme on a pu l’écrire, mais un cas de figure, fonction de la rémunération. Dans les cas où les textes ne vérifiaient pas des hypothèses d’attribution, on peut regretter l’absence de comparaisons avec les verrières subsistantes d’un verrier donné. L’identification des ateliers par examen rapproché pouvait être tentée, en dépit du système d’exécution partagée des verrières, puisque l’intervention de plusieurs mains a été notée.
On regrette surtout que l’auteur n’utilise pas davantage ses vastes connaissances en matière d’iconographie et de théologie, son sens très sûr et très subtil de la valeur des leçons données par les programmes. La recherche en matière de vitrail a besoin de telles compétences ; il y a là un champ ouvert où l’auteur pourrait donner toute sa mesure. Laurence Riviale
2019 "Pathologies des vitraux Les vitraux historiés (peints) des baies hautes du chœur datent des XIIIe et XVIe siècles. Ils représentent un ensemble d'une très grande valeur artistique, architecturale, technique et culturelle. Extrêmement fragiles (verre monté en plomb), culminant entre 19 et 28 mètres du sol, ils sont menacés par les vents forts et par les pluies battantes qui entraînent des infiltrations d’eau sur l’intérieur du monument. Ils présentent deux types d'altérations, principalement liées à l'usure du temps :
- des altérations d'ordre mécanique, qui mettent en cause les aspects de solidité, de résistance, et d’étanchéité des panneaux de verre-plomb, ainsi que leurs structures métal et pierre ;
- des altérations d'ordre chimique qui touchent à l’aspect visuel des vitraux par dégradation de la matière vitreuse et de la peinture en grisaille."
Le tableau (vers 1445-1446) de la famille Jouvenel des Ursins au musée de Cluny, provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. I. Les personnages : Jean Jouvenel (1360-1431), sa femme Michelle de Vitry et leurs onze enfants
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PRÉSENTATION.
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"Sur ce long tableau peint, s’alignent les membres de l’opulente famille Jouvenel des Ursins affichant leurs tabards armoriés. Celle-ci comprend en effet un prévôt des marchands de Paris, un président du Parlement de Poitiers, deux évêques et archevêques, un chancelier royal. Parmi les dames, se trouvent une veuve, deux religieuses, et deux femmes mariées reconnaissables à leur coiffure à cornes. Sur fond de brocarts d’or en relief, ce portrait collectif figurait dans la chapelle familiale fondée dans le chœur de la cathédrale de Paris. Il représente l’un des rares témoignages de la peinture parisienne au milieu du 15e siècle, en un temps encore trouble de la Guerre de Cent ans. Daté entre 1445 et 1449. Versé au Musée des monuments français en 1795 ; entré au Louvre en 1829 ; déposé par le Louvre en 1985. 1,65 m de haut 3,50 m de large N° Inventaire : RF 9618" (Notice du musée)
Il s'agirait (A. Demurger) d'une commande collective des membres de la famille Jouvenel encore vivants en 1445-1449, incluant les vivants et les défunts dans l'ordre de leur chronologie de naissance, et ne représentant, hors le couple fondateur, que les enfants et non leurs conjoints.
"Le contrat de fondation de la chapelle a été passé sous le scel de la prévôté de Paris, le 14 juin 1443, fondation effectuée plus de dix ans après la mort de Jean Jouvenel, et dont l'objet principal de ia fondation est d'obtenir le droit de sépulture pour feu Jean Jouvenel, son épouse et ceux de leurs héritiers qui voudront y élire sépulture. Il débute par « Premièrement requièrent avoir la chapelle de Saint Remy."Les fondateurs cèdent au chapitre moitié du moulin des Chambres Hugues, à Paris sur la Seine, ainsi que 4 1. 14 s.p. d'autres revenus ; le tout est estimé 60 l.p. de rente, mais qui doit aussi financer la célébration d'un obit solennel. Chaque messe est payée 16 d.p. à celui qui la célèbre. La seule rétribution des messes s'élève donc à 26 I. 6 s. 8 d.p. Service : Une messe basse chaque jour à huit heures : le lundi du Saint-Esprit, mardi de Requiem, mercredi de Notre Dame, jeudi du Saint -Esprit, vendredi de Requiem, samedi de Notre Dame et le dimanche du jour ; les jours de fête solennelle, on célébrera du jour, en faisant commémoration des défunts ; après chaque messe, le célébrant dira un De profundis et une collecte en aspergeant le tombeau d'eau bénite. Intention : "Pro defuncto domino Jacobo (sic) Juvenel et suis parentibus et amicis. Règles de collation : Le 30 décembre 1443, l'un des fondateurs, Jean Jouvenel, évêque de Beauvais, désigne cinq prêtres, auxquels le chapitre ajoute deux autres célébrants ; chacun célèbre un jour de la semaine."
"On a montré il y a peu que les démarches entreprises par la famille Jouvenel pour inhumer à Notre-Dame, plus de dix ans après sa mort, l'ancien président du parlement de Poitiers, constituaient une réplique aux fondations effectuées en l'église de Saint-Martin-des-Champs par Philippe de Morvilliers. Ce dernier avait présidé le parlement de Paris durant l'occupation anglaise tandis que Jean Jouvenel présidait celui de Poitiers et les occasions de rivalité n'avaient pas manqué entre les deux familles. [...]. Rien d'étonnant par conséquent à ce que la famille Jouvenel ait repris à son compte les principes appliqués par son rival dans l'une des chapelles du chevet de Saint-Martin-des-Champs : droit d'inhumation étendu aux descendants par filiation directe issue de mariage, célébration d'une messe quotidienne dans la chapelle, représentation physique, sur un tombeau élévé de terre, des chefs de la lignée sous la forme de sculptures dont la peinture devait accroître le réalisme. L'instauration de la procession le jour de l'obit des différents membres de la famille peut elle-même apparaître comme une copie de la procession qui le jour de l'obit du président de Morvilliers devait après la célébration se rendre du choeur au tombeau du fondateur, y chanter plusieurs oraisons avant de s'en retourner en entonnant une antienne à saint Martin." (G. Eldin)
Cette commande participe d'une stratégie commémorative de cette famille de marchands de draps de Troyes venant d'accéder à la noblesse, associant l'acquisition d'une chapelle privative au chœur même de Notre-Dame en 1443-1444 (par Jean II, archevêque de Reims, Guillaume, chancelier de France, Jacques patriarche et évêque d'Antioche, et Louis bailli de Troyes), la commande d'un mausolée de Jean I et son épouse en cette chapelle vers 1449, diverses donations, comme le don le 12 juin 1456, à la date de la mort de Michelle de Vitry, de 200 écus d'or pour fonder un anniversaire à Notre-Dame.
C'est là un privilège insigne :
"Lorsque les chanoines de Paris furent de plus en plus nombreux à se faire enterrer dans la cathédrale, l'inhumation des laïques y demeura exceptionnelle. Les deux cas que nous avons cités pour le XIVe siècle sont uniques. Unique aussi celui de la famille Jouvenel des Ursins au XVe siècle. A notre connaissance, Elizabeth de Hainaut, Pemelle épouse de Galeran le Breton, Pemelle épouse de Pierre Mulet et Michelle de Vitry furent ainsi les quatre seules femmes inhumées à Notre-Dame du XIIe au XVe siècle. Toutes ne le furent que dans la tombe de leur époux."
"Les autres fondateurs laïques de chapellenies ne semblent pas avoir prétendu se faire inhumer dans la cathédrale, soit qu'ils disposassent déjà d'un sépulcre familial dans une autre église ou un cimetière parisien, soit qu'il leur apparût que l'inhumation sous les voûtes de la cathédrale n'était pas ouverte à des gens de leur qualité. Observons que l'iconographie des trois tombeaux connus de laïques inhumés alors à Notre-Dame, ceux de Pierre Mulet [ ou Millet, en 1329,dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste-Sainte-Marie-Madeleine. cf.Bibl. Nat Est., Pe 11 a rés. ], de Jean Jouvenel et de Guillaume Jouvenel, veut marquer leur appartenance à la catégorie sociale des chevaliers. Ils ne sauraient être confondus avec de simples bourgeois de Paris." (G. Eldin)
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Les chapelles du choeur de la cathédrale Notre-Dame avec leurs sépultures, selon G. Eldin.
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Détail : la chapelle Saint-Rémi dans le déambulatoire du chœur, et ses sépultures du XIV et XVe siècles (G. Eldin)
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Pour citer encore Grégoire Eldin,
"Ce grand tableau mesurant 3,50 x 1,65 m porte le numéro 15 dans le catalogue des peintures françaises des XIVe au XVIe siècles dû à Charles Sterling et Hélène Adhémar, Musée national du Louvre. Peintures ; école française, XIVe et XVIe siècles, Paris, éd. des Musées nationaux, 1965. Il ne fait pas de doute que ce tableau a bien orné la "chapelle des Ursins". Sa présence y est du moins attestée durant le XVIIIe siècle ; vers 1722, le manuscrit du Musée Notre-Dame note en effet que trois prédécesseurs de l'actuel marquis de Trainel sont enterrés dans la chapelle, "ce que les curieux peuvent voir et examiner facilement parce qu'on a nettoyé et donné une nouvelle couleur à un tombeau élevé de trois pieds de terre avec les statues et un tableau où les plus considérables de la famille sont peints. Il y a aussi quelques tombes de cuivre sur le pavé de la chapelle". Au milieu du siècle, Charpentier signale lui aussi cette peinture, dont il indique les mensurations, onze pieds de long sur cinq pieds de haut, qui correspondent bien à celles du tableau conservé. Plusieurs questions demeurent : on ne sait encore qui en fit la commande, ou quand il fut accroché pour la première fois en la chapelle et à quel emplacement. Le plan de la cathédrale publié par Charpentier place l'autel de cette chapelle au pied de la fenêtre et rien ne porte à penser que cet emplacement ne soit pas celui d'origine.
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La position du tombeau et des priants de Jean Jouvenel et Michelle de Vitry, le long du mur occidental, tournés vers l'autel, tels que les représente le dessin exécuté pour Gaignières, semble logique. Il serait tout aussi naturel que le tableau ait regardé l'autel, en étant placé en arrière ou à côté du tombeau. Le dessin du tombeau de la collection Gaignières ne l'y montre pas, bien qu'une autre pièce de ladite collection représente ce tableau et le signale conservé en la chapelle Saint-Rémi (Bibl.nat., Est., Oa 15 rés., fol. 30). Le tableau pourrait encore, comme l'a proposé Maurice Vloberg (cité par H. Kraus, Notre-Dame's vanished médiéval glass, dans Gazette des Beaux-arts, t. LXVIII, n°1172 (septembre 1966), p. 140 et suiv.), avoir été offert pour orner une autre partie de la cathédrale,en particulier le sanctuaire. Il pourrait avoir été replacé dans la chapelle lors de la réalisation du vœu de Louis XIII. H. Kraus indique que le dessinateur de Gaignières a noté que ce tableau était même la copie d'une tapisserie exécutée pour décorer le sanctuaire, ce que suggère le tableau lui-même. On observera que le chancelier Guillaume Juvénal des Ursins (dixième personnage en partant de la gauche) est représenté en avant de ses frères et soeurs et muni comme ses parents d'un prie-dieu."
D'après l'une de leurs requêtes, le mur en avant duquel serait placé le tombeau devait également faire l'objet d'une peinture ("Et dessus y faire une representacion sur une tumbe eslevee ou seront mises et apposées les representacions en ymages du feu seigneur et de ladite dame. Et de consentir que ledit costé de mur de ladite chappelle ilz peussent et puissent faire peindre a leur plaisir et faire changer les voirrieres d'icelle chappelle se bon leur sembloit". Les témoignages transmis notamment par la collection Gaignières ne sont peut-être qu'une vision partielle de la réalité médiévale.
Dans la supplique lue en chapitre le 3 mars 1442, les Jouvenel demandent avant tout de pouvoir disposer de la chapelle comme d'une sépulture :
" C'est ce que les heritiers de feu Jehan Jouvenel a son vivant seigneur de Treynel requièrent pour le fait de sa sépulture. Premièrement requièrent qu'il plaise a messeigneurs de l'eglise de leur bailler la chapelle d'emprés celle de Saint Crespin du costé de ladite chapelle de Saint Crespin pour faire une representacion dudit feu de Treynel et de madame sa femme et puissent ensepulturer oudit lieu le corps dudit feu seigneur et cellui de ladite dame après son trespas et aussi desdits heritiers et des leurs qui vouldront la eslire leur sépulture et que chacun jour soyt chantee en ladite chapelle une messe basse cestassavoir le lundi du Saint Esperit, le mardi de Requiem et le mercredi de Notre Dame, le jeudi du Saint Esperit, le vendredi de Requiem, le samedi de Notre Dame et le dimenche du jour. Et que le corps de l'eglise soy chargé de faire dire et continuer ladite messe et lesdits heritiers feront reparer et habiller ladite chapelle et la garniront de oumemens et vestemens. "
Acte en date du 14 juin 1443 : "Premièrement requièrent avoir la chapelle de Saint Remy et le costé dextre joignant du pillier pour la faire une volte en façon de sépulcre et dessus faire une representacion sur une tombe ou seront les ymages ou representacions desd. seigneur et dame" ; "et de consentir que led. costé de mur de lad. chappelle ilz peussent et puissent faire peindre a leur plaisir et faire changer les voirrieres d'icelle chappelle se bon leur sembloit".
"A la messe quotidienne instituée par le contrat du 14 juin 1443, l'un des fils de Jean Jouvenel, Guillaume, chancelier, ajoute en 1469 la célébration par les enfants de choeur et leur maître, le 14 de chaque mois, dans la chapelle Saint-Rémi, où il demande à être inhumé, des vigiles, des vêpres des défunts et le lendemain, c'est-à-dire le 15, de la messe des apôtres, célébrée en l'honneur de saint Guillaume des Déserts. Après la mort du chancelier, cette messe mensuelle sera transformée en obit célébré le quantième correspondant à la date du décès (Guillaume Jouvenel avait fondé en 1460 une messe solennelle de saint Guillaume célébrée chaque année le 15 mars dans le choeur et devant être transformée à sa mort en obit (Bibl. nat., ms lat. 5185 c.c., éd. Guérard, t. IV, p. 40-42). La deuxième fondation, célébrée en la chapelle, s'ajouta à la première (acte passé le 30 janvier 1369 (n. st.), ibid., p. 42-43).. Guillaume mourut en juin 1472 et fut effectivement inhumé dans la chapelle familiale. En 1481, une procession fut en outre instituée à l'issue des obits de Jean Jouvenel, de Michelle de Vitry et de leur fils Jean. Ces jours là, les clercs assemblés dans le choeur devaient, après la célébration de l’obit et la procession de l'Ave Regina qui se faisait chaque jour avant la grand’messe, se rendre en chantant devant la chapelle Saint-Rémi pour y accomplir une station. Plusieurs oraisons et psaumes étaient alors récités sous la conduite du prêtre devant célébrer la grand'messe du jour. La procession faisait ensuite le tour du choeur en chantant le répons « Sancte Remigi» . Bien avant l'arrivée des Jouvenel à Paris, saint Rémi avait été le patron de cette chapelle. Nous ne croyons pas que ce fut pour cette raison que les héritiers de Jean Jouvenel demandèrent au chapitre de pouvoir y faire leur sépulture. Les termes de leurs diverses suppliques ne montrent pas qu'il connaissent forcément le nom de cette chapelle, qu'ils désignent à plusieurs reprises par le nom de chapelles voisines. Mais les superbes carrières qui menèrent deux de ces Champenois à la tête de la province ecclésiastique de Reims et le sens aigu du culte des saints qui caractérise la deuxième moitié du XVe siècle ont ainsi contribué à restituer au saint patron de cette chapelle une réalité liturgique. " (G. Eldin)
La chapelle était un lieu de sépulture pour le couple fondateur, pour leur fils Guillaume, puis pour François Jouvenel des Ursins, baron de Trainel, seigneur de Doue et de La Chapelle-en-Brie, mort le 20 avril 1547, et de sa femme Anne, dame d’Armenonville, morte en 1561 (tombe de cuivre à leur effigie au milieu de la chapelle Bibl. nat., Est., Pe 9 rés) ; de Jean des Ursins, évêque de Tréguier, mort le 4 novembre 1566 ; de Christophe des Ursins, marquis de Trainel, gouverneur de Paris et d'Ile-de-France, seigneur de La Chapelle, de Doue et d'Armenonville, chevalier des ordres du roi, pour lequel un obit solennel suivi d'une station en la chapelle des Ursins fut fondé en 1588, et devant la chapelle, tombe de pierre à l'effigie de Louis Jouvenel des Ursins, conseiller en Parlement, chanoine de Paris, archidiacre de Champagne en l'église de Reims, mort le 23 novembre 1520. (encore G. Eldin)
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Je m'interrogerai dans un deuxième article, à la suite de H. Kraus, sur la participation (avérée) des Jouvenel au décor de la chapelle. J'étudierai ce décor, partiellement mais précisément visible sur la peinture qui nous intéresse, avec notamment la série de vitraux qu'ils pourraient avoir commandés.
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Représentation des donateurs au XVe et XVe siècle.
a) sur les vitrauxSur les vitraux anciens, les donateurs se font représenter en couple, madame derrière monsieur, ou monsieur à gauche et madame à droite ... Les nobles ou les marchands font figurer leurs armoiries, ou leurs emblèmes.
...ou en famille, et alors, souvent, le père de famille se met à gauche devant ses nombreux fils et la mère de famille de l'autre côté, devant ses filles.
b) Parmi les peintures murales du XVe siècle, celles de Merléac, ou de Kermaria an Iskuit, en Côtes d'Armor, montre une famille entière, un lignage où le couple premier est suivi des descendants, par couple. Voir aussi Mesnard-la-Barotière.
Bref (si je puis dire), on a compris que mon but ne sera pas d'être succinct...
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La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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1 et 2. Jehan Juvenal des Ursins chevalier seigneur et baron de Trainel conseiller du roi et damme Michie de Vitry.
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La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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"La famille Jouvenel des Ursins, qui avait son hôtel particulier sur l’Île de la Cité, avait élu sa sépulture dans la cathédrale Notre-Dame et plus précisément dans la chapelle Saint-Rémi (actuelle chapelle Saint-Guillaume), située à la sixième travée du déambulatoire du chœur, sur le côté sud." (M. Ferrari)
"En 1443 Michelle de Vitry avait obtenu le droit de sépulture dans la chapelle par le chapitre pour elle et pour sa postérité : une concession plus qu’extraordinaire, à cette époque, pour des laïcs. Elle avait ainsi obtenu l’autorisation à faire « au joignant dudit mur une voute en façon de sepulture (un enfeu, donc), et dessus une représentation sur une tombe eslevée, où seroient mises et apposees les representation en images dudit feu seigneur et de la dite dame, et de faire peindre a leur plaisir le dist costè du mur, et faire changer les verrieres d’iceluy, se bon leur sembloit » (doc. cit. par Demurger 1997, p. 41). Michèle put alors faire rapatrier le corps de son mari, qui était mort à Tours, et réaliser le tombeau que devait accueillir sa dépouille et celle de son conjoint." (M. Ferrari)
"A la fin du XIXe siècle, la chapelle abritaient encore la tombe de Guillaume des Ursins († 1472) et celle de François des Ursins († 1547) et de sa femme, Anne l’Orfèvre (voir ci-dessous). Le mausolée de Jean Jouvenal des Ursins († 1431), prévôt des marchands de Paris, et de sa femme, Michelle de Vitry († 1456), avait été en revanche déjà démantelé. Seulement les statues des deux défunts, représentés en prière, avaient été sauvegardées : initialement déposées à Versailles, elles ont pu regagner leur emplacement d’origine dans l’église Notre-Dame en 1955, installées sur un socle qui suggère leur emplacement surélevé originaire (les têtes des deux priants ont été refaites aux XIXe siècle)." (M. Ferrari)
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En effet, le tableau formait l'exacte correspondance du mausolée où Jean de Jouvenel et Michelle de Vitry figuraient en donateurs, sculptés dans la pierre, dans la même posture et la même tenue que sur le tableau.
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L'aspect actuel du mausolée (et de la chapelle saint Guillaume de la cathédrale Notre-Dame) est celui-ci :
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cliché Wikipedia Denys Jarvis
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La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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1. Jean Jouvenel des Ursins, prêvôt des marchands de Paris (1388), président à mortier au parlement de Paris, décédé le 1er avril 1431 à Tours.
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"La généalogie de cette famille commence avec Pierre Jouvenel des Ursins (attesté comme marchand drapier à Troyes en 1360) et dame d'Assenay, parents de Jean Jouvenel des Ursins.
"Né entre 1350 et 1360, après avoir achevé les études en droit à Orléans et à Paris, Jean Jouvenel fut avocat à Troyes, conseiller au Châtelet (1381) et avocat au Parlement de Paris (1384). L’année 1388 représente un tournant décisif dans la carrière de Jean Jouvenel : Charles VI établit la charge de garde de la prévôté des marchands de la ville de Paris, qui avait été supprimée après la révolte des Maillotins en 1383, et Jean fut nommé garde prévôt des marchands. Il occupa brillamment cette fonction, parvenant à rétablir une partie des privilèges parisiens révoqués en 1383. En 1400 il laissa cette charge et fut nommé avocat du roi au Parlement. Anobli en 1407, il fut chancelier du dauphin Louis (1413) et président de la Cour des aides (1417). Proscrit par les Bourguignons qui prirent le pouvoir à Paris (1418), Jean Jouvenel s’enfuit à Poitiers avec le nouveau dauphin Charles (le futur Charles VII). Là, il devint en 1419 président au Parlement de Paris (établi à Poitiers) et ensuite de celui de Languedoc à Toulouse (1420), jusqu'à sa mort en 1431.
En 1436, Michelle de Vitry et leurs onze fils revinrent à Paris, qui était de nouveau sous le contrôle royal. " (Wikipedia)
Le couple a eu seize enfants entre 1387 et 1410. Deux garçons sont morts au bout de quelques jours et trois filles ont sans doute aussi disparu avant 1445 (à 9, 11 et 21 ans).
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Jean de Jouvenel est agenouillé, sur un coussin de velours noir à glands dorés, devant un prie-dieu recouvert de la même étoffe d'or damassée que la tenture, mais à rinceaux. Il est tourné vers notre gauche, donc vers l'est —là où devait se dresser l'autel de la chapelle. Ses mains sont jointes (comme tout donateur), il porte une bague en or à l'annulaire gauche.
Son heaume, englobant le cou, à visière, est posé sur le prie-dieu. La cotte de maille est visible , couvrant le cou. L'armure est bien visible en partie basse, avec des solertets à la poulaine et des éperons à tige longue ( 20 ou 30 cm?), à molette à huit pointes. L'épée dans son fourreau est suspendue à la ceinture côté gauche.
La cuirasse est recouverte du tabard à ses armes (empruntées aux Orsini !), bandé d’argent et de gueules de six pièces, au chef d’argent soutenu d’or et chargé d’une rose de gueules.
Il est probable que le juriste Jean Jouvenel des Ursins n'ait jamais porté cette tenue de chevalerie, qui serait de pure convention.
Il porte un anneau d'or sur l'annulaire gauche (le seul visible).
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Le sol (qui pourrait témoigner du sol réel de la cathédrale) est bicolore noir et blanc, à petits carreaux formant des dessins géométriques.
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N.B Son signet de 1393 porte un chien accroupi, portant un manteau à ses armes. Celui de 1396, est très semblable, mais l'animal est interprété comme étant un ours assis. Son sceau utilisé en 1390-1394 porte un écu bandé de six pièces, au chef chargé de trois roses, penché, timbré d'un heaume de profil cimé d'un chien accroupi, supporté par deux lévriers [colletés].
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le livre de prière de Jean Jouvenel est minutieusement représenté, comme celui de son épouse et, plus loin, celui de son fils Guillaume, que j'étudierai plus longuement.
Il est ouvert sur le verset du psaume 69 :2 Deus in adiutorium intende (Dieu venez à mon aide) et de son répons D[omi]ne ad adiuvandum [ me festina] (Seigneur, hâtez-vous de me secourir). C'est la classique prière d'introduction des heures de Notre-Dame (ou des heures de la Croix) tirée du premier verset du psaume 69 et de son répons , qui est suivi de la doxologie trinitaire mineure : Gloria Patri et Filio et Spiritui sancto. Sicut erat in principio, et nunc, et semper, in sæcula sæculorum. Amen.
https://gregorien.info/chant/id/1965/0/fr
Heures de Jeanne de France : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8571085n/f84.item
Heures de Guillaume de Jouvenel : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10532604q/f13.item
On lit ensuite, sur la deuxième page l'initiale O rouge, suivi de tenpore, qui pourrait difficilement correspondre à "et in omni tempore corpus meum et animam meam". La forme orthographique tenpore est attesté dans l'épigraphie.
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La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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2. Michelle de Vitry, décédée le 12 juin 1456.
Michelle de Vitry, membre d'une famille de fortune assez récente réalisée dans le commerce, et fille de Michel de Vitry, seigneur de Goupillières et de Jeanne Le Picard, épousa Jean Jouvenel le 20 juin 1386. Ils se feront réciproquement dons de leurs biens par présuccession le 15 novembre 1403: Michèlle hérita donc des biens de Jean.
Elle eut 16 enfants, dont 11 survécurent ; la plupart furent baptisés à Saint-Landry à Paris.
Elle fut, avec ses enfants, la commanditaire de la chapelle du chœur de Notre-Dame :
"C'est le vendredi 14 juin 1443 que Michelle de Vitry et ses enfants obtinrent du chapitre de Notre-Dame la chappelle Monsieur Sainct-Remy, fondée en ladite église, et le côté dextre joignant du mur en icelle chappelle pour sepulturer et enterrer les dits feu seigneur de Traynel, leur père, et la dite dame, leurs enfants et héritiers et ceux qui doresnavant descendroiont de coux d'entre eux qui estoient et seroient mariez et de leur posteritez et lignées qui toutesfois y voudroient estre sepulturez et enterrez : ensemble permission de faire au joignant dudit mur une voûte en façon de sépulture et dessus une représentation sur une tombe eslevée où seroient mises et apposées les représentations en images du dit feu seigneur et de la dite dame, et de faire peindre à leur plaisir le dit costé du mur et faire changer les voirrières d'iceluy, ai bon leur sembloit ». D. Godefroy, Hist, de Charles VI, annotations, p. 622. L'acte est passé devant Pierre Choart et Jean Franchois, clercs, notaires du roi au Chàtelet de Paris, sous le sceau du garde de la prévôté de Paris. Cette concession était faite moyennant l'abandon par indivis au chapitre de la moitié d'un moulin et de ses appartenances nommé « le moulin des chambres-maistre-Hugues » qui était situé sur la Seine, près de la rue de la Tannerie « à l'opposite du derrière de l'hostel dudit feu seigneur de Treynel » et en outre d'un certain nombre d'autres revenus s'élevant à la somme de 4 livres 14 sous parisis de rente. Le tout faisait partie de la censive de St-Magloire : le 3 août 1456, Jean, « humble abbé de l'église et monastère de Monseigneur Magloire à Paris, et tout le couvent de ce même lieu », donnaient acte aux doyen et chapitre de Notre-Dame de Paris, de l'amortissement de ces rentes. Arch. nat., L 607, n» 12, parch. Les revenus du moulin de chambre-maistre-Hugues appartenaient à Jouvenel depuis 1414, époque à laquelle (31 juillet), il les avait achetés à Pierre et Jean Jouans, ainsi qu'une propriété sise à Vanves, appelée les Treneaux et un certain nombre d'autres biens d'une valeur totale de cent livres tour- nois de rente. Ces cent livres avaient été données en dot par Jouvenel à sa fille Jeanne, lors de son mariage avec Nicolas l'Eschalat : les deux époux s'étaient fait don mutuel de leurs biens. Le 23 juin 1439, Michelle de Vitry et ses entants rachetèrent ces mêmes revenus pour les céder quatre ans après au chapitre de Notre-Dame de Paris. Arch. nat., Ibid.y fol. 1" (L. Battifol)
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Michelle de Vitry est représentée en veuve, la gorge couvert d'une guimpe blanche, portant une coiffe à long voile et un habit (robe et manteau) noir ourlé de blanc. La coiffe à plis cassés forme deux légères cornes.
Ses mains jointes portent deux anneaux, l'un, avec une pierre rouge, sur le majeur gauche, l'autre, avec une pierre indistincte ou claire, sur l'auriculaire droit.
Est-elle la commanditaire de la peinture ? Celle-ci a-t-elle été terminée de son vivant ?
Les armoiries de la famille de Vitry n'apparaissent pas, comme cela se fera sur ces scènes de donateurs, sur la robe de l'épouse, ce qui se conçoit bien ici. Mais l'écu mi-parti se trouve présenté par un ange sur la retombée de voûte de la chapelle peinte, juste au dessus de la crosse de son fils Jehan II. Les armes de Vitry sont d'azur à la fasce de trois losanges d'or accompagnée de trois merlettes du même. On voyait aussi l'écu mi-parti sur le soubassement du mausolée.
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Photo Lavieb-aile 2023
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L'oncle de Michelle de Vitry, Thibaud de VITRY (+ 23 mars 1464), chanoine de Paris, trésorier de l'église d'Angers, est mentionné comme conseiller en Parlement à partir de novembre 1412. Il fut commissaire du roi en Limousin pour faire payer l’aide. En 1448, il fait don à la cathédrale de Paris d'une tapisserie de haute lice en cinq parties représentant quinze histoires de la Vierge devant servir à l’ornement des stalles du choeur. En 1453, il offre une cloche appelée Thibaud, devant sonner le samedi. Il fonde une messe de l'Annonciation. Il fut enterré dans la nef de la cathédrale. (G. Eldin)
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La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le livre est en tout point semblable au précédent, avec la même couverte d'étoffe noire perlées aux coins, et les deux languettes du fermoir ; mais celle du haut est rabattue, et celle du bas sert de marque-page. La languette ou patte est sans doute en cuir, de couleur verte. L'agrafe en d'or est ouvragée autour d'une perle, et un anneau permet la fixation d'un cordon violet, qui devait être noué lors du rangement.
Sur le livre, les cinq lettrines enrichies de rinceaux sont celles du D de Deus, d'un O (Ondo?) ou Q, d'un D (Deus?), et enfin d'un O, sous réserve.
Je reconnais les trois premiers mots de Deus in adiutorium intende , puis je perds le fil.
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La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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3. Révérend père en Dieu messire Jehan Juvénal des Ursins, docteur en lois et décret en son temps évêque et comte de Beauvais et depuis évêque et duc de Laon, comte d'aussi, pair de France, Conseiller du roi.
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Fils de Jehan I et de Michelle de Vitry, Jehan II, né le 14 septembre 1438 à Reims, étudia le droit civil et canonique, et fit une carrière dans les ordres et dans la diplomatie.
Il étudie le droit civil et canonique et devient avocat à Paris. En 1416, il est nommé maître des requêtes de l’hôtel du Dauphin et conseiller du roi. Puis, Charles VII le nomme avocat général au parlement en 1425. En 1429, il est chapelain du roi, archiprêtre de Carmaing, doyen d'Avranches, il succédera en 1432 à Pierre Cauchon en tant qu'évêque de Beauvais. En 1444, il est nommé évêque de Laon. Après la réalisation de cette peinture exécutée vers 1445, il remplacera, en 1449, son frère Jacques à la tête de l'archevêché de Reims. Il présidera en 1456 le procès chargé de la réhabilitation de Jeanne d'Arc. Le 15 août 1461, il sacrera le roi Louis XI de France en la cathédrale de Reims. Il fut aussi historien et auteur de la Chronique dite de Jouvenel des Ursins : Histoire de Charles VI. Roy de France, et des choses mémorables advenues durant quarante-deux années de son règne depuis 1380 jusqu’en 1422.
Jean Juvenal des Ursins fut aussi l’un des conseillers les plus écoutés de Charles VII qui lui confia plusieurs missions diplomatiques. Il joua un rôle important dans la capitulation de Rouen (reprise aux Anglais par Charles VII le 10 novembre 1449). Le 24 septembre 1461, il ne put contenir la mutinerie des rémois contre les receveurs des impôts, dite révolte de la Miquemaque.
Tenu à l’écart par Louis XI, il meurt à Reims, dans son palais archiépiscopal, le 4 juillet 1473.
C'est Jean II Jouvenel des Ursins qui latinisa le nom de Jouvenel en Juvénal et ajouta le nom d'Ursins (Orsini). La famille soutenait qu'elle descendait de ces illustres italiens. L'ours devient ainsi un emblème qui se retrouve notamment sur le décor des livres.
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L'évêque porte, en tant qu'évêque de Laon, la crosse et la mitre, et une chape pluviale, en étoffe d'or damassée, et dont les parements sont brodés des figures des douze apôtres, comme ces chapes que j'avais étudié à Burgos ou sur un évêque breton d'un vitrail de Saint-Nic (Jean du Largez).
Ses mains jointes portent les chirothèques (gants épiscopaux) ornés sur le dos d'une broderie (ou plaque de métal) en losange, aux manches larges lestées de glands de passementerie, portant une bague émeraude.
On comparera cette tenue (les figures d'apôtres, la mitre précieuse, etc) avec celle de Saint Donatien premier évêque de Reims dans la Vierge au chanoine van der Paele de Van Eyck réalisé en 1436.
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La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Jean II Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Jean II Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Jean II Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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4 . Jehanne Juvenal des Ursins qui fut conjointe par mariage avecque noble maistre Nichole Consart [pour Eschallart], conseiller du roi.
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Jeanne I Jouvenel des Ursins épousa Nicolas Eschallart, conseiller en 1418 au Parlement de Poitiers (Jean Jouvenel étant doyen des conseillers) ; il décéda en mars 1422. À sa mort, ses parents héritèrent d'elle, ce qui situe cette mort avant 1431.
Elle figure ici à titre posthume, et en figure de veuve, comme sa mère, et les deux figures sont des copies conformes. Mais elle s'en distingue par sa bague portée à l'annulaire gauche, un anneau d'or portant une pierre (bleue?) sertie dans de l'or.
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Jeanne I Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Jeanne I Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Jeanne I Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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La suite de la famille...
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La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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5.Messire Loys Juvenal des Ursins, chevalier conseiller et chambellan du Roy et bailli de Troyes.
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L'armure et le heaume de Louis Jouvenel des Ursins (1393- est semblable à celle de son père, mais est elle plus crédible chez ce soldat qui fut prisonnier des Anglais en 1420 après le siège de Melun, fut libéré en 1423 grâce à une caution de 300 livres versées par le roi puis combattit dans les troupes royales de Charles VII, comme son frère Denys (n°8). On ignore la date de son décès, et les renseignements sont assez pauvres sur sa biographie.
L'image elle-même, par la reprise de la figure paternelle, n'apporte rien à notre analyse. Il porte la même bague d'or à l'annulaire gauche.
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Louis Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Louis Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Louis Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Louis Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Louis Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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6. Dame Jehanne Juvenal des Ursins qui fut conjointe par mariage avec Pierre de Chailly escuier et depuis à messire Guichart, seigneur de Pelvoisin, chevalier.
7. Demoiselle Eude Juvenal des Ursins qui fu conjoincte par mariage à Denys Demares escuier seigneur de Doué.
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Rien ne distingue les deux sœurs : l'artiste reste fidèle à son principe, utiliser des "clones" sans caractères distinctifs, hormis le fait que ces deux femmes ne sont pas figurées en veuves ou en religieuses, mais dans la splendeur de leurs atours. Elles portent, sur un front et des tempes épilés à l'extrême une coiffe à hénnins "papillon" (déjà démodés en 1455 selon Demurger) dont les cornes font presque deux fois la hauteur du visage, soit plus de trente centimètres. La coiffe est largement dotée de perles et de pierreries bleues noires et rouges sous un voile doré et transparent. Elles portent également le même collier ou s'enfilent des pièces d'or portant une pierre — rubis (la pierre de l'amour) ou saphir, "la perle du ciel"— entouré de quatre perles — la pierre de la rosée—. Les pierres sont rondes ou ovales ou lobées, et non taillées, la taille en diamant n'apparaissant qu'après 1475.
De même , les deux femmes portent les mêmes bagues, sur le majeur, l'annulaire et l'auriculaire (des deux mains). Sur l'anneau en or, le majeur s'orne d'une grosse perle, l'annulaire et l'auriculaire de pierres plus petites, et, pour Eude, de couleur peut-être bleutée .
Valérie Gontero-Lauze (Belles Lettres, 2016) nous incite à examiner l'anneau de l'annulaire : "En attendant d’être remplacée par l’alliance, la bague de fiançailles se porte à l’annulaire gauche, d’où partirait la vena amoris, veine de l’amour qui court jusqu’au cœur, siège des sentiments et de la passion amoureuse. Porter un anneau ou une bague à ce doigt signifie que son cœur est officiellement déjà pris, que l’on est marié ou sur le point de l’être. L’anneau et la pierre peuvent aussi servir à protéger cette précieuse veine – le diamant est en effet la pierre de l’invincibilité." Nous ne pouvons ni affirmer, ni infirmer que les deux femmes, mariées, portent un diamant à l'annulaire.
N'oublions pas la ceinture, qui elle aussi alterne les rubis et les saphirs entourés de perles.
Chacune porte un surcot ouvert, doublé d'hermines , quoique le motif damassé de l'étoffe (soie?) sombre de l'une se distingue très légèrement de celle de l'autre. La robe, à décolleté carré, est rouge, brodé d'or, et revenant par un très large pan sur les avant-bras.
6. Jeanne II Jouvenel des Ursins , née le 24 janvier 1395, épousa Pierre Chailly puis Guichard d'Appelvoisin (Saint-Paul en Gâtines, 79, ca 1345-1445), seigneur du Bois-Chapeleau (La-Chapelle-Thireuil, 79), sans postérité. Elle demeurait principalement dans le Poitou, où elle gérait les biens des Appelvoisins et les intérêts de la famille . En 1456, Jacques évêque de Poitiers la choisit comme principale exécutrice de son testament. Elle décéda en 1473, et, en 1475, toute la famille Jouvenel vint devant le sénéchal de Poitou vint pour régler sa succession. Tous ses frères sont alors décédés mais sont présents tous ses neveux et nièces : les trois enfants de Guillaume, les quatre enfants majeurs de Michel, ainsi que sa veuve Yolande de Montbéron au nom de ses cinq enfants mineurs. (A. Demurger)
7. Eude [ou Odette] Jouvenel des Ursins épouse de Denis des Marés, seigneur de Doué-en-Brie. Je trouve sa date de naissance le 12 juillet 1396.
Alors qu'elle est décédée veuve, elle est représentée ici en tenue mondaine. Sa famille a hérité des propriétés et titres de l'époux, et la terre de Soignolles-en-Brie, au nord de Melun, est revenue à Guillaume (A. Demurger) puis/ou à Michel et son fils François, seigneur de Soignolles.
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Jeanne II Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Eude Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Jeanne II et Eude Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Jeanne II et Eude Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Jeanne II et Eude Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Jeanne II et Eude Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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8. Denys Juvenal des Ursins escuyer eschanson de monseigneur Loys dauphin de Vienne et duc de Guyenne.
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Denis est né en 1397 : il est donc contemporain de Louis de Guyenne (1397-1415), fils de Charles VI, qui fut le troisième dauphin , décédé à 18 ans. On peut penser que Denis Jouvenel des Ursins est mort assez jeune, puisque vers 1455 le commanditaire de la peinture ne fournisse aucun autre titre à son sujet.
D'ailleurs, il ne porte aucune bague.
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Denis Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Denis Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Denis Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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9. Sœur Marie Juvenal des Ursins religieuse à Poinssy.
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Elle est née le 27 août 1399. Elle fut religieuse au Prieuré de dominicaines de Saint-Louis de Poissy (Yvelines). Rien ne la distingue de sa mère ou de sa sœur Jeanne I, si ce n'est la posture humble de la tête et l'absence de bague. Elle ne porte pas l'habit des dominicaines.
Elle est citée parmi les anciens possesseurs du très fameux Bréviaire de BellevilleBnF latin 10483, (tome I, partie hiver) tout comme Guyonne, Michèle, Claude, et Marie Jouvenel des Ursins, après le duc Jean de Berry et le prieuré de Saint-Louis de Poissy.
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Marie Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Marie Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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10. Messire Guillaume Juvenal des Ursins chevalier et baron de Trainel en son temps conseiller du Roy, bailli de Sens et depuis Chancelier de France.
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C'est le personnage laïc le plus considérable de cette famille, et le seul de la fratrie à se faire enterrer dans la chapelle.
"Guillaume Jouvenel des Ursins, né le 15 mars 1400 à Paris et mort le 23 juin 1472, est un chancelier de France. Baron de Traînel par acquisition de son père en sa faveur vers 1412, puis sire de Marigny acquis vers 1446/1447 (son frère cadet Michel, 1408-1471, étant, lui, seigneur de Marigny-le-Grand ?), Vicomte de Troyes et bailli de Sens, seigneur d'Autry et St-Brisson en 1471, et de Perroy et La Motte-Jo(u)sserand par acquisition en 1446 et 1466. Fils de Jean Jouvenel des Ursins et de Michelle de Vitry, il épousa Geneviève, la fille de Macé Héron, d'où postérité
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Il fit une brillante carrière politique. Il fut conseiller au parlement de Poitiers. Il s'occupa des finances concernant les guerres menées par Charles VII de France. De 1435 à 1440, il remplit les fonctions de bailli à Sens. Charles VII le nomme lieutenant du gouverneur du Dauphiné, fonction qu'il remplira de 1435 à 1440. Charles VII le nomme chancelier de France en 1445. Il fut chargé de l'instruction lors du procès de Jean II d'Alençon (Valois) en 1458. Il fut de nouveau chancelier de France sous Louis XI de France (1466)." (Wikipedia)
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Le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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La tombe de cuivre de Guillaume Jouvenel des Ursins.
La tombe de Guillaume Jouvenel des Ursins, chevalier et seigneur de Trainel, conseiller en Parlement, lieutenant du Dauphiné puis bailli de Sens, mort en 1472 est en cuivre et placée sous le marchepied de l'autel à gauche La plaque relevé par Gaignières Bibl. nat., Est., Pe 9 rés le représente gisant en deux figures sous deux tenues différentes, soit comme membre du Parlement, soit comme chevalier et chancelier . Selon la longue inscription placée autour de la tombe , on lit : « Cy gist noble homme messire Guillaume Juvénal des Ursins, chevalier et seigneur de Treignel, lequel en son temps fut conseiller en la court de Parlement du très-sage et victorieux le roy de France Charles VIIe de ce nom. Depuis chevalier en voyage de son sacre et capitaine des gens d’armes puis lieutenant du Dauphiné, et après bailly de Sens et finalement le chancelier de France de l'an mil CCCCLXXII. Dieu ait l'ame de lui. »" (M.C.P.G. (Gueffier), op. Cit., p. 167, cité par Eldin). Les deux personnages de la tombe correspondent à ces deux temps de sa vie et ces deux fonctions de juriste ou homme politique, puis comme homme d'armes.
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"Guillaume était représenté, sur la gauche, habillé de sa tenue de membre du Parlement. Au-dessus de sa tête sont gravés une boîte à sceaux et le bonnet à mortier de velours noir utilisé par le président du Parlement, à fin d’indiquer les plus hautes charges occupées par Guillaume durant sa vie. Ce tombeau présente toutefois un deuxième portrait, resté longtemps mystérieux. L’arcade de droite encadre en effet un chevalier en armure, revêtu d’un surcot aux armes de la famille des Ursins et portant un poignard et une épée à la ceinture. [...] Il est donc plausible que le deuxième portrait ne représente autre que le même Guillaume, comme le confirme le double portrait figurant dans une enluminure d’un célèbre manuscrit (Giovanni Colonna, Mare historiarum) lui ayant appartenu (Paris, BnF, ms. Lat. 4915, f. 21r). Avec ce double portrait Guillaume voulait donc mettre en évidence sa double carrière, en tant qu’homme d’armes et politicien et, peut-être, humaniste . Concernant le dispositif héraldique et emblématique figurant sur la plate tombe, nous remarquerons que des oursons – emblème de la famille qui, avec muselière et chaîne, tapissent également les folios du livre d’Heures de Guillaume (Paris, BnF, NAL ms. 3226 ; Reynaud 1999) – figuraient aux pieds des portraits du défunts, tandis que les armes des Jouvenel des Ursins étaient gravées d’une part et d’autre de leurs visages, aux deux côtés des jambes de celui en armure et, suivant le schéma traditionnel, à l’intérieur de la bordure portant l’épitaphe, insérés dans des encadrements polylobés ."
Matteo Ferrari : https://armma.saprat.fr/monument/paris-notre-dame-chapelle-jouvenel-des-ursins/ .
Tombe en cuivre de messire Guillaume Juvénal des Ursins, capitaine des gens d'armes du roy, mort en 1472, le 24 juin, sur le marchepied de l'autel à gauche dans la chapelle des Ursins à droite du chœur de l'église de Notre-Dame
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Giovanni Colonna, Mare historiarum, Paris, BnF, ms. Lat. 4915, f. 21r
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Le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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Mais sur cette peinture, rien ne distingue Guillaume de son père ou de ses frères en armure, si ce n'est une taille très légèrement supérieure, un peu plus de prestance, un détail (les bagues du pouce et de l'annulaire gauche et de l'auriculaire droit), et surtout le prie-dieu sur lequel un livre est ouvert.
Le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le livre de prière.
Le livre est parfaitement réaliste, le tranchefil est bien visible, les tranches sont dorées, et deux rubans verts servant d'agrafes disposent de boucles d'or, perlées et munies d'un cordon tressé à pomme terminale.
Surtout, la reliure semble un drap en sac de transport, muni aux quatre coins d'une boule à franges de passementerie dorées : l'un des coins me semble plus long , pouvant permettre le blocage dans la paume lors du transport. Nous retrouvons un drap semblable, avec les mêmes boules à pompon, sur le portrait de Guillaume Jouvenel par Jean Fouquet en 1460-1465 (Louvre).
Les trois livres représentés sur cette peinture sont semblables et ouverts à la même page. Nous retrouvons les lettrines M, D, E, O et G, . On reconnait encore le début de Deus in adiutorium intende , puis le in tenpore déjà présent sur le deuxième livre (in illo tempore est l'incipit de l'évangile de Luc), et enfin le mot final Gloriam ou plutôt Gloria in [secula seculorum]. Ainsi que Et in avor tuum mei bonum res...
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Jean Fouquet - Portrait of Guillaume Jouvenel des Ursins vers 1460-1465. Remarquez les oursons tenant les blasons.
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Le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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Guillaume Jouvenel des Ursins a commandé de nombreux manuscrits enluminés. Il est le commanditaire notamment, nous l'avons vu, d'un manuscrit du Mare historiarum de Giovanni Colonna (BNF, Lat. 4915), décoré de 730 miniatures par les artistes d'un atelier dirigé par un artiste qui tire son nom de son mécène : le Maître de Jouvenel.
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Guillaume de Jouvenel commanditaire vers 1446 de la "Mer des histoires" de Jean Colonna.
La BnF conserve un Livre d'Heures de Guillaume des Ursins , enluminé , le BnF NAL 3226, avec onze miniatures en semi-grisaille par le Maître de Dunois dont 6 pour l'office de la Vierge, des initiales ornées, et des bordures comportant systématiquement l'ours, souvent colleté de rouge, et doté d'une chaine, ou muselé, emblématique des Ursins, mais sans la reliure d'origine. On y lit dans un phylactère en marge une devise, Servite Domino in timore et exultate ei in tremore. Les initiales sont assez proches de celles des trois livres de cette peinture.
Ci dessous les initiales ornées des versets Deus in adiutorium meum intende Domine ad adiu...
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Livre d'Heures du chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins BnF NAL 3226 folio 4v (Visitation)
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Livre d'Heures du chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins BnF NAL 3226 folio 13v (Nativité)
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Il possédait aussi des tapisseries, dont celle, tissée en Flandres et conservée au Louvre, reprenant le motif des marges du livre d'Heures aux oursons affrontés au pied d'un arbre, reprenant son chiffre (un I et J gothique?) très présent sur la bordure du livre d'Heures et ses armes, associées à deux autres écus (Sydenhall ?). Voir aussi un fragment conservé au Louvre.
La famille Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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11. Pierre Juvenal des Ursins escuier.
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Dans les documents concernant la famille Jouvenel; on n'entend plus jamais parler ni de Louis, ni de Denis ni de Pierre (A. Demurger). La mention "écuyer" laisse penser qu'il est mort avant d'occuper des charges plus honorables. Il ne porte pas de bague. Sa tête est fléchie, comme effacée.
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Pierre Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Pierre Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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12. Mischiel Juvenal des Ursins escuier et seigneur de La Chapelle-Gaulthier en Bry.
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Michel Jouvenel des Ursins, seigneur de Doué (acheté en ruines en 1443 après la guerre de Cent ans), seigneur de la Chapelle-Gauthier, d'Armentière et de Soignolles, panetier du roi, est bien connu. Il meurt en 1471, il est inhumé aux Cordelier de Troyes, ville dont il est le bailli de1455 jusqu'à 1461.
Il épousa le 25 novembre 1446 Yolande de Montberon. Son fils Jean , qui épousera Louise de Varie, reprendra le titre de seigneur de la Chapelle-Gauthier.
Il ne porte pas de bague : la peinture a-t-elle été réalisée avant son mariage ?
Il commanda avec son épouse un livre d'Heures en 1446, année de leur mariage [mais ce livre est daté de 1465-1470 par la notice]. Le BnF NAL 3113, réalisé à Troyes (les saints tourangeaux du calendrier sont particulièrement nombreux) est enluminé par 9 grandes miniatures en grisaille par le Maître de Michel de Jouvenel, dont la carrière s'est effectuée entre Troyes et Langres . Les ours, colletés, des Ursins, associés à des lévriers colletés, sont présents dans les marges. On constate combien le verset Deus in adiutorum ... est associé à chaque épisode des Heures de la Vierge
Le blason mi-parti Jouvenel/de Montbaron est en folio 44v. Le blason plein des Montbaron est au folio 27v.
Le blason des époux Jouvenel/de Varie — de gueules à trois heaume d'argent est en folio 141r.
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Visitation folio 27v
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Nativité folio 38v
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Apparition aux Bergers folio 44v
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folio 141v
Michel Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Michel Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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13. Très révérend père en Dieu messire Jacques Juvenal des Ursins archevesque et duc de Reims, premier pair de France, conseiller du Roy et président en la chambre des Comptes.
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Né le 14 octobre 1410, Jacques Jouvenel des Ursins est décédé le 12 mars 1457 à Poitiers, à l'âge de 46 ans.
"Chanoine, puis président des comptes et trésorier de la Sainte-Chapelle. En 1441, Il est archidiacre de Paris. il devint en 1444 archevêque de Reims, dignité dont il se démit en 1449 en faveur de son frère aîné Jean II Jouvenel des Ursins après qu'il eut été institué patriarche d'Antioche par le pape Nicolas V. Le 5 novembre 1449, il se voit confier l'évêché de Poitiers, et le 30 du même mois, celui de Fréjus, dignité qu'il échangea contre celle de prieur de Saint-Martin-des-Champs à Paris.
Il fit une brillante carrière ecclésiastique mais fut tout aussi brillant dans la diplomatie. Premier pair de France, avocat du Roi au Parlement de Paris rétabli (1436), il remplira avec beaucoup de réussite les diverses missions à l'étranger qui lui furent confiées.
Il fut un négociateur non négligeable lors des États généraux de 1439 tenu à Orléans où, avec Louis Ier de Bourbon-Vendôme, le comte de Vendôme, il prôna la paix.
Il fut l'un des protagonistes qui permit la fin du Grand Schisme d'Occident en notifiant en avril 1449 sa déchéance à Amédée (VIII) de Savoie, le dernier antipape sous le nom de Félix V. En récompense de quoi, il se vit attribuer le patriarcat d'Antioche." (Wikipedia)
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La figure de Jacques Jouvenel des Ursins est la copie de celle de son frère Jean, sauf que l'artiste a changé la crosse pour la croix d'archevêque de Reims, qu'il a à peine modifié le damassé, ou la plaque des gants, et qu'il a modifié quelques apôtres qui sont mieux distincts.
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Michel Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Michel Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Michel Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Michel Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Michel Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
Michel Jouvenel des Ursins, peinture vers 1445 provenant de la chapelle Saint-Rémy de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Photographie lavieb-aile 2023.
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CONCLUSION.
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Cette peinture ne fournit aucun portrait physique exact des treize personnages, bien qu'on trouve souvent leurs dessins coloriés copiés de ce tableau comme illustrations de leurs biographies. Ce sont les représentations standardisées de leurs titres et de leurs charges, avec un portrait idéalisé, à un âge identique et idéal lui-aussi, et sans distinction des membres vivants de la famille en 1445 d'avec les membres décédés . La comparaison avec le portrait de Guillaume Jouvenel, le chancelier, par Jean Fouquet permet de voir la différence entre les deux procédés et les deux attentes. Cela correspond, dans cette chapelle destinée aux sépultures familiales, à des figures funéraires, comme on les observe sur les gisants et autres monuments.
Néanmoins, et même précisément, c'est un excellent témoignage des pratiques liées aux fondations de chapelles, et du souci de s'en approprier le décor en soulignant le faste familial, et, ici, l'accès à la noblesse de ces marchands de draps de Troyes, multipliant le rappel de leurs armoiries.
Mon second article étudiera le registre supérieur, avec le décor armorié, sculpté et vitré de la chapelle fictive peinte pour accueillir ces treize personnages.
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SOURCES ET LIENS.
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— BATTIFOL (Louis), 1894, Jean Jouvenel, prêvôt des marchands de la ville de Paris (1360-1431), thèse, Honoré Champion
—BOUCHOT, Henri, Inventaire des dessins exécutés pour Roger de Gaignières et conservés aux départements des estampes et des manuscrits, Paris 1891.
—DEMURGER ( Alain), « La famille Jouvenel. Quelques questions sur un tableau », Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 1997 (1999), p. 31-56.
En mars 1415, le sire de Bourbon propose au chapitre de fonder une messe basse quotidienne, avec messe haute le dimanche, et de redécorer la chapelle Saint-Rémi, en laquelle seraient célébrés les offices. La proposition est apparemment sans suite. Vingt-six ans plus tard, les héritiers de Jean Jouvenel proposeront à leur tour au chapitre de leur concéder cette chapelle, dont ils renouvelleront le décor.
—FERRARI (Matteo), , Paris, Notre-Dame (chapelle Jouvenel des Ursins), base ARMMA/SAPRAT
—REYNAUD, (Nicole), 1999 « Les Heures du chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins et la peinture parisienne autour de 1440 », Revue de l’Art, 126, 1999, p. 23-35.
—KRAUS (Henry ), 1969 "New Documents for Notre-Dame's Early Chapels", Gazette des Beaux-Arts, CXI (1969). p. 121-134. k
—KRAUS (Henry ), 1970. "Plan of the early Chapels of Notre-Dame de Paris", Gazette des Beaux-Arts, CXII (1970). p. 271.
Les premières chapelles latérales de la cathédrale Notre-Dame n'ont assurément pas eu la même fonction. Toutefois, une documentation abondante et quelques vestiges de l'ancien mobilier des chapelles nous permettent de redessiner les conditions de leur fondation et de leur édification, ainsi que d'expliquer leur forme architecturale et leur place dans la genèse des oratoires privés latéraux des XIVe et XVe siècles. L
—PLAGNIEUX Philippe 1993 La fondation funéraire de Philippe de Morvilliers, premier président du Parlement. Art, politique et société à Paris sous la régence du duc de Bedford
Merci à monsieur René Pétillon, président du Comité de sauvegarde de la chapelle, qui m'avait accueilli durant la Journée du Patrimoine 2014 pour ma première visite, et qui a accueilli également le 26 novembre 2023 l'ensemble baroque Viva Voce de Catherine Valmetz pour un exceptionnel concert des Odes à sainte Cécile.
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LA MAÎTRESSE-VITRE OU VERRIÉRE DE LA CRUXIFIXION, ET DE SAINTE CÉCILE.
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PRÉSENTATION.
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Datation : vers 1500 et 2ème quart XVIe siècle (ensemble remanié vers 1540 ?).
Hauteur :3,50 m largeur 2,50 m
— Le vitrail a été restauré vers 1840 par le verrier quimpérois Cassaigne (Le Bihan).
—La verrière n'a pas été déposée pendant la Guerre de 39-45.
— Elle a été restaurée en 1981 par le maître-verrier Jean-Pierre Le Bihan qui en donne l'état avant restauration sur son blog.
C'est une baie à quatre lancettes trilobées composée de 16 panneaux de vitraux de hauteurs différentes, quatre par quatre. Les trois lancettes de gauche présentent une Crucifixion, la dernière à l’extrême droite étant réservée à la représentation de sainte Cécile. Tympan à 3 ajours et six écoinçons.
"De cette verrière, avant cette date qui annonce sa restauration, il ne restait plus en place que quarante-cinq pour cent de vitraux anciens. Les parties manquantes étaient en verre dépoli et quelques morceaux de couleur bleue en verre plat qui avaient été utilisés ici et là dont la robe de la Vierge. Ces éléments peuvent nous donner une approche d’une petite restauration postérieure à la seconde partie du xixe siècle. Cette façon de procéder, qui est plus proche de la conservation que de la restauration, est typique d’un atelier quimpérois comme celui de Cassaigne qui habitait place au Beurre, ne possédant pas de four, ni de grisaille et peut-être pas la main assez habile pour reprendre des pièces dans l’esprit des anciennes. Il restaurait ainsi, sauvant de la ruine certaine, de nombreux vitraux de la région quimpéroise. Cette verrière a été restaurée en 1981 par le maître-verrier Jean-Pierre Le Bihan et la chapelle dans son ensemble a été restaurée entre 1979 et 1987." (Wikipédia)
Chœur et maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
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LES LANCETTES.
Les quatre lancettes forment un ensemble homogène puisque 'elles partagent les mêmes socles et, pour A, C et D, les mêmes niches gothiques, mais les trois lancettes de gauche sont consacrées à une Crucifixion (le Christ en croix entouré de la Vierge et de saint Jean au pied de la Croix), tandis que la lancette de droite est consacrée à sainte Cécile, patronne des musiciens (on remarque ses orgues) et de la chapelle.
Mais cette homogénéité n'est qu'apparente : le fonds d'origine, qui inclut les dais gothiques, pourrait (Gatouillat et Hérold) être antérieure à 1500, tandis que le Christ, d'un style bien différent, est une réfection des années 1540, période où fleurissent les Grandes Crucifixions. Enfin, un fragment d'inscription du socle de la lancette A, VccX... inclue en ré-emploi dans une macédoine de fragment peut indiquer une date ambigüe (M VccX à M Xcc XL).
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Au XVe et au début du XVIe siècle, les vitraux du Finistère sont consacrés à la Passion (avec ses diférrents épisodes), puis vers 1530 plusieurs lancettes sont réservés, comme ici, à la seule Crucifixion.
Cette maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile s'intégre donc complètement à l' ensemble des verrières contemporaines créées par un atelier de Quimper dans tout le Finistère :
—Voir les 29 Passions des verrières du Finistère au XVIe siècle dont beaucoup sont attribuées à l'atelier Le Sodec à Quimper. Le Corpus Vitrearum VII permet d'en dresser une chronologie :
3e quart XVIe siècle (vers 1560), Quéménéven église Saint-Ouen : Attribuable à l'atelier Le Sodec . Cartons communs (Le Bihan) avec Guengat, Gouezec et Guimiliau, ou La Martyre et La Roche-Maurice (Gatouillat). Larmes de compassion (une seule femme). Pas d'inscription ni de verres gravés.
3e quart XVIe siècle Tréguennec ; Attribuable à l'atelier Le Sodec. 5 lancettes dont une Grande Crucifixion centrale.
3e quart XVIe siècle : Ploudiry. 3 lancettes consacrées à une Grande Crucifixion, proche de celles de La Roche-Maurice, La Martyre, etc.
4e quart XVIe : Pont-Croix. Attribuable à l'atelier Le Sodec. 6 lancettes de la Vie du Christ à un couple de donateurs (Rosmadec).
Je reprends ic les descriptions de Gatouillat et Hérold, et de Jean-Pierre Le Bihan 2007.
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1) Lancette A ( celle de gauche) :
La Vierge, manteau bleu servant de voile, robe pourpre, dans une niche à dais gothique important. Le socle intégre une inscription de datation [mil] VccX . Panneaux partiellement restaurés, avec des fragments interpolés (panneau du buste vers 1500, complétement moderne en dessous).
"Elle est présentée debout dans une niche avec dais et socle dont le fond est de couleur rouge, et passe derrière un sol arrondi et vert parsemé de plants d'herbes qui est celui du Golgotha, que l'on retrouve derrière le Christ en Croix.
D'origine, il nous reste dans le haut, le buste et quelques pièces de colonnes. La partie basse a conservée ses petits pieds chaussés et une partie de la robe.
Marie, le visage de trois quart, tourné vers le Christ, a les mains jointes et relevées sur sa poitrine. Son est protégée par le voile que fait sa robe bleu aux bords agrémentés d?une suite ininterrompue de bâtonnets encadrée de traits unique sur le côtés et double du côté intérieur . cette robe est relevée et le pan est serré sous le coude gauche. Le visage, après un léger nettoyage à l?eau qui a supprimé les mousses emplissant les cratères très nombreux, apparaît comme celui d?une personne âgée, au regard vif. Un voile blanc enserre et maintien le cou. Une robe violette se pointe sous le manteau et sur les pieds. Le nimbe qu'elle porte est posée verticalement Le bord est légèrement uni, des stries qui proviennent du Moyen Age imitent des rayons lumineux animent un champ où la grisaille et le jaune d'argent font la lumière. Cette teinture a protégée le verre où sont absent les cratères.
Le socle a conservé quatre pièces d'origine très attaquées. Il y a été incorporé des pièces trouvées en des endroits insolites du vitrail, pièces diverses que l'on trouvera aussi dans les autres éléments d'architecture comme les dais et les socles.
Le dais avait conservé à peu près la moitié des pièces d'origine, plus une pièce représentant une voûte d'autre provenance.
Il est composé de trois étages et la lumière qui éclaire les aspérités semble venir de la gauche. Les couronnements des deux premiers étages partent en oblique, de chaque côté d'un pinacle central avec cul en pendentif. Il se terminera par le dernier fleuron de la tête de lancette. Le parti pris en oblique nous offre une perspective dont le centre ne peut être que le milieu de la lancette, soit pour certaines la taille des personnages.
Le premier couronnement, qui est plus proche d'une balustrade, est orné de boudins et fleurs à trois pétales. Il donne au milieu la naissance à un pinacle ornementé de feuilles de choux, décor que l'on retrouve sur les deux gables inférieurs aux lignes concaves. Trois baies cintrées, dont une cachée derrière le pinacle, percent de chaque côtés cette façade. Le deuxième fronton, encadrées de deux pinacles est percé de deux baies à trois lancettes et réseau. Ces baies sont incorporées dans un gable se terminant par un fleuron. Par devant ce dais passe l le bout droit du bars horizontal de la crois sur lequel est cloué la main aux doigts recroquevillé du Christ en Croix. Il en sera de même pour le dais de la lancette C avec la main gauche du Christ. Ce dais repose sur les côtés sur des colonnes. Ces dais seront les mêmes pour toutes les lancettes sauf celle où l'on a le Christ en Croix. Ce genre de dais se retrouve au Faouët à Saint-Fiacre et à la Cathédrale Saint-Corentin de Quimper, spécialement dans la baie 12" (Le Bihan)
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Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
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2) lancette B :
Christ en croix (tête traitée à la sanguine), entouré de deux anges en prières* debout sur des colonettes. Golgotha avec des ossements d'Adam (vers 1540, peu restauré). Le panneau inférieur est moderne.
*Ces deux anges sont accompagnés d'une pièce de verre bleu ; Ils évoquent les "anges hématophores" recueillant le sang du Christ, présents sur le calvaire de la chapelle.
— Le restaurateur J.P. le Bihan fait remarquer que les deux os entrecroisés au pied de la croix sont (étaient) sertis "en chef d'œuvre" (c'est à dire sans que la pièce ne soit reliée par des plombs aux autres plombs : elle est sertie dans le verre qui la reçoit, ce qui est une prouesse technique).
— Le panneau 2 (au dessus du crâne) porte une vue de paysage urbain (Jérusalem) à l'arrière-plan.
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"Le Christ est cloué les bras à l'horizontal, et les deux pieds posés, le droit sur le gauche et transpercés par un très gros et long clous qui semble montrer la tête d'Adam.
Elle repose sur un tapis d'herbes, les cavités des yeux ainsi que la tête tournés vers le Christ. La fracture du nez est représentée sous la forme d'un V renversé. Quatre dents indiquent la mâchoire supérieure. Dessous deux os de tibia se croisent dessinant un X. La pièce, un chef d'œuvre, montre la dextérité de cet atelier, dextérité que l'on trouve aussi dans le voile bleu de Marie. De l'autre côté, toujours dans l'herbe verte, une omoplate.
Revenons au Christ. La Croix est exécuté dans un bois à la face bien raboté. Sur les côtés les veines du bois sont dessinées. Nous ne pouvons savoir comment elle était plantée, le panneau inférieure ayant disparu. La plaie du côté droit laisse couler trois traînés de gouttes de sang qui disparaissent sous le linge blanc qui est serré à la taille par un nœud sur le côté gauche.
La tête est penchée sur sa droite, entraînant avec elle une moitié des cheveux traités à la sanguine tandis que l'autre reste sur le dos. La couronne d'épines repose sur eux et sur la peau du front où elle a laissé son empreinte. Le visage, avec sa barbe pointue et rousse, à deux pointes prend une forme triangulaire. Les yeux sont clos, la bouche fermée, il est mort, Des gouttes de sangs coulent et sèchent sur le haut de son buste.
Penchons nous sur cette tête et ce buste du Christ. Tout indique pour ces pièces une intervention d'une autre époque. Pour témoin, le verre n'est pas attaqué ou si peu. La sanguine forte qui est employé pour ses cheveux et sa barbe sont d'une autre époque que la verrière d'origine, c'est à dire, les dais, la Vierge, le Golgotha et Jérusalem, ainsi que les restes de la sainte Cécile., et où elle n'est pas présente. Objet ou résultat d'une restauration du milieu XVIe ?
Au dessus d'un nimbe crucifère au jaune d'argent, le titulus en noir sur fond blanc. Au haut des colonnes des côtés, debout sur un chapiteau qui reprend les boudins et les fleurs à trois pétales des dais, deux anges se font face les mains jointes. Ils se découpent sur le fond de ciel rouge qui descend jusqu'à la Jérusalem qui se cache derrière un rempart à créneaux encadré de chaque côté par une tourelle à toiture pointue. Derrière, pignons triangulaires de maisons de chapelles. Une église domine les toits. Le mont Golgotha trace sa courbe jusqu'à ces murs." (Le Bihan)
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Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
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3) Lancette C :
Saint Jean, très restauré. Notez le damassé de la robe dorée (et les deux boutons à l'échancrure), et le mantelet pourpre à col et à manches d'hermine, inhabituel. Cela suggère, fort judicieusement à mon sens, à J.P. Le Bihan qu'il s'agit du portrait d'un donateur, dans l'attitude habituelle de l'orant mains jointes. Mais la fourrure d'hermines est étonnante pour un donateur.
La belle tête est finement peinte, la grisaille étant hachurée comme par une technique de graveur. Selon Gatouillat et Hérold, elle a été refaite au XIXe siècle. Le Bihan fait remarquer la courte barbe ; il ne peut s'agir alors de saint Jean.
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"Il est difficile de voir saint Jean en ce personnage hybride sur fond rouge. Il s?agit plus sûrement d?un donateur mis à cette place à une certaine époque. Atout de ce personnage les mains jointes comme ont les orants. Il est vêtu richement manteau vert à riche damas doublé d'hermines, robe jaune, aussi à damas, s'ouvrant pour laisser passer la tête, indiqué par la présence de deux boutons sur l?échancrure. Il porte aussi une ceinture à glands de couleur rouge. Un petit sac ou aumônière en hermine pend au côté droit. Il semble porter des gants et une bague à l'annulaire; Chanoine ? Seigneurs ? La présence d?hermine pourra-t-elle nous aider ? Les éléments de fourrure d'hermine ont une apogée d'utilisation au tournant des années 15OO. De fourrure intérieure, elle déborde sur les cols, les manches, et prend la forme entre autres d'écharpes. Symbole de pouvoir, elle est aussi celui de la pureté.
La tête est une pièce rapportée. Tout d'abord, on peut remarquer qu'elle n'est aucunement attaquée. Elle fait la différence avec le visage de la Vierge et même avec ses propres mains. Au bas du cou apparaît un morceau de col de chemise qui ne colle pas du tout avec le vêtement que le personnage porte. C'est bien le visage d'un saint, le nimbe ne permet pas de se tromper. C'est de plus un très beau visage. Bien peint, probablement de la fin XVe. Certes ces cheveux bouclés peuvent faire penser à saint Jean, dont il occupe la place. Mais il porte une fine barbe et saint Jean, suivant la tradition était imberbe. D'où vient cette tête ? À qu'elle époque est-elle arrivée ici ? Ce sont tout ces mystères qui souvent font l'originalité d'une oeuvre." (Le Bihan)
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Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
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4) Lancette D :
Sainte Cécile , debout dans un édicule identique aux lancettes A et C, est accompagnée d' un orgue portatif à sept tuyaux. Elle tient la palme du martyre . Panneau daté vers 1500, restauré au XIXe siècle, notamment la tête, et en 1981 (date en bas à droite) ; instrument ancien. Manteau rouge à fermail en pierrerie bleue; robe dorée au damassé identique à celle de saint Jean, mais qui me paraît être dû à un restaurateur, sans motif figuré. Le fond bleu est aussi damassé, mais ici d'un motif à palmettes et œillets qui me semble authentique.
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"Le tableau des pièces accumulées dans ce personnage était irréel. En haut, à gauche, l'orgue portatif en 14 morceaux plus un trou. La main qui le porte se devine. Au milieu sur un panneau, crevé de pièces de verre dépoli, on découvrait une amas de morceaux de vêtement divers, parmi lesquels on pouvait trouver tour d'abord, un manteau ample de couleur rouge, dont las pans seraient fermés à la hauteur d'une poitrine par un énorme bouton, puis, une robe à damas jaune, une main gauche sortant d'une manche ample au revers blanc tenant une palme verte, un élément d'architecture gothique posé horizontalement au ras d'un cou d'une tête d'homme au verre très attaqué, tête portant une coiffe faite de morceaux de verres de divers paroisses. Il y avait à la bonne place un nimbe fait lui aussi avec des éléments de trois nimbes différents. Le fond, c?était deux pièces de verre bleu avec un damas présentant un semis de fleurs. Le plus gênant, était que tout concourait pour donner un personnage au ventre proéminent. Sur les côtés, les pièces des colonnes encore en place étaient nombreuses." (Le Bihan)
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Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
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TYMPAN.
Trois écus modernes fantaisistes (1981). Écoinçons marqués d'un monogramme IMAS au cœur transpercé de clous, et à la croix.
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Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Maîtresse-vitre de la chapelle Sainte-Cécile. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
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LES VITRAUX D'HORTENSE DAMIRON. QUATRE BAIE DONT UN OCULUS EN QUADRILOBE.
Les cartons sont d'Hortense Damiron (Malakoff). Le projet a obtenu le grand prix "Pélerin" du patrimoine et une aide de 3000 €.
Ils ont été réalisés avec la collaboration de Bruno Loire et des Ateliers Loire à Lèves près de Chartres.
Ils ont été installés entre le 14 et le 17 juin 2022, et ont été bénits lors du pardon de Sainte-Cécile le 19 juin 2022.
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"Ce qui m’intéresse est la mise en dialogue entre les énergies du lieu et leurs significations.
Par exemple dans le Quadrilobe, en haut, la ligne bleue est parallèle à la « rivière souterraine » coulant au centre de l’allée qui conduit jusqu’à l’autel,et la petite déviation bleue en bas à gauche nous montre la direction de la fontaine." (Hortense Damiron)
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Vitraux d'Hortense Damiron 2022. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
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"Les trois autres verrières se lisent dans la continuité.
Les jaunes, roses à l’or, oranges et rouges, tournent à l’horizontale encerclant la chapelle de l’Amour des nourritures célestes, et de l’or des blés, évoquant Saint-Cilio, Saint d’origine de la chapelle qui le premier a clôturé les champs. Puis, Sainte-Cécile est arrivée ! Notre Sainte Patronne de la Musique, et, dans des ciels idéalisés par des bleus multiples, et une « accélération » par le dessin des plombs de différentes largeurs, nous nous laissons entraîner par la Musique des Sphères...
Ici, je vous propose non seulement de regarder le spectacle de l’image changeant à tout moment grâce à ces verres de couleur, tantôt opalescents, tantôt transparents, mais aussi, par la force de leur projection, de faire l’expérience d’un « bain de lumière et de couleurs » rendu possible, par ces verres incomparables, soufflés à la bouche suivant une technique préservée depuis des siècles... Hortense Damiron.
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Vitraux d'Hortense Damiron 2022. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Vitraux d'Hortense Damiron 2022. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Vitraux d'Hortense Damiron 2022, vue de l'extérieur. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Vitraux d'Hortense Damiron 2022. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
Vitraux d'Hortense Damiron 2022, vue de l'extérieur. Photographie lavieb-aile novembre 2023.
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SOURCES ET LIENS.
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—ABGRALL (Jean-Marie) , 1890, « Chapelle de Sainte-Cécile, en Briec », Bulletin de la Société archéologique du Finistère,
—GATOUILLAT (Françoise), Michel Hérold, 2005, Les vitraux de Bretagne, Collection "Corpus Vitrearum", Vol. VII, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2005, 367p., p. 120-121.
"C'est une baie à quatre lancettes trilobées composée de 16 panneaux de vitraux de hauteurs différentes, quatre par quatre. Les trois lancettes de gauche présentent une Crucifixion, la dernière à l’extrême droite étant réservée à la représentation de sainte Cécile.
Actuellement, seule subsiste de la chapelle originelle la verrière du chevet. Le xvie siècle avait fourni à cette chapelle au moins deux autres verrières dont nous avons la description. Les sujets étaient, dans la grande baie du transept sud, une vie de sainte Cécile, et dans la petite baie est du transept nord une Annonciation. En dehors de ces descriptions, nous savons peu de choses sur leur disparition. En 1878, dans un ouvrage sur le vitrail en Bretagne, Auguste André reprend un article paru dans un Bulletin de la Société archéologique du Finistère. Puis ce fut en 1890, le tour du chanoine Abgrall qui fit une description détaillée de la chapelle3, et decrivit en 1904 les vitraux dans un article qui fut repris en partie en mars 1906 par la Revue d’art sacré. En 1922, Corroze et Gay en auraient pris des photos, données par la suite au chercheur Jean Lafond, photos qui demeurent introuvables.
Ces vitraux, ainsi que celui subsistant actuellement, ont été classés en 1906. Sur la disparition des deux vitraux, on ne sait que peu de choses. Jean Lafond indique que, lors de son passage, ils ont déjà péri de misère, et que celui du chœur est dans un état pitoyable. On peut se poser aussi la question d’une dépose des restes par un verrier en vue d’une possible restauration qui n’a pas abouti ; la mémoire locale semble l’affirmer.
De cette verrière, avant cette date qui annonce sa restauration, il ne restait plus en place que quarante-cinq pour cent de vitraux anciens. Les parties manquantes étaient en verre dépoli et quelques morceaux de couleur bleue en verre plat qui avaient été utilisés ici et là dont la robe de la Vierge. Ces éléments peuvent nous donner une approche d’une petite restauration postérieure à la seconde partie du xixe siècle. Cette façon de procéder, qui est plus proche de la conservation que de la restauration, est typique d’un atelier quimpérois comme celui de Cassaigne qui habitait place au Beurre, ne possédant pas de four, ni de grisaille et peut-être pas la main assez habile pour reprendre des pièces dans l’esprit des anciennes. Il restaurait ainsi, sauvant de la ruine certaine, de nombreux vitraux de la région quimpéroise. Cette verrière a été restaurée en 1981 par le maître-verrier Jean-Pierre Le Bihan et la chapelle dans son ensemble a été restaurée entre 1979 et 1987."
La chapelle Sainte-Hélène a été reconstruite en 1755 dans un style néo-classique, à partir d’un réemploi de pierres plus anciennes datant de la première édification vers 1480. Elle a alors perdu son orientation vers l'est . Ce qui a été préservé de ses vitraux a été regroupé dans les deux fenêtres de la première travée de la nef, les baies n°7 et 8. Six scènes de la Passion proviennent sans doute de l'ancienne maîtresse-vitre exécutée vers 1570, et qui était jadis cimée, selon un procés-verbal de 1752, des armes de France et de Bretagne, au dessus des armes des Penfrat (Penhoët) d’azur à l’éléphant d’argent chargé d’une tour d’or, à droite, et à gauche d'armes d’azur au léopard rampant d’argent armé et lampassé de gueules, chargé au poitrail d’un losange d’or, que je n'ai pas su attribuer, et plus bas d'azur à la tour d'or . Une autre vitre portait un blason écusson d’azur au sautoir d’or cantonné de quatre croix d’or.
Les vitres bénéficièrent de divers travaux de restauration :
-En 1640, Mathieu Bernard, peintre vitrier, maître peintre verrier, aussi auteur de restauration avec son frère Yvon, à Plogonnec, répare les vitraux, 18 livres.
-En 1709, Laflandre de Quimper fait pour 45 livres 12 sols de travaux.
-En 1751, Jean Dubois, peintre vitrier, fait dans cette chapelle 109 livres de travaux. La même année il est en l’ église Saint-Herlé de Ploaré, et travaille sur les vitraux pour 109 livres. On le retrouve pour des travaux en Cornouaille, en1741, à Primelin,en la chapelle Saint-Tugen, avec des travaux se montant à 60 livres pour la vitre du grand chœur. En 1748, il est à Pont Croix, en l’église Notre-Dame-de-Roscudon,une fois seul , une fois avec Villereux pour plomber la vitre du rosaire, 160 livres,Il y retourne en 1751 pour mise en plomb de la maîtresse vitre. Il est à Pleyben en 1754, , chapelle de la congrégation, 180 livres de travaux.
En 1752, est donnée la description de la maîtresse vitre, détaillant les blasons mais n'indiquant aucun donateur.
En 1875, un chevet à trois pans fut reconstruit, et l'atelier du Carmel du Mans réalisé deux verrières pour l'éclairer.
En 1983-84, l'atelier de vitraux Jean-Pierre Le Bihan, maître-verrier de Quimper procéda à la restauration de l’ensemble des vitraux .
Je reprends principalement dans ma description celle de Vitraux de Bretagne de Gatouillat et Hérold 2005. Ma contribution porte, outre la documentation iconographique détaillée et commentée, 1) sur l'attribution du blason à l'éléphant à la famille de Penfrat, qui possédait le manoir de Kerdanet à Poullan-sur-mer et la terre de Lannouan en Mahalon ; 2) sur l'attribution précise des inscriptions de la baie n°8 au Livre de Job.
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La baie n°7 : verrière recomposée de la Passion (vers 1570).
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Deux lancettes en plein cintre à deux registres, et un tympan à trois ajours, de 2,30 m de haut et 1,15 m de large.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Registre inférieur, lancette A : L'arrestation de Jésus, le Baiser de Judas.
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Comme dans les Passions finistériennes du XVIe siècle (une cinquantaine sont décrites dans ce blog, beaucoup provenant de l'atelier Le Sodec de Quimper), la scène associe le Baiser de Judas tenant sa bourse aux trente deniers, le mouvement des soldats se préparant à l'arrestation (avec les armures et le casque en hublot bien reconnaissable ), et la scène où Pierre tranche l'oreille de Malchus, serviteur du grand prêtre.
Verres colorés, verres blancs peints à la grisaille, à la sanguine et au jaune d'argent.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Registre inférieur, lancette B : La comparution devant Pilate.
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Tandis que la foule manifeste sa violence envers Jésus, Ponce Pilate le condamne à la mort, tout en se déchargeant de toute responsablilité en se lavant les mains. Jésus, de façon anachronique par rapport au récit évangélique, porte déjà la couronne d'épines.
Dans toutes ces scènes devant Pilate, sur les verrières mais aussi sur les gravures ou bas-reliefs, le chien blanc, signe du luxe des cours princières, est présent.
Quelques beaux portraits, comme celui de Jésus au visage sanguinolent. Cette insistance sur le sang versé est une constance de ces Passions du XVIe siècle.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Registre supérieur, lancette A : La Crucifixion.
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D'habitude, les soldats et cavaliers encadrent la croix, et Longin portant la lance qui frappe le flanc du condamné, est à droite. Ici, ils ne sont présents qu'à sa gauche.
À droite de la croix , Marie, en bleu, est soutenu par saint Jean, en manteau rouge et robe verte. Deux saintes femmes essuient leurs larmes. Ce rôle des larmes versées est, dans la mystique de l'époque, la réponse exemplaire face au sang versé. L'état de conservation, et les plombs de casse, ne permettent pas de préciser si des larmes sont vraiment figurées aux yeux de Jean et de la Vierge.
Fond bleu à architecture évoquant Jérusalem.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Le sang s'écoulant des cinq plaies est peint de façon ostensible. Il s'écoule le long de la croix, devant laquelle Marie-Madeleine, en rouge, est agenouillée mains jointes. Ici, les trois larmes sont très visibles, avec leur filet se terminant en ampoule, comme sur de nombreuses verrières de l'atelier quimpérois, ou comme sur les calvaires de l'atelier de sculpture du kersanton des Prigent de Landerneau.
Le harnachement des chevaux, et en particulier le modèle des mors, est également caractéristique, mais la présence d'une ferrure de protection du chanfrein est plus rare.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Registre supérieur, lancette B : La Résurrection.
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Le Christ se dresse sur le tombeau, portant le manteau rouge glorieux et l'étendard de sa victoire sur la mort, mais montrant chacune de ses plaies attestant de son supplice et de sa mort. Certains des soldats qui le gardent sont plongés dans le sommeil, et d'autres sont éblouis.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Les scènes sont adaptées dans une architecture à entablement et dais ornés du putti, réalisées au XXe siècle mais s'inspirant de modèles quimpérois du XVIe siècle.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Le tympan : buste en réemploi, saint Pierre et sainte en prière (vers 1530-1540).
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Saint Pierre est surtout identifiable par le toupet persistant en ilôt sur sa calvitie. Il dépasse de nuées qui sont surtout visibles autour de la sainte, comme dans les Jugement derniers.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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La baie n°8 : verrière composite de la Passion, du Jugement dernier et du Livre de Job (vers 1570).
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Registre inférieur, lancette A : L'Agonie au Jardin des Oliviers (vers 1570).
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Le Christ en bleu, prie devant un calice placé au dessus de lui, tandis que les apôtres Pierre, Jacques et Jean se sont endormis. Le jardin est entouré de palissades, et devant la porte, Judas (roux, tenant sa bourse) se prépare à guider les soldats et à leur désigner Jésus.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Registre supérieur, lancette A : Le Portement de Croix (vers 1570).
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Jésus, ligoté, frappé par les soldats, chancelle, malgré l'aide se Simon de Cyrène.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Registre supérieur, lancette B : Le Christ du Jugement dernier dans une gloire d'or (peu restauré, plombs de casse, vers 1550 ?) ; et fragments de personnages très restaurés.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Registre supérieur, lancette B (suite) : architecture ornée de putti (XXe siècle).
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Registre inférieur, lancette B : scènes du Livre de Job (vers 1570).
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a) Un homme tenant la houlette de berger lève le doigt vers le phylactère supérieur qui dit : CALDEI TULERUNT --MELOS
Il s'agit d'un fragment de verset du livre de Job 1:17 :
Sed et adhuc illo loquente venit alius et dixit: “Caldei fecerunt tres turmas et inuaserunt cameloset tulerunt eos necnon et pueros percusserunt gladio et ego fugi solus, vt nunciarem tibi.”
"Il parlait encore, lorsqu'un autre vint et dit: Des Chaldéens, formés en trois bandes, se sont jetés sur les chameaux, les ont enlevés, et ont passé les serviteurs au fil de l'épée. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle."
L'homme est donc ce messager survivant au massacre et qui vient avertir Job .
Ce drame fait suite aux épreuves identiques par lesquelles Satan met la foi de Job à l'épreuve : la perte de ses bœufs et annesses et le massacre de ses serviteurs (versets 14-15) et l'incendie qui a frappé ses brebis et ses serviteurs (verset 16).
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b) Un personnage au premier plan, richement vêtu, fléchit le genou devant un paysage urbain. Il lève la main vers le ciel et est entouré d'un phylactère indiquant DO [mus quae corrue]EnS OPPRESSIT LIBEROS
Il s'agit d'une citation du Livre de Job Job 1:19 :
repente ventus vehemens inruit a regione deserti et concussit quattuor angulos domus quae corruens oppressit liberos tuos et mortui sunt et effugi ego solus ut nuntiarem tibi
"[ 18 Il parlait encore, lorsqu’un autre vint et dit : Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère aîné ; 19.et voici, un grand vent est venu de l'autre côté du désert, et a frappé contre les quatre coins de la maison; elle s'est écroulée sur les jeunes gens[ont écrasé tes enfants], et ils sont morts. Et je me suis échappé moi seul, pour t'en apporter la nouvelle."
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Le personnage est donc également le survivant qui vient avertir Job de la mort de ses sept fils et ses trois filles.
Job réagit à cela en restant fidèle à Yahvé : "Alors Job se leva, déchira son manteau, et se rasa la tête ; puis, se jetant par terre, il se prosterna, et dit : Je suis sorti nu du sein de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. L’Éternel a donné, et l’Éternel a ôté ; que le nom de l’Éternel soit béni !".
Nous pouvons penser que cette scène formait un commentaire de la Passion , et en particulier à la scène de l'Agonie du Christ lors de laquelle Jésus répète, en prière d'abandon, « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. »
C'est néanmoins un exemple unique de cette analyse typologique de la Passion dans les verrières finistériennes, ce qui donne toute sa valeur à ce panneau.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Le tympan de la baie n°8 : 3 fragments en réemploi. Tête d'un clerc ; buste d'une sainte couronnée (complété) ; fragment d'un ange portant la croix, très restauré.
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Les vitraux (vers 1540 et 1570) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Le tympan de la baie n°3 : lapidation de saint Étienne (vers 1540).
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De part et d'autre du chœur, les baies n°3 et 4 sont des verrières néoclassiques à symboles colorés posées vers 1840. Ces compositions plus élaborées que la production courante de l'époque sont remarquables par leur technique, avec des mises à plombs complexes comprenanrt des pièces posées en chef-d'œuvre.
"Saint Etienne est présenté avec tous ses attributs ; il est à genoux, les yeux ayant la vision du Christ, il porte la dalmatique, le vêtement des diacres, ce qu’il est, les pierres de la lapidation jonchent le sol. Les verres sont en très bon état, certains épais, comme la couleur verte, atteignent 5 mn, les bleus sont bullés et la coupe est faite au fer rouge." (Le Bihan)
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Les vitraux ( v.1570 et 1840) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux ( v.1570 ) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Le tympan de la baie n°4 : buste de la Vierge d'intercession du Jugement dernier ? Fragment en réemploi, 3ème quart XVIe siècle.
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"Baie 4, dans oculus de 0,40x0,40 Sainte Hélène
Datation fin XVIe, panneau de vitrail posé à l’envers à la fin XIX°. Relevé en 1986 .
Restauration début XIXe au plus tard par un atelier n’ayant pas de four, ni de grisaille, qui ne rabat pas les plombs. Pour le visage cet atelier met une pièce de verre dépoli et une pièce ancienne pour voile.
Représentation : buste d’une vierge en prière, voile blanc et jaune d’argent, robe dans un bleu plaqué, deuxième robe brune aussi en verre plaqué. Nimbe au jaune d’argent. Sur la droite, deux mains jointes, sur la gauche, pièces de robe bleue qu’on retrouve à droite. Grisaille noir posée au trait, lavis en demi-teinte, sanguine sur certaines parties des mains et visage ainsi que sur pièces au jaune d’argent. Verre coupé au fer rouge. Même atelier qu’à Garnilis en Briec dont il ne subsiste que peu de pièces d’origine. Les pièces bouche-trous proviennent d’un jugement dernier proche de Kergoat.
Du vitrail fin XIX°, il ne reste même pas un quart en 1983. Sur fond de losanges, au centre une grande croix de couleur marron avec au croisement des bras de la croix un graphisme rappelant la couronne d’épines. De ci de là, dans losange, incrustation d’étoiles de couleurs jaunes. Têtes de lancettes avec graphisme rappelant le dais avec cul de lampe. Dans le réseau, sur fond de pièces bleues, genre couronne mortuaire de couleur verte d’où tombe une grappe de feuilles blanches." (Le Bihan)
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Les vitraux ( v.1570 et 1840) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
Les vitraux ( v.1570 ) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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Baie de la fenêtre haute du fond de la nef : création de Jean-Pierre Le Bihan, maître-verrier de Quimper, 1986.
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Les vitraux ( v. 1986) de la chapelle Sainte-Hélène de Douarnenez. Photographie lavieb-aile août 2023.
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SOURCES ET LIENS.
—ABGRALL (Jean-Marie), 1907, Notice sur Douarnenez, Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper pages 133-134.
Vitraux : Les deux verrières anciennes conservées, de chacune quatre scènes, sont de facture inhabile mais originale, peut-être d'un artisan espagnol, fin du XVIe siècle (C.). Côté nord : Arrestation de Jésus, Notre Seigneur devant Pilate, Crucifixion et Résurrection. - Côté sud : Agonie, Portement de croix, Ascension (?), donateurs avec sainte Hélène.
— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel); 2005, Le vitraux de Bretagne, Corpus vitrearum VII, PUR édition, page 124-125, ill.
— OTTIN (Louis), 1896, Le vitrail, son histoire, ses manifestations diverses p. 246-247.
"Douarnenez (prononcez Douarnené). — A gauche et à droite quand on entre dans l’ancienne église de Douarnenez (Sainte Hélène) on a deux fenêtres dans lesquelles un vitrier plus ou moins habile a intercalé assez malheureusement huit vitraux du xvr° siècle qui ont trait à la vie de Jésus. — Ce sont, à gauche : le Crucifiement; le Christ descendant aux limbes; Caïphe se lavant les mains, et le baiser de Judas. Cette dernière scène est fort originale mais très mal restaurée. On voit sur le premier plan Malchus saignant de son oreille coupée que saint Pierre à côté tient à la main. La fenêtre de droite contient à son tour : le Portement de croix, l’Ascension, le Jardin des Oliviers et enfin pour dernier tableau, selon toute probabilité, le portrait du donateur agenouillé, ayant devant lui une banderole contournée portant les lettres suivantes : ES : OPRESSIT LIBEROS CALDEI TVLERVNT MELOSt. Un pâtre, sa houlette à la main, est derrière le donateur également agenouillé. Ces vitraux, certes, ne sont pas beaux, le dessin en est sauvage et l'exécution brutale, mais ils ont, en dépit de tout, une facture fort originale et qui sort de la banalité ordinaire.
Que l’on pourrait à la rigueur traduire de la sorte, en supposant toutefois dans cette inscription quelques fautes d'orthographe provenant du peintre : æs oppressit liberos, Chaldei tulerunt melos — les armes ont asservi ceux qui étaient libres (mais) les Chaldéens ont apporté la musique (pour se consoler dans l'esclavage)."
Recherches et propositions sur le tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).
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PRÉSENTATION.
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Le porche sud de l'église Saint-Jean-Baptiste surmonté d'une salle d'archives, fut fondée, selon une mention du registre de paroisse fol.42 vérifiée par Alfred Le Bras, mais non datée [XIXe], par "François Du Mené, chambellan du duc de Bretagne François II (1458-1488) avec les enfants du célèbre maître qui construisit la merveille du Folgoat". Effectivement, Emmanuelle Le Seac'h l'attribue au second atelier du Folgoët, comme celui de Saint-Herbot, et le date vers 1458-1488 : on y voit l'influence du Premier atelier ducal du Folgoët, au Folgoët (1423-1433), au Kreisker de Saint-Pol-du-Léon (entre 1436 et 1472), à Notre-Dame-des-Portes de Châteauneuf-du-Faou (1438), à Kernascléden (vers 1433-1464), Saint-Fiacre du Faouët (vers 1450) et à l'église Notre-Dame de Quimperlé (1420-1450), à La Martyre (1450-1468), et à Rumengol (vers 1468).
Voir la description de ces porches dans ce blog avec l'onglet "rechercher".
Un entrait (poutre) de l'aile nord du transept porte l'inscription : L’an mil cinq cent commencée ceste chapelle par Charles Clévédé et Marie (*) [de Pestivien?] …, et plus loin Olivier [une équerre] Lauset ma faet bo(nn)e.
(*)J.P. Rolland lit "Marguerite".
Selon le dossier de l'Inventaire :
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Le patronyme Lauset (LAUZET) est attesté un peu plus tard (XVIIe) à Paule (22) et Plévin (22).
Nous disposons donc de ces deux dates : porche sud avant 1488, et charpente du transept en 1500 : la verrière étudiée ici est donc selon toute vraisemblance un peu postérieure à 1500. Son fenestrage rayonnant du XIVème siècle serait d'influence anglaise.
"En forme de T, l'église comprend une nef avec bas-côtés de six travées avec chapelles en ailes au droit de la dernière et chapelle accolée au bas-côté nord au droit des troisième et quatrième travées. Lambrissée et toute en taille de grand appareil, elle date en majeure partie du début du XVIème siècle. Le clocher-mur, plus récent, porte la date de 1585 et la sacristie celle de 1818.
Au chevet, l'on a réemployé un fenestrage rayonnant du XIVème siècle d'influence anglaise. En 1931, la croix et la pointe du clocher, furent démolies par la tempête et la fenêtre abîmée, ils ont été réparés aussitôt. L'église de Plourac'h est en majeure partie du début du XVIème siècle ou de la fin du XVème siècle, avec réemploi de fenestrages du XIVème siècle. Le porche sud date de 1506 et le clocher date de 1585-1637." (René Couffon)
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Le tympan de la baie est de la chapelle nord du chœur , avec son décor armorié original réalisé vers 1500, fut déposé en 1974. Des travaux importants sur la charpente et la couverture, et de drainage de l'église, furent entrepris en priorité, tandis que les panneaux démontés du vitrail étaient conservés à l'atelier Hubert de Sainte-Marie à Quintin. C'est là que F. Gatouillat et M. Hérold les examinèrent pour leur description dans Les vitraux de Bretagne, page 106.
Entre 2001 et 2009, les vitraux de l'église furent restaurés et composés par l’atelier Hubert de Sainte Marie de Quintin (22) sous la conduite de Mickaël Messonnier.
"Il a été nécessaire de reprendre les remplages en pierres désorganisés (structure dans laquelle viennent s'enchâsser les vitraux), de même que plusieurs glacis des appuis extérieurs ont été restaurés. Ce travail a été réalisé par l’entreprise Quélen de Chateaugiron (35).
Ils sont protégés par de discrets grillages (on dit qu’ils sont posés en tableau) qui épousent la forme des remplages, ont été confectionnés par l’atelier de ferronnerie Hembold de Corps Nuds (35).
Ces travaux ont été dirigés et suivis par Christophe Batard, architecte en chef national des Bâtiments de France, secondé par Monsieur Le Men du conseil général et Thierry Fougères de la DRAC.
Ont été mis en place :
- La maîtresse vitre (celle de derrière le chœur) a été restaurée à l’identique;
- Création d’une verrière dans la partie basse, avec réemploi après restauration, dans la partie haute, d’un vitrail représentant les armoiries des seigneurs prééminenciers.
- Pour toutes les autres baies, création de verrières à bornes selon les dessins des anciennes verrières déposées, en verre clair rehaussé de décors au jaune d’argent.
Les nouvelles verrières à bornes ont été inspirées de celles de l’église de Lannédern (29) mais celles de Plourac’h restent néanmoins uniques dans leur composition. On appelle « Verrière à bornes » des motifs centraux entourés par des navettes (carrées ou rectangles) répétés plusieurs fois. Toutes les barlotières ont été changées (barre métallique qui soutient un vitrail ; barre avec des loquets : petites clavettes en cuivre). " (JP. Rolland)
Le tympan du XVIe siècle de la baie 3 a été protégé par un doublage extérieur, et non par un grillage.
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Description.
Le tympan se compose d'un soufflet et de six mouchettes, chacune orné d'un blason sur fond de feuillages semées de fleurs. De très nombreuses pièces sont montées en chef-d'œuvre, une prouesse de maître-verrier consistant à placer dans une pièce de verre une autre pièce, sertie de son plomb, par une découpe périlleuse. Le mise en plomb est en grande partie d'origine.
On voit que ce tympan présente un double intérêt : technique d'une part dans l'art du vitrail, et héraldique d'autre part.
Les armoiries ont été identifiées en 1955 par René Couffon, et celles-ci qui sont reprises telles quelles par Gatouillat et Hérold pour le Corpus Vitrearum. Couffon a-t-il examiné le vitrail, ou des photographies noir-et-blanc, ce qui expliquerait certaines déterminations ?
Couffon voit ici en 1 les armoiries d'Anne de Bretagne ; en 2 les armes pleines de la famille Droniou, ramage des Glévédé ; puis en 3 les armes de Droniou écartelées Collin ; en 4 un écartelé Droniou/? ; en 5 un écartelé Droniou/ de L'Estang ; en 6 un écartelé des armes de Michel Droniou avec sa femme Jeanne du Dresnay, fille de Jean et de Jeanne Bizien ; et enfin en 7 l'écartelé Droniou /Coatgourheden, armes de Jean Droniou et de Marguerite de Coatgourheden, fille d'Yvon et de Marguerite Martin, qui vivaient en 1500. (C'est moi qui ait placé les numéros, en suivant l'ordre de l'énumération).
Bien plus récemment, vers 2016-2019, Jean-Paul Rolland, membre de l'ARSSAT et président des Amis du Patrimoine de Guingamp et historien de l'ARGOAT, proposa un déchiffrage bien plus probant de ces armoiries.
Néanmoins, si ces alliances des Clévédé nous sont présentées, il nous manque les données généalogiques qui permettraient de préciser quels sont les couples qu'elles désignent, et les dates qui les sous-tendent.
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Mon but est ici de mettre à la disposition des chercheurs des documents photographiques de bonne qualité qui leur permettraient d'aller encore plus loin dans la compréhension de ce complexe héraldique.
Sur le plan technique, je préciserai aussi les panneaux comportant des pièces montées en chef-d'œuvre.
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Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
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N°1 : armes couronnées d'Anne de Bretagne : alliance France/Bretagne.
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On remarquera la fleur-de-lis posée en chef-d'œuvre, tout comme les fleurs rouges du fond.
Mais curieusement par rapport à cette dextérité, les hermines sont seulement peintes à la grisaille.
Comme nous aimerions disposer du dossier de recensement de mars 2003 d'Hubert de Sainte-Marie, et du dossier de restauration de Mickaël Messonnier !
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Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
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N°2 : armes de la famille Clévédé [ou Glévédé] du Guerlosquet.
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Potier de Courcy - Nobiliaire et armorial de Bretagne, 1890, tome 1 :
Clévédé, sr de Coëtbihan, paroisse de Laz, — du Guerlosquet, paroisse de Plourac'h, — de Quénéc'hamon, paroisse de Guerlesquin, — du Porzou, paroisse de Pédernec, — du Scozou, paroisse de Loguivy, — de l'isle, — du Penquer.
Ext. réf. 1670, cinq générations, références et montres de 1481 à 1543, paroisse de Laz et Plourac'h, évêché de Cornouaille, Guerlesquin, Pédernec et Loguivi-Plougras, évêché de Tréguier et Taulé, évêché de Léon.
D'argent à deux lions affrontés de gueules, tenant une lance d'azur en pal de leurs pattes de devant.
Philippe, fils de Maurice, épouse vers 1530 Guillemette de Kerdaniel.
Le sr de Kercadoret, paroisse de Pouldreuzic, débouté, reformation de 1670.
On retrouve ces armes sculptées dans la pierre 1) sur une console servant de support à la statue de la Trinité dans l'église ; 2) sur l'un des gables du mur gouttereau sud (photo).
Sur le vitrail, la lame de la lance d'azur est garnie d'or. Ce n'est pas une épée puisqu'il n'y a pas de garde.
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Armoiries de Clévédé. Photographie lavieb-aile.
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Note 1 :
Une inscription en breton datée de 1580 sur la porte du manoir de Kerbiguet à Gourin mentionne le couple Louis Guegant et Katell Clevedé. D'Arbois de Jubainville y voyait la "fille de Charles Clevedé et de Marie de Pestivien : petite fille d'une autre Charles Clevedé et Marguerite Lescanff, qui bâtirent en l'an 1500 la magnifique chapelle nord du transept de Plourac'h ". https://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1972_num_79_4_2664
C'est l'une des choses les plus étonnantes de ce tympan de ne pas y voir figurer les armes de Clévédé en alliance avec la famille de Pestivien (vairé d'argent et de sable), car si on attribue l'inscription datée de 1500 ou 1506 sur l'entrait au couple Charles de Clévédé/Marie [de Pestivien], et qu'on estime la datation de ce vitrail vers 1500, c'est ce couple fondateur qui aurait ici sa place. Étaient-il représentés sur les lancettes, en donateurs avec leurs armes sur leurs vêtements, et auraient-ils placé leurs ascendants dans le tympan ?
En 1522 est cité un Charles Glevede seigneur de Guelemein (Guellevain, Gulven, trève d'Edern) : forum cgf.bzh
Une pièce des archives départementales est une transaction pour des tombes dans l'églises de Plourac'h en 1504 entre Louis de Kergroas et Charles Glevede ou Clevede. Un document mentionne Charles Glévédé x Louyse Kermeryen à Laz et la famille Brent en 1507. Une autre pièce d'archive consiste en une transaction en 1512 entre Catherine du Mesné damoiselle du lieu du mesné, Coetrescar et Toulgoat et son fils ainé Louis de Morizur et le sieur Charles Glevede sieur de Coatbihan et Guerlosquet touchant les prééminences dans l'église de Plourac'h. (Tyarcaouen)
Lors de la Réformations de 1536 est cité Jehan Clévédé, sieur de la salle, demeurant au manoir de Guerlosquet (*) paroisse de Plourac'h. Dans un minu de 1542, Jehan Clevedé sieur de Coat Bihan est signalé comme devant hommage au seigneur de Broon en Plougonver (J. Caouën).
Une pièce des archives départementales pour Plourac'h cite un Aveu en 1540 de noble Tanguy Glevede écuyer tuteur et garde de Noble Jehan Glevede sieur de Coetbihan et Guerlosquet rendu à la seigneurie de Coetrescar tenu par Jehan du Perrier. (Tyarcaouen)
(*) Kerlosquet. En 1531, Marie de Pestivien, veuve de Charles de Clevédé, tutrice de son fils en rendit aveu, ce fils doit être Jean Glévédé, dont l’aveu de 1541 est fourni par son tuteur Tanguy Glévédé (ADLA, B 1087). Note in Tudchentil.org.
Note 2.
Les Droniou, seigneurs de La Roche-Droniou en Calanhel et des Kerdaniel en Plourac'h, portaient l'épée haute d'azur garnie d'or soutenue par deux lions (A.D 22 série J armorial des Côtes du Nord, Frotier de la Messelière). Mais ce n'est pas une épée qui est représentée ici.
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Technique.
Sur le plan technique, nous retrouvons quelques fleurs vertes montées en chef-d'œuvre sur le fond rouge à rinceaux, mais surtout, c'est la précision de la découpe des quatre pièces rouges de chaque lion, de la lance bleue et de sa poignée or, qui est d'une dextérité inouïe.
Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
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N°3 : écartelé des armes de la famille de Clévédé en 1 et 4 et de Collin en 2 et 3.
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Famille Collin, Sr du Mesdon, Sr de Poulras, paroisse de Plourivo : d'argent à trois fasces de gueules ; à la bande d'azur brochante [ou : une cotice d'azur brochant le tout.
Ou bien (J.P. Rolland) : "BODOYER : Bodoyer de Kerneret était aussi seigneur de Kerillis en Plougoumelin, de Kerjégu et de la Bourdelière. Sept générations en 1668. Jean épousa, vers 1420, Jeanne Cado, de la maison de Coatlaron. Cette famille, peu connue, ne s’est occupée que de cultures à Kerleret. Du reste, c’est à peine si elle a habité à Plourac’h pendant un siècle, pour de là aller dans le Léon. Ses armes : D’argent à trois fasces burelées de gueules, à la bande d’azur brochant sur le tout. (D’autres les attribuent aux Collin de Poullaouen)."
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Technique : deux fleurs vertes en chef d'œuvre. Savant montage des fasces rouges et de la bande bleue. On remarque que les lions ne sont plus montés sur plomb. C'est peut-être encore plus fort, car ils ne sont pas "peints" (on ne peut peindre en rouge sur un verre blanc, avant l'invention des émaux). Donc, il s'agit d'un verre rouge doublé, et "gravé" (gratté, meulé) pour ôter le rouge sur toute la périphérie et détourer la silhouette du lion avant de la souligner et de la préciser à la grisaille noire.
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Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
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N°4 : écartelé des armes de la famille de Clévédé et de Keraly .
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D'après JP. Rolland :
"De Keraly : (Keraly de Kergus): Seigneur de Kergus en la paroisse de Plourac’h, de Bubry, du Fos en Melrand, de Talhouët, de Saint Sauveur ; Comte du Chesnay, paroisse de Guipel ; Seigneur de Kervenic, de Boishamon, de la Ville Allain et de Kerahel. En 1669, huit générations. Cette famille habitait l’évêché de Vannes. Guillaume Keraty de Kergus, comte du Chesnoy, était patricien exempt, et vivant en 1422, marié à Jeanne de Saint Nouay. Cette famille a eu deux conseillers au parlement de Bretagne en 1619 et en 1686. Ses armes : D’argent, au chef de sable, à trois quintefeuilles de gueules, ombrées d’un soleil rayonnant de sable. "
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Pol de Courcy :
Keraly (de), sr dudit lieu, paroisse de Bubry, — du Foz, paroisse de Melrand, — de Talhouët, — de Saint-Sauveur, — comte du Chesnay, paroisse de Guipel, — sr de Kervenic. — du Boishamon, — de la Ville-Alain, — de Kerabel, — de Cohignac, paroisse de Plouray.
Anc. ext. chev., réf. 1669, huit gén. ; réf. et montres de 1448 à 1536, par. de Bubry, év. de Vannes.
D’azur à la fleur de lys d’or, accomp. de trois coquilles d’argent.
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Technique.
Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
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N°5 : écartelé des armes des familles de Clévédé et de Kergorlay.
"Guergorlay : ou Kergorlay ; les Kergorlay étaient descendants d’un ancien comte de Poher. Ils étaient barons de Motreff et seigneurs de Rest an Horniou en Plourac’h. Leurs armes : vairé d’argent et d’azur, chargé de trois pals de gueules. Devise : tevel a ober ." (J.P. Rolland)
Couffon propose les armes "de l'Estang" qui portaient de gueules à deux pals de vair.
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Technique au moins cinq fleurs rouges (qui sont d'ailleurs différentes) sont montées en chef d'œuvre sur un fond bleu à rinceaux. Savant montage sur plombs de chaque "cloche" et des pals; les lions sont en verre rouge gravé.
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Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
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N°6 : armes de la famille de Clévédé en alliance avec du Dresnay .
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https://man8rove.com/fr/blason/mp0r8c1-dresnay
Je note que lors de la Montre de l'Evesché de Cornouailles en 1481 Maistre Henry du Dresnay était représenté par Charles Clévédé, homme d'armes à deux chevaux .
Du DRESNAY : seigneur du dit Dresnay en la paroisse de Loguivy-Plougras, de Kervisien en Scrignac, Kerfendret en Plourac’h, de Keroué, de Kerbihan, de Trégoat en Loguivy. Huit générations en 1669. Ses armes : D’argent à la croix ancrée de sable, accompagnée de trois coquilles de gueules. Devise : Crux Anchora Salutis ; En bon espoir.
René du Dresnay, capitaine ligueur, tué dans une rencontre près de Pontivy en 1594, avait épousé une Clévédé qui lui donna beaucoup d’enfants. Sa bisaïeule était encore une Clévédé de là, l’alliance des armoiries dans les vitraux du chevet de l’église. (J.P. Rolland).
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Technique. Quatre type différents de fleurs rouges sur le fond bleu à rinceaux. Trois de ces fleurs sont montées en chef d'œuvre.
Sur l'écu, les coquilles rouges sont toutes montées en chef d'œuvre. Les croix sont peintes à la grisaille (sur un fond blanc à fins rinceaux), les lions sont en verre rouge gravé.
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Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
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N°7 : écartelé des armes de la famille de Clévédé avec Kerlosquet .
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René Couffon signale les armoiries écartelées Droniou et Coatgourheden, armes de Jean Droniou et de Marguerite de Coatgourheden, fille d'Yvon et de Marguerite Martin, qui vivaient en 1500. Mais les armes sont ici de sable à la croix dentelée d'argent, et non de gueules à la croix dentelée d'argent. Ce sont celle de la famille de Kerlosquet. (De Genouillac ; Jouffroy d'Eschavannes)
La couleur noire est peinte à la grisaille : même si un peintre restaurateur s'était trompé, en tout cas, le verre ne pouvait être rouge initialement.
Ces armoiries sont d'autant plus intéressantes que la croix dentelée figure sur le support de la statue d'un saint évêque (saint Patern) et sur le bouclier d'une statue de saint Adrien dans l'église. Et dans les deux cas, ces armes sont en alliance avec, du côté gauche, le lion rampant tenant en pal la lance des Clévédé dans ses pattes. Malgré des restes de polychromie, les émaux ne peuvent être précisés.
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Base d'une statue d'évêque, XVIe siècle, église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile.
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Saint Adrien, XVIe siècle, église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile.
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Technique.
Trois fleurs bleues montées en chef d'œuvre sur fond rouge à rinceaux. Croix peintes, lions en verre rouge gravé.
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Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Détail des lancettes (modernes) : armoiries des Clévédé.
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Tympan armorié (vers 1500) de la baie 3 de l'église de Plourac'h (22).Photographie lavieb-aile juin 2023.
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LA MAÎTRESSE-VITRE
Je donne ici un rapide aperçu de la maîtresse-vitre récente. Dans le tympan figurent de nombreux blasons : outre celui des Clévédé, ou la croix engrelée, ou les armes de Kergorlay, on voit un blason d'azur à 10 billettes d'or au lambel de même (armes des du Perrier, seigneur du Menez en Plourach : on les trouve aussi peintes sur la chasuble de saint Guénolé, statue dans l'église). Et aussi selon Rolland De gueule à 6 quintes feuilles d'or (3-2-1). D'azur au chevron accompagné de 3 besants . De gueule 2 pals vairés d'argent et d'azur. De sable à croix dentée d’argent. On peut lire également sur le phylactère la devise ducale à ma vie présentée par des hermines .
— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005, Vitraux de Bretagne, Corpus vitrearum VII, Presses Universitaires de Bretagne
—LE MENN Gwennole. Inscriptions en moyen-breton à Gourin. In: Annales de Bretagne. Tome 79, numéro 4, 1972. pp. 887-904; doi : https://doi.org/10.3406/abpo.1972.2664 https://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1972_num_79_4_2664
— PAVIS-HERMON, 1968, Dossier IA0003364 de l'Inventaire général
L'église Saint-Cuffan de Pluguffan (29) : les vitraux du XVIe siècle (fragments d'une Crucifixion, vers 1525-1530), le porche sud (1587) et le calvaire du XVIe siècle.
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I. LES VITRAUX DE LA BAIE AXIALE : ÉLÉMENTS D'UNE CRUCIFIXION DE 1525-1530.
PRÉSENTATION.
L'église possédait en sa maîtresse-vitre une Crucifixion dont il ne persiste que des fragments. Ceux-ci ont été restaurés en 1938 par Jean-Jacques Gruber et accompagnés de vitreries colorés par l'atelier Rault. L'un des panneaux originaux, comprenant les têtes des personnages assistant au drame, a été détruit en 1958 mais a été restitué plus récemment.
Cette verrière avait été restaurée et complétée en 1846 par Guillaume Cassaigne, qui est l'auteur du tympan (croix de Malte, étoiles, triangle symbolique).
La baie mesure 3,90 m de haut et 2,00 m de large et est divisée en trois lancettes trilobées et un tympan à une rose.
On lira dans les références bibliographiques la description et l'analyse du maître-verrier quimpérois Jean-Pierre Le Bihan.
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—Voir les 29 Passions des verrières du Finistère au XVIe siècle dont beaucoup sont attribuées à l'atelier Le Sodec à Quimper. Le Corpus Vitrearum VII permet d'en dresser une chronologie :
3e quart XVIe siècle (vers 1560), Quéménéven église Saint-Ouen : Attribuable à l'atelier Le Sodec . Cartons communs (Le Bihan) avec Guengat, Gouezec et Guimiliau, ou La Martyre et La Roche-Maurice (Gatouillat). Larmes de compassion (une seule femme). Pas d'inscription ni de verres gravés.
3e quart XVIe siècle Tréguennec ; Attribuable à l'atelier Le Sodec. 5 lancettes dont une Grande Crucifixion centrale.
3e quart XVIe siècle : Ploudiry. 3 lancettes consacrées à une Grande Crucifixion, proche de celles de La Roche-Maurice, La Martyre, etc.
4e quart XVIe : Pont-Croix. Attribuable à l'atelier Le Sodec. 6 lancettes de la Vie du Christ à un couple de donateurs (Rosmadec).
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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La lancette centrale.
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La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le Christ en croix (vers 1525-1530).
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Seuls sont anciens la tête et les bras du Christ, avec le fond rouge, la croix, l'inscription INRI ainsi que les lances, les bannières et hallebardes, tandis que le torse et le perizonium (pagne) ont été complétés.
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La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le panneau inférieur : tête des spectateurs de la Crucifixion (soldats) , 1958.
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La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Les lancettes latérales : deux profils féminins (vers 1525-1530).
Ces deux femmes levant la tête pourrraient être des saintes femmes au pied de la croix.
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Lancette A (à gauche) : un profil très restauré.
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La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Lancette C (à droite) : femme levant la tête, de profil .
Ce personnage évoque celui de Marie-Madeleine agenouillée au pied de la Croix, avec ses cheveux blonds dénoués, sur les Crucifixions finistériennes du XVIe siècle.
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La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
La maîtresse-vitre de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Photos de complément.
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L'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
L'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
L'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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II. LE PORCHE SUD (1587).
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Porche sud (1587) de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Porche sud (1587) de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le porche est voûté d'ogives. La porte cintrée est surmontée d'une accolade gothique à feuilles d'acanthe et fleuron tandis que les piédroits sont prolongés par des pinacles. Un dragon ailé, à gauche, et un homme au visage cadavérique tenant un rameau, à droite, retiennent notre attention.
Nous pouvons rapprocher ce décor sculpté de celui du porche sud de l'église de Guengat (à moins de 10 km au nord). On y trouve un dragon ailé, et un personnage brandissant un rameau, très semblables à ceux de Pluguffan.
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Porche sud (1587) de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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À gauche, un dragon ailé.
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Porche sud (1587) de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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À droite, un personnage (la Mort ?) tenant un rameau.
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À Guengat, j'avais considéré son homologue comme un ange tenant un glaive enflammé. Ici, dans la même posture horizontale, le personnage aux yeux caves et au visage stylisé en crâne, évoque la Mort. Tient-il un rameau, une torche, ou un glaive de feu ?
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Porche sud (1587) de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Porche sud (1587) de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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III. LE CALVAIRE DU XVIe SIÈCLE.
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Ce calvaire situé à gauche de l'entrée, sur l'ancien cimetière, est daté du XVIe siècle par Yves-Pascal Castel. Je me rapprocherais d'avantage de l'avis de René Couffon, qui le date de la fin du XVe ou début du XVIe siècle.
En effet, je remarque une scène du Jugement Dernier qui se retrouve sur les calvaires finistériens du XVe (Tronoën, Notre-Dame de Châteaulin, Argol).
Il n'est plus "orienté", c'est-à-dire avec le Crucifix tourné vers l'ouest.
Il mesure 4,50 m de haut et est en granite.
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Cliché Breizh up 2016
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Croquis Yves-Pascal Castel 1980
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Au dessus du fût à pans, un "chapiteau" octogonal est sculpté d'une Sortie du Tombeau en face principale (jadis côté ouest) et d'un Jugement dernier de l'autre côté.
Puis vient la Croix, élément monolithique à quatre faces dont la base cubique présentant le Crucifié, entouré des larrons, puis sur la face opposée la Vierge de Pitié, sur une console.
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Le Christ en croix et la Sortie du tombeau.
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Calvaire de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Calvaire de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Calvaire de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Calvaire de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Calvaire de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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La Vierge de Pitié et le Jugement dernier.
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Calvaire de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Calvaire de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le Jugement dernier.
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C'est l'élément le plus intéressant à mes yeux, en raison de sa rareté dans le décor des calvaires bretons, mais paradoxalement, la scène a échappé aux différents auteurs.
Malgré la dégradation du granite, on le reconnaît par la partie basse et centrale : une boule surmontée d'un demi-cercle : cette boule est la Terre (le Monde) et le demi-cercle est l'arc-en-ciel.
On reconnaît alors le thème largement représenté dans les peintures et enluminures, du Christ du Jugement dernier, assis sur l'arc-en-ciel (rappel de l'arche de l'Alliance), Christ ressuscité, vêtu du manteau glorieux et montrant ses plaies en plaçant ses paumes vers le spectateur.
Rogier van der Weyden Jugement Dernier, 1443-1452, retable des Hospices de Beaune. Photo lavieb-aile.
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Calvaire de l'église de Pluguffan. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Sur ce calvaire de Pluguffan, le Christ du Jugement (ou de la Parousie) est encadré par deux anges tourné vers lui et tenant une lance et un étendard.
Voir également le même thème sur le calvaire de Tronoën (1450-1470), où il est plus difficile à discerner (voir le croquis) sur le registre inférieur de la face sud :
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Calvaire de Tronoën en Saint-Jean-Trolimon. Photo lavieb-aile.
"Le choeur a deux bas-côtés dont chacun est formé de colonnes avec chapiteaux ornés de sujols grossièrement exécutés, et d'arcades toujours dans le même style. Le vitrail du chevet, belle et grande fenêtre ogivale du XVème siècle, est très élégant de forme : la partie supérieure est composée d'une rosace ; la partie inférieure est divisée par deux meneaux formant trois baies trilobées, dont les vitraux représentent Notre-Seigneur en Croix, la Vierge et saint Jean. Au fond du choeur, se dresse le maître hôtel en marbre blanc, d'exécution récente, et dont le devant est orné d'un médaillon sur lequel repose l'agneau nimbé. Les coins de l'autel sont garnis d'anges adorateurs. Les deux autels des bas-côtés ornementés dans le style du XVIIIème siècle se trouvent placés sur le même plan."
"La plus ancienne des croix du cimetière remonte à la fin du XVIème siècle ; les deux larrons, les principaux personnages et instruments de la passion y sont représentés. "
—CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère.
2464. Pluguffan, église no 1, g. 4,50 m. XVIè s. Trois degrés. Socle octogonal allongé. Fût à pans, chapiteau historié: Christ ressuscité, au revers, Christ lié. Croix, branches rondes, larrons appuyés de chaque côté, crucifix, Vierge de Pitié. [YPC 1980]
ÉGLISE SAINT-CUFFAN (C.) Elle comprend une nef de quatre travées avec bas-côtés séparée par un puissant arc diaphragme d'un choeur de deux travées avec bas-côtés. Au droit de la quatrième travée de la nef, deux chapelles en ailes forment faux transept. Le clocher est construit sur l'arc diaphragme. Reconstruite presque totalement au XVe siècle et agrandie au XVIE siècle, elle conserve d'un édifice antérieur les quatre arcades séparant le choeur de ses bas-côtés; celles-ci sont très nettement inspirées de Languidou en Plovan et datent du XIIIE siècle. En 1847, l'architecte Joseph Bigot allongea la nef d'une travée et reconstruisit la façade ouest.
Le remplage de la fenêtre axiale, des premières années du XVe siècle, est identique à celui éclairant le bas-côté de la façade ouest des Carmes de Pont-l'Abbé et très proche de ceux des fenêtres axiales de Beuzec-CapCaval, de Tronoën et de Lanvern.
Le clocher, à un beffroi sans galerie, est amorti par une haute flèche octogonale; sa tourelle d'accès est semblable à celle de Saint-Germain en Plogastel. D'après l'inscription du linteau de la chambre des cloches, il a été construit en 1558. Foudroyé en 1841, il a été remonté en 1855-1856, d'après les comptes de fabrique, par Bertran, maître maçon, et Hervé Marc'hadour, maître charpentier.
Le porche, surmonté d'une salle de délibérations, est voûté sur ogives avec liernes longitudinale et transversale; il porte la date de 1587.
La nef obscure est lambrissée; ses grandes arcades en tiers-point aigu pénètrent directement dans les piliers. Pas de sablières ni d'entraits. Mobilier Contre le chevet plat, autel latéral à décor de fleurs et de fruits.
- Transept nord, autel en bois polychrome, surmonté d'un retable à pilastres. Confessionnal à demi-dôme style XVIIIe siècle. Statues en bois polychrome : Vierge à L'Enfant et saint Cuffan dans les niches du chevet, Christ en croix, autre Vierge à L'Enfant, saint Blaise, saint Sébastien.
Vitraux : Au chevet, panneau du Christ en croix, provenant d'une Crucifixion ancienne. - Dans le transept, deux vitres des ateliers Lobin : le Sacré-Coeur (1892) : et la Vierge du Rosaire (1895).
* Porte monumentale d'entrée du placitre (C.). De style gothique, elle date de la fin du XVe ou du début du XVIe siècle. Calvaire de la même époque (C.) : larrons en bas-relief sous les bras du Christ.
— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2005, Les vitraux de Brtetagne, Corpus vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes edition, page 165.
— LE BIHAN (Jean-Pierre), 20 mars 2008, blog. "Pluguffan les restes d'une Passion et deux Sibylles".
II s'agit des restes d’une Passion, qui a été restaurée en 1641, puis en 1841, après la chute du clocher, puis par le peintre vitrier Quimpérois Cassaigne,auteur du tympan. En 1935, apport de vitrerie sur les lancettes.
Les deux autres panneaux avec des Sibylles peuvent provenir d’une autre baie.
Après la chute du clocher, la vitre aux armes de Coatfao est trouvée dans les décombres. Le recteur Michel Riollay l’avait toujours vu à la fenêtre du chevet. Ces armoiries n'ont pas reparues!
Autres travaux sur les vitraux de l'église, certains sans spécification du lieu : En 1618, restauration d’Ambroise Le Garo, peintre vitrier à Quimper. En 1630, Claude Conan répare les vitraux.En 1632, remise en plomb des vitres de monsieur saint Blaise ( bras sud du transept)et aveu d'avoir fait de neuf la grande vitre; Coût 27 livres 4 sols, plus en collation au vitrier et à son garçon, 1 livre et 11 sols.
DESCRIPTION DE LA MAITRESSE VITRE
Baie à 4 lancettes trilobées de 3 panneaux de 58x180 et un réseau composé de 2 trèfles, 4 écoinçons et 6 quadrilobes entourant un oculus à 6 lobes.
Restauration par le peintre vitrier Quimpèrois Cassaigne, en 1841, des éléments du vitrail XVIe ainsi que la fourniture de la vitrerie blanche des lancettes et le montage kaléidoscope du réseau
Cette vitrerie blanche est remplacée un peu plus tard par une vitrerie géométrique de couleurs.
Dans ce réseau, triangle blanc de la Sainte Trinité, d’où partent six rayons blancs sur fond violet. Dans les quadrilobes, croix de Malte sur fond violet, marguerite blanche à centre rouge sur rond violet et quatre points rouges sur fond blanc à rayons, étoile blanche à 4 pointes cintrées terminée par perles blanches sur fond bleu clair, étoile rouge à cinq branches sur fond blanc et rayons rouges dans lobes sur fond violet.
Les éléments XVIe
Ils se résument à une Crucifixion composée du Christ en croix entouré de 6 personnages et à 2 sibylles. Le Christ a des bras très réduit lors des diverses restaurations, dont une au XIXe par Cassaigne, cité plus haut,
Une dépose est signalée en 1938, et ces éléments resteront plusieurs années sur Paris avant d’être reposés après restauration en 1955.
Quant au buste intacte jusqu’en 1958, la pièce détruite par vandalisme fut refaite par l'atelier parisien de Jean-Jacques.Gruber en 1980.
La tête du Christ
Elle est présentée de face , un peu penchée sur sa droite et est bien plus ancienne que celles des personnages qui l’accompagnent.
Les yeux sont demis clos, les sourcils relevés, la bouche fine est entrouverte,
le menton disparaît sous une barbe banche à une seule pointe,
les cheveux tombent sur les épaules, une couronne d’épines le coiffe, sa croix est fait d’un bois arrondi. Le titulus INRI est ici un court phylactère.
Au dessous, il a été posé des pieds aux Christ; Il s'agit des siens, mais non percés, provenant probablement d’une descente de croix, d'époque plus tardive, scène reconnaissable aux barreaux de l'échelle éléments d’une échelle.
Les personnages de la Passion.
Sur la gauche, un personnage de trois quart droite moustache en pointe, chapeauté, lève son visage vers le Christ. De sa main gauche, il pose une question tandis que la droite est ouverte comme s’il avait reçu quelque chose. Il s’agit probablement de Longin.
Près de lui, un personnage a le visage de face, un peu écrasé, un troisième se montre derrière lui. Sur la droite des pieds, du Christ, on voit ,de profil gauche, un visage d’homme au turban, aux nez crochu de juif, à la bouche ouverte surmontée d’une moustache. Lui aussi regarde le Christ.
Derrière deux autres hommes semblent se parler. Une lance à la quelle est accroché un pavillon avec SPQR se pointe sous le bras droit du Christ, de l’autre côté, un bambou porte bien droit une éponge.
Ces témoins de la Crucifixion fin XVIe aux sourcils « à la banane » peuvent être rapprochés des soldats de la Passion de Gouézec, mais sans barbe. Ils peuvent nous rappeler les joueurs de flûte dans « la Danse » de Breughel.
Les sibylles.
Les deux personnages féminins sont agenouillés , le visage de profil, richement vêtus . Prophétesses païennes, en vogue aux XV et XVIe siècle, elles sont inspirées de Dieu lorsqu’elles rendent leurs oracles relatives à la venue de Jésus et à sa Passion.
Jacques Le Chevallier (1896-1987) est à la fois l'auteur des cartons, en tant que peintre, et réalisateur des vitraux, en tant que maître-verrier dans son atelier de Fointenay-aux-Roses ouvert en 1946.
Sa conception de l'art du vitrail moderne, née de la contemplation des vitraux du XIIe et XIIIe siècle, est novatrice : pour lui, le vitrail est avant tout une paroi de couleurs translucides, où la sensation de couleur doit précéder la lecture du sujet.
Dans les deux verrières figuratives, les personnages sont placés dans les lancettes au sein de verres translucides mais surmontés d'un haut dais de pièces colorées. Ils sont dessinés en silhouette par un épais trait de grisaille, et leurs nimbes, leurs vêtements ou leurs accessoires ne sont pas rendus par des verres colorés propres.
Le réseau de plombs n'est pas justifié par l'existence de verres de couleurs différentes, mais il compose une trame seulement justifiée par les impératifs dynamiques de la composition.
De même, les pièces colorées ne doivent pas leur présence au motif figuré (une robe bleu, une mitre jaune), mais à un souci d'harmonie : la couleur n'est pas un code signifiant sur le plan de la figure.
Sur les panneaux figuratifs et sur les panneaux non figuratifs, chaque pièce peut se voir peinte de traits à la grisaille, indépendants de quelque motif.
Au total, même sur les sujets figurés, ce sont des principes picturaux de composition mélodique et rythmique qui l'emportent.
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LE BRAS NORD DU TRANSEPT : QUATRE SAINTS BRETONS.
SAINTS ILDUIT [SIC], SULIAU, YVES. ET MAUDEZ.
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La technique
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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CHAPELLE DU BRAS NORD DU TRANSEPT : NON FIGURATIF.
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Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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CHAPELLE DU BRAS SUD DU TRANSEPT : NON FIGURATIF.
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Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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BRAS SUD DU TRANSEPT : LES QUATRE ÉVANGÉLISTES.
SAINTS JEAN MATHIEU LUC ET MARC.
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Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Vitrail (1976) de Jacques Le Chevallier, église Saint-Suliau de Sizun. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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SOURCES ET LIENS.
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—ARCHIERI (J.F), 2007, Jacques Le Chevallier, la lumière moderne. Gourcuff Gradenico ed.
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1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
"Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)