"Saint Yves, vêtu d'une tunique longue recouverte d'un manteau décoré d'hermine et coiffé d'une barrette (bonnet carré), est représenté entre le Pauvre et le Riche. Il tient, dans sa main droite, le rôle (verdict) du procès. L'homme pauvre porte une tunique courte, reserrée à la taille et découpée dans le bas et aux extrémités des manches. Il est pieds nus et tient dans sa main gauche un sac et dans sa main droite un bâton qui doit lui servir de canne. L'homme riche est figuré avec une tunique recouverte d'un manteau, et porte un chapeau à plumes. Sa main droite repose sur l'épée qui est attachée à sa taille. De sa main gauche, il tend des pièces d'or (?) à Saint Yves. Décor de grisaille et de jaune d'argent." (Musée)
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Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
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2°) Le Bon Larron, fragment d'une Passion. Inv. R.1983.111.Cornouaille, XVIe siècle.
"A la gauche du Christ crucifié, le bon larron (homme aux cheveux et à la barbe roux) a les bras tordus et ligaturés sur la branche supérieure d'une croix en forme de tau. Le vent de la Passion balaye ses cheveux vers la droite. Au-dessus de lui, entouré d'un halo de lumière, un ange conduit son âme, figurée sous la forme d'un être asexué."
"Un ange vient enlever du tombeau un Pape portant le suaire des morts et la tiare. Ils s'extirpent d'une masse nuageuse pour accéder au bleu du Paradis."
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Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
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4°) Fragment d'une scène non identifiée. Inv. R.1983.113.Cornouaille, XVIe siècle.
"Au premier plan, trois personnages. A l'arrière plan, un décor fortifié. On peut voir des flammes et de la fumée s'échapper de la tour qui se trouve au centre du vitrail."
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5°) Un saint évêque et une sainte lisant un livre. Inv. R.1983.115. XVIe siècle. Provenance inconnue (Suisse ?)
"Le Saint Evêque et la Sainte au livre sont représentés debout, côte à côte (la sainte à gauche et le Saint à droite). La Sainte est vêtue d'une robe de couleur verte à liséré jaune, recouverte d'un manteau bleu. Elle porte un chapeau ou un bonnet et un livre ouvert. Le Saint Evêque est vêtu d'une tunique longue blanche recouverte d'une tunique plus courte bleue et d'une cape rouge fermée sur la poitrine. Sur sa tête, une mître et dans sa main droite, une crosse. Dans sa main gauche, il tient un livre fermé sur lequel sont posés trois objets (bourses ?). Deux mascarons ferment, en haut et en bas, cette composition.
Dans les coins, la femme au vase peut symboliser la Virginité ; celle accompagnée d'un enfant, la Charité ; le personnage au chien est peut-être la Fidélité. A droite, le personnage buvant peut évoquer l'ivresse de Noë." (Musée)
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Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
Panneau de vitrail exposé au Musée départemental breton de Quimper. Photographie lavieb-aile.
La Crucifixion de la verrière (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen (canton de Briec) au Musée départemental breton de Quimper inv.1879.2.1.
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1°)Voir sur le Musée départemental breton de Quimper :
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2°)Voir les 29 Passions des verrières du Finistère au XVIe siècle dont beaucoup sont attribuées à l'atelier Le Sodec à Quimper. Le Corpus Vitrearum VII permet d'en dresser une chronologie :
Milieu XVIe : ancienne maîtresse-vitre de Saint-Gunthiern à Langolen, aujourd'hui au Musée Départemental Breton de Quimper. Larmes. Mêmes cartons qu'à Guenguat, Guimiliau et Gouezec.
3e quart XVIe siècle (vers 1560), Quéménéven église Saint-Ouen : Attribuable à l'atelier Le Sodec . Cartons communs (Le Bihan) avec Guengat, Gouezec et Guimiliau, ou La Martyre et La Roche-Maurice (Gatouillat). Larmes de compassion (une seule femme). Pas d'inscription ni de verres gravés.
3e quart XVIe siècle Tréguennec ; Attribuable à l'atelier Le Sodec. 5 lancettes dont une Grande Crucifixion centrale.
1556 : Saint-Herbot (Plonévez-du-Faou) par Thomas Quéméneur de Morlaix. 6 lancettes, 12 scènes de la Passion avant la Crucifixion.
L'église Saint-Gunthiern de Langolen a été reconstruite en 1844 et ne conserve plus que son porche sud du XVe siècle et sa façade ouest et du clocher du XVIe siècle.
La maîtresse-vitre du milieu du XVIe siècle a été acquise pour la somme de 100 francs par la Société archéologique du Finistère et placée dans une salle basse de l'aile sud du Musée départemental breton, où elle est visible aujourd'hui, à côté de la verrière de la chapelle Saint-Exupère de Dinéault. Sa mise en dépôt coincide sans doute avec l'installation dans l'église de créations du Manceau Hucher en 1869. Le Musée la décrit ainsi :
"Présente trois lancettes en plein cintre. 11 panneaux de la maîtresse-vitre représentent la Crucifixion, le 12ème en bas à gauche, interpolé, provient d'une Adoration des mages (buste de Melchior et vêtements des autres mages). Composition sur fond rouge, nombreux personnages.
Sur le panneau de gauche le bon larron, le bourreau et deux cavaliers en armure (heaume, bouclier).
Sur le panneau central, le Christ sur la croix et Sainte Marie-Madeleine à ses pieds. Un homme à cheval, sur la gauche, pointe sa lance en direction du Christ. D'autres personnages sont figurés à pied.
Sur le panneau de droite, le mauvais larron, un homme à cheval, d'autres personnages munis de lances. Deux hommes montent ou descendent de l'échelle qui a servit à attacher le mauvais larron sur la croix."
Une photographie accompagne cette description.
Il me restait à la décrire en détail dans une démarche de comparaison stylistique.
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Elle présente trois lancettes de plein cintre de 2,40 m de haut et 1,80 m de large. Nous ignorons si c'était la disposition d'origine, et, surtout, si cette verrière, qui devait occuper la position de maîtresse-vitre, disposait d'un tympan ou si ce dernier était armorié ; F. Gatouillat précise néanmoins que la verrière est "amputée de ses panneaux inférieurs et de son tympan". Un couple de donateur était-il représenté? Nous ignorons aussi la nature des autres verrières de l'église, hormis le faible indice d'une Adoration des Mages, venant peut-être du registre inférieur. Enfin la date de la verrière est estimée, mais non fondée sur une inscription.
La verrière a été restaurée avec suppression des plombs de casse par collage par le maître-verrer quimpérois Jean-Pierre Le Bihan.
Cette verrière relève a priori de l'atelier Le Sodec de Quimper, dont nous relevons certaines caractéristiques comme les lettres inscrites sur les galons des vêtements (mais par une seule occurrence), les chevaux hilares à harnachements luxueux, la posture de Marie-Madeleine et les larmes de son visage, le verre rouge gravé du nimbe du Christ, des motifs de damas.
Il est nécessaire de procéder à des rapprochements avec les autres Crucifixions finistériennes.
En effet, parmi les Passions finistériennes il faut distinguer les verrières comportant des scènes de la Vie du Christ dont la Passion, ou bien des scènes successives de la Passion, ou bien de Grandes Crucifixions occupant toute la vitre. La maîtresse-vitre de Langolen appartient à ces dernières.
On la comparera donc avec intérêt cette verrière de Langolen aux verrières de La Roche-Maurice, La Martyre et Tourc'h — et Saint-Mathieu de Quimper qui en est la copie—, du Juch, de Ploudiry et de Labadan mais surtout avec celles de Guengat, Guimiliau, Gouezec, ou Quéménéven. Tous ces vitraux sont attribués à l'atelier Le Sodec de Quimper. Ils ont, outre cette composition, et leur proximité géographique, des points communs temporels (entre 1535 et 1560 environ) et bien-sûr stylistiques.
On notera en particulier la fréquence des inscriptions de lettres, souvent dépourvues de sens, sur les galons des vêtements et les harnachements, et d'autre part, la représentation de larmes sous les yeux de Marie, Jean et Marie-Madeleine au pied du calvaire.
Un autre élément qui peut permettre des rapprochements iconographique est la scène, en troisième lancette, d'une déposition du mauvais larron : on la retrouve à Guimiliau (1550), à Guengat (1550) et à Gouezec (ca 1550-1575).
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Le corpus des verrières de la Passion et de la Crucifixion du Finistère au XVIe siècle.
En rouge, les verrières à comparer à celle de Langolen.
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La verrière en entier.
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Inv. 1879.2.1« Musée départemental breton de Quimper »
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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PREMIÈRE LANCETTE, À GAUCHE : LE BON LARRON ; LES SOLDATS ; JEAN ET LA VIERGE.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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1°) Le bon larron sur le gibet, son âme emportée par un ange.
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Dans les autres verrières du corpus, le Bon Larron tourne sa tête vers le bas, sauf au Juch où elle est ainsi orientée vers le haut.
Les chausses à crevés (propre à la Renaissance) , ou la jambe gauche détachée et fléchie, sont des détails qui se retroiuvent sur toutes les verrières de l'atelier, mais aussi sur la grande majorité des calvaires paroissiaux érigés à la même époque.
Le motif fleuri formé par quatre pétales jaunes autour d'un rond sur la tunique de l'ange est propre à l'atelier Le Sodec.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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2°) Quatre soldats et cavaliers armés de lances.
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L'atelier excelle dans la représentation des chevaux vu de trois-quart, en fuite, ou de face, et le détail de leur harnachement à glands ou de leurs mors est très soigné.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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3°) La Vierge et Jean.
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Ces deux visages ont été restitués par un restaurateur pour former une continuité avec le panneau sous-jacent.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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4°) le roi-mage Melchior, réemploi d'une Adoration des Mages.
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On voit Melchior, le roi le plus âgé, prosterné [devant la Vierge et l'Enfant], tête nue, tandis que derrière lui les deux autres rois, dont il manque la tête, portent leurs présents, l'encens et la myrrhe.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen au Musée départemental breton de Quimper. Photo lavieb-aile 2024.
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DEUXIÈME LANCETTE, AU CENTRE : LE CHRIST EN CROIX, LONGIN, MARIE-MADELEINE, LES SOLDATS SE DISPUTANT LA TUNIQUE.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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1°) Le Christ en croix.
On remarque le nimbe en verre rouge gravé, les rayons étant peints au jaune d'argent.
Le buste du Christ est, selon Gatouillat et Hérold, une pièce du début du XVIe siècle, placée en réemploi. L'attention portée à l'écoulement du sang, le long des bras et du torse, est à souligner.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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2°)Le cavalier Longin transperçant le flanc droit de Jésus de sa lance. Le Bon Centenier levant les yeux vers le Christ.
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La tête de Longin a été restaurée.
Les deux cavaliers forment, sur un croisillon de nombreux calvaires du Finistère, un couple emblématique.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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3°) Marie-Madeleine en larmes au pied de la croix.
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La sainte étreint de ses jambes et de ses bras le bois de la Croix et tourne sin visage vers le sang qui s'écoule des plaies des pieds de Jésus. Son grand manteau rouge qui ne couvre plus ses épaules mais retombe derrière ses reins sur le sol est certes un détail, mais il est si caractéristique sur les calvaires du Finistère qu'il lui devient un véritable attribut, immédiatement identifiable.
De même, toutes les verrières du groupe de comparaison reprennent ses autres caractéristiques vestimentaires : sa coiffe perlée, ses cheveux blonds, sa chemise fine à col frisé, ses manches ouvragées et, surtout, son visage en larmes.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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Les larmes que l'atelier Le Sodec s'attache à tracer sous les yeux de Marie-Madeleine sur toutes les verrières où ce détail n'a pas été supprimé par les restaurateurs sont faites de trois à quatre lignes blanches (enlevées sur le fond de peinture) qui se terminent en ampoules sur la joue. Aussi passent-elles facilement inaperçues à un examen à distance.
Elles sont également présentes dans les yeux des personnages réunis à droite de la Croix (Jean, Marie et les Saintes Femmes), mais à Langolen, ces visages n'ont pas été conservés.
Elles témoignent d'une dévotion aux larmes versées devant le sang versé et les souffrances endurées par le Christ lors de sa Passion, propre au XVe et XVIe siècle en Bretagne, et on les retrouve sur les visages des calvaires du Finistère.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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4°) Trois soldats se disputant la tunique sans couture du Christ.
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La comparaison avec les scènes homologues de Guengat, de Guimiliau, de Gouezec ou de Quéménéven montre que c'est le même carton qui a été repris, mais par un autre peintre du même atelier, ou sur un panneau considérablement restauré. Certains détails s'y retrouvent de façon troublante, comme, à Gouezec la ligne festonnée de l'encolure de la chemise du soldat en haut à droite, tracée en soustraction ("enlevé" par le manche du pinceau) sur le fond bistre de la carnation, ou bien la cuirasse du même homme dessinée par deux volutes, ou bien ses manches bouffantes ornées de petits ronds.
Si nous nous reportons aux verrières de Guengat ou de Gouezec, nous découvrons la partie inférieure de la scène, ici perdue : un soldat, retenu par sa chevelure, est à genoux et tente de dégainer son glaive.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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TROISIÈME LANCETTE, À DROITE : LE MAUVAIS LARRON ; DÉPOSITION ; UN CAVALIER.
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Cette troisième lancette est la plus mystérieuse et la plus singulière en raison de l'existence d'une double représentation de la confrontation du Mauvais Larron au diable, soit sur le gibet, soit lors de sa descente de ce gibet. On craindrait de ne pas l'interpréter correctement, si on ne retrouvait pas ailleurs cette déposition du Larron à Guimiliau (1550), à Guengat (1550) et à Gouezec (ca 1550-1575).
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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1°) Le mauvais larron sur le gibet, son âme emportée par un diable.
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Cette scène là est classique : le Mauvais Larron refuse d'être sauvé par le Christ, et détourne son regard de la Croix. Il est alors damné, et un diable emporte son âme en Enfer, en parallèle avec le panneau où un ange emportaitb aux Cieux celle du Bon Larron.
Ce diable violet est simiesque, velu, barbu, et doté d'une queue.
Le peintre fait très largement appel à la technique de l'enlevé de peinture, pour les nuages, les cheveux de l'âme, tous les détails du diable, les cheveux, la barbe et les éclats de lumière du visage du larron.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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2°) Le mauvais larron est descendu du gibet, son âme emportée par un diable.
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On pourrait d'abord croire que le personnage en rouge n'est pas un larron, — comme semble le penser le rédacteur de la notice du musée—, mais la corde blanche qui le ceinture, d'une part, la jambe droite pliée à angle droit (et donc brisée) d'autre part, et enfin le diable guettant son âme à sa droite, prouve qu'il s'agit bien de la déposition du Mauvais Larron de son gibet, l'artiste peintre plaçant deux épisodes successifs sur la même lancette. Cette Descente de gibet reprend les codes des Descentes de Croix.
Une enquête rapide ne m'a pas permis de trouver cette Descente de gibet dans les enluminures et peintures du XVIe siècle, hormis, précisément, sur les verrières de l'atelier Le Sodec, à Guimiliau (1550), à Guengat (1550) et à Gouezec (ca 1550-1575). Mais dans ces trois derniers cas, la scène remplace celle du Mauvais Larron au gibet. D'autre part, dans ces trois cas, le larron est habillé d'une tunique blanche, et son visage se détourne vers sa gauche. Ici, à Langolen, le visage a été restauré. Deux lancettes (Mauvais Larron au gibet, et Descente de gibet du Mauvais Larron) ont-elles été habilement réassemblées en une seule ?
Mais dans ces quatre cas, c'est bien un même carton qui semble avoir été repris, même si, à Guimiliau, le diable a disparu.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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Un autre détail est troublant. D'une façon très singulière (est-ce un unicum ?), les yeux du diable (cornu et ailé) ont été percés dans le verre. C'est par ailleurs un verre bleu qui, pour le faire apparaître vert, a été soit peint au jaune d'argent, soit gravé, c'est à dire doublé d'un verre blanc, et meulé de son verre bleu pour l'éclaircir et le peindre en jaune. Les yeux résultent-ils d'un meulage à la molette (outil servant à graver le verre)?
L'effet obtenu est saisissant.
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La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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3°) Un cavalier ( membre du Sanhédrin ?) et des soldats en armure.
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Ce cavalier est retrouvé dans toutes les verrières du corpus comparatifs, et il est facilement reconnaisable à sa coiffure à oreillettes, nouée d'un ruban à son sommet. Il lève la tête vers le Christ en croix. C'est toujours lui, ou sa monture, qui reçoivent les inscriptions à type de lettres souvent dépourvues de sens. Ici, nous ne lisons que VERE.EE sur le galon du camail.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
La Crucifixion (ca 1550, atelier Le Sodec) de l'église Saint-Gunthiern de Langolen, Musée départemental breton de Quimper Inv. 1879.2.1 . Photo lavieb-aile 2024.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1918, Notice sur Langolen, BDHA Quimper
— BARRIÉ (Roger), 1978, Etude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle, Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper : Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper ; sous la direction d' André Mussat / [S.l.] : [s.n.] , Thèse, Université de Haute Bretagne, Rennes.
— BARRIÉ (Roger), 1977, "Un atelier de peinture sur verre en Cornouaille vers 1535", in Le vitrail breton. Arts de l'Ouest, numéro 3 (Centre de recherches sur les arts anciens et modernes de l'Ouest de la France, U. E. R. des arts, Université de Haute-Bretagne, Rennes)
— BARRIÉ (Roger), 1976 "Les verres gravés et l'art du vitrail au XVIe siècle en Bretagne occidentale". In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 83, numéro 1, 1976. pp. 35-44.
—DEBIDOUR (Victor-Henri )1981 La sculpture bretonne- Rennes, éd. Ouest-France, 1981 (rééd. en 1953) p. 69
— GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD ( Michel), 2005, Les vitraux de Bretagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, 365 p. (Corpus vitrearum France, série complémentaire. Recensement des vitraux anciens de la France, VII) page 186.
— LE STUM (Philippe), Nolwenn RANNOU, Michel LE GOFFIC, Patrick GALLIOU, André CARIOU, Christiane PRIGENT. 2007, "Le Musée départemental breton - Quimper" - Quimper : éd. Musée départemental breton, 2007.- 96 p. p.38, repr.
Les vitraux de la nef de la cathédrale de Troyes : les baies 134 et 234 de l'Histoire de Joseph fils de Jacob,réalisées en 1500, don en 1499 d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes). Armoiries et monogrammes.
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Voir sur les verrières hautes de la nef de la cathédrale de Troyes :
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. "Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine." (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
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Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien .
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiriesidentifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrières réalisées par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph fils de Jacob ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire de Suzanne et du prophète Daniel ; réalisées en 1499 , don de Jean Coiffart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
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Le monogramme du donateur Jean Thévenin ?
Dans le tympan de la baie 134, quatre monogrammes à type de lettres entrelacées peuvent se lire JT, ou JC voire JCT. Ces initiales sont proches de celles des baies 136 et 236 , mais où je lis plutôt JC. Dans les deux cas, ces initiales ne correspondent à aucun des peintres-verriers de Troyes dont les noms ont été relevés par J.B Coffinet, mais bien à celles des donateurs : Jean Thévenin pour les baies 134 et 234, Jean Coiffart dans les baies 136 et 236. Par contre, la ressemblance entre ces monogrammes, amènent à postuler un peintre-verrier commun, mais anonyme.
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Les monogrammes que je suis amené à attribuer, après Coffinet, aux peintres-verriers, en baies 129 et 131 par exemple, sont bien différents, sans lettres réunies, mais asociant , comme les marques professionnelles (tailleurs de pierre), des chevrons VV et une sorte de clef.
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Inscription de donation, datation (1499) et donatrice (Agnès, veuve Thévenin).
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Comme sur les autres baies voisines, une inscription en lettres gothiques court en bas des six lancettes:
AGNES VESVE DE FEV JEHÃ[N] THEVENI[N] EN SO[N] VIVA[N]T ESCVIER ET NOTAIRE ROYAL A TROYES A DONNEE CESTE VERRIERE L'AN MI JJJJcc JJJJxx ET XI. PRIE DIEV POVR ELLE.
La donatrice sera présentée lors de la description du panneau qui la représente, ainsi que ses armoiries.
Datation du vitrail : Selon Danielle Minois, une verrière est réalisée l'an qui suit sa donation, soit donc ici 1500.
Cette verrière n'est pas mentionnée dans les comptes de la cathédrale.
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Description.
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Les baies 134 (triforium) et 234 occupent la deuxième travée de la nef côté sud.
La baie 234, avec six lancettes réunies deux à deux sous deux mouchettes, et un tympan à treize ajours et écoinçons, mesure 10 m de haut et 6 m de large.
La baie 134, en dessous, au triforium, avec ses six lancettes réunies deux à deux sous un tympan à deux mouchettes et un soufflet, mesure 3, 50 m de haut et 6 m. de large.
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Le sujet et ses rapport avec le théâtre religieux, et les enluminures.
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L'histoire de Joseph est un véritable roman familial qui termine le Livre de la Genèse du chapitre 37 au chapitre 50, et qui suit la geste de Jacob (Gn. 25-36).
Rappel :
Jacob a eu de Léa six fils, Ruben, Siméon, Lévi, Issachar et Zabulon.
Puis Jacob a eu de Rachel, sa femme préférée, deux fils, Joseph et Benjamin, puis Rachel est morte.
Il eut aussi de servantes ou concubines Dan et Nephtali, par Bilha, et Gad et Asser par Zilpa.
Ces douze fils seront les ancêtres des "douze tribus d'Israël" (autre nom de Jacob).
Fils préféré de Jacob, Joseph devient la cible de l’hostilité de ses onze demi-frères , d'autant qu'il leur raconte ses rêves où ces derniers se prosternent devant lui . Jaloux, ils l'abandonnent au fond d'un puits et présentent à Jacob sa tunique ensanglanté comme preuve de son décès accidentel. Sauvé mais vendu comme esclave en Egypte, il devient l' intendant de Putiphar, officier du roi, mais il résiste aux avances de sa femme et est emprisonné. Mais grâce à son talent d'interprétation de rêves du Pharaon, il devient premier ministre, sauve l’Égypte et finit par retrouver les siens.
Les Pères de l'Église ont vu en Joseph une préfiguration du Christ (innocent sacrifié, trahi, mais sauvant les siens), ou un exemple de vertu malgré les épreuves.
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Le Mistère du Vieil Testament par personnages , de 49 000 vers, qui fut joué à Paris en 1500 , et dont nous avons vu qu'il pouvait avoir inspiré plusieurs verrières de Troyes (La Patience de Job, l'Histoire de Daniel et de la chaste Suzanne, l'histoire de Tobie) consacre 8000 vers à l'Histoire de Joseph, sous le titre de "Mistère de Joseph", "Moralité de Joseph" ou de "La Vendition de Joseph". Les manuscrits de ce Mistère du Vieil Testament sont perdus. Nous ignorons si le drame de Joseph a été joué à Troyes, ou si les commanditaires y avaient eu accès, mais il est manifeste que les bourgeois de Troyes ont commandités pour les verrières de la cathédrale des sujets qui sont à la même époque très en vogue sous forme de représentation théâtrale. Plus tard, une Moralité de la Vendition de Joseph a été imprimée en 1538 et jouée à Paris à la même époque, puis on retrouve ce mistère à Nancy en 1557 et 1558, à Draguignan en 1559, à Remiremont en 1603, et il fut reprit par Noël Georges en Bretagne au début du XVIIe siècle.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5051p
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50539
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Les enluminures traitent abondamment de ce sujet. Voir Base Mandragore.
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On remarquera que les 21 scènes de la baie 234 ne traitent que de la première partie de l'Histoire de Joseph, avant l'accession de celui-ci auprès du Pharaon, alors que les célèbres interprétations des songes du Pharaon occupent le triforium, alors que la reconnaissance de Joseph par ses frères et le retour en la maison de Jacob ne sont pas traités. La verrière de l'église Saint-Aspais de Melun, au XVIe siècle, traite en cinq scènes de l'ensemble de l'histoire. À Saint-Merry de Paris, trois verrières du chœur et une verrière du transept datant du milieu du XVIe siècle sont consacrées à ce récit. Déjà en la cathédrale de Chartres en 1205 la baie 41 lui est dédié, tandis qu'en la cathédrale de Rouen en 1220-1230 une baie offerte par les tondeurs de drap le raconte en sept médaillons.
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Les baies 134 et 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LA BAIE 234.
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La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LA DONATRICE AGNÈS BONJEAN PRÉSENTÉE PAR SAINTE AGNÈS.
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Sous l'inscription SA[N]CTA AGNES, la sainte est identifiable par sa palme du martyre et surtout par l'agneau blanc renvoyant à la proximité sonore du mot latin agnus avec son prénom issu du grec agnê. Elle est nimbée de violet, ses cheveux blonds descendent devant sa poitrine, et sa robe rouge est ourlé de losanges blancs sur fond noir.
La donatrice est agenouillée mains jointes devant son prie-dieu drapé à ses armes. Un livre de prières y est ouvert, le fermoir en or servant de marque-pages. Elle porte une coiffe à bonnet noir, et une robe violette (couleur adoptée par la plupart des donateurs des verrières de Troyes). Cette robe est fourrée aux manches, et serrée à la taille par une ceinture orange, où est pendu un rosaire à gros grains. Autour de sa tête est déployé un phylactère portant ces mots MISERERE MEI DEUS
Le blason est un losange, donc féminin, mi parti en 1 de gueules à une étoile d'or à six branches, au chef d'argent chargé d'un lambel d'azur, qui est Thévenin, et en 2 d'or à la perdrix d'azur qui est Bonjean.
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Jean Thévenin, seigneur d'Assencière et notaire royal est en exercice en 1449 et en 1486, et décédé en 1494.
Devenue veuve, Agnès Bonjean offrit outre les baies 134 et 234 de la cathédrale, la verrière de l'Arbre de Jessé , et un autre vitrail de sujet inconnu, en l'église de la Madeleine de Troyes
Une messe fut fondée chaque 12 novembre en l'église Sainte-Madeleine de Troyes, pour "Me Jean Thévenin et Agnès Bonjean sa femme, inhumés devant l'autel Saint-Antoine" (comptes de la fabrique de l'église de la Madeleine.
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Agnès Bonjean, donatrice de la baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Agnès Bonjean, donatrice de la baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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L'HISTOIRE DE JOSEPH EN 21 TABLEAUX, AU TYMPAN PUIS SUR TROIS REGISTRES DANS LES LANCETTES.
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LE TYMPAN DE LA BAIE 234.
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Les ajours du tympan sont remplis de rubans entrecroisés rouges et verts délimitant des carreaux bleus ou rouges à fleurons jaunes, ou bien, dans les écoinçons, de rinceaux feuillagés sur fond rouge. Néanmoins, quatre soufflets reçoivent des scènes figurées qui débutent l'Histoire de Joseph par la représentation de ses songes. En outre, ils sont dominées par le blason de Jean Thévenin, à gauche, et d'Agnès Bonjean, à droite.
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Tympan de la baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1 et 2 : Joseph et ses frères gardent leur troupeau.
"Jacob habita la terre où son père était venu en immigré : la terre de Canaan. Voici l’histoire de la descendance de Jacob. Joseph, âgé de dix-sept ans, faisait paître le petit bétail avec ses frères. Le jeune homme accompagnait les fils de Bilha et les fils de Zilpa, femmes de son père. Il fit part à leur père de la mauvaise réputation de ses frères. Israël, c’est-à-dire Jacob, aimait Joseph plus que tous ses autres enfants, parce qu’il était le fils de sa vieillesse, et il lui fit faire une tunique de grand prix. En voyant qu’il leur préférait Joseph, ses autres fils se mirent à détester celui-ci, et ils ne pouvaient plus lui parler sans hostilité. " Genèse chap. 37.
Sous le blason de Jean Thévenin les panneaux montrent sept bergers gardant les troupeaux, aidés d'un chien à collier rouge. La plupart tiennent le bâton à extrémité creusée des bergers, un seul, assis, souffle dans un hautbois.
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Tympan de la baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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3 et 4 : le songe des gerbes de blé et le songe des étoiles.
Joseph eut un songe et le raconta à ses frères qui l’en détestèrent d’autant plus.« Écoutez donc, leur dit-il, le songe que j’ai eu. Nous étions en train de lier des gerbes au milieu des champs, et voici que ma gerbe se dressa et resta debout. Alors vos gerbes l’ont entourée et se sont prosternées devant ma gerbe. » Ses frères lui répliquèrent : « Voudrais-tu donc régner sur nous ? nous dominer ? » Ils le détestèrent encore plus, à cause de ses songes et de ses paroles.
Il eut encore un autre songe et le raconta à ses frères. Il leur dit : « Écoutez, j’ai encore eu un songe : voici que le soleil, la lune et onze étoiles se prosternaient devant moi. » Il le raconta également à son père qui le réprimanda et lui dit : « Qu’est-ce que c’est que ce songe que tu as eu ? Nous faudra-t-il venir, moi, ta mère et tes frères, nous prosterner jusqu’à terre devant toi ? » Ses frères furent jaloux de lui, mais son père retint la chose." Genèse chap. 37
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Sous le blason mi-parti d'Agnès Bonjean, Joseph est représenté endormi dans la maison de son père, faisant le songe des onze gerbes s'inclinant devant la douzième. Du côté droit, le soleil, la lune et onze étoiles adorent Joseph.
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Tympan de la baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LES LANCETTES DE LA BAIE 234.
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Lecture de haut en cas à partir de l'angle supérieur gauche. Le fil narratif suit le récit de Joseph dans la Genèse chapitre 30 à 50.
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La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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5 et 6. Jacob envoie Joseph chercher ses frères qui projettent de le tuer.
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"Les frères de Joseph étaient allés à Sichem faire paître le troupeau de leur père. Israël dit à Joseph : « Tes frères ne gardent-ils pas le troupeau à Sichem ? Va donc les trouver de ma part ! » Il répondit : « Me voici. » Jacob reprit : « Va voir comment se portent tes frères et comment va le troupeau, et rapporte-moi des nouvelles. » C’est de la vallée d’Hébron qu’il l’envoya, et Joseph parvint à Sichem. Un homme le rencontra alors qu’il était perdu en pleine campagne, et lui demanda : « Que cherches-tu ? » Il répondit : « Je cherche mes frères. Indique-moi donc où ils font paître le troupeau. » L’homme dit : « Ils sont partis d’ici, et je les ai entendu dire : “Allons à Dotane !” »
Joseph continua donc à chercher ses frères et les trouva à Dotane. Ceux-ci l’aperçurent de loin et, avant qu’il arrive près d’eux, ils complotèrent de le faire mourir. »
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Inscription : IOSEPH.
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Jacob est figuré comme un bourgeois de Troyes, coiffé d'un chaperon et vêtu d'un manteau rouge fourré devant sa demeure. Il pose sa main sur son aumônière, signe de sa richesse.
Joseph porte la belle tunique bleue offerte par son père en signe d'élection. Il tient un bâton et s'éloigne de la maison.
Quatre des frères montrent leur excitation par leurs gestes. L'un porte la houlette de berger, l'autre s'apprête à dégainer son glaive.
Le texte du Mistère de Joseph désigne cette scène sous le beau titre de "Du murmure des frères de Joseph à l'encontre de luy".
La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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7 et 8. Sur le conseil de Ruben, qui modère ses frères, Joseph est précipité dans la citerne.
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" Ils se dirent l’un à l’autre : « Voici notre songeur qui arrive ! C’est le moment, allons-y, tuons-le, et jetons-le dans une de ces citernes. Nous dirons qu’une bête féroce l’a dévoré, et on verra ce que voulaient dire ses songes ! » Mais Ruben les entendit, et voulut le sauver de leurs mains. Il leur dit : « Ne touchons pas à sa vie. » Et il ajouta : « Ne répandez pas son sang : jetez-le dans cette citerne du désert, mais ne portez pas la main sur lui. » Il voulait le sauver de leurs mains et le ramener à son père. Dès que Joseph eut rejoint ses frères, ils le dépouillèrent de sa tunique, la tunique de grand prix qu’il portait, ils se saisirent de lui et le jetèrent dans la citerne, qui était vide et sans eau. Ils s’assirent ensuite pour manger. "
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Inscription : RUBEN / IOSEPH.
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À gauche, Ruben, en rouge, intercède en faveur de Joseph et désigne le puits.
À droite, Joseph, qui a été dépouillé de sa tunique bleue, est jeté dans le puits, tandis que ses frères mangent des pains, conformément au texte de la Genèse.
La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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9 et 10. Joseph est vendu à des marchands par ses frères. Juda reçoit vingt pièces d'argent.
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"En levant les yeux, ils virent une caravane d’Ismaélites qui venait de Galaad. Leurs chameaux étaient chargés d’aromates, de baume et de myrrhe qu’ils allaient livrer en Égypte. Alors Juda dit à ses frères : « Quel profit aurions-nous à tuer notre frère et à dissimuler sa mort ? Vendons-le plutôt aux Ismaélites et ne portons pas la main sur lui, car il est notre frère, notre propre chair. » Ses frères l’écoutèrent. Des marchands madianites qui passaient par là retirèrent Joseph de la citerne, ils le vendirent pour vingt pièces d’argent aux Ismaélites, et ceux-ci l’emmenèrent en Égypte.
Quand Ruben revint à la citerne, Joseph n’y était plus. Il déchira ses vêtements, revint vers ses frères et dit : « L’enfant n’est plus là ! Et moi, où vais-je donc aller, moi ? »"
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Inscription : IOSEPH / JVDAS
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La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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11 et 12. Un bouc est égorgé pour tremper dans son sang la tunique de Joseph et faire croire à Jacob que son fils préféré est mort. Jacob, désespéré, déchire ses vêtements.
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" Ils prirent alors la tunique de Joseph, égorgèrent un bouc et trempèrent la tunique dans le sang. Puis ils firent porter à leur père la tunique de grand prix, avec ce message : « Nous avons trouvé ceci. Regarde bien : est-ce ou n’est-ce pas la tunique de ton fils ? » Il la reconnut et s’écria : « La tunique de mon fils ! Une bête féroce a dévoré Joseph ! Il a été mis en pièces ! ».
Jacob déchira ses vêtements, mit un sac sur ses reins et porta le deuil de son fils pendant de longs jours. Ses fils et ses filles se mirent tous à le consoler, mais il refusait les consolations, en disant : « C’est en deuil que je descendrai vers mon fils, au séjour des morts. » Et son père le pleura."
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Inscription : :JACOB.
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La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
13 et 14. Joseph, mené en Egypte, est acheté par l'intendant du pharaon Putiphar, qui, bientôt, lui confie le gouvernement de sa maison.
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Texte de la Genèse : "Joseph fut emmené en Égypte. Putiphar, dignitaire de Pharaon et grand intendant, un Égyptien, l’acheta aux Ismaélites qui l’avaient emmené là-bas. Le Seigneur était avec Joseph, et tout lui réussissait ; il vivait dans la maison de son maître, l’Égyptien. Ce dernier vit que le Seigneur était avec Joseph et faisait réussir tout ce qu’il entreprenait. Joseph trouva grâce aux yeux de son maître qui l’attacha à son service : il lui donna autorité sur sa maison et remit entre ses mains tout ce qu’il possédait.
Dès que l’Égyptien eut confié cette charge à Joseph, le Seigneur bénit sa maison, à cause de Joseph, et la bénédiction du Seigneur s’étendit sur tout ce que possédait l’Égyptien, sa maison et ses champs. Il abandonna entre les mains de Joseph tout ce qu’il possédait et ne s’occupa plus de rien, sinon de la nourriture qu’il prenait. Joseph avait belle allure et il était agréable à regarder."
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Inscription à gauche : PVTIPHAR. Putiphar (en toque et robe violette fourrée des bourgeois de Troyes), achète Joseph au marchand.
Inscription à droite : IOSEPH. Assis sur le lit dans la chambre de Joseph, un tailleur lui confectionne un manteau écarlate. On voit comme la tunique de Joseph sert d'objet clef dans le récit : d'abord bleue , elle devient aux yeux de son père une preuve d'identification. Puis, rouge, elle servira également de preuve de la culpabilité de Joseph. Mais ces deux tuniques-preuves se révèleront trompeuses.
La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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15 et 16. La femme de Putiphar veut le séduire : il résiste et abandonne sa tunique. La femme de Putiphar l’accuse de l’avoir séduite.
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"À quelque temps de là, la femme de son maître leva les yeux sur Joseph et dit : « Couche avec moi ! » Mais il refusa et répondit à la femme de son maître : « Voici que mon maître ne s’occupe plus de rien dans la maison. Tout ce qu’il possède, il l’a remis entre mes mains. Dans cette maison, il ne m’est pas supérieur et il ne me refuse rien, sinon toi, car tu es sa femme. Comment donc pourrai-je commettre ce grand mal et pécher contre Dieu ? ». Chaque jour, elle insistait auprès de Joseph. Mais lui n’acceptait pas de partager sa couche et d’être à elle.
Vint le jour où Joseph entra dans la maison pour faire son travail, alors qu’aucun domestique n’était là. La femme l’attrapa par son vêtement, en disant : « Couche avec moi ! » Mais il abandonna le vêtement entre ses mains et s’enfuit au-dehors.
Lorsqu’elle réalisa que, dans sa fuite, il avait abandonné son vêtement entre ses mains, elle appela ses domestiques et leur dit : « Voyez ça ! On nous a amené un Hébreu pour se jouer de nous ! Il est venu vers moi pour coucher avec moi, et j’ai appelé à grands cris. Alors, quand il m’a entendu élever la voix pour appeler, il a abandonné son vêtement à côté de moi et s’est enfui au-dehors. » Elle garda près d’elle le vêtement de Joseph, jusqu’à ce que le maître rentre chez lui. Elle lui tint alors le même langage : « Le serviteur hébreu que tu nous as amené est venu vers moi pour se jouer de moi. Mais j’ai appelé à grands cris, et il a abandonné son vêtement à côté de moi et s’est enfui au-dehors. » Quand le maître entendit sa femme lui dire : « Voilà comment ton serviteur a agi envers moi ! », il s’enflamma de colère. "
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La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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17 et 18. Joseph est jeté en prison. Le songe du sommelier de Pharaon.
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"Le maître de Joseph se saisit de lui et le jeta dans la prison où étaient enfermés les prisonniers du roi.
"À quelque temps de là, l’échanson du roi d’Égypte ainsi que le panetier commirent une faute envers leur maître, le roi d’Égypte. Pharaon s’irrita contre ses deux dignitaires, le grand échanson et le grand panetier, et il les fit mettre au poste de garde, dans la maison du grand intendant, au lieu même où Joseph était prisonnier.
Une même nuit, l’échanson et le panetier du roi d’Égypte firent tous deux un songe, alors qu’ils étaient prisonniers dans la prison.
Le grand échanson raconta à Joseph le songe qu’il avait fait : « J’ai rêvé qu’une vigne était devant moi. Elle portait trois sarments. Elle bourgeonnait, fleurissait, puis ses grappes donnaient des raisins mûrs. J’avais entre les mains la coupe de Pharaon. Je saisissais les grappes, je les pressais au-dessus de la coupe de Pharaon et je lui remettais la coupe entre les mains. » Joseph lui dit : « Voici l’interprétation : les trois sarments représentent trois jours. Encore trois jours et Pharaon t’élèvera la tête, il te rétablira dans ta charge, et tu placeras la coupe entre ses mains, comme tu avais coutume de le faire précédemment quand tu étais son échanson. Mais quand tout ira bien pour toi, pour autant que tu te souviennes d’avoir été avec moi, montre ta faveur à mon égard : rappelle-moi au souvenir de Pharaon et fais-moi sortir de cette maison ! En effet, j’ai été enlevé au pays des Hébreux, et là non plus je n’avais rien fait pour qu’on me jette dans la citerne. »
[...]
Toutefois le grand échanson ne se souvint pas de Joseph ; il l’oublia."
Le garde qui menace Joseph d'un bâton porte un gilet mi-parti rouge et vert : cet effet de rayure est porté par exemple par les marginaux, les bourreaux ou les lansquenets, ou les marins.
Le sommelier est endormi, la tête appuyée sur les montants d'un cep, qui immobilise ses pieds. Son rêve est représenté fidèlement, et il presse les grappes au dessus de la coupe du pharaon.
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La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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19 et 20. Le songe du panetier. Joseph interprète leurs rêves.
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" Voyant que Joseph avait fait une interprétation favorable, le grand panetier lui dit : « Moi, j’ai rêvé que je portais sur la tête trois corbeilles de gâteaux. Et dans la corbeille d’au-dessus, il y avait tous les aliments que le panetier fabrique pour la nourriture de Pharaon, et les oiseaux picoraient dans la corbeille au-dessus de ma tête. » Joseph répondit : « Voici l’interprétation : les trois corbeilles représentent trois jours. Encore trois jours et Pharaon t’élèvera la tête, il te pendra à un arbre, et les oiseaux picoreront ta chair. »"
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Inscription IOSEPH
Phylactère : SIC SOMPUIAVIMVS, pour sic sompniavimus "ainsi avons-nous vu en songe" , qui se rapporte au verset Gn 41:11 ou bien au sic somnium vidimusGn 40:8 . Sompnia est la forme ancienne de somnia.
Le panetier est condamné au cep comme son collègue, et il est accoudé endormi sur le montant. Trois oiseaux noir, blanc et rouge picorent les pains.
À droite, les deux officiers du pharaon sont au cep, et Joseph a également les jambes entravées par un fer et une chaîne.
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La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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21. Comme l'avait prédit Joseph, le panetier est pendu et le sommelier est rétabli dans sa charge.
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"Le troisième jour, jour anniversaire de Pharaon, celui-ci fit un festin pour tous ses serviteurs. Il éleva la tête du grand échanson et celle du grand panetier en présence de ses serviteurs : il rétablit dans sa charge le grand échanson, et celui-ci plaça la coupe entre les mains de Pharaon ; mais le grand panetier, il le pendit, comme l’avait annoncé Joseph."
Note : comme sur la verrière de Job en baie 131-231, la bouche du pharaon est une pièce montée en chef-d'œuvre.
Note : sur tout le registre inférieur, les coins supérieurs sont décorés de deux boules rouges. C'est aussi le cas, mais pour le registre moyen, de la baie 236 de l'Histoire de Danielle . C'est là un deuxième point commun, avec le monogramme FC/FT.
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La baie 234 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LA BAIE 134 (TRIFORIUM).
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La baie 134 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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22 et 23. les rêves du pharaon : les vaches grasses et les vaches maigres. Les épis de blé.
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texte de la Genèse : "Deux ans plus tard, Pharaon eut un songe. Il se tenait debout près du Nil, et voici que montaient du Nil sept vaches, belles et bien grasses, qui broutaient dans les roseaux. Puis, derrière elles, montaient du Nil sept autres vaches, laides et très maigres. Elles se tenaient à côté des premières, sur la rive du Nil. Et les vaches laides et très maigres mangeaient les sept vaches belles et bien grasses. Alors Pharaon s’éveilla. Il se rendormit et fit encore un songe : sept épis montaient sur une seule tige ; ils étaient gros et beaux. Puis, après eux, germaient sept épis maigres et desséchés par le vent d’est. Et les épis maigres avalaient les sept épis gros et pleins.
Alors Pharaon s’éveilla : c’était un songe ! Mais le matin, son esprit était troublé ; il fit convoquer tous les magiciens et tous les sages d’Égypte. Pharaon leur raconta les songes, mais personne ne pouvait les interpréter.
Alors le grand échanson parla à Pharaon en ces termes : « Aujourd’hui, je me rappelle mes fautes. Pharaon s’était irrité contre ses serviteurs et il m’avait mis au poste de garde, dans la maison du grand intendant, et avec moi, le grand panetier. Une même nuit, nous avons fait un songe, moi et lui. Et chacun des songes avait sa propre signification. Il y avait là, avec nous, un jeune Hébreu, serviteur du grand intendant. Nous lui avons raconté nos songes et il a donné à chacun l’interprétation du songe qu’il avait fait. Et ses interprétations s’avérèrent exactes : moi, on m’a rétabli dans ma charge, et l’autre, on l’a pendu. »
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Inscription PHARAO.
Le pharaon est endormi, tête appuyée sur le bras accoudé dans l'attitude du songeur.
La bouche est montée en chef-d'œuvre.
Le rêve des épis murs et des épis flétris est en haud, celui des vaches est en bas.
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La baie 134 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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24 et 25. Le sommelier appelle Joseph, fers au pieds, pour qu’il interprète le songe de Pharaon.
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"Pharaon fit appeler Joseph. En toute hâte, on le tira de son cachot. Il se rasa, changea de vêtements et se rendit chez Pharaon. Pharaon dit à Joseph : « J’ai fait un songe et personne ne peut l’interpréter. Mais j’ai entendu dire de toi, qu’il te suffit d’entendre raconter un songe pour en donner l’interprétation. » Joseph répondit à Pharaon : « Ce n’est pas moi, c’est Dieu qui donnera à Pharaon la réponse qui lui rendra la paix. »
Alors, Pharaon dit à Joseph : « Dans le songe, j’étais debout au bord du Nil, et voici que montaient du Nil sept vaches, bien grasses et de belle allure, qui broutaient dans les roseaux. Puis, derrière elles, montaient sept autres vaches, chétives, très laides et décharnées. Je n’en avais jamais vu d’une telle laideur dans tout le pays d’Égypte. Les vaches décharnées et laides mangeaient les premières vaches, les grasses, qui entraient dans leur panse. Mais on ne s’apercevait pas que les grasses étaient entrées dans leur panse : elles restaient aussi laides qu’avant. Alors je me suis réveillé. Mais j’ai encore vu, en songe, sept épis qui montaient sur une seule tige ; ils étaient pleins et beaux. Puis, après eux, germaient sept épis durcis, maigres et desséchés par le vent d’est. Et les épis maigres avalaient les sept beaux épis. J’en ai parlé aux magiciens, mais personne n’a pu me fournir d’explication. » Joseph répondit à Pharaon : « Pharaon n’a eu qu’un seul et même songe. Ce que Dieu va faire, il l’a indiqué à Pharaon. Les sept belles vaches représentent sept années, et les sept beaux épis, sept années : c’est un seul et même songe ! Les sept vaches décharnées et laides qui montaient derrière les autres représentent sept années ; de même, les sept épis vides et desséchés par le vent d’est. Ce seront sept années de famine. C’est bien ce que j’ai dit à Pharaon : ce que Dieu va faire, il l’a montré à Pharaon. Voici qu’arrivent sept années de grande abondance dans tout le pays d’Égypte. Mais après elles viendront sept années de famine : alors on oubliera toute abondance dans le pays d’Égypte, la famine épuisera le pays. On ne saura plus ce que pouvait être l’abondance dans le pays, tant la famine qui suivra pèsera lourdement. Si le songe de Pharaon s’est répété une seconde fois, c’est que la décision de Dieu est bien arrêtée et qu’il va se hâter de l’exécuter.
Maintenant donc, que Pharaon voie s’il y a un homme intelligent et sage pour l’établir sur le pays d’Égypte.Que Pharaon agisse en instituant des fonctionnaires sur le pays d’Égypte, afin de prélever le cinquième des récoltes pendant les sept années d’abondance. Ils recueilleront toute la nourriture de ces bonnes années qui viennent et, sous l’autorité de Pharaon, ils entasseront dans les villes du froment comme nourriture : ils le garderont en réserve. Ainsi, il y aura une réserve de nourriture pour le pays en vue des sept années de famine qui suivront dans le pays d’Égypte, et la famine ne détruira pas le pays. » Cette proposition plut à Pharaon et à tous ses serviteurs. Pharaon leur dit : « Trouverons-nous un homme comme celui-ci, qui a l’esprit de Dieu en lui ? »"
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Inscription : IOSEPH
Inscription : SOMPNIORUM INTERPRETATOR EST, "voilà celui qui explique les songes".
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Le sommelier vient de libérer Joseph de ses chaines (il est nu-pied) et le présente au pharaon.
Fond damassé. Bouche montée en chef-d'œuvre.
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La baie 134 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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26 et 27. Pharaon nomme Joseph administrateur de son royaume et de ses biens.
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"Alors, Pharaon dit à Joseph : « Dès lors que Dieu t’a fait connaître tout cela, personne ne peut être aussi intelligent et aussi sage que toi. C’est toi qui auras autorité sur ma maison ; tout mon peuple se soumettra à tes ordres ; par le trône seulement, je serai plus grand que toi. ». Pharaon dit à Joseph : « Vois ! Je t’établis sur tout le pays d’Égypte. » Il ôta l’anneau de son doigt et le passa au doigt de Joseph ; il le revêtit d’habits de lin fin et lui mit autour du cou le collier d’or. Il le fit monter sur son deuxième char et on criait devant lui : « À genoux ! » Et ainsi il l’établit sur tout le pays d’Égypte. Pharaon dit encore à Joseph : « Je suis Pharaon. Mais sans ta permission, personne ne lèvera le petit doigt dans tout le pays d’Égypte. » .Pharaon appela Joseph Safnath-Panéah et lui donna pour femme Asnath, fille de Poti-Phéra, prêtre de One. Alors Joseph partit inspecter le pays d’Égypte."
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Le pharaon tenant son sceptre remet son anneau à Joseph, qui porte le collier d'or. Il est sous un dais à franches multicolores, sur un char doré tiré par un cheval harnaché d'or. Sur le cheval, un héraut portant une toque à plumet et un pourpoint damassé bleu à manches exubérantes sonne de la trompe.
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Inscription PHARAO
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La baie 134 de l'Histoire de Joseph de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LES TYMPANS DE LA BAIE 134 : MONOGRAMMES ET INSCRIPTIONS.
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Ces tympans portent les armes partielles (l'étoile d'or sur fond rouge) de Jean Thévenin et son monogramme JT, et sa devise LAUX DEO (louange à Dieu) ainsi que le monogramme du Christ IHS.
La devise a été aussi celle de la famille de Clugny. BnF NAL3209. C'est un extrait de l'office des morts Requiem eternam dona eis domine : et lux perpetua luceat eis laux deo pax vivis re.
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Tympan de la baie 134 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 134 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 134 de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858, Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
—MARSAT (André), Charles J. Ledit, Angelico Surchamp · 1972 Cathédrale de Troyes, les vitraux
— MINOIS (Danielle), 2005 "Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560)" .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
— MINOIS (Danielle), 2003, thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald, La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, "Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle)", Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
Les vitraux de la nef de la cathédrale de Troyes : les baies n°133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de Saint-Sébastien.
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. "Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine." (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
Les baies 133 (triforium) et 233 occupent la deuxième travée de la nef côté nord.
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Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien .
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiriesidentifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrières réalisées par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph (biblique) ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire de Suzanne et du prophète Daniel ; réalisées en 1499 , don de Jean Corart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
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Donation par la confrérie de saint Sébastien et datation en 1501 : inscription au triforium et en baie 233.
L'inscription qui court tout le long du registre inférieur des lancettes de la baie 233 indique :
LA CONFRARIE DE SAINT SEBASTIAEN ONT DONNE CESTE VERRIERE LAN MIL CINQ CENT UN. DIEU LES GARD[E]
Note : la graphie "confrarie Monsr Saint Sebastian" issue de l'ancien français (latin confratria) se retrouve dans les comptes de la confrérie en 1483-1486 (AD registre G2513). Elle comporte la liste de ceux "qui ont prins cierge"
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Attribution et datation : d'après les archives de la cathédrale.
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"Payé à un maçon pour aider Lyénin le verrier à refaire les escharfauds de la verrière de St. Sébastien"
Selon D. Minois, la pose de la verrière en trois fois révèle sans doute la fréquence des versements effectués par les confrères , la date de 1501 qui est inscrite correspondant au dernier acompte
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Héraldique.
Selon la notice de la base Palissy; un écu armorié avait été mis en place en 1502/1503 par Jeançon Garnache et Nicolas Hulins, mais il a disparu.
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Description
La baie 233, avec six lancettes réunies deux à deux sous deux mouchettes, et un tympan à treize ajours et écoinçons, mesure 10 m de haut et 6 m de large.
La baie 133, en dessous, au triforium, avec ses six lancettes réunies deux à deux sous un tympan à deux mouchettes et un soufflet, mesure 3, 50 m de haut et 6 m. de large.
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La confrérie de saint Sébastien à Troyes.
La confrérie de saint Sébastien de Troyes est présente dans les comptes de la fabrique dès 1380. Si les créations de confréries à Troyes datent de ces années 1380, elles explosent vers 1510 et leurs nombres passent de 25 à 81 (S. Simiz). Celle de Saint-Sébastien doit son développement aux épidémies de peste, et donc aux soins d'inhumation.
Confrérie d'intercession ou de fonction ?
Le rôle de l'intercession auprès de saint Sébastien contre la peste est clairement énoncée sur la verrière de la cathédrale, comme elle l'est à Saint-Nizier de Troyes. Une épidémie a frappé Troyes entre 1491 et 1499, donnant tous son sens à l'invocation du tympan : Saint Sébastien ami de dieu garde nous de tous lieux de peste.
Dans les villes, la défense était confiée à des groupes d'archers et arbalétriers. Je n'ai trouvé que des documents insuffisants pour savoir si, à Troyes, la confrérie de saint Sébastien a été dès l'origine une confrérie d'archers, comme c'est attesté en 1520 sur la verrière du martyre de saint Sébastien de l'église Saint-Nizier de Troyes ("don de la confrérie des archers") qui comporte aussi des invocations contre la peste. La confrérie possédait aussi en 1515-1516 un autel en l'église Sainte-Madeleine de Troyes. Dans la cathédrale Saint-Pierre, leur autel se trouvait dans le transept méridional, et associé dès le XVe siècle à l'autel de Sainte-Hélène. Une messe y fut fondée dès 1340, des inhumations eurent lieu dans cette chapelle.
La confrérie possédait certainement un bâton de procession à l'effigie du saint patron, et sa garde était attribuée au bâtonnier. À Troyes en 1502-1503 ou 1512-1513, il s'agissait d'une femme. Lors de sa prise de fonction, elle offrait du linge d'autel pour la chapelle. La procession faisait le tour de la ville lors de la fête du saint. Le jour de la Saint-Sébastien on allait, en magnifique cortège, tirer le papegai sur le pré. Celui qui abattait l’oiseau était proclamé roi ; l’abattait-on trois années de suite, on devenait empereur. Le soir, on dînait aux frais de la ville.
—Saint-Nizier de Troyes vers 1520
Inscription : DON DE LA CONFRERIE DES ARCHERS ET INVOCATION CONTRE LA PESTE (BANDEROLES DES ECOINÇONS)
Sujet : saint Sébastien au martyr est décoré du collier de l'ordre de Saint-Michel. fond damassé au tympan
Au pied de ce pilier était l'autel de la confrérie de Saint-Sébastien en 1515-1516. Cette oeuvre est caractéristique des statues auboises du 16e siècle représentant Saint-Sébastien portant le collier de l'ordre de Saint-Michel qui fut créé par Louis XI, en 1469. Elle pourrait avoir été créée à l'épo
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Le lien entre la verrière et le theâtre religieux.
J'ai souligné ce lien pour les verrières consacrées à Job, à Tobie et à Daniel : il peut aussi être argumenté pour la légende de saint Sébastien.
"En 1497, la ville de Chalon-sur-Saône, qui depuis six ans souffre de la peste, décide, pour désarmer la colère de Dieu, de faire jouer le mystère de Saint-Sébastien. Abbeville représente, en 1458, le jeu de Monsieur saint Adrien, en 1493, la vie de Monsieur saint Roch. Souvent, à la suite de ces représentations, les spectateurs formaient des associations pieuses qui perpétuaient le culte des défenseurs de la cité contre les épidémies. Les confréries vouées à un et souvent à plusieurs de ces saints protecteurs abondaient."
Le manuscrit d'un Mystère de saint Sébastien du XVe siècle en vers français est conservé par la BnF NAF 1051
Arlima signale l'Histoire de Monseigneur saint Sébastien BnF fr 12539, incomplet, du XVe siècle, et L'ystoire de monseigneur sainct Sebastien, pour la premiere journee a LX personnaiges… jouee par les habitans de Lans-en-Villard, en Savoie (en mai 1567), manuscrit du XVIe siècle BnF NAF 7521.
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Saint Sébastien et le collier de l'Ordre de Saint-Michel.
Saint Sébastien porte, sur ces baies 133 et 233, le collier de l'Ordre de Saint-Michel, dans sa première version bien entendu (l'Ordre a été créé en 1469 mais François Ier a remplacé en 1515 les aiguillettes en double las du collier par une cordelière). Cette particularité se retrouve à la même époque dans la statuaire de l'Aube, et un bel exemple de statue en bois est conservé au Musée de l'Archerie et du Valois de Crépy-en-Valois, datant de la fin du XVe/début XVIe siècle.
Laurent Hablot a étudié ces Sébastien au collier est souligne que, "en Champagne au moins, le port de ce collier par le saint patron des confréries d'archers permettait de faire le lien entre ces milices, avatars des francs archers de l'Ordonnance et le service du roi, une façon aussi d'ennoblir à travers son patron la confrérie comme personne morale à défaut que ses membres roturiers puissent prétendre à cette distinction royale réservée à la noblesse. Au XVIe-XVIIe, plusieurs de ces confréries décerneront au "roi du Papegau" un collier très proche formellement des colliers d'ordre de chevalerie (dans le Nord et en Flandres, quasi répliques de la Toison d'or). Peut-être qu'à Troyes au XVIe siècle déjà le roi du Papegai recevait un collier imitant celui du Saint-Michel ? "(*)
(*) J.P. Finot, in Les archers, arbalétriers et arquebusiers de Troyes (1858), décrit la cérémonie hebdomadaire du tir au joyau ou du tir à l'oiseau et les honneurs réservés au vainqueur, mais ne parle pas d'un collier.
Quatre autres exemples de Sébastien au collier de Saint-Michel sont décrits en ligne (il en existerait plus d'une dizaine) :
— Verrière : baie 4, Martyre de saint Sébastien, vers 1520, église de Saint-Nizier à Troyes. Inscription au tympan CONFRERES ARCHERS GARDEZ-VOUS D'EPIDEMIE DE PESTILENCE.
"Située au 19e siècle (signalement Fichot) : au premier pilier du transept, faisant l'angle du bas-côté du choeur à gauche. Au pied de ce pilier était l'autel de la confrérie de Saint-Sébastien en 1515-1516. Cette oeuvre est caractéristique des statues auboises du 16e siècle représentant Saint-Sébastien portant le collier de l'ordre de Saint-Michel qui fut créé par Louis XI, en 1469. "
Les baies 133 et 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LA BAIE 133 (TRIFORIUM).
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La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1 et 2. Les membres de la confrérie de Saint-Sébastien, en donateurs.
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Une vingtaine de membres de la confrérie de Saint-Sébastien sont agenouillés mains jointes sous un espace voûté et nervuré.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Le tympan et les têtes de lancettes.
Dans chacun des trois tympans sont figurées des flèches entourées de phylactères ; et dans les deux premères têtes de lancettes, au dessus des donateurs, ces mêmes phylactères portent l''inscription : LES CONFRERES DE ST SEBASTIAEN.
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La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Les femmes sont nombreuses parmi les membres de la confrérie. C'est une femme qui est placée en premier (est-ce elle qui a la charge du bâton, qui malheureusement n'est pas figuré ?), suivie de deux épouses, et de cinq femmes en fin de cortège. Parmi celles-ci, nous trouvons une religieuse, les autres sont en riches robes bourgeoises.
À côté de la première femme, un homme porte une robe blanche fourrée aux manches, puis deux ou trois couples, et cinq clercs identifiables à leur tonsure : aucun indice ne laisse penser à une réunion d'archers.
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La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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3 et 4. Sébastien exhorte un chevalier (armure, bonnet à plume, épée) à se convertir puis viennent Dioclétien et Maximien.
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La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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5 et 6. Sébastien (qui porte le collier de l'Ordre de Saint-Michel) invite les deux frères jumeaux Marc et Marcelin ( qui ont été condamnés à être décapités en raison de leur foi chrétienne) à proclamer leur foi. Zoè femme de Nicostrate, retrouve la parole et voit un ange notant sur un livre les paroles du saint.
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La Légende :
Jacques de Voragine La Légende dorée (1261-1266) Traduction par T. de Wyzewa. Perrin et Cie, 1910 (p. 92-97).
"Sébastien, originaire de Narbonne et citoyen de Milan, était animé d’une foi chrétienne très ardente. Mais les empereurs païens Maximien et Dioclétien avaient pour lui une telle affection qu’ils l’avaient nommé chef de la première cohorte, et l’avaient attaché à leur personne. Et lui, il ne portait la chlamyde militaire que pour pouvoir aider et consoler les chrétiens persécutés.
"Or comme, un jour, deux frères jumeaux, Marcellin et Marc, allaient être décapités pour s’être refusés à abjurer la foi du Christ, leurs parents vinrent les trouver pour les engager à se laisser fléchir. Leur mère, d’abord, se présenta devant eux, les cheveux dénoués, les vêtements déchirés, la poitrine nue, et leur dit : « Ô mes fils chéris, une misère inouïe et un deuil affreux s’abattent sur moi ! Malheureuse que je suis, je perds mes fils de leur propre gré ! Si l’ennemi me les avait enlevés, je serais allée les lui reprendre au plus fort du combat ; si des juges s’étaient emparés d’eux pour les mettre en prison, je me serais fait tuer pour les délivrer. Mais ceci est un nouveau genre de mort, où la victime prie le bourreau de la frapper, où le vivant aspire à ne plus vivre, et invite la mort au lieu de l’éviter. Ceci est un nouveau genre de souffrance, où la jeunesse des fils, spontanément, se perd, tandis que la vieillesse des parents est condamnée à survivre ! » Ensuite arriva le père, conduit sur les bras de ses esclaves ; et ce vieillard, la tête couverte de cendres, s’écria : « Je suis venu dire adieu à mes fils, qui, de leur plein gré, ont voulu nous quitter ! Ô mes fils, bâton de ma vieillesse et sang de mon cœur, pourquoi avez-vous ainsi soif de la mort ? Que tous les jeunes gens viennent pleurer sur ces jeunes gens obstinés à périr ! Que tous les vieillards viennent pleurer avec moi sur la mort de mes fils ! Et vous, mes yeux, éteignez-vous à force de larmes, pour que je ne voie pas mes fils tomber sous le glaive ! » Puis arrivèrent les femmes des deux jeunes gens, tenant dans leurs bras leurs fils, et gémissant, et disant : « À qui nous confiez-vous, qui prendra soin de ces enfants, qui se partagera vos biens ? Avez-vous donc des cœurs de fer, vous qui dédaignez vos parents, repoussez vos femmes, reniez vos fils ? » Et déjà le courage des deux jeunes gens commençait à mollir, lorsque saint Sébastien, qui assistait à la scène, s’avança et dit : « Braves soldats du Christ, que ces flatteries et ces prières ne vous fassent pas renoncer à la couronne éternelle ! » Puis, se tournant vers les parents, il leur dit : « Soyez sans crainte ! Ils ne seront pas séparés de vous, mais, au contraire, ils iront vous préparer au Ciel des demeures durables ! » Et pendant que saint Sébastien parlait ainsi, il se trouva entouré d’une grande lumière descendue du ciel, et on le vit soudain revêtu d’un manteau étincelant de blancheur, avec sept anges debout devant lui."
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"Et Zoé, la femme de Nicostrate, dans la maison de qui les deux gens étaient gardés, vint se prosterner aux pieds de Sébastien, et l’implora par signes, car elle avait perdu l’usage de la parole. Alors le saint dit : « Si je suis le serviteur du Christ, et si les choses que j’ai dites sont vraies, ô toi qui as ouvert la bouche du prophète Zacharie, ouvre la bouche de cette femme ! » Et la femme, retrouvant la parole, s’écria : « Béni soit ton discours, et bénis ceux qui croient à ce que tu dis ! car j’ai vu un ange debout devant toi et tenant un livre où il inscrivait toutes tes paroles ! » "
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La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Le collier de l'Ordre de Saint-Michel.
C'est une représentation schématisée des entrelacs, mais les coquilles sont indiscutables.
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La baie 133 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LA BAIE 233.
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La baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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7 et 8. Sébastien rend la parole à Zoé, femme de Nicostrate.
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Saint Sébastien, en commandeur, nimbé, vêtu d'un manteau écarlate brodé d'hermines et portant le collier de l'Ordre de Saint-Michel, bénit Zoé, qui fléchit le genou, mains jointes. Derrière elle, son mari Nicostrate, en la maison duquel les chrétiens étaient gardés, et un homme tenant une croix.
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Inscription Sct SEBASTIAEN. N rétrograde.
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La graphie Sebastiaen, déjà notée dans l'inscription de donation, est attestée en Flandres, ce qui pourrait être un indice sur l'origine du verrier Lièvin Varrin.
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Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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9 et 10. Saint Policarpe baptise les chrétiens devant saint Sébastien.
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Saint Sébastien porte la même tenue et le même collier de l'Ordre de Saint-Michel.
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Inscription S~ct POLIC[A]RPE.
La Légende :
"Et telles étaient la grâce et la vertu divines de la parole de saint Sébastien que non seulement il fortifia Marcellin et Marc dans la constance du martyre, mais qu’il convertit aussi leur père Tranquillin, et leur mère, et d’autres personnes, qui toutes furent baptisées par le prêtre Polycarpe."
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Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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11 et 12. Policarpe et Saint Sébastien brise les idoles.
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Policarpe, tonsuré, vêtu d'une robe rouge d'un surplis blanc et d'une chape rouge, et armé d'un sabre, pénètre dans la chambre du préfet de Rome Chromace, et brise de son arme une idole en or placée sur une colonne . La tête de l'idole ainsi que son étendard tombent. En effet, Sébastien a refusé de guérir Chromace qui était très malade, tant que les idoles ne seraient pas détruites.
Les idoles détruites, Chromace ne guérit pas, car il avoue alors qu'il possédait chez lui une chambre où était représenté tout le système des étoiles, qui lui permettait de prédire l'avenir. La chambre est détruite, et Chromace est guéri. Il se convertit, ainsi que son fils Tiburce et 4000 personnes.
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Saint Sébastien porte toujours le collier de l'Ordre de Saint-Michel. Il lève la main sur deux idoles encore intactes.
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Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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13 et 14. Comparution de Sébastien devant Dioclétien.
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La Légende indique comment le préfet Fabien fait supplicier les chrétiens convertis, dont Tiburce, Zoé, Marcellin et Marc. Puis, il va dénoncer Sébastien à l'empereur Dioclétien.
Sébastien porte toujours le collier de l'Ordre de Saint-Michel.
"Après cela, ce préfet dénonça Sébastien à l’empereur Dioclétien, qui, l’ayant appelé, lui dit : « Ingrat, je t’ai placé au premier rang dans mon palais, et toi tu as travaillé contre moi et mes dieux ! » Et Sébastien : « Pour toi et pour l’État romain j’ai toujours prié Dieu, qui est dans le Ciel. » "
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Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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15 et 16. Sébastien est criblé de flèches par deux archers.
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Sébastien, qui avait été nommé centurion par Dioclétien et Maximien, est martyrisé par ses propres archers.
"Après cela, ce préfet dénonça Sébastien à l’empereur Dioclétien, qui, l’ayant appelé, lui dit : « Ingrat, je t’ai placé au premier rang dans mon palais, et toi tu as travaillé contre moi et mes dieux ! » Et Sébastien : « Pour toi et pour l’État romain j’ai toujours prié Dieu, qui est dans le Ciel. » Alors Dioclétien le fit attacher à un poteau au milieu du champ de Mars, et ordonna à ses soldats de le percer de flèches. Et les soldats lui lancèrent tant de flèches qu’il fut tout couvert de pointes comme un hérisson ; après quoi, le croyant mort, ils l’abandonnèrent."
Cette scène a été représentée de très nombreuses fois, elle s'impose à toute la statuaire du saint. L'allure de bel éphèbe nu et blond, le bras droit levé au dessus de la tête, la colonne et ses liens, ainsi que le nombre des flèches répondent à des codes éprouvés. De même, la posture chorégraphique des archers, et leurs tenues exubérantes et marginales proches de celles des Lansquenets, sont retrouvés partout.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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17 et 18. Sainte Lucine et Policarpe retirent les flèches.
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Inscription Scta LVCIANA / S POLICARPE
La Légende dorée est un peu différente ; selon Charles Fichot, c'est ici "une erreur du peintre verrier" car c'est une veuve nommée Irène, dont le mari saint Castule était mort pour la foi, qui recueillit le corps, le soigna et rétablit la santé de Sébastien.
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Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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. 19 et 20. Sébastien survit à sa sagittation et comparait à nouveau devant Dioclétien
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Inscription Sct SEBASTIE[N]
Le collier de l'Ordre de Saint-Michel est bien visible avec ses coquilles saint-Jacques.
"Et voici que peu de jours après, saint Sébastien, debout sur l’escalier du palais, aborda les deux empereurs et leur reprocha durement le mal qu’ils faisaient aux chrétiens. Et les empereurs dirent : « N’est-ce point là Sébastien, que nous avons fait tuer à coups de flèches ? » Et Sébastien : « Le Seigneur a daigné me rappeler à la vie, afin qu’une fois encore je vienne à vous, et vous reproche le mal que vous faites aux serviteurs du Christ ! »
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Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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21 et 22 : Sébastien est condamné à être bastonné à mort.
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Alors les empereurs le firent frapper de verges jusqu’à ce que mort s’ensuivît."
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Là encore, la danse des bourreaux est caractéristique, rejoignant celle des soldats flagellant le Christ dans les innombrables représentations de sa Passion.
Saint Sébastien a retrouvé son collier de l'Ordre de Saint-Michel.
Dans les têtes de lancette se trouvent des branches de chêne nouées.
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Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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18 et 19. Saint Sébastien est jeté dans un égout afin que son corps ne soit pas découvert .
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Inscription : DIOCLETIEN / S SEBASTIEN
"...et ils firent jeter son corps à l’égout, pour empêcher que les chrétiens ne le vénérassent comme la relique d’un martyr. Mais, dès la nuit suivante, saint Sébastien apparut à sainte Lucine, lui révéla où était son corps, et lui ordonna de l’ensevelir auprès des restes des apôtres : ce qui fut fait. Il subit le martyre vers l’an du Seigneur 187."
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Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LE TYMPAN.
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Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Une inscription est répartie en plusieurs phylactères :
SC~TSSE SEBASTIAN / SAINT SEBASTIAN AMI ED DIEV.
SAINT SEBASTIAN /GARDE NOUS EN TOVS LIEVX DE PESTE.
Et dans les écoinçons :
LA CONFRARIE DE SAINT SEBASTIEN ONT FAIT FAIRE CETTE VERRIERE.
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Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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20 . Sainte Lucine retire le corps de la fosse. Une effigie de saint Sébastien assiste à la scène, dans des nuées, tenant la flèche de son martyre.
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Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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21 . Sainte Lucine ensevelit le corps de Sébastien aidée de Policarpe, devant saint Pierre et saint Paul (patrons de la cathédrale).
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Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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22. Les âmes de saint Sébastien, et des autres martyrs, menées par deux anges montent au ciel où ils sont accueillies par Dieu le Père.
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Tympan de la baie 233 de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858,Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
— HABLOT (Laurent), 2023, "Saint Sébastien et l'ordre de Saint-Michel", in L’Ordre de Saint-Michel et l'essor du pouvoir royal, Musée national des ordres de chevalerie et de la Légion d’Honneur - Château d’Amboise,p. 151-154.
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
—MARSAT (André), Charles J. Ledit, Angelico Surchamp · 1972 Cathédrale de Troyes, les vitraux
— MINOIS (Danielle), 2005 "Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560)" .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
— MINOIS (Danielle), 2003, thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald, La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, "Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle)", Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
Les vitraux de la nef de la cathédrale de Troyes, les baies 130 et 230 de l' Arbre de Jessé. Verrières réalisées par Lievin Varin en 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. Armoiries.
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1°) Voir sur les vitraux de la cathédrale de Troyes :
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. "Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine." (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
Les baies 130 (triforium) et 230 occupent la quatrième travée de la nef côté sud.
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Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien ; un écu armorié d'Odard Hennequin mis en place en 1502-1503 par Jeancon Garnache et Nicolas Hulins a disparu.
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiriesidentifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrières réalisées par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph (biblique) ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire de Suzanne et du prophète Daniel ; réalisées en 1499 , don de Jean Corart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
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Datation et donateurs : par inscription.
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Tout au long de la partie inférieure de la baie 230 se lit l'inscription en lettres gothiques : MESSIRE JEHAN DE MARISY ET DAMOYSELLE GUILLEMETTE PHELIPE SA FEMME ONT DONNE CESTE VERRIERE EN L'HONNEUR DE DIEU ET DE SAINT PIERRE L'AN 1498. PRIEZ POUR EUX.
Danielle Minois estime que la réalisation d'une verrière se fait l'année suivant la donation, soit en 1499, ce que confirme les comptes de la cathédrale.
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Attribution à Liévin Varin et paiement en 1498-1499 : par pièce d'archive.
Comptes de la confrérie Saint-Pierre de la cathédrale (AD G 1571)
1498- 1499 : "A la femme de Lyevin, verrier, à laquelle messires ont ordonné bailler ug escu d'or pour ung chapperon: affin qu'il fist bien et deument la verrière de Radix Jessé, pour ce cy xxxv s.t"
Le peintre-verrier :
Lyevin Varin est documenté de 1474 à 1513. Son patronyme apparaît sous les graphies Varin Verrien Warin, Voirrin, Il est désigné uniquement par son prénom Lyevin ou Lievin dans la plupart des registres de comptes troyens et on trouve l'expression « Liévin le verrier » . Lyevin était peut-être d'origine flamande puisque saint Lievin est le patron de Gand, et que le prénom Liévin n'est jamais donné à Troyes.
Sa femme se prénommait Jeanne. Il était l' oncle de Jean Macadré. Il habitait rue Notre-Dame.
Il est l'auteur en 1501-1502 au transept sud de la cathédrale de Sens, avec Jean Vierrat et Balthasar Godon, de la Rose du Jugement de l'Arbre de Jessé, et de l'Invention des reliques de saint Etienne et de la Translation des reliques de saint Etienne.
Il travailla aux verrières de l'église Sainte-Madeleine de Troyes en 1503 et à celles de l'église Saint-Jean de 1508 à sa mort. Il répara avec son neveu Macadré les verrières de Saint-Jean en 1510-1512, puis refit le vitrail de saint Christophe de cette église en 1512-1513. Il décéda en 1512-1513.
La baie 230, avec six lancettes réunies deux à deux sous deux mouchettes, et un tympan à treize ajours et écoinçons, mesure 10 m de haut et 6 m de large.
La baie 130, en dessous, au triforium, avec ses six lancettes réunies deux à deux sous un tympan à deux mouchettes et un soufflet, mesure 3, 50 m de haut et 6 m. de large.
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Les baies 130 et 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Les baies 130 et 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LA BAIE 130.
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Elle associe les saints patrons des donateurs (saint Jean-Baptiste et saint Guillaume), aux extrémités, aux deux prophètes Isaïe et Jérémie cités en référence avec leurs versets dès les premiers Arbres de Jessé, et à deux scènes typologiques, celle du Buisson ardent et de Gédéon préfigurant l'Incarnation et la Nativité du Christ. Si on considère que Jean-Baptiste a été le prophète qui a annoncé la venue du Christ, cinq des six personnages de ces lancettes introduisent bien le motif de l'Arbre de Jessé, arbre de la généalogie de Jésus démontrant que le Sauveur "accomplit les Écritures", selon les termes de l'incipit de l'évangile de Matthieu après sa généalogie :
"Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète [Isaïe] : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous »" Mt 1:22-23.
La baies 130 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baies 130 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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1. Saint Jean-Baptiste patron du donateur.
Jean est vêtu de sa robe en poil de chameau, il tient l'agneau mystique au nimbe crucifère et l'étendard à l'oriflamme portant la croix.
Inscription JOHANNES.
Armoiries de Jean de Marisy, d'azur aux six macles d'or posées 3,2,1.
Tentures damassées rouge et vertes.
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2. le prophète Isaïe.
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Inscription ISAYAS
Inscription du phylactère : EGREDIETVR VIRGA DE RADICE JESSE. Citation d'Isaïe 11:1 "Il sortira un rejeton de la racine de Jessé". Le thème iconographique de l'Arbre de Jessé provient de cette citation.
Tentures damassées rouge et vertes.
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Tympan bleu aux macles jaunes.
Armoiries de Jean de Marisy et phylactère portant sa devise FINS CORONAT, citation abrégée de Finis coronat opus, "La fin couronne l'œuvre".
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La baies 130 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Vient ensuite deux scènes typologiques, celle du Buisson ardent, et de la toison de Gédéon. La verrière de l'arbre de Jessé de la cathédrale de Sens, réalisée par Liévin Varin juste après celle-ci, en 1502-1504, reprend cette idée, mais ce sont alors quatre scènes qui sont disposées sur les bordures latérales de l'arbre : outre Moïse et Gédéon (avec les mêmes citations bibliques), on y trouve Melchisédech devant l'autel, et Ézéchiel et la porte close, dans la même intention interprétative, reliant le motif de l'Arbre généalogique de Jessé avec une défense de l'Immaculée conception de Marie, et de la nature royale de la Vierge et du Christ.
La comparaison entre les deux verrières ne s'arrête pas là, puisque à Sens, sont représentés Isaïe et Jérémie (et également Daniel et Ézéchiel, Nahum et Zacharie et Aggée et Amos).
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3. Moïse et le Buisson ardent.
Inscription DNE MITE QVEM MISSVRVS ES. EXODVS JJJJ, citation du livre de l'Exode 4:13 Seigneur, envoie qui tu voudras envoyer."
Moïse, ayant auprès de lui ses moutons, se déchausse sur l'ordre de Dieu qui lui apparaît sous la figure du Christ au nimbe crucifère au centre du buisson environné de flammes. Il tient son bâton, qui, dans le texte, vient de se transformer en serpent, témoignant de la puissance effectrice de Yahvé.
Comme la suivante, cette scène provient de la typologie biblique largement vulgarisée et mise en image à la fin du Moyen-Âge par les Bibles des pauvres. Le Buisson ardent y est mis en parallèle avec la Nativité, ce qui se comprend ici puisque la prophétie d'Isaïe est lue comme une annonce de la naissance du Christ par la Vierge. Voir la page de la Biblia pauperum.
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4. La toison de Gédéon.
Inscription : GEDEO
Gédéon est en prière devant une toison d'où s'élève une rosée (des rayons blancs descendant d'une nuée). Il est revêtu de son armure de guerre, et porte dans son dos son bouclier où est inscrit son nom. Un ange lui apparaît , portant une banderole avec ces mots : DOMINE TECVM VIRORVM FORTISSIME , "Le Seigneur est avec toi, ô le plus puissant des hommes" (Juges 6:25).
Dans la Biblia pauperum, le miracle de la rosée (ou de la toison) de Gédéon est mis en parallèle avec l'Annonciation, ce qui là encore, est cohérent vis à vis de la prophétie d'Isaïe.
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Tympan bleu aux macles jaunes.
Armoiries de Jean de Marisy et phylactère portant sa devise FINS CORONAT, citation abrégée de Finis coronat opus, "La fin couronne l'œuvre".
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La baies 130 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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5. Le prophète Jérémie.
Inscription : IEREMIAS.
Inscription du phylactère : CREABIT DOMINVS NOVVM SUPER TIAM JEREMIE XXXI.
Il s'agit d'une citation du verset de Jérémie 31,22 Creavit Dominus novum super terram femina circumdabit virum : "Le Seigneur a fait du nouveau sur la terre, une femme entourera [ou "environnera"] l'homme". Ce verset a été interprété par Saint Bernard comme annonçant la Vierge, qui concevra Jésus, homme parfait dès sa présence dans le sein de Marie, non par la maturité de l'âge, mais par celle de la sagesse :
6. Saint Guillaume patron de la donatrice Guillemette.
Inscription GVILL'MVS
En l'honneur de Guillaume de Bourges, archévêque de Bourges (1199-1209) , le prénom Guillaume est extrémement répandu à Troyes à l'époque sous ses formes masculines (Guillaume, Guiot ou Guyot) et féminine. Voir Guillaume Molé et Guiot I le Peley (mort en 1485), amis de Jean de Marisy.
Tentures damassées rouge et vertes.
En bas à gauche, blason mi-parti de Jean de Marisy d'azur aux six macles d'or posées 3,2,1 et de Guillemette Phelippe de gueules aux trois lionceaux grimpants d'or.
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Tympan bleu aux macles jaunes.
Armoiries de Jean de Marisy et phylactère portant sa devise FINS CORONAT, citation abrégée de Finis coronat opus, "La fin couronne l'œuvre".
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La baies 130 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LA BAIE 230.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LE REGISTRE INFÉRIEUR : LES DONATEURS JEAN DE MARISY ET GUILLEMETTE PHELIPPE.
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Tout le registre inférieur.
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Un cas unique ?
Il existe un nombre considérable de verrières de l'Arbre de Jessé (près de 80 entre 1475 et 1600) en France, mais très peu d'entre elles comportent, à ma connaissance, des donateurs ; et parmi ceux-ci, la baie 230 est peut-être la seule où ceux-ci, composant une famille entière de 17 membres, occupent le registre inférieur aux côtés de Jessé et se placent ainsi sous le patronage des Rois de Juda.
C'est également un cas unique que cette famille qui insére ses membres, sans séparation dans l'arbre généalogique du Christ, et même dans les racines ou premières branches de l'arbre, au même rang que Jessé le fondateur, les branches basses venant englober dans leur rinceau les têtes de Jean de Marisy, de son épouse et de leurs enfants. Qui entoure Jessé d'un complexe héraldique important, et qui empiète sur sa robe. Et qui suspend sans complexe ses blasons à une branche principale de l'arbre !
C'est également un cas unique parmi les 20 verrières hautes de la nef de la cathédrale de Troyes, les autres donateurs occupant une place plus modeste, et se contentant du patronage de leurs saints patron. Autre particularité, les donateurs des autres verrières troyennes figurent en bourgeois (malgré la présence d'armoiries témoignant d'un annoblissement récent) tandis que Jean de Marisy figure ici en armure.
En la cathédrale de Sens, la verrière de l'Arbre de Jessé de Liévin Varin, dont j'ai déjà souligné la proximité avec celle de Troyes, montre également un donateur, le chanoine Louis Lahure, sur la même horizontale que Jessé mais à l'écart dans la bordure latérale, et en petite taille entre deux prophètes . Mais l'écu portant ses armes parlantes est suspendu tout aussi cavalièrement à une branche servant d'appui à l'archange Gabriel.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Jean de Marisy, ses onze descendants mâles, et son complexe héraldique.
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Jean de Marisy est représenté agenouillé mains jointes devant son livre de prières posée sur le prie-dieu. Il est en armure, et il porte ses armes sur son tabard.
Jean de Marisy, fils de Simonnet de Marisy et de Marguerite La Héraulde, est né en 1420. Il était écuyer, seigneur de Juzanvigny, Valentigny, Champigny-suur-Aube, Richereau et Racine. Il fut Maire de Troyes en 1471 et 1488. Il épousa Guillemette Phelippes (1424-/1492) dont trois enfants :
François Ier de Marisy, qui fut confirmé dans sa noblesse par sentence de l'élection de Troyes, décédé après 1515, Maire de Troyes en 1498 . Il épousa Catherine Molé (ca 1464-1520), fille de Jean II Molé et de Jeanne de Mesgrigny, donateurs des verrière 131 et 231, puis il épousa Ysabeau de Louvement d'où trois enfants, Claude (qui épousa Jeanne Le Boucherat puis Michelle Molé et qui fit construire en 1526 l'Hôtel de Marisy), Marguerite et Jacques.
Ysabeau de Marisy qui épousa Alain I de Vassan, d'où trois enfants Guillemette, Guillaume et Jean.
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Juste derrière lui vient un fils portant armure et tabard aux armes de Marisy, probablement François de Marisy. Charles Fichot y voit le frère puiné de Jean.
Puis vient un clerc, probablement un chanoine puisqu'il porte l'aumusse de fourrure au bras droit, vêtu d'une robe blanche au dessus d'un vêtement rouge. Ce serait pour Charles Fichot le frère cadet de Jean.
Puis suivent neuf hommmes, vêtus en bourgeois avec des manteaux rouges, bleus ou verts. Il n'est pas possible de les identifier parmi les fils ou petits-fils du donateur.
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En 1499, date de la donation de la verrière, tous les enfants et petits enfants mentionnés étaient nés.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Le complexe héraldique.
Le blason aux armes de Marisy, d'azur aux six macles d'or posées 3,2,1, armes qui remonterait à Philippe VI de Valois, est présenté par deux lévrettes blanches colletés aux couleurs azur et or. Le blason est timbré d'un casque à sept grilles entouré de ses lambrequins et coiffé d'un tortil (aux couleurs de Marisy), et qui reçoit en cimier une femme blonde richement vêtue, en buste.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Le côté féminin de la famille.
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On trouve d'abord le blason suspendu par une sangle à une branche de l'Arbre de Jessé : il porte les armes mi parti, en 1 de Marisy et en 2 de Phelippes de gueules à trois lions d’or rampants.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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La donatrice et ses filles.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Guillemette de Phelippes.
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Elle est agenouillée sur un coussin, mains jointes devant son prie-dieu où est posé le livre de prières à fermoir, et un rosaire à grains rouges et à gland vert.
Elle porte une coiffe noire, et une robe rouge à longue traine et à manches larges et fourrées. Une bague en or est passée à son index. Une longue ceinture blanche tombe jusqu'à terre.
Derrière elle vient une fille en robe bleue et coiffe rouge; livre sous le bras puis une autre en robe et en coiffe rouge.
Pour Charles Fichot, ce pourrait être ses belles-filles. Catherine Molé et Margaux Huyard ?
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Les filles ou petites-filles de Guillemette.
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Les deux dernières sont de taille plus petite, et portent leur livre de prières sous le bras.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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L'ARBRE DE JESSÉ.
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La verrière trouve sa source dans l'incipit de l'évangile de Matthieu Mt 1:6-16, et dans l'énumération des 28 descendants de Jessé (ou Isaï), les derniers étant Jacob puis Joseph, père de Jésus : quatorze générations de David jusqu'à la déportation à Babylone, et quatorze générations de Babylone jusqu'à Jésus. Plus précisément, ce sont les rois du royaume de Juda depuis David qui sont retenus, pour démontrer l'ascendance royale de Jésus.
Nous allons trouver, comme des fleurs sur les branches d'un arbre né de l'ancêtre Jessé, son fils David, son petit-fils Salomon, puis Roboam fils de Salomon, puis Abia, Asa, Josaphat, Joram, Ozias, Joatham, Achaz, Ézéchias, Manassé, Amon, et Josias, tous rois avant la déportation, mais aussi Jéconiah, Salathiel, Zorobabel, Abioud, Azor et Sadoq, descendants depuis la déportation. Parmi les premiers, tous sont couronnés et portent un sceptre, tandis que dans la deuxième liste, seul Jéconiah est couronné, les autres portent des chaperons de ou bourgeois ou des bonnets de seigneurs du XVe-XVIe siècle. En effet, Zorobabel par exemple, ne fut pas roi de Juda mais gouverneur de la province de Judée.
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Au nombre de 20 au total, ils sont répartis à 7 dans les deux lancettes de gauche, à 6 dans les deux lancettes médianes et à 7 dans les lancettes de droite.
L'arbre générationnel se poursuit au tympan avec six derniers ancêtres (Ahim, Elioud, Eléazar, Eliakim, Matthan, Jacob) menant à Joseph, à Marie puis à Jésus.
Cette composition à 30 personnages menant de Jessé à Jésus et inclunat Joseph est plus rare que la formule à 12 rois, conduisant à la Vierge tenant l'Enfant.
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1. Jessé livré à son songe.
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L'inscription indique RADIX JESSE, "Tige de Jessé" qui renvoie au verset d'Isaïe Is 11:10a In die illa radix Jesse qui stat in signum populorum "En ce jour-là la racine de Jessé qui se dresse comme un signal pour les peuples".
Radix Jesse désigne aussi, dans les hymnes chrétiens, la Vierge :
—Germinavit radix Iesse, orta est stella ex Iacob : Virgo peperit Salvatorem; te laudamus, Deus noster "une étoile s'est levée de Jacob : la Vierge a enfanté le Sauveur ; nous vous louons, notre Dieu."
—Radix Jesse virgo flore floruit | Quoniam Maria virgo deum nobis genuit | Quem patriarchis Deus promisit signisque praefiguravit "La souche de Jessé a fleuri la tige a porté son fruit la mère féconde a enfanté et elle est restée vierge."
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Alors que souvent Jessé est allongé et qu'un tronc s'élève de sa poitrine ou de son bassin, ici il est assis, endormi dans le creux d'un tronc d'arbre dont il enlace la branche maîtresse, la tête appuyée sur son bras gauche. Il porte à peu près l'habit des bourgeois de Troyes, avec un chaperon violet, une robe rouge ouverte sur la poitrine, ourlée de fourrure et serrée par une ceinture verte.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Les rois de Juda David et Salomon.
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De l'aiselle droite de Jessé s'élève une branche qui se divise : la première division porte le roi David, fils de Jessé (inscription DD), portant la harpe qui le caractérise, la couronne, le sceptre, et une robe bleue à motifs dorés. La deuxième division porte Salomon (inscription SALOMÕ), petit-fils de Jessé, couronné, barbu, portant le sceptre, et une robe verte. Chaque roi est figuré en buste, naissant d'une fleur en bourgeon.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Ézéchias, Ozias, Azor et Abiut.
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Au dessus de David et de Salomon viennent sur les divisions hautes de l'arbre EZECHIAS et OZIAS, puis AZOR et ABIVT .
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Sur le côté gauche de l'arbre, au dessus des donateurs mâles, nous trouvons successivement AZA, ROBOAM, JORÃ, AMÕ, JOATHÃ, JECHONIAS, et ZOROBABEL en tête de lancette. Les armoiries de Marisy occupent la tête de lancette voisine.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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Sur le côté droit de l'arbre, au dessus des donatrices , nous trouvons successivementJOSAPHAT, ACHAZ et ABIAS, puis MANASSES, JOSIAS, SALATIEL et SADOTH.
Les armes mi-parti Marisy/Phelippes sont suspendues à un rameau au dessus de Salathiel.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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JOSAPHAT.
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La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
La baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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LE TYMPAN.
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Tympan de la baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
Tympan de la baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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ACHIN et ELIAZAR. Plus haut, IACOB.
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Tympan de la baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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ELIVD et ELIACHI[M]. Plus haut, MATHÃ.
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Tympan de la baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge et Joseph agenouillés devant Jésus. Au sommet, dans une nuée radiante, Jésus en Sauveur, bénissant, portant le nimbe crucifère et tenant le globe.
Inscription : M[ARI]A et IOZEPH. IESUS.
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Tympan de la baie 230 de l'Arbre de Jessé de la nef de la cathédrale de Troyes. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— COFFINET (Abbé Jean-Baptiste), 1858,Les peintres-verriers de Troyes pendant trois siècles depuis 1375 jusqu'à 1690 "Peintres-verriers. Nomenclature des peintres-verriers de Troyes depuis 1375 jusqu'à 1690". Annales archéologiques, 1858, t. 18, p. 212-224.
— JUBAINVILLE (Henri d'Arbois de), 1862, "Documents relatifs aux travaux de construction faits à la cathédrale de Troyes pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles" [second article].Bibliothèque de l'École des chartes Année 1862 23 pp. 393-423
— LAFOND (Jean) 1955, "Les vitraux de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes". In Société française d'archéologie, éd. Congrès archéologique de France : 113e session, Troyes, 1955. Orléans ; Nogent-le-Rotrou, 1957, p. 29-62.
— LIEZ (Jean-Luc), 2022, "Regard(s) sur l’héraldique à Troyes au XVIe siècle". ffhal-03940420f
https://hal.science/hal-03940420/document
—MARSAT (André), Charles J. Ledit, Angelico Surchamp · 1972 Cathédrale de Troyes, les vitraux
— MINOIS (Danielle), 2005 Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560) .Sorbonne Université presses Corpus vitrearum France Etudes VI, 1 vol. (475 p.-XXIV p. de pl.) : ill. en noir et en coul., jaquette ill. en coul. ; 33 cm
— MINOIS (Danielle), 2003, thèse d'histoire de l'art Paris IV sous la direction de Fabienne Joubert et Michel Hérald, La peinture sur verre à Troyes à la fin du Moyen Age
—PASTAN (Élisabeth C. BALCON (Sylvie), 2006, Les vitraux du chœur de la cathédrale de Troyes (xiiie siècle), Paris, Cths, coll. « Corpus vitrearum - France II », 2006, 539 p.
— RIVIALE (Laurence), "Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)." In: Bulletin Monumental, tome 166, n°1, année 2008. La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle) pp. 85-86.
Les vitraux de la cathédrale de Troyes : la baie 236 ou Histoire de Daniel réalisée par un verrier anonyme , don en 1499 de Jean Corart ou Coiffart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme. La baie 136 est moderne sauf le tympan aux monogrammes JC.
Avec 1 500 m² de verrières, allant du XIIIe au XIXe siècle, la cathédrale de Troyes est l’un des plus vitrées de France. Elle possède un triforium totalement vitré, (situé à mi-hauteur et qui fait le tour du bâtiment), ce qui est assez exceptionnel. Les vitraux de la cathédrale de Troyes sont considérés comme une œuvre majeure de la peinture sur verre en France.
Les 20 verrières hautes de la nef forment un ensemble homogène. Elles ont été réalisées entre 1498 et 1505 par plusieurs peintres-verriers dont le nom de certains sont connus (Pierre Maçon, Jean Verrat, Balthasar Godon, Lievin Varin et le cartonnier Nicolas Cordonnier). Parmi les 66 « verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint- Urbain, ils travaillaient au sein de structures familiales et fondaient des dynasties, comme les Verrat ou les Macadré. Leur atelier était une petite structure dirigée par un peintre verrier qui n’employait qu’un ou deux serviteurs, selon ses moyens, comme on le voit à Paris et en Provence (D. Minois).
Selon le rédacteur de la notice de l'Inventaire, rédigée en 1999, "Leur iconographie répond à la seule volonté des multiples donateurs. Leur véritable lien provient plus de la technique que du style : les peintres-verriers ont mis l'accent sur la lisibilité des compositions (larges registres de scènes, mise en valeur des faits et gestes des personnages par la réduction du rôle de l'architecture et des arrières-plans, modelé très appuyé, absence de chef-d'oeuvre et de gravure sauf dans la baie 233). Certains aspects rappellent les vitraux du milieu du 13e siècle des parties hautes du choeur : la gamme colorée très vive avec barbes et cheveux en pleine couleur, la mise en plomb des yeux de certains personnages, les fonds de mosaïque. Si la Renaissance italienne ne s'y fait pas encore sentir, Jean Lafond reconnaît une influence venue de l'est dans la verrière de saint Pierre (notamment l'atelier strasbourgeois de Pierre d'Andlau). Pour Emile Mâle, la présence dans ces verrières d'une forte veine d'inspiration populaire évoque l'imagerie d'Epinal."
Au contraire, Danielle Minois (2003 ; 2005) souligne la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. "Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que « le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse », elle signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine." (L. Rivale)
Ces 20 verrières hautes de la nef se répartissent entre les baies du triforium (galerie à trois arcades entre chaque travée), qui portent les numéros 127 à 136, et, au dessus de celles-ci, les baies hautes homologues portant les numéros 227 à 236. Selon la numérotation internationale des vitraux, les baies nord portent un numéro impair et les baies sud un numéro pair.
Les baies 136 (triforium) et 236 occupent la première travée côté sud.
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Nous avons donc ainsi :
a) du côté nord, depuis le transept vers le fond de la nef :
-baies 127 et 227 : Saints ; vie de saint Pierre. réalisée en 1502, don d'Henri II de Lorraine Vaudémont, évêque de Metz ;
-baies 129 et 229 : Histoire de Tobie. 1500 ; don de Jean Fuestot l'Aîné (marchand et bourgeois de Troyes dans l'Aube) et de Denise Chappelain sa femme. Monogramme [du peintre verrier en tête de lancette de la baie 129].
-131 et 231 : Adoration des mages, et Histoire de Job. Don de Jeanne de Mesgrigny veuve de Jean Molé. 1501. Inscription et armoiries. Monogramme d'un verrier au tympan.
-133 et 233 : légende de saint Sébastien ; réalisée en 1501 par Lievin Varin, don de la confrérie de saint Sébastien ; un écu armorié d'Odard Hennequin mis en place en 1502-1503 par Jeancon Garnache et Nicolas Hulins a disparu.
- 135 et 235 : Légende de la Vraie Croix ; réalisées entre 1501 et 1502 par Jean Verrat, don de Claude Dorigny, veuve de Jean Péricard. Armoiriesidentifiées. Monogrammes. Très restaurées au XIXe.
b) du côté sud :
-baies 128 et 228 : Calvaire ; saints et saintes. 1499 ; peintre-verrier Balthazar Godon ; armoiries (identifiées) : Jean Huyard chanoine de la cathédrale, et Guillaume Huyard avocat du roi à Troyes
-baies 130 et 230 : Arbre de Jessé. Verrière réalisée par Lievin Varin entre 1498 et 1499, don de Jean de Marisy et Guillemette Phélipe sa femme. En baie 230, toute la famille de Jean de Marisy et de Guillemette Phélipe (ses frères, ses 9 filles et belles-filles) est représentée au bas de cette verrière. Armoiries.
-baies 132 et 232 : Annonciation et Nativité. Parabole du Fils Prodigue. Don de Guillaume Molé et Simone Boucherat , 1499. Réalisée en 1499 peut-être par Pierre I maçon (inscription ne notant que son prénom). Armoiries identifiées, devise "en attendant", monogrammes [du verrier]
-baies 134 et 234 : Vie de Joseph (biblique) ; réalisée en 1499, don d'Agnès Bonjean, veuve de Jehan Thévenin (écuyer et notaire royal à Troyes) son mari . Armoiries identifiées et monogrammes en baie 134. Inscription mentionnant le commanditaire et la date en baie 234.
-baies 136 et 236 : Histoire de Suzanne et du prophète Daniel ; réalisées en 1499 , don de Jean Corart, marchand de Troyes et de Marguerite, sa femme (inscription) ; les vitraux du 15e siècle du triforium (baie 136) ont disparu et sont remplacés par des vitraux du 20e siècle sur le thème de l'histoire de Daniel.
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Datation vers 1500 et donation par Jean et Marguerite COIFFART.
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Les données s'appuient sur l'inscription qui court le long du bord inférieur de la baie 236 et qui énonce :
Jean Corart marchant demeurant a Troyes et Marguerite sa femme ont donnée ceste verriere lequel trepassa le 4 jour de septembre l'an mil IIII IIII et XIX [1499]. Priez Dieu pour eulx .
On estime (D. Minois) qu'il faut compter un an entre la donation, et la réalisation d'une verrière.
"La formulation , qui donne la date du décès du donateur ... laisse entendre que la donation faisait partie de son testament. Cette inscription est la seule indication de cette verrière dont aucun texte d'archives ne fait mention . Le nom de famille de la donatrice n'est pas connu . Aucun blason ne permet de confirmer l'identité des donateurs . Il est probable que ceux-ci avaient offert les deux niveaux de la verrière , triforium et baie haute .. Le sujet développé dans les lancettes est l'Histoire de Daniel, issue de l'Ancien Testament. Au tympan, au milieu d'une cour de séraphins aux ailes bleues, trônent le Christ et la Vierge, surmontés par la colombe de l'Esprit. L'auteur de cette verrière n'est pas connu. P. Biver, avec beaucoup de prudence, suggère que ce pourrait être Pierre, l'auteur du Fils Prodigue. Toutefois, aucune trace d'archive ne confirme cette hypothèse"