Cette Déploration est constituée de quatre blocs, ceux de Jean et de Madeleine étant placés sur les côtés du groupe rassemblant Marie portant le corps de son Fils. Il y a sans doute une erreur de repositionnement, Jean étant toujours à droite de Marie, et Marie-Madeleine aux pieds du Christ. En arrière et à gauche se trouve l'un des acteurs de la Descente de Croix (Joseph d'Arimathie, ou Nicodème) tenant la tenaille et les clous .
C'est une œuvre classée depuis le 12/07/1912. La notice de la base Palissy PM56000492 la décrit comme une œuvre "en pierre" (calcaire ou granite ?) de la première moitié du XVIe siècle.
Elle est attribuée par certains à un certain "Pendu", sans justification claire. G. de Rorthays a écrit en 1903 que ce nom, Pendu, est inscrit sur le manteau d'un des apôtres du porche sans préciser lequel (ce qui ne se vérifie pas), et il attribue ensuite la Vierge de Pitié au même Pendu sur des arguments faibles. M. Jurbert affirme l'attribution à un certain "Guillaume Pen Du".
Datation.
La datation que je suggère se base sur les chaussures à la poulaine, ou du moins à extrémités pointues, portées par la Vierge et Joseph d'Arimathie : elles ont cédé la place à des chaussures à bout rond à la fin du XVe/ début du XVIe siècle. Dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (1503-1508), tous les personnages chaussés ont des chaussures à bouts ronds (f.91v par exemple). Il en va de même sur toutes les enluminures peintes par Jean Bourdichon de 1457 à 1521. Comparez avec les chaussures de Joseph d'Arimathie de la Pietà de Nouans peinte par Jean Fouquet en 1470.
Un autre critère pour une datation à la fin du XVe siècle repose sur la chevelure de l'ange, aux mèches bouclées repoussées en arrière, comme dans les réalisations de l'atelier du Folgoët (1423-1468) notamment au Folgoët, ou aux porche sud de la cathédrale de Quimper ou à celui de La Martyre. De même, la coiffure aux mèches en boules bouclées de saint Jean rappelle fortement celle du même personnage dans les œuvres de l'atelier du Folgoët (calvaire de Rumengol par exemple).
Un dernier critère, vestimentaire, est le demi-ceint porté par Marie-Madeleine (cf. infra)
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Matériau.
Il paraît important que les autorités de tutelle de cette œuvre en précise le matériau (calcaire, comme les apôtres du porche ; granite ; kersantite).
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Le thème de la Vierge de Pitié aux anges de tendresse apparaît en Basse-Bretagne au XVe siècle.
Dans son ouvrage sur la sculpture sur pierre en Basse-Bretagne, E. Le Seac'h, après avoir décrit le calvaire de Tronoën (vers 1470) et le geste charmant des anges qui y écartent le voile de la Vierge de Pitié, consacre un paragraphe à cette gestuelle de l'ange de douceur qu'elle retrouve sur sept pietà sortis du même atelier du Maître de Tronoën (à Kerbreudeur et ossuaire de Saint-Hernin, calvaires de Béron et Moustoir à Châteauneuf-du-Faou, Croas-an-Teurec à Saint-Goazec, Collorec, Laz, Saint-Trémeur de Carhaix, Kergloff, Le Moustoir, Plusquellec, Pennanvern à Gourin).
Puis elle décrit "les héritiers de la gestuelle de l'ange", dans cinq autres piétà du Finistère à Plonévez-du-Faou, Plozévet, Penmarc'h et à Névez (chapelle de Trémorvézen )— toutes en pierre calcaire polychrome—, au Faouët (granite) et à Meslan (granite polychrome).
En Morbihan, sur les 20 Pietà dénombrées par Wikipédia, cette particularité se retrouve sur la Vierge de Pitié de la chapelle N.-D De Lezurgan, aujourd'hui dans l'église de Plescop, en pierre polychrome du XVIe siècle "d'inspiration flamande ou allemande".
Ces anges sont déjà présents sur la Grande Pietà Ronde conservée au Louvre et peinte par Jean Malouel au début du XVe siècle.
— Sur les anges de compassion, et la gestuelle de l'ange, voir :
La Déploration (on évitera de parler de "pietà" puisqu'il y a ici plus de deux personnages) est placée dans le bras sud du transept, dans un retable au décor de ciel étoilé avec astres, entre une statue de la Vierge à l'Enfant (Notre-Dame de Larmor) et un saint Roch.
La composition générale en triangle des Vierges de Pitié se retrouve ici, seulement rompue par la présence de Joseph d'Arimathie.
Marie éplorée tient son Fils sur ses genoux, enveloppée dans un manteau-voile bleu à revers rouge qui tombe en plis et en vagues et se prolonge de façon peu naturelle sous les pieds du Christ. Celui-ci est dans la position la plus habituelle, l'axe formant une diagonale orientée vers le bas et notre droite, le bras droit tombant verticalement et exposant la plaie de la paume, le bras gauche horizontale. La jambe gauche est fléchie et écartée. La tête barbue, couronnée d'épines, est tournée vers nous. Toutes les plaies sont représentées sanguinolentes.
Marie soutient le torse de Jésus par sa main droite et son bassin par son genou droit. La tête du Christ repose sur un pli du voile proche de l'épaule de sa Mère.
L'ange aux hautes ailes bleues et au visage poupin pose la main droite sur l'épaule droite du Christ et effleure la main blessée. Il porte la tunique de chœur bouffante sous l'effet d'un cordon, et à large amict, une tenue rappelant celle des anges de l'atelier du Folgoët.
Le visage de Marie laisse voir deux larmes brillantes, peintes et non sculptées. Il est peu probable que la sculpture ait conservé ses couleurs sans avoir été repeinte, il serait interessant de bénéficier d'une expertise sur ce point.
Jean est agenouillé mains jointes, vêtu d'un manteau bleu et d'une robe verte, le regard triste et pensif.
Marie-Madeleine est agenouillée mains jointes en position symétrique, son flacon d'aromates destiné à l'embaumement posé près d'elle. Ses longs cheveux sont défaits sur les épaules. Elle porte un manteau rouge agrafé par un fermail, et une robe bleue aux manches plissées aux poignets.
Une ceinture dorée forme un V à pointe médiane, retenant une chainette en or : c'est un "demi-ceint". On y suspendait un pendant ou pomme de senteur contenant un parfum précieux comme l'ambre gris. On voit ce détail représenté sur une enluminure du Livre d'Heures réalisé entre 1426 et 1438 pour Marguerite d'Orléans, épouse de Richard, comte d'Etampes, Horae ad usum romanumBnF latin 1156B folio 58r. Tant Marie que sa cousine Elisabeth porte ce type de ceinture. Voir aussi sur le même manuscrit l'enlumonure f.173v, et la servante de la Présentation au temple des Heures de René d'Anjou roi de Sicile (1434-1480) f.58v du BnF latin 1156A. Ou la jeune Vierge Marie peint par Jean Bourdichon en 1480 BnF fr.2829 f.85r.
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La Visitation. Horae ad usum romanum BnF latin 1156B folio 58r.
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Joseph d'Arimathie (ou Nicodème) est représenté comme juif membre du Sanhédrin par son bonnet conique, sa longue barbe bouclée et ses longs cheveux. Il porte une houppelande serrée par une ceinture de cuir à long passant. Il tient une tenaille et les clous de la Croix. Et des chaussures à bouts pointus.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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Marie-Madeleine.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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Joseph d'Arimathie.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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Les chaussures à bout pointu.
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La Déploration à cinq personnages et un ange de tendresse (pierre polychrome, fin XVe siècle) de l'église de Larmor-Plage. Photographie lavieb-aile juillet 2023.
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SOURCES ET LIENS.
— BONNET (Philippe), 2000, Iconographie de la Mise au tombeau en Bretagne, Coop-Breizh
— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, Les Pietà du Finistère.( Revue bilingue breton-français Minihy-Levenez n°69 de juillet-août 2001)
La chapelle Sainte-Barbe adopte un plan atypique adapté à un site exceptionnel à mi-pente d'un ravin: elle est dépourvue de nef, et uniquement composée d'un "transept" et d'une abside à pans coupés. Elle fut débutée en 1489 et achevée, pour le gros-œuvre, en 1512. Ses vitraux datent de la première moitié du XVIe siècle.
Jean de Boutteville en fut le premier commanditaire principal, suivi par son fils Louis, comme en témoignent leurs armoiries placées, avec celles de leurs alliés, sur les nervures des voûtes, au sommet des arcs formerets de l'abside, dans les vitraux et sur la tribune seigneuriale. En 1495, la seigneurie du Faouet avait été érigée en baronnie au profit de Jean par la duchesse-reine Anne. De sa femme Marie de Kerimerc'h, épousée en 1463, il eut deux enfants, Catherine, et Louis, vicomte de Coëtquenan, décédé en 1539.
Une tour d'escalier hors-œuvre, dans l'angle sud-ouest de ce transept, contient un escalier en vis accessible depuis l'intérieur de la chapelle : ce dernier conduit à une tribune en bois, contemporaine de l'édifice, tribune seigneuriale qui pouvait aussi servir pour des musiciens, puis au sommet de la tour où deux portes devaient ouvrir sur une coursière périphérique, à la base du toit qui ne fut peut-être jamais réalisée.
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Description.
Dans le bras gauche de la chapelle, la tribune en bois avec traces de peinture bleue est portée par trois colonnes. Le garde-corps haut de 1,10 cm est composé de panneaux pleins (sauf trois ajourés avec des décors à pampre, à réticule et à hermines dans un réseau de cordelières dont deux en retour) ; les deux panneaux pleins portent un décor d'anges musiciens (harpe et rebec), les autres ne sont pas sculptés et remplacent probablement des panneaux d'origine. Les panneaux sont séparés par des candélabres et des pinacles. Une frise court sur les parties supérieure et inférieure, sculptée en bas-relief en partie haute d'une scène de Renart et la poule poursuivi par un moine ; d'un couple d'animaux fantastiques enlacés ; d'anges présentant un phylactère ; d'un dragon face à un lion, de rinceaux à fruits et en partie basse de deux anges présentant un médaillon à tête de mort ; de rinceaux et entrelacs ; et d'anthropomorphes hybrides s'affrontant derrière des boucliers. Une statue de sainte Barbe occupe l'angle sud.
Sous le sommier de la tribune, à la base des montants, six anges en vol portent les écus de la famille fondatrice de la chapelle, celle de Boutteville, et de leurs alliances.
Cette tribune classée en 1912 est datée du premier quart du XVIe siècle, après 1512
La voûte de pierre qui surmonte la tribune porte également des écus des Boutteville, des Du Chastel et mi parti Boutteville et Chastel avec l'inscription datant l'achèvement de la voûte en 1512.
On rapprochera cette tribune de celle édifiée à peu près à la même époque, mais en pierre, dans la chapelle Notre-Dame de Quelven en Guern débutée vers 1490.
Le décor des deux frises sculptées s'inspire de celui des sablières des chapelles et églises bretonnes contemporaines, à charpente.
D'après J.J. Rioult 2021.
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VUES D'ENSEMBLE.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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I. LA FRISE SUPÉRIEURE.
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Description de droite à gauche.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Deux pièces de volutes feuillagées.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Un moine encapuchonné brandissant une branche et désignant Renart vers sa droite.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Renart surgissant des feuillets d'un livre où il se cachait et bondissant vers la poule.
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C'est une autre version de l'épisode fameux de Renart prêchant aux poules, représenté sur le jubé (1480) de la chapelle Saint-Fiacre du Faouët ou sur les sablières (1600-1608) de la chapelle Saint-Sébastien du Faouët. Mais aussi sur les sablières (1508) de Notre-Dame de Grâces, de celles (1500-1506) de l'église de Plourac'h ou de la chapelle Notre-Dame-du-Tertre de Châtelaudren (fin XVe) ou de celles, plus tardives (v. 1574), de Bodilis.
En effet, au lieu de montrer Renart rejetant son déguisement de moine et se précipitant depuis sa chaire vers son auditoire de volailles, le goupil bondit des pages d'un livre, leçon de morale incitant à se méfier non plus des prêcheurs, mais des écrits fallacieux attirant les fidèles vers des mœurs ou des croyances contraires aux recommandations de l'Église.
Le livre est ouvert, et les pages (à cette époque, nous pouvons les imaginer imprimées) sont tournées vers le spectateur.
Nous pouvons comprendre pourquoi le moine criait haro sur le roux animal.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Deux animaux fantastiques hybrides enlacés par le cou.
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Ils ressemblent par leurs ailes, leur cou et leur bec, à des oiseaux, et par leurs pattes à des lions ou des dragons.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Deux anges déployant un phylactère encore à demi replié.
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Le phylactère présentait certainement au public une inscription votive ou datée, ou une sentence, une oraison ou une devise.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Un dragon.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Un lion.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Rinceau à deux fleurs en grelot grillagé.
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Ces fleurs ou fruits semblenet s'inspirer d'un modèle naturel que je n'ai pas identifié.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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II. LA FRISE INFÉRIEURE.
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Deux anges allongés présentant un médaillon à tête de mort entouré d'une collerette. Un "miroir de la mort " ?
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Le médaillon incite le spectateur à méditer sur sa fin dernière.
Nous pouvons noter que c'est en 1519 (date proche de celle, estimée, de cette tribune) que Jehan Larcher a publié à Plougonven le Mirouer de la Mort, poème en langue bretonne de préparation à la mort. La page de titre de l'édition de 1575 est ornée d'une gravure de ce miroir.
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Le Mirouer de la mort, en breton, auquel doctement et dévotement est trecté des quatre fins de l'home, c'est à sçavoyr de la mort, du dernier jugement, du très sacré Paradis et de l'horible prison de l'Enfer et ses infinis tourments.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Deux créatures anthropomorphes à corps et queue feuillagés s'affrontant à l'abri de rondaches, tout en tenant un rinceau à fleurs à quatre pétales.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Un acrobate en renversement postérieur jambes écartées, réunissant les tiges d'un rinceau. La face et le postérieur ont été bûchées, témoignant du caractère obscène de cette posture, bien que le personnage soit vêtu d'une culotte.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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III. LES PANNEAUX SCULPTÉS : DEUX ANGES MUSICIENS ET UN PANNEAU AJOURÉ À PAMPRES.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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1.L'ange joueur de harpe (dix cordes visibles).
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Les anges sont debout, les genoux légèrement fléchis, vêtus d'une aube de chœur à amict, bouffante à la taille. Leurs cheveux sont longs. La répartition des plumes est bien détaillée et naturaliste.
Le joueur de harpe tourne la tête vers son compagnon, dans une posture inspirée.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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2.L'ange joueur de rebec (ou vièle piriforme à archet).
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L'instrument semble monoxyle, il est piriforme avec une caisse large percée de deux ouies en parenthèse. On compte quatre ou six cordes. Le manche se termine par une crosse, et nous ne voyons pas de chevilles.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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3. Panneau ajouré à pampres de vigne.
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C'est peut-être un symbole eucharistique. Il me semble abusif de voir dans les vrilles des pampres une représentation de la cordelière franciscaine, adoptée comme emblème par François II et sa fille Anne de Bretagne.
Je n'ai pas photographié les deux panneaux ajourés du retour d'angle, de même motif.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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IV. LE RETOUR D'ANGLE.
Il n'a pas été photographié, hormis cette photo qui montre un cerf affrontant un dragon ou du moins un animal fantastique.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2020.
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V. LES SIX ANGES SCUTIFÈRES.
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Les six anges sont représentés en vol, jambes repliées, portant l'aube à amict, comme ceux du jubé de la chapelle Saint-Fiacre construit en 1480. Leurs cheveux sont bouclés en boules.
Les blasons ont été bûchés mais on voit encore un peu le tracé des meubles.
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Ange n°1.
Armes pleines de Boutteville d'argent à cinq fusées de gueules posées en fasce.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°2.
Armes mi parti Boutteville et ? [du Chastel]
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°3.
Armes mi parti Boutteville et ?
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°4.
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Armes pleines de Boutteville.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°5.
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Armes mi parti Boutteville et du Chastel fascé d'or et de gueules de six pièces .
Cette alliance correspond à celle de Louis de Boutteville, seigneur du Faouët, fils de Jean, avec Jeanne du Chastel, fille d'Olivier et de Marie de Poulmic. Ils se sont mariés en 1498. C'est donc bien eux qui sont seigneurs du Faouët en 1512 lors de la fin de la construction des voûtes , ce sont donc aussi eux qui sont vraisemblablement un peu plus tard les commanditaires de cette tribune seigneuriale.
Jeanne du Chastel est représentée, avec ses armes Boutteville/Chastel sur la baie 2 de la chapelle Sainte-Barbe, derrière son époux, agenouillés en donateurs devant la Vierge. Louis est présenté par saint Fiacre et Jeanne par Marie-Madeleine.
On trouve aussi ce blason mi parti Boutteville/Chastel sur le tympan de la baie n°1, et sur la jupe de la donatrice de la lancette A de la baie n°1.
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Baie 2 , Verrière de la Transfiguration, Chapelle Sainte-Barbe, Le Faouët, photographie lavieb-aile.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange n°6.
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Armes mi parti Boutteville et ?
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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VI. LES ARMOIRIES DE LA VOÛTE.
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L'ange portant l'inscription de fondation et les armes de Boutteville.
L'inscription indique : LAN : MIL : Vdz : XII : FUT : FAICT : CESTE : VOUTE.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Ange à la chevelure bouclée en trois rangs de boules latérales présentant les armes des Talhouët d'argent à trois pommes de pin de gueules, affectées d'un lambel.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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Écartelé à identifier, à trois feuilles de houx ( Toulbodou ?) et six fasces à la cotice brochant le tout.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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VII. LA STATUE DE SAINTE BARBE.
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Elle tient en main droite la palme du martyre et en main gauche un livre signalant sa maîtrise des sciences théologiques et philosophiques, tandis que son attribut, la tour aux trois fenêtres témoignant de son attachement pour le dogme de la Trinité, est derrière elle.
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La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
La tribune seigneuriale (premier quart du XVIe siècle, vers 1512) de Louis de Boutteville et Jeanne du Chastel en la chapelle Sainte-Barbe du Faouët. Photo lavieb-aile 2023.
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SOURCES ET LIENS.
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— COPY (Jean-Yves), MENOU (Jean-Claude), MOIREZ (Denise) ; BOISSÉ (Claude), CADIOU (Jacqueline), 1965 RIOULT (Jean-Jacques) 2021, Dossier IA00008412 de l'Inventaire et Etude d'inventaire sur le canton du Faouët:
— DUHEM (Sophie), 1997, Les sablières, images, ouvriers du bois et culture paroissiale au temps de la prospérité bretonne, XVe-XVIIe s. Presses Universitaires de Rennes 385 p.-[16] p. de pl. en coul. Note : Bibliogr. p. 367-379. Notes bibliogr. Index . Voir pages 19, 169 (licorne), 226 et 227 (cornemuse), 238 (moissonneur), 241 (écureuil et lapin).
— DUHEM (Sophie), 1998, "«Quant li goupil happe les jélines... », ou les représentations de Renart dans la sculpture sur bois bretonne du XVe au XVIIe siècle" Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest Année 1998 Volume 105 Numéro 1 pp. 53-69 http://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1998_num_105_1_3972
Le premier atelier ducal du Folgoët (1423-1468) a mené à bien, sous le mécénat du duc Jean V et de ses successeurs, les chantiers de la collégiale du Folgoët (porche vers 1423-1433), de la cathédrale de Quimper (porche sud et portail ouest, 1424-1442), du Kreisker de Saint-Pol-de-Léon (porche entre 1436 et 1472), de Notre-Dame-des-Portes de Châteauneuf-du-Faou (1438), de Kernascléden (porches vers 1433-1464), de l'église Notre-Dame de Quimperlé (porche nord 1420-1450), ainsi que les porches en kersanton de La Martyre (vers 1450 et 1468) et de Rumengol (vers 1470).
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Le second atelier du Folgoët, ou "atelier des enfants" réalisa, avec moins de souplesse et de grâce que le premier Maître, deux porches assez identiques, celui de Plourac'h vers 1458-1488 ou 1500-1510 et celui de Saint-Herbot entre 1498 et 1509. Ils sont tous les deux en granite pour l'architecture et en kersanton pour les statues, notamment des Apôtres. Comme celui de La Martyre, ils constituent à eux seuls des petites chapelles, voûtés d'ogives, aux solides contreforts et disposant de salle d'archives à l'étage.
À Plourac'h, un registre de paroisse (non daté mais assez tardif, cité par R. Couffon, folio 42°) affirme ce lien familial entre les deux Ateliers en indiquant que "François du Méné, chambellan du duc François II, entreprit de faire bâtir le beau porche de Plourac'h avec les enfants du célèbre maître qui construisit la merveille du Folgoat". On prendra cette allégation dépourvue de sources avec prudence, puisque ce François du Méné ne figure pas dans la liste (non exhaustive) des chambellans de François II.
Le mécénat des ducs de Bretagne est attesté par les armes d'Anne de Bretagne sur le tympan de la baie 3 (vers 1500-1506).
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Datation.
a) La datation proposée par E. Le Seac'h semble se fonder sur l'inscription d'un entrait de la chapelle nord, datant la charpente en l'an 1500 (pour d'autres, en 1506) sur commande de Charles Clévédé (cf. article sur les sablières), puisque l'inscription de fondation du porche est à demi-martelée, et qu'elle n'a pu la lire ni l'interpréter. Pourtant, elle écrit "Le porche de Plourac'h est donc à dater entre 1458 et 1488."
b) Néanmoins, le pied du bénitier de l'angle nord-est du porche est une colonnette sculptée en nid d'abeille, motif qui, selon Parvis-Hermon, n'est présent dans l'art breton que peu après 1510. Les exemples de motif en nid d'abeille cités par Couffon 1952 sont plus tardifs, sur le calvaire de Confort-Meilars, le porche de la chapelle de Saint-Germain de Plogastel-Saint-Germain. On trouve ces colonnettes sous le porche sud de Lampaul-Guimiliau (1533), sur la porte sud (1541) de la chapelle de Ty Mamm Doué de Quimper, au dessus de la porte ouest de l'église de Brasparts (1541) ou sur le porche de Landivisiau (1554-1565)., sur la porte de la chapelle Saint-Nicodème de Ploéven (1592) ou de la chapelle Saint-Vendal de Douarnenez (1592).
Le dossier de l'Inventaire rédigé par Pavis-Hermon en reprenant les conclusions de sa notice IA0000 3364-01 indique : "édifice de la première moitié du XVe siècle. Chapelle orientale et porche du début du premier quart du XVIe siècle". On négligera le dossier PA00089517 de la base Mérimée (1992), très peu fiable, et qui indique que "les fenêtres flamboyantes et le porche sont du XVe siècle".
c) Si les armoiries du gable sont celles des Clévédé, cela ne permet pas de préciser mieux la datation, puisque Charles Clévédé est présent à la montre de 1481 en Cornouaille, "homme d'armes à deux chevaux pour la selle" et représentant Henry du Dresnay. Il est accompagné de Jehan et Guillaume Clévédé, archers en brigandine. (Tudchentil). Ces derniers sont peut-être les fils de Charles, qui se serait marié vers 1461. Il est décédé en 1531, date à laquelle sa veuve Marie de Pestivien rend aveu comme tutrice de son fils. Jean Clévédé sieur de Guerlesquet représente Plourac'h à la Réformation de 1536 (Tudchentil).
d) Un autre élément de datation est la proximité du porche de Plourac'h avec celui de la chapelle de Saint-Herbot. Or, le début de la construction de ce dernier est clairement daté par inscription de 1498. La date de fin en 1509 était portée sur le phylactère d'un ange. Le chantier aurait duré onze ans.
Si le chantier de Plourac'h a eu la même durée et s'est achevé avec le bénitier à nid d'abeilles, nous aurions une datation, reprenant la proposition de Parvis -Hermon (début du premier quart du XVIe siècle), de 1500-1510.
À la différence de Saint-Herbot, nous ne trouvons pas ici la devise des ducs de Bretagne A ma Vie.
En conclusion, j'adopte la datation suivante : "vers 1500-1510". Anne de Bretagne est alors reine de France depuis 1491, elle décède en 1514.
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Restauration.
L'ensemble du porche et ses statues ont été analysés et restaurés en 2017 (étude) et 2020 par Arthema Restauration sous le suivi du SDAP des Côtes d'Armor et de l'architecte des bâtiments de France madame Véronique André, avec dépoussiérage de la polychromie pulvérulente, nettoyage précautionneux des mousses, des lichens et des algues (chlorophycées), fixation des écailles de peinture. Les analyses stratigraphiques en laboratoire ont été confiées au CARAA.
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I. L'EXTÉRIEUR DU PORCHE .
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Le porche sud, de plan carré, est construit au droit des troisième et quatrième travées
L'arc brisé de l'entrée est plus resserré qu'à Saint-Herbot ; les piédroits et voussures sont sculptés de deux rangs de feuilles d'acanthe, et complétés d'une accolade et de pinacles. Au dessus du fleuron, on voit la fenêtre à épaisses grilles de la salle d'archives de la fabrique, et accessible par l'escalier d'une tourelle circulaire latérale (angle sud-ouest), et plus haut encore, la trace d'un complexe héraldique hélas soigneusement martelé et dans lequel on a suggéré de voir les deux lions affrontés autour d'une lance des seigneurs de Clévédé, fondateurs de la chapelle nord en 1500-1506. À droite de ce complexe se voit une pierre portant un écu martelé.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Les rampants du pignon sont à crochets, et amortis de deux crossettes.
La crossette de droite représente un homme, souriant, en tenue noble de l'époque (bonnet, cheveux bouclés sur les épaules, tunique longue serrée par une cordelière), dont les mains tiennent peut-être un cor ou un parchemin. Pavis-Hermon y voyait peut-être un calice d''où émerge un dragon", ce qui pourrait en faire un saint Jean ; mais les saints ne sont jamais représentés sur les crossettes.
La crossette de gauche représente un animal ailé, peut-être un dragon.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Les moulures du porche extérieur.
Le décor est bien moins développé qu'à Saint-Herbot.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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II. L'INTÉRIEUR DU PORCHE : LE MUR NORD : LA PORTE ET LE TYMPAN .
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La porte ogivale est encadrée de deux moulures à rinceaux (naissant, comme dans tous les porches de cet Atelier de la gueule d'animaux), encadrée de pinacles et soulignée d'un arc en accolade à choux frisés, conduisant au culot très ouvragé d'une niche. Celle-ci, encadrée de pinacles et couronnée d'un dais gothique, abrite une belle Vierge à l'Enfant en kersanton polychrome du XVIe siècle.
On lit sur la porte en bois, qui serait d'origine, les mots Domus Dei, Porta Coeli (Maison de Dieu, Porte du Ciel) sous deux anges en prière entourant à gauche le Christ et à droite St Jean-Baptiste, patron de l'église ; en dessous sont sculptés des motifs en plis de serviette.
Les statues en kersanton de deux des quatre évangélistes l'entourent, saint Marc à gauche avec son lion et saint Luc à droite avec son taureau. Ils tiennent la plume, portent l'encrier et le plumier.
Pour E. Le Seac'h, les trois statues ne sont pas de la même main que les statues des apôtres et leur sont postérieures.
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Bien que la proximité du porche de Plourac'h avec celui de Saint-Herbot ait été souligné, les différences sont nombreuses et importantes ; l'influence du mécénat ducal et du style du premier atelier du Folgoët est moins net. Et le mur nord, qui n'a pas ici les portes jumelles et le bénitier du trumeau, est dédié à la Vierge et non au saint patron du lieu.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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L'inscription de fondation (granite).
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Cette pierre a été buchée sur toute sa moitié gauche ; et son extrémité droite a été retaillée (pierre de réemploi ?). Ce qui subsiste est écrit en lettres gothiques, perlées, aux fûts bifides (les V), et à empattement triangulaire. Le O est tracé en (). Les branches des V sont réunies par un ^ ou un o .
Mais hélas, elle est indéchiffrable, même à éclairage frisant ou après estampage:
--- VXLLOV
---] : XIXOV
---XQVE
Ou bien, car tant de lettres X incitent à les lire comme des I bifides et perlés
---VILLOV
---J: ILIOV
--- IQVE
Le dernier mot pourrait être la fin de "FABRIQUE"
Pavis-Hermon avait lu ceci :
---VILLON
---:NOV
---IQVE
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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La Vierge à l'Enfant, kersanton polychrome, début XVIe siècle.
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La statue occupe une niche hexagonale à dais, à voûte nervurée, construite par deux pinacles engagés appuyés sur un ange et un lion. On discerne sur le dais des traces d'ocre (bouche-pore à la chaux), et de plusieurs couches de peinture à l'huile avec traces d'orange foncé ( ou brun-rouge) et de bleu clair.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Cette statue mesure 127 cm de haut. La Vierge est couronnée, ses longs cheveux sont regroupés derrière la nuque par un voile occipital typique de la statuaire finistérienne du XVIe siècle, puis les méches recouvrent ses épaules. La couronne à fleurons et perles était dorée, et rouge vermillon. Le visage est rond, le front et les sourires épilés, la bouche rouge petite au dessus d'un petit menton rond. Les yeux regardant le spectateur sont sombres (mais avec des traces de bleu). La face est couverte d'une carnation rose, les cheveux étaient dorés, le voile était également doré mais est jaune pâle.
La robe à décolleté carré était rouge, serrée par une ceinture d'étoffe jaune nouée. Un pan est retroussé et fixé au poignet gauche, formant des plis en V. Les manches sont larges. Le décolleté dévoile une chemise fine, à petits plis, perlée à l'encolure, et un collier (ou l'attache du manteau).
Le manteau est largement ouvert, il est vert-brun avec des parties rouge vermillon et bleu selon l'usure des couches. Il forme de vastes plis du côté gauche.
La main et l'avant-bras droit sont absents : la Vierge tendait peut-être un objet (fruit) à son Fils.
L'Enfant en tunique longue, à cheveux bouclés, est assis jambes croisées sur le bras de sa Mère et est tourné vers elle, sans échange de regards. Sa main droite est posée sur sa poitrine tandis qu'il tient, en enfant sauveur, le globe du Monde dans la main gauche.
La statue a reçu une préparation "bouche pore" ocre jaune, puis plusieurs couches de peinture à l'huile plus ou moins écaillées mais remarquablement restaurées.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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À ses pieds, deux anges ou enfants de chœur, joufflus, vêtus d'une tunique dorée, présentent un cube (un écu à la pointe abrasée ?) sculpté en bas-relief d'un calice : donation d'un prêtre ?
Les anges aux cheveux bouclés (or sur mixion jaune) ont un visage proche de celui de la Vierge, à la carnation identique (couches de blanc et rose).
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Saint Marc évangéliste à gauche (kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle).
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On remarque que malgré la restauration récente, et malgré les précautions prises (fils tendus), le haut de la statue est couvert de fientes.
Le saint, identifié par son lion, tient dans un geste délicat le livre ouvert de son évangile, et y pose le stylet de son travail d'écrivain, tandis que le plumier oblong et l'encrier rond sont suspendus à sa ceinture.
Il est coiffé d'un chapeau à larges bords de forme carrée évoquant la coiffure des docteurs médiévaux. La carnation rose est préservée.
Il porte un manteau attaché sous la gorge, au pan gauche retroussé vers la ceinture.
Le plissé de la robe ou cotte est modelé par l'avancée du genou droit. Cette cotte était rouge sur couche ocre ; elle laisse voir l'extrémité des chaussures.
Le lion , qui enjambe la chaussure gauche, est finement représenté, d'allure vive, et montrant les dents. Comme c'est l'usage, la queue passe entre les jambes et fait retour sur le dos pour y étaler son fouet à trois méches.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Saint Luc évangéliste à droite (kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle).
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Il est déjà bien arrosé de fientes.
Il a perdu presque toute sa polychromie, sauf au bas de la cotte ocre rouge.
Il porte le même chapeau de type "bonnet carré", la même cotte talaire, le même manteau (mais c'est le pan droit qui vient se fixer sur la ceinture), le même encrier et le même plumier.
Mais il tient son livre fermé (reliure à fermoir) tandis qu'il laisse une banderole se dérouler jusqu'au sol. L'inscription qui devait y être peinte n'est plus visible.
Comme le lion de Marc, le taureau pointe ses cornes au dessus de la chaussure gauche de son maître.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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La voûte.
Le porche est voûté d’ogives, avec en clé de voûte des armes non identifiées. La partie droite est ocre rouge, la partie gauche ocre jaune, et les restaurateurs ont pu y discerner dans les voûtains quelques tracés attestant d'une fresque : un Christ en croix sur la gauche avec à ses côtés la Vierge et saint Jean, et plus haut un diable. Ou des personnages dans une barque (pêche miraculeuse ?), ou un personnage avec un drapeau. Et probablement une mise au tomneau et un Noli me tangere.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le bénitier à la colonnette en nid d'abeille.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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II. L'INTÉRIEUR DU PORCHE : LES SIX APÔTRES DU CÔTÉ DROIT .
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1°) Un Credo apostolique.
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La présence dans ce porche, comme dans ceux réalisés par le Premier atelier du Folgoët, des douze Apôtres n'est pas ornementale : elle affirme pour le fidèle qui s'apprête à entrer dans l'église, les vérités dogmatiques de sa Foi, réunies dans les douze articles du Credo.
Le texte de ces douze articles, chacun confié à un apôtre dans un ordre assez bien établi par la tradition, ne sont presque plus visibles puisqu'ils étaient peints sur le phylactère qu'ils ont soin de présenter, alors qu'à Saint-Herbot, ils sont sculptés et bien lisibles, et en outre, le nom des apôtres est sculpté sur le socle.
Néanmoins, c'est bien ce texte désormais invisible du Credo qui s'affirmait ici avec solennité.
Comme nous ne pouvons plus déchiffrer les textes (bien que des traces des écritures en gothique subsistent), et comme les statues ont pu être déplacées lors de restaurations des siècles passés, et enfin comme les apôtres ne portent pas , sauf les quatre premiers, d'attribut distinctif, nous ne pouvons être certain de leur identité, sauf à postuler d'une part que les statues sont encore dans leur ordre initial, et d'autre part qu'elles suivent la séquence utilisée à Saint-Herbot.
Rappel :
La séquence suivie à Saint-Herbot est celle du Canon romain, Pierre-André-Jacques-Jean-Thomas-Jacques-Philippe-Barthélémy-Matthieu-Jude-Simon-Matthias, modifiée selon l'ordre courant où la même succession se termine par Simon-Jude-Matthias.
Cet ordre, et l'attribution des articles du Credo, obéit à celui établit par le Sermon du Pseudo-Augustin : Sermo CCXLIDe symbolo, P.L. 39 col; 2190 ; C'est aussi l'ordre du Speculum Theologiae ou Verger de Soulas du XIIIe siècle, Bnf Fr 9220 folio 13v ; des Grandes heures du duc de Berry (1409) folio 1r à 6v ; du Psautier de Jean de Berry, BNF latin 13091, dont les enluminures sont dues à André Beauneveu en 1380-1400 .
Le texte des phylactères est celui du Symbole des Apôtres (Credo in Deum), qu'on ne confondra pas avec le Credo, ou Symbole de Nicée (Credo in unum Deum), récité lors de la messe.
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1. Pierre. Clef. Credo in Deum Patrem omnipotentem, Creatorem celi et terre.
2. André. Croix de saint-André. Et in Ihesum Christum, Filium eius unicum, Dominum nostrum
3. Jacques le Majeur. Bourdon, chapeau, besace. qui conceptus est de Spiritu Sancto, natus ex Maria Virgine.
4. Jean. Coupe de poison. passus sub pontio pilato, crucifixus, mortuus, et sepultus.
5. Thomas . descendit ad inferna, tertia die resurrexit a mortuis,
6. Jacques le Mineur. ascendit ad celos, sedet ad dexteram Dei Patris omnipotentis.
7. Philippe. inde venturus iudicare vivos et mortuos.
8. Barthélémy. Coutelas. Credo in Spiritum Sanctum
9.Matthieu. sanctam Ecclesiam catholicam, sanctorum communionem .
10. Simon. remissionem peccatorum.
11. Jude Thaddée. carnis resurrectionem
12. Mathias. vitam eternam. Amen
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Mais au moment où se construit le porche de Plourac'h, des éditions imprimées successives du Calendrier des Bergers sont publiées (sept éditions entre 1491 et 1508), diffusant les gravures des apôtres avec leur attribut et le texte du Symbole des apôtres en français, non sans variations.
Pour ne rien simplifier, nous pouvons comparer ce porche de Plourac'h à celui de Notre-Dame de Larmor à Larmor-Plage : débuté en 1491, achevé en 1552, il aligne douze statues d'apôtres de 1518 en tuffeau, aux inscriptions de phylactères sculptées, dans l'ordre Pierre, André, Jacques le majeur, Jean, Philippe (tenant lacroix) Mathieu, Barthélémy ( couteau), Jude Thaddée, Thomas, Jacques le mineur, Simon, Mathias.
Les articles consacrés à ce thème sont très nombreux dans ce blog : le premier d'entre eux (Quemper-Guezennec) l'explore tout particulièrement. La plupart des porches bretons possèdent leurs séries de niches aux apôtres, deux calvaires sont structurés sur ce Credo, et plusieurs verrières de France y sont consacrées.
Tous les apôtres sont pieds nus, tous sont barbus sauf Jean, tous tienent un phylactère, presque tous tiennent un livre (rappel du Livre des Apôtres) mais chaque livre est différent ou tenu différemment.
Toutes les statues sont en kersanton et conservent leur polychromie écaillée, où on retrouve le bouche-pore ocre-jaune et ocre rouge constaté sur le porche, et les différentes couches de décors peints à l'huile, très lacunaire, persistant dans les creux des plis. D'un apôtre à l'autre, la palette se modifie et crée autour de quatre couleurs majeures une diversité, avec une dominance rouge pour le manteau, tandis que les carnations sont identiques, rose et blanche, tout comme barbes et cheveux (Sienne brûlée). La présence de dorure a été retrouvée par les restaurateurs d'Arthema, sur certains endroits du manteau en faible quantité. Les carnations sont affectées par un fort repeint. Ailleurs, les différentes couches de peinture superposent plusieurs couleurs de différentes époques.
"Ils ont le même visage allongé, des yeux en amande soulignés d'une petite paupière inférieure et d'une paupière supérieure plus large. Les cheveux longs sont séparés en stries ondulantes avec parfois des mèches bouclées sur le haut du crâne.
Les robes présentent les mêmes plis variés et sont aussi bloussantes par dessus la ceinture." (Le Seac'h)
Les barbes sont toutes convexes.
Lors de la restauration, deux mains portant des livres (dont celles de la sixième statue), et le haut du bâton de saint Jacques ont été retrouvés, et remis en place par collage (Arthema).
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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1. Saint Pierre et sa clef. Kersanton, rares traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Saint Pierre s'identifie par sa clef, mais aussi par le "toupet", les ilots de cheveux échappant à sa calvitie fronto-temporale. Sa barbe est plus courte qu'à Saint-Herbot. Sa clef est imposante, avec son anneau losangique (il est en cœur à Saint-Herbot). Il porte un manteau mi-long, une cotte talaire fermée par un bouton, et une chemise.
Un blason muet est placé à côté de son pied gauche.
Son dais (cf. infra) est orné d'un petit personnage de face.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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2. Saint André et sa croix en X. Kersanton, rares traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Sa croix est habilement incurvée pour se modeler au corps. Son front est également doté d'un "toupet" en cornes. Il ne tient pas de livre. Tous ces détails se retrouvent à Saint-Herbot.
La barbe est longue, peignée en mèches aux extrémités bouclées.
Le pan du manteau est retenu par la main gauche. La cotte talaire est serrée par une ceinture dont la boucle est figurée ; cette cotte s'ouvre devant la poitrine en deux revers éfilés.
Polychromie : traces de blanc sur la carnation, de bleu et de rouge.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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3. Saint Jacques le Majeur et sa tenue de pèlerin. Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Il porte le chapeau des pèlerins de Compostelle à larges bords et frappé de trois coquilles (insignes de pèlerinage), la besace portant des coquilles et soutenue par un baudrier à coquilles, et le bourdon (brisé entre le nœud et la boule sommitale) à extrémité pointue. Il est revêtu d'une cotte talaire et d'une pèlerine à type de blouse plissée, à larges manches, et descendant au dessous des genoux.
Les cheveux sont longs, la barbe peignée de mèches bouclées à l'extrémité.
Le visage a conservé sa carnation rose presque complète. La cotte était rouge sur une couche rose.
Les différents détails d'équipement se retrouvent à Saint-Herbot, mais s'organisent différemment (bourdon à droite, besace à gauche, pèlerine ouverte devant la poitrine).
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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4. Saint Jean et la coupe de poison d'où émerge un dragon.Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Saint Jean est imberbe, avec des cheveux bouclés n'atteignant pas les épaules. Il porte un manteau fermé par un bouton et dont un pan est retenu par la ceinture (boucle à ardillon et passant), et la cotte talaire.
Il trace un geste de bénédiction de la main droite sur la coupe de poison dont un dragon émerge pour en signaler la malignité.
Le phylactère est replié à ses pieds.
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Les traces de polychromie indiquent que les cheveux étaient dorés, la carnation rose et le mateau rouge.
Un blason à ses pieds conserve, malgré qu'il ait été martelé, le contour d'un calice (donateur ecclésiastique).
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La statue de Saint-Herbot est bien différente, avec la palme comme attribut, une chevelure rayonnante, une robe dorée, un pied soulevé, et un long article en latin qui ne tiendrait pas ici sur le petit phylactère.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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5. Saint [Thomas].Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Aucun attribut et aucune inscription ne permet de l'identifier et je me fie à son rang. Le pan gauche de son manteau sert de sudarium pour tenir le livre. La cotte talaire est fermée par cinq boutons. Le phylactère vertical est très long.
Le visage conserve des portions de carnation rose en carte de géographie. La barbe à pointe ovale est soigneusement peignée de mèches dont la pointe bouclée rebique.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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6. Saint [Jacques le Mineur] . Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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Tout comme à Saint-Herbot, l'attribut de l'apôtre, le bâton de foulon qui deviendra incontournable, est absent.
Le pan droit du manteau vient se fixer à la ceinture, la cotte est ouverte jusqu'à la taille et ses revers forment deux triangles rapprochés.
Les cheveux sont bouclés "en boule", la barbe soignée, le regard dirigé vers l'extérieur du porche.
La carnation est bien conservée, rose foncée et blanche.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Les dais .
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Ces dais gothiques hexagonaux sont coiffés de hauts pinacles à boules. Celui de saint Pierre montre un petit persoannage en culotte plissée (bagou bras) la main sur la poignée de son épée.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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La frise inférieure : feuilles d'acanthe.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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L'extrémité des tiges d'acanthes est tenue dans la gueule d'un tout petit animal, qui se tient à l'envers : j'ai inversé ma photo pour présenter celui-ci, avec son museau tronqué.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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III. L'INTÉRIEUR DU PORCHE : LES SIX APÔTRES DU CÔTÉ GAUCHE.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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7. Saint [Philippe]. Kersanton, traces de polychromie, début XVIe siècle.
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L'attribut habituel de Philippe est la croix à longue hampe. Mais sur le Calendrier des Bergers il est figuré avec une croix en T (1493-1500), puis avec une équerre (1516 et 1519).
Mais ici, l'attribut est tenu verticalement dans le poing de la main droite sous la forme d'un manche à extrémité élargie et arrondie; il est ensuite brisé mais il se prolongeait jusqu'à l'épaule droite où son appui est visible.
Cet attribut est bien plus compatible avec un coutelas (celui de saint Barthélémy) qu'avec tout autre attribut, et, de toute façon, il ne peut être considéré ni comme une croix, ni comme une équerre. Comparez avec le saint Barthélémy de Saint-Herbot :
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Statue de saint Barthélémy, chapelle de Saint-Herbot. Photo lavieb-aile.
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Par contre, et c'est amusant, de nombreuses gravures du Calendrier des Bergers montre saint Philippe tenant, comme ici, un livre de ceinture (ou "en aumônière").
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Calendrier et compost des Bergers, J. Belot, Genève 1498-1500
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Le long phylactère passe sur l'avant-bras gauche.
Le visage conserve la majeure partie de la carnation rose. La barbe, toujours peignée, est bifide. Les cheveux longs sont peignés également. Les yeux sont comme écarquillés, car ils conservent leur couleur blanche sous une paupière supérieure lourde.
Les cheveux sont jaunes ou dorés ; la cotte est, comme ailleurs, rouge.
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Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le porche sud de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le livre de ceinture.
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Il est représenté avec précision, et l'on voit bien comment la reliure réunie par son fermoir se poursuit par une étoffe qui est empoignée, tandis qu'une spère-bouton lui évite de glisser. Ce dispositif de transport et de préhension permet aussi de le suspendre à la ceinture.
La Vierge de Pitié du Maître de Laz (grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet.
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PRÉSENTATION.
1. Le matériau.
Le grès arkosique (feldspathique), à grain très fin, de couleur gris-verdâtre, du Centre Bretagne, se prête bien à la sculpture par sa relative tendreté et son aptitude à la taille. Il est abondant dans le bassin de Châteaulin, c'est-à-dire une partie du Centre-Finistère (Châteauneuf-du-faou), où il été utilisé en architecture et en sculpture (Ollivier, 1993). L'architecture domestique (bâtiments de fermes, manoirs) et l'architecture religieuse (église du Cloître-Pleyben, sacristie de Pleyben, chapelles) lui ont fait largement appel aux XVème, XVIème et XVIIème siècles. Dans le domaine de la sculpture, P. Eveillard en a découvert l' emploi dès le second Age du fer et à la période gallo-romaine (génie au cucullus) . Aux XVIème et XVIIème siècles, il alimenta une statuaire abondante (plusieurs rondes-bosses dans les calvaires de Pleyben et de Saint Venec en Briec, par exemple) et concurrença même le célèbre kersanton. Voir l'analyse de Louis Chauris, Les grès verts de Châteaulin, cité en bibliographie.
Il était déjà employé à Laz vers 1350, dans un groupe du cavalier mourant conservé près de l'église, déjà présenté ici. Puis vers 1470 sur le bas-relief de la Vierge de Pitié aux anges de tendresse de la porte d'entrée de l'ancien presbytère. Puis, le sculpteur désigné par le nom de convention de Maître de Laz l'employa en 1527 pour la Déploration du calvaire de l'ancien cimetière.
Ce Maître de Laz est aussi l'auteur de la Déploration de l'église de Plourac'h, presque similaire, mais aussi de celle de Saint-Hernin et de la Pietà de Briec-sur-Odet. Mais aussi de trois autres statues de l'église de Plourac'h, celles de Saint-Patern, de Saint-Adrien, et de Sainte-Marguerite.
Le même matériau est employé au milieu du XVIe siècle pour la belle Trinité du porche de Clohars-Fouesnant.
Il est souvent confondu avec le kersanton (comme pour cette Déploration dans la description de Y.P. Castel).
Sur les sculptures en grès arkosique feldspathique :
2. Le thème de la Déploration (souvent assimilé aux Vierges de Pitié)
Les représentations sculptées de la Vierge de Pitié, tenant le corps de son Fils déposé de la croix, soit seule (Pietà), soit entourée de plusieurs personnages (Déplorations), apparaissent au XVe siècle (Pietà du calvaire de Tronoën, de Plozévet, de Quintin, chapelle N.D. des Portes ; Déplorations de La Chapelle-des-Fougeretz au nord de Rennes, du Musée départemental breton de Quimper etc.) et témoignent de l'importance, dans le duché de Bretagne, du culte centré sur les plaies du Christ crucifié et le sang versé, d'une part, et su les larmes ou le chagrin suscités chez le chrétien par cette mort, d'autre part.
Ce culte s'amplifie encore au XVIe siècle avec la multiplication des calvaires, où les pietà ou déplorations sont rarement absentes, et des verrières de la Crucifixion avec leur scènes de la Pâmoison ou de la Déploration. Dans cette dévotion associant pour le fidèle méditation devant la mort du Rédempteur, élan de chagrin interiorisé, larmes versées et gratitude, Marie-Madeleine est un personnage majeur, par sa participation aux soins ("embaumement") et par l'intensité de son chagrin.
À la différence des Déplorations de Laz et de Plourac'h ou de Saint-Hernin, la Vierge n'est pas entourée de Jean et Madeleine, et elle porte seule le corps de son Fils, qui est — inhabituellement— tourné tête vers sa gauche. Elle soutient la tête du Christ, et tient sa main droite, qui posée à plat sur la cuisse, tandis que le bras gauche descend verticalement, montrant la plaie. Les jambes du Christ sont fléchies mais parallèles. Sa barbe est en boule.
Le bloc de pierre est largement fissuré, verticalement ou horizontalement, mais aucune partie n'est manquante.
On retrouve le bord dentelé du gaufrage du manteau-voile, typique du Maître de Laz, mais ici les franges godronnées sont doubles. Comme dans les autres Vierges du Maître de Laz, le manteau revient sur les genoux de Marie pour faire office de drap sous le corps du Christ, comme l'indique les plis frisés.
La robe descend jusqu'au sol, dissimulant les chaussures, en plis verticaux tubulaires qui prolongent les gaufrures.
Le visage est froid et sévère, n'exprimant ni chagrin, ni même retrait dans une intériorité douloureuse.
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La Vierge de Pitié (Maître de Laz, grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile.
La Vierge de Pitié (Maître de Laz, grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile.
La Vierge de Pitié (Maître de Laz, grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile.
La Vierge de Pitié (Maître de Laz, grès arkosique, vers 1527) devant l'église de Briec-sur-Odet. Photographie lavieb-aile.
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COMPAREZ AVEC LES AUTRES VIERGES DE PITIÉ DU MAÎTRE DE LAZ :
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Déploration du cimetière de Laz, grès arkosique, 1527, Maître de Laz. Photo lavieb-aile.
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Déploration de l'église de Plourac'h, grès arkosique polychrome, vers 1527, Maître de Laz. Photo lavieb-aile.
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Déploration du calvaire de Saint-Hernin, grès arkosique, Maître de Laz, vers 1527. Photo lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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—ABGRALL et PEYRON, chanoines, Notice sur Laz, Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie de Quimper
— CHAURIS (Louis), 2010, Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne Deuxième partie : Roches sédimentaires, Revue archéologique de l'Ouest.
Des niveaux gréseux affleurent au sein des schistes bleus du bassin carbonifère de Châteaulin. Tous les intermédiaires apparaissent entre des schistes gréseux encore fissiles, riches en minéraux phylliteux, et des grès feldspathiques plus massifs, caractérisés par leur teinte verte ou gris-vert. Le faciès gréso-feldspathique est formé de quartz non jointifs – ce qui facilite le façonnement – et de plagioclases, moins nombreux, dans un fond phylliteux qui rend compte du caractère tendre de la roche (la nuance verdâtre est due à la chlorite). Ce grès feldspathique fournit de beaux moellons et des pierres de taille, voire même des éléments aptes à la sculpture (Eveillard, 2001).
Ce matériau a déjà été utilisé dans la cité gallo-romaine de Vorgium (aujourd’hui Carhaix – cf. photo IV). Son emploi, à nouveau attesté dès le xvie siècle, prend une place essentielle dans les constructions, à Carhaix et dans ses environs : manoir de Lanoënnec (porte avec cintre en deux éléments, fenêtre avec linteau à accolade) ; manoir de Crec’h Henan (xviie siècle ? avec beaux moellons) ; manoir de Kerledan (xvie siècle, avec érosion en cupules) ; château de Kerampuil (1760, soubassement) ; Kergorvo (portes) ; manoirs de Kerniguez : grand manoir (superbes moellons) et petit manoir (moellons pouvant atteindre un mètre de long, en assises d’épaisseurs diverses, correspondant à la puissance des bancs dans les carrières). A Carhaix même, dans la maison du Sénéchal (xvie siècle), belle cheminée à l’étage. On retrouve ce grès dans les élévations de l’église de Plouguer, ainsi que dans celles de l’église de Saint-Trémeur (parties du xixe s.), dans la façade occidentale de la chapelle du couvent des Hospitalières (xviie siècle) ou au manoir de Maezroz près de Landeleau : photo V, VI… (Chauris, 2001c).
Les Travaux publics ont également fait appel à cette pierre locale. Dans les ouvrages du canal de Nantes à Brest (première moitié du xixe siècle), toujours aux environs de Carhaix, elle a été utilisée sous des modalités diverses : en beaux moellons pour le couronnement du parapet d’un pont près de l’écluse de l’Île ; en petits moellons pour le soubassement des maisons éclusières de Pont Dauvlas, de Kergouthis… ; les faciès plus schisteux – et par suite plus fissiles – ont été recherchés pour le dallage médian des bajoyers de quelques écluses (Kervouledic, Goariva), voire comme dalles devant la maison éclusière (Goariva…). De même, les infrastructures ferroviaires ont aussi employé ce matériau local (pont franchissant le canal au sud-est de Kergadigen).
Mais cette pierre n’a pas été recherchée uniquement autour de Carhaix ; en fait, elle a été utilisée un peu partout dans le bassin de Châteaulin. À Pleyben, dans l’église paroissiale – qui remonte en partie au xvie siècle – le grès vert joue un rôle essentiel en sus du granite : élévation méridionale ; sacristie édifiée au début du xviiie siècle (le grès est alors extrait des carrières de Menez Harz et de Ster-en-Golven) ; la même roche a été aussi utilisée pour l’ossuaire (xvie siècle) et l’arc de triomphe (xviiie), où elle présente quelques éléments bréchiques. également à Pleyben, la chapelle de Gars-Maria, y recourt localement en association avec des leucogranites. À Châteauneuf-du-Faou, dans la vaste chapelle Notre-Dame-des-Portes (fin du xixe siècle), ce grès est en association avec divers granites ; les traces d’outils de façonnement y sont très nettes sur les parements vus. Comme aux environs de Carhaix, les grès verts ont également été recherchés, plus à l’ouest, pour l’habitat.
Ces grès ont aussi été mis en oeuvre dans la statuaire : parmi bien d’autres, évoquons les statues dressées au chevet de l’église de Laz, la statue de Saint-Maudez au Vieux-Marché (Châteauneuf-du-Faou), celle de Saint-Nicolas dans la chapelle N.-D. de Hellen (Edern), plusieurs personnages du célèbre calvaire de Pleyben… Quelques éléments de la chapelle – ruinée – de Saint-Nicodème, en Kergloff, ont été remployés lors de la reconstruction de la chapelle Saint-Fiacre de Crozon, après la dernière guerre ; en particulier de superbes sculptures d’animaux ont été emplacés à la base du toit dans la façade occidentale (Chauris et Cadiou, 2002).
Cette analyse entraîne quelques remarques de portée générale.
Dans un terroir dépourvu de granite, artisans et artistes locaux ont su mettre en œuvre un matériau qui, au premier abord, ne paraissait pas offrir les atouts de la « pierre de grain » qui affleure au nord et au sud du bassin.
Ce matériau local, utilisé dans les édifices les plus variés, confère au bâti du bassin de Châteaulin une originalité architecturale. Son association fréquente aux granites « importés » induit un polylithisme du plus heureux effet. Parfois, le grès a même été exporté vers les bordures du bassin, au-delà de ses sites d’extraction.
Du fait de ses aptitudes à la sculpture, le grès vert a été très tôt recherché pour la statuaire. Il joue localement le rôle des célèbres kersantons de la rade de Brest, à tel point que, dans un musée dont nous tairons le nom, une statue du xvie siècle, a été rapportée au kersanton, alors qu’en fait elle est en grès vert : hommage inconscient à ce dernier matériau !
L’emploi de cette roche singulière, constant pendant plusieurs siècles (au moins du xvie au début du xxe siècle) paraît aujourd’hui totalement tombé dans l’oubli. Ses qualités devraient susciter une reprise artisanale, tant pour les restaurations que pour les constructions neuves."
— COUFFON (René), 1988, Notice sur Briec-sur-Odet, in Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper
"Sur le placitre, croix de 1864, Pietà de granit au pied du fût"
— ÉVEILLARD (Jean-Yves), 1995, Statues de l'Antiquité remaniées à l'époque moderne: l'exemple d'une tête au cucullus à Châteauneuf-du-Faou (Finistère) Revue archéologique de l'Ouest année 1995 12 pp. 139-146
—LE SEAC'H (Emmanuelle), 2015, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, Presses Universitaires de Rennes pages 248-249.
— OLLIVIER, (Sophie), 1993 -L'architecture et la statuaire en grès arkosique dans la vallée de l'Aulne centrale. Mém. de maîtrise d'histoire (inédit), J.Y. Eveillard, dir., U.B.O., Brest, 2 vol.
"La porte principale du côté Ouest est aussi riche que la précédente, mais sans être d'aussi belles proportions, on y remarque particulièrement les beaux feuillages qui ornent les gorges profondes de ces nervures et les deux personnages en ronde-bosse, aux amortissements du gâble au-dessus du bandeau. L'un représente un guerrier coiffé d'un casque et à corps d'animal, portant un étendard déployé, l'autre une femme la tête couverte d'un voile et tenant une banderole sur laquelle on lit ces mots : Pax: Vobis 1592." (C. Chaussepied)
"Enfin, la porte ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592." R. Couffon
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Ce portail reprend dans son architecture un style répandu autour de Quimper notamment dans tout le Cap Sizun. On le reconnaît à la façon dont le gable à choux frisés, comme le remarquent C. Chaussepied et R. Couffon, vient couper les pinacles et se poursuit pour s'appuyer sur deux personnages en moyen-relief. On retrouve cette particularité, initiée à Saint-Herbot (1516), à Saint-Tugen de Primelin (sur les deux portails), à Plogoff (1547), puis à Cléden-Cap-Sizun (1561), puis à Plouhinec (1572) ou encore à Esquibien. Et à Saint-Tugen et à Plogoff, comme ici, le personnage de droite présente l'inscription de bienvenue Pax Vobis (la paix soit avec vous).
Le style gothique cornouaillais s'illustre aussi, sans ce détail de croisement gable/pinacle, à Saint-Herlé en Ploaré (v.1548), Locronan, Pont-Croix, ou Confort-Meilars.
C'est donc, en 1592, une reprise bien tardive d'un style gothique cornouaillais, alors que le style Renaissance s'exprime depuis plus de vingt ans en Haut-Léon.
Portail ouest de l'église de Plouhinec. Copyright Monumentum.
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Détail : les trois moulures du portail, sculptées de rinceaux de vigne à l'extérieur, et d'acanthes.
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Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le page ou écuyer tenant une banderole PAX VOBIS 1592. Leucogranite, 1592.
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Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
L'inscription de bienvenue Pax vobis se retrouve, du côté droit du portail Saint-Herbot en Plonévez-Porzay (page saluant en touchant son bonnet du haut d'un rempart), puis à Saint-Tugen en Primelin (page saluant en touchant son bonnet du haut d'un rempart) ou à Plogoff (page saluant en touchant son bonnet), mais aussi sur le porche sud de Lampaul-Guimiliau (vers 1533 sur le culot d'un apôtre, et présenté par un page la main sur son bonnet à l'entrée) et sous le porche de Landivisiau, tenue par un ange.
Ici, à Ty Mamm Doué, l'artiste reprend donc fidèlement le motif du page (ou écuyer, en habit noble) saluant le visiteur de l'inscription de bienvenue de sa banderole et faisant le geste de courtoisie de se préparer à ôter son bonnet. Ce page porte la même chevelure bouclée arrivant sur les épaules, son chapeau à bords larges est plus modelé que les bonnets de ses collègues, sa large cape laisse voir une veste courte à manches évasées.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le messager en armure tenant une hallebarde à étendard du côté gauche. Leucogranite, v. 1592.
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Ce guerrier à fière allure est représenté en buste , coiffé d'un casque et vêtu d'une armure. Il brandit une hallebarde à manche écoté (ou une lance frappée d'une hermine) laissant flotter la flamme d'un étendard qui portait certainement jadis un message peint.
Je ne lui connais pas d'homologue dans les édifices de style cornouaillais.
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Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Les culots des niches (vides) des contreforts : masques crachant des feuillages. Leucogranite, vers 1592.
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Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail ouest de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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II. LA PREMIÈRE PORTE SUD (1605).
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Cette petite porte est de style Renaissance ou classique avec son fronton triangulaire, les deux médaillons des pilastres, le Dieu le Père en moyen-relief dans une niche centrale, et l'inscription portant le nom du recteur (les recteurs font en effet plutôt apposer leur nom sur les édifices après le XVIe siècle). Deux niches latérales, vides, ont un dais en dôme.
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"Au XVIIe siècle on pratiqua dans le mur Sud une autre porte, qui, ornée de deux colonnes isolées, disparues maintenant, devait produire un très bel effet. Elle est en arc surbaissée, ornée de pilastres, d'une fine corniche et d'un fronton au-dessous duquel on remarque un petit motif sculpté également en ronde-bosse, représentant le Père Eternel couronné de la tiare. Les petits pilastres sont ornés de têtes d'anges et de démons; sur les socles des colonnes se voient, mais bien mutilés, des personnages ailés; et au-dessus des entablements, de riches dais abritant sans doute des statues de pierre aujourd'hui disparues. " (C. Chaussepied)
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Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Inscription dans un :
" M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 " soit "Messire Pierre Coray recteur 1605".
Pierre Coray fut recteur de Cuzon de 1596 à 1612.
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Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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III. LA DEUXIÈME PORTE SUD (1541).
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Entre deux contreforts à quatre niches à dais gothiques, et équipés de bancs, et dont le visiteur pourra détailler les supports, cette porte ogivale de style Louis XII est encadrée par deux magnifiques colonnettes, au premier niveau en nid d'abeilles suivi, après une bague octogonale, d'un étage torse en lignes spiralées. Ces colonnes ornées de couronnes et cordelières (C. Chaussepied) sont coiffées de pinacles fleuris. Au dessus de la porte à triple voussures non ornés, une accolade à choux frisés s'achève en un fleuron ; le monogramme christique IHS s'inscrit en son aisselle.
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Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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C'est au dessus de cette porte que se trouve l'inscription de fondation de 1541, en caractères gothiques :
CESTE CHAPELLE EN LHÕEVR [LHONNEUR] (le tilde ~ remplace la lettre N)
DE MAM DOE : L[AN] . M :Vcc : XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE [OMMAGE] BONNE FOI
qui a été transcrite ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
Elle est riche en lettres conjointes et en tildes qui rendent sa transcription complexe, et l'érosion du granite n'arrange pas les choses.
Elle est placée dans un cartouche tenu par deux personnages de profil, en position de chevalier servant, et qui ont les cheveux mi-longs et bouclés de l'époque, sont vêtus d'une tunique courte échancrée et plissée, et sont chaussés de chaussures pointues.
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Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Le portail sud de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le cadran solaire.
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Le cadran solaire de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Le complexe héraldique du sommet de la deuxième lucarne.
il est présenté par deux lions ; ses armes n'ont pas été déchiffrées ou attribuées.
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Blason de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Inscription au dessus d'une ouverture murée.
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Elle porte l'inscription
M. I . CONNAN . RECTEVR . 1621
soit Messire J[ean] Connan 1621. Jean Conan fut recteur de Cuzon après Pierre Corlay (précédemment cité), dès 1617.
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Inscription de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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La porte cintrée de la sacristie au nord.
Sur le côté Nord, dans un cartouche à "poignées" triangulaires, nous trouvons une autre inscription :
INRI . O . MATER . DEI . MEMENTO . MEI . 1578
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L'oraison O mater dei, memento dei, (O Mère de Dieu, souviens-toi de moi), parfaitement appropriée à cette chapelle de la Mère de Dieu, est très répandue.
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Inscription de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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À cette inscription répond, dans un cartouche identique, la date de 1578 d'une piscine de l'intérieur.
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Inscription de l'intérieur d la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Autres détails sculptés de l'intérieur.
Les culots des statues du chœur (XVIe siècle et/ou XXe siècle). Dragons dévorant un masque.
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Culot de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Culot de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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Piscine du côté sud.
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Piscine de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Piscine de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
Cet artisan a fondu d'autres cloches finistériennes entre 1854 et 1872, notamment à Morlais en 1862, à Guengat (1872), à la chapelle Saint-Jean de Saint-Nic , à Sainte-Marie-du Menez-Hom en 1876 et pour deux cloches à Trégarvan (1859 et 1880).
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Cloche de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper. Photographie lavieb-aile 2023.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1915, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère
Chapelle de la Mère de Dieu: (Ty-Mam-Doue) . Au-dessus de la porte principale Sud-Est est une inscription gothique dont voici la lecture d'après MM. le chanoine Abgrall, Waquet et Lucien Lécureux : Ceste chapelle en lhoeur (l'honneur) De Mam Doe l (an) MVecXLI Ainsy faits scavoir a che Noble sineur oage et bonne foi (hommage)
Avant d'envoyer au Salon de Paris, qui va bientôt s'ouvrir, les dessins et relevés de cette chapelle, nous avons pensé qu'il serait intéressant de les soumettre aux membres présents à cette séance, et qui sans doute connaissent ce joli monument situé aux portes de Quimper.
Une étude approfondie faite l'été dernier nous a permis de réunir dans un même cadre les ensembles et détail de ce curieux édifice.
Nous ne redirons point l'historique de cette chapelle, notre éminent collègue, M. le chanoine Peyron, nous a précédé dans cette tâche avec son talent habituel, nous nous contenterons d'y ajouter seulement une courte description purement archéologique.
La Chapelle de Ty-Mam-Doué, ou maison de la mère de Dieu, fut rebâtie vers le milieu du XVIe siècle sur le versant d'un coteau, et subit comme tous les monuments de celle époque diverses transformations successives.
En plan elle a la forme d'une croix latine orientée de l'Est à l'Ouest avec nef sans bas-côtés, large transept et abside terminée par un mur droit. le tout flanqué de contreforts d'angle, quoiqu'on n'eût sans doute point l'intention de la voûter. Les charpentes sont recouvertes d'un berceau en lambris
peint de date récente; il est probable qu'autrefois les entraits et poinçons de charpente étaient apparents, mais il furent coupés et l'on en retrouve quelques traces le long des murs.
De larges Laies géminées éclairent le fond du chevet et du transept, d'autres petites ajoutent encore de la lumière à l'intérieur de ce monument.
Outre la partie principale du côté Ouest, trois autres portes sont pratiquées dans lés murs, deux du côté Sud, une du côté Nord; une petite sacristie est adossée de ce à l'extérieur. .même côté avec sortie directe
Les proportions de cette Chapelle sont élégantes, mais certaines dispositions présentent des talonnements ou des erreurs regrettables.' Ainsi nous remarquons ces deux transepts qui ne portent que de hautes piles octogonales du légères poutres, et l'irrégularité des rampants de cette
partie de l'édifice; il est évident que cette disposition était il nous sera permis que dire que les
voulue, cependanteaux prises avec des difficultés, n'ont pas su constructeurs, atteindre un 'résultat satisfaisant. II en est ainsi du léger gâble qui surmonte la porte Ouest, il n'est ni courbe ni droit, mais d'une forme indécise et, comme la fenêtre qui le surmonte, produit le plus fâcheux efTet.
Tout l'intérêt de la Chapelle réside particulièrement dans élégant clocher. Bâti de quilles légères, sur le sommet son d'un contrefort d'angle, il est surmonté d'une flèche gracieuse etde clochetons ;aux quatre angles ornée de crochets,de gâbles nous remarquons quatre petits marmousets des retombées
qui détachent curieusement leur silhouette dans le ciel.
Toule la richesse d'ornementation fut réservée aux façades Sud et Ouest; les contreforts sont ornés de niches peu profondes à pinacles fleuronnés couronnées de dais, et dont les supports sont ornés de têtes et de feuillages entrelacés. Des pinacles surmontaient autrefois ces contreforts.
La porte ogivale que surmonte une accolade à gros fleuron est formée de fines nervures et flanquée de deux colonnes bagues ornées de couronnes et cordelières,torses, avec et terminée par des pinacles fleuris; elle rappelle cette si riche et si féconde époque Louis XII que nous avons sur les bords de la Loire bien souvent admirée
Au-dessus de cette porte s'étale une large inscription supportée par des anges et sur laquelle on lit en caractères gothiques: Cette Chapelle · en l'honneur Mam-Doé l'an mille cinq cent qnarante et un nous y fait scavoir que chez Noblesse gisent (devocion) bonne foy, qui donne une date assez précise de la reconstruction de l"édifice . .
La porte principale du côté Ouest est aussi riche que la précédente, mais sans être d'aussi belles proportions, on y remarque pat'liculièrement les beaux feuillages qui ornent les gorges profondes de ces nervures et les deux personnages en ronde-bosse, aux amortissements du gâble au-dessus du bandeau. L'un représente un guerrier coiffé d'un casque et à corps d'animal, porlant un étendard déployé, l'autre une femme la tête couverte d'un voile et tenant une banderolle sur laquelle on lit ces mots : Pax: Vobis 1592. Les meneaux des fenêtres attirent peu d'intérêt; nous y avons même trouvé une certaine gaucherie d'exécution qui dénature certainement l'ensemble de l'œuvre.
Au-dessus du gros gable du transept sud sont sculptées des armoiries presque effacées ,et supportées par des griffons.
Nous ne quitterons pas l'extérieur sans parler des curieuses gargouilles et sujets d'amortissement des gâbles, homme au poisson, torse de femme courbée) animaux fantastiques, personnes à deux têtes, etc. , tous atteslant une période féconde en production, où la naïveté jointe à une sûreté d'exécution, engendra des combinaisons souvent bizarres, mais toujours intéressantes.
L'intérieur est peu remarquable; cependant nous y trouvons les belles piscines, pratiquées dans les murs, toutes quatre diverses de formes, que nous nous sommes plu à l'e produire fidèlement; puis de jolis bénitiers, les uns adossés, les autres isolés comme celui du XVIIe siècle, monté sur un groupe de quatre petites colonnettes engagées.
Dans le bas de la Chapelle il semble qu'on ait voulu établir une tribune dans de plus grandes proportions que celle qui existe aujourd'hui, si nous considérons les quatre encorbellements puissants placés le long des murs latéraux.
A l'angle Sud·Ouest un escalier à noyau central conduit à la tribune.
N'oublions pas de mentionner aussi les quelques consoles ou supports habilement sculptés, les deux du fond du chœur qui sont figurés sur nos dessins attirent particulièrement l'attention; ils représentent des monstres marins prêts à dévorer un mortel.
Au XVIIe siècle on pratiqua dans le mur Sud une autre porte, qui, ornée de deux colonnes isolées, disparues maintenant, devait produire un très bel effet. Elle est en arc surbaissée, ornée de pilastres, d'une fine corniche et d'un fronton au-dessous duquel on remarque un petit motif sculpté également en ronde-bosse, représen tant le Père Eternel couronné de la tiare. Les petits pilastres sont ornés de têtes d'anges et de démons; sur les socles des colonnes se voient, mais bien mutilés, des personnages ailés; et au-dessus des entablements, de riches dais abritant sans doute des statues de pierre aujourd'hui disparues. La restauration, mais surtout la conservation de cet édifice, s'imposent. Aussi demanderons-nous à M. le Ministre des Beaux-Arts de vouloir bien le classer parmi les monuments historiques de la région,si caractéristiques dans département, pour l'étude des anciennes écoles françaises,
CHARLES CHAUSSE PIED
— COMITÉ D'ANIMATION
https://chapelletymammdoue.com
— COUFFON (René), 1980, Notice sur Quimper, in Nouveau répertoire des églises de chapelles du diocèse de Quimper et Léon
"Cette chapelle dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud. Elle remonte au XVIe siècle. L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique : " CESTE CHAPELLE EN LHOEUR/DE MAM DOE. L : M : Vcc : XLI./... " Le chevet à noues multiples date de cette époque. Au-dessus de la porte sud, autre inscription : " INRI/O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. " Enfin, la porte ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. " Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. "
— PEYRON (Paul), 1893 Notice sur la chapelle Ty-Mam-Doue en Kerfeunteun · A. de Kerangal
La Mère - de - Dieu (Ty-Mam-Doue). La chapelle Ty-Mam-Doué ou de la Maison de la Mère de Dieu, située à trois kilomètres de Quimper, faisait autrefois partie de la paroisse de Cuzon, mais a été réunie depuis le Concordat à celle de Kerfeunteun. Cette chapelle est un lieu de pèlerinage fort fréquenté, tout particulièrement par les habitants de Quimper, tant à cause de sa proximité de la ville, qu'à raison de la dévotion traditionnelle qui, de temps immémorial, s'est manifestée en ce lieu, en l'honneur de la Mère de Dieu. A quelle époque faut-il faire remonter les origines de cet oratoire? C'est ce qu'il n'est pas possible de préciser, et nous ne pouvons répondre à cette question que dune manière approximative. Un arrêt du Parlement de Bretagne rendu le l6 Avril 1556 nous apprend que l'an 1540, Pierre Kernechquivilic, lors sieur de Keranmanoir, sur le terrain duquel était bâtie la chapelle, « aurait permis aux paroissiens de Choeuzon de refaire et reconstruire de nouveau certaine chapelle appelée chapelle de la Mère de Dieu ». Le premier édifice était donc en ruine au commencement du xvie siècle, ce qui suppose une existence antérieure d'au moins deux siècles. Il serait dès lors permis de conclure que la première construction datait de la première partie du xive siècle, et si l'on rapproche cette date de celle de la translation de la maison de Nazareth à Lorette en 1295, et de la dénomination sous laquelle a été connu de tout temps l'oratoire de Kerfeunteun : Chapelle de Ia Maison de la Mère de Dieu, il ne sera pas téméraire d'avancer que la chapelle de Ty-Mam-Doue a été construite en mémoire de la translation miraculeuse de la maison où s'est accompli le mystère de la Maternité divine, et que cette construction date d'une époque rapprochée de ce grand événement. Cette conjecture est encore confirmée par l'existence des deux édifices séparés qui se voient en ce lieu de Keranmaner, dont l'un affecte la forme d'une simple maison convertie en oratoire [détruit en 1969] et l'autre est la chapelle proprement dite de la Maison de la Mère de Dieu. Il serait difficile d'expliquer autrement le voisinage si rapproché de ces deux édifices.
Le manoir noble de Keranmaner, sur les terres duquel était bâtie la chapelle, relevait de l'Evêque de Quimper, auquel il payait la dîme. Ce manoir était possédé en 1509, par Jean Le Scanff, veuf de Marguerite Noël ; En 1540, il appartenait, d'après l'arrêt cité plus haut, à Pierre Kernechquivilic, qui, en 1549, le délaissa, à titre de féage, à Jehan Furic, époux (en 1562) de demoiselle Jeanne Le Cleuziou ; mais cette cession était faite à condition « qu'il ne serait permis à nulle personne fors audit « Kernechquivilic avoir et mettre armoieries et intersignes de noblesse, sans le congé du dit Kernechquivilic, suivant lequel contrat le dit de Kernechquivilic aurait « fait apposer des armoieries au portail d'icelle chapelle « lesquelles y auraient tousjours esté au veu et sceu de tous les paroissiens et si longuement que le dit de Kernechquivilic a esté sieur du dit lieu de Keranmanoir ». Le sieur de Kernechquivilic ne figure pas dans l'armorial de M. de Courcy, et il serait inutile de rechercher ses armes au portail de la chapelle, car cette partie de l'édifice porte la date de 1592. Non obstant la réserve formelle de l'acte de cession, Jehan Furic avait fait apposer ses armoiries sur la chapelle ; mais aussitôt le sieur de Kernechquivilic les avait fait abattre, et en 1556, il remontrait au Parlement que la dite chapelle « était assise au fief de l'Evêque de Cornouaille, dedans lequel fief n'était permis d'avoir armoieries en bosse, si non audit Evêque et aux gentilshommes de la paroisse ; que le dit Furic était roturier et de basse condition, incapable de jouir des droits et prérogatives appartenant à gens extraits de noble lignée ».
Le premier Avril 1556, un arrêt du Parlement reconnut le bien fondé de la réclamation et condamna le sieur Furic à l'amende et aux dépens. Le sieurs Furic furent, du reste, à diverses reprises déboutés de leurs prétentions à la noblesse, ce qui n'empêche pas que leurs armes soient les seules qui se voient de nos jours dans la chapelle de la Mère-de-Dieu. Elles sont sculptées en bois sur la tribune, qui date vraisemblablement de 1592 comme le portail, et portent dazur à trois croisettes au pied fiché et haussé d'or. Les Furic demeurèrent propriétaires de Keranmanoir, de 1547 au commencement du XVIIIe siècle ; car après Jehan Furic, qui figure comme possesseur en 1547-1562, nous trouvons mentionnés en 1604, comme seigneurs de Keranmanoir, « nobles gens Yves Furic, Guillaume Furic et autres » ; et en 1681, « la dame Marie du Stangier, veuve de noble homme Ignace Furic ». Nous devons avouer que c'est de leur temps, et grâce sans doute à leur générosité, que fut rebâtie presque totalement la chapelle.
Grande chapelle actuelle
Elle est d'un très heureux effet, surtout vue à travers les arbres du placître. Ce qui lui donne particulièrement du pittoresque, c'est son petit clocher si singulièrement campé sur un contrefort d'angle, orné de niches et de dais, la belle porte sculptée et feuillagée à côté de ce contrefort, la fenêtre et le grand pignon du transept Sud et les pignons aigus de l'abside. Au-dessus de cette porte ornementée, se lit la date de cette partie de la construction, écrite en caractères gothiques sur un cartouche tenu par deux petits personnages.
Cette légende, avec ses abréviations, est très difficile à déchiffrer ; la voici, d'après la dernière lecture qu'en a faite M. Lucien Lécureux :
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE Z BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
La petite porte Sud de la nef a été percée après coup, comme l'indique le style de son encadrement et de son fronton, et comme l'atteste l'inscription de la frise :
M.P. CORAY. RECTEVR . 1605
Le portail Ouest, donnant au bord de la route, est tout à fait dans la note gothique, et on est porté à lui attribuer la même date qu'au transept Midi et à l'abside, et cependant il serait de beaucoup postérieur d'après l'inscription que tient un ange sur une banderole à main droite de la porte :
PAX . VOBIS . 1592
De l'autre côté, un homme d'armes, en cariatide, porte une bannière ou enseigne fixée à une hampe ou branche à nœuds. Sur le côté Nord, nous trouvons une autre date :
Cette chapelle qui dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon, dépend maintenant de la paroisse de Kerfeunten à Quimper.
La chapelle de Ty Mamm Doué, en français "Maison de la Mère de Dieu", doit sans doute son nom à un modeste oratoire de 1295, démoli en 1969. C'est probablement en cet oratoire que le père Julien Maunoir aurait reçu selon la croyance, le 8 juin 1631, le don de la langue bretonne du doigt d'un ange, un jour de Pentecôte.
Edifiée près du petit oratoire entre 1541 et 1592, en pierres de taille en granite, dans un style gothique, elle fut complétée entre 1605 et 1621 dans un style renaissance, souvent visible sur la face sud.
Cette chapelle est de dimension importante. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour, de type cornouaillais, est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud.
Un pèlerinage muet (en silence), le Pardon Mud, s'y déroulait le Jeudi Saint : les paroissiens, sans leur clergé; devaient faire trois fois le tour de la chapelle dans le sens du parcours du soleil.
Éléments historiques basés sur les inscriptions de 1541, 1578, 1592; 1605 et 1621 :
L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique la date de 1541:
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
Le chevet à noues multiples date de cette époque.
Le premier propriétaire était donc au XVIe siècle Pierre de Quénec'h-Quivilly, seigneur du Faou, propriétaire du manoir de Keranmaner, situé en haut du vallon occupé par la chapelle.
Manoir de Keramaner, à 300 mètres plus haut que la chapelle de la Mère-de-Dieu, du même côté de la route. Portail d'entrée de la cour d'honneur, style de la fin de la période ogivale, dans le genre du portail du manoir de La Forêt : pilastres carrés, avec bases et chapiteaux à moulures gothiques, surmontés de pinacles aigus et portant une arcade surbaissée à moulures prismatiques, et saillie à crossettes feuillagées. A la hauteur des chapiteaux, lions héraldiques. Grande cour précédent le manoir, puits entouré dune margelle à larges moulures. Maison développant une vaste façade à trois ouvertures au rez-de-chaussée, trois à l'étage et, dans les combles, trois lucarnes à frontons héraicirculaires, genre Renaissance, tandis que les chevronnières des pignons sont garnies de crossettes à feuilles de choux. A l'intérieur, portes gothiques, cheminées moulurées en granit, armoiries des Furic, 3 croix. Grand escalier tournant.
1509. Aveu de Jean Le Scanff, et femme Marguerite Nouel. L'Evêque lui fait don du devoir de bail. Mais Pierre de Quenechquivillic est sujet à ce droit pour le lieu de Keranmanic en 1515. Cependant, le 16 Décembre 1520, l'Evêque Claude de Rohan fait don de ce droit de bail au dit Pierre de Quenechquivillic, à cause de l'acquêt fait par lui du manoir de Keramaner. Lorsque celui-ci mourut en 1529, l'Evêque fit également don de bail à ses enfants en faveur et considération du Sgr du Faouet. (P. Peyron)
Puis, en 1548, le négociant en toile à voile Jehan Furic (*) s'affranchit, en monnaies portugaises, de Pierre de Quénec'h-Quivilly, pour le manoir et les terres.
"C'est un autre Pierre Quenechquivillic, fils du précédent, qui vendit Keranmanoir à Jean Furic, qui, le 7 Décembre 1554, rendant aveu, déclare tenir au fief de l'Evêque à droit de bail, le lieu noble de Keranmanoir, sa chapelle, cave, bois, laiterie et haute futaye et la métairie dite village de Keranmanic. En 1561. L'évêque Etienne Boucher cède le bois de Coetnescop à Jean Furic, Sr de Keranmanoir, qui donne en échange le pré du Pichiry, en Kerfeunteun.
En 1562. Aveu de noble Jean Furic et demoiselle Jeanne Le Cleuziou, sa femme." (P. Peyron)
La propriété passa à son fils Pierre (**). (Son petit-fils, l’amiral de Kerguelen, hérite en 1772 de Keranmaner et des terres au nom du droit d’aînesse. Il ne résidera jamais au manoir).
(*)Jean Furic avait épousé le 7 février 1539 Anna Fily, d'où Françoise (1940), Jacques (1542), Pierre (1543), Pierre (1545), Anna (1546), Marie (1547), Yvon (1548), Guillamete, Jahanna, et Thomas (1553), François (1559), Jehan (1561), Guillaume (1561), Hervé (1563) et Yves (1564) (les derniers de Jahanna Le Cleuziou). 1604. Aveu de nobles gents Me Yves Furic, Sr de Treffentec.
(**) Pierre Furic épousa Jehanne Le Cleuziou le 28 juillet 1571. Devenu veuf, Il épousa ensuite, le 5 mars 1590, Jeanne de Kergadalen, puis en 1591 Rauanne du Mûr, d'où une fille Margaritte en 1596.
—Divers : Dans un parchemin daté de 1495 portant son testament, Thomas Furic, prêtre, léguait à la cathédrale de Quimper dix écus d'or.
Une des tours des fortifications de Quimper portait le nom de Tour Furic, "nom d'une famille nombreuse et puisssante qui fournit un assez grand nombre de membres à l'église de Quimper".
Dans la cathédrale de Quimper, le 27 avril 1498, Jehan Furic et Françoise, sa femme, bourgeois et habitants de Quimper, fondent un anniversaire de 20 sols, forte monnaie de rente, et choisissent leur sépulture en la chapelle de Saint-Benoît, près de celles de leurs parents. Un acte de 1623 mentionne, près du même autel, la tombe de Jeanne Furic. (Le Men)
Selon L'archiviste Le Men, "Une troisième chapellenie fut fondée sur cet autel, vers la même époque (de 1471 à 1490), parGuillaume Periou, recteur de Laz, qui fut procureur de la fabrique de 1468 à 1487. Il en laissa le patronage à ses neveux Jean, Guillaume et Thomas Furic Cette chapellenie, qui finit par prendre le nom de Chapellenie de Saint-Guillaume ou des Furic, fut successivement présentée par Pierre Furic, en 1529 ; par noble homme François en 1609 ; par noble homme Julien Furic, sieur du Run, fils aîné d’autre noble homme Jan Furic, sieur de Keramaner, en 1620 ; et enfin par Ignace Furic, sieur de Kergourant, en 1731. La famille Furic qui fut déboutée à la réformation de 1668, avait pour armes, d’après un sceau de 1731, des archives du Finistère : d’azur à 3 croisettes au pied haussé d’or. Ces armoiries se voient à l’intérieur et au bas de la chapelle de la Mère de Dieu, près Quimper, ou les sieurs de Keramaner avaient sans doute des prééminences. Les Furic avaient le privilège de voir leur tombe de 1575 située dans la nef et le transept de cathédrale de Quimper" (Monographie Le Men)
1713. Aveu d'écuyer Hervé-Louis de Kerléan, Sr de I Poulguinan, tuteur des enfants de feu Gervais Budoes, Sr de Kerléan, et de dame Anne-Corentine Furic, Sr et I dame de l'Isle."
Au-dessus de la porte sud, se lit une autre inscription de 1578 : " INRI/ O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. "
Enfin, le porche ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. "
Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. "
Bâtie sur un terrain privé, elle fut vendue sous la Révolution au sieur Louis Ollivier, elle fut rachetée par la commune, restaurée en 1817 et rendue au culte vers 1822.
Les crossettes (pierres d'amortissement), la gargouille et les autres éléments figurés sont donc datables entre 1541 et 1578.
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Pour plus de précision, lire, infra en Sources, la description et l'historique du chanoine Paul Peyron datant de 1893.
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Situation.
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1. La carte de Cassini montre "la Mère de Dieu" située au nord de Kerfeunten, juste au dessous du manoir de Keramaner. À sa gauche, la rivière du Steïr effectue un coude à angle droit, tandis que sur la droite, le Frout descend verticalement, parallèle à l'Odet. Ces deux cours d'eau sont équipés de moulins. Plus à droite,l'Odet, passant par Cuzon.
On repérera deux importants axes routiers :
La route Brest-Lanvéoc-Locronan-Quimper.
La route Lesneven-Châteaulin-Quimper (ancienne voie romaine).
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Carte de Cassini, fin XVIIIe. Gallica.
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La carte de Cassini rend mal compte de la situation de la chapelle sur la droite d'un chemin qui remonte vers le manoir de Keramaner en longeant un vallon assez encaissé.
La Carte d'Etat-Major.
Elle montre mieux ce ruisseau qui se jette dans le Steïr après le moulin de Meilh Stang Bihan. Ce ruisseau est important car qui dit chapelle dit fontaine, laquelle précédait peut-être, par ses vertus, l'oratoire.
La chapelle située à 40 m d'altitude occupe un petit éperon surplombant de 20 m la division d'un cours d'eau.
La carte montre aussi que la route de Châteaulin longe le manoir de Keramener.
Le toponyme est toujours "Chapelle de la Mère de Dieu"
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Carte d'etat-major 1820-1866.
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L'hydrologie est mieux visible encore sur la carte IGN. La chapelle n'est pas nommée sur ce grossisement, mais le chemin porte le nom de Ty Mamm Doué.
Un lavoir était aménagé à proximité de la chapelle. Mais on ne trouve aucune mention d'une fontaine avec édicule, ni aucune carte-postale témoignant de son existence .
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Terminons par la vue aérienne où est indiqué l'axe général du vallon, et où son tracé est marqué par les arbres et buissons :
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Description des crossettes de la façade sud.
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La sirène et les acrobates sculptés des crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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I. LA SIRÈNE. Crossette du côté gauche de la première lucarne sud. Granite, XVIe siècle.
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C'est l'une des seules à n'être pas citée par Hiroko Amemiya, qui a compilé ces ornements de type sirène (femme-poisson) en Bretagne dans son "Vierge et démone" en en dénombrant 20, dont 13 en pierre, et parmi elles 9 crossettes. 8 sont en Finistère, celles de Landévennec, Saint-Urbain, Landerneau, Bodilis, Lampaul-Guimiliau, Ploudaniel (chapelle Saint-Eloi), Sizun, Kergrist-Moëlou et Vitré. Si on y ajoute la dizaine d'ornement de type femme-serpent, nous constatons que les maîtres-sculpteurs répondent à une demande générale d'ornementation bien particulière. Cela se confirmera avec le deuxième motif, l'acrobate.
Nous parlions de la situation de la chapelle par rapport au réseau hydrographique, et de l'existence d'une fontaine. Nous ne nous étonnons donc pas de voir ici célébrer une créature féérique du monde aquatique.
Tournée vers l'ouest, elle est couchée sur le ventre mais avec le buste dressé, sa généreuse poitrine en avant et la tête renversée en arrière et tournée vers les cieux. Son épaisse chevelure retombe sur ses épaules, tandis qu'une couverture est posée, comme une selle, sur son dos. Elle est dotée d'une incontestable queue de poisson, et son corps est couvert d'écailles en réseau de losanges, y compris les bras.
Elle tient en main gauche un objet rectangulaire qui devrait nêtre, selon l'iconographie, soit un miroir, soit plutôt un peigne.
Sa main droite, moins visible, semble posée sur son côté droit.
Par sa posture, nous pouvons la rapprocher de celles de Landerneau, de Sizun (côté ouest), de Saint-Urbain et de Lampaul-Guimiliau, ... qui tiennent toutes un miroir.
La sirène et les acrobates sculptés des crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
La sirène : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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II. L'ACROBATE. Crossette du côté droit de la première lucarne sud. Granite, XVIe siècle.
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Sa posture poitrine en avant et tête vers le ciel est symétrique de celle de la sirène. C'est un acrobate en renversement postérieur, les talons se rapprochant de l'occiput, et ce personnage est très fréquent (presque omniprésent) dans les crossettes des chapelles bretonnes, ainsi qu'en d'autres emplacement comme les sablières et les porches. C'est d'ailleurs ce qui permet d'affirmer que c'est bien un acrobate.
Mais celui-ci se livre à un exercice particulier : il s'appuie à un bâton passé entre ses bras pliés (cf. flêche).
Je pourrais séparer les saltimbanques travaillant sans accessoire de ceux qui augmentent leur performance en faisant appel à des barres, crochets et autres entraves, quitte à se lier (nous le verrons) à des collègues. J'ai découvert l'existence de ces derniers sur les sablières et surtout les abouts de poinçon de la charpente de Pleyben, puis sur ceux de Grâces en Guingamp.
Il porte les cheveux longs tombant sur les épaules, il est vêtu d'une tunique courte à bords festonnés, serrée par une ceinture, de chausses moulantes et de chaussures.
Si la sirène appartenait au monde de l'eau, cet acrobate nous renverrait plutôt à celui de l'air, ou, du moins, du renversement des valeurs.
Dans les deux cas, ils nous renvoient au domaine du jeu, de la fantaisie et de l'imagination.
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L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
L'acrobate : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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III. LE LION. Crossette du côté gauche du gable de la baie sud du transept.Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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IV. LE LION. Gargouille du côté gauche du gable de la baie sud du transept.Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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V. LA FEMME NUE. Crossette de l'angle sud-est. Granite, XVIe siècle.
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La posture de cette femme est difficile à comprendre. Elle est accroupie à l'angle d'un contrefort, une main sur le genou droit et l'autre sur la poitrine. Elle est coiffée d'une capuche.
Mais l'anatomie est bizarre, notamment pour cette "poitrine" et cette "main", et pour les épaules.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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VI. Crossettes des côtés est et nord . Granite, XVIe siècle.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Un dragon.
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Les crossettes (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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VII. LES DEUX ACROBATES JUMELÉS Crossette du nord, côté droit du gable du transept. Granite, XVIe siècle.
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On les a considérés, on les considère encore comme les effigies de Jean Furic et de son fils Pierre. Mais on peut opposer à cette opinion plusieurs objections.
Aucun monument breton du XVIe siècle ne montre, sauf exception, le portrait du commanditaire (et ici, du propriétaire du terrain) sosu la forme de crossettes, car ces pierres d'ammortissement sont consacrées à des figures animales fabuleuse ou non ( dragon, lion, chien), ou à des chimères (femmes-serpent ou femme-poisson), ou à des figures humaines marginales (acrobates) ou métaphores du Vice (le Buveur, le Trop-Mangeur, le ou la Lubrique). Aucun noble, aucun riche marchand n'aurait accepté de figurer sur ce "tiers-lieu" intermédiaire entre les murs et les toits, et, surtout, n'aurait accepté d'y être représenté "en figure". Seules les armoiries pourraient, pour affirmer leurs prééminences, s'y trouver, comme on les voeint inscrites dans les sablières.
Surtout,la posture visible si nous nous plaçons face à la baie, et non de biais, est celle, bien connue des amateurs de crossettes et de sablières, de l'homme aggripant d'une main sa cheville. C'est, toujours, une posture soit lubrique, soit d'acrobatie lors d'un renversement postérieur. Aucun notable n'aurait accepté de se voir affublé de ce geste réservé aux saltimbanques.
À Dirinon, l'acrobate, nu, empoigne sa cheville d'une main et touche son sexe de l'autre, tandis que c'est, au sud, un acrbate bien vêtu qui prend son pied . C'est une femme nue qui prend cette pose à Notre-Dame-de-Berven de Plouzévédé, à Saint-Hervé de Gourin, à Notre-Dame des Trois-Fontaines de Gouezec. Au château de Pontivy, c'est, en 4, un buveur, et en 21, un acrobate qui aggripent leurs chevilles. De même à l'angle de la Maison du Guet de La Martyre.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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Donc, nous avons affaire ici à un numéro d'acrobatie, tout comme sur la façade sud avec l'homme s'accrochant à une barre pour réaliser son renversement.
Mais ici, nous trouvons deux têtes, l'une moustachue, l'autre non, sortant de la même tunique plissée échancrée en V, et chacune coiffée d'un bonnet.
Nous n'en savons pas assez sur l'art des saltimbanques du XVIe siècle pour interprêter plus à fond cette figure d'acrobatie : s'agissait-il de réussir un renversement en duo, et enfermé dans la même tunique ? Ce serait une forme d'entrave.
Un peu comme à Pleyben ?
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Abouts de poinçon de l'église de Pleyben. Photo lavieb-aile.
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Pleyben. Photo lavieb-aile.
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Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
Les acrobates jumelés : crossette (granite,vers 1541 ) de la chapelle de Ty Mamm Doué à Quimper.
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LES CROSSETTES DU CLOCHER.
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1. L'acrobate de gauche, au dessus de la chambre des cloches. Crossette, granite, 1573.
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C'est le troisième exemple ici de l'acrobate empoignant ses chevilles pour réussir un renversement postérieur en bombant le torse. Il est coiffé du traditionnel bonnet, porte une veste courte à boutons, le bagou braz plissé et des chaussures.
En réalité, il ne saisit pas ses chevilles, mais il exerce une traction sur une barre ou une sangle (flêche) passée sous ses genoux : donc un nouvel exemple d'acrobatie avec accessoire.
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2. La femme tenant un livre et maintenant sa coiffe. Côté droit au dessus de la chambre des cloches. Crossette, granite, 1573.
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Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
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3. Un ange. Crossette, granite, 1573.
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Crossette du clocheton, granite, 1573. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1915, Inscriptions gravées et sculptées sur les églises et monuments du Finistère
Chapelle de la Mère de Dieu: (Ty-Mam-Doue) . Au-dessus de la porte principale Sud-Est est une inscription gothique dont voici la lecture d'après MM. le chanoine Abgrall, Waquet et Lucien Lécureux : Ceste chapelle en lhoeur (l'honneur) De Mam Doe l (an) MVecXLI Ainsy faits scavoir a che Noble sineur oage et bonne foi (hommage)
Avant d'envoyer au Salon de Paris, qui va bientôt s'ouvrir, les dessins et relevés de cette chapelle, nous avons pensé qu'il serait intéressant de les soumettre aux membres présents à cette séance, et qui sans doute connaissent ce joli monument situé aux portes de Quimper.
Une étude approfondie faite l'été dernier nous a permis de réunir dans un même cadre les ensembles et détail de ce curieux édifice.
Nous ne redirons point l'historique de cette chapelle, notre éminent collègue, M. le chanoine Peyron, nous a précédé dans cette tâche avec son talent habituel, nous nous contenterons d'y ajouter seulement une courte description purement archéologique.
La Chapelle de Ty-Mam-Doué, ou maison de la mère de Dieu, fut rebâtie vers le milieu du XVIe siècle sur le versant d'un coteau, et subit comme tous les monuments de celle époque diverses transformations successives.
En plan elle a la forme d'une croix latine orientée de l'Est à l'Ouest avec nef sans bas-côtés, large transept et abside terminée par un mur droit. le tout flanqué de contreforts d'angle, quoiqu'on n'eût sans doute point l'intention de la voûter. Les charpentes sont recouvertes d'un berceau en lambris
peint de date récente; il est probable qu'autrefois les entraits et poinçons de charpente étaient apparents, mais il furent coupés et l'on en retrouve quelques traces le long des murs.
De larges Laies géminées éclairent le fond du chevet et du transept, d'autres petites ajoutent encore de la lumière à l'intérieur de ce monument.
Outre la partie principale du côté Ouest, trois autres portes sont pratiquées dans lés murs, deux du côté Sud, une du côté Nord; une petite sacristie est adossée de ce à l'extérieur. .même côté avec sortie directe
Les proportions de cette Chapelle sont élégantes, mais certaines dispositions présentent des talonnements ou des erreurs regrettables.' Ainsi nous remarquons ces deux transepts qui ne portent que de hautes piles octogonales du légères poutres, et l'irrégularité des rampants de cette
partie de l'édifice; il est évident que cette disposition était il nous sera permis que dire que les
voulue, cependanteaux prises avec des difficultés, n'ont pas su constructeurs, atteindre un 'résultat satisfaisant. II en est ainsi du léger gâble qui surmonte la porte Ouest, il n'est ni courbe ni droit, mais d'une forme indécise et, comme la fenêtre qui le surmonte, produit le plus fâcheux efTet.
Tout l'intérêt de la Chapelle réside particulièrement dans élégant clocher. Bâti de quilles légères, sur le sommet son d'un contrefort d'angle, il est surmonté d'une flèche gracieuse etde clochetons ;aux quatre angles ornée de crochets,de gâbles nous remarquons quatre petits marmousets des retombées
qui détachent curieusement leur silhouette dans le ciel.
Toule la richesse d'ornementation fut réservée aux façades Sud et Ouest; les contreforts sont ornés de niches peu profondes à pinacles fleuronnés couronnées de dais, et dont les supports sont ornés de têtes et de feuillages entrelacés. surmontaient autrefois ces contreforts.
Des pinacles
La porte ogivale que surmonte une accolade à gros fleuron est formée de fines nervures et flanquée de deux colonnes bagues ornées de couronnes et cordelières,
torses, avec et terminée par des pinacles fleuris; elle ['appelle cette si riche et si féconde que nous avons époque Louis XII sur les bords de la Loire bien souvent admirée
Au-dessus de cette porte s'étale une large inscription supportée par des anges et sur laquelle on lit en caractèresgothiques: Cette Chapelle · en l'honneur Mam-Doé l'an mille cinq cent qnarante et un nous y fait scavoir que chez Noblesse gisent (devocion) bonne foy, qui donne une date assez précise de la reconstruction de l"édifice . .
La porte principale du côté Ouest est aussi riche que la précédente, mais sans être d'aussi belles proportions, on y remarque pat'liculièrement les beaux feuillages qui ornent les gorges profondes de ces nervures et les deux personnages en ronde-bosse, aux amortissements du gâble au-dessus du bandeau. L'un représente un guerrier coilTé d'un casque et à corps d'animal, porlant un étendard déployé, l"autre une femme la tête couverte d'un voile et tenant une banderolle sur laquelle on lit ces mots : Pax: Vobis 1592.
Les meneaux des fenêtres attirent peu d'intérêt; nous y avons même trouvé une certaine gaucherie d'exécution qui dénature certainement l'ensemble de l'œuvre.
Au-dessus du gl'os gàble du transept Sud sont sculptées des armoiries presque effacées ,et supportées par des grillons.
Nous ne quitterons pas l'extérieur sans parler des curieuses gargouilles et sujets d'amortissement des gâbles, homme au poisson, torse de femme courbée) animaux fantastiques, personnes à deux têtes, etc. , tous atteslant une période féconde en production, où la naïveté jointe à une sûreté d'exécution, engendra des combinaisons souvent bizarres, mais toujours intéressantes.
L'intérieur est peu remarquable; cependant nous y trouvons les belles piscines, pratiquées dans les murs, toutes quatre diverses de formes, que nous nous sommes plu à l'e produire fidèlement; puis de jolis bénitiers, les uns adossés, les autres isolés comme celui du XVIIe siècle, monté sur un groupe de quatre petites colonnettes engagées.
Dans le bas de la Chapelle il semble qu'on ait voulu établil' une tribune dans de plus grandes proportions que celle qui existe aujourd'hui, si nous considérons les quatre encorbellements puissants placés le long des murs latéraux.
A l'angle Sud·Ouest un escalier à noyau central conduit à la tribune.
N'oublions pas de mentionner aussi les quelques consoles ou supports habilement sculptés, les deux du fond du chœur qui sont figurés sur nos dessins attirent particulièrement l'attention; ils représentent des monstres marins prêts à dévorer un mortel.
Au XVIIe siècle on pratiqua dans le mur Sud une autre porte, qui, ornée de deux colonnes isolées, disparues maintenant, devait produire un très bel efTet. Elle est en arc surbaissée, ornée de pilastI'es, d'une fine corniche et d'unfronton au-dessous duquel on remm'que un petit motifsculpté également en ronde-bosse, représen tant le PèreEternel couronné de la tiare. Les petits pilastres sont ornés de têtes d'anges et de démons; sur les socles des colonnes se voient, mais bien mutilés, des personnages ailés; et au-dessus des entablements, de riches dais abritant sans doute des statues de pierre aujourd'hui disparues.La restauration, mais surtout la conservation de cet édifice, s'imposent. Aussi demanderons-nous à M. le Ministre des Beaux-Arts de vouloir bien le classer parmi les monuments historiques de la région,si caractéristiques dans département, pour l'étude des anciennes écoles françaises,
CHARLES CHAUSSE PIED
— COMITÉ D'ANIMATION
https://chapelletymammdoue.com
— COUFFON (René), 1980, Notice sur Quimper, in Nouveau répertoire des églises de chapelles du diocèse de Quimper et Léon
"Cette chapelle dépendait, avant la Révolution, de la paroisse de Cuzon. Elle comprend une nef, d'abord sans bas-côtés puis avec une travée séparée de ses bas-côtés par une architrave sur pilier octogonal, enfin un transept non saillant et un choeur profond à chevet plat. Bien que non voûtée en pierre, elle est flanquée de contreforts d'angle ; le petit clocher à jour est posé sur l'un de ces contreforts, côté sud. Elle remonte au XVIè siècle. L'an 1540, Pierre Quénec'h-Quivilly, seigneur de Keranmaner, permettait aux paroissiens de Cuzon de la reconstruire sur ses terres, et l'inscription gothique, au-dessus de la porte latérale sud, indique : " CESTE CHAPELLE EN LHOEUR/DE MAM DOE. L : M : Vcc : XLI./... " Le chevet à noues multiples date de cette époque. Au-dessus de la porte sud, autre inscription : " INRI/O. MATER. DEI. MEMENTO. MEI. 1578. " Enfin, la porte ouest, également toute gothique avec son gable tangent et coupant les piédroits, porte sur une banderole : " PAX : VOBIS. 1592. " Le style Renaissance apparaît, au contraire, sur la petite porte sud de la nef, sur laquelle on lit l'inscription : " M. P. CORAY. RECTEVR. 1605 ", et sur un linteau de la sacristie daté par l'inscription " M : I : CONNAN : RECTEVR. 1621. " A la croisée du transept, quatre entraits engoulés. Mobilier Maître-autel et deux autels latéraux de style néo-gothique, fin du XIXe siècle. - Chaire à prêcher avec abat-voix plat, début du XXe siècle ; bas-reliefs des Evangélistes sur les panneaux. - Stalles du choeur encore en place. - Deux confessionnaux cintrés, avec demi-dôme à écailles (début du XIXe siècle ?). Trois piscines gothiques, deux dans le choeur, une dans le transept nord. - Bénitier encastré et sculpté près de la porte ouest. Statues en bois polychrome : Christ en croix sur la poutre de gloire, autre Crucifix, Vierge à l'Enfant dite Notre Dame de Ty-Mam-Doué, XVIIe siècle, dans une niche en bois peint portant l'inscription : " GUERC'HEZ VARI MAM DOUE PEDIT EVIDOMP ", saint Joseph portant l'Enfant Jésus, Vierge aux mains jointes (Vierge au Calvaire ?), saint Jean-Baptiste, saint Corentin. Vitraux du début du XXe siècle dans le transept : au nord, verrière évoquant la construction des flèches de la cathédrale, très mutilée ; - au sud, " Souvenir reconnaissant des combattants de la Guerre 14-18 " : soldats montant à l'assaut accompagnés de Jeanne d'Arc ; en dessous, procession du pardon de Ty-Mam-Doué. Tableau de l'Assomption, peinture sur toile d'Olivier Perrin, en mauvais état, XVIIIe-XIXe siècle. . Cadran solaire au tympan d'une fenêtre du midi."
— PEYRON (Paul), 1893 Notice sur la chapelle Ty-Mam-Doue en Kerfeunteun · A. de Kerangal
La Mère - de - Dieu (Ty-Mam-Doue). La chapelle Ty-Mam-Doué ou de la Maison de la Mère de Dieu, située à trois kilomètres de Quimper, faisait autrefois partie de la paroisse de Cuzon, mais a été réunie depuis le Concordat à celle de Kerfeunteun. Cette chapelle est un lieu de pèlerinage fort fréquenté, tout particulièrement par les habitants de Quimper, tant à cause de sa proximité de la ville, qu'à raison de la dévotion traditionnelle qui, de temps immémorial, s'est manifestée en ce lieu, en l'honneur de la Mère de Dieu. A quelle époque faut-il faire remonter les origines de cet oratoire? C'est ce qu'il n'est pas possible de préciser, et nous ne pouvons répondre à cette question que dune manière approximative. Un arrêt du Parlement de Bretagne rendu le l6 Avril 1556 nous apprend que l'an 1540, Pierre Kernechquivilic, lors sieur de Keranmanoir, sur le terrain duquel était bâtie la chapelle, « aurait permis aux paroissiens de Choeuzon de refaire et reconstruire de nouveau certaine chapelle appelée chapelle de la Mère de Dieu ». Le premier édifice était donc en ruine au commencement du xvie siècle, ce qui suppose une existence antérieure d'au moins deux siècles. Il serait dès lors permis de conclure que la première construction datait de la première partie du xive siècle, et si l'on rapproche cette date de celle de la translation de la maison de Nazareth à Lorette en 1295, et de la dénomination sous laquelle a été connu de tout temps l'oratoire de Kerfeunteun : Chapelle de Ia Maison de la Mère de Dieu, il ne sera pas téméraire d'avancer que la chapelle de Ty-Mam-Doue a été construite en mémoire de la translation miraculeuse de la maison où s'est accompli le mystère de la Maternité divine, et que cette construction date d'une époque rapprochée de ce grand événement. Cette conjecture est encore confirmée par l'existence des deux édifices séparés qui se voient en ce lieu de Keranmaner, dont l'un affecte la forme d'une simple maison convertie en oratoire [détruit en 1969] et l'autre est la chapelle proprement dite de la Maison de la Mère de Dieu. Il serait difficile d'expliquer autrement le voisinage si rapproché de ces deux édifices.
Le manoir noble de Keranmaner, sur les terres duquel était bâtie la chapelle, relevait de l'Evêque de Quimper, auquel il payait la dîme. Ce manoir était possédé en 1509, par Jean Le Scanff, veuf de Marguerite Noël ; En 1540, il appartenait, d'après l'arrêt cité plus haut, à Pierre Kernechquivilic, qui, en 1549, le délaissa, à titre de féage, à Jehan Furic, époux (en 1562) de demoiselle Jeanne Le Cleuziou ; mais cette cession était faite à condition « qu'il ne serait permis à nulle personne fors audit « Kernechquivilic avoir et mettre armoieries et intersignes de noblesse, sans le congé du dit Kernechquivilic, suivant lequel contrat le dit de Kernechquivilic aurait « fait apposer des armoieries au portail d'icelle chapelle « lesquelles y auraient tousjours esté au veu et sceu de tous les paroissiens et si longuement que le dit de Kerec nechquivilic a esté sieur du dit lieu de Keranmanoir ». Le sieur de Kernechquivilic ne figure pas dans l'armorial de M. de Courcy, et il serait inutile de rechercher ses armes au portail de la chapelle, car cette partie de l'édifice porte la date de 1592. Non obstant la réserve formelle de l'acte de cession, Jehan Furic avait fait apposer ses armoiries sur la chapelle ; mais aussitôt le sieur de Kernechquivilic les avait fait abattre, et en 1556, il remontrait au Parlement que la dite chapelle « était assise au fief de l'Evêque de Cornouaille, dedans lequel fief n'était permis d'avoir armoieries en bosse, si non audit Evêque et aux gentilshommes de la paroisse ; que le dit Furic était roturier et de basse condition, incapable de jouir des droits et prérogatives appartenant à gens extraits de noble lignée ».
Le premier Avril 1556, un arrêt du Parlement reconnut le bien fondé de la réclamation et condamna le sieur Furic à l'amende et aux dépens. Le sieurs Furic furent, du reste, à diverses reprises déboutés de leurs prétentions à la noblesse, ce qui n'empêche pas que leurs armes soient les seules qui se voient de nos jours dans la chapelle de la Mère-de-Dieu. Elles sont sculptées en bois sur la tribune, qui date vraisemblablement de 1592 comme le portail, et portent dazur à trois croisettes au pied fiché et haussé dor. Les Furic demeurèrent propriétaires de Keranmanoir, de 1547 au commencement du XVIIIe siècle ; car après Jehan Furic, qui figure comme possesseur en 1547-1562, nous trouvons mentionnés en 1604, comme seigneurs de Keranmanoir, « nobles gens Yves Furic, Guillaume Furic et autres » ; et en 1681, « la dame Marie du Stangier, veuve de noble homme Ignace Furic ». Nous devons avouer que c'est de leur temps, et grâce sans doute à leur générosité, que fut rebâtie presque totalement la chapelle.
Grande chapelle actuelle
Elle est d'un très heureux effet, surtout vue à travers les arbres du placître. Ce qui lui donne particulièrement du pittoresque, c'est son petit clocher si singulièrement campé sur un contrefort d'angle, orné de niches et de dais, la belle porte sculptée et feuillagée à côté de ce contrefort, la fenêtre et le grand pignon du transept Sud et les pignons aigus de l'abside. Au-dessus de cette porte ornementée, se lit la date de cette partie de la construction, écrite en caractères gothiques sur un cartouche tenu par deux petits personnages.
Cette légende, avec ses abréviations, est très difficile à déchiffrer ; la voici, d'après la dernière lecture qu'en a faite M. Lucien Lécureux :
CESTE CHAPELLE EN LHÕ~EVR
DE MAM DOE L . M Vcc XLI
AINSY FAITZ SCAVOIR A CHE
NOBLE SINEVR ÕAGE Z BONNE FOI
Et l'on doit traduire ainsi :
Ceste chapelle en l'honneur
De Mam Doe (la Mère de Dieu) l'an 1541
Ainsi faitz (je) scavoir à ce
Noble seigneur hommage et bonne foi.
La petite porte Sud de la nef a été percée après coup, comme l'indique le style de son encadrement et de son fronton, et comme l'atteste l'inscription de la frise :
M.P. CORAY. RECTEVR . 1605
Le portail Ouest, donnant au bord de la route, est tout k fait dans la note gothique, et on est porté à lui attribuer la même date qu'au transept Midi et à l'abside, et cependant il serait de beaucoup postérieur d'après l'inscription que tient un ange sur une banderole à main droite de la porte :
PAX . VOBIS . 1592
De l'autre côté, un homme d'armes, en cariatide, porte une bannière ou enseigne fixée à une hampe ou branche à nœuds. Sur le côté Nord, nous trouvons une autre date :
INRI . O . MATER . DEI . MEMENTO . MEI . 1578
puis, du même côté, sur la porte :
MI . CONNAN . RECTEVR . 1621
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A l'intérieur, sans qu'il y ait grande richesse de style, on peut observer quelques curieuses particularités de construction, ainsi que deux ou trois piscines sculptées et moulurées. A gauche de l'entrée du chœur, sur un trône en chêne ouvragé, se trouve la statue vénérée de Notre-Dame, belle Vierge assise, ayant l'Enfant-Jésus debout sur ses genoux, et tenant dans la main droite une grande grappe de raisin. Cette statue est richement et noblement drapée. Les caractères de sa facture et les rapports qu'elle a avec la grande statue de Kerdévot semblent devoir lui assigner pour date l'époque de Louis XIII . En 1713, la terre de Keranmanoir appartenait aux enfants mineurs d'écuyer Germain Budos, sieur de Kerléan, dont est tuteur écuyer Hervé-Louis de Kerléan, - sieur de Poulguinan . Enfin, au moment de la Révolution, le propriétaire était le contre-amiral de Kerguélen-Trémarec. L'aveu rendu en 1775 spécifie le droit qu'avait le sieur de Kerguélen de faire exercer par ses fermiers « un droit de coutume sur toutes les denrées et marchandises qui s'y étaloient le jour du pardon » Il avait également dans la grande chapelle un banc avec ses armoiries ; ses armes se voyaient sur plusieurs portes des deux chapelles, et lors de la mort de sa femme, peu de temps avant la Révolution, M. de Kerguélen put ceindre la grande chapelle d'un cordon de deuil quil fit parsemer de ses armes.
Avant de raconter ce que devint la chapelle de la Mère-de-Dieu depuis la tourmente révolutionnaire, disons un mot de la grâce qu'y obtint le Vénérable Père Maunoir ; voici comment il raconte lui-même le fait dans la relation manuscrite qu'il a laissée des dix premières années de ses missions. « L'an 1630, je fus envoyé, dit-il, au collège de Quimper pour y professer la cinquième ; je ne pensais aucunement à me livrer aux travaux des missions de ce pays dont j'ignorais complètement la langue ; je me sentais plutôt poussé à obtenir de mes supérieurs d'être envoyé aux missions du Canada. Mais le Père Bernard, que je trouvais au collège, me fit un tel tableau du triste état du peuple d'Armorique, la rencontre que je fis à cette époque de M. Le Nobletz, ces diverses circonstances me portèrent à changer de sentiment. Sur ces entrefaites, comme j'allais un jour en pèlerinage visiter la chapelle de la Vierge que les habitants de ce pays appellent maison de la Mère de Dieu, je me sentis fortement porté à apprendre la langue bretonne, et il me sembla en même temps voir en mon esprit se dérouler tous les desseins de Dieu pour l'évangélisation des quatre diocèses de la Basse-Bretagne. Entré dans la chapelle, prosterné aux pieds de la sainte Mère de Dieu, je lui ouvris mon cœur et lui communiquais ce dessein que m'inspirait l'Esprit-Saint, la priant de le bénir et de faire que, pour la gloire de son fils, je puisse apprendre la langue bretonne. Cependant, devant les objections qui me furent faites touchant les difficultés extraordinaires qu'offrait l'étude de cette langue et le dommage qui en résulterait pour des études d'une toute autre importance, je résolus de ne rien entreprendre sans l'agrément du R. P. Provincial Barthélemy Jacquinot. « Grâce aux instances du Père Bernard, ia permission d'apprendre le breton me fut accordée le jour de la Pentecôte, et le ciel seconda si bien mon ardeur que, confiant dans la bonté et la puissance divine, le mardi suivant je fis le catéchisme au peuple en cette langue, et six semaines après je pus commencer à prêcher sans préparation écrite, gràce que Dieu m'a conservée jusqu'à ce jour. » C'est cette faveur vraiment extraordinaire que rappelle la belle fresque de M. Yan' Dargent à la cathédrale, près la porte de la sacristie,
Au moment de la Révolution, la terre de Keranmaner, appartenant à un des officiers les plus distingués de Ia Marine française, ne fut pas mise sous le sequestre, malgré l'absence du propriétaire, et la vente en fut faite au nom du contre-amiral de Kerguelen, au sieur Poullain, par acte du 28 Germinal, an IV.
Quant aux deux chapelles, elles avaient été vendues nationalement l'année précédente, le 8 Floréal, an III, à Louis Ollivier, du village de Kergariou, pour la somme de 3.150 fr. en assignats. Louis Ollivier, comme il le déclara lui-même devant la Municipalité de Kerfeunteun, le 5 Février 1806, n'avait fait cette acquisition que des deniers provenant de la libéralité des habitants de Ia commune et de beaucoup d'autres citoyens qui avaient une dévotion particulière pour cette chapelle » et dans l'intention de la faire rendre au culte dans des temps meilleurs. C'est dans ce but que le sieur Ollivier faisait don de la chapelle de la Mère-de-Dieu à la paroisse de Kerfeunteun par acte du 29 Août 1807. M. Vistorte, alors recteur de Kerfeunteun, voulut s'occuper immédiatement de la restauration de la chapelle. Mais à ce moment Keranmanoir appartenait à un nouveau propriétaire qui en avait fait l'acquisition l'an X, du sieur Poullain, et le nouveau venu prétendait que les pierres seules des chapelles, et non îe fonds, avaient été vendues au sieur Ollivier, et que dès lors il devait en débarrasser au plus tôt son terrain. Les Archives départementales (1) possèdent la lettre en forme de mémoire que le nouveau propriétaire écrivait au Préfet, le 4 Février 1812, pour soutenir le bien fondé de ses prétentions. Nous allons en citer les principaux passages, car quoique ce factum soit écrit dans un très mauvais esprit, il constate assez clairement la vénération profonde qui avait survécu à la tourmente révolutionnaire pour ce lieu de pèlerinage. Après avoir dit que les chapelles avaient été vendues seulement pour les pierres, à Louis Ollivier, l'auteur du factum ajoute : « Je viens d'apprendre que le sieur Vistorte, recteur se mettant aujourd'hui au lieu et place de l'acquéreur, profitant de l'embarras dans lequel m'avait jeté l'incendie que j'éprouvais le 1er Mai 1809, fit dans le courant de Juin réparer la petite chapelle et se dispose à réédifier la grande, qui n'est aujourd'hui qu'une misérable mazure à laquelle la simonie de ce curé rassemble tous les ans dans Ie courant de tout le carême particulièrement, une populace très nombreuse et très accablante, sous le prétexte spécieux de superstitieux miracles. « Oui, M. le Préfet, lorsque l'acquéreur du 8 floréal fit l'acquisition de ces matériaux, il était bien dans l'intention de les enlever pour réédifier les édifices de son domaine de Kergariou.[...]
Comme avant la Révolution, les habitants de Quimper et de Kerfeunteun reprirent avec plus d'empressement que jamais leurs pieuses visites à la Mère-de-Dieu, surtout pendant le Carême. Les dimanches, ils y venaient pour les vêpres, les jeudis, ils y amenaient leurs enfants pour la promenade des jours de congé, les vendredis, les paroissiens s'y rendaient nombreux pour faire l'exercice du chemin de la Croix et s'approcher des sacrements. Ces dévots usages se continuent encore aujourd'hui ; Mgr Sergent, de vénérée mémoire, ne manquait jamais d'y venir dire la messe, chaque année, pendant le Carême. Plusieurs pensionnats et congrégations de Quimper y viennent, tous les ans, se mettre sous la protection de la Mère de Dieu. Marie se plaît, comme autrefois, à écouter là ses enfants et à exaucer leurs prières. Les nombreux ex-voto qui entourent la statue en sont la meilleure preuve."
— ROSMORDUC (comte de) 1901 Papier contenant les naissances des enfants du sieur (Furic) de Keranmanoir et leurs mariages (1539-1596) ; document inédit. Bull. SAF
Ce calvaire, classé depuis 1926, a été peu décrit par les auteurs. René Couffon, auteur d'une monographie sur l'église de Plourac'h pour le Bulletin monumental en 1955 y consacre quelques lignes. Dans le cimetière se dresse un calvaire composé d'un massif d'où émergent trois colonnes. Celle du centre, plus élevée et à fût écoté, sert de support au Christ en croix refait à l'époque moderne ; les deux autres aux deux larrons. La colonne centrale porte une traverse aux extrémités de laquelle se dressent la sainte Vierge et saint Jean. Un peu au-dessous et faisant corps avec le fût, saint Michel ; enfin, au pied, Pietà à quatre personnages. La Vierge, entourée de saint-Jean et de la Madeleine, porte le corps du Christ sur ses genoux. Au revers, à la base, Notre-Seigneur attendant le supplice. C'est là un des nombreux calvaires en kersanton édifiés par les ateliers landernéens. Il est à rapprocher, notamment, de ceux de Saint-Hernin et de Braspartz, tous deux dus, d'ailleurs, à un même artiste et datant du XVIème siècle.
La plateforme POP consacre à l'église et au calvaire une notice IA00003364 , renvoyant à la base Palissy PA00089317 précisant ceci : "A côté de l'église, dans le cimetière, est érigé un calvaire du 15e siècle [sic]. La base est surmontée de trois croix portant Jésus et les deux larrons. Sur les culs de lampe en forme de branches, deux statues de saintes femmes [sic]. Au-dessous d'elles, sur le fût, un ange porte les instruments de la Passion [sic]. Au pied de la croix, quatre personnages devant une descente de croix [sic]. A l'arrière, scène de la flagellation [sic]." Difficile de se fonder sur une description cumulant tant d'erreurs ou d'approximations.
Le porche de l'église de Plourac'h, par le second atelier du Folgoët, daterait vers 1510. La chapelle nord fondée par Charles Clévédé (Glévédé) est datée de 1500 ou 1506.
Le calvaire de Plourac'h adopte la même composition que celui de Laz, de Brasparts et de Saint-Hernin (Couffon), mais aussi de Mellac et de Motreff, associant une Croix où le Christ est entouré d'anges hématophores (perdu à Plourac'h), et au verso un Christ aux liens ou un Christ de la Résurrection, avec deux gibets des Larrons, un croisillon, une Déploration (le plus souvent en grès arkosique, parfois en kersanton), un fût sculpté d'un saint Michel terrassant le dragon, et des marmousets. Tous sont datables de la même période, vers 1500-1527.
Les points communs avec le calvaire de Laz de 1527 et 1563 sont notables puisque Charles Clévédé était, au début du XVIe siècle, à la fois seigneur de Kerlosquet en Plourac'h et de Coat Bihan en Laz ; et que la Déploration de "sa"chapelle de Plourac'h est issue, comme plusieurs statues de l'église, du même atelier, dit du Maître de Laz, que celle de 1527 du calvaire de Laz, et sculptée dans le même matériau extrait dans le "bassin de Châteaulin" autour de Châteauneuf-du-Faou, le grès vert "arkosique".
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La confusion entre la kersantite et le grès arkosique est fréquente, et la distinction entre les deux pierres est parfois délicate, malgré la teinte verte du grès, surtout lorsque les lichens viennent perturber le regard. Néanmoins, il me semble que la Déploration du calvaire de Plourac'h est en grès arkosique (ce qui serait très logique dans le contexte qui vient d'être décrit). Mais il est bien difficile à un chercheur solitaire, en l'absence de documentation solide, de s'aventurer à de telles affirmations. Je les assume, et le lecteur les appréciera pour ce qu'elles sont.
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Description rapide du calvaire.
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Au centre du cimetière de l'église, il est correctement "orienté", c'est-à-dire que le Christ en croix est tourné vers l'occident. Il occupe sans doute son emplacement d'origine
Le soubassement monolithique carré en granite, à bords biseautés est posé sur un édifice de quatre rangs de pierres de taille doté d'une table d'offrande vers l'ouest.
Il porte trois fûts de granite : les deux gibets des Larrons, de section carrée, puis polygonale puis ronde, et le fût plus élevé et à un croisillon, alternant les mêmes sections, du Crucifix. Chacun porte, par un tambour mouluré, soit un gibet, soit une croix, cylindriques.
Sur le soubassement a été placée, devant la Croix, la Déploration à quatre personnages, peut-être en grès arkosique. Juste au dessus de ce groupe, mais sculpté dans le granite du fût, un saint Michel terrasse le dragon de la pointe de son épée. Puis deux marmousets, tenant peut-être jadis un écu, font office de croisillon, recevant les statues de la Vierge et de saint Jean (modernes : socle rectangulaire mal adapté au support). La croix cylindrique, le Christ et le titulus INRI sont modernes.
Les deux larrons en granite semblent anciens, mais de deux types différents.
Du côté oriental, un Christ aux liens en granite est posé sur le soubassement.
I. LA DÉPLORATION DU CALVAIRE.
1. Le matériau.
Le grès arkosique (feldspathique), à grain très fin, de couleur gris-verdâtre, du Centre Bretagne, se prête bien à la sculpture par sa relative tendreté et son aptitude à la taille. Il est abondant dans le bassin de Châteaulin, c'est-à-dire une partie du Centre-Finistère (Châteauneuf-du-faou), où il été utilisé en architecture et en sculpture (Ollivier, 1993). L'architecture domestique (bâtiments de fermes, manoirs) et l'architecture religieuse (église du Cloître-Pleyben, sacristie de Pleyben, chapelles) lui ont fait largement appel aux XVème, XVIème et XVIIème siècles. Dans le domaine de la sculpture, P. Eveillard en a découvert l' emploi dès le second Age du fer et à la période gallo-romaine (génie au cucullus) . Aux XVIème et XVIIème siècles, il alimenta une statuaire abondante (plusieurs rondes-bosses dans les calvaires de Pleyben et de Saint Venec en Briec, par exemple) et concurrença même le célèbre kersanton. Voir l'analyse de Louis Chauris, Les grès verts de Châteaulin, cité en bibliographie.
Il était déjà employé à Laz vers 1350, dans un groupe du cavalier mourant conservé près de l'église, déjà présenté ici. Puis vers 1470 sur le bas-relief de la Vierge de Pitié aux anges de tendresse de la porte d'entrée de l'ancien presbytère. Puis, le sculpteur désigné par le nom de convention de Maître de Laz l'employa en 1527 pour la Déploration du calvaire de l'ancien cimetière.
Ce Maître de Laz est aussi l'auteur de la Déploration de l'église de Plourac'h, presque similaire, mais aussi de celle de Saint-Hernin et de la Pietà de Briec-sur-Odet. Mais aussi de trois autres statues de l'église de Plourac'h, celles de Saint-Patern, de Saint-Adrien, et de Sainte-Marguerite.
Le même matériau est employé au milieu du XVIe siècle pour la belle Trinité du porche de Clohars-Fouesnant.
Il est souvent confondu avec le kersanton (comme pour cette Déploration dans la description de Y.P. Castel).
Sur les sculptures en grès arkosique feldspathique :
2. Le thème de la Déploration (souvent assimilé aux Vierges de Pitié)
Les représentations sculptées de la Vierge de Pitié, tenant le corps de son Fils déposé de la croix, soit seule (Pietà), soit entourée de plusieurs personnages (Déplorations), apparaissent au XVe siècle (Pietà du calvaire de Tronoën, de Plozévet, de Quintin, chapelle N.D. des Portes ; Déplorations de La Chapelle-des-Fougeretz au nord de Rennes, du Musée départemental breton de Quimper etc.) et témoignent de l'importance, dans le duché de Bretagne, du culte centré sur les plaies du Christ crucifié et le sang versé, d'une part, et su les larmes ou le chagrin suscités chez le chrétien par cette mort, d'autre part.
Ce culte s'amplifie encore au XVIe siècle avec la multiplication des calvaires, où les pietà ou déplorations sont rarement absentes, et des verrières de la Crucifixion avec leur scènes de la Pâmoison ou de la Déploration. Dans cette dévotion associant pour le fidèle méditation devant la mort du Rédempteur, élan de chagrin intériorisé, larmes versées et gratitude, Marie-Madeleine est un personnage majeur, par sa participation aux soins ("embaumement") et par l'intensité de son chagrin.
Aucune trace de polychromie n'est visible sur la pierre gris-vert seulement marquée par des lichens ras, blancs et verts, et par des micro-organismes. La pierre est de grain fin, striée par de fines lignes obliques vers le haut et la gauche.
Jean et la Vierge sont assis et portent le corps du Christ sur leurs genoux, tandis que Marie-Madeleine est debout ; mais pourtant les trois personnages ont la même taille. Le Christ est dans la posture la plus classique dans les Vierges de Pitié, la tête vers notre gauche, le bras droit vertical et le bras gauche tenu par sa Mère ; mais de façon très inhabituelle les plaies ne sont pas figurées (alors que le nombril et les mamelons le sont). Le relief des côtes n'est pas indiquée.
Il est couronné d'épines, la bouche entrouverte, barbu, les cheveux mi-longs descendant en mèches peignées et bouclées. Ses jambes fléchies longent la jambe gauche de Marie, les pieds ne sont pas croisés. Le corps ne repose pas sur un suaire, mais sur les pans des manteaux de Jean et Marie, qui forment sur le socle une série de plis. Seul, le pied nu de Jean est visible parmi ces plis.
Jean épaule la Vierge, mais sa tête et son regard sont tournés vers la droite, vers l'extérieur, tandis que sa main droite posée sur la joue lui donne un air consterné ou perdu.
Il est vêtu d'un manteau dont il retient le pan droit de la main gauche, et d'une robe fortement plissée aux manches, et dont l'encolure est marquée par un galon. Son visage rond est encadré par les mèches bouclées descendant sur les épaules ; les yeux sont ombragés par des orbites profondes.
La Vierge porte le manteau-voile, qui encadre sa tête sans plis ni ailes, la guimpe, une robe aux manches aussi plissées que celle de Jean, et serrée par une ceinture de cuir. Son visage rond est inexpressif, le nez est fort, les lèvres avancées.
À son habitude, Marie-Madeleine brille par son élégance (la bride perlée de son manteau, le pan droit du manteau fixé par une troussière au poignet gauche) et par ses longs cheveux dénoués. Elle porte par un geste délicat de la main gauche un flacon d'aromates au pot strié et au couvercle conique, mais rien n'indique ici qu'elle s'apprête à l'utiliser, et sa main droite repose sur sa poitrine. Elle a le visage le plus animé des trois personnages, sans doute par la ligne des paupières, et une bouche plus fine.
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Voir les autres Déplorations (classées par ordre chronologique approximatif) :
Déploration (grés arkosique , début du XVIe siècle) du calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Déploration (grés arkosique , début du XVIe siècle) du calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Déploration (grés arkosique , début du XVIe siècle) du calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Déploration (grés arkosique , début du XVIe siècle) du calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Déploration (grés arkosique , début du XVIe siècle) du calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Déploration (grés arkosique , début du XVIe siècle) du calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Déploration (grés arkosique , début du XVIe siècle) du calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Déploration (grés arkosique , début du XVIe siècle) du calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
Déploration (grés arkosique , début du XVIe siècle) du calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h. Photographie lavieb-aile juin 2023.
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LE CALVAIRE PROPREMENT DIT.
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I. LA FACE PRINCIPALE, OCCIDENTALE.
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Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Saint Michel [saint Georges] terrassant le dragon.
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Ce saint est sculpté dans la masse du fût lui-même, comme à Brasparts, Saint-Hernin, Mellac, et Motreff, mais son bouclier n'est pas rond (Brasparts, Motreff), il a la forme d'un écu (Saint-Hernin, Mellac, Laz). Comme à Laz, il est orné d'une croix, ce qui peut inciter à y voir saint Georges.
Malgré l'érosion du granite, on devine qu'il est en armure ; sa très longue épée passe en diagonale devant lui pour menacer de sa pointe la gueule d'un dragon bien moins développé que sur les autres calvaires.
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Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Les marmousets formant le croisillon.
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Yves-Pascal Castel désigne sous le nom de "marmouset" ces personnages qui fanfaronnent et bombent le torse sur tous les calvaires de notre série. Ils peuvent être plus nombreux, mais ici ils ne sont que deux pour servir de support aux deux personnages du pied de la croix. Ils tendent les bras en arrière pour tenir (uniquement sur cette face) un écusson. C'erst la comparaison avec d'autres calvaires, où il est plus facile d'affirmer qu'il s'agit d'un écu, qui permet de distinguer ici cet accessoire.
La forme des bonnets ou les détails des tuniques sont effacés par l'érosion.
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Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Le Christ en croix, la Vierge et saint Jean.
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René Couffon indique que le Christ et sa croix sont modernes ; mais je pense que la Vierge et saint Jean, qui regardent tous les deux en l'air et non vers le Christ, et dont le socle est rectangulaire, sont également modernes.
Il est vraisemblable que le Christ d'origine était accompagné des anges hématophores habituels.
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Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
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Les Larrons.
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Ils sont liés de façon différente ; et seul le mauvais Larron a la jambe droite fléchie à angle droit, l'autre seule étant liée. L'un porte une culotte (sans crevés, qui viendront plus tard avec la Renaissance) et l'autre un pagne. Les cheveux "en boules " du Mauvais Larron rappelent le style de l'Atelier du Folgoët (qui réalisa le porche).
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Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
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II. LA FACE ORIENTALE.
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On n'y trouve que la statue en ronde-bosse, apparemment taillé dans le bloc du fût, d'un Christ aux liens en granite, assis, lié aux poignets et aux chevilles, et dont la main droite brisée tenait sans-doute le roseau de la dérision.
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Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
Le calvaire du cimetière de l'église de Plourac'h (début du XVIe siècle). Photographie lavieb-aile juin 2023.
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SOURCES ET LIENS.
— CHAURIS (Louis), 2010, Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne Deuxième partie : Roches sédimentaires, Revue archéologique de l'Ouest.
— COUFFON (René), 1958, L'Iconographie de la Mise au tombeau en Bretagne In: Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne vol. 38 (1958) p. 5-28.
— ÉVEILLARD (Jean-Yves), 1995, Statues de l'Antiquité remaniées à l'époque moderne: l'exemple d'une tête au cucullus à Châteauneuf-du-Faou (Finistère) Revue archéologique de l'Ouest année 1995 12 pp. 139-146
—LE SEAC'H (Emmanuelle), 2015, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, Presses Universitaires de Rennes pages 249-250.
— OLLIVIER, (Sophie), 1993 -L'architecture et la statuaire en grès arkosique dans la vallée de l'Aulne centrale. Mém. de maîtrise d'histoire (inédit), J.Y. Eveillard, dir., U.B.O., Brest, 2 vol.
— PAVIS-HERMON, 1968, Dossier IA0003364 de l'Inventaire général et M.M TUGORES, D. MOREZ 1968
Le calvaire de Laz est situé aujourd'hui au centre du cimetière. Son soubassement rectangulaire ou "mace" en granite forme un emmarchement de 4 mètres où trois blocs cylindriques recoivent les fûts des trois croix. Une loge à l'arrière est fermée par une porte en bois.
Un support en granite de 1,25 m de haut, proche d'une table d'offrande, est installé devant le soubassement et porte la Déploration, datée et signée.
Les gibets de section ronde portent les larrons, celui de gauche étant moderne. Le fût central à pans sur socle cubique et console figurée porte un croisillon à deux statues modernes, celle de la Vierge et de saint Jean. Sur un nœud portant l'inscription Ecce Homo 1563, le second étage de fût porte le Crucifix à anges aux calices, et un Christ aux liens.
Yves Pascal Castel en a donné un croquis avec relevé partiel de l'inscription de 1527 :
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I. LA DÉPLORATION (grès arkosique, Maître de Laz/Yvon Fichaut?, 1527).
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1. Le matériau.
Le grès arkosique (feldspathique), à grain très fin, de couleur gris-verdâtre, du Centre Bretagne, se prête bien à la sculpture par sa relative tendreté et son aptitude à la taille. Il est abondant dans le bassin de Châteaulin, c'est-à-dire une partie du Centre-Finistère (Châteauneuf-du-faou), où il été utilisé en architecture et en sculpture (Ollivier, 1993). L'architecture domestique (bâtiments de fermes, manoirs) et l'architecture religieuse (église du Cloître-Pleyben, sacristie de Pleyben, chapelles) lui ont fait largement appel aux XVème, XVIème et XVIIème siècles. Dans le domaine de la sculpture, P. Eveillard en a découvert l' emploi dès le second Age du fer et à la période gallo-romaine (génie au cucullus) . Aux XVIème et XVIIème siècles, il alimenta une statuaire abondante (plusieurs rondes-bosses dans les calvaires de Pleyben et de Saint Venec en Briec, par exemple) et concurrença même le célèbre kersanton. Voir l'analyse de Louis Chauris, Les grès verts de Châteaulin, cité en bibliographie.
Il était déjà employé à Laz vers 1350, dans un groupe du cavalier mourant conservé près de l'église, déjà présenté ici. Puis vers 1470 sur le bas-relief de la Vierge de Pitié aux anges de tendresse de la porte d'entrée de l'ancien presbytère. Puis, le sculpteur désigné par le nom de convention de Maître de Laz l'employa en 1527 pour la Déploration du calvaire de l'ancien cimetière.
Ce Maître de Laz est aussi l'auteur de la Déploration de l'église de Plourac'h, presque similaire, mais aussi de celle de Saint-Hernin et de la Pietà de Briec-sur-Odet. Mais aussi de trois autres statues de l'église de Plourac'h, celles de Saint-Patern, de Saint-Adrien, et de Sainte-Marguerite.
Le même matériau est employé au milieu du XVIe siècle pour la belle Trinité du porche de Clohars-Fouesnant.
Il est souvent confondu avec le kersanton (comme pour cette Déploration dans la description de Y.P. Castel).
Sur les sculptures en grès arkosique feldspathique :
2. Le thème de la Déploration (souvent assimilé aux Vierges de Pitié)
2°) Les représentations sculptées de la Vierge de Pitié, tenant le corps de son Fils déposé de la croix, soit seule (Pietà), soit entourée de plusieurs personnages (Déplorations), apparaissent au XVe siècle (Pietà du calvaire de Tronoën, de Plozévet, de Quintin, chapelle N.D. des Portes ; Déplorations de La Chapelle-des-Fougeretz au nord de Rennes, du Musée départemental breton de Quimper etc.) et témoignent de l'importance, dans le duché de Bretagne, du culte centré sur les plaies du Christ crucifié et le sang versé, d'une part, et su les larmes ou le chagrin suscités chez le chrétien par cette mort, d'autre part.
Ce culte s'amplifie encore au XVIe siècle avec la multiplication des calvaires, où les pietà ou déplorations sont rarement absentes, et des verrières de la Crucifixion avec leur scènes de la Pâmoison ou de la Déploration. Dans cette dévotion associant pour le fidèle méditation devant la mort du Rédempteur, élan de chagrin interiorisé, larmes versées et gratitude, Marie-Madeleine est un personnage majeur, par sa participation aux soins ("embaumement") et par l'intensité de son chagrin.
Comme dans d'autres églises, celle de Laz associe à la Déploration de son calvaire un autre groupe, celui de la Vierge de Pitié de la porte du jardin du Presbytère, en granite vers 1470.
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3. Description.
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Sur la face antérieure du calvaire, le groupe monumental de la Déploration est posé sur ce que je compare à une table d'offrande, rectangulaire. Sa couleur tirant sur le vert et son grain très fin le détachent du reste du calvaire en granite.
Son revers est sculpté très sommairement, derrière les personnages, et pas du tout en dessous, ce qui laisse penser que ce groupe est sur son emplacement initial.
Il mesure 1,74 m. de large, 1,25 m. de haut et 37 cm de profondeur.
Les têtes et les bustes de Jean et Marie, le buste de Marie-Madeleine, les jambes du Christ et bien d'autres endroits ont été brisés, puis ont été rescellés au ciment-pierre, ou complétés, et solidarisés par de solides crampons en bronze.
Aucune trace de polychromie n'est visible.
Selon Le Seac'h, la Déploration se trouvait auparavant près de l'église, et a été déplacée vers 1970 avec le calvaire au milieu du cimetière (celui-ci est éloigné de l'église qui est à 200m à l'est) et placée sur la table d'offrande. Les premiers clichés du dossier de l'Inventaire montrent cette ancienne situation, avec une maison en arrière-plan. Voir aussi les cartes postales Le Doaré .
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Le calvaire du cimetière de Laz (1563) et sa Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527). Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
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L'inscription en lettres gothiques.
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Elle est portée sur le bord du socle polygonal et on la déchiffre ainsi :
LAN.MIL.Vct .XX. VII .YVON FICHAUT PCULCZ
Soit L'an mille cinq cent vingt sept Yvon Fichaut PCULCZ.
L'énigme de la lecture de PCULCZ reste débattue, mais la proposition de René Couffon d'y lire PCULUCS (Couffon 1988) ou de l'interprêter comme p(ro)cul(eur) l(an) pour Procureur (à la tête du conseil de fabrique) (Couffon 1959) est peu crédible.
En 2015, Le Seac'h suit la suggestion de Couffon mais donne la leçon suivante : YVON FICHAUT P[RO]CU[REUR] L[A]N, guère plus convaincante.
Y.P. Castel a transcrit PULSCS sur une correction manuscrite du bordereau, ce qui ne semble pas confirmer par l'examen (cf. photo), puis il opte en 1980 dans son Atlas pour "PSULCS (sculps.)"
Le Z final peut être en effet lu comme un S, mais cela ne change rien. Le P initial ne semble pas une forme abrégée de per, pré, pra, pro car il n'est pas affecté par un signe.
Yves-Pascal Castel écrivait en 1982 dans Sculpteurs de Bretagne au XVIe siècle :
" L’année même de la création du calvaire de Locmaria-Lan, en 1527, un autre sculpteur travaillait sa pierre dans un esprit différent. Le fascinant troupe de Notre-Dame-de-Pitié d’Yvon Fichaut, désormais placé sur la table d’offrande du calvaire de Laz, peut-être traité pour lui-même puisqu’il est antérieur à ce calvaire, daté 1563, un peu hétéroclite qui réunit des statues d’inspiration ancienne à des pièces refaites au 19iéme siècle. Le groupe de Fichaut est signalé dans les ouvrages qui en produisent et la date et le nom, mais se taisent sur les six dernières lettres de l’inscription qui court sur le socle, à moins qu’elles ne les transcrivent de manière incorrecte(R. Couffon 1959) Les caractères gothiques en relief sont bien dessinés et très lisibles : l’ an mil VCC xxvll yvon fichaut psulcs. Quel rébus nous proposent donc les six dernières lettres? Est-ce un anagramme volontaire, est-ce méprise d’un tailleur de pierre, illettré comme l’étaient la plupart? Telles qu’elles sont rangées, les lettres ne veulent rien dire, mais ne peut-on pas y voir celles de l’abréviation sculps(it)? en les disposant ainsi
Yvon Fichaut serait alors le nom de l’artiste qui signe largement son œuvre et non celui d’un procureur, comme le pense R. Couffon."
La consultation du site généanet montre que le patronyme FICHAUT est attesté au XVIe siècle en Bretagne, rarement mais sans ce prénom (un seul exemple : Louis Fichaut).
A. Deshayes (Dict. des noms de famille bretonne) ignore FICHAUT mais signale (Le) FICHANT dès 1427 à Cléguerec puis à Quimper. Pour Généanet, FICHANT est très présent au XVIe siècle à Pluzunet (22).
En conclusion, il faut admettre que ces six lettres finales ne peuvent être comprises malgré nos efforts, et nos désirs d'y voir une "coquille" pour "sculpsit".
La conséquence est de taille, car soit on estime avec Castel que l'œuvre est signée et que Yvon Fichaut est le sculpteur (et on sait pourtant comme les signatures de sculptures des calvaires bretons sont rares, et comme les noms qu'on y trouve sont bien plus souvent ceux des commanditaires, les fabriciens), soit on y renonce et on désigne l'auteur de ce groupe sous le nom de convention de Maître de Laz, avec Emmanuelle Le Seac'h.
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La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
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Description.
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"Les trois personnages, Jean, l Vierge et Marie-Madeleine, sont assis et le corps du Christ repose sur les genoux, mais la manière doint il est allongé donne l'impression qu'il repose sur un catafalque formé de trois coussins. Le sculpteur, de façon maladroite, n'a pas aligné les formes des jambes des personnages avec le haut du corps : les plis en volutes évidés et enroulés du bas des robes ne coïncident pas avec le haut. La tête du Christ est ceinte d'une couron,ne à deux tresses. Imberbe, il est fin et maigre. Son bras droit pend jusqu'au sol. La plaie sur le côté droit est creusée. Les côtes sont apparentes." (Le Seac'h)
Son pagne aux bords gaufrés pourrait être en fait constitué du manteau maternel.
Les deux pieds sont parallèles, en léger équin.
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La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge , hiératique et imposante, s'inscrit dans un triangle central. Elle est revêtue d'un grand manteau-voile qui enveloppe son visage en le moulant avant d'écarter ses pans. L'élément caractéristique de ce sculpteur est de représenter des crans gaufrés tout le long de la bordure ; et on réalise alors que le "coussin" sur lequel est allongé le Christ est une partie de ce manteau.
Le même motif cranté se retrouve sur le bord inférieur de la guimpe. Sous celle-ci, la robe décline ses épais plis verticaux, auxquels répondent les plis des larges manches.
Le manteau se poursuit en bas pour former des petites vagues dissimulant les chaussures.
Le visage est sévère, crispé ; le nez est droit et étroit, la bouche concave.
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La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
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Saint Jean.
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Sa chevelure aux boucles frisés en bigorneaux (ou macarons formés à la douille !) témoigne de la forte influence de l'Atelier du Folgoët (1423-1509), atelier qui attribue à ses anges et ses saint Jean cette coiffure.
Il porte une pèlerine courte attachée sous la gorge, et un manteau (prolongeant peut-être la pèlerine) porté sur l'épaule gauche avant de venir servir de drap sous la tête du Christ.
Ses mains disparaissent sous le manteau.
Le regard est grave, les pupilles creusées (comme le fera ensuite Roland Doré).
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La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
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Sainte Marie-Madeleine.
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Ses longs cheveux dénoués qui ruissellent sur ses épaules forment un contre-point aux gaufrures du voile de la Vierge.
Elle porte un manteau aux pans libres, qui démarre derrière sa nuque, sert de crap aux jambes du Christ pui descend jusqu'au sol.
Sa robe à décolleté carré soulignée d'un large galon et d'un bouton (ou médaillon) recouvre une chemise fine couvrant la gorge. De ses manches, plus larges que celles de la Vierge, et plissées, sortent des mains fines, l'une soulevant le couvercle d'un pot d'aromates que l'autre soutient. Elle se prépare donc à effectuer un geste de soins.
La robe est lachement serrée par une ceinture decsndant en V sur le ventre.
Le visage est déteminé, les yeux en amande à pupille creusée donnent à la sainte une allure éveillée tendue vers l'action.
Pour E. Le Seac'h, qui a créé le catalogue du Maître de Laz et décrit son style, "les yeux bridés participent du style du sculpteur avec le visage rectangulaire. L'arête entre le front et les paupières est douce. Le nez est droit avec un léger raccourcissement au niveau de la pointe, ce qui atténue la sévérité des visages? En plus des gaufrures significatives du Maître de Laz, le travail sur le contraste des lignes est marquant."
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La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
La Déploration (grès arkosique, Maître de Laz 1527) du calvaire de Laz. Photographie lavieb-aile.
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LE CALVAIRE PROPREMENT DIT.
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Le calvaire du cimetière de Laz (grès arkosique, Maître de Laz 1527, granite, 1563, et XIXe). Photographie lavieb-aile.
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II. LE CALVAIRE : SAINT GEORGES [ou saint Michel] TERRASSANT LE DRAGON (grès arkosique, Maître de Laz/Yvon Fichaut?, 1527). Console inférieure en forme de masque sur la face principale du fût.
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Je décris cette statue juste après la Déploration, car je crois y reconnaître le même matériau, le grès arkosique, à son grain et à sa teinte. Or, les auteurs l'ont décrit (en y voyant saint Michel) de façon différente.
Pour E. Le Seac'h (p. 248), c'est une œuvre du XIXe siècle.
Pour Y-P. Castel, au contraire, la statue pourrait dater de 1527 (Déploration) plutôt que de 1563. Mais elle est pour lui en pierre de kersanton. Tout en le décrivant comme un saint Michel, il souligne que la croix du bouclier en fait plutôt un saint Georges. Dans sa description de 1980, il le désigne comme saint Georges.
Deux autres critères d'attribution au Maître de Laz sont le creusement des pupilles, d'une part, et la chevelure aux boucles tressées en macarons . En outre, la console est plus étroite que le socle de la statue, ce qui indique une réalisation antérieure à l'édification du calvaire en 1563.
Le saint est en armure complète, recouverte d'une cape ; le chevalier terrasse le dragon de la pointe de son épée (brisée).
Cinq calvaires de la même époque comportent un saint "Michel" au dessus d'une Déploration : ceux de Brasparts (vers 1500), de Mellac (vers 1500), de Motreff, (vers 1500), de Saint-Hernin (dont la Déploration en grès est du Maître de Laz) et de Plourac'h (XVIe). Et ces calvaires ont de nombreux points en commun, comme les marmousets servant de console.
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On comparera avec intêret ce saint Georges avec un autre chevalier sculpté par le Maître de Laz : le saint Adrien de l'église de Plourac'h. On y retrouve le même tratement de la chevelure en trois étages de boucles-macarons, et les mêmes pièces d'armures (solerets, pièces en losange des genouillères, bords de la cotte). Je rappelle que son commanditaire, Charles Clévédé, était à la fois seigneur de Kerlosquet en Plourac'h et de Coatbihan en Laz (en 1632, le curé de Laz était Jean de Clévédé).
"L’ensemble castral de « RozVen Plaz » dont la fameuse chapelle castrale est devenue église paroissiale au XViéme a constitué l’amorce du bourg de Laz. Plusieurs vestiges militent pour une résidence en ce lieu de branches de la famille « Glas » en particulier les CLESVEDE ou GLEVEDEN dont les armes, devenues celles de la commune, figurent sur une pierre ancienne, aujourd’hui encastrée dans le clocher de l’église. Cette famille était implantée depuis longtemps dans son manoir du Veroudy en Laz, aujourd’hui Coat Bihan et dominait le versant sud de la commune actuelle. Par un mariage en 1427, ils s’allient aux Glaz, sieurs de Kerohan et dominent donc aussi le versant nord, y compris le Roz Ven Plaz où ils construisent la chapelle castrale et probablement une demeure adjacente, dont le « Tribunal » pourrait être le reste." (Lazaloeil 2007)
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Saint Adrien (grès feldspathique polychrome, vers 1527), église de Plourac'h. Photo lavieb-aile.
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Saint Adrien (Maître de Laz, grès feldspathique polychrome, vers 1527) de l'église de Plourac'h. Photo lavieb-aile.
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Saint Georges, calvaire du cimetière de Laz (grès arkosique, Maître de Laz 1527). Photographie lavieb-aile.
Saint Georges, calvaire du cimetière de Laz (grès arkosique, Maître de Laz 1527). Photographie lavieb-aile.
Saint Georges, calvaire du cimetière de Laz (grès arkosique, Maître de Laz 1527). Photographie lavieb-aile.
Saint Georges, calvaire du cimetière de Laz (grès arkosique, Maître de Laz 1527). Photographie lavieb-aile.
Saint Georges, calvaire du cimetière de Laz (grès arkosique, Maître de Laz 1527). Photographie lavieb-aile.
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III. LE FÛT EN GRANITE MONOXYLE DU CALVAIRE.
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Avant d'avancer dans la description du calvaire, je voudrais souligner que le fût central, les deux masques servant de console, les deux marmousets soutenant le croisillon, et ce croisillon lui-même puis le petit personnage identifié comme Adam, sont sculptés dans une seule pièce de pierre, un leucogranite.
Au dessus du nœud polygonal, une nouvelle pièce porte la croix, le Christ, les anges, le titulus et l'inscription de 1563.
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Les marmousets.
C'est le nom de convention choisi par Y.P. Castel pour des petits personnages servant de console sur nos calvaires, souvent habillés en écuyer avec une veste à gros boutons et un bonnet sous une chevelure mi-longue, par deux, trois ou quatre, le nez un peu épaté, grimaçant parfois, se tenant par la main parfois encore en ronde, ou, ailleurs, tenant un écu. On constate que ces marmousets se retrouvent sur les calvaires de Saint-Nic, ou de Saint-Venec en Briec, mais aussi sur les calvaires contemporains de celui-ci et comportant des déplorations ou des statues en grès arkosiques :
Le calvaire du cimetière de Laz (granite, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (granite, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (granite, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (granite, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (granite, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (granite, 1563). Photographie lavieb-aile.
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Le personnage au pied de la Croix serait Adam.
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Il est vêtu d'une longue tunique et sa chevelure est abondante ; il est adossé au fût, le visage tourné vers le ciel, "dans l'attitude su sommeil". Emerge-t-il des limbes sous l'effet de la Rédemption ?
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Le calvaire du cimetière de Laz (granite, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (granite, 1563). Photographie lavieb-aile.
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IV. LES STATUES DU CROISILLON : LA VIERGE ET SAINT JEAN.
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Elles datent du XIXe siècle et sont en granite.
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Le calvaire du cimetière de Laz (restauration, XIXe). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (restauration, XIXe). Photographie lavieb-aile.
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V. LE CHRIST EN CROIX ET LES TROIS ANGES HÉMATOPHORES (1563).
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L'ange de gauche reçoit le sang s'écoulant de la main droite et du flanc droit, celui de droite celui de la main gauche, l'ange du bas celui des plaies des pieds.
Ces anges déjà présents sur le calvaire de Tronoën (v. 1470) témoignent de l'importance donnée aux plaies du Christ crucifié et au sang versé.
Le titulus INRI est écrit en lettres bifides et perlées.
Comme pour le fût, la croix, le Christ, les anges et leur calice, les jets de sang , le Christ aux liens au verso, tout me paraît taillé dans le même bloc de pierre, ce qui est une performance remarquable. Mais je m'étonne de l'aspect très lisse et gris du corps du Christ (et du Christ aux liens) : n'avons-nous pas affaire là encore au grès arkosique ?
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Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite ?, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite ?, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite ?, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite ?, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite ?, 1563). Photographie lavieb-aile.
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VI. AU DOS DE LA CROIX : LE CHRIST AUX LIENS ET L'INSCRIPTION "ECCE : HOMO : 1563".
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Il porte le manteau et le roseau de la dérision, il est couronné d'épines, et ses poignets sont liés.
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Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite ?, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite ?, 1563). Photographie lavieb-aile.
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L'inscription en caractères romains.
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Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite ?, 1563). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite ?, 1563). Photographie lavieb-aile.
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VII. À MI-HAUTEUR DU FÛT, FACE SECONDAIRE : UN SAINT ÉVÊQUE (kersanton ?, XVe siècle).
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Y.-P. Castel et E. Le Seac'h s'accordent pour voir là la statue la plus ancienne du calvaire. Elle mesure 70 cm et Castel remarque "la pierre de kersanton très sombre, différente des autres kersantites utilisées dans les calvaires".
C'est un saint évêque sans attribut, mitré, bénissant et tenant sa crosse (brisée), vêtu d'une chasuble gothique terminée en pointe et à plis "en becs".
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Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite , XVe s). Photographie lavieb-aile.
Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite , XVe s). Photographie lavieb-aile.
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VIII. LE GIBET DU BON LARRON (XIXe siècle) ET CELUI DU MAUVAIS LARRON (XIVe siècle).
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Le Bon larron (granite, XIXe siècle ; inspiré du Mauvais larron).
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Le calvaire du cimetière de Laz (granite, XIXe s). Photographie lavieb-aile.
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Le Mauvais larron (kersanton, XVIe siècle).
Notez les différences : les bras ne sont pas liés par les poignets sur le devant de la traverse (ce qui rapprocherait trop ces larrons du Christ) mais ramenés vers l'arrière. Seul le pied droit est lié, l'autre, libre, est fléchi (les larrons ont eu les jambes brisées par les soldats). La braguette du pantalon est signalée par ses boutons. La ceinture est large et ornée d'un bouton. Ces détails se retrouvent sur les calvaires bretons du XVIe siècle.
Par contre, les larrons des calvaires du XVIe siècle ne portent pas, en général, le pantalon, mais une culotte à crevés.
Le calvaire du cimetière de Laz (kersantite, XVIe s). Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
—CASTEL (Yves-Pascal), PAVIS (F.), HERMON (J.F.) [ou PAVIS-HERMON], 1966, 1972 et 1986, Dossier IA00005124 réalisé pour l'Inventaire général et bordereau en pdf
— CHAURIS (Louis), 2010, Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne Deuxième partie : Roches sédimentaires, Revue archéologique de l'Ouest.
Des niveaux gréseux affleurent au sein des schistes bleus du bassin carbonifère de Châteaulin. Tous les intermédiaires apparaissent entre des schistes gréseux encore fissiles, riches en minéraux phylliteux, et des grès feldspathiques plus massifs, caractérisés par leur teinte verte ou gris-vert. Le faciès gréso-feldspathique est formé de quartz non jointifs – ce qui facilite le façonnement – et de plagioclases, moins nombreux, dans un fond phylliteux qui rend compte du caractère tendre de la roche (la nuance verdâtre est due à la chlorite). Ce grès feldspathique fournit de beaux moellons et des pierres de taille, voire même des éléments aptes à la sculpture (Eveillard, 2001).
Ce matériau a déjà été utilisé dans la cité gallo-romaine de Vorgium (aujourd’hui Carhaix – cf. photo IV). Son emploi, à nouveau attesté dès le xvie siècle, prend une place essentielle dans les constructions, à Carhaix et dans ses environs : manoir de Lanoënnec (porte avec cintre en deux éléments, fenêtre avec linteau à accolade) ; manoir de Crec’h Henan (xviie siècle ? avec beaux moellons) ; manoir de Kerledan (xvie siècle, avec érosion en cupules) ; château de Kerampuil (1760, soubassement) ; Kergorvo (portes) ; manoirs de Kerniguez : grand manoir (superbes moellons) et petit manoir (moellons pouvant atteindre un mètre de long, en assises d’épaisseurs diverses, correspondant à la puissance des bancs dans les carrières). A Carhaix même, dans la maison du Sénéchal (xvie siècle), belle cheminée à l’étage. On retrouve ce grès dans les élévations de l’église de Plouguer, ainsi que dans celles de l’église de Saint-Trémeur (parties du xixe s.), dans la façade occidentale de la chapelle du couvent des Hospitalières (xviie siècle) ou au manoir de Maezroz près de Landeleau : photo V, VI… (Chauris, 2001c).
Les Travaux publics ont également fait appel à cette pierre locale. Dans les ouvrages du canal de Nantes à Brest (première moitié du xixe siècle), toujours aux environs de Carhaix, elle a été utilisée sous des modalités diverses : en beaux moellons pour le couronnement du parapet d’un pont près de l’écluse de l’Île ; en petits moellons pour le soubassement des maisons éclusières de Pont Dauvlas, de Kergouthis… ; les faciès plus schisteux – et par suite plus fissiles – ont été recherchés pour le dallage médian des bajoyers de quelques écluses (Kervouledic, Goariva), voire comme dalles devant la maison éclusière (Goariva…). De même, les infrastructures ferroviaires ont aussi employé ce matériau local (pont franchissant le canal au sud-est de Kergadigen).
Mais cette pierre n’a pas été recherchée uniquement autour de Carhaix ; en fait, elle a été utilisée un peu partout dans le bassin de Châteaulin. À Pleyben, dans l’église paroissiale – qui remonte en partie au xvie siècle – le grès vert joue un rôle essentiel en sus du granite : élévation méridionale ; sacristie édifiée au début du xviiie siècle (le grès est alors extrait des carrières de Menez Harz et de Ster-en-Golven) ; la même roche a été aussi utilisée pour l’ossuaire (xvie siècle) et l’arc de triomphe (xviiie), où elle présente quelques éléments bréchiques. également à Pleyben, la chapelle de Gars-Maria, y recourt localement en association avec des leucogranites. À Châteauneuf-du-Faou, dans la vaste chapelle Notre-Dame-des-Portes (fin du xixe siècle), ce grès est en association avec divers granites ; les traces d’outils de façonnement y sont très nettes sur les parements vus. Comme aux environs de Carhaix, les grès verts ont également été recherchés, plus à l’ouest, pour l’habitat.
Ces grès ont aussi été mis en oeuvre dans la statuaire : parmi bien d’autres, évoquons les statues dressées au chevet de l’église de Laz, la statue de Saint-Maudez au Vieux-Marché (Châteauneuf-du-Faou), celle de Saint-Nicolas dans la chapelle N.-D. de Hellen (Edern), plusieurs personnages du célèbre calvaire de Pleyben… Quelques éléments de la chapelle – ruinée – de Saint-Nicodème, en Kergloff, ont été remployés lors de la reconstruction de la chapelle Saint-Fiacre de Crozon, après la dernière guerre ; en particulier de superbes sculptures d’animaux ont été emplacés à la base du toit dans la façade occidentale (Chauris et Cadiou, 2002).
Cette analyse entraîne quelques remarques de portée générale.
Dans un terroir dépourvu de granite, artisans et artistes locaux ont su mettre en œuvre un matériau qui, au premier abord, ne paraissait pas offrir les atouts de la « pierre de grain » qui affleure au nord et au sud du bassin.
Ce matériau local, utilisé dans les édifices les plus variés, confère au bâti du bassin de Châteaulin une originalité architecturale. Son association fréquente aux granites « importés » induit un polylithisme du plus heureux effet. Parfois, le grès a même été exporté vers les bordures du bassin, au-delà de ses sites d’extraction.
Du fait de ses aptitudes à la sculpture, le grès vert a été très tôt recherché pour la statuaire. Il joue localement le rôle des célèbres kersantons de la rade de Brest, à tel point que, dans un musée dont nous tairons le nom, une statue du xvie siècle, a été rapportée au kersanton, alors qu’en fait elle est en grès vert : hommage inconscient à ce dernier matériau !
L’emploi de cette roche singulière, constant pendant plusieurs siècles (au moins du xvie au début du xxe siècle) paraît aujourd’hui totalement tombé dans l’oubli. Ses qualités devraient susciter une reprise artisanale, tant pour les restaurations que pour les constructions neuves."
— COUFFON (René), 1988, Notice sur Laz, in Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper
Calvaire du XVIe siècle des ateliers de Scaër, remonté dans le cimetière : sur le massif rectangulaire, trois croix. Sur le socle, grande Pietà très semblable à la Descente de croix de Plourac'h : le corps du Christ est étendu au pied de la croix, sur les genoux de la Vierge Marie, de saint Jean et de la Madeleine. Ce groupe porte une inscription en lettres gothiques : "LAN MIL VcXXVII. YVON. FICHAUT. PCULUCS." Au revers du Crucifix, Ecce Homo daté 1563.
COUFFON (René),1959, Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper et de Léon, Saint-Brieuc, 1959, p. 191.
"Le calvaire porte l’inscription L’an mil vcc xxvll. Yvon fichaut p(ro)cul(eur) l(an)"
— ÉVEILLARD (Jean-Yves), 1995, Statues de l'Antiquité remaniées à l'époque moderne: l'exemple d'une tête au cucullus à Châteauneuf-du-Faou (Finistère) Revue archéologique de l'Ouest année 1995 12 pp. 139-146
—LE SEAC'H (Emmanuelle), 2015, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, Presses Universitaires de Rennes pages 249-250.
— OLLIVIER, (Sophie), 1993 -L'architecture et la statuaire en grès arkosique dans la vallée de l'Aulne centrale. Mém. de maîtrise d'histoire (inédit), J.Y. Eveillard, dir., U.B.O., Brest, 2 vol.
Les groupes sculptés du cavalier blessé et la Vierge à l'Enfant en grès arkosique du XIVe siècle de l'église de Laz. Une Sainte Femme et une Sortie du Tombeau. Une Vierge de Pitié aux anges de tendresse (atelier de Tronoën v. 1470).
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Sur les sculptures en grès arkosique feldspathique :
Le grès arkosique (feldspathique), à grain très fin, de couleur gris-verdâtre, du Centre Bretagne, se prête bien à la sculpture par sa relative tendreté et son aptitude à la taille. Il est abondant dans le bassin de Châteaulin, c'est-à-dire une partie du Centre-Finistère (Châteauneuf-du-faou), où il été utilisé en architecture et en sculpture (Ollivier, 1993). L'architecture domestique (bâtiments de fermes, manoirs) et l'architecture religieuse (église du Cloître-Pleyben, sacristie de Pleyben, chapelles) lui ont fait largement appel aux XVème, XVIème et XVIIème siècles. Dans le domaine de la sculpture, P. Eveillard en a découvert l' emploi dès le second Age du fer et à la période gallo-romaine (génie au cucullus) . Aux XVIème et XVIIème siècles, il alimenta une statuaire abondante (plusieurs rondes-bosses dans les calvaires de Pleyben et de Saint Venec en Briec, par exemple) et concurrença même le célèbre kersanton. Voir l'analyse de Louis Chauris, Les grès verts de Châteaulin, cité en bibliographie.
Il était déjà employé à Laz vers 1350, dans un groupe du cavalier mourant conservé près de l'église, que je présente ici. Puis vers 1470 sur le bas-relief de la porte d'entrée de l'ancien presbytère. Puis, le sculpteur désigné par le nom de convention de Maître de Laz l'employa en 1527 pour la Déploration du calvaire de l'ancien cimetière.
Ce Maître de Laz est aussi l'auteur de la Déploration de l'église de Plourac'h, presque similaire, mais aussi de celle de Saint-Hernin et de la Pietà de Briec-sur-Odet. Mais aussi de trois autres statues de l'église de Plourac'h, celles de Saint-Patern, de Saint-Adrien, et de Sainte-Marguerite.
Le même matériau est employé au milieu du XVIe siècle pour la belle Trinité du porche de Clohars-Fouesnant.
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I. LE GROUPE DU CAVALIER BLESSÉ, GRÈS ARKOSIQUE, XIVe SIÈCLE.
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Je n'ai trouvé aucune description en ligne de ce groupe dont E. Le Seac'h dit seulement qu'il daterait des années 1350, en se basant sur le costume du cavalier. L'article Wikipedia sur Laz en donne une image. L'église actuelle date de 1720-1730 et il ne reste rien de l'édifice antérieur,.... sauf précisément ces statues de grès arkosique (Cavalier, Vierge, Sainte-Femme et bas-relief de la Sortie du Tombeau ?).
Il occupe l'extérieur de l'église, du côté du chevet, posé sur un soubassement en granite. Il est brisé, un morceau comprenant les pattes antérieures du cheval est scellé au ciment au groupe.
On l'aborde par son côté gauche, qui montre un cheval, monté et tenu en rênes par un cavalier. Une solide selle est visible ainsi qu'un étrier et des détails d'harnachement.
Le cavalier, un seigneur portant l'épée au côté gauche, est vêtu d'une tunique épaisse, longue, serrée par une ceinture, et plissée. Il est coiffé d'un chaperon intriguant, car un bourrelet se prolonge par une très épaisse masse.
Le cavalier est qualifié de "blessé" ou de "mourant", car, dans une posture dramatique, il est cambré, la tête renversée en arrière et vers le ciel, et le bras gauche rejeté sur l'arrière contre l'arrière-train du cheval.
Si nous observons le côté droit, nous constatons la présence de deux soldats, la main droite sur la poignée de l'épée (placée à leur droite) et la main gauche portée à la tête, près de la tempe. Ils sont casqués, et portent sans doute l'armure recouverte d'un tabard court. Ils semblent mourants eux aussi.
Si la datation est confirmée, cela fait de ce groupe l'un des plus anciens de Basse-Bretagne.
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Groupe sculpté du cavalier blessé, grès arkosique, milieu XIVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
Groupe sculpté du cavalier blessé, grès arkosique, milieu XIVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
Groupe sculpté du cavalier blessé, grès arkosique, milieu XIVe siècle, église de Laz.Photographie lavieb-aile 2022.
Groupe sculpté du cavalier blessé, grès arkosique, milieu XIVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
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I. LA VIERGE À L'ENFANT, GRÈS ARKOSIQUE, XIVe SIÈCLE.
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L'édifice précédent était dédié à Notre-Dame.
La statue est brisée au niveau du cou et en diagonale au niveau du buste, et rescellée. Le bras droit est perdu.
La Vierge est grande et fine, à la posture hiératique malgré une légère avancée du genou gauche.
Elle est couronnée, au dessus d'un voile recouvrant ses cheveux en V inversé. Le visage, malgré l'érosion, est beau, calme, le nez est brisé, la bouche petite est creusée de fossettes latérales.
Le manteau, au plissé vertical s'enrichit d'un pan en balier à plis "en becs". Ce manteau assez classique contraste avec le corsage de la robe, où deux lignes médianes incurvées semble avoir pu accueillir jadis un pendentif.
L'Enfant, à la tête brisée et perdue, tenait peut-être jadis un globe qu'il bénissait, dans la posture du Sauveur. Il est soutenu, légèrement assis, par le bras gauche de sa Mère ; il est vêtu d'une tunique longue plissée.
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Vierge à l'Enfant, grès arkosique, milieu XIVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
Vierge à l'Enfant, grès arkosique, milieu XIVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
Vierge à l'Enfant, grès arkosique, milieu XIVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
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III. UNE SAINTE FEMME (?) , GRÈS ARKOSIQUE, XIVe OU XVIe SIÈCLE.
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Mains jointes, tête couverte par un très long voile. Le bord de ce voile est dentelé, rappelant le trait le plus caractéristique du Maître de Laz (v. 1506-1527). Le décolleté est carré, la taille est mince, le ventre projeté en avant.
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Sainte Femme, grès arkosique, milieu XIVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
Sainte Femme, grès arkosique, milieu XIVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
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IV, SORTIE DU TOMBEAU, BAS-RELIEF, GRÈS ARKOSIQUE, XIVe OU XVe SIÈCLE.
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Il occupe la face ouest du collatéral nord. Le Christ ressuscité franchit le bord du tombeau où trois soldats sont endormis sur leur hallebarde. Il tenait en main droite l'étendard de sa victoire sur la Mort (aujourd'hui cet étendard est brisé) et porte la cape glorieuse liée à cette victoire. Sa barbe est fournie, mais c'est surtout, sous la couronne d'épines, l'épaisseur de ces cheveux, qui atteignent les épaules, qui est remarquable.
On comparera avec la Sortie du Tombeau du calvaire de Kerbreudeur à Saint-Hernin (Maître de Tronoën, granite, vers 1470) ; mais le Christ est aidé de deux anges.
Sortie du Tombeau, grès arkosique, XVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
Sortie du Tombeau, grès arkosique, XVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
Sortie du Tombeau, grès arkosique, XVe siècle, église de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
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V. VIERGE DE PITIÉ AUX ANGES DE TENDRESSE, BAS-RELIEF, GRÈS ARKOSIQUE (?), XVe SIÈCLE.
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Ce groupe occupe la porte d'entrée du jardin de l'ancien presbytère. Il a été répertorié par E. Le Seac'h parmi les œuvres de l'Atelier du Maître de Tronoën (vers 1470), dans l'ensemble thématique des Vierges de Pitié entourée d'anges de tendresse qui soutiennent d'une main son voile.
C'est E. Le Seac'h qui indique que le matériau employé est le grès arkosique (Sculpteurs...p. 322), alors que le matériau habituel de l'atelier est le granite, et que c'est ce dernier matériau que je reconnais ici.
Comparer à la Vierge de Pitié du calvaire de Tronoën à Saint-Jean-Trolimon (v. 1470) :
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Vierge de Pitié du calvaire de Tronoën à Saint-Jean-Trolimon.
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Comparer encore à la Vierge de Pitié de la chapelle Saint-Anne de Saint-Hernin (Atelier de Tronoën, vers 1470, granite et polychromie rouge) :
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Vierge de Pitié de la chapelle Saint-Anne de Saint-Hernin (atelier de Tronoën). Photographie lavieb-aile.
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— Sur les anges de compassion, et la gestuelle de l'ange, voir encore :
Vierge de Pitié aux anges de tendresse, atelier de Tronoën vers 1470, presbytère de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
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La Vierge est assise et supporte le corps de son fils sur ses genoux. Ses mains sont croisées. Sa tête, au visage rond, est inclinée vers la droite ; elle est couverte d'un voile qui s'incurve au dessus du front, et forme des ailes sur le côté. L'un des anges soutient d'une main la tête du Christ et touche de l'autre le voile de Marie. L'autre ange pose sa main gauche sur le genou du Christ et lève le bras droit vers le voile, dont l'aile est brisée. Les deux anges ont la tête et le regard tournés vers la Vierge.
La proximité avec le modèle (le calvaire de Tronoën) est grande, mais ici le visage de Marie est plus doux et plus avenant.
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Vierge de Pitié aux anges de tendresse, atelier de Tronoën vers 1470, presbytère de Laz. Photographie lavieb-aile 2022.
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SOURCES ET LIENS.
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— CHAURIS (Louis), 2010, Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne Deuxième partie : Roches sédimentaires, Revue archéologique de l'Ouest.
Des niveaux gréseux affleurent au sein des schistes bleus du bassin carbonifère de Châteaulin. Tous les intermédiaires apparaissent entre des schistes gréseux encore fissiles, riches en minéraux phylliteux, et des grès feldspathiques plus massifs, caractérisés par leur teinte verte ou gris-vert. Le faciès gréso-feldspathique est formé de quartz non jointifs – ce qui facilite le façonnement – et de plagioclases, moins nombreux, dans un fond phylliteux qui rend compte du caractère tendre de la roche (la nuance verdâtre est due à la chlorite). Ce grès feldspathique fournit de beaux moellons et des pierres de taille, voire même des éléments aptes à la sculpture (Eveillard, 2001).
Ce matériau a déjà été utilisé dans la cité gallo-romaine de Vorgium (aujourd’hui Carhaix – cf. photo IV). Son emploi, à nouveau attesté dès le xvie siècle, prend une place essentielle dans les constructions, à Carhaix et dans ses environs : manoir de Lanoënnec (porte avec cintre en deux éléments, fenêtre avec linteau à accolade) ; manoir de Crec’h Henan (xviie siècle ? avec beaux moellons) ; manoir de Kerledan (xvie siècle, avec érosion en cupules) ; château de Kerampuil (1760, soubassement) ; Kergorvo (portes) ; manoirs de Kerniguez : grand manoir (superbes moellons) et petit manoir (moellons pouvant atteindre un mètre de long, en assises d’épaisseurs diverses, correspondant à la puissance des bancs dans les carrières). A Carhaix même, dans la maison du Sénéchal (xvie siècle), belle cheminée à l’étage. On retrouve ce grès dans les élévations de l’église de Plouguer, ainsi que dans celles de l’église de Saint-Trémeur (parties du xixe s.), dans la façade occidentale de la chapelle du couvent des Hospitalières (xviie siècle) ou au manoir de Maezroz près de Landeleau : photo V, VI… (Chauris, 2001c).
Les Travaux publics ont également fait appel à cette pierre locale. Dans les ouvrages du canal de Nantes à Brest (première moitié du xixe siècle), toujours aux environs de Carhaix, elle a été utilisée sous des modalités diverses : en beaux moellons pour le couronnement du parapet d’un pont près de l’écluse de l’Île ; en petits moellons pour le soubassement des maisons éclusières de Pont Dauvlas, de Kergouthis… ; les faciès plus schisteux – et par suite plus fissiles – ont été recherchés pour le dallage médian des bajoyers de quelques écluses (Kervouledic, Goariva), voire comme dalles devant la maison éclusière (Goariva…). De même, les infrastructures ferroviaires ont aussi employé ce matériau local (pont franchissant le canal au sud-est de Kergadigen).
Mais cette pierre n’a pas été recherchée uniquement autour de Carhaix ; en fait, elle a été utilisée un peu partout dans le bassin de Châteaulin. À Pleyben, dans l’église paroissiale – qui remonte en partie au xvie siècle – le grès vert joue un rôle essentiel en sus du granite : élévation méridionale ; sacristie édifiée au début du xviiie siècle (le grès est alors extrait des carrières de Menez Harz et de Ster-en-Golven) ; la même roche a été aussi utilisée pour l’ossuaire (xvie siècle) et l’arc de triomphe (xviiie), où elle présente quelques éléments bréchiques. également à Pleyben, la chapelle de Gars-Maria, y recourt localement en association avec des leucogranites. À Châteauneuf-du-Faou, dans la vaste chapelle Notre-Dame-des-Portes (fin du xixe siècle), ce grès est en association avec divers granites ; les traces d’outils de façonnement y sont très nettes sur les parements vus. Comme aux environs de Carhaix, les grès verts ont également été recherchés, plus à l’ouest, pour l’habitat.
Ces grès ont aussi été mis en oeuvre dans la statuaire : parmi bien d’autres, évoquons les statues dressées au chevet de l’église de Laz, la statue de Saint-Maudez au Vieux-Marché (Châteauneuf-du-Faou), celle de Saint-Nicolas dans la chapelle N.-D. de Hellen (Edern), plusieurs personnages du célèbre calvaire de Pleyben… Quelques éléments de la chapelle – ruinée – de Saint-Nicodème, en Kergloff, ont été remployés lors de la reconstruction de la chapelle Saint-Fiacre de Crozon, après la dernière guerre ; en particulier de superbes sculptures d’animaux ont été emplacés à la base du toit dans la façade occidentale (Chauris et Cadiou, 2002).
Cette analyse entraîne quelques remarques de portée générale.
Dans un terroir dépourvu de granite, artisans et artistes locaux ont su mettre en œuvre un matériau qui, au premier abord, ne paraissait pas offrir les atouts de la « pierre de grain » qui affleure au nord et au sud du bassin.
Ce matériau local, utilisé dans les édifices les plus variés, confère au bâti du bassin de Châteaulin une originalité architecturale. Son association fréquente aux granites « importés » induit un polylithisme du plus heureux effet. Parfois, le grès a même été exporté vers les bordures du bassin, au-delà de ses sites d’extraction.
Du fait de ses aptitudes à la sculpture, le grès vert a été très tôt recherché pour la statuaire. Il joue localement le rôle des célèbres kersantons de la rade de Brest, à tel point que, dans un musée dont nous tairons le nom, une statue du xvie siècle, a été rapportée au kersanton, alors qu’en fait elle est en grès vert : hommage inconscient à ce dernier matériau !
L’emploi de cette roche singulière, constant pendant plusieurs siècles (au moins du xvie au début du xxe siècle) paraît aujourd’hui totalement tombé dans l’oubli. Ses qualités devraient susciter une reprise artisanale, tant pour les restaurations que pour les constructions neuves."
— COUFFON (René), 1988, Notice sur Laz, in Nouveau répertoire des églises et chapelles du diocèse de Quimper
Sur le placitre, statues en pierre : Vierge Mère et Vierge de l'Annonciation (?), - noble à cheval, accompagné de deux soldats. Bas-relief du Christ ressuscité au portail du presbytère.
Calvaire du XVIe siècle des ateliers de Scaër, remonté dans le cimetière : sur le massif rectangulaire, trois croix. Sur le socle, grande Pietà très semblable à la Descente de croix de Plourac'h : le corps du Christ est étendu au pied de la croix, sur les genoux de la Vierge Marie, de saint Jean et de la Madeleine. Ce groupe porte une inscription en lettres gothiques : "LAN MIL VcXXVII. YVON. FICHAUT. PCULUCS." Au revers du Crucifix, Ecce Homo daté 1563.
— ÉVEILLARD (Jean-Yves), 1995, Statues de l'Antiquité remaniées à l'époque moderne: l'exemple d'une tête au cucullus à Châteauneuf-du-Faou (Finistère) Revue archéologique de l'Ouest année 1995 12 pp. 139-146
—LE SEAC'H (Emmanuelle), 2015, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, Presses Universitaires de Rennes pages 249-250.
— OLLIVIER, (Sophie), 1993 -L'architecture et la statuaire en grès arkosique dans la vallée de l'Aulne centrale. Mém. de maîtrise d'histoire (inédit), J.Y. Eveillard, dir., U.B.O., Brest, 2 vol.
1°) Le grès arkosique (feldspathique), à grain très fin, de couleur gris-verdâtre, du Centre Bretagne, se prête bien à la sculpture par sa relative tendreté et son aptitude à la taille. Il est abondant dans le bassin de Châteaulin, c'est-à-dire une partie du Centre-Finistère, où il été utilisé en architecture et en sculpture (Ollivier, 1993). L'architecture domestique (bâtiments de fermes, manoirs) et l'architecture religieuse (église du Cloître-Pleyben, sacristie de Pleyben, chapelles) lui ont fait largement appel aux XVème, XVIème et XVIIème siècles. Dans le domaine de la sculpture, P. Eveillard en a découvert l' emploi dès le second Age du fer et à la période gallo-romaine (génie au cucullus) . Aux XVIème et XVIIème siècles, il alimenta une statuaire abondante (plusieurs rondes-bosses dans les calvaires de Pleyben et de Saint Venec en Briec, par exemple) et concurrença même le célèbre kersanton. Voir l'analyse de Louis Chauris, Les grès verts de Châteaulin, cité en bibliographie.
Il était déjà employé à Laz vers 1350, dans un groupe du cavalier mourant conservé près de l'église. Puis vers 1470 sur le bas-relief de la porte d'entrée de l'ancien presbytère. Puis, le sculpteur désigné par le nom de convention de Maître de Laz l'employa en 1527 pour la Déploration du calvaire de l'ancien cimetière.
Ce Maître de Laz est aussi l'auteur de la Déploration de l'église de Plourac'h, presque similaire, mais aussi de celle de Saint-Hernin et de la Pietà de Briec-sur-Odet. Mais aussi de trois autres statues de l'église de Plourac'h, qui seront étudiées ici : celles de Saint-Patern, de Saint-Adrien, et de Sainte-Marguerite.
Le même matériau est employé au milieu du XVIe siècle pour la belle Trinité du porche de Clohars-Fouesnant.
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2°) Les représentations sculptées de la Vierge de Pitié, tenant le corps de son Fils déposé de la croix, soit seule (Pietà), soit entourée de plusieurs personnages (Déplorations), apparaissent au XVe siècle (Pietà du calvaire de Tronoën, de Plozévet, de Quintin, chapelle N.D. des Portes ; Déplorations de La Chapelle-des-Fougeretz au nord de Rennes, du Musée départemental breton de Quimper etc.) et témoignent de l'importance, dans le duché de Bretagne, du culte centré sur les plaies du Christ crucifié et le sang versé, d'une part, et su les larmes ou le chagrin suscités chez le chrétien par cette mort, d'autre part.
Ce culte s'amplifie encore au XVIe siècle avec la multiplication des calvaires, où les pietà ou déplorations sont rarement absentes, et des verrières de la Crucifixion avec leur scènes de la Pâmoison ou de la Déploration. Dans cette dévotion associant pour le fidèle méditation devant la mort du Rédempteur, élan de chagrin interiorisé, larmes versées et gratitude, Marie-Madeleine est un personnage majeur, par sa participation aux soins ("embaumement") et par l'intensité de son chagrin.
Comme dans d'autres églises, celle de Plourac'h associe à la Déploration de son calvaire un autre groupe, décrit ici, conservé à l'intérieur. Ce dernier présente l'intérêt, par rapport aux autres déplorations du Maître de Laz, d'avoir conservé sa polychromie.
Et l'église de Plourac'h possède en outre une très belle Vierge de Pitié de la même époque.
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I. LA DÉPLORATION (grès feldspathique polychrome, vers 1527) DU BRAS NORD DU TRANSEPT.
Le groupe mesure 1,16 m de haut, 1,65 m de large et 0,50 m de profondeur et occupe, à 1,70 m du sol, un enfeu ou niche en arc de panier aménagée dans le pan coupé formant l'angle nord-est de bras nord du transept. Il est , comme la niche, en grès arkosique. Il surmonte une crédence fermée par une porte ornée d'un chérubin.
Il est classé depuis 1912.
La niche est entourée d'un rinceau d'acanthe centré en bas par un blason muet. Cet encadrement est peint en vert et en imitation de marbre (?) par petits points noirs.
La description princeps est celle d'E. Le Seac'h en 2015 (avec six illustrations).
La notice PM 22000982 de la Plateforme ouverte du Patrimoine POP date de 2023, avec un cliché de madame Céline Robert de 2021. Mais le titre de cette œuvre pour ce site qui est la référence officielle de l'Etat est erroné (disons gentiment "discutable") et parle d'une "Mise au tombeau", suivant en cela la confusion introduite par René Couffon 1955 et 1958. Je rappelle qu'il faut distinguer lesVierges de Pitié (Vierge et Christ), et les Déplorations du Christ(Vierge et Christ plus d'autres personnages), des Descentes de croix,qui précèdent cet épisode, et des Mises au tombeauqui le suivent (où le sépulcre doit être visible, et où les acteurs, notamment Joseph d'Arimathie et Nicodème, dépose le corps enveloppé dans son suaire). Dans cette notice, le matériau y est qualifié de "pierre" sans précision. La phrase "Au dessus-de cette mise au tombeau se trouve une statue de la Vierge de pitié" n'a plus lieu d'être.
La notice indique qu'un dossier préalable a été réalisé par Arthéma Restauration en 2013.
Le remarquable site de cette entreprise indique que cette restauration (qui a concerné aussi 18 statues et le retable du Rosaire de l'église) a été menée sous la direction de madame Christine Jablonski, conservateur M.H et de madame Céline Robert, conservateur A.O.A. de janvier 2015 à juin 2016, alors que la maçonnerie de l'enfeu avait été revue en 2013.
"L'ensemble était poussiéreux et encrassé et présentait sur le dos des personnages un développement de micro-organismes. Concernant la couche picturale, on notait des pertes disséminés sur l'ensemble, mais principalement sur l'enfeu. Des usures du décor actuel de la mise au tombeau laissait voir des décors sous-jacents. Cette restauration a été l'occasion de réaliser des fenêtres de sondages au niveau du décor initial témoignant de la présence d'un décor à motifs polychromes anoblissant les tissus". Deux photos de ces sondages sont présentées. On y devine des peintures d'étoffes bleutées à motifs damassés de couleur or laissant imaginer le raffinement de l'œuvre initiale."
Un dossier plus complet, précisant les découvertes de ces sondages (types de pigment) ou la date estimée de la couche picturale actuelle, doit exister mais ne nous est pas communiqué.
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Détail du soubassement.
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Il avait également été repeint à la période moderne.
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Les quatre personnages de la Déploration ont conservé leur peinture, mais hormis cela, ils comparables au groupe du calvaire de Laz, datée par inscription de 1527 ; or à Laz et à Plourac'h le seigneur était le même, puisque Charles Clévédé était à la fois seigneur de Guerlosquet en Plourac'h et de Coatbihan en Laz. Celui-ci a fait inscrire son nom et celui de son épouse Marguerite sur une poutre de ce bras du transept, très près au dessus de cette Déploration, pour spécifier qu'il avait fait commencer cette "chapelle" (le bras nord) l'an 1500 (ou 1506). En outre, ses armes figurent sur des écussons associées aux autres statues contemporaines de l'église, et figuraient vraisemblablement sur le soubassement de ce groupe.
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Plaçons donc tout de suite cette photo de la Déploration de Laz pour fournir un élément de comparaison : la ressemblance est frappante. E. Le Seac'h a désigné sous le nom de convention de Maître de Laz le sculpteur de grès feldspathique actif à Laz, Plourac'h, Briec-sur-Odet, et Saint-Hernin.
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Photo Wikipedia
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Tout comme à Laz, Jean, à gauche, et Marie-Madeleine à droite encadrent la Vierge tandis que le Christ est étendu, entièrement à l'horizontale, sur leurs genoux. Il est difficile de comprendre sur quoi, et comment, ils sont assis. Un pli de la robe de la Vierge est rabattu dans l'angle, "comme sur un jeté de lit soigneusement plié qui vient juste d'être fait."(E. Le Seach)
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Le style des Déplorations ou Pietà du Maître de Laz est aisément reconnaissable par les gaufrures en accordéon qui fronsent le grand voile entourant le visage et le corps de Marie. On le reconnait aussi par les plis en éventail des vêtements, par la raideur des silhouettes et l'impassibilité des visages.
La tête du Christ repose sur un coussin. Elle est ceinte de la couronne d'épines, à deux brins ; le Christ est barbu ; sa main gauche repose sur son ventre tandis que la main et le bras droits pendent, obliquement, exposant la plaie causée par le clou de la Crucifixion. Les autres plaies (du flanc et des pieds) sont également visibles et l'écoulement de sang est bien souligné. Le Christ est moins maigre et longiligne qu'à Laz.
Comme l'a montré la restauration, la sculpture a été repeinte, sans doute au XIXe ou XXe siècle. Mais cette initiative réalisée assez grossièrement a brouillé la compréhension de la scène. Car toute la partie inférieure est peinte en blanc, comme si le corps reposait sur un drap alors que l'examen montre que ce sont les vêtements portés par les trois personnages qui se prolongent dans cette partie basse. Par exemple, le grand voile blanc gaufré de Marie passe en dessous du dos et du bassin, recouvrant les plis du manteau, alors que la peinture blanche laisse croire que c'est un coussin aux bords plissés qui soutient le corps. De même, les vêtements de Jean forment de larges plis superposés, et le grand manteau blanc de Marie-Madeleine, visible derrière sa tête, descend également en plis successifs et forment un repose-pieds.
À la différence de Laz, le pagne est un linge blanc aux bords lisses. Mais c'est moins un pagne (qui devrait être noué) qu'un linge placé au dessus du bassin.
Les jambes sont à peine fléchies, parallèles et les pieds tombent en léger équin vers le bas.
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La Vierge, mains jointes.
La Vierge, moins imposante qu'à Laz (elle est ici de même taille que Jean et Marie-Madeleine) est, peut-être sous l'effet de la carnation aux joues rosées, plus attendrissante et humaine qu'à Laz malgré la même pose hiératique et frontale. Elle est vêtue du grand voile blanc qui s'écarte en ailes de papillon (*) autour du visage. Ce visage, rond au regard triste, est encadré par la guimpe, ce voile blanc recouvrant le front et la gorge et dont le bord inférieur est frisotté.
(*) E. Le Seac'h évoque judicieusement la huve médiévale.
La robe est aujourd'hui peinte en rouge ; ses manches sont larges et forment des plis. Si on imagine qu'elle descend jusqu'au sol, elle recouvre alors les chaussures. Le manteau d'un gris sombre à peine bleuté (le bleu est pourtant la couleur attendue du manteau et/ou de la robe de Marie) a un revers strié en alvéoles, et ce relief se retrouve sur le revers des pans inférieurs. Ce manteau évoque les capes de deuil en usage en Bretagne.
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Saint Jean, bras réunis devant le bassin.
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Il porte une tunique d'étoffe épaisse (plis) et une cape fixée sous le menton par une agrafe et qui recouvre les épaules en pèlerine. Le pan gauche de ce manteau revient en diagonale et c'est, en toute logique, ce pan qui revient sous la tête du Christ. Jean regarde vers le bas, les yeux sont mi-clos. Les cheveux bruns sont bouclés (en boules frontales), mi-longs et épais au dessus des épaules.
Il est donc ici, comme à Laz, très passif et retiré dans son intériorité, puisqu'il ne participe ni à soutenir la tête ni à soutenir la Vierge dans son chagrin.
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Marie-Madeleine se préparant aux soins.
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Pouir les raisons évoquées plus haut, c'est Marie-Madeleine qui suscite le plus mon intérêt. Elle porte une robe bordeaux, à décolleté carré, à manches très larges, serrée par une ceinture en maillons de chaines formant un V central avant de retomber en deux longues extrémités. La robe est ajustée et lisse au niveau du corsage, puis, après une couture assez visible, elle devient plissée : c'est exactement la tenue à la mode.
Sous le décolleté, devant la poitrine on voit sur la robe un décor en losange, qui était sans doute plus finement mise en valeur avant la restauration du XIX ou XXe siècle.
De même les cheveux ont été lourdement repeints en noir, alors qu'ils sont, en règle, blonds chez Marie-Madeleine. Ils descendent très bas, et ces cheveux longs et dénoués sont un véritable attribut de la sainte.
Derrière sa tête et son dos, un manteau (ou un voile) blanc l'encadre ; et il descend en une cascade de plis jusqu'au sol. ELa sainte en retient un pli dans la main droite.
Elle diffère par sa tenue et par sa posture de son homologue du calvaire de Laz, qui regarde droit devant elle tandis qu'elle ouvre de la main droite le couvercle de son pot d'onguent. Ici, elle tient son pot (dont le couvercle fermé n'est pas conique) par en dessous, mais elle regarde vers le bas c'est-à-dire vers le corps du Christ.
Dans les deux cas, je sais maintenant interpréter ces postures comme des préparatifs à l'embaumement, ou, du moins, à des gestes de soins sur les plaies du Christ par application d'onguent (pommades) ou d'aromates, soit en ouvrant le pot comme à Laz soit en se penchant avec sollicitude vers le cadavre. Et l'étoffe qu'elle tient en main droite, même s'il s'agit d'un pan du voile, participe à l'impression qu'elle va l'utiliser pour ce soin. Ainsi, elle devient une figure iconique du "care", du soin à la personne.
II. SAINT ADRIEN (grès feldspathique polychrome, vers 1527), bas-côté nord.
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Saint Adrien de Nicomédie.
"Officier romain, en charge des supplices réservés aux chrétiens à la suite de l’édit de Dioclétien en 303, Adrien se convertit et subit à son tour la torture à Nicomédie (actuellement Izmit en Turquie). Ses bourreaux lui cassent chaque membre sur une enclume puis il est décapité avec une épée. Ce sont ces deux attributs qui permettent de reconnaitre ce saint martyr, revêtu d’une armure propre à rappeler sa fonction de soldat de haut-rang.
Il est le saint patron des soldats mais il est également invoqué contre les maux de ventre, mais surtout contre la peste comme saint Sébastien et saint Roch, auxquels il est parfois associé. En Bretagne, ce sont près d’une dizaine d’épisodes de « pestilance à boce » qui sont dénombrés dans la seconde moitié du 15e siècle et qui marquent durablement les populations. Le développement de lieux de culte sous ce vocable, placés sur des axes importants dans le nord du Morbihan, est attesté dans la seconde moitié du 15e siècle et jusqu’à la fin du siècle suivant. Il est sans doute à mettre en lien avec cette fonction thaumaturge du saint, alliée à une dévotion spécifique de la noblesse locale. On dénombre ainsi une vingtaine de sculptures représentant ce saint, dont une majorité dans le nord du Morbihan, avec une église et trois chapelles dédiées (Persquen, Langonnet, Le Faouët et Saint-Barthélemy), en lien avec des maladreries ou des hôpitaux, fondés généralement par la noblesse, qui y installent des ordres religieux." (Patrimoine & archives du Morbihan)
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Il est représenté ici en armure complète avec un plastron orné d'une croix, et une cotte de maille à bords en ointes. Une cape (ou mantel ) qui tombe à ses pieds et lui ceint en écharpe la poitrine, est décorée sur son galon d'un motif perlé identique à celui de la chape de saint Patern.
Les solerets sont placés sur les pieds. Ce type soleret à l'extrémité aplatie, dit en pied d'ours ou aussi en gueule de vache, apparaît à la fin du 15e siècle.
Les restes de polychromie qui ressortent sur la couleur verte du grès feldspathique associent le bleu, le noir et le blanc.
Son visage est identique à celui de saint Patern, et du saint Jean des Déplorations de Laz et de Plourac'h, affirmant l'attribution au Maître de Laz.
Il porte une toque à fond plat ornée de plusieurs médailles. Ce bonnet de feutre à bords relevés et la chevelure mi-longue sont caractéristiques des années 1500 ; on retrouve ces éléments également dans les portraits royaux de Charles VIII ou de Louis XII et de manière plus locale, dans le saint Adrien en calcaire de l'hôpital de Pontivy et dans la peinture murale de la Vie de saint Mériadec à l’église de Stivall (Pontivy).
L'épée qu'il brandit est brisée à la pointe
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Un bouclier en forme d'écu porte les armoiries des Clévédé d'argent à deux lions affrontés de gueules, tenant une lance d'azur en pal de leurs pattes de devant, en alliance avec une famille de Kerlosquet portant une croix dentelée (engrêlée) blanche (d'argent). Cette alliance figure aussi sur un écartelé du tympan de la baie 3, daté vers 1500-1510.
On les voit aussi présentées par un ange sur un blochet de la charpente de la chapelle du Rosaire, au nord.
Si on regarde attentivement le bouclier, on voit que le lion tient bien une lance.
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Partie supérieure de l'écartelé Clévédé/? du tympan de la baie 3. Photo lavieb-aile.
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A la Réformation de 1536 en Cornouailles, était présent pour Plourac'h Jehan Clévédé sieur de la salle demeurant au manoir de Guerlosquet (ou Jean Clévédé sieur de Guerlesquet), autrement dit Kerlosquet (Tudchentil.org). Guerlesquet /Guerlosquet/Kerlosquet est le nom d'un manoir de Plourac'h. Les auteurs estiment que Charles Clévédé épousa Marie de Pestivien, veuve en 1531, d'où ce Jean Clévédé, dont Marie, rendit l'aveu comme tutrice.
Il faudrait parler ici d'un blason mi-parti Clévédé/Kerlosquet, mais les auteurs parlent plutôt des armes de Clévédé en alliance avec celles de Pestivien, bien que ces dernières soient un vairé d'argent et de sable,
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Cet habillement militaire est caractéristique des années 1480-1500 et illustre la tenue d’un noble en armes. Charles Clévédé a sans doute commandité cette statue pour placer son portrait sous la figure d'un saint patronage.
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Saint Adrien s'identifie souvent non seulement par sa tenue d'officier, mais par son attribut, une enclume. Ici, c'est l'inscription SANCT [ou SAINT] ADRIEN gravée sur le socle, qui permet cette identification.
Au milieu est figuré un emblème à deux outils entrecroisés. Il me semble que ce sont les outils d'un tailleur de pierre, des taillants ou layes, sorte de haches à deux tranchants, l'un étant ici plus évasé que l'autre.
Le Maître de Laz aurait ainsi revendiqué son intervention, dans une situation identique à celle des écussons des Clévédé sur les autres statues. L'emblème est placé au centre d'un élément rectangulaire plus élaboré qu'il y parait, car ses bords sont soulignés par un cadre, lequel reçoit deux encoches rondes.
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II. SAINT PATERN (grès feldspathique polychrome, vers 1527).
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Saint Patern, premier évêque de Vannes, est représenté avec sa mitre, sa crosse (brisée), sa chasuble aux quatre plis en becs, sur une cotte dissimulant les chaussures. La chasuble est bordé par un galon perlé, qui vient former une croix frontale. Les cheveux mi-longs et bouclés sont identiques à ceux de saint Jean et de saint Adrien, et sont conformes à la chevelure à la mode au début du XVIe siècle.
L'écu placé entre ses pieds reprend les armoiries mi-parti du bouclier de saint Adrien, celles des Clévédé en alliance avec une famille à déterminer.
Un entrait de la chapelle nord porte une inscription de fondation précisant clairement le nom et le prénom du fondateur, Charles Clévédé, ainsi que le début du prénom de son épouse, les auteurs lisant soit Marguerite, soit plus rarement Marie.
L'inscription mentionne une date, lue soit comme 1500, soit comme 1506, avec une imprécision sur ce dernier chiffre.
D'arbois de Jubainville considère que ce couple est celui de Charles Clévédé et de Marguerite Lescanff. Les Le Scanff, alias Le Scaff portent d'argent à la croix engrêlée de sable, et non de sable à la croix engrêlée d'argent. On les retrouve (pleine ou en alliance avec Le Juch) sculptées dans le bois de la clôture de la chapelle Saint-Nicolas de Priziac.
Cette statue de 82 cm de haut, 50 cm de large et 42 cm de profondeur a été restaurée par Arthema en 2015-2016 comme les précédentes. Le site POP signale qu'elle est en "granit de kersanton" [sic! ] mais elle est bien en grès feldspathique . Elle occupait (provisoirement ?) lors de ma visite une niche cintrée du bras sud du transept, et était couverte de fins gravats.
Sainte Marguerite d'Antioche est, selon la tradition iconographique, représentée mains jointes sortant (non dit "issant") du dragon qui s'était permis de l'avaler. Elle est encore engagée jusqu'aux cuisses dans le corps verruqueux de l'animal. Elle est élégamment coiffée d'un bonnet semblable à la coiffe d'Anne de Bretagne, et vêtue d'une robe à décolleté carré, bouffantes sur les épaules, à manches fendues (aux pans réunis aux poignets par un lien et un bouton) pour laisser apparent la fine étoffe de la chemise, laquelle frise aux poignets et autour du cou. Cette robe rouge pâle est serrée par une ceinture en linge blanc. Le capuchon de sa cape retombe dans son dos à la mainière d'un bandeau.
Le dragon est représenté de face, avec une tête carrée, un front bouclé, de gros yeux ronds et une gueule dont les crocs sont posés sur la langue. Il est d'usage de montrer ce monstre en train de tenter d'avaler le bas de la robe de Marguerite, mais ce n'est pas bien visible ici.
La présence de cette sainte a-t-elle à voir avec le prénom de l'épouse de Charles Clévédé, seigneur omni-présent dans ce décor ?
Elle était jadis du côté nord, sur une console en granite en hauteur sur le mur ouest de la chapelle des fonts (E. Le Seac'h) .
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IV. AUTRES STATUES : UNE VIERGE DE PITIÉ EN LARMES, XVIe siècle, pierre polychrome.
Cette très belle statue en pierre, classée Mh depuis 1912, est posée sur une console ornée d'un rinceaux d'acanthe centré d'un blason des Clévédé, ce qui la relie à l'ensemble précédent. Elle est datable du XVIe siècle ; mais puisqu'elle est indépendante de son support, nous ne pouvons la placer qu'avec prudence dans le cadre du mécénat de Charles de Clévédé.
Je crois bien reconnaître en effet ici, dans le contour des traces de martelage, celui des deux lions des Clévédé tenant la lance au centre.
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Armes de Clévédé, tympan de la baie 3 de Plourac'h. Photo lavieb-aile.
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La Vierge de Pitié a été restaurée en 2015-2106 par Arthema Restauration qui lui consacre un dossier. Selon celui-ci, elle serait en granite polychrome, et les très nombreuses usures du décor actuel (moderne) laissaient apparaître des traces d'un décor ancien, dont la robe dorée, et sur le socle, le reste d'une couche de préparation à l'ocre rouge. Les repeints plus récents ont alors été supprimés pour mettre à jour le décor d'origine.
Nous découvrons aujourd'hui une Vierge assise, la tête au regard triste tournée vers la droite et ne regardant pas son Fils. Elle tient le corps de ce dernier sur son genou droit, l'autre genou étant plus fléchi. Le Christ barre en diagonale la composition, il est tourné vers le spectateur, la tête en extension. Les bras sont dans la posture la plus courante, bras droit (apume en pronation) vertical le long de la jambe de Marie et bras gauche horizontal. Il porte la couronne d'épine et ses cheveux longs tombent en voile sur ses épaules. Il porte un pagne doré. Les côtes du torse sont très apparentes et prsques horizontales.
Sa Mère soutient la tête d'une main, et le bassin de l'autre.
Elle porte, comme c'est la règle, la guimpe blanche, et un voile-manteau encadrant son visage en formant deux plis sur le côté et un pli frontal, ce qui écarte les ailes et révèle le revers rouge du tissu.
Ce manteau est bleu, constellé de fleurons dorés en quintefeuilles, et il est bordé d'un large galon doré souligé de deux traits rouges. Il recouvre par son plissé les jambes, ne dévoilant que l'extrémité d'une chaussure noire à bout rond.
La robe à encollure ronde est dorée.
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Lorsque je me rapproche, je pense aux Vierges de Pitié de Bastien et Henry Prigent, les sculpteurs sur kersanton de Landerneau ; ceux-ci furent actifs de 1527 à 1577.
Mais je ne connais même pas le matériau exact de cette statue ; et nous sommes assez loin de Landerneau et de la sphère d'activité des Prigent. J'examine néanmoins l'une de leurs Vierge de Pitié, celle de Tar-ar-Groas à Crozon : de nombreux détails sont partagés avec la Vierge de Plourac'h.
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D'autre part, je découvre en me rapprochant encore les trois larmes sous chaque œil, ces trois larmes qui ne sont pas spécifiques, mais qui sont si fréquentes sur les Déplorations et Pietà des Prigent !
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Comparons encore avec une oeuvre des Prigent, la Vierge de pitié de Lambader à Plouvorn :
Chapelle de Lambader à Plouvorn, photo lavieb-aile.
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Chapelle de Lambader à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
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À Plourac'h, le visage est moins rond, mais la bouche est, comme chez les Prigent, petite et faisant la moue.
En définitive, je ne peux pas attribuer, seul, cette Vierge de Pitié de Plourac'h à un atelier particulier, surtout tant que le matériau dans lequel elle est taillée (et dont le grain fin n'évoque pas le granite) n'a pas été affirmé avec certitude.
Ce qui est certain, c'est que les trois larmes de son visage la font appartenir à un groupe bien défini en Bretagne, et notamment en Finistère, tant en sculpture sur pierre qu'en peinture sur verre. Et que ces larmes renvoie à cette méditation participative devant les souffrances du Christ, qui deviendra rare au XVIIe siècle disparaitra complètement au XVIIIe siècle.
Le nombre des Vierges de pitié en kersanton dans le Finistère est très élevé, car on les trouve, sur le soubassement ou au nœud d'un croisillon, sur de très nombreux calvaires sortis des ateliers landernéens des Prigent (1527-1577), du Maître de Plougastel (1570-1621) et de Roland Doré (1618-1663), ou d'ateliers anonymes.
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Les Vierges de Pitié et aux Déplorations des Prigent (E. Le Seac'h):
— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, Les Pietà du Finistère. numéro 69 de la revue Minihy-Levenez de juillet-août 2001. L'auteur y étudie une centaine de Pietà et de Déplorations.
"LES LARMES DE MARIE. On sait combien le Moyen Age a apprécié le don des larmes, un don que des temps prétendument policés se sont ·attachés à refuser. Nos sculpteurs sur pierre du XVIe siècle, dans les ateliers de kersanton, pour mieux marquer la douleur de la Vierge et parfois celle des personnages qui l'assistent dans les grandes Pietà, quant à eux, se sont emparés de ce moyen expressionniste fort populaire, n'hésitant pas à sculpter sur les joues des larmes en relief. Coulant sous les paupières, ces larmes marquent le haut de chaque joue d'un triple jet, formé de traits bien symétriques. A Brignogan, Chapelle-Pol , à La Forest-Landerneau, au Bourg-Blanc, Saint-Urfold, à Plomodiern, Sainte-Marie du-Ménez-Hom, à Lothey, croix de Kerabri, dont nous avons parlé plus haut. A Plouvorn, Lambader, la Vierge de Prigent élargit ses larmes en gouttes qui s'étalent sur les joues. On remarque, dans la grande Pietà de Plourin-Ploudalmézeau que si les quatre personnages d'accompagnement portent les mêmes triples larmes, en flots exactement mesurés, la Vierge en a le visage tout couvert, de la même manière qu'en avait usé le sculpteur de la pietà du calvaire du Folgoët, un siècle plus tôt. Les larmes qui ne sont pas en relief sur les statues en bois viennent agrémenter la polychromie, à Logonna-Daoulas et au Huelgoat. Ces larmes peintes coulent de manière naturelle et réaliste sur le visage penché de la Vierge de Pencran. Alors que ces larmes peintes sont plutôt rares, on les voit dans la très belle Pietà de Plouarzel où la Vierge approche de sa joue un grand mouchoir pour les sécher."
— NAGY (Piroska), 2000, Le Don des larmes au Moyen-Âge : un instrument spirituel en quête d'institution VIe-XIIIe siècle, Albin-Michel.
Tous les auteurs indiquent qu'elle est installée, dans le bras nord du transept, sur une console portant les armes en alliance du seigneur de Clévédé et de son épouse "Marie de Pestivien". Mais je ne trouve pas ce blason lors de ma visite (ou bien il correspond à l'un des supports décrits précédemment).
Le site POP culture la décrit comme un groupe de 153 cm de haut, au revers évidé, du XVIe siècle.
Elle ne semble pas avoir été restaurée, bien que la main gauche du Père et ses pieds soient restitués, et la peinture est en mauvais état. Le bras gauche du Christ est brisé. La colombe est absente.
Dieu le Père est figuré en pape avec tiare ... à quatre étages et chape rouge sur une cotte talaire blanche, il est assis sur une cathèdre. Il tient entre ses jambes le Christ (86 cm de haut) qui est nu hormis le pagne, couronné d'épines et debout sur le globe terrestre, montrant ses plaies.
Ce groupe peut donc être décrit comme une Trinité souffrante, ou Trône de grâces.
V. RESTE D'UNE MISE AU TOMBEAU : NICODÈME TENANT LA COURONNE D'ÉPINES (bois polychrome, XVIe siècle)
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Cette statue d'applique à revers évidé mesure 134 cm ; elle est vermoulue, en mauvais état, avec peinture de surpeint et polychromie écaillée, et il manquerait un attribut dans la main droite.
Cette statue de Nicodème participait certainement jadis à une vaste Mise au tombeau (ou à une Déploration comme à Locronan et à Quilinen par exemple), scène dans lesquelles il est placé aux pieds du Christ et tien la couronne. C'est dire l'importance que prend ce thème à Plourac'h.
Nicodème est figuré avec les codes d'identification des Juifs (il est membre du Sanhédrin) que sont la barbe longue, le bonnet conique à rabats (plus proche ici d'un bonnet) et le bord frangé de touffes dorées de sa tunique, mais la chape est moins orientalisante, surtout avec ses repeints modernes à fleurons dorés. Les chaussures sont rondes et élargies en patte d'ours.
Il tient respectueusement la couronne d'épines par l'intermédiaire d'un linge (ce qui renvoie aux linges entourant les reliques de la Sainte Couronne depuis saint Louis), mais ce linge repose sur ses deux avant-bras et pourrait aussi être vu comme nécessaire à la mise au tombeau et à ses préparatifs.
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VI. AUTRES STATUES.
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Saint Jean-Baptiste.
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Saint Jean.
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Anne trinitaire ; Jésus guide Marie dans sa lecture des Écritures. Bois polychrome, surpeint, XVIe siècle. Bas-côté sud.
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Saint Sébastien.
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. Saint évêque.
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Saint abbé (saint Maudez ?), bois polychrome, début XVIe siècle.
— CHAURIS (Louis), 2010, Pour une géo-archéologie du Patrimoine : pierres, carrières et constructions en Bretagne Deuxième partie : Roches sédimentaires, Revue archéologique de l'Ouest.
Des niveaux gréseux affleurent au sein des schistes bleus du bassin carbonifère de Châteaulin. Tous les intermédiaires apparaissent entre des schistes gréseux encore fissiles, riches en minéraux phylliteux, et des grès feldspathiques plus massifs, caractérisés par leur teinte verte ou gris-vert. Le faciès gréso-feldspathique est formé de quartz non jointifs – ce qui facilite le façonnement – et de plagioclases, moins nombreux, dans un fond phylliteux qui rend compte du caractère tendre de la roche (la nuance verdâtre est due à la chlorite). Ce grès feldspathique fournit de beaux moellons et des pierres de taille, voire même des éléments aptes à la sculpture (Eveillard, 2001).
Ce matériau a déjà été utilisé dans la cité gallo-romaine de Vorgium (aujourd’hui Carhaix – cf. photo IV). Son emploi, à nouveau attesté dès le xvie siècle, prend une place essentielle dans les constructions, à Carhaix et dans ses environs : manoir de Lanoënnec (porte avec cintre en deux éléments, fenêtre avec linteau à accolade) ; manoir de Crec’h Henan (xviie siècle ? avec beaux moellons) ; manoir de Kerledan (xvie siècle, avec érosion en cupules) ; château de Kerampuil (1760, soubassement) ; Kergorvo (portes) ; manoirs de Kerniguez : grand manoir (superbes moellons) et petit manoir (moellons pouvant atteindre un mètre de long, en assises d’épaisseurs diverses, correspondant à la puissance des bancs dans les carrières). A Carhaix même, dans la maison du Sénéchal (xvie siècle), belle cheminée à l’étage. On retrouve ce grès dans les élévations de l’église de Plouguer, ainsi que dans celles de l’église de Saint-Trémeur (parties du xixe s.), dans la façade occidentale de la chapelle du couvent des Hospitalières (xviie siècle) ou au manoir de Maezroz près de Landeleau : photo V, VI… (Chauris, 2001c).
Les Travaux publics ont également fait appel à cette pierre locale. Dans les ouvrages du canal de Nantes à Brest (première moitié du xixe siècle), toujours aux environs de Carhaix, elle a été utilisée sous des modalités diverses : en beaux moellons pour le couronnement du parapet d’un pont près de l’écluse de l’Île ; en petits moellons pour le soubassement des maisons éclusières de Pont Dauvlas, de Kergouthis… ; les faciès plus schisteux – et par suite plus fissiles – ont été recherchés pour le dallage médian des bajoyers de quelques écluses (Kervouledic, Goariva), voire comme dalles devant la maison éclusière (Goariva…). De même, les infrastructures ferroviaires ont aussi employé ce matériau local (pont franchissant le canal au sud-est de Kergadigen).
Mais cette pierre n’a pas été recherchée uniquement autour de Carhaix ; en fait, elle a été utilisée un peu partout dans le bassin de Châteaulin. À Pleyben, dans l’église paroissiale – qui remonte en partie au xvie siècle – le grès vert joue un rôle essentiel en sus du granite : élévation méridionale ; sacristie édifiée au début du xviiie siècle (le grès est alors extrait des carrières de Menez Harz et de Ster-en-Golven) ; la même roche a été aussi utilisée pour l’ossuaire (xvie siècle) et l’arc de triomphe (xviiie), où elle présente quelques éléments bréchiques. également à Pleyben, la chapelle de Gars-Maria, y recourt localement en association avec des leucogranites. À Châteauneuf-du-Faou, dans la vaste chapelle Notre-Dame-des-Portes (fin du xixe siècle), ce grès est en association avec divers granites ; les traces d’outils de façonnement y sont très nettes sur les parements vus. Comme aux environs de Carhaix, les grès verts ont également été recherchés, plus à l’ouest, pour l’habitat.
Ces grès ont aussi été mis en oeuvre dans la statuaire : parmi bien d’autres, évoquons les statues dressées au chevet de l’église de Laz, la statue de Saint-Maudez au Vieux-Marché (Châteauneuf-du-Faou), celle de Saint-Nicolas dans la chapelle N.-D. de Hellen (Edern), plusieurs personnages du célèbre calvaire de Pleyben… Quelques éléments de la chapelle – ruinée – de Saint-Nicodème, en Kergloff, ont été remployés lors de la reconstruction de la chapelle Saint-Fiacre de Crozon, après la dernière guerre ; en particulier de superbes sculptures d’animaux ont été emplacés à la base du toit dans la façade occidentale (Chauris et Cadiou, 2002).
Cette analyse entraîne quelques remarques de portée générale.
Dans un terroir dépourvu de granite, artisans et artistes locaux ont su mettre en œuvre un matériau qui, au premier abord, ne paraissait pas offrir les atouts de la « pierre de grain » qui affleure au nord et au sud du bassin.
Ce matériau local, utilisé dans les édifices les plus variés, confère au bâti du bassin de Châteaulin une originalité architecturale. Son association fréquente aux granites « importés » induit un polylithisme du plus heureux effet. Parfois, le grès a même été exporté vers les bordures du bassin, au-delà de ses sites d’extraction.
Du fait de ses aptitudes à la sculpture, le grès vert a été très tôt recherché pour la statuaire. Il joue localement le rôle des célèbres kersantons de la rade de Brest, à tel point que, dans un musée dont nous tairons le nom, une statue du xvie siècle, a été rapportée au kersanton, alors qu’en fait elle est en grès vert : hommage inconscient à ce dernier matériau !
L’emploi de cette roche singulière, constant pendant plusieurs siècles (au moins du xvie au début du xxe siècle) paraît aujourd’hui totalement tombé dans l’oubli. Ses qualités devraient susciter une reprise artisanale, tant pour les restaurations que pour les constructions neuves."
— COUFFON (René), 1939, "Répertoire des églises et chapelles du diocèse de Saint Brieuc et Tréguier" page 174[390] et suiv.
— COUFFON (René), 1958, L'Iconographie de la Mise au tombeau en Bretagne In: Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne vol. 38 (1958) p. 5-28.
— ÉVEILLARD (Jean-Yves), 1995, Statues de l'Antiquité remaniées à l'époque moderne: l'exemple d'une tête au cucullus à Châteauneuf-du-Faou (Finistère) Revue archéologique de l'Ouest année 1995 12 pp. 139-146
—LE SEAC'H (Emmanuelle), 2015, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, Presses Universitaires de Rennes pages 249-250.
— OLLIVIER, (Sophie), 1993 -L'architecture et la statuaire en grès arkosique dans la vallée de l'Aulne centrale. Mém. de maîtrise d'histoire (inédit), J.Y. Eveillard, dir., U.B.O., Brest, 2 vol.
:
1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
"Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)