Située au coeur du bourg historique de Larmor-Plage, à deux cents mètres du rivage, l´église Notre-Dame-de-Larmor, ancienne chapelle tréviale de Ploemeur, a longtemps été une chapelle de pèlerinage des marins, et fut réparée après un incendie de 1502. Sa tour massive de base carrée (1630-1660) est accolée à une nef plus modeste de base rectangulaire.
Le porche nord.
-Une inscription en lettres gothiques à l'extérieur du porche, sous le gable, date le début de la construction de ce porche de 1491 : LAN MIL CCCC : IIIIxx ET : XI . On a souvent souligner que cette date est aussi celle du mariage d'Anne de Bretagne avec Charles VIII.
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-L'inscription en caractères gothiques présentée par l'ange formant la clef de voûte a été lue par Y.-P. Castel ainsi :
LAN MIL V C LII FUT FAYST CETE VOUTE . (L'an 1552 fut fait cette voûte)
Dés lors, Yves-Pascal Castel a suggéré que "Dès 1491 , le maître maçon avait prévu , pour le porche , une voûte qui sera placée soixante et un ans plus tard". Tous les auteurs reprennent cette date de 1552. Mais l'un des apôtres porte la date de réalisation des statues , celle de 1518. Il parait impossible que ces statues aient été mises en place avant que le porche ne soit voûté.
Mais au XIXe siècle, c'est la date de 1506 qui avait été lue (Le Bras 1859, Luco 1879). Une vérification serait nécessaire.
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Le porche (1491-1506) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Le porche (1491-1506) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Le porche (1491-1506) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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Les porches à apôtres et Credo apostolique.
La tradition des porches à apôtres et Credo est née en Basse-Bretagne.
Le premier atelier ducal du Folgoët (1423-1468) a mené à bien, sous le mécénat du duc Jean V et de ses successeurs, les chantiers de la collégiale du Folgoët (porche vers 1423-1433), de la cathédrale de Quimper (porche sud et portail ouest, 1424-1442), du Kreisker de Saint-Pol-de-Léon (porche entre 1436 et 1472), de Notre-Dame-des-Portes de Châteauneuf-du-Faou (1438), de Kernascléden (porches vers 1433-1464), de l'église Notre-Dame de Quimperlé (porche nord 1420-1450), ainsi que les porches en kersanton de La Martyre (vers 1450 et 1468) et de Rumengol (vers 1470).
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Le second atelier du Folgoët, ou "atelier des enfants" réalisa, deux porches assez identiques, celui de Saint-Herbot entre 1498 et 1509 et celui de Plourac'h vers 1500-1510 et . Ils sont tous les deux en granite pour l'architecture et en kersanton pour les statues, notamment des Apôtres. Comme celui de La Martyre, ils constituent à eux seuls des petites chapelles, voûtés d'ogives, aux solides contreforts et disposant de salle d'archives à l'étage.
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Le porche de Larmor, carré et voûté d'ogive, est achevé en 1506 et ses statues sont datées de 1518 : il est donc chronologiquement proche des deux précédents. Mais sa particularité tient dans le matériau des statues, car onze d'entre elles sont en tuffeau de Loire.
Surtout, il est, à la différence de tous les autres, situé au nord de l'église, moins exposé aux tempêtes. Cette particularité se retrouve à Carnac, et, dans le Finistère, à Gouezec. Le cimetière, lui, se trouvait au sud.
Il suit la tradition qui fait passer le fidèle entre deux rangées d'apôtres, dont les statues sont placées dans des niches à mi-hauteur des murs latéraux. Chacun de ces apôtres tient une banderole où s'inscrit l'article du Credo qui lui a été attribué par la tradition .
Dans les porches sud, les six premiers apôtres sont à la droite du fidèle, et saint Pierre, qui initie le Credo, est à la droite du seuil précédant la nef, seuil marqué par un bénitier où le fidèle se signe. Les six apôtres suivants sont à sa gauche, et le dernier, Matthias, fait face à Pierre près de la porte d'entrée.
Mais ici, dans ce porche nord, la distribution est différente. Saint Pierre est à gauche, le premier venant de l'extérieur, suivi des cinq autres. Puis la lecture du Credo se poursuit sur le côté droit, de l'intérieur du porche vers l'extérieur, jusqu'au dernier apôtre, Mathias.
Nous ignorons si cet ordre est le fruit d'une réorganisation consécutive à un démontage ou une restauration, ou bien si c'est l'ordre initial. Le respect de l'ordre habituel semblait pourtant parfaitement possible ici avec les apôtres 6-5-4-3-2-1 de l'extérieur vers l'intérieur du côté droit, et cet ordre respectait la prééminence de saint Pierre.
Une autre particularité, très précieuse, des statues du porche de Larmor, est que le texte latin de leur Credo est sculpté, et non peint, sur leur phylactère. C'est aussi le cas à Saint-Herbot, et cela nous garantit que la séquence dans laquelle les apôtres se présente est la distribution d'origine. En effet, si tous les apôtres sont pieds nus et tiennent un livre, ils ne se distinguent en général que par leur article du Credo, et par leur attribut d'indentification. Or — et c'est souvent le cas — seules huit apôtres ont gardé leur attribut, les autres attributs ont été brisés.
Enfin, nous apprécions que la polychromie des statues ait été conservée (même si des repeints recouvrent la peinture initiale).
Enfin, dernière particularité, il adopte un ordre des apôtres, une découpe et une attribution des articles du Credo, qui est originale, notamment par rapport au porche de Saint-Herbot. L'ordre des apôtres de Larmor est 1 Pierre-2 André-3 Jacques le majeur-4 Jean-5 Philippe-6 Thomas- 7 Barthélémy-8 Jude- 9 Matthieu-10 Jacques le mineur-11 Simon-12 Mathias. (en gras les identifications certaines, fondées sur les attributs).
En réalité, la tradition de découpe et d'attribution des articles n'est pas établie, ni dans le temps, ni dans l'espace, et chacun des Credo apostoliques constitue une formulation originale.
Au moment même où ce porche se construit, les imprimeurs diffusent (à partir de 1492) des Calendriers des bergers contenant le texte des articles du Credo en français et deux gravures montrant leur attribution aux apôtres, avec leur attribut. Mais ce modèle n'est pas suivi ici.
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La façade intérieure sud. Portail en arc brisé à accolade à crochets et pilastres.
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Le porche (1491-1506) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le Christ aux liens (Bois polychrome, XVIe siècle)
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Le porche (1491-1506) de l'église de Larmor-plage . Photographie lavieb-aile 2023.
Le porche (1491-1506) de l'église de Larmor-plage . Photographie lavieb-aile 2023.
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La voûte d'ogive. L'ange présentant les armes du seigneur du Chef-du-Bois et l'inscription de fondation de 1506 (?).
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L'ange aux cheveux rejeté en arrière et au toupet à la Tintin présente les armes de Chef-du-Bois , de gueules au greslier d'argent enguiché de même. Cette famille, dont les armes sont également présentes à l'intérieur sur les sablières, possédait un manoir à Ploemeur, le manoir de Penhoat ou Penhoët, qualifié d'hôtel au XVème siècle et de manoir en 1536. Siège d'une ancienne seigneurie appartenant au XIVème siècle à la famille Penhoët ou Penencoët de Ploemeur. Au XVème siècle cette famille prend le nom de Chefdubois (ou Chef-du-Bois). Elle possédait ses tombeaux dans la chapelle, avec ceux des familles du Ter, de Kermassonet, de Kerivilly, de Kervéguan et de la Saudraie. Au XVIe siècle sont connus Pierre de Chef-du-Bois et son fils Jehan.
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Inscription : EN LAN : MIL Vc VI FUT FAYCT CESTE VOUTE.
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Rosenzweig 1859
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La lecture de l'inscription est plus difficile qu'il n'y parait. La date a été lue d'abord par Rosenzweig en 1859 comme étant celle de 1506 (logique dans la chronologie faisant se succéder l'inscripion initiale de 1491 et la date des statues en 1518), lecture reprise par J. Le Bras (qui mentionne aussi la date de 1552) et l'abbé Luco , mais Y.P. Castel lit ici la date de 1552 (LAN MIL V C LII ). Cette dernière date est repris par tous les auteurs actuels, sans que l'on sache s'ils l'ont vérifiée.
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Le porche (1491-1506) de l'église de Larmor-plage . Photographie lavieb-aile 2023.
Le porche (1491-1506) de l'église de Larmor-plage . Photographie lavieb-aile 2023.
Le porche (1491-1506) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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LES SIX APÔTRES DU CÔTÉ EST.
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Ils sont placés dans des niches à dais gothiques au dessus d'une frise feuillagée.
Je m'attacherai à une analyse critique des inscriptions des socles (donateurs) et des phylactères (articles du Credo).
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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1. Saint Pierre et sa clef. Inscription du socle "G. LE GOHIR FIT CE FAIRE".
— La statue.
Pierre est identifiable à sa clef, mais aussi à son toupet isolé sur sa calvitie fronto-temporale. Sa barbe longue est peignée puis bouclée. Il porte un manteau bleu et une robe rouge ou vieux-rose. Le jaune (sans doute de l'or) est utilisé largement pour les cheveux, la barbe, la clef, le livre, et aussi sur la robe.
La robe n'est pas boutonnée, comme ailleurs, devant la poitrine, mais on voit un pli médian, qui n'est pas un accident du bois, puisqu'on le retrouve chez les autres apôtres.
Je crois voir des boutons de poignets du côté droit.
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—Inscription du phylactère : c'est le premier article du Symbole des apôtres.
[Credo in Deum patrem omnipoten]te[m]
CREATORE[m] CELI ET TERRE.
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—Donateur : J'ai d'abord estimé qu'il fallait lire G. LE GOHIR et non G. LE GOHN, qui est la lecture la plus courante. En effet, le patronyme "Le Gohn" n'est pas attesté à Ploemeur, tandis que, à la montre de Vannes de 1481 parmi les 27 nobles de Ploemeur est signalé "Guillaume Le Gohir, défaillant".
Geneanet indique 87 membres de la famille Le Gohir à Ploemeur, dont Claude, né en 1611.
Mais on peut aussi y voir (c'est l'hypothèse que j'adopte) une forme du patronyme Le GOFFHIR, dont J. Le Bras nous apprend que la famille, qui demeurait à Kerlorec a fourni pendant un siècle les plus anciens procureurs de la fabrique de la chapelle de Larmor. En 1546 Hervé Le Goffhir, procureur-syndique de la chapelle Notre-Dame de Locmaria-Larmor; était l'un des principaux personnages de Ploemeur. (Le Rorthais mentionne, sans explication, qu'il reconnait dans cette inscription Ambroise Gohir, "procureur de la chapelle", sans doute pour Ambroise Le Goffhir.)
Cela expliquerait qu'en tant que procureur de la chapelle, Guillaume Le Goffhir puisse placer son nom sous la statue de saint Pierre et se placer en tête de la série des statues du porche.
Dans cette délibération de 1546 sur l'aménagement de l'église de Larmor, et qui réunit le corps politique de la paroisse (les chefs de famille), on retrouve parmi les noms des participants ceux de Guillaume, de Henri et de Jehan Le Goffhir.
Si, comme plus tard, le "general de paroisse" ou "corps politique" se composait alors à Ploemeur de 12 délibérants dont le procureur, il serait tentant de penser que ce sont eux qui ont placé leurs noms comme mécènes sur le socle des 12 statues. (cf Christian Kermoal 2002) Mais certaines statues ont deux donateurs.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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2. Saint André tient la croix de son supplice. Donateurs : Jérôme Glemen et J. Le Scourn.
— La statue.
Le costume et le visage de saint André, frère de saint Pierre, ne diffère guère de celui-ci, le "toupet" en moins. La croix est tenue frontalement, et non sur le côté. Le phylactère s'enrubanne autour d'elle.
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—Inscription du phylactère : c'est le deuxième article du Symbole des apôtres.
Le texte se lit de bas en haut, les tilde abréviatifs remplaçant la lettre -m
Et in Iesu[m] Xstu[m] filiu[m] eius unicu[m] , Dns nostrum
Soit Et in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum : "Et en Jésus-Christ notre Seigneur."
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—Donateur : HSME GLEMEN ET J. LE SCOURN
Soit "Jérôme Glemen et [Jean , ou Yves] Le Scourn (ou Le Scournec)".
Albert Deshayes dans son Dictionnaire des noms de famille bretons décrit les noms Gléhen, Gléven [Gleman XIIIe], Le Glever, mais non GLEMEN, et Le Scour (variante Lescour), Le Scournec et Le Scouarnec mais non Le Scourn.
La base geneanet ne signale aucun de ces patronymes à Ploemeur à l'époque concernée
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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3. Saint Jacques le Majeur, coquille au chapeau, bâton de pèlerin à la main gauche. Donateur Jacob Le Pulloch.
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— La statue.
Saint Jacques, à la barbe toute bouclée, porte son chapeau de pèlerin sur l'épaule droite : ce chapeau noir à larges bords est frappé d'une grande coquille Saint-Jacques dorée. Il est tourné vers l'entrée du portail. Il tient le bourdon (brisé en partie supérieure) de la main gauche, et c'est autour de lui que s'enroule le phylactère. Sous le manteau, la robe est serrée par une ceinture de cuir à boucle dorée, dont le bout est noué sur lui-même avant de pendre verticalement.
La besace est suspendue à un baudrier à trois coquilles. Au dessus du baudrier viennent se croiser en sautoir les deux cordons enrichis de franges de son chapeau. On trouve ce détail dans le saint Jacques du Maître de Rieux .
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—Inscription du phylactère : c'est le troisième article du Symbole des apôtres.
Elle débute en bas de la tunique puis le phylactère est brisé ; celui-ci se retrouve lorsqu'il croise le bourdon
QUI CON [ceptus est de spirituo sancto natus] EX MARIA / VIRGINE . "qui a été conçu du Saint-Esprit et qui est né de la Vierge Marie"
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—Donateur : JACOB LE PULLOCH
Le patronyme avec les graphies PULLOCH ou PULOCH ou PULOCHE est attesté en Finistère et Morbihan. Il désignerait à l'origine celui qui versait ou payait la "pilochée", une redevance sur les peaux.
Certains auteurs ont lu LE MILLOCH.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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4. Saint Jean présente une coupe contenant un serpent ailé. Donateur : Jehan et Hervé Ranot.
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— La statue.
Saint Jean est imberbe, mais son visage s'encadre d'une chevelure généreuse et bouclée ; il trace une bénédiction sur la coupe de poison (symbolisé par un serpent ailé). Il porte un manteau bleu dont le pan droit fait retour vers le poignet opposé, et une robe vert céladon. La coupe et le serpent sont peints en or, et on trouve des traces d'or sur le galon du manteau et au niveau du cou.
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—Inscription du phylactère : c'est le quatrième article du Symbole des apôtres.
PASSUS SUB PONTIO PILATO CRUCIF[IXUS]
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—Donateur : JEHAN ET HERVE RANOT FIST CE FARE [??]
Ce patronyme n'est pas attesté en Morbihan. On attendrait RANNOU. Ces donateurs ne peuvent être élucidés.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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5. Saint Philippe tient de la main gauche la croix de son supplice et de la droite le Livre. Donateur : XV. Cariou fit ce faer.
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— La statue.
L'apôtre tient indiscutablement une croix à longue hampe, attribut de saint Philippe. Et il présente le cinquième article du Credo. Son identité et son rang sont incontestables, mais pourtant, selon la tradition, c'est saint Thomas qui occupe cette place, tenant une lance. Cette "anomalie " se retrouve aussi sur le Credo apostolique et prophétique de la maîtresse-vitre de Quemper-Guézennec et sur les peintures de la cathédrale de Brunswick: voir le commentaire que j'en fais. C'est l'ordre choisi par le Sermon 241 pseudo-augustinien : Pierre-André-Jacques-Jean-Philippe-Thomas-Barthélémy-Matthieu-Jacques mineur-Simon-Jude-Matthias.
La robe est ici boutonnée sur le devant de la poitrine.
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—Inscription du phylactère : c'est le cinquième article du Symbole des apôtres.
DESCENDIT AD INFERNA, " il descendit aux enfers"
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—Donateur : --X--CARIOU FIT CE FAER. Le prénom est difficile à lire, et le repeint noir perturbe la lecture ; je distingue un X et peut-être un V. Le nom CARIOU et la mention sont certains.
Dans l'acte prônal de 1546 cité par J. Le Bras sont cités Regnan Cariou, Allain Cariou, Jehan Cariou, membres du corps politique de Ploemeur.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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6. Saint [Thomas ] présente de la main gauche le Livre ouvert. Donateur : Gilles Cariou.
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— La statue.
L'attribut tenu dans la main droite est brisé : c'est un manche sur lequel se referme la main, mais qui se prolongeait vers le bas sur le phylactère, et vers le haut au dessus du poignet, puisque nous voyons encore les deux points de fixation. Il est compatible avec un coutelas (Barthélémy) ou une équerre (Thomas), voire une balance (saint Matthieu) ou bien une lance (autre attribut de saint Thomas). Le sixième article est présenté par Thomas à Quemper-Guézennec.
Les auteurs actuels ont opté pour saint Matthieu (M. Jurbert et dépliant )
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—Inscription du phylactère : c'est habituellement la deuxième partie du cinquième article du Symbole des apôtres.
TERTIA DIE RESU[RE]Xit A MORTUIS
Donc, cette découpe de texte crée un décalage dans le déroulé du Credo et de sa répartition entre les apôtres.
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—Donateur : Gilles CARIOU.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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LES SIX APÔTRES DU CÔTÉ OUEST.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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7. Saint Barthélémy tient de la main gauche le Livre, fermé, et de la droite le coutelas à dépecer de son martyre. Donateur : Dom Alan Le Pitu.
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— La statue.
L'attribut , le coutelas de dépeçage, identifie clairement ici saint Barthélémy. La chevelure et la barbe sont bouclés. Le saint est tourné vers sa gauche (vers l'extérieur du porche). Le manteau est bleu, la robe rouge.
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—Inscription du phylactère : c'est le sixième article du Symbole des apôtres.
ASCENDIT AD CELOS SEDET AD [DEXTERAM DEI PATRIS] OMNIPOTE[N]TIS "Il monta aux cieux où il est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant"
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—Donateur : DOM ALAN LE PITU ----TAM
Le titre "dom" (de "dominus") indique ici un religieux (bénédictin, chartreux ou trappiste).
Dans l'acte prônal de 1546 cité par J. Le Bras est mentionné Guillaume le Pitu membre du corps politique de Ploemeur.
La famille Le Pitu, ou Le Pittu, aujourd'hui Le Pite, est bien attestée à Ploemeur. Un Louis Pitu a fait graver son nom sur un linteau daté de 1673. François Le Pittu fut recteur de Ploemeur jusqu'en 1695, il était le fils de Jacques Le Pittu, riche paysan de Ploemeur.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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8. Saint Jude Thaddée tient de la main droite le livre à fermoir qu'il montre de l'index gauche. Donateur : Mahé Le Pitu.
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— La statue.
Le saint [Jude ?] porte un manteau rose et une robe vert clair, boutonnée, et serrée par une ceinture dont le long bout libre est noué sur lui-même et descend verticalement jusqu'à hauteur du genou.
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—Inscription du phylactère : cet article du Symbole des apôtres est souvent considéré comme le septième.
INDE VENTUR[US EST] JUDICARE VIVOS ET MORTUOS "D'où il reviendra juger les vivants et les morts"
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—Donateur : MAHÉ LE PITU.
—Autre donateur : G[uillaume] PEZRON ou PESRON.
M. Jurbert signale la présence de "la signature G. Pesron dans un pli du manteau". Or, dans l'acte prônal de 1546 rapporté par J. Le Bras, on trouve parmi les membres du corps politique "Guillaume PEZRON". J'en déduis que ce n'est pas la signature de l'auteur de la statue, mais le nom de l'un des paroissiens de Ploemeur.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le nom : G : PEZRON.
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9. Saint Matthieu? Il a perdu ses deux mains, statue restaurée, le nom du donateur est effacé.
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— La statue.
Que pouvait tenir les mains ? La balance, et le livre ?
Les auteurs actuels parlent ici de saint Thomas.
La neuvième place des Credo des apôtres est le plus souvent occupée par saint Matthieu, tenant une balance, une plume (d'évangéliste) ou (dans le calendrier des bergers) une hache.
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—Inscription du phylactère : c'est le texte des huitième et neuvième article du Symbole des apôtres.
CREDO IN SPIRITUM SANCTUM SANCTAM ECCLESIAM CATHOLICAM SANCTORUM COMMUNIONEM
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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10. Saint Jacques le Mineur tient à la main droite le Livre ouvert et de la gauche (brisée) le bâton de foulon de son supplice. Donateur : G. Raoul.
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— La statue.
Le bâton de foulon est brisé, mais reconnaissable par son extrémité plus épaisse, en "club".
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—Inscription du phylactère : c'est le dizième article du Symbole des apôtres.
REMISSIONE[M] PECCATORU[M] "À la rémission des péchés"
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—Donateur : G : RAOUL :
Dans l'acte prônal de 1546 cité par J. Le Bras sont cités Jacob Raoul et Loys Raoul, membres du corps politique de Ploemeur.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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11. Saint Simon tient la scie (brisée) de son supplice de la main droite. Donateur : un seigneur de la famille Chef-du-Bois a fait apposer son blason sur le socle.
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— La statue.
Le manteau porté en cape est fermé par une agrafe hexagonale. La robe est jaune sur une couche rouge. Le phylactère passe sur l'épaule droite, traverse la poitrine, est tenu par la main gauche avant de descendre verticalement.
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—Inscription du phylactère : c'est le onzième article du Symbole des apôtres.
CARNIS RESURECTIONE[M] "À la résurrection de la chair"
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—Donateur : Le nom du socle est remplacé par le blason dont le meuble se distingue : cette trompe suspendue à sa sangle ne peut être que le grélier (un puissant cor de chasse) des Chef-du-Bois. C'est la seule participation de la noblesse à ce Credo. Ces armes figurent aussi au sommet de la voûte.
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Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
Les apôtres (tuffeau, 1518) du porche de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile 2023.
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12. Saint Mathias porte un "livre de ceinture", il a perdu ses deux mains. La date de 1518 est inscrite sur un pli de son manteau. Donateurs : G. et Hervé Gleman.
Les douze apôtres qui, par deux rangs de six, encadrent les fidèles qui pénètrent par le porche sud d'une église ou chapelle bretonne forment un Credo apostolique. Ce qui veut dire qu'ils présentent chacun l'un des douze articles du Credo, ou Acte des Apôtres. Lorsque le texte latin de cet article n'est pas sculpté dans la pierre, et qu'il a été peint sur les rouleaux de papier (ou phylactère) déroulés de leur bras jusqu'au sol, il est le plus souvent effacé, et il faut se contenter de les imaginer.
Saint Pierre est toujours placé à droite de l'entrée, tenant sa clef mais aussi le premier article, Credo in Deum, Patrem omnipotentem, creatorem caeli et terrae.
Puis vient saint André et sa croix en X, avec Et in Iesum Christum Filium eius .
Puis saint Jacques le Majeur, et saint Jean l'évangéliste.
Ensuite, l'ordre des articles est immuable mais leur attribution aux apôtres peut changer. Nous pouvons avoir la séquence Philippe-Thomas-Barthélémy-Matthieu-Jacques le Mineur-Jude Thaddée-Simon-Mathias. (verrière de Quemper-Guezennec)
Ou bien Thomas-Jacques le Mineur-Philippe-Barthélémy-Matthieu-Simon-Thaddée-Mathias (Verger du Soulas)
Ou Jacques le Mineur-Thomas-Matthieu-Barthélémy-Philippe-Simon-Jude-Mathias (Cluny).
Etc.
La formulation du Symbole des apôtres, sa division en douze articles et l'attribution de ceux-ci à chacun des douze apôtres date d'une tradition qui remonte au Ve siècle, époque où Rufin d'Aquilée (ca.400) fait du Symbole un texte élaboré par les disciples sous l'inspiration de l'Esprit Saint, et au VIe siècle, où le Pseudo-Augustin attribue chaque article à un apôtre dans son Sermo 241. Au XIIe siècle se développe parmi les prédicateurs le goût pour les images classificatrices et les séries numériques autour des chiffres sept, dix et douze dans des diagrammes didactiques ; la classification des douze articles et des douze apôtres peut s'enrichir de douze prophètes et de leurs versets. Ce thème apparaît dans de luxueux manuscrits enluminés comme le Verger de Soulas à la fin du XIIIe siècle. En 1330, dans le Bréviaire de Belleville un verset des épîtres de Saint Paul est associé à chacun des douze articles, lesquels accompagnent la succession des douze mois du calendrier. Ces calendriers sont adoptés dans des Psautiers et Livres d'Heures comme ceux du duc de Berry (Psautier de Jean de Berry en 1380-1400 ; Petites Heures du duc Jean de Berry en 1385-1390 ; Grandes Heures du duc de Berry en 1400-1410 ) et le Credo apostolique figure dans les vitraux de la Sainte-Chapelle du duc Jean de Berry de Bourges, construite de 1392 à 1397 par Drouet de Dammartin et investie en 1405. Il figurait aussi dans la Sainte Chapelle de Riom élevée entre 1395 et 1403 pour le compte de Jean de Berry par Guy de Dammartin, mais qui ne reçut ses verrières que vers 1445-1455.
Un des exemples (dans l'œuvre de saint Augustin, in E. Mâle):
Pierre: Credo in Deum patrem omnipotentem, creatorem cœli et terrae.
André : Et in Jesum Christum, Filius ejus.
Jacques (majeur) : Qui conceptus est de Spiritu Sancto, creatus ex Maria Virgine
Jean : Passus sub Pontio Pilato, crucifïxus, mortuus et sepultus est.
Thomas : Descendit ad inferna. Tertia die resurrexit a mortuis. .
Jacques [mineur) : Ascendit ad cœlos, sedet ad dexteram patris omnipotentes.
Philippe : Inde venturus est judicare vivos et mortuos.
Barthélémy : Credo in Spiritum Sanctum.
Mathieu : Sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum communionem
André. Croix de saint-André. Et in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum.
Jacques le Majeur. Bourdon et chapeau. qui conceptus est de Spirituo Sancto n]atus est Maria Virgine.
Jean. Coupe de poison. passus sub Pontio Pilato, crucifixius, mortuus et sepultus.
Philippe. Croix à longue hampe. [Descendit ad inferna,] tertia die ressurexit a mortuis.
Thomas . La Hache ou Hallebarde. Ascendit in celum sedet ad dexteram dei patris omnipotentis
Barthélémy. Coutelas. Inde venturus est iudicare vivos et mortuos :
Matthieu. Plume d'écrivain. Credo in spirituum sanctum
Jacques le Mineur. Sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum communionem
Jude Thaddée?. Hallebarde remissionem peccatorum
Simon. La scie. Credo carnis resurrectionem
Mathias. et vitam eternam amen
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SOURCES ET LIENS.
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—CASTEL (Yves-Pascal), 1983, L'église Notre-Dame à Larmor-Plage", Congrès archéologique de France - Volume 141 -Morbihan, Société française d'archéologie · 1986 pages 107 et suiv.
" ...que la date LAN MIL CCCC : XX ET : XI et un ornement qui pourrait être une fleur de lys.
Dès 1491 , le maître maçon avait prévu , pour le porche , une voûte qui sera placée soixante et un ans plus tard , comme le dit la banderole aux caractères gothiques tenue par l'ange de la clé : LAN MIL V C LII FUT FAY ST CETE VOUTE .
Si la voûte est de 1552 , les niches des parois intérieures sont bien de 1491 , comme le reste du porche . Le vocabulaire varié et délicat des dais et des consoles , issu du dernier gothique flamboyant laisse pointer quelques efflorescences végétales en forme de rosettes quelque peu renaissantes . On y croit deviner aussi des fleurs de lis qui s'inscriraient parmi les toutes premières apparitions de l'emblème royal dans le domaine décoratif du duché breton . 1491 est l'année même du mariage d'Anne de Bretagne et de Charles VIII mais le lis de France ne s'épanouira que quelques années plus tard , à partir de 1508-1510 , aux fenestrages des églises et chapelles de la province en chemin vers l'union.
L'influence extérieure se manifeste à un autre titre dans le porche de Larmor. illustrant un aspect de l'art en Bretagne mis en lumière par M. André Mussat . Le mécénat ducal , développant , au cours du xve siècle , un éclectisme bénéfique , avait fait largement appel aux ateliers étrangers à la province . Les statues du porche le montrent de manière évidente. Taillées dans la pierre tendre , sauf le saint Simon , en granite , elles ne peuvent être que des productions périphériques et l'on songe tout naturellement aux rives ligériennes . Notre série larmorienne , quasi unique dans le Morbihan ne peut donc être étudiée en relation avec les ensembles conservés dans trente porches finistériens qui utilisent le kersanton des carrières littorales de la rade de Brest .
D 'ailleurs, par rapport au Finistère, Larmor adopte une disposition originale. Ici le prince des apôtres accueille le fidèle dès son premier pas dans le porche et se tient à gauche, là-bas, saint Pierre préside près de la porte même de l'église, du côté droit. Évidemment, cette remarque n'est valable que si la distribution originelle n'a pas été bousculée dans la suite des âges. Ainsi , à plus d'un titre , les apôtres de Larmor font figure d'unicum dans le domaine breton. Le nom des apôtres n'étant pas inscrit sur les socles ( il l'est rarement ailleurs ) , la personnalisation demeure malaisée à partir des seuls emblèmes symboliques , d'autant plus que certains ont été mutilés. Notre nomenclature comporte donc quelques points d'interrogation : Pierre (clef), André (Croix), Jacques le Majeur (costume de pèlerin), Jean (calice), Philippe (croix), Matthieu (livre, balance mutilée), Barthélémy ( coutelas ) , Jude ( fig . 5 ) ? ( livre ) , Thomas ? ( attribut manquant ) , Jacques le Mineur ( bâton de foulon et livre ) , Simon ( scie ) et Matthias (?). Si on ne peut définir avec certitude les personnalités individuelles, on est assuré que l'ensemble est en bonne place, dans le bon rang... eu égard au texte du symbole des apôtres dont les articles , gravés sur les phylactères , composent une séquence régulière"
—GOULPEAU (Louis) , À PROPOS DES DATES GRAVÉES DANS LA PIERRE RELEVÉES SUR DES ÉDIFICES RURAUX DE PLOEMEUR
— MUSSAT (André), 1995 Arts et cultures de Bretagne: un millénaire - Page 209
"Dans ce porche , parmi les belles statues d'apôtres qui datent de 1506 à 1518 , à côté de celles offertes par deux prêtres et d'une autre aux armes du seigneur du lieu , Maurice du Chef du Bois , huit portent le nom des notables : Le Gohr , Glemen , Lescournec , Le Milloch , Ronial , Dariou , Pen - Du , Raoul ( cité deux fois ) Le niveau social du gouvernement de la paroisse apparaît donc clairement indiqué : nobles , membres du clergé et fabriciens , qui se retrouvent dans le « général » ."
—Bulletin archéologique de l'Association bretonne, Classe d'archéologie, Volume 5 mpr.-libr.-lithographie L. Prud'homme, 1854 page 68, Saint-Brieuc.
— ROSENZWEIG 1859, Ploemeur, monuments religieux, Statistique archéologique de l'arrondissement de Lorient ,Bulletin de la Société archéologique du Morbihan page 123
— BREVIAIRE DE BELLEVILLE : Breviarium ad usum fratrum Predicatorum, dit Bréviaire de Belleville. Bréviaire de Belleville, vol. I (partie hiver), 1323-1326
— FAVREAU (Robert), 2003 Les autels portatifs et leurs inscriptions, Cahiers de civilisation médiévale 2003 Volume 46 pp. 327-352 :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_2003_num_46_184_2865
— GAY (Françoise) 1993, Le choix des textes des prophètes face aux apôtres au Credo", in Actes du Colloque Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon
— HASENORH (Geneviève), 1993 "Le Credo apostolique dans la littérature française du Moyen-Âge", Actes du Colloque Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon
— LACROIX (Pierre) , Renon, Andrée, Mary, Marie-Claude, Vergnolle, Éliane [Publ.] Pensée, image et communication en Europe médiévale. A propos des stalles de Saint-Claude - Besançon (1993).Sommaire en ligne
— MÂLE (Emile) Le Credo des apôtres in L'art religieux à la fin du Moyen-Âge en France page 246-296
—PICHON (Denis), 2000, Note sur les peintures murales de Notre-Dame-du-Tertre à Châtelaudren : présence d'un Credo prophétique Société d'émulation des Côtes-d'Armor, 2000, 130, p. 115-122
— RENON F, relevé du Credo du chœur de la cathédrale de Cambray en 1404 Revue de l'art chrétien: recueil mensuel d'archéologie religieuse, Volume 8 Arras ; Paris 1864 page 262.
— RITZ-GUILBERT, Anne 1993 ; "Aspects de l'iconographie du Credo des apôtres dans l'enluminure médiévale", Pensée, image & communication en Europe médiévale : à propos des stalles de Saint-Claude; Besançon; Asprodic L'auteur analyse les Credo typologiques apparus dans l'enluminure du 13e siècle, puis la version originale qu'en donne Jean Pucelle dans le Bréviaire de Bellevill (Paris, B. N., ms lat. 10483) aux environs de 1323-1326. Le peintre a utilisé le Credo des apôtres comme attribut de la vertu personnifiée de la Foi
—SCHMITT (Jean-Claude), 1989 "Les images classificatrices", in Actualité de l'histoire à l'Ecole des chartes: études réunies à l'occasion publié par Société de l'Ecole des charte 1989 pp.311-341.
Cette Déploration est constituée de quatre blocs, ceux de Jean et de Madeleine étant placés sur les côtés du groupe rassemblant Marie portant le corps de son Fils. Il y a sans doute une erreur de repositionnement, Jean étant toujours à droite de Marie, et Marie-Madeleine aux pieds du Christ. En arrière et à gauche se trouve l'un des acteurs de la Descente de Croix (Joseph d'Arimathie, ou Nicodème) tenant la tenaille et les clous .
C'est une œuvre classée depuis le 12/07/1912. La notice de la base Palissy PM56000492 la décrit comme une œuvre "en pierre" (calcaire ou granite ?) de la première moitié du XVIe siècle.
Elle est attribuée par certains à un certain "Pendu", sans justification claire. G. de Rorthays a écrit en 1903 que ce nom, Pendu, est inscrit sur le manteau d'un des apôtres du porche sans préciser lequel (ce qui ne se vérifie pas), et il attribue ensuite la Vierge de Pitié au même Pendu sur des arguments faibles. M. Jurbert affirme l'attribution à un certain "Guillaume Pen Du".
Datation.
La datation que je suggère se base sur les chaussures à la poulaine, ou du moins à extrémités pointues, portées par la Vierge et Joseph d'Arimathie : elles ont cédé la place à des chaussures à bout rond à la fin du XVe/ début du XVIe siècle. Dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (1503-1508), tous les personnages chaussés ont des chaussures à bouts ronds (f.91v par exemple). Il en va de même sur toutes les enluminures peintes par Jean Bourdichon de 1457 à 1521. Comparez avec les chaussures de Joseph d'Arimathie de la Pietà de Nouans peinte par Jean Fouquet en 1470.
Un autre critère pour une datation à la fin du XVe siècle repose sur la chevelure de l'ange, aux mèches bouclées repoussées en arrière, comme dans les réalisations de l'atelier du Folgoët (1423-1468) notamment au Folgoët, ou aux porche sud de la cathédrale de Quimper ou à celui de La Martyre. De même, la coiffure aux mèches en boules bouclées de saint Jean rappelle fortement celle du même personnage dans les œuvres de l'atelier du Folgoët (calvaire de Rumengol par exemple).
Un dernier critère, vestimentaire, est le demi-ceint porté par Marie-Madeleine (cf. infra)
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Matériau.
Il paraît important que les autorités de tutelle de cette œuvre en précise le matériau (calcaire, comme les apôtres du porche ; granite ; kersantite).
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Le thème de la Vierge de Pitié aux anges de tendresse apparaît en Basse-Bretagne au XVe siècle.
Dans son ouvrage sur la sculpture sur pierre en Basse-Bretagne, E. Le Seac'h, après avoir décrit le calvaire de Tronoën (vers 1470) et le geste charmant des anges qui y écartent le voile de la Vierge de Pitié, consacre un paragraphe à cette gestuelle de l'ange de douceur qu'elle retrouve sur sept pietà sortis du même atelier du Maître de Tronoën (à Kerbreudeur et ossuaire de Saint-Hernin, calvaires de Béron et Moustoir à Châteauneuf-du-Faou, Croas-an-Teurec à Saint-Goazec, Collorec, Laz, Saint-Trémeur de Carhaix, Kergloff, Le Moustoir, Plusquellec, Pennanvern à Gourin).
Puis elle décrit "les héritiers de la gestuelle de l'ange", dans cinq autres piétà du Finistère à Plonévez-du-Faou, Plozévet, Penmarc'h et à Névez (chapelle de Trémorvézen )— toutes en pierre calcaire polychrome—, au Faouët (granite) et à Meslan (granite polychrome).
En Morbihan, sur les 20 Pietà dénombrées par Wikipédia, cette particularité se retrouve sur la Vierge de Pitié de la chapelle N.-D De Lezurgan, aujourd'hui dans l'église de Plescop, en pierre polychrome du XVIe siècle "d'inspiration flamande ou allemande".
Ces anges sont déjà présents sur la Grande Pietà Ronde conservée au Louvre et peinte par Jean Malouel au début du XVe siècle.
— Sur les anges de compassion, et la gestuelle de l'ange, voir :
La Déploration (on évitera de parler de "pietà" puisqu'il y a ici plus de deux personnages) est placée dans le bras sud du transept, dans un retable au décor de ciel étoilé avec astres, entre une statue de la Vierge à l'Enfant (Notre-Dame de Larmor) et un saint Roch.
La composition générale en triangle des Vierges de Pitié se retrouve ici, seulement rompue par la présence de Joseph d'Arimathie.
Marie éplorée tient son Fils sur ses genoux, enveloppée dans un manteau-voile bleu à revers rouge qui tombe en plis et en vagues et se prolonge de façon peu naturelle sous les pieds du Christ. Celui-ci est dans la position la plus habituelle, l'axe formant une diagonale orientée vers le bas et notre droite, le bras droit tombant verticalement et exposant la plaie de la paume, le bras gauche horizontale. La jambe gauche est fléchie et écartée. La tête barbue, couronnée d'épines, est tournée vers nous. Toutes les plaies sont représentées sanguinolentes.
Marie soutient le torse de Jésus par sa main droite et son bassin par son genou droit. La tête du Christ repose sur un pli du voile proche de l'épaule de sa Mère.
L'ange aux hautes ailes bleues et au visage poupin pose la main droite sur l'épaule droite du Christ et effleure la main blessée. Il porte la tunique de chœur bouffante sous l'effet d'un cordon, et à large amict, une tenue rappelant celle des anges de l'atelier du Folgoët.
Le visage de Marie laisse voir deux larmes brillantes, peintes et non sculptées. Il est peu probable que la sculpture ait conservé ses couleurs sans avoir été repeinte, il serait interessant de bénéficier d'une expertise sur ce point.
Jean est agenouillé mains jointes, vêtu d'un manteau bleu et d'une robe verte, le regard triste et pensif.
Marie-Madeleine est agenouillée mains jointes en position symétrique, son flacon d'aromates destiné à l'embaumement posé près d'elle. Ses longs cheveux sont défaits sur les épaules. Elle porte un manteau rouge agrafé par un fermail, et une robe bleue aux manches plissées aux poignets.
Une ceinture dorée forme un V à pointe médiane, retenant une chainette en or : c'est un "demi-ceint". On y suspendait un pendant ou pomme de senteur contenant un parfum précieux comme l'ambre gris. On voit ce détail représenté sur une enluminure du Livre d'Heures réalisé entre 1426 et 1438 pour Marguerite d'Orléans, épouse de Richard, comte d'Etampes, Horae ad usum romanumBnF latin 1156B folio 58r. Tant Marie que sa cousine Elisabeth porte ce type de ceinture. Voir aussi sur le même manuscrit l'enlumonure f.173v, et la servante de la Présentation au temple des Heures de René d'Anjou roi de Sicile (1434-1480) f.58v du BnF latin 1156A. Ou la jeune Vierge Marie peint par Jean Bourdichon en 1480 BnF fr.2829 f.85r.
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La Visitation. Horae ad usum romanum BnF latin 1156B folio 58r.
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Joseph d'Arimathie (ou Nicodème) est représenté comme juif membre du Sanhédrin par son bonnet conique, sa longue barbe bouclée et ses longs cheveux. Il porte une houppelande serrée par une ceinture de cuir à long passant. Il tient une tenaille et les clous de la Croix. Et des chaussures à bouts pointus.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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Marie-Madeleine.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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Joseph d'Arimathie.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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Les chaussures à bout pointu.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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SOURCES ET LIENS.
— BONNET (Philippe), 2000, Iconographie de la Mise au tombeau en Bretagne, Coop-Breizh
— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, Les Pietà du Finistère.( Revue bilingue breton-français Minihy-Levenez n°69 de juillet-août 2001)
Je ne trouve aucune description patrimoniale des cinq tableaux peints avec la mention EX VOTO et la figure de sainte Barbe dans des nuées, suspendus dans le bras gauche du transept sous la tribune, hormis celui qui, daté de 1683, fait l'objet d'une notice succinte IM56002730 par Denise Dufief en 2009. Celui-ci est classé depuis 1939.
Les autres tableaux sont-ils classés également ? Certains, exposés en 2011, ne le sont plus. Une campagne de restauration est-elle en cours ?
N'ayant pas trouvé de réponse en ligne à mes questions, je dois me contenter de les présenter et de les décrire.
Tous ont la même taille (environ 90 cm x 135 cm), tous sauf un sont peints sur un support à quatre planches horizontales entre deux planches verticales, tous font apparaître la figure de sainte Barbe dans des nuées sur un des coins supérieurs et l'inscription EX VOTO dans un des coins inférieurs, tous ont un cadre assez identique et sont entourés de baguettes dorées.
Tous les paysans portent la même veste de drap blanc, les mêmes chausses (bagou), les mêmes guêtres boutonnées et le même chapeau rond à guides sur des cheveux longs bouclés. Mais je m'attacherai à déceler certaines différences dans ces similitudes.
Tous les paysans et paysannes portent des sabots de bois.
Toutes les paysannes portent la même coiffe blanche à pans cassés encadrant le visage en rayon d'abeille, la plupart une chemise blanche et un corsage, toutes un ample tablier.
Car nous sommes ici, au Faouët, dans un pays qui a adopté la giz fouen de Cornouailles, sauf dans l'emprunt du costume masculin qui est du pays Pourlet.
Il est curieux de remarquer que R.Y. Creston, dans Le costume breton, cite spécifiquement, parmi les territoires importants de la giz-fouen, "Sainte-Barbe au Faouët" (p.80).
1)° Ex-voto dédié à sainte Barbe : incendie d'une étable, trois paysans agenouillés.
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L'étable est en feu : le cochon et quatre boeufs sont sortis. La maison principale est indemne. Les occupants sont agenouillés face à sainte Barbe qui, dans des nuées, intercède pour eux, tenant la palme du martyre. Elle porte une robe blanche et un manteau rouge.
La sainte est invoquée contre la foudre, cause principale des incendies.
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Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
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Les deux femmes portent la coiffe ou capot à quatre pans et deux rabats devant la gorge. Leur robe à manche courte est rouge, au dessus d'une chemise fermée aux poignets par trois boutons. La seconde femme porte un tablier à rabat pectoral.
L'homme porte une culotte noire non plissée et des bas gris, mais surtout une veste de drap blanc, à manches, boutonnée aux poignets, à lisière brodée de rouge ( ou bien :au dessus d'un gilet rouge).
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Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
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3°) Ex-voto dédié à sainte Barbe : un homme sauvé de la noyade dans le bief d'un moulin à roue. Peinture à l'huile sur bois.
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Tandis qu'un homme porte secours à un autre homme vêtu de rouge qui est en train d'être emporté par le fort courant du bief, une femme âgée, vêtue de noir, est agenouillée pour prier. Une autre femme, également agenouillée, invoque sainte Barbe en levant les bras et et en regardant le ciel. Précisément, la sainte apparaît dans une nuée. Elle porte, comme précédemment, la robe blanche et le manteau rouge, elle tient la palme, et ses cheveux sont noirs.
Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
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Nous pouvons supposer que le moulin se trouvait sur le cours de l'Ellé, et que la chapelle qui est représentée dans les bois soit celle de Sainte-Barbe. En effet, deux moulins sont signalés précisément en contre-bas de la chapelle sur la carte de Cassini de 1784, et un figure toujours, avec la mention Moulin à papier du Grand-Pont, sur la carte Scan 1950 d'IGN.
La vue serait donc prise d'est vers l'ouest.
En 1780, Ogée signalait au Faouët les moulins " de Barrigan, de Rerzen, du Mur, du Guel, de Diarnelez, à eau; moulin à papier du Grand-Pont".
Comme nous voyons une route traverser la rivière (ou du moins le bief) sur un pont, je propose de localiser la scène au "Grand Pont". Sans garantie, mais cela permet d'imaginer que la femme que nous voyons est Catherine Le Gorgeu :
"Les vestiges du moulin du Grand-Pont sont encore présents à proximité de la retenue d'eau et du chemin de randonnée.Le moulin d'en bas situé en contrebas, en aval, a disparu. Trois moulins sont identifiés, à proximité les uns des autres, autour du Grand-Pont, sur la rive droite de l’Ellé qui sépare le Faouët de Priziac. Il est difficile de déterminer avec exactitude le nom de tous les maîtres papetiers qui ont dirigé, suivant les époques, chacun des moulins ainsi que ceux des ouvriers qui y étaient attachés. Il semble que parfois leur gestion fut autonome. Les moulins ont été dirigés par des familles liées entre elles. L'acte de naissance, le 12 juillet 1669, de Marc Le Gorgeu, fils de François, indique que la marraine, Catherine, sœur de François, demeure aux moulins à papier du Faouët, ce qui indique qu'au moins deux de ces moulins fabriquaient déjà du papier à cette époque. Dans la première moitié du XVIIème siècle, plusieurs patronymes de papetiers figurent sur les registres de la paroisse. Aucun élément écrit n'a pu toutefois apporter la preuve de la profession de ceux-ci. L'importance de la localité semble cependant indiquer que les seigneurs du Faouët aient soutenu bien plus tôt, comme à Priziac et à Lignol, la fabrication du papier nécessaire aux actes de leur juridiction. " (Caroline Leroy-Deniel)
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Carte de Cassini, Gallica
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IGN/Scan 1950
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Carte IGN
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Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
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La femme porte la coiffe, un tablier ou devantier rouge à rabat, et une robe noire ouverte sur la poitrine, et une chemise blanche ourlée de noir aux poignets.
L'homme porte le costume masculin du Pays Pourlet dit gwennedour, ou "mouton blanc" associant la veste (chupenn) de drap blanc et le gilet (jiletenn) noir, largement pourvu de boutons de cuivre, ainsi que la ceinture large (gouriz) en cuir à fermeture en cuivre ciselé.
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Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
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3°) Ex-voto dédié à sainte Barbe : début d'un incendie dans les maisons d'un hameau, quatre paysans agenouillés . Peinture à l'huile sur bois.
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Le feu a détruit le toit d'un petit bâtiment et s'étend aux maisons voisines, couvertes de chaume a priori.
Une fois encore, sainte Barbe est appelée à la rescousse : c'est la patronne des pompiers !
Deux hommes sont déjà à genoux, un autre, plus jeune, joint les mains.
Ils portent le chapeau rond à guide , les sabots , les guêtres à quatre boutons de cuivre, la culotte large (bagou braz), et la veste blanche, au dessus d'un gilet rouge (ou bien ourlée de rouge?) à quatre boutons dorés aux poignets, comme dans le premier tableau.
Mais nous voyons clairement les rangées de boutons de la veste elle-même, boutons qui deviendront de plus en plus nombreux en pays Pourlet selon la mode des "mille boutons".
La femme porte une jupe ou un devantier rouge et un corselet vert à manches. Et la coiffe locale, bien entendu.
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Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
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4°) Ex-voto dédié à sainte Barbe : naufrage d'un trois-mâts . Peinture à l'huile sur bois.
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L'agencement des planches du tableu est différent mais la composition est la même que pour les autres tableaux, avec la mention EX VOTO et sainte Barbe dans le coin opposé.
Un peintre s'était-il installé pour proposer aux pèlerins cette production?
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Dans une tempête, de fortes lames couchent deux trois-mâts et les menacent de naufrage. Un homme, un officier de marine en costume rouge et perruque, implore la sainte.
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Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
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5°) Ex-voto dédié à sainte Barbe : Marie-Jacquette Guegant de Kerbiquet sauvée après sa chute de son carrosse. Peinture à l'huile sur bois, 1683.
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Selon la notice IM56002730 cette peinture à l'huile de 90 cmx 135 cm, classée en 1939, représente dans un Ex-voto à sainte Barbe datant de 1683, Marie-Jacquette Guegant de Kerbiquet épouse de Nicolas François du Fresnay, chevalier, seigneur marquis du Faouët : sur un fond de paysage, Marie Jacquette chute, depuis une voiture à attelage, tandis que sainte Barbe apparaît en providence dans une nuée.
François du Fresnay, baron du Faouët, par son mariage avec Jacquette-Marie Guégant, l'unique héritière du chevalier Claude Guégant.
La cloche "Claude Marie" de l'église paroissiale du Faouët notice IM56002605 porte l'inscription C.M. BENEDICAT A.V.D.I.B. MARITEAU RECTORE DU FAOUËT NOMINATA AB ILLUSTRISSIMIS D.D.C. DE GUEGANT DE ; 2 : K (ER) BIGUET ET D.M. DVFRESNAY DE DERNOTHON EX CONSENSU ILLUSTRI VIRI D.D. NICOLAI F DU FRESNAY D. MARCHIONIS DU FAOUËT ANNO 1681 ; 3 : I LE SOVEF FONDEUR
Elle a été commandée à l'occasion du mariage de Nicolas François du Fresnay et de Jacquette Marie Guegant de Kerbiquet, et fondue en 1681 par Julien Le Soueff.
Le manoir de Kerbiquet est situé à Gourin, au lieu-dit Kerbiquet. Le manoir actuel a été construit entre 1564 et 1580 par Louis Guégant, procureur royal de Gourin. La seigneurie de Kerbiquet appartient à la famille Guégant de 1445 à 1663. Elle passe à François du Fresnay, baron du Faouët, par son mariage avec Jacquette-Marie Guégant, l'unique héritière du chevalier Claude Guégant. En 1754, le manoir devient la propriété de Jean Joseph Euzennou de Kersalaün
Devant une colline boisée au sommet duquel nous distinguons un manoir, un carrosse jaune et noir passe sur une route. Il est tiré par un (ou deux) cheval dirigé par un valet en livrée rouge à parements et boutons or, et tricorne. Deux autres domestiques sont grimpés à l'arrière.
Le carrosse possède deux vitres et a priori deux portières, dont l'une est ouverte. C'est là, pour ce que nous voyons, la cause de la chute de la baronne, qui est étendue par terre, les bras écartés. Elle est vêtue de mousseline rose, on devine des colliers et bracelets de perles ou brillants sur ses bras nus. Elle porte une perruque.
Un homme, sans doute son mari le baron François du Fresnay, accourt vers elle : il porte un costume bleu, une chemise à jabot, et un tricorne.
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Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
Les ex-voto peints de la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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— COPY (Jean-Yves), MENOU (Jean-Claude), MOIREZ (Denise) ; BOISSÉ (Claude), CADIOU (Jacqueline), 1965 RIOULT (Jean-Jacques) 2021, Dossier IA00008412 de l'Inventaire et Etude d'inventaire sur le canton du Faouët:
La chapelle Sainte-Barbe adopte un plan atypique adapté à un site exceptionnel à mi-pente d'un ravin: elle est dépourvue de nef, et uniquement composée d'un "transept" et d'une abside à pans coupés. Elle fut débutée en 1489 et achevée, pour le gros-œuvre, en 1512. Ses vitraux datent de la première moitié du XVIe siècle.
Jean de Boutteville en fut le premier commanditaire principal, suivi par son fils Louis, comme en témoignent leurs armoiries placées, avec celles de leurs alliés, sur les nervures des voûtes, au sommet des arcs formerets de l'abside, dans les vitraux et sur la tribune seigneuriale. En 1495, la seigneurie du Faouet avait été érigée en baronnie au profit de Jean par la duchesse-reine Anne. De sa femme Marie de Kerimerc'h, épousée en 1463, il eut deux enfants, Catherine, et Louis, vicomte de Coëtquenan, décédé en 1539.
Une tour d'escalier hors-œuvre, dans l'angle sud-ouest de ce transept, contient un escalier en vis accessible depuis l'intérieur de la chapelle : ce dernier conduit à une tribune en bois, contemporaine de l'édifice, tribune seigneuriale qui pouvait aussi servir pour des musiciens, puis au sommet de la tour où deux portes devaient ouvrir sur une coursière périphérique, à la base du toit qui ne fut peut-être jamais réalisée.
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Description.
Dans le bras gauche de la chapelle, la tribune en bois avec traces de peinture bleue est portée par trois colonnes. Le garde-corps haut de 1,10 cm est composé de panneaux pleins (sauf trois ajourés avec des décors à pampre, à réticule et à hermines dans un réseau de cordelières dont deux en retour) ; les deux panneaux pleins portent un décor d'anges musiciens (harpe et rebec), les autres ne sont pas sculptés et remplacent probablement des panneaux d'origine. Les panneaux sont séparés par des candélabres et des pinacles. Une frise court sur les parties supérieure et inférieure, sculptée en bas-relief en partie haute d'une scène de Renart et la poule poursuivi par un moine ; d'un couple d'animaux fantastiques enlacés ; d'anges présentant un phylactère ; d'un dragon face à un lion, de rinceaux à fruits et en partie basse de deux anges présentant un médaillon à tête de mort ; de rinceaux et entrelacs ; et d'anthropomorphes hybrides s'affrontant derrière des boucliers. Une statue de sainte Barbe occupe l'angle sud.
Sous le sommier de la tribune, à la base des montants, six anges en vol portent les écus de la famille fondatrice de la chapelle, celle de Boutteville, et de leurs alliances.
Cette tribune classée en 1912 est datée du premier quart du XVIe siècle, après 1512
La voûte de pierre qui surmonte la tribune porte également des écus des Boutteville, des Du Chastel et mi parti Boutteville et Chastel avec l'inscription datant l'achèvement de la voûte en 1512.
On rapprochera cette tribune de celle édifiée à peu près à la même époque, mais en pierre, dans la chapelle Notre-Dame de Quelven en Guern débutée vers 1490.
Le décor des deux frises sculptées s'inspire de celui des sablières des chapelles et églises bretonnes contemporaines, à charpente.
D'après J.J. Rioult 2021.
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VUES D'ENSEMBLE.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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I. LA FRISE SUPÉRIEURE.
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Description de droite à gauche.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Deux pièces de volutes feuillagées.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Un moine encapuchonné brandissant une branche et désignant Renart vers sa droite.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Renart surgissant des feuillets d'un livre où il se cachait et bondissant vers la poule.
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C'est une autre version de l'épisode fameux de Renart prêchant aux poules, représenté sur le jubé (1480) de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët ou sur les sablières (1600-1608) de la chapelle Saint-Sébastien du Faouët. Mais aussi sur les sablières (1508) de Notre-Dame de Grâces, de celles (1500-1506) de l'église de Plourac'h ou de la chapelle Notre-Dame-du-Tertre de Châtelaudren (fin XVe) ou de celles, plus tardives (v. 1574), de Bodilis.
En effet, au lieu de montrer Renart rejetant son déguisement de moine et se précipitant depuis sa chaire vers son auditoire de volailles, le goupil bondit des pages d'un livre, leçon de morale incitant à se méfier non plus des prêcheurs, mais des écrits fallacieux attirant les fidèles vers des mœurs ou des croyances contraires aux recommandations de l'Église.
Le livre est ouvert, et les pages (à cette époque, nous pouvons les imaginer imprimées) sont tournées vers le spectateur.
Nous pouvons comprendre pourquoi le moine criait haro sur le roux animal.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Deux animaux fantastiques hybrides enlacés par le cou.
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Ils ressemblent par leurs ailes, leur cou et leur bec, à des oiseaux, et par leurs pattes à des lions ou des dragons.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Deux anges déployant un phylactère encore à demi replié.
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Le phylactère présentait certainement au public une inscription votive ou datée, ou une sentence, une oraison ou une devise.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Un dragon.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Un lion.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Rinceau à deux fleurs en grelot grillagé.
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Ces fleurs ou fruits semblenet s'inspirer d'un modèle naturel que je n'ai pas identifié.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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II. LA FRISE INFÉRIEURE.
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Deux anges allongés présentant un médaillon à tête de mort entouré d'une collerette. Un "miroir de la mort " ?
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Le médaillon incite le spectateur à méditer sur sa fin dernière.
Nous pouvons noter que c'est en 1519 (date proche de celle, estimée, de cette tribune) que Jehan Larcher a publié à Plougonven le Mirouer de la Mort, poème en langue bretonne de préparation à la mort. La page de titre de l'édition de 1575 est ornée d'une gravure de ce miroir.
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Le Mirouer de la mort, en breton, auquel doctement et dévotement est trecté des quatre fins de l'home, c'est à sçavoyr de la mort, du dernier jugement, du très sacré Paradis et de l'horible prison de l'Enfer et ses infinis tourments.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Deux créatures anthropomorphes à corps et queue feuillagés s'affrontant à l'abri de rondaches, tout en tenant un rinceau à fleurs à quatre pétales.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Un acrobate en renversement postérieur jambes écartées, réunissant les tiges d'un rinceau. La face et le postérieur ont été bûchées, témoignant du caractère obscène de cette posture, bien que le personnage soit vêtu d'une culotte.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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III. LES PANNEAUX SCULPTÉS : DEUX ANGES MUSICIENS ET UN PANNEAU AJOURÉ À PAMPRES.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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1.L'ange joueur de harpe (dix cordes visibles).
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Les anges sont debout, les genoux légèrement fléchis, vêtus d'une aube de chœur à amict, bouffante à la taille. Leurs cheveux sont longs. La répartition des plumes est bien détaillée et naturaliste.
Le joueur de harpe tourne la tête vers son compagnon, dans une posture inspirée.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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2.L'ange joueur de rebec (ou vièle piriforme à archet).
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L'instrument semble monoxyle, il est piriforme avec une caisse large percée de deux ouies en parenthèse. On compte quatre ou six cordes. Le manche se termine par une crosse, et nous ne voyons pas de chevilles.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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3. Panneau ajouré à pampres de vigne.
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C'est peut-être un symbole eucharistique. Il me semble abusif de voir dans les vrilles des pampres une représentation de la cordelière franciscaine, adoptée comme emblème par François II et sa fille Anne de Bretagne.
Je n'ai pas photographié les deux panneaux ajourés du retour d'angle, de même motif.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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IV. LE RETOUR D'ANGLE.
Il n'a pas été photographié, hormis cette photo qui montre un cerf affrontant un dragon ou du moins un animal fantastique.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2020.
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V. LES SIX ANGES SCUTIFÈRES.
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Les six anges sont représentés en vol, jambes repliées, portant l'aube à amict, comme ceux du jubé de la chapelle Saint-Fiacre construit en 1480. Leurs cheveux sont bouclés en boules.
Les blasons ont été bûchés mais on voit encore un peu le tracé des meubles.
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Ange n°1.
Armes pleines de Boutteville d'argent à cinq fusées de gueules posées en fasce.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°2.
Armes mi parti Boutteville et ? [du Chastel]
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°3.
Armes mi parti Boutteville et ?
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°4.
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Armes pleines de Boutteville.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°5.
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Armes mi parti Boutteville et du Chastel fascé d'or et de gueules de six pièces .
Cette alliance correspond à celle de Louis de Boutteville, seigneur du Faouët, fils de Jean, avec Jeanne du Chastel, fille d'Olivier et de Marie de Poulmic. Ils se sont mariés en 1498. C'est donc bien eux qui sont seigneurs du Faouët en 1512 lors de la fin de la construction des voûtes , ce sont donc aussi eux qui sont vraisemblablement un peu plus tard les commanditaires de cette tribune seigneuriale.
Jeanne du Chastel est représentée, avec ses armes Boutteville/Chastel sur la baie 2 de la chapelle Sainte-Barbe, derrière son époux, agenouillés en donateurs devant la Vierge. Louis est présenté par saint Fiacre et Jeanne par Marie-Madeleine.
On trouve aussi ce blason mi parti Boutteville/Chastel sur le tympan de la baie n°1, et sur la jupe de la donatrice de la lancette A de la baie n°1.
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Baie 2 , Verrière de la Transfiguration, Chapelle Sainte-Barbe, Le Faouët, photographie lavieb-aile.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°6.
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Armes mi parti Boutteville et ?
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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VI. LES ARMOIRIES DE LA VOÛTE.
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L'ange portant l'inscription de fondation et les armes de Boutteville.
L'inscription indique : LAN : MIL : Vdz : XII : FUT : FAICT : CESTE : VOUTE.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange à la chevelure bouclée en trois rangs de boules latérales présentant les armes des Talhouët d'argent à trois pommes de pin de gueules, affectées d'un lambel.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Écartelé à identifier, à trois feuilles de houx ( Toulbodou ?) et six fasces à la cotice brochant le tout.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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VII. LA STATUE DE SAINTE BARBE.
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Elle tient en main droite la palme du martyre et en main gauche un livre signalant sa maîtrise des sciences théologiques et philosophiques, tandis que son attribut, la tour aux trois fenêtres témoignant de son attachement pour le dogme de la Trinité, est derrière elle.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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SOURCES ET LIENS.
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— COPY (Jean-Yves), MENOU (Jean-Claude), MOIREZ (Denise) ; BOISSÉ (Claude), CADIOU (Jacqueline), 1965 RIOULT (Jean-Jacques) 2021, Dossier IA00008412 de l'Inventaire et Etude d'inventaire sur le canton du Faouët:
— DUHEM (Sophie), 1997, Les sablières, images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne, XVe-XVIIe s. Presses Universitaires de Rennes 385 p.-[16] p. de pl. en coul. Note : Bibliogr. p. 367-379. Notes bibliogr. Index . Voir pages 19, 169 (licorne), 226 et 227 (cornemuse), 238 (moissonneur), 241 (écureuil et lapin).
— DUHEM (Sophie), 1998, "«Quant li goupil happe les jélines... », ou les représentations de Renart dans la sculpture sur bois bretonne du XVe au XVIIe siècle" Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest Année 1998 Volume 105 Numéro 1 pp. 53-69 http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1998_num_105_1_3972
"Dame du ciel, regente terrienne" François Villon (1431 - 1463),
"Ballade pour prier Notre Dame", in Le Testament.
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PRÉSENTATION.
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Historique.
La construction de l'église Notre-Dame de Kernascléden, un édifice en granite construit dans le style gothique flamboyant, entièrement voûtée de pierres, avec un plan en croix terminé par un chevet plat, a été prévue vers 1420 sous Alain VIII de Rohan et Beatrix de Clisson. En 1428, Marguerite de Bretagne, femme d´Alain IX de Rohan, et soeur du duc Jean V, lui lèguait 40 sous dans son testament.
La présence, à la croisée du transept, des armes de Jean V et de son épouse Jeanne de France, morte en 1433, marque l´état d´avancement des travaux à cette date. Les armes de Bertrand de Rosmadec, évêque de Quimper, mort en 1445, à la voûte du bras nord, fournissent un autre indice chronologique.
Une intense activité règne en ces années centrales du 15e siècle : dans les trois travées du choeur, on relève, d´ouest en est, les armes de Louis II de Rohan-Guémené, qui succède à son père en 1457 ; du vicomte Jean II, fils d´Alain IX, vicomte de Rohan de 1461 à 1516 et maître d´ouvrage des châteaux de Josselin et Pontivy ; de François II enfin, qui ceint la couronne ducale en 1458.
Enfin, une inscription latine et française, gravée en relief sur une pierre encastrée dans le mur nord du choeur, indique que, le 2 septembre 1453, la chapelle fut dédicacée par Yves de Pontsal, évêque de Vannes, et qu´elle fut voûtée en 1464 par Pierre et J. Le Bail. Ces voûtes portent des peintures murales exceptionnelles tant dans le chœur (vie de la Vierge et vie du Christ) que dans le bras nord du transept (anges musiciens).
Sur les murs sud et ouest du bras sud du transept, une fresque célèbre représente une danse macabre qui se composait à l'origine d'une suite de 31 personnages (l'Ankou, 15 vifs et 15 morts). Elle a été découverte en 1912 par l'avocat Guy Ramard, féru de peintures murales étudiées en Mayenne, et qui souleva de son canif quelques morceaux du badigeon de lait de chaux qui les recouvraient, pour constater l'existence d'une jambe, voisine d'un fémur ; il y reconnu une Danse macabre.
Sur le mur ouest, au dessus de la fin de la danse macabre, sur le tympan délimité par les nervures de la voûte, est peinte une représentation de l'enfer, a priori contemporaine de la danse macabre. Elle a été découverte par Louis Joseph Yperman en 1923, tandis qu'il procédait au relevé et à la restauration de la voûte du chœur, et qu'il poursuivait l'exploration de la danse macabre en y découvrant un cardinal et un écuyer.
En 1923, les peintures murales sont consolidées par Ypermann, qui en fait le relevé et dégage dans le transept la Danse macabre et l´Enfer. Une nouvelle campagne de restauration est lancée en 1996.
Elles ont été relevées par Elisabeth Faure en 1956.
Leur datation est incertaine : on lit la date forcément inexacte "vers 1440" sur le site pop.culture.gouv.fr, ou bien celle de vers 1470, ou bien "troisième quart du XVe siècle". L'étude du contexte iconographique et scripturaire du thème de l'Enfer et des peines réservées aux damnés selon leurs péchés, incite à retarder cette datation à la toute fin du XVe siècle, après 1592 : c'est l'hypothèse que je vais défendre ici.
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Description.
Sur le fond ocre rouge de la peinture murale sont dessinés en contours par traits noirs des damnés aux proies aux tourments de l'enfer, et ces malheureux sont fort malmenés par des démons armés de crochets . Les uns et les autres sont de couleur blanche, car conservés par le peintre en réserve sur le fond ocre. Les instruments du supplice sont peints en ocre jaune.
La peinture et son support sont hélas conservés de manière lacunaire, tant pour la danse macabre que pour l'enfer ; de ce dernier, il persiste environ 60%, et on y reconnait deux marmites infernales au centre, un arbre sec en haut, une roue à gauche et un tonneau tourné à la broche à droite, instruments du supplice d'une foule de damnés menés par une foule de diables.
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Elle est à rapprocher des peintures de l'église Saint-Pierre de Mont-Dol (mur sud de la nef) qui dépeint également les divers tourments de l'enfer infligés aux damnés : diable brouettant une charretée de damnés ; démon chevauchant une damnée ; supplice de la roue éternelle ; pendus à l'arbre fatal de la science du bien et du mal ; Satan dévorant un enfant de malédiction tandis que sa mère flambe ; damné précipité dans le trou de l'abîme. Ou encore de la fresque de la cathédrale d'Albi. La datation précise de ces deux œuvres n'est pas connue mais il a été démontré que la fresque d'Albi est postérieure à 1493.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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Les culots des nervures : deux masques.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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I. Le supplice de la roue destiné aux orgueilleux.
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Du côté gauche, nous voyons une roue, ou du moins son contour car presque toute la peinture a disparu. L'axe de cette roue à huit rayons est posé sur un tréteau. Si on connait les représentations des Peines de l'enfer, anciennes mais qui s'organisent en sept châtiments, autant que de péchés capitaux, dans la dernière décade du XVe siècle, il est facile de reconnaître ici le premier supplice, précisément celui de la roue, qui punit le péché d'orgueil. Dans cette tradition, plusieurs roues tournent entre de hautes montagnes, et les damnés y sont attachés, passant leur éternité à monter puis à être précipité dans les flammes tandis que Léviathan, « capitaine des orgueilleux », préside à leurs tortures en les frappant d'un bâton de feu.
Mais ici, nous ne voyons plus ces damnés, même en scrutant les dessins des parties jaunes . Tout au plus, au dessus de la roue, un diable se distingue, armé d'un bâton, et il pourrait se charger de frapper les suppliciés.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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Sources :
1. La Vison de saint Paul. BM Toulouse Ms. 815, 1220-1270. La roue exposant au froid glacial et au feu.
Dans l'Apocalypse de Paul, apocryphe chrétien du IV ou Ve siècle, est racontée la Vision de saint Paul (Visio Pauli) ou descente de ce saint aux enfers accompagné d'un ange (ou de saint Michel), à l'issue de laquelle Paul obtient un repos le dimanche pour les damnés.
Ce texte a été très lu et très copié aux premiers siècles de notre ère et tout le moyen âge. Sa tradition s’étend pendant tout l’Occident médiéval, se diffusant sous des formes remaniées jusqu’à Dante. Il a eu beaucoup de succès dans les langues vernaculaires du Moyen Âge européen, avec des traductions françaises, provençales, roumaines, anglaises, galloises, allemandes, danoises, bulgares, serbes, toutes étant en langue ancienne. Entre le VIIIe et le xXIe siècle en particulier, de nombreuses versions latines abrégées et remaniées foisonnent, privilégiant surtout la vision des supplices infernaux infligés aux damnés (ce sera d'ailleurs le cas en français, par exemple, où l’on ne retient presque plus que cela). C’est ainsi que toute l’imagerie de l’Enfer qui a puisé abondamment dans l’Apocalypse de Paul. (d'après Wikipedia)
Le manuscrit de Toulouse en donne une version en vers français, enluminée. Voir :
Sur la miniature complète, on voit à gauche, saint Paul et l'archange. A droite, une roue à laquelle se tiennent des damnés, et que trois démons , un au centre et les deux autres sur les côtés, font tourner, exposant les damnés suucesivement au froid glacial et au feu.
Texte :
Pus vit un leu mult glacial O merveillouse peine e mal ; De l'un part ardant estoit, D'autre part ardant estoit : « Ceo tu veiez en ces turmenz Mal fierent a totes genz, Car a mal fere ceo acoustumerent E de nul homme pité ne averent. Iceus sur la reo mys sunt, Ffreid e chaud graunt seuffrunt."
Texte latin :
Post hec vidit viros ac mulieres in loco glaciali, et ignis urebat de media parte et de media frigebat. Hi erant nocuerunt. qui orphanis et viduis nocuerunt. (Après cela, il vit des hommes et des femmes dans un endroit gelé, et le feu brûlait au milieu et froid au milieu. Ils ont été maltraités, ceux qui ont fait du mal aux orphelins et aux veuves.)
2. Église de Mont-Dol (22), peinture murale, fin XVe.
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La peinture murale schématisée par ce relevé n'est peut-être pas la source de celle de Kernascléden, mais s'inspire des mêmes sources, qui vont suivre. Trois damnés sont liés sur la roue tournée indéfiniment par un diable, tandis que deux autres démons les blessent avec l'extrémité d'un épieu (cf. Léviathan et le pieu enflammé, infra). Le bâtit en bois est semblable à celui de Kernascléden, le nombre des rayons également.
Le diable tournant la manivelle est se devine à Kernascléden, correspondant alors au fragment conservé en diagonale en dessous de l'axe.
La peinture de Mont-Dol : schéma puis cliché :
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Peinture murale (XVe siècle) de l'église de Mont-Dol.
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Peinture murale du Mont-Dol, l'Enfer, XVe siècle.
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3. Compost et kalendrier des bergiers Guiot Marchant, Paris 1491, 1493 , Paris 1496 et Nicolas Le Rouge 1529.
"On racontait que Lazare, après sa résurrection, avait révélé les mystères de l'autre monde. Il fit ce récit, disait-on, le jour où Jésus dîna chez Simon le Lépreux; ce jour-là, l'homme formidable qui avait traversé la mort, et qui semblait avoir depuis lors un sceau sur la bouche, consentit à parler : il décrivit aux convives les supplices de l'Enfer. Voilà ce qu'on pouvait lire dans un sermon attribué à saint Augustin et dans l' Histoire scolastique de Pierre Comestor, voilà ce qu'on pouvait entendre au théâtre quand on jouait la Passion." (E. Mâle 1908)
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Première vision : les orgueilleux punis par le supplice de la roue :
"Premierement, dit le lazare, j'ay veu des roues en enfer tres haultes en une montaigne situées en maniere de moulins continuelement en grant impetuosites tournans ; lesquelles roues avoient crampons de fer où estoient les orgueilleux et orgueilleuses pendus et attachés."
"Orgueil entre les autres péchés est comme roy maistre et capital . Un roy toujours à grant compaignie de gens. Si a orgueil grant compaignie d'autres vices."
Les âmes des orgueilleux et orgueilleuses sont liées à des roues qui sont entrainées — continuellement et sans aucun repos — par des manivelles actionnées par les diables.
"Pour ce que l'orgueilleux se veut élever sur les autres hommes le diable en fait comme d'une noix que l'oiseau dure laquelle ne peut casser avec son bec et la porte en haut et la laisse choir sur une pierre sur quoi se rompt adonc descend et la mange. Ainsi le diable élève les orgueilleux et les fait choir et trébucher en enfer" (Compost).
Les roues petites ou grandes sont placées sur une montagne toute embrasée de soufre et de feu. Dans l'Art de bien mourir de 1491, ces roues sont équipées intérieurement et extérieurement de crampons et attaches de fer ardent axquels les suppliciés sont pendus et attachés, et ceux-ci protestent par des pleurs, des cris, et des hurlements horribles tandis qu'ils blasphèment le nom de Dieu.
Auprès de la montagne est postée une bête géante, nommée Léviathan, qui frappe de son pieu de feu les âmes lorsqu'elles parviennent au sommet des roues en leur criant "Descendez maudits orgueilleux, descendez en feu et soufre ardent, abaissez-vous en l'abime de damnation pour ce que vous vous êtes élevés au monde et vanité d'orgueil. Que vous profitent maintenant vos grandes pompes et habillements dissolus, vos chaînes d'or, vos pierres précieuses et vos longues et superflues queues", etc... (Art de bien mourir)
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—1491 : Compost et calendrier des bergiers, Paris, Guiot Marchant. BM Bourges f.b1
— 1529 : Le grant Kalendrier et compost des bergiers Nicolas Le Rouge, Troyes
Le grant Kalendrier et compost des Bergiers , Nicolas le rouge Troyes 1529 vue 77 Gallica
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4. L'art de bien mourir, Antoine Vérard Paris 1492 et 1498.
Dans l'Art de bien mourir de1492 de l'aiguillon de la crainte divine pour bien mourir, Antoine Vérard reprend les gravures de Guiot Marchant , et les peines de l'enfer sont adaptées aux sept péchés capitaux : l'Orgueil (la roue), l'Envie ( le fleuve de froid), la Colère ou Ire et la félonie (découpage en pièces de boucheries), la Paresse (morsure de serpents), l'Avarice (chaudron), la Gloutonnerie (gavage par des crapauds) et la Luxure (puits de soufre puant).
C'est la même image que dans le Calendrier des bergers, mais les crampons et ferrures en crocs sont représentés ; et des dragons ailés viennent menacer les damnés de leurs mâchoires.
L'Art de bien mourir, 1498, BnF Réserve des livres rares, RES-D-859 vue 209 Gallica
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5. Jugement dernier de la cathédrale d'Albi, fresque commandée par l’évêque Louis d’Amboise dans les toutes dernières années du XVe siècle.
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L'artiste s'est inspiré du Calendrier des bergers de Guiot Marchant et c'est son texte qui est porté en inscription. Ls scène est plus violente, plus animée, et on croit entendre les cris et les hurlements. Les dragons ailés de l'Art de bien mourir sont remplacés par des monstres démoniaques.
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d'après cliché Yann Roques 2017
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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II. Le supplice du chaudron réservé aux avares.
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Sur la peinture murale, deux chaudrons sont représentés, celui-ci, et un autre plus grand à droite. Les deux contiennent des damnés.
Nous pourrions les considérer comme liés au même châtiment, car nous manquons d'indice pour les différencier, et nous ne voyons pas de flammes précisant la situation. Mais tentons de les distinguer.
Dans celui-ci , une quinzaine de têtes des deux sexes sont réunies, tandis qu'un diable à grandes cornes les martyrise de son bâton, qui est sans doute un croc. Ce serait le chaudron réservé aux avaricieux, dans la cinquième vision de Lazare. L'autre serait le puits des luxurieux.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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Dossier iconographique sur le supplice du chaudron :
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Dans la cinquième vision de Lazare, les avaricieux et avaricieuses sont plongés dans des chaudrons et chaudières d'huile bouillante, de plomb et d'autres métaux fondus. Un diable appelé Mammon les tourmente avec une broche de fer.
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"Quintement dist le lazare jai veu des chaulderons et chaudières plaines dhuyles bouillante et de plomb et d'aultres métaux fondus [dans] esquels estoient plongés les avaricieux et avaricieuses pour les saouler de leurs maulvaises avarices.
On doit scavoir que l'avaricieux est plus inique à Dieu car plus ayme gaigner ung denier que l'amour de Dieu mieux ayme perdre Dieu que perdre une maille car souvent pour peu de chose il ment ou jure ou parjure et peche mortellement. "(Le grant Kalendrier, N. Le Rouge 1529)
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a) Le chaudron bouillant est représenté précocément, bien avant la systémisation des sept peines réservés aux damnés, comme image de l'enfer, au même titre que la gueule de l'enfer. On le voit sculpté sur l'ancien jubé de la cathédrale de Bourges, en place dès 1237.
b) il apparait vers 1475 dans les illustrations de la Cité de Dieu de Saint Augustin, traduite par Raoul de Presles.
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La Cité de Dieu Saint Augustin, auteur ; Raoul de Presles (1316-1382), traducteur ; Maître de l'Échevinage, enlumineur, Rouen, vers 1475. BnF, Manuscrits, Français 28 f. 249v
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Dans ces deux enluminures assez semblables de la traduction française de la Cité de Dieu, il est placé entre l' "puits" des luxurieux et l'enfer froid réservé aux envieux.
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La cité de Dieu traduite par Raoul de Presles, BnF ms fr 19, vers 1469-1473
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La Cité de Dieu, traduction de "Raoul de Praelles". Bibliothèque Sainte-Geneviève Ms 246 f.389
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Les gravures et enluminures des calendriers des bergiers de 1491 à 1529
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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III. Le supplice de l'arbre sec aux branches acérées réservé aux héritiers d'un usurier couché dans le puits.
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Description.
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Un arbre se dresse à partir d'un puits où baignent des damnés. Aux branches acérées de cet arbre sec sont pendus sept autres damnés, qui y sont liés ou transpercés en diverses parties de leurs corps. Ils sont tourmentés par quatre ou cinq diables qui les mordrent, les griffes, les fouettent ou les aggripent de leurs crocs.
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Iconographie et sources.
1. Les Visions de saint Paul.
a) Dans la Vision de saint Paul, l'apôtre est invité par un ange à découvrir successivement les sept différents tourments des damnés ; et parmi ceux-ci est décrit un arbre aux branches enflammées . H. Shiklds a donné la transcription d'un incunable imprimé à Lyon vers 1470 (BnF RES H 155) mais en a retrouvé la source datant du XIIIe siècle (v. 1243), montrant que la Descente de saint Paul aux Enfers était déjà populaire au XIIIe siècle
"A l'entrée d'enfer sainct Pol vit un grant arbre planté et mis dont le siege par vérité si est de charbons tout embrasé" (et les branches toutes enflambees.) (f. d, iv r° col. 1) Les brainches sont de feu, li rain sont anflamé, Des broiches sont li rain antor anvironné, Plus ardant et plus âpre que charbons alumé (et les branches toutes enflambees et les rames toutes boutonees de flambe et de boutons mille fois plus ardans que ne seroit le fer quant il seroit chauffé le plus fort qu'on pourroit.)
b) L'épisode est décrit est illustré dans le manuscrit de la Bibliothèque de Toulouse Ms 815 f.058, du début du XIVe siècle (Vision de saint Paul, anglo-normand, texte traduit du latin par Henri d'Arci) : Saint Michel conduit saint Paul par la main et lui montre l'enfer tout ouvert. L' enfer est représenté par une gueule qui s'ouvre vers le ciel et d'où sortent, d'un côté un arbre de feu, auquel sont pendus de nombreux pécheurs, de l'autre une tour munie de deux tourelles entre lesquelles est une porte fermée.
Le texte indique :Vidit vero Paulus ante portas inferni arbores igneas et peccatores cruciatos et suspensos in eis. Alii pendebant pedibus, alii manibus, alii linguis, alii capillis, alii auribus, alii brachiis.
"E Ore pur fet vous seint garnir Michel les : vous « Poul, dirrai. veiez ; Les peines d'enfern ore entendez. Devaunt la porte vit arbres ardanz E sur eus peccheurs pendre pluranz, Les uns par les meins, autres par les piez, Acuns par les chevus, acuns par les niez, Uns par les langes, uns par les oiez, Plusurs par les bras furent pendez."
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Visions de saint Paul, 14e s. (début) Toulouse, BM, 0815 f.058
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Visions de saint Paul, 14e s. (début) Toulouse, BM, 0815 f.058
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Certes, il s'agit ici d'un arbre enflammé, et non d'un arbre aux branches acérées ou "arbre sec". Mais la description des pécheurs pendus "les uns par les mains, les autres par les pieds, d'autres par les cheveux ou par le nez, d'autres par les langes, par les oreilles et par les bras" correspond parfaitement à celle de la peinture de Kernascléden.
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2. L'Art de bien mourir d'Antoine Vérard ( 1ère édition 1492). L'arbre de l'usurier et de ses héritiers.
Le supplice de l’arbre sec n’apparaît pas dans les illustrations des Visions de Lazare du Calndrier des bergiers, et il est décrit seulement dans un passage de l’Art de bien Mourir, où l'auteur rapporte les visions de l'enfer d'un saint homme conduit par un ange : il voit un arbre pousser du ventre d’un damné au plus profond d’un puits .
Lart de bien mourir . Traduction par Guillaume Tardif de l'Ars moriendi - Éditeur : Pierre Le Rouge (I), Gillet Couteau et Jean Ménard (II-IV) pour Antoine Vérard (Paris) BnF Arsenal, Arsenal, RESERVE 4-T-2592 f.120r
Le même passage se retrouve dans les éditions successives comme par exemple dans L'Art de mourir, BnF RES D-6323 Nicolas Bonfons (Paris) 1573-1618, 9ème chapitre « de plusieurs peines infernales » , vue 196
"Et de ce avons un exemple en un livre appelé l'échelle du ciel que l'âme d'un saint homme dévot fut ravie et menée en enfer par son bon ange pour voir les peines des damnés : et vit la dite âme un homme qui était couché à l'envers au profond d'un puits d'enfer du ventre duquel sortait un grand arbre de merveilleuse hauteur lequel était fort branchu et rempli de grands étendus rameaux desquels pendaient des âmes damnées d'hommes et de femmes. Et dudit lieu sortait une flamme de feu horrible de laquelle étaient tourmentés les dites âmes qui pendaient aux dits rameaux. Et lors la dite âme toute épouvantée demanda à son bon ange que ce pouvait être et pour quelle cause ceux qui étaient pendus aux dits rameaux étaient ainsi cruellement tourmentés. À laquelle l'ange répondit que celui qui était couché au profond du puys était père et premier commencement originel de tous ceux qui pendaient aux dits rameaux et qu'il avait été autrefois très pauvre ; mais qu'il s'était enrichi par ses vivres et larcins et qu'il n'avait point restitué les choses mal acquises même que finalement il était ainsi trépassé en ce puits en Enfer. Disait aussi le dit ange que ceux qui étaient pendus aux dits rameaux étaient héritiers du dessus dit usurier, lesquels avaient possédé sciemment les dits biens ainsi injustement acquis par le dit usurier. Et qu'à cette cause eux et tous ceux qui descendaient d'eux lesquels retiendraient sciemment les dits bien mal acquis seraient ainsi damnés et [cruciés] au puys d'enfer comme ceux qui y pendaient. En quoi appert clairement que les usuriers et rapineurs de ce monde doivent bien craindre la justice de Dieu et qu'ils ne se doivent pas damner pour leurs enfants desquels ils n'auront aucune consolation en enfer : mais tout reproche, opprobre et désolation."
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3) La peinture de l'enfer de l'église de Mont-Dol.
La fresque de Kernascléden représente les damnés directement empalés sur les rameaux pointus. Celle du Mont-Dol montre des corps pendant des arbres par les pieds ou par le cou. Dans les deux cas, l’imagination des peintres semble s’être nourrie des lectures du passage de l’Art de bien Mourir. En effet, dans les deux cas, l'arbre est planté dans un puits.
Le peintre de Dol a représenté au premier plan, un démon à deux cornes jetant un damné dans le puits de l'abîme.
Relevé des peintures murales du Mont-Dol, l'Enfer.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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Relevé par Elisabeth Faure en 1956 (aquarelle)
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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IV. Le supplice du puits pour punir la luxure : la septième peine.
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Description.
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Ce bassin est assez comparable au chaudron voisin, mais son rebord est plus fin, et nous ne voyons que sa margelle, et non le ventre d'un récipient. Je postule qu'il s'agit ici du puits des luxurieux. Nous ne voyons, comme pour le chaudron, que les têtes de damnés, des deux sexes. Certains sont chauves, d'autres hommes ont les cheveux longs (des nobles ?) ou sont tonsurés.
Un grand diable, à gauche (Asmodée ?), les enfourche ou les repousse du pied. Son ventre est orné d'un visage tirant la langue, dont les deux yeux sont bien visibles. Un autre, aussi grand mais plus velu, à l'extérieur et à gauche, croche de sa fourche dans les têtes des damnés, sans doute pour les introduire dans le puits. Un troisième se devine sur la droite.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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La septième peine, le puits des luxurieux : iconographie.
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"Septiemement dit le lazare iay veu une plaine et champaigne d' puiys profonz plains de feu et de soufre dont yssoit fumée trouble esquels les luxurieux et luxurieuses estoient tormentés.
De tous péchez luxure est le plus plaisant au diable pour ce qu'il macule le corps et l'ame ensemble et par lequel il gaigne deux personnes ensemble et aussi pour ce qu'il se vante n'en être point entache. En quoy semble le luxurieux être plus difforme que le diable en la superabondance de ce peche. Le marchant est bien fol qui fait marchandise de quoy il sait bien qu'il se repentira , et aussi le luxurieux a beaucoup de peine et despents ses biens pour accomplir sa volupté dont après se repent de la peine prinse et de ses biens despendus, mais il n'est pas quitte pour ainsi soy repentir sans faire pénitence. Le luxurieux vivant en son péché est tourmenté de trois tourments d'enfer, et de chaleur et de puanteur et de remords de conscience car il art par concupiscence, il est puant par son infamete car tel peche est toute puanteur qui macule le corps que tous les aultres pechiez ne maculent point mais ne maculent que l'ame.
Luxure est la fosse du diable dans laquelle il fait cheoir les pecheurs desquels aydent au diable a eulx getter dedans quant vont pres de la fosse en laquelle scaivent bien que le diable veult les mettre.
Pour ce bonne chose est escouter la femme, meilleure chose est non la regarder, et très bonne chose est ne la point toucher.
A ce peche appartiennent les ordes paroles et vilaines chansons et attouchements deshonnestes qui sont de luxures parquoy on peche souvent lesquelles parolles et chansons ne abhorent point maquereaulx et maquerelles, ruffiens et ruffiennes, paillars et putains et ceulx qui frequentent et ayment leur compaignie ou qui ayment et desirent perseverer en ce vilain peche de luxure. " (Le grant Kalendrier)
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La Cité de Dieu de Saint Augustin, traduite par Raoul de Presles vers 1475.
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La Cité de Dieu, BM Sainte-Geneviève, ms 246 f. 389v
L'art de bien mourir Antoine Vérard Paris 1492 page 114v :
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"Le saint homme Lazarus disait qu'après il avait vu une autre peine merveilleuse. Car il disait avoir vu un certain lieu grand et spacieux à la manière d'une grande champaigne laquelle était pleine de puits grands et horribles et au milieu il y en avait un plus grand que tous les autres. Le dit puits était merveilleusement profond plein de feu et de soufre et jetait fumées abominables et puantes. Les parfondites du dit puits venaient toutes répondre au puits du milieu qui était le grand gouffre et puits d'enfer ou quel lucifer est couché loge et enchaine. Et de dans le dit puits sont les âmes des maudits luxurieux et luxurieuses lesquelles sont âprement brûlées et tourmentées par un diable nommé Asmodeus et autres diables ses satellites lesquels ne cessent jour et nuit de battre et de flageller les dites âmes desquelles les calamiteux pleurs cris et hurlements sont si horribles et épouvantables qu'il n'est homme vivant qui les sussent exprimer."
"
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La peinture murale du Mont-Dol.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le démon Asmodée.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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L'acolyte d'Asmodée.
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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V. Le supplice de la barrique tournée par les diables.
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Description.
La fresque de Kenascléden montre un tonneau animé à la manivelle par deux diables ; dans cette baratte infernale les âmes des damnés tournent sans fin. En haut, un troisième diable participe à la rotation du tonneau qu'il pousse de ses pieds tout en dévorant un damné. Les trois semblent chanter et danser joyeusement. Malgré la détérioration de la peinture, les diables portent des oreilles d'âne, des cornes (ou des bois de cerf), des cheveux longs, des gueules hilares à crocs et des pattes fourchues.
Nous ne voyons pas si l'intérieur de cette barrique est hérissé de pointes, comme dans certains supplices médiévaux, ou s'il est exposé aux flammes. Nous ne savons pas si ce supplice est réservé aux ivrognes, selon le principe de la pénalité médiévale où le coupable doit être puni par là où il a péché, et en détournant pour cela les objets de son quotidien (J. Baschet)
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Sources.
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"Le même tonneau placé à l’horizontale et actionné à la manivelle par un diable apparaît dans une version latine de l’Ars Moriendi des années 1480-1485. S’il n’y a pas copie servile, l’inspiration peut être retenue, d’autant que sur le côté de l’image, un autre diable remue les âmes de la chaudière, dans une composition qui est aussi celle de l’église. "(Christian Moal)
Ars moriendi « Quamvis secundum philosophum … » [circa 1480-1485 ?] BnF Réserve des livres rares, XYLO-24 vue 32.
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Ars moriendi « Quamvis secundum philosophum … » [circa 1480-1485 ?] BnF Réserve des livres rares, XYLO-24 vue 32. (détail)
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La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
La peinture murale ( après 1492 ?) des supplices de l'Enfer de l'église de Kernascléden. Photographie lavieb-aile 2023.
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CONCLUSION.
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L'examen de ces sources iconographiques et textuelles semble indiquer que la réalisation de la peinture de l'Enfer de Kernascléden est postérieure à la publication du Calendrier des bergiers et de l'Art de bien mourir, après 1491 ou 1492, tout comme la fresque de la cathédrale d'Albi et des peintures de Mont-Dol. Il reste à confronter cette analyse aux conclusions des analyses stylistiques de cette peinture.
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SOURCES ET LIENS.
Mes sources principales sont l'article de Christian Moal, puis les articles de Jérôme Baschet.
— BASCHET (Jérôme), 1993 Les Justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (XIIe -XVe siècle), Rome, EFR, 1993, p. 437-448 et fig. 152-159.
https://journals.openedition.org/ccrh/2886
— BASCHET (Jérôme), 1993, Les justices de l'au-delà. Les représentations de l'enfer en France et en Italie (XIIe-XVe s.). Rome, Ecoles françaises d'Athènes et de Rome, 1993. Christe Yves, compte-rendu Cahiers de Civilisation Médiévale Année 1995 Suppl. 1995 pp. 4-7
En résumé, on retiendra ces quelques conclusions. L'enfer gothique est figuré le plus souvent par la gueule d'enfer — elle est déjà attestée au xne s. — d'abord comme seuil infernal, ensuite comme lieu de tourments. Celle-ci est également l'image usuelle de l'enfer dans les manuscrits contemporains. Elle est accompagnée par la marmite sur le feu qui, à partir du milieu du xine s. (Bourges, puis Rouen), tend à se confondre avec elle. Il est rare au nord des Alpes que Satan intronisé préside aux supplices infernaux. Le portail de Conques et celui de Notre-Dame de la Couture au Mans, un siècle plus tard, en présentent une illustration exceptionnelle. À cette courte liste, j'ajouterai un témoignage précoce mais très important, celui des tituli de Gauzlin pour le revers de la façade de Saint-Pierre de Fleury au début du xie s. « Satan enchaîné dans une prison qui vomit des flammes » évoque exactement le même sujet dans YHortus Deliciarum d'Herrade de Landsberg.
— BASCHET (Jérôme), 1985, Les conceptions de l'enfer en France au XIVe siècle : imaginaire et pouvoir, Annales Année 1985 40-1 pp. 185-207
— FRAPPIER ( Jean), 1953,. Châtiments infernaux et peur du Diable. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1953, n°3-5. pp. 87-96;
Le premier atelier ducal du Folgoët (1423-1468) a mené à bien, sous le mécénat du duc Jean V et de ses successeurs, les chantiers de la collégiale du Folgoët (porche vers 1423-1433), de la cathédrale de Quimper (porche sud et portail ouest, 1424-1442), du Kreisker de Saint-Pol-de-Léon (porche entre 1436 et 1472), de Notre-Dame-des-Portes de Châteauneuf-du-Faou (1438), de Kernascléden (porches vers 1433-1464), de l'église Notre-Dame de Quimperlé (porche nord 1420-1450), ainsi que les porches en kersanton de La Martyre (vers 1450 et 1468) et de Rumengol (vers 1470).
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Le second atelier du Folgoët, ou "atelier des enfants" réalisa, avec moins de souplesse et de grâce que le premier Maître, deux porches assez identiques, celui de Plourac'h vers 1458-1488 ou 1500-1510 et celui de Saint-Herbot entre 1498 et 1509. Ils sont tous les deux en granite pour l'architecture et en kersanton pour les statues, notamment des Apôtres. Comme celui de La Martyre, ils constituent à eux seuls des petites chapelles, voûtés d'ogives, aux solides contreforts et disposant de salle d'archives à l'étage.
À Plourac'h, un registre de paroisse (non daté mais assez tardif, cité par R. Couffon, folio 42°) affirme ce lien familial entre les deux Ateliers en indiquant que "François du Méné, chambellan du duc François II, entreprit de faire bâtir le beau porche de Plourac'h avec les enfants du célèbre maître qui construisit la merveille du Folgoat". On prendra cette allégation dépourvue de sources avec prudence, puisque ce François du Méné ne figure pas dans la liste (non exhaustive) des chambellans de François II.
Le mécénat des ducs de Bretagne est attesté par les armes d'Anne de Bretagne sur le tympan de la baie 3 (vers 1500-1506).
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Datation.
a) La datation proposée par E. Le Seac'h semble se fonder sur l'inscription d'un entrait de la chapelle nord, datant la charpente en l'an 1500 (pour d'autres, en 1506) sur commande de Charles Clévédé (cf. article sur les sablières), puisque l'inscription de fondation du porche est à demi-martelée, et qu'elle n'a pu la lire ni l'interpréter. Pourtant, elle écrit "Le porche de Plourac'h est donc à dater entre 1458 et 1488."
b) Néanmoins, le pied du bénitier de l'angle nord-est du porche est une colonnette sculptée en nid d'abeille, motif qui, selon Parvis-Hermon, n'est présent dans l'art breton que peu après 1510. Les exemples de motif en nid d'abeille cités par Couffon 1952 sont plus tardifs, sur le calvaire de Confort-Meilars, le porche de la chapelle de Saint-Germain de Plogastel-Saint-Germain. On trouve ces colonnettes sous le porche sud de Lampaul-Guimiliau (1533), sur la porte sud (1541) de la chapelle de Ty Mamm Doué de Quimper, au dessus de la porte ouest de l'église de Brasparts (1541) ou sur le porche de Landivisiau (1554-1565)., sur la porte de la chapelle Saint-Nicodème de Ploéven (1592) ou de la chapelle Saint-Vendal de Douarnenez (1592).
Le dossier de l'Inventaire rédigé par Pavis-Hermon en reprenant les conclusions de sa notice IA0000 3364-01 indique : "édifice de la première moitié du XVe siècle. Chapelle orientale et porche du début du premier quart du XVIe siècle". On négligera le dossier PA00089517 de la base Mérimée (1992), très peu fiable, et qui indique que "les fenêtres flamboyantes et le porche sont du XVe siècle".
c) Si les armoiries du gable sont celles des Clévédé, cela ne permet pas de préciser mieux la datation, puisque Charles Clévédé est présent à la montre de 1481 en Cornouaille, "homme d'armes à deux chevaux pour la selle" et représentant Henry du Dresnay. Il est accompagné de Jehan et Guillaume Clévédé, archers en brigandine. (Tudchentil). Ces derniers sont peut-être les fils de Charles, qui se serait marié vers 1461. Il est décédé en 1531, date à laquelle sa veuve Marie de Pestivien rend aveu comme tutrice de son fils. Jean Clévédé sieur de Guerlesquet représente Plourac'h à la Réformation de 1536 (Tudchentil).
d) Un autre élément de datation est la proximité du porche de Plourac'h avec celui de la chapelle de Saint-Herbot. Or, le début de la construction de ce dernier est clairement daté par inscription de 1498. La date de fin en 1509 était portée sur le phylactère d'un ange. Le chantier aurait duré onze ans.
Si le chantier de Plourac'h a eu la même durée et s'est achevé avec le bénitier à nid d'abeilles, nous aurions une datation, reprenant la proposition de Parvis -Hermon (début du premier quart du XVIe siècle), de 1500-1510.
À la différence de Saint-Herbot, nous ne trouvons pas ici la devise des ducs de Bretagne A ma Vie.
En conclusion, j'adopte la datation suivante : "vers 1500-1510". Anne de Bretagne est alors reine de France depuis 1491, elle décède en 1514.
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Restauration.
L'ensemble du porche et ses statues ont été analysés et restaurés en 2017 (étude) et 2020 par Arthema Restauration sous le suivi du SDAP des Côtes d'Armor et de l'architecte des bâtiments de France madame Véronique André, avec dépoussiérage de la polychromie pulvérulente, nettoyage précautionneux des mousses, des lichens et des algues (chlorophycées), fixation des écailles de peinture. Les analyses stratigraphiques en laboratoire ont été confiées au CARAA.
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I. L'EXTÉRIEUR DU PORCHE .
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Le porche sud, de plan carré, est construit au droit des troisième et quatrième travées
L'arc brisé de l'entrée est plus resserré qu'à Saint-Herbot ; les piédroits et voussures sont sculptés de deux rangs de feuilles d'acanthe, et complétés d'une accolade et de pinacles. Au dessus du fleuron, on voit la fenêtre à épaisses grilles de la salle d'archives de la fabrique, et accessible par l'escalier d'une tourelle circulaire latérale (angle sud-ouest), et plus haut encore, la trace d'un complexe héraldique hélas soigneusement martelé et dans lequel on a suggéré de voir les deux lions affrontés autour d'une lance des seigneurs de Clévédé, fondateurs de la chapelle nord en 1500-1506. À droite de ce complexe se voit une pierre portant un écu martelé.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Les rampants du pignon sont à crochets, et amortis de deux crossettes.
La crossette de droite représente un homme, souriant, en tenue noble de l'époque (bonnet, cheveux bouclés sur les épaules, tunique longue serrée par une cordelière), dont les mains tiennent peut-être un cor ou un parchemin. Pavis-Hermon y voyait peut-être un calice d''où émerge un dragon", ce qui pourrait en faire un saint Jean ; mais les saints ne sont jamais représentés sur les crossettes.
La crossette de gauche représente un animal ailé, peut-être un dragon.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Les moulures du porche extérieur.
Le décor est bien moins développé qu'à Saint-Herbot.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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II. L'INTÉRIEUR DU PORCHE : LE MUR NORD : LA PORTE ET LE TYMPAN .
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La porte ogivale est encadrée de deux moulures à rinceaux (naissant, comme dans tous les porches de cet Atelier de la gueule d'animaux), encadrée de pinacles et soulignée d'un arc en accolade à choux frisés, conduisant au culot très ouvragé d'une niche. Celle-ci, encadrée de pinacles et couronnée d'un dais gothique, abrite une belle Vierge à l'Enfant en kersanton polychrome du XVIe siècle.
On lit sur la porte en bois, qui serait d'origine, les mots Domus Dei, Porta Coeli (Maison de Dieu, Porte du Ciel) sous deux anges en prière entourant à gauche le Christ et à droite St Jean-Baptiste, patron de l'église ; en dessous sont sculptés des motifs en plis de serviette.
Les statues en kersanton de deux des quatre évangélistes l'entourent, saint Marc à gauche avec son lion et saint Luc à droite avec son taureau. Ils tiennent la plume, portent l'encrier et le plumier.
Pour E. Le Seac'h, les trois statues ne sont pas de la même main que les statues des apôtres et leur sont postérieures.
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Bien que la proximité du porche de Plourac'h avec celui de Saint-Herbot ait été souligné, les différences sont nombreuses et importantes ; l'influence du mécénat ducal et du style du premier atelier du Folgoët est moins net. Et le mur nord, qui n'a pas ici les portes jumelles et le bénitier du trumeau, est dédié à la Vierge et non au saint patron du lieu.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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L'inscription de fondation (granite).
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Cette pierre a été buchée sur toute sa moitié gauche ; et son extrémité droite a été retaillée (pierre de réemploi ?). Ce qui subsiste est écrit en lettres gothiques, perlées, aux fûts bifides (les V), et à empattement triangulaire. Le O est tracé en (). Les branches des V sont réunies par un ^ ou un o .
Mais hélas, elle est indéchiffrable, même à éclairage frisant ou après estampage:
--- VXLLOV
---] : XIXOV
---XQVE
Ou bien, car tant de lettres X incitent à les lire comme des I bifides et perlés
---VILLOV
---J: ILIOV
--- IQVE
Le dernier mot pourrait être la fin de "FABRIQUE"
Pavis-Hermon avait lu ceci :
---VILLON
---:NOV
---IQVE
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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La Vierge à l'Enfant, kersanton polychrome, début XVIe siècle.
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La statue occupe une niche hexagonale à dais, à voûte nervurée, construite par deux pinacles engagés appuyés sur un ange et un lion. On discerne sur le dais des traces d'ocre (bouche-pore à la chaux), et de plusieurs couches de peinture à l'huile avec traces d'orange foncé ( ou brun-rouge) et de bleu clair.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Cette statue mesure 127 cm de haut. La Vierge est couronnée, ses longs cheveux sont regroupés derrière la nuque par un voile occipital typique de la statuaire finistérienne du XVIe siècle, puis les méches recouvrent ses épaules. La couronne à fleurons et perles était dorée, et rouge vermillon. Le visage est rond, le front et les sourires épilés, la bouche rouge petite au dessus d'un petit menton rond. Les yeux regardant le spectateur sont sombres (mais avec des traces de bleu). La face est couverte d'une carnation rose, les cheveux étaient dorés, le voile était également doré mais est jaune pâle.
La robe à décolleté carré était rouge, serrée par une ceinture d'étoffe jaune nouée. Un pan est retroussé et fixé au poignet gauche, formant des plis en V. Les manches sont larges. Le décolleté dévoile une chemise fine, à petits plis, perlée à l'encolure, et un collier (ou l'attache du manteau).
Le manteau est largement ouvert, il est vert-brun avec des parties rouge vermillon et bleu selon l'usure des couches. Il forme de vastes plis du côté gauche.
La main et l'avant-bras droit sont absents : la Vierge tendait peut-être un objet (fruit) à son Fils.
L'Enfant en tunique longue, à cheveux bouclés, est assis jambes croisées sur le bras de sa Mère et est tourné vers elle, sans échange de regards. Sa main droite est posée sur sa poitrine tandis qu'il tient, en enfant sauveur, le globe du Monde dans la main gauche.
La statue a reçu une préparation "bouche pore" ocre jaune, puis plusieurs couches de peinture à l'huile plus ou moins écaillées mais remarquablement restaurées.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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À ses pieds, deux anges ou enfants de chœur, joufflus, vêtus d'une tunique dorée, présentent un cube (un écu à la pointe abrasée ?) sculpté en bas-relief d'un calice : donation d'un prêtre ?
Les anges aux cheveux bouclés (or sur mixion jaune) ont un visage proche de celui de la Vierge, à la carnation identique (couches de blanc et rose).
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Saint Marc évangéliste à gauche (kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle).
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On remarque que malgré la restauration récente, et malgré les précautions prises (fils tendus), le haut de la statue est couvert de fientes.
Le saint, identifié par son lion, tient dans un geste délicat le livre ouvert de son évangile, et y pose le stylet de son travail d'écrivain, tandis que le plumier oblong et l'encrier rond sont suspendus à sa ceinture.
Il est coiffé d'un chapeau à larges bords de forme carrée évoquant la coiffure des docteurs médiévaux. La carnation rose est préservée.
Il porte un manteau attaché sous la gorge, au pan gauche retroussé vers la ceinture.
Le plissé de la robe ou cotte est modelé par l'avancée du genou droit. Cette cotte était rouge sur couche ocre ; elle laisse voir l'extrémité des chaussures.
Le lion , qui enjambe la chaussure gauche, est finement représenté, d'allure vive, et montrant les dents. Comme c'est l'usage, la queue passe entre les jambes et fait retour sur le dos pour y étaler son fouet à trois méches.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Saint Luc évangéliste à droite (kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle).
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Il est déjà bien arrosé de fientes.
Il a perdu presque toute sa polychromie, sauf au bas de la cotte ocre rouge.
Il porte le même chapeau de type "bonnet carré", la même cotte talaire, le même manteau (mais c'est le pan droit qui vient se fixer sur la ceinture), le même encrier et le même plumier.
Mais il tient son livre fermé (reliure à fermoir) tandis qu'il laisse une banderole se dérouler jusqu'au sol. L'inscription qui devait y être peinte n'est plus visible.
Comme le lion de Marc, le taureau pointe ses cornes au dessus de la chaussure gauche de son maître.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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La voûte.
Le porche est voûté d’ogives, avec en clé de voûte des armes non identifiées. La partie droite est ocre rouge, la partie gauche ocre jaune, et les restaurateurs ont pu y discerner dans les voûtains quelques tracés attestant d'une fresque : un Christ en croix sur la gauche avec à ses côtés la Vierge et saint Jean, et plus haut un diable. Ou des personnages dans une barque (pêche miraculeuse ?), ou un personnage avec un drapeau. Et probablement une mise au tomneau et un Noli me tangere.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le bénitier à la colonnette en nid d'abeille.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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II. L'INTÉRIEUR DU PORCHE : LES SIX APÔTRES DU CÔTÉ DROIT .
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1°) Un Credo apostolique.
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La présence dans ce porche, comme dans ceux réalisés par le Premier atelier du Folgoët, des douze Apôtres n'est pas ornementale : elle affirme pour le fidèle qui s'apprête à entrer dans l'église, les vérités dogmatiques de sa Foi, réunies dans les douze articles du Credo.
Le texte de ces douze articles, chacun confié à un apôtre dans un ordre assez bien établi par la tradition, ne sont presque plus visibles puisqu'ils étaient peints sur le phylactère qu'ils ont soin de présenter, alors qu'à Saint-Herbot, ils sont sculptés et bien lisibles, et en outre, le nom des apôtres est sculpté sur le socle.
Néanmoins, c'est bien ce texte désormais invisible du Credo qui s'affirmait ici avec solennité.
Comme nous ne pouvons plus déchiffrer les textes (bien que des traces des écritures en gothique subsistent), et comme les statues ont pu être déplacées lors de restaurations des siècles passés, et enfin comme les apôtres ne portent pas , sauf les quatre premiers, d'attribut distinctif, nous ne pouvons être certain de leur identité, sauf à postuler d'une part que les statues sont encore dans leur ordre initial, et d'autre part qu'elles suivent la séquence utilisée à Saint-Herbot.
Rappel :
La séquence suivie à Saint-Herbot est celle du Canon romain, Pierre-André-Jacques-Jean-Thomas-Jacques-Philippe-Barthélémy-Matthieu-Jude-Simon-Matthias, modifiée selon l'ordre courant où la même succession se termine par Simon-Jude-Matthias.
Cet ordre, et l'attribution des articles du Credo, obéit à celui établit par le Sermon du Pseudo-Augustin : Sermo CCXLIDe symbolo, P.L. 39 col; 2190 ; C'est aussi l'ordre du Speculum Theologiae ou Verger de Soulas du XIIIe siècle, Bnf Fr 9220 folio 13v ; des Grandes heures du duc de Berry (1409) folio 1r à 6v ; du Psautier de Jean de Berry, BNF latin 13091, dont les enluminures sont dues à André Beauneveu en 1380-1400 .
Le texte des phylactères est celui du Symbole des Apôtres (Credo in Deum), qu'on ne confondra pas avec le Credo, ou Symbole de Nicée (Credo in unum Deum), récité lors de la messe.
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1. Pierre. Clef. Credo in Deum Patrem omnipotentem, Creatorem celi et terre.
2. André. Croix de saint-André. Et in Ihesum Christum, Filium eius unicum, Dominum nostrum
3. Jacques le Majeur. Bourdon, chapeau, besace. qui conceptus est de Spiritu Sancto, natus ex Maria Virgine.
4. Jean. Coupe de poison. passus sub pontio pilato, crucifixus, mortuus, et sepultus.
5. Thomas . descendit ad inferna, tertia die resurrexit a mortuis,
6. Jacques le Mineur. ascendit ad celos, sedet ad dexteram Dei Patris omnipotentis.
7. Philippe. inde venturus iudicare vivos et mortuos.
8. Barthélémy. Coutelas. Credo in Spiritum Sanctum
9.Matthieu. sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum communionem .
10. Simon. remissionem peccatorum.
11. Jude Thaddée. carnis resurrectionem
12. Mathias. vitam eternam. Amen
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Mais au moment où se construit le porche de Plourac'h, des éditions imprimées successives du Calendrier des Bergers sont publiées (sept éditions entre 1491 et 1508), diffusant les gravures des apôtres avec leur attribut et le texte du Symbole des apôtres en français, non sans variations.
Pour ne rien simplifier, nous pouvons comparer ce porche de Plourac'h à celui de Notre-Dame de Larmor à Larmor-Plage : débuté en 1491, achevé en 1552, il aligne douze statues d'apôtres de 1518 en tuffeau, aux inscriptions de phylactères sculptées, dans l'ordre Pierre, André, Jacques le majeur, Jean, Philippe (tenant lacroix) Mathieu, Barthélémy ( couteau), Jude Thaddée, Thomas, Jacques le mineur, Simon, Mathias.
Les articles consacrés à ce thème sont très nombreux dans ce blog : le premier d'entre eux (Quemper-Guezennec) l'explore tout particulièrement. La plupart des porches bretons possèdent leurs séries de niches aux apôtres, deux calvaires sont structurés sur ce Credo, et plusieurs verrières de France y sont consacrées.
Tous les apôtres sont pieds nus, tous sont barbus sauf Jean, tous tienent un phylactère, presque tous tiennent un livre (rappel du Livre des Apôtres) mais chaque livre est différent ou tenu différemment.
Toutes les statues sont en kersanton et conservent leur polychromie écaillée, où on retrouve le bouche-pore ocre-jaune et ocre rouge constaté sur le porche, et les différentes couches de décors peints à l'huile, très lacunaire, persistant dans les creux des plis. D'un apôtre à l'autre, la palette se modifie et crée autour de quatre couleurs majeures une diversité, avec une dominance rouge pour le manteau, tandis que les carnations sont identiques, rose et blanche, tout comme barbes et cheveux (Sienne brûlée). La présence de dorure a été retrouvée par les restaurateurs d'Arthema, sur certains endroits du manteau en faible quantité. Les carnations sont affectées par un fort repeint. Ailleurs, les différentes couches de peinture superposent plusieurs couleurs de différentes époques.
"Ils ont le même visage allongé, des yeux en amande soulignés d'une petite paupière inférieure et d'une paupière supérieure plus large. Les cheveux longs sont séparés en stries ondulantes avec parfois des mèches bouclées sur le haut du crâne.
Les robes présentent les mêmes plis variés et sont aussi bloussantes par dessus la ceinture." (Le Seac'h)
Les barbes sont toutes convexes.
Lors de la restauration, deux mains portant des livres (dont celles de la sixième statue), et le haut du bâton de saint Jacques ont été retrouvés, et remis en place par collage (Arthema).
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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1. Saint Pierre et sa clef. Kersanton, rares traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Saint Pierre s'identifie par sa clef, mais aussi par le "toupet", les ilots de cheveux échappant à sa calvitie fronto-temporale. Sa barbe est plus courte qu'à Saint-Herbot. Sa clef est imposante, avec son anneau losangique (il est en cœur à Saint-Herbot). Il porte un manteau mi-long, une cotte talaire fermée par un bouton, et une chemise.
Un blason muet est placé à côté de son pied gauche.
Son dais (cf. infra) est orné d'un petit personnage de face.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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2. Saint André et sa croix en X. Kersanton, rares traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Sa croix est habilement incurvée pour se modeler au corps. Son front est également doté d'un "toupet" en cornes. Il ne tient pas de livre. Tous ces détails se retrouvent à Saint-Herbot.
La barbe est longue, peignée en mèches aux extrémités bouclées.
Le pan du manteau est retenu par la main gauche. La cotte talaire est serrée par une ceinture dont la boucle est figurée ; cette cotte s'ouvre devant la poitrine en deux revers éfilés.
Polychromie : traces de blanc sur la carnation, de bleu et de rouge.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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3. Saint Jacques le Majeur et sa tenue de pèlerin. Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Il porte le chapeau des pèlerins de Compostelle à larges bords et frappé de trois coquilles (insignes de pèlerinage), la besace portant des coquilles et soutenue par un baudrier à coquilles, et le bourdon (brisé entre le nœud et la boule sommitale) à extrémité pointue. Il est revêtu d'une cotte talaire et d'une pèlerine à type de blouse plissée, à larges manches, et descendant au dessous des genoux.
Les cheveux sont longs, la barbe peignée de mèches bouclées à l'extrémité.
Le visage a conservé sa carnation rose presque complète. La cotte était rouge sur une couche rose.
Les différents détails d'équipement se retrouvent à Saint-Herbot, mais s'organisent différemment (bourdon à droite, besace à gauche, pèlerine ouverte devant la poitrine).
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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4. Saint Jean et la coupe de poison d'où émerge un dragon.Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Saint Jean est imberbe, avec des cheveux bouclés n'atteignant pas les épaules. Il porte un manteau fermé par un bouton et dont un pan est retenu par la ceinture (boucle à ardillon et passant), et la cotte talaire.
Il trace un geste de bénédiction de la main droite sur la coupe de poison dont un dragon émerge pour en signaler la malignité.
Le phylactère est replié à ses pieds.
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Les traces de polychromie indiquent que les cheveux étaient dorés, la carnation rose et le mateau rouge.
Un blason à ses pieds conserve, malgré qu'il ait été martelé, le contour d'un calice (donateur ecclésiastique).
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La statue de Saint-Herbot est bien différente, avec la palme comme attribut, une chevelure rayonnante, une robe dorée, un pied soulevé, et un long article en latin qui ne tiendrait pas ici sur le petit phylactère.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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5. Saint [Thomas].Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Aucun attribut et aucune inscription ne permet de l'identifier et je me fie à son rang. Le pan gauche de son manteau sert de sudarium pour tenir le livre. La cotte talaire est fermée par cinq boutons. Le phylactère vertical est très long.
Le visage conserve des portions de carnation rose en carte de géographie. La barbe à pointe ovale est soigneusement peignée de mèches dont la pointe bouclée rebique.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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6. Saint [Jacques le Mineur] . Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Tout comme à Saint-Herbot, l'attribut de l'apôtre, le bâton de foulon qui deviendra incontournable, est absent.
Le pan droit du manteau vient se fixer à la ceinture, la cotte est ouverte jusqu'à la taille et ses revers forment deux triangles rapprochés.
Les cheveux sont bouclés "en boule", la barbe soignée, le regard dirigé vers l'extérieur du porche.
La carnation est bien conservée, rose foncée et blanche.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Les dais .
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Ces dais gothiques hexagonaux sont coiffés de hauts pinacles à boules. Celui de saint Pierre montre un petit persoannage en culotte plissée (bagou bras) la main sur la poignée de son épée.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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La frise inférieure : feuilles d'acanthe.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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L'extrémité des tiges d'acanthes est tenue dans la gueule d'un tout petit animal, qui se tient à l'envers : j'ai inversé ma photo pour présenter celui-ci, avec son museau tronqué.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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III. L'INTÉRIEUR DU PORCHE : LES SIX APÔTRES DU CÔTÉ GAUCHE.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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7. Saint [Philippe]. Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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L'attribut habituel de Philippe est la croix à longue hampe. Mais sur le Calendrier des Bergers il est figuré avec une croix en T (1493-1500), puis avec une équerre (1516 et 1519).
Mais ici, l'attribut est tenu verticalement dans le poing de la main droite sous la forme d'un manche à extrémité élargie et arrondie; il est ensuite brisé mais il se prolongeait jusqu'à l'épaule droite où son appui est visible.
Cet attribut est bien plus compatible avec un coutelas (celui de saint Barthélémy) qu'avec tout autre attribut, et, de toute façon, il ne peut être considéré ni comme une croix, ni comme une équerre. Comparez avec le saint Barthélémy de Saint-Herbot :
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Statue de saint Barthélémy, chapelle de Saint-Herbot. Photo lavieb-aile.
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Par contre, et c'est amusant, de nombreuses gravures du Calendrier des Bergers montre saint Philippe tenant, comme ici, un livre de ceinture (ou "en aumônière").
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Calendrier et compost des Bergers, J. Belot, Genève 1498-1500
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Le long phylactère passe sur l'avant-bras gauche.
Le visage conserve la majeure partie de la carnation rose. La barbe, toujours peignée, est bifide. Les cheveux longs sont peignés également. Les yeux sont comme écarquillés, car ils conservent leur couleur blanche sous une paupière supérieure lourde.
Les cheveux sont jaunes ou dorés ; la cotte est, comme ailleurs, rouge.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le livre de ceinture.
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Il est représenté avec précision, et l'on voit bien comment la reliure réunie par son fermoir se poursuit par une étoffe qui est empoignée, tandis qu'une spère-bouton lui évite de glisser. Ce dispositif de transport et de préhension permet aussi de le suspendre à la ceinture.
La Vierge de Pitié du Maître de Laz (grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet.
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PRÉSENTATION.
1. Le matériau.
Le grès arkosique (feldspathique), à grain très fin, de couleur gris-verdâtre, du Centre Bretagne, se prête bien à la sculpture par sa relative tendreté et son aptitude à la taille. Il est abondant dans le bassin de Châteaulin, c'est-à-dire une partie du Centre-Finistère (Châteauneuf-du-faou), où il été utilisé en architecture et en sculpture (Ollivier, 1993). L'architecture domestique (bâtiments de fermes, manoirs) et l'architecture religieuse (église du Cloître-Pleyben, sacristie de Pleyben, chapelles) lui ont fait largement appel aux XVème, XVIème et XVIIème siècles. Dans le domaine de la sculpture, P. Eveillard en a découvert l' emploi dès le second Age du fer et à la période gallo-romaine (génie au cucullus) . Aux XVIème et XVIIème siècles, il alimenta une statuaire abondante (plusieurs rondes-bosses dans les calvaires de Pleyben et de Saint Venec en Briec, par exemple) et concurrença même le célèbre kersanton. Voir l'analyse de Louis Chauris, Les grès verts de Châteaulin, cité en bibliographie.
Il était déjà employé à Laz vers 1350, dans un groupe du cavalier mourant conservé près de l'église, déjà présenté ici. Puis vers 1470 sur le bas-relief de la Vierge de Pitié aux anges de tendresse de la porte d'entrée de l'ancien presbytère. Puis, le sculpteur désigné par le nom de convention de Maître de Laz l'employa en 1527 pour la Déploration du calvaire de l'ancien cimetière.
Ce Maître de Laz est aussi l'auteur de la Déploration de l'église de Plourac'h, presque similaire, mais aussi de celle de Saint-Hernin et de la Pietà de Briec-sur-Odet. Mais aussi de trois autres statues de l'église de Plourac'h, celles de Saint-Patern, de Saint-Adrien, et de Sainte-Marguerite.
Le même matériau est employé au milieu du XVIe siècle pour la belle Trinité du porche de Clohars-Fouesnant.
Il est souvent confondu avec le kersanton (comme pour cette Déploration dans la description de Y.P. Castel).
Sur les sculptures en grès arkosique feldspathique :
2. Le thème de la Déploration (souvent assimilé aux Vierges de Pitié)
Les représentations sculptées de la Vierge de Pitié, tenant le corps de son Fils déposé de la croix, soit seule (Pietà), soit entourée de plusieurs personnages (Déplorations), apparaissent au XVe siècle (Pietà du calvaire de Tronoën, de Plozévet, de Quintin, chapelle N.D. des Portes ; Déplorations de La Chapelle-des-Fougeretz au nord de Rennes, du Musée départemental breton de Quimper etc.) et témoignent de l'importance, dans le duché de Bretagne, du culte centré sur les plaies du Christ crucifié et le sang versé, d'une part, et su les larmes ou le chagrin suscités chez le chrétien par cette mort, d'autre part.
Ce culte s'amplifie encore au XVIe siècle avec la multiplication des calvaires, où les pietà ou déplorations sont rarement absentes, et des verrières de la Crucifixion avec leur scènes de la Pâmoison ou de la Déploration. Dans cette dévotion associant pour le fidèle méditation devant la mort du Rédempteur, élan de chagrin interiorisé, larmes versées et gratitude, Marie-Madeleine est un personnage majeur, par sa participation aux soins ("embaumement") et par l'intensité de son chagrin.
À la différence des Déplorations de Laz et de Plourac'h ou de Saint-Hernin, la Vierge n'est pas entourée de Jean et Madeleine, et elle porte seule le corps de son Fils, qui est — inhabituellement— tourné tête vers sa gauche. Elle soutient la tête du Christ, et tient sa main droite, qui posée à plat sur la cuisse, tandis que le bras gauche descend verticalement, montrant la plaie. Les jambes du Christ sont fléchies mais parallèles. Sa barbe est en boule.
Le bloc de pierre est largement fissuré, verticalement ou horizontalement, mais aucune partie n'est manquante.
On retrouve le bord dentelé du gaufrage du manteau-voile, typique du Maître de Laz, mais ici les franges godronnées sont doubles. Comme dans les autres Vierges du Maître de Laz, le manteau revient sur les genoux de Marie pour faire office de drap sous le corps du Christ, comme l'indique les plis frisés.
La robe descend jusqu'au sol, dissimulant les chaussures, en plis verticaux tubulaires qui prolongent les gaufrures.
Le visage est froid et sévère, n'exprimant ni chagrin, ni même retrait dans une intériorité douloureuse.
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La Vierge de Pitié (Maître de Laz, grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile.
La Vierge de Pitié (Maître de Laz, grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile.
La Vierge de Pitié (Maître de Laz, grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile.
La Vierge de Pitié (Maître de Laz, grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile.
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COMPAREZ AVEC LES AUTRES VIERGES DE PITIÉ DU MAÎTRE DE LAZ :
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Déploration du cimetière de Laz, grès arkosique, 1527, Maître de Laz. Photo lavieb-aile.
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Déploration de l'église de Plourac'h, grès arkosique polychrome, vers 1527, Maître de Laz. Photo lavieb-aile.
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Déploration du calvaire de Saint-Hernin, grès arkosique, Maître de Laz, vers 1527. Photo lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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—ABGRALL et PEYRON, chanoines, Notice sur Laz, Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie de Quimper
— CHAURIS (Louis), 2010, Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne Deuxième partie : Roches sédimentaires, Revue archéologique de l'Ouest.
Des niveaux gréseux affleurent au sein des schistes bleus du bassin carbonifère de Châteaulin. Tous les intermédiaires apparaissent entre des schistes gréseux encore fissiles, riches en minéraux phylliteux, et des grès feldspathiques plus massifs, caractérisés par leur teinte verte ou gris-vert. Le faciès gréso-feldspathique est formé de quartz non jointifs – ce qui facilite le façonnement – et de plagioclases, moins nombreux, dans un fond phylliteux qui rend compte du caractère tendre de la roche (la nuance verdâtre est due à la chlorite). Ce grès feldspathique fournit de beaux moellons et des pierres de taille, voire même des éléments aptes à la sculpture (Eveillard, 2001).
Ce matériau a déjà été utilisé dans la cité gallo-romaine de Vorgium (aujourd’hui Carhaix – cf. photo IV). Son emploi, à nouveau attesté dès le xvie siècle, prend une place essentielle dans les constructions, à Carhaix et dans ses environs : manoir de Lanoënnec (porte avec cintre en deux éléments, fenêtre avec linteau à accolade) ; manoir de Crec’h Henan (xviie siècle ? avec beaux moellons) ; manoir de Kerledan (xvie siècle, avec érosion en cupules) ; château de Kerampuil (1760, soubassement) ; Kergorvo (portes) ; manoirs de Kerniguez : grand manoir (superbes moellons) et petit manoir (moellons pouvant atteindre un mètre de long, en assises d’épaisseurs diverses, correspondant à la puissance des bancs dans les carrières). A Carhaix même, dans la maison du Sénéchal (xvie siècle), belle cheminée à l’étage. On retrouve ce grès dans les élévations de l’église de Plouguer, ainsi que dans celles de l’église de Saint-Trémeur (parties du xixe s.), dans la façade occidentale de la chapelle du couvent des Hospitalières (xviie siècle) ou au manoir de Maezroz près de Landeleau : photo V, VI… (Chauris, 2001c).
Les Travaux publics ont également fait appel à cette pierre locale. Dans les ouvrages du canal de Nantes à Brest (première moitié du xixe siècle), toujours aux environs de Carhaix, elle a été utilisée sous des modalités diverses : en beaux moellons pour le couronnement du parapet d’un pont près de l’écluse de l’Île ; en petits moellons pour le soubassement des maisons éclusières de Pont Dauvlas, de Kergouthis… ; les faciès plus schisteux – et par suite plus fissiles – ont été recherchés pour le dallage médian des bajoyers de quelques écluses (Kervouledic, Goariva), voire comme dalles devant la maison éclusière (Goariva…). De même, les infrastructures ferroviaires ont aussi employé ce matériau local (pont franchissant le canal au sud-est de Kergadigen).
Mais cette pierre n’a pas été recherchée uniquement autour de Carhaix ; en fait, elle a été utilisée un peu partout dans le bassin de Châteaulin. À Pleyben, dans l’église paroissiale – qui remonte en partie au xvie siècle – le grès vert joue un rôle essentiel en sus du granite : élévation méridionale ; sacristie édifiée au début du xviiie siècle (le grès est alors extrait des carrières de Menez Harz et de Ster-en-Golven) ; la même roche a été aussi utilisée pour l’ossuaire (xvie siècle) et l’arc de triomphe (xviiie), où elle présente quelques éléments bréchiques. également à Pleyben, la chapelle de Gars-Maria, y recourt localement en association avec des leucogranites. À Châteauneuf-du-Faou, dans la vaste chapelle Notre-Dame-des-Portes (fin du xixe siècle), ce grès est en association avec divers granites ; les traces d’outils de façonnement y sont très nettes sur les parements vus. Comme aux environs de Carhaix, les grès verts ont également été recherchés, plus à l’ouest, pour l’habitat.
Ces grès ont aussi été mis en oeuvre dans la statuaire : parmi bien d’autres, évoquons les statues dressées au chevet de l’église de Laz, la statue de Saint-Maudez au Vieux-Marché (Châteauneuf-du-Faou), celle de Saint-Nicolas dans la chapelle N.-D. de Hellen (Edern), plusieurs personnages du célèbre calvaire de Pleyben… Quelques éléments de la chapelle – ruinée – de Saint-Nicodème, en Kergloff, ont été remployés lors de la reconstruction de la chapelle Saint-Fiacre de Crozon, après la dernière guerre ; en particulier de superbes sculptures d’animaux ont été emplacés à la base du toit dans la façade occidentale (Chauris et Cadiou, 2002).
Cette analyse entraîne quelques remarques de portée générale.
Dans un terroir dépourvu de granite, artisans et artistes locaux ont su mettre en œuvre un matériau qui, au premier abord, ne paraissait pas offrir les atouts de la « pierre de grain » qui affleure au nord et au sud du bassin.
Ce matériau local, utilisé dans les édifices les plus variés, confère au bâti du bassin de Châteaulin une originalité architecturale. Son association fréquente aux granites « importés » induit un polylithisme du plus heureux effet. Parfois, le grès a même été exporté vers les bordures du bassin, au-delà de ses sites d’extraction.
Du fait de ses aptitudes à la sculpture, le grès vert a été très tôt recherché pour la statuaire. Il joue localement le rôle des célèbres kersantons de la rade de Brest, à tel point que, dans un musée dont nous tairons le nom, une statue du xvie siècle, a été rapportée au kersanton, alors qu’en fait elle est en grès vert : hommage inconscient à ce dernier matériau !
L’emploi de cette roche singulière, constant pendant plusieurs siècles (au moins du xvie au début du xxe siècle) paraît aujourd’hui totalement tombé dans l’oubli. Ses qualités devraient susciter une reprise artisanale, tant pour les restaurations que pour les constructions neuves."
— COUFFON (René), 1988, Notice sur Briec-sur-Odet, in Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper
"Sur le placitre, croix de 1864, Pietà de granit au pied du fût"
— ÉVEILLARD (Jean-Yves), 1995, Statues de l'Antiquité remaniées à l'époque moderne: l'exemple d'une tête au cucullus à Châteauneuf-du-Faou (Finistère) Revue archéologique de l'Ouest année 1995 12 pp. 139-146
—LE SEAC'H (Emmanuelle), 2015, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, Presses Universitaires de Rennes pages 248-249.
— OLLIVIER, (Sophie), 1993 -L'architecture et la statuaire en grès arkosique dans la vallée de l'Aulne centrale. Mém. de maîtrise d'histoire (inédit), J.Y. Eveillard, dir., U.B.O., Brest, 2 vol.
"La porte principale du côté Ouest est aussi riche que la précédente, mais sans être d'aussi belles proportions, on y remarque particulièrement les beaux feuillages qui ornent les gorges profondes de ces nervures et les deux personnages en ronde-bosse, aux amortissements du gâble au-dessus du bandeau. L'un représente un guerrier coiffé d'un casque et à corps d'animal, portant un étendard déployé, l'autre une femme la tête couverte d'un voile et tenant une banderole sur laquelle on lit ces mots : Pax: Vobis 1592." (C. Chaussepied)
"Enfin, la porte ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592." R. Couffon
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Ce portail reprend dans son architecture un style répandu autour de Quimper notamment dans tout le Cap Sizun. On le reconnaît à la façon dont le gable à choux frisés, comme le remarquent C. Chaussepied et R. Couffon, vient couper les pinacles et se poursuit pour s'appuyer sur deux personnages en moyen-relief. On retrouve cette particularité, initiée à Saint-Herbot (1516), à Saint-Tugen de Primelin (sur les deux portails), à Plogoff (1547), puis à Cléden-Cap-Sizun (1561), puis à Plouhinec (1572) ou encore à Esquibien. Et à Saint-Tugen et à Plogoff, comme ici, le personnage de droite présente l'inscription de bienvenue Pax Vobis (la paix soit avec vous).
Le style gothique cornouaillais s'illustre aussi, sans ce détail de croisement gable/pinacle, à Saint-Herlé en Ploaré (v.1548), Locronan, Pont-Croix, ou Confort-Meilars.
C'est donc, en 1592, une reprise bien tardive d'un style gothique cornouaillais, alors que le style Renaissance s'exprime depuis plus de vingt ans en Haut-Léon.
Portail ouest de l'église de Plouhinec. Copyright Monumentum.
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Détail : les trois moulures du portail, sculptées de rinceaux de vigne à l'extérieur, et d'acanthes.
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Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le page ou écuyer tenant une banderole PAX VOBIS 1592. Leucogranite, 1592.
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Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
L'inscription de bienvenue Pax vobis se retrouve, du côté droit du portail Saint-Herbot en Plonévez-Porzay (page saluant en touchant son bonnet du haut d'un rempart), puis à Saint-Tugen en Primelin (page saluant en touchant son bonnet du haut d'un rempart) ou à Plogoff (page saluant en touchant son bonnet), mais aussi sur le porche sud de Lampaul-Guimiliau (vers 1533 sur le culot d'un apôtre, et présenté par un page la main sur son bonnet à l'entrée) et sous le porche de Landivisiau, tenue par un ange.
Ici, à Ty Mamm Doué, l'artiste reprend donc fidèlement le motif du page (ou écuyer, en habit noble) saluant le visiteur de l'inscription de bienvenue de sa banderole et faisant le geste de courtoisie de se préparer à ôter son bonnet. Ce page porte la même chevelure bouclée arrivant sur les épaules, son chapeau à bords larges est plus modelé que les bonnets de ses collègues, sa large cape laisse voir une veste courte à manches évasées.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le messager en armure tenant une hallebarde à étendard du côté gauche. Leucogranite, v. 1592.
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Ce guerrier à fière allure est représenté en buste , coiffé d'un casque et vêtu d'une armure. Il brandit une hallebarde à manche écoté (ou une lance frappée d'une hermine) laissant flotter la flamme d'un étendard qui portait certainement jadis un message peint.
Je ne lui connais pas d'homologue dans les édifices de style cornouaillais.
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Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Les culots des niches (vides) des contreforts : masques crachant des feuillages. Leucogranite, vers 1592.
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Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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II. LA PREMIÈRE PORTE SUD (1605).
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Cette petite porte est de style Renaissance ou classique avec son fronton triangulaire, les deux médaillons des pilastres, le Dieu le Père en moyen-relief dans une niche centrale, et l'inscription portant le nom du recteur (les recteurs font en effet plutôt apposer leur nom sur les édifices après le XVIe siècle). Deux niches latérales, vides, ont un dais en dôme.
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"Au XVIIe siècle on pratiqua dans le mur Sud une autre porte, qui, ornée de deux colonnes isolées, disparues maintenant, devait produire un très bel effet. Elle est en arc surbaissée, ornée de pilastres, d'une fine corniche et d'un fronton au-dessous duquel on remarque un petit motif sculpté également en ronde-bosse, représentant le Père Eternel couronné de la tiare. Les petits pilastres sont ornés de têtes d'anges et de démons; sur les socles des colonnes se voient, mais bien mutilés, des personnages ailés; et au-dessus des entablements, de riches dais abritant sans doute des statues de pierre aujourd'hui disparues. " (C. Chaussepied)
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Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Inscription dans un :
" M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 " soit "Messire Pierre Coray recteur 1605".
Pierre Coray fut recteur de Cuzon de 1596 à 1612.
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Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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III. LA DEUXIÈME PORTE SUD (1541).
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Entre deux contreforts à quatre niches à dais gothiques, et équipés de bancs, et dont le visiteur pourra détailler les supports, cette porte ogivale de style Louis XII est encadrée par deux magnifiques colonnettes, au premier niveau en nid d'abeilles suivi, après une bague octogonale, d'un étage torse en lignes spiralées. Ces colonnes ornées de couronnes et cordelières (C. Chaussepied) sont coiffées de pinacles fleuris. Au dessus de la porte à triple voussures non ornés, une accolade à choux frisés s'achève en un fleuron ; le monogramme christique IHS s'inscrit en son aisselle.
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Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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C'est au dessus de cette porte que se trouve l'inscription de fondation de 1541, en caractères gothiques :
CESTE CHAPELLE EN LHÕEVR [LHONNEUR] (le tilde ~ remplace la lettre N)
DE MAM DOE : L[AN] . M :Vcc : XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE [OMMAGE] BONNE FOI
qui a été transcrite ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
Elle est riche en lettres conjointes et en tildes qui rendent sa transcription complexe, et l'érosion du granite n'arrange pas les choses.
Elle est placée dans un cartouche tenu par deux personnages de profil, en position de chevalier servant, et qui ont les cheveux mi-longs et bouclés de l'époque, sont vêtus d'une tunique courte échancrée et plissée, et sont chaussés de chaussures pointues.
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Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le cadran solaire.
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Le cadran solaire de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le complexe héraldique du sommet de la deuxième lucarne.
il est présenté par deux lions ; ses armes n'ont pas été déchiffrées ou attribuées.
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Blason de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Inscription au dessus d'une ouverture murée.
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Elle porte l'inscription
M. I . CONNAN . RECTEVR . 1621
soit Messire J[ean] Connan 1621. Jean Conan fut recteur de Cuzon après Pierre Corlay (précédemment cité), dès 1617.
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Inscription de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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La porte cintrée de la sacristie au nord.
Sur le côté Nord, dans un cartouche à "poignées" triangulaires, nous trouvons une autre inscription :
INRI . O . MATER . DEI . MEMENTO . MEI . 1578
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L'oraison O mater dei, memento dei, (O Mère de Dieu, souviens-toi de moi), parfaitement appropriée à cette chapelle de la Mère de Dieu, est très répandue.
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Inscription de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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À cette inscription répond, dans un cartouche identique, la date de 1578 d'une piscine de l'intérieur.
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Inscription de l'intérieur d la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Autres détails sculptés de l'intérieur.
Les culots des statues du chœur (XVIe siècle et/ou XXe siècle). Dragons dévorant un masque.
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Culot de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Culot de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Piscine du côté sud.
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Piscine de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Piscine de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Cet artisan a fondu d'autres cloches finistériennes entre 1854 et 1872, notamment à Morlais en 1862, à Guengat (1872), à la chapelle Saint-Jean de Saint-Nic , à Sainte-Marie-du Menez-Hom en 1876 et pour deux cloches à Trégarvan (1859 et 1880).
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Cloche de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1915, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère
Chapelle de la Mère de Dieu: (Ty-Mam-Doue) . Au-dessus de la porte principale Sud-Est est une inscription gothique dont voici la lecture d'après MM. le chanoine Abgrall, Waquet et Lucien Lécureux : Ceste chapelle en lhoeur (l'honneur) De Mam Doe l (an) MVecXLI Ainsy faits scavoir a che Noble sineur oage et bonne foi (hommage)
Avant d'envoyer au Salon de Paris, qui va bientôt s'ouvrir, les dessins et relevés de cette chapelle, nous avons pensé qu'il serait intéressant de les soumettre aux membres présents à cette séance, et qui sans doute connaissent ce joli monument situé aux portes de Quimper.
Une étude approfondie faite l'été dernier nous a permis de réunir dans un même cadre les ensembles et détail de ce curieux édifice.
Nous ne redirons point l'historique de cette chapelle, notre éminent collègue, M. le chanoine Peyron, nous a précédé dans cette tâche avec son talent habituel, nous nous contenterons d'y ajouter seulement une courte description purement archéologique.
La Chapelle de Ty-Mam-Doué, ou maison de la mère de Dieu, fut rebâtie vers le milieu du XVIe siècle sur le versant d'un coteau, et subit comme tous les monuments de celle époque diverses transformations successives.
En plan elle a la forme d'une croix latine orientée de l'Est à l'Ouest avec nef sans bas-côtés, large transept et abside terminée par un mur droit. le tout flanqué de contreforts d'angle, quoiqu'on n'eût sans doute point l'intention de la voûter. Les charpentes sont recouvertes d'un berceau en lambris
peint de date récente; il est probable qu'autrefois les entraits et poinçons de charpente étaient apparents, mais il furent coupés et l'on en retrouve quelques traces le long des murs.
De larges Laies géminées éclairent le fond du chevet et du transept, d'autres petites ajoutent encore de la lumière à l'intérieur de ce monument.
Outre la partie principale du côté Ouest, trois autres portes sont pratiquées dans lés murs, deux du côté Sud, une du côté Nord; une petite sacristie est adossée de ce à l'extérieur. .même côté avec sortie directe
Les proportions de cette Chapelle sont élégantes, mais certaines dispositions présentent des talonnements ou des erreurs regrettables.' Ainsi nous remarquons ces deux transepts qui ne portent que de hautes piles octogonales du légères poutres, et l'irrégularité des rampants de cette
partie de l'édifice; il est évident que cette disposition était il nous sera permis que dire que les
voulue, cependanteaux prises avec des difficultés, n'ont pas su constructeurs, atteindre un 'résultat satisfaisant. II en est ainsi du léger gâble qui surmonte la porte Ouest, il n'est ni courbe ni droit, mais d'une forme indécise et, comme la fenêtre qui le surmonte, produit le plus fâcheux efTet.
Tout l'intérêt de la Chapelle réside particulièrement dans élégant clocher. Bâti de quilles légères, sur le sommet son d'un contrefort d'angle, il est surmonté d'une flèche gracieuse etde clochetons ;aux quatre angles ornée de crochets,de gâbles nous remarquons quatre petits marmousets des retombées
qui détachent curieusement leur silhouette dans le ciel.
Toule la richesse d'ornementation fut réservée aux façades Sud et Ouest; les contreforts sont ornés de niches peu profondes à pinacles fleuronnés couronnées de dais, et dont les supports sont ornés de têtes et de feuillages entrelacés. Des pinacles surmontaient autrefois ces contreforts.
La porte ogivale que surmonte une accolade à gros fleuron est formée de fines nervures et flanquée de deux colonnes bagues ornées de couronnes et cordelières,torses, avec et terminée par des pinacles fleuris; elle rappelle cette si riche et si féconde époque Louis XII que nous avons sur les bords de la Loire bien souvent admirée
Au-dessus de cette porte s'étale une large inscription supportée par des anges et sur laquelle on lit en caractères gothiques: Cette Chapelle · en l'honneur Mam-Doé l'an mille cinq cent qnarante et un nous y fait scavoir que chez Noblesse gisent (devocion) bonne foy, qui donne une date assez précise de la reconstruction de l"édifice . .
La porte principale du côté Ouest est aussi riche que la précédente, mais sans être d'aussi belles proportions, on y remarque pat'liculièrement les beaux feuillages qui ornent les gorges profondes de ces nervures et les deux personnages en ronde-bosse, aux amortissements du gâble au-dessus du bandeau. L'un représente un guerrier coiffé d'un casque et à corps d'animal, porlant un étendard déployé, l'autre une femme la tête couverte d'un voile et tenant une banderolle sur laquelle on lit ces mots : Pax: Vobis 1592. Les meneaux des fenêtres attirent peu d'intérêt; nous y avons même trouvé une certaine gaucherie d'exécution qui dénature certainement l'ensemble de l'œuvre.
Au-dessus du gros gable du transept sud sont sculptées des armoiries presque effacées ,et supportées par des griffons.
Nous ne quitterons pas l'extérieur sans parler des curieuses gargouilles et sujets d'amortissement des gâbles, homme au poisson, torse de femme courbée) animaux fantastiques, personnes à deux têtes, etc. , tous atteslant une période féconde en production, où la naïveté jointe à une sûreté d'exécution, engendra des combinaisons souvent bizarres, mais toujours intéressantes.
L'intérieur est peu remarquable; cependant nous y trouvons les belles piscines, pratiquées dans les murs, toutes quatre diverses de formes, que nous nous sommes plu à l'e produire fidèlement; puis de jolis bénitiers, les uns adossés, les autres isolés comme celui du XVIIe siècle, monté sur un groupe de quatre petites colonnettes engagées.
Dans le bas de la Chapelle il semble qu'on ait voulu établir une tribune dans de plus grandes proportions que celle qui existe aujourd'hui, si nous considérons les quatre encorbellements puissants placés le long des murs latéraux.
A l'angle Sud·Ouest un escalier à noyau central conduit à la tribune.
N'oublions pas de mentionner aussi les quelques consoles ou supports habilement sculptés, les deux du fond du chœur qui sont figurés sur nos dessins attirent particulièrement l'attention; ils représentent des monstres marins prêts à dévorer un mortel.
Au XVIIe siècle on pratiqua dans le mur Sud une autre porte, qui, ornée de deux colonnes isolées, disparues maintenant, devait produire un très bel effet. Elle est en arc surbaissée, ornée de pilastres, d'une fine corniche et d'un fronton au-dessous duquel on remarque un petit motif sculpté également en ronde-bosse, représen tant le Père Eternel couronné de la tiare. Les petits pilastres sont ornés de têtes d'anges et de démons; sur les socles des colonnes se voient, mais bien mutilés, des personnages ailés; et au-dessus des entablements, de riches dais abritant sans doute des statues de pierre aujourd'hui disparues. La restauration, mais surtout la conservation de cet édifice, s'imposent. Aussi demanderons-nous à M. le Ministre des Beaux-Arts de vouloir bien le classer parmi les monuments historiques de la région,si caractéristiques dans département, pour l'étude des anciennes écoles françaises,
CHARLES CHAUSSE PIED
— COMITÉ D'ANIMATION
https://chapelletymammdoue.com
— COUFFON (René), 1980, Notice sur Quimper, in Nouveau répertoire des églises de chapelles du diocèse de Quimper et Léon
"Cette chapelle dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud. Elle remonte au XVIe siècle. L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique : " CESTE CHAPELLE EN LHOEUR/DE MAM DOE. L : M : Vcc : XLI./... " Le chevet à noues multiples date de cette époque. Au-dessus de la porte sud, autre inscription : " INRI/O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. " Enfin, la porte ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. " Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. "
— PEYRON (Paul), 1893 Notice sur la chapelle Ty-Mam-Doue en Kerfeunteun · A. de Kerangal
La Mère - de - Dieu (Ty-Mam-Doue). La chapelle Ty-Mam-Doué ou de la Maison de la Mère de Dieu, située à trois kilomètres de Quimper, faisait autrefois partie de la paroisse de Cuzon, mais a été réunie depuis le Concordat à celle de Kerfeunteun. Cette chapelle est un lieu de pèlerinage fort fréquenté, tout particulièrement par les habitants de Quimper, tant à cause de sa proximité de la ville, qu'à raison de la dévotion traditionnelle qui, de temps immémorial, s'est manifestée en ce lieu, en l'honneur de la Mère de Dieu. A quelle époque faut-il faire remonter les origines de cet oratoire? C'est ce qu'il n'est pas possible de préciser, et nous ne pouvons répondre à cette question que dune manière approximative. Un arrêt du Parlement de Bretagne rendu le l6 Avril 1556 nous apprend que l'an 1540, Pierre Kernechquivilic, lors sieur de Keranmanoir, sur le terrain duquel était bâtie la chapelle, « aurait permis aux paroissiens de Choeuzon de refaire et reconstruire de nouveau certaine chapelle appelée chapelle de la Mère de Dieu ». Le premier édifice était donc en ruine au commencement du xvie siècle, ce qui suppose une existence antérieure d'au moins deux siècles. Il serait dès lors permis de conclure que la première construction datait de la première partie du xive siècle, et si l'on rapproche cette date de celle de la translation de la maison de Nazareth à Lorette en 1295, et de la dénomination sous laquelle a été connu de tout temps l'oratoire de Kerfeunteun : Chapelle de Ia Maison de la Mère de Dieu, il ne sera pas téméraire d'avancer que la chapelle de Ty-Mam-Doue a été construite en mémoire de la translation miraculeuse de la maison où s'est accompli le mystère de la Maternité divine, et que cette construction date d'une époque rapprochée de ce grand événement. Cette conjecture est encore confirmée par l'existence des deux édifices séparés qui se voient en ce lieu de Keranmaner, dont l'un affecte la forme d'une simple maison convertie en oratoire [détruit en 1969] et l'autre est la chapelle proprement dite de la Maison de la Mère de Dieu. Il serait difficile d'expliquer autrement le voisinage si rapproché de ces deux édifices.
Le manoir noble de Keranmaner, sur les terres duquel était bâtie la chapelle, relevait de l'Evêque de Quimper, auquel il payait la dîme. Ce manoir était possédé en 1509, par Jean Le Scanff, veuf de Marguerite Noël ; En 1540, il appartenait, d'après l'arrêt cité plus haut, à Pierre Kernechquivilic, qui, en 1549, le délaissa, à titre de féage, à Jehan Furic, époux (en 1562) de demoiselle Jeanne Le Cleuziou ; mais cette cession était faite à condition « qu'il ne serait permis à nulle personne fors audit « Kernechquivilic avoir et mettre armoieries et intersignes de noblesse, sans le congé du dit Kernechquivilic, suivant lequel contrat le dit de Kernechquivilic aurait « fait apposer des armoieries au portail d'icelle chapelle « lesquelles y auraient tousjours esté au veu et sceu de tous les paroissiens et si longuement que le dit de Kernechquivilic a esté sieur du dit lieu de Keranmanoir ». Le sieur de Kernechquivilic ne figure pas dans l'armorial de M. de Courcy, et il serait inutile de rechercher ses armes au portail de la chapelle, car cette partie de l'édifice porte la date de 1592. Non obstant la réserve formelle de l'acte de cession, Jehan Furic avait fait apposer ses armoiries sur la chapelle ; mais aussitôt le sieur de Kernechquivilic les avait fait abattre, et en 1556, il remontrait au Parlement que la dite chapelle « était assise au fief de l'Evêque de Cornouaille, dedans lequel fief n'était permis d'avoir armoieries en bosse, si non audit Evêque et aux gentilshommes de la paroisse ; que le dit Furic était roturier et de basse condition, incapable de jouir des droits et prérogatives appartenant à gens extraits de noble lignée ».
Le premier Avril 1556, un arrêt du Parlement reconnut le bien fondé de la réclamation et condamna le sieur Furic à l'amende et aux dépens. Le sieurs Furic furent, du reste, à diverses reprises déboutés de leurs prétentions à la noblesse, ce qui n'empêche pas que leurs armes soient les seules qui se voient de nos jours dans la chapelle de la Mère-de-Dieu. Elles sont sculptées en bois sur la tribune, qui date vraisemblablement de 1592 comme le portail, et portent dazur à trois croisettes au pied fiché et haussé d'or. Les Furic demeurèrent propriétaires de Keranmanoir, de 1547 au commencement du XVIIIe siècle ; car après Jehan Furic, qui figure comme possesseur en 1547-1562, nous trouvons mentionnés en 1604, comme seigneurs de Keranmanoir, « nobles gens Yves Furic, Guillaume Furic et autres » ; et en 1681, « la dame Marie du Stangier, veuve de noble homme Ignace Furic ». Nous devons avouer que c'est de leur temps, et grâce sans doute à leur générosité, que fut rebâtie presque totalement la chapelle.
Grande chapelle actuelle
Elle est d'un très heureux effet, surtout vue à travers les arbres du placître. Ce qui lui donne particulièrement du pittoresque, c'est son petit clocher si singulièrement campé sur un contrefort d'angle, orné de niches et de dais, la belle porte sculptée et feuillagée à côté de ce contrefort, la fenêtre et le grand pignon du transept Sud et les pignons aigus de l'abside. Au-dessus de cette porte ornementée, se lit la date de cette partie de la construction, écrite en caractères gothiques sur un cartouche tenu par deux petits personnages.
Cette légende, avec ses abréviations, est très difficile à déchiffrer ; la voici, d'après la dernière lecture qu'en a faite M. Lucien Lécureux :
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE Z BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
La petite porte Sud de la nef a été percée après coup, comme l'indique le style de son encadrement et de son fronton, et comme l'atteste l'inscription de la frise :
M.P. CORAY. RECTEVR . 1605
Le portail Ouest, donnant au bord de la route, est tout à fait dans la note gothique, et on est porté à lui attribuer la même date qu'au transept Midi et à l'abside, et cependant il serait de beaucoup postérieur d'après l'inscription que tient un ange sur une banderole à main droite de la porte :
PAX . VOBIS . 1592
De l'autre côté, un homme d'armes, en cariatide, porte une bannière ou enseigne fixée à une hampe ou branche à nœuds. Sur le côté Nord, nous trouvons une autre date :
Cette chapelle qui dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon, dépend maintenant de la paroisse de Kerfeunten à Quimper.
La chapelle de Ty Mamm Doué, en français "Maison de la Mère de Dieu", doit sans doute son nom à un modeste oratoire de 1295, démoli en 1969. C'est probablement en cet oratoire que le père Julien Maunoir aurait reçu selon la croyance, le 8 juin 1631, le don de la langue bretonne du doigt d'un ange, un jour de Pentecôte.
Edifiée près du petit oratoire entre 1541 et 1592, en pierres de taille en granite, dans un style gothique, elle fut complétée entre 1605 et 1621 dans un style renaissance, souvent visible sur la face sud.
Cette chapelle est de dimension importante. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour, de type cornouaillais, est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud.
Un pèlerinage muet (en silence), le Pardon Mud, s'y déroulait le Jeudi Saint : les paroissiens, sans leur clergé; devaient faire trois fois le tour de la chapelle dans le sens du parcours du soleil.
Éléments historiques basés sur les inscriptions de 1541, 1578, 1592; 1605 et 1621 :
L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique la date de 1541:
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
Le chevet à noues multiples date de cette époque.
Le premier propriétaire était donc au XVIe siècle Pierre de Quénec'h-Quivilly, seigneur du Faou, propriétaire du manoir de Keranmaner, situé en haut du vallon occupé par la chapelle.
Manoir de Keramaner, à 300 mètres plus haut que la chapelle de la Mère-de-Dieu, du même côté de la route. Portail d'entrée de la cour d'honneur, style de la fin de la période ogivale, dans le genre du portail du manoir de La Forêt : pilastres carrés, avec bases et chapiteaux à moulures gothiques, surmontés de pinacles aigus et portant une arcade surbaissée à moulures prismatiques, et saillie à crossettes feuillagées. A la hauteur des chapiteaux, lions héraldiques. Grande cour précédent le manoir, puits entouré dune margelle à larges moulures. Maison développant une vaste façade à trois ouvertures au rez-de-chaussée, trois à l'étage et, dans les combles, trois lucarnes à frontons héraicirculaires, genre Renaissance, tandis que les chevronnières des pignons sont garnies de crossettes à feuilles de choux. A l'intérieur, portes gothiques, cheminées moulurées en granit, armoiries des Furic, 3 croix. Grand escalier tournant.
1509. Aveu de Jean Le Scanff, et femme Marguerite Nouel. L'Evêque lui fait don du devoir de bail. Mais Pierre de Quenechquivillic est sujet à ce droit pour le lieu de Keranmanic en 1515. Cependant, le 16 Décembre 1520, l'Evêque Claude de Rohan fait don de ce droit de bail au dit Pierre de Quenechquivillic, à cause de l'acquêt fait par lui du manoir de Keramaner. Lorsque celui-ci mourut en 1529, l'Evêque fit également don de bail à ses enfants en faveur et considération du Sgr du Faouet. (P. Peyron)
Puis, en 1548, le négociant en toile à voile Jehan Furic (*) s'affranchit, en monnaies portugaises, de Pierre de Quénec'h-Quivilly, pour le manoir et les terres.
"C'est un autre Pierre Quenechquivillic, fils du précédent, qui vendit Keranmanoir à Jean Furic, qui, le 7 Décembre 1554, rendant aveu, déclare tenir au fief de l'Evêque à droit de bail, le lieu noble de Keranmanoir, sa chapelle, cave, bois, laiterie et haute futaye et la métairie dite village de Keranmanic. En 1561. L'évêque Etienne Boucher cède le bois de Coetnescop à Jean Furic, Sr de Keranmanoir, qui donne en échange le pré du Pichiry, en Kerfeunteun.
En 1562. Aveu de noble Jean Furic et demoiselle Jeanne Le Cleuziou, sa femme." (P. Peyron)
La propriété passa à son fils Pierre (**). (Son petit-fils, l’amiral de Kerguelen, hérite en 1772 de Keranmaner et des terres au nom du droit d’aînesse. Il ne résidera jamais au manoir).
(*)Jean Furic avait épousé le 7 février 1539 Anna Fily, d'où Françoise (1940), Jacques (1542), Pierre (1543), Pierre (1545), Anna (1546), Marie (1547), Yvon (1548), Guillamete, Jahanna, et Thomas (1553), François (1559), Jehan (1561), Guillaume (1561), Hervé (1563) et Yves (1564) (les derniers de Jahanna Le Cleuziou). 1604. Aveu de nobles gents Me Yves Furic, Sr de Treffentec.
(**) Pierre Furic épousa Jehanne Le Cleuziou le 28 juillet 1571. Devenu veuf, Il épousa ensuite, le 5 mars 1590, Jeanne de Kergadalen, puis en 1591 Rauanne du Mûr, d'où une fille Margaritte en 1596.
—Divers : Dans un parchemin daté de 1495 portant son testament, Thomas Furic, prêtre, léguait à la cathédrale de Quimper dix écus d'or.
Une des tours des fortifications de Quimper portait le nom de Tour Furic, "nom d'une famille nombreuse et puisssante qui fournit un assez grand nombre de membres à l'église de Quimper".
Dans la cathédrale de Quimper, le 27 avril 1498, Jehan Furic et Françoise, sa femme, bourgeois et habitants de Quimper, fondent un anniversaire de 20 sols, forte monnaie de rente, et choisissent leur sépulture en la chapelle de Saint-Benoît, près de celles de leurs parents. Un acte de 1623 mentionne, près du même autel, la tombe de Jeanne Furic. (Le Men)
Selon L'archiviste Le Men, "Une troisième chapellenie fut fondée sur cet autel, vers la même époque (de 1471 à 1490), parGuillaume Periou, recteur de Laz, qui fut procureur de la fabrique de 1468 à 1487. Il en laissa le patronage à ses neveux Jean, Guillaume et Thomas Furic Cette chapellenie, qui finit par prendre le nom de Chapellenie de Saint-Guillaume ou des Furic, fut successivement présentée par Pierre Furic, en 1529 ; par noble homme François en 1609 ; par noble homme Julien Furic, sieur du Run, fils aîné d’autre noble homme Jan Furic, sieur de Keramaner, en 1620 ; et enfin par Ignace Furic, sieur de Kergourant, en 1731. La famille Furic qui fut déboutée à la réformation de 1668, avait pour armes, d’après un sceau de 1731, des archives du Finistère : d’azur à 3 croisettes au pied haussé d’or. Ces armoiries se voient à l’intérieur et au bas de la chapelle de la Mère de Dieu, près Quimper, ou les sieurs de Keramaner avaient sans doute des prééminences. Les Furic avaient le privilège de voir leur tombe de 1575 située dans la nef et le transept de cathédrale de Quimper" (Monographie Le Men)
1713. Aveu d'écuyer Hervé-Louis de Kerléan, Sr de I Poulguinan, tuteur des enfants de feu Gervais Budoes, Sr de Kerléan, et de dame Anne-Corentine Furic, Sr et I dame de l'Isle."
Au-dessus de la porte sud, se lit une autre inscription de 1578 : " INRI/ O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. "
Enfin, le porche ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. "
Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. "
Bâtie sur un terrain privé, elle fut vendue sous la Révolution au sieur Louis Ollivier, elle fut rachetée par la commune, restaurée en 1817 et rendue au culte vers 1822.
Les crossettes (pierres d'amortissement), la gargouille et les autres éléments figurés sont donc datables entre 1541 et 1578.
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Pour plus de précision, lire, infra en Sources, la description et l'historique du chanoine Paul Peyron datant de 1893.
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Situation.
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1. La carte de Cassini montre "la Mère de Dieu" située au nord de Kerfeunten, juste au dessous du manoir de Keramaner. À sa gauche, la rivière du Steïr effectue un coude à angle droit, tandis que sur la droite, le Frout descend verticalement, parallèle à l'Odet. Ces deux cours d'eau sont équipés de moulins. Plus à droite,l'Odet, passant par Cuzon.
On repérera deux importants axes routiers :
La route Brest-Lanvéoc-Locronan-Quimper.
La route Lesneven-Châteaulin-Quimper (ancienne voie romaine).
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Carte de Cassini, fin XVIIIe. Gallica.
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La carte de Cassini rend mal compte de la situation de la chapelle sur la droite d'un chemin qui remonte vers le manoir de Keramaner en longeant un vallon assez encaissé.
La Carte d'Etat-Major.
Elle montre mieux ce ruisseau qui se jette dans le Steïr après le moulin de Meilh Stang Bihan. Ce ruisseau est important car qui dit chapelle dit fontaine, laquelle précédait peut-être, par ses vertus, l'oratoire.
La chapelle située à 40 m d'altitude occupe un petit éperon surplombant de 20 m la division d'un cours d'eau.
La carte montre aussi que la route de Châteaulin longe le manoir de Keramener.
Le toponyme est toujours "Chapelle de la Mère de Dieu"
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Carte d'etat-major 1820-1866.
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L'hydrologie est mieux visible encore sur la carte IGN. La chapelle n'est pas nommée sur ce grossisement, mais le chemin porte le nom de Ty Mamm Doué.
Un lavoir était aménagé à proximité de la chapelle. Mais on ne trouve aucune mention d'une fontaine avec édicule, ni aucune carte-postale témoignant de son existence .
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Terminons par la vue aérienne où est indiqué l'axe général du vallon, et où son tracé est marqué par les arbres et buissons :
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Description des crossettes de la façade sud.
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La sirène et les acrobates sculptés des crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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I. LA SIRÈNE. Crossette du côté gauche de la première lucarne sud. Granite, XVIe siècle.
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C'est l'une des seules à n'être pas citée par Hiroko Amemiya, qui a compilé ces ornements de type sirène (femme-poisson) en Bretagne dans son "Vierge et démone" en en dénombrant 20, dont 13 en pierre, et parmi elles 9 crossettes. 8 sont en Finistère, celles de Landévennec, Saint-Urbain, Landerneau, Bodilis, Lampaul-Guimiliau, Ploudaniel (chapelle Saint-Eloi), Sizun, Kergrist-Moëlou et Vitré. Si on y ajoute la dizaine d'ornement de type femme-serpent, nous constatons que les maîtres-sculpteurs répondent à une demande générale d'ornementation bien particulière. Cela se confirmera avec le deuxième motif, l'acrobate.
Nous parlions de la situation de la chapelle par rapport au réseau hydrographique, et de l'existence d'une fontaine. Nous ne nous étonnons donc pas de voir ici célébrer une créature féérique du monde aquatique.
Tournée vers l'ouest, elle est couchée sur le ventre mais avec le buste dressé, sa généreuse poitrine en avant et la tête renversée en arrière et tournée vers les cieux. Son épaisse chevelure retombe sur ses épaules, tandis qu'une couverture est posée, comme une selle, sur son dos. Elle est dotée d'une incontestable queue de poisson, et son corps est couvert d'écailles en réseau de losanges, y compris les bras.
Elle tient en main gauche un objet rectangulaire qui devrait nêtre, selon l'iconographie, soit un miroir, soit plutôt un peigne.
Sa main droite, moins visible, semble posée sur son côté droit.
Par sa posture, nous pouvons la rapprocher de celles de Landerneau, de Sizun (côté ouest), de Saint-Urbain et de Lampaul-Guimiliau, ... qui tiennent toutes un miroir.
La sirène et les acrobates sculptés des crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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II. L'ACROBATE. Crossette du côté droit de la première lucarne sud. Granite, XVIe siècle.
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Sa posture poitrine en avant et tête vers le ciel est symétrique de celle de la sirène. C'est un acrobate en renversement postérieur, les talons se rapprochant de l'occiput, et ce personnage est très fréquent (presque omniprésent) dans les crossettes des chapelles bretonnes, ainsi qu'en d'autres emplacement comme les sablières et les porches. C'est d'ailleurs ce qui permet d'affirmer que c'est bien un acrobate.
Mais celui-ci se livre à un exercice particulier : il s'appuie à un bâton passé entre ses bras pliés (cf. flêche).
Je pourrais séparer les saltimbanques travaillant sans accessoire de ceux qui augmentent leur performance en faisant appel à des barres, crochets et autres entraves, quitte à se lier (nous le verrons) à des collègues. J'ai découvert l'existence de ces derniers sur les sablières et surtout les abouts de poinçon de la charpente de Pleyben, puis sur ceux de Grâces en Guingamp.
Il porte les cheveux longs tombant sur les épaules, il est vêtu d'une tunique courte à bords festonnés, serrée par une ceinture, de chausses moulantes et de chaussures.
Si la sirène appartenait au monde de l'eau, cet acrobate nous renverrait plutôt à celui de l'air, ou, du moins, du renversement des valeurs.
Dans les deux cas, ils nous renvoient au domaine du jeu, de la fantaisie et de l'imagination.
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L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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III. LE LION. Crossette du côté gauche du gable de la baie sud du transept.Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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IV. LE LION. Gargouille du côté gauche du gable de la baie sud du transept.Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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V. LA FEMME NUE. Crossette de l'angle sud-est. Granite, XVIe siècle.
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La posture de cette femme est difficile à comprendre. Elle est accroupie à l'angle d'un contrefort, une main sur le genou droit et l'autre sur la poitrine. Elle est coiffée d'une capuche.
Mais l'anatomie est bizarre, notamment pour cette "poitrine" et cette "main", et pour les épaules.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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VI. Crossettes des côtés est et nord . Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Un dragon.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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VII. LES DEUX ACROBATES JUMELÉS Crossette du nord, côté droit du gable du transept. Granite, XVIe siècle.
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On les a considérés, on les considère encore comme les effigies de Jean Furic et de son fils Pierre. Mais on peut opposer à cette opinion plusieurs objections.
Aucun monument breton du XVIe siècle ne montre, sauf exception, le portrait du commanditaire (et ici, du propriétaire du terrain) sosu la forme de crossettes, car ces pierres d'ammortissement sont consacrées à des figures animales fabuleuse ou non ( dragon, lion, chien), ou à des chimères (femmes-serpent ou femme-poisson), ou à des figures humaines marginales (acrobates) ou métaphores du Vice (le Buveur, le Trop-Mangeur, le ou la Lubrique). Aucun noble, aucun riche marchand n'aurait accepté de figurer sur ce "tiers-lieu" intermédiaire entre les murs et les toits, et, surtout, n'aurait accepté d'y être représenté "en figure". Seules les armoiries pourraient, pour affirmer leurs prééminences, s'y trouver, comme on les voeint inscrites dans les sablières.
Surtout,la posture visible si nous nous plaçons face à la baie, et non de biais, est celle, bien connue des amateurs de crossettes et de sablières, de l'homme aggripant d'une main sa cheville. C'est, toujours, une posture soit lubrique, soit d'acrobatie lors d'un renversement postérieur. Aucun notable n'aurait accepté de se voir affublé de ce geste réservé aux saltimbanques.
À Dirinon, l'acrobate, nu, empoigne sa cheville d'une main et touche son sexe de l'autre, tandis que c'est, au sud, un acrbate bien vêtu qui prend son pied . C'est une femme nue qui prend cette pose à Notre-Dame-de-Berven de Plouzévédé, à Saint-Hervé de Gourin, à Notre-Dame des Trois-Fontaines de Gouezec. Au château de Pontivy, c'est, en 4, un buveur, et en 21, un acrobate qui aggripent leurs chevilles. De même à l'angle de la Maison du Guet de La Martyre.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Donc, nous avons affaire ici à un numéro d'acrobatie, tout comme sur la façade sud avec l'homme s'accrochant à une barre pour réaliser son renversement.
Mais ici, nous trouvons deux têtes, l'une moustachue, l'autre non, sortant de la même tunique plissée échancrée en V, et chacune coiffée d'un bonnet.
Nous n'en savons pas assez sur l'art des saltimbanques du XVIe siècle pour interprêter plus à fond cette figure d'acrobatie : s'agissait-il de réussir un renversement en duo, et enfermé dans la même tunique ? Ce serait une forme d'entrave.
Un peu comme à Pleyben ?
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Abouts de poinçon de l'église de Pleyben. Photo lavieb-aile.
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Pleyben. Photo lavieb-aile.
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Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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LES CROSSETTES DU CLOCHER.
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1. L'acrobate de gauche, au dessus de la chambre des cloches. Crossette, granite, 1573.
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C'est le troisième exemple ici de l'acrobate empoignant ses chevilles pour réussir un renversement postérieur en bombant le torse. Il est coiffé du traditionnel bonnet, porte une veste courte à boutons, le bagou braz plissé et des chaussures.
En réalité, il ne saisit pas ses chevilles, mais il exerce une traction sur une barre ou une sangle (flêche) passée sous ses genoux : donc un nouvel exemple d'acrobatie avec accessoire.
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2. La femme tenant un livre et maintenant sa coiffe. Côté droit au dessus de la chambre des cloches. Crossette, granite, 1573.
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Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
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3. Un ange. Crossette, granite, 1573.
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Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1915, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère
Chapelle de la Mère de Dieu: (Ty-Mam-Doue) . Au-dessus de la porte principale Sud-Est est une inscription gothique dont voici la lecture d'après MM. le chanoine Abgrall, Waquet et Lucien Lécureux : Ceste chapelle en lhoeur (l'honneur) De Mam Doe l (an) MVecXLI Ainsy faits scavoir a che Noble sineur oage et bonne foi (hommage)
Avant d'envoyer au Salon de Paris, qui va bientôt s'ouvrir, les dessins et relevés de cette chapelle, nous avons pensé qu'il serait intéressant de les soumettre aux membres présents à cette séance, et qui sans doute connaissent ce joli monument situé aux portes de Quimper.
Une étude approfondie faite l'été dernier nous a permis de réunir dans un même cadre les ensembles et détail de ce curieux édifice.
Nous ne redirons point l'historique de cette chapelle, notre éminent collègue, M. le chanoine Peyron, nous a précédé dans cette tâche avec son talent habituel, nous nous contenterons d'y ajouter seulement une courte description purement archéologique.
La Chapelle de Ty-Mam-Doué, ou maison de la mère de Dieu, fut rebâtie vers le milieu du XVIe siècle sur le versant d'un coteau, et subit comme tous les monuments de celle époque diverses transformations successives.
En plan elle a la forme d'une croix latine orientée de l'Est à l'Ouest avec nef sans bas-côtés, large transept et abside terminée par un mur droit. le tout flanqué de contreforts d'angle, quoiqu'on n'eût sans doute point l'intention de la voûter. Les charpentes sont recouvertes d'un berceau en lambris
peint de date récente; il est probable qu'autrefois les entraits et poinçons de charpente étaient apparents, mais il furent coupés et l'on en retrouve quelques traces le long des murs.
De larges Laies géminées éclairent le fond du chevet et du transept, d'autres petites ajoutent encore de la lumière à l'intérieur de ce monument.
Outre la partie principale du côté Ouest, trois autres portes sont pratiquées dans lés murs, deux du côté Sud, une du côté Nord; une petite sacristie est adossée de ce à l'extérieur. .même côté avec sortie directe
Les proportions de cette Chapelle sont élégantes, mais certaines dispositions présentent des talonnements ou des erreurs regrettables.' Ainsi nous remarquons ces deux transepts qui ne portent que de hautes piles octogonales du légères poutres, et l'irrégularité des rampants de cette
partie de l'édifice; il est évident que cette disposition était il nous sera permis que dire que les
voulue, cependanteaux prises avec des difficultés, n'ont pas su constructeurs, atteindre un 'résultat satisfaisant. II en est ainsi du léger gâble qui surmonte la porte Ouest, il n'est ni courbe ni droit, mais d'une forme indécise et, comme la fenêtre qui le surmonte, produit le plus fâcheux efTet.
Tout l'intérêt de la Chapelle réside particulièrement dans élégant clocher. Bâti de quilles légères, sur le sommet son d'un contrefort d'angle, il est surmonté d'une flèche gracieuse etde clochetons ;aux quatre angles ornée de crochets,de gâbles nous remarquons quatre petits marmousets des retombées
qui détachent curieusement leur silhouette dans le ciel.
Toule la richesse d'ornementation fut réservée aux façades Sud et Ouest; les contreforts sont ornés de niches peu profondes à pinacles fleuronnés couronnées de dais, et dont les supports sont ornés de têtes et de feuillages entrelacés. surmontaient autrefois ces contreforts.
Des pinacles
La porte ogivale que surmonte une accolade à gros fleuron est formée de fines nervures et flanquée de deux colonnes bagues ornées de couronnes et cordelières,
torses, avec et terminée par des pinacles fleuris; elle ['appelle cette si riche et si féconde que nous avons époque Louis XII sur les bords de la Loire bien souvent admirée
Au-dessus de cette porte s'étale une large inscription supportée par des anges et sur laquelle on lit en caractèresgothiques: Cette Chapelle · en l'honneur Mam-Doé l'an mille cinq cent qnarante et un nous y fait scavoir que chez Noblesse gisent (devocion) bonne foy, qui donne une date assez précise de la reconstruction de l"édifice . .
La porte principale du côté Ouest est aussi riche que la précédente, mais sans être d'aussi belles proportions, on y remarque pat'liculièrement les beaux feuillages qui ornent les gorges profondes de ces nervures et les deux personnages en ronde-bosse, aux amortissements du gâble au-dessus du bandeau. L'un représente un guerrier coilTé d'un casque et à corps d'animal, porlant un étendard déployé, l"autre une femme la tête couverte d'un voile et tenant une banderolle sur laquelle on lit ces mots : Pax: Vobis 1592.
Les meneaux des fenêtres attirent peu d'intérêt; nous y avons même trouvé une certaine gaucherie d'exécution qui dénature certainement l'ensemble de l'œuvre.
Au-dessus du gl'os gàble du transept Sud sont sculptées des armoiries presque effacées ,et supportées par des grillons.
Nous ne quitterons pas l'extérieur sans parler des curieuses gargouilles et sujets d'amortissement des gâbles, homme au poisson, torse de femme courbée) animaux fantastiques, personnes à deux têtes, etc. , tous atteslant une période féconde en production, où la naïveté jointe à une sûreté d'exécution, engendra des combinaisons souvent bizarres, mais toujours intéressantes.
L'intérieur est peu remarquable; cependant nous y trouvons les belles piscines, pratiquées dans les murs, toutes quatre diverses de formes, que nous nous sommes plu à l'e produire fidèlement; puis de jolis bénitiers, les uns adossés, les autres isolés comme celui du XVIIe siècle, monté sur un groupe de quatre petites colonnettes engagées.
Dans le bas de la Chapelle il semble qu'on ait voulu établil' une tribune dans de plus grandes proportions que celle qui existe aujourd'hui, si nous considérons les quatre encorbellements puissants placés le long des murs latéraux.
A l'angle Sud·Ouest un escalier à noyau central conduit à la tribune.
N'oublions pas de mentionner aussi les quelques consoles ou supports habilement sculptés, les deux du fond du chœur qui sont figurés sur nos dessins attirent particulièrement l'attention; ils représentent des monstres marins prêts à dévorer un mortel.
Au XVIIe siècle on pratiqua dans le mur Sud une autre porte, qui, ornée de deux colonnes isolées, disparues maintenant, devait produire un très bel efTet. Elle est en arc surbaissée, ornée de pilastI'es, d'une fine corniche et d'unfronton au-dessous duquel on remm'que un petit motifsculpté également en ronde-bosse, représen tant le PèreEternel couronné de la tiare. Les petits pilastres sont ornés de têtes d'anges et de démons; sur les socles des colonnes se voient, mais bien mutilés, des personnages ailés; et au-dessus des entablements, de riches dais abritant sans doute des statues de pierre aujourd'hui disparues.La restauration, mais surtout la conservation de cet édifice, s'imposent. Aussi demanderons-nous à M. le Ministre des Beaux-Arts de vouloir bien le classer parmi les monuments historiques de la région,si caractéristiques dans département, pour l'étude des anciennes écoles françaises,
CHARLES CHAUSSE PIED
— COMITÉ D'ANIMATION
https://chapelletymammdoue.com
— COUFFON (René), 1980, Notice sur Quimper, in Nouveau répertoire des églises de chapelles du diocèse de Quimper et Léon
"Cette chapelle dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud. Elle remonte au XVIè siècle. L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique : " CESTE CHAPELLE EN LHOEUR/DE MAM DOE. L : M : Vcc : XLI./... " Le chevet à noues multiples date de cette époque. Au-dessus de la porte sud, autre inscription : " INRI/O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. " Enfin, la porte ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. " Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. " A la croisée du transept, quatre entraits engoulés. Mobilier Maître-autel et deux autels latéraux de style néo-gothique, fin du XIXe siècle. - Chaire à prêcher avec abat-voix plat, début du XXe siècle ; bas-reliefs des Evangélistes sur les panneaux. - Stalles du choeur encore en place. - Deux confessionnaux cintrés, avec demi-dôme à écailles (début du XIXe siècle ?). Trois piscines gothiques, deux dans le choeur, une dans le transept nord. - Bénitier encastré et sculpté près de la porte ouest. Statues en bois polychrome : Christ en croix sur la poutre de gloire, autre Crucifix, Vierge à l'Enfant dite Notre Dame de Ty-Mam-Doué, XVIIe siècle, dans une niche en bois peint portant l'inscription : " GUERC'HEZ VARI MAM DOUE PEDIT EVIDOMP ", saint Joseph portant l'Enfant Jésus, Vierge aux mains jointes (Vierge au Calvaire ?), saint Jean-Baptiste, saint Corentin. Vitraux du début du XXe siècle dans le transept : au nord, verrière évoquant la construction des flèches de la cathédrale, très mutilée ; - au sud, " Souvenir reconnaissant des combattants de la Guerre 14-18 " : soldats montant à l'assaut accompagnés de Jeanne d'Arc ; en dessous, procession du pardon de Ty-Mam-Doué. Tableau de l'Assomption, peinture sur toile d'Olivier Perrin, en mauvais état, XVIIIe-XIXe siècle. . Cadran solaire au tympan d'une fenêtre du midi."
— PEYRON (Paul), 1893 Notice sur la chapelle Ty-Mam-Doue en Kerfeunteun · A. de Kerangal
La Mère - de - Dieu (Ty-Mam-Doue). La chapelle Ty-Mam-Doué ou de la Maison de la Mère de Dieu, située à trois kilomètres de Quimper, faisait autrefois partie de la paroisse de Cuzon, mais a été réunie depuis le Concordat à celle de Kerfeunteun. Cette chapelle est un lieu de pèlerinage fort fréquenté, tout particulièrement par les habitants de Quimper, tant à cause de sa proximité de la ville, qu'à raison de la dévotion traditionnelle qui, de temps immémorial, s'est manifestée en ce lieu, en l'honneur de la Mère de Dieu. A quelle époque faut-il faire remonter les origines de cet oratoire? C'est ce qu'il n'est pas possible de préciser, et nous ne pouvons répondre à cette question que dune manière approximative. Un arrêt du Parlement de Bretagne rendu le l6 Avril 1556 nous apprend que l'an 1540, Pierre Kernechquivilic, lors sieur de Keranmanoir, sur le terrain duquel était bâtie la chapelle, « aurait permis aux paroissiens de Choeuzon de refaire et reconstruire de nouveau certaine chapelle appelée chapelle de la Mère de Dieu ». Le premier édifice était donc en ruine au commencement du xvie siècle, ce qui suppose une existence antérieure d'au moins deux siècles. Il serait dès lors permis de conclure que la première construction datait de la première partie du xive siècle, et si l'on rapproche cette date de celle de la translation de la maison de Nazareth à Lorette en 1295, et de la dénomination sous laquelle a été connu de tout temps l'oratoire de Kerfeunteun : Chapelle de Ia Maison de la Mère de Dieu, il ne sera pas téméraire d'avancer que la chapelle de Ty-Mam-Doue a été construite en mémoire de la translation miraculeuse de la maison où s'est accompli le mystère de la Maternité divine, et que cette construction date d'une époque rapprochée de ce grand événement. Cette conjecture est encore confirmée par l'existence des deux édifices séparés qui se voient en ce lieu de Keranmaner, dont l'un affecte la forme d'une simple maison convertie en oratoire [détruit en 1969] et l'autre est la chapelle proprement dite de la Maison de la Mère de Dieu. Il serait difficile d'expliquer autrement le voisinage si rapproché de ces deux édifices.
Le manoir noble de Keranmaner, sur les terres duquel était bâtie la chapelle, relevait de l'Evêque de Quimper, auquel il payait la dîme. Ce manoir était possédé en 1509, par Jean Le Scanff, veuf de Marguerite Noël ; En 1540, il appartenait, d'après l'arrêt cité plus haut, à Pierre Kernechquivilic, qui, en 1549, le délaissa, à titre de féage, à Jehan Furic, époux (en 1562) de demoiselle Jeanne Le Cleuziou ; mais cette cession était faite à condition « qu'il ne serait permis à nulle personne fors audit « Kernechquivilic avoir et mettre armoieries et intersignes de noblesse, sans le congé du dit Kernechquivilic, suivant lequel contrat le dit de Kernechquivilic aurait « fait apposer des armoieries au portail d'icelle chapelle « lesquelles y auraient tousjours esté au veu et sceu de tous les paroissiens et si longuement que le dit de Kerec nechquivilic a esté sieur du dit lieu de Keranmanoir ». Le sieur de Kernechquivilic ne figure pas dans l'armorial de M. de Courcy, et il serait inutile de rechercher ses armes au portail de la chapelle, car cette partie de l'édifice porte la date de 1592. Non obstant la réserve formelle de l'acte de cession, Jehan Furic avait fait apposer ses armoiries sur la chapelle ; mais aussitôt le sieur de Kernechquivilic les avait fait abattre, et en 1556, il remontrait au Parlement que la dite chapelle « était assise au fief de l'Evêque de Cornouaille, dedans lequel fief n'était permis d'avoir armoieries en bosse, si non audit Evêque et aux gentilshommes de la paroisse ; que le dit Furic était roturier et de basse condition, incapable de jouir des droits et prérogatives appartenant à gens extraits de noble lignée ».
Le premier Avril 1556, un arrêt du Parlement reconnut le bien fondé de la réclamation et condamna le sieur Furic à l'amende et aux dépens. Le sieurs Furic furent, du reste, à diverses reprises déboutés de leurs prétentions à la noblesse, ce qui n'empêche pas que leurs armes soient les seules qui se voient de nos jours dans la chapelle de la Mère-de-Dieu. Elles sont sculptées en bois sur la tribune, qui date vraisemblablement de 1592 comme le portail, et portent dazur à trois croisettes au pied fiché et haussé dor. Les Furic demeurèrent propriétaires de Keranmanoir, de 1547 au commencement du XVIIIe siècle ; car après Jehan Furic, qui figure comme possesseur en 1547-1562, nous trouvons mentionnés en 1604, comme seigneurs de Keranmanoir, « nobles gens Yves Furic, Guillaume Furic et autres » ; et en 1681, « la dame Marie du Stangier, veuve de noble homme Ignace Furic ». Nous devons avouer que c'est de leur temps, et grâce sans doute à leur générosité, que fut rebâtie presque totalement la chapelle.
Grande chapelle actuelle
Elle est d'un très heureux effet, surtout vue à travers les arbres du placître. Ce qui lui donne particulièrement du pittoresque, c'est son petit clocher si singulièrement campé sur un contrefort d'angle, orné de niches et de dais, la belle porte sculptée et feuillagée à côté de ce contrefort, la fenêtre et le grand pignon du transept Sud et les pignons aigus de l'abside. Au-dessus de cette porte ornementée, se lit la date de cette partie de la construction, écrite en caractères gothiques sur un cartouche tenu par deux petits personnages.
Cette légende, avec ses abréviations, est très difficile à déchiffrer ; la voici, d'après la dernière lecture qu'en a faite M. Lucien Lécureux :
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE Z BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
La petite porte Sud de la nef a été percée après coup, comme l'indique le style de son encadrement et de son fronton, et comme l'atteste l'inscription de la frise :
M.P. CORAY. RECTEVR . 1605
Le portail Ouest, donnant au bord de la route, est tout k fait dans la note gothique, et on est porté à lui attribuer la même date qu'au transept Midi et à l'abside, et cependant il serait de beaucoup postérieur d'après l'inscription que tient un ange sur une banderole à main droite de la porte :
PAX . VOBIS . 1592
De l'autre côté, un homme d'armes, en cariatide, porte une bannière ou enseigne fixée à une hampe ou branche à nœuds. Sur le côté Nord, nous trouvons une autre date :
INRI . O . MATER . DEI . MEMENTO . MEI . 1578
puis, du même côté, sur la porte :
MI . CONNAN . RECTEVR . 1621
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A l'intérieur, sans qu'il y ait grande richesse de style, on peut observer quelques curieuses particularités de construction, ainsi que deux ou trois piscines sculptées et moulurées. A gauche de l'entrée du chœur, sur un trône en chêne ouvragé, se trouve la statue vénérée de Notre-Dame, belle Vierge assise, ayant l'Enfant-Jésus debout sur ses genoux, et tenant dans la main droite une grande grappe de raisin. Cette statue est richement et noblement drapée. Les caractères de sa facture et les rapports qu'elle a avec la grande statue de Kerdévot semblent devoir lui assigner pour date l'époque de Louis XIII . En 1713, la terre de Keranmanoir appartenait aux enfants mineurs d'écuyer Germain Budos, sieur de Kerléan, dont est tuteur écuyer Hervé-Louis de Kerléan, - sieur de Poulguinan . Enfin, au moment de la Révolution, le propriétaire était le contre-amiral de Kerguélen-Trémarec. L'aveu rendu en 1775 spécifie le droit qu'avait le sieur de Kerguélen de faire exercer par ses fermiers « un droit de coutume sur toutes les denrées et marchandises qui s'y étaloient le jour du pardon » Il avait également dans la grande chapelle un banc avec ses armoiries ; ses armes se voyaient sur plusieurs portes des deux chapelles, et lors de la mort de sa femme, peu de temps avant la Révolution, M. de Kerguélen put ceindre la grande chapelle d'un cordon de deuil quil fit parsemer de ses armes.
Avant de raconter ce que devint la chapelle de la Mère-de-Dieu depuis la tourmente révolutionnaire, disons un mot de la grâce qu'y obtint le Vénérable Père Maunoir ; voici comment il raconte lui-même le fait dans la relation manuscrite qu'il a laissée des dix premières années de ses missions. « L'an 1630, je fus envoyé, dit-il, au collège de Quimper pour y professer la cinquième ; je ne pensais aucunement à me livrer aux travaux des missions de ce pays dont j'ignorais complètement la langue ; je me sentais plutôt poussé à obtenir de mes supérieurs d'être envoyé aux missions du Canada. Mais le Père Bernard, que je trouvais au collège, me fit un tel tableau du triste état du peuple d'Armorique, la rencontre que je fis à cette époque de M. Le Nobletz, ces diverses circonstances me portèrent à changer de sentiment. Sur ces entrefaites, comme j'allais un jour en pèlerinage visiter la chapelle de la Vierge que les habitants de ce pays appellent maison de la Mère de Dieu, je me sentis fortement porté à apprendre la langue bretonne, et il me sembla en même temps voir en mon esprit se dérouler tous les desseins de Dieu pour l'évangélisation des quatre diocèses de la Basse-Bretagne. Entré dans la chapelle, prosterné aux pieds de la sainte Mère de Dieu, je lui ouvris mon cœur et lui communiquais ce dessein que m'inspirait l'Esprit-Saint, la priant de le bénir et de faire que, pour la gloire de son fils, je puisse apprendre la langue bretonne. Cependant, devant les objections qui me furent faites touchant les difficultés extraordinaires qu'offrait l'étude de cette langue et le dommage qui en résulterait pour des études d'une toute autre importance, je résolus de ne rien entreprendre sans l'agrément du R. P. Provincial Barthélemy Jacquinot. « Grâce aux instances du Père Bernard, ia permission d'apprendre le breton me fut accordée le jour de la Pentecôte, et le ciel seconda si bien mon ardeur que, confiant dans la bonté et la puissance divine, le mardi suivant je fis le catéchisme au peuple en cette langue, et six semaines après je pus commencer à prêcher sans préparation écrite, gràce que Dieu m'a conservée jusqu'à ce jour. » C'est cette faveur vraiment extraordinaire que rappelle la belle fresque de M. Yan' Dargent à la cathédrale, près la porte de la sacristie,
Au moment de la Révolution, la terre de Keranmaner, appartenant à un des officiers les plus distingués de Ia Marine française, ne fut pas mise sous le sequestre, malgré l'absence du propriétaire, et la vente en fut faite au nom du contre-amiral de Kerguelen, au sieur Poullain, par acte du 28 Germinal, an IV.
Quant aux deux chapelles, elles avaient été vendues nationalement l'année précédente, le 8 Floréal, an III, à Louis Ollivier, du village de Kergariou, pour la somme de 3.150 fr. en assignats. Louis Ollivier, comme il le déclara lui-même devant la Municipalité de Kerfeunteun, le 5 Février 1806, n'avait fait cette acquisition que des deniers provenant de la libéralité des habitants de Ia commune et de beaucoup d'autres citoyens qui avaient une dévotion particulière pour cette chapelle » et dans l'intention de la faire rendre au culte dans des temps meilleurs. C'est dans ce but que le sieur Ollivier faisait don de la chapelle de la Mère-de-Dieu à la paroisse de Kerfeunteun par acte du 29 Août 1807. M. Vistorte, alors recteur de Kerfeunteun, voulut s'occuper immédiatement de la restauration de la chapelle. Mais à ce moment Keranmanoir appartenait à un nouveau propriétaire qui en avait fait l'acquisition l'an X, du sieur Poullain, et le nouveau venu prétendait que les pierres seules des chapelles, et non îe fonds, avaient été vendues au sieur Ollivier, et que dès lors il devait en débarrasser au plus tôt son terrain. Les Archives départementales (1) possèdent la lettre en forme de mémoire que le nouveau propriétaire écrivait au Préfet, le 4 Février 1812, pour soutenir le bien fondé de ses prétentions. Nous allons en citer les principaux passages, car quoique ce factum soit écrit dans un très mauvais esprit, il constate assez clairement la vénération profonde qui avait survécu à la tourmente révolutionnaire pour ce lieu de pèlerinage. Après avoir dit que les chapelles avaient été vendues seulement pour les pierres, à Louis Ollivier, l'auteur du factum ajoute : « Je viens d'apprendre que le sieur Vistorte, recteur se mettant aujourd'hui au lieu et place de l'acquéreur, profitant de l'embarras dans lequel m'avait jeté l'incendie que j'éprouvais le 1er Mai 1809, fit dans le courant de Juin réparer la petite chapelle et se dispose à réédifier la grande, qui n'est aujourd'hui qu'une misérable mazure à laquelle la simonie de ce curé rassemble tous les ans dans Ie courant de tout le carême particulièrement, une populace très nombreuse et très accablante, sous le prétexte spécieux de superstitieux miracles. « Oui, M. le Préfet, lorsque l'acquéreur du 8 floréal fit l'acquisition de ces matériaux, il était bien dans l'intention de les enlever pour réédifier les édifices de son domaine de Kergariou.[...]
Comme avant la Révolution, les habitants de Quimper et de Kerfeunteun reprirent avec plus d'empressement que jamais leurs pieuses visites à la Mère-de-Dieu, surtout pendant le Carême. Les dimanches, ils y venaient pour les vêpres, les jeudis, ils y amenaient leurs enfants pour la promenade des jours de congé, les vendredis, les paroissiens s'y rendaient nombreux pour faire l'exercice du chemin de la Croix et s'approcher des sacrements. Ces dévots usages se continuent encore aujourd'hui ; Mgr Sergent, de vénérée mémoire, ne manquait jamais d'y venir dire la messe, chaque année, pendant le Carême. Plusieurs pensionnats et congrégations de Quimper y viennent, tous les ans, se mettre sous la protection de la Mère de Dieu. Marie se plaît, comme autrefois, à écouter là ses enfants et à exaucer leurs prières. Les nombreux ex-voto qui entourent la statue en sont la meilleure preuve."
— ROSMORDUC (comte de) 1901 Papier contenant les naissances des enfants du sieur (Furic) de Keranmanoir et leurs mariages (1539-1596) ; document inédit. Bull. SAF
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1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
"Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)