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27 avril 2024 6 27 /04 /avril /2024 10:37

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.

Voir :

— Sur Quéménéven :

— Sur les vitraux :

 

 

— Sur ce thème du Credo apostolique, voir ici dans l'ordre chronologique (en violet, les vitraux):

 

 

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PRÉSENTATION.
Bien que la chapelle Notre-Dame de Kergoat ait été reconstruite à la fin du XVIe siècle, elle conserve des vitraux plus anciens, la baie 10 des saints et anges (2ème moitié du XVe siècle), la baie 8 de l'enfance et de la Passion du Christ (fin XVe) et la baie 5 rassemblant 4 apôtres et 4 prophètes d'un Credo, datant du 4ème quart du XVe siècle. 

D'autres verrières contiennent des panneaux du XVIe siècle (baie 3, 4, 6, 7, 9  et 11).

 

Restaurations.

Dès 1600, les vitraux anciens du XVe et XVIe siècle furent réorganisés vers 1600, puis en 1841, Guillaume Cassaigne les modifiant, plaçant des ornements colorés dans les baies du chœur et du transept. Il replaça les panneaux qu'il remplaçait dans les petites fenêtres des collatéraux, en les encadrant de larges bordures.

En 1901, Felix Gaudin restaura les verrières du flanc nord, puis en 1922-1924 l'atelier Labouret intervint sur les trois verrières méridionales de la nef. Les vitraux furent déposés en 1942, replacés en 1954 par Gruber, entretenus par Hubert de Sainte-Marie en 1978, mais en 2005, les auteurs du volume Vitraux de Bretagne du Corpus vitrearum déploraient, dans la nef, et en particulier au nord, des trous et un état précaire.

En 2009-2010, l'atelier Anne Pinto de Tussau (Charentes) qui se charge de restaurer et surtout de protéger les vitraux. En effet, ceux-ci s'altèrent avec le temps : soit la peinture s'efface, soit la condensation (air froid extérieur, air chaud intérieur) ruisselle sur la face interne et lessive la peinture, soit celle-ci facilite le développement de micro-organismes (lichens et algues) qui rongent le verre.

  La protection mise en oeuvre par l'atelier Pinto consiste en la pose d'une verrière de protection à la place du vitrail, lequel est décalé de 3cm vers l'intérieur pour créer une ventilation : c'est désormais sur la face interne du verre de protection que l'eau de condensation se forme et s'écoule. En outre, le vitrail est désormais à l'abri des garnements qui lancent des pierres, de la grêle, du vent ou de la pollution.

   Mais l'atelier a aussi procédé à la restauration du vitrail lui-même. Des verres avaient été brisés ; certains fragments avaient été fixés par des "plombs de casse", plomb ficelle ou aile de plomb,  qui, s'ils sont trop nombreux, finissent par altérer le dessin d'origine. Les soigneurs de vitraux en ont compté en moyenne  750 par verrière ! Ils les ont déposé au profit d'un collage bord à bord par résine silicone.

   L'accumulation de poussières et de lichens avait encrassé les panneaux, en les noircissant ou les verdissant. Pire peut-être, la masse du verre se trouvait piquée de taches blanchâtres ou noires, surtout les bleus du XVe, alors que ceux du XVIe résistaient mieux. Un nettoyage au pinceau puis au coton-tige. Et puis l'ancien mastic très dur a été retiré, les verres bouche-trous ou les lacunes ont été remplacés par du verre soufflé maintenu par des cuivres Tiffany.

   J'ai appris tout cela en lisant les panneaux exposés dans la chapelle et réalisés par l'atelier Anne Pinto

 http://www.pinto-vitrail.com/home/vitraux12.php.

Les pertes subies, les remaniements et désordres consécutifs à ces initiatives ne permettent pas de définir avec certitude le programme iconographique initial. Mais les huit personnages de la baie 5, réunis deux à deux et portant des phylactères, proviennent à l'évidence d'un Credo apostolique et prophétique à 24 personnages, rappellant la grande verrière d'axe de Quemper-Guézennec, un peu antérieure (1460-1470).

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Description.

 

La baie actuelle mesure 2,30 m de haut et 1,40 m de large. Elle comporte deux lancettes cintrées et un tympan  à un ajour et deux écoinçons dont les rois de Jessé Ezéchias et Jechonias attestent de la présence, toujours au 4ème quart du XVe siècle, d'un Arbre de Jessé.

Je peux soulever aussi  l'hypothèse d'un Arbre de Jessé à 12 rois de Juda,  entouré de 12 prophètes et de 12 apôtres.

Les huit figures du Credo apostolique et prophétique  sont rassemblés deux à deux (un apôtre avec son nimbe,  et un prophète) dans des niches et tenant un phylactère où est inscrit leur nom, et un article du Credo ou un verset prophétique. 

L'identité des personnages, et le relevé des inscriptions, n'ont pas encore été publiés : c'est le but de cet article.

-lancette de gauche  :

  • Saint Jacques le Majeur et le prophète Isaïe
  • Saint André et Baruch. 

-lancette de droite 

  •  Saint Pierre et Jérémie (têtes modernes)
  • Philippe, tenant une croix et Malachie 

L'ordre des apôtres dans le Credo étant Pierre-André-Jacques-Jean-Thomas-Jacques le Mineur-Philippe-Barthélémy-Matthieu-Simon-Jude-Mattias :  Pierre, André et Jacques  apôtres ici présents se plaçaient donc au tout début de la grande verrière initiale.

Le thème du Credo apostolique et  prophétique est rare en Bretagne (Kermaria-an-Iskuit et Quemper-Guézennec) et unique en  Finistère. Mais au XVIe siècle, les 12 apôtres portant leur phylactère accueillent les fidèles dans la plupart des porches des églises et chapelles bretonnes.

Nous avons bien affaire à un fragment de Credo apostolique et prophétique où les apôtres sont clairement identifiables, présentant les articles 1, 2, 3 et 7 du Symbole des Apôtres, selon une forme abrégée voire conventionnelle, et selon une graphie gothique qui associe au moins deux styles différents (restauration?). L'écriture la plus difficile à déchiffrer est la plus belle en terme de calligraphie, mais elle multiplie les procédés d'abréviation, les omissions par tilde, les lettres conjointes, les lettres souscrites pour placer un texte de plusieurs mots sur un emplacement réduit. C'est ce qui en fait sa richesse.

Les apôtres devaient être disposés selon deux rangs verticaux, puisque les apôtres des six premiers articles se trouvent à droite, et inversement pour Philippe qui appartient aux six apôtres suivants.

  Le Credo prophétique est d'autant plus ardu à décrypter que le verset qui leur est attribué n'est pas fixé, et que les prophètes ne sont pas identifiables, comme les apôtres, par des attributs. Là encore, les autres exemples de Credo de l'iconographie montrent que la réduction du texte peut aller jusqu'à l'omission de mots ou  de plusieurs lettres des mots, ce qui rend le déchiffrement du verset trop inaccessible à un néophyte.

Voir :  La maîtresse-vitre de l'église de Quemper-Guezennec (22).

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La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

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En haut à gauche : L'apôtre Jacques le Majeur et le prophète Isaïe.

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La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

 

Isaïe et sa prophétie Ecce virgo concepiet .

 

Isaïe est barbu et coiffé d'un bonnet vert. Il est pieds-nus, peut-être par suite  de la recomposition des fragments.

Malgré quelques difficultés de lecture, le phylactère porte le début du verset d'Isaïe, VII, 14 : ESAIUS ECE VIRGO CONCIPIET (ou  co(n)cep...pa(r)iet).  Ecce virgo concipiet et pariet filium, et vocatibur nomem ejus Emmanuel : "une vierge concevra, elle enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel".

Dans la tradition, et notamment à Quemper-Guezennec, c'est bien Isaïe, et ce verset, qui sont appariés à l'apôtre Jacques le Majeur.

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La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

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L'apôtre Jacques le Majeur et son troisième article du Credo qui conceptus est de Spirituo Sancto natus est Maria Virgine

Jacques porte, sous le nimbe, le chapeau frappé d'une coquille et tient le bourdon du pèlerin vers Compostelle. L'inscription  JACOBUS QUI -FEZ NATUS EST DE-- est suffisante pour attester que le verset cité est bien le troisième du Credo.

Plus intéressant peut-être est l'inscription qui se lit, tracée en réserve sur le galon du manteau blanc de l'apôtre : VOS DEVS --ANG--ET, car sa présence n'a pas été soulignée.

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La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

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En bas à gauche : L'apôtre André et le prophète Baruch.

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La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

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Le prophète Baruch et son verset :

 

Le prophète est coiffé d'un bonnet (presque un casque) et ses épaules sont couvertes d'un camail frappé d'hermines portant un collier à gros maillons de chaines. Ne serait-ce pas là un réemploi provenant d'un roi de l'Arbre de Jessé ? Son manteau est rouge, et c'est une épée qui longe son côté gauche. 

Le texte est BARUCH VITIO EGO ANTEUS [AUTEM ] ---DUUM --ET ER--

Je n'ai pu rattacher cette inscription à un verset de Baruch. Baruch est plus souvent cité dans les Arbres de Jessé (avec les citations Hic est enim deus noster  Baruch 3:36, ou Post haec in terris visus est. Baruch 3:38) que sur les Credo, où son verset  3:38 Visus est in terris et cum hominibus conversatus est est emprunté par Jérémie à qui il est attribué.

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La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

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L'apôtre André et le deuxième article du Credo.

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André est accompagné de sa croix en X (de couleur jaune). Il est nimbé, barbu, il tient un livre, il est  pieds nus, et l'inscription indique :  

ANDREAS EST IN IESUM XSTUM FILIUS EI--, soit l'association du titulaire, ANDREAS, et du début de deuxième article   Et in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum.

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La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

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En haut à droite : saint Pierre et Jérémie (têtes modernes).

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1. Jeremias : patre(m) (in)voca/ .is..et v..me 

   . S : petrus Credo i(n) deu(m) patre(m)

Nous avons affaire au premier article du credo présenté par Saint Pierre préfiguré par Jérémie et sa citation Patrem invocabit qui terram fecit. 

 

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

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Saint Pierre.

Saint Pierre tient sa clef sur l'épaule droite. La tête est moderne : un ancien n'aurait pas omis la calvitie et le toupet de l'apôtre.

Son phylactère indique :

S.PETRUS CREDO IN DEUS PATREM

Soit  "Saint Pierre" puis le début du premier article du Credo "Je crois en Dieu le Père".

L'inscription en lettres gothiques utilise des deux-points , des lettres conjointes ,  des abréviations par titulus, et des lettres ornées.

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La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

La baie 5 ou verrière du Credo prophétique et apostolique (4ème quart XVe siècle, fragments recomposés) de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.Photographie lavieb-aile.

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Le prophète Jérémie.

il est coiffé d'un bonnet vert conique. La tête est moderne.

L'inscription indique :

JEREMIAS PATREM VOCABIS ME ET POST ME

Soit le nom Jérémie et fragment du verset de Jérémie 3:19 :Et dixi: Patrem vocabis me, et post me ingredi non cessabis.

"Je disais : Tu m'appelleras: Mon père! Et tu ne te détourneras pas de moi."

Cette association de saint Pierre avec le prophète Jérémie est extrémement fréquente, mais l'inscription présente ici  est beaucoup plus rare. Ce prophète présente ce verset Je 3:19 au Baptistère San Giovanni de Sienne du milieu du XVe siècle (peinture de  Lorenzo Vecchetia). Ou dans le Bréviaire de Martin d'Aragon (entre 1380 et 1400) BnF Rothschild 2529 f.2. Mais ailleurs, et depuis le Verger de Soulas, Jérémie présente un texte qui est composé de plusieurs découpages de citations bibliques : Patrem invocabitis qui terram et concidit coelum

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La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.
La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.
La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.

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En bas à droite : l'apôtre  Philippe et le prophète Malachie.

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La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.
La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.

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L'apôtre Philippe.

 

 Il tient une croix à longue hampe mais à traverse oblique (comme dans le Kalendrier des Bergers 1493).

L'inscription indique S: PHILIPPE IUDICAR VIVOS ET MO :  fragment du 7ème article inde venturus est iudicare vivos et mortuos.

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La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.
La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.
La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.

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Le prophète Malachie.

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L'inscription indique :

MALACHIAS ONUS[?] INIQUITATE  . 

Il ne s'agit plus de la même écriture, le deux-point a disparu, les abréviations également : ce texte est-il fidèle à l'original ? Le terme iniquitate se retrouve dans Malachie 2:4 Lex veritatis fuit in ore eius, et iniquitas non est inventa in labiis eius; in pace et in aequitate ambulavit mecum et multos avertit ab iniquitate.  "La loi de la vérité était dans sa bouche, Et l`iniquité ne s'est point trouvée sur ses lèvres; Il a marché avec moi dans la paix et dans la droiture, Et il a détourné du mal beaucoup d`hommes".  

 

Dans la salle du Credo des appartements Borgia du Vatican, Philippe est associé à Malachie avec le texte ascendam at vos in iudicio et ero testis velox ou bien  Ascipient in me deum suum quem confixerunt. Ce prophète est aussi associé, dans le même Credo Borgia, à Simon au 10ème article pour le verset Cum odio habueris, dimitte.

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La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.
La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.
La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.
La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.

 

 

LE TYMPAN.

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Dans l'ajour,  le buste du Christ bénissant et globe crucifère est estimé vers 1540, il était autrefois utilisé en baie 7 . Dans les écoinçons se trouvent 2 rois d'un Arbre de Jessé, couronnés, dotés du sceptre, tenant le phylactère indiquant leur nom : Ezechias et Jechonias (4e quart XVe).

 

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La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.
La verrière du Credo prophétique et apostolique de la chapelle de Kergoat à Quéménéven.

COMMENTAIRE

Le thème du "Credo apostolique et prophétique" et son illustration sur le vitrail de Kergoat.

Cette iconographie s'est développée au XIIIe siècle à la suite de réflexions théologiques montrant que les articles du Credo trouvent leur fondement dans le Nouveau Testament, par des références à des textes des Évangiles, des Épîtres et des Actes des Apôtres, mais aussi dans l'Ancien Testament par des citations des Prophètes, ce qui fonde le Credo non pas sur tel ou tel Concile, mais sur la parole de Dieu.

  a) Le Symbole des Apôtres

Ce Symbole des apôtres, souvent appelé Credo comme celui de Nicée, était récité quotidiennement par les clercs dans la lecture de leur bréviaire, et, depuis le Missel Romain de 2002, il peut être récité à la place du Credo lors de la Messe.  

  Il est la traduction, latine puis française, d'un texte grec. On le reconnaît dès le premier article qui dit Je crois en Dieu le Père tout-puissant (Credo in Deum, Patrem omnipotentem) alors que le Credo énonce Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant (Credo in unum deum ).

Il s'agit  ici non pas du Credo à proprement parler, celui qui est récité à la messe et qui est le Symbole de Nicée-Constantinople, mais le Symbole des Apôtres, une profession de foi qui, selon la tradition, proviendrait directement des Apôtres et qui serait donc inspiré par l'Esprit-Saint. La légende développée dès le IVe au VIe siècle veut même qu'à la veille de leur dispersion, chacun des douze apôtres en ait récité un article : il compte donc douze articles de foi. On trouve cette tradition chez Ambroise de Milan (339-397) puis chez Rufin d'Aquilée (345-410), l'auteur qui donne le premier texte latin du symbole. celui-ci écrit dans Commentaire du symbole des apôtres (v.400) " Nos anciens rapportent qu'après l'ascension du Seigneur, lorsque le Saint-Esprit se fut reposé sur chacun des apôtres sous forme de langues de feu, afin qu'ils puissent se faire entendre en toutes les langues, ils reçurent l'ordre de se séparer et d'aller dans toutes les nations pour prêcher la parole de Dieu. Avant de se quitter, ils établirent en commun un régle de la prédication qu'ils devaient faire afin que, une fois séparés, ils ne fussent exposés à enseigner une doctrine différente à ceux qu'ils attiraient à la foi du Christ ; étant donc tous réunis, remplis de l'Esprit -Saint, ils composèrent ce bref résumé de leur future prédication, mettant en commun ce que chacun pensait et décidant que telle devra être la règle à donner aux croyants. pour de multiples et très justes raisons, ils voulurent que cette règle s'appelât symbole."

http://www.patristique.org/Historique-du-symbole-des-apotres.html

  Au VIe siècle, à la suite de deux sermons pseudo-augustiniens (Sermon 240 et 241) d'un prédicateur gaulois, chaque article fut attribué à un apôtre particulier : ce point est important , puisqu'il va nous aider à déchiffrer le texte du phylactère si nous identifions l'apôtre. Voici la répartition selon le texte latin, celui qui nous interesse :

1- St Pierre : Credo in Deum, Patrem omnipotentem, creatorem caeli et terrae

2- St  André : Et in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum

3 - St Jacques le Majeur : qui conceptus est de Spirituo Sancto natus est Maria Virgine

4 -St Jean : passus sub Pontio Pilato, crucifixius, mortuus et sepultus

5 -St Thomas : descendit ad inferos, tertia die ressurrexit a mortuos

6 -St Jacques : ascendit ad caelos ; sedet ad dexteram patris Dei Patris omnipotentis

7 -St Philippe : inde venturus est iudicare vivos et mortuos

8 -St Barthélémy : Credo in Spirituum Sanctum

9 -St Mattieu : sanctam ecclesiam catholicam

10 -St Simon : sanctorum communionem, remmisionem pecatoribus

11 -St Jude : carnis resurrectionem

12 -St Matthias : vitam eternam.

  Ce Credo apostolique est représenté en Bretagne dans le porche ou sur le calvaire de très nombreuses chapelles et églises (je citerai le calvaire de Saint-Venec en Briec, l'ossuaire de Sizun, le porche de Saint-Herbot à Plonevez-du-Faou, saint-Mélaine à Morlaix, mais la rencontre de l'alignement de leurs niches est trop fréquente pour qu'une liste soit exsaustive.) Voici par exemple Saint Jacques  à Saint-Venec, avec un fragment de l'article ascendit ad c(a)elos :

 

DSCN2296cc

 

 b) Le Credo prophétique.

  Il relève, sur le plan théologique, de la typologie biblique, ou recherche de la correspondance entre l'Ancien et le Nouveau Testament, conformément à la phrase de Saint-Augustin dans Questions sur l'Heptateuque,2, 73 "Le Nouveau Testament est caché dans l'Ancien, et l'Ancien se dévoile dans le Nouveau". Cette exègése était particulièrement nécessaire pour le Credo, dont un article du Symbole de Nicée affirme : "Je crois en l'Esprit Saint [...] il a parlé par les prophètes". J'ignore à quelle date les théologiens (pour Emile Male, "quelque théologiens contemporains de St Thomas d'Aquin au XIIIe) ont cherché dans les textes des Prophètes les verset qui préfigurent les articles du Credo, mais dès le XIVe et surtout au XVe siècle, cette correspondance se trouva illustrée soit dans les miniatures et enluminures (Heures du Duc de Berry), les gravures des incunables (Calendrier des Bergers, XVe), les peintures murales (Génicourt, Meuse, XVIe), les stalles (dès 1280-1290 à Pöhlde, Basse-Saxe; consoles de la chapelle Bourbon à Cluny  et au XVe à la cathédrale Saint-Claude de Genève, comme à Saint-Ours d' Aoste en Savoie ; "credo savoyard" de la cathédrale de Saint-Jean de Maurienne), les sculptures (portail de la cathédrale de Bamberg, fonts baptismaux de celle de Meersburg, châsse de St Héribert à Cologne, piédroits de la cathédrale Saint-Jacques de Compostelle, fenêtres de la basilique Saint-Rémi de Reims, trumeau et portail nord de Chartres, porche de la cathédrale de Tarragone, déambulatoire de la cathédrale d'Albi, portail du Beau Dieu d'Amiens, portail sud de la cathédrale de Bourges...) et les vitraux (infra).

L'une des bases théologiques est le Commentaire du Credo par Thomas d'Acquin.

  Deux thèmes iconographiques relèvent de la même analyse typologique, et ces deux thèmes sont organisés autour du chiffre douze: l'Arbre de Jessé, dès le XIIe siécle, avec les douze rois de Juda préfigurant la royauté du Christ. Et les douze Sibylles qui ont prophétisé l'avènement du Christ.  C'est ce qui rend bien intéressant la présence des deux rois au tympan de la baie 11, et qui laisse imaginer deux vitraux à Kergoat, l'un consacré au Credo apostolique, l'autre à l'arbre de Jessé.

 

  L'une des plus belles, des plus grandioses et des mieux conservés de ces représentations du credo prophétique se trouve à Sienne, à quelques mètres du célèbre pavement du Duomo consacré aux Sibylles : c'est la voûte du Baptistère, réalisé de 1415 à 1428 par Lorenzo di Pietra dit Vechietta. Les apôtres, portant leur phylactère, sont placés en vis-à-vis de leur précurseur.http://www.viaesiena.it/fr/caterina/itinerario/battistero/articoli-del-credo/articoli-della-terza-campata

   Les vitraux ne sont pas en reste : Vitrail de la Sainte Chapelle de Bourges, de la cathédrale de Chartres, de l'église Saint-Marcel à Zetting (57), 2e quart XVe), de la chapelle de la Mailleraye à Jumièges, et en Bretagne celui de Quemper-Guezennec (Cotes d'Armor) datant de 1460-1470 décrites par Jean-Pierre le Bihan  http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-35934749.html

    A la différence de celle des apôtres, la liste des versets prophétiques n'est pas fixée, mais on retrouve néanmoins une certaine constance. Je m'appuierai sur le relevé de J.P. Le Bihan à Quemper-Guezennec (Q.G) et sur le texte du baptistère de Sienne (B.P) 

1-St Pierre : Jérémie : Patrem invocavit qui terram fecit (Q.G) (citation complexe)

2-St André : David : Filius meus es tu ego hodie (Q.G)

          = Psaumes, 2, 7 : Domine dixit ad me : Filius meus es tu ego hodie genui te (Vulgate)

             "Je publierai le décret : Yahvé m'a dit : Tu es mon fils, je t'ai engendré aujourd'hui".

3-St Jacques le majeur : Isaïe : Ecce virgo concipiet et pariet (Q.G) :

            = Isaïe, VII, 14, Ecce virgo concipiet et pariet filium, et vocatibur nomem ejus Emmanuel : "une vierge concevra, elle enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel".

4-St Jean  : Daniel : Post LXX hedomadas, accidetur Christus (Q.G)

                    : Ezechiel : Signa Thau gementium (B.S)

                : Zacharie 12,10: Ascipiens ad me, quem confixierunt (Autre)

  = Zacharie, 12, 10 : ascipient me, quem confixierunt :"ils tourneront les regards vers moi, celui qu'ils ont percé" 

5-St Thomas   : Malachie : Et fuit Jonas in ventrem ceti (Q.G)

                 : Osée, 13, 14 De manu mortis liberado eos...ero mors tua, o mors, ero morsuus tuus, inferno (autre) : "Je les délivrerai de la mort...Ô mort, où est ta peste ? Séjour des morts, où est ta destruction? "

6 -St Jacques  : Michée : Ce ... et erit civita gloria (Q.G)

                  : Amos : qui aedificavit in coelo ascensionem suam (B.S)

7 -St Philippe   : Zacharie : Acharias, suscitabo filios tuas (Q.G)

                      : Joël : In valle Iosaphat iudicabit omnes gentes (B.C)

8 -St Barthélémy : Sophonie : sedebo ut judicui omnes gentus (Q.G)

                   : Aggée : Spiritus meus erit in medio vestrum (B.C)

9 -St Matthieu : Joel : Spiritus meus erit une medie vestrum (Q.G)

                 : Sophonie : Hic est civitas gloriosa qui dicitur extre me non est altera (B.S)

10 -St Simon     : Osée : Ose, arida audite verbum Dominum  (Q.G)

                 : Malachie : cum hodio abueris dimille ( B.S)

                  : Malachie : deponet dominus omnes iniquates nostras.(La Mailleraie)

 11 - St Jude        : Amos : qui aedificat in caelo ascensionem suam. (Q.G) (La Mailleriae)

                  : Zacharie : Suscitabo filios tuos (B.S)

12 -St Mattias    : Ezechiel : Et erit dominus regnum missus.(Q.G)

                   : Abdias : Et erit domino regno (B.S)

    On peut trouver une magnifique illustration sur le Psautier de Jean de Berry (Gallica).

 

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SOURCES ET LIENS.

— GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel), 2005 "Les vitraux de Bretagne", Corpus Vitrearum France- Recensement VII, Presses Universitaires de Rennes, Rennes : 2005, 367pp. pages 169-171.

 

Sur le Credo apostolique :

Le Livre de prière d'Anne de Bretagne (Jean Proyer, Tours 1492-1495), Morgan & Pierpont Library

https://www.themorgan.org/collection/prayer-book-of-anne-de-bretagne/5Site http://idlespeculations-terryprest.blogspot.fr/2014/02/the-apostles-creed.html

— Grant Kalendrier et compost des bergiers , 1529, imprimé à Troyes.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86095054/f89.item.zoom

— Grant Kalendrier et compost des bergiers , Paris 1493

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86267664/f89.item

— CRITCHLEY (David J.) Prophets, Apostles, and Saints in the side windows of Winchester College Chapel

https://www.vidimus.org/issues/issue-141/features/winchester-college-chapel/

—CRITCHLEY (David J.) 2023, The Apostle's creed and the north crawley rood screen, Records of the Buckhinhamshire vol.63

https://bas1.org.uk/publications-2/records-of-bucks/

 

— FAVREAU Robert 2003,Les autels portatifs et leurs inscriptions, Cahiers de civilisation médiévale 2003 Volume   46 pp. 327-352 :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_2003_num_46_184_2865

 — Baptistère de Sienne : http://www.viaesiena.it/fr/caterina/itinerario/battistero/articoli-del-credo/articoli-della-seconda-campata

 — Psautier de Jean de Berry, Enluminures de André Beauneveu 1380-1400 : gallica 

 

 

—GAY (Françoise) 1993, Le choix des textes des prophètes face aux apôtres au Credo", in Actes du Colloque Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon 

— GAY (Françoise) 2019, Introduction au catalogue des inscriptions...

https://in-scription.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=170#ftn58

—GAY (Françoise), 2019, épigraphie des inscriptions présentées par les Prophètes.

https://in-scription.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=316

https://in-scription.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=299

—GAY (Françoise), 2019, Les doubles credo, prophètes et apôtres = Les inscriptions présentées par les prophètes dans l’art de l’Occident médiéval – catalogue et édition

https://in-scription.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=319

— HASENORH (Geneviève), 1993 "Le Credo apostolique dans la littérature française du Moyen-Âge", Actes du Colloque Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon 

— LACROIX (Pierre) , Renon, Andrée,  Mary, Marie-Claude, Vergnolle, Éliane [Publ.] Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon (1993).

— MÂLE (Emile)

https://patrimoine.amis-st-jacques.org/documents/000135_e_male_credo_des_apotres_2.pdf

— RENON F, relevé du Credo du chœur de la cathédrale de Cambray en 1404 Revue de l'art chrétien: recueil mensuel d'archéologie religieuse, Volume 8 Arras ; Paris 1864 page 262.

—  RITZ-GUILBERT, Anne 1993 ; "Aspects de l'iconographie du Credo des apôtres dans l'enluminure médiévale", Pensée, image & communication en Europe médiévale : à propos des stalles de Saint-Claude; Besançon; Asprodic L'auteur analyse les Credo typologiques apparus dans l'enluminure du 13e siècle, puis la version originale qu'en donne Jean Pucelle dans le Bréviaire de Bellevill (Paris, B. N., ms lat. 10483) aux environs de 1323-1326. Le peintre a utilisé le Credo des apôtres comme attribut de la vertu personnifiée de la Foi

—SCHMITT (Jean-Claude), 1989  "Les images classificatrices", in Actualité de l'histoire à l'Ecole des chartes: études réunies à l'occasion publié par Société de l'Ecole des charte 1989 pp.311-341.

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux Credo apostolique Inscriptions XVe siècle Chapelles bretonnes
4 février 2024 7 04 /02 /février /2024 12:24

Les peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny.VI. Le Credo apostolique.

 

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Sur ces peintures, voir : 

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PRÉSENTATION.

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Les peintures murales de l'église de Sillegny sont datées de 1540  par le chronogramme qui figure sur le Jugement dernier du fond de la nef. 

Au dessus d'un registre principal consacré aux saints et saintes et accompagné d'une frise de pèlerins ou donateurs, on trouve 12 figures d'apôtres, encadrés dans des cartouches en trompe-l'œil (ombrage) aux frontons soulignés de volutes, et accompagnés chacun d'un des 12 articles du Credo : ils forment donc un Credo des apôtres.

Ce thème iconographique est largement exploré dans mon blog, soit en peinture murale, soit surtout en sculpture, en particulier en Bretagne sous les porches sud.

La date des peintures les situe pendant le Concile de Trente (1545-1563), et ce Credo pourrait relever de l'esprit de la Contre Réforme.

— Sur ce thème du Credo apostolique, voir ici dans l'ordre chronologique:

 

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Les apôtres ne posent pas de problèmes d'identification, puisque leurs noms sont indiqués sous le cadre, mais, bizarrement, les apôtres ne sont pas ordonnancés selon la séquence des articles qu'ils portent, ou, et c'est la même chose, selon leur rang dans la tradition, qui place saint Pierre en premier, suivi de son frère André les fils de Yonas, puis de Jacques le Majeur suivi de son frère Jean, les fils de Zébédée,  puis de Thomas, Jacques le Mineur, Philippe, Barthélémy, Matthieu,  puis les deux compagnons évangélisateurs de la Perse Simon et Jude,  et enfin Mathias, "le treizième apôtre" choisi pour remplacer l'apôtre traître, Judas.

Notons que cette iconographie, bien qu'elle présente de nombreuses variantes, est alors largement diffusée et codifiée par les gravures du Calendrier des Bergers édité depuis  1493

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Le Kalendrier des bergers Guy Marchant (Paris) 1493, BnF Réserve des livres rares, VELINS-518, page 88. Droits Gallica

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Le Kalendrier des bergers Guy Marchant (Paris) 1493, BnF Réserve des livres rares, VELINS-518, page 89. Droits Gallica

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Autre élément atypique, le premier article est réparti entre les apôtres Pierre et Paul. Et l'apôtre Mathias est absent, remplacé par Paul. Ce choix de Paul comme treixième apôtre n'est pas une "erreur", on le trouve par exemple sur les stalles peintes de Saint-Philibert de Charlieu. Nous retrouvons cela aussi sur la baie 217 de la cathédrale du Mans, mais dans ces deux cas, aucun article du Credo n'est attribué à Paul. À Saint-Philibert, saint Paul présente sur un phylactère une citation de l'épître aux Philippiens. Au Mans, où Paul figure juste après Pierre, c'est une citation de ses épîtres qui est choisie ; et d'autre part, il n'écarte pas Mathias, qui est présent avec le dernier article du Credo.

Les articles sont découpés n'importe comment, ou du moins  par quelqu'un qui ignore l'usage très établie dans la tradition.

Enfin, on trouve des erreurs ou atypie, comme l'inversion des attributs de Philippe et Matthieu ; ou l'attribut étrange de Jude.

Une partie de ces bizarreries doit pouvoir être attribuée à l'effacement des inscriptions et aux tentatives des différentes campagnes de restaurations.

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Plan original Olivier Petit.

 

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—La séquence est la suivante en partant de l'angle sud-ouest :

1.Paul, 2.Pierre, 3.André, 4.Jude, 5.Simon, 6.Barthélémy, 7.Jacques le Majeur, 8.Jean, 9.Jacques le Mineur,  10.Matthieu,  11.Thomas, 12. Philippe.

—Articles attribués ici aux apôtres, mais  remis dans l'ordre du Credo :

Pierre Credo in Deum, Patrem omnipotentem, Paul Creatorem caeli et terrae. Et in Iesum  [Christum, Filium eius unicum, Dominum nostrum] Philippe qui conceptus est de Spiritu Sancto natus, Thomas de Maria Virgine passus sub, Matthieu Pontio Pilato, crucifixus, mortuus, Jacques le Mineur sepultus, descendit ad inferna, [tertia die resurrexit a mortuis], Jacques  le Majeur ascendit ad caelos, sedet ad dexteram Dei Patris, Barthélémy  omnipotentis inde venturus est iudicare vivos et mortuos. Simon Credo in Spiritum Sanctum,
sanctam Ecclesiam catholicam
,  Jude sanctorum communionem remissionem peccatorum, André carnis resurrectionem, vitam aeternam. À Jean pourrait revenir l'un des deux articles non attribués placés entre crochets, mais les lettres encore visibles de son inscription effacée ne correspondent pas.

Je les décrirai dans l'ordre d'une visite partant de l'angle sud-ouest, et donc de saint Paul.

 

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 1. Saint Paul et l'épée de sa décollation: Creatore[m] celi e[t] ter[ra]e et in Iesum.

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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 2. Saint Pierre et la clef : Credo in Deum Patrem omnipotent[em] .

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Inscription SANCTE PETRE.

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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3. Saint André et la croix en X : carnis resurrecti[o]nem, vitam et[ern]am.

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Inscription SANCTE ANDREA

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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4. Saint Jude et un instrument en U : setor communionem  remissionem peca[tor]um.

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L'attribut de l'apôtre Jude (ou Thaddée) est très particulier, c'est la première fois que je le rencontre. C'est un instrument en U inversé dont les branches sont réunies par une corde, m'évoquant un piège, par exemple, ou un outil. Cette singularité mériterait d'être étudiée.

Une suggestion est d'y voir un collet de strangulation/pendaison : l'apôtre serait alors Judas. En effet,  l'inscription SANCTE JUDE a été repeinte sur un autre nom se terminant par DA.

L'abbé Schnabel, pourtant scrupuleux dans sa description, n'a pas relevé ce nom et cet article du Credo.

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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5. Saint Simon et sa scie : Credo in Sp[irit]um sanctum sanctam ecclesiam apostolicam catholicam.

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Inscription SANCTE SEMONE.

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L'abbé Schnabel a lu "sancte Simon.

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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6. Saint Barthélémy et son couteau de dépeçage : omnipotentis inde venturus [est] iudicare vivos et mortuos.

La première partie du Credo est inscrite dans le cadre, et sa suite est inscrite au dessus du cadre sous les volutes, incitant le lecteur à la lire en premier. J'y vois un argument pour penser qu'on a voulu rectifier lors d'une restauration les insuffisances ou négligences initiales.

Inscription SANCTE BARTHOLOMEE

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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7. Saint Jacques le Majeur tenant un bâton de berger (?) :  ascendit ad caelos, sedet ad dexteram dei patris,

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L'artiste a représenté saint Jacques de façon surprenante, tant ce saint est facile à peindre avec sa pèlerine, son château de pèlerin, sa coquille, son bourdon et sa gourde, et sa besace. En effet, ici, la coquille, le chapeau et la gourde en coloquinte sont absents, et le bourdon se termine par une lame recourbée tout à fait inhabituelle. Là encore, on peut penser aux conséquences de restaurations hatives et incompétentes, mais certaiunement pleines de bonne volonté.

Inscription SANCTE JACOBE MAIOR.

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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8. Saint Jean et sa coupe de poison : inscriptions illisibles.

 

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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9. Saint Jacques le Mineur tenant une croix à longue hampe : sepult[us] descendit ad infer[n]um.

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L'attribut normal de saint Jacques le Mineur est le bâton de foulon, alors que la croix est attribuée à saint Philippe.

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Inscription SANCTE JACOBE MINOR.

 

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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10. Saint Matthieu écrivant son livre (son évangile) : Pontio Pilato crucifix[us] mortu[u]s.

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Inscription SANCTE MATHAEE

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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11. Saint Thomas et son équerre : de maria virgine natu[us] sub.

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Inscription SANCTE THOMA.

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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12. Saint Philippe tenant une lance et un livre  : qui concept[us] est de spiritu sancto natus.

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L'attribut habituel de saint Philippe est une croix à longue hampe tandis que la lance est attribuée à Matthieu ou à Thomas.

Inscription SANCTE PHILIPE

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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QUELQUES PHOTOS GÉNÉRALES.

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 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

 Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

Le Credo apostolique des peintures murales (v.1540) de l'église Saint-Martin de Sillegny. Photographie lavieb-aile 2024.

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DISCUSSION.

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Monsieur Jérôme Lafeuille, qui a éclairé la compréhension du Credo des apôtres du jubé de la chapelle de Kerfons en Ploubezre par une étude approfondie de l'iconographie, me fait remarquer que la séquence des articles du Credo de Sillegny retrouve son ordre si on en débute la lecture par saint Pierre et que nous tournons dans le sens des aiguilles d'une montre.

Cela ne rétablit pas pour autant la séquence traditionnelle des apôtres, mais confère bien au corpus des inscriptions du Credo une cohérence satisfaisante.

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SOURCES ET LIENS.

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— ASSOCIATION SIXTINE DE LA SEILLE.

https://www.sixtinedelaseille.com/

— BASE PALISSY

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00107006

—BASTIEN (René), PIRUS (Jean-Marie), 2019, "Les peintures de Sillegny", Paraige Patrimoine, 40 pages.

—HANS-COLLAS (Ilona) 2004, CONFÉRENCES (sans publication) 2004, 19 juin : Sillegny (Moselle) : La place de la peinture murale en Lorraine aux XVe et XVIe siècles. L’église Saint-Martin de Sillegny : miroir de la piété médiévale.

https://grpm.asso.fr/wp-content/uploads/2018/07/Travaux-Hans-Collas-2020-06.pdf

https://www.etudes-touloises.fr/archives/104/art4.pdf

— LAFEUILLE (Jérôme), 2020, Un nouveau regard sur le jubé de Kerfons, collection "les cahiers de l'ARSSAT" n°4, ARSSAT, Lannion.

— PETIT (Olivier), Patrimoine de Lorraine

https://patrimoine-de-lorraine.blogspot.com/2021/07/sillegny-57-eglise-saint-martin-la.html

— RUSSO (Daniel), 2005,  « Peintures murales médiévales », Presses universitaires de Dijon, et  Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], 10 | 2006, mis en ligne le 15 septembre 2006, consulté le 17 janvier 2024. URL : http://journals.openedition.org/cem/328 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cem.328

https://www.persee.fr/doc/hista_0992-2059_2006_num_58_1_3127

—SCHNABEL (Abbé), 1858, « Rapport sur les peintures murales de Sillegny », Bulletin de la Société d'archéologie et d'histoire de la Moselle,‎ 1858.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33403f/f43.item

—SCHNABEL (Abbé), 1865, « Rapport sur les peintures murales de Sillegny », Bulletin de la Société d'archéologie et d'histoire de la Moselle,‎ complété par M. de Tinseaux pages 35-36 par la mention des peintures de saint François et de sainte Geneviève gardant ses troupeaux. Plusieurs illustrations aux pages précédentes.

https://www.google.fr/books/edition/Bulletin_de_la_Soci%C3%A9t%C3%A9_d_arch%C3%A9ologie/OqZCAAAAYAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=%22sainte+genevi%C3%A8ve%22+%22sillegny%22&pg=RA4-PA35&printsec=frontcover

— Fiche Préfecture de la région Lorraine avec les données de la LRMH précisant les diverses restaurations en 1854, 1911, 1945-1955, et après 2002

https://www.saarland.de/SharedDocs/Downloads/DE/LDA/Fiches/2008-Fiches-Lorraine-L_eglise_Saint-Martin_de_Sillegny.pdf?__blob=publicationFile&v=2

 

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Published by jean-yves cordier - dans Peintures murales. Credo apostolique Credo des apôtres
24 novembre 2023 5 24 /11 /novembre /2023 10:36

La peinture murale des Prophètes (3ème tiers du XVe siècle) de la nef de la chapelle de Kermaria an Iskuit. Une séquence basée sur les Credo apostoliques et prophétiques ?

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Voir sur cette chapelle :

 

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Voir aussi :

 

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PRÉSENTATION.

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La nef de la chapelle de Kermaria, dans l’espace jadis séparée du chœur par le chancel, est ornée, à six mètres de hauteur, des peintures de la très célèbre Danse macabre, qui court dans une suite de quarante-sept compartiments, où vingt trois vivants, choisis parmi les diverses conditions sociales de l'époque sont entrainés dans la danse par autant de squelettes. Cet espace correspond aux quatre première travées.

Les écoinçons des piliers de ces travées reçoivent, en dessous de la Danse,  les peintures de huit personnages debout présentant des phylactères, dans des costumes du XVe siècle (chaussures pointues et robes damassées). Ce cycle peint est vraisemblablement à-peu-près contemporain de la Danse, qu'on estime antérieure à 1485, date de la première version imprimée de la Danse Macabre par Guy Marchand (I. Hans-Collas) et même proche de 1460 (E. Mâle, T. Lévy 2015).

Le fond à quatrefeuilles rouges et de quintefeuilles violettes du registre inférieur se retrouve sur les peintures murales du transept sud, daté du dernier quart du XVe siècle ("vers 1481", T. Lévy et G. Le Louarn-Plessix) : il pourrait avoir été réalisé "plusieurs années, voire quelques décennies" (T. Lévy) après la Danse. 

Ce registre inférieur du programme peint de la nef était séparé de la Danse elle-même par un trait assez épais, aujourd'hui non visible.

Les peintures recouvertes par un badigeon furent redécouvertes en 1856. Tout comme la Danse, les huit figures, immédiatement interprêtées comme des Prophètes, ont été relevées par Alexandre Denuelle en 1861 à la demande de la Commission des Monuments Historiques.  

 

Charles de Keranflec’h, en 1857, précisait que « tout l’espace au dessus des arcades est peint en blanc, semé de quatre feuilles rouges et de quinte feuilles violettes. Sur ce fond, se détachent des figures debout […]. Celle en face de la chaire, la seule découverte à cette date est frappante par la pureté du trait et la noblesse de la pose. Sa tunique de pourpre, le riche manteau qui lui couvre les épaules, la couronne qu’elle porte sur la tête, semblable à celle de nos ducs du XVe siècle et la banderole portant une inscription tirée du livre des psaumes identifient le roi David ». [« Dominus dicit ad me : filius hodie genui te : roy David ». ]

Paul de Taillart a dégagé, par la suite, les figures des prophètes Isaïe et Zacharie.

Un dessin de P. Chardin exécuté en 1885 et publié en 1894 présente la vue d’ensemble du collatéral nord avec le lambris peint; on y lit, en outre, sur les écoinçons des grandes arcades nord de la nef des représentations de personnages tenant des phylactères ; l’auteur y a identifié huit prophètes de l’Ancien Testament. Les deux phylactères visibles  sur ce dessin  conservent encore leur inscription.

La description la plus complète est celle d'O.L. Aubert en 1928 :

"Les deux côtés de la nef, au-dessous de la Danse Macabre, sont décorés, dans l'axe des piliers, de figures de prophètes dont plusieurs sont encore reconnaissables. Ces personnages, au nombre de huit, sont : Daniel, Jérémie, Ézéchias, Amos, Jonas, Zacharie et Isaïe, plus le roi David. Essayons de les décrire successivement, en commençant du côté de l'épître et faisant le tour de la nef jusqu'à sa dernière travée, du côté de l'évangile. [...]

Cette suite de personnages se détache sur un fond jaune clair, semé de quatrefeuilles rouges et de quintefeuilles violettes, qui paraît avoir été adopté pour l'ensemble du monument, car on en trouve partout des traces."

 

En 2013, G. Le Louarn-Plessix indique que beaucoup d’entre eux aujourd’hui ont disparu et qu'il ne reste rien du roi David, tandis qu'en 2015, T. Lévy indique qu'après la récente restauration, ces figures ont été remis à jour. C'est ce que j'ai pu constater lors de mes visites de 2020 et 2023.

Récapitulatif des personnages identifiés par les auteurs (seuls sont certains David et Isaïe) :

—Au sud : David, Isaïe, Zacharie, [et/ou Habacuc selon Hans-Collas) et ? Jonas  selon Aubert

—Au nord : Daniel, Jérémie, Ezéchias, Amos ( selon Aubert).

Récapitulatif des phylactères relevés ou aujourd'hui lisibles de manière fiable:

—Celui du roi David :  "Dominus dicit ad me : filius hodie genui te : roy David"

—Celui du prophète Isaïe  : "Ecce virgo concipiet et pariet filium Ysaie"  

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Récapitulatif de mes propositions :

[1. Jérémie  : peinture perdue]

2. David

3. Isaïe.

4. Zacharie.

5. Osée.

6 et 7 : côté ouest, deux fragments

8. ?

9 ?

10. Ezéchiel.

11. ?

[12. Dernier prophète de cette série, peinture perdue.]

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Remarque.

Deux fragments montrent que cette série se poursuivait sur le mur ouest, sous les cinq tableaux de la Danse macabre aujourd'hui très altérés. Ce qui porte à dix le nombre de prophètes. Mais deux autres personnages étaient sans doute (en toute logique) peints au début et à la fin du cycle, juste avant le chancel, ce qui porterait le nombre total à douze personnages : un chiffre important dans la tradition chrétienne.

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I. QUATRE PERSONNAGES DU CÔTÉ SUD. DAVID, ISAÏE, ZACHARIE  ET OSÉE.

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

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1. Premier personnage : le roi David.

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Il occupe tout l'espace de l'écoinçon du troisième pilier, sous l'Empereur et le Cardinal de la Danse macabre. Une zone importante est perdue, mais on distingue bien le visage couronné, et une partie suffisante de l'inscription. En dessous, nous retrouvons sur un placard les couleurs ocre sombre et jaune des vêtements, mais  sans que nous puissions intégrer ce motif au personnage. Au pied du roi, un objet jaune quadrangulaire représentait-il une harpe ?

"David est vu de face ; il porte en tête une couronne fleuronnée, et sa longue barbe blanche, taillée en pointe, retombe sur sa poitrine ; il est vêtu d'une robe pourpre doublée de blanc qui laisse voir ses chaussures en poulaine. Un manteau d'une teinte claire couvre ses épaules, et à son côté pend une escarcelle ornée de trois glands. Des deux mains, il tient une banderolle, sur laquelle on lit ce verset du livre des Psaumes, inscrit en caractères gothiques : Dominus dicit ad me : Filius hodie genui te (roy David)." (O.L. Aubert 1928)

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Le roi David présente ici le verset 7 du Psaume 2 : Dominus dixit ad me   Filius meus et tu ego hodie genui te : "Le Seigneur m'a dit : tu es mon Fils ; je t'ai engendré aujourd'hui".

Cette inscription se retrouve, comme la suivante, sur la suite de prophètes des lambris peint de Châtelaudren (v.1430-1470). Elle est associée à l'apôtre André dans le Credo prophétique du Psautier de Jean de Berry (1380-1400), sur celui de la verrière de Quemper-Guézennec (1460-1470), ou celui des vitraux de Kergoat en Quéménéven (4ème quart XVe).

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Réflexion.

Nous manque-t-il, sur le demi-écoinçon du quatrième pilier précédant l'ancien chancel, un premier personnage, tout comme il nous manque le premier et le dernier tableau de la Danse Macabre ? Et dans ce cas, ce premier personnage, situé sous le Pape, n'était-il pas Jérémie, associé à saint Pierre dans les Credo apostoliques et prophétiques, avec son verset Patrem invocabitis qui terram..?

Débutons-nous ici une série dans laquelle nous allons retrouver ensuite les autres prophètes de la tradition chrétienne des Credo ?

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

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2. Le prophète Isaïe.

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Cet écoinçon du deuxième pilier  accueille deux personnages, sous le Connétable et l'Évêque. Celui de gauche est Isaïe. On le trouve également, avec ce verset du Livre d'Isaïe 7:14 (très souvent cité comme argument de la virginité de Marie, et de son ascendance royale sur les Arbres de Jessé) sur le lambris de Châtelaudren, et le roi David suivi du prophète Isaïe figurent aussi sur les Credo prophétiques et apostoliques, comme sur la verrière de Quemper-Guezennec datée de 1460-1470 , Il y est associé à Saint Jacques; comme dans le Psautier de Jean de Berry ou sur les vitraux de Kergoat . Ces prophètes de Kermaria an Iskuit, chapelle dédiée à Notre-Dame, réunissent-ils un corpus de citations honorant la Vierge ? 

Le bonnet conique est le même que sur l'enluminure d'André Beauneveu pour le Psautier de Jean de Berry. De même, les chaussures y sont tout aussi pointues.

Les traits du visage sont finement conservés. Les sourcils à hachures sont caractéristiques de cet artiste (cf. Zacharie).

Le manteau est damassé d'un motif à rinceaux jaunes. 

 

"Puis vient le prophète Isaïe, coiffé d'un bonnet à l'albanaise de couleur noire. Sa barbe est rousse et taillée court. Sous son manteau blanc, ramagé d'or et doublé de violet, apparaît une tunique lilas qui descend jusqu'à la cheville, dégageant les pieds, dont les chaussures pointues sont d'un gris rougeâtre. L'inscription du phylactère qu'il montre porte ce verset : Ecce Virgo concipiet et pariet filium Ysaïe." (O.L. Aubert 1928)

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

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3. Un prophète. Zacharie .

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Malgré une certaine difficulté, je retrouve bien sur le phylactère le verset du Livre de Zacharie 12:10 déchiffré par Aubert. Ce verset signifie "Ils tourneront les regards vers moi, celui qu'ils ont percé".

 

Zacharie, avec ce verset, est figuré sur le lambris de Châtelaudren (mais en cinquième position après Sophonie) , comme il est associé à l'apôtre Jean dans le Psautier de Jean de Berry, en quatrième position . 

 

"Le troisième est Zacharie. Sa barbe est blonde et sa chevelure disparaît sous une coiffe blanche. Il porte une tunique verte, un manteau court d'étoffe pourpre doublé de blanc et des chaussures grises. Sa main gauche tient l'extrémité d'une banderole sur laquelle on lit ce verset : Aspicient omnes ad me quem transfixerunt (Zacharie )." (O.L. Aubert 1928)

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

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4. Le prophète Osée. Premier pilier.

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Les identifications précédentes nous incitent à attendre ici , en suivant la séquence du Psautier de Jean de Berry,  le prophète Osée, et son verset 13, 14  O mors ero  mors tua,  morsuus tuus ero inferno .

Grâce à cette aide, c'est bien ce que nous déchiffrons sur le phylactère.

Osée et son verset est représenté aussi sur le lambris de Châtelaudren, juste après Zacharie, en sixième position. 

 

Dans les Credo prophétiques, le verset est mis en relation avec le 5ème article du Credo Descendit ad inferna, tertia die ressurexit a mortuis "Il [Jésus] est descendu aux enfers ; le troisième jour il est ressuscité des morts". Ce verset d'Osée est donc  considéré comme préfigurant la victoire du Christ sur la mort, après sa descente aux Limbes. On le retrouve ainsi aussi sur l'Arbre de la Croix de Taddeo Gaddi dans le réfectoire du couvent de Santa Croce à Florence.

Psautier de Jean de Berry :  folio 15v  : Osée 13:14 :  O mors ero mors tua morsus tuus ero inferne / Mors tu es trop dure enfer par moy sera mors 

 Le verset d'Osée est retrouvé dans le Credo de Cambrai, ou dans celui du Baptistère de Sienne, et au total dans treize Credo du XIIe et XIIe siècle selon F. Gay.

Robert Favreau le découvre sur le Vitrail de la Crucifixion de la cathédrale Saint-Étienne  deChâlons-en-Champagne, un vitrail datant du 2e quart XIIe siècle, et il en donne le commentaire suivant :

"Osée et le Léviathan  O mors, ero morstua,morsustuus ero, inferne » (« Ô mort, je serai ta mort, je serai ta morsure, enfer » [Os 13, 14]). Il faut lire le texte avec le début du même verset : « Je les délivrerai de la main de la mort, je les rachèterai de la mort ». Cette apostrophe à la mort fait partie de la liturgie du samedi saint. On la trouve citée dans nombre d’inscriptions du XIIe au début XIIIe siècle, ambon de Klosterneubourg, calice du Kestner-Museum de Hanovre, tour-reliquaire du Hessisches Landesmuseum de Darmstadt, peintures murales de Saint-Jacques-des-Guérets et de la salle des morts de la cathédrale du Puy, et encore, particulièrement, à la Rotonde et au Calvaire du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Saint Jérôme commente : Le Seigneur a libéré tous les hommes et les a rachetés dans la Passion de la croix et l’effusion de son sang. Quand son âme descendit en enfer et que sa chair ne vit pas la corruption, il dit à la mort et à l’enfer : « je serai ta mort, ô mort. Je suis mort, afin que tu meures en ma mort. Je serai ta morsure, ô enfer, qui dévorais tout dans ta gorge » "(R. Favreau)

Je peux donc corriger la proposition de l'abbé Aubert :

"Le quatrième et dernier du côté de l'épître est moins bien conservé, et sa tête est entièrement effacée. Son vêtement consiste en une tunique pourpre, par-dessus laquelle est drapé un manteau court de couleur blanche, doublé de vert. Il tient de la main droite un phylactère sur lequel on ne distingue plus que ces mots : Omnia... tua ergo in..., puis le nom du personnage, qui semble être Jonas." (O.L. Aubert 1928)

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté sud. Photographie lavieb-aile.

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II. DEUX FRAGMENTS DE PERSONNAGES DU CÔTÉ OUEST, les n° 5 et 6. 

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Nous retrouvons sur le mur ouest le fond à fleurettes ocres. Une portion de vêtement ocre foncé (pourpre) est conservée sur le premier, et en outre un visage coiffé d'un bonnet, et un phylactère se reconnaissent sur le deuxième.

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J'en profite pour faire le point de mon enquête. Les quatre premiers personnages, et leurs quatre inscriptions, suivent exactement l'ordre des Credo prophétiques soit du XIVe siècle en France, soit de la deuxième moitié du XVe siècle notamment en Bretagne, sur deux sites éloignés d'une quinzaine de kilomètres de la chapelle de Kermaria an Iskuit, Châtelaudren et Quemper-Guézennec. Cela m'a amené à postuler la présence jadis de Jérémie en tête de série sur une peinture aujourd'hui perdue, et celle également du dernier prophète en fin de série.

Deux personnages nous manquent ici sur ce côté ouest. Ce serait, dans le même ordre, Michée (Invocabunt omnes nomen domini et servient ei) et Joël  (Effundam de spirituo meo super omnem carnem) Il serait donc logique de trouver sur le côté nord de la nef, selon cette hypothèse d'un Credo, si nous suivons le Psautier de Jean de Berry, les prophètes n° 8 à 12 soit  Malachie, Amos, Daniel, Ezéchiel et Malachie . Ou, selon l'ordre de Châtelaudren, Joël et Michée, Ezéchiel et Daniel. Hélas, les déterminations vont se heurter à la perte des peintures des textes des phylactères.

-n°8 du Psautier Malachie 3:5 : Accedam contra vos in judicio et ero testis velox

-n°9 du Psautier Amos  9:6: Ipse est qui aedificat [in cœlo] ascensionem suam (« […] celui qui dresse son escalier dans le ciel […] »). 

-n°10 du Psautier :Daniel 12:2 Evigilabunt ad vitam, alii ad mortem.

-n°11 du Psautier : Ezéchiel 37:12  Educam vos de sepulchris tuis, popule meus (« Je vous ferai sortir de vos sépulcres »). Avant-dernier prophète du Psautier de Jean de Berry.

-n°12 du Psautier :Malachie (attribué aussi à Michée 7:19) : Deponet Dominus omnes iniquitates nostras (« Le Seigneur piétinera nos péchés »), dernier prophète du Psautier de Jean de Berry.

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté ouest. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté ouest. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté ouest. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté ouest. Photographie lavieb-aile.

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III. QUATRE PERSONNAGES DU CÔTÉ NORD. 

Daniel, Jérémie, Ezéchias, Amos ? (Aubert) ou Sophonie et Ezéchiel.

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Nous trouvons d'abord (en poursuivant notre visite dans le sens horaire adopté) un personnage seul sur l'écoinçon du premier pilier, puis deux personnages pour le deuxième pilier, puis un seul pour le troisième, selon une répartition symétrique au côté sud.

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

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7. Un prophète. [ Malachie ? ]

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"Le cinquième et premier du côté de l'évangile est un vieillard à longue barbe blanche, portant sur la tête une coiffe noire et par-dessus un chapeau à bords épais et arrondis. Son manteau blanc brodé d'or laisse voir une robe pourpre, et ses deux mains déroulent une banderole dont l'inscription a complètement disparu." (O.L. Aubert 1928)

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

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8. Un prophète. Amos ? Non,   Sophonie.

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L'inscription ne comporte que des voyelles éparpillées mais la signature semble univoque : SOPHONIA

À Quemper-Guézennec, Sophonie est en neuvième place, associé à Jacques le Mineur, et son phylactère indique Sophonie 2:15  haec est civitas gloriosa habitans "Voilà donc cette ville joyeuse" 

Dans la Lex Amoris de Fra Angelico, ou dans le Verger de Soulas BnF 9220 f.13v de la fin du XIIIe siècle, ou dans les Grandes Heures du duc de Berry BnF latin 919 f.4r, Sophonie occupe le septième rang avec le verset Accedam contra vos in judicio et ero testis velox, qui est en réalité de Malachie Ma 3,5. Il est alors associé à l'apôtre Philippe.

"Le visage du sixième est effacé. Son costume se compose d'une tunique blanche recouverte d'un manteau sombre doublé de blanc. On ne distingue plus rien de l'inscription qui l'accompagnait."(O.L. Aubert 1928)

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

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9. Un prophète. Ézéchiel.

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Ezéchiel est en onzième position à Châtelaudren, tout comme sur le psautier de Jean de Berry ou les Grandes Heures du duc de Berry. Rappelons qu'ici  ce neuvième personnage serait en dizième position si en suppose l'absence (la perte) de Jérémie au début. 

 Ézéchiel 37,12 : Educam te de sepulcris tuis popule meus "Je te ferai sortir de tes sépulcres,  ô mon peuple".

Mais la Vulgate dit plutôt Educam vos de sepulcris tuis populus meus.

Or, les seuls mots que  l'abbé Aubert a déchiffré sont "....vos.... populo...". Je déchiffre pour ma part le dernier mot, "meus".

Cette coïncidence du texte,  m'incitent à affirmer qu'il s'agit ici d'Ézéchiel, malgré le décalage de place.

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"De même que le précédent, le septième prophète n'a plus de traits. Un manteau blanc doublé de vert recouvre sa tunique violette. On ne voit plus de l'inscription que ces deux mots : Vos... populo..." (O.L. Aubert 1928)

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

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10. Le dernier prophète de cette série.

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Je rappelle encore  que ce dizième personnage serait le onzième si on postule la perte de Jérémie, et l'avant-dernier si on postule encore la perte d'un ultime prophète.

On attendrait ici Ezéchiel. 

L'inscription n'est pas totalement effacée, la première lettre est encore visible, et on lit en milieu le mot latin ad.

Cela pourrait correspondre à Daniel 12:2 Evigilabunt ad vitam, alii ad mortem. Mais Daniel est le dizième prophète du Psautier de Jean de Berry., et le douzième des Grandes Heures du duc de Berry...

 

"Le huitième porte une barbe longue et coupée carrément. Sa robe brune est recouverte d'une sorte de houppelande d'étoffe blanche semée de ramages de couleur pourpre, comme la doublure de ses larges manches ; sur la tête, une coiffe brune nouée sous le menton. Des deux mains, il tient une banderole déroulée dont l'inscription est indéchiffrable." (O.L. Aubert 1928)

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Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

Les peintures murales de la nef de Kermaria an Iskuit, côté nord. Photographie lavieb-aile.

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CONCLUSION.

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Malgré l'altération des peintures et surtout l'effacement d'une grande part des inscriptions des phylactères, les quatre premiers personnages de cette série  de prophètes peuvent être identifiés. Or, leur succession répond à l'ordre établi dans les Credo apostoliques et prophétiques. De même, le choix des versets de chaque prophète correspond également à  celui de ces Credo, très en vogue au XIVe et au XVe siècle soit dans les peintures monumentales, soit sur les enluminures des livres de dévotion de la noblesse, soit même sur les verrières des chapelles et églises.

Le principe est d'associer à chacun des douze articles du Credo un des douze apôtres, et un des grands prophètes bibliques (Isaïe, Jérémie Ezéchiel et Daniel) ou l'un des douze petits prophètes, avec un verset tiré de leurs Livres, et s'appliquant judicieusement à l'article du Credo.

Ainsi par exemple le premier article  Credo in Deum, Patrem omnipotentem, creatorem caeli et terrae est confié à saint Pierre, et associé au verset de Jérémie (pseudo-Jérémie) : Patrem invocavit qui terram fecit.

 Le deuxième article Et in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum est confié à André et associé au verset 7 du psaume 2 du roi David Domine dixit ad me : Filius meus es tu ego hodie genui te. (David qui n'est pas prophète, mais roi, est ici l'exception qui confirme la règle ; on le tenait comme l'auteur des Psaumes.)

Néanmoins, si l'ordre des articles du Credo est immuable, leur couplage avec un des douze apôtres n'est pas si absolu qu'on pourrait s'y attendre, et, de même, l'association avec un prophète et son verset connaît de nombreuses variantes, surtout à partir du cinquième article.

 Cette variation, et donc l'absence d'un canon absolu de référence, rend difficile l'acquisition d'une certitude pour défendre l'hypothèse que les prophètes de la chapelle de Kermaria an Iskuit obéissent, par le choix des prophètes et le choix des versets, à la séquence en vigueur dans ces Credo prophétiques.

Par ailleurs, l'association d'une Danse macabre, et des figures des Prophètes n'est pas propre à Kermaria an Iskuit, et se retrouvait aussi, selon I. Hans-Collas  sur les murs de l'église des Dominicains de Strasbourg, à peu-près à la même période:

 

"Trois décennies plus tard fut réalisée la Danse macabre aux dominicains de Strasbourg. Le contrat, en latin et en allemand, daté du 11 octobre 1474, livre tous les détails de cette commande initiée par le prieur dominicain Johannes Wolfhart et confiée au peintre Lienhart Hoischer. Le peintre est payé pour réaliser une Danse macabre – den doten dantz mit sinen figuren die dartzu gehörent –, un Jugement dernier, dix prophètes avec leurs versets (mit ihren sprüchen). Il reçoit 80 florins (gulden), une somme importante. Le contrat indique que des couleurs à l’huile doivent être employées ainsi que de l’or et de l’argent. L’œuvre fut donc d’un très grand raffinement. Les figures ont été peintes à hauteur d’homme et étaient de grandeur nature.Cet ensemble, qui avait disparu sous un badigeon, a été redécouvert en 1824 par l’architecte August Arnold. Il en fit des relevés avant que ce décor disparaisse à nouveau sous un badigeon, puis dans les décombres de l’église vers 1870.Le vaste édifice avait accueilli le cycle qui s’étendait sur deux murs (ouest et nord). Une nouvelle fois la Danse macabre commence par l’image du prédicateur. Dans sa chaire, il s’adresse à un groupe d’hommes et de femmes – religieux et laïcs – qui l’écoutent attentivement avant que les morts ne viennent emmener les vivants, non pas chacun individuellement, mais par groupes de personnages, ce qui fait la particularité de la Danse macabre de Strasbourg. L’insertion dans un programme qui comprend le Jugement dernier, une allusion aux fins dernières directement liée au thème macabre, est intéressante, de même que la présence des prophètes dans les écoinçons

Relevés publiés par plusieurs auteurs, en particulier par F.W. Edel, Die Neue Kirche in Straßburg. Nachrichten von ihrer Entstehung, ihren Schicksalen und Merkwürdigkeiten, Strasbourg, 1825, p. 55–63. Les relevés originaux n’ont pas pu être localisés. Les photos anciennes de l’église en ruine montrent, notamment sur le mur occidental, des vestiges de la Danse macabre.

Les vues de l’église en ruines montrent des arcades dont les retombées ont pu accueillir ces figures de prophètes. Par ailleurs Edel indique que la taille des prophètes était de moitié plus réduite que les figures de la Danse macabre. Ibid., p. 62.

Le programme peint incluant les prophètes semble significatif. Les sermons sur la mort prononcés par des religieux sont attestés pour le xve siècle, comme le De morte de Bernardin de Sienne ou les propos du frère augustin Simon Cupersi de Bayeux qui évoquent certains textes des prophètes comme Isaïe 40 ou Jérémie 22 ou l’histoire de Job [H. Martin, "Deux prédicateurs du xve siècle parlent de la mort, La mort au Moyen Âge". Colloque de l’association des historiens médiévistes français réunis à Strasbourg en juin 1975 au Palais universitaire, Strasbourg, 1977, p. 103–124. ]"

 

 

 

Sur le thème du Credo apostolique, voir :

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N.B On remarquera que les douze apôtres du porche ne portent pas les plylactères qui attesteraient qu'ils forment un Credo apostolique.

Bref, ce serait ici, comme à Châtelaudren, "un Credo sans Credo".

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SOURCES ET LIENS.

— AUBERT (Octave Louis), [1928] , La chapelle de Kermaria-Nisquit, édition de la Bretagne touristique, 16 pages.

https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/3460

http://www.infobretagne.com/plouha-kermaria-an-iskuit.htm

BÉGULE (Lucien), 1909, La chapelle Kermaria-Nisquit et sa Danse des morts, H. Champion, Paris, 1909, 52 p. 

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1909_num_73_1_11490_t1_0180_0000_2

https://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1908_num_24_3_4152_t1_0413_0000_2

— CHARDIN (Paul), 1894, La chapelle de Kermaria-Nisqit en Plouha, Revue archéologique 1, pages 246-259

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k203636c/f249.item

— CHARDIN (Paul), 1885, Recueil de peintures, Bulmo

https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1885_num_51_1_10552

— CHARDIN (Paul), 1886, La chapelle de Kermaria Niquit mémoires de la société nationale des antiquaires de France 1886 t. 46

COUFFON, René. Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier. Saint-Brieuc : Les Presses Bretonnes, 1939. p. 374-375

COUFFON, René. Quelques notes sur Plouha. Saint-Brieuc : Francisque Guyon éditeur, 1929. p. 27-35

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3346690r

CRITCHLEY (David J.) Prophets, Apostles, and Saints in the side windows of Winchester College Chapel

https://www.vidimus.org/issues/issue-141/features/winchester-college-chapel/

—CRITCHLEY (David J.) 2023, The Apostle's creed and the north crawley rood screen, Records of the Buckhinhamshire vol.63

https://bas1.org.uk/publications-2/records-of-bucks/

—GAY (Françoise), 2019, épigraphie des inscriptions présentées par les Prophètes.

https://in-scription.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=316

https://in-scription.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=299

— HANS-COLLAS (Ilona), 2021, 

Interactions entre textes et images. Les Danses macabres peintes dans les églises en France aux xve–xvie siècles  Dans Le Moyen Age 2021/1 (Tome CXXVII), pages 81 à 104

https://www.cairn.info/revue-le-moyen-age-2021-1-page-81.htm#no42

"Trois décennies plus tard fut réalisée la Danse macabre aux dominicains de Strasbourg. Le contrat, en latin et en allemand, daté du 11 octobre 1474, livre tous les détails de cette commande initiée par le prieur dominicain Johannes Wolfhart et confiée au peintre Lienhart Hoischer .Le peintre est payé pour réaliser une Danse macabre – den doten dantz mit sinen figuren die dartzu gehörent –, un Jugement dernier, dix prophètes avec leurs versets (mit ihren sprüchen). Il reçoit 80 florins (gulden), une somme importante. Le contrat indique que des couleurs à l’huile doivent être employées ainsi que de l’or et de l’argent. L’œuvre fut donc d’un très grand raffinement. Les figures ont été peintes à hauteur d’homme et étaient de grandeur nature.Cet ensemble, qui avait disparu sous un badigeon, a été redécouvert en 1824 par l’architecte August Arnold. Il en fit des relevés (*) avant que ce décor disparaisse à nouveau sous un badigeon, puis dans les décombres de l’église vers 1870. Le vaste édifice avait accueilli le cycle qui s’étendait sur deux murs (ouest et nord). Une nouvelle fois la Danse macabre commence par l’image du prédicateur. Dans sa chaire, il s’adresse à un groupe d’hommes et de femmes – religieux et laïcs – qui l’écoutent attentivement avant que les morts ne viennent emmener les vivants, non pas chacun individuellement, mais par groupes de personnages, ce qui fait la particularité de la Danse macabre de Strasbourg.

L’insertion dans un programme qui comprend le Jugement dernier, une allusion aux fins dernières directement liée au thème macabre, est intéressante, de même que la présence des prophètes dans les écoinçons

(*)Relevés publiés par plusieurs auteurs, en particulier par F.W. Edel, Die Neue Kirche in Straßburg. Nachrichten von ihrer Entstehung, ihren Schicksalen und Merkwürdigkeiten, Strasbourg, 1825, p. 55–63. Les relevés originaux n’ont pas pu être localisés. Les photos anciennes de l’église en ruine montrent, notamment sur le mur occidental, des vestiges de la Danse macabre. Les vues de l’église en ruines montrent des arcades dont les retombées ont pu accueillir ces figures de prophètes. Par ailleurs Edel indique que la taille des prophètes était de moitié plus réduite que les figures de la Danse macabre. .

 

Le programme peint incluant les prophètes semble significatif. Les sermons sur la mort prononcés par des religieux sont attestés pour le xve siècle, comme le De morte de Bernardin de Sienne ou les propos du frère augustin Simon Cupersi de Bayeux qui évoquent certains textes des prophètes comme Isaïe 40 ou Jérémie 22 ou l’histoire de Job [H. Martin, Deux prédicateurs du xve siècle parlent de la mort, La mort au Moyen Âge. Colloque de l’association des historiens médiévistes français réunis à Strasbourg en juin 1975 au Palais universitaire, Strasbourg, 1977, p. 103–124. ]

LE LOUARN-PLESSIX (Geneviève ) , 2013, Plouha, Chapelle de Kermaria an Iskuit Mémoires SHAB

https://m.shabretagne.com/scripts/files/5f464c1e917b93.94134739/2013_50.pdf

https://docplayer.fr/108538314-Plouha-chapelle-de-kermaria-an-iskuit.html

"Le dessin de P. Chardin exécuté en 1885 présente la vue d’ensemble du collatéral nord avec le lambris peint; on y lit, en outre, sur les écoinçons des grandes arcades nord de la nef des représentations de personnages tenant des phylactères ; l’auteur y a identifié huit prophètes de l’Ancien Testament. Beaucoup d’entre eux aujourd’hui ont disparu.

Ch. de Keranflec’h, en 1857, précisait que « tout l’espace au dessus des arcades est peint en blanc, semé de quatre feuilles rouges et de quinte feuilles violettes. Sur ce fond, se détachent des figures debout […]. Celle en face de la chaire, la seule découverte à cette date est [frappante] par la pureté du trait et la noblesse de la pose. Sa tunique de pourpre, le riche manteau qui lui couvre les épaules, la couronne qu’elle porte sur la tête, semblable à celle de nos ducs du XVe siècle et la banderole portant une inscription tirée du livre des psaumes identifient le roi David ». [« Dominus dicit ad me : filius hodie genui te : roy David ». ] Paul de Taillart a dégagé, par la suite, les figures des prophètes Isaïe et Zacharie."

 

« Selon le dessin de P. Chardin, et la description de Ch. de Keranflec’h, le mur en dessous de la dance, était peint de fleurettes rouges et de quintefeuilles vertes et les écoinçons ornés de représentations des prophètes. En 1872, sept étaient visibles accompagnés du roi David. Aujourd’hui, on distingue à peine Isaïe (phylactère devant, bonnet noir : Ecce Virgo) et Zacharie (phylactère dans main gauche et bonnet) ; le roi David, décrit avec tant de précision en 1857 a disparu. Chardin a proposé au sud : roi David, Isaïe et Zacharie ; au nord : Daniel, Jérémie, Ezéchias, Amos et Jonas. »  (Geneviève Le Louarn-Plessix)

LÉVY (Tania), 2015, « La chapelle Kermaria-an-Isquist. Les peintures murales », Congrès archéologique de France. 173e session. Monuments des Côtes-d'Armor. « Le Beau Moyen Âge ». 2015, Société française d'archéologie, pp. 303-311 (ISBN 978-2-901837-70-1).

— PICHOURON ( Patrick) - L'HARIDON ( Erwana) 2005, La chapelle de Kermaria-an-Isquit Inventaire général ; Dossier IA22005349

"La chapelle Kermaria-an-Isquit a été fondée au cours de la 1ère moitié du 13ème siècle par Henry d'Avaugour, comte de Goëlo. Elle a été agrandie au 15ème siècle..."

https://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/la-chapelle-de-kermaria-an-isquit-plouha/b4cbaf07-cdea-4601-a286-377b8f21585f

— THIBOUT (Marc), 1949, « La chapelle de Kermaria-Nisquit et ses peintures murales », Congrès archéologique de France. 107e session. Saint-Brieuc. 1949, Société française d'archéologie, 1950, p. 70-81.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k32118665/f72.item

— MÂLE (Emile)

https://patrimoine.amis-st-jacques.org/documents/000135_e_male_credo_des_apotres_2.pdf

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Published by jean-yves cordier - dans Peintures murales. Credo apostolique
5 novembre 2021 5 05 /11 /novembre /2021 15:46

Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église Notre-Dame et Saint-Tugen de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés : à attribuer au Maître de Plougastel ?

 

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Voir :

 

 

 

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PRÉSENTATION.

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En 1904, le chanoine Jean-Marie Abgrall  voyait dans ce porche sud de Brasparts un exemple des porches mixtes, encore gothiques et déjà Renaissance, après celui de Lampaul-Guimiliau en 1533, les porches ouest de L'Hopital-Camfrout et Rumengol (1537), et de Daoulas en 1566.

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René Couffon développa cette réflexion, et place ce porche de Brasparts parmi ceux qui, dans le Léon et Nord Cornouaille, témoignent de l'influence d'un "atelier de Kerjean" qui diffusa les modèles architecturaux et ornementaux de la Seconde Renaissance d'abord au château de Kerjean après 1571, puis pour le porche de Lanhouarneau en 1582. Ce style classique se distingue par ses colonnes cannelées et baguées à la française (Philibert de l'Orme), ses volutes affrontées, ses termes et supports anthropomorphes (cariatides), ses agrafes en longues volutes cannelées, ou ses couronnements par dôme et lanternons. Il en donne une vingtaine d'exemples, mais il crée une rubrique spéciale pour les porches de même facture, mais dépourvus de colonnes à la française, à la tête de laquelle il place Brasparts.

Pourtant auparavant, l'atelier des Prigent (Landerneau 1527-1577) avait déjà introduit dans ses porches gothiques des motifs ornementaux Renaissance, comme des rubans formant accolades, et des dais à coquille des niches et bénitiers. Ce sont ces coquilles qui sont reprises ici au dessus des têtes des apôtres.

À Brasparts, l'examen du porche ouest, datant de 1551, permet la comparaison de sa facture entièrement gothique avec celle du porche sud de 1589.

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Si la visite d'un porche peut susciter de l'intérêt, c'est bien dans cette perspective de l'Histoire de l'art, avec le souci (ou plutôt le plaisir) d'y reconnaître les courants, nationaux ou locaux, la reprise des motifs, des traits stylistiques de tel ou tel atelier.

Cet intérêt est renforcé par des petites énigmes (identification des apôtres par exemple), et par des figures qui sortent de la tradition religieuse et introduisent la dimension imaginaire ou fantastique, comme ailleurs sur les sablières et les crossettes, c'est à dire en situation marginale. La frise des supports figurés va combler les amateurs. Le plaisir sera décuplé par la comparaison de cette frise avec ses homologues, par exemple à Bodilis, Guimiliau, ou Guipavas .

Mais  à la jonction entre histoire de l'art et histoire des religions, le Credo des apôtres de ce porche permet d'enrichir l'iconographie de ce thème, d'en préciser les attributs apostoliques, ou les vêtements.

Enfin les deux inscriptions stimulent la curiosité des épigraphistes, mais ne permettent pas de résoudre les interrogations qu'elles suscitent, hormis, mais c'est capital, de nous fournir la date d'exécution de cette série d'apôtres, en 1592.

On n'oubliera pas d'intégrer les peintures murales de la voûte, présentées dans le précédent article, dans un regard global de compréhension du programme : les articles du Credo, fondement de la Foi chrétienne, portés par les douze apôtres, mènent le fidèle vers la porte surmontée du Christ Sauveur ("Je suis la Porte, si quelqu'un entre par moi il sera sauvé", Jn 10:19), tandis qu'au dessus, les quatre évangélistes entourent l'Agneau Pascal, métaphore de la Rédemption. 

On notera que le Credo apostolique avait déjà fait l'objet d'une verrière de l'église de Brasparts, coté sud, commandée en 1543 à Gilles Le Sodec, (de la famille des verriers de Quimper) mais qui n'a pas été conservée : "Le Sodec a promis et doibt faire et construire une vitre en l'église parrochiale de Braspers, devers le midy, en laquelle y aura mis et peint les douze appostles tennant chacun un rollet contenant les articles du Credo et aussy y sera le nom de chacun appostle avecques en haut d'icelle vitre les armes du dit Sr de Bodriec.", selon un contrat passé entre le verrier et Charles de la Marche, sieur de Brasparts et de Bodriec. Sur la verrière figurait aussi les armes de Louis Ansquer sieur de La Forest et de Penguern. Les armoiries de la famille de La Marche sont de gueules au chef d'argent.

 

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Sur les Credo apostoliques :

 

 

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Sur les porches de Basse-Bretagne (ordre chronologique):

 

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DESCRIPTION DE L'EXTÉRIEUR.

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LE PORCHE OUEST (15

"La porte ouest, surmontée d'une accolade toute gothique, porte la date "L.M.VcLI" (1551) ; ses piédroits portent des moulures prismatiques d'une excellente exécution. La première galerie du clocher, également toute gothique, est portée par une corniche très saillante sous laquelle existent des colonnes d'angle en nid d'abeilles. La seconde galerie porte des balustres Renaissance. Au flanc sud de la tour, tourelle d'escalier octogonale à sa base puis de forme cylindrique, couronnée enfin d'une flèche. (Couffon & Le Bras 1988)

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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LA PORTE GOTHIQUE DE L'AILE SUD.

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"Une porte en anse de panier et à colonnettes torsadées portant pinacles et accolade, du XVIe siècle, est remployée dans l'aile sud." (Couffon & Le Bras 1988)

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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LE PORCHE SUD (1589).

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"Le porche latéral sud, daté sur son entablement 1589, présente, lui aussi, une curieuse juxtaposition des deux styles, ainsi que le montrent notamment les culs-de-lampe supportant les statues des Apôtres. Également, tandis que les deux travées de l'intérieur sont voûtées sur arcs ogives et que les portes jumelées du fond ont une décoration toute gothique, les contreforts, ornés de niches, colonnettes et pilastres Renaissance sont amortis par des lanternons pleins à dôme, et le tympan par un lanternon ajouré ; la coquille si caractéristique de l'atelier de Kerjean s'y remarque. Cadran solaire. " (Couffon & Le Bras 1988)

 

 

L'ouverture en plein cintre s'évase en formant à cinquante centimètres du sol un petit banc, lequel est le point de départ de cinq arcades formant moulures. Mais ces moulures, à la différence de nombreux porches (Pencran, Lampaul-Guimiliau, Guimiliau), ne donnent pas abri à des personnages et scènes bibliques.

Elle est limitée des contreforts par deux belles colonnes engagées à rainures torves puis entrecroisées en losanges, supportant un chapiteau corinthien. Deux niches à dais encadrent une architrave, supportant un  fronton également creusé d'une niche Renaissance. Les gables reçoivent des volutes et non des crochets gothiques, et un cadran solaire sculpté dans le gros-œuvre prend place au sommet, sous un clocheton.

La niche centrale abrite une statue de saint Pierre, tenant le livre et la clef, alors qu'un écu muet (jadis peint ?) est placé à ses pieds. Aux armes de La Marche ?

La date sous la corniche a été lue comme étant celle de 1589. C'est la date de l'assassinat d'Henri III, et les guerres de la Ligue ne s'achèveront qu'en 1598. Cette date est encadrée par des pierres en forme d'écu. Rappelons-nous que le porche ouest porte la date de 1551.

La niche latérale gauche contient un personnage barbu, longiligne, vêtu d'un manteau et d'une robe plissés, les mains croisées sur la poitrine. On ne peut l'identifier. Il serait logique de trouver là saint Jaoua, recteur de la paroisse, abbé de Daoulas et neveu et successeur de saint Pol de Léon.

La niche opposée contient une statue bien trop petite ce qui témoigne d'une provenance autre ; et il me semble probable que l'origine en soit un calvaire, puisque la statue représente une femme voilée les bras croisés sur la poitrine et donc une probable Vierge.

 

Les contreforts qui appuient les angles sont agrémentés de niches, colonnettes et pilastres Renaissance et sont couronnés de clochetons de même style. La niche du milieu du fronton abrite une statue de saint Pierre, et le tout est terminé par un clocheton très élancé.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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LA SÉRIE DES DOUZE APÔTRES.

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Le rang de succession des douze apôtres est assez bien fixé par la tradition et par la liturgie, notamment par les versions du Credo apostolique, et les premières statues s'y conforment, avec un début près de la porte intérieure du coté est et la succession de Pierre, de son frère André, de Jacques et de son frère Jean. Mais nous ne pouvons nous fonder sur cet ordre pour identifier les apôtres dont les attributs sont brisés, car ces statues, scellées, peuvent être déplacées lors de restaurations. D'ailleurs, les photos (2009 ?) du forum de Brasparts, montrent saint Simon en 8ème position alors qu'en 2021 elle occupe la 11ème place.

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Attribution.

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Emmanuelle Le Seac'h, la spécialiste des ateliers de sculpture en Basse-Bretagne aux XVIe et XVIIIe siècle ne s'est pas prononcée sur cette série d'apôtres, et n'a pas décrit, plus largement, les porches de Brasparts ; elle ne décrit que le calvaire.

La date de 1592 présente sous la statue de Jean permet d'écarter l'auteur du calvaire de Brasparts (le Maître de Brasparts fin XVe début XVIe), l'atelier des Prigent (1527-1577) ou a priori du Maître de Guimiliau (1575-1589), mais non celui du Maître de Plougastel (1570-1621) et du Maître de Saint-Thégonnec (1550-1610).

Le prolifique Maître de Plougastel a réalisé une partie du porche sud de Guimiliau en 1606-1607, et notamment les apôtres Pierre et Jean. Et les apôtres du porche de la chapelle Saint-Tugen à Primelin, tant à l'intérieur que sous les niches extérieures.

La comparaison avec les sculptures du Maître de Plougastel à Saint-Tugen en Primelin incite, à mon sens, à ne pas l'écarter des candidats à une attribution des sculptures de Brasparts, tant pour les apôtres que pour les supports figurés.

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À Brasparts, les traits stylistiques sont :

Les silhouettes sont sveltes, la hauteur de la tête est égale à 1/7 ou 1/8 de la taille totale.

La chevelure forme trois vagues, comme formées à la douille de pâtissier, modèle épais...

Les rides du lion sont bien marquées par trois barres.

Les yeux forment de larges amandes, cerclées d'un trait.

Le philtrum est marqué.

Les moustaches partent de la partie inférieure ou externe des narines.

Les barbes sont peignées de petits sillons vermiformes.

Les robes sont fermées par une fente sinueuse à deux ou trois boutons ronds. Elles sont serrées par une ceinture dont la boucle n'est pas visible.

Le manteau est rarement fermé par un bouton central, il couvre plus souvent l'arrondi d'une ou des deux épaules et fait un retour par une diagonale plissée.

Les livres sont tantôt ouverts, tantôt fermés, tantôt  tenus sous l'aisselle.

Les phylactères où étaient peints les articles du Credo sont minces, leur largeur est inférieure à celle des 4 doigts longs.

Le "hiératisme", terme caractéristique pour les auteurs de référence (Yves-Pascal Castel et Emmanuelle Le Seac'h), du Maître de Plougastel, mais assez vague dans son acceptation, se retrouve ici.

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I. LE COTÉ EST (À DROITE). LES SIX PREMIERS APÔTRES DU CREDO APOSTOLIQUE.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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1. L'apôtre Pierre tenant sa clef et un livre.

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On reconnaît encore le chef de l'Église à son toupet, petite mèche isolée sur la calvitie frontale. Il est barbu (comme tous les apôtres sauf Jean), avec ces barbes dont les moustaches partent de l'extérieur des narines et dont les mèches sont faites de deux lignes sinueuses s'achevant par un 6.

Egalement habituelles sur les statues de kersanton des ateliers de Basse-Bretagne sont ces robes dont une fente pectorale se ferme avec trois boutons ronds en formant une jolie sinuosité.

La robe est serrée par une ceinture, ses plis parallèles s'évasent en un très discret éventail.

Le phylactère, jadis peint du premier article du Credo, ressemble un peu à une étole. Une inscription est sculptée à son extrémité inférieure, mais son relevé est difficile, aussi les auteurs ne l'ont pas mentionnée. Je lis :

V

KYO

HEA

 

Un calice indique que le nom mentionné est celui d'un prêtre.

Le nom du recteur vers 1592 n'est pas connu. Le dernier recteur du XVIe siècle mentionné dans les archives, Alain Jézéquel , est associé à la date de 1561. Une inscription du transept nord mentionne le nom du recteur de 1623, "messire Tournellec, chanoine de Cornouaille"

 

 

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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2. L'apôtre André tenant sa croix en X.

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Il tient la croix en main droite et un livre en main gauche. Au dessus de la robe à deux boutons frontaux, le manteau est porté sur l'épaule gauche et son retour vers la main gauche forme un beau mouvement de plissé. La banderole descend en diagonale oblique vers le bas et la gauche.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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3. L'apôtre Jacques le Majeur.

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Il tient le bourdon en main gauche, mais la partie haute est brisée. La tête est coiffée du chapeau frappé d'une coquille de Saint-Jacques. La banderole du Credo part du poignet droit.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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4. L'apôtre Jean bénissant la coupe de poison. .

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Les rides du lion, et la bouche concave, donnent au saint un visage buté. Les cheveux en coulée de pâte de guimauve sont ici remarquables.

 La main droite bénit, tandis que la main gauche tient la coupe de poison, comme l'indiquent les têtes de serpents ou dragons qui en sortent.

L'éventail des plis du manteau est très élégant, tout comme l'avancée du pied droit.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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L'inscription.

Elle est portée sur un support distinct de la statue.

On y lit :

L~A 1592 L GO

DO LORS F~AB.

 

Soit, en résolvant les abréviations par le tilde des A, LAN 1592 L. GODO LORS FAB[RIQUE]. 

 

On reconnaît bien la formule mentionnant le nom d'un fabricien (ou fabrique), "En l'an 1592, untel étant pour lors fabrique".

Couffon semble avoir  raison de lire plutôt pour la 2ème ligne  PO LORS FAB, mais cela n'aide pas la compréhension du patronyme. À moins qu'il faille lire L'an 1592, L. Go[ff] po[ur] lors fab[ricien]

Le L précédant GO est douteux, il comporte une boucle supérieure.

La base Geneanet ne mentionne aucun GODEAU, forme de GODO, à Brasparts au XVI et XVIIe siècles.

P. Ciréfice suggère  que "ce L. Godo ou Godu, est vraisemblablement une déformation de Goff, prononcé Gô). 
Il pourrait s'agir de Louis Le Goff, né en 1640, fabricien de l'église." . Mais la date de 1592 s'oppose à cette hypothèse.

La base Geneanet  mentionne plusieurs (le) GOFF,  à Brasparts, mais tous, sauf un prénommé Yvon, sont postérieurs à 1600..

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Je mentionne en passant, car tous les indices sont précieux, l'inscription lapidaire, non datée, d'un pan NE du chevet (daté, lui, de 1724),  A : KDEVES / I : LIDOV . FAB, autrement dit "A. Kerdevez et I. Lidou, fabriciens".

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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5. Un apôtre  tenant une lance (à la pointe brisée).

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Le livre est tenu par sa tranche dans la main droite, la ferrure de la reliure étant visible. Dans sa main gauche, l'apôtre tient la hampe d'une lance, dont le fer n'est brisé que partiellement, ce qui nous permet de déterminer l'attribut avec suffisamment de certitude.

La lance est l'attribut de Thomas, et, dans ce cas, la séquence serait conforme au Calendrier des Bergers (Troyes 1531 par exemple).

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Calendrier des Bergers Troyes 1531, droits réservés Gallica BNF.

Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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6. Un apôtre  tenant un  bâton (à l'extrémité brisée).

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Il peut s'agir  de Jacques le Mineur tenant le bâton à foulon, ce qui s'accorde alors au Calendrier des Bergers. L'extrémité brisée du bâton ne permet pas d'en voir la dilatation caractéristique.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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II. LE COTÉ OUEST (À GAUCHE). LES SIX APÔTRES SUIVANTS DU CREDO APOSTOLIQUE.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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7. Un apôtre   tenant une hampe : saint Philippe ?.

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La hampe montait jusqu'à la hauteur du visage de l'apôtre, puisque le point d'ancrage persiste, associé à une boucle de la chevelure. L'hypothèse de voir ici Saint Philippe et sa croix à longue hampe est crédible. Nous continuons alors à suivre l'ordre du Calendrier des Bergers.

 

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Kalendrier et compost des Bergers, 1510. Droits réservés Gallica BNF.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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8. Un apôtre   tenant le pommeau (d'une possible épée, ou d'une hallebarde, massue etc.).

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Saint Jude Thaddée ?

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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9. L'apôtre  Matthieu tenant la balance du percepteur d'impôts.

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Cet attribut n'est pas celui des Calendriers des Bergers. Mais c'est lui qui caractérise saint Matthieu à Primelin, notamment.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
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10. L'apôtre  Barthélémy tenant le couteau à dépecer.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
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11. L'apôtre Simon tenant la scie de son supplice .

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La scie en long est tenue par la poignée, mais quoiqu'elle soit brisée, ses indentations se reconnaissent plus bas, au niveau de l'éventail des plis.

Malgré la commodité du moyen mnémotechnique Simon/ scie, cet attribut est celui de saint Jude dans plusieurs calendriers.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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12. Un apôtre  tenant l'équerre.

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Si je respecte mon identification de Thomas pour le 5ème apôtre, j'en suis contrarié, puisque je ne peux plus faire jouer ici le moyen mnémotechnique Thomas = T = équerre.

Certains Calendriers des Bergers montrent saint Philippe portant une croix réduite à la forme d'une équerre, mais il en tient la branche sur l'épaule. Ce ne peut être ici Philippe, qui occupe la place n°6.

L'apôtre qui termine le Credo est, en règle saint Matthias. Mais l'ordre primitif a-t-il été conservé ?

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

 

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Au centre au dessus de la porte : le Christ Sauveur.

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La plupart des porches du Finistère comportant des séries d'apôtres du XVIe et XVIIe siècle sont centrés, au dessus de la porte, par un Christ Sauveur.

Et régulièrement, sa statue, étant la plus haut placée et la plus à l'ombre, est la plus difficile à photographier.

Le caractère très élancé de la statue, déjà noté pour les apôtres, se retrouve ici, avec un canon 1/7 pour la proportion de la tête.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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LA FRISE DES CULOTS FIGURÉS.

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I. LE COTÉ EST (À DROITE).

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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1. Masque humain crachant des feuillages.

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L'homme aux cheveux courts possède un menton bilobé. Les feuilles sont larges et découpés comme celles d'acanthe.

 

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
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2. Homme en buste entre deux animaux.

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L'homme est coiffé et vêtu comme un jeune seigneur, il porte un pourpoint aux épais plis, à trois boutons ronds. Les animaux ressemblent vaguement à des chiens, ils approchent leur gueule du cou de l'homme, et posent leurs pattes sur ses bras et son ventre, peut-être en le menaçant de le dévorer, ou en signe d'affection.

Il faut le rapprocher d'un personnage identique, et qui sert également de culot, sous les pieds de saint Herbot, au porche ouest (1516) de la chapelle Saint-Herbot de Plonévez-du-Faou. Dans les deux cas, on peut hésiter entre des chiens et des lièvres, entre une agression, et une scène de chasse.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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2. Démone tenant la pomme de la Tentation.

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Elle a toutes les caractéristiques des Démones de Basse-Bretagne recensées par Louis Le Thomas, Hiroko Amemiya et moi-même. Sa queue céphalisée donne à voir une version masculine de sa nature démoniaque. Voir :

L'enclos paroissial de Brasparts. I. La Démone tentatrice du porche sud.

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Il est curieux de constater qu'une femme-serpent est sculptée à droite du porche ouest de Saint-Herbot, à proximité du groupe de l'homme entouré de deux chiens, qui a inspiré le culot précédent.

porche ouest (1516) de la chapelle Saint-Herbot de Plonévez-du-Faou.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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4. Homme portant les mains à la bouche .

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On peut y voir un homme en train de vomir, figure habituelle du vice de l'Intempérance ou goinfrerie. Je pense aux gargouilles, crossettes ou pièces de sablières rencontres ici ou là, et, sous la forme de culot, mais par un autre motif, à cet exemple   rencontrée à la chapelle de La Magdeleine de Briec-sur-Odet.

La chevelure de cet homme est courte comme celle du culot n°1, et nous distinguons son pourpoint, à manches plissées et au bouton devant le ventre.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
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5. Deux hommes se caressant la barbe.

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Le motif de l'homme, souvent âgé, se caressant la barbe est toujours une figure du vice, pour ne pas dire de la lubricité. On le retrouve sur les modillons romans, et fréquemment en sculpture des églises et chapelles bretonnes du XVIe siècle : mon blog en a signalé souvent les exemples.

Ce qui est singulier ici est ce groupement par deux. Ce sont apparemment deux hommes, la tête encapuchonnée (moines ???), et seule la barbe du personnage de gauche est méchée.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
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I. LE COTÉ OUEST (À GAUCHE).

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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De la droite (coté porte) vers la gauche (coté sortie).

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8. Feuille d'acanthe.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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9. Ange coiffé d'une plume, portant un écu muet.

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C'est bien un ange, imberbe et jeune, vêtu d'une tunique plissée à la stricte encolure, les ailes écartées; et tenant un écu. Mais je m'explique mal cette plume, qui serait mieux assortie à un bonnet de seigneur, mais dont la présence sur cette tête angélique est pourtant incontestable.

Les grands yeux en amande confirment que cette frise est de la même main que les statues des apôtres, bien que le matériau ne soit plus du kersanton, mais du granite.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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10. Feuillage .

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11. Masque d'homme .

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L'étage supérieur du visage est large, l'étage inférieur très étroit, et le menton est rond.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.
Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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12. Vase à godrons .

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13. Vase  à motifs géométriques .

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14. Vase  à godrons .

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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L'ATTRIBUTION AU MAÎTRE DE PLOUGASTEL. COMPARAISON AVEC LA CHAPELLE SAINT-TUGEN DE PRIMELIN. I. LES APÔTRES.

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L'attribution des statues de la chapelle Saint-Tugen est clairement affirmée par Emmanuelle Le Seac'h. Nous trouvons là-bas quatre statues des évangélistes à leur pupitre.

Nous y retrouvons la même chevelure dont les épaisses mèches, comme sorties d'une douille indentée de pâtissier, forment des crans horizontaux. Nous retrouvons la moustache et la barbe également peignée en épais spaghettis. Le manteau qui ne recouvre que la partie extérieure de la robe, et sur celle-ci, les boutons ronds faufilés sur la ligne sinueuse de la boutonnière.

Sur le Maître de Plougastel, voir  encore :

 

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Le Maître de Plougastel (1570-1621).

Ce sculpteur, et son atelier probablement installé à Landerneau sont responsables d'œuvres en kersanton dans une cinquantaine de paroisses, essentiellement situées en Léon au nord de l'Élorn, mais aussi à Plougastel où il réalisa entre autres en 1602-1604 le calvaire monumental qui lui donne son nom, et en Cornouaille à Confort-Meilars et Saint-Tugen de Primelin (voir les articles supra), à Plogoff et Tréguennec.

Il intervient après l'atelier des Prigent (1527-1577) et avant celui de Roland-Doré (1618-1663), également sculpteurs de kersanton à Landerneau.

Il a travaillé pour 4 croix et 24 petits calvaires dont six sont complets, à la chapelle Christ de Guimaëc, pour le calvaire de Corran à Plougasnou en 1594 , à la chapelle Saint-Trémeur de Plougastel en 1600,  à la chapelle de Locmazé au Drennec et enfin au cimetière de Gouesnou. Il est également l'auteur des statues géminées (mais non du Christ) des calvaires de la chapelle Saint-Adrien et de la chapelle Sainte Christine de Plougastel.

"Le style du Maître de Plougastel, dans sa maturité [après 1602] se caractérise par une certaine rigueur et un hiératisme prononcé, visible dans la gestuelle des personnages et les plis des vêtements. La rondeur des traits imprimés aux visages donne aux sculptures une quiétude magnifiée proche de l'ataraxie de pierre." Postérieures aux guerres de la Ligue (1589-1598 et à la peste de 1598 (Plougastel), les créations majeures du Maître de Plougastel ont pu être marquées par les atrocités et la souffrance physiques qu'il a dû voir autour de lui et qui imprègnent son œuvre d'une note d'intériorité froide." (Le Seac'h 2014) 

 

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Saint Matthieu (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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À Saint-Tugen, six apôtres du Credo apostolique sont placés à l'extérieur du porche, sur le fronton, en dessous du saint patron. Les six autres sont placés de part et d'autre du porche. Les phylactères en sont étroits comme à Brasparts. 

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Saint Pierre tient, à Saint-Tugen, sa clef abaissée, et son livre ouvert. Mais le visage, la chevelure au toupet, et les autres détails sont très proches.

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L'apôtre Pierre, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), du porche intérieur de la chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

 

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Le  Saint André de Saint-Tugen conforte également mon hypothèse d'un atelier semblable à celui de Brasparts.

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L'apôtre André, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), du porche intérieur de la chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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Saint Jean porte les mêmes attributs à Saint-Tugen et à Brasparts, dans une facture identique.

 

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L'Apôtre Jean, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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Saint Jacques le Majeur est plus intéressant à Saint-Tugen, et se remarque à une pèlerine à boutons et un baudrier à coquille.  Cela incite à être dubitatif sur la statue homologue de Brasparts, qui mériterait un nouvel examen plus attentif.

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L'apôtre Jacques le Majeur, Apôtres (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe) du porche intérieur de la chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

 

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L'un des apôtres de Saint-Tugen, identifié comme Matthias, porte ce qui ressemble à une lance ; le fer en est intact, la hampe est brisée entre celui-ci et la main. On comparera l'image avec celle de l'apôtre n°5  ("Thomas") de Brasparts.

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Saint Matthias (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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Celui que j'ai identifié ici comme Jacques le Mineur, en position n°6, trouve son équivalent à Saint-Tugen à l'intérieur du porche, coté gauche. Le bâton à foulon ne descend pas jusqu'à terre, mais s'achève par sa dilatation en crosse à hauteur du genou.

Remarquez le pli qui se divise en triangle au dessus du pied droit, comme à Brasparts pour les n° 5 et 6.

 

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L'apôtre Jacques le Mineur, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe) du porche intérieur de la chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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À Saint-Tugen, Jude tient une épée, qui est bien conservée, et conforte mon hypothèse pour le n° 8 de Brasparts.

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L'Apôtre Jude, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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Matthieu , notre n°9, porte à Saint-Tugen  la même balance de collecteur d'impôt, mais elle est brisée, et portée plus bas.

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L'Apôtre Matthieu, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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Barthélémy tient en main gauche le même couteau à dépecer, et porte son livre sous l'aisselle gauche.

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L'Apôtre Barthélémy, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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Simon notre n° 11 (ou du moins l'apôtre titulaire de la scie) se trouve à Saint-Tugen à l'intérieur du porche.

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L'Apôtre Simon, (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe), chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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Le dernier de notre série, celui qui porte en n°12 l'équerre , peut se retrouver à Saint-Tugen, sous le porche du coté gauche. Son équerre est brisée mais probable.

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L'apôtre [Thomas?] (kersanton, Maître de Plougastel, début XVIIe) du porche intérieur de la chapelle Saint-Tugen en Primelin. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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L'ATTRIBUTION AU MAÎTRE DE PLOUGASTEL. COMPARAISON AVEC DEUX APÔTRES DU PORCHE DE GUIMILIAU, PIERRE ET JEAN.

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l'apôtre Jean (kersanton, 1606, Maître de Plougastel) du porche de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.

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l'apôtre Jean (kersanton, 1606, Maître de Plougastel) du porche de Guimiliau. Photographie lavieb-aile.

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L'ATTRIBUTION AU MAÎTRE DE PLOUGASTEL. COMPARAISON AVEC LES 13 APÔTRES DE LA FAÇADE DE CONFORT-MEILARS.

Cette attribution est faite par E. Le Seac'h.

Les navires sculptés (leucogranite, v. 1528) de la façade occidentale de l'église de Confort-Meilars. Son inscription. Ses 13 statues d'apôtres en kersanton (Maître de Plougastel, v.1588-1602).

 

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L'ATTRIBUTION AU MAÎTRE DE PLOUGASTEL. COMPARAISON AVEC UN APÔTRE DE LA FAÇADE OUEST DE PLOGOFF.

Cette attribution est faite par E. Le Seac'h.

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Église Saint-Collodan de Plogoff. Photographie lavieb-aile mars 2020.

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L'ATTRIBUTION AU MAÎTRE DE PLOUGASTEL. COMPARAISON AVEC LA CHAPELLE SAINT-TUGEN DE PRIMELIN. II. LES SUPPORTS.

 

Si ces supports ne sont pas disposés en frise sous le porche, mais sous les niches extérieures, ils mériteraient d'être inventoriés et comparés à ceux de Brasparts. Je ne donne que deux exemples.

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ANNEXE.

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René Couffon, L'Architecture classique au pays de Léon. Résumé.

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Le style gothique jusqu'en 1550.

 

L'atelier de l'Elorn (Atelier Prigent à Landerneau, 1527-1577) spécialisé dans les porches en kersanton et issu de l'atelier du Folgoët, a réalisé des porches gothiques dans le Léon ou plus largement la vallée de l'Elorn voire le bassin de la Rade de Brest, à La Martyre, Sizun, Lampaul, Rumengol, L'Hôpital-Camfrout, Pencran, Landivisiau, Daoulas, La Roche-Maurice, Bodilis, Pleudaniel, Landerneau, Le Faou, Saint-Divy, et Guipavas. Mais des éléments Renaissance y sont introduits, principalement dans le décor d'ornementation plutôt que dans l'architecture, de manière  suffisamment précoce par rapport à l'Île de France et la vallée de la Loire pour qu'on puisse, une fois encore, rompre le cou au cliché d'une Basse-Bretagne inculturée et retardataire. Voici la liste qu'en propose René Couffon :

— Goulven portes géminées de 1505

Sizun 1514 (nous nous écartons un peu de la vallée de l'Elorn...)

Pleudaniel

Lampaul-Guimiliau 1533 (mais élément Renaissance : niche du fronton à dais à coquille, et arcature formée de rubans plats relevés à leur extrémité en accolade. Bénitier à cuve à godron du trumeau. Dais au dessus de la statue de saint Pierre).

Pencran sud :1553. Voussure du porche décoré de scènes bibliques. Renaissance : dais au dessus des apôtres.

Rumengol, niche des contrefort : dais à coquilles.

Rumengol, porche ouest : arabesques Renaissance de l'accolade. Spirales des pinacles.

 Hôpital-Camfrout, façade : niche des contrefort : dais à coquilles.

Roscoff ouest

Brasparts ouest : 1551

Daoulas : 1556. élément Renaissance : le dessus des portes géminées est formée de rubans plats relevés à leur extrémité en accolade

Landivisiau 1554-1563. Voussure du porche décoré de scènes bibliques. Renaissance : le dessus des portes géminées est formée de rubans plats relevés à leur extrémité en accolade. Le bénitier à godrons surmonté d'un dais Renaissance ; dais de certaines niches des apôtres.

La Roche-Maurice porche sud 1559 : Renaissance : le dessus des portes géminées est formée de rubans plats relevés à leur extrémité en accolade.

 

La Martyre : 1560

Loc-Eguiner-Saint-Thégonnec 1561

Trémaouézan

Bodilis porte intérieure :1570 :le dessus des portes géminées est formée de rubans plats relevés à leur extrémité en accolade.

Le Faou 1593-1613

Saint-Divy Guipavas : 1563. Gothique et Renaissance (galons, torsades et Masques des culs-de-lampe supportant les apôtres. Carte n°32.

Landerneau , Saint-Houardon vers 1585 : rubans plats relevés à leur extrémité en accolade.

Sizun, porte vers 1585 : rubans plats relevés à leur extrémité en accolade.

 

Note : les rubans plats relevés à leur extrémité en accolade , typiquement Renaissance, sont inspirés de ceux de l' arc de triomphe de l'hôpital Saint-Jacques à Paris par Jean Goujon, élevé en 1549, et portes de la chapelle d'Anet par Philibert de l'Orme, sculptées par Sibec de Carpi.

 

 

Le virage Renaissance après 1588. Introduction de l'art classique. L'atelier de Kerjean.

Tandis que, comme nous l'avons vu,  dans le troisième quart du XVIe siècle, l'atelier de l'Elorn [Prigent] continuait inlassablement les mêmes porches gothiques pour des fabriques traditionnalistes, dans le nord du Léon, un autre atelier [atelier du château de Kerjean], sous l'impulsion de riches prélats, et de quelques grands seigneurs humanistes, édifiait plusieurs monuments d'un décor entièrement nouveau dans cette région.

Ce style s'est introduit déjà en Bretagne sous l'influence de la famille de Goulaine à  Champeau,  à Ploubezre (chapelle de Kerfons) en 1559 et au château de Maillé vers 1550.

Le château de Kerjean reçut son ornementation classique à partir de 1571 (mariage de Louis Barbier et Jeanne de Gouzillon). La porte du manoir de Trébodennic en Ploudaniel, datée de 1584, relève également  de ce style.

 

Dans l'architecture religieuse en Finistère, après  les façades des porches éliminent délibérément  le gothique. Ils introduisent les niches à coquilles ; les volutes accusées ; un couronnement comprenant une lourde table d'attente formant attique, épaulée de volutes en S et surmontées d'une coquille (Lanhouarneau) ; des Termes et supports anthropomorphes (cariatides) ; et une large clef en claveau.

L'exemple le plus précoce est celui de l'église de Lanhouarneau en 1582 : le porche ne renferme plus aucun élément gothique, mais est structuré par deux colonnes françaises inventées par Philibert de l'Orme pour Villers-Cotteret. On y trouvait l'écu mi-parti Maillé et Carman.

Voici à  nouveau la liste relevé par René Couffon :

— Notre-Dame-de-Berven en Plouzévédé (après 1573) : couronnement par dôme et lanternons, repris également à Roscoff.

Pleyben, porche de 1588 (mais les sculptures sont de l'atelier Prigent) à tour-clocher. 1599-1610.

Saint-Thégonnec. Tour-clocher

Lampaul-Ploudalmézeau : 1611-1622 : tour-clocher

Bodilis porche extérieur, 1601. Importante frise de supports des statues des apôtres, et successions de termes et cariatides.

 Guilers, 1601, porche

Saint-Houardon Landerneau 1604, porche sud

Guimiliau, 1606-1617. Mais reprise de la tradition des voussures de l'archivolte extérieure ornées de scènes bibliques, anges et saints personnages comme à Pencran et Landivisiau.

Plougourvest, porche sud de 1616

Ossuaire de La Martyre : 1619

Dinéault

Quimerch, 1621 (porche transporté dans la chapelle du cimetière)

Gouesnou 1640-1642.

Commana : 1645-1650

Loperhet 1645 (détruit)

Locmélar 1664

Ploudiry, inachevé, avec reprise de la tradition des voussures de l'archivolte extérieure ornées de scènes bibliques, anges et saints personnages comme à Pencran ,Landivisiau, et Guimiliau.

Beuzec-Cap-Sizun vers 1670.

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D'autres porches sont  d'inspiration classique mais sont dépourvus de colonnes françaises :

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Brasparts  porche sud, 1589-1592. Niches à coquilles.

Lopérec : 1586

Saint-Thomas de Landerneau : 1607

Plouédern : 1609

Le Tréhou : 1610

Plougourvest : 1619

Guiclan : 1619.

Plouvorn : vers 1660

Pleyber-Christ : 1663

Plabennec : 1674

Plounéventer : 1679

 

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La carte dressée par Couffon des porches Renaissance du Léon et Nord Cornouaille. 

Rond plein noir = porches gothiques à éléments Renaissance

Rond noir et blanc  = porches classiques sans colonnes françaises (Brasparts = n°42)

Rond  blanc  = porches classiques avec colonnes françaises.

Rond coché d'une croix = porche détruit, avec colonnes françaises.

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Les sculptures (1589-1592) du porche de l'église de Brasparts : Apôtres, Christ Sauveur et la frise des supports figurés.

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SOURCES ET LIENS.

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— ABGRALL (Jean-Marie), 1904, ABGRALL, " Brasparts." Notices des paroisses du diocèse de Quimper et de Léon. Dans : Bulletin de la commission diocésaine d´architecture et d´archéologie, vol. I, 1904, p. 269-310. 


https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/a9bcd85954569ead5bea76e10871c65e.pdf

— BRETANIA 

http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/enclos-paroissial-et-eglise-notre-dame-et-saint-tugen-brasparts/1a009404-b5ab-4141-aedd-1f76c635168e

—CIRÉFICE (Patrice), Forum de Brasparts, 

https://ville-brasparts.forum-actif.net/t1497-le-porche-de-l-eglise-de-brasparts

— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988,  "Brasparts", Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper

https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/files/original/2508776b54549a17f3c01de1b578a15c.pdf

 

COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Brasparts, in  Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles , Quimper : Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm.

http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/BRASPART.pdf

https://www.diocese-quimper.fr/wp-content/uploads/2021/01/BRASPART.pdf

— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.

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—MOREAU (Henri), photographie

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Brasparts_12_Porche_de_l%27%C3%A9glise_Saint-TugenLes_six_autres_ap%C3%B4tres.JPG

— WIKIPEDIA

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Notre-Dame-et-Saint-Tugen_de_Brasparts

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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