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25 août 2015 2 25 /08 /août /2015 15:44

Les vitraux du XIIIe siècle de la cathédrale de Tours. Baie 214, légende de saint Eustache.

Ayant découvert la figure de saint Eustache traversant le fleuve lors de ma visite de la cathédrale d'Angers, puis m'étant attardé à l'iconographie de la Vision de saint Hubert à Beauvais puis à Amboise (Hubert est un avatar d'Eustache), c'est avec gourmandise que je me tordis le cou lors de ma visite de la cathédrale Saint-Gatien de Tours pour explorer, dans la partie méridionale des baies (très) hautes du chœur la baie 214 consacrée à saint Eustache.

Iconographie de saint Christophe à la cathédrale d'Angers II. La baie 117 d'André Robin. Saint Eustache et la traversée de rivière. (1451)

Le linteau du portail de la Chapelle Saint-Hubert du château d' Amboise (1493).

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Les photographies sont rendues difficiles pour un touriste amateur en raison d'une part de la distance, d'autre part de l'obliquité de l'angle de vue, et enfin de l'éclairage intérieur qui éclaire le sertissage au plomb et le remplage de pierre au détriment de la lumière traversant la vitre.

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Présentation.

Le chœur de la cathédrale de Tours est éclairé par un ensemble de quinze grandes verrières hautes numérotées (Corpus Vitrearum) de 200 à 214 et réalisées au 3ème quart du XIIIe siècle, au dessus d'un triforium ajouré et vitré. Leur réseau et leurs thèmes s'inspirent de la Sainte-Chapelle de Paris (1243-1248). L'ensemble du chœur était achevé en 1280.

Si la baie 200 est consacrée à la Passion, la baie 205 aux évêques de Tours et la baie 206 aux évêques de Loches, les autres sont consacrées à des thèmes légendaires et hagiographiques : récit de la Création (207), de l'Arbre de Jessé et de l'Enfance du Christ (202), vies de saint Maurice (201), de saint Pierre (203), de saint Martin (204), de saint Julien (208), de saint Nicolas (209), de saint Jacques (210), de saint Denis et saint Vincent (211), des deux saints Jean (212), de saint Thomas et saint Étienne (213), et enfin de saint Eustache (214).

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La baie 214 réunit 4 lancettes trilobées et réparties en deux  lancettes doubles et leur quadrilobe apical. Si on y ajoute le tympan et son hexalobes, l'ensemble atteint 10,50 m de haut et 3,20 m de large. La verrière est datée du 3ème quart du XIIIème siècle.

Chaque lancette étant organisées en 6 registres, ce sont au total 24 compartiments hexagonaux séparés par des fermaillets qui racontent la vie légendée de saint Eustache. Le bleu (principalement pour le ciel) et le rouge (surtout pour les vêtements) prédominent largement sur le vert, le jaune, le pourpre et le blanc. La verrière a été restaurée, notamment par Bourassé en 1846.

On trouve des verrières de la vie de saint Eustache à Chartres (baie 43 datant de 1210)...

http://www.vitraux-chartres.fr/vitraux/43_vitrail_vie_st_eustache/index.htm

...et à la cathédrale de Sens (1200-1210) 

https://cem.revues.org/11639

...sur  un vitrail plus tardif le représentant avec saint Christophe, à Angers.

...ou à l'église Saint-Etienne de Beauvais (baie 18, 2ème moitié XVIe siècle) :

http://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/Beauvais/Beauvais-eStEtienne_v26.htm

 

 

Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

 

Le vitrail pas à pas.

J'ai accompagné les photos du texte de la Légende dorée de Jacques de Voragine, parue en latin entre 1261 et 1266, puis traduite en français par Jean de Vignay au plus tard en 1348. J'utilise ici la traduction de 1902 du chanoine Jean-Marie Roze, la plus accessible en ligne, mais qui n'a pas ma préférence par son ton dévot et surrané. On verra cependant ainsi que les artistes ont suivi assez scrupuleusement le texte.

La Vie de saint Eustache avait été écrite en français en 1726 octosyllabes par Pierre de Beauvais entre 1180 et 1212, et celui-ci se serait basé sur un manuscrit de Saint-Denis.

Une analyse plus contemporaine est disponible sur Wikipédia 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Eustache_de_Rome

 

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Hexagones 1 et 2. Placide, commandant de l'armée de Trajan, chasse le cerf.

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"Eustache s'appelait d'abord Placide. C'était le commandant des soldats de l’empereur Trajan. Bien que adonné au culte des idoles, il pratiquait avec grande assiduité les oeuvres de miséricorde. Il avait une épouse idolâtre et miséricordieuse comme lui; il en eut deux fils qu'il éleva selon son rang, avec une magnificence extraordinaire; comme il se faisait un devoir de s'adonner aux oeuvres de miséricorde, il mérita d'être dirigé dans la voie de la vérité. Un jour en effet qu'il se livrait à la chasse, il rencontra un troupeau de cerfs, au milieu desquels il en remarqua un plus beau et plus grand que lés autres, qui se détacha pour gagner une forêt plus vaste. Tandis que les autres militaires courent après les cerfs, Placide poursuit celui-ci de tous ses efforts et s'attache à le prendre. "

 

 

Hexagones 1 & 2, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 1 & 2, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagones 3 et 4 : le Christ lui apparaît entre les bois d'un cerf.

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"Comme il le suivait avec acharnement, le cerf parvient enfin à gravir la cime d'un rocher; Placide s'approche et songe aux moyens de ne pas le manquer; or, pendant qu'il considère, le cerf avec attention, il voit au milieu de ses bois la figure de la Sainte Croix plus resplendissante que les rayons du soleil, et l’image de J.-C., qui lui adresse ces paroles parla bouche du cerf, comme autrefois parla l’ânesse de Balaam : « Placide, pourquoi me persécutes-tu? C'est par bonté pour toi que je t'apparais sur cet animal. Je suis le Christ que tu honores sans le savoir : tes aumônes ont monté devant moi, et voilà pourquoi je suis venu; c'est pour te chasser moi-même par le moyen de ce cerf que tu courais. » D'autres auteurs disent pourtant que ce fut l’image qui lui apparut entre les bois dit cerf qui proféra ces paroles. En entendant cela, Placide, grandement saisi, tomba de son cheval; revenu à lui après une heure, il se releva et dit : « Faites-moi comprendre ce que vous me dites et alors je croirai en vous. » J.-C. lui dit : « Placide, je suis le Christ qui ai créé le ciel et la terre, qui ai fait jaillir, la lumière et l’ai séparée des ténèbres; j'ai réglé le temps, les jours et les années; j'ai formé l’homme du limon de la terre; pour sauver le genre humain, je suis apparu ici-bas avec un corps, et après avoir été crucifié et enseveli, je suis ressuscité le troisième jour. » A ces mots, Placide tomba de nouveau sur terre et dit : « Je crois, Seigneur, que c'est vous qui avez tout fait, et que vous ramenez ceux qui s'égarent. » Alors le Seigneur lui dit : « Si tu crois, va, trouver l’évêque de la ville, et fais-toi baptiser. » « Voulez-vous, répondit Placide, que j'annonce ces vérités à ma femme et à mes fils, afin qu'eux aussi croient en vous? » Le Seigneur lui dit : « Informe-les, afin qu'ils soient purifiés comme toi : mais reviens ici demain, je t'apparaîtrai de nouveau pour te dévoiler plus amplement l’avenir. "

Hexagones 3 & 4, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 3 & 4, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagones 5 et 6. Placide se convertit, il est baptisé sous le nom d'Eustache devant sa femme et ses enfants.

"Quand il fut rentré à sa maison et qu'il eut rapporté ces merveilles à son épouse, au lit, celle-ci s'écria en disant : « Mon Seigneur, et moi aussi, la nuit passée, je l’ai vu et il  m’a dit : « Demain ton mari, tes fils et toi, vous viendrez à moi : Je reconnais maintenant que c'est Jésus-Christ. » Ils allèrent donc, an milieu de la nuit, trouver l’évêque de Rome qui les baptisa en grande joie, et qui donna à Placide le nom d'Eustache, à sa femme celui de Théospita et à ses fils ceux d'Agapet et de Théospite. Le matin arrivé; Eustache se rendit à la chasse, comme la veille, et parvenu au même endroit, il fit aller de divers côtés ses soldats, sous prétexte de dépister le gibier, et restant à la place où il avait eu la première vision, il eu eut une seconde : alors tombant le visage contre terre, il dit : « Je vous supplie, Seigneur, de manifester à votre serviteur ce que vous lui avez promis. » Tu es bienheureux, lui répondit le Seigneur, d'avoir reçu le bain de ma grâce, parce que tu as alors vaincu le diable. Tu viens de fouler aux pieds celui qui t'avait déçu. Tu vas montrer maintenant ta foi : car pour l’avoir abandonné, le diable va te livrer de grands combats : il faut donc que tu supportes de rudes épreuves afin de recevoir la couronne de la victoire. Il faut que tu souffres beaucoup afin que déchu de vaines grandeurs du monde, tu sois humilié, pour, être élevé plus tard aux honneurs spirituels. Ne faiblis donc pas : ne reporte pas la vue sur ta gloire passée, car il faut que, par la voie des tentations, tu te montres un autre Job. Cependant quand tu auras été humilié, je viendrai à toi, et; te rendrai ta gloire première. Dis-moi donc, si tu veux accepter les tentations à présent ou à la fin de ta vie? » Eustache répondit: « Seigneur, s'il faut qu'il en soit ainsi, à l’instant commandez que les tentations nous éprouvent, mais donnez-nous la vertu de patience. » Ne perds pas courage, reprit le Seigneur ; ma grâce en effet gardera vos âmes. » Alors le Seigneur monta an ciel, et Eustache revint chez lui donner ces nouvelles à sa femme."

 

Hexagones 5 & 6, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 5 & 6, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagone 7 : Eustache et sa famille, ruinés par les brigands, fuient en Égypte.

Hexagone 8 : Ils partent en bateau.

 

"Quelques jours s'étant écoulés, la mort, sous la forme d'une peste, se déchaînant sur tous ses serviteurs et ses servantes, les moissonna tous : peu de temps après, tous ses chevaux et tous ses troupeaux moururent subitement. Alors des scélérats, voyant ces ravages, se ruèrent pendant la nuit sur sa maison, emportèrent tout ce qu'ils trouvèrent, et pillèrent l’or, l’argent et tous ses autres biens : lui-même, avec sa femme et ses fils, rendit grâces à Dieu et s'enfuit tout nu.: pour échapper à la honte, ils allèrent en Egypte. Tout ce qu'il possédait fut anéanti par la rapine des méchants. L'empereur et le sénat entier regrettaient beaucoup la perte d'un général aussi distingué, sur lequel on ne pouvait obtenir aucun renseignement. Après avoir fait quelque chemin, les fugitifs arrivèrent à la mer où ayant trouvé un vaisseau, ils s'embarquèrent. "

Désolé pour la photo floue...

Hexagones 7 & 8, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 7 & 8, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagone 9 : Les marins chassent saint Eustache et gardent sa femme.

Hexagone 10 : Eustache et ses fils continuent le voyage.

 

"Alors le maître du navire, voyant que la femme d'Eustache était fort belle, conçut un grand désir de la posséder. Après la traversée, il exigea d'Eustache le prix du passage, et comme ils n'avaient pas d'argent, il ordonna que cette femme fût retenue pour payement, dans la conviction de l’avoir à soi. Eustache, informé de cela, refusa absolument d'y consentir, et comme il persistait, le maître fit signe à ses matelots de le précipiter dans la mer; afin de pouvoir ainsi posséder sa femme. Eustache, qui s'aperçut de cela, leur abandonna sa femme tout désolé, et prenant ses deux enfants, il s'eri alla en versant des larmes : « Malheur à moi et à vous, dit-il, car votre mère est livrée à un mari étranger! » 

Hexagones 9 & 10,  Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 9 & 10, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagone 11 : ses enfants sont enlevés par un lion et par un loup au bord du fleuve.

Hexagone 12 : les enfants sont sauvés par deux homme mais Eustache l'ignore.

 

"Parvenu sur les bords d'un fleuve, il n'osa le passer avec ses deux fils à la fois, parce qu'il y avait beaucoup d'eau; mais en en laissant un sur la rive, il se mit en devoir de transporter l’autre; quand il eut passé le fleuve à gué, il posa par terre l’enfant qu'il avait porté, et se hâta de venir prendre l’autre. Il était au milieu du fleuve, lorsqu'un loup accourut tout à coup, saisit l’enfant qu'il venait de mettre sur la rive, et s'enfuit dans la forêt. Eustache, qui n'espérait pas le sauver, courut à l’autre : mais en y allant survint un lion qui s'empara du petit enfant et s'en alla. Or, comme il ne pouvait l’atteindre, puisqu'il n'était encore qu'au milieu du fleuve, il se mit à gémir et à s'arracher les cheveux. Il se serait laissé noyer, si la divine providence ne l’eut retenu. Des bergers, qui virent le lion emporter un enfant vivant, le poursuivirent avec leurs chiens, et Dieu permit que l’animal lâchât sa proie sans lui avoir fait aucun mal. D'un autre côté, des laboureurs se mirent à crier après le loup et délivrèrent de sa gueule l’autre enfant aussi sain et sauf. Or, bergers et laboureurs, tous étaient du même village et ils nourrirent les enfants chez eux. Eustache de son côté ignorait cela ; alors il s'en alla bien triste. "

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Hexagones 11 & 12, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 11 & 12, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagones 13 et 14 : Eustache devient berger. Quinze ans plus tard, deux légats de l'empereur, partis à sa recherche, le reconnaissent.

 

« Quel malheur pour moi ! disait-il en pleurant; il y a peu de temps, j'étais beau comme un arbre, couvert de fruits et de feuilles; aujourd'hui je suis tout dépouillé ! Que je suis malheureux! j'étais entouré de soldats, et aujourd'hui je suis réduit à rester seul, n'ayant pas même la consolation de posséder mes enfants auprès de moi ! Je me souviens, Seigneur, que vous  m’avez dit que je serais tenté comme Job, mais je vois que je suis traité plus durement encore. Dépouillé de tous ses biens, il avait au moins un fumier sur lequel il pût s'asseoir ; mais moi, il ne me reste pas même rien qui ressemble à cela. Il eut des amis qui compatissaient à sa position, pour moi, je n'ai eu que des bêtes féroces, qui  m’ont enlevé mes enfants : sa femme lui fut laissée, la mienne  m’a été ravie. Mettez fin, Seigneur, à mes tribulations; et placez une garde à ma bouche dans la crainte que mon coeur se laisse aller à des paroles de malice, et que je mérite d'être rejeté de devant votre face. »

"Etouffé par ses sanglots, il alla dans un hameau où s'étant mis à gage, il garda les champs des habitants, l’espace de quinze ans ; quant à ses fils, ils furent élevés dans un autre village, sans savoir qu'ils fussent frères. Le Seigneur conserva aussi la femme d'Eustache, et l’étranger ne la connut pas; au contraire il la renvoya intacte, après quoi il mourut.

Or, l’empereur et le peuple romain étaient fort inquiétés par les ennemis. L'empereur, qui se rappela Placide et les victoires que souvent il avait remportées par lui sur les ennemis, s'attristait singulièrement du changement survenu à la suite de sa disparition inattendue; il envoya donc des soldats dans les différentes parties du monde, en promettant de grandes richesses et des honneurs à ceux qui l’auraient trouvé. "

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Hexagones 13 & 14, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 13 & 14, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagones 15 et 16 : Eustache est conduit devant l'empereur.

 

"Or, deux soldats, qui avaient servi sous Placide, arrivèrent au village où il demeurait. Placide qui, du champ où il se trouvait, les aperçut venir, les reconnut aussitôt à leur démarche, et le souvenir de sa dignité lui revenant à la mémoire, il en fut troublé : « Seigneur, dit-il, de même que, contre tout espoir, je viens de voir ceux qui ont vécu autrefois avec moi, faites aussi qu'un jour je puisse voir ainsi ma femme ; car, pour mes enfants, je sais qu'ils ont été dévorés par les bêtes féroces. » Alors il entendit une voix lui dire : « Confiance, Eustache, dans peu tu seras rétabli dans tes honneurs, et tu retrouveras ta femme. » Il s'avança vers les soldats qui ne le reconnurent point; mais après l’avoir salué, ils lui demandèrent s'il connaissait un étranger nommé Placide, qui avait une femme et deux enfants. Il avoua n'en rien savoir ; cependant sur la prière qu'il leur en fit, ils vinrent au logis et Eustache les servit. En se rappelant son ancienne position, il ne pouvait contenir ses larmes : Il fut forcé de sortir pour se laver le visage et revint les servir. Mais les soldats, qui le considéraient, se disaient l’un à l’autre: « Quelle ressemblance frappante entre cet homme et celui que nous cherchons! »   L'un d'eux dit : « Oui, il lui ressemble beaucoup; examinons donc;  s'il porte à la tète la cicatrice dune blessure qu'il a reçue à la guerre, c'est lui. » Ils examinèrent et ayant distingué cette marque, ils furent convaincus dès l’instant que c'était celui-là même qu'ils cherchaient. Ils se jetèrent à son cou pour l’embrasser, et s'informèrent de sa femme et de ses fils. Eustache leur dit que ses fils étaient morts et sa femme captive. Or, les voisins vinrent tous voir ce qui se passait, les soldats ne manquèrent pas de vanter son courage et de publier la gloire qu'il s'était acquise : alors ils lui mettent sous les yeux l’ordre de l’empereur, et le revêtent d'habits précieux. Après quinze jours de marche, ils arrivèrent auprès de l’empereur qui, à cette nouvelle, vint au-devant d'Eustache. Il ne l’eut pas plus tôt vu qu'il se jeta à son cou pour l’embrasser. Eustache raconta alors tout ce qui lui était arrivé aussitôt après, ou l’entraîna au ministère de la guerre et on le contraignit à reprendre ses anciennes fonctions."

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Hexagones 15 & 16, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 15 & 16, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagones 17 et 18 : Eustache redevient général. Il retrouve ses fils en levant des troupes et ils combattent ensemble.

 

" Quand il eut compté ses soldats, et qu'il eut vu qu'ils étaient en trop petit nombre relativement à la multitude des ennemis, il fit lever des recrues dans les jeunes gens de toutes les villes et des bourgades. Or, le pays oit avaient été élevés ses enfants eut à fournir deux jeunes soldats. Tous les habitants de l’endroit désignèrent au commandant militaire les deux fils d'Eustache comme les plus aptes au service. Eustache, qui vit deux jeunes gens de bonne mine et d'un extérieur distingué, conçut pour eux une, singulière affection, et leur donna les premières places à sa table. Il partit donc pour la guerre, enfonça les bataillons ennemis, et fit reposer son armée durant trois. jours, dans l’endroit où sa femme était une pauvre hôtelière. "

Hexagones 17 & 18, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 17 & 18, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagone 19 : deux soldats jouant aux échecs se reconnaissent frères.

Hexagone 20 : Eustache reconnaît sa femme devenue servante et lavant le linge.

 

"Or, par une permission de Dieu, les deux jeunes gens furent logés dans la maison de leur mère, sans qu'ils sussent qui elle était. Comme, ils se reposaient sur le midi, et qu'ils s'entretenaient ensemble, ils vinrent à parler de leur enfance, de leur mère assise près de là, elle écoutait avec attention ce qu'ils se racontaient l’un à l’autre. L'aîné disait au plus jeune « Moi, de ma jeunesse, je ne. me rappelle rien autre chose, sinon que mon père était général d'armée, et que ma mère avait une rare, beauté : ils eurent deux fils, moi et un plus jeune encore, qui lui aussi était remarquablement beau. Ils nous prirent et partirent une nuit de notre maison, puis ils s'embarquèrent, mais, j'ignore où ils allaient. Comme nous débarquions, je ne sais comme il se fit que notre mère resta sur le navire, et notre père s'en alla, nous portant tous les deux et pleurant. Arrivé sur le bord d'un fleuve, il le passa avec mon jeune frère et me laissa sur la rive : mais comme il revenait pour me prendre, un loup survint et enleva mon frère; mon père était encore loin de moi, quand un lion sorti de la forêt me saisit et m'emporte dans le bois, mais des bergers  m’arrachèrent de la gueule du lion, et je fus élevé dans la maison que tu connais; je n'ai pu savoir depuis ce qu'était devenu mon père ainsi que le petit enfant. » A ce récit, le cadet se prit à pleurer et à dire : « Par Dieu ! d'après ce que j'entends, je suis ton frère, puisque ceux qui  m’ont élevé me disaient aussi : « Tous t'avons arraché à un loup. » Ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, et s'embrassèrent en pleurant.

La mère qui entendait cela et qui reconnaissait dans ce récit toutes les circonstances de ce qui lui était arrivé, pensa longtemps à part soi que ce pourrait bien être ses enfants. Le lendemain donc, elle alla trouver le général d'armée et lui adressa la parole en ces termes . « Je vous prie, seigneur, de me faire reconduire dans ma patrie; carie suis du pays des Romains et étrangère ici. » En parlant, elle vit sur lui les cicatrices que portait son mari; alors elle le reconnut et sans pouvoir se contenir, elle se jeta à ses pieds en' disant : « Je vous- en prie, seigneur, racontez-moi ce que vous faisiez autrefois ; car je pense que vous êtes Placide, général d'armée ; vous avez aussi un autre nom qui est Eustache ; ce Placide, le Sauveur l’a converti; il a subi telle et telle épreuve; c'est moi qui suis sa femme, j'ai été enlevée sur mer; j'ai été préservée de toute souillure ; c'est moi qui ai eu deux fils, Agapet et Théopiste. » En entendant ce récit, Eustache la considère attentivement et reconnaît en elle son épouse : alors versant des larmes de joie, il l’embrassa en glorifiant Dieu le consolateur des affligés. Son épouse lui dit alors : « Seigneur, où sont nos enfants ? » « Ils ont été pris par des bêtes farouches, répondit-il. » Il lui raconta donc comment il les avait perdus. Sa femme lui dit : « Rendons grâces à Dieu, car je pense que comme il nous a donné, le bonheur de nous retrouver, il nous accordera encore celui de reconnaître nos enfants. » « Je vous ai dit, reprit Eustache, qu'ils ont été pris par des bêtes farouches. » Elle répondit : « Hier, comme j'étais assise dans le jardin,  j'ai entendu deux jeunes gens raconter l’histoire de leur enfance de telle et telle façon, et je crois que ce sont nos enfants ; interrogez-les donc, et ils vous la diront eux-mêmes. » Alors Eustache les manda et après avoir appris ce qui se rapportait à leur enfance, il reconnut que c'étaient ses fils. Lui et sa femme les embrassent en versant un torrent de larmes et les tinrent longtemps sur leur coeur. L'armée entière était au comble de la joie de ce que ces enfants étaient retrouvés et de ce que les barbares avaient été vaincus."

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Hexagones 19 & 20, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 19 & 20, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagones 21 et 22 : Eustache et sa famille sont sommés par l'empereur d'adorer les dieux romains.

 

" A son retour, Eustache trouva Trajan mort, et ayant pour successeur Adrien, homme plus scélérat encore. En raison de la victoire qu'Eustache avait remportée, comme aussi à l’occasion de la rencontre que ce général avait faite de sa femme et de ses fils, l’empereur les reçut avec magnificence et fit préparer un grand festin. Le lendemain, il alla au temple des idoles afin d'offrir un sacrifice pour la victoire remportée sur les barbares. Or, l’empereur voyant qu'Eustache ne voulait pas sacrifier ni pour la victoire qu'il avait remportée, ni à l’occasion de la découverte de sa famille, l’exhortait cependant à le faire. "

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Hexagones 21 & 22, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 21 & 22, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Hexagones 23 et 24 : ils refusent : l'empereur les fait supplicier dans un taureau d'airain rougi au feu.

 

"Mais Eustache lui dit: « Le Dieu que j'adore, c'est Jésus-Christ., et je n'offre de sacrifices qu'à lui seul. » Alors l’empereur, en colère, ordonna de les exposer dans le cirque avec sa femme et ses enfants, et fit lâcher contre eux un lion féroce. Le lion accourut, et baissant la tête comme s'il eût. adoré ces saints personnages il s'éloigna d'eux humblement. L'empereur ordonna aussitôt de faire rougir au feu un taureau d'airain, et commanda de les y jeter tout vifs. Les saints se mirent donc en prières et se recommandant à Dieu, ils entrèrent dans le taureau où ils rendirent leur âme au Seigneur. Trois jours après, on les en tira en présence de l’empereur; et on les retrouva intacts au point que pas même leurs cheveux, ni aucune partie de leurs membres n'avait été atteinte par l’action du feu. Les chrétiens prirent leurs corps et les ensevelirent en un endroit fort célèbre où ils construisirent un oratoire. Ils pâtirent sous Adrien qui commença à régner vers l’an du Seigneur 120, aux calendes de, novembre, ou, d'après quelques auteurs, le douze des calendes d'octobre (20 septembre)."

 

 

Hexagones 23 & 24, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagones 23 & 24, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Rose à oculus, Tympan, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Rose à oculus, Tympan, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

ANALYSES DE TROIS MÉDAILLONS ET D'UN TEXTE.

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Je souhaite mettre l'accent sur trois images, qui correspondent à des scènes archetypales dont l'illustration est stéréotypée et qui trouvent leurs racines dans des éléments légendaires ancestrales : 

  • le motif du cerf crucifère
  • le motif de l'aporie au milieu de la rivière, et de la déreliction absolue.
  • le motif de la reconnaissance ou anagnorisis.

Je voudrais aussi focaliser l'attention sur un passage du texte de la Légende, qui n'a pas de traduction graphique, mais qui mérite une réflexion.

Ayant sacrifié pour la partie qui précède à la facilité presque vulgaire en citant le texte de J.M. Roze, afin de mieux partager mon admiration pour les vitraux, je vais tenter maintenant d'explorer les textes-sources dont disposèrent les artistes médiévaux et de faire partager mon amour de l'ancien et du moyen français. Mais comme je suis incompétent, et que j'éprouve beaucoup de difficultés à déchiffrer les dits textes, dont la transcription a été publiée mais n'est pas accessible en ligne, il va falloir beaucoup me pardonner, car je vais beaucoup pécher et fauter.

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1°) Médaillon 4, le cerf portant le visage du Christ.

La particularité du vitrail de Tours est que l'artiste a choisi de représenter dans les bois du cerf non pas une croix, mais le visage même du Christ (au nimbe crucifère), ce qui confère à l'apparition une force que n'ont pas les images, plus respectueuse du texte, où le cerf porte un crucifix ou une croix.

C'est devant la verrière de Louis de Roncherolles à la cathédrale de Beauvais que j'ai pris conscience, devant l'association de trois scènes de face-à-face avec le Christ (celles de saint François recevant les stigmates, de saint Christophe portant Jésus, et de la Vision de saint Hubert), que la Vision de saint Hubert — ou de saint Eustache— témoigne de la force bouleversante d'une rencontre interpersonnelle. Celle d'un visage et celle d'une parole. 

L'échange de paroles ne peut être représenté en image, et l'échange de regard ne peut l'être qu'imparfaitement, mais le texte est explicite : le Christ interpelle Eustache et le sollicite personnellement pour qu'il se mette à son service. Puis il lui annonce qu'il devra subir des épreuves ("tentations"), avant  de conclure une alliance par laquelle il lui promet de lui rendre "sa première honneur et sa première gloire".

C'est cette rencontre, ce sont ces engagements réciproques qui vont être les moteurs dramatiques du récit.

Je livre mon brouillon de la transcription du texte de Jean Belet :

Vassal de sa musardie, tot autressi mostra il a cestui entre les cornes del cerf le signe de la veraie croiz, plus cler et plus resplandissant que li rais del soleill, e en milieu des cornes himage nostre seigneur Jhesu Crist qui fist le cerf parler en guise d'omme et apela Placidas si li dist. Placidas por quoi vas tu encontre moi ? que me demandes tu ? vois que por l'amour de toi sui je venus en ceste beste (pour) que tu me voies et que tu me connaisses. Je suis Jhesu Crist que tu sers et si n'en sez mot. Je ai bien veu tes aumones que tu fais chacun jour aus povres et aus besongneus et me sui venus a toi monstrer entre les cornes de ce cerf et je bee à faire de toi ma proie : tu ne lieras ne ne prendras le cerf, mes je t'en menrai pris et lié car il n'est droit ne raison que mes amis qui tant a fait de bonnes œuvres serve des ore en avant les teables ne quil a oute les rtoles qui nont sens ne savoir ne secours ne aux pour ce vingie en terre le monde sauver en tel semblance comme t en puet xcoir .

Quand le mestre des chevaliers or ce oi d ser balumse durement et chay te la paour que il or de son cheval a terre et mit il fu revenu et il or son cuer repris. Il se dressa et vote xeoir plus ententivement la merveille qui li estoit apparue, si dist entre ses dents quelle merveille et quelle vision est ce que j'ai veue. Biau sire desaievure et remonstre ce que tu dis se tu veuls que je crois en toi. Lors nostre sires li dise entenramoi  "Placidas je sui crist qui deneent fis le ciel et la terre je fis le iour je fis la nuit, je fis clarté je fis ténebres ; je fis l'aube crevant et le soleil vaiant ; je fis la lune pour la miur en lumines estoiles pour le ciel a ourn je establi le temps et les ans et les jours et les mois. Je sin al qui font ma homme et terre. Je sui ensevelis et liez et crucifiez et vesus dddd au tiers iour de mosraine"

Quand Placidas l'oï, il chaï de rechef a terre tout estendu et puis lapela et dist : « biau sire ie crois bien que tu es cil qui toutes choses feis et qui ravoies les resudiez a droite voie. Placidas dist notre sires se tu ce creoiesras al la cite et escoute levesque de crestiens et fi li demandes le sacrement de baptesme. Se tu le commandes je renoncerai tot ce a ma femme et a mes enfans que je umieli quil croient en toi. – dist notre sires ce li leur renonces et puis recevez tous ensemble le sacrement de sainte eglise ce est a dire de baptesme et vous retranchez de la mauvaise vie que vos avez mené jusqu' alors.

....et de lui mettre sous piez pour moi servir a gré et por mamour garder qui au empereur de paav durable empire.  Car il convient que tu soies temptez aussi comme fut Job et que tu vainques le deable par fine pascience or te garder bien que tu ne penses mauvestie et que tu ne soies deceus ne en sens ne en folie ne en pensée. Car comme tu seras enbien humiliez je revendrai a toi si te metrai la ou je te pris et te rendrai ta première honneur et ta première gloire."

Quant il eut dit cela  il s'en monta au ciel mais il dit avant à Eustache : « Veux-tu orendroit recevoir les tentations, ou en la fin de ta vie ? Prends à ton choix le quel que tu aimeras. Eustache lui respondi : « Je te prie biau sire dieux s'il est ainsi que je ne puisse eschuer ces tentations que tu m'as dejusecs. Commandes que elles mengnent presentement car je les aime mieux ore a souffrir, mes donne moi pooir et force de pascience que mes adversaires ne puist ou par fet ou par parolejeter de ta créance et bastonner mon cœur et ma pensée » . Nostre sire li respondi « Eustache sois fort et vainqueur. Car ma grâce sera toujours avec vous qui gardera vos âmes ».

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Hexagone 4, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagone 4, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

2°) Le médaillon 11, Eustache au milieu de la rivière.

J' ai déjà étudié cette scène à Angers : il s'agit d'une situation cauchemardesque où Eustache, au milieu du fleuve, alors qu'il vient de déposer son plus jeune fils sur la rive du fleuve et qu'il se prépare à faire passer l'aîné, voit le premier emporté par un loup, et le second emporté par un lion. 

La posture d'Eustache au milieu de l'eau témoigne de son impuissance radicale, et de sa radicale déréliction. L'invariance de l'iconographie témoigne de sa force d'expression. 

Eustache écartelé par sa double impuissance (dans un axe horizontal), au sommet de la courbe dessinée par les flots, les bras en croix, atteint le comble de sa passion et devient une figure christique  dont on devinerait le cri : "lama  sabactani", Pourquoi m'as-tu abandonné ? (Mt 27:46). Mais ce cri n'est pas poussé, car la grâce promise par le Christ veille à garder sa bouche de toute parole de désespérance.

Inutile de dire que cette image a une force bouleversante pour quiconque a vu ses enfants souffrir, ou même pour tout parent.

L'une de ses forces réside dans la confrontation de deux espaces qui, dans la structuration sociale, sont contraires et ne doivent pas se rencontrer. L'espace intime de la familiarité (heimlich, le cercle familial, dans l'enceinte domestique des murs de la maison), et l'espace sauvage de la forêt . Les codes aménagent des espaces de transition (le jardin ; les champs ; l'orée) et des barrières pour que les contacts entre les deux ne puissent se faire brutalement. La chasse, qui est l'accès ritualisé et sécurisé au monde sauvage, n'est autorisé qu'à certains. L'accès à la table familiale est réservé à d'autres. La collusion entre les deux mondes réveille en nous de secrètes terreurs liées à des interdits sur lesquels on ne transige pas.

Hexagone 11, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagone 11, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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3°) Médaillon 19 et 20 : La scène de reconnaissance après séparation des enfants entre eux,  et de l'épouse, ou thème de l'anagnorisis .

https://fr.wikipedia.org/wiki/Anagnorisis

Reconnaissance mutuelle des deux frères Agapet et Théopiste.

Le texte de la légende indique bien que c'est sous une tente (un "pavillon") et tout en jouant en position assise que les deux fils d'Eustache  discutent de leurs souvenirs d'enfance. L'artiste de Tours a seulement pensé, en toute logique, que s'ils jouaient assis, c'était autour d'un damier. Nous ne voyons ni les dés, ni les pièces, ni la couleur alternée des cases.

Voici  le texte de la Légende dorée, telle que la traduit du latin Jean Belet au XIVe siècle, et tel que je l'adapte de mon mieux:

 

"Le maître des chevaliers (Eustache) vint la et séjourna trois jours pour faire reposer son armée. Car li heur étaient beaux et plaisants de tout délit et de tout soulas. Or il advint par aventure que le pavillon du maître fut tendu près du jardin où la femme était, et que les deux enfants étaient hébergés au logement de leur mère, mais ils ne savaient pas que leur mère y fusse. Autour de midi les enfants s'assirent et jouèrent ensemble, et ils se racontaient  leur enfance, car ils avaient bien en mémoire ce qu'il leur était advenu. La mère était assise près d'eux et écoutait attentivement ce qu'ils disaient."

Une version semblable était disponible au moment où le vitrail de Tours a été réalisé puisqu'on trouve dans la version du XIIIe siècle rapporté par J. Murray "Un jor, entor midi, se seoient li enfant e jooient ensemble, e contoient de lor enfances, car il avoient bien en memoire qant qu'il lor estoit pieça avenu."

Hexagone 19, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagone 19, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

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Reconnaissance par Eustache de son épouse Theopista alors qu'elle lave du linge.

(Remarquer le verre rouge hétérogène de la robe).

 

 

Hexagone 20, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

Hexagone 20, Légende de saint Eustache, Baie 214, Cathédrale saint-Gatien de Tours, photo lavieb-aile.

LA COMPARAISON AVEC JOB : MÊME PAS DE FUMIER ! LA PRIÉRE D'EUSTACHE AU FOND DE L'ABIME : JADIS JE RESPLENDISSAIS COMME UN ARBRE ! METS UNE GARDE A MA BOUCHE !

Comme celle de Job, la confiance d'Eustache en Dieu est mis à l'épreuve.  

Le Christ s'était adressé à lui pour lui annoncer les "tentations" auxquelles il allait être exposé par le diable : "Tu vas montrer maintenant ta foi : car pour l’avoir abandonné, le diable va te livrer de grands combats : il faut donc que tu supportes de rudes épreuves afin de recevoir la couronne de la victoire. Il faut que tu souffres beaucoup afin que déchu de vaines grandeurs du monde, tu sois humilié, pour, être élevé plus tard aux honneurs spirituels. Ne faiblis donc pas : ne reporte pas la vue sur ta gloire passée, car il faut que, par la voie des tentations, tu te montres un autre Job". 

Mais après  avoir vu la peste emporter ses serviteurs puis ses troupeaux, avoir perdu ses biens,  avoir vu son épouse être retenue par un marin, , et ses deux fils être emportés par des fauves, il pourrait bien trouver que le diable y va un peu fort en matière de tentations. La tentation suprême est, ici, de renier sa confiance dans la parole du Christ et de se tourner vers le désespoir, et donc vers le diable. Se comparant avec Job (pour les chrétiens, et dans la Bible, c'est l'archétype du malheureux qui, après avoir tout perdu, croupit, couvert d'ulcères, sur son fumier), il estime que son sort est même pire que celui de son illustre devancier puisque lui n'a même pas de fumier pour s'asseoir ! Et même pas d'amis charitables pour venir lui donner de pieux — et venimeux — conseils !  Dans une supplication émouvante, il demande à Dieu d'empêcher que de mauvaises paroles ne sortent de sa bouche : "A ma bouche mets bonne garde !" Il reprends en fait ici le verset 3 du psaume 140 : Pone Domine custodiam ori meo et ostium circumstantiae labiis meis, "Éternel, mets une garde à ma bouche, veille sur la porte de mes lèvres ! " (La légende d'Eustache est tissée de références bibliques)

Voici comment il s'exprime dans le poème de Pierre de Beauvais (malgré les difficultés de l'ancien français, ces vers rendent un son plus vrais, plus clair et plus tragiques que la prose édifiante de J.M. Roze)  :

Eustaces mot n'en savoit

De ço que Dex sauvé avoit

Ses effanz dont molt ert muëz.

" Las ! " dist il, " si sui esnuëz

Des granz biens ou jadis manoie

Et des genz qu'avec moi tenoie

Or sui toz seus; mes tu, beau[s] Sire,

Ne me guerpir, ne me despire,

Einsi comme tu me feïs.

Bien me menbre que me deïs,

Sire, que tant me tempteroies

Qu' un autre Job de moi feroies.

Mes molt puis plus en moi voeir ;

Job out le femir ou soeir

Li liesoit, mes ço n'ai je mie.

Einz moi est tot rien[s] enemie

Nis les bestes qui devorez

Ont mes fuiz dont sui esplorez.

En pitie, Pere, me regarde,

A ma boche met bone garde

Que rien ne die ne ne face

Dont a voeir perde ta face." 

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La traduction de la Légende dorée par Jean de Vignay est également poignante (transcription et adaptation par mes soins):

"Mais il s'en allait pleurant et criant et disait «  Las moi (pauvre de moi) car avant cette chose je resplendissais comme un arbre mais aujourd'hui je suis dénué de toutes choses. Las je soulais (j'avais l'habitude ) d'être entouré d'une grande multitude de chevaliers , et je demeure maintenant tout seul, car même mes fils ne m'ont été laissés. Sire je me recorde (je me souviens) que tu m'as dit qu'il convenait que je fusse tenté comme Job mais je vois qu'il est fait contre moi plus autre chose qu' à lui car si il fut dénué de toutes possessions toutefois il eut son fumier où il pouvait s'asseoir et il avait ses amis qui avaient pitié de lui. Je n'ai nulle de ces choses mais j'ai les bêtes sauvages ennemies qui m'ont ôté mes fils, et ma femme m'est ôtée et est donnée à un autre. Sire donne repos à mes tribulations et met garde à ma bouche si que mon cœur ne défaille et que je ne dise des paroles contraires devant ta face."

Dans la traduction de Jean Belet la supplique d'Eustache est la suivante (transcription moins assurée où j'ai citée les perles de moyen français) :

"Malheureux que je suis [He:las qui iadis fui..] qui jadis fut en grands honneurs et en grandes richesses. Aujourd'hui je suis comme [chietistes confortez] et misérable (despris). Malheureux que je suis, qui fut maître des chevaliers, riche d'amis et honoré de mes voisins, maintenant je suis seul et misérable et sans soutien et sans compagne ni mes enfants que j'ai perdu tant avais-je de compagnie et je soulais. Biau Sire Dieu ne m'abandonnez (deguerpisiez) nne en la fin ne n'aies mes levmes en dépit. Il me souvient (membre) bien que tu m'as dit que je serais tenté aussi comme Job. ayes ce mest ius que je suis un peu plus tenté que ne le fut Job. Car s' il perdit ses richesses et ses possessions au moins il avait un fumier sur lequel il pouvait s'asseoir, alors que moi je suis en terre étrangère et je suis tourmenté d'autres telz tourments. Job avait des amis qui le réconfortaient mais je suis dans un lieu désert parmi les bêtes sauvages, et je n'ai point de mon lignage. Ainsi je suis aussi comme les vosiaux au désert que le vent heurte et balaie de toutes parts. Biaux dous Sires ne te poist se j'ai trop paroles, car je suis dolens et iriez. Si je dis tel chose qu'il ne convient pas de dire (qui n'afiere pas a dire), se poise moi (afflige moi).  Biau sire garde moi et serre ma bouche pour que mon cœur ne pense ni ma bouche ne dise chose qui te déplaise. Donne-moi s'il te plait repos et sostume de mes douleurs. «  Que que il parlait ainsi il pleurait et soupirait et ala tant qu'il vint pleurant et plaignant à une ville..."

Que li vent hurte e baloie de totes parz. Beau douz sire dex, ne te poist se j'ai trop paroles, car je suis dolenz ; si di tel chose, ce poise moi. 

  Eustache devient une grande figure chrétienne du laïc mis à l'épreuve, atteignant le summum de la déréliction et continuant à prier Dieu, fut-ce pour lui demander de le protéger d'une défaillance . 

Sur le plan humain, il est l'exemple de la fidélité à un lien relationnel du passé et à un choix éthique, lorsque les circonstances les plus sombres incitent à les remettre en cause. Cette fidélité à soi-même et à autrui envers et contre tout, menant le héros à une situation de perte absolue, puis permettant la survenue d'une fin heureuse au-delà de toute espérance, est le thème de nombreux contes, dans lequels le lecteur ou auditeur en sait plus long que le héros car il est averti du caractère relatif de la perte : non, la femme aimée n'était pas morte, non, le fils n'avait pas péri, etc.

 

 

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QUELQUES ÉLÉMENTS ICONOGRAPHIQUES.

La légende s'est établie d'après une source grecque, puis a été traduite en latin. Jean Damascène y fait mention en 726. Les reliques supposées du saint sont transférées à la basilique de Saint-Denis au début du XIIe siècle, et en 1223 on les transfère dans une nouvelle châsse. Un inventaire de 1660 mentionne un reliquaire en argent (ou en vermeil) du bras d'Eustache, et un autre du corps. 

 puis, dès le XIIIe siècle, la légende est traduite en français :

— En grec :

Manuscrit BHG 641 selon la désignation des Bollandistes. Entre fin IVe et fin VIe

— En latin:

    1. Traduction latine de la version grecque (Acta sanctorum, 6 septembre, p. 123-135), BHL 2762

    2. Iacopo da Varazze,  Legenda aurea, ch. 157 (prose), 1261-1266.

— En français:

    1. un certain Benoît (en vers)

    2. Pierre de Beauvais (octosyllabes)

    3. Guillaume de Fereres (alexandrins) anglo-normand, 2ème quart XIIIe siècle, Ms York Chapter 16 K.13

    4. Jean de Vignay, La legende doree, ch. 156 (prose). Au plus tard 1348

    5. Vincent de Beauvais, Miroir Historial [Speculum historiale], traduction française par Jean de Vignay. vol. III. (Livres XI-XIII). 1370-1380

    6. Jean Batallier, La legende doree, ch. 156 (prose)

    7. Versions anonymes françaises (vers et prose)

Les enluminures illustrant la légende de saint Eustache sont nombreuses, et le florilège que je présente a pour but de témoigner de la stéréotypie des scènes. 

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1°) British Library Ms. Egerton 745, Vie de saint Eustache et d'autres saints, 1300-1325,  folio 2r. Le manuscrit a appartenu à Guy IV de Châtillon, comte de St-Pol et petit-fils du comte de Blois ou à son fils Jean. Selon Judith Golden, il aurait été commandé par Marie de Bretagne, 1268-1339, ( ou Marie de Dreux), épouse de Guy IV et fille du duc Jean II de Bretagne, en choisissant come modèle pour son fils Jean la figure de saint Eustache, bon père, bon mari et bon chrétien.

http://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=9853

 

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2°). Miroir historial de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay.

a) Bnf 50

Arsenal 5080 : http://mandragore.bnf.fr/jsp/switch.jsp?classement=1&niveauRech=3&idRech=501&idPere=639&division=Mix&desc=s.eustache&idDesc=2346

Folio 124v : LVIII De saint eustace et de sa conversion. Eustache vraiement seurnommé placides.

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folio 125. LIX. Des temptations que diex li envoia

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folio 126,"LXI, Comment il recongnut sa fame et ses enfans"

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b) Nouvelle acquisition française 15941 fol. 18r, Miroir historial de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay, 1370-1380

 

 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8449688c/f43.item

Nouvelle acquisition française 15941 fol. 18r, Miroir historial de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay, 1370-1380

Nouvelle acquisition française 15941 fol. 18r, Miroir historial de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay, 1370-1380

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Nouvelle acquisition française 15941 fol. 18v, Miroir historial de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay, 1370-1380

Nouvelle acquisition française 15941 fol. 18v, Miroir historial de Vincent de Beauvais traduit par Jean de Vignay, 1370-1380

Bnf fr. 183 Légendier, vers 1327 (aurait été exécuté pour Charles IV), atelier de Thomas de Maubeuge, enluminure par le Maître du roman de Fauvel.  F. 231v-236v. « Ci commence la glorieuse vie monseigneur saint Eustace (rubr.) .

 folio 231v, Vision de saint Eustache.

 

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Bnf 185, Légende des saints de Jacques de Voragine traduite par Jean Belet. 1301-1400.

folio 120, Saint Eustache naviguant, et Saint Eustache au milieu de la rivière.

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Bnf Français 241; Légende des saints de Jacques de Voragine traduite par Jean de Vignay

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84260044/f580.image

folio 288v

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Bnf Français 242; Légende des saints de Jacques de Voragine traduite par Jean de Vignay, version avec Festes nouvelles.

folio 243r

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8426005j/f501.image

 

 

Vision de saint Eustache, Bnf français 242 folio 243r, Gallica.

Vision de saint Eustache, Bnf français 242 folio 243r, Gallica.

3°)

Retable de saint Eustache à Saint-Denis : 1250-1275

http://www.photo.rmn.fr/archive/09-563713-2C6NU0KAZBP6.html

 

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DOCUMENTS.

 

La vie de Saint Eustache par Pierre de Beauvais.

Il existe de cette Vie quatre manuscrits médiévaux : London, British Library, Egerton 745 (L, base de l' édition de Mauro Badas 2009), Paris, BnF, fr. 19530 (P, base de l’édition Fisher 1917), BnF, fr. 13502 (B) et BnF, n.a.f. 13521 (C). 

— Seul le BNF n.a.f 13521 est aujourd'hui consultable en ligne. Il ne comporte aucune enluminure, à la différence des précédents : BnF, n.a.f. 13521 Grand recueil La Clayette Gautier de Coinci. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530121530/f10.image

— De même, seule l'édition moderne de Fisher (qui sera très critiquée par la suite) est disponible en ligne :

Fisher, John R., « La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais », The Romanic Review, 8:1, 1917, p. 1-67. https://archive.org/details/TheRomanicReview1917

J'emprunte donc à cet article les vers 1-363 des vers de Pierre de Beauvais :

DE diverses mours se diversent

Les genz qui el siecle conversent.

Ausi com estez et yvers

Sunt d' hores et de jorz divers;

5 Si voit horn mes eels diverser

Dun li biens delist converser.

Qui voit horn mes si contenir

Qu'en le voie saint devenir?

Qou souleit on voeir assez

10 Au tens qui est pie^a passez ;

Et si n'i a celui ne sache

Que mort tret tout a li(e) et sache ;

Mourir et trespasser convient

Quanques del monde nest et vient,

15 Qui en qo se voit et esgarde

D'aprochier le siecle se garde.

S'[i]er fu mauves et hui est pire;

Por go le devons tuit despire,

Li bon homme qui le degurent

20 Par le tormenz qu'il i regurent,

Qui douz lor furent au soufrir,

Por leur ames a Deu offrir.

Essample devrions la prendre

Et la vie des sainz aprendre,

25 Oir sou vent et recorder

Pour les noz viez amender.

Qo devreit estre nostre envie

Tant com sommes en ceste vie,

Qu'eiisson le souverain reingne,

30 Que nostre Sire vit et rengne

Et reignera sanz finement.

La vivront parmanablement

Li bon, li net, li piu, li fin;

A si grant joie qui n'a fin

35 Devroit chascunfs] [s] entente avoir.

Pour go voulons ramentevoir

La vie d'un saint et conter

Qui molt est digne d'esconter :

De mon seignor saint Eustace

40 Cui Dex donna si tres grant grace ;

Que [nus] qui le requiert et prie

Ne faudra ja qu'il n'ait s'ai(d)e.

A mon seignor saint Denis prist

Sa vie Pierres qui la mist

45 Et trest de latin en roumanz.

Tels fu li grez et li commanz f. 84

A un des seignors de Tlglise

En qui maint bonte et franchise,

Quer bel set servise merir:

50 Ne le lait endroit lui mourir.

Ne vos tendrons ci longuement,

Qu'or sommes au commencement

De la vie qui ci commence,

Plaine d'espiritel semence,

55 Qui en vos puisse semencier

Par Deu qui soit au commencier.

Au tens que Trajans Temperere

Reingnoit sur Roumains en Tempere,

Ert Romme de paiens poeplee ;

60 De tel gent ert done habitee :

Mahons et ydres coutivoient,

Desmesureement vivoient

En ouvres, en faiz mausseanz.

Et si ravoit il des creanz

65 Qui gardoient foi et creance,

Mes poi avoient de puissance;

Pour qo se tenoient couvert,

Croire n'osoient en apert

Ne demonstrer lor foi aperte,

70 Quer des cors lor tornast a perte.

Voirs est qu' adonc avoit a Romme

Un paien, de sa loi prodomme.

II estoit Placidas nommez;

Riches ert moult et renommez,

75 A Rome de grant seignourie,

Mestre de la chevalerie.

Molt ert prouz et sages de guerre,

Bien savoit loinz et pres conquerre

Cels qui erent contre Tempere.

80 Durement l'amoit Pemperere,

Quar sor touz li acomplisoit

Les granz besoinz et fornisoit.

Temprance, debonerete

Franchise, sens, humilite

85 Avoit en lui. Molt ert pitous

Vers pouvres genz, vers soff retous

Larges et aumouniers estoit.

Orfelins et nuz revestoit

Et rachetoit souvent de mort

90 Les jugiez et les pris a tort.

La riche gent molt ennouroit f. 85

Et les decheiiz secouroit :

A toz f esoit bien volontiers ;

Molt lour ert humbles et entiers.

95 Cil Placidas out endroit soi

Fame molt vaillant de sa loi,

Gente de cors et aligniee,

Estraite de haute ligniee

Des plus nobles de la cite ;

100 De mors, de fez, par verite,

Placidan son seignor sembla.

Li uns bien(s) a Tautre asembla;

Quar cil qui touz les biens assemble

Les volt si assembler ensenble

105 Por go que il s'entresenbloient.

Et d'un courage andous estoient,

Unes mours, unes volentez;

Se il estoit entalentez

De fere bien et ele plus,

no N'ert mie lor avoirs repus

A pouvre gent n'a mendianz.

Toz jorz estoit estudianz

En aumounes et e[n]bien faire.

Comme gentis et debonnaire,

115 Ele ert a[s] pouvres mere et suer,

Quer gentillece en gentile cuer,

Qo sachiez, ne se cele mie,

Ne qu'el vilain le vilanie.

Mout erent andui renomme,

120 Chieri estoient et ame

De leur amis et d'autres genz.

Deus filz orent et beaus et genz ;

De semblant retrestrent au pere

Li enfan^on et a la mere.

125 Andui fesoient d'els grant feste;

Vie menoient molt honeste,

Quer molt amoient honeste,

Toz jorz [i] ierent apreste. .

Molt par avoit Placidas chier

130 L'aler en bois et le chacier:

Tant Tamoit, ja n'en fust lassez.

Muetes de chiens avoit assez,

A grant plente de chaceors,

De chevaliers, de veneors.

135 Avint un jor qu'en bois ala 

Com il souleit : quant il f u la

Et il out sa gent establie,

II trouva, ne demoura mie,

Une grant compaigne de cers.

140 Du prendre f u et fis et cers ;

Une grant compaigne de cers.

De touz les outres le plus grant ;

Fu le jor couveitous del prendre.

Cers commencierent a destendre

145 Si tost con li vinrent de pres,

Et chien et veneor apres,

Qui mielz m(u)ielz a un bruit sanz faindre.

Li cers qui plus beaus ert et graindre,

Que Placidas tant couveta,

150 Des autres cers se desrouta ;

Ohasant l'ala seul sanz arest

Au lone del jor par la forest.

Plusor de sa gent le sivirent;

Tant chacerent qu'il recreirent

155 Els meismes et lor chevaus.

Et Placidas par monz, par vaus

Sanz lui ne son cheval lasser,

Sanz destourbier, sanz mespasser,

Et vint en pres le cerf tendant,

160 Si com Dex volt vers un pendant,

Et por go que le voir vos Use,

Ilec estoit une falise

Ou il avoit un grant rochier

Merveilles haut comme un clochier.

165 La monta li cers de ravine.

Mes la grant puissance divine

Qui en sa main tout cest mont ha

Le fist et vout qu'il i monta ;

Autrement rii fust pas montez.

170 Et Placidas fu arestez

De devant le rochier aval,

Toz esperduz seur son cheval

De la merveille qui avint,

Comment ce fu que il la vint.

175 Or oiez con cortoisement

Dex met le suen a sauvement,

Et com bel set celui atrere

Qui il aimme por son bien faire.

Remirer ici bien se doivent 

180 Cil qui le grant pechie de^oivent ;

Que nostre Sires ne velt mie

La mor de lomme mes la vie.

Placidas molt se merveilla,

En sun pense molt traveilla,

185 Comment porroit le cerf avoir.

Mes Dex qui tout a le savoir

Prist autresi il'lec son serf

Com il vouloit prendre le cerf ;

La le vena sanz cop donner

190 Com il vouloit le cerf vener;

Cil qui sauva Cornelion

Le torna a salvation.

Si comme Placidas se(st)oit

Sor sen cheval, et il estoit

195 En tel pense con vos devis,

II torna vers le cerf son vis

Qui lasus ert si fetement;

Si vit un[e] croiz soudement

Entre ses cors apparissant

200 Comme soleil resplendissant.

Entre les cors limage sist

De nostre Seignor Jhesu Crist ;

Cil qui tout a en son demaingne

Donna au cerf reson humainne.

205 Miracles fu granz, et penser

Devons tuit por nos amender,

Quant parole de cerf eisi.

Et si trouvon nos qu'autresi

Parla li asnes voirement

210 A Balaam nommeement,

Cui il resprist de sa folie

Dont il maumist sa prophetic

Li cers Placidam apela

Et Dex d cerf a lui parla

215 Et dist, " Que me suis tu, amis?

Por la grace de toi, sui mis

En cest cerf et appareuz.

Je sui Criz qui ai recetiz

Tes aumones et tes bien faiz

220 Que tu as por m'amistie fez.

Tes ovraignes ai bien veiies

Et tes aumones receii[e]s.

L'omme qui bien feit a merci,

Venuz me sui demonstrer ci

225 En cest cerf, go te vuil aprendre,

Por toi vener et por aprendre

As roiz de ma misericorde.

Ma volentez point ne s'acorde

Que je te lais plus demourer

230 A ces faus ydres aourer

Qui sunt sanz sens et mut et vain ;

Cil qui les sert, si vit en vain.

Por le mont de la mort deff endre

Deingnai je en terre descendre,

235 Si com tu voiz en tel semblance.

Je descendi par ma puissance

Por sauver le lingnage humain

Que Sathan avoit en sa main

Quant Placidas out ço--

240 Esperduz del cheval chai

Qui n'ert ne tant ne quant lassez.

Et quant cil point fu trespassez,

II repera en sa memoire.

Done se drega, ce est la voire,

245 Desirranz qu'il etist veil

Ce que li ert appareu.

Ce fu primes sa questions,

"Qu'est," dist il, "cest[e] visions

Qui m'est einsi appareiie?

250 Molt desir que Tai[e] veiie.

Qui es tu qui a moi paroles?

Fei moi entendre tes paroles,

Les escleire si clerement

Que je croie benignement

255 En toi et en ce que t'oi dire ".

A donques li dist nostre Sire(s),

" Entent, Placida, beaus amis,

Je sui qui ciel et terre fis

Et le jar commandai a naistre

260 Et devise la nuit a estre.

Je sui qui doins au jor clarte

De soleil par ma poeste

Et les estoiles aornai

Ou firmament et ordenai

265 Por servir a la nuit la lune

Qu' a touz fu de clarte commune.

Je sui qui compassai les tens

Et establi et jorz et ans.

Je sui qui fis homme de terre :

270 Et se plus vels sor ceu enquerre, f . 89

Je sui qui vesti char humainne

Por sauver mon pouple de painne,

Pour cui je fui crucifiez,

Pour cui je fui pris et liez,

275 Seveliz fui, puis visitai

Enfer, dont mes amis getai

Qui devant m'incarnation

Aloient a perdition.

Par piti£ dels ouvrai einsi

280 Et au tierz jor resurrexi."

Quant Placidas out escoute

Et en son cuer mis et note

Co qu'il ot dit de chief enchief ,

A terre dial derechief

285 Et dist, " Sire, je croi tres bien

Que tu es Dex qui tote rien

Formas de neent et fels

Et qui les tiranz convertis."

Nostre Sires li dist adonc,

290 " Placida, se tu croiz, va done

A l'evesque de la cite

Qui guarde la crestiente.

Baptesme te doint," qo li di.

Et Placidas li respondi,

295 " Sire, ves tu que je descuevre

Ma femme et mes effanz cest o[e]vre?

Adonques li dist nostre Sire,

" Ne te targier, amis, du dire,

Mes nonce leur et fei entendre

300 Qu'il reçoive[nt] sanz plus atendre

Signe de baptesme avec toi.

Puis vien ariere ci a moi.

Derechief a toi m'apar[r]ai,

Clerement te demosterai

305 Tout go qui t'iert a devenir

Et comment tu devras tenir

Les voies de ton sauvement."

A tant s'en torna liement

Placidas apres sa reson,

310 Si s'en vint droit en sa meson.

A sa feme, la nuit, moustra

Tout si com (me) Dex se demoustra

A lui el cerf apertement ;

Quan qu'il out veii plainement 

315 Li sot et bien et bel espondre.

Et la dame prist a respondre :

" Beau m'est, sire," dist ele a lui,

Quant vos avez veil celui Qui fu el mont crucifiez

320 Qui aorez et depriez

Des crestiens est bonnement ;

Car voirs Dex est il voirement,

Quant eels qu'il aimme f et si dingnes

Qu'a soi les trait par ites singnes.

325 Pour verite vous repuis dire,

L'autre nuit vint a moi le Sire

Qui tant par est plains de pitie

Qu'a nuli ne faut d'amistie.

Moult doucement me dist itant,

330 ' Tu, tes sires et ti eff ant

Vendroiz demain ensemble a moi/

Par so conois je bien et voi

Que e'est Dex veritablement,

Qui se volt einsi humblement

335 Moustrer a nos en tel semblance,

Por esmervellier sa puissance.

Sire, por Deu, ne demouron ;

Je lo qu' anuit nos baptizon,

Quar a Deu sont cil deraisnie

340 Qui de baptesme sunt seignie,

Pour qu'en lui croient bonement."

N'i firent puis porloignement ;

A Tevesque sanz porloignier

Vindrent con cil qui resoignier

345 Ne voudrent ne targier Tafaire.

Adonc li pristrent a retrere

De chief en chief leur vision

Et tote 1'aparition,

Si com(e) Dex a els s'aparut

350 Qui pour nous com (me) hon morut.

De lui amer entalente

Li requistrent crestriente.

Quant l(i) evesques out go oi,

Moult devint liez, moult s'esjoi

355 De go que Dex einsi les prist.

Leur foi leur moustra et aprist

Molt bonement et enseingna ;

Et puis apres les prinseigna, 

Et quant lor ot moustre creance

360 Ses baptiza sanz demourance,

De cuer joiant, de chiere clere,

El non de Damledeu le Pere

Par qui toz biens est consummez. 

SOURCES ET LIENS.

Comparer ce vitrail au vitrail n° 43 de la cathédrale de Chartres :

http://www.vitraux-chartres.fr/vitraux/43_vitrail_vie_st_eustache/index.htm

Arlima : http://www.arlima.net/uz/vie_de_saint_eustache.html

— Mandragore : http://mandragore.bnf.fr/jsp/switch.jsp?classement=1&niveauRech=3&idRech=501&idPere=639&division=Mix&desc=s.eustache&idDesc=2346

 BAKER (Craig) , 2009 « Pierre de Beauvais, La Vie de saint Eustache, éd. Mauro Badas  », Cahiers de recherches médiévales et humanistes : http://crm.revues.org/11736  

— BEAUVAIS (Pierre de), La vie de saint Eustache, Bnf NAF 13521 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530121530/f13.image

Notice Arlima :

http://www.arlima.net/mss/france/paris/bibliotheque_nationale_de_france/nouvelles_acquisitions_francaises/13521.html

— BOURGEOIS (Luc) 2012, . Les échecs médiévaux : jeu des élites, jeux de couleurs. 2012. 

https://halshs.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/821969/filename/Couleurs_du_jeu_d_A_checs.pdf

— BOUREAU (Alain), 1982, "Placido Tramite. La légende d'Eustache, empreinte fossile d'un mythe carolingien"   Annales. Économies, Sociétés, Civilisations,Volume   37   Numéro   4   pp. 682-699 

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_4_282881#

Ancre — DELEHAYE (Hippolyte ), 1919,  La Légende de saint Eustache, Académie royale de Belgique. Bulletin de la classe des Lettres et des Sciences morales et politiques, no 1-3, année 1919,p. 212-239. 

https://archive.org/stream/bulletinmededeli1919acaduoft/bulletinmededeli1919acaduoft_djvu.txt

— FISHER (John Roberts), 1917, La Vie de Saint Eustache par Pierre de Beauvais, Published for the First Time from the Manuscripts of London and Paris, with Introduction, Notes and Index by John Roberts Fisher, Lancaster, New Era Printing Company, 1917, iii + 70 p 

— FISHER (John Roberts), 1919 « La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais », The Romanic Review, 8:1, 1917, p. 1-67. https://archive.org/details/TheRomanicReview1917

— MEYER, Paul, « Notice du ms. Egerton 745 du Musée Britannique (2e article) », Romania, 40, 1911, p. 41-69. https://archive.org/details/romania02romagoog

— MEYER, Paul, « Notice  https://archive.org/stream/bulletinancienst04soci#page/n67/mode/2up

— TALBOTIER (​Catherine ), 2009,  « La légende d’Eustache-Placide », e-Spania . URL : http://e-spania.revues.org/18413 ; DOI : 10.4000/e-spania.18413 

VICTOIR Géraldine, 2013,« Un modèle de piété et de charité : le décor de la chapelle seigneuriale de Lachapelle-sous-Gerberoy (Oise) et son cycle de la vie de saint Eustache », In Situ  http://insitu.revues.org/10662 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux : Tours.
16 août 2015 7 16 /08 /août /2015 13:47

Le linteau du portail de la Chapelle Saint-Hubert du château d' Amboise (1493). Saint Christophe et saint Hubert. Une erreur d'interprétation y identifie "saint Antoine" depuis la fin du XIXe siècle. Un modèle pour Louis de Roncherolles à Bourges ?

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Plan :

I. Présentation : le château d'Amboise et sa Chapelle Royale. Plans d'époque.

II. Description du portail de la chapelle. Documents graphiques (gravures et photographies anciennes).

III. Description du linteau du portail.

1°) Saint Hubert.

2°) Saint Christophe.

IV. Motivations du choix iconographique.

V. "Saint Antoine", une erreur d'interprétation bête et tenace du linteau ?

VI. Hypothèse : le linteau de la Chapelle d'Amboise (1496), source du vitrail de Roncherolles de la cathédrale de Beauvais (1522) ?

VII. Documents.

I. PRESENTATION GÉNÉRALE : LE CHATEAU D'AMBOISE ET LA CHAPELLE ROYALE.

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 Le château d'Amboise entre dans le domaine royal en 1434.

"Le château d'Amboise dresse ses vestiges sur un éperon rocheux en bordure de la Loire. La partie la plus fortifiée désignée sous le nom de "Donjon" sous Louis XI se situait à l'extrémité ouest isolée par un fossé de la basse cour où s'élevait la collégiale Saint-Florentin. Le logis royal rénové par Louis XI occupait le côté sud du Donjon. Charles VIII franchit le fossé pour agrandir sa demeure dans l'avant-cour. Au sud il éleva le logis des Sept Vertus, disparu, au nord le bâtiment magnifique qui domine toujours la Loire. Ses successeurs ont continué d'étendre le château vers l'est.  François Ier termina l'aile qui borde le jardin de Charles VIII.  Henri II la doubla par une construction parallèle. 

 Dès le début de son règne Louis XI transforme le château d' Amboise pour le rendre plus habitable. Il élève une maison neuve avec une salle des galeries et une cour. Ce logis est certainement construit dans le Donjon, là où habite Charles VIII au début des années 1490. Devenu roi à l'âge de treize ans, Charles VIII fut placé sous la tutelle de sa sœur Anne de Beaujeu, régente de France. À vingt-et-un ans (1491), il se marie à Anne de Bretagne, préparant ainsi l'union du duché de Bretagne au royaume de France. Dès 1489 il entreprend son tour des travaux à Amboise. Il aménage un logis et construit la chapelle actuellement dite "Saint-Hubert" et appelée "chapelle du roi" dans les documents. Le décor sculpté  de celle-ci date de 1495-1496. A la même époque des bâtiments sont réaménagés. Dès la fin de année 1493 le roi et la reine s'installent dans le logis rénové et la chapelle est mise en service alors même que le décor est pas terminé." (Evelyne Thomas).

Néanmoins, dans l'étude du choix de décoration de la chapelle, il faut noter que Charles VIII était, de août 94 à mai 1495, en Italie, ne revenant à Lyon qu'en novembre 1495. En l'absence du roi, Anne de Bretagne réside plus rarement à Amboise qu'à Tours, Lyon, Grenoble et surtout Moulins sous la surveillance des Beaujeu.

 

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— Androuet du Cerceau, "Amboyse, le plan de tout le lieu".

La chapelle y apparaît avec sa nef à une travée, son transept et son abside à trois pans. Elle fait saillie sur une construction en longueur, correspondant aux logis royaux (actuellement détruits) construits par Charles VIII et que le roi et la reine occupèrent dès 1493. Juste dans son axe, un passage conduisant à son portail sépare le rez de chaussée en deux ensembles : à l'ouest, les logements de la reine (Anne de Bretagne), sont formés d'une salle, d'une chambre et de pièces plus petites. Une ouverture dans le mur sud de la salle donne un accès direct à la chapelle. 

Le roi occupe, à l'étage, des appartements qui se superposent à ceux de la reine et qui communiquent avec ceux-ci par un escalier en vis à la partie ouest. "Du coté sud, la salle communiquait avec une terrasse qui mène sur une tribune ouvrant sur la chapelle et à un petit escalier en vis par où le roi pouvait descendre à la chapelle" (E. Thomas).

Plus à gauche, sous le titre AMBOYSE, on voit le "Logis des Sept Vertus", qui fut achevé en 1495-1498 et où se trouvait alors la chambre du roi et celle de la reine, au même étage autour d'une salle centrale. (E. Thomas)

Au centre du château, on remarque aussi la collégiale Saint-Florentin (détruite). 

http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Images/LES1595/zoom1024/LES1595_21.jpg

 

 

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— Androuet du Cerceau, Levée de l'élévation du costé de la forest" : la chapelle se reconnait à son clocher.

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http://architectura.cesr.univ-tours.fr/traite/Images/LES1595Consult.asp?numfiche=23&numtable=&mode=

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— Androuet du Cerceau, "Eslevation du costé de la rivière".

 

 

 

 

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Androuet du Cerceau, plan du château d'Amboise. La chapelle = flèche. Photo prise lors de la visite du château.

Androuet du Cerceau, plan du château d'Amboise. La chapelle = flèche. Photo prise lors de la visite du château.

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Androuet du Cerceau, plan en élévation du château d'Amboise.

Androuet du Cerceau, plan en élévation du château d'Amboise.

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Androuet du Cerceau, plan du château d'Amboise. La chapelle = flèche.

Androuet du Cerceau, plan du château d'Amboise. La chapelle = flèche.

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Le château d'Amboise et la chapelle, photo lavieb-aile.

Le château d'Amboise et la chapelle, photo lavieb-aile.

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La Chapelle Royale vue de la tour Heurtault, photo lavieb-aile.

La Chapelle Royale vue de la tour Heurtault, photo lavieb-aile.

Selon l'abbé L.A. Bossebœuf, la chapelle, qu'il désigne sous le vocable de Saint-Blaise avait été précédée sous Louis XI par un oratoire placée "dans un obscur souterrain" dans le soubassement du sanctuaire actuel. On notera que saint Blaise de Sébaste est l'un des 14 saints Auxiliateurs, particulièrement efficaces face aux périls graves, comme d'ailleurs saint Christophe et saint Eustache (proche de saint Hubert). Chacun a sa spécificité. Saint Blaise est invoqué lors des épizooties. mais aussi lors des "pestes" humaines, car "Devant Saint-Blaise, tout mal s'apaise". Il soigne aussi les maux de gorge. Il est fêté le 3 février, grande date de réveil de la nature et du retour du soleil après l'arrêt hivernal des croissances.

Sous Louis Philippe le lieu porta le nom de chapelle de Saint-Louis.

 

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La Chapelle Royale du château d'Amboise, photo lavieb-aile.

La Chapelle Royale du château d'Amboise, photo lavieb-aile.

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  Dans le logis du "Donjon" (nom du premier édifice sous Louis XI)  le roi Charles VIII éprouve le besoin d'édifier une chapelle à proximité de ses appartements et de ceux de la reine, trop éloignés de la collégiale Sainc-Florentin.  "La chapelle mesure 3 m. 73 de large et 12 mètres de long; la nef est divisée en quatre sections de 1 mètre chacune. Les bras du transept débordent de 2 m. 80 sur la nef et renferment [chacun] une cheminée. Le sanctuaire, qui est rectangulaire à la partie inférieure, se termine par un chevet à trois pans. Dix fenêtres y répandent la lumière, tamisée par des vitraux modernes de facture et de style." (Bossebœuf, 1897)

Les vitraux du XIXe avaient été conçus par Viollet-le-Duc et Devéria en 1840-1843 et réalisés en 1847 par la manufacture de Sèvres dirigée par Brongniart. Ils étaient traités comme les pages d'un livre d'Heures.

©Ministère de la Culture (France) - Médiathèque de l'architecture et du patrimoine - diffusion RMN

 http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/memoire_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_1=REF&VALUE_1=APMH00012647

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Détruits lors de la dernière guerre, ils ont été remplacés en (vers) 1956 par des verrières dessinés par Max Ingrand sur le thème de la vie de saint Louis.

Dans le bras gauche du transept ont été rassemblés un certain nombre d'ossements recueillis dans les décombres de la collégiale Saint-Florentin, à l'emplacement du tombeau de Léonard de Vinci.

 

 

La Chapelle Royale du château d'Amboise, photo lavieb-aile.

La Chapelle Royale du château d'Amboise, photo lavieb-aile.

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II. DESCRIPTION DU PORTAIL.

Le portail se compose de deux portes en anse de panier à peine cintrée séparées par un pilier central, d'un linteau et d'un tympan. Comme le reste de la chapelle, elle relève du style gothique flamboyant.

L'encadrement des portes et le pilier central forment trois éléments semblables, alternant de bas en haut un socle, deux moulures, puis une niche occupée par un tronc écoté avec ses racines, et enfin une niche vide. Seule la niche supérieure porte un ange gracieux dont le phylactère indique "Gloria in excelsis Deo".

Le motif des troncs écotés se retrouve repris sur les ébrasement de deux fenêtres de l'étage du logis royal  du coté est : ceux-ci y sont sculptés d'un tapis de fleurs de lis et d'hermines, encadrés par des bâtons de pèlerins munis d'aumônières qui ressemblent à des arbres écotés encore munis, sur l'une des fenêtres, de leurs racines.

— Voir la photographie du XIXe siècle  de Séraphin-Médéric Mieusement (1840-1905) dans les collections de l'INRA, n°447 : http://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/7493-amboise-chapelle-du-chateau-portail/

— Voir la photographie de 1923 de Fernand Préfontaine :

http://www.mnbaq.org/collections/oeuvre/portail-de-la-chapelle-saint-hubert-du-chateau-d-amboise-france-600041581

Portail de la chapelle royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Portail de la chapelle royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

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Portail (détail) de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Portail (détail) de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Le tympan.

Le tympan est divisée en trois lancettes trilobées. Dans la lancette centrale se tient  la Vierge à l'Enfant, couronnée et nimbée, dans une mandorle de roses, entourée de quatre anges thuriféraires. Ses pieds sont posés sur une base surmontant un pilier hexagonal, alors que deux anges présentent un phylactère portant les mots AVE MARIA, et présentent les armes du duché d'Orléans (trois fleurs de lys posées 2 et 1  avec un lambel en chef). Ces armes témoignent de la restauration complète de la chapelle décidée par le duc d'Orléans, héritier du duc de Penthièvre, soit pendant la Restauration (1815-1830) soit sous son règne sous le nom de Louis-Philippe Ier (1830-1846), et poursuivie par le comte de Paris.

Ce nouveau tympan  aurait été conçu  selon Bossebœuf par Victor Ruprich-Robert, dont l'intervention  à Amboise débute avec la restauration de la Salle des États date de 1873-1879 sous la commande du comte de Paris. Une planche de Victor Ruprich-Robert représentant le portail date de 1885 : (source : ebay)

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Du XIXe siècle date aussi le clocher orné de quatre bois de cerfs, et, dans la même idée, l'appellation de "Chapelle Saint-Hubert". Evelyne Thomas précise que ce nom n'est pas employé antérieurement, mais que la chapelle était désignée dans les comptes de construction comme "chapelle du Donjon", et dans les documents du XVIIe siècle comme "chapelle du roy" (A.D Indre et Loire 1632). A l'intérieur de l'édifice se trouvait une autre chapelle, la chapelle Saint-Michel.

Les commanditaires de la chapelle sont figurés dans la posture de donateurs dans les lancettes latérales : Charles VIII avec le blason aux armes de France, et Anne de Bretagne avec un blason à six mouchetures d' hermines (détruit lors de ma visite mais visible sur les photos d'archive), tous les deux devant une tenture aux motifs de fleurs de lis et d'hermines.

 

 

 

Tympan du Portail  de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Tympan du Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

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L'abbé Bossebœuf a donné en 1897 une vue de la façade de la chapelle avant la restauration ; cette gravure permet de s'assurer que dans cette façade, seul le tympan a été modifié.

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Gravure non datée mise en vente ; on y remarque que saint Christophe tenait un bâton dans la main gauche ; que saint Hubert portait une épée (plus longue que la dague actuelle). 

L'ange du pilier central.

Ange du pilier central. Portail (détail) de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Ange du pilier central. Portail (détail) de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

 

 

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III. DESCRIPTION DU LINTEAU.

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Le linteau de 3,20 m de long et 0,60 m de haut est divisé en deux scènes de taille asymétrique, une "chasse de saint Hubert" à droite occupant les deux-tiers de la longueur, et une "traversée du gué par saint Christophe" à gauche occupant le tiers restant. En transition entre les deux, un monticule faisant office de décor de montagne sert d'élément commun aux deux scènes. 

La chapelle a été construite en 1491-1493, mais son décor sculpté a été réalisé entre 1495 et 1496, et les comptes de construction précisent selon E. Thomas que :

 " Dans le dernier trimestre de l'année 1495 Pierre Minart exécute des sculptures pour la chapelle (L de Grandmaison pp. 41-42 art 236). Dans les trois trimestres suivants il reçoit trente livres pour avoir fait des ymages de pierre tant à la chapelle que allieur  (idem). Sont cites également la même époque Casin d'Utrecht qui travaille avec Minart et Cornille de Nesve pour avoir taillé en pierre en tache ung petit ymaige de Dieu tenant en une main ung monde et faisant une benediction de l'autre, mise sur la porte de la chapelle du Danjon dud.chastel  ( ibid. p.42 art 238). Cette description très précise s'applique au Christ porté par saint Christophe sur le linteau de la chapelle. Le même artiste est cité pour avoir parachevé en tache ung ymaige de Sainct Thomas en pierre estant en lad. chapelle (ibid.) "

S'il est clair que Casin de Trect (probablement d'Utrecht) est un artiste flamand, on considère que c'est aussi le cas de Cornille de Nesve, et de Pierre Minart, dont le nom francisé correspondrait à Minaert. Louis de Grandmaison précise page 14 que ce dernier était qualifié de maître-ymagier et était payé la somme considérable de 10 livres tournois par mois* pour faire des images en pierre, tant à la chapelle qu'ailleurs, suivant le marché passé avec lui comme appert par les roolles précédans, et qu'il avait sous sa direction Casin du Trect, payé 7 livres par mois. Cornille de Nesve ou de Neuf est payé 10 livres pendant le premier trimestre pour son ymaige de Dieu.

* Raymond de Drezet, conseiller du roi et Trésorier de France, recevait 20 livres tournois par mois pour la conduite des travaux (L. de Grandmaison p.5). Une livre tournois vaut 20 sous : les maîtres-maçons étaient payès 6 sous 3 deniers par jour, et le maître-charpentier à peu près autant, autrement dit ils percevaient moins de 10 livres tournois par mois.

https://books.google.fr/books?id=YosVAAAAYAAJ&q=%22pierre+minart%22+sculpteur&dq=%22pierre+minart%22+sculpteur&hl=fr&sa=X&ved=0CCoQ6AEwAmoVChMIhtPbv7qyxwIVDHIUCh09_AK6, 

Linteau du portail  de la Chapelle royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Linteau du portail de la Chapelle royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

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Une carte postale permet de voir des éléments du linteau actuellement brisés : les mains de l'ermite ; le bâton de saint Christophe ; la croix du globe crucifère ; l'épée de saint Hubert.

Cette carte semble reprendre une photo de la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine "prise entre 1851  et 1914"  - diffusion RMN  ©Ministère de la Culture  - http://www.commune-mairie.fr/photos-monuments-historiques/amboise-37003/

 

 

http://www.cparama.com/forum/amboise-t4090.html 

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Dans ces images d'archives, une photo du portail est datée de 1862,  et une autre est datée du 1er mai 1868, toutes deux avec l'ancien tympan, alors qu'une autre, datée entre 1882 et 1893 montre le nouveau tympan.:

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http://www.commune-mairie.fr/photos-monuments-historiques/amboise-37003/

 

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1°) La chasse de saint Hubert.

 

 

Rappelons rapidement les termes de la légende de saint Hubert illustrée ici (Wikipédia) : 

"Le seigneur Hubert était si passionné de chasse qu'il en oubliait ses devoirs. La légende rapporte qu'il n'avait pu résister à sa passion un Vendredi saint, et n'ayant trouvé personne pour l'accompagner, était parti chasser sans aucune compagnie. À cette occasion, il se trouva face à un cerf extraordinaire. En effet, celui-ci était blanc et portait une croix lumineuse au milieu de ses bois.

Hubert se mit à pourchasser le cerf mais celui-ci parvenait toujours à le distancer sans pour autant se fatiguer. Ce n’est qu’au bout d’un long moment que l'animal s’arrêta et qu’une voix tonna dans le ciel en s’adressant à Hubert en ces termes :

Hubert! Hubert! Jusques à quand poursuivras-tu les bêtes dans les forêts? Jusques'à quand cette vaine passion te fera-t-elle oublier le salut de ton âme ?

Hubert, saisi d'effroi, se jeta à terre et humblement, il interrogea la vision :

Seigneur ! Que faut-il que je fasse ?"

Dans un décor forestier et rocailleux, nous voyons ici Hubert de Liège accompagné de quatre de ses chiens au moment même de sa rencontre avec le cerf blanc crucifère : bouleversé par cette apparition, il tombe à genoux, tout en maintenant son cheval de la main gauche. Il porte les cheveux longs et bouclés, il est vêtu d'une tunique arrivant  aux genoux, remarquable par ses longues manches pendantes. Il porte à la ceinture son cor de chasse (octogonal) et une épée (à la lame brisée), et son bonnet est tombé sur le sol devant lui. Un ange le survole et tient un objet partiellement détruit qui peut correspondre à une couronne de végétaux tressés. Le saint tient dans la main droite un objet que j'interprète comme un coussin sur lequel est posée l'étole que l'ange lui a remis. L'étole de soie brodée d'or fut, selon la légende, remise par un ange adressée par la Vierge,  lorsque Hubert, s'étant rendu à Rome en pèlerinage, y parvint le jour où le Pape Sergius devait désigner un successeur pour saint Lambert, évêque de Maestricht. L'étole de saint Hubert était dotée du pouvoir de guérir de la rage. L'ange amena aussi en même temps  les habits sacerdotaux et  le bâton pastoral de Lambert, puis saint Pierre remit à Hubert pendant la célébration de la messe de son sacre une clef d'or, aussi miraculeuse que l'étole. L'abbaye bénédictine de Saint-Hubert en Belgique conserva la relique de cette étole. 

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Les chiens représentés par le sculpteur sont tous de même type, lourds et massifs, au poil ras, au grand nez et à la gorge profonde, à la longue queue en sabre et attachée haut, aux longues oreilles tire-bouchonnées (cf. la tête vue de face de l'animal le plus haut) . Bref, ils ont toutes les caractéristiques du Chien de Saint-Hubert, ou Bloodhound ("chien de sang"). Ce chien de meute à l'odorat exceptionnel appartenait, dans les chenils, aux chiens courants qu'on découplait sur la voie d'un cerf. On trouvait aussi des épagneuls, des lévriers , des "chiens bauds". Selon Lucien-Jean Bord et Jean-Pierre Mugg (La chasse au Moyen-Âge) les meutes des rois de France comportait à la fin du Moyen-Âge des saint-hubert, des chiens gris, des fauves de Bretagne et des courants d'Alençon.

 

Chasse de saint Hubert, Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Chasse de saint Hubert, Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

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Saint Christophe est aussi présent dans le Livre de prière de Claude de France, fille d'Anne de Bretagne : (Pierpont Morgan Library, New-York, Ms M 1166 folio 32v), qui date de 1517. On trouve la Vision de saint Hubert représenté quelques pages plus loin.

http://www.quaternio.ch/fr/le-livre-de-prieres-de-claude-de-france

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IV.  DISCUSSION : LES RAISONS DU CHOIX DU MOTIF DU LINTEAU.

Nous ne disposons d'aucun témoignage et d'aucun document permettant de savoir ce qui a conduit à placer les scènes de la Vision de saint Hubert et de la traversée du gué par saint Christophe à la place principale de la chapelle du roi du château d'Amboise. On peut donner libre cours aux suppositions.

a) Une filiation avec l'ancienne dénomination de Chapelle Saint-Blaise, Blaise étant invoqué contre les maladies des animaux et étant lié, en Bretagne, avec le loup ?

b) Recherche d'une protection contre les périls extrêmes, ceux de la rage et des dangers de la chasse (saint Hubert), et ceux des voyages, pélerinages, croisades, passages de gué et de pont (saint Christophe ) ? Saint Christophe est toujours représenté sur les seuils et points d'entrée des églises, afin de conférer sa protection lors du passage entre le monde naturel et le monde spirituel. Le passage sous le linteau peut avoir un rôle apotropaïque, et le caractère superstitieux de la pratique religieuse d'Anne de Bretagne est bien connu.

c) Influence des aumoniers et du confesseur de la reine, influence qui se devine aussi dans le choix des oraisons, suffrages et enluminures du Grand Livre d'Heures d'Anne de Bretagne et du surtout du Petit livre de prières d'Anne de Bretagne (réalisé avant 1495) ainsi que du Livre de prière de sa fille Claude de France, où saint Hubert est invoqué contre la rage.

d) Choix proposé par les sculpteurs flamands Pierre Minart, Casin d'Utrecht et Cornille de Nesve 

(un homonyme Cornille de Neve est attesté à Bruges en 1635), qui auraient pu prendre connaissance à Bruges, ou à la cour de Philippe le Bon, ou auprès de David Aubert ou de Loyset Liédet de la Légende de saint Hubert, et de l'enluminure du manuscrit de Hubert Le Prouvost.

e) Un motif plus spirituel peut être évoqué : les deux scènes représentent, comme je l'ai montré dans mon étude du vitrail de Roncherolles, deux scènes de conversion par un face à face bouleversant avec le visage du Christ. La dévote Anne de Bretagne chercherait ainsi à lutter contre l'impiété des seigneurs de son temps. Cette hypothèse, que rien ne vient appuyer (il faudrait étudier les sermons contemporains) peut se coupler avec celle d'un motif plus politique. Ces deux scènes de conversion d'un noble chasseur impie (Hubert) et d'un géant mercenaire païen (Christophe) peuvent participer d'une politique royale cherchant à établir un "savoir-vivre curial" (Sylvain Chaumet), à lutter contre les mœurs grossières et violentes de la noblesse, selon les nouveaux idéaux de raffinement et d'esprit que Castiglione illustrera dans son Livre du Courtisan. En d'autres termes, le pouvoir royal s'appuyerait sur une hagiographie que le Concile de Trente réprouvera bientôt pour s'assurer le monopole de la violence.

f) une influence directe de Louis de Gruuthuse ou de Louis de Halewyn qui aurait fait connaître à Charles VIII la Vision de saint Hubert récemment écrite en français.

 

V. "SAINT ANTOINE" ; UNE ERREUR BÊTE ET TENACE D'INTERPRÉTATION DU LINTEAU. 

 

Dans la remarquable Notice de visite distribuée au visiteur du château, on lit : "Sur le linteau extérieur au dessus de la porte de la chapelle : St-Antoine (sic) d'Alexandrie en ermite ; St-Christophe (sic) portant l'Enfant-Jésus, conversion de St-Hubert (sic) (fin XVème siècle)".

La guide, tout aussi remarquable, qui nous faisait profiter de son érudition lors de ma visite m'expliqua ensuite qu'effectivement, c'est ainsi que le linteau était interprété, en s'appuyant sur les descriptions des savants du XIXe siècle. Au lieu de se désolidariser de ces illustres prédécesseurs, elle fit observer que l'ermite était identifié par son cochon, dont on sait qu'il est, avec le bâton en tau et la cloche, l'un des attributs de saint Antoine. "On n'en  voit que l' arrière-train, mais les deux jambons ne laissent aucun doute !" Je rétorquais en m'étonnant que ce "cochon" ait une longue queue velue et fournie. "C'est un cochon, mais avec une queue un peu raide" me répondit-elle, peut-être avec une pointe d'humour.  J'appris ainsi que, jadis, les porcs vivaient dans des terriers.

Je me dépêchais de consulter les bons auteurs, et, en effet, je vis que tant Adolphe Joanne en 1899  (Itinéraire général de la France: la Loire , page 33 ) que Louis de Fourcaud en 1892 identifiaient ici l'anachoréte Antoine le Grand, fondateur de l'érémitisme chrétien. Dès 1840, un auteur, membre de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire remarque ici dans les volumes 20 et 21 des Annales de cette Société " l'ermite saint Antoine et son inséparable compagnon".

Comme je l'ai rapporté, c'est Louis-Augustin Bossebœuf qui donna ses lettres de noblesse à cette thèse  en décrivant  " puis saint Antoine au désert avec, à la partie supérieure, la reine de Candie; mais il s'agit ici d'un désert d'un genre tout particulier : le solitaire se montre sous un charmant édicule Renaissance, édifié sur un rocher dans lequel l'inséparable compagnon de l'ermite trouve un abri."  

La perle de l'identification d'une "reine de Candie" n'a pas été transmise au XXI siècle. Vous chercherez en vain (hormis dans la Revue de l'Anjou de 1889 qui décrit "saint Philippe baptisant l'eunuque de la reine de Candie", un lapsus pour Candace, reine d'Ethiopie) sous ce nom un autre personnage que celui dont parle Plutarque : 'Adda, reine de Candie, ayant obtenu la protection de ce prince contre Orondonbate, seigneur persan, crut pouvoir lui marquer sa reconnoissance en lui envoyant toutes sortes de mets exquis, & les meilleurs cuisiniers qu'elle put trouver; mais Alexandre lui renvoya le tout, & lui répondit qu'il n'avoit aucun besoin de ces mets si délicats, & que Léonidas son gouverneur lui avoit autrefois donné de meilleurs cuisiniers que tous ceux de l'univers, en lui apprenant que pour dîner avec plaisir il falloit se lever matin & prendre de l'exercice; & que pour souper avec plaisir, il falloit dîner sobrement."

Il est évident, pour celui qui connaît la figure de saint Christophe, qu'il est accompagné d'un ermite présentant le fanal de la foi , et que celui-ci se retrouve sur chaque enluminure, chaque peinture, chaque vitrail et chaque texte décrivant le géant portant le Christ. Il est évident par conséquent qu'il ne s'agit pas, à Amboise, de saint Antoine, même si ce dernier est son voisin dans le retable de San Benito de Calatrava ou dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne. Me sentant un peu seul devant cette conjuration des Antonins (Charles Urseau 1912 ; Marcel Montmarché 1917 ; La Vie du rail 1952 ; Sylvain Knecht 1961 ; Guy Monrosty 1991 ),  je reçus le coup de grâce lorsque je lus sous la plume de Gustave Flaubert, grand pourchasseur de la Bêtise, les lignes suivantes : 

Ancre

  " La chapelle : délicieuse, ouvrage de fouillure de ciselé, d’élégance,et dont le style fait  penser aux fraises à laMédicis à cause de ses broderies, de ses boutons et de ses découpures. —Sur la porte un saint Hubert descendu de cheval, à genoux ; un ange vient mettre une  couronne sur son bonnet, le saint est agenouillé devant le cerf qui porte un crucifix entre ses  cornes ;  les chiens sont à côté et jappent ; un serpent rampe sur une montagne où l’on aperçoit des  cristaux, on voit sa tête plate de vipère au pied des arbres, l’arbre dévot, théologique des bibles, petit et sec de feuillage, mais large de branches. 

 

Saint Christophe porte Jésus ; saint Antoine est dans sa cellule, son cochon rentre, on ne lui  voit  que le derrière, cela fait parallèle à un autre animal (lièvre ?) dont la tête sort. "  Voyage en Bretagne : Par les champs et par les grèves, page 33.

 

 

 

 

Mais je fus réconforté par Paul Vitry :

"Diverses scènes sont juxtaposées dans ce bas-relief suivant une habitude encore fréquente ; mais il faut en remarquer surtout l'aspect de tableau un peu encombré et manquant d'air, la composition d'un pittoresque voulu, avec des accessoires multiples ingénieusement disposés pour remplir tout le champ. La sculpture très profondément fouillée, presque en ronde bosse pour les personnages principaux, rappelle absolument celle des retables flamands. Tout le paysage conventionnel, avec sa forêt formée de petits arbres en raccourci perchés sur de gros rocs conventionnels, nous paraît un souvenir évident de compositions du même genre, exécutées en bois par les huchiers flamands. Les types sont trapus, les figures un peu lourdes et vulgaires, d'un réalisme minutieux : l'équipement du saint Hubert notamment, et le harnachement de son cheval, sont détaillés avec amour; le cerf et les chiens sont d'un modelé vigoureux et précis.

A gauche enfin, le saint Christophe barbu, les cheveux ceints d'un ruban, appuyé sur un long bâton, avec un manteau dont un pan flotte au vent derrière lui, la tête brusquement relevée vers l'Enfant Dieu qu'il porte sur ses épaules, nous offre un type que les peintres, les graveurs et les imagiers flamands ont répété à satiété, exactement dans les mêmes formules ; à Anvers surtout, saint Christophe était le patron des mariniers et des porteurs de tourbe ; et l'on y rencontre encore des séries de bois reproduisant le même type avec de plus en plus de fantaisie, d'allure dramatique et cavalière ; le manteau est de plus en plus cassé et voltigeant, la pose de plus en plus contournée, à mesure que l'on avance dans le temps.

Quant au personnage de l'extrême gauche, on le désigne quelquefois comme un saint Antoine ; c'est tout simplement le moine ou l'ermite qui, sur la rive du fleuve, de la porte de sa petite chapelle, guide le passager une lanterne ou une clochette en main *, et ce personnage nous le retrouvons également dans tous les tableaux flamands où celte scène est représentée. Sa chapelle se compose ici d'un petit édicule en forme de dôme, orné de chapiteaux composites, et couronné de petits angelots nus qui tiennent des guirlandes ; c'est l'exemple d'un de ces motifs accessoires à la mode italienne qui s'étaient glissés dans la miniature française avec Jean Fouquet, qui pénètrent en Flandre un peu plus tard avec Quentin Metsys, sans altérer du reste le style fondamental de l'un ou de l'autre artiste. On peut même remarquer que le petit édicule en question est plus proche de la façon dont les Flamands interprètent le style de la renaissance italienne que de la manière un peu plus régulière, même à l'origine, de nos compatriotes.

Note : Nous ne voyons pas ce qui peut représenter pour l'abbé Bossebœuf, au-dessus de l'oratoire de l'ermite, « la reine de Candie ». Quant au petit animal qui disparaît dans un trou, ce n'est ni le « compagnon de saint Antoine », ni le « rat des champs », c'est un accessoire pittoresque et naturaliste ajouté là par l'artiste pour compléter son tableau."


Élaboration de la légende (Vita) de saint Hubert. Synthèse  chronologique.

Le but de cette synthèse est de montrer que si le lien de saint Hubert avec la chasse et les chasseurs, ainsi que les pouvoirs de l'étole miraculeuse contre la rage  sont  établis dès le XIe  siècle, les éléments qui figurent sur le linteau (rencontre du cerf crucifère, couleur blanche du cerf) n'apparurent que progressivement dans la légende du saint durant le XVe siècle par contagion de la légende de saint Eustache, et que la première compilation de la Légende de saint Hubert en langue profane (en français) a été  rédigée en 1459 à Bruges par Hubert Le Prouvost, le manuscrit lui-même étant daté de 1470-1480 : lors du choix du décor d'Amboise réalisé en 1495, ce texte était extrêmement récent.

— VIIe siècle : Hubert, comte du palais en Aquitaine sous le roi Théodoric, devient le disciple de saint Lambert,à Maestricht puis le premier évêque et saint patron de Liège.

— 743 : première translation des restes du saint à Ambra (Andain)

— vers 743-750, le Vita I ( Vita sancti Hugberti ) (numérotation des Vita d'après les Bollandistes et le père de Smedt, 1887)

— En 817, à Andage, au cœur de la forêt d'Ardenne (actuellement dans la Province du Luxembourg en Belgique), une abbaye bénédictine est crée à l'initiative de l'évêque de Liège Walcaud . En 825, Andage changea de nom à l'occasion de la translation de la dépouille de saint Hubert de Liège à cette abbaye qui devient l'abbaye Saint-Pierre-Saint-Paul de Saint-Hubert.

— 825 : translation des reliques du saint de Liège à Andage

— Vers 825 le Vita Huberti II par Jonas évèque d'Orléans. qui fut chargé, par l'évêque Walcaud, de remanier le style littéraire du premier récit, sans modifier le fond. BnF, Manuscrits, Latin 5609 fol. 2v-3 http://expositions.bnf.fr/carolingiens/grand/046.htm

— Avant 850 le Premier livre des Miracles Miracula S. Huberti. Description de huit miracles.

— Le culte de saint Hubert, fêté le 3 novembre, se développe, autour du tombeau du saint à l'abbaye de Saint-Hubert.

— À partir du Xe siècle au moins les moines se font un nom en développant et dressant une race particulière de chiens de chasse à l’odorat singulièrement développé. Outre la chasse, les robustes et endurants chiens de Saint-Hubert étaient utilisés pour la recherche de voyageurs perdus dans la forêt. Annuellement l’abbaye en offrait trois paires avec 3 couples d'oiseaux de proie ou de parc au roi de France. 

— vers 1050 récit du chanoine Anselme, doyen de Saint-Lambert.

– Le moine Lambert le jeune rédige la Chronique de Saint Hubert, dite Cantatorium. Mention du pouvoir de saint Hubert contre la rage :« A cause de ses mérites devant Dieu, le saint jouit en effet du privilège souvent éprouvé d’arracher à une mort certaine les personnes mordues par un chien, par un loup ou par tout autre animal enragé, lorsqu’accourant au lieu de sa sépulture, elles y sont taillées et qu’elles se conforment aux prescriptions qui accompagnent la taille. » (de Robaulx de Soumoy, Cantatorium, §28, page 51). « Un fermier du village de Luchy, prés de Saint-Hubert, ayant été mordu par un loup enragé, et se sentant en danger de mort, eut recours à saint Hubert. Après qu'on lui eut introduit dans le front, selon la coutume, une parcelle de la sainte étole et qu'on lui eut dicté les prescriptions à observer, cet homme retourna chez lui et obtint une parfaite guérison » (Deuxième Livre des Miracles)

AncreAncre — vers 1090 Deuxième Livre des Miracles ou Miracula S. Huberti par un moine proche de Lambert le jeune, qui porte à une trentaine le nombre des prodiges attribués à l'intercession du saint. Il y est question de la dévotion de saint Hubert par les chasseurs, de la guérison de la rage , et de la pratique de la par saint Hubert lui-même : « C'était une ancienne coutume, chez les grands de l'Ardenne d'offrir tous les ans à saint Hubert les prémices ainsi que la dîme de leur chasse, et tous ceux qui se livrent à cet exercice le font sous leur patronage ». « Ce saint, avant de changer l'habit du siècle contre celui d'une vocation plus haute, avait été lui-même amateur de cet exercice ».

— Après 1343 : le Vita III, extrait de la Vita Sancti Lamberti du chanoine Nicolas, prévôt de Saint-Denis. Il rapporte que saint Hubert fut sacré à Rome par le pape Sergius, miraculeusement averti de la mort de saint Lambert.

AncreAncre — Fin du XIVe siècle Jean d'Outremeuse (Vita VI).

— XVe siècle le Vita IV : première mention de la rencontre du cerf crucifère, par fusion du récit de la conversion de saint Eustache, dont la fête tombait, également, le 2 ou le 3 novembre. Mention du fait que l'étole miraculeuse a été tissé par la Vierge elle-même.

— XVe siècle, le Vita V (développement du précédent). L'auteur reprend le récit de la rencontre du cerf, mais la situe au diocèse de Tongres un Vendredi Saint et rapporte un long dialogue entre le Christ en croix et Hubert. Il se convertit et distribue ses biens aux pauvres.

— v. 1459-1463 et 1470-1480 :    Hubert Le Prouvost Vie de saint Hubert,  auquel je consacre un paragraphe distinct infra.

— 1520 : La Vie de monseigneur sainct Hubert d'Ardeine. Paris (vers 152o), in-8. 

— 1526 le Vita VI et VII, compilations d'Adolphe Happart, moine de Saint-Hubert. Première mention du « répit », attouchement du front contre la rage.

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Vu l'importance dans l'analyse du linteau du texte de Hubert le Prouvost, je lui consacre une étude plus approfondie :

 Hubert Le Prouvost ou Le Prévost, Vie de saint Hubert, 1459-1463

Selon le site http://expositions.bnf.fr/flamands/grand/fla_218.htm,

"La Vie de saint Hubert est un texte compilé par Hubert le Prévost, originaire de Lille. Le prologue précise qu’il a, par dévotion pour son saint patron, collecté en 1459 des documents relatifs à la vie du saint en divers endroits : Saint-Hubert en Ardenne, Tirlemont, Bruxelles et Bruges (f. 2). Le prologue signale aussi qu’il fit traduire la légende du latin en français.
Parmi les quatre manuscrits dont l’existence est attestée, deux sont aujourd’hui perdus : l’exemplaire de l’auteur et un autre, richement illustré, qu’il donna à l’abbaye de Saint-Hubert et qui seul mentionnait Colard Mansion comme traducteur. Les deux exemplaires illustrés qui subsistent ont appartenu aux deux plus grands bibliophiles de l’ère bourguignonne. L’un fut commandité en 1463 par Philippe le Bon à David Aubert et illustré par Loyset Liédet de treize miniatures (La Haye, KB, ms. 76 F 10). L’autre fut réalisé quelques années plus tard pour Louis de Gruuthuse qui confia l’illustration au Maître de Marguerite d’York, l’un des principaux artistes ayant travaillé pour le seigneur brugeois. Ce volume, présenté ici [Bnf Ms fr. 424], s’ouvre par une exceptionnelle scène de présentation où Louis de Bruges, portant le collier de la Toison d’or, est accompagné de sa femme Marguerite de Borselen et de leurs enfants (f. 1). L’auteur lui offre son ouvrage dont le contenu est explicitement évoqué dans une saynète peinte à l’arrière-plan montrant saint Hubert en prière devant la vision du cerf. 
Cette scène de conversion est l’image la plus répandue de la légende du saint. Elle est amplement mise en valeur dans la miniature suivante (f. 9). Descendu de sa monture, le jeune seigneur, agenouillé au centre de l’image, est en adoration devant le cerf de couleur blanche qu’il poursuivait un instant auparavant. Une croix portant le Crucifié, dressée entre les bois de l’animal, envoie un faisceau de rayons dorés vers Hubert, converti par cette vision miraculeuse et déjà auréolé. Le cheval et les chiens restent indifférents à la scène. 
Le cycle des miniatures relate d’autres épisodes de la Vita : l’apparition de l’ange au pape Serge pour lui remettre le bâton pastoral de saint Lambert auquel succédera Hubert (f. 14), l’ange apportant l’étole pour la consécration (f. 16 v), le miracle de la guérison de possédés (f. 26), la mort de saint Hubert (f. 43), l’exhumation de son corps en présence de Charlemagne (f. 49), la translation de la châsse (f. 55 vo), l’adoration des reliques et la guérison des malades à l’aide d’une fibre de l’étole posée sur leur front (f. 60). Le choix des scènes reflète parfaitement le culte et la dévotion envers l’un des principaux évêques de Liège. Les hauts lieux de son culte (l’abbaye de Saint-Hubert, Liège ou Tervuren) conservent des témoignages d’une large et intense vénération du saint, devenu le patron populaire des chasseurs et qui prémunit de la rage. 
Les armoiries du commanditaire [Louis de Gruuthuse] étaient peintes dans l’initiale de la page frontispice (f. 1). Elles ont été grattées et remplacées au moment de l’arrivée de la collection brugeoise dans celle du roi de France, Louis XII. Seules quelques traces du collier de la Toison d’or subsistent."

 

 

Il existe donc deux manuscrits de cette Vie de saint Hubert datant du milieu du XVe siècle  : Un premier manuscrit est possédé par la Bnf sous la cote ms. fr. 424 , ancien 7025 et a été publié et annoté par  par Edouard Fétis en 1846, puis  par Ferdinand Carel de Rooy en 1958. Il a été écrit à Bruges en 1459 par Hubert le Prouvost pour Louis de Bruges, seigneur de  Gruuthuse ou de Gruthuyse. L’ouvrage comporte  neuf miniatures . Ces dernières  sont attribuées au  Maître de Marguerite d'York  en collaboration avec Philippe de Mazerolles, deux enlumineurs de Bruges. Le Maître de Marguerite de York, nommé ainsi en raison d' un livre de dévotion qu'il a décoré pour Marguerite d'York, épouse du duc Charles le Téméraire,  a  travaillé en réalité beaucoup plus pour le seigneur Louis de Gruuthuse pour qui il a peint une quinzaine de manuscrits. et dont il réalisa à cinq reprises son portrait ou celui de sa famille. Un autre historien de l'art, Ottokar Smital, a pu le nommer "Maître de Louis de Bruges".

 C'est un volume in folio parvo de 74 feuillets, sur vélin, à lignes longues (24 lignes par pages entières), écrit en anciennes grosses bâtardes, avec 9 miniatures de 135 sur 117 mm, vignettes et initiales, relié en maroquin rouge aux armes de France. Il vient de la bibliothèque de Louis de Bruges, seigneur de Gruthuyse. Dans son prologue, Hubert Le Prouvost donne la date de 1459 pour la rédaction du texte, mais la première miniature représente l'auteur remettant son manuscrit à Louis de Bruges encore jeune, mais portant le collier de la Toison d'Or, qu'il a reçu dans un chapitre que tint Philippe Le Bon à St-Omer en 1461.  

En voici le prologue :

folio 1v : Comme ainsi que dit lappostre nous nayons icy nulle cite permanable mais en querons une autre auvenir cest a scavoir la supernele en laquelle le roy des Roys est seigneur des seignourissans dieu tout puissant reside en cayere glorieusement...[...]

folio 2v : Par cette consideration doncques un Hubert le prouuost en lan mil cccc lix ayant en monseigneur sainct Hubert son especial parein et intercesseur tres singuliere deuotion et desirant en ses sainctes oeuures et doctrines par example et amendement de vie prouffiter et obtenir grace enuers notre seigneur a ses jours passez a lonneur de lui aussi adfin quil soit par ses merites a lui plus enclin prins et mis paire diligence de trouuer sa legende et apres pluseurs parquisions il a trouue une partie delle et la moindre ou monastere ou quil son sainct coprs gist et repose en Ardenne une autre partie a Thielemont une autre a Bruxelles et une autre en ceste ville de Bruges.

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Gallica propose la consultation numérique de ce manuscrit...en noir et blanc ; Mandragore donne accès aux images en couleurs.

– Bnf fr.424 folio 1 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90591262/f3.image

– Bnf fr.424 folio 9 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90591262/f11.image

– Bnf fr.424 folio 14 :  l’apparition de l’ange au pape Serge pour lui remettre le bâton pastoral de saint Lambert auquel succédera Hubert ; http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90591262/f16.image

– Bnf fr.424 folio 16 l’ange apportant l’étole pour la consécration (f. 16 v)  : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90591262/f19.image

– Bnf fr.424 folio 26 :  le miracle de la guérison de possédés

– Bnf fr.424 folio 43 :  la mort de saint Hubert (f. 43),

– Bnf fr.424 folio 49 : l’exhumation de son corps en présence de Charlemagne ou "Invention" de saint Hubert.

– Bnf fr.424 folio 55 : la translation de la châsse

– Bnf fr.424 folio 60 , l’adoration des reliques et la guérison des malades à l’aide d’une fibre de l’étole posée sur leur front .

 

 

 

Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr.424 folio 1v.

Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr.424 folio 1v.

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Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr.  424 folio 1v (détail).

Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr. 424 folio 1v (détail).

. Bnf fr. 424 Folio 9v : saint Hubert face au cerf crucifère.

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Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf  424 folio 14v fr.

Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf 424 folio 14v fr.

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Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf 424 fr.  folio 26.

Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf 424 fr. folio 26.

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Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr. 424  folio 43.

Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr. 424 folio 43.

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Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf  fr. 424 folio 49.

Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr. 424 folio 49.

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Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf  fr. 424 folio 55.

Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr. 424 folio 55.

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Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr. 424 folio 60

Hubert Le Prouvost , Vie de saint Hubert, Bnf fr. 424 folio 60

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— Le second manuscrit du récit de Hubert Le Prouvost est conservé à la Bibliothèque royale (Koninklijke Bibliotheek) de la Haye, sous la cote Ms 76 F10, après avoir appartenu   au duc de Bourgogne Philippe le Bon. Le copiste en est David Aubert, copiste de Philippe le Bon, et les miniatures proviennent de l'atelier de Loyset Liédet , qui décéda à Bruges en 1479. Il est daté de 1463. Le miracle du cerf, le sacre à Rome et la guérison des meurtriers repentis de saint Lambert figurent aux enluminures des  folios  9r, 14r et 25v .

 

 

La question qui se pose est de savoir si Charles VIII et Anne de Bretagne, ou leur entourage, ont pu avoir connaissance de l'un de ces manuscrits, en l'ocurence le Ms fr. 424 puisqu'il rejoignit les collections royales de Louis XII.  Nous devons donc nous intéresser à son premier propriétaire Louis de Bruges.

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Louis de Bruges (1422-1492), ou Lodewijk van  Gruuthuse  [ de la Gruthyuse] , prince de Stenhuyse, comte de Winchester. Mécène et diplomate flamand bibliophile.

 

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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64653116/f13.image

C'est après s'être enrichie dans le monopole du commerce de la ""gruut"", mélange d'herbes aromatiques entrant alors dans la composition de la bière, qu'une riche famille brugeoise, les Van Brugghe, prit le nom de ""seigneurs de Gruuthuse"" . Fils de Jean IV de Bruges, Louis de Bruges est devenu l'écuyer et l'échanson de Philippe le Bon et a suivi celui-ci à la cour de Bourgogne au contact des nobles et princes les plus distingués d'Europe. Lors de la Guerre du sel avec la ville de Gand, il a été nommé gouverneur de Bruges. Le 23 juiillet 1453, il a été annobli lors de la victoire de Gavere contre Gand. Puis il participa comme conseiller  à la préparation du mariage de Charles de Charolais (futur Charles le Téméraire) avec Marguerite d'York. Entre 1463 et 1477 il est stadtholter de la Haye, et gouverneur de Holande, de Zeelande et de Frise. Edouard IV le nomme comte de Wincester. Il devient le conseiller de Charles le Téméraire, puis de sa fille Marie.Ses dernières années sont assombries par un conflit avec Maximilien.

Son épouse se nomme Margaret van Borselen : http://expositions.bnf.fr/flamands/grand/fla_400.htm

C'est un bibliophile exceptionnel, le plus important de son époque après Philippe le Bon, et sa collection de 190 manuscrits illuminés par les meilleurs artistes flamands dépassait de deux fois celle de la couronne d'Angleterre.  Elle contenait notamment une copie des Chroniques de Froissart en quatre volumes richement illustrés, par Loiset Lyédet et par le Maître de Marguerite d'York, ces quatre volumes étant actuellement conservé à la Bnf français 2643 à 2646. Les premiers manuscrits ont été commandés vers 1460, et les derniers vers 1470-1480. Dès 1474, il favorise l'implantation à Bruges de l'imprimerie du libraire et traducteur Colard Mansion.

Son hôtel particulier, aujourd'hui transformé en musée, se visite  à Bruges.

En 1471, Jean de Bruges (143?-1512) fils de Louis, s'attacha (en même temps que Jacques de Halewyn, bailli de Bruges)  au service de Louis XI, puis à celui de Louis XII jusqu'à sa mort en 1512. Voir van Praet page 64. "Créé chevalier par Maximilien d'Autriche avant  la bataille de Guinegatte qui se donna le 7 août 1479, où il devint prisonnier des Français avec un grand nombre d'autres seigneurs flamands parmi lesquels Louis de Walewyn [Halewyn], qui avait épousé Jeanne de Ghistelles, fille de Jeanne de Gruthuyse, tante de Jean ; et Jacques de Halewyn, bailli de Bruges, oncle de Louis de Gruthuyse, père de Jean, qui y périt."

Cette parenté entre la famille de Gruthuyse et la famille de Halewyn m'intéresse puisque a)  Louis de Halewyn, seigneur de Piennes est le commanditaire vers 1500 d'un Livre d'Heures Huntington HM 1171 (où figure saint Christophe), et que b) il est le beau-père de Louis de Roncherolles, commanditaire d'une Chapelle Saint-Hubert, du vitrail de Beauvais associant saint Hubert et saint Christophe (cf. infra) et possesseur d'un Livre d'Heures où figurent saint Christophe et saint Hubert,  que c) son beau-père Jean de Ghistelles était grand-veneur de Flandres. La trajectoire de Louis de Halewyn est proche de celle de Jean de Bruges, puisqu' en 1474, Louis de Halewyn, alors qu'il était  chambellan et capitaine de cinquante lances au service de Charles le Téméraire,  fut  fait prisonnier à Saint-Omer par Louis XI, auquel il se rallie un peu plus tard. Le roi le prend alors comme chambellan, le fait capitaine de Montlhéry (1480). Il est ensuite proche de Charles VIII à qui il revend en 1495 son hôtel parisien d'Hercule de la rue des Charités-Saint-Denis.  « Avec son cousin d'Esquerdes, il rentre à la tête de l'armée française dans Gand en 1485, et protège la frontière nord du royaume, lors des guerres de Bretagne. Charles VIII lui donne le gouvernement de Béthune en 1486. En 1489 on le retrouve chargé de l'escorte du roi Charles VIII, qui se rend en pèlerinage à Embrun. Bien qu'il soit nommé en 1492 gouverneur de Béthune, il est souvent à la cour où le roi le charge de quelques missions diplomatiques telle, cette même année, celle où il conduit au roi les ambassadeurs milanais, venus demander l'alliance de la France contre le roi de Naples ; c'est le début des guerres d'Italie. En 1494, il accompagna le roi Charles VIII à son voyage de Naples, et à la bataille de Fornoue , il fut un des six chevaliers que le roi choisit pour combattre auprès de sa personne, revêtus d’habits semblables aux siens. Le 10 octobre 1496 il est nommé gouverneur des villes de Péronne, Roye et Montdidier. » D. Barbier. Il  fut chevalier de l'Ordre de Saint-Michel (1495), Maître des cérémonies lors du couronnement de Charles VIII à Naples (22 février 1495), et aux obsèques de Charles VIII, il tient  avec trois autres chambellans,  le drap d'or au-dessus du cercueil du roi. Louis XII le fait gouverneur et Lieutenant-général de Picardie.

En résumé, ces éléments rendent possible la transmission du contenu et des enluminures de la Légende de saint Hubert  rédigé par Hubert le Prouvost, de Louis de Gruthuyse à son fils Jean de Gruthuyse puis, directement, au roi Charles VIII ou à son entourage ; ou bien, indirectement, par Louis de Halewyn, oncle de Jean de Gruthuyse et proche du roi. 

Une autre possibilité est que les sculpteurs flamands aient trouvé eux-mêmes à Bruges la source de leur inspiration et en aient proposé le thème lorsque la décoration de la chapelle du château d'Amboise leur fut confiée.

 

 

 

Iconographie : 

Les exemples retrouvés ne permettent pas de préciser une source éventuelle pour le linteau de la chapelle, d'autant que la datation des ouvrages est parfois imprécise (avant ou après la rédaction du manuscrit d'Hubert le Prouvost ?), mais on peut remarquer un regroupement autour de la fin du XVe et du début du XVe siècle, ainsi qu'un lien avec Bruges (Arsenal Ms 639) ou de l'entourage d'Anne de Bretagne.

Le thème de la chasse miraculeuse suivie du pèlerinage et du sacre à Rome est développé dans un des vitraux (1510) de l’église bourguignonne de Saint-Bris-le-Vineux (Yonne). Voir  aussi sur le site ndoduc les vitraux de la Baie 8 de la cathédrale de Paris, et de  la baie 20 de l'église Saint-Pierre de Monfort-Lamaury, 

Dans les Livres d'Heures :

a) Livre d'Heures du Maître-aux-fleurs Arsenal ms 638-639,  sans-doute pour un commanditaire breton ( le calendrier contient 14 saints bretons) : L'illustrateur est actif à Bruges à la fin du XVe siècle. Dans le ms 639 on trouve, après les oraisons aux deux saints Jean et à Pierre et Paul, les suffrages  à neuf saints et saintes dont l'intercession est jugée particulièrement précieuse : ce sont saint Christophe folio 103v / saint Antoine folio 105r  / Saint Hubert folio 106r, saint Georges, saint Fiacre, sainte Catherine, sainte Barbe, sainte Madeleine et sainte Marguerite, sur laquelle s'achève le volume. On remarque donc la place prédominante de saint Christophe et de saint Hubert, dans ce Livre illustré à Bruges à la même époque que le linteau d'Amboise lui-même dû à des artistes flamands.

L'enluminure possède des points communs avec le linteau, mais le jeune seigneur Hubert porte un chaperon, une tunique au col et aux manches fourrées, sans les manches larges d'Amboise, il tient dans ses deux mains un objet mauve qui est peut-être son bonnet (mais le port d'un chaperon est contradictoire), et l'ange est absent.

 

 Arsenal 638 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55008559f

Arsenal 639 : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ead.html?id=FRBNFEAD000079847

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55008564m/f210.image

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55008564m/f215.image

http://blog.pecia.fr/post/2011/03/10/Les-Heures-du-%22Ma%C3%AEtre-des-Fleurs%22-%3A-un-commenditaire-breton

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b) Livre d'Heures de la Bibliothèque d'Amiens Ms 0200 folio 159v  au début du suffrage de saint Hubert (vers 1460) :

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c) Bibliothèque d'Amiens Ms 206 Livre d’Heures selon l’usage de Sainte-Waudru de Mons entre 1474 et 1501.

 

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— d) Les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (1503-1508), folio 191v. Ce  livre d'heures, commandé par la reine Anne de Bretagne à l'enlumineur Jean Bourdichon, dans les premières années du xvie siècle   est conservé au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France à la cote Ms lat. 9474.  Les chiens de l'enluminure sont assez comparables à ceux du linteau d'Amboise. Autre détail similaire,  la trompe de chasse est également octogonale. 

http://gallicalabs.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52500984v/f391.item.zoom., 

Traduction de l'oraison latine page 361 https://books.google.fr/books?id=1xZKAAAAcAAJ&pg=PA334&lpg=PA334&dq=%22saint+christophe%22+%22anne+de+bretagne%22&source=bl&ots=BXnLrj2a4V&sig=YJI5U26YtZDe8ng-HK5X8qgVwbo&hl=fr&sa=X&ved=0CG8Q6AEwDmoVChMI3PP4kcOzxwIVhDwUCh3Drg43#v=onepage&q=%22saint%20christophe%22%20%22anne%20de%20bretagne%22&f=false

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L'enluminure de la Vision de saint Hubert est aussi présente dans un autre livre de prières d'Anne de Bretagne :

Livre de prière d'Anne de Bretagne, Pierpont Morgan Library, New-York, Ms M.50 folio 29, enluminure de Jean Proyer, actif à Tours. L'intérêt de ce manuscrit est que sa datation (1492-1495) précède celle du linteau et témoigne que la dévotion à saint Hubert était déjà présente dans l'entourage religieux de la reine. Ce livre de prières a été commandé par Anne de Bretagne, pour l'éducation chrétienne de son fils, le dauphin Charles-Orland (1492-1495) en guise de cathéchisme. La Vision de saint Hubert est l'une des dernières enluminures, et la dernière des invocations des saints et saintes, ce qui lui donne une place singulière. La prière est la même que celle du Grand Livre d'Heures, et son texte confirme que le saint est invoqué spécifiquement contre la rage : pestifera rabie.

O quam magnificandus et domine  deus omnium creator fortis et iustus et misericors qui solus rex bonus sanctificasti confessorem tuum electum hubertum custodi populum tuum a pestifera rabie ut sciant gentes quia tu es deus noster.

(Dans le Grand Livre d'Heures : -- qui magnificandus et : domine deus omnium creator : fortis iustus et misericors. qui sanctificatsti confessorem tuum hubertum custodi populum tuum a pestifera rabie : ut sciant gentes quia tu es deus noster.)

 

 

http://www.themorgan.org/collection/prayer-book-of-anne-de-bretagne/25

Conversion de saint Hubert, Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Conversion de saint Hubert, Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Mon attention a été un moment attiré sur l'intérêt du vitrail de la cathédrale d'Angers représentant côte à côte saint Christophe et saint Eustache (l'alter ego de saint Hubert). Néanmoins, la scène représentée n'est pas la rencontre de saint Eustache avec le cerf crucifère, mais celle du franchissement d'une rivière.

Comme dans diverses autres œuvres étudiées, saint Christophe est ici caractérisé par sa grande taille (comparer avec celle de l'ermite), sa barbe, son bandeau retenant de longs cheveux bouclés, son bâton refleuri (attesté dans les documents d'archive), ses pieds et jambes nues, et la torsion de son corps dont l'axe des jambes est dirigé vers la gauche alors que sa tête est tournée en arrière (vers la droite) et en haut pour dévisager l'enfant qu'il a accepté de transporter. Tout aussi traditionnellement, l'Enfant est représenté de face, bénissant de la  main droite et portant le globe crucifère (dont la croix est aujourd'hui détruite) de la main gauche ; c'est le Sauveur du Monde.C'est encore selon les conventions iconographiques que le manteau de Christophe et celui du Christ sont emportés par un élan dynamique vers la droite. Les détails plus spécifiques sont l'élégante tunique s'arrétant au dessus du genou et laissant apparaîte, aux poignets, des manches bouffantes, ainsi que les chausses nouées sous le genou par une fine aiguillette rappelant un détail analogue de la peinture murale de la cathédrale de Séville.

Tout aussi classique est la présence de l'ermite qui, sur la rive, guide le géant en élevant une lanterne. Celle-ci a aujourd'hui disparue, mais la posture des deux mains est parfaitement cohérente avec son existence initiale. Cet ermite est abrité ici, derrière sa palissade en osier, dans un ermitage qui tient à la fois de la tour ou de la porte d'enceinte d'une ville, ou d'une gloriette coiffée d'un campanile inattendu. Aux coins de la muraille, deux animaux présentent des blasons lisses, alors que trois trois garçonnets potelés aux visages plus simiesques qu'angéliques supportent une guirlande. Tout aussi composite est la "montagne" sur lequel est érigé cet édifice, puisqu'il s'agit d'une rocaille évoquant les grottes qui seront à la mode un peu plus tard dans les jardins. Outre des fleurs et des racines, un lézard et, peut-être, une tête de serpent, on y voit un terrier dans lequel s'engage un animal à longue queue que j'identifie comme un renard (la queue du blaireau est beaucoup plus courte).

Dernier détail cocasse, un escalier à sept degrés donne un accès commode vers le saint homme.

 

Saint Christophe portant l'Enfant Sauveur du Monde, Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Saint Christophe portant l'Enfant Sauveur du Monde, Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

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Saint Christophe portant l'Enfant Sauveur du Monde, Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

Saint Christophe portant l'Enfant Sauveur du Monde, Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

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Dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne, saint Christophe apparaît au folio 171v parmi les Saints Martyrs. Mais nous sommes loin du modèle amboisien.

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Saint Christophe est aussi présent dans le Livre de prière de Claude de France, fille d'Anne de Bretagne : (Pierpont Morgan Library, New-York, Ms M 1166 folio 32v), qui date de 1517. On trouve la Vision de saint Hubert représenté quelques pages plus loin.

http://www.quaternio.ch/fr/le-livre-de-prieres-de-claude-de-france

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IV.  DISCUSSION : LES RAISONS DU CHOIX DU MOTIF DU LINTEAU.

Nous ne disposons d'aucun témoignage et d'aucun document permettant de savoir ce qui a conduit à placer les scènes de la Vision de saint Hubert et de la traversée du gué par saint Christophe à la place principale de la chapelle du roi du château d'Amboise. On peut donner libre cours aux suppositions.

a) Une filiation avec l'ancienne dénomination de Chapelle Saint-Blaise, Blaise étant invoqué contre les maladies des animaux et étant lié, en Bretagne, avec le loup ?

b) Recherche d'une protection contre les périls extrêmes, ceux de la rage et des dangers de la chasse (saint Hubert), et ceux des voyages, pélerinages, croisades, passages de gué et de pont (saint Christophe ) ? Saint Christophe est toujours représenté sur les seuils et points d'entrée des églises, afin de conférer sa protection lors du passage entre le monde naturel et le monde spirituel. Le passage sous le linteau peut avoir un rôle apotropaïque, et le caractère superstitieux de la pratique religieuse d'Anne de Bretagne est bien connu.

c) Influence des aumoniers et du confesseur de la reine, influence qui se devine aussi dans le choix des oraisons, suffrages et enluminures du Grand Livre d'Heures d'Anne de Bretagne et du surtout du Petit livre de prières d'Anne de Bretagne (réalisé avant 1495) ainsi que du Livre de prière de sa fille Claude de France, où saint Hubert est invoqué contre la rage.

d) Choix proposé par les sculpteurs flamands Pierre Minart, Casin d'Utrecht et Cornille de Nesve 

(un homonyme Cornille de Neve est attesté à Bruges en 1635), qui auraient pu prendre connaissance à Bruges, ou à la cour de Philippe le Bon, ou auprès de David Aubert ou de Loyset Liédet de la Légende de saint Hubert, et de l'enluminure du manuscrit de Hubert Le Prouvost.

e) Un motif plus spirituel peut être évoqué : les deux scènes représentent, comme je l'ai montré dans mon étude du vitrail de Roncherolles, deux scènes de conversion par un face à face bouleversant avec le visage du Christ. La dévote Anne de Bretagne chercherait ainsi à lutter contre l'impiété des seigneurs de son temps. Cette hypothèse, que rien ne vient appuyer (il faudrait étudier les sermons contemporains) peut se coupler avec celle d'un motif plus politique. Ces deux scènes de conversion d'un noble chasseur impie (Hubert) et d'un géant mercenaire païen (Christophe) peuvent participer d'une politique royale cherchant à établir un "savoir-vivre curial" (Sylvain Chaumet), à lutter contre les mœurs grossières et violentes de la noblesse, selon les nouveaux idéaux de raffinement et d'esprit que Castiglione illustrera dans son Livre du Courtisan. En d'autres termes, le pouvoir royal s'appuyerait sur une hagiographie que le Concile de Trente réprouvera bientôt pour s'assurer le monopole de la violence.

f) une influence directe de Louis de Gruuthuse ou de Louis de Halewyn qui aurait fait connaître à Charles VIII (dont la passion pour la chasse est attestée) lors du Voyage à Naples la Légende de saint Hubert récemment écrite en français.

 

V. "SAINT ANTOINE" ; UNE ERREUR BÊTE ET TENACE D'INTERPRÉTATION DU LINTEAU. 

 

Dans la remarquable Notice de visite distribuée au visiteur du château, on lit : "Sur le linteau extérieur au dessus de la porte de la chapelle : St-Antoine (sic) d'Alexandrie en ermite ; St-Christophe (sic) portant l'Enfant-Jésus, conversion de St-Hubert (sic) (fin XVème siècle)".

La guide, tout aussi remarquable, qui nous faisait profiter de son érudition lors de ma visite m'expliqua ensuite qu'effectivement, c'est ainsi que le linteau était interprété, en s'appuyant sur les descriptions des savants du XIXe siècle. Au lieu de se désolidariser de ces illustres prédécesseurs, elle fit observer que l'ermite était identifié par son cochon, dont on sait qu'il est, avec le bâton en tau et la cloche, l'un des attributs de saint Antoine. "On n'en  voit que l' arrière-train, mais les deux jambons ne laissent aucun doute !" Je rétorquais en m'étonnant que ce "cochon" ait une longue queue velue et fournie. "C'est un cochon, mais avec une queue un peu raide" me répondit-elle, peut-être avec une pointe d'humour.  J'appris ainsi que, jadis, les porcs vivaient dans des terriers.

Je me dépêchais de consulter les bons auteurs, et, en effet, je vis que tant Adolphe Joanne en 1899  (Itinéraire général de la France: la Loire , page 33 ) que Louis de Fourcaud en 1892 identifiaient ici l'anachoréte Antoine le Grand, fondateur de l'érémitisme chrétien. Dès 1840, un auteur, membre de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire remarque ici dans les volumes 20 et 21 des Annales de cette Société " l'ermite saint Antoine et son inséparable compagnon".

Comme je l'ai rapporté, c'est Louis-Augustin Bossebœuf qui donna ses lettres de noblesse à cette thèse  en décrivant  " puis saint Antoine au désert avec, à la partie supérieure, la reine de Candie; mais il s'agit ici d'un désert d'un genre tout particulier : le solitaire se montre sous un charmant édicule Renaissance, édifié sur un rocher dans lequel l'inséparable compagnon de l'ermite trouve un abri."

La perle de l'identification d'une "reine de Candie" n'a pas été transmise au XXI siècle. Vous chercherez en vain (hormis dans la Revue de l'Anjou de 1889 qui décrit "saint Philippe baptisant l'eunuque de la reine de Candie", un lapsus pour Candace, reine d'Ethiopie) sous ce nom un autre personnage que celui dont parle Plutarque : 'Adda, reine de Candie, ayant obtenu la protection de ce prince contre Orondonbate, seigneur persan, crut pouvoir lui marquer sa reconnoissance en lui envoyant toutes sortes de mets exquis, & les meilleurs cuisiniers qu'elle put trouver; mais Alexandre lui renvoya le tout, & lui répondit qu'il n'avoit aucun besoin de ces mets si délicats, & que Léonidas son gouverneur lui avoit autrefois donné de meilleurs cuisiniers que tous ceux de l'univers, en lui apprenant que pour dîner avec plaisir il falloit se lever matin & prendre de l'exercice; & que pour souper avec plaisir, il falloit dîner sobrement."

Il est évident, pour celui qui connaît la figure de saint Christophe, qu'il est accompagné d'un ermite présentant le fanal de la foi , et que celui-ci se retrouve sur chaque enluminure, chaque peinture, chaque vitrail et chaque texte décrivant le géant portant le Christ. Il est évident par conséquent qu'il ne s'agit pas, à Amboise, de saint Antoine, même si ce dernier est son voisin dans le retable de San Benito de Calatrava ou dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne. Me sentant un peu seul devant cette conjuration des Antonins (Charles Urseau 1912 ; Marcel Montmarché 1917 ; La Vie du rail 1952 ; Sylvain Knecht 1961 ; Guy Monrosty 1991 ),  je reçus le coup de grâce lorsque je lus sous la plume de Gustave Flaubert, grand pourchasseur de la Bêtise, les lignes suivantes :

Ancre

  " La chapelle : délicieuse, ouvrage de fouillure de ciselé, d’élégance,et dont le style fait  penser aux fraises à laMédicis à cause de ses broderies, de ses boutons et de ses découpures. —Sur la porte un saint Hubert descendu de cheval, à genoux ; un ange vient mettre une  couronne sur son bonnet, le saint est agenouillé devant le cerf qui porte un crucifix entre ses  cornes ;  les chiens sont à côté et jappent ; un serpent rampe sur une montagne où l’on aperçoit des  cristaux, on voit sa tête plate de vipère au pied des arbres, l’arbre dévot, théologique des bibles, petit et sec de feuillage, mais large de branches. 

 

Saint Christophe porte Jésus ; saint Antoine est dans sa cellule, son cochon rentre, on ne lui  voit  que le derrière, cela fait parallèle à un autre animal (lièvre ?) dont la tête sort. "  Voyage en Bretagne : Par les champs et par les grèves, page 33.

 

 

 

 

Mais je fus réconforté par Paul Vitry :

"Diverses scènes sont juxtaposées dans ce bas-relief suivant une habitude encore fréquente ; mais il faut en remarquer surtout l'aspect de tableau un peu encombré et manquant d'air, la composition d'un pittoresque voulu, avec des accessoires multiples ingénieusement disposés pour remplir tout le champ. La sculpture très profondément fouillée, presque en ronde bosse pour les personnages principaux, rappelle absolument celle des retables flamands. Tout le paysage conventionnel, avec sa forêt formée de petits arbres en raccourci perchés sur de gros rocs conventionnels, nous paraît un souvenir évident de compositions du même genre, exécutées en bois par les huchiers flamands. Les types sont trapus, les figures un peu lourdes et vulgaires, d'un réalisme minutieux : l'équipement du saint Hubert notamment, et le harnachement de son cheval, sont détaillés avec amour; le cerf et les chiens sont d'un modelé vigoureux et précis.

A gauche enfin, le saint Christophe barbu, les cheveux ceints d'un ruban, appuyé sur un long bâton, avec un manteau dont un pan flotte au vent derrière lui, la tête brusquement relevée vers l'Enfant Dieu qu'il porte sur ses épaules, nous offre un type que les peintres, les graveurs et les imagiers flamands ont répété à satiété, exactement dans les mêmes formules ; à Anvers surtout, saint Christophe était le patron des mariniers et des porteurs de tourbe ; et l'on y rencontre encore des séries de bois reproduisant le même type avec de plus en plus de fantaisie, d'allure dramatique et cavalière ; le manteau est de plus en plus cassé et voltigeant, la pose de plus en plus contournée, à mesure que l'on avance dans le temps.

Quant au personnage de l'extrême gauche, on le désigne quelquefois comme un saint Antoine ; c'est tout simplement le moine ou l'ermite qui, sur la rive du fleuve, de la porte de sa petite chapelle, guide le passager une lanterne ou une clochette en main *, et ce personnage nous le retrouvons également dans tous les tableaux flamands où celte scène est représentée. Sa chapelle se compose ici d'un petit édicule en forme de dôme, orné de chapiteaux composites, et couronné de petits angelots nus qui tiennent des guirlandes ; c'est l'exemple d'un de ces motifs accessoires à la mode italienne qui s'étaient glissés dans la miniature française avec Jean Fouquet, qui pénètrent en Flandre un peu plus tard avec Quentin Metsys, sans altérer du reste le style fondamental de l'un ou de l'autre artiste. On peut même remarquer que le petit édicule en question est plus proche de la façon dont les Flamands interprètent le style de la renaissance italienne que de la manière un peu plus régulière, même à l'origine, de nos compatriotes.

Note : Nous ne voyons pas ce qui peut représenter pour l'abbé Bossebœuf, au-dessus de l'oratoire de l'ermite, « la reine de Candie ». Quant au petit animal qui disparaît dans un trou, ce n'est ni le « compagnon de saint Antoine », ni le « rat des champs », c'est un accessoire pittoresque et naturaliste ajouté là par l'artiste pour compléter son tableau."

 

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L'ermite guidant saint Christophe de sa lanterne (détruite), Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

L'ermite guidant saint Christophe de sa lanterne (détruite), Portail de la Chapelle Royale, château d'Amboise, photo lavieb-aile.

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VI. HYPOTHÈSE : LE LINTEAU DE LA CHAPELLE D'AMBOISE (1496), SOURCE DU VITRAIL DE RONCHEROLLES A BEAUVAIS (1522) ?

 

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Louis de Roncherolles (décédé en 1538) a fait réaliser en la cathédrale de Beauvais par Engrand Leprince un vitrail  qui le représente en donateur avec son épouse, sous une représentation de saint Hubert face au cerf crucifère, à gauche d'une Crucifixion centrale, et de saint Christophe portant l'Enfant, à droite. Ce vitrail est daté de 1522. 


 

L'association dans une même œuvre de la figure de saint Hubert et de celle de saint Christophe est suffisament rare (je n'ai pas pu en découvrir d'autres exemples) pour s'interroger si le linteau d'Amboise a pu servir de modèle au vitrail de Beauvais. Bien-entendu, nous ne trouverons pas de réponse formelle à cette interrogation, mais un faisceau de présomptions. Le réseau de liens qui se dégagera, sans permettre de conclure, viendra enrichir notre connaissance.

a) Nous pouvons commencer en remarquant que Pierre de Roncherolles, (-1503), le père de Louis, fut conseiller et chambellan de Louis XI et de Charles VIII ; il accompagna ce dernier dans son "voyage" à Naples en 1494, et combattit à la bataille de Fornoue le 6 juillet 1495. On peut noter que cette bataille se déroula sur les rive du Taro à un endroit guéable, et que ce moment dangereux de traversée d'un gué incitait à invoquer saint Christophe. [Mais l'hypothése est affaiblie par le fait que l'armée française longeait la rive du Taro, passant à découvert devant les troupes de la Ligue rangées sur la rive opposée, et que ce sont ces dernières, menées par François de Gonzague au centre, et de Fortebraccio à l'arrière-garde, qui franchirent le gué et furent reçues par l'arrière-garde française de La Trémoille renforcée par l'élite entourant le roi.]

 Pierre de Roncherolles avait épousé Marguerite de Chatillon en 1452, et celle-ci lui apporta en dot la terre d'Ecouis, puis, à la mort de son beau-frère Artus, le titre de seigneur de Chatillon.

b) C'est alors le moment de rappeler que Louis de Halewyn, le beau-père de Louis de Roncherolles, fut également chambellan du roi, et qu'il accompagna le roi Charles VIII à son voyage de Naples. Son poste à la bataille de Fornoue est plus prestigieux que celui de Pierre de Roncherolles puisqu'il  fut un des six chevaliers que le roi choisit pour combattre auprès du roi, revêtus d’habits semblables aux siens. 

Pour tisser d'autres liens, signalons que le flamand Philippe de Commynes,  grand chroniqueur de Louis XI et Charles VIII, était présent aussi à la bataille de Fornoue, où il fut envoyé en pourparlers avant l'affrontement. Or les deux familles étaient apparentées (mariage de Jean II de Halewyn (décédé en 1473) avec  Jeanne de La Clyte, dame de Comines, décédée en 1512.

c) Rapprochons maintenant Louis d'Halewyn de Louis de la Gruthuyse, le commanditaire de la Vie de saint Hubert de Hubert le Prouvost : "Assiégé dans Saint-Omer dont il est le capitaine, Louis d'Halluin est fait prisonnier et connait les prisons de Louis XI comme son parent Louis de Bruges-la-Gruthuse. Comme lui, il se rallie à ce prince dont le grand talent était de séduire les sujets des princes ses rivaux . Le roi attira celui-ci à son service et fit son chambellan" (D. Barbier)

Ainsi, les liens sont établis entre Charles VIII,  Pierre de Roncherolles, les flamands de Bruges Louis d'Halewyn et Louis de la Gruthuyse, ,...et par ce dernier avec le manuscrit de la Légende de saint Hubert. 

d) Tous les biographes indiquent que Louis de Roncherolles fut "chambellan et conseiller du roi", sans indiquer quel souverain il servit. La validation de ces titres ne me paraît pas assurée avec autant de certitude que dans le cas de son père Pierre, et ce n'est pas sur sa biographie que nous pouvons nous appuyer dans notre recherche, mais sur ses œuvres, et sur son alliance avec  Françoise d'Halewyn, fille de Louis d'Halewyn.

– d1  Soit par une passion pour la chasse (plus tard, un comte de Roncherolles figure parmi les grands louvetiers normands), soit par dévotion envers le saint patron de Liège, Louis de Roncherolles avait fondé, à perpétuité, en 1507, , en son manoir du Grand-Roncherolles en Cuverville (Eure) une chapelle consacrée à saint Hubert. Cette dévotion lui venait peut-être de son épouse.

d2. Il est le commanditaire d'un Livre d'Heures (Arsenal Ms 1191 réserve) dans lequel le folio 102 est consacré aux oraisons et antiennes envers saints Cosme et Damien, Louis et Hubert, alors que des enluminures représentent folio 83v saint Christophe portant l'Enfant et guidé par l'ermite, et que les folio 102 et 103 montrent saint Louis présentant Louis de Roncherolles agenouillé (102v) devant la Vision de saint Hubert (103r)


 

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Les armoiries qui entourent la Vision de saint Hubert sont celles de Louis d'Halewyn et celles de Jeanne de Ghistelles, ce qui incite à penser (ou confirme l'idée)  que la dévotion de saint Hubert provient de la famille de son épouse Françoise d'Halluin, fille de Louis d'Halewyn et de Jeanne de Ghistelles.

d3. Il est le père de deux jumeaux né le 17 décembre 1510 et prénommés Françoys et Hubert. (ils ont été précédés par Adrien, Pierre, Loys, Phlippes) et précèdent Laurens et Jehan.

  Au total, on peut suggérer que Louis de Roncherolles (1472-1538) a été initié au culte de saint Hubert par son épouse Françoise d'Halluin et surtout par son beau-père Louis d'Halluin ou de Hallewyn, seigneur de Piennes, (v.1450-1519), lui-même apparenté par son père à la famille de Bruges-La-Gruthuse, et donc à Louis de La Gruuthuse (c.1422-1492), commanditaire du manuscrit de la Légende de saint Hubert . Ces deux personnages, Louis d'Halewyn et Louis de La Gruuthuse, Mais l'association sur le vitrail de Beauvais de saint Hubert et de saint Christophe suggère que Louis de Roncherolles a été influencé par le linteau de la chapelle du château d'Amboise, ce qui  est plausible étant donné que son père Pierre de Roncherolles et son beau-père Louis d'Halewyn ont été tous deux chambellans du roi, et ont participés avec Charles VIII à la bataille de Fornoue (1495).


 


 

 

 

La Vision de saint Hubert, et saint Christophe portant l'Enfant, Verrière de Roncherolles, cathédrale de Beauvais, 1522.

La Vision de saint Hubert, et saint Christophe portant l'Enfant, Verrière de Roncherolles, cathédrale de Beauvais, 1522.

 

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DOCUMENTS :

 

Document 1.  : description par Louis-Augustin Bossebœuf (1897) .  La chapelle de Saint-Blaise

  "Les hauts suzerains et les rois de France avaient tenu, sinon à doter leur chastel de quelque nouvel oratoire, du moins à agrandir ou embellir les édifices religieux qu'ils avaient reçus des ancêtres. Charles VII, en particulier, fit, dit-on, construire la chapelle de Saint-Michel, qui altenait à la collégiale, et dans laquelle Louis XI aurait institué l'Ordre de Saint-Michel. A son tour Louis XI, qui toute sa vie, et spécialement à ses derniers moments, devait se réclamer de « Mgr saint Biaise », construisit une chapelle en l'honneur de son protecteur; celle-ci dépendait de la collégiale et servait d'ordinaire de lieu de réunion pour les chanoines.

Charles VIII avait hérité de son père une vive dévotion pour saint Biaise, qui d'ailleurs jouissait à cette époque d'une grande popularité, et Anne de Bretagne ne pouvait qu'entretenir le roi dans ces pieux sentiments. Le roi et la reine décidèrent de bâtir, sur le bord méridional du plateau, une nouvelle chapelle dédiée à saint Biaise qui, par l'élégance des proportions et le charme de l'ornementation, ferait oublier la première. Le gros œuvre était achevé en 1493, époque à laquelle on s'occupait de l'ameublement. Dans son ordonnance du 1"' octobre de cette année, Charles VIII dit, en effet, qu'il a naguère commencé de « reparer, reddifier et de nouvel bastir noz chappelles estans en notre chastel d'Amboise ». Cette dernière désignation de chapelle nouvellement bâtie s'applique évidemment à la chapelle de Saint- Biaise que nous étudions.

L'édifice a survécu aux vicissitudes diverses éprouvées par le château et profile ses lignes harmonieuses sur le ciel, qui lui sert de cadre : on ne saurait imaginer plus ravissant décor pour les yeux et plus attachant sujet pour l'imagination.

La partie inférieure, qui a été remaniée, présente une sorte de nef avec deux espèces d'enfeux à droite. Au-dessus, et formant comme la crypte de la chapelle, est un petit oratoire bâti en brique, dans lequel paraissent des traces de peinture. Cet oratoire, en forme de T, se rattache vraisemblablement à l'époque de Louis XI, auquel on attribue la construction d'une chapelle souterraine. La chapelle proprement dite, bâtie en pierre de taille, repose sur un soubassement formant avant-corps, dont les murs et les contreforts plongeaient jadis dans les douves. Elle a été l'objet d'importantes restaurations, sous la direction de M. Ruprich-Robert père, précédemment architecte du château; elle mesure 12 mètres de longueur sur 3 m. 75 de largeur. •

La façade est un type achevé du gothique fleuri de la fin du XVe siècle. Le tympan, jadis transformé en rosace, a été restitué par M. Ruprich-Robert et orné d'une Vierge avec l'Enfant, assise dans une gloire et encensée par les anges, et ayant à ses pieds les fondateurs, Charles VIII et Anne de Bretagne; ce travail remonte à une date récente. L'entrée est formée de deux portes à arc surbaissé, séparées par un pilier central, et dont chacune a 1 mètre de largeur et 2 m. 55 de hauteur. Les portes anciennes, en bois, sont composées symétriquement d'un double compartiment avec arcatures ogivales flamboyantes. De chaque côté, une niche avec dais et console, reposant sur un pied en forme de tronc d'arbre noueux, renfermait une statue qui a disparu : peut-être celles de saint Biaise et de sainte Anne. Le pilier central offre également une niche vide, dont le socle est décoré de sculptures dans lesquelles, au milieu des feuilles de chardon, de chêne et de vigne, se montrent des écureuils, des lombrics et des limaçons ; le baldaquin recouvre un ange tenant une banderole sur laquelle on lit : Gloria in excelsis Deo, en caractères gothiques. Celte niche renfermait sans doute une figure de la sainte Vierge. La corniche, d'une délicate légèreté, est décorée de feuilles de chardon et d'animaux, et aussi de feuilles de chêne et d'anges.

Au-dessus de la porte et au-dessous du tympan, dans le trumeau, se déroule un remarquable bas-relief, encadré d'arcatures de style flamboyant, qui mesure 3 m. 20 de longueur sur 0 m. 60 de hauteur. Le bas-relief comprend trois sujets distincts, mais ne constituant qu'un seul trumeau. Le principal est la Vision de saint Hubert. Le gentilhomme, descendu de son cheval, qu'il tient par la bride, se prosterne devant le crucifix qui lui apparaît au milieu des cornes d'un cerf, près duquel les chiens eux-mêmes s'arrêtent, saisis d'étonnement et de respect. A la partie supérieure , un ange descend du ciel , apportant une couronne. Le fond du sujet est occupé par une forêt de laquelle le cerf semble sortir, tout auprès d'un rocher boisé où s'abritent quelques animaux, parmi lesquels un rat. — sans doute le rat des champs. L'entraînement des princes et gentilshommes pour la chasse a porté les artistes à illustrer cette légende de la vie de saint Hubert. On voit, dans l'église de Bridoré, un remarquable bas-relief du xvi° siècle qui reproduit le même prodige avec des accessoires un peu différents. La suite du « tableau » de pierre de la chapelle de Saint-Biaise — à peu près le tiers — figure saint Christophe portant sur ses épaules l'Enfant Jésus , qui tient le globe ; puis saint Antoine au désert avec , à la partie supérieure, la reine de Candie; mais il s'agit ici d'un désert d'un genre tout particulier : le solitaire se montre sous un charmant édicule Renaissance, édifié sur un rocher dans lequel l'inséparable compagnon de l'ermite trouve un abri.

Il est superflu de chercher longtemps pour trouver l'atelier auquel il convient d'attribuer cet ouvrage remarquable. Ce bas-relief, par ses qualités et aussi par ses défauts de facture, appartient à l'école de Michel Colombe.

On y rencontre, d'une part, la naïveté un peu raide, l'ordonnance un peu encombrée et privée d'air et de perspective, le faire encore quelque peu timide par lequel l'artiste tient encore au moyen âge, surtout dans celte première période ; on y salue, d'autre part, une conception neuve et un sentiment plus vrai de la nature, une noble élégance qui sait donner une forme harmonique aux objets, et une rare habileté de main : ce sont bien là les caractères du » tailleur d'ymaiges » Michel Colombe.

Le rapprochement du cadre, qui est formé d'arcatures flamboyantes, et du gracieux édicule Renaissance de saint Antoine, accuse bien l'époque de transition de la fin du xv" siècle dans la statuaire, période dont l'atelier de Colombe fut l'initiateur sur les bords de la Loire. Anne de Bretagne, qui se montra une protectrice fidèle des arts, n'aura pas manqué de s'adresser, pour la décoration de sa chapelle, à son sculpteur préféré, au Breton qui lui rappelait le souvenir de son duché, cher entre toutes les provinces de France. D'ailleurs, pour trouver des frères à ce saint Hubert, à ces figures de saint Christophe et de saint Antoine, l'on n'a qu'à songer aux anges du tombeau des enfants de Charles VIII, dans la cathédrale de Tours, et aux statuettes qui décorent l'enfeu de la Mise au tombeau du Christ, à Solesmes, que la critique attribue si justement au grand sculpteur. Par ce bas- relief, exécuté vraisemblablement vers 1493, Colombe préludait à Y Ensevelissement du Christ, avec son important enfeu, à Solesmes, achevé en 1496; au tombeau de François II de Bretagne et de Marguerite de Foix, le père et la mère d'Anne de Bretagne, à Nantes, terminé en 1506, ainsi qu'au tombeau des enfants de la reine, dans la cathédrale de Tours." La Touraine historique et monumentale,  pages 157-161

N.b : l'attribution à Michel Colombe n'est pas confirmée par les connaissances actuelles.

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 Document 2 : Le culte de saint Hubert invoqué contre la rage : pratiques de guérison de l'abbaye de Saint-Hubert. Hervé Bazin :

"Les pèlerinages à l’abbatiale de Saint-Hubert dans les Ardennes belges, ont eu, au cours des siècles, une renommée certaine. Certains pèlerins accomplissaient ce pieux devoir en vue de mériter le paradis, d’autres étaient des personnes mordues ou « roulées » par des animaux enragés ou supposés l’être. Pour ces derniers, il y avait deux types d'opérations possibles : l'une curative appelée « la taille » pour les mordus à sang, l’autre, nettement plus simple, dite « le répit ». Enfin, les pèlerins ordinaires pouvaient solliciter l’imposition de la sainte Etole pour une intention particulière. Les pratiques de Saint-Hubert contre la rage donnent une place centrale à l’ « Etole miraculeuse ». Dans le rituel de l’église catholique, l’étole est le vêtement liturgique réservé au clergé : diacres, prêtres et évêques. Signe du pouvoir spirituel, elle n’est portée que dans l’exercice de fonction liturgique : cérémonies, bénédictions ou prières d’intercession. Elle peut être imposée sur la tête de ceux qui demandent une protection particulière ou une intervention divine. Cette pratique consistait à insérer un très petit morceau de l'étole du saint sous (dans ?) la peau du front du pèlerin, recouvert immédiatement d’un bandeau blanc ou noir. L’invocation à réciter avant de commencer la neuvaine était : « Dieu tout puissant et éternel qui, par les mérites et l’intercession du glorieux Pontife Hubert, accordez à vos créatures un remède salutaire et surnaturel contre le cruel mal de la rage… » (Réjalot, 1934, page 124). L’opération achevée, l’officiant inscrivait le nom et l’adresse de la personne taillée (voir annexe) et lui remettait des instructions à suivre les jours suivants. Il s’agissait, pendant neuf jours, de se confesser et de communier, de se coucher seul dans des draps blancs ou tout habillé si les draps n’étaient pas blancs, de boire dans un verre ou un vase et de ne jamais se baisser pour boire aux fontaines ou aux rivières, sans que ce point soit capital pour le succès de la neuvaine. La personne pouvait boire du vin mêlé d’eau ou de l’eau pure. Elle pouvait manger du pain blanc ou autre, de la chair de porc d’un an ou plus, de chapons ou de poules, des poissons portant écailles… des œufs cuits durs, toutes ces choses devant être mangées froides, le sel n’étant pas défendu. Elle pouvait se laver les mains… l’usage étant de ne pas se faire la barbe. Il ne fallait pas se peigner les cheveux pendant quarante jours, la neuvaine y comprise. Le dixième jour on devait faire délier son bandeau par un prêtre, le faire brûler et en mettre les cendres dans la piscine (sic - les fonts baptismaux ?). L’observance de la fête annuelle de saint Hubert était requise. Si la personne était mordue de nouveau jusqu’au sang par quelque animal enragé, elle devait faire abstinence l’espace de trois jours. Enfin, elle avait le pouvoir de donner le répit à toutes personnes blessées par quelque animal enragé. »

« Le répit est un simple attouchement de la tête, au nom de Dieu et de la Sainte Vierge, fait par les aumôniers de la chapelle de Saint-Hubert ou par les personnes taillées en vue surtout de retarder les effets de la morsure jusqu’au moment où les personnes atteintes pourraient se rendre au lieu de guérison, ou en vue de prévenir chez celles qui ne sont pas dans des conditions d’âge ou autres voulues pour l’accomplissement des exercices religieux... » (Roucher, 1866, page 290). Celui qui demande le répit doit se mettre à genoux et dire : « Je vous demande répit, au nom de Dieu… » et la personne, qui en a le pouvoir, accorde la grâce demandée… Le plus ancien auteur connu qui aborde le sujet du répit est Dom Adolphe Happart, au commencement du XVI° siècle. C’était un simple attouchement du front donné aux personnes non mordues jusqu’au sang ou aux enfants n’ayant pas fait leur première communion. Il se donnait pour quarante jours et pouvait être renouvelé. Aux enfants mordus à sang, on donnait un répit à terme de quinze à trente ans suivant leur âge. L’enfant, avant la fin du délai accordé, devait aller à Saint-Hubert pour le faire renouveler. Ce deuxième répit dit à vie, était de 99 ans. Le répit se donnait aux personnes mordues à sang par un animal seulement suspect d’être enragé, aux personnes mordues ou contusionnées par un animal enragé, sans avoir été pénétrées jusqu’à la chair vive et enfin aux personnes se croyant infectées... Après le répit, les personnes devaient effectuer une neuvaine de cinq Pater et cinq Ave avec une invocation à saint Hubert. Le répit de 40 jours pouvait être accordé par les personnes taillées et les officiants de l’abbaye de Saint-Hubert. Ces derniers avaient, seuls, le pouvoir d’accorder les répits à terme ou à vie. »

Miracle de saint Hubert » tiré de La légende de saint Hubert par Hubert Le Prévost (vers 1475-1500) L’image de ce miracle de saint Hubert est accompagnée de la légende suivante : « s ’ensieuvent les miracles que fist Monseigneur Sainct Hubert en sa vye, et prumièrement comment il guérit de rage tous ceulx… » On y aperçoit l’évêque Hubert imposant son étole sur un enragé dont le démon s’enfuit au dessus de sa tête tandis qu’un second enragé/possédé, encore furieux, attend d’être débarrassé du sien qui est toujours dans sa tête.

Un rite secondaire , mais probablement le plus en usage dans le cadre du pèlerinage de Saint-Hubert, était celui d’imposer sur le front de pèlerins qui le demandaient un reliquaire contenant un fragment de la sainte Etole, accompagné d’une bénédiction.

Les animaux et la marque des clés ou cornets de Saint Hubert.

Les animaux pouvaient être protégés de la rage après une morsure d’animal enragé ou même contre une rage future due à une contamination à venir, grâce à l’intercession de saint Hubert. La pratique principale était une cautérisation à l’aide d’un clou de fer monté sur un manche et/ou logé dans un étui, ayant été béni et ayant touché la sainte Etole. L’instrument, lui-même, était appelé « clé » ou « cornet » de saint Hubert. L’opération pouvait être faite à même la ou les plaies de l’animal ou sur son front. L’appareil est assez léger, rapidement chauffé à blanc mais aussi vite refroidi, il ne paraît pas apte à exécuter une cautérisation sérieuse. Sa forme, elle-même, était faite plus pour marquer que pour cautériser une plaie profonde."

 

 

 

 

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Document 3 

Sint Hubert, patron des chasseurs et guérisseur de la rage, par Alain Dierkens Professeur à l'Université Libre de Bruxelles

http://tresordeliege.be/publications/pdf/023.pdf

Hubert est évêque du diocèse de [Tongres-] Maastricht [-Liège] des environs de 706 jusqu’à sa mort, le 30 mai 727. Membre d’une riche famille austrasienne et très vraisemblablement proche parent de la femme du maire du palais Pépin II de Herstal, Hubert est nommé évêque à la mort de son maître, Lambert, assassiné à Liège dans le cadre d’une vendetta le 17 septembre d’une année non précisée, entre 703 et 706 (en 705?). La source principale de notre connaissance d’Hubert est la Vita sancti Huberti prima, rédigée vers 750 par un religieux proche du saint évêque. Grâce à cette Vie quasiment contemporaine, nous connaissons l’action missionnaire d'Hubert en Brabant, en Toxandrie et en Ardenne, ainsi que l’événement le plus célèbre de sa carrière épiscopale : la translation du corps de Lambert, de Maastricht à Liège, peut-être en 718. Ce transfert des reliques de Lambert sur le lieu de son assassinat est souvent considéré comme l’illustration du déplacement du siège de l’évêché, mais cette interprétation semble abusive puisque ce n’est qu’au tout début du IXe siècle que Liège devient le siège principal du diocèse. Hubert meurt dans sa résidence de Fura, probablement Tervueren, dans la forêt de Soignes, au diocèse de Cambrai ; son corps est solennellement ramené à Liège. Son fils Floribert lui succède comme évêque. L’élévation de ses reliques, c'est-à-dire la première étape de la dévotion officielle, a lieu le 3 novembre 743, en présence du maire du palais Carloman. Dès ce moment, apparaît une des constantes du discours hagiographique relatif au saint : le corps d’Hubert est resté intact et préservé de toute corruption. L’étape majeure du culte de saint Hubert se place en 825. En cette année, les reliques corporelles du saint évê- que – le corps intact dans son sarcophage (?) – quittent Liège pour être placées au milieu de la forêt d’Ardenne, à Andage, ancienne abbaye qui venait d'être restaurée à l’initiative de l’évêque Walcaud. Les circonstances précises de cette nouvelle translation sont connues grâce à une œuvre d’un des plus fameux représentants de la Renaissance carolingienne, Jonas d'Orléans. Les deux recueils de Miracles de saint Hubert Peu de temps après la rédaction du récit de Jonas, un premier recueil de Miracles est constitué par un auteur anonyme des années 850. Dans ce recueil sont consignés huit miracles, dont le premier, relatif à la guérison d’un aveugle, a lieu en 825, lors de la translation du corps dans l’abbaye d'Andage (qui prend de plus en plus souvent le nom de Saint-Hubert). Dans les années 1100, est achevé un second livre de Miracles dans lequel sont réécrits et actualisés les miracles du livre I, et consignés de nombreux autres miracles datant du milieu du X e siècle à la fin du XIe siècle. La comparaison des deux versions de Miracula est naturellement fort instructive, notamment parce qu’elle met l'accent sur l’apparition de nouveaux aspects religieux. Vers 1100, est également rédigée à Saint-Hubert une importante chronique monastique, connue sous le nom de Cantatorium Sancti Huberti, dans laquelle une place importante est réservée à saint Hubert, protecteur de l’abbaye. Dans les miracles anciens, Hubert est un saint “généraliste” comme tant d’autres, avec une prépondérance d’exorcismes ainsi que de guérisons d'aveugles et de paralytiques. Mais dans les parties originales du second recueil et dans le Cantatorium, à côté de guérisons et de visions inspirées par le saint, sont décrits des miracles plus spécifiques, dont la grande majorité concerne la protection du temporel de l'abbaye et la punition des usurpateurs ou des seigneurs non respectueux de leurs promesses. Mais on y trouve aussi les premières mentions relatives à la protection offerte par Hubert contre la rage et à la guérison d’enragés ; d’autres chapitres font allusion à la chasse. Saint Hubert et la rage Un premier miracle (Miracula Huberti II, 14) raconte l’histoire d’un intendant de l’abbaye dans un domaine voisin de Saint-Hubert, à Luchy. Mordu par un loup enragé, il se rend au monastère et, conformément à la coutume, s’y fait “ tailler ”. C’est la première mention connue de la “taille”, pratiquée à Saint-Hubert jusqu’au début du XXe siècle ( ! ) : selon l’usage, un fil d’or provenant de l’étole du saint est inséré dans une lé- gère entaille pratiquée sur le front de l’enragé ; le respect de prescriptions pieuses garantit le succès de l’opération. Comme la sainte étole aujourd'hui conservée dans la basilique de Saint-Hubert n’est pas antérieure à la fin du XIe siècle, il faut supposer qu'une autre étole, prétendument “donné ” à Hubert par un ange et aujourd'hui disparue, était alors conservée dans l’abbatiale. Deux autres miracles du même ordre font également allusion à la “taille” administrée par les moines de SaintHubert. L’un (Miracula Huberti II, 21) concerne le noble Gosbert de Marle et un prieuré de Saint-Hubert, situé à Évernicourt près de Laon, donc à quelque 135 kilomètres de l'abbaye ardennaise. Gosbert, mordu par un chien enragé, se rend au monastère pour s’y faire guérir ; il y est taillé et se voit préciser les pratiques à observer. Un an après, il ne respecte pas une donation foncière qu’il avait faite ; il est possé- dé par le diable, mord le visage de sa femme et en arrache un morceau de chair ; malgré ses vociférations, il est pris, lié et conduit à Saint-Hubert où, aussitôt délivré de ses liens, il se fracasse la tête contre un mur. Seul peut venir à bout de sa folie un traitement de choc : il est plongé dans un récipient d'eau froide à laquelle avait été mêlée de la poudre provenant du tombeau de saint Hubert ; un exorcisme parachève la guérison. Quant à sa femme, elle doit également être taillée de more. Un troisième miracle (Miracula Huberti II, 29) a été porté à la connaissance de l'hagiographe par l'abbé de Waulsort-Hastière, Lambert, donc dans le troisième quart du XIe siècle. Un homme, mordu par un chien enragé, se rend à Saint-Hubert ; il y est taillé et est ainsi efficacement protégé. Trente ans après, en se lavant, il arrache maladroitement avec son peigne le fil d'or inséré dans son front. Le lendemain matin, ses cheveux noirs sont devenus blancs ; il décide alors de se faire réinsérer le fil de l'étole. Ce miracle prend un sens supplémentaire quand on se rappelle que c'est sous Godescalc, le successeur de Lambert († vers 1075), que l'abbaye de Waulsort tente un moment de “doubler” Saint-Hubert en utilisant l’étole d’un de ses saints abbés, Forannan, de la même façon que celle d'Hubert. À ces trois miracles consignés dans le Liber secundus Miraculorum, s'en ajoute un quatrième, rapporté par le Cantatorium (chap. XIX) : le chambrier de la comtesse d'Arlon, mordu par un chien enragé, se rend à Saint-Hubert, y est taillé, suit les règles imposées, est guéri et décide de devenir sainteur de l'abbaye. Ce récit est interrompu par une longue incise dans laquelle sont vantés les privilèges de l'abbaye de Saint-Hubert pour guérir toute personne mordue par un chien, un loup ou n’importe quel animal malade : le taillé qui observe les prescriptions échappe à la mort. L'auteur précise aussi que, de son temps, il a vu deux jeunes gens mordus par un chien enragé et qui, influencés par un prêtre indigne, refusèrent d’aller à SaintHubert : pris de maux et d'accès de fureur, ils hurlèrent comme des loups et aboyèrent comme des chiens. Amenés trop tard à Saint-Hubert, ils moururent à leur arrivée. Ces miracles contiennent déjà tous les éléments constitutifs du culte de saint Hubert comme protecteur contre la rage et guérisseur des enragés. Dans cette fonction antirabique, Hubert exercera un quasi-monopole en Basse-Lotharingie puis dans les PaysBas bourguignons et espagnols. Les techniques de guérison font intervenir non le saint corps mais un fil de l'étole miraculeuse : la disparition du corps de saint Hubert lors des guerres de religion en 1568 n’entravera donc en aucune façon les pèlerinages à Saint-Hubert et la pratique de la taille, encore attestée après la suppression de l'abbaye en 1797 et après les découvertes de Pasteur en 1885. Les seules modifications significatives concernent l'accueil des pèlerins, la préparation spirituelle du futur taillé et la définition précise des instructions à suivre après la taille. Saint Hubert et la chasse Les mêmes textes des environs de 1100 font également allusion à la place d’Hubert dans la protection de la chasse en forêt d’Ardenne. Le livre II des Miracula (II, 15) précise ainsi que, si l’abbaye bénéficie de droits de chasse particuliers, c'est parce que saint Hubert, avant de devenir évê- que, était un chasseur émérite : “depuis longtemps, en effet, les grands de toute l’Ardenne doivent, selon une coutume confirmée, payer chaque année à saint Hubert les pré- mices de la chasse et les dîmes de toutes les sortes de bêtes sauvages, parce que ce même saint, avant de quitter le siècle pour rentrer dans la vie religieuse, fut passionné par cet exercice. C'est pour cette raison et pour d’autres que les nobles de la région chassent au nom du saint  Les historiens d'aujourd'hui préfèrent inverser la relation causale suggérée par l’hagiographe : c’est parce que l’abbaye se trouve au centre de vastes domaines de chasse et, à ce titre, dispose du droit de chasse sur ses terres, qu'elle en reporte l’origine sur son saint patron. Quoi qu’il en soit, tant les Miracula Huberti que le Cantatorium soulignent à l’envi que de grands personnages des X e et XIe siècles étaient amateurs de chasse en Ardenne : les ducs de Lotharingie Fré- déric († 1065) et Godefroid le Barbu († 1069), le comte Thierry d'Ardenne et son frère Aleran (vers 900 ?), le comte Albert III de Namur († 1102) (Miracula Huberti II, 15 ; Cantatorium, XVI et LVIII). L’auteur du Cantatorium rapporte même qu’il a vu Frédéric de BasseLotharingie, accompagné de ses chasseurs, porter la tête d’un sanglier sur ses propres épaules et déposer sa proie par dévotion devant l'autel principal de l’abbaye (Cantatorium, LVIII). Il ajoute que le duc Godefroid le Barbu s’acquitta un jour de la coutume selon laquelle il convient d’offrir à l’abbaye les prémices de la chasse, en donnant à l'abbaye cinq cerfs (avec leur peau) et un loup, apporté vivant (Cantatorium, LVIII). Mais cet aspect de la dévotion à Hubert reste secondaire jusqu'au début du XVe siècle, quand un épisode fameux de la légende de saint Eustache (l’apparition d’un cerf crucifère entraînant la conversion du chasseur) est intégré à l’histoire de saint Hubert : Hubert, chasseur invété- ré, aurait opté pour la carrière ecclésiastique après avoir vu un cerf crucifère. Du XVe au XVIIIe siècle, les deux aspects du culte d'Hubert (protecteur contre la rage, patron de la chasse et des chasseurs) se développent conjointement. L'iconographie (sculptures, peintures, gravures, insignes de pèlerinages, mé- dailles pieuses, etc.) révèle clairement cette dualité : Hubert est représenté soit en saint évêque, éventuellement associé à un cor ou à un cerf, soit en chasseur, fré- quemment au moment de sa “conversion”. Au XIXe siècle, c'est comme patron des chasseurs et, par extension, comme protecteur des animaux liés au chasseur (chien, cheval) puis, tout récemment, de tous les animaux domestiques que le culte de saint Hubert connaît – et continue à connaître – une ampleur inouïe partout en Europe. En guise de conclusion Saint Hubert a d'abord bénéficié d'un culte comme saint évêque “généraliste” ; la dévotion se spécialisa ensuite. Si l'on prend en compte, dans le livre II des Miracles ou dans le Cantatorium, des expressions comme “selon la coutume”, “ comme d'habitude ” (de more, ex consuetudine, etc.), on en arrive à placer les origines de cette double spécialisation au X e siècle, peut-être dans la première moitié de ce siècle. De nouvelles datations ont été proposées pour les principales reliques indirectes de saint Hubert (à Liège, une clé ouvragée ; à Saint-Hubert, l'étole, un cor de chasse, le crosseron à tête animale – serpent ou plutôt cheval ? – d’une crosse épiscopale en ivoire et, peut-être, un peigne liturgique) : ces objets seraient contemporains de la rédaction du second livre de Miracles et du Cantatorium. Ce qui suggère qu’à la fin du XIe et au début du XIIe siè- cle, le processus de relance du culte de saint Hubert fut beaucoup plus vaste et plus cohérent qu'on ne l’avait cru. Mais jusqu’à la fin du Moyen Âge, Hubert fut surtout un saint antirabique. Ses liens avec la chasse, les seuls que l'on connaisse encore aujourd'hui, ne se développèrent véritablement qu’au XVe et, surtout, aux XVIIIe et XIXe siècles.    BLOC-NOTES – N° 23 – Juin 2010 

 

 

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SOURCES ET LIENS.

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— Livre d'Heures de Loys de Halewyn Huntington HM1711 :

 http://bancroft.berkeley.edu/digitalscriptorium/huntington/HM171.html

http://blog.pecia.fr/post/2012/01/12/Les-Heures-de-Louis-d-Halluin-(-1519)-%3A-San-Marino,-Huntington-Library,-H-1171

 

— ANDROUET DU CERCEAU (Jacques), 1576-1579, "Premier [et Second] volume des plus excellents bastiments de France...", Paris, s.n., 1576-1579 , second volume

 BABELON (Jean-Pierre) , Le Château d'Amboise, Arles, Actes Sud, 2004, 189 p.

— BARBIER (D) 2007, Louis, seigneur de Piennes, Bugenhoule et Maignelais, http://maison.omahony.free.fr/ascendants/fiche%20halluin%20%20louis%20V3.pdf

 

— BAZIN (Professeur Hervé), 2007, Saint Hubert, guérisseur de la rage de l'homme et des animaux, Bull.Soc.Hist.Méd.Sci.Vét., 2007, 7 : 104-126 104 

— Site très complet sur saint Hubert :  http://perso.infonie.be/liege06/02deux02.htm

On y trouve la transcription des textes de Sylvain Baleau, de la Bibliographie nationale, de J. Coenen, J. Daris, T. Gobert.

http://sfhmsv.free.fr/SFHMSV_files/Textes/Activites/Bulletin/Txts_Bull/B7/08_Bazin_Bull07.pdf 

— BOSSEBOEUF (abbé Louis-Augustin), PALUSTRE (Léon), 1897 , La Touraine Historique Et Monumentale. Amboise; Le Chateau, La Ville Et Le Canton Tours, L. Péricat Mémoires de la Société archéologique de Touraine, [T. 4]

CHAUMET (Sylvain)2012, Les décors à dôlerie du château d'Amboise, ed. Fondatio Saint-Louis.

— COENEN (Chanoine J.), 1927,  Saint Hubert, le fondateur de Liège, Liége

http://perso.infonie.be/liege06/pdf/Saint%20Hubert.pdf 

 

— DIERKENS (Alain) 2010, Saint Hubert, patron des chasseurs et guérisseur de la rage Bloc-Notes, Bulletin du  Trésor de la cathédrale de Liège, Liège, n°23,

http://tresordeliege.be/publications/pdf/023.pdf 

 

 

DOUCET (Jean-Marie), 2011, La légende de saint Hubert à la Gemäldegalerie de Berlin, un chef d'œuvre méconnu du peintre Cornélis van Oostsanen (1470-vers 1533), Bloc-Notes, Bulletin du  Trésor de la cathédrale de Liège, Liège, n°28, septembre 2011  http://tresordeliege.be/publications/pdf/028.pdf

 

— ​GRANDMAISON (Louis de), 1912, Compte de construction du château royal d'Amboise  ,ed.  H. Champion 

https://archive.org/stream/comptedelaconstr00granuoft#page/n5/mode/2up

— LE PREVOST (Hubert), Vie de saint Hubert, 1459 ou 1462, édition précédée d'une préface et annotée par Edouard Fétis, 1846.

https://books.google.fr/books?id=yKJaAAAAQAAJ&dq=%22saint+hubert%22+%22saint+christophe%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 —  PARIS (Paulin), 1841, Les manuscrits francois de la Bibliothèque du Roi leur histoire et ..., Volume 4 page 75-77 

https://books.google.fr/books?id=awIVAAAAQAAJ&pg=PA75&lpg=PA75&dq=hubert+gruthuyse&source=bl&ots=7x3tyvbHFf&sig=TMXrZa-H1vdVomKDzxFOH-GdcuM&hl=fr&sa=X&ved=0CD4Q6AEwCGoVChMIu-i4n8q4xwIVyX8aCh2mjwTP#v=onepage&q=hubert%20gruthuyse&f=false

— PRAET (Joseph-Basile van)  1831, Recherches sur Louis de Bruges, seigneur de Gruuthuse, Parijs, 1831 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64653116

THOMAS (Evelyne), 1993, "Les logis royaux d'Amboise",  Revue de l'Art  Volume   100 pp. 44-57

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1993_num_100_1_348038#

— VITRY (Paul), 1914, Michel Colombe et la Sculpture Française de son Temps. Paris, Librairie Centrale des Beaux-Arts.

https://archive.org/stream/michelcolombeet00vitrgoog#page/n284/mode/2up

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe.
16 août 2015 7 16 /08 /août /2015 13:27

La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères.

Quelques vues du programme d'illumination Entre Anges et démons du chevet de la cathédrale Saint-Julien lors du spectacle La Nuit des Chimères, dans lequel se succèdent en 15 minutes divers tableaux (anges et démons, forêt, zodiaque, leçon d’architecture, rosace, transparences, vaisseau, échelle...) . "Sur les arcs-boutants, les tours, les pinacles, des anges semblent voler. Le chevet de la cathédrale, comme une inextricable forêt de pierres, devient le théâtre de métamorphoses. Afin d'exprimer toute la beauté de l’architecture du chevet, les lignes de forces sont tracées au plomb pour dessiner un vitrail infini. Plus tard, toute la cathédrale paraît vouloir prendre la mer comme un immense vaisseau. Sur l’enceinte tentent de s’élever des flammes, des diablotins aux couleurs rutilantes. " (Dossier de presse http://www.lemans-tourisme.com/media/partenaire/fichiers/FMAPDL072V5000KD/d/p/Dp-Nuit-des-Chimeres-2015-fr.pdf​)

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La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

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La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

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La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

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La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

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La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

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La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

La cathédrale du Mans illuminée lors de la Nuit des Chimères. Photo lavieb-aile.

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Published by jean-yves cordier - dans Cathédrale du Mans
15 août 2015 6 15 /08 /août /2015 17:37

Îles de Glénan, ses piquets et autres vues... et un Dauphin commun.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

. La même en couleur.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

Îles de Glénan, photo lavieb-aile.

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Dauphin commun Delphinus delphis (2,7 m. de longueur au max.) parmi une troupe d'une trentaine d'individus le 31 juillet 2105 à 8 milles de la pointe de Pen-Men à Groix.

http://www.observatoire-pelagis.cnrs.fr/participez/signaler-une-observation/

http://www.vivarmor.fr/fileadmin/users/vivarmor/se-documenter/Dossiers_de_VivArmor/Dossier_Faune_Flore__mammifere_marin_breton__108.pdf

 

Dauphin commun entre Glénan et Groix.

Dauphin commun entre Glénan et Groix.

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 Îles de Glénan, ses piquets et autres vues... et un Dauphin.
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Published by jean-yves cordier - dans Glénan.
15 août 2015 6 15 /08 /août /2015 15:33

Île d'Houat : Enfances : exposition Mada-Houat par le photographe Pierrot Men, un monde en Gwenn ha Du.

N.b : je supprimerai sur simple demande toute photographie portant ombrage au droit à l'image des interessés

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J'aime, lors des escales, les couleurs maritimes : phare, balises et bouées de pêche, filets et parasols, maillots de bain et jouets de plage.

Filets de pêche, port St-Gildas, île de Houat, photo lavieb-aile.

Filets de pêche, port St-Gildas, île de Houat, photo lavieb-aile.

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Mais derrière ces filets, le nom du bateau de pêche est apparu : Gwenn Ha Du. En français, "Blanc et noir" : une incitation à cette conversion du regard qui  prête plus d'attention aux lignes et aux ombres, aux rythmes et aux masses sombres.

 

Filets de pêche et navire Gwenn Ha Du, Port St-Gildas, île de Houat, photo lavieb-aile.

Filets de pêche et navire Gwenn Ha Du, Port St-Gildas, île de Houat, photo lavieb-aile.

A quelques mêtres du quai où le Gwenn Ha Du débarquait sa pêche, deux panneaux m'invitaient à découvrir le festival du Mor Braz ESCALES PHOTOS, et, sur l'île d'Houat, le photographe Pierrot Men, "le Cartier-Bresson malgache" exposait sous le titre Mada-Houat" des diptyques associant une vue de Madagascar avec une vue de Houat : touts les photos étaient en Du ha Gwenn, en noir et blanc.

Je me suis amusé, par une modeste mise en abyme,  à prendre ces panneaux, exposés en plein air sur les murs des maisons ou de l'église, au moment où des personnages croisaient l'axe de mon objectif. Ainsi dépouillés de leurs couleurs, ils me semblaient appartenir au monde intemporel du rêve. Puis, ainsi inspiré par ce modèle, j'ai abandonné ces dyptiques et exploré le monde de l'enfance.

Escales Photos, panneau Île de Houat, photo lavieb-aile

Escales Photos, panneau Île de Houat, photo lavieb-aile

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Escales Photos, panneau Île de Houat, photo lavieb-aile

Escales Photos, panneau Île de Houat, photo lavieb-aile

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Île d'Houat : Enfances :  exposition Mada-Houat par le photographe Pierrot Men, un monde en Gwenn ha Du.

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Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

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Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

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Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

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Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

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Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

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Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

Exposition Pierrot Men, île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

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île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

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 île de Houat, photo lavieb-aile.

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Le départ,  île de Houat, photo lavieb-aile.

Le départ, île de Houat, photo lavieb-aile.

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Published by jean-yves cordier
14 août 2015 5 14 /08 /août /2015 16:36

Île d'Hoedic II : Enfances, vélos et chiens.

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Introduction.

La 3ème édition d'ESCALES PHOTOS présente aux visiteurs des sites de Le Palais et Sauzon à Belle-Île, de Hoedic et Houat, de La Trinité-sur-Mer, de Locmariaquer et de Plouharnel des images grands formats présentées en extérieur. Ainsi, Chris Miller expose à Hoedic et à Sauzon ses Pêcheurs d'Island 1 & 2 : ce sont des photographies couleurs d'un monde d'adulte.

A Houat, le photographe de Madagascar Pierrot Men a choisi Mada-Houat comme titre d'un ensemble de couples d'images associant une vue de son île malgache et une vue prise lors d'un séjour de deux jours à Houat, créant des parallèles riches en évocations poétiques. Ce sont des images en noir et blanc, où les enfants sont souvent représentés.

La visite de cette présentation, qui se fait en parcourant le port et en montant vers le village, a suscité mon inspiration, me suggérant de quitter le continent de la représentation en couleurs de mon environnement et d'accoster en noir et blanc dans le monde de l'Enfance, et d'y rêver. J'ai pu ainsi surmonter la pudeur qui m'interdisait de tourner mon objectif vers les enfants, comme si les photographies d'allure surannées sortaient d'un vieil album familial dans lequel je me retrouvais, moi, mon vélo, mon chien, mes amis et mes châteaux de sable. Ma pelle de plastique jaune et mon crocodile gonflable vert pomme, dont les couleurs n'avaient jamais été aussi franches.

J'ai tenté, lorsque je l'ai pu, de saisir les personnages lorsqu'ils passaient devant les photographies exposées à Hoedic.

Malgré tout, je garde beaucoup de scrupules à l'égard de mes modèles involontaires : je supprimerai bien-sûr sur simple demande les photos qui sembleraient porter atteinte au droit à l'image des personnes photographiées, ou de leur parents.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Dans notre imaginaire, toute île est une parcelle de merveilleux dont un enfant est roi. En réalité, parmi les îles du Morbihan, l'enfant ne règne souverainement que sur les territoires où la circulation automobile ne l'a pas chassé : Houat et, suprêmement, Hoedic. Il ne cesse d' arpenter ses terres sur son vélo, sa plus noble conquête. En Bretagne Nord, Bréhat et Batz obéissent aussi à sa juridiction. Ces quatre royaumes se reconnaissent  aux petits étals où ces monarques vendent, dix centimes pièces, d'introuvables coquillages et cailloux peints selon un  art qui est leur privilège ; aux carioles bricolées qui y servent aux charrois de ces rois fainéants ; aux chiens qui sont leurs complices ;  et dans les ports, aux cales humides où ils organisent leurs tournois ; 

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.
Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.
Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.
Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.
Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.
Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.
Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

Enfances, Île d'Hoedic, photos lavieb-aile.

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Published by jean-yves cordier - dans Hoedic
14 août 2015 5 14 /08 /août /2015 14:06

Île d'Hoedic I : un concours de pétanque.

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N.b : je supprimerai bien-sûr sur simple demande les photos qui sembleraient porter atteinte au droit à l'image des personnes photographiées, ou de leur parents.

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Nous n'étions pas encore les 18 et 19 septembre, pour assister au festival Les Insulaires et remporter le concours de godille.

http://lesinsulaires.com/programmation/

Et pas d'avantage encore le samedi 8 août, pour gagner à la Tombola des Homards organisée pour la rénovation de l'église Notre-Dame-la-Blanche.

Voir mon article :

http://www.lavieb-aile.com/article-les-eglises-des-iles-du-ponant-vi-bourg-de-l-ile-de-hoedic-120605006.htm

Tombola des Homards.

Tombola des Homards.

Et, cette fois-ci, je n'avais pas emporté à bord mon filet à papillons. 

http://www.lavieb-aile.com/article-une-croisiere-entomologique-dans-le-morbihan-81816395.html

 

Nous n'étions ni le 18 septembre, ni le 8 août, nous étions seulement le 6 août, jour d'un Concours de pétanque. C'est du moins ce que nous comprîmes après nous être approchés d'un attroupement installé sous les photos de l'exposition Escale-Photos du Ponant. 

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Quatre organisateurs (un Président siégeant assis, en tricot rayé aux couleurs d'Hoedic, et ses trois assesseurs) enregistraient les scores de 18 équipes de deux joueurs : après quatre parties, les quarts de finale débutaient. 

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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Le Président, Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Le Président, Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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Le Président, Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Le Président, Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Le moment était venu du tirage au sort des terrains du boulingrin occupant la grande place au pied de l'église. Une main candide fut sollicitée dans l'assemblée, et le plus jeune fut désigné pour choisir un papier dans un chapeau. On lui enfonça la casquette sur les yeux pour s'assurer —était-ce nécessaire ?— de son innocence.

 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

La pratique du jeu de boule est ancienne, et l'emplacement choisi pour le terrain obéit à une tradition dont atteste, au siècle dernier, une carte-postale (1975).

Carte Postale écrite en 1975. Site Delcampe.

Carte Postale écrite en 1975. Site Delcampe.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.
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Le terrain de pétanque est situé au sommet du chemin qui descend vers le Port d'Argol, emprunté par les plaisanciers ou les visiteurs regagnant le Melvan, l'Enez-Hedig ou le Dravanteg de la Compagnie Océane, ou l'une des Vedettes du Golfe, ou le navire de la Co.mpagnie Navix.

 

 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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 Concours de pétanque, Île d' Hoedic, 6 août 2015, photo lavieb-aile.

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Published by jean-yves cordier - dans Hoedic
9 juillet 2015 4 09 /07 /juillet /2015 20:19

L'Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores ( Burgos). Perspective et points de fuite, transparence et lumières.

Voir aussi :

Éloge de l'omission dans l'Annonciation d'Ambrogio Lorenzetti à Sienne

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J'ai eu de la chance lors de ma visite de la Chartreuse de Miraflores à Burgos, car j'y ai trouvé, exposée au public, l'Annonciation de Pedro Berruguete, une œuvre datant selon les uns de 1490, selon les autres de 1505, ...alors que le peintre serait décédé en 1503, ou 1504. Peu importe pour mon propos.

Voir : http://54.72.104.223/cartuja/tourisme/expositions/expositions-temporaires/

La carrière du peintre, né en 1450, est classiquement divisée en trois périodes. Lors de la première période, en 1470-1471 autour de sa ville natale de San Juan de Paredes (province de Palencia, Castille-et-Leon) il se forme à l'art pictural gothique hispano-flamand, dans l'atelier du peintre Fernando Gallego, et bénéficie de  l'influence flamande de Van Eyck.

La seconde période, capitale, l'amène à poursuivre sa formation  en Italie (1474- 1483 ) notamment à Urbino où il peint  le portrait de Federico da Montefeltro et son fils Guidobaldo, et collabore en 1477 avec Juste de Gand et Melozzo da Forli à la décoration du « studiolo » du palais ducal.

 

 

Enfin durant la troisième période, de retour dans son village natal de Paredes de Nava où il installe son atelier, il reçoit les commandes de la cour de Ferdinand II d'Aragon et d'Isabelle de Castille, renouant avec la tradition de préciosité de la peinture espagnole  en adaptant le style qu'il a appris en Italie aux goûts de sa clientèle , et réalise des œuvres religieuses.  En 1490, il réalise le grand retable de l'Assomption de l'église Santa Eulalia de Paredes, dont nous reparlerons.  Il a pu être qualifié de "premier peintre Renaissance de la Couronne de Castille".

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https://commons.wikimedia.org/wiki/File:La_Anunciaci%C3%B3n_(Pedro_Berruguete).jpg

 

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  Depuis ma lecture, déjà ancienne, de L'Annonciation italienne, une histoire de perspective de Daniel Arasse, (1999), ou de son Le Détail, pour une histoire rapprochée de la peinture,  et de la façon dont les artistes réussissent à  représenter l’irreprésentable, c'est-à-dire  le mystère de l’Incarnation, parfaitement invisible, par des jeux de perspective, je regarde les Annonciations différemment.  

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I. Perspectives et lignes de fuite.

Dans le tableau que j'avais sous les yeux (derrière une vitre qui ne facilitait pas mes efforts photographiques), je commençais à tracer les lignes de perspective et à rechercher les points de fuite. 

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L'Annonciation (ca. 1505) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

L'Annonciation (ca. 1505) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

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Une fois devant mon ordinateur, j'ai pu tracer les lignes de fuite plus précisément (attention, je débute, je n'y connais rien ; et les lignes de mon cliché de touriste peuvent être déformées) et je m'aperçus qu'il y avait deux points de fuite.

Le premier point de fuite, principal, conduit le regard au pied de la colonne de la fenêtre. Il suit les lignes du tapis persan, celles de l'entablement des colonnes, ou du ciel de lit, mais aussi celles du banc ou du plafond à caisson et celles du tapis de la deuxième pièce.

Le second point de convergence arrive juste au dessus de l'arc brisé de la fenêtre. Les lignes sont formées par les arêtes du meuble de droite.

Je pouvais interpréter cela de deux façons complémentaires : soit l'artiste montrait d'un doigt invisible mais impérieux les deux extrémités de la colonne, pour signifier que celle-ci jouait un rôle crucial. Sois il cadrait, plus finement encore, la lumière et l'espace invisible délimités par l'ouverture comme des clefs secrètes de sa peinture.

 

Si on trace le cercle correspondant à l'arc de plein cintre séparant les deux pièces, il passe (presque) en tangente des deux visages, mais, surtout, son centre correspond au point de fuite principal. 

Perspectives dans l'Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

Perspectives dans l'Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

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Le deuxième point de fuite.

 

Deuxième perspective dans l'Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

Deuxième perspective dans l'Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

Discussion.

La première perspective monofocale avec point de fuite et points de distance est reconnue en peinture dans la Naissance de la vierge de Pietro Lorenzetti (1342), précédant de peu  l'Annonciation (1344) de son frère Ambrogio et que Panofsky tenait pour la  première perspective monofocale. La perspective a été théorisée par l'architecte Brunelleschi en 1415-1417 et son emploi a été encouragée par Léon Battista  Alberti dans son De Pictura en 1435, puis elle s'est développée en Ombrie au XVe siècle avec les fresques de Massachio  à Santa Maria Novella de Florence (1428) celles  de Piero della Francesca (1469) — auteur du  livre   De prospectiva Pingendi (La perspective de la peinture)— ou du Pérugin (1481, Remise des clefs à saint Pierre, Chapelle Sixtine).

Bien qu'une perspective empirique soit déjà employée en Espagne auparavant, Pedro de Berruguete a été l'un des premiers peintres à y introduire la perspective linéaire.

La colonne : Columna est Christus.

Les travaux de Daniel Arasse ont montré que la colonne possédait, dans de nombreuses Annonciations italiennes, une valeur métonymique désignant le Christ. J'emprunterai au site cineclubdecaen.com  les synthèes suivantes :  

http://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/lorenzetti/annonciation.htm

L'Annonciation d'Ambrogio Lorenzetti (1344) : "Le tableau est un diptyque peint sur un seul panneau, c'est à dire deux arcs brisés : sous l'un il y a l'ange Gabriel, sous l'autre, la Vierge la colonne qui soutient ces deux arcs et sépare les deux figures est gravée dans le fond d'or présent sur la partie supérieure de l'image et peinte en or dans la partie inférieure qui représente le pavement en perspective. Or il se trouve que le point de fuite est derrière cette colonne qui le recouvre. Dans le fond d'or de la partie supérieure est inscrite en latin la formule de l'ange Gabriel s'adressant à Marie, la troisième salutation angélique à la Vierge : "Car rien ne sera impossible à Dieu qui est tout Verbe".

Cette inscription ne passe pas la colonne, elle s'interrompt avec la colonne qui est sur le même plan et fait partie du fond d'or tout comme l'inscription. En revanche quand on passe dans la partie où se trouvent le pavement en perspective et toutes les lignes de fuite , la colonne est devenue matérielle. Elle passe devant la robe de la Vierge dont on voit un petit morceau de tissus dans la partie de Gabriel.

Ambrogio Lorenzetti est le premier à se poser la question de figurer l'incarnation dans l'annonciation dans le cadre de la perspective géométrique. Il construit un espace où l'infini change de nature et s'incarne en corps opaque. Dans la partie haute, la colonne appartient au fond d'or, à la lumière divine. Dès lors qu'elle passe dans la partie basse, ce lieu mesurable par la perspective où sont l'Ange et la Vierge, elle devient opaque : elle est la figure de l'incarnation. La colonne est en effet un des symboles les plus connus et traditionnels du Christ : Columna est Christus, "le Christ est une colonne". La colonne, c'est donc l'éternel en tant qu'il est déjà là. "

L'Annonciation de Piero della Francesca : "Dans son analyse de L'Annonciation peinte par Piero della Francesca en 1469,  Daniel Arasse a démontré  que le faisceau de colonnes construit sur le carrelage par respect des règles de la perspective du cloître empêche manifestement l'Ange de voir Marie mais à sa place une colonne qui s'interpose et invoque le Columna est Christus pour valider son hypothèse d'une intention formelle chez Piero de dire « le présent invisible dans le lieu de l'Annonciation, l'infini vient dans le fini, le Créateur dans la créature, l'infigurable dans la figure, l'inénarrable dans le discours », rappelant ainsi les oxymores de saint Bernardin de Sienne. " 

La découverte, dans ce contexte, du fait que le point de fuite de l'Annonciation de Berruguete arrive précisément à la base de la colonne de la fenêtre prend donc une résonance particulière et ne peut être due au hasard. Tandis que l'Ange Gabriel adresse à Marie les mots portés par le phylactère, Ave gracia plena d[omi]n[u]s  tecum bene / dicta tu , alors qu'au même moment la trajectoire de la colombe s'apprête à converger vers l'oreille de la Vierge, dans la pièce du fond, la colonne du Christ de l' Incarnation sépare et assemble les deux baies à arc brisé, comme la réalisation encore invisible de l'Annonce faite à Marie.

Un autre argument confirme indirectement que ce point de convergence sur la colonne médiane ne relève pas du hasard. En effet, dans l'Annonciation du Grand Retable de l'Assomption de l'église Sainte-Eulalie de Parades, malgré le caractère incertain de l'illustration, disponible en ligne, les lignes de fuite du tapis se réunissent aussi sur le pietement de la colonne de droite, qui sépare également deux baies à arc brisé.

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http://www.paredesdenava.net/espanol/turismo/retablo_mayor.htm

 

Ici, dans une image proposée par allposter, et que j'ai renversée pour la rendre conforme au modèle : site http://www.allposters.fr/-sp/Annonciation-Affiches_i4942657_.htm

 

 

Pedro Berruguete, 1490, Annonciation,  Grand Retable de l'Assomption de l'église Sainte-Eulalie de Parades

Pedro Berruguete, 1490, Annonciation, Grand Retable de l'Assomption de l'église Sainte-Eulalie de Parades

II. Lumières et transparences.

La perspective met donc en évidence la colonne et la fenêtre. On peut décrire celle-ci comme une fenêtre à remplage  divisée en deux lancettes trilobées surmontées d'un oculus à quatre lobes. Alors que dans le tableau la lumière principale vient, comme l'Ange et comme la colombe, de gauche,  cette ouverture fait entrer une lumière diffuse, surnaturelle, dans la pièce vide dont le tapis est entièrement éclairée. Cette pièce n'a pas d'ombre, alors que dans la chambre de la Vierge, les ombres des vêtements et du pied de l'Ange de la robe de Marie, ou des personnages en grisaille sont bien présentes.

 Dans cette chambre, trois éléments sont liés à la lumière ; la colombe de l'Esprit qui est pure radiation blanche et jaune ; le vase  posé sur l'étagère. (la crédence ?) du meuble de lecture ; et, surtout, le vase de cristal à deux anses portant, sur une seule tige, trois fleurs de lys. A la différence de l'Annonciation du retable de Sainte-Eulalie, où le vase est une poterie émaillée, celui-ci est irréel, comme si le peintre s'était contenté d'en tracer une épure transparente laissant voir le motif du tapis. C'est une façon particulièrement délicate de signifier le caractère surnaturel de la Virginité de Marie.

D'autres détails peuvent être observés.

La position du rideau vert a été modifiée, et les lignes du premier tracé persistent. On sait depuis. M.C. Garrido , Contribucion al estudio de la obra de Pedro Berruguete, que la peinture a été précédée par un trait incisé sur le fond. 

Sur l'horizontale des yeux de Gabriel et de Marie, ou plutôt légèrement en dessous, le couple primordial d'Adam et Ève est représenté en grisaille, pour situer le mystère de l'Incarnation dans l'économie du Salut après la faute originelle.

Lumières et transparences  dans l'Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

Lumières et transparences dans l'Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

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La Vierge a été surprise par l'irruption du messager divin alors qu'elle était plongée dans sa lecture. Le livre est ouvert sur une page dont le texte débute par la lettrine bleue F. On voit deux autres lettres en rubrique, un n et un e . 

Elle est vêtue d'une robe rouge damassée à motif de grenade et d'une fleur qui est peut-être un œillet. Le même motif damassé est repris sur la tenture verte. Le manteau est du même bleu uni que la Vierge de l'Annonciation  d'Antonello de Messine (1476). La chevelure détachée est maintenue sur le front par un bandeau perlé au cabochon de rubis. Le nimbe est fait de rayons de paille d'or. Elle se retourne vers sa droite mais , ayant sans-doute déjà reçu le contenu de l'Annonce, elle s'incline, abaisse le regard et place se deux mains dans une posture que nous savons interpréter comme celle du Fiat, ce Oui marial par lequel elle accepte de participer au Mystère de l'Incarnation. 

Il resterait à identifier les six personnages qui accompagnent Adam et Éve dans les niches des piliers ; mais nous ne disposons que de peu d'indices. On peut s'attendre à y trouver Isaïe, sans-doute d'autres prophètes. Un des personnages tient un édifice, peut-être une église.

 

Enfin, il faut remarquer deux médaillons à l'antique, en grisaille également : les profils correspondent peut-être à deux donateurs.

 

Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

Annonciation (ca. 1490) de Pedro Berruguete à la Chartreuse de Miraflores de Burgos. Photo lavieb-aile.

GLANÉ SUR LA TOILE .

 

"L' Annonciation de la Cartuja de Miraflores se distingue par l'attention portée aux détails dans les objets et le jeu des perspectives intéressantes, ce qui crée une illusion spatiale parfaite. Dans tous ces travaux, les figures sont très individualisées, et la maîtrise de l'espace, la perspective et la composition est enrichie avec un sens habile de conception et une utilisation rationnelle de la couleur."

"Avec l'Annonciation de la chartreuse de Miraflores (près de Burgos), il faut de nouveau évoquer des souvenirs ramenés d'Italie par l'artiste, qui avait peut-être vu la composition d'Antonello de Messine (musée de Syracuse) ou, mieux, le prototype, perdu, dû à Colantonio " (Encyclopédie Larousse, 2003). 

Annonciation de Antonello de Messine à Syracuse :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Antonello_de_Messine

 

 

 

"Dans l'Annonciation à la Vierge peinte par Pedro Berruguete et conservée à l'Église de Miraflores (Burgos), on a pu apprécier ce double dessin par incision et peint. M.C. GARRIDO, Contribucion al estudio de la obra de Pedro Berruguete " Roger van Schoute, ‎Helène Verougstraete-Marcq - 1989 - ‎https://books.google.fr/books?id=msVNAAAAYAAJ

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"À l'extrême fin du XV siècle, Pedro Berruguete, sous l'ascendant de modèles flamands, fait encore apparaître le couple des premiers parents comme éléments sculptés sur les piliers latéraux de son panneau de l'Annonciation  "

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 La mention d'un "pittore Pietro Spagnuolo" travailler dans Urbino en 1477, il avait, depuis 1927, il permettrait d'identifier le soi-disant Pedro Berruguete, en supposant une formation et peintre italien de subsistance qui est pas acceptée par toutes les critiques. 1 Après formation, probablement avec Fernando Gallego dans Salamanque , ont voyagé très jeune à l'Italie , où il est documenté "travail Pietro Spagnuolo 'sous le patronage du duc d'Urbino, Federico da Montefeltro . Séjour italien qui lui aurait permis de rencontrer les artistes majeurs du Quattrocento , comme Melozzo da Forlì , et d'apprendre les techniques et les moyens de la Renaissance, comme le domaine de l'espace, de l'anatomie ou de la variété et de la spontanéité dans les gestes, en plus des éléments architecturaux et décoratif propriétaire de la Renaissance , bien que le retour à la Castille à 1483, ces fonctionnalités ne sont pas affichés si évidente dans sa peinture. 2

Il était le père de l'un des artistes les plus remarquables de la Renaissance espagnole, Alonso Berruguete .

 

La Vierge des Rois Catholiques , par un artiste anonyme connu commele maître de la Vierge des Rois Catholiques , c. 1491-1493. Goticismo exemple de vigueur dans la peinture de l'époque.

Pedro Berruguete est né en Castille et ses premières œuvres révèlent l'origine et l'affectation aux gotizantes modes qui ont dominé l'art de l'époque. Sa formation artistique est tout à fait inconnu. Il soulève également de nombreuses questions de son voyage en Italie pour travailler dans le palais ducal d'Urbino , qui aurait coïncidé avec le flamenco Joos van Wassenhove ( Juste de Gand ). Ceux qui prétendent le voyage en Italie il attribué une série de portraits comme Sixte IV qui est à Paris, dans le Louvre et le portrait de Federico da Montefeltro avec son fils Guidobaldo (Urbino, Palais ducal), plus collaborer sur des œuvres d'autres auteurs, comme Piero della Francesca .

Cependant, la plus ancienne de la présence d'un peintre espagnol à la cour d'Urbino témoignage, outre le document précité de 1477, est dans le travail de Pablo de Céspedes, qui, dans son discours comparant la peinture ancienne et moderne et de la sculpture , l'écriture dans Cordoue en 1604, fait une distinction claire entre les «vieux Berruguete, père Berruguete" et "l'autre espagnol dans le palais d'Urbino, dans le vestiaire du duc, peindre un portrait têtes que les hommes célèbre, bon à excellent. " 3 Après son prétendu séjour italien, Berruguete sont retournés à la Castille, où il a trouvé une bonne clientèle dans le clergé, en se concentrant peintures de production autel.

La vérité est que, en 1478, un an seulement après avoir été mentionné dans Urbino "Pietro Spagnuolo 'et quatre avant la date prévue du portrait de Federico da Montefeltro, Pedro Berruguete marié à Paredes de Nava, fechándose dans la même année, ses tables Santa Maria del Campo. 4

Selon Cean Bermudez Berruguete documentée dans Tolède en 1483, qui orne les murs de la chapelle de l'ancien sanctuaire de la première cathédrale , bien que la documentation survivant fait plutôt référence à l'année 1493. 5 suivants qui aurait été une première Toledo j'y reviendrais votre ville natale et exécuté le retable de Santa Ana et de la Vierge (1485-1488). A cette date, il serait allé à Tolède et, après une période du cinéma muet, il retrouvé là en 1494. Au nom de l'Inquisiteur Tomas de Torquemada , fait le retable du couvent de Santo Tomas de Avila . Démembré, les faits saillants de cette peinture de retable de foi présidé par Santo Domingo , conservé avec les autres tables du retable dans le Museo del Prado .

 Il ya une possibilité que le peintre aurait travailler au service de Isabel la Catholique . 6 Une des commissions royales serait le San Juan Evantelista à Patmos , 7 Berruguete remis au 3 mai 1499 dans l'ancien Palais de Madrid et est maintenant préservée dans la chapelle royale de Grenade . 8

En 1500 , il a travaillé pour le manque Hôpital d'Amérique dans Madrid , à la demande de Beatriz Galindo , fondateur de cette institution et le tuteur de la reine Elizabeth. 9 Une de ses œuvres les plus réussies, La Vierge et l'Enfant sur ​​un trône , a présidé la chapelle de cet hôpital jusqu'à sa démolition en 1906 , plus tard, d'être transféré à la Musée d'Histoire de Madrid .

Sa dernière étape passée à Paredes de Nava où il peint des œuvres comme le retable disparu partiellement Guaza 1501. Dans sa peinture met en évidence l'influence de la Renaissance italienne, en fait vouloir encadrer les chiffres et les actions dans l'espace, en utilisant lumière et la perspective, bien que parfois pas bien résolu. Retour à la Castille, il aurait perdu tout intérêt dans les détails et les chiffres deviennent plus sobre, peut-être adapter son style aux goûts les plus archaïques de leurs électeurs.

Travailler 

Roi David , dans l'église de Santa Eulalia de Paredes de Nava.

Première étape 

Première étape (entre 1470 et 1471 ): Vérification de la croix du Christ dans l'église de San Juan de Paredes de Nava ou l' Adoration des Mages de collection Varez Fisa.

Deuxième étape 

Deuxième voyage de scène et bien sûr l'apprentissage en Italie (1471- 1483 ). Trop nombreux témoignages de l'œuvre de Berruguete à ce moment ne sont pas conservées, et il ya controversée de la paternité. Faits saillants en particulier le portrait de Federico da Montefeltro et son fils Guidobaldo (Marks Gallery, Palais Ducal d'Urbino ), excellents et originaux spectacles portrait "appliance" dans un intérieur; et la série des hommes illustres , divisée entre plusieurs musées, dont le Louvre . Ce séjour italien aurait été interrompu par un voyage de retour à Paredes de Nava en 1478 de se marier, de retourner en Italie.

Troisième étape 

Troisième étape (1483-1503) créé en Castille. Actuellement, il adapter le style qu'il a appris en Italie aux goûts du plus conservateur et attaché aux moyens de la clientèle gothique espagnol.

Son chef-d'œuvre est un tableau représentant les rois de Juda, dans le retable de l'église de Santa Eulalia de Paredes de Nava, où, malgré le recours à des éléments archaïques (de composition frontale, fond or), réalise une galerie de portraits réalisme intense. Dans la série comprennent le roi David , regard pénétrant, le roi Salomon et le roi Ezéchias .

Beaucoup de ses meilleures œuvres de cette et d'autres étapes peut être vu dans les différentes localités de la province de Palencia , que L'Adoration des Rois et deL'Annonciation , conservé dans la paroisse de Santa Maria Musée de Becerril de Campos , Virgin prétendants et La Crucifixion qui sont stockés dans le musée diocésain de Palencia , ou Lamentation sur le corps du Christ dans la cathédrale de Palencia .

Dans l'église de l'Assomption de Santa María del Campo (Burgos) deux œuvres importantes de cette période sont conservés: décapitation de Jean-Baptiste et le Baptême du Christ , qui faisait partie d'un retable de la vie de Jean-Baptiste, daté entre 1483 et 1485, avec l'une des premières œuvres de cette troisième étape espagnole. Innovations dans la composition et la perspective amené d'Italie sont évidents dans ces deux œuvres. Dans la décapitation , utilisée comme fond architecture inspirée qui fait Francesco Laurana puis à Urbino.

Annonciation , 1505 ( Chartreuse de Miraflores , Burgos).

L' Annonciation de la Cartuja de Miraflores se distingue par l'attention portée aux détails dans les objets et le jeu des perspectives intéressantes, ce qui crée une illusion spatiale parfaite. Dans tous ces travaux, les chiffres sont très individualisée, et la maîtrise de l'espace, la perspective et la composition est enrichie avec un sens habile de conception et une utilisation rationnelle de la couleur.

Avec l'Annonciation de la chartreuse de Miraflores (près de Burgos), il faut de nouveau évoquer des souvenirs ramenés d'Italie par l'artiste, qui avait peut-être vu la composition d'Antonello de Messine (musée de Syracuse) ou, mieux, le prototype, perdu, dû à Colantonio 

Son dernier poste était le maître-autel de la cathédrale d'Avila , qui était incapable de finir à cause de sa mort. Il peint pour cette œuvre d'architecture gothique tardif encombrants, plusieurs tables avec des histoires de la vie du Christ pour le corps du retable, et les chiffres visant à patriarches Predela. Dans ces peintures, peut-être par manque de directeurs d'école est fixé à gotizantes régimes en vigueur en Castille, à ce moment, en utilisant le fond d'or et des compositions quelque peu rigides. Les chiffres sont plus robustes et monumental canon dans les travaux précédents, peut-être afin de se démarquer dans la distance de la chapelle principale. La mort du maître fait le retable a été complété par Juan de Bourgogne .

 

LIENS ET SOURCES.

 

http://www.aparences.net/ecoles/les-primitifs-flamands/la-couronne-de-castille-et-la-flandre/

http://fr.calameo.com/read/0000753357dee4271c5dc

http://art-perspectives.blogspot.fr/2011/07/le-pouvoir-de-la-perspective.html

"Et voici le tableau que nous allons rechercher maintenant : C'est un tableau que j'aime particulièrement : je l'intitule " le paradis en perspective " c'est l'Annonciation de Pedro Berruguete. Je suis allée à Miraflores à côté de Burgos (Espagne) et je l'ai vu.

C'est un tableau qui n'est pas très grand, situé bien au-dessus de nos têtes, et ce n'est que par sa situation en hauteur que l'illusion qui s'appuie sur la perspective s'apparente à un trompe-l'oeil. Regardons ce tableau photographié tel que le spectateur le voit dans la Cartuja de Miraflores. La rencontre entre l'ange et Marie a lieu dans une pièce qui semble comme un long couloir. Ce couloir s'ouvre sur une fenêtre et un ciel blanc. La situation du point de fuite dans la fenêtre est osée, sur ce ciel blanc. La composition du tableau emmène le regard vers le ciel blanc en passant par le lys blanc dans son vase de cristal. Les différents espaces mettent en relief la progression que le spectateur va devoir effectuer pour arriver au "paradis", passer par la pureté du lys...

Décidément, le peintre sait bien jongler entre la reproduction narrative, il représente un moment fondateur de la religion catholique, le symbolisme dans la reproduction et la vraisemblance du décor qui ne l'oublions pas est ici tout à fait espagnol."

http://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/lorenzetti/annonciation.htm

Measure of a Different Greatness: The Intensive Infinite, 1250-1650 Par Anne Ashley Davenpor page 397 https://books.google.fr/books?id=ex1kyC0UClMC&pg=PA397&dq=annonciation+Pedro_Berruguete&hl=fr&sa=X&ei=C8-eVfHrBMGBUd76mqAL&ved=0CC4Q6AEwAzgK#v=onepage&q=annonciation%20Pedro_Berruguete&f=false

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ARASSE (Daniel) 2014 Le détail ; pour une histoire rapprochée de la peinture., Flammarion page 19-21

— ARASSE (Daniel) 2010, L'Annonciation italienne ; une histoire de perspective. Hazan, Paris, 375 p.

PARRET (Herman) 2006, Epiphanies de la présence: essais sémio-esthétiques, Presses Universitaires de Limoges 2006

https://books.google.fr/books?id=1mtg1WLI2_wC&pg=PA43&lpg=PA43&dq=%22colonne+christique%22&source=bl&ots=DJaQRfMrbp&sig=SYBayb0Azj1q94aonscgKy2vrSA&hl=fr&sa=X&ei=H26fVez8LcjbU5eStegM&ved=0CCsQ6AEwAg#v=onepage&q=%22colonne%20christique%22&f=false

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Published by jean-yves cordier - dans Burgos
7 juillet 2015 2 07 /07 /juillet /2015 09:41

Saint Christophe reconsidéré.

   Ayant pris la mesure, pour ce vitrail,  du contexte religieux (dévotion au Christ souffrant et à la Mater Dolorosa), du contexte social et historique de Beauvais (guerre, famine et épidémies. Construction du transept de la cathédrale) et des éléments biographiques du ou des deux donateurs Louis de Roncherolles et son épouse (culte de saint Hubert, union de deux familles vouées au service du roi ; investissement dans un coûteux Livre d'Heures ; décès de Louis d'Halluin ; testament de Françoise d'Halluin), ainsi que de l'inscription comportant outre la date les mots Famine et Mort, je ré-examine la figure de saint Christophe. 

Je vais d'abord relire le texte de la Légende Dorée de Jacques de Voragine :

"Christophe leva donc l’enfant sur ses épaules, prit son bâton et entra dans le fleuve pour le traverser. Et voici que l’eau du fleuve se gonflait peu à peu, l’enfant lui pesait comme une masse de plomb ; il avançait, et l’eau gonflait toujours, l’enfant écrasait de plus en plus les épaules de Christophe d'un poids intolérable, de sorte que celui-ci se trouvait dans de grandes angoisses et, craignait de périr. Il échappa à grand peine. Quand il eut franchi la rivière, il déposa l’enfant sur la rive et lui dit : Enfant, tu  m’as exposé à un grand danger, et tu  m’as tant pesé que si j'avais eu le monde entier sur moi, je ne sais si j'aurais eu plus lourd à porter. » L'enfant lui répondit : « Ne t'en étonne pas, Christophe, tu n'as pas eu seulement tout le monde sur toi, mais tu as porté sur les épaules celui qui a créé le monde : car je suis le Christ ton roi, , auquel tu as en cela rendu service; et pour te prouver que je dis la vérité, quand tu seras repassé, enfonce ton bâton en terre vis-à-vis ta petite maison, et le matin tu verras qu'il a fleuri et porté des fruits, " 

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Alors que les exemples iconographiques précédents montrent Christophe en géant débonnaire portant joyeusement l'Enfant au milieu du fleuve ou posant déjà le pied sur la rive à atteindre, c'est-à-dire après l'épreuve initiatique, Engrand Leprince le représente ici lors du moment d'angoisse et d'accablement. Nous sommes très loin du jeune et riche Christophe souriant et serein de San Benito de Calatrava. Le géant Reprobus prend ici les traits d'un vieillard saisi par le désarroi et dont la progression est arrêtée. Au dessus de lui, l'Enfant n'est pas nimbé et ne porte pas, à la différence de tous les autres exemples, le globe terrestre surmonté de la croix. Il n'est, à l'instant représenté, pas encore identifiable car Christophe ne l'a pas encore identifié comme le Prince de ce monde au service duquel il aspire de se placer.

Nous sommes dans cet instant précis où il est envahi par la peur de la mort. Au comble de sa détresse. Mais aussi au moment précis où l'Enfant se penche pour lui parler. C'est un instant particulier où la rencontre avec le Sauveur n'a pas encore été rédemptrice, mais où elle est en train d'opérer. Sur le fil du rasoir entre l'avant et l'après de la conversion.

Christophe est interloqué. Il perd pied, il est en train de sombrer. Il cesse de tourner les yeux vers son but sur la rive opposé, il hésite à faire demi-tour, et son visage est figé dans cette position neutre entre les deux directions. Il pose le poing sur sa hanche gauche et cherche appui sur sa perche. 

Dans cette posture, torse nu, où son manteau blanc et or est tombé sur ses reins et flotte comme un perizonium, où sa tête s'incline, ses traits ressemblent  au Christ de la Passion, à l' Ecce Homo (1473) d'Antonello de Messine. 

Et son corps prends la forme d'une croix.

 

 

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Saint Christophe, Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Saint Christophe, Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Saint Christophe, Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Saint Christophe, Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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 Reprobus, l'ancien Hercule en mal d'exploit qui, par volonté de puissance, refusait de mettre sa force au service de qui ne règne pas sur le Monde, voit son univers de mercenaire narcissique s'écrouler et découvre la réalité de ce Monde : réalité terriblement pesante, qui est celle du Mal. Il est comme celui qui, quittant la tranquillité de ses occupations, découvrirait pour la première fois  un Journal Télévisé et assisterait, effaré, au mal que  l'homme fait aux autres hommes, aux animaux et à la planète. Le voile qui se déchire lui révèle une vision pascalienne ou augustinienne du monde et de sa nature pécamineuse.

Mais son visage n'est pas seulement marqué par l'effarement ; il est aussi bouleversé par la Révélation, qui n'est sans-doute pas ici celle d'une théologie de l'Histoire et d'une sotériologie, mais celle d'une rencontre. Il se métamorphose,car  il était le passeur du gué transportant allègrement un gamin et  il devient celui qui porte le Christ : christo-phoros. Nous saississons ce changement d'état au moment où celui-ci passe comme une vague sur le visage, reflet de l'âme. Le face-à-face avec le Christ induit ici un volte-face par lequel le regard halluciné de Christophe vient croiser le notre.

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Ce que peint Engrand Leprince, rompant avec les peintures anecdotiques des enlumineurs qui "illustraient" la fiction légendaire en reproduisant ses poncifs, c'est l'aventure intérieure de la rencontre individuelle et intime avec le Christ de  la Croix, dans sa double articulation des souffrances de la Passion et de la gloire de la Rédemption. Ce sont ce bouleversement sensible et cette transformation mimétique que recherchent le chrétien du XVIe siècle dans sa pratique de la contemplation de retables portatifs ou de gravures de la Vierge de Pitié et de la Passion.  

Si je me laisse moi-même contaminer, dans cette analyse critique d'une œuvre d'art, par l'emphase théologique d'un prédicateur, c'est que ce thème du face-à-face individuel avec le Christ crucifié et la transformation corporelle (physique, matérielle) qu'elle engendre semble bien le thème organisateur du vitrail.

Autour de la Passion et de la Pietà,  nous trouvons :

  • Saint Christophe arrêté net par son contact avec le Christ Sauveur du Monde (Salvator Mundi)
  • Saint Hubert face au crucifix apparu dans les bois du cerf blanc;
  • Saint François à genoux devant le crucifix et  recevant les stigmates,
  • Louis de Roncherolles méditant devant la Pietà,  
  • Françoise d'Halluin méditant devant la Pietà,  

 

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Le Seigneur Hubert pris par sa passion de la chasse jusqu'à la pratiquer un Vendredi-Saint chevauchait dans les bois lorsqu'il aperçoit un cerf blanc (donc surnaturel) portant dans sa ramure un crucifix. C'est même, sur le vitrail, le Christ crucifié lui-même qui est porté par le cerf et qui, la tête couronnée d'épines (en jaune d'argent flamboyant), se penche du haut de sa croix vers le chasseur. Hubert est (comme saint Paul à Damas) jeté bas de son cheval. Il tombe à genoux et lève les mains jointes. Il se rend. Il se rend à l'évidence dévoilée.

Saint Hubert,  Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.Saint Hubert,  Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Saint Hubert, Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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Saint François est saisi dans la profondeur de sa prière méditative face au Christ du crucifix. Il est frappé et blessé physiquement par les stigmates.

Saint François, Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Saint François, Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Les deux Christ des crucifix précédents ont la même posture que le Christ en croix de la scène centrale du registre supérieur. 

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Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Les deux donateurs fixent du regard la Vierge de Pitié, qui regarde elle-même le visage de son Fils. 

Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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Dans ce vitrail, si le visage des saints Hubert et François ou ceux des donateurs sont tournés vers celui du Christ, seul celui de Christophe est tourné vers le spectateur.

Seul ? 

 Ce serait oublier le crâne dont les orbites nous dévisagent également. Sa place au pied de la lancette médiane en fait celui du vieil Adam, et témoigne de la victoire de la croix du Christ sur le Péché et sur la Mort. Sa présence (à coté d'un autre crâne) parmi les fleurs des champs témoigne des cycles de mort et de renaissance à l'œuvre dans la nature. Deux autres os crâniens se cachent au pied de la croix du registre supérieur. 

 

Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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CONCLUSION.

Dans l'iconographie de saint Christophe, la position frontale du saint était liée, au XIVe siècle, à la nécessité pour le fidèle de croiser son regard , regard souligné par la taille accentuée des yeux et qui possédait les vertus magiques (ou saintes) de protection contre le "mauvais œil", la "mauvaise mort" (inopinée sans confession ni sacrements), et la maladie. Cette vertu apotropaïque a fait de lui le protecteur des voyageurs et des pèlerins. Au XVIe siècle, les artistes représentent Christophe la tête levée vers le haut et la gauche échangeant un regard complice et confiant avec l'Enfant. Il est l'image, surtout après le Concile de Trente, de la Foi récompensée. Mais Engrand Leprince, en reprenant le mode ancien de la frontalité du visage et du regard, lui donne un sens radicalement novateur, par lequel la rencontre du regard du saint, rempli d'humanité tragique, avec celui du fidèle incite celui-ci à participer à la nouvelle dévotion de contemplation empathique des souffrances endurées par le Christ pour le Salut et la victoire sur la Mort. Cette intention de haute valeur spirituelle est aussi celle qui gouverne l'organisation de tout le vitrail.

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Saint Christophe, Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Saint Christophe, Vitrail "de Roncherolles (1522), cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe.
6 juillet 2015 1 06 /07 /juillet /2015 15:36

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Le  vitrail de Roncherolles à Beauvais : des révélations passionnantes ! 

Dans la cathédrale de Beauvais, le vitrail que je recherche se trouve dans la Chapelle du Sacré-Cœur — anciennement chapelle Sainte-Barbe—, dans le Transept nord. Réalisée en 1522, il est attribué, par son style reconnaissable, au maître-verrier  Engrand Le Prince dont d' autres réalisations sont à admirer dans l'église Saint-Étienne de Beauvais. 

Venu enquêter sur saint Christophe, je constaterais vite que nous étions ici devant la mise en scène muette d'un drame où se mêlent les famines et les épidémies, des cerfs apparaissant au fond des bois pour délivrer un message, des noyades miraculeusement évitées en traversant un gué, des plaies transmises à distance, et d'indicibles secrets.

  Des crânes à la mandibule grimaçante, de mystérieuses armoiries, des mots partiellement déchiffrés autour d'une tête, servaient d'indices pour comprendre les messages d'un réseau de gestes et de regards. La découverte d'un vieux manuscrit au fond de la bibliothèque d'un Arsenal m'apporta des éléments d'importance capitale. Mais quelque chose m'échappait.

C'est alors que j'arrivais à la fin de mes recherches, et que j'allais conclure sur mes pauvres trouvailles, que j'ai trouvé dans ma boîte à lettres un épais document intitulé "Pourquoi Louis de Roncherolles a-t-il commandé un vitrail pour Beauvais en 1522 ?".   Un Indiana Jones m'avait précédé pour fouiller ces tombes, et il se nommait COTHREN. Le Professeur Michael W. Cothren.

 

 

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http://www.swarthmore.edu/Humanities/art/Faculty/mwc/mcothren.html

 

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Derrière ces lunettes se cache le regard infaillible d'un des meilleurs spécialistes du vitrail gothique français, notamment pour les verrières de Saint-Denis, Rouen et Beauvais. Tandis qu'il prétend enseigner l'histoire de l'art à  Swarthmore College, U.S.A,  et  occuper le poste de  commissaire consultatif de vitraux médiévaux auprès du Musée de Glencairn (Bryn Athyn, Pennsylvanie), ou tandis qu'il feint de relire son livre sur les verrières du 13ème et 14ème siècle  de Beauvais pourtant publié en  2006, ou de s'intéresser aux  bols peints préhistoriques de la culture de Mimbres au sud-ouest du Nouveau-Mexique, c' est plutôt un shérif occupé à résoudre, derrière les piliers de la cathédrale de Beauvais,  les ténébreuses énigmes qui s'y cachent, avant de les raconter en bon adepte du storytelling. Car, à la différence de la plupart des chercheurs modernes de vitraux qui adoptent —selon lui— un angle de vue synchronique, découpant dans le rôti du Temps une fine tranche pour la contextualiser ensuite, Cothren  choisit une approche diachronique, retraçant l'histoire d'une verrière d'un monument particulier telle qu'elle a évolué à travers le temps, et en donnant un vrai récit d'aventure de l'édification d'un site.

Beauvais se prête volontiers à ce jeu de piste, car sa construction a commencé après l' incendie de 1225, qui détruisit totalement l'ancien chœur. Après une interruption dans les années 1230, le chœur ne fut achevé que dans les années 1260, et le 3 octobre 1272, les vêpres sont chantées dans le nouveau chœur . Peu de temps après, en 1284,  la rupture de l'arc-boutant supérieur provoque l'effondrement des voûtes et le chœur a été restauré ou  largement reconstruit entre les années 1290 et les années 1340. Les bras du transept n'ont été ajoutés au chœur que pendant la première moitié du XVIe siècle, mais depuis l'effondrement de la tour de croisée (construit dans les années 1560) a renversé en 1573, la cathédrale est reste inachevée et privée de nef.

 

Ancre

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Un beau jour de juillet 1982, ce digne disciple de Jane Hayward, de Gloria Gilmore House et de Catherine Brisac, cet auteur d'une thèse intitulée "The Thirteenth- and Fourteenth-Century Glazing of the Choir of the Cathedral of Beauvais". Ph.D. Diss. Columbia University, 1980,  était en train de déchiffrer le fil de l'histoire de Beauvais dans les vitraux du XVIe siècle du transept, eut une chance inespérée : il découvrit un échafaudage posé devant le vitrail de Roncherolles du transept nord.

Celui qui est entré un jour dans la chapelle du Sacré-Cœur pour admirer le vitrail de Roncherolles a constaté l' exiguïté des lieux, qui n'autorise pas le recul nécessaire, alors que la verrière est vue en contre-plongée . En-outre, le vitrail éclaire l'autel et son retable, dont l'accès est barré par une grille. Le problème s'aggrave si une fidèle trop dévote, plongée (mais trop peu) dans ses prières, vous lance des regards furibonds. Toutes mes photos, a fortiori celles du tympan, seront affectées par des distorsions pénalisantes.

 

Sur cette image du site http://www.cathedrale-beauvais.fr/, le vitrail est à l'extrême gauche : 

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On comprend donc M.A.Cothren lorsqu'il aperçut l'échafaudage que lui envoyait la Providence :

" Lors d'une visite à Beauvais le 10 Juillet 1982, je découvris un échafaudage érigé directement en face de la baie de Louis de Roncherolles dans la chapelle du transept nord-ouest. Face à ce qui est habituellement une situation unique dans une vie, sans me poser de questions, je sautais la barrière de la chapelle et me précipitais jusqu'à l'échelle. L'impression que ce vitrail fit sur moi à partir de ce point de vue rapproché était écrasante. La qualité technique de la peinture était étonnante. Cet Engrand Le Prince —- l'artiste à qui cette fenêtre est universellement attribuée — était un virtuose du vitrail reconnu par tous,  mais je ne m'étais jamais retrouvé assez proche de son travail pour en  évaluer la réputation. Comme je montais dans le monde de la verrière, toutefois, ce sont les figures de sa fiction plutôt que la virtuosité de son exécution qui me parlait le plus puissamment, qui me fit impression la plus durable, et qui me posait les questions les plus fascinantes. Je fus d'abord captivé par  le visage terreux et presque absent du donateur , Louis de Roncherolles, qui semblait raide et mal à l'aise, plus préoccupé par sa tenue héraldique, qu' au livre qui, devant lui, était censé être diriger ses prières. Son délicat et gracieux saint patron, le richement vêtu  Saint Louis semblait même plus distant, et semblait presque s'ennuyer . La femme de Louis, Françoise d'Halluin, cependant, m'est apparue plus calme, élégant, forte, même très à l'aise. Elle maîtrisait mieux sa posture, son costume, même son livre de prières. Son blason se distinguait parmi les nombreux autres qui parsèment la fenêtre par sa plus grande taille et son format inhabituel. Son patron, Saint François, n'a pas été un insipide mentor courtois, mais un saint homme passionné, adorant le Crucifix ailé après sa stigmatisation, impliqué dans le récit de sa propre vie plutôt que détaché pour participer à la sienne. Ma concentration sur ce côté de la fenêtre a été renforcé par ma fascination pour la représentation détaillée de la cathédrale de Beauvais dans l'arrière-plan ainsi que par une inscription énigmatique tournant en spirale dans le nimbe brillamment coloré au jaune d'argent de François. Mais je rencontrais la surprise la plus convaincante en haut de la verrière, où l'artiste avait situé la cathédrale une seconde fois, nichée dans l'arrière-plan, peint dans une délicate et délicieux grisaille. Je me suis vite rangé à la conclusion vertigineuse que cette image de la réalisation terrestre de la Jérusalem céleste avait été placée ici pour représenter la cité céleste elle-même dans une fenêtre qui était, elle-même, une partie de l'édifice représenté. Au moment où je suis descendu de l'échafaud, la parcelle de temps qui me séparait de Louis et de Françoise me semblait aussi insignifiant que celle qui les séparait de leurs patrons médiévaux dans la fiction de l'artiste. Paradoxalement, cependant, je sentais en même temps un réel besoin d'expliquer leur histoire à travers une meilleure compréhension de son contexte historique: une préoccupation certes synchronique, plutôt que diachronique ." (Traduction personnelle, au risque de mon incompétence).

 

 

 

Il est manifeste que Cothren a éprouvé sur son échafaudage, ce 10 juillet 1982, une collision temporelle semblable à celle que Freud décrivit lors de son malaise sur l'Acropole ou que Stendhal ressentit après sa visite de Santa Croce à Florence

[« J'étais dans une sorte d'extase, par l'idée d'être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J'étais arrivé à ce point d'émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j'avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. »].

Je dois témoigner du fait que les troubles de ce "syndrome de Cothren" sont ressentis non seulement sur les échafaudages, mais aussi lorsqu'une œuvre d'art est auscultée à l'aide de jumelles ou d'un fort téléobjectif, et que l'on semble emporté par le vortex d'une chute vers les antipodes avant que le temps ne s'arrête comme pour l'heure du thé, où trempe une madeleine. 

 

  Descendu de ces hauteurs, Cothren rédigea un rapport de 14 pages avec la précision d'un médecin légiste et l'intuition d'un spirite. Il y développait la conviction que Louis de Roncherolles avait fait construire cette verrière à l'occasion du décès de sa chère Françoise. L'article est paru en 2001, élégamment introduit en exergue par cet incipit d'Alice au Pays des Merveilles où l'héroïne se demande : 

"...and what is the use of a book without pictures or conversations? .

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Je revendique mon statut de dilettante ; je picore ici ou là un bon morceau ; mais j'apprécie le travail professionnel radical, qui laisse derrière lui un os nettoyé à blanc, la moelle sucée, la vaisselle faite. Et une citation de Lewis Carroll en prime. 

Monté sur les épaules de cet américain qui m'a précédé, je  vais tenter, tout en faisant mon miel de son travail, de présenter mon grain de sel cristallisé lors de ma rencontre très rapprochée  avec le regard du saint Christophe de ce vitrail, et du trouble visionnaire qui m'a saisi . Ce sera ma seconde partie (II). Mais auparavant, je dois faire de longues présentations. C'est l'objet de cette première partie.

 

 



 

 

Dans la cathédrale de Beauvais, le vitrail que je recherche se trouve dans la Chapelle du Sacré-Cœur — anciennement chapelle Sainte-Barbe—, dans le Transept nord. Réalisée en 1522, il est attribué, par son style reconnaissable, au maître-verrier  Engrand Le Prince dont d' autres réalisations sont à admirer dans l'église Saint-Etienne de Beauvais. 

La verrière est montée dans une baie de 11 mètres de haut et 3 mètres de large, à trois lancettes trilobées juxtaposées et un tympan ajouré. Chaque lancette comprend douze panneaux superposés (têtes de lancettes comprises). Elle a été commanditée par  Louis de Roncherolles, conseiller et chambellan du roi gouverneur de Péronne, Roye et Montdidier, et par son épouse Françoise d'Halluin, : on y trouve donc leurs  figures en donataires agenouillés sur leur prie-dieu et  présentés respectivement par leur patron  saint Louis et  saint François. Le seigneur de Roncherolles devait être, comme les autres nobles, un chasseur acharné, et, comme tel, particulièrement dévoué à saint Hubert à qui il dédia une chapelle dans son château de Roncherolles dans le Vexin près de Rouen. Il décéda en 1538 et fut inhumé à Ecouis.

Une monographie de D. barbier consacrée à Louis Halluin indique :

Elle mourut vers 1523, date à laquelle ses entrailles furent inhumées dans le choeur de l'église de Maignelay. Son corps reposait avec celui de son mari dans la collégiale d'Ecouis (Eure) où ils étaient encore représentés en gisants mais le sarcophage était cette fois-ci décoré de vertus et très italianisant. Ce couple nous a laissé encore deux témoignages de son mécénat ; d'abord un livre d'heures enluminé (Arsenal, mss 1191), dans lequel, au folio 103, nous trouvons une très belle représentation des armes de la famille d'Halluin de Piennes et des armes des Ghistelles et enfin un vitrail à la cathédrale de Beauvais, chapelle du Sacré-Coeur où malheureusement les restaurateurs ont remplacé les armes des d'Halluin par celles du chapitre de Beauvais, tout en conservant l'écu de Piennes qu'ils ont placé au milieu de la composition... 

On distingue commodément deux registres iconographiques. Dans le registre inférieur, une Pietà est encadrée par les donateurs présentés par leur saint patron : saint Louis (à gauche), portant son manteau fleurdelisé et le collier de l'ordre de Saint-Michel, présente Louis de Roncherolles agenouillé en prière et vêtu d'une armure ; saint François d'Assise (à droite) présente Françoise d'Halluin agenouillée en prière devant un livre. En arrière-plan se trouve une ville figurée en grisaille.

Dans le registre supérieur de la lancette centrale, se trouve un Christ en croix  entre la Vierge  et saint Jean. A gauche se trouve la représentation de l'apparition à saint Hubert d'un cerf blanc portant dans ses bois la croix du Christ ; il est entouré de ses chines et de son cheval.

C'est à droite que se trouve le saint Christophe qui suscite ma curiosité. en prière (à gauche), accompagné d'un ange portant une étole et des attributs relatifs à sa passion pour la chasse (un cor de chasse, trois chiens, un cheval et un cerf) ; et saint Christophe (à droite) portant le Christ enfant sur ses épaules, ainsi qu'une branche de palmier.

Le tympan accueille le Couronnement de la Vierge. 

La datation est établie grâce à l'inscription lisible sur l'auréole de saint François : L'AN MIL VC XXII DURANT LA FAMINE CAGR... E... ANT MORT CESTE VERRIERE.

Nombreuses armoiries (description en annexe), notamment : armes de Louis de Roncherolles en bas à gauche, de Françoise d'Halluin en bas à droite, armes de l'évêché et du chapitre de Beauvais.

Les armoiries présentes dans le vitrail

A. Lancettes

Registre inférieur :

- A gauche : armes de Louis de Roncherolles (écu 1) : écartelé, aux 1 et au 4 d'argent à deux fasces de gueules ; aux 2 et 3 d'argent à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d'or ; sur le tout, d'or au lion de sable.

- A droite : armes de son épouse, Françoise d'Halluin (écu 2) : mi-parti, au 1 : écartelé, en a : d'argent à deux fasces de gueules, en b : d'argent à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d'or (armes de son époux) ; au 2 : d'argent à deux lions de sable, en abîme : demi-écu d'azur à la fasce d'or. Ce demi-écu est abîmé, il faut sans doute restituer : d'azur à la fasce d'or accompagnées de (n) billettes du même, la moitié 2 de l'écu formant alors les armes de Louis d'Halluin (armes d'Halluin et de Piennes en abîme), père de la donatrice.

Registre supérieur :

A gauche (près de saint Hubert), deux écus :

- écu 3 : écartelé, aux 1 et au 4 d'argent à deux fasces de gueules ; aux 2 et 3 d'argent à la croix de gueules chargée de six coquilles d'or ; sur le tout, de gueules à trois pals d'argent, au chef d'or.

- écu 4 : de gueules à trois pals de vair, au chef d'argent. A l'origine le chef était probablement d'or, le jaune d'argent s'étant perdu. On peut donc restituer ici les armes des Châtillon (Marguerite de Châtillon était la mère de Louis de Roncherolles).

A droite (près de saint Christophe), trois écus :

- écu 5 : de gueules à la croix d'or cantonnée de quatre clés du même (armes du chapitre de la cathédrale).

- écu 6 : d'azur à la fasce d'or, accompagnée de six billettes (?) du même, 3 en chef et 3 en pointe (armes de Piennes).

- écu 7 : de gueules au chevron d'hermine, à une étoile d'argent en pointe. Il faut restituer : à trois étoiles d'argent (cf. Barraud, p. 54) qui sont les armes de Lorgeril, ou : à trois étoiles d'or (avec la perte du jaune d'argent), qui sont les armes de Jeanne de Gistelles, mère de Françoise d'Halluin.

Au sommet des trois lancettes :

- écu 8 (moderne) : d'azur à deux fasces d'argent (armes de la famille de Marigny : cf. Barraud, p. 52).

- écu 9 : d'or à la croix de gueules cantonnée de quatre clés du même (armes de l'évêché de Beauvais).

B. Tympan

- Écu 10 (moderne) : écartelé, aux 1 et 4 : de gueules au sautoir d'argent, aux 2 et 3 : d'or à la croix de sable.

- Écu 11 : d'azur semé de billettes d'or, à deux bars adossés d'argent. Écu également moderne d'après l'abbé Barraud (p. 54) qui l'identifie comme armes de la famille de Rouville.

A GAUCHE. Le vitrail d'Engrand Le Prince, qui fait la fierté de cette chapelle, date de 1522. Les donateurs du vitrail entourent une Vierge de Pitié. Au-dessus, le Calvaire entouré de saint Hubert et saint Christophe.
A DROITE. La donatrice, Françoise d'Halluin, accompagnée de son saint protecteur saint François d'Assise (1522)

Vitrail (1522) de la chapelle du Sacré-Cœur
Le donateur, Louis de Roncherolles, est accompagné de son saint protecteur, saint Louis.

https://inventaire.picardie.fr/dossier/verriere-hagiographique-dite-vitrail-de-roncherolles-baie-25/1494d3c9-e418-4d16-b85d-0ad72bce2b9c

Verrière hagiographique dite vitrail de Roncherolles (baie 25) - Vue du registre inférieur de la lancette droite : saint François et la donatrice Françoise d'Halluin.

https://inventaire.picardie.fr/dossier/verriere-hagiographique-dite-vitrail-de-roncherolles-baie-25/1494d3c9-e418-4d16-b85d-0ad72bce2b9c/illustration/4

Plan de la cathédrale indiquant le vitrail dit de Roncherolles ou Baie 25. Plan Chanoine Marsaux, "Beauvais," Congres Archeologique 72 [1905]: in Cothren,

Plan de la cathédrale indiquant le vitrail dit de Roncherolles ou Baie 25. Plan Chanoine Marsaux, "Beauvais," Congres Archeologique 72 [1905]: in Cothren,

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PRÉSENTATION.

La verrière  a été commanditée par  Louis de Roncherolles (v.1472-1538), conseiller et chambellan du roi, dont l' épouse était Françoise d'Halluin, : on y trouve donc leurs  figures en donataires agenouillés sur leur prie-dieu et  présentés respectivement par leur patron  saint Louis et  saint François. Le seigneur de Roncherolles devait être, comme les autres nobles, un chasseur acharné, et, comme tel, particulièrement dévoué à saint Hubert puisqu'il fonda à perpétuité  une chapelle sous le nom et titre de saint Hubert dans son château de Roncherolles dans le Vexin près de Rouen.  Saint Hubert figure donc au dessus de son portrait. C'est Saint Christophe, l'un des 14 saints Auxiliateurs protecteurs contre les dangers des voyages, mais aussi contre les épidémies, qui surplombe Françoise d'Halluin du coté droit. Mais pourquoi tout cela ? 

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CONTEXTE HISTORIQUE:

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Le vitrail est daté de 1522 par une inscription.

Cette date correspond au règne de François Ier (1515-1547) ; au pontificat d'Adrien II (1522-1523) et de Clément VII (1523-1534) ; à la  période de vacance qui a suivie l'épiscopat de Louis de Villiers de l'Isle-Adam (1497-1521) suivi avant la nomination d'Antoine Lascaris de Tende (1523-1530).

Dans le roman à épisode de la construction de la cathédrale,  après l'édification du chœur achevé en 1347, le début du XVIe siècle correspond à une reprise des travaux sous l'impulsion du comte-évêque Louis de Villiers de L'Isle-Adam et sous la direction de l'architecte Martin Chambiges, afin de donner enfin un transept à ce sanctuaire. Notre période correspond donc précisément à la construction du transept dans lequel se trouve le vitrail. La chapelle Sainte-Barbe, au nord, n'a été terminée qu'en 1517, et la chapelle des Morts, au sud, en 1519., 

 [Ensuite, une fois le transept érigé (entre 1500 et 1548), on décidera de construire la flèche la plus haute de toute la chrétienté. Les travaux commencent en avril 1563 et se terminent en 1569, elle atteint alors 153 m de hauteur. Le 30 avril 1573 est un jour noir dans l'histoire de la cathédrale : alors que les fidèles sortent de la célébration de l'Ascension, la flèche et les trois étages du clocher s'effondrent. La reconstruction des voûtes du transept prive la cathédrale des fonds nécessaires pour édifier la nef. La cathédrale reste depuis inachevée. ]

 

 

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 Louis de Roncherolles II, né le 20 décembre 1472 et décédé en 1538, était conseiller et chambellan du roi, gouverneur de Péronne, Roye et Montdidier, chevalier de l'ordre du roi, baron de Heuqueville et de Saint-Pierre,  Il fut fut inhumé à Ecouis. Son grand-père Louis de Roncherolles I avait été chambellan de Charles VI. Son père Pierre de Roncherolles, décédé en 1503 et inhumé à la Collégiale d'Ecouis,  chambellan de Charles VII et de Louis XI, avait épousé Marguerite de Châtillon.

«Mons. Lovs de Roncerolles baron de Heugueville et du Pont S. Pierre fut né à Chatillon-sur-Marne le xxe jour de décembre mil IIIIc LXXII et le tint sur fons mons. Loys de Laval Sgr de Chastillon en Bretaigne, Jehan de Roncerolles son frère et damoiselle Agnès de Vauldray, et espousa madamoiselle Françoise de Hallewin cy après escripte le pénultième jour d'avril l'an mil cinq cens et quatre. Le xixe jour de décembre le vendredi des quatre temps au soir à ix heures l'an mil IIIIc IIIIxx et XIII madamoiselle Francoise de Hallewin fut née à Passy près Paris et furent ses parrains et marraines mons. de Vandosmes madamoiselle Marie de Ghistelle sa tante et madame Jehane de Hallewin sa sœur. Adrian de Roncerolles premier fils des dessus dits fut né dudit Roncherolles le mardi xxve de mars environ viii heures du soir l'an mil cinq cens et cinq et furent ses parrains et marraines mons. de Piennes père de la dite damoiselle Françoise pour principal parrain lequel le fit tenir par mons. de Buguenon son filz ainsné et mons Descrebècgs son filz puisné son second parrain et ses marraines madame de Piennes sa grant-mère et madamoiselle du Neufbourg sa tante sa seconde marraine et fut baptizé en la chapelle de Roncerolles par maistre Phle Lebouteiller curé et chanoine de Nostre Dame d'Escouys. Pierre de Roncerolles second filz des dessus dis fut né audit Roncerolles le jour de Pasques entre trois et quatre heures du matin xiie jour d'apvril l'an mil cinq cens et six et furent ses parrains et marraines mons. d'Amyans frère de ma dite damoiselle Françoise de Hallewin, mons. de Rambure, madame de Rambures et madamoiselle de Buguenon ...»  (Livre d'Heures  de Louis de Roncherolles, Source E. Pattou 2015)

Il épousa Françoise d'Halluin le 30 avril 1504 : Il eut douze enfants de son premier mariage  : Adrien, Pierre, Louis, Philippe, Marie, François et Hubert, Laurent,  Jean , Suzanne et Madeleine. 

Adrien (25/03/1505 + 1523 ), l'aîné, élevé enfant d'honneur du roi François Ier, fut envoyé en otage par le roi jusqu'au paiement complet de la somme due pour la ville de Tournay. Il fut fait Gentilhomme ordinaire de la Chambre à son retour, et envoyé en Italie, où il fut tué en 1523 pendant le siège d'Arona. 

 Pierre de Roncherolles (° 12/04/1506) seigneur d’Esquaquelan épousa Jeanne de Houdetot (fille de Jacques, écuyer, seigneur de Herville, et de Péronne Chenu, d’Yvetot)

Louis (né le 12 mars 1507 : mort jeune ?)

 Philippe de Roncherolles (né le 1er mai 1508,  + 4 mars 1570)  succéda à son père comme seigneur de Roncherolles : Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, capitaine de 50 hommes d'armes de son ordonnance, Gouverneur successif de Pontoise, Caen et Beauvais, il se marie en 1527 avec  Suzanne de Guisencourt   , puis en 1558 avec Renée d'Espinay. Pendant les Guerres de Religion, Charles IX eut tant de confiance en lui qu'il voulut toujours l'avoir auprès de sa personne. Il mourut le 4 mars 1570 au retour d'un voyage à Tours.

Marie, née le 26 octobre 1509, épousa en 1526 Jean de la Rivière

Les jumeaux François et Hubert, nés le 17 décembre 1510. 

Laurent (né le 20 juillet 1512)

Jean (né le 31 janvier 1514), abbé commendataire des abbayes du Gard et de Mortemer.

Suzanne, née le 16 mai 1516, épousa en 1527 Louis de la Haye

Madeleine, née le 4 février 1518, épousa en 1531 Antoine Payen et en 1537 Jean de la Mothe.

Anne, née le 18 octobre 1519.

 

Devenu veuf en 1523, Louis de Roncherolles épousa en 1524 Marie de Cormeilles, sans enfant, et en 1527 Marguerite de Guisencourt, sans enfant.

La façon dont le seigneur de Roncherolles fit don à la cathédrale d'un vitrail  est consignée dans les Registres du Chapitre de la cathédrale, à la date du 13 juin 1522 :

« Le 13 juin 1522, M. d'Heuqueville de Ronquerolles ayant fait remise des droits seigneuriaux dus pour des biens sis à Auneuil ; légués à l'église par feu Jean Bellin, à condition qu'à sa volonté, et sur les dessins qu'il en donnerait, serait faite une verrière de même valeur, c'est-à-dire de cent livres, à quoi montaient les dits droits de relief, le chapitre prend la résolution de faire faire ledit vitrail que l'on voit encore actuellement à la chapelle de Sainte-Barbe, en laquelle ledit seigneur d'Auneuil et sa femme, leurs patrons et leurs armes se voient désignés à coté d'un christ descendu de la croix, et le tout au dépens de l'église » (P.C. Barraud, 1860 p. 59)

 

Ancre

L'abbé Barraud a repris ici, mais en les adaptant, les termes d'un document cité par Cothren :

Registres Capitulaires, Collection Bucquet-aux Cousteaux, vol. 28, 253:

"13 juin 1522 M. d'Hucqueville [de Roncherolles] fait remise au chapitre des droits seigneuriaux alui dus pour des biens seis à Auneuil legues a l'Eglise par feu jean belin, a condition qu'a sa volunté et sur le dessein quil en donneroit seroit fait une verriere de meme valeur cest adire de 100 l.t. le chapitre fait faire le vitrage que Ion voit encore actuellement ala chapelle de Ste barbe [pres la porte dela gallerie qui conduit a  l'Eveché] en laquelle verriere led seigr d'Auneuil et sa femme leurs patrons et leurs armes sont representés a cote d'un christ."

 

Jean Belin ou Jean de Blin est un chanoine de la cathédrale de Beauvais décédé en 1521, et présenté comme "le bienfaiteur de l'église de Beauvais, ce qui est prouvé par un dénombrement fourni le 3 février 1528 par les doyens, chanoines et chapitre de l'église cathédrale de Beauvais, comme donataires dudit de Belin, pour deux fiefs sis en la paroisse d'Auneuil, à noble et puissant seigneur Louis de Roncherolles, seigneur d'Auneuil." (Nicolas Viton de Saint-Allais,1817, Nobiliaire universel de France: recueil général des généalogies historiques page 457).

Il faut réaliser l'importance de ce document, qui indique le prix du vitrail, sa localisation, mais surtout qui atteste que le choix du dessin a été décidé directement et avec précision par Louis de Roncherolles. On notera aussi que seul le registre inférieur est ici décrit.

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Louis de Roncherolles présenté par saint Louis :

 

Louis de Roncherolles présenté par saint Louis. Photo lavieb-aile

Louis de Roncherolles présenté par saint Louis. Photo lavieb-aile

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Louis de Roncherolles. Photo lavieb-aile

Louis de Roncherolles. Photo lavieb-aile

–  Françoise d'Halluin    née le 29 décembre 1492 et décédée vers  1523, épousa Louis de Roncherolles le 5 mars 1503, ou le 30 avril 1504, par contrat du 16 février 1500 (?).

C'était la fille de Louis de Halwin, seigneur de Piennes, et d'Isabeau de Ghistelles.

 

Louis de Halwin ou d'Halluin , décédé en 1519, fut un personnage considérable de son temps :  seigneur de Piennes, chevalier de l'ordre du roi (promotion de 1495), capitaine de 100 hommes d'armes de son Ordonnance,  conseiller et chambellan du roi Louis XI puis du roi Charles VIII, Capitaine de Montllhery, Bailli et Gouverneur de Péronne, Montdidier et de Roye en 1496 et  Gouverneur et Lieutenant-général de Picardie en 1512.

Selon Jean-Luc Deuffic, :

"La famille flamande van Halewijn, francisée en d’Halluin, tire son origine de la ville de ce nom près de Lille.

Né vers 1450, Louis d'Halluin, fils de Josse, bailli de Flandres, et de Jeanne de la Trémouille, s'attacha aux cours des ducs de Bourgogne Philippe le Bon et de Charles le Téméraire. De par son père, il était lié à la famille de Bruges-la Gruthuse, une des plus puissantes du comté, et, par alliance, au célèbre Philippe de Commynes. Il épouse en effet vers 1475 Jeanne de Ghistelles, fille de Jean, seigneur d'Esquelbecq, grand veneur de Flandre et de Jeanne de Bruges-la Gruthuse (de gueules au chevron d'hermines, accompagné de trois étoiles d’or, deux en chef et une en pointe), qui décédera avant lui. En 1474, Louis de Halluin est chambellan et capitaine de cinquante lances au service du dernier duc de Bourgogne. Assiégé dans Saint-Omer dont il est capitaine, Louis d'Halluin est fait prisonnier par Louis XI, auquel il se rallie un peu plus tard. Le roi le prend alors comme chambellan, le fait capitaine de Montlhéry (lettre du 14 mars 1480). [...] En 1494, il accompagne le roi Charles VIII à son voyage de Naples, et à la bataille de Fornoue (Fornovo), il fut un des six chevaliers que le roi choisit pour combattre auprès de sa personne, revêtus d’habits semblables aux siens.  Maître des cérémonies lors du couronnement de Charles VIII à Naples (22 février 1495). Louis d'Alluin [est] fait chevalier de l'Ordre de Saint-Michel en 1495.

Aux obsèques de Charles VIII, le seigneur de Pienne, avec trois autres chambellans, tient le drap d'or au-dessus du cercueil du roi.
Le 6 juillet 1498 il achète d'Arthus de Villequier la seigneurie de Maignelay en Beauvaisis (aujourd'hui Maignelay-Montigny), dont il reconstruisit l’église et l'antique forteresse dans un style puisé de ses voyages italiens.
En juillet, lors de l'entrée de Louis XII à Paris, Louis d'Halluin est à sa droite. Le nouveau roi l’honore en lui confiant plusieurs missions diplomatiques, comme celle de la négociation en Allemagne, en 1501, ou de l'investiture du duché de Milan reçue du roi des romains.  
Louis XII le fait gouverneur et lieutenant général de la Picardie en 1512.
Sous Louis XII enfin, Louis d'Hallewyn, seigneur de Piennes, avait offert sa propre effigie, en argent, prosternée devant l'image (Hist. de N. D. de Boul. par Ant. Le Roy) "

Son troisième fils François d'Halluin fut nommé en 1502 évêque d'Amiens.

 

Une monographie de D. Barbier consacrée à Louis Halluin indique à propos de sa fille Françoise :

 

"Elle mourut vers 1523, date à laquelle ses entrailles furent inhumées dans le chœur de l'église de Maignelay. Son corps reposait avec celui de son mari dans la collégiale d'Ecouis (Eure) où ils étaient encore représentés en gisants mais le sarcophage était cette fois-ci décoré de vertus et très italianisant. "

 

Son testament (cité par Cothren) figure dans les Pièces Originales du Cabinet des titres , provenant des anciennes archives de la Chambre des Comptes  conservées à Paris, BNF fr. 29023, folios. 116r-116v.

 Il est daté du 27 février 1522 et est rédigé lors de la phase finale de sa maladie, alors qu'elle résidait, avec son fils aîné Adrien,  à Amiens dans le palais épiscopal de son frère François d'Halluin. Elle laisse à son mari une relique en or venant de son père et un diamant venant de sa belle-mère. Elle confie son jeune fils Jean à la garde de François d'Halluin évêque d'Amiens avec le souhait qu'il devienne prêtre à son tour. Elle lui destine une peinture de saint Jean, et le calice et ornements sacerdotaux de ses futures fonctions. Jean, né le 31 janvier 1514, deviendra effectivement prêtre. Un mois avant que Françoise ne conclue son testament, son fils Adrien demanda au roi que son frère , de 10 ans plus jeune, soit nommé chanoine de la Sainte-Chapelle. [Le 7 janvier 1522 Adrien, qualifié de "panetier ordinaire du roi"-demanda au roi d'accepter son frère  Jean de Roncherolles comme chanoine de la Ste-Chapelle: Catalogue des actes de François ler, vol. 7, 108-9, no. 23749.] Ultérieurement il deviendra abbé commendataire  des abbayes du Gard (en 1539)  et de Mortemer. Enfin, Françoise D'Halluin confie ses filles à la garde de sa sœur Jeanne d'Halluin, qui avait épousé André de Rambures

116r: "Elle laisse aud. Sgr son mari une image d'or qui avais touche au St Suaire qui avoir ete donne alad. De testatrice par feu Mgr de Piennes son pere, avec un diamant ou il y avoir 2.1. et 2.m. que feu Madme de Chastillon Belle-mere de lad. De testatrice lui avoir donne." Ibid: "de Jean quelle prie son mari de laisser aupres de Mr l'Eveque d'Amiens, esperant que ledit Sgr Eveque lui fera vrai oncle.... elle donne a Jean aussi son fils une image de StJean et s'il est pretre elle lui donne pour le jour quil chantera un calice et des ornemens." 

 "Elle suplie son mari de metter les demoiselles leurs filles sous la conduite de la De de Ramburer, soeur de lad. testatrice, la supliant de vouloir les regarder et elever comme ses filles, et s'il plaisoir aud. Sgr. son mari de les mettre avec Madelle Made soeurs de lui, elle recommande auxd. Delles ses filles de leurs obeir." Ibid., fol. 116v: "Ce testament passe a Amiens en l'hotel Episcopale ou lad. De etoit malade en presence de Nobles et snnr Sgnr R S. en Dieu Mgr l'Eveque d'Amiens, Mgr Jean de Hallwin, nobles hommes adrien de Roncherolles, Mre Guillaume de Hamel, Chancelier de N. De d'Amiens, Louis de Brequin, Antoine de Lievin Euyern, discretu passoer Wagner MeJean Willemat, docteur en autres, devant Martin le Febvre Pretre et notaire apostoliquejure."

 

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La date du décès de Françoise d'Halluin ne semble pas être connue avec précision, et D. Barbier la fixe "vers 1523". Si elle a suivi d'assez près la rédaction du testament (27 févier 1522), et qu'elle est survenue dès mars 1522, alors il est plausible que Louis de Roncherolles ait décidé de construire un vitrail en raison de cette mort, puisque la mention de ce vitrail par le Chapitre de la cathédrale date de juin 1522. 

Françoise d'Halluin présentée par saint François Source image :

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Françoise d'Halluin, photo lavieb-aile.

Françoise d'Halluin, photo lavieb-aile.

Une famine en 1522 ?

Une inscription lisible sur l'auréole de saint François dit : L'AN MIL VC XXII DURANT LA FAMINE CAGR... E... ANT MORT CESTE VERRIERE. 

M.W. Cothren (note 34) suggère d'en moderniser la forme en : "L'an 1522, durant la famine, sa grande mort, cette verrière,", et qualifie cette inscription de "simple, mais (intentionnellement ?) énigmatique".

Cette date corrobore le document daté du 13 juin 1522 qui mentionne le don de la verrière par Louis de Roncherolles. 

 

La réalité de cette famine peut être expliquée par l'état de guerre puisque André Delettre signale dans son Histoire du diocèse de Beauvais qu'en 1523 , l'ennemi (les Anglais et les Impériaux de Charles Quint) était aux portes de Beauvais et que le roi levait de nouveaux impôts pour le repousser. Plus précisément, cet auteur mentionne aussi,  en 1530-1533, la reprise d'une épidémie "qui avait frappé tant de victimes les années précédentes" : en mai 1522, "les hospices étaient encombrés de malades dénués de toutes ressources. L'Hôtel-Dieu en avait près de trois cent, non compris les orphelins et les indigents. On se trouvait dans une telle détresse qu'il fallut ordonner des quêtes dans tout le diocèse pour pouvoir subvenir à tant de besoins". En 1524, il précise encore "La crainte de manquer de vivres empêcha d'approvisionner les marchés et fit hausser le prix du blé, à tel point que le plus grand nombre d'habitants, hors d'état de s'en procurer,  se voyait condamné à mourir de faim "(page 175).

Cothren cite également un extrait des archives du Chapitre dans la  Collection Bucquet-aux Cousteaux , vol. 26, 360. :"6 mai 1522. assemblee extraordinaire a l'Eveché avec les maire et pairs pour pourscoir aux necessiter du peuple de la ville et du diocece qui couroit risque de perir par la famine." . En août 1522, mais déjà en 1519 1520,   les reliques de saint Germer avaient été menées en procession à travers la ville pour tenter d'interrompre une épidémie de "peste". (Collection Bucquet-aux Cousteaux , vol. 26, 360. Ibid., 359. ) Selon Fauqueux page 82   ,un rapport mentionne 1.800 décès entre Octobre 1522 et juin 1523.

Dés lors que cette famine de 1522, par la disette, par la guerre et par les effets des épidémies, est attestée, et que le vitrail, dont la composition a été ordonnée par le commanditaire, la mentionne dans son inscription, il est justifié d'y voir un principe organisateur réunissant la présence des saints du registre supérieur. Saint Hubert était connu pour ses pouvoirs de guérison, notamment auprès des nobles chasseurs contre la rage, parfois surnommé "le mal Saint-Hubert" . Saint Christopher est encore plus célèbre en tant que saint qu'il faut invoquer en cas de de peste. Enfin sainte Barbe, à qui la chapelle était dédiée, faisait partie des quatorze Saints Auxiliateurs protégeant, comme Christophe, des périls de la mort soudaine sans confession.  

Dans une situation de disette, de saturation d'accueil des hôpitaux, de forte augmentation des décès, et de risque de révoltes populaires, l'axe central s'élevant des crânes grimaçant parmi les fleurs vers le corps sans vie du Christ, puis, traversant la silhouette de la cathédrale, vers la Croix, avant de culminer en la Vierge Intercetrice apporte la réponse chrétienne à ce drame.

 

 

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CONTEXTE TECHNIQUE.

Le vitrail fut restauré par Jules Houilles en 1918-24, et ce dernier en a alors réuni les deux parties . En effet, avant la Première Guerre mondiale, il était disposé en deux baies différentes, celle-ci (baie 25) et la baie voisine qui domine l'autel (baie 23). Dans la description donnée en 1885 par l'abbé Louis Pihan, la baie 25 contient le registre inférieur et le tympan alors que la baie 23, partiellement cachée par le retable d'autel, renferme  le registre supérieur. Quelle était la disposition originale ? Les chercheurs se sont divisés en deux camps :  certains se prononçaient sur l'existence de deux fenêtres dès le début (Rayon,, Grodecki, Bonnet-Laborderie). Les autres croyaient à l'authenticité de la fenêtre actuelle unifié (Barraud, Desjardins, Leblond, Lafond).  M.W. Cothren estime (note 36)  que  la comparaison de l'incohérence flagrante de l'état précédent la Première Guerre mondiale, dont il détaille les exemples,  avec la cohérence formelle, iconographique et héraldique  de l'installation actuelle  soutient de façon convaincante  la validité de la deuxième option: les panneaux formaient dès l'origine un seul ensemble, semblable à ce que nous voyons aujourd'hui, dans le mur ouest de la chapelle.

 

Maître-verrier.

 

Le vitrail est attribué (Pierre Le Vieil, L'art de la peinture sur verre et de la vitrerie (Paris: Imprimerie de L.-F. Delatour, 1774), 35 ;  Lafond, Grodecki , etc.) à Engrand Leprince, que j'ai présenté dans mon article sur l'Arbre de Jessé de l'église Saiint-Etienne de Beauvais (cf. lien supra). Rappellons que la virtuosité picturale d'Engrand Leprince , notamment dans son emploi du jaune d'argent, en fait l'un des meilleurs artistes verriers du XVIe siècle ( Lafond,  "Essai historique sur le jaune d'argent," in Trois etudes sur la technique du vitrail (Rouen: Imprimerie Laine, 1943). Françoise Perrot a pu écrire dans Le vitrail à Rouen (Rouen: Imprimerie Lecerf, 1972), qu'il s'agissait peut-être du plus grand maître-verrier ayant jamais existé.

Il est classique de citer  Lucien Magne, (L'Œuvre des peintres verriers français, 1888) : « Je reconnaîtrais partout un vitrail d'Engrand Le Prince à la liberté du dessin, à l'indication large des modelés, aux touches légères de jaune d'argent qui brillent comme l'or dans la lumière des étoffes blanches, aux oppositions justes des tons les plus éclatants. »

Michael W. Cothren décrit son admiration ainsi (page 14) : 

  "It is the large, free brushstrokes, energized with self-confident spontaneity, that most cleanly separate Engrand's painting not only from that of his many contemporaries but also from the work of members of his own glass-painting family. His windows are also notable for the subdued, clear blue of the backgrounds and their delicately detailed architectural renderings, both of real and fictive cityscapes. Dense blocks of landscape, evoked through several shades of dark and saturated green, are juxtaposed with these atmospheric renderings, overlapping them with a delicate and continual fringe of dark leaves painted on the blue glass itself. Engrand's figures are infused with artificiality and grace. They usually take on bloated, mannerist proportions, with small heads and swaggering, curvilinear poses. For instance, Saint Christopher's transportation of the infant Jesus in this window is conceived as a courtly dance; the Virgin adores the body of her dead son with grandiloquent pathos. Most figures are clothed in rich and fanciful costumes of billowing, sumptuous fabric, elaborately accessorized. But what is perhaps most distinctive about Engrand's work-here and elsewhere-is his unparalleled technical virtuosity, especially in the use of silver stain, employed not only to enliven the chromatic composition but also to color, highlight, and shade its figures and their fabulous costumes."

 

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DESCRIPTION DE LA VERRIÈRE DE LA BAIE 25.

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Elle prend place dans une baie de 11 mètres de haut et 3 mètres de large, à trois lancettes trilobées juxtaposées et un tympan ajouré. Chaque lancette comprend douze panneaux superposés (têtes de lancettes comprises). 

On distingue aisément dans ces trois lancettes deux registres iconographiques, supérieur et inférieur, chaque registre étant divisé selon les lancettes en une partie centrale lié à la Passion, et deux parties latérales, soit six compartiments thématiques. Le pied et la tête des  lancettes latérales portent des armoiries, ainsi que le septième de leur douze panneaux.

– Dans le registre inférieur, l'axe central accueille une Pietà (dont le Christ est inspiré d'une gravure de Dürer),  encadrée de chaque coté par les donateurs présentés par leur saint patron : saint Louis (à gauche), portant son manteau fleurdelisé et le collier de l'ordre de Saint-Michel, présente Louis de Roncherolles II agenouillé en prière et vêtu d'une cotte d'armes recouverte d'un manteau et d'un tabard à ses armes. Louis de Roncherolles est ainsi incité à participer émotionnellement à la scène de la Vierge de Pitié contemplant le cadavre de son fils.   Saint François d'Assise (à droite) recevant les stigmates dans sa contemplation du crucifix,  présente Françoise d'Halluin agenouillée en prière devant son  Livre d'Heures. Une inscription se lit dans le nimbe de saint François (cf.).

En arrière-plan se trouve des bâtiments  figurés en grisaille, dans lesquels on a reconnu la cathédrale de Beauvais avec ses arc-boutants à double niveau et ses pinacles à crochets. Elle permet au  vitrail d'échapper à un flottement dans les universalités d'un monde intemporel, et de monter les tréteaux de la scène dramatique dans la réalité historique d'un lieu sacré particulier : Beauvais.

 

 

– Dans le registre supérieur se trouve dans la lancette centrale  un Christ en croix  entre la Vierge  et saint Jean. A gauche se trouve la représentation de l'apparition à saint Hubert d'un cerf blanc portant dans ses bois la croix du Christ, alors qu'il était parti à la chasse un Vendredi Saint ; il est entouré de ses chiens et de son cheval. Un ange descend en tenant une étole dorée brodée de croix blanches, et ce détail est important pour identifier le saint comme Hubert et non comme Eustache, autre chasseur à qui apparaît un cerf crucifère. En effet, dans un autre épisode plus tardif de sa Vita, ce manipule symbolisant ses fonctions sacerdotales fut envoyée à Hubert par la Vierge pour vaincre ses réticences à accepter la charge d'évêque de Maastricht. en succession de saint Lambert. Notez, sur la gibecière de Seigneur Hubert, deux lettres en perles blanches, TM.

C'est à droite que se trouve le saint Christophe qui suscite ma curiosité,  portant le Christ enfant sur ses épaules.

Le tympan accueille, au dessus de deux armoiries, l'apothéose de la Vierge : elle apparaît, mains jointes et cheveux dénoués, au centre de rayons de feu et de nuées. Les trois personnes de la Trinité la reçoivent, le Père Éternel à gauche tenant l'orbe crucifère, le Christ en manteau de gloire tenant la croix, et la colombe de l'Esprit-Saint au dessus d'elle. Plus haut, l'ange de droite tend une couronne de fleurs, celui de gauche tient une verge, 

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Datation.

La datation est établie grâce à l'inscription lisible sur l'auréole de saint François : L'AN MIL VC XXII DURANT LA FAMINE CAGR... E... ANT MORT CESTE VERRIERE.

 

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Héraldique.

On trouve les  armes de Louis de Roncherolles en bas à gauche, de Françoise d'Halluin en bas à droite, et les armes de l'évêché et du chapitre de Beauvais. On en trouve diverses description, et une synthèse par l'Inventaire de Picardie :

A. Lancettes

Registre inférieur :

Ancre - A gauche : armes de Louis de Roncherolles  présentées par trois lions : écartelé, aux 1 et au 4 d'argent à deux fasces de gueules ; aux 2 et 3 d'argent à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d'or ; sur le tout, d'or au lion de sable.

 C'est l'association de trois armoiries différentes : celles de Roncherolles, d'argent à deux fasces de gueules ,dont Louis a hérité de son père Pierre à son décès en 1503 celles des Hangest   (d'argent à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d'or), et celles de Léon (d'or au lion de sable).

 

 

- A droite : armes de son épouse, Françoise d'Halluin (écu 2) : mi-parti, au 1 : écartelé, en a : d'argent à deux fasces de gueules, en b : d'argent à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d'or (armes de son époux) ; au 2 : d'argent à deux lions de sable, en abîme : demi-écu d'azur à la fasce d'or. Ce demi-écu est abîmé, il faut sans doute restituer : d'azur à la fasce d'or accompagnées de (n) billettes du même, la moitié 2 de l'écu formant alors les armes de Louis d'Halluin (armes d'Halluin et de Piennes en abîme), père de la donatrice.

Registre supérieur :

A gauche (près de saint Hubert), deux écus :

- écu 3 : écartelé, aux 1 et au 4 d'argent à deux fasces de gueules ; aux 2 et 3 d'argent à la croix de gueules chargée de six coquilles d'or ; sur le tout, de gueules à trois pals d'argent, au chef d'or.

- écu 4 : de gueules à trois pals de vair, au chef d'argent. A l'origine le chef était probablement d'or, le jaune d'argent s'étant perdu. On peut donc restituer ici les armes des Châtillon (Marguerite de Châtillon était la mère de Louis de Roncherolles).

A droite (près de saint Christophe), trois écus :

- écu 5 : de gueules à la croix d'or cantonnée de quatre clés du même (armes du chapitre de la cathédrale).

- écu 6 : d'azur à la fasce d'or, accompagnée de six billettes (?) du même, 3 en chef et 3 en pointe (armes de Piennes).

- écu 7 : de gueules au chevron d'hermine, à trois étoiles d'or (avec la perte du jaune d'argent), qui sont les armes de Jeanne de Gistelles, mère de Françoise d'Halluin.

Au sommet des trois lancettes :

- écu 8 (moderne) : d'azur à deux fasces d'argent (armes de la famille de Marigny .

- écu 9 : d'or à la croix de gueules cantonnée de quatre clés du même (armes de l'évêché de Beauvais).

B. Tympan

- Écu 10 (moderne) : écartelé, aux 1 et 4 : de gueules au sautoir d'argent, aux 2 et 3 : d'or à la croix de sable.

- Écu 11 : d'azur semé de billettes d'or, à deux bars adossés d'argent. Écu également moderne d'après l'abbé Barraud (p. 54) qui l'identifie comme armes de la famille de Rouville.

 


 

 

Vitrail de Roncherolles, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Vitrail de Roncherolles, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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Vitrail de Roncherolles, 1522, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Vitrail de Roncherolles, 1522, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Vitrail de Roncherolles, 1522, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Vitrail de Roncherolles, 1522, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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SAINT CHRISTOPHE PORTANT L'ENFANT, ET L'ERMITE.

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L'attitude globale du saint est celle des peintures et vitraux du XVIe siècle déjà observés, la jambe gauche en avant de la droite, l'allure de marche dirigée, dans la traversée du fleuve,  vers la rive située à gauche. Le bassin est tourné vers la droite et se présente à nous presque de face ; cette présentation frontale se complète au niveau du thorax. Mais alors que jusqu'à présent le saint poursuivait la rotation ainsi amorcée et tournait le visage et les yeux vers l'Enfant, ici, Engrand Leprince  représente le visage de face, de telle sorte que Christophe nous regarde . C'est un retour au regard fixant le fidèle qui caractérisait les peintures du XIVe siècle, alors que l'on prêtait à la rencontre des regards une vertu magique de protection, dite apotropaïque, et qui se renforçait par la prononciation d'une formule parfois écrite sur le support. 

 

 Mais le géant, parce qu'il prend un appui très haut sur son bâton de marche, s'incline automatiquement  vers la gauche, ce qui incline aussi son visage et l'axe des deux yeux. Cela n'est pas anodin, car depuis l'Antiquité cette posture est celle de la Mélancolie, et nous la décryptons inconsciemment comme telle. La noblesse du visage à la longue barbe blanche de Neptune ou de Dieu-le-Père  est alourdie par cette gite  du port de tête, et la gravité triste qui s'en dégage est accentuée par la ligne tombante du coin des lèvres. Rien à voir avec l'attitude gaillarde et enjouée des Christophe de Séville. L'Enfant semble d'ailleurs s'inquiéter et  se pencher vers lui pour lui demander : ça va pas ?  Saint Christophe a interrompu sa marche pour nous dévisager et sonder notre âme.

Saint Christophe, Vitrail de Roncherolles, 1522, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.522,

Saint Christophe, Vitrail de Roncherolles, 1522, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.522,

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Cela n'empêche pas le miracle de la reverdie du bâton de survenir dans les règles, et trois feuilles certes un peu chiches mais résolument vertes s'affichent à l'extrémité de tendres rameaux. Tout va bien.


 

 

 

Saint Christophe portant l'Enfant, Engrand Leprince, Vitrail de Roncherolles, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Saint Christophe portant l'Enfant, Engrand Leprince, Vitrail de Roncherolles, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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Tout va d'autant mieux que, à force de le chercher comme dans le jeu "Où est Charlie?", j'ai fini par trouvé l'ermite. Sa lanterne faisait pourtant un éclat bien repérable! 

Ermite à la lanterne, in Saint Christophe portant l'Enfant, Engrand Leprince, 1522, Vitrail de Roncherolles, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Ermite à la lanterne, in Saint Christophe portant l'Enfant, Engrand Leprince, 1522, Vitrail de Roncherolles, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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Les Livres d'Heures, modèles du commanditaire pour sa verrière ?

 

Mon étude du saint Christophe de la cathédrale d'Angers m'avait permis de suggérer que le Maréchal de Rohan avait pu trouver dans sa bibliothèque les enluminures de Christophe et des Apôtres afin de procurer au maître-verrier un modèle de ce qu'il souhaitait pour sa chapelle.  J'ai voulu tenter de savoir si, dans le Livre d'Heures de Louis de Roncherolles, saint Christophe était représenté et avait pu servir de source d'inspiration pour le vitrail qu'il commandait à Engrand Leprince. Ce Livre d'Heures est conservé à la Bibliothèque de l'Arsenal sous la cote Ms 1191 et il est daté de 1495-1500. L'enluminure m'attendait au folio 83v, tel que l'avait peinte le "Maître des Entrées parisiennes", avec son Enfant sur les épaules, son bâton, et l'ermite, et la lanterne. Il se dirigeait vers le sens opposé, mais cela peut arriver à tout le monde.

Saint Christophe portant l'Enfant-Jésus, Livre d'Heures de Louis de Roncherolles  (1495-1500) Arsenal Ms 1191 folio 83v  Maître des entrées parisiennes

Saint Christophe portant l'Enfant-Jésus, Livre d'Heures de Louis de Roncherolles (1495-1500) Arsenal Ms 1191 folio 83v Maître des entrées parisiennes

J'ai ensuite trouvé dans le même Livre d'Heures, au folio 102v   Louis de Roncherolles présenté par saint Louis, Presque comme sur le vitrail ! 

Dans les marges se trouvent trois armoiries :

a) Celles du haut :  écartelé : aux 1 et 4 d'argent à deux fasces de gueules (Roncherolles, reçues à la mort de son père Pierre III ), aux 2 et 3 d'argent à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d'or (Hangest, armes qui passèrent dans la famille après le mariage en 1367 de Jean de Roncherolles avec Isabelle de Hangest). Sur le tout d'or au lion de sable. (Léon, signalant le mariage de Guillaume V de Roncherolles (d. 1415) avec Marguerite de Léon). Elle se retrouvent a la base de la lancette de gauche.

 

b) celles du milieu  de gueules à trois pals de vair, au chef d'or, est de Châtillon-sur-Marne

c) Celles du bas reprend, dans sa moitié gauche, celui du haut, mais il s'associe en parti avec les armes d'Halluin d'argent à trois lions de sable armés, couronnés et lampassés d'or, posés 2 et 1  et de Piennes d'azur à la fasce d'or ace. de six billettes du même, trois en chef, trois en pointe, rangées en fasce.

Soit " parti : au I coupé d'argent à deux fasces de gueules (Roncherolles) et d'argent à la croix de gueules chargée de cinq coquilles d'or (Hangest); au II d'argent à trois lions de sable (Hallewin). Sur le tout, écu parti d'or au lion de sable et d'azur à la fasce d'or ace. de six billettes du même, trois en chef, trois en pointe, rangées en fasce (Piennes).

 

Elles notifient donc l'alliance  de la famille de Roncerolles avec celle de Louis d'Halluin, seigneur de Piennes, par le mariage de Louis avec Françoise d'Halluin. On le retrouve, mais dans un écu en losange, à la base de la lancette de droite, celle de Françoise d'Halluin.

 

 

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Au folio 103r (source image) se trouve  l'enluminure montrant saint Hubert face au cerf crucifère. Les armes centrales  sont celles de Louis d'Halluin seigneur de Piennes : d'argent à trois lions de sable (Halluiin); en abîme écusson d'azur à la fasce d'or ace. de six billettes du même, 3 en chef, 3 en pointe, rangées en fasce (qui est Piennes, depuis le mariage au XIVe siècle de  Wautier II avec Péronne de saint-Omer, dame de Piennes). L'écu est entouré du collier de l'ordre de Saint-Michel.


 

Le blason en losange (donc celui d'une femme) porte les armes de Jeanne de Ghistelle (de gueules au chevron d'hermine,  à trois molettes (ou étoiles)  d'argent), ce qui indique que ce manuscrit est postérieur à 1503-1504, date du mariage de Françoise D'Halluin.

Ces  armes de Ghistelle sont retrouvées, dans le vitrail, sous la figure de saint Christophe

Notez sur les deux pages,  les initiales  L. et F. (Louis et Françoise) associées aux R., entourant les encadrements à fleur de lys.

Comparez avec les Grandes Heures d'Anne de Bretagne par Jean Bourdichon vers 1503, folio 191v : on y retrouve les mêmes éléments. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b52500984v/f391.item

Voir encore la Conversion de saint Hubert dans la Vie de saint Hubert par  Hubert le Prévost, enluminure du  Maître de Marguerite d’York, vers 1470-1480. Paris, B.n.f. Mss, fr. 424, folio  9

http://expositions.bnf.fr/flamands/grand/fla_218.htm

 

 

 

 

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En réalité, les deux feuillets 102v et 103r se trouvent l'un en face de l'autre lorsque le livre est ouvert, et ils composent un ensemble, où saint Louis introduit Louis de Roncherolles à la contemplation de la vision de saint Hubert . C'est ce que montre l'illustration suivante, empruntée à M. Cothren. 

 Livre d'Heures de Louis de Roncherolles, Bibliothèque de l'Arsenal Ms 1191 folio 102r-103v in COTHREN (Michael W.), 2001

Livre d'Heures de Louis de Roncherolles, Bibliothèque de l'Arsenal Ms 1191 folio 102r-103v in COTHREN (Michael W.), 2001

 

Le manuscrit de la Bibliothèque de l' Arsenal Ms 1191 est richement illustré de 22 grandes enluminures , de 67 petites enluminures et d'encadrements ou bordures à toutes les pages.  A quelques pages, dans la bordure, on lit : « Louis de Roncerolles » ou « Ronceroles » ; et à un grand nombre de pages, les initiales « L. D. R. ».Il comporte un calendrier en français avec 24 miniatures, Passages des quatre évangiles, suivis des oraisons Obsecro te et O intemerata, Heures de la Vierge , Les sept psaumes pénitentiels et les litanies. Dans les litanies : SS. Mellon, Godard et Médard, Romain, Ouen, Sever, Lô, Eloi, Gilles, Julien, Tau [...], Vigiles des morts, Antiennes et oraisons, Oraisons en français ;l' Oraison à la Vierge, en vers français, Oraison latine, Oraisons et antiennes des SS. Cosme et Damien, Louis, Hubert

Il a appartenu à la collection de Roger de Gaignieres (don de Nicolas Fremont d'Ablancourt), puis au marquis de Paulmy. Voir  Leopold Delisle, Le cabinet des manuscrits de la bibliotheque imperiale, vol. 1 (Paris: Imprimerie Imperiale, 1868), 349-50 (qui publie la propre description de Gaignères). Voir aussi  Henry Martin, Catalogue des manuscrits de la Bibliotheque de lArsenal, vol. 1 (Paris: E. Plon, Nourrit, 1886), 338-40 (avec une description partielle); and Jean Lafond, in Manuscrits à peinture de l'ecole de Rouen par Georges Ritter and Jean Lafond (Rouen: A. Lestringant, 1913), 28, 58 (avec plusieurs illustrations).

Voir surtout la Notice de la Bnf en ligne .

Ce Livre d'Heures se termine aux folios 103v-105 le Journal ou "Livre de famille"  de Louis de Roncherolles, contenant les dates de naissance et de mariage de lui, Louis de Roncherolles et de sa femme, Françoise de Halluin, et les dates de naissance et de baptême, avec les noms des parrains et marraines, de ses douze enfants : « Adrian », 25 mars 1505 ; « Pierre », 12 avril 1506 ; Loys », 21 mars 1506 [1507] ; « Phlippes », 1er mai 1508 ; « Marie », 26 octobre 1509 ; « Françoys et Hubert, frères d'une ventrée », 17 décembre 1510 ; « Laurens », 20 juillet 1512 ; « Jehan », 31 janvier 1513 [1514] ; « Susanne », 16 mai 1516 ; « Magdalene », 4 février 1517 [1518] ; « Anne », 18 octobre 1519.  Çà et là, dans le volume, au bas des pages, quelques notes de la main de différents membres de la famille de Roncherolles.

 

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Livre d'Heures de Louis de Roncherolles (vers 1500) Arsenal Ms 1191 folio 87r par le Maître des Entrées parisiennes : Saint François recevant les stigmates :

 

http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Daguerre&O=7814598&E=JPEG&NavigationSimplifiee=ok&typeFonds=noir

Image Bnf http://images.bnf.fr/jsp/index.jsp?contexte=accueil&destination=accueil.jsp

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Livre d'Heures de Louis de Roncherolles (vers 1500) Arsenal Ms 1191 folio 9r par le Maître des Entrées parisiennes : Pietà

Image Bnf http://images.bnf.fr/jsp/index.jsp?contexte=accueil&destination=accueil.jsp

 

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Livre d'Heures de Louis de Roncherolles (vers 1500) Arsenal Ms 1191 folio 42v  par le Maître des Entrées parisiennes : Crucifixion. Voir aussi Crucifixion folio 15

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Livre d'Heures de Louis de Roncherolles (vers 1500) Arsenal Ms 1191 Couronnement de la Vierge folio 43 v

Cette enluminure a pu inspirer au commanditaire le motif  du tympan.

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Il paraît donc envisageable que ce Livre d'Heures ait servi de modèle, —pour les sujets mais non pour le style incomparable d'Engrand Leprince—, au projet de vitrail de la cathédrale de Beauvais, notamment pour la lancette de gauche (folio 102r et 103v) et pour la partie supérieure de la lancette de droite (folio 83v).

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ANNEXES

I.  Tombeau de Louis de Roncherolles et de Françoise d'Halluin à Ecouis 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k118788k/f271.image.r=Tr%C3%A9sors%20et%20tombeaux.langFR

Avant sa mort Louis fit construire  une tombe élaborée à Ecouis, qui fut détruite à la Révolution, mais , mais qui nous est connue par une  gravure de  Aubin-Louis Millin, Antiquites nationales, ou Recueil des monuments pour servir a l'histoire generale de particuliere de l'empire francois, vol. 3 (Paris: Chez M. Drouhin, 1791), pl. 4. Elle est reproduite par  Regnier. : 

 

Tombeau de Louis de Roncherolles et de Françoise d'Halluin à Ecouis, in COTHREN (Michael W.), 2001

Tombeau de Louis de Roncherolles et de Françoise d'Halluin à Ecouis, in COTHREN (Michael W.), 2001

II. Albrecht Dürer, Saint-Eustache

Estampe, 1501, Bnf, Département des Estampes Res. CA.4, 

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6951256m

Engrand Leprince a pu s'inspirer pour son saint Hubert de cette gravure de Dürer.

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N.B Le petit-fils et héritier de Louis d'Halluin, Antoine de Hallwin (1500-1553) sera Grand Louvetier du roi, et un de ses ancêtres avait été Grand Veneur. ce qui témoigne que la passion de la chasse était partagée par les deux famille de Ronquerolles et d'Halluin.

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III. Dürer, Mise au tombeau (1509-1511).


Dürer Série de "La Petite Passion", sur bois (1509-1511) Strasbourg ; cabinet des estampes et des dessins, © Service des musées de France, 2013 

http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/joconde/0719/m001302_0020243_1.jpg

Le modèle pour le Christ de la Pieta est ici clair.

DISCUSSION.

En 1522, lors du chantier de construction du transept de la cathédrale de Beauvais, 5 ans après que le bras nord ou "chapelle Sainte-Barbe" ait été achevée mais non vitrée, Louis, seigneur de Roncherolles, âgé de 50 ans, commanda un vitrail pour la baie nord-ouest en échange de renoncements de ses droits seigneuriaux d'une valeur de 100 livres. Il posait comme condition qu'il puisse posséder la maîtrise des sujets qui y seraient représentés, et il demandait de s'y trouver peint, avec son épouse Françoise D'Halluin, selon la représentation traditionnelle du donateur, agenouillés à un prie-dieu devant le Livre d'Heures, et présentés par leur saint patron respectif, saint Louis et saint François, devant une Vierge de Pitié saisi de douleur devant le cadavre de son Fils déposé de la Croix.

La contemplation de la Pietà  correspond à un exercice spirituel en vigueur entre les années 1350-1500, période très marquées par de graves périodes d'épidémies et de pandémies de peste noire, et par des conflits.  Elle s'inscrit dans une forme de dévotion individuelle, comme d'ailleurs les Livres d'Heures qui en sont le support, par l'association d'oraison avec des méditations participatives, empathiques et émotionnelles sur les souffrances acceptées par le Christ (Imitatio Christi)  et de sa Mère. La lecture (par les lèvres et par le cœur) d'un poème comme celui du Stabat Mater Dolorosa appartient à ce type de dévotion.  Le thème de la Mater Dolorosa, dont l'affliction est le thème central,  s'inscrit aussi dans l'explosion de la dévotion mariale, promue notamment par l'ordre franciscain.

[...] Ô Mère, source de tendresse,

Fais-moi sentir grande tristesse
Pour que je pleure avec toi.

Fais que mon âme soit de feu
Dans l'amour du Seigneur mon Dieu :
Que je Lui plaise avec toi.

Mère sainte, daigne imprimer
Les plaies de Jésus crucifié
En mon cœur très fortement.

[...]

Je désire auprès de la croix
Me tenir, debout avec toi,
Dans ta plainte et ta souffrance.

Vierge des vierges, toute pure,
Ne sois pas envers moi trop dure,
Fais que je pleure avec toi.

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Il est peut-être significatif que Ignace de Loyola ait commencé la rédaction de ses Exercices Spirituels (l'ouvrage archétypale de cette pratique ascétique) entre 1522 et 1523. Mais la rédaction de De Imitatione Christi 

 

par Thomas a Kempis date de 1400 et la diffusion de ses quatre Livres, commencée en 1427, est déjà très forte en 1450. Cet ouvrage, où la Croix est omniprésente, est d'un pessimisme anthropologique radical : il  souligne " l'universalité de la souffrance, provenant du caractère incertain et décevant du monde. Mais après avoir montré la souffrance inséparable de la nature, il présente, en Jésus, la grâce inséparable de la souffrance. Pour se préparer à recevoir cette grâce, il s'agit de renoncer à soi-même, c'est-à-dire refuser toute complicité avec la faiblesse humaine, et d'imiter Jésus-Christ, c'est-à-dire s'offrir à lui aussi totalement qu'il s'est offert au Père. (Wikipedia) 

La diffusion de gravures sur les souffrances du Christ durant la Passion (Dürer, Martin Schongauer) facilite cette pratique, tout en fournissant des modèles aux autres artistes, notamment les verriers.

Il est possible que le couple formé par Louis et Françoise de Roncherolles ait été engagé dans ces pratiques et imprégné de la spiritualité qui les accompagnent depuis longtemps. Il est aussi possible que des événements propres au diocèse de Beauvais, comme les épidémies et les famines, aggravées par la guerre entre François Ier et Charles Quint  aient accru la conscience du Mal et de la Mort, et aient rendu plus impérieux le recours aux différentes formes de prières. Et il est encore possible que ce couple ait ressenti avec une acuité douloureuse les deuils qui les frappaient, comme le décès de Louis d'Halluin le 12 décembre 1519, la perte en bas-âge de cinq de leurs douze enfants (Louis, François et Hubert, Laurent, Anne) et, en 1523, la mort de leur fils aîné Adrien. Françoise d'Halluin a pu, elle-même, vouloir traduire sa douleur de mère par un geste, la donation d'un vitrail, qui exposait au public, à tous les fidèles de la cathédrale, les enluminures dont elle avait, avec son mari, un usage privé dans son Livre d'Heures.

Certes, Louis de Roncherolles a pu vouloir témoigner de sa souffrance, et l'élever à un niveau universel,  après le décès de son épouse, survenu après la rédaction du testament de celle-ci, daté du 27 février 1522.

Ou bien encore, plus prosaïquement, il a pu seulement souhaiter vouloir remplacer la jouissance d'un droit seigneurial auquel il était contraint de renoncer par l'exercice d'un autre droit, celui de placer ses armoiries dans un vitrail.

S'il était —comme chacun alors— préoccupé par sa vie dans l'au-delà, il a pu désirer que son éffigie soit présentée dans la chapelle, afin que fidèles prient pour son âme. 

Dans tous les cas, les mots qui sont déchiffrés dans la seule inscription du vitrail DURANT LA FAMINE --GRANT-- MORT  associent avec certitude cette verrière avec la souffrance, le tragique et la mort.

Les deux registres supérieur et inférieur ont été, au moins au XIXe siècle, un temps, posés comme deux verrières indépendantes, et peuvent, malgré leur profonde  unité de style et de thème, fonctionner indépendamment.

Dans le registre supérieur, on peut dénombrer deux croix, et même plutôt trois, une dans chaque lancette, faisant de la contemplation bouleversante de la croix le thème fondamental. Hubert interrompt sa chasse impie et tombe à genoux, saisi par l'apparition de la croix dans le bois du cerf (cerf crucifère). Christophe, parti pour une banale traversée du gué, s'immobilise devant le poids excessif de l'Enfant, car il porte le Monde et la Croix (globe crucifère, ici absent ou virtuel). La croix est ici figurée par la position de corps de Christophe, et par le bois refleuri qu'il tient. Au centre, le Christ meurt sur la croix, entre sa Mère et son Disciple préféré, Jean. 

 

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 Engrand Leprince, 1522, Vitrail de Roncherolles registre inférieur, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Engrand Leprince, 1522, Vitrail de Roncherolles registre inférieur, chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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Dans le registre inférieur, deux croix sont présentes : celle du Christ au centre, et le crucifix contemplé par saint François à droite. 

 Engrand Leprince, 1522, Vitrail de Roncherolles Registre supérieur, , chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

Engrand Leprince, 1522, Vitrail de Roncherolles Registre supérieur, , chapelle "du Sacré-Cœur", cathédrale de Beauvais, photo lavieb-aile.

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Les conclusions à tirer de ces considérations feront l'objet de mon second article, qui sera, je l'espère, plus bref.

 

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SOURCES ET LIENS :

— Inventaire de Picardie ; Verrière hagiographique dite vitrail de Roncherolles (baie 25)

https://inventaire.picardie.fr/dossier/verriere-hagiographique-dite-vitrail-de-roncherolles-baie-25/1494d3c9-e418-4d16-b85d-0ad72bce2b9c

https://inventaire.picardie.fr/dossier/verriere-hagiographique-dite-vitrail-de-roncherolles-baie-25/1494d3c9-e418-4d16-b85d-0ad72bce2b9c

Verrière hagiographique dite vitrail de Roncherolles (baie 25) - Vue du registre inférieur de la lancette droite : saint François et la donatrice Françoise d'Halluin : 

https://inventaire.picardie.fr/dossier/verriere-hagiographique-dite-vitrail-de-roncherolles-baie-25/1494d3c9-e418-4d16-b85d-0ad72bce2b9c/illustration/4

https://inventaire.picardie.fr/recherche/globale?ou=Beauvais&texte=Mons+Jean-Baptiste+Marie+Fran%C3%A7ois-Xavier+de

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=PERS&VALUE_98=Roncherolles%20Louis%20de%20&DOM=Tous&REL_SPECIFIC=1

— Photographies de Walwyn sur Flickr : https://www.flickr.com/photos/overton_cat/5816343002/in/photostream/

— Famille de Halewi(j)n (Haelwyn, Halluin)

http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Halluin.pdf

 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bulmo_0007-473x_1998_num_156_2_1783000

—  Médiathèque de Beauvais, Bibl. mun. Beauvais, collection Bucquet-Aux Cousteaux [ désormais: Bucquet],  « Cathédrale de Beauvais, archives capitulaires, 1355-1650». 

Victor Leblond, Inventaire sommaire de la collection Bucquet-Aux Cousteaux, comprenant 95 volumes de documents manuscrits et imprimés rassemblés au XVIIIe siècle sur Beauvais et le Beauvaisis, Paris : Honoré Champion, Beauvais : Société académique de l'Oise, s.d. [1906], xxii-360 p En ligne 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Collection_Bucquet-Aux_Cousteaux

Bnf  Français 29023 (Pièces originales 2539) Roncherolles, Chambre des Comptes.  -  Cabinet des Titres, Pièces originales du Cabinet des Titres. Département des Manuscrits. Collections généalogiques - Cabinet des titres. Français 26485-29545-(Pièces originales 2539) Français 31776 (Chérin 214) PIECES ORIGINALES du Cabinet des titres , provenant des anciennes archives de la Chambre des Comptes. 68,460 dossiers, reliés en 3061 volumes.XIVe-XVIIIe siècle. 

 

BALCON (Sylvie ) 1998 "Les vitraux de Beauvais"    Bulletin Monumental   Volume  156-2   pp. 199-200

 BALCON (Sylvie) 1996,  "La portée politique d'un vitrail à Beauvais au XIIIe siècle"  Bulletin Monumental   Volume   154  pp. 87-88

— BARRAUD (Abbé) Description des vitraux des chapelles, p.4 et Description des vitraux des hautes fenêtres du chœur, p. 19 ; — Société Académique d'Archéologie, Sciences et Arts du Département de l'Oise, Beauvais Mémoires, Volume 3 pages 51-59 https://books.google.fr/books?id=QrtLAAAAMAAJ

— BARRAUD (Pierre Constant) 1860 Description des Vitraux des hautes fenêtres du choeur de la Cathédrale de Beauvais, contenant en abrégé la vie des principaux saints du diocèse de Beauvais, 39 pages

BARBIER (D) 2006-2007 Louis de Halluin 

http://maison.omahony.free.fr/ascendants/fiche%20halluin%20%20louis%20V3.pdf

 — CAMBRY (Jacques de), Description du département de I'Oise, vol. 2 (Paris: Imprimerie de P. Didot, 1803), 214;

 

— COTHREN (Michael W.), 2001« Why did Louis de Roncherolles commission a stained-glass window for Beauvais in 1522? », The Art Bulletin, Volume 83, Issue 1. 7-31. . http://www.jstor.org/stable/3177188?seq=1#page_scan_tab_contents 

— COTHREN (Michael W.), 1996, « Restaurateurs et créateurs de vitraux à la cathédrale de Beauvais dans les années 1340 » Revue de l'Art  Volume   111 pp. 11-24

 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1996_num_111_1_348248

 

— COTHREN (Michael Watt.),  [2006] Picturing the Celestial City : the medieval stained glass of Beauvais Cathedral  Princeton, N.J. : Princeton University Press,  .xii, 276 p. : ill. (some col.), map ; 29 cm.

— DELETTRE (André) 1843, Histoire du diocèse de Beauvais page 169.

https://books.google.fr/books?id=kG9-SdyzG6sC&pg=PA39&dq=famine+beauvais&hl=fr&sa=X&ei=Q5OVVcq1DIGaygOVrp7wDg&ved=0CC0Q6AEwAg#v=onepage&q=famine%20beauvais&f=false

—  DESJARDINS (Gustave), 1865,  Histoire de la cathédrale de Beauvais

page https://books.google.fr/books?id=QiKLGfdRjQAC&pg=PA51&dq=St-Etienne+de+Beauvais.+engrand+famine&hl=fr&sa=X&ei=VtuXVb-PBIHiUdKHj8AH&ved=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=St-Etienne%20de%20Beauvais.%20engrand%20famine&f=false

— DEUFFIC (Jean-Luc) 2012, Les Heures de Loys de Halewyn (Louis d'Halluin, + 1519), chambellan de Louis XI : San Marino (CA), Huntington Library, HM 1171

http://blog.pecia.fr/post/2012/01/12/Les-Heures-de-Louis-d-Halluin-(-1519)-%3A-San-Marino,-Huntington-Library,-H-1171#sthash.Mv0j7YTt.dpuf

Voir aussi : http://bancroft.berkeley.edu/digitalscriptorium/huntington/HM171.html

 — FAUQUEUX (Charles) 1938 , Beauvais : son histoire (des origines à nos jours) ouvrage illustré de 126 gravures, dont 15 cartes et plans et 4 hors-textes / Ch. Fauqueux / Beauvais : Imprimerie centrale administrative.

 — FRANCE. Corpus Vitrearum Medii Aevi. Les vitraux de Paris, de la Région parisienne, de la Picardie et du Nord-Pas-de-Calais. Recensement des vitraux anciens de la France, vol. 1. Paris : éditions du CNRS, 1978. p. 179

— GILBERT (Albert-Pierre-Marie), 1829, Notice historique et descriptive de l'église cathedrale de Saint-Pierre de Beauvais (Beauvais: Moisand, 1829), 25;

GRODECKI (Louis) 1953 , Vitraux de France (Paris: Musee des Arts Decoratifs, 1953), 96-97;

GUILHERMY (François de) 1858, "Description des localites de la France," 1858, Paris, BNF, ms nouv. acq. fr. 6096, fol. 153r-153v;

LEBLOND (Victor) 1924  , Beauvais, petite ville d'art (Beauvais: Prevot, 1924), 88-89;

— LEBLOND (Victor) 1926, La cathédrale de Beauvais, Petites monographies des grands édifices de la France (Paris: H. Laurens, 1926), 71-72; 

OTTIN (L.) 1896, Le vitrail: Son histoire, ses manifestations a travers les ages et les peuples (Paris: H. Laurens, 1896), 184.

PATTOU (Etienne), 2015, Maison des Roncherolles, 

http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Roncherolles.pdf

— PECQUEUR (Marguerite) , 1956,  Répertoire des manuscrits de la Bibliothèque de l'Arsenal peints aux armes de leur premier possesseur (XIIIe-XVIe siècles)    Bulletin d'information de l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes  Volume   4    Numéro   4-1955    pp. 107-176 

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rht_0073-8204_1956_num_4_1955_938#

— PIHAN (Louis)  Beauvais: Sa cathedrale, ses principaux monuments (Beauvais: H. Trezel, 1885), page 86

https://archive.org/stream/beauvaissacathd00pihagoog#page/n97/mode/2up/search/christophe

— RAYON E. "Inventaire des vitraux de l'Oise (1926-27)," Bibliotheque de la Direction du Patrimoine 4? DOC 9, pp. 144-47;

 

WOILLEZ (Emmanuel), 1838 Description de la cathédrale de Beauvais accompagnee du plan, des vues et des details remarquables du monument, et precedee d 'une resume des principaux evenements qui s 'y rattachent (Paris: Deracho, Caux-Porquier, 1838), 15;

 

— Livre d'Heures de Louis de Rocherolles Arsenal Ms 1191

http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ead.html?id=FRBNFEAD000079218

http://images.bnf.fr/jsp/index.jsp?contexte=accueil&destination=accueil.jsp (mot de recherche : "Roncherolles".

— Maître des entrées parisiennes : http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Daguerre&O=7814592&E=JPEG&NavigationSimplifiee=ok&typeFonds=noir

 

 

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe.

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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